Histoire et archeologie des Causses et Gorges du tarn

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Histoire et archeologie des Causses et Gorges du tarn
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J ' llESftf{EET A8CHtOtOIE
DES
Causses et Gorges dli Taro
MEMENTO
par
Marins BÂZM$ZI.E
Ancien amateur do ta Il Bene des Provinces do Franco
•r
Lauréat de l'Institut
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MENuE
lapriaterto Houri CEL,TÀL - Allée des Soupirs
1936
L)
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DU MÊME AUTEUR:
Les richesses du sous-sol de la Lozère.
Aperçu géologique sur le département de
la Lozère.
Histoire du Gévaudan (en collaboration
avec Albert .Grirnaud). Préface de Camille iujlian, de l'Académie Française.
L'enseignement de l'histoire nationale est
une nécessité.
La t Revue des Provinces de France ».
Lavandes et Genêts, Impressions et Contes du Gévaudan.
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Six mois en Sibérie (en collaboration
avec Paul LACET). Préface de Charles
POMAnET, ancien sous-secrétaire d'Etat.
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Charles POMARET
Député de la Lozère
Ancien Soui-Secrétaire d'Etat
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IHISTOÏRE Et.ARCHEOLOOIE
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t1ausses et Morqes du îaril
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. PPÉhistDiv(et'.PrOtûhlstoire : Ld Sti des
Baun1csthag dEs.- 'GpOttcs stpulcrales,
monuments nigaIlthIques; dolmens, tumalus; caj barrÉs. uaIes et tSnles
Gvequcs -- La croix lemme &us les
.:tausses..-- Le !' Pàgus Gahailcus ".
L'histoire desCatisses et Gorges
du Tarn est béé à celle du GévaudAn et du Rouergue, riche en épisodes à toutes les époques de notre
passé.
Les:Causses révélus de forêts, ont
été peuplés dès une haute antiquité.
Ils ont dû servir d'habitat à des
tribus Venues de l'Ouest ou refoulées,
par diverges invasions, des pays si-
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'tués sur les talus sud du Plateau
Central. Les grottes, qui abritaient lies
fauves, l'ours des cavernes, n'ont
gas révélé des restes certains de
1 hom.he paléolithique. Mais les recherches faites par l'Abbé Alexis Salanet, le docteur Prunières. Louis de
Malafosse, Broca, et actuellemîent,
par le docteur Ch. M'orel, L. Balsan,
le chanoine J. Bessouche, Gilbert de
Chambrun, ont démontré que cette
région a été peuplée par les n&*lithiques. Grottes sépulcrales, célèbres dans la science préhistorique:
Nabrigas, Homme - Mort, BaumesChaudes; dolmiens, tumulus, ont livré quantité de squelettes et d'objets
de l'age de la pierre polie, du bronze et du fer. Ibéro-Ligures. Celtes..onf
laissé ici les traces nombreuses de
leur présence. La race dite des Baumes-Chaudes, du nom die la caver
ne située sous « Casa Duc», sous la
Maison du Chef, le Point Sublime, est
l'une des trois races néolithiques. Camille Jullian a écrit: (1) 'La race
dite des Hauinles-Chaudes (Lozère).
semble bien dériver de la race magdalénienne dite de Cro-Magnon. On
la dit dominanle dans l'ouest ».
Les recherches relatives à l'indice
céphalique tendent à prouver que
(1) Ca mille .1 ULLIAN, De hi Gonfr
à la Fiance, Paris, 1923, p. 40.
-9---dette race autochtone était do1icho
céphale. au crâne allongé. Elle fit
place, pas à pas, sans doute après
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de furieux combats, aux brachycé4phales, hommes au crâne court et
Large, venus d'Asie.
La trépanation existait déjà. Prunières. et après lui Morel ont trou-
- 10 les
grottes et doltnèns des
vé dans
crânes perforés. des rondelles elliptiques découpées dans un pariétal humain. Broda présentait au Congrès
anthropologique, tenu à Budapesth
en 1876, un mémoire, où il démontrait
qu'on pratiquait, au néolithique, la
trépanation chirurgicale. afin de guérir certaines maladies ou blessures,
et la trépanation posthume, dans un
but sans dôutc religieux.
Les Causses de la Lozère et de
l'Aveyron constituent l'une des régions les plus riches de France en
mlonuments mégalithiques. Il faut ai1er jusqu'en Bretagne pour observer
une affluence pareille de ces to$beaux. édifiés par nos lointains ancêtres. Quelques vieux chemins qui
• parcourent nos - Causses, peuvent être
assimilés à la Voie Appienne. Sur plu
sieurs kilomlètres, ils sont jalonnés
de restes funéraires. Adrien de MorLillet comptait, en 1905, 457 dolmens
pour l'Aveyron et 213 pour la U>zère (1). Depuis, les nouvelles découvertes ont augmenté ce nombre.
Ces monuments ont fourni un mobilier fort instructif pour l'étude de
la préhistoire et de la protthistoi
re
Parmi les objets recueillis, figurent
avec les haches, hachettes pointes de
(1) A. DE MORTILLET, Les monuments
mégalithiques de la Loztre. Paris, 1905.
- Il lances et de flèches, lamies en silex,
des objets de parure, perles et pendeloques. faites avec: des dents d'aniniiaux. des coquilles perforées. des
morceaux de jayet, de l'ocre compac
te 4e la corne de cerf.
A l'age du bronze (250`0 900 av. J.
C), nous devons le trésor ms au
jour par une trombe d'eau' s'abattit le 29 juillet 1874, sur le Causse Méjan montagne de Rivalte, donmune de Saint-Chély-du-Tarn. Lbne des richesses du mée de Mende, il comprend: plusieurs coupes en
bronze. de form'e élégante ;. des bracelets. pleins, ornés de Losanges et
de filets; des boutons, une bague,
des disques ornés.
Il est curieux aussi d'observer qu'une jolie statuette de bronze, exposée
dans une vitrine de la Maison Carrée
à Nîmes. qui représente Isis allailaitant Horus. a été trouvée dans
une source, sur le Causse du Larzac,
près de La Cavalerie. Les coquilles
marines percées témoignent aussi des o
relations que nos montagnards ibéroilgures avaient avec les peuples du
lilloral méditerranéen. Les grains de
verre bleu émiaillé de blanc, découverts par le docteur Prunières dans
un dolmien, paraissent encore de fabrication égyptienne (la Maison Carrée .,à Nîmes, possède un beau vase de verre bleu, émtaillé de blanc,
trouvé dans la tombe d'un prêtre d?lsis, à Nimles). Non loin, Cavaillacpos
-- 12 sède sa fontaine d'Isis. Le .contact
avec la Méditerranée, par Nîrnès, et
avec leseolonies grecques qu'attestent les nom de lieux (Paros, Mimas). lés monnaies barbares imitées
des types helléniques. devait s'affirmer aux siècles suivants. Les Gaulois Gabales furent toujours en liaison avec les Volques Arécornques,
de la Tribu Voll.inia, leurs voisins de
L'A•ger Neniusensis, du terroir de
Nîmes, stabilisés sous le rempart cévenol et caussenard.
Car les Celtes ou Gaulois, à leur
toun avaient pris pied dans nos ontagnes. Les grandes épées de fer d'âge de Hallstatt et de la Tène (âge
du fer), exhumées des tnn*ilus,projen.nent sans doute deux ou dè leurs
prédécesseurs irniùédiats, les IbéroLigtires.
Près de l'Aven Armiand. en 1899.
F. Delisie et A. Viré, ont exhumé
d'un monticule de pierres un squelette, couché les • pieds vers l'Orient.. Sa
G main droite tenait une grande épée
de fer. la poignée fixée à la laSe par
trois rivets de bronze. Entre les
jambes. se trouvaient deux belles cupules de bronze, l'une historiée au
repoussé (1). Le dessin, en pointillé,
(1) Docteur F. DELISLE et A. VrnE.
Recherche, de préhisf'fire dans le département de la Loz4re, Paris, 1899, p.
7 et Revue du Club Cévenol, 1900, p.29
13 représentait la croix gée ou swastika, que les troupes d'Hitler ont popularisée et que -la dernière imtïératrice de Russie fente de Nicolas II
avait dessinée dans l'embrasure d'une
fenêtre de sa chambre, à Ekaterinjbourg, au mois d'avril 1918, quelques
emtnes avant son assassinat.
Notons encore les constructions des
cars barrés, ces rørnlparts frustes, en
pierres brutes, qui femiaient l'isthme
opposé à la pointe d'une hauteur,
d nu escarpeknent, d'un mamelon. Et
quels sont les settipteurs des singullàres statues-mènhirs. .qui font songer
aux totems des peuplades primitives
donteSporatttes.
Les tribus gauloises qui occupaient
les territoires actuels de la Lozère et
ae l'Aveyron, étaient celles des Gaba,les et des Rutènes, Le géographe grec
Strabon. le naturaliste latin Pline, les
citent. César, dans ses c Commentai.
res sur la guerre des Gaules ',au livre V1J. les ntntionne. Peuples de la
Celtique. clients ou alliés des Arvernes. ils luttent pour l'indépendance
de la Gaule et ravagent le territoire
des Rutènes Provinciaux, alliés des
Romains. Ils fournisseijt des con
tingents à l'armée de secours, destinée à délivrer Vercingétorix, assiégé
dans Alésia (52 av. J. C.) et vaincu.
Les Gabales formaient une tribu
libre, qui eu[ l'honneur, d'après SLrabon, d avoir sou nom gravé sur la
- 14 statue (lui la représentait, dans le
temple construit à Lyon, au cor(fluent du Rhône et de la Saône, à
frais coln!rntrns, par les soixante peur
p1ades des trois Gaules. Fait digne
de remarque: les empereurs romains
qui proédèrenL souvent à des partages de territoires, eonsert?a-ent l'intégrité du flagus Gabalitus. dans ses
Limites naturelles qui sont toujours
celles du département de la Lozère
à l'est, la Borne et l'Allier, jusqu'au
confluent de la Desge; au Nord, la
Desge et la Truyère à l'ouest. le Bès,
l'Aubrac jusqu'au Tot ; au sùd, la
j oute, I'Aigoual ét les premières crêtes des Cévennes.
- 15 Ti
Lea poteries de Banassac et de la braufesenque.— Le fromage du Pays des liahaies
et P11118 rnncien. - Les VOie gallo-romime. - L'vangt1lsatIon. Saint Pvuuat et
Saint Amans. -- Sidoine ftpotiinain et le
Propenipticon S llhailum.
La Gaule pacifiée, parcourue par
des voies dont se décèlent encore les
traces. fut divisée en Cités. Gabaies
et RutMes.comJpris dans la Province
d'Aquitaine, eurent pour chefs-lieux:
Gabalum (Javols) et Segodunum (110dez.
Des ateliers de cératqùe prospérèrent au creux des Causses, eportant leurs produits dans toutes les
Gaules et au-delà. Les poteries de la
Graufesencue
ne (ter s. après L-C.). fabriquées à
(près Miltau). au Rouer et à Banassac, ont
une pâte rouge, protégée par un
gnifique vernis inaltérable. Ces vases sigillés ornés de dessins très artistiques et des marques de leurs potiers, enrichissent les vitrines de plusieurs musées d'Europe. Les vases
de Banassac se spécialisaient par des
légendes décoratives. Un bol rouge
- 16 de dette officine, trouvé à Pompéi,
porte sur sa panse la légende: c BiSe amiice de meo.. Bois, ami, ce que
je contiens. Les ateliers de la Grauipesenq,ue ont été le siège principal
de l'industrie des vases sigillés au let
siècle de notre ère. C'est de là qu'anlérieurement à l'ensevelissement de
Pomipéi. les marchés de la Campanie
et de la côte d'Afrique, m'ais surtout
ceux de la Gaulé, de la Péninsule
ibérique et de la Bretagne, recevaient
une partie considérable de ce genre de vases.
'Les potiers de Banassac eurent Vidée originale d'expédier dans les
principales provinces avec rsaiiellew
ils trafiquaient, des vases A inscriptions ethniques, fabriqués spécialement pour chacune d'elles (1). Les
graffites tracés sur de simiples assiettes, transcrits par M l'abbé liermJet, curé de l'Hospitalet, ont permis ide connaître tes dix premiers
nombres ordinaux gaulois (deux seuls
étaient connus). Ces inscriptions ccldqucs précieuses nous ont appris
qu'au rpremier siècle de notre .ère, du
(1) 4 .!. DÉCHELETTE, Les vases céramiques muées de lu Gaule romaine, Paris,
1904, L p. 65 et 125 Fréd BRaMEr, La
Graufesenque, Paris, 1934..
- 17 nord au midi, • la langue nationale,
c'est. du Gaulois (1).
Pline l'Ancien rangeait les liuteni
parmi les cinq çités qui fabriquaient
des tsus de lin. 4u livre XI de son
Histoire Naturelle, il consacrait un
chapitre aux fromages: Deditersilate caseoruM « Les fromages des provinces, disait-il, les plus estims A
Rouie sont ceux qui viennent de Nimies, du Lozère et du pays des Gahaies ». A dix-neuf cents ans de distance, les fromages bleus vendus chaque semaine dans les m4rdhés lozériens. fabriqués avec du lait de vaclic, s'appellent encore: fromhgcs du
pays. E. REISSER, dans une étude publiée en 1901 (2), écrivait
« Il nous semble qu'il convient,
d'établir une distinction parmi les fro
mages reçus A Borne; d'un côté, il
s'agissait d'un frotn.ge fait avec du
lait de brebis dans le pays de Nîmes
peut-être bien près de Roquefort, et
de l'autre, d'un fromage fait dans k
Gévaudan, en Lozère. avec du lait
de vache'.
(1) J. Lo'rn, Les graffites gaulois de
Graufesenque, Paris, 1924, p. 60.
(2) Edm. REI5SLER, Pline l'Ancien ci
la
le caseus Lesurœ Gabelle! que pagi mus
• tees, Bull. Soc. d'Agr. sc. e; Arts Loz2n. Mende, 1901.
- 18 Le caseus de Pline deviendrait ainsi l'ancêtre du Roquefort.Nous ne
le pensons pas. Le r1 ays des Gabales
touchait, par la région du Lozère,
à la contrée die Nîmes, avec qui les
relations comrmerciales étaient nombreuses. l'abondance des mkrnnaies co
loniales découvertes à l'effigie du
Crocodile le prouve. et 'd'où ses fromages étaient expédiés à Home. Le
terroir est doublemfent mentionné par
l'auteur latin, qui ne parle pas Ici des
Rutènes.
Pliùe le naturaliste a simplement
confondu le territoire avec la montaFet, pour désigner le Pays des
lcs s'est servi des deux dénominations.
Le christianisme apparaissait. Saut
Privat. apôtrc du Gévaudan, fut ntartyrisé par une horde d'Alarniis eur
les pentes du Mont Mim!. dans la
deuxième moitié du JJJe siècle. Mende naquit et :e développa auteur de
son tombeau. Gréoire de Tours.qui
écrivait au . , v» siecle, • nous a livré
dans son « Histoire des Francs », - le
récit de la mort de l'évêque des GabMes (1). Saint Amns évangélisa le
Rouergue.
(1) Sur l'évangélisation du Gévaudan.
Cf. A GrnMAUD et Marius BALMELLE%
Précis d'il (sbire du Gévaudan, 1925 p.,*
83-91.
- 19 Les Causses, sous les Gallo-Romins. devaient être plus peuplés crue
de nos jours. Les centres de fabrication des poteries l'indiquent. Iis
étaient situés. il est vrai, dans les vallées profondes qui balafrent les ta61es calcaires. Sur ces étendues. alors
boisées - des domaines ruraux, vili,colonges (eoIoniCe), devaient aussi
exister. Les nombreuses localités aux
noms terminés par le suffixe ac, paraissent le prouver : Florac, bien
fonds de Florus ; Ispagnac, villa
d'Hispanus ; Quézc, domine de
Quietus Sévérac, eastrun de Severus.
Plus tard, au Ve siècle, Lors de la
ruine de l'empire ronajn d'Occident,
un lettré, Sidoine Apollinaire, évêcrue des Arvernes (431489), décrira
certaines de ces villas. Dans un pue nie intitulé: Propem'pflmin MII libeI-•
lunib le panégyriste des empereurs
Avitus et Majorien louait dans ses
vers le Tarn, aux ondes rapides qui
nourrissait un poisson - la truite
sans doute, que nous pêchons encore - A la chair ferme et savoureuse. Non loin de ceTaru. qui gronide souvent, au nomévocateur du
dieu gaulois du tonnerre: Taranis,
était située la villa de Trévidon, de
Saint-Laurent-de-Trèves, où Tonance
flrrol. ancien préfet des Gaules, aitendait son aitta, lyrique voyageur.
•.fl
- 20 III
Sldoine flpollinalre et les Vlsigoths. -- Les
Frants à la ifidiène.-- Sainte Enimie, sur
du roi Uagohert.
Les Barbâres, auxiliaires des Romains, s'emparèrent peu Ii peu de la
puissante de leurs maRres livrésaux
stupres de la décadence. 'Les Goths
créèrent un vasle royaume et pnrentpour capitale Toulouse. Le PIgus Gabalicus leur fut cédé avec
l'Auvergne, en 475, par l'empereur
Jules Népos.. à la chute de I empire
romain d'Occident.
Sidoine Apollinaire approcha leurs
rois Euric et Théodoric, dont il dpeignit, en des pages hiùgés pititoresques, la cour, les familiers, ain-.
si que les murs de. ces foules £
demi sauvages qui propageaient l'ariaaismè. Le vénéré ponLifed'Augystonein'etum souffrait dans sa culture
gallo-latine, dans ses sentiSents 'de
atrite et de croyant. La dégradation des m¼turs amenait, une nouvelle fois, la destruction d'une civilisation trop raffinée. Une rusticité, vio
lente et forte. friomp'hait des cIadins. efféminés dans leurs plaisirs'
L'évêque Sidoine nous a livré, avec.
ses £arSna et ses EJpistol, de curieux détails sur cette époque, qui
- 21 vit, disparaître un fabuleux empire
Le livre qu'il envoyait aux neveux de
Victorius: Justinus et Sacerdosdécrivit pour la pretnlière fois notre
oan de Gabalie.
La possession de nos terroirs par
les Visigoths fut de courte durée Après la bataille de Vouillé (507). ils
ne conservèrent pie la SeptùnWiIe.
aux marches des (susses. Thierry 1er.
fils de Clovis, roi d'Austrasie, devint
détenteur de la portion de l'Aquitaine
qui comprenait les pays des Cabales
et des Butènes. Il les occupa en 533.
D'après la tradition, lui ou son
fils Théodebert aurait wnpé à La
Malène, où s'était -réfugié, au Castel Merlet, l'évêque des (labales, Saint
Hilaire,
Quelques années plus tard, su début du Vile siècle, une vierge et.prinr
cesse mérovingienne, Enhnae, 011e de
Clotaire II et soeur du roi Dagobert,
atteinte de la lèpre, retrouvait lasanté en se baignant dans les eaux cristallines de la fontaine de Burle. Un
troubadour du XII1 e siècle, Bertran
de-Marseille a chanté, en vers roMus, la vie sainte de la princesse,
qui ne re4,int pas dans le palais de
son frère. Fondatrice du monastère
qui porta son nom' , elle vécut dans
le canyon, avec ses moniales. Elle
faisait fuir le dénikki qui habitait ces
lieux ainsi qu'en témijne la poétique légende du Pas de Souci, des
- 22 Roques Aiguille et Sourde. 1u Cirque
des Baurn(es où était adorée une idole aux bois de dert.
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p
- 23 i-v.
La JOIIB tggndz dB Siinte EnimiB.
S
Il était une fois une fille de roi
de France douée de toutes les beautés et de toutes les grâces, celles de
l'esprit et celles du corps. Les fées
ou les saintes qui avaient présidé à
sa naissance. J'!ayjflt (lotte magnifiquement de toutes les vertus et de
toutes les qualités. Fille de Molaire
et soeur de Dagobert, elle fut belle à mierveille. si belle que nature
ne peut fairejanis en beauté sa
pareille, nous dit utître Bertran de
Marseille. dans son poèmi.
Aussi. nombreux étaient les jeunes
seineurs., hauts en lignage, qui
étaient vivenient -épris de la prin»
cesse. Ils Venaient la voir chaque
jourelle était le sujet de leurs penSées. Mais la jeune fille n'avaàt dure
de ses soupirants, elle ne brûlait pa;
de leur flamnc et les désespérait par
sJfroideur..
Un jour vint ou le roi, sur les
instances pressantes de l'un de ses
rands barons, dit à sa fille qu'il lui
avait choisi pour époux un charni ant chevalier. Enimie répondit,
qu'elle ne voulait point se marier.
Comme son père et sa mère lui intimaient l'ordre d'obéir, la nuit suivante., au lieu de dormîr, elle pria
- 24 le Seigneur de la garder toujours
pures toujours chaste.
Sa requête fut exaucée, car aussitôt après l'avoir exprime, un mal
affreux, la lèpre, s emîpara de son
beau corps. Son joli visage, lui aussi était terni par des ulcères.. Et
celle ne fut plus recherchée, désormais. par barons ni chevaliers pour
fiancée ou pour femne .
L'annonce de cette horrible nhlaladIe apporta la consternation parmi
les seigneurs de la cour. Des indedus renomnés furent appelés leurs
retuîèdes n'eurent aucune action. Or,
Enime eut une vision. Un ange lui
prescrivit de partir pour le Gévaudan
où elle trouverait une fontaine
Burle - dont l'eau vive, précieuse.
cristalline, redonnerait à son corps
toute sa beauté, toute sa splendeur,
lorsqu'elle se serait baignée dans cet
te onde claire.
Dès le iendemain, le roi 'fît apprê
ter pour sa fille, merveill:euses pro
visions et lui donna comme suite
giandsseigneurs, chevaliers, hauts
barons.,dames nombreuses et demoiselles pour la servir gentinhlent o.
Le voyage fut long, car les mtrnla
gnes du Gévaudan étaient fort éloignées de la résidence royale. Après
plusieurs journées de chevauchées.
ils y parvinrent en'lin. Rencontrant
une femme sur la route, ils lui de- Q
niandèrent si elle ne savait pas où
- 25 ) coulait la fontaine de Burle. La paysanne répandit qu'elle ne connaissait
pas ce nom mais qu'une source jaillissait proche, oùvenaient se laver
G ceux qui voulaient guérir leurs maiux
(1). La princesse s'arrêta; mis dans
la nuit. l'ange apparut à nouveau.
pour lui confier que cette eau n'était
pas celle indiquée et que la caravane devait reprendre sa route. Enimie
obéit -et, avec sa suite,. ,co,ntinua son
voyage..
Enfin, elle arriva en un pays âpre
t très ardu, dans une vallée profonde et sauva$e, où étaient Bai-le et le
fleuve du 'larn ». En dévalant parmi
les rochers, elle entendit parler deux
pâtres; l'un disait à l'autre que son
troupeau buvait à la fontaine de l3urle. La jeune fille com-it alors qu'elle avait découvert le lieu tant désiré.
Toute joyeuse, elle interrogea les pastoureaux et elle leui- promut un trésor s'ils voulaient la conduire près
du clair ruisseau.'Ils la guidèrent
aussitôt vers la précieuse fontaine.
La vierge, dès qu'elle foula le bord
d.La source, se mil en prière pour
(1) Cette localité où, "après la légende, Enimie se serait arrêtée, est devenue la station de Bagnols-les-Bains,
dont les eaux, très efficaces pour les
affections rhumatismales, attirent plucentaines de malades au cours
, sieurs
de l'été.
P
- 26 exhorter Dieu de la guérir. Ses contpagnons s'étant éloignés, elle se -dépouilla (le ses habits et se plongea
dans l'eau cristalline... Miracle! s'étant lavée trois fois, Eninile voit sa O
chair reprendre sa beauté d'antan,
son co?ps recouvrer sa splendeur
passée. sa carnation revêtir un teint
éblouissant.
La guérison accomplie. et louanges au Seigneur rendues, tous «retournaient en France pour y manifester
leur allégresse ». Mais ils étaient à
peine au sbmne1 de la côte de la
montagne au pied de laquelle jaillit la sourde. que la princesse ressentit encore une fois les atteiniQS
du mléinc mal. Sa douleur et celle
des gens de sa sûite fut vive. Elle revint sur ses pas et pénétra dans l'eau
pure de la source. Ainsigue précédemment, son corps reirouva sa
beauté.
Sur le chemin qui ramenait au
royaume de son père, la vierge réfléchissait et pensait que Dieu, la
rendant malade et la guérissant tour
tour lui signifiait peur-être de rester tians les contrées où il l'avait conduite. Come Enimie poursuivait sa•
marche., la brûlure de la lèpre réapparut.. - Alors elle comprit quelle était
la volonté du Seigneur. Elle devait se
fixer à i3urle. dont l'eau miraculeuse :
lui redonneraiVMgueur et santé.
Q
Jamais depuis ne la reprit le désir de retourner en son royaumk ».
Certains de ceux qui l'avaient ac- compkgnée ne voulurent pas quitter
sen service; les autres vartirent pour
aller raconter au roi 1 histoire merveilleuse de sa fille. Elle, désireuse
de solitude, découvrit une grotte et
elle en fit sa denteure.y vivant avec sa
filleule qui., comrne elle. .se nommait
Enimie.
Elle vécut, répandant des bienfaits
nombreux autour d'elle, avec le dessein • d'édifier un monastère de femmes. L&dïable qui jusqu'à cette épbque, régnait en maître dans de ter
roir agreste, essaya d'entraver l'oeuvre de la Sainte. Sous la forme d'un
serpent, d'un dragon, il démolissait
l'ouvrage accompli par les bâtisseurs
Or. Saint Hilaire., évêque de Mende,
qui de tem'ps à autre venait rendre
visite A Enimîie, s'était un jour nous raconte le naïf p'oèmie - endormi auprès de la vierge. , lorsque 'le
diable se présenta. Réveillé par le
bruit l'évêque se lançait A la poursuite du drac. Mais celui-ci, rtpide,
r_ft à travers rochers et halliers. Saint Hilaire avait grande peine à lui tenir pied, la croix en min,
Par bonds énormS, l'esprit malin,
distançait l'évêque au milieu de cette
nature très tourmentée, où nul sentier n'existait. C'étaitune course au
bord des abîmes et parmi les enlasscmenis monstrueux des rocs. Hi-
0
- 28 lare. décour4é, allait 'abandonner la
partie., lorsqu'il eut la pensée de lever sa croix et d'adjurer le drâc d'arvoir à se jeter du haut dune dmie
dans le Tarit Le diable, obligé iobéIr..se précipitait dans le vMe pour
aller se rn'eurtrir au plus profond de
•la Gpijge, Le choc fut tel que la montagne s'écroulait et volait en inorreflux.
C'est depuis ce jour que le chaos
du Pas de Souci présente aux yeux
étonnés du touriste son bouleverser
ment prodigieux de blocs sous 4equel disparaît en bouillonnant l'eau
htnide 'du Tant Quelques kilomètres en arii1ont .avant de pénétrer dans
le cagnon: le mlême promeneur aura
traversé le coquet village, niché au
creux des Causses, auquel donnason
nomt Sainte 1 Enimie En outre des
ruines de l'antique monastère, le voya
geur pourra examiner à l'ermitage
la cavité «du roc où la soeur deD.agobert fille de Clotaire reposait Et
0e fut dans •ce tubûtier qu'un
jour; avec de fort beaux .chants,ton
mit avec respect, dans une châs
«argent. Je corps précieux de la célèbre vierge.
menu
U
4
Les monnaies mtroulnglennss de NONSaC.
A la même époque existait à 8*nassac un important atelier monétaire alimenté par les minerais extraits
de la région. Il a frappé la dixi&nie
partie du total des mionnaies mérovingiennes connues. Ces niJonnaes
dir et d'argent sont caractérisées
pir le calice à deux anses, dit tenuce du Gévaudan » rappel peut-être
des beaux vases mujés au cours des
siècles antérieurs dans les officines
ries potiers de cette localité. Il est à
noter que le vase ii deux anses, diots,
figure sur des monnaies antiques de
' colonies grecques d'Asie Mineure.
Nous yverrions aussi. uni à lacroix.
- 30 le symbole chrétien de l'Eucharistie
ai» constituerait un nouvel indice en
fa4eur du siège épiscopal placé à La
Çanourgue avant qu'il ne résidât à
Mende.
Les monnaies mérovingiennes de
Bfinassac, classées en six groupes,
ont été frappées : les plus anciennes,
à l'effigie &e l'empereur d'Orient, Jus-
j
0 tee
6
17
a
Un II (565-578); les plus récentes de
r la fin du sepUènS siècle à l'avÂnement des Carolingiens. Deux d'entr'elles. fabriquées sous Caribert II,
frère die Dagobert .portent une légende qui se rapporterait avec vraiscblanee au m'onnstère d'hommes de
Saint-Martin. fondé, semble4-il, par
Sainte Enime. et d'où est issu le
bourg de La Canourgue, qu'habitèrent jes premiers chanoines. Cent
quarante-et-une médailles différentes
provenant de l'atelier de Banassac,
ont été déternûnées par les numismates de Ponton d'Amécourt et de
Moré (1).
Monnaies de Banassac
o
U
(1) 0F. PONTON DÂMÉCOURT et E. DE
Mont DE PRÉvIALA, .lonnaies mérovingiennes du Gévaudan, Paris, 1883.
—$2 . -
-r'
VI
Les Sarrazins. -- WaîfrE,, duc diqùltaini, et
• la plaine dc. Canif. - Les vigueries. - Le
paganisme et les évangtllsateu ps.— Saint
FrS ssassinéLus cvmitagtt des
gôrges.
f13
Les . ,Sarrazins succédaient aux;
Goths et aux Francs;. dans Père des
ihvasionsi Des tombes du canton- de
Sévérac ont livré des bijoux d'art ara
be (ou d'art barbare visiaothique).,
Pépin le Bref chassait les Iaures de
la Septimklnie (752 à 759). 11 s'etnlployait
de 759 .à 768. à domfpter l'Aquitaine,
dont \Vaîfre était duc. D'après la tradition, que semblent corroborer les
savants bénédictins de l'Histoire du
Uangiuedott (1), Pépin aurait poursuivi et battu Waifre sur le Causse Méjan, dans la plaine de Canet. continutic de Hures.
Les Carolingiens établissaient 'ou
conservaient les subdivisions du territoire, les vigueries de Banassac,
de Grèzes de la vallée du Tarn, du
• (1) • Dom• DEnt et • Dom VAIsswn-:,
Histoire générale de Languedoc, 1874
t. 1, 2' p" p 839..
U
Miffl
Valdoi nez de la Vallée-Française et
de la Dèze. A la tête de la viguerie,
ils mettaient un viguier on vicaire.
Des ilots de paganisnib subsistaient
dans ces contrées solitaires, où l'assassinat de saint Frézal vers 826prés
d'une sourde, dtteste la violence de
l'âge. Pour combattre l'influence des
druides, devenus les sorciers, les évan
gélisateurs construisirent des chapel[es d'ermitages à Saint-Hilaire SaintMarcelin, Saint-Pons Saint4iichel,
Saint-Gervais Saint-Jean-des-Bahnies.
Au creux de la gorge, ils édifièrent
Les églises romanes de La Malène, du
Rozier qui conserve éncore sa cure
baptismîale (Xl e Xll c siècle). Sur le revers occidental des Causses, Conques
et son sanctuaire de Sainte-Foy. situé sur la grande voie des pèlerinages de Saint-Jacques-de-Compostelle,
bénéficiait des dons nngnifiques des
Carolingiens. Son trésor unique nous
reste.
Au sud-est., l'église-temlplc de Moissac, dédiée autrefois à Notre-Damede:Valfrancesque, rappelle SU passant
Le, souvenir de la victoire remportée
en ce lieu, d'après la tradition par
Roland neveu. de Charlemagne, sur
les Sarrazins. Cet édifice roman est
bâti en fraidronile. la kersant.ite roche à mica noir, dont la dureté défie
la tnchoire des siècles.
....
75T
w,!
- 24 t-VII
Les vicomtes de Ovaudnn et de Mliluu. -- Les
Confies de fiSone et rais d'PPugDfl. Le dialcete gtvaudanais, - Les froubadouve. - Le vol de Fronce et les évêques
de Monde, tonics du Gtuaudan. - La
"Bulle d'uv" et le
La dissolution de l'empire carolingien renforça l'autorité des comtes,
nommés d'abord à vie. puis héréditaires. Le pouvoir suzerain du comte
(le Toulouse s'étendait sur le Rouere, le Gévaudan et par l'évêché
rArre, jusqu'au Pays de Nîmes. 'Le
premier comte Fredelon, en -possession de ses fondions à Toulouse, en
845. était fils- d'un nizissiis en Rouergne ou pays nimiois (1). Son vassal,
le vicomte, exerçait sa force fl
justice au Xie siècle sur les terroirs
de Gévaudan, de Millau et de Carlat.
Le vicomte Gilbert, marié à Gerberge
héritière de la Provence, meurt en
1109. Leur fille aînée, Douôe, épouse, en 1.112, Raymond Béranger II!,
(I) J. CALMETTE, Un diplôme originol
du comte Fredelon, Annales du Midi.
1030, p. 225.
-
C
- 35 comte de Barcelone, à qui elle ajporte en dot la vicomté de Gévaudan et
de Millau Ces territoires échoient en
1172 à Alphonse II roi d'Aragon. Dan
le. délimitant les frontières d'Oïl,
écrira plus tard t Les montagnes
d'Aragon » pour désigner sans d'oute
les C&vennes.
La puissance temporelle des évêques de Mende grandissait avec leur
autorité spirituelle. Ils profitèrent de
l'éloignement des comtes de Toulouse
et de Barcelone, des rois d'Aragon,
pour développer Leurs domaines. Les
Seigneurs de Dolan, de Cabrières et
de Cani.Llaa vassaux du comte de
Toulouse. qui paraissent avoir loué
le -rôle de défenseurs des marches du
royaume d'Aragon, bataillèrent souvent et longuement avec les évêqt&es.
ljs avaient construit à Mende un dhâteau et des maisons fortes aux coins
de la cathédrale. L'évêque Aldebert
III du Tournel. dit le Vénérable, qui
nous a laissé des chroniques manuserRes, l'un des trésors te nos tiehes
archives départementales de la Lozère (1), racheta ces maisons fortes,
donna de l'argent au comte de Barcelone pour • gagner l'indépendance de
sa ville épiscopale, qu'il fit entourer
(1) Cf. CI. BnuNEr. Les Miracles d
Saint Priant, salais des opuscules d'AI' de.bert 111, évêque dMende, Paris.
1912.
36 de remparts. Afin de contrebalancer
l'autorité du roi d'Aragon - les arm'es • les pals d'Aragon figurent encore de nos jours sur la croix pectorale
des chanoines de la cathédrale l'évêque Aldebert entreprit le voyage de Paris. Il s'y fit délivrer, parle
ri Louis VII, la Charte appelée cl3ul
le d'Or », qui consacra la domination
temporelle dS évêques de Mende sur
l'ensemble duGévaudan.
La croisade des Albigeois vit trionx
pher Simon de Montfort. Le roi d'Aragpn et • le comte de Toulouse fititnl vaincus à la bataille de Muret
(1212). A la suite de cette défaite. la
brillante 'tivilisation miéridionale devait disparaître et la voix des troubadours s'éteignit. Cependant, les parlers locaux ont survécu: Le dialecte
lozérien, en particulier, a su garder
dans sa'solitude. sa ridhàse ci sa pureté. Il constitue 'peut-être l'idiome
roman où se retrouvent le mieux les
motsqu'employaient les troubadours
Non âltéré, cristallisé, il offre aux
philologues une mine remarquable de
vieux mots occitans, parfaiwment
conservés.
A la région des Causses. se rattache
l'origine du troubadour Guillaume
âhém'ar' qui vivait vers la fin du
XII e siècle. semble-t-il au château de
Meyrueis, Jongleur, il fut extrêmement gottté.par le peuple. Pétrarque,'
au chapitre IV du (Triom'phe d'a-
- .37 mour l'associe ait soupirant de la
Princesse Lointaine à Jaufré Rude!.
Guillauuife Adhémar, lui-même anionreux d'une comtesse de Die, composa tnaintes chansons. Il mourut de
savoir que sa dam allait se marier
avec le comte d'Embrun.
Le troubadour Bertran de MarseilLe. qui vécut dans la première moitié
du XIIIe siècle, écrivit en provençal
nous l'avons dit précédemment, une
Vie de Sainte Entmk La dernière et
savante édition de ce précieux manuscrit de la Bibliotheque de l'Arsenal à Paris, a été faite, en 1917, par
M. Clovis Brune!, l'énilinent directeur
actuel de l'Ecole des Chartes, ancien
archiviste 'départemental de la Lozère.
Après des démêlés divers, le traité
de Paris (1229) attribua la vicomté de
Milan à flaytnand VII. comte de Tou
buse, et la vicomté de Gévaudan au
roi de France. Le roi d'Aragon cédait au roi Saint Louis, $u- le traité
de Corbeil (1258). tous ses droits sur
la vicomté de Grèzes ou de Gévaudan (1) Alhônse de Poitiers. frère
de Louis IX, épousa Jeanne, fille unique de Raymbnd VII. A sa mort
(1) Cf. Ch. POIlÉE, La domination
aragonaise en Gévaudan (1172-1258).
Etudes d'Histoire et «VArchéo!ogie sur
k Gévaudan, Paris-Me»de, 1919.
- 38 (1271), le Rouergue et la vicomté de
Gévaudan furent unis au doiSne de
la couronne.
Le roi' de f France devenait ainsi
vassal de l'évêque de Mende pour la
vicomté de Gévaudan. Le partage de
1307, conclu entre Philippe 1V le
Bel et l'évêque de Mende Guil1aume
Durand II.ti*ttait à parité les deux
puissances royale et épiscopale. II
réa jusqu'en 1789 l'organisation adm!lnistrative et' judiciaire du Gévaudan. en fait principauté ecclésiastique à peu près indépendante.
r
- 39 vTiI
Les templiers et le Larzac. - Les Brandes
Compagnies. - Urbain V et uguesclIn.Les rentiers de Hodrlgue de Vlllandrando.
Guillaume Dur.and,II, neveti du célèbre canoniste, avait été l'un des inges
CI du procès des Teuiiers. Ceuxpossédèrent de grandes dépendances en Rouergue.
Le vicomlè de Millau et dç Gévau
dan, Rayzfrond-Bérenger II, le$donnaît, en 1159 la Ville de Sainte-Eul&
lie et la terre du Larzac, avec permission d'y construire des villes et
des places fortes: Après la suppression de l'ordre du TeSle (1311),
leurs biens furent attribués aux Hospitaliers de Saint-Jcan-kle-Jérusaleni
Templiers et leurs successeurs, Chevaliers de Saint-Jean: bâtirent à la
Couvertoirade, à Sainte-Eulalie-tluLarzac, à la Cavalerie, des fortifications (XIIŒXVe siècles). Elles subsistent encore en partie. Ces rem'parts,
retrouvés en .plein causse. ,font surgir
ici les visions prestigieuses des temps
médiévaux, que nous .is»ensent anssi Carcassonne, Mgues-Mortes, Avi
gnon.
Ces hantes initifailles étaient nécessaires ft la défense des villes dans ces
z,
— 40 temps particulièrement troublés de
l'invasion anglaise et des ravages des
Cpmnanies. Les exactions de ces
bandes de brigands tachent d'hor'reur l'histoire du XIV e siècle. Urbain
V pape d'Avignon, 1310-1370 né à
Grizac, à l'est du causse Méjan, fuimtna contre elles les jiius terribles
peines. Pour en débarrasser nos contrées il fallut que Duguesclin les cmlan'enM guerroyer. au-delà des Pyr&
nées. Le connétable vint nioui'ir non
loinde Mende. après avoir bu l'eau
trop fraîche de la so vive de la
Jo-. ès Albuges,
L. lors du siège de, la place
de C âtauneutf-de-Ran4pn. tenue par
les rouliers anglais (1f juillet 1380).
Mais aux Grandes Coinipagnies succédaient de nouvelles bandes, qui pre
naient prétexte, pour leurs pillages
et leurs viols des luttes entre Arm'agpacs et Bourguignons et contre les
hontnes d'armes d'Angleterre. Rodeigu de Villandrqidp. aventurier castillan, eut une vié q'ui vaut Iun roman
'et que nous a contée, aye,sa rigou reuse érudition, Jules Quicherat, Diirecteur de l' école des chartes en
1879 (1). Rodrigue, que l ' on a sur-nomimé, à juste et méchant titre, « em pereur des routiers » avait à sa disposition une armiée de sudardis. su-
fl-.
(t) J. QUICHERAT, Rodrigue de Viilandrendo, Paris, 1879.
— 41 périeure en not1bre à celle de Jeanne d'Arc. Son quartier général, situé
sans doute sur la voie Régordane. à
La Garde-Guérin, près Villefort en
un point unique, et culminant pour
la sufleillance des voies d'accès di
Languedoc en Auvergne, du Vivarais
et du Rhône aux versants de la Loire
et de la Garonne2 lui permie de
fondre à l'inii'oviste sur lesprovinces, du haut de ce repaire, ainsi
p
lacé sur rantie
avChemin de Saint
Gilles cette estrade que cite la geste
j j ap Guillaume d'Oran
LÇJ)11tM ptjur Louis Xfr—'- dit en Langueoc.. pour néJflGL—
départ des rodrigais ». Il réussit
dans ses négociation& Rodrigue de
Villandrando, dvenu comte de Rihadeo, rentra en Castille, son pays dataI. Six mois après, le 2 novembre
1439 Charles VII qui avait expérimenté le danger de ces bandes mereenaires. prom'ulguait La Pragmatinue Sanction » interdisait leur
formiation et asseyait les bases de notre arn%e permanente.
Les rognons de minerais de fer
du Causse Méjan avaient été soumis
vers cette époque (XIV e XVe siècles),
celle de l'apparition des armes à feu.
à une ex.ploitation active. L'alim'ervtaLion des forges en combustible,
était assurée sur place par le bois
des forêts..
fl•.
- 42 ix
Les guerres de religion. - Mathieu Merle et
Saint Vidai.— Le duc de Bohan.— La mis-sionde M. de. Mathavlt.
t
Le XVJe siècle est tristcmSt célèbre par les guerres de religion, qui
mirent aux prises protestants et catholiques. LM MétnWreS d'un SJ*
niste de Millau, publiés ,par J. Ri'
les (Archives historicues
ft&EéiVeFgue »; les Documents historiques et Inédits sur I pq guerrPe Ji'
religion en Gévautian, édités var ï'erdinand André dans le Bulletin de la
Société d'Agriculture, industrie%sciences et arts du département de la Lozfre cette masse de matériaux que
nous avons condensée dans nôtre
Précis d'histoire du Gétaujd2n, démontrent l'ignd**ile sanglante de
ces temps farouches, 'au cours desquels des actes. de cannihalismF ont
pu même être notés (1).
(1)'S.-L. .RIOAL, Mémoire d'un celuiniste de Millau, Rodez 1911 Ferd.
inédits sur les
ANDRÉ, une. hist. et
guerres de religion en Gévaudan, But.
Loz., Mende 1886, 1887. 1888, trois vol.;
A GRIMAUD et Marins BALMELLE, Précis
- - 43 Des atrocités sans- nombre furent
commises dans nôtre région par les
deux partis, au cours de ce c temps
fort ca1amteus et misérable », écrit
un chronicueur. Populations passées
au fil de l'épée, viols an raffineF
m1ents sadiques, incendies et rasemSt des villes, pillages qui ne laissaient pas les clous aux 'vantaux des
portes. rapt des joyaux que la ntnijicence du jape Urbain V avait distribués aux collégiales et aux églises,
notamment à Bédouès, à tspagne çt à
Quézac. destruction des trésors d'art,
foute de cloches transformées en coulevrines et boulets, incinération de
livres précieux et de pardhemfins tels
furent ici les résultats de ces guerres civiles, où les noms du capitaine
protestant Mathieu Merle et du baron catholique Saint-Vidai, brillent
d'un funeste éclat.
L'abjuration au protestantisme
d'Henri IVfaite entre les mains d'un
ancien évêque deMnde2 Renaud de
Beaune. apaisa temlporairement les
discordes (1593). Mais sous Louis XIII
l'agitation reprit. Le duc de Rohan.
chef des réformés, s'emparait de
Meyrueis en 1628., et Millau devenait
Préface de Camille JULLIAN ie l'Académie Française.
Paris-Mende 1925 vol. in-8° de VIII368 p. avec cartes et dessins.
d'Histoire du Gévaudan.
- 44
l'une* de leurs mi1Ieures plØes. La
pâix'd'Aiès, (juin 1629) ou Edit de
grâce, conclue par Richelieu qiù, avec
Louis XIII au retour du pays 'de
Suze. venait de détruire Privas en
Vivarais, termna cette période des
guerres religieuses.
Parordre.duroi. forteresses et cM
teaux : fortè d&aient être démante
lés. Lè Conseiller d'Etat de Mahau1t
parcourSM à cette inten'eion nos terroirs (1632-1633). Le château de Saint.'
Laur&nt-d&TFèves qui, sur la route des. Cévennes., contandait l'entrée
caussenarde 'du Gévaudan fut détrkzit.
- 45 I
X
La guerre des tainisards. - La Peste de
1721. - La Bote du 39vaudan. - La ffuolotion et les guerres de l'Empire.
L'ère des ' guerres de religion n'était
pas close. Elle devait se rouvfir le
24juillet 1702, au Pont-d'e4Montvert,
par le meurtre de l'abbé du Chaila,
ancien mssionnaire au Siam, que Vé
*que de Mende. Mur de Pienonurt,
avait nom'mé archiprêtre des Cévennes. La guerre des Cansards naissait
qui mit aux prises les maréchaux de
France avec des paysans et des cardeurs de laine. Dès le début de l'insurrection, Cavalier opérait dans l'Aigoual, (1) 'massif montagneux qui devint le quartier général de Castanet.
Meyrueis. 'Millau, délaient pas al'abri des incursions cantardes. Il falljfl l'action pacificatrice du mfréchai de Villars, qui traita avec Jean
Cavalier (17 mi 1704), pour venir A
bout des insurgés.
(1) Colonel Jean CAVALIER, Mémoires
sur lu guerre des Cévcnnes, traduction
et
notes par Frank
i . 53.
PUAUX,
Paris, 1918
4h
Quelques anifées d'accalmie suivaient, quand une très grave épidémie de peste s'abattit sur le pays.
,. 1 Le- premier lieu infecté. (nov. .1720)
fut le- ham1eau de Gorréjac,' près de
La Canourgae. iau '-reVers N . ord-Ouest du. Catisse de Sauveterre. La Contagion, intportéto'dit'àn, dev'Smyrne
à Marseille, dans des ballots die laine,
se propagea avec rapidité, - faisant
,d'innombrablesvictimes. On' entoura
d'un cordon lie troupes le-Gévaudan. Les seùtineiles arnfées étaientipostées
à chaquet'ortée' de fusil.- Aux -voies
d'accès. des' barriètes furent dressées où. -pour entrer et sortir, il fat• tait présenter 'uiiccertificat de bon• ce santé.' Lesmb oEnaies "Shangées
- étaient 'au préalable Ibaignées: dans
-vinaigrè: - L'une de bes' barrières
exislait au Rozier- à Ventrée ducaityon.' Le"m'ar&hal'de Berwick mit six
- régiments -de cavalefie, d'infanterie et
ne 'dragons pour établir un cordon
• sanitaire de Sainte-Enimie sur le
Taro. .à Langeac surl'Allier. La pes
Je enlevait ail villâge de La GapeI'
le sur le Causse 'de" Sauvet-erre, 92
habitants sur une Qopulatioir tottale
de 115 personnes:; cette localité ne
comptait plus à la fin & l'été 1722
que 23 paroissiens.
Lés tribulations de nos'coiflpatrio
(ès -t'étaient pas terminées. 'La bêle
du Gévaudan terrifia 'notre contrée
(le 1764 A 1767. Elle attaquait'depré-
- 47 férence. les femhies et les jeunes filles. Les battues ne pouvaient en venh- à bout. Jean Chastel, de La Bessière-Sainte-jlsfarie, tua le fauve le 19
juin 1767. Buffon l'examâna-et reconnut , un loup. «une taille et d'une
force exceptionnelles.
La Révolution remplaçait l'ancienne appellation du p•gus, du pays,
du diocèse, de 'la petite province, par
celle de dépattemnt. Quelques faibles transfort!ations territoriales Ce)eraient, Meyrueis. du diocèse d'Alès,
F était rattaché au dépaziemient de
la Lozère, ou mieux du Lozère, nom
de son plus haut somfmet, au topo-nymre préromain. Le 14 juillet.
1790 la fête de la Fédération se célébrait sur le Causse de Sauveterre,
où un autel avait été dressé au centre
du cam1p. 6.000 hommes des gardes
nationales des districts s'y trouvaient. Le futur conventionnel, Mo
nestier présidait la solennité. uti'un
Orage. :comSe à Paris, vint contrarier
Près de trois ans après, quanantisept habitants de La Malène et de
Laval-du-Tarn. qui allaient rejoindre l'armée royaliste de Charrier, furent pris .sur ce Causse. - par les tro*
pes républicaines. Leur exécution eut
lieu à Florac et è Mende les 11 et
14 juin -1793. Les cavernes des gorges
servirent de refuge à la baronne de
Montesquieu et aux prêtres réfrataires. qui n'avaient pas voulu pré-
- 48 ter serment à la Constitutton civile
du clergé.
De'l'an H à l'an VIII, des bandes
d'horffin•es armés, au visage tarboulllé de suie. parcouraient les causses,
pillaient les fermes. Ils dévalisaient
surtout les demeures des acquéreurs
des biens nationaux et trouvaient, eux
aussi des abris jfropides dans les r ottes du canyon. Phisiurs d'entr eux,
capturés.. périrent.
Les eqloits Slitaires de Napoléon
1er eurent ici une curieuse répercission, A la suite de la guerre d'Espagne (1809), d'après une tradition véridique, des vautours bâtirent leurs aires dans les trous des falaises (du
irRon Rouge», qui surplombent le
Tarn. Ils y vivent depuis lors.
- 49 -
xi
VIBIIIBS églises, vieilles maisons,
VICHX châ-
teaux.
Si les monuments d'archéolo,gie
préhistorique et protohistorique abon
dent dans la région. si les débris des
poteries gallo-romiaines au vernis pou
ge éclatant, décorés avec art, sont
parsemés à fleur de sol, les vesties
architecturaux des siècles suivants
sont assez rares dans les Causes.
Sur leur pourtour, nous devons toutefois magnifier les adnilrablesclochers de la basilique cathédrale de
Mende.. les portes fortifiées de Marvejols, la tour splendide de Rodm
le lympan de Conques, les seuils et
fenêlres sculptés qui ornent les vieilles maisons de nos chères petites villes. Au coeur du Larzac, La Couvertoirade, Sainte-Eulalie.-de-.Cernon. La
Cavalerie offrent le dévelopjpemSt
de leurs remparts et de leurs tours.
Dans les gorges lozôriennes, l'glise de style rom'ano-pro'vençal de La
Malène subsiste encore. cl le Rozier
ancien prieuré bénédictin qui dépendait de l'abbaye d'Aniane, garde avec
une cure bap
la poésie de soir
t:isuïale antique. Les ruines classées
du rnoiiasiêre de Sainte-Eniinic do-
- 50 minent la fontaine de Burle. Le porche gothique et le pont de Quézac,
ainsi que l'église fortifiée de Béclouès, conservent
la mémoire de l'illuStre et , grand 'ponife Urbain V, né
Guillaume de Grimoard.
L'église dIspagnac, de type roman
auvergnat., qui dépendait au XlIIe
siècle, du Monastère Saint-Géraud
d'Aurillac. possède une coupole octogonale qui orne le transept, et des
chapiteaux S figurines.,
Sain[-Chély-du-Tarn s une église
d'art roman provençal, avec colonnettes à chapiteaux, susceptibles de
remonter au XTIC.XIJJe siècle; un
m'odillon, sur la porte d'entrée. repré
sente Adam cl Eve, l'arbre et le serpent. Le village de La Capelle doit
son nom] à la hapelle dédiée à Saint
Martin de Tours ; cette église romane XII e-XIJl e siècle devait être desservie par les moines du moàtier de
La Canourgue. sur le chemin de l'abbave de Sainte-Enimîe. L'église de La
Canourgue.-.de style bomnosice provençal. dépendait de la grande abbaye bénédictine de Saint-Victor-deMarseille dès le X1 c siècle le sanctuaire antérieur, construit lors de la
fondation du m'onasère dhomrucs de
Saint-Mai-tin, s Vu être l'un des promers lieux saints du diocèse gabale, la première cathédrale, avant le
transfert à Monde. La Canourgue
montre encore au visiteur la façade
- 51 de sa maison de « Cararn'antran », de
Carême. entrant, au nom curieux. La
chapelle de Saint-Frézal, près d'une
source. renferme un sarcophage, qui
aurait livré les restes de l'évêque de
Mende, assassiné par son neveu au
JXC siècle, en ce lieu, d'où son nord.
L'église romane d'Inos, du XIVe siède, dédiée à Saint-Martin. «pendait
aussi de Sainte-Enimiie. L'église de
Saint-Georges-de-Lévéjac, de style rp
-mianogvl,recèufdoû-'
te ornée d'une croix de Malle.
L'église de St-Préjet_du-Tarn, romiane du XII e siècle, doit attirer l'attention des archéologues une iresune représentant l'apothéose dc SaintPréjet. ,y fut découverte avant guerre.
Les ruines de châteaux démantelés
surgissent Charbonnières, Castelbouc. 1-lauterive, Planiol,. Montesquieu Dolan, Montferrand, SaintSaturnin., Peyrelade, Capluc, Sévérac.
La tour à mchicouIis du Choizal
se profile toujours sur l'horizon gris
du causse de Sauvberre; au flanc
d'un coteau Rocheblave se dresse, et,
serti dans les dolomies, le manoir de
La Gaze élève l'élégante silhouette de
ses murs à tourelles du XVe siècle,
où s'abrite l'effigie des jolies dem'oiselles de Maillan, les huit fées du
Tarn. qui vtillent sur le domaine des
roches et des eaux.
S
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