CONFERENCES FEKAMT (SHIN)

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CONFERENCES FEKAMT (SHIN)
CONFERENCES FEKAMT (SHIN)
DES ARTS MARTIAUX ET DE LEURS ETHIQUES
« Il ne peut être entendu que j'aie donné à un autre le droit d'exercer des violences sur ma personne »
« L'homme est toujours assez fort pour porter un coup mortel à l'homme le plus fort »
Thomas HOBBES (1588 - 1679), dans Léviathan: traité de la matière, de la forme du pouvoir de la république ecclésiastique
et civile (traduction de François Tricaud, Sirey, 1994.)
Arts Martiaux
DES RACINES BIOLOGIQUES, SOCIOCULTURELLES, MILITAIRES, DES ARTS MARTIAUX.
D’UNE LÉGENDE À L’HISTOIRE DES ARTS MARTIAUX ASIATIQUES.
D’AUTRES LÉGENDES ET D’AUTRES CULTURES POUR D’AUTRES ARTS MARTIAUX.
SPORTS et SPORTS DE COMBAT - DES ARTS MARTIAUX À LA SELF-DEFENCE.
Arts Martiaux Japonais
BU-JUTSU, BUGEI, BUDO, SHIN BUDO, SHIN BU-JUTSU.
DU BUSHIDO CE QU'IL EN ADVINT. NIHON HEIHO.
Arts Martiaux Okinawaiens
TODE, OKINAWA TE et TI-GWA, KARATE JUTSU et RYU KYU KOBU JUTSU
BUBISHI et KOKITSU.
KARATEDO et KOBUDO.
LES RYU DE KARATE A LA FEKAMT
Bu jutsu et Budo
DE LA TRADITION, DES RYU, LES DERNIERS SAMURAI.
LA NIHON BU-JUTSU CHEZ LES GAIJIN, LES PIONNIERS.
__________________________________________
1° Conférence FEKAMT
TODE - OKINAWA TE et TI-GWA - KARATE JUTSU et RYU KYU KOBUJUTSU
BUBISHI et KIKOTSU
2° Conférence FEKAMT
KARATE DO et KO BUDO - Les Ryu de Karate à la FEKAMT
3° Conférence FEKAMT
KARATE SPORTIF ET KARATE BUDO.
4° Conférence FEKAMT
?
PRÉAMBULE.
“Science sans conscience n’est que ruine de l’âme” (RABELAIS).
Science: Du latin “sciencia” et de “scire” savoir... pour ensemble cohérent de connaissances relatives à
certaines catégories de fait, d’objets, ou de phénomènes obéissant à des lois, et vérifiées par des méthodes
expérimentales. A voir dans “Sciences sociales et sports” de P. CHIFFLET (Université des sciences
humaines, Strasbourg 1988).
Conscience: Du latin “consciencia” pour perception plus ou moins claire que chacun peut avoir de son
existence et de celle du monde extérieur. A voir dans “La conscience expliquée” de D. DENETT (Odile
Jacob, Paris 1993).
Âme: Du latin “anima” souffle, vie... pour principe de vie et de pensée de l’homme. A voir dans les
“Pensées” de B. PASCAL (1670).
Sacerdoce: Du latin “sacerdotium”... pour fonction présentant un caractère respectable en raison du
dévouement qu’il exige. A voir dans “Le normal et le pathologique” de G. CANGUILHEM (1966),
Ni cours ou conférences formels, ni exposés rebutants (nous l’espérons), ces interventions ont seulement
pour objet d’aider nos BU-JUTSU KA et BUDO KA, dans la préparation de leurs examens comme dans
leur futur “sacerdoce”. Ils répondent à l’Unité de Valeur “SHIN » du DAN SHIKEN FEKAMT. Ils sont
tenus comme une conversation le serait avec un collègue imaginaire, intelligent, curieux et cultivé, ayant
déjà une certaine expérience de la vie, étant entendu...
- Que nous restons très sceptique devant certaines prétentions à l’objectivité et à la vérité “Lorsque le
doigt montre la lune, l’imbécile ne voit que le doigt” (proverbe chinois)...
- Que ces savoirs déjà très limités ne sont rien d’autre que des approximations provisoires que l’on peut
trouver bonnes pendant un moment, et seulement jusqu’à ce quelles soient écartées pour laisser place à de
meilleures interprétations...
- Qu’il se peut que l’esprit humain soit d’une telle complexité qu’on ne puisse jamais complètement
rendre compte de tout, étant données nos limitations intrinsèques, certaines entités ne se révélant alors pas
de l’explicable.
Quant aux “poly”, ils sont tirés en partie du mémoire présenté pour le « RENSHI » en 1981 (Paris), de la
thèse soutenue à Kyoto pour la maîtrise « KYOSHI » en 1988 puis de leurs compléments pour
"HANSHI" en 2000 à Vienne, comme de lectures plus récentes ou de réflexions « empruntant » pour
beaucoup aux textes cités dans la bibliographie, ce qui doit inciter fortement leurs lecteurs à se procurer
en librairie les textes remarquables cités en référence, dont les incontournables: Koshiki no Kata –
Bubishi – Combat à mains nues, de Habersetzer R - Ed Amphora - Paris, et : L’Histoire du Karate Do Ed EM - Les Kata, arts martiaux et transformations sociales au Japon, Ed Deslris, Meolans-Revel, de
Tokitsu K.
Etant entendu, que tous ces savoirs consultés et présentés, s’ils sont éclairants et riches, ils n’impliquent
en aucune manière que j’en partage toujours et totalement les présupposés et attendus.
Enfin pour ceux qui veulent en savoir plus, quelques mots clefs sont précisés d’après le LAROUSSE ; de
même vous est proposé, un petit lexique Franco-Japonais.
.
Dr Ph. Renault :
9° Dan FEKAMT Hanshi KARATE (2011) - 8° Dan EJJU Hanshi NIHON JIU JUTSU
(2000) – 6° Dan FFKAMA KARATE (1981) - DE 2°.
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KARATE DO et KO BUDO
Ce qu’il en advint : 1922 – 1957
Ad augusta per angusta... A des résultats grandioses par des voies étroites... On n’arrive au
triomphe qu’en surmontant maintes difficultés (Hernani -V. HUGO).
KARATE NI SENTE NASHI pour "Il n’y a aucune action offensive en KARATE"
Phrase inscrite sur le monument dédié à M° FUNAKOSHI GICHIN dans le monastère Zen
d’Enkakugi à Kamakura.
« Sans MOTOBU, le Karate n’aurait peut-être jamais été introduit au Japon, où les maîtres d’arts
martiaux avaient un profond mépris pour le TODE d’OKINAWA »
(Henry PLEE).
Ères: MEIJI (Empereur MUTSUHITO de 1867 à 1912) - TAISHO (Empereur YOSHIITO de 1912 à 1926) - SHOWA
(Empereur HIROHITO de 1926 à 1989) - HEISEI (Empereur AKIHITO depuis 1989).
Shin Budo: Du Japonais “shin” = esprit, pour “BUDO rénové”...... d’après M° KANO, c’est à la fois une rupture avec le
passé (les JUTSU violents et utilitaires) et une ouverture sur le futur << C’est un art de vivre, une discipline nouvelle, un
sport pouvant intéresser les jeunes comme une certaine élite aussi... un “DO” rénové>>... étant entendu d’après
HEINEMANN R. dans “L’univers philosophique” (Paris P.U.F. 1989) que “La grande caractéristique de la culture
japonaise, c’est qu’elle lie de façon inextricable philosophie, religion et art, tous fondés sur la même voie”.
Escrime: De l’italien “scrima”... pour sport opposant deux adversaires au fleuret, au sabre, à l’épée.
Ju - Ru - Jiu - Nyu - Yawaraka : Phonème qui touche au Confucianisme, mais aussi : Dix, Souple, Flexible, Harmonieux...
pour disposition du corps comme de l’esprit de s’adapter à une réalité changeante. N’a rien à voir avec « faiblesse » mais
rejoint Jiyu (liberté - librement) du point de vue de la sémantique. De la meme façon : Ken pour « Sabre », « Epée », ou
« Poing », mais aussi dans les prénoms pour « faisant partie du clan », enfin c’est l’homophone de « sagesse » ou
« intelligence ». On peut expliquer cela par la Sémantique: Du grec “sêmantikos” qui signifie... pour relatif au sens des mots.
A voir dans “Le style oral, rythmique, et mnémotechnique chez les verbomoteurs” de JOUSSE M. (Fond. M. JOUSSE Paris
1981).
A lire :
. "Fencing, Ancient Art and Modern Sport" de BEAUMONT C.L (A.S. Barnes & Co, 1979).
“RENTAN GOSHIN KARATE JUTSU” et “KARATE DO KYOYAN” de M° FUNAKOSHI GICHIN (traduit en 1950 en
Anglais par Tsutomu OSHIMA et publiée en France en 73).
“THREE BUDO MASTERS: KANO, FUNAKOSHI, UESHIBA” de Stevens John (Kodansha International Tokyo - New
York - London, 1995).
“TRADITIONNAL KARATEDO OKINAWA GOJU RYU” de MORIO HIGAONNA.
“L’Essence du KARATE DO D’OKINAWA” par SHOSHIN NAGAMINE (Ed. Vigot).
“ZEN KO BUDO MYSTERIES of OKINAWAN WEAPONERY and TE” de Bishop M. (E. Tuttle Co. R. Vernon and Tokyo
1996).
« La voie de la main nue » de Mabuni Ken’ei (Ed. Dervy -2004).
« Shinto Yoshin Ryu no rekishi to giho » de Fujiwara Ryozo (Edit Sozo, Tokyo 1983).
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CHRONOLOGIE
1877 : Le 13 mai arrive en rade de Naha, le croiseur « Le Laclocheterie » de la marine Française, commandé par le capitaine
de vaisseau Henri Rieunier, il rend visite au roi Sho Tai qui résidait en son chateau de Shuri.
1879 : Le Japon annexe le royaume des Ryu kyu, qui devient le département d’Okinawa. Les Okinawaiens deviennent
Japonais ( ?). L’économie d’Okinawa est alors dominée par l’agriculture aux mains de capitaux extérieurs, cette situation
conduira à une forte émigration vers la métropole ou vers les pays étrangers. Par ailleurs les Okinawaiens sont victimes de
discrimination par les métropolitains, ils sont considérés comme « barbares ».
Au Japon, c’est la révolution, le Samouraï est mort, les arts martiaux délaissés, les Budo bannis, les Ryu démantelés.
Les carabines US déciment les SAMOURAI du clan SATSUMA dirigés par TAKAMORI (1827-1877).
1879 - 1921 : OKINAWA TE et KARATE JUTSU - Des styles aux Ryu - Des Tigua aux Ryu Kyu Ko Bu-Jutsu
Au Japon “Enrichissement du pays et renforcement militaire » pour les BUDO “rénovés” JUDO et KENDO.
1895 :A Kyoto, DAI NIPPON BUTOKUKAI (Association pour la présentation des Vertus Martiales du Grand Japon),
organisme d’état pour préserver les Arts Martiaux Traditionnels (NIPPON BUDO), favoriser le développement des Arts
Martiaux Modernes (NIPPON SHIN BUDO), officialiser les « titres honorables » (Renshi, Kyoshi, Hanshi).
1899 : Ouverture près du sanctuaire Heian à Kyoto du DAI NIPPON BUTOKUDEN (Temple des Vertus Martiales du Grand
Japon), comme centre d'entraînement du BUTOKUKAI.
1903 : A OKINAWA, première démonstration publique d’OKINAWA TE par A. ITOSU.
1906 : Le BUTOKUKAI, avec des théories nationalistes et xénophobes, met en place un programme de développement du
JUDO et du KENDO à l’échelle nationale.
A Okinawa naissance des RYU : SHORIN RYU - SHOREI RYU - KOJO RYU - RYUEI RYU - YAMANI RYU - MOTOBU
RYU - SUKUNAI HAYASHI RYU - UECHI RYU - UFUCHIKU DEN KO BO-JUTSU RYU - SUEISHI RYU - SHINKO
RYU - SUEYOSHI RYU - SHORINJI RYU KENKOKAN...
1912 : Démonstration donnée par une douzaine d'officiers de la flotte Impériale sous le commandement de l'Amiral DEWA,
dans la baie de CHUJO.Ils s'étaient entraînés à l'OKINAWA TE pendant plus d'une semaine.
1915 : Démonstration du Dr CHITOSE ( ?).
1916 : Les politiques japonais invitent les M° FUNAKOSHI et MATAYOSHI à démontrer leur art...
1920 : Okinawa est maintenant gouvernée comme tous les autres départements japonais, mais ses habitants restent très pauvres
et beaucoup préfèrent émigrer, notamment vers les îles Mariannes, héritées de l’Allemagne vaincue en 1919.
1921 : Le Prince Héritier HIRO ITO, en route pour l'Europe et faisant escale aux RYU KYU, assiste à une démonstration
d'OKINAWA TE, il en reste pantois, et relance l'idée d'un enseignement de ce type.
1926 Kano à Okinawa
1944 : Le vrai calvaire de l’île d’Okinawa arrive à la fin de la 2° guerre mondiale, quand craignant qu’Okinawa devienne un
champ de bataille, l’état major Japonais commence d’organiser une évacuation de la population civile non combattante. Mais
cette décision est prise trop tard, et quamd elle est opérationnelle, la mer alentour est occupée par les sous-marins américains,
et quand les Kamikazes détruisent les portes avions US, c’est le début de la guerre totale.
Le 21 aout 1944 : Le « Tsushimaru » transportant 1700 passagers, dont 800 écoliers d’Okinawa est coulé au large de l'île de
Kyushu (plus de 1500 victimes). Les Japonais pensent que les américains débarqueront à Taiwan, en fait :
Le 26 mars 1945 : Les GI prennent les petites îles de Kerama et installent la logistique pour débarquer à Okinawa.
Le 1 avril 1945 : Les GI débarquent sur la plage d’Adena, les défenseurs japonais opposent une résistance opiniâtre puis
reculent vers l’extrémité sud de l’île... ou les combats cessent le 22 juin, après le suicide du commandant en chef Japonais, le
général Ushima Mitsuru (pertes : 90.000 soldats Japonais et 150.000 civils (un quart de la population), sans compter les
innombrables batiments détruits, dont le chateau de Shuri).
1958 : La porte de Shuri, qui était située à l’est du chateau, et utilisée pour accueillir les processions des ambassadeurs chinois
depuis le XV° siecle a été complètement détruite pendant la guerre. Reconstruite... les nationalistes Japonais protestent
violemment, car sur le chapiteau, on peut de nouveau lire « Shurei no kumi » que l’on peut traduire par « le pays qui respecte
le protocole », autrement dit : L’affirmation que Okinawa veut toujours obéir à l’empereur chinois...
1992 : Le chateau de Shuri classé « trésor national » en 1925, et réduit en cendres lors de la bataille d’Okinawa, est totalement
reconstruit, selon les plans de 1846.
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I - DES JUTSU AUX DO
"Le BU-JUTSU... c'est une arme de combat dont souvent la vie et la mort sont de terribles enjeux... mais à notre époque
moderne on ne se bat plus avec les sabres, encore moins avec les mains, c'est fini, c'est le passé... il n'y a plus de BU-JUTSU...
plus de SAMOURAI... plus d'Arts Martiaux... c'est bien triste". (RYUGI KATAGIRI... un ancien samouraï en 1880). Un
constat qui ne suffit pas ici pour expliquer la transformation du « Karate Jutsu » en « Karate do », et pour plus de
compréhension, il nous faut rappeler l’action de M° JIGORO KANO en la matière. En effet :
Si au début de l’ère MEIJI (1868-1910), toute Japonité est exclue, si le peuple du YAMATO (Japon), ne s'exalte plus qu'à la
seule pensée de la civilisation européenne, qui entre autre, par ses nouvelles armes à feu à répétition, relègue les BUDO au
rang d'antiquités. Si rares (très rares), sont ceux qui continuent de croire aux BU JUTSU, en leur intérêt, et en leur sauvegarde,
et si de ceux là, JIGORO KANO a été le premier. Universitaire de haut rang, éducateur de génie, philosophe idéaliste, son
action pour la survie des Bu jutsu sera aussi fondamentale et décisive pour les uns que discutée par d'autres.
D’ailleurs, quand en aout 1883, Kano décerne ses premières Ceintures Noires « NIHON KODOKAN JIUDO » cela n’est pas
sans offusquer les derniers maîtres des anciens RYU déjà "froissés" par l'ouverture aux non Samouraï d'une école de Ju Jutsu.
"On" a dévoilé les secrets et donné des grades. "On" n'aurait aucune qualification (pas de MENKYO KAIDEN). "On" aurait
emprunté à la JUKISHIN RYU le mot JIUDO. "On" utilise le terme KODOKAN (l'endroit où l'on étudie la voie, de KO =
étude, DO = voie du Chinois TAO, et KAN = lieu) un concept choisi par pure politique, KODOKAN étant à l'origine le nom
d'une Académie privée construite par le Daimyo Tokugawa Nariaki à Mito près de Ibaragi. « On » a choisi pour les mêmes
raisons mais inversées, la fleur de cerisier (Sakura) comme emblème du RYU (le symbole de la vie précaire des Samouraï en
raison de sa fragilité et de son impermanence)... mais tout cela était bien insuffisant pour stopper ces velléités, car (M.)
JIGORO KANO est un personnage politique très influent, bien en cour, noble de haute lignée (Baron), le KODOKAN est donc
intouchable ! .
Plus meme... quand M. KANO conscient de son succès, organise le « Congrès National des Anciennes Ecoles de Bu Jutsu et
Bugei », et leur offre de s'intégrer au KODOKAN... cela est parfaitement ignoré. Alors pour défier ces écoles, il organise une
rencontre avec la plus célèbre d’entre elles : la YOSHIN RYU, mais avec ses propres règles de combat (les Atemi sont
interdits, les saisies spécifiées, et la façon de gagner est très, très, restrictive !). Aussi le KODOKAN remporte-t-il la victoire,
grâce à SHIRO SAIGO qui se défait de tous ses adversaires, grâce aussi aux victoires de SAKUJIRO ISAGAO et de
YOSHIAKI YAMASHITA, et ce succès est présenté comme une victoire sur "toutes" les écoles de JIU JUTSU.
A ce propos on ne peut passer sous silence ou ignorer l'origine des combattants alignés par KANO dans son équipe contre la
YOSHIN RYU et présentés comme des JIU JUTSUKA de la NIHON DEN JIUDO KANO, car ces champions, qui étaient-ils
en réalité ? De SHIRO SAIGO, le grand vainqueur, nous savons qu'il était avant de rentrer chez KANO le champion de la
DAITO RYU - De YOSHIAKI YAMASHITA qu'il était le champion de la RYOI SHINTO RYU - De SAKUJIRO
YOKOHAMA (1m80, 100 kg), qu'il était un ancien élève de la TENSHIN SHINYO RYU et qu'il avait déjà battu
TOKUSABURO (le leader de l'équipe vaincue) pour le compte de sa première école - De SAKUGIRO ISAGAO, qu'il avait
été lui aussi un (trés bon) élève de la YOSHIN !!! - De TOBARI TAKISABURO, qu'il était un ancien élève de la TENJIN
SHINYO... en somme une belle sélection nationale (avant la lettre) de BU-JUTSU KA, mais sûrement pas de JUDOKA !
Quoiqu’il en soit, en 1887, KANO codifie le RANDORI (libre exercice emprunté à la YOSHIN RYU) et démontre que ce
nouveau JU JUTSU, est à la fois, une rupture avec le passé (le BU-JUTSU et BUGEI violent et utilitaire), et une ouverture sur
le futur. Ce serait ainsi un art de vivre, une discipline nouvelle, un "sport", pouvant intéresser les jeunes comme une certaine
élite aussi... un DO rénové... un SHIN BUDO.
Si nombres de Ryu de Ju Jutsu « signent » chez Kano... de nombreuses écoles de BU-JUTSU font alors front, et la querelle de
s'amplifier. Pour leurs Sensei et beaucoup d'autres, ce KANO, qui n'a pas reçu l'initiation des OKUDEN (enseignements
ésotériques secrets), n'est pas des leurs, qui plus est pour certains, il "utiliserait" les JU JUTSU pour mieux les récupérer et les
vendre à l'étranger, car un GAIJIN (un étranger, un métèque...) a été inscrit au KODOKAN en 1893 (il s'agit du Capitaine
Hugues). Quant aux rencontres soi-disant "sportives" entre le KODOKAN et écoles de BU-JUTSU, elles ne se déroulent pas
toujours comme il est raconté par certaines réécritures contemporaines. En fait il s'agit souvent plus de "frictions" se soldant
par des blessés (graves quelquefois, et... un mort !), et cela, malgré l'application de nouvelles règles de combat encore plus
restrictives édictées par KANO. Règles qui mettent les anciens RYU dans l'incapacité (nous l'avons vu lors de la première
rencontre) de s'exprimer complètement, et qui pratiquement les condamnent à la défaite (est maintenant totalement supprimé
l'ATE WAZA "incontrôlable et inachevé", puis sont modifiées les projections (NAGE WAZA), enfin les clefs (KANSETSU
WAZA) et le sol (NE WAZA) sont régentés. Aussi l'opposition au JUDO, s'organise-t-elle, et impose à KANO dès 1895, la
(re) fondation du DAI NIPPON BUTOKUKAI à TOKYO, un organisme national destiné à assurer dans le Japon moderne la
survie des disciplines martiales du BU-JUTSU et du BUGEI comme la maintenance de l'esprit Samouraï.
Et c’est ce BUTOKUKAI qui organise à Kyoto, le 24 juillet 1906, le congrès tant désiré par Kano. Il en sortira bien la paix
(mais une paix armée) signée entre 14 Maîtres de BU-JUTSU et BUGEI, et 6 membres du KODOKAN, ce qui permet à
JIGORO KANO (M° maintenant et pour cause !) d’incorporer les dernières techniques léguées par les anciens RYU, et cela
suivant deux principes à ses yeux et toujours indispensables: Qu'elles reposent sur des bases scientifiques et qu'elles soient
épurées de tout ce qui risquerait de blesser le pratiquant. Il a mis au point dans ce même esprit les UKEMI (chutes) en
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simplifiant celles du BU-JUTSU (il en existait 17 sous le nom de TO JIN HO (chute sur surface dure) et n'en conservera que 3
(si on excepte celles utilisées dans KOSHIKI et ITSUTSU, les KATA supérieurs), si on excepte les "arrières", "latérales", et
"avant roulées", adaptées aux TATAMI et à l'adversaire (qui s'il ne se retient pas toujours, ne peut qu'être projeté que d'une
certaine façon pour subir IPPON... le point victorieux dans le règlement).
Notes :
Les anciennes chutes du Bu Jutsu, laissées de côté par M° KANO, sans frappe de l'avant bras, mais avec les paumes près du
corps, bras à moitié fléchis, permettaient alors la récupération en cours de mouvement de toutes les projections possibles. Elles
donnaient aussi la possibilité de se relever instantanément soit avec un large mouvement de balayage soit avec l'armé d'un
coup de pied. Des chutes, que l'on ne connaît plus qu'imparfaitement maintenant, pour la plupart très acrobatiques et qui ne
sont pas sans nous rappeler : les sauts périlleux avants, arrières, latéraux, roues, appuis, saut de main, rondade, salto avant et
arrière, flip flap, en pivot avec toupie, utilisant les ciseaux de jambes, les cambrés... en quelque sorte toutes les formes de la
gymnastique au sol bien connue aujourd'hui, et dont certaines sont retrouvées et utilisées aujourd'hui au SHORINJI KEMPO,
comme dans les WU SHU à l'Opéra de Pékin, et au Wadoshin...
Ceci étant et par la force des choses et surtout des lois... l'art du combat sans arme au Japon (Jiu-Jutsu), s'est donc
complètement substitué à celui des armes, ce qui n’empêchent pas nombres de descendants d'ancien Samouraï d’éprouver
toujours un violent mépris pour celui (le paysan ?) qui se voudrait efficace ainsi à mains nues, le sabre qu'il espère récupérer au
plus vite restant toujours son « âme ».
D'autre part, si les grandes familles de Samouraï créent les premiers groupes industriels du pays (les ZAIBATSU), si les
classes moyennes accèdent au pouvoir économique (aujourd'hui on dirait à la consommation), si les BUDO sont désacralisés et
n'intéressent plus grand monde (à part les Judoka du Kodokan), un contre-courant s’installe tout autant, chez ceux qui vantent
leur « ultra nationalisme naissant » et on assiste bientot chez ceux-là, à un retour sans fioriture de l’esprit meme du Bushido...
un esprit qui se cristallise à travers le DAI NIPPON BUTOKUKAI, ou certains experts rappellent à la fois l'efficacité
incontestée des anciens BU-JUTSU et la valeur des traditions rattachées aux anciens Ryu.
Bientôt d’ailleurs tous les officiers supérieurs fréquentent ce BUTOKUKAI, puis par effet d’entraînement c’est toute la police
et l'armée qui démontrent leurs grandissimes intérêts pour ces anciens BU-JUTSU et BUGEI. Enfin si les décrets de MEIJI ont
dissous les CLANS et les RYU, les Samouraï ressentant de nouveau, le besoin de se retrouver entre eux, et le premier directeur
du Butokukai: M° Komatsumiya, nommé et honoré par l’empereur lui-méme, fait bientot « doubler » ce Butokukai, par une
véritable école militaire (la Budo Semmon Gakko), ou l’on se charge de porter au plus haut point les vertus martiales du
Bushido. Des vertus inculquées par la meme occasion dans l’enseignement des écoles fréquentées par la jeunesse japonaise. Et
les plus grands maitres de se trouver alors dans l’obligation d’y enseigner, sous réserve de ne pas se trouver exclus du cadre
officiel à la pratique des Budo.
De son coté en 1922, la société culturelle du KODOKAN enfonce le "clou", avec pour affirmation "C'est par l'entraide et les
concessions mutuelles qu'un organisme groupant des individus peut trouver sa pleine harmonie et réaliser des progrès
sérieux". Dans le même temps la section féminine est mise en place, une des premières gradées féminines et GAIJIN
(étrangère) sera Miss Ruth B. GARR, une des 17 femmes à l'époque ayant rejoint le KODOKAN, elle recevra bientôt le 3ème
DAN... encore une fois au grand dam des BU-JUTSUKA, une femme C.N., c'était quand meme proprement inimaginable !!!
Ceci étant,en cette fin de XIX° siecle, la démarche de M° Kano donne des idées aux anciens Soke des Bu Jutsu Ryu, et c’est
bientot la résurgence du KEN JUTSU... qui redémarre très fort sous le vocable KENDO à l'Académie fondée à Tokyo en 1909
par le biais de la vénérable ABE TATE RYU, c’est ensuite le NAGINATA DO, le KYU DO, et beaucoup d’autres DO, tous
ces SHIN BUDO et ceux qui allaient suivre, rejoignant par-là, les différents courants éducatifs qui voulaient offrir comme en
Europe (le seul phare culturel du moment) des sports ludiques d'abord, des sports de combat ensuite, des sports parfaitement
typés sans risque important, des sports dont l’apprentissage et l’évaluation, étaient aisément quantifiables.
Et pour les plus connus, ce seront pour les uns comme pour les autres :
La Boxe sans autre moyen que les coups...
La Lutte sans aucun coup...
L’Escrime sans coup, ni saisie, ni projection.
Tous ainsi voulant aussi s'éloigner de la réalité de la rixe ou du combat réel où toutes ces spécificités pouvaient se retrouver
mêlées.
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II - DES KARATE JUTSU aux KARATE DO
1 - La Boxe, parlons en justement...
Au XIX° siècle en Europe, Anglaise ou Française, c’est le «Noble Art » :
- L’Anglaise, existe depuis le XVIII° siècle, elle a remplacé le « Pugilat » d’une brutalité inouïe (on pouvait vaincre son
adversaire en lui mordant la carotide !!!). Elle utilise depuis 1857 les règles dites du « Marquis de Queensbury »,
professionnelle ou non, il en existe maintenant 17 catégories de poids, et en « amateur » elle fait son entrée aux Jeux
Olympiques de 1904...
- La Française, elle, est née vers 1830, de la réunion des coups de poings de la boxe anglaise et des coups de pied de la très
ancienne « Savate », d’après la proposition de Michel Casseux (ou Pisseux ?). Elle est enseignée aux militaires dès 1852, fait
l’objet en 1899 d’une rencontre Charlemont (le champion de Boxe Française, qui remporte le challenge) contre Driscoll (le
champion de Boxe Anglaise). Elle est présentée aux Jeux Olympiques de Paris en 1900, puis comme sport de démonstration
aux Jeux Olympiques de Paris 1924...
Ces deux « sports » au début du siècle, sont fortement admirés au Japon, mais ensuite avec l’ultra nationalisme ambiant, par
xénophobie, ils sont maintenant rejetés... aussi faut-il leur trouver un succédané local, et cela n’est pas simple, parce qu’en
théorie dans les arts martiaux Japonais anciens (les 18 Kakuto Bugei), la boxe n’existe pas « stricto sensu », mais seulement
sous la forme Ate Waza (technique des coups de pieds et de poings), comme une possibilité de combattre toute à fait annexe et
selon la sensibilité des Ryu. Par ailleurs certains Ninja utilisent une forme de « Kempo », mais cela est considéré comme
parfaitement « odieux et mal élevé ». Enfin, il existe une forme trés particulière d’art martial Okinawaien, le TO DE, qui si à
l’origine n’excluait aucune forme de combat avec ou sans arme, fait maintenant la part belle, aux coups de poings et de pieds,
et dont certains rapports « politiques » affirment son « utilité indéniable dans la préparation des jeunes recrues ». Ce To De,
ou Okinawa Te, ou Karate Jutsu, d’origine chinoise, est enseigné maintenant collectivement dans les écoles des RYU KYU
depuis le rattachement de ces Iles à l’Empire Japonais. Là... le travail en ligne des « Kihon » scandé par celui qui donne la
mesure (ichi, ni, san...) est associé à des ordres donnés en Japonais tels : Hakaite, Mawate, Yassme, Ouss, etc... selon la
méthode dite « Gorei » importée de l’enseignement militaire Franco Prussien (une méthode parfaitement inconnue jusqu’alors
en Chine comme à Okinawa)...
Historiquement donc, dans les BU-JUTSU du Japon métropolitain, l’ATEMI, ne visait pas essentiellement à éliminer
l'adversaire, soit par ce qu’il ne touchait pas toujours réellement, mais porté en direction du visage aveuglait pour briser une
attaque (à l'aide du dos du poignet le plus souvent en fouettant dans un mouvement de tout le corps, par ex.), soit par ce que cet
ATEMI à cette époque, quelque fois nécessaire, était rarement indispensable, et presque jamais suffisant. Le BU-JUTSU KA
d'alors, équipé d'armes comme il l'était (pour la défense comme pour l'attaque) n'éprouvant évidemment pas le besoin de
pousser bien loin la technique des ATEMI, ni dans l'usage au combat, ni à l'entraînement, ni enfin dans la recherche ; et cette
démarche n'avait pu que se renforcer avec la nouvelle éthique imposée dès 1603, à savoir "vaincre en souplesse" en utilisant au
mieux l'énergie de l'adversaire avec les JIU-JUTSU.
Et si dans les JIU-JUTSU RYU, la plupart des ATEMI avaient aussi été délaissés au profit des techniques de soumission, et
cela parce que le sabre comme tout l'arsenal guerrier portés encore par le Samouraï pouvaient les remplacer aisément en cas de
nécessité... ajoutons pour être bien compris que les politiques du moment se réservaient bien sûr l'utilisation de GO (la force...
autrement dit : les arquebuses) contre les récalcitrants, ce qui excluait évidemment toute tentative sensée de combat
rapprochée. Ces politiques étant par ailleurs les seuls à détenir ces arquebuses, celles-ci furent utilisées à chaque fois sans
compter, appliquant par-là d'une manière tout à fait « spécieuse » la maxime "GO JU NI JU GO"... ou "La force contre la
souplesse, la souplesse contre la force".
De fait, rares, furent donc au Japon, les RYU de BU-JUTSU ou de JU-JUTSU à avoir travaillé les ATEMI en profondeur, si ce
n'est la YOSHIN la première école de combat à les intégrer d'une manière rationnelle, le Dr Yirobei AKIYAMA (son
fondateur présumé vers 1630) ayant en effet reçu de HUEI TO, les principes mêmes du KENPO (Atemi Waza en Chinois). Et
si plus tard vers 1830 la TENSHIN SHINYO RYU avait pu reprendre à son compte ces techniques et tenté de les développer, il
n'en reste pas moins que la variété des Atemi comme leur utilisation était de fait beaucoup moins importante dans ces RYU
que dans les méthodes de combat occidentales ou orientales ou meme comme dans l'Okinawa Te, qui justement faisait
maintenant de cet ATEMI une fin en soi, quoique utilisant mais à une autre échelle que le BU-JUTSU, les projections,
contrôles, travail au sol, et travail avec les instruments domestiques (TIGUA).
Et en tout état de cause, en ce début du XX° siècle, frapper en Bu Jutsu ou en Jiu Jutsu comme on aurait frappé dans ces
"boxes" occidentales eut été considéré comme une « incongruité ». Ceci étant... le Butokukai s’en vint quand meme à penser
que les SHIN BU-JUTSU ne pouvaient se passer de l'avancée représentée par les boxes occidentales, car très patriote mais
aussi très pragmatique, il n'était pas sans avoir ressenti comme personnelles, les tristes désillusions de certains BU-JUTSU KA
trop irascibles et proprement "descendus" par d'obscurs boxeurs occidentaux, marins ou militaires Anglais, Hollandais,
Allemands ou Français, mais aussi Chinois ou Okinawaiens... de passage au Japon (les rixes dans les ports sont toujours une
source de savoir à partager !)... maîtrisant pour certains la boxe anglaise, pour certains la boxe française comme la bonne
vieille "Savate" de nos garnements, pour d’autres enfin le WU SHU de Chine, ou le To De, cet art martial okinawaien encore si
mal connu au Japon. La plupart de ces « voyous » possédant surtout l'art et la manière du « combat de rue » contre un
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adversaire à mains nues ou légèrement armé (comme ce Samouraï déchu justement, celui-ci n'ayant alors plus cette impunité
liée au sabre et au port de l'armure). Et s’il y eut (certainement) des exploits dans l'autre sens, ils nous sont beaucoup moins
bien connus (?).
En premier lieu, sur le strict plan de l'efficacité donc, et parce que lors de confrontations amicales (?) ou dans les rixes qui
opposaient les Samouraï de l'ère MEIJI aux militaires Français, Prussiens, ou Anglais, requis pour la réorganisation de l'armée
Japonaise, comme aux quelques Okinawaiens de passage ; si le Samouraï avait la malchance de s'encanailler avec un
spécialiste, pour les uns, de Boxe Anglaise ou Française, pour les autres d'Okinawa te... le résultat le plus souvent était acquis
(voir chroniques de l'époque) à son détriment, plus entraîné qu'il avait été dans les RYU encore fréquentés à dégainer des
sabres qu'il ne pouvait plus porter, qu'à disputer un combat obscur où la lutte se mêlait à la Boxe, ou le coup de poing (ou de
pied) était élaboré en défense d'abord, mais tout aussi bien en SEN SEN NO SAKI (attaque préventive), où le coup de couteau
n'était pas toujours prévisible comme dans les KATA, et ou le combat quel que soit son début et sa finalité se terminait
pratiquement toujours au sol... Ainsi en 1928, Patty O' GATTY un boxeur "bien de chez nous" n'avait-il pas mis proprement
KO, en 14”, un JIU JUTSUKA de YOKOHAMA pourtant renommé (la réponse au célèbre K. O. de M° MOTOBU sur le
lutteur russe en 1921 ?).
Qui plus est, ces BU JUTSUKA, maintenant en tenue de ville, étaient tout aussi mal préparés aux saisies comme aux échanges
de coups, comme pouvaient l'être les adeptes du TO DE ou en Occident ceux de la savate ! Or, dans un combat libre, les
Boxeurs savent combien il est difficile de saisir à coup sûr, sans parer, bloquer, esquiver d'une manière bien spécifique... et
faut-il pour s'en convaincre, rappeler un dicton de M° KENJI SAWAI « Quel que soit l'adversaire si vous laissez saisir votre
coup de poing, ou de pied, il vaut mieux arrêter le combat... »., ce qui veut signifier, à contrario, qu'il est fort douteux que l'on
puisse saisir directement le coup de poing (ou de pied) d'un expert sans entraînement spécifique... ce qui laisse rêveur devant
certains JU-JUTSU où la saisie en vue d'une projection, d'un étranglement, d'une clef ou d'un contrôle pendant un combat libre,
se présenterait devant un boxeur comme une simple formalité. Toutes façons, qui par ailleurs, ne cohabitaient pas ou peu dans
les BUDO si policés du fait de leurs histoires et de leur éthique. De la même façon, dans l'ancien BU JUTSU en armure, les
coups de pied autres que MAE GERI GEDAN étaient rarement utilisés, de là à ignorer toute la panoplie des GERI disponibles
en attaque comme en défense signifiait, en "tenue de ville", c’était se priver d'une arme considérable, tenant compte bien sûr de
l'autre dicton de M° KENJI SAWAI : "Si le niveau de ton adversaire est égal ou supérieur au tien, tu es un homme mort si tu
lèves un coup de pied plus haut que la ceinture”.
En deuxième lieu, si une certaine querelle avait pu continuer de se développer en ce début de XX° siècle, celle opposant les
détenteurs de l'ancien BU JUTSU aux garants du BUDO et des SHIN BUDO, que ce soit sur le plan de l'éthique pure ou à
propos de la valeur propre de ces SHIN BUDO, ou sur le strict plan de l'efficacité. Cette querelle allait être balayée, dès la fin
du premier tiers du XX° siecle, par la nécessité de reconvertir ces SHIN BUDO, même les plus souples, en techniques de
préparations psychologiques aux combats les plus "raides" qui allaient être... (ce qui les fera interdire, après la guerre, pendant
plus de 5 ans). Tout cela pour expliquer aussi que le BU JUTSU face aux SHIN BUDO les mieux intentionnés qui soient, avait
encore de beaux jours devant lui, et ceci explique peut être ce qui suit...
Aussi le Butokukai dans un premier temps, va-t-il se charger d’étudier la chose, pas mécontent du tout, de pouvoir jeter une
pierre dans le jardin de M° Kano justement ; et c’est ainsi, lors de la première Exposition Nationale sur l’Education Physique
organisée par le ministère, qu’une démonstration de cet art martial Okinawaien, le To De, est faite par un expert. Il s’appelle
FUNAKOSHI Gichin et il est envoyé par le Département de l’éducation de la préfecture d’Okinawa à la demande justement du
Butokukai. A cette démonstration, assiste aussi M° KANO, haut fonctionnaire de ce ministère, qui fortement intéressé, invite
alors M° Funakoshi à effectuer une démonstration supplémentaire dans son Dojo du Kodokan nouvellement construit, quant au
Butokukai au vu de la démonstration, son avis est plus que mitigé !
Note :
Nous ne sommes pas sans savoir, combien l’érudition de M° Kano pouvait etre grande à propos des Arts Martiaux en général
comme des Budo japonais en particulier. Aussi nous sommes quasiment certains que la démarche de M° Kano avec les Budo,
ne fut pas faite sans tenir compte de celle réussie par son « alter ego» : Le Marquis de Queensburry en Angleterre, quelques 30
ans avant la sienne. Le passage du « Pugilat » à la « Boxe Anglaise » rappelant point par point celui des « Jiu Jutsu » au
« Judo »...
2 – Avec M° FUNAKOSHI GICHIN (1869 – 1957) : Selon « Le Sangyo Keizai Shimbun ». Journal du
Commerce et de l’Industrie – 1956).
Au Japon (c’est la 2° fois... )... pour M° FUNAKOSHI les temps ont donc changé, et s’il doit faire en sorte que le JUTSU
(l’aspect technique) de l’OKINAWA TE frappe les plus dubitatifs, il doit aussi mettre l’accent sur un aspect spirituel (DO),
jusque là « oublié ». En l’occurrence, Il faut faire passer le message de M° ITOSU, à savoir que le Karate Jutsu serait surtout
un “Art de vivre” comme une «Education patriotique »... et là, M° FUNAKOSHI, s’il est présenté maintenant comme
"Président de la OKINAWA SHOBU KAI" (Association pour la promotion des Arts Martiaux d'Okinawa), c’est aussi, le fin
lettré, le maître en poésie et en calligraphie, l’éducateur avisé, et il va gagner la partie...
FUNAKOSHI GICHIN est né en 1869 (ou 1870) à SHURI, capitale royale d’Okinawa, dans le district de YAMAGAWA
CHO. Dans sa famille, issue de la petite noblesse, dont le nom se lisait aussi « Tominakoshi », le grand père avait été un
célèbre savant confucianiste, tuteur de la famille royale qui avait reçu du gouvernement pour ses bons et loyaux services, une
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grosse pension, ensuite dilapidée dans les alcools (awamori) et les jeux par le fils Gisu. Gichin né deux mois avant terme, sera
fils unique d'une famille maintenant modeste, il est plutôt chétif et envoyé chez ses grands parents qui vont le choyer, là, il
recevra une culture classique... Nous avons vu dans la première partie du To De, comment le roi des Ryu Kyu avait été déposé
par les Japonais en 1879... et comment une rupture franche s’était installée dans la population des Iles entre le parti des
« Eclairés » et le parti des « Conservateurs »... et si les nobles d’Okinawa ne tenaient plus vraiment à des privilèges qu’ils
avaient de toute façon perdu depuis longtemps... certaines famille s restaient toujours attachés à une certaine culture d’antan,
dont le port du « Chignon » d’origine chinoise. Chez les Funakoshi il en était ainsi, et Gichin du refuser la place qu’il avait
obtenue à l’école de médecine de Tokyo, parce que cette école refusait dans ses rangs les porteurs de chignon... Chignon qu’il
se résoudra à couper en 1888 pour obtenir un poste d’enseignant (il fallait bien vivre !), comme il l’écrira plus tard « les dés
etaient jetés », le vieil ordre avait disparu pour toujours, et à partir de 1891, et il passa trente années dans la région de Shuri /
Naha, comme maitre d’école (sans jamais s’absenter pour une seule heure de classe) ...
... Avec le sentiment d’avoir perdu un combat certes (mais pas la guerre), et comme beaucoup d’Okinawaien d’alors il rumina
son opposition au nouveau système politique en reprenant l’entraînement à l’Okinawa Te, qu’il avait découvert vers 15 ans
avec son maître d'école qui n'était autre que le fils de M° Azato YASUTSUNE, un des plus grands expert d’alors. Avec celuici (et un autre disciple: CHOJO OGOSOKU) il avait appris à l'ancienne : le « Reimyo Tode » (La Merveilleuse Main
Chinoise), en un lieu interdit (en fait chez Azato lui-meme), en secret, la nuit, avec un seul Kata que l'on répète mois après
mois pendant trois ans (Hito Kata San Nem), avant d'en changer si le maître le décide (au point “d'en ressentir exaspération et
humiliation”. Il avait aussi pratiqué un bref moment avec Taitei Kinjo (1837-1917), celui qu’on appelait « poing de fer » parce
que capable de tuer un boeuf d’un seul coup... mais ce dernier grossier et mal embouché devait etre vite « oublié »... Il avait été
alors présenté à M° ITOSU, qui le prenait sous son aile, puis avait été amené à travailler avec les M° KIYUNA (celui qui était
capable d'écorcer un arbre à mains nues), TOONA (Kanryo Higashionna ?), NIIGAKI et brièvement avec Sokon
MATSUMURA. L'essentiel de son savoir en TE, est donc déjà acquis, à savoir l’Okinawa Te Shorin, et dès 1913 il fait partie
d’un groupe d’experts qui font des démonstrations dans l’Ile (son père lui aurait appris le maniement du Bo de 1m80). Il
épousera ensuite une insulaire (elle teignait les étoffes et était réputée comme intrépide) qui se mettra aussi au Karate (elle prit
à une époque quelques étudiants à l’entraînement, et devint dit-on aussi aguerrie que son mari, dont elle aura 4 enfants (trois
garçons et une fille). Localement le couple était alors consideré comme des gens de bons conseil et plusieurs fois la police fit
appel à lui pour régler des contentieux entre villageois d’alentour, comme à Mme Funakoshi pour régler des disputes
familiales.
Avec les années... le Karate sorti de sa clandestinité, des démonstrations furent donc organisées, puis il est enseigné dans les
écoles, il est enfin récupéré par les politiques et l’armée Japonaise... et en 1917 ( ?) Funakoshi est donc invité à faire une
démonstration au Butokuden de Kyoto... sans retombée semble-t-il.
Quant il se présente donc pour sa deuxième démonstration, devant le public venu assister à la grande fête de gymnastique et
des arts martiaux rénovés (SHIN BUDO), ce petit homme de 1 m 57 d'à peine 60 Kg et de plus de 50 ans, ne correspond certes
pas au mythe du terrible combattant que les Samouraï avaient encore du affronter 50 ans auparavant et dont les exploits
faisaient encore grimacer ( ?). Que se passa-t-il donc pour qu'il ait été plébiscité ?
D’abord Funakoshi (averti par la première démonstration ?) avait organisée très soigneusement son affaire. Cette fois pour
affronter l’élite de la société japonaise, il avait minutieusement organisé sa présentation dynamique d’illustrations dépeintes et
annotées sur 3 longs rouleaux de parchemins, et l’accueil fut excellent.
En réalité, outre les Kata et formes de base qui rendaient les anciennes techniques de poings et de pieds de l'ancien BU-JUTSU
presque grossières, au grand dam des Soke des anciennes écoles de Bu Jutsu qui rebaptisèrent sur le champ cet art martial de
« Boxe énergétique Okinawaienne » et de « Danse indigène locale n’ayant rien à voir avec les traditions martiales
ancestrales », les explications circonstanciées données par Funakoshi enthousiasmèrent la foule des « quidam » ; une foule qui
d'ailleurs était en train de changer vis à vis de ces JUTSU qu'elle rejetait depuis maintenant une génération. M° Funakoshi
emportant la décision en démontrant l'étroite relation qui existait entre l'efficacité des techniques démontrées et les explications
scientifiques qu'il donnait, et cela avec un langage et une méthodologie claire et moderne, de cette modernité que tous les
présents venaient justement chercher. Idem pour la démonstration faite le 17 mai 1922 au KODOKAN, qui outre le fait qu’elle
conquis complètement M° Kano, posa question à M° FUNAKOSHI:
- Quelle tenue adopter ? A Okinawa, à cause de la chaleur, les pratiquants s'entraînaient en pagne et torse nu, mais devant les
Grands Maîtres du JUDO, pouvait-on passer pour des sauvages ? Aussi pendant la nuit, il avait cousu deux tenues s'inspirant
de celle des JUDOKA mais dans un coton plus léger, et, en arrivant au KODOKAN, il en avait remise une à MAKOTO
GIMA, un de ses élèves (ancien aussi de YABU KENTSU, de MABUNI et de CHOTOKU KYAN ), lequel va démontrer
Naifanchi, après que lui-même eut démontré Koshokun). Restait un dernier problème:
- Quelle ceinture utiliser pour ne pas choquer les Judoka et leur maintenant fameuse Ceinture Noire ? C'est M° KANO qui
suggèrera aux deux Karateka (avant la lettre) de mettre eux aussi une C.N.... et qui dira aussi à la fin de la démonstration:
"Monsieur FUNAKOSHI je pense que l’OKINAWA TE est un art martial honorable ; si vous désirez le diffuser au Japon, je
suis prêt à vous aider" (les élèves noueront alors leurs ceintures sur le devant à la manière des Judoka, mais (pour quelle
raison ?) M° Funakoshi nouera toujours la sienne sur le coté.
Cette rencontre avec M° KANO sera décisive, et dès ce moment, les deux maîtres s'estimant au plus haut point, M° KANO
pèsera alors de tout son poids pour faciliter l'enseignement de l’Okinawa Te au Japon, via le Butokukai (l'on rapporte à ce
propos, que jusqu'à la fin de sa vie, alors que M° KANO était mort depuis 1938, M° FUNAKOSHI tiendra à s'incliner chaque
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jour en direction du KODOKAN à la mémoire du disparu). Il fut décidé aussi que le "GI" (vêtement d'entraînement) serait
assez semblable à celui des JUDOKA, mais en tissu moins épais et moins résistant (a priori, il ne devait pas y avoir de saisie
nous savons pourquoi). De meme seront portées, les mêmes ceintures avec les memes valeurs que dans le système KANO
(grades KYU et DAN), donc jusqu'au 5° DAN (mais le KARATE JUTSU devant rester un art mineur dépendant du JUDO,
quand le Kodokan décernera jusqu’au 10° Dan après 1936, le Karate, toujours sous tutelle n’en profitera pas).
Pour M° FUNAKOSHI tout allait alors changer... d'abord il doit rester à Tokyo et abandonner sa famille à Okinawa (ici les
renseignements divergent, pour certains les relations avec son épouse n’étaient plus au beau fixe, pour d’autres, elle refusa afin
de ne pas abandonner les rites ancestraux dus à sa famille sur le sol natal), tout cela non pas pour accepter une belle situation,
mais une place de "pion" dans un dortoir pour étudiants à Suidobashi (un quartier de Tokyo) afin d'enseigner gratuitement
l’Okinawa Te aux premiers "mordus" Japonais (en fait il n’était pas seul, son fils ainé s’étant déjà établi à Tokyo comme
charpentier), et pour faire reconnaître le To De d’Okinawa comme un BUDO à part entière. Son premier disciple nippon sera
TANAKA KUNIKI, et son premier élève, le peintre HOAN KOSUGI du Tabata Popular Club (un cercle de peintres), les
autres étaient pour la plupart des Judoka, issus du Kodokan. Il travaille la nuit comme portier, balayeur, ou veilleur de nuit, il
est rendu comme un simple domestique, et pour assurer sa subsistance il est souvent obligé d’échanger avec le cuisinier, des
leçons de Karate contre une part du prix de sa nourriture, et quelque fois meme, il mettra en gage ses maigres biens...
Puis quelques temps après, avec l’accord des M° ITOSU et AZATO, il s'établit à Meisei Juku, une pension de famille réservée
aux étudiants d’Okinawa dans le quartier de Suidobata, et pour enseigner il obtient la permission d’utiliser la salle de
conférence, là ou il enseignera aussi la calligraphie, mais il lui faudra vivre encore longtemps à l'aide de subsides versés par ses
proches.
En novembre 1922, M° Funakoshi publie son premier ouvrage RYU KYU KENPO TODE (Les techniques de poing chinoises
des Ryu Kyu) illustré par Hoan Kosugi, mais les clichés sont détruits lors du tremblement de terre du 1° septembre 1923
(120.000 morts à Tokyo), la pension de Meisei subit quelques dégâts, des élèves ont perdu la vie d’autres sont gravement
blessés, et l’entraînement de cesser... Suite au désastre, M° Funakoshi réussit à subsister en travaillant dans une banque ou il a
pour tache de recopier des documents. Pendant les réparations du Dojo, le grand maitre de Kendo, Hakudo Nakayama (1874 –
1958), lui offre alors d’utiliser son Dojo le Yushin Kan, pendant les heures creuses. Là, il reconstitue une petite équipe
d’élèves (nul doute aussi que le maitre de sabre, n’ait influencé l’évolution de l’Okinawa Te), et bientot il peut louer une
maison dans le proche voisinage (à Masogocho Sho), y installer d’abord un Dojo dans le jardin sur des planches de bois, puis
réussissant à louer le rez-de-chaussée d’une maison voisine, il y installe un « vrai » dojo de 30 mètres carrés. Là, il va vivre
ensuite avec son fils Gigo qui vient de le rejoindre (ce dernier a tout d’abord travaillé comme apprenti charpentier à Senju, puis
il a obtenu un diplôme de technicien dans un laboratoire de radiologie, il s’était aussi initié au Karate auprès de son frère ainé
Yoshihide, lequel travaillait au ministère des finances de Tokyo).
En 1924, M° Funakoshi publie une nouvelle édition remaniée « RENTAN GOSHIN KARATE JUTSU » (Entraînement et
autodéfense dans les arts du Karate), un livre illustré de dessins représentant des Kata, et agrémenté de témoignages données
par des personnalités en vue. Vite ensuite, c'est le succès : Septembre 1924, ouverture du premier club universitaire à KEIO,
Janvier 1926, deuxième club à ICHIKO, en 1927, trois écoles (WASEDA, TAKUSHOKU, et SHO DAI), enfin une autre à
HITOSTUBASHI. Après c'est l'explosion, rien qu'à TOKYO il s'en ouvre une bonne dizaine... y compris dans quelques
académies militaires (des champions de Sumo viendront meme lui demander à etre instruit, sur la manière la plus efficace
d’effectuer des poussées).
La démarche de M° Funakoshi à ce sujet se veut à ce propos délibérément moderne, ce ne sont plus les élèves qui viennent
dans le Dojo du Sensei mais c'est le Sensei qui implante des Dojo un peu partout et s'y rend pour enseigner (il délèguera
ensuite dans chaque université la responsabilité de l’enseignement, à l’ancien élève le plus avancé en Karate). Il est amené
aussi à participer avec ses élèves a deux importantes démonstrations de BUDO, organisées par le gouvernement, l’une en 1924,
l’autre en 1928 sous le patronage de la maison Impériale.
Les 6 premières "C.N." de KARATE sont décernées en 1926 (la première à MAKOTO GIMA ? ou à OHTSUKA HIRONORI
?), une C.N. de KARATE DO ? ou de KARATE JUTSU ?, car le maître parle en effet maintenant de remplacer le phonème
JUTSU par le phonème DO, ce qui ne manque pas à Okinawa de semer l’inquiétude, et la révolte de gronder (on peut, en effet,
lire TO ou KARA, il s'agit du même symbole en Japonais, car l'un et l'autre désigne la Chine, quant à DE en Okinawaien c'est
le TE ou THI (main), mais le maitre explique maintenant que KARA peut aussi se lire KU, qui cette fois veut dire “Vide”, et
là, il s'agit du “vide” se référant à l'esprit, c'est le "non mental" de la philosophie Bouddhiste ; une interprétation qui n'est
d'ailleurs pas totalement nouvelle puisque C. HANASHIRO s'en réfère semble-t-il, déjà ainsi depuis 1906, et puis tous les
KUNG FU WU SHU n'y faisaient-ils pas référence ?).
Sur ce en 1927... M° KANO pour les Shin Budo, emploie le terme KYOGI JIUDO, terme signifiant: Forme de JUDO dans son
sens le plus large, et comprenant: la technique (WAZA), la forme physique (RENTAI HO), la culture de l'esprit (SHUSHIN
HO), tout ce dont il estime nécessaire, pour arriver à la perfection de soi... Et à ce propos, la position de M° KANO de se
radicaliser, malgré (surtout depuis ?) la résurgence des BU-JUTSU et du KEN JUTSU. D’abord il fait du KODOKAN, un
centre d'entraînement quasi paramilitaire, puis il fait accepter (après des débats homériques) ces "Techniques de combat du
Sud" par le BUTOKUKAI, comme « Art Martial en complément du JUDO ». En réalité il a fait reconnaître « Le Funakoshi
Karate Budo » comme une des spécificités du cursus « JUDO KODOKAN ». Le Karate, ce serait alors, la partie combat avec
Atemi, spécifique du Judo, partie qui jusque là, n’avait pas encore été développée, sous réserve que l’enseignement de cette
forme de combat "avec" ATEMI, n’empiète jamais sur les projections, étranglements, clefs, et travail au sol du Judo (pourtant
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traditionnellement inclus, dans ce que nous appelons KARATE JUTSU aujourd’hui)... ; et il semble à ce propos, que ce soit
M° Funakoshi qui ait écrit pour la progression du KODOKAN : « KOKUMIN TAIKU DOSA », le Kata d'éducatifs en Ate
Waza pour la SELF-DEFENCE, et certains Atemi du GO NO KATA (aujourd’hui complètement oublié).
Sur ce... M° KANO se rend à OKINAWA, dans le but de « récupérer » les écoles d'arts martiaux locales (les Ryu d’Okinawa
Te) dont il pense en connaître tous les tenants et aboutissants pour avoir suivi les démonstrations puis assisté aux cours donnés
par le maître Okinawaien Funakoshi. Il pense pouvoir les récupérer et les intégrer au Kodokan Jiudo, comme il avait fait à
propos des Ryu de Jiu Jutsu au Japon comme à l’étranger (voir note à ce sujet).
- Mais quand MABUNI Sensei à Okinawa fait les honneurs du KEMPO KARATE JUTSU à M° KANO (KEMPO KARATE
JUTSU qu'il avait déjà présenté devant l’empereur HIRO HITO le 6 mars 1921 en compagnie des M° Motobu, Kyan, et
Gusukuma), un Art Martial sommes toutes fort différent de celui démontré par M° FUNAKOSHI...
- Quand MABUNI SENSEI démontre toutes les ressources de son art, avec les Atemi bien sûr, mais aussi avec les projections,
clefs, travail au sol, et travail avec armes... M° KANO est "époustouflé", par toutes ces techniques qui lui rappellent par bien
des côtés les BU-JUTSU, BUGEI et NIHON BUDO du Japon du nord ; et dès lors, comprend qu'il a peu de chance de
convaincre ces rudes écoles de rentrer au KODOKAN, sous le seul vocable de « JUDO », et il en restera là dans les RYU
KYU, en faisant ouvrir plus simplement des « vrais » Dojo de JUDO, et de KENDO par le Butokukai.
Dans ces îles du sud, chacun ensuite, campera donc sur ses positions, ce qui explique aussi peut-être ? (au moins en partie),
pourquoi seule l'école de M° Funakoshi (le futur SHOTOKAN), n'utilise pratiquement que les ATEMI, quand toutes les autres
écoles de TO DE originelles continueront d'utiliser (au moins en partie) selon les styles, toutes les ressources du combat à
mains nues et/ou avec les Tigua. Le problème restera posé et pour longtemps encore, le temps n'arrangeant rien à l'affaire,
bien au contraire.
Notes : M° Kano avait tenté à Okinawa ce qui lui avait réussi en Europe à savoir faire passer toutes les écoles de « Jiu Jutsu »
européennes alors existantes et dépendantes du Butokukai, sous la coupe du Judo Kodokan. Ainsi par exemple en Angleterre,
quand W.E. STEER avait fait venir M° KANO accompagné de HIKOICHI AIDA (un 4° DAN du Kodokan), M° KANO étant
alors en tournée en Europe au titre de membres du Parlement japonais et de la Maison des Pairs. Venant d'Espagne, après avoir
traversé la France et l'Allemagne, il arrivait à Londres le 15 juillet 1920. Motif de sa visite (officiellement), la reconnaissance
des capacités sportives de la Grande Bretagne au titre du Comité Olympique, dont il était (aussi) membre à part entière. En fait
il etait venu pour signer les accords suivants avec le BUDOKWAI de Londres :
1. M. AIDA, devenait un permanent du BUDOKWAI, et dorénavant il sera payé comme tel, consacrant ainsi officiellement
l'enseignement du “JUDO” en Grande Bretagne.
2. Mrs. TANI et KOIZUMI, les fondateurs du BUDOKWAI, les détenteurs de Menkyo en Bu Jutsu du Butokukai, sont
nommés ipso facto : 2° DAN en KODOKAN JIUDO.
3. M° KANO, dans la foulée, associe comme "écoles » de JUDO KODOKAN tous les Dojo du BUDOKWAI installés en
Grande Bretagne (sans vérifier ni changer quoique ce soit de leur enseignement).
4. M° KANO donne une démonstration de JUDO puis d'autres au titre du BUDOKWAI de Londres, et jusque là tout se passe
honorablement. Si ce n'est que pendant tout son séjour en G.B. M° KANO prend aussi contact, secrètement, avec tous les
autres clubs de JIU JUTSU et BU-JUTSU installés sur le territoire et non affiliés au BUDOKWAI, pour leur offrir à eux aussi
la reconnaissance du KODOKAN (et la Ceinture Noire à leur enseignants)... et pour beaucoup d'anciens Jiu Jutsu ka, il semble
bien que M° KANO soit alors beaucoup plus intéressé par le nombre d'affiliation au Kodokan que par la discipline
véritablement enseignée, ce qui n'est pas sans être interprété de manières très diverses ("Shocking" en Anglais). De fait, la
plupart des instructeurs dorénavant, enseigneront le JIU JUTSU sous l'appellation JIUDO (comme en France à la meme
époque), et pour cause, ni les uns ni les autres, ni TANI ni KOIZUMI, n'ayant alors reçu un quelconque enseignement en
JUDO, avant l’arrivée du Sensei Aida, si ce n'était les échanges fait sur le tapis avec Mrs Akitaro Ohno, Mei Baba et Nitsuyo
Maeba, de passage quelques temps avant la guerre mondiale.
De toute façon M° KANO voit maintenant "tout le Budo" en terme de JUDO : Le KYUDO KA fait du JUDO avec son arc, le
KENDO KA fait du JUDO avec son sabre, le JIU JUTSU KA du JUDO avec la ceinture noire de JUDO (et maintenant le
KARATE KA va faire du JUDO avec l’ATEMI de l’Okinawa Te). Ceci étant nombre d’école de Jiu Jutsu refuseront de passer
au Kodokan, et le différent entre le JIU JUTSU et le JUDO né au Japon de s'installer en Europe et dans les mêmes conditions.
D'un coté les Ryu de JIU JUTSU, de l'autre les Ryu qui ont signé au Kodokan, et la guerre sera déclarée quand il faudra
reconnaître les grades: les fameuses C.N. Au JIU JUTSU, les anciens grades comme les titres d'enseignants décernés par les
Soke des anciens Ryu avant l'arrivée de KANO n'étaient pas des ceintures noires nous l'avons vu, et en cela ils étaient restés
fidèles à la tradition des RYU, mais les nouveaux grades donnés par le KODOKAN (la maintenant fameuse C.N.) faisaient
beaucoup d'envieux, or pour recevoir la fameuse C.N. il suffisait de signer au KODOKAN même sans avoir jamais fait de
JUDO, ainsi germait la discorde dont les Jiu Jutsu Ka d’aujourd’hui subissent toujours les conséquences (en France la querelle,
par M° Kawaishi interposé... dure encore !)
Au Japon, le Karate à quand meme réussi son examen de passage, et M° FUNAKOSHI s’affirme dans sa nouvelle démarche...
D'abord il re / dénomme sa méthode : "DAI NIPPON KENPO KARATEDO" ou "méthode des poings et voie de la main vide
du Grand Japon", ensuite il japonise les noms des Kata anciens (HANGETSU pour SEISHAN, SAIPA pour SEIENCHIN,
TEKKI pour NAIFANCHI, KANKU pour KUSHANKU, BASSAI pour PASSAI, EMPI pour WANSHU, MATSUKASE
pour WANKAN, GOJUSHIHO pour USEISHI, JUTE pour JITTE, MEIKYO pour LOREI, GANGAKU pour CHINTO,
NIJUSHIHO pour NISEISHI), enfin, il réécrit partiellement ces Kata “j’ai révisé les KATA et les ai rendu les plus simples
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possibles », cela en est trop, et c'est le tollé général.
A Okinawa d’abord, où il faudra toute l'intelligence des anciens pour persuader les autres pratiquants de l'archipel, en prenant
pour base de la rhétorique le fait qu'il était nécessaire d'abord d'occulter tout ce qui était d'origine chinoise en cet époque où le
militarisme japonais prenait ombrage de tout ce qui pouvait rappeler la Chine, l'ennemi héréditaire... qu'ensuite il fallait donner
à ce KARATE JUTSU (originellement seulement une méthode de combat) une conscience morale jusque là fort oubliée... donc
en faire un DO (un mode d'existence). A Kyoto ensuite ou la gronde du Butokukai reprenait plus forte que jamais, ou étaient
énumérés des griefs sans fin, le plus important restant qu’il était possible en Karate Do d’obtenir la fameuse Ceinture Noire,
sans jamais avoir combattu (M° Funakoshi interdisant toute forme de Kumite).
Quoiqu’il en soit, la demande de ce nouveau KARATE (DO) au Japon est pressante, puis le manque d'instructeurs est si fort
que de nombreux autres pratiquants (pas tous experts) affluent eux aussi, et, avec eux, apparaît l'inévitable rivalité des
personnes et des styles, sans compter ceux qui s'affrontent déjà à propos du DO comme du JUTSU. Et si M° FUNAKOSHI est
maintenant installé à TOKYO depuis 4 ans, la comparaison (la confrontation) très vite va s’installer. Bientôt il est dit “mezza
voce” que c’est un expert enseignant à OSAKA (Motobu Choki) qui pratique le véritable “art de combat Okinawaien » alors
que celui de TOKYO enseigne une “gymnastique”... Des querelles qui vont assombrir puis opposer les relations de nos deux
experts. A tel point qu'à plusieurs reprises et dans des situations très diverses, MOTOBU sera amené à prouver à
FUNAKOSHI son écrasante supériorité au combat (une fois même après un balayage "éclair", il lui porte le poing en direction
du visage !). Puis vont apparaître les premiers schismes...
D’abord avec M° H. OHTSUKA, puis il y en aura d'autres, jusqu'au propre fils de FUNAKOSHI (YOSHITAKA) qui
remplaçant son père comme instructeur à Waseda s'éloignera progressivement de l'enseignement originel. D'autres enfin
comme MIKI, BO, HIRAYAMA, des disciples lassés de ces répétitions fastidieuses de techniques que l'on n'éprouve jamais au
combat et qui se mettront au JYU KUMITE (assaut libre) de l'ancien JUTSU équipés des protections du KENDO (que nous
retrouverons en 1962 au Japon sous le nom de Karatector) et là M° FUNAKOSHI quittera leur DOJO. Il semble aussi qu’à
cette époque M° Funakoshi fasse la connaissance de M° Ueshiba lors d’une rencontre organisée avec l’amiral Isamu Takeshita
(1869 – 1949), et qu’il participe ensuite à des stages « réservés ».
Finalement en 1935 le KARATE JUTSU est adopté officiellement par la NIHON BUTOKUKAI, et au printemps 1936 M°
FUNAKOSHI réalise son rêve, à savoir qu'un Dojo suffisamment important pour regrouper ses étudiants toujours plus
nombreux soit construit à MEIJURO, un quartier de Tokyo (à Zoshigaya dans l’arrondissement de Toshima). Ce sera le Dojo
“SHOTOKAN” avec l’argent d’une collecte faite dans tout le pays (SHOTOKAN ou “Temple de SHOTO” et désignant le
bâtiment et non le style ou le RYU (de KAN = lieu et SHOTO pour “ondulation des pins sous le vent”... le nom de plume de
M° FUNAKOSHI). Le style de Karate de M° Funakoshi est alors désigné du nom de « Shotokan Ryu » une appellation qui ne
satisfaisait pas le maitre. D’ailleurs il décourageait quiconque le faisait, parce qu’il voulait que le Karate soit « Un » et non pas
reparti à travers plusieurs Ryu (en réalité nous allons le voir, le Karate pouvait etre différent selon les techniques et les
approches des maitres, et ce fut le contraire qui se révéla quand différents styles et différents courants s’affirmèrent, et si le
Shotokan devint un de ses courants majeurs, s’il fut indéniablement le moteur de l’essor du Karate d’Okinawa dans le monde,
il ne prit jamais pied dans son île natale !!!
Puis à Tokyo est fondée l’Association SHOTOKAI dirigée par Y. FUNAKOSHI, G. HIRONISHI, I. OBATA, M. TAKAGI.
C’est l’époque ou le troisième fils de M° Funakoshi, Gigo (YOSHITAKA), devint son premier assistant... et bientot à 67 ans,
M° FUNAKOSHI le laissera alors enseigner seul. Lui, il re / codifiera les KATA, les techniques de base, et peaufinera ce qui
deviendra l'éthique du KARATE DO, "ce complément de la morale", qu'il publiera en 1936 sous le titre "KARATE DO
KYOHAN" (ouvrage de référence qui sera traduit en français d'après la réédition de 1972)...
En 1936, lors d’une réunion organisée par CHOFU OTA, rédacteur en chef du RYU KYU SHIMPO PRESS, C. MIYAGI, C.
HANASHIRO, C. MOTOBU, C. KYAN, se mettent enfin d’accord sur le terme KARATE, et officiellement l’idéogramme
KARA signifiant “chinois” est alors remplacé par un homonyme signifiant “vide”, ainsi la “main de Chine” devient la “main
vide” (vide de pensées égoïstes et mauvaises, vide comme un tronc de bambou et cependant droit et souple et incassable, vide
de soi comme synonyme de la vérité de l’univers)... mais il en sera débattu encore longtemps entre ceux qui voudront
spiritualiser un art de combat d'une très grande brutalité, et ceux qui voudront lui conserver toute son efficacité et tout son
intérêt dans le combat libre (une discussion toujours d'actualité, qui à l’époque fit que M° Funakoshi lui-même, faillit être
suicidé (!) et son élève TAKECHI SHIMODA proprement agressé (et tué ?) par les spécialistes des anciennes écoles
d'Okinawa (ceux ci refusaient en effet d'enseigner aux Japonais du Nord, et pour eux M° FUNAKOSHI avait trahi), OSAWA
un autre de ses élèves échappant de peu à la même punition.
C’est donc au Japon métropolitain que le Karate Do fait donc suite directement au Karate Jutsu, et nombre
d’Okinawaiens et de Japonais s’en viennent l’enseigner dans les grandes villes de Hondo, de Kyushu, et de Shikoku...
comme il est démontré ensuite. Par contre à Okinawa le passage sera beaucoup plus lent, les anciens démontrant encore
longtemps leur hostilité à cette évolution « à la Japonaise ».....
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III - LE KARATE DO AU JAPON
1 - M° Motobu (1871 - 1944) depuis 1921 :
Quand M° FUNAKOSHI est arrivé au Japon en 1922, Motobu est à Osaka depuis plus d’un ans, et dans un contexte difficile
(les démonstrations de CHITOSE en 1915 et de GICHIN en 1917 n’ayant pas vraiment convaincu), gardien dans une usine de
tissage, il a entamé de son coté, la diffusion de son art à sa manière, en l’occurrence en relevant tous les défis (il entend bien
démontrer que le Te d’Okinawa peut faire jeu égal avec les disciplines traditionnelles du Bu Jutsu).
Ainsi, un jour de congé, visitant le pays avec le directeur de son atelier, il est tenté à Kyoto par la classique annonce de
combats libres... C'est alors, un colosse russe (Georges ?) qui gagne contre tous les JIU JUTSUKA, boxeurs, et Judoka qui lui
sont opposés, et, comme l'animateur demande si une personne dans le public veut s'y essayer (le fameux “avec qui voulez vous
lutter” des foires du début du siècle comme en France avant et après la guerre), MOTOBU se propose... pour ce qui sera un
combat très court, puisque le boxeur russe tombe au premier coup de paume). Il va donc faire la “une” des journaux (avec un
certain retard semble-t-il) et alors qu’il n’avait aucun dojo, des élèves viennent d'un peu partout pour recevoir son
enseignement, ce qui le décide (à 52 ans) à ouvrir sa première salle d’entraînement à Osaka meme, ou il crée ensuite la
OKINAWA JUTSU FUKYU KAI (Association pour le développement de l'art du TO DE) ; et devant la demande qui s’affirme
de plus en plus, il offre à des experts Okinawaiens de venir l'assister. Mais personne n'accepte (on connaît le gaillard et... M°
FUNAKOSHI vient d'être appelé vers d'autres destins). Aussi MOTOBU continuera-t-il donc tout seul à Osaka (pour ses
cours, il se fait assister par un interprète qui a la charge de traduire son dialecte d’Okinawa en bon Japonais).
Dès 1925 sa réputation est bien établie, il a fait des démonstrations à l’École Normale de Mikage ainsi qu'à l’École de Police
de Kobe où on lui demande de rester comme professeur. Il publie alors un petit opuscule « Ryu Kyu Kenpo Karate Jutsu :
Kumite Hen » ou Réflexions sur le KUMITE en OKINAWA TE JUTSU, puis en 1926 (ou 27) fait paraître l’ouvrage
"OKINAWA KENPO TO TE JUTSU", un ouvrage technique intéressant à plus d'un titre, qui va l’amener à ouvrir un 2° Dojo
à Tokyo (le DAI DO KAN ou salle de la “Grande Voie”). Laissant alors à Osaka, femme et enfants, il renomme son style
“MOTOBU RYU KEMPO KARATE”. A Tokyo, M° MOTOBU fera de nouveaux adeptes, dont un certain HIRONORI
OHTSUKA, le Soke de l'un des plus prestigieux RYU de BU JUTSU et alors, 1° assistant de M° FUNAKOSHI.
Motobu, bientot reconnu dans tout le Japon, est alors invité à Honolulu en 1932 pour y rencontrer un boxeur dans un combat
organisé par CHOSO TAMAHANA, combat qui n'a pas lieu pour de sombres raisons de visa, et, finalement, restera sur place
quelque temps pour ouvrir un Dojo (un de ses élèves d’alors, James MITOSE, deviendra ainsi l'un des tout premiers pionniers
du KARATE KENPO à HAWAII en ajoutant à son "Official SELF-DEFENCE" des formes de combat issues du NAIFANCHI
de MOTOBU). Puis MOTOBU retourne au JAPON en 1933 (?), enfin rentre à OKINAWA en 1936 avec sa famille, là à
SHURI, il s'attachera alors à présenter son KARATE (KENPO) JUTSU sous ses aspects les plus traditionnels, les plus
authentiques, et toujours les plus efficaces (à travers surtout le KATA “MOTOBU NO NAIHANCHI” à base de projections et
de KYUSHO), ceci étant il reprochera toujours à M° Funakoshi d’avoir voulu transformer le Karate d’Okinawa en un Karate
Budo sur les modèles du Judo et du Kendo.
M° MOTOBU CHOKI mourra à l’âge de 74 ans, le 2 septembre 1944 à NAHA, et avec lui va s'éteindre l'OKINAWA TE,
KENPO JUTSU ou KARATE JUTSU, ce système peu codifié, empirique, pragmatique, très brutal, mais oh combien!
efficace... et si, curieusement après sa mort, on rappelait d’abord son coté bagarreur, ses proches, tels les maîtres OHTSUKA et
HIRONISHI le défendront toujours (ces derniers ne pouvaient oublier celui qui émerveilla une nouvelle fois tout le Japon, par
le combat qu'il fit à Tokyo contre le champion d'Asie de boxe de l'époque, le très célèbre “Piston HORIGUCHI”, ce dernier
n'arriva pas une seule fois à toucher MOTOBU, qui n'eut ainsi pas beaucoup de mal à gagner), ajoutant aussi et contrairement
aux dires de certains que, ”MOTOBU était très poli, qu’il insistait sur la conduite morale et semblait désintéressé par l'argent
!".
MOTOBU laissera la NIPPON KARATE DO MOTOBU KAI et un livre intitulé « WATASHI NO KARATE JUTSU »
(détruit pendant la seconde guerre mondiale). Ceci étant, si MOTOBU n’a eu aucun successeur désigné, contrairement encore
à ce qui se dit le plus souvent, il eut beaucoup d’élèves tels : T. KANESHIMA SHINEI fondateur de ISHIMINE RYU
KEMPO KARATE - KANESHIMA SHINSUKE fondateur du TOZAN RYU - KONISHI YASUHIRO fondateur de SHINDO
SHINZEN RYU - MATSUYAMA SHINSUKE fondateur du KENPOKAN RYU - MITOSE MASAHYOSHI fondateur du
KOSHO SHOREI RYU KENPO KARATE - NAGAMINE SHOSHIN fondateur de MATSUBAYASHI RYU - NAKAMURA
SHIGERU fondateur de l'OKINAWA KENPO KARATE RYU - OHTSUKA HIRONORI fondateur de WADO RYU SHIMABUKU TATSUO fondateur de ISSHIN RYU - ROBERT TRIAS pionnier du Karate aux USA - UESHIMA
SAN’OSUKE cofondateur de KUSHIN RYU - YAMADA nommé « chien de combat » par Motobu lui-meme, fondateur de
la Nihon Kenpo Karate Do , organisateur de combat de style « Kick Boxing », H. NINOMIYA - C. NAKAIMA qui affirmera
lui aussi que MOTOBU avait un langage bien posé bien qu’autoritaire et qu’il enseignait à ses élèves les bonnes manières...
De M° Motobu (et selon des sources parfaitement contradictoires, selon H. Nakata), il nous faut surtout retenir la quintessence
de son enseignement à savoir :
- Le « myo to » est la clef du Karate, à savoir utiliser simultanément les deux mains.
- L’attaque ne doit pas etre parée pres du poing (ou du pied) mais au moins à partir du coude (ou du genou).
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- Il faut qu’une défense se transforme immédiatement en attaque.
- Défendre avec un bras et attaquer de l’autre n’est pas martial.
Si tu saisis ton adversaire et si tu es saisis, donne un coup de pied (de genou).
2 – M° KANBUN UECHI (1877 - 1948) dès 1924 : Selon « Okinawa Karate do » de Uechi Kanei (Edit.
Uechi Ryu karate do kyokai, Naha 1977).
Kanbun Uechi... nous le connaissons bien (voir la 1° conférence sur le To De), nous l’avions laissé, quand, il avait été prié par
M° ITOSU d'enseigner le PANGAI NOON (transcription phonétique selon la prononciation d’Okinawa d’un terme chinois qui
signifie « méthode basée sur la dureté et la souplesse » dans son école de cadres en 1912 à Okinawa. Il l’avait fait jusqu'à la
mort de celui-ci (1915), puis las des rivalités entre écoles et styles (déjà ?), à 47 ans, il avait décider d'émigrer au Japon avec
son fils KANEI, alors âgé de 10 ans.
Uechi est donc à WAKAYAMA en 1924, ou il est salarié dans une usine de filature, et là il rencontre un compatriote, RYUYU
TOMOYOSE, qui lui confie avoir été attaqué par des bandits sans pouvoir se défendre, et qui lui demande conseil, et UECHI
cédant alors à la compassion, lui démontre (sous le sceau du secret) comment il aurait fallut s’y prendre. Ensuite, devant
l’insistance de Tomoyose et d’un de ses amis, Bungoro Nakamura, au bout de deux ans, UECHI ouvre un premier Dojo dans
sa propre habitation, dont il occulte « pour la cause », les portes et les fenêtres. C’est généralement à des ouvriers de son usine,
en torse nu et en caleçon, qu’il donne un enseignement qui reste réservé seulement à quelques amis (Takayoshi Tomoyose,
Genmei Uesato, Saburo Uehara, Kata Yamashiro, Yoshida Matayoshi, puis Hidefusa Hamasaki... qui tous participerons ensuite
à la diffusion de son école).
En 1932, il ouvre un autre Dojo à OSAKA, le PANGAI NOON RYU KARATE JUTSU KENKYUSHO (Institut de recherche
de Karate Jutsu de l’école Pangai Noon), cette fois ouvert à tous les publiques, puis un autre enfin à HYOGO. Il a quitté
l’usine et maintenant tient une épicerie. Son enseignement comprend alors : Kote gitae (renforcement des membres), 3 Kata
(Sanchin, Sesan, Sanseru), 2 Yakusoku Kumite (combat conventionnels), et en novembre 1933, c’est la formation du Shubukai
(Association d’Approfondissement du Budo), qui prend en 1940 le nom de UECHI RYU KARATE DO KYOKAI. Puis c’est la
guerre, Kanbun Uechi confie son Dojo de Wakayama à T. TOMOYOSE et retourne à Okinawa dans sa maison natale à Nago.
En 1937 Kanei Uechi le fils ainé de Kanbun, âgé de 26 ans, à son tour à Osaka, ouvre un Dojo : Le Pangai Noon Karate Jutsu.
Deux ans après il se marie et s’installera à Amagasaki dans la préfecture de Hyogo. Il rentrera en 1942 à Okinawa pour
s’occuper de sa famille et recommencera à enseigner localement...
En 1948 Kanbun Uechi, souffrant de néphrite meurt le 25 novembre à 71 ans.
3 - M° KENWA MABUNI (1889 -1957) dès 1929 :
Selon « Karate do Kyohan » de Mabuni Kenei
(Edit. Airyudo, Tokyo, 1980)
Mabuni est le 17ème héritier d'un Samouraï très célèbre, nommé ONIGUSUKI... Né le 14 avril 1889, dans la commune de
Shuri à Okinawa, son prénom « Ken » rappelant qu’il fait bien partie du clan Kauji. De constitution physique fragile, de
concert à ses études secondaires, il avait commencé l'étude de l’Okinawa Te avec un domestique nommé MATAYOSHI, qui
lui avait appris une forme antique de Naifanchi, forme elle meme apprise auprès d’un chinois nommé Channan habitant « la
zone » d’à coté et forme disparue aujourd’hui (sauf pour une petite partie dont M° Kudaka nous a fait part), et à 13 ans il est
présenté au M° ITOSU, auquel il vouera un véritable culte. En 1902 il entre au lycée départemental d’Okinawa et en 1905 à
l’école de la mer ou il terminera ses études. Commence à travailler ensuite comme enseignant vacataire à l’école primaire de
Naha et se lie d’amitié avec C. Miyagi, qui le présente au M° Kanryo Higaonna. Puis service militaire et rentrée à l’école de
police d’Okinawa pour en ressortie en 1914 comme Inspecteur de Police.
Il est alors amené à se déplacer dans l’Île et visite ainsi de nombreux Dojo, comme ceux de Higaonna, de Aragaki qui lui
enseigne le Bo Jutsu, de Go Kenki qui lui enseigne les Kata de « La Grue Blanche », de Soeshi et de Tawada (qui lui
enseignent le Sai Jutsu, apprenant par-là aussi de nombreux Kata de To De. Puis ses deux maitres Itosu et Higaonna disparus,
il crée en 1918 « la Karate Kenkyu Kai ». Vers 1922, il quitte la police pour enseigner le Karate au lycée professionnel
départemental de pêche d’Okinawa et à l’école Nationale de Police, puis installe son premier Dojo derrière sa maison
d’habitation « l’Okinawa Karate Kenyu Kurabu » (Club de recherches de Karate d’Okinawa) avec pour objectif : L’éducation,
et la formation de la jeunesse, à travers l’apprentissage des arts martiaux. Avec lui : Miyagi Chojun, Kyoda Juhatsu, Hanashiro
Chomo, Oshiro Chojo, Go kenki, K. Yabu, C. Chibana, A. Tokuda., S. Tokumura, S. Ishikawa, S. Gusukuma, et... G.
Funakoshi.. que du beau monde !!!
Okinawa reçoit alors les princes de la dynastie impériale japonaise du moment : En 1921 : Kuni no miya et Gacho no miya, en
1925 : Chichibu no miya... et à chaque fois ont lieux des démonstrations de Karate. En 1928, c’est M° KANO, qui est de
passage à Okinawa, il doit présider l’association des porteurs de C.N. de Judo, et à cette occasion, Mabuni Kenwa et Miyagi
Chojun sont pressentis pour faire une démonstration de leur art. Une démonstration suivie d’explications... qui amène M° Kano
à dire : « Le Karate est un art martial idéal, on peur s’en servir d’une manière adéquate comme technique à la fois d’auto
défense et d’attaque. Un tel art martial il faudra le faire connaître ! ».et tout de go à lui proposer de s’installer au Japon... pour
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ensuite ajouter « vos qualités techniques méritent aussi que je vous donne ici, à l’instant meme le 4° Dan de Judo»
(l’équivalent du 8° Dan aujourd’hui !!!).
Ces techniques présentées avaient du élargir les connaissance que pouvait avoir M° Kano du Karate à travers M° Funakoshi,
car à l’époque M° Funakoshi ne connaissait que quelques Kata du Shuri Te (ce qui explique pourquoi M° Funakoshi a ensuite
envoyé son fils Giko dans les universités de Takushoku et Waseda puis chez Mabuni à Okinawa afin d’apprendre un
supplément de Kata !!! Quoiqu’il en soit en 1929, Mabuni démissionne de ses fonctions d’enseignant de Karate dans les écoles
et s’installe à Osaka (et non à Tokyo comme le voulait M° Kano, et ce pour ne pas gêner M° Funakoshi dans ses
enseignements). Et comme le Butokukai fait toujours régner un certain scepticisme sur la valeur du Karate, Mabuni pour
inverser cette opinion péjorative et démontrer la puissance de ses coups, est amené à casser des tuiles, des planches de bois, des
bouteilles de bière... en Te Gatana (Shuto uchi). Puis toute la famille vient rejoindre Sensei Kenwa, et son fils Ken’ei alors âgé
de 13 ans, de commencer son apprentissage en Karate...
Le Dojo Yoshukan « lieu du dépassement de soi » est donc crée. Le premier élève sera un Judoka de l’université de Kansai, il
s’appelait Sawama Noboru et c’est lui qui fondera plus tard le Nihon Kempo, mais ce Dojo de 6 tatamis (en fait la salle
commune de la maison d’habitation) n’assurera que chichement la survie des Mabuni, par contre les rencontres y sont très
riches : Konishi Yasuhiro, Ohtsuka Hironori, Fujita Seiko venant y échanger leurs techniques de Karate et de Ko Budo, et
grâce à eux en 1938, Sensei Mabuni pourra faire enregistrer son enseignement par le Butokukai et recevoir le titre « d’expert
technique vénéré du Karate ».
Et si son style est alors appelé dans un premier temps, « Mabuni Ryu », puis se joint dans un deuxième temps au Goju Ryu de
Miyagi, il apparaît très vite que les formations différentes des deux maitres, Mabumi et Miyagi, doivent engendrer des écoles
différentes, aussi dans « Karate Do Nyumon » (l’initiation au Karate Do) que publie Mabuni, apparaît le nom de son style, à
savoir : Shito-Ryu (SHI pour SHIONNA et ITO pour ITOSU, en souvenir de ses deux maîtres). Il crée ensuite la « Dai Nippon
Karate Do Kai » (Association de la voie du Karate du Grand Japon) avec laquelle il espère établir une symbiose de tous les
autres courants de « Thi », à savoir une discipline nouvelle en tant qu’art martial Japonais sous la dénomination de
« KARATE », une discipline qu’il associe lui aussi à la philosophie Bouddhiste.
Du YOSHUKAN, essaimera alors une synthèse des deux styles SHORIN RYU et NAHA TE à travers tout le sud du Japon,
surtout à KYOTO et à KOBE. Un style bati autour « des cinq principes de défense » : RAKKA pour « Chute de la fleur »
autrement dit, repousser le coup de l’adversaire sans déplacement, accompagnée d’une attaque. RYU SUI pour « l’eau qui
coule » autrement dit, laisser passer l’attaque en y ajoutant une force extérieure. KUSSHIN pour « flexion / extension »
autrement dit, détruire l’équilibre, le rythme... des attaques. TEN’I pour « ouvrir le corps » autrement dit, déplacer son corps
pour esquiver... « Contre Tachi qui s’abat sur soi, on se met de face, non avec le sabre, mais il faut l’esquiver en déplaçant le
corps » (Tachi ayant un double sens pour Sabre et Position du corps dressée). HANGEKI pour « contre-attaque par
anticipation » autrement dit : le Sen no Sen...
En 1934 il publie un ouvrage "GOSHIN JUTSU KARATE KEMPO", et en 1939 le Shito Ryu est inscrit au Butokai. Miyagi
recevant le titre de Renshi, et dans la meme session M° Funakoshi obtient le meme titre. Il décède en mai 1957, affable,
généreux jusqu’à se démunir, il n’aimait ni les jeux ni les paris, abstème, il aimait seulement fumer... Son enseignement sera
perpétué par ses fils (un enseignement contenant plus de 60 KATA), une grande importance restant donnée au travail avec les
armes (cela permet le cas échéant de se défendre à main, nues contre un adversaire armé avec ou sans arme, les techniques
restant les mêmes), et de ce style, très proche du Wado Ryu, émergeront : TANI HA SHITO RYU (SHUKOKAI) avec
CHOJIRO TANI, ITOSU KAI avec RYUSHO SAGAKAMI, HAYASHI HA SHITO RYU avec TERUO HAYASHI, TOZAN
RYU avec KANESHIRO KENSEI.
Aux 12 Kata retenus du Goju Ryu il a donc ajouté : Ceux retenus de M° Itosu à savoir : Naifanshi - Shodan, Nidan, Sandan.
Pinan - Shodan, Nidan, Sandan, Yondan, Godan. Jitte, Jion, Jiin, Rohai 1, 2, 3. Kosokun Dai - Kosokun Sho - Shiho Kosokun.
Passai Dai et Passai Sho. Chinto et Chintei. Wanshu et Gojushiho. Niseshi, Unshu, Sochin, Wankan, Matsumura Rohai,
Matsumura Passai, Ishimine Passai, Tomari Passai, Nipaipo, Shinpa, soit exactement 49 Kata... Auxquels certains ajouterons
aujourd’hui, quelques 11 Kata pour faire bonne mesure. Un éventail de Kata qui devrait permettre une richesse technique sans
appel. Par ailleurs M° Mabuni ne rejeta pas le Kumite, allant jusqu’à les faire disputer avec certaines protections.
Note : Le blason du Shito Ryu n’est autre que le blason de la famille Mabuni « redéfini », le cercle représentant l’harmonie
(WA en Japonais) et à l’intérieur les deux lignes verticales parallèles munies d’un trait horizontal, désignant les deux maitres :
Itosu du Shuri Te et Higaon’na du Naha Te. Ceci pour expliquer l’harmonie entre les deux courants du TE.
4 – M° CHOJUN MIYAGI (1888 - 1953) dès 1932 :
M° Choyun Miyagi (Miyagisuku Chojun)... un grand parmi les grands, d'origine noble, né le 25 avril 1888 à Higashi Machi
(NAHA) où il a débuté à 9 ans comme élève en KENPO de M° RYUKO ARAGAKI et à 12 ans en NAHA TE avec M°
HIGASHIONNA Kanryo. Il semble qu’il se soit alors rendu, dès 1904, dans la province de FOUKIEN en Chine, et pendant 4
ans il aurait travaillé avec les assistants de LOU WU KIN (l’ancien SIFU de HIGAONNA). Puis il fait son service militaire (de
1909 à 1911) et se marie. Repart en Chine (puis en Corée) en 1915 pour y étudier le KEMPO, alors accompagné de
YOSHIKAWA (1886-1940... et peut-être de KENKI KO, l’expert d’origine chinoise dans le style PAI HAO KIUAN ou boxe
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du Héron Blanc (en Japonais HAKUTSURU KEN). Il découvre aussi à cette époque le Bouddhisme ZEN. De retour à
OKINAWA en 1917, il prend la succession de HIGAONNA pour le NAHA TE et effectue une synthèse des différents
enseignements qu’il a reçus. Il codifie les KATA SANCHIN et CHINTO, puis combinera ses techniques de combat aux
principes respiratoires ramenés de Chine, écrit le TENSHO NO KATA (issu du SANCHIN et de ROKISHU). Enfin en 1921, il
effectue une démonstration de son style devant l’empereur HIROHITO, lors d’une escale à OKINAWA (il en fera une autre
devant la princesse CHICHIBU en 1925, la même qui nous recevra quelques 40 ans plus tard !!!). En 1924 à Nami No Ue
(Naha), il crée un groupe de recherche sur le To De.
En 1926, il se trouve dans le public pour assister à la démonstration faite par M° KANO assisté de Sensei HIDEKAZU
NAGAOKA, lors de sa tentative de promouvoir le JUDO à Okinawa et de récupérer les Dojo locaux d’Okinawa Te... A cette
occasion, impromptu, il démontre ce que les combattants locaux savent faire, et c'est un festival... qu'il termine en déclarant
que n'importe qui peut arriver aux mêmes résultats, en étudiant sérieusement les techniques d'Okinawa Te (la démonstration de
NAGAOKA HIDEKAZU avait porté essentiellement sur les techniques de saisies et de projections, et MIYAGI avait lui,
démontré ensuite les principes des techniques de percussion, si ce n’est que KANO, demandant des explications
complémentaires, MIYAGI les associa alors aux techniques de projections, de clefs, de saisies spécifiquement Okinawaiennes
qui... ne rendaient rien en la matière au JUDO présenté quelques minutes auparavant). Ce fut une révélation pour KANO qui
lui demandera ensuite une démonstration privée, et finalement l’invitera pour l’année suivante au Japon...
Apres cette mémorable journée... il fondait alors la « OKINAWA KARATE JUTSU KENKYU KAI » qu’il dirigera avec
CHOMO HANASHIRO, KENWA MABUNI et CHOYU MOTOBU, et en 1928, comme il ne peut (d’autres sources infirment
ce remplacement) se rendre au Japon au BUTOKUKAI pour la grande fête des vertus du BUDO à KYOTO, il délègue JINAN
SHINZATO (un élève né à KUME en 1901 qui recevra le titre de RENSHI en 1939 et perdra la vie à la bataille d’OKINAWA
en 1945), et quand SHINZATO doit présenter le RYU à la manière traditionnelle... il répond HAN KO RYU (école mi-dure),
puis démontre un KARATE qui diffère résolument de celui de M° FUNAKOSHI. De retour il est approuvé par MIYAGI qui
aurait alors cité un vers du BUBISHI “Tout dans l’univers respire dur et doux », et ce nom sera adopté en 1929 sous ce
vocable dans la forme « GOJU RYU », un Ryu qui sera enregistré comme tel au BUTOKUKAI en 1933 (grâce à Yamaguchi
Gogen ?) après sa démonstration au BUTOKUDEN de KYOTO (et pour le Butokukai cette démonstration va quelque peu
remettre en question, l’idée qu’il se faisait de l’Okinawa Te.
En 1932 il se rend à OSAKA à l’invitation de l’Université du Kansai, puis à Kyoto et enfin à Tokyo où il rencontre
YAMAGUCHI GOGEN, avec qui il étudie alors la possibilité de diffuser son style de KARATE. Il rendra visite ensuite à M°
FUNAKOSHI, qu’il trouve dans un dénuement pitoyable (il est impressionné par sa pauvreté), puis fait un voyage à Hawai à la
demande de CHINSEI KINJO, l’éditeur du journal d’OKINAWA, le YOEN SHIHO SHA, là à KAUAI il enseignera, de mai
34 à janvier 35, le KENPO KARATE (l’art de Miyagi selon le Yoen Jiho Sha).
En 35, de retour à OKINAWA il part en Chine, publie le recueil KARATE JUTSU GAISETSU (Explication générale sur le
Karate), puis retourne au Japon pour passer l’examen de maîtrise (le KARATÉ n’est alors toujours pas reconnu comme un
BUDO, mais il décroche directement le titre de KYOSHI (maître de 2ème rang... et semble-t-il le grade de 8° DAN ( ?)...
OHTSUKA obtiendra le titre de 3ème rang en 38, et de 2ème rang en 42, FUNAKOSHI et MABUNI le 3ème en 1939). Il
enseignera encore quelques temps au Japon à l'école impériale de Tokyo, puis à Osaka, et encore à Hawaï, enfin il retournera à
Okinawa fin 1935. En 1936, après un dernier voyage en chine, il fixe les 12 KATA de l’école basés sur NAIFANCHI DACHI
et SANSHIN DACHI (une extension de SANCHIN DACHI... des Kata très complexes et généralement exécutés avec les
mains ouvertes). Il adapte aussi son enseignement (Jutsu) aux nouveaux programmes (Do) d’éducation physique des écoles
primaires d’Okinawa, et présente les huit préceptes de l’art du combat « Kenpo taiyo hakku » »
En 1952 MIYAGI fonde le GOJU RYU SHINKO KAI en collaboration avec SEIKO HIGA, MEITOKU YAGI, EIICHI
MIYAZATO et SEKICHI TOGUCHI et meurt en 53. Pas très grand mais très robuste, Miyagi Choyun, vécut entièrement pour
son art, ne blessa jamais personne, ne fit aucun combat, ne releva jamais aucun défi. Très humble, il était allé jusqu'à demander
au vieux maître ITOSU de lui enseigner le SHURI TE (celui ci refusa arguant du niveau très élevé de M° MIYAGI, mais lui en
expliqua sa théorie... ce dont MIYAGI s'inspirera pour créer les Kata d'école, les GEKISAI). Il laisse aussi les 12 Kata de
l’école Goju : Sanchin, Tensho, Gekisai ichi, Gekisai ni, Saifa, Seiryunchin, Shisochin, Kururunfa, Seisan, Seipai, Sanseru,
Ibairinpa...
A sa mort il laissait aussi une bonne douzaine de disciples, tant au Japon qu'à Okinawa, mais l'école éclatera alors en plusieurs
branches : La branche Okinawaienne avec Yagi Meitoku, la branche japonaise avec Yamaguchi Gogen, la branche américaine
avec Peter Urban (le Seibukan de Kyoto n’arrivant que beaucoup plus tard, au début des années 80). Tous ces GOJU RYU
gardant en commun des postures soit stables et puissantes (SANCHIN DACHI), soit souples et très mobiles (NEKO ASHI
DACHI), des coups de pied GEDAN (rarement sautés), des blocages circulaires (MAWASHI UKE), une respiration ventrale
sonore (IBUKI), un échauffement du type YOGA, les 12 KATA. L'enseignement restant axé sur quatre bases: TE CHIKATE
MANI (KATA traditionnels et KATA de base), BUNKAI (exécution à deux des KATA), TO TOCHI MANI (combat
programmés à deux, avec techniques librement choisies par les partenaires), IKUKUMI (combat réel, le plus haut gradé se
contentant de défendre sans riposter, le moins gradé essayant de frapper réellement).
5 – M° HIRONORI OHTSUKA (1892 – 1982) dès 1932 :
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Les deux premiers rénovateurs du BUDO, les Maîtres KANO et UESHIBA, avaient étudié les ATEMI, que ce soit ceux
pratiqués dans les diverses écoles de BUDO fréquentées ou ceux des KARATE JUTSU théoriquement entrevus avec les
maîtres de l'OKINAWA-TE dès 1915 à TOKYO, pourtant aucun de ces deux Maîtres ne les retiendra vraiment dans leur
propre RYU de SHIN BUDO.
- Maître KANO, pour le JUDO, parce qu'il estimait que les ATEMI n'étaient pas sans danger (même ceux du KARATE DO,
contrôlés, selon les enseignements de M° Gichin FUNAKOSHI.
- Maître UESHIBA, pour l'AIKIDO, parce qu'il voulait donner une nouvelle orientation à l'AIKI JUTSU d'origine Sokaku
TAKEDA, celle de la non violence, par essence en contradiction formelle avec les ATEMI dont il ne gardait finalement que les
esquisses.
Et il en avait été de même pour les adeptes du KENDO, quand les nouvelles règles avaient exclu tous les anciens moyens de
vaincre du KEN JUTSU (dont les ATEMI), pour ne garder que certaines touches avec le SHINAI.
- M° Gichin FUNAKOSHI, ayant fait ensuite la même démarche (mais dans l'autre sens et nous avons vu pourquoi) à savoir
que son KARATE DO, ce serait un Art Martial disputé sans autres moyens que les techniques de percussion offertes par les
seules armes naturelles du corps humain.
Ceci étant... un des derniers grands BU-JUTSU KA du moment, M° HIRONORI OHTSUKA, allait prendre le contre pied de
ces « Shin Budo », à savoir qu'il allait enseigner les Arts Martiaux dans leur totalité, en choisissant parmi toutes les disciplines
de combat (BUGEI) connues les meilleures techniques, et les associer avec ce KARATE JUTSU issu de l’Okinawa te, dans le
souci de trouver un maximum d'efficacité au combat...
OHTSUKA HIRONORI est né le 1 juin 1892 à SHIMODATE (préfecture d'IBARAGI). Premier fils de TOKUJIRO
OHTSUKA, docteur en médecine, c'est aussi le neveu de CHOJIRO EBASHI, un Samouraï du coté de sa mère. Dès son plus
jeune âge il est initié aux JIU JUTSU par CHOJIRO EBASHI et au SUMO par son père ; il doit y démontrer un intérêt certain,
puisque à 12 ans, il rentre à la YOSHIN SHINDO RYU (un des derniers Dojo en activité dirigé par le 3° IEMOTO de la
branche : Maître NAKAYAMA SHINSABURO TATSUSABURO YUKIOSHI. A 18 ans il intègre l'Université de WASEDA
pour y entreprendre des études commerciales, cela sans abandonner le BU-JUTSU (qu'il étudie alors dans d'autres RYU,
notamment celles qui enseignent le KEMPO et la médecine traditionnelle). En 1917, il entre à la banque KAWAZAKI, mais
continue l'étude de plusieurs styles de BU-JUTSU (YAGYU et TODA), étudie les SHURIKEN, puis fait la connaissance de
Maître UESHIBA et de Maître TOMIKI avec lesquels il se lie d'amitié. Envisage enfin de consacrer sa vie aux Arts Martiaux,
ce à quoi sa famille tentera bien de faire opposition. Puis son père décède, il accepte alors un emploi à la banque, mais sans
quitter les Dojo.
Le 1° juin 1920, il reçoit des mains de son Sensei à la YOSHIN SHINDO RYU, le MENKYO KAIDEN (certificat de maîtrise
générale) et se voit ainsi désigné comme successeur officiel du RYU avec le titre de KAIDEN SHIHAN. Le voici 4° IEMOTO
(successeur) de la SHINDO YOSHIN RYU HA, ce qui reste tout à fait exceptionnel vu son âge (29 ans), et se met à enseigner
les BU-JUTSU à partir d'une synthèse des écoles YOSHIN SHIN NO SHINDO - TENSHIN - SHINTO YOSHIN, sans cesser
la fréquentation d'autres RYU.
En 1922, il entend parler par son ami ITO (5° Dan de Judo) d’un art martial : Le RYU KARATE JUTSU. Son ami lui raconte
que le M° Kano a invité dans son Dojo pour une démonstration, un expert venu d’Okinawa nommé FUNAKOSHI. Il y assiste
et se présente à M° Gichin FUNAKOSHI. Ce dernier l'a subjugué, enthousiasmé, il n'a donc de cesse de faire connaissance
avec ces techniques Okinawaiennes. M° FUNAKOSHI va l'accepter comme élève (ce qui est rare, un Maître ne pouvant
recevoir un enseignement d'un autre Maître, mais vu la différence d'âge!), et dans le petit cabanon mis à disposition par Maître
KANO, HIRONORI reviendra chaque soir prendre la leçon (M° Funakoshi a expliqué au M° Ohtsuka, qu’un expert comme
lui, ne mettrait pas plus de deux ans pour apprendre les 15 kata de sa méthode). Sa progression est très rapide, et dès 1925, il
devient le premier assistant de M° FUNAKOSHI, reçoit la C.N. en Karate Jutsu en 1926, et en 1927 quitte la banque pour
ouvrir un centre de traitement pour les blessures occasionnées par les arts martiaux (?) cela tout en continuant d'assurer ses
responsabilités d'Instructeur en chef à la YOSHIN SHINDO. Il remplace aussi maintenant, et de plus en plus souvent M°
FUNAKOSHI dans ses cours comme dans ses démonstrations, puis, fort de ses connaissances en BU JUTSU comme en
médecine traditionnelle, il commence à modifier sensiblement les techniques enseignées par M° FUNAKOSHI, jusqu'à ce
qu'un différent oppose les deux SENSEI.
M° OHTSUKA voudrait développer les YAKU SOKU GEIKO dont il a hérité de la YOSHIN (ces séquences pré arrangées
d'attaques et de défenses qui se pratiquent à deux) et les associer aux KIHON du KARATE pour en faire des YAKU SOKU
GUMITE ou KATA GUMITE (une sorte de « Combat programmé » qui expliciterait la liaison : coup de poing / coup de pied saisie – projection - sol), lequel préparerait aussi l'étudiant en arts martiaux aux SHIAI (le combat). D'ailleurs ces
enchaînements démontrés en public, une fois même avec M° FUNAKOSHI lors de la démonstration des TACHI DORI
(combat conventionnel mains nues contre sabre) au Dojo du Palais Impérial dégagent non seulement une impression de
souplesse et de fluidité qui contraste fort avec les KIHON du KARATE basique, mais aussi remportent de nombreux suffrages.
M° OHTSUKA bientôt, voudrait aller plus loin, comme (re) intégrer à ce KARATE qu'il estime trop rigide et incomplet,
certaines techniques de combat, telles les projections, clefs, et contraintes au sol, dont il est un expert, et puis finalement, il
voudrait lui ajouter toutes les ressources du BU-JUTSU. Mais M° FUNAKOSHI ne veut pas entendre parler de tout cela, pour
lui l'enseignement (fidèlement à la promesse faite à M° KANO), doit se limiter au seuls KATA de base, sans explications et «
sans combat ».
Les rapports de se tendre alors, à propos de KATA justement, car pour beaucoup maintenant, il semble bien que ces fabuleux
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KATA, M° OHTSUKA les démontre mieux que M° FUNAKOSHI lui-même, et puis, d'après les dires de certains Sensei
Okinawaiens de passage à Tokyo « ils ont été modifiés ». Enfin H. OHTSUKA comme SOKE d'un grand RYU de combat
estime que contrairement à cet ATE WAZA enseigné qui préconise : Blocage, Contre-attaque (GO NO SEN), il faut associer :
Esquive / Contre-attaque (KAWASHI / TAI NO SEN, ou mieux encore, SEN NO SEN : l'attaque dans l'attaque !!!), le concept
si cher à la YOSHIN SHINDO RYU. Et pour couronner le tout, il préconise des rencontres sportives, le combat programmé
contre plusieurs UKE, et l'utilisation des armes du JI BUGEI : BO, TANTO, KEN ! M° FUNAKOSHI lui, refuse toujours
toute idée de combat et encore moins de rencontre "sportive", comme il interdit l'entraînement aux armes (alors qu’il avait
pratiqué le Bo et le Sai), et s’en vient enfin à reprocher devant les élèves que le JIU-JUTSU soit introduit dans son
enseignement. Et quand il empêchera directement OHTSUKA de s'y référer, celui ci reprendra alors sa liberté et sa quête
auprès d'autres maîtres d'Okinawa te...
D'abord avec Sensei MOTOBU, ce combattant hors pair que tout le monde connaît maintenant, mais plutôt mis à l'écart compte
tenu de sa culture aussi peu japonaise que possible, et avec lui, M° OHTSUKA met au point ses « KATA GUMITE ». Mais c'est
"un singe mal élevé" dira M° Funakoshi de MOTOBU, lui-même traité par MOTOBU de « danseur mondain »! A ce point, les
choses ne pouvaient plus s'arranger et avec l'accord de FUNAKOSHI, ce sera la séparation définitive. M° OHTSUKA part
travailler avec Sensei MOTOBU puis avec les Sensei KENWA MABUNI et KONISHI YASUHIRO.
Si ce n’était à Kyoto en 1933, pendant un festival d'arts martiaux ou il se produisait, que M° Ohtsuka doit répondre à la
question "quelle est l'origine de votre KARATE?”, et se voit contraint (ex abrupto) de répondre « SHINSHU WADO RYU
KENPO KARATE JUTSU ». SHINSHU pour rappeler que l'origine (SHU) de cette nouvelle école est l'esprit (SHIN) de la
YOSHIN SHINDO RYU (le RYU datant de 1650, dont il est l'héritier légal) - KENPO pour préciser que l'ATE WAZA utilisé
provenait de Chine via OKINAWA - WA pour préciser que le but de cette école était la paix et l'harmonie (WA signifiant la
paix japonaise espérée pour l'ère SHO WA inaugurée par le nouvel empereur HIRO ITO.
Ce sera le nom du Ryu de KARATE OHTSUKA à l'Université de Tokyo, pour un KARATE maintenant fort différent de celui
présenté par FUNAKOSHI. Une école de Karate bientôt reçue par le BUTOKUKAI « dont le but premier consiste à mettre
l'adversaire hors de combat à l'aide de toute les techniques de combat efficaces connues, et, généralement, grâce à l'utilisation
des points vitaux ». Si ce n’était le sensei GISABURO KUBO (le successeur de la YAGYU SHINKAGE RYU et maître
d’armes du clan TOSA) qui explique alors que SHINSHU et WA signifiant la même chose pour le Japon traditionnel, il serait
bon d’en supprimer une des deux appellations. Maître OHTSUKA supprime alors SHINSHU. Puis il lui est tout aussi
conseillé de supprimer le mot KENPO (en ces temps troublés il fallait mieux pour un RYU un nom purement Japonais ne
faisant plus aucunement référence à une origine technique Chinoise). Et la saison suivante en 1934 au grand TAI KAI du
BUTOKUKAI à travers les KUMITE, GYAKU NAGE, IDORI, TACHI AI, TANTO DORI et SHINKEN SHIRAHA DORI
démontrés, il présente sous le non de WADO RYU, deux écoles :
- La WADO RYU KARATE JUTSU son propre RYU de KARATE (première école de KARATE reconnue officiellement par
le BUTOKUKAI) un KARATE qu’il enseignera bientôt dans les universités ETO, KIHARA, HIRAKAWA, CHUO,
KAWAKAMI et SHIMIZU...
- La YOSHIN SHINDO RYU JU-JITSU son propre RYU de JU-JITSU, ou l’ancien ATE WAZA du BU-JUTSU est remplacé
par celui du KARATE JUTSU, un JU-JITSU qu’il enseignera confidentiellement dans son propre DOJO.
Le "logo" de l'école confirmera ce choix : Le poing fermé (synonyme de force et emblème du KARATE encerclé par les ailes
déployées d'une colombe, symbole de paix, et rappel du concept japonais : WA (harmonie), issu de la TENSHIN RYU par la
YOSHIN et la YOSHIN SHINDO RYU (il semble aussi que Maître TOMIKI ait été pour beaucoup dans le choix de ce
concept WA, dont il écrivait « WA signifie Paix, mais aussi Harmonie et Accord, c'est le principe premier des arts martiaux
Japonais, ne pas aller contre mais avec la force adverse tout en maintenant sa propre position ». WADO RYU signifie alors
: École (RYU) dans laquelle est enseignée la Voie (DO) de la Paix (WA).
Maître OHTSUKA a maintenant fermé son officine de chiropraxie et il se consacre entièrement au BUDO. Son propre style
reconnu comme indépendant, il a intégré toutes les bases de la YOSHIN SHINDO RYU (les techniques d'esquives, de
contrôle, de projection, de travail au sol comme les techniques d'armes (TANTO, KEN, BO), et bien sûr les fameux YAKU
SOKU GUMITE de la discorde, en SUWARI (à genoux) en ANTACHI (attaquant debout, défenseur à genoux) et en TACHI
AI (debout) ; les JU NO RI (RANDORI Souples), et toujours les KIHON du KARATE comme ses KATA mais ceux ci dans
leurs formes anciennes, car après avoir consulté les autres maîtres d'Okinawa Te qui commencent à se faire connaître au Japon
du nord, M° OHTSUKA a (re) modifié les Kata appris au SHOTOKAN (comme l'école de M° FUNAKOSHI est maintenant
appelée). Puis il travaille sans relâche au développement des notions d'esquive à travers : NAGASU (aspirer comme l'eau) NAGASHI (pivoter sur place) - INASU (laissez-passer) - IRAKI (esquive latérale) - KORU (esquive rotative) - IRIMI
(esquiver en entrant), et ajoute "Il faut toujours amener au sol pour contrôler". Enfin il développe certaines formes de poing :
Jun Tsuki No Tsukomi et Gyaku Tsuki No Tsukomi, qui ne sont pas sans rappeler les « piques » des armes blanches
européennes...
Bientot M° OHTSUKA fait partie des commissions d'études créées dès 1924 à TOKYO ou siége les BUDOKA les plus hauts
gradés (les M° NAGAOKA, MIFUNE, NAKANO, TAKAGI, SATO, HORIGUCHI).Ils créent : Le TAIHO JUTSU (système
d'intervention et de défense à l'usage des forces de police). Ce TAIHO JUTSU modifié, complété au fil des nécessités, ayant
pour principe de base de causer chaque fois que cela est possible, le moins de "dégâts" à l'agresseur, lequel devait cependant
pouvoir être arrêté (à noter que Tate Tsuki est la forme de poing de référence). Le TOSHU KAKUTO avec le Major CHIBA
SANSHU, une méthode de « Close Combat » mis aussitôt en usage dans l'armée japonaise. Le KEIO JUTSU, sorte de
TAMBO JUTSU rénové, issu du SAYA JUTSU et du JITTE JUTSU. Enfin dès 1929, M° OHTSUKA devenu l'un des grands
de la NIPPON KOBUDO SHINKO KAI (Fédération des Arts Martiaux Japonais) continuant sa quête se met à la pratique les
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RYU KYU KO BUDO, et bientôt il est honoré des titres de RENSHI (en 1938) puis de KYOSHI (en 1942) par le
BUTOKUKAI.
En 1945 avec la fin de la guerre, les Alliés ont dissous le DAI NIPPON BUTOKUKAI et interdit la pratique des arts martiaux
Japonais. M° OHTSUKA doit donc fermer les Dojo de la YOSHIN SHINDO RYU et de la WADO RYU, par contre, il
continuera d'enseigner dans certains : La boxe... européenne et le TAMBO (seule arme de police admise), cela jusqu'en 1948,
quand le KARATE DO pourra alors échapper à l'interdiction, parce que considéré par les Américains comme une danse
folklorique d'origine chinoise... mais "exit" les JUTSU comme la YOSHIN SHINDO RYU, et, quand une grande
démonstration sera faite dans les DOJO de JUDO, KENDO, KARATEDO, AIKIDO, KOBUDO et KYUDO pour les relancer,
les techniques de la YOSHIN seront tout bonnement pour la plupart associées à la WADO RYU, la boucle était bouclée.
En 1954, Maître OHTSUKA quitte la JAPAN KARATE ASSOCIATION et pour éviter les frictions entre les styles, fonde
l'INTERNATIONAL WADOKAI FÉDÉRATION, il reprend aussi l'enseignement de la médecine spécialisée dans les
traumatismes dus aux arts martiaux, enseignement qu'il intégrera au cursus du WADO pour les hauts grades. Par contre,
l'enseignement de l'ancienne école YOSHIN restant "réservé", un seul ( ?) de ses élèves en dehors de son propre fils, pourra
arborer un très haut grade : Maître KONO 8° DAN. Enfin M° OHTSUKA se rendra en Suède en 1970 puis en 1972 fera une
tournée européenne qui reste gravée dans nos esprits, puis de nouveau en Suède en 1976.
Directeur de la NIHON KOBUDO SHINKO KAI, de ka SHISEI KAN DOJO, de l'IMAF, de la Fédération japonaise de
KARATE. M° OHTSUKA meurt le 29 janvier 1982 : SAIKO SHIHAN (Grand Maître), 10° DAN, et couvert de tous les
honneurs. Il avait reçu entre autres : le 29 avril 1966, des mains de l'Empereur du Japon (HIRO HITO) le KUNG GOTO
SUOKO JU JUTSU SHU (la plus haute décoration existante décernée dans le BUDO) et en 1972 le titre de MEIJIN (le plus
haut grade en BUDO, et qui signifie « Homme à l'égal d'un Dieu » un titre qui est généralement décerné à titre posthume. Il
avait confié à son second fils JIRO, deux mois avant sa mort, le soin de diriger la WADO RYU KARATEDO RENMEI.
Aujourd’hui, le WADO RYU se présente comme une synthèse des BU-JUTSU japonais et Okinawaiens, certains experts le
considérant comme un art martial à part entière. Notons ici, que Maître OHTSUKA s'opposait à la "casse", ses mains étaient
d'ailleurs vierges de tout "cal" et autre déformation, et pourtant il détenait une puissance certaine et son KI reste légendaire (il
en était tout autrement bien sûr au temps de L'Okinawa Te, quand les insulaires s'y entraînaient en vue du combat contre le
Samouraï protégé par son armure). Retenons à ce propos, ce que Maître OHTSUKA aimait affirmer « Le KARATE DO doit
rester un moyen qui peut conduire l'homme intelligent à trouver son équilibre, entre la satisfaction de son « Ego » et sa
juste place dans la société, pas besoin de casse pour cela".
L'HERITAGE DE MAITRE OHTSUKA A TRAVERS LE WADO RYU : D'après le Dr FUJIWARA lors
du jubilé pour les 60 ans du WADO RYU, selon les documents déposés au BUTOKUKAI de KYOTO en 1939, et au TOJO
BUTOKUKAI de 42 / 45 :
KIHON et RENRAKU WAZA (enchaînements spécifiques qui permettent de sortir du "travail en ligne").
12 + 1 KATA : Généralement sous des formes plus anciennes que celles adoptées par le Shotokan (en 1934, M° OHTSUKA
enseignait seulement 4 KATA : KUSHANKU étudié avec M° FUNAKOSHI dans la forme ITOSU, ensuite réappris avec M°
MABUNI, le KATA le plus important à ses yeux. NAIFANSHI appris avec M° MOTOBU, puis simplifié. SEISHAN appris
avec M° FUNAKOSHI (Hangetsu) avec de mineures altérations (respiration lente et profonde) qui deviendra le premier
KATA de compétition de l'école. CHINTO appris avec M° MABUNI, puis remanié, qui devint le 2ème KATA de
compétition. Plus tard en 1942, furent adjoints : Les 5 PINAN d'abord étudiés avec M° FUNAKOSHI (appelés alors
FUNAKOSHI PINAN SENSEI) puis réécrits avec M° MABUNI, enfin accommodés avec certains traits de la SHINDO
YOSHIN RYU. PATSAÏ appris avec M° FUNAKOSHI, puis réécrit. WANSHU resté très proche de celui appris avec M°
FUNAKOSHI (mais Age tsuki se donne en Kakushi tsuki, ou coup de poing caché, parti de derrière le dos, pour un coup de
fouet du coude vers Jodan). JION / JITTE / JIIN, dus aux enseignements mêlés des M° FUNAKOSHI et MABUNI. ROHAI
(Lorei - Meikyo) qui semble être la première partie de l'original présenté par M° MABUNI. NISEISHI appris avec M°
MABUNI. KUNPU : Un Fukiyu Kata (nouveau Kata) jamais terminé, qui aurait été pour M° OHTSUKA, la synthèse
personnelle de tous ces KATA anciens. SUPARIMPEI a été inclus dernièrement dans le cursus WADO (pour des raisons
sportives ?).
Avec ces KATA, des BUNKAI spécifiques (interprétations éthiques et techniques, quand chaque mouvement, déplacement,
pivot, saut, arret, peut avoir un sens dépendant de ce qui précède comme de ce qui suit, au niveau mental comme au niveau
physique, ce qui n’exclut pas le piège et le cul-de-sac). Bunkai proposés ensuite en Bunkai Kumite, dont certains ont servis à
la constructioin des Kata Kumite (assauts conventionnels, voir ensuite...).
YAKU SOKU GEIKO - KIHON GUMITE - KIHON IPPON GUMITE - KATA KUMITE - OHYO KUMITE :
Quelques 60 enchaînements qui associent les esquives les plus classiques du JIU JUTSU
TANTO DORI : Techniques de défenses contre TANTO, ré/écrites personnellement par M° OHTSUKA dont 5 fondamentaux
et 16 HENKA WAZA issus de la SHINDO YOSHIN.
TACHI DORI (SHINKEN SHIRAHADORI) : Techniques de défense contre une attaque avec un sabre à partir des positions
gardes et coupes fondamentales, écrites par M° OHTSUKA, issues de la YAGYU RYU, de la TODA RYU, et réunies dans un
KATA, privilégiant l'esquive au plus haut niveau (il faut inscrire son corps dans la coupe du sabre). M° OHTSUKA les
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démontrait à chaque grand TAI KAI (faut-il redire qu'il fut le seul à les pénétrer vraiment).
NAGE WAZA... 12 fondamentaux d'après la SHINDO YOSHIN RYU, sous la forme RANDORI.
DASSURU TE - RENKOHO – HIKITATE... de la SHINDO YOSHIN RYU.
18 GOSHIN JUTSU... de la SHINDO YOSHIN RYU.
En 1964, 3 instructeurs WADO se déplaceront en Europe et en Amérique : TATSUO SUZUKI, TORU ARAKAWA et
HAJIME TAKASHIMA pour faire connaître le WADO RYU. En 1965, s'y ajouteront TERUO KONO, YUTAKA TOYAMA,
ATSUO YAMASHITA, MASAFUMI SHIOMITSU...
6 – M° MINEIOMI SAWAYAMA (1907 – 1977) dès 1928 :
Il avait étudié l’OKINAWA TE avec C. MIYAGI et K. MABUNI, puis pratiqué le JUDO, le JIU JUTSU, l’AIKI JUTSU, la
Boxe anglaise et enseignera sa propre synthèse dès 1928 au Japon, sous le vocable NIPPON KENPO. École qui sera introduite
aux U.S.A. en 1960 par son disciple KIYUNA G. (dans cette école il n’y a plus de Kata classiques).
7 – M° KANKEN TOYAMA (1888 -1966) dès 1930 :
Il avait étudié le KARATE JUTSU et KOBUDO avec ITOSU, ARAGAKI ANKICHI, HIGAONNA, CHIBANA et
ITARASHIKI (l’un des deux hommes qui aurait vaincu Motob en combat (?). Resta 6 ans à Taiwan pour étudier le style de
boxe chinoise HE-QUAN et avait ouvert un Dojo à Tokyo (le SHUDOKAN)en 1930. Toute sa vie il défendra les couleurs du
Karate Shorin Ryu. Fondera ensuite en 1946 la ALL JAPAN KARATE DO ASSOCIATION (il voulait réconcilier tous les
styles de Karate d’Okinawa et du Japon). Ses disciples les plus connus sont TOSHIO HANAUE (1930 – 1983) et EIZO
ONISHI (le fondateur du KOEIKAN à partir de TO-ON-RYU). Il délivrera le 10° DAN à EIZO SHIMABUKU (le fondateur
du SHAOLIN RYU) et le titre de SHIHAN à SEITOKU HIGA (le fondateur du BUGEIKAN). Créera ensuite le style
TOYAMA RYU BO JUTSU avec le Kata « Toyama no Kon ».
8 – M° KONISHI YASUHIRO (1893-1983) dès 1934 :
Disciple de GICHIN FUNAKOSHI et de CHOKI MOTOBU pour le Karate, puis de MORIHEI UESHIBA pour l’Aikido et de
UEDA pour le Kendo. Il traduira les écrits de M° Motobu, quand celui-ci enseignait à OSAKA et à TOKYO, lesquels
témoignent que, contrairement à certaines idées propagées par le groupe GICHIN, MOTOBU était un homme cultivé poli et
passionné par les KATA. Il fondera en 1934 la SHINDO SHIZEN (JINEN) RYU très orienté vers la réalité du combat, avec
pour définition “Réaliser une unité naturelle entre le divin et l’humain dans lequel disparaît la distinction primitive entre
l’ami et l’ennemi...”. Transmettra la tradition à son fils TAKEHIRO au Dojo RYOBUKAN de Tokyo.
9 – M° KENSEI KINJO et SANNOSUKE UESHIMA dès 1937 :
Pour la KUSHIN RYU à OSAKA, reconnue par le BUTOKUKAI en 1939. KINJO, disciple de CHIBANA et de MIYAGI
CHOYUN, associé à UESHIMA SANNOSUKE expert en JU-JUTSU de l’école KINSHIN KONSHIN RYU dont
SHINTARO YOSHIZATO (1913 - ) est le grand maître actuel. Ecole de combat très réaliste ou les coups sont portées. Un
Dojo s’est installé ensuite à Itoman (Okinawa) en 1960. Ses Kata sont d’origine Goju Ryu et Shorin Ryu.
10 – M° UECHI KANEI (1905 - ) dès 1937 :
Pour la SHITO KENPO KARATE RYU (un homonyme du fondateur de PANGAI NOON) né à UTENBARU dans une
famille réputée pour sa connaissance des arts martiaux. Découvrira les KO BU-JUTSU avec son oncle et son grand père (JIUJITSU, NAGINATA JUTSU, SO JUTSU etc...). Devenu en 1926 à OSAKA, le disciple de KENWA MABUNI, il reçoit en
1935 la C.N. 1° DAN, et en 1937 fondera son premier Dojo à OSAKA. En 1940 part à OKINAWA, devient le disciple de
NAKAMURA SHIGERU, YABU KENTSU, et KYAN CHOTOKU, passe son 4° DAN en 1942 et s’installe définitivement à
OKINAWA en 1948. Son KENPO enseigne les 5 PINAN, SANCHIN, SEISHAN, SEIPAI, SEIENCHIN, KUSHANKU,
GOJUSHIHO et les PASSAI...
11 – M° RICHARD KIM (1917- ) dès 1940 :
Ancien élève de ANKICHI ARAGAKI puis de KOTARO YOSHIDA au Japon (DAITO RYU), de GOGEN YAMAGUCHI
(GOJU RYU), de HIROSE KINJO en KARATE et KO BUDO puis d’un SIFU en Chine (en TAI KI KUAN et PA KUA).
Aurait reçu du BUTOKUKAI le titre de RENSHI et le 6° DAN. Enseignant à YOKOHAMA puis à SAN FRANCISCO, il aura
comme disciple les frères LEE (Richard enseignera en France dès 1969).
12 - Dr CHITOSE TSUYOSHI (1898 – 1984) dès 1946 :
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Né à Kumoshi (Naha), il serait le petit-fils de Matsumura Sokon par Chinen Masuo Chiyoyu. Elève de Aragiki Ankichi, de
Kyan Chotoku, de Motobu Choki, son instituteur à l’école primaire sera Funakoshi Gichin, et il aurait ete au Japon pour y
faire des démonstrations d’Okinawa Te, en 1914 / 15 ou 16... puis il y resta, étudia, et pratiqua la médecine (à Tokyo). Fonde
la Zen Nihon Karate Chito Kai en 1946, ouvre son premier Dojo à Kikuchi (Kunamoto) et donna son nom à son style (Chito
Ryu), avec lequel il initiera de nombreux G.I’s. Parmi ses disciples se trouvent Tsuroka Masami (le père du Karate canadien) et
Yamamoto Mamoru qui créera le Yoshukai Ryu.
13 – M° FUNAKOSHI YOSHITAKA ( 1906 – 1945 ?) dès 1930 :
Lui aussi dès 1930 enseigna donc le Karate Do au Japon. Plus grand, plus lourd que son père, indiscutablement doué
techniquement, puissant, (bien qu’il ait contracté la tuberculose ?), il était aussi autoritaire, orgueilleux, et à l’encontre de son
père pas idéaliste pour un sous. Il devait prendre une part déterminante dans l’évolution du style de Karate présenté au Japon
par son père en 1922, et cela meme sans l’avis (ou meme contre) les idées du père, qui... laissa faire. Il y eut ainsi le « vieux
maitre » et le « jeune maitre »... et le Karate changea encore radicalement de « voie »... D’abord les positions devinrent
beaucoup plus basses et plus fendues, les attaques plus longues, les coups de pieds plus amples, l’entraînement plus âpre,
bientot un seul eleve sur dix pouvait suivre les entraînement tant la cadence était endiablée, puis les coups furent données avec
la seule intention du « Chimei » (coup mortel), puis une nouvelle direction fut donnée : Celle de la compétition (un problème
qui ne sera jamais réglé entre le père et le fils). L’idée de la compétition à outrance vient peut etre d’un voyage fait par Gigo à
Osaka... il etait alors accompagne d’un groupe d’eleve et firent un entraînement en commun avec une école de Goju Ryu.
Entraînement qui se transforme ensuite en combat libre (Kake dameshi ou affrontement réel sans convention), ou les
« Shotokan » prennent une raclée mémorable.
Enfin il suivra politiquement les chefs militaires les plus nationalistes, et quand le Japon entre dans la seconde guerre mondiale,
l’entraînement devint une affaire de vie ou de mort (au Shotokan des femmes vinrent apprendre à se battre avec un bâton ou un
boken), bientot Gigo se retrouvera comme la plupart des spécialistes en Arts Martiaux « l’entraîneur » des unités spéciales de
l’armée et des Kamikaze. Des entraînements qui deviennent de véritables appels au meurtre «Vous croyez que vous pouvez
tuer des hommes avec ces techniques minables ?"... moi j’ai tué de mes mains de nombreux chinois quand j’étais en chine. Ce
n’est pas en faisant comme vous qu’on arrive à tuer » dixit Yoshitaka (selon H. Namekawa d’apres un témoignage recueilli par
K. Tokitsu).
Nombres d’enseignant donc, qui durent faire face au Butokukai jusqu’au bout... lequel fera en sorte que seules les
écoles : Shotokan, Shito, Goju, Wado aient rang de styles officiels, reléguant ainsi de nombreux ryu et styles aux
oubliettes de l’histoire, et privant ainsi le Karate d’une richesse technique, dont on ne saisit pas encore aujourd’hui
toute l’immensité. Ce qui permettra à nombre de Japonais de s’étonner ensuite (par ignorance ?) de la « pauvreté
technique de cet art du sud », certains allant meme jusqu’à dire et écrire que le Karate Do n’etait pas un art
« abouti » !!!
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IV - LE KARATE DO A OKINAWA
Issues des premiers Ryu de Karate Jutsu du début du XX° siecle, de ces écoles créés par les premiers disciples, certaines
resteront fidèles au Karate Jutsu d’Okinawa, d’autres progressivement intègreront tout ou partie du Karate Do
importé du Japon....
Ainsi pour les Shorin Ryu... des écoles de Chotoku Kyan, Yabiku Moden, Kentsu Yabu, Chomo Hanashiro, Nabe
Matsumura, Takemura... dont nous avons parlé dans le premier colloque, et auxquelles on peut ajouter :
NAKAZATO JOEN né à Chinen en 1921, eleve de Kyan Chotoku, fondateur du KYAN RYU à KUMAMOTO dans le
KYUSHU puis à OKINAWA à Chinen ou il enseignera le Karate et les Ko Budo, en compagnie de Kawada Matsuo, Okuhara
Bunyei, Kyoda Juhatsu. Il formera Isamu Tamotsu, Unten Sennatsu, taira Yasukata, Unten senyu, Nohara Takao et Oyakawa
Jinshi...
ZENRYO SHIMABUKURO (1904 -1969), boulanger puis fabricant de Tatami, dans un petit vilage de Chatan, eleve de Kyan
Chotoku, fondateur du CHUBU SHORYN RYU (son disciple KATSUHIDE KOCHI détenant de son propre père le KOSHIKI
ARAN NO KATA et son fils ZEMPO est le grand maître actuel du RYU). Il appela son Dojo : Le Seibukan (école de l’art
sacré). Son fils Zenpo renommera le style « Shoryn Ryu Seibukan Karatedo »
SHOSHIN NAGAMINE né à Tomari le 15 juillet 1907, surnommé « Chipai Matsu » (le pin tenace) décédé en 1997. Fils d’un
fermier, avait commencé le KARATE à 17 ans pour raison de santé avec TARO SHIMABUKU (un disciple de ANKICHI
ARAKAKI, de SHINPAN GUSUKUMA et de HANASHIRO et spécialiste du NIDAN GERI). Entré en 1926 dans la police,
en 1931 recevait ensuite les enseignements de Chibana Choshin et de Ida Kohatsu. En 1935 suit les cours de Kyan Chotoku à
Kadena, et à Tokyo en 1936 avec CHOKI MOTOBU (d'après lui aucun KARATEKA n'a jamais égalé MOTOBU au combat).
Il rencontre ensuite Kentsu Yabu et Chomo Hanashiro qui lui expliquent qu’à Tokyo, les Kata ont ete réécrits,qu’il faut donc,
coûte que coûte, maintenir correctement la tradition à Okinawa. Aussi rentre-t-il à Okinawa et ouvre un Dojo à Tomari (qui
sera détruit à la bataille d’Okinawa). Sur la recommandation de C. Miyagi il participera au festival d’Arts Martiaux du
Butokukai à Kyoto en 1940, devenu très puissant, il reprenait à son compte le TSUMASAKI GERI (coup de pointe des orteils)
et sera nommé RENSHI à 35 ans. Promu superintendant de la police en 1951, il dirigera la police de la péninsule de Motobu au
nord de l’île. Puis démissionnera et ouvrira en 1953 un nouveau Dojo à Naha « Le Kodokan Karatedo Kobujutsu ». Etudiera
ensuite le Bouddhisme Zen et inclura la méditation dans son Karate. Présidera enfin la « Okinawa Federation Karatedo ».
Parmi ses principaux élèves : Nagamine Takayoshi (son fils), Kiokawa Takashi, Takamura Masaru et Narihiko, Kyan Shinei,
Miyagi Seiyei, Koza Shoshin, Minami Shinsaku...
EIZO SHIMABUKU (1925 - ) fondateur du MATSUBAYASHI RYU fondateur du SHAOLIN RYU, élève de CHOYUN
MIYAGI, de son propre frère SHIMABUKU TATSUO (fondateur de ISSHIN RYU), de SHINKEN TAIRA pour les KO
BUDO, de Motobu Choku, de Toyama Kanken, de Chibana Choshin. Ouvrait un Dojo à Koza, puis enseignait aux troupes
américaines installées dans l’île (entre autre à Joe Lewis).Considéré comme le successeur de KYAN CHOTOKU dont il
transmet les Kata sous la forme « Genryu ». Il reçut le 10° DAN de Toyama Kanken à 34 ans, puis écrivait le KATA d’arme
TOYEI NOBORI KAMA NO KATA.
CHOSHIN CHIBANA / KUBA (1885-1969) pour le KOBAYASHI RYU, qui dès 13 ans avait été accepté comme disciple de
ITOSU et avait ouvert son propre DOJO à SHURI TORIBORI en 1919 à la mort de son maître. Puis fondateur de TO DE
KENKYU SHO (club de recherche sur le TODE) en 1920 à Gibo. Apres la défaite il enseigne dans plusieurs Dojo à Shuri et
Naha Premier président de la OKINAWA KARATEDO RENMEI fondée en 1956, il s'en retirera en 1961 pour fonder la
OKINAWA SHORIN RYU KARATEDO KYOKAI, nommé HANSHI en 1957 par le BUTOKAI (?), il recevra une distinction
spéciale de l’empereur HIRO ITO en 1968. Il aura des disciples de valeurs comme YUKOCHU HIGA (fondateur du SHORIN
RYU KYUDOKAN), KATSUYA MIYAHIRA (KENYU CHINEN est un de ses élèves), SHUGORO NAKAZATO (fondateur
du CHIBANA DAI ICHI DOJO et du SHORINKAN), SHIKICHI MIYASHIRO, SHOZO NAKAMA, KANJI TERUYA,
ANGI UESU, OSHIRO CHOKI, MABUNI KENWA (fondateur du SHITO RYU), SHOSHIN NAGAMINE (fondateur du
MATSUBAYASHI RYU). Il laissa le Kata de Bo : « Chibana No Kon ».
YUCHOKU HIGA pour la « Shorin Ryu Kyudokan Shinkokai » : De famille aisée, né le 8 févier 1910, initié au Karate sous la
direction de Shiroma Gusukuma, reçoit ensuite les enseignements de Jinan Shinsato, de Miyahira Seiyei, de Akamine Eiko, de
Kokuba.. Fonde en 1939 un club de Karate à Tsuboya, qui deviendra en 1951 le «Shorin Ryu Kyudokan Shinkokai» (dojo ou
on cherche la voie). Choshin Chibana le nomme Shihan en 1951 et lui délivre la maîtrise en 1965. Pour lui, l’art du poing est
une discipline spirituelle...
Ainsi pour les SHOREI RYU... des écoles de M° HIGAONNA KANRYO, décédé en 1915 à 63 ans, auxquelles
on peut ajouter :
KYODA JUHATSU (1886-1967), le disciple “interne” de HIGAONNA KANRUO. Instituteur, il rencontra Go Kenki qui lui
enseigne « La Grue Blanche » puis dirige l’enseignement du Karate pour la branche Okinawaienne du Butokukai. Fondateur
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du TOON RYU (TOON pour la première syllabe de HIGAONNA), il est nommé en 1934 “Instructeur en chef” pour le
KARATE à la DAI NIPPON BUTOKUKAI. Parmi ses élèves : Kyoda Shigemitsu, Iraha Choko, Kamizaki Shigekazu, et
Murakami Katsumi son représentant actuel...
GUSUKUMA SHIROMA SHINPAN (1890-1954), de Taira (Shuri), ancien eleve de Itosu et de Higaonna Kanryo.
Instituteur à Shuri, il enseigne dans sa maison à Taira, puis à Naha. Fondateur du « Shiroma Shito Ryu ».
Ainsi pour le KOJO RYU... élaboré au fil des générations au sein de la famille avec maintenant :
KOJO KATOMI / Kafu, pour la 6° génération d’enseignant. Né le 13 fevrier 1909, enseignera dans deux Dojo à Okinawa et
un à Hondo, outre les ATEMI, les projections, les luxations, le travail avec arme, et six Kata à mains nues: HAKU RYU
(dragon blanc) HAKKO (tigre blanc), HAKU TSURU (Héron blanc) TEN (ciel), KU (ciel), CHI (terre), et deux Kata avec
arme. Présidera la « Kido Kai Kojo Ryu ». Son fils KOJO SHIGERU (1934 - ?) enseigne aujourd'hui au Japon à TOTTORI, le
style familial (malade, ce serait Shingo Hayashi qui enseignerait).
Ainsi pour la RYUEI RYU... élaboré au fil des générations au sein de la famille avec maintenant :
KENKO NAKAIMA / Noritaka (1911-1990), petit-fils du fondateur Norisato, élève de son père Kenchu puis de Shiroma
Gusukuma, Oshiro Chojo et Yabu Kentsu. Il pratiquera aussi le KENDO puis les KO BUDO à la YAMANI RYU. Il fera
pratiquer le combat libre en utilisant des protections anatomiques: gants, plastron, casque de type Kendo ou KARATECTOR.
Son fils KENJI NAKAIMA et les disciples TAKEHUKI KINJO, TSUGUO SAKUMOTO (3 fois champion du monde de
KATA à la WUKO), TERUO HAYASHI (fondateur de la HAYASHI HA SHITO RYU pour le KARATE et de la KENSHIN
RYU pour les KO BUDO) assuraient toujours l’entraînement dans les années 80, sans Dojo, sur la plage, souvent la nuit, pour
des cours strictement privés, après moult recommandations sérieuses. Le style repose sur 11 KATA à mains nues (6 Tao plus
Sanchin, Seisan, Niseishi, Sanseru et Reienshin), sur la pratique de 14 TIGWA (Sai, Kama, Enkuwan, Timbe, Gekigan, Kon,
Bisento, Yari, Tonfa, Suruchin, Daijo, Nunchaku, Tankon, Guisan), et comme recommandations : Pas de mouvement inutile,
être capable de tuer sur un coup, rester humble et ne jamais croire que l’on puisse être le plus fort.
Ainsi pour UHUCHIKU DEN KO BO JUTSU RYU... issu des UDON TE de SHURI, avec :
UCHIKU / UFUCHIKU / KANAKUSHIKU / KINJO SANDA (1841-1926), élève de MATSU HIGA et de
MATSUMURA, attaché à la garde personnelle du roi des RYU KYU devenu “chef inspecteur” de la police de SHURI (le SAÏ
rejoignant ainsi le JUTTE, l’arme principale de la police), ses deux disciples seront MODEN YABIKU et SHODEI KINA
(1882 - 1980) un des rares maîtres Okinawaiens de confession chrétienne promu 10° DAN en 1970 par la ZEN OKINAWA
KARATE KO BUDO RENGO KAI et dont le disciple SHINIU ISA (1943 - ) qui étudia également avec TAKASHIKI
SABURO et SEIKICHI UEHARA (fondateur du MOTOBU RYU HA). Relèvera la UFUCHIKU RYU, ou il fera disputer de
vrais combats. Il devait répartir ensuite ses enseignements (MENKYO KAIDEN) à travers ses cinq fils et deux de ses élèves:
SABURO TAKASHIKI et SHOSEI KINA. KAISA IDA est maintenant l’héritier du RYU.
Ainsi pour la ISHIMINE RYU... relevée par
:
SHINYEI KANESHIMA, né le 22 septembre 1900, initié au Karate par son père Kaneshima Shinbi (1868 – 1921) puis par
Funakoshi Gichin et Motobu Choki. Sont le style se referait à ISHIMINE, un expert Okinawaien du XIX° siecle (eleve de
MATSUMURA SOKON). En 1936 il ouvre un Dojo à Okinawa ou il enseigne 3 kata : Kuma Te Sanchin, Naihanshi, Ishimine
no Passai...
Ainsi pour l’OKINAWA KENPO RYU... issue du Go Ten Te avec :
NAKAMURA SHIGERU (1892-197?), élève de son père Keikichi (?-1902) et de ses oncles Teichi et Shinkichi puis de
CHOKI MOTOBU avec qui il se lie d’amitié. Il aurait travaillé aussi avec ITOSU, YABU, HANASHIRO, et Choyu
MOTOBU le fils aîné de CHOKI. Spécialiste de NAIFANSHI puis des KO BUDO avec KUNYOSHI, il crée en 1940 à Nago,
un Dojo qui sera détruit pendant la bataille d’Okinawa. Surnommé CHIKI BUSHI, adepte du combat réel avec protections
anatomiques. Fondateur en 1960 de la OKINAWA KENPO RENMEI avec un de ses élèves ODO SEKICHI (1923- ) et avec
SHIMABUKURO ZENRYO (1904-1969). Fondateur du CHUBU SHORYN RYU, inventeur du terme « Full Contact Kenpo »
lequel deviendra sous l’influence de NAKAIMA KENKO (le fondateur de la RYUEI RYU) le « Full Contact Karate » (Karate
Full Contact). Il aura de nombreux disciples tels : TOMA SHIAN, KANEI UECHI, TERUYUKI HIGA (le pionnier du
OKINAWA KENPO aux U.S.A.) et surtout SEKICHI ODO fondateur du SHUDOKAN.
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V - Des KO BU JUTSU aux KO BUDO
De KO = ancien et petit, BU = martial, DO = voie, JUTSU = technique. A ne pas confondre avec les NIHON KO BU-JUTSU
(anciens arts de combats japonais de la période féodale, appelés aussi BU-JUTSU ou BUGEI) ni avec les NIHON KO BUDO
(anciens arts martiaux Japonaise de la période TOGUKAWA, 1603 - 1867, appelées aussi BUDO).
Compte tenu de ce qui vient d’etre dit à propos du passage des Karate Jutsu en Karate Do, si sur les Iles RYU KYU,
conjointement à l’Okinawa Te, pendant le temps de l'occupation Japonaise (de 1610 à 1848) s'étaient développés les TIGUA,
cet ensemble de techniques d’armes dénommées ensuite KO BU JUTSU, du fait que les experts en TIGUA étaient
généralement les maîtres de l’Okinawa Te comme il en avait été ainsi avec YARA, ASON, SAGUKAWA, IWAH,
MATSUMURA, WAISHINZAN... si certains disciples de ces premiers grands maîtres, s’en étaient venus à se spécialiser dans
certaines armes du Tigua, l’occupation Japonaise des Iles RYU KYU cessant avec l'ère MEIJI, puis leur "annexion" à l'empire
Japonais, si le voile du secret concernant l'Okinawa Te et les TIGUA s’était donc levé progressivement, et si dans un premier
temps, comme pour tous les autres arts martiaux, tout ce qui ressemblait à une activité martiale avait été bannie dans
l’ensemble des Îles... quand apparaissaient au Japon (du nord) les SHIN BUDO (les BUDO rénovés), quand à Okinawa eut lieu
la première démonstration publique de To De organisée et préparée par ITOSU pour un art martial « Rénové et utile à la
société militaire de notre pays ». Ces TIGUA (des armes de manants pour le Butokukai), pourtant le meilleur reflet d’une
véritable identité entre les hommes et leurs moyens... en l’espèce faillirent bien disparaître malgré la ténacité de certains, et
parmi eux, on doit rappeler :
CHINEN Peichin / Umikama /Yamagusuku (1797 – 1881) : Ancien élève de Sakugawa Shungo qui lui avait transmis les 3
versions du Kata Sagukawa No Kon . Il laissait à son tour Shushi No Kon, et enseignera son art à TONAKI SEIRO, OSHIRO
CHOJO, YABIKU MODEN, SEICHIRO HIGA, KISUKE HIGA et à son fils CHINEN Sanda (1842 – 1925) qui étudiera
aussi avec son oncle SHISHIYANAGA CHINEN. Ce dernier aura alors plusieurs disciples dont son propre fils CHINEN
Masami /Masuru (1898-1976), lequel étudiera aussi à TAIWAN, fondera la YAMANNI RYU / YAMANNI CHINEN RYU
/ YAMANE RYU (pour honorer la mémoire de son père mort à 82 ans et surnommé YAMANNI USUMEI / Yamane
Tanmei). Son enseignement à Okinawa fera alors du BO le pilier de sa réflexion, autour des Kata : Shirotaru No Kon,
Yonegawa No Kon et Shimajiri (les autres armes comme : Sai, Tonfa, Nunchaku, Kama, considérées comme secondaires). Lui
aussi aura de nombreux disciples dont SHUGURO NAKAZATO (fondateur du KARATE KOBAYASHI RYU), SEITOKU
HIGA (fondateur du BUGEIKAN d’OKINAWA), CHOGI KISHABA (qui enverra Toshihiro Oshiro aux USA). Sera fondée
enfin la RYU KYU BU JUTSU KENKYU DOYUKAI.
TERUYA Kise (1804 – 1868) : Expert en Tomari Te, enseignant de Matsumora Kosaku, et laissa le Kata : Teruya No Kon...
MIYAZATO: Né à la fin des années 1800, qui après avoir effectué un pèlerinage en Chine pour étudier les arts martiaux était
revenu quasiment invincible en BO JUTSU. Il laissera MIYAZATO NO BO
SOEISHI Yoshiyuki / Sueishi... au XIX° siècle, du village de Ona (Shuri), et d’une famille aisée. Spécialiste de Bo Jutsu, il
laissera deux Kata : Soeishi No Kon (une forme longue : Dai et une forme courte : Sho) et Choun No Kon. Il enseignera à
Chinen Shitahaku son domestique...
CHINEN Shitahaku au XIX° siecle : Elève de Soeishi, il aurait écrit le Kata Chinen Shitahaku No Kon et aurait enseigné à
Chinen Sanda.
NAHANHARI: Un expert des années 1800 qui a laissé NAHANHARI NO KON.
SHINKICHI KUNIYOSHI /Kuniyoshi Tanmei (1850 ?) : Le « guerrier au poing de fer »Un Sensei de TODE qui enseignait
près du village de Miazato dans la péninsule de Motobu et qui laissera les Kata : Kuniyoshi No Bo et Kuniyoshi No Kumi Bo,
écrits à partir de Sanchin No Kata. Il avait travaillé avec HIGAONNA à Naha et avec KITOYU SAGUKAWA du village de
Wakuta lequel avait de concert avec NORISATO NAKAIMA travaillé à FUCHOU en Chine avec le SIFU WAISHINZAN.
Avec son école, la SHINKICHI KUNYOSHI HONSHIN RYU, il transmettra ses connaissances à son fils puis à SHINKEI
KYAN, HEISABURO NAKAMURA et KAMNEI UECHI. Ces trois élèves enseignant à leur tour à MASAKAZU MIYAGI
qui deviendra alors un expert en BO, SAI, TUIFA et KAMA puis laissera une réécriture de SANCHIN, NAIHANCHI et deux
KATA personnels SOSHIN et SOSHIN DAI NI...
MODEN YABIKU (1882-1945) : Un élève de ITOSU pour l’Okinawa Te et de CHINEN PECHIN pour les Tigua (qu’il sera
le premier à introduire au Japon). Il fondait en 1911 le RYU KYU KO BU-JUTSU KENKYU KAI pour la recherche sur les
KOBU JUTSU des RYU KYU. Son disciple le plus célèbre reste SHINKEN TAIRA (1897 - 1970) le codificateur des KO
BUDO qui fondait en 1955 la RYU KYU KO BUDO HOZON SHINKO KAI, et nommé 10° DAN en 1970 par la ZEN
NIPPON KO BUDO RENMEI reste considéré comme le vrai réformateur des KOBUDO OKINAWAIENS (ses élèves les plus
connus sont SHINKEN TAIRA, RYUSHO SAGAKAMI, TERUO HAYASHI, SHOGO KUNIBA, EISUKE AKAMINE).
OSHIRO Chojyo (1888 – 1928) : Elève de Itosu Anko pour le Karate et de CHINEN SANDA pour le BO. Laissera le Kata
OSHIRO NO KON et aura pour eleve Kinjo Hiroshi...
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MATAYOSHI Shinko (1888-1947) : De Naha, ancien élève des maîtres SHOKUHO AGENA - IREI MOSHIKAWA - HIGA
TANMEI. Il a fait partie du groupe qui démontrait publiquement l’OKINAWA TE au Japon à Tokyo, en 1917 puis à Okinawa
en 1921 au château de SHURI devant le futur empereur HIRO HITO. Qui voyagera ensuite pour approfondir ses connaissances
en arts martiaux à travers la Russie, la Mandchourie, la Chine (avec le maître KINGAI) pour étudier le style de la Grue
Blanche. Rentrait en 1935 à Okinawa et reprenait le Karate avec les maîtres locaux pour fonder la Kingai Ryu, la Shandan
Hojin, la Zen Okinawa Kobudo Renmei. Surnommé MATESHI (main comme une faucille) il enseigne alors à travers toute
l’île, puis confia ses secrets à son fils Shinpo MATAYOSHI (1921-1997), lequel perpétuera son enseignement à Kawasaki et
dans les Dojo de M° HIGA (GOJU RYU), puis fondera le DOJO KODOKAN (pour KO = le petit non de son père), enfin
mettra en place la All OKINAWA KO BUDO ASSOCIATION à Naha. Promu 10° DAN de son vivant, ses principaux
disciples seront ITOKAZU SEIKO et TAKASHI KINJO (les fondateurs du PANGAI NOON RYU), MIYAGI KOKI, KINJO
KENICHI, ODO SEKICHI (fondateur de l’OKINAWA KENPO) ; il sera aussi le professeur de la plupart des enseignants en
France tels KENYU CHINEN (depuis 1976) et SEISUKE ADANIYA (depuis 1984, et un moment chez le Vice-président de
la NBJR, notre ami Cl HOURIEZ, au BUDOKAI de Dunkerque) et ZENEI OSHIRO (en France depuis 1986).
TSUKEN Hantaka / Hantagawa / Chikin / Kourugawa / Kurugawa / Koura : Né(s) à la fin des années 1800, qui laissera
(ront ?) les Kata Tsuken Bo - Chikin Bo - Chikin Kourugawa No Sai - Urasoe No Kon – Tsuken Shi Tahaku No Sai, Chikin
Sunakake No Kon... et développera une position et un mouvement appelé GYAKU BO.
ARAGAKI Ankichi / Yagugichi Ufuyagawa (1899 – 1927) : Expert en Shorin Ryu, élève de Shiroma, Hanashiro Chomo,
Kyan Chotoku, Nagamine Soshin. Fondateur de ARAGAKI RYU, spécialiste en BO et en SAÏ, il a laissé Aragaki No Kon et
Aragaki No Sai. Un des plus doué de sa génération, mais décédé à 28 ans...
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IV – Des DO... ce qu’il en advint dans la grande tourmente.
Si le KARATE DO grâce aux M° Funakoshi, Motobu, Miyagi, Mabuni, Ohtsuka, et quelques autres... a finalement pris son
envol au Japon metropolitain, comme Budo à part entière... M° KANO reste pourtant farouchement convaincu, que son JUDO
doit remplacer tous les BU-JUTSU, BUGEI, et BUDO, et dans une tentative de les fédérer autour du Judo, il crée la :
KODOKAN KOBUDO KENKYU KAN où il fait enseigner aux JUDOKA : le KEN par les Sensei de la KATORI SHINTO
RYU, le BO avec ceux de la SHINDO MUSO BO JUTSU RYU, l’AIKIDO par M° TOMIKI (un élève de M° Ueshiba). Mais
bientot, d'après les rapports qui lui seront fait chaque semaine par M° MOCHIZUKI MINORU, et surtout devant le peu
d'enthousiasme démontré par ses élèves, M° KANO commence à admettre qu'il n'est plus possible maintenant, compte tenu de
l'orientation sportive du JUDO, de lui adjoindre quoique ce soit. Ceci étant il fera quand même une ultime tentative, pour
fédérer tous les arts martiaux Japonais autour du KODOKAN à travers le SANDOKAI pour associer les JUDO, KENDO,
KARATEDO, mais là aussi, cette association ne dépassera jamais le stade du contrat... et en fait bien que le JUDO soit devenu
"Sport National obligatoire" dans les écoles japonaises, ses enseignements en KEN, TANTO, BO sont maintenant délaissés
(sauf dans les Kata : KIME NO KATA et KIME SHIKI) ; un Judo qui va meme plutôt vers l’appauvrissement technique et
culturel, avec la suppression des clefs de jambe, clefs de cou, ciseaux, techniques d'amenés au sol... et avec des règlements
toujours plus contraignants, meme si beaucoup plus tard, ce sera une discipline couronnée par un premier championnat du
monde disputé par 22 pays à TOKYO en 1956 et par les Jeux Olympiques en 1964... un Judo redéfini avec ses catégories de
poids en compétition (1956) et définitivement plus près de la lutte orientale russe (SAMBO) ou chinoise (CHIAIO SHI) pour
les uns, de la lutte occidentale (?) habillée pour les autres.
Quoiqu’il en soit , avec ces SHIN BUDO (JUDO - KENDO - KARATEDO) et ce BUTOKUKAI relançant les anciens BUJUTSU, les valeurs du BUDO sont remises en exergue, et les ex SAMOURAI (plutôt... leurs descendants) de s’y passionner,
tout comme un grand nombre de ceux qui n’appartenant pas à la classe des guerriers de s'engager dans tous ces RYU qui
s’ouvrent pour les accueillir. Si ce n’était que concomitamment (grâce ?) à cette résurgence des arts martiaux, les esprits
s’embrasent pour l’amour de la patrie (AIKOKUSHIN), pour un sentiment qui devient une sorte de religion nationale, dont les
éducateurs et chefs militaires sont les prêtres, l'empereur la divinité, l'ancien BUSHIDO le code. De même, l'idéologie de l'étatfamille et les valeurs militaires se répandent à travers le pays, et cela grâce aux effectifs croissants de la nouvelle armée et à
l'Éducation Nationale, contribuant ensemble à (re) “samuraïser” l'ensemble de la nation, en propageant dans les couches
inférieures de la population les idéaux de discipline et de loyauté totale, sur lesquels reposait autrefois l'obéissance des
administrés.
Qui plus est : L'ascension vigoureuse de ce nouveau Japon s'accompagnant d'une augmentation accélérée de la population (elle
est passée d'environ 30 millions au début de MEIJI à 44 millions en 1900 et va grossir encore jusqu'à 73 millions en 1940), aux
yeux des militaires, les problèmes qui en découlent ne sauraient avoir que des solutions militaires ; aussi peu à peu, le Japon, de
prendre l'habitude de chercher dans l'emploi de la force, la solution de ses difficultés intérieures et extérieures, et alors vint la
grande tourmente...
Oubliant les sages et nobles recommandations du BUSHIDO, militaires et militaristes imposent leur nouvelle idéologie. Le
preux chevalier devient un "soldat fanatique" perdant et son identité et son auréole. Les RYU les plus prestigieux s'associent
aux sectes "ultra" du moment. Le Soke de la TAKEUCHI devient un des grands responsable de la KEMPETAI (police
militaire nouvellement crée et dont l'action sera comparable à celle de la GESTAPO). Ajoutez la ZAIGO GUNJIKAI, cette
association des militaires de réserve fondée en 1910, organisée sur le modèle de l'armée régulière et en liaison étroite dans
chaque préfecture avec les chefs militaires régionaux et les conseillers locaux du BUTOKUKAI. Ajoutez le NAIMUSHO en
1915, qui regroupe l'élite militaire et fonde “L'Association de la Jeunesse pour le Grand Japon”, les "Centres d'Entraînement
Militaire pour les Jeunes", le "Réseau National de Défenses Féminines" (quatre organisations qui vont regrouper à elles seules,
11 à 12 millions d'individus).
Voilà une culture martiale et un embrigadement qui exercent un contrôle sur tout ce qui est inculqué aux Japonais âgés de six à
quarante ans par le biais des écoles jusqu'à quatorze ans, des associations de jeunesse entre quatorze et vingt ans, du service
militaire et des associations de réservistes au-delà. Une "culture" qui ne laissera plus du tout de place à l'initiative individuelle,
la seule qui eût été capable d'empêcher le pire à venir, à savoir les laisser aller aux massacres les plus inutiles dans la griserie de
quelques ordres sommaires. Et si NITOBE INAZO (1862-1933) représente dans ses ouvrages au début du XX° siècle, le
BUSHIDO comme une sorte d’équivalent des règles comportementales du “gentleman” anglais, INOUE TETSUJIRO (19051944), philosophe de renom, devenant le chantre de cet “Etat-soldat”, démontre (?) la préséance du confucianisme devant les
philosophies occidentales, affirme que la race japonaise (YAMATO) est supérieure donc destinée à gouverner l'Asie voire le
monde, et confirme que le Samurai, le Bushido, les Arts Martiaux, doivent se fondre avec le « Nationalisme » dans un amour
commun de la patrie, pour devenir le fer de lance du Grand Japon.
La suite est bien connue... de 450.000 hommes pour l'armée de terre, 9000 officiers et le BUSHIDO pour tous en 1911, ce sera
7.000.000 de soldats trente ans plus tard, mais sans BUSHIDO pour beaucoup. Quant au peuple, il se sent élevé à un rang
supérieur, tout un chacun se sent Samurai et chaque Japonais est devenu l'égal des seigneurs de la guerre d'antan. L'esprit de
l'ère MEIJI devient ainsi religieusement militaire, tout le peuple est fanatisé par les succès remportés, et le code du BUSHIDO
à l’origine conçu pour contenir les ardeurs agressives d’une classe sociale très turbulente, devient la bible de chefs qui oublient
très vite la hauteur morale de leurs engagements. En une génération, le pays tout entier devient un état militariste et militarisé
qui, après avoir purement et simplement annexé Okinawa en 1874, participe avec une quasi-allégresse à l'effort de guerre
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contre Formose en 1874 et 1875 qu’il acquiert, contre la Chine en 1894-1895, contre la Russie des Tsars en 1905, contre la
Corée qu'il annexe en 1910, contre l'Allemagne avec les alliées en 1914-1918 (ce qui lui assure les ex possessions allemandes
du Pacifique), contre la Mandchourie en 1931 qu’il occupe ensuite, de nouveau contre la Chine en 1937 dont il occupera tout
le nord-est.
Et si au début le simple GUNJI (soldat), est fier de s'apparenter au Samurai, s'il observe correctement le code du BUSHIDO,
s'il en retire un légitime orgueil, s'il s'efforce de se conformer en tout point à cet idéal chevaleresque qui lui commande de
mépriser la mort dans les combats et de se montrer (raisonnablement) miséricordieux envers l'ennemi vaincu. Si pendant
NISSHIN, la guerre Sino-japonaise (en réalité une simple promenade militaire contre d'autres asiatiques), il ne fut pas
nécessaire d'employer la force. Si en 1900 contre les « Boxers » le contingent Japonais se montre à la hauteur de sa tâche par le
courage, par la détermination de ses soldats, et par leur comportement exemplaire (pas de pillage, pas de représailles... ils sont
souvent plus dignes que la majorité des contingents européens, mais là encore ils étaient face à des asiatiques). Pendant
NICHIRO, la guerre Russo-Japonaise, le combattant japonais se met à mépriser le russe, ce "barbare" qu'il combat, pendant
les opérations de police en Corée ("ces nègres, ces indiens" dixit le professeur UKITA WAMIN), et plus encore à TAIWAN...
tous les autochtones sont systématiquement dépouillés de leurs richesses, et les régions occupées, mises en coupes réglées.
Enfin après les "incidents de Mandchourie" en 1931, le BUSHIDO aura vécu, ce code d'honneur traditionnel fusionnera avec
l'ultra nationalisme du moment. Le preux chevalier “pourfendeur du mal” des contes pour enfants est devenu le soldat
fanatique, avide de conquêtes et de sang.
Comment en effet... penser autrement à propos des tueries de NANKIN en 1937 (un carnage de six semaines, plus de 200.000
civils assassinés, des milliers de soldats enterrés vivants).
- Que penser des "expériences" de HARBIN cet immense camp installé en Mandchourie dès 1933 et dirigé par le Pr. ISHII
SHIRO, ou plus de 300 médecins et scientifiques japonais pratiquèrent sur plus de 3000 prisonniers chinois, Coréens, et
Soviétiques des expériences bactériologiques et chimiques atroces, pour les faire enfin (?) Empoisonner au cyanure par l'Unité
Impériale 731.
- Que penser "des expériences de terrain" (contagion par la peste ou par la typhoïde), qui répandirent la mort dans plusieurs
villes chinoises.
- Que penser des « massacres » de BATAVIA, de CHEKIANG (250.000 assassinés ?), de BORNÉO (1200 décapités au
sabre), de SINGAPOUR (5000 ), de BATAAN, de... et de...
- Que penser de l'emploi du gaz toxique (plus de 80 000 morts)... ? - Que penser de l'assassinat de nos officiers supérieurs et
généraux en Indochine (au moment d'un toast, pendant une réception officielle), alors que la France avait signé l'armistice...
- Que pouvaient penser ces centaines de milliers de femme (des Coréennes surtout, des Hollandaises aussi) contraintes à
l'esclavage sexuel au profit des soldats de l'armée impériale...
- Que penser des expériences faites par les professeurs d'arts martiaux sur les prisonniers de guerre (plus de 3000... assassinées
à coups de poings et à coups de pieds, afin de tester la réalité des KYUSHO pour la NIPPON BU-JUTSU KENKYUSHO (lire
le livre de M. PLÉE sur les KYUSHO).
- Que penser de ces officiers Japonais, qui se lançaient comme défis « de décapiter au sabre le plus possible de prisonniers en
une journée... ».
- Que penser enfin, des privations imposées à la société Japonaise elle-même, par les militaires... comme à Okinawa pendant le
siège, ou les familles ont été privées d'aliment, de boisson, puis "suicidées" entièrement par les maris eux-mêmes (voir à ce
propos, les documents officiels de l'armée américaine).
Toutes exactions (sommes toutes ?) perpétrées par la plupart des armées d’invasions depuis toujours (avec ou sans BUSHIDO,
avec ou sans "Accords de Genève"), et sous quelques bannières quelles soient (nationaliste, politique, religieuse, idéologique),
puisque dans chaque culture si “C’est le ton qui fait la musique” si “L’enfer est pavé de bonnes intentions”... “le vulgaire est
parfaitement capable de pousser à leur extrême tous les caractères nationaux, étant admis que tous les peuples sont fourbes,
peureux, et ignorants, personne ne sera admis à faire exception, et chaque individu n’aura d’autre choix que de s’incliner
devant cette loi” (HUME D. 1711 - 1776, dans “Essais moraux et politiques”)...
Toutes bonnes raisons qui devaient amener certains à penser, qu'il était temps d’arrêter tous ces massacres par un autre
massacre... avec la bombe atomique !!! Et quand en 1945, par un ultime (?) holocauste, toutes ces tueries vont s'arrêter, quand
après sa reddition, le Japon va passer de la folie meurtrière pour les plus enragés, à la défaite sans condition pour tous les
autres... 200.000 personnes de toutes extractions sont "écartées" pour crimes contre l'humanité (4.200 seront jugées, 2.500
condamnées à des peines de prison plus ou moins longues, 700 seront exécutées, dont 5 proches de l'Empereur (l'Empereur luimême semblait condamné si Mc Arthur, pour raison d'État, ne l'avait blanchi), la police de la pensée (TOKKO) dissoute.... et
les autorités d’occupation, pour tout ce qui vient d'être dit auparavant, vont interdire tous les BU-JUTSU, BUGEI, BUDO et
SHIN BUDO, et le BUTOKUKAI démantelé.
Quant à l'île d'Okinawa, outre le tribut payé en 1945 (75.000 morts) elle restera sous protectorat américain jusqu'en
1972 où elle sera rétrocédée au Japon.
Quant au Karate Do... en 1945 le SHOTOKAN a été détruit par un raid aérien, les anciens sont décimés, et dès la reddition,
Mac ARTHUR interdit par décret, la pratique des Arts Martiaux Japonais parce que “formateurs de l’âme militariste nippone”
de nombreux Dojo, dont celui de YOSHITAKA, ayant servi à l'entraînement des KAMIKAZE. M° FUNAKOSHI retrouve
alors sa femme rapatriée d'Okinawa, et avec elle, il s'installe à Oita sur Kyushu, pour deux ans seulement, car celle-ci décède
peu après son fils en 1947. M° Funakoshi va alors se retrouver à Tokyo avec son ainé Yoshihide, lequel aurait du devenir son
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premier disciple, s’il ne s’était écarté du droit chemin (il avait été lui aussi un (bon) eleve de M° Itosu, mais les mauvaises
fréquentations, les dettes de jeu, les emprunts d’argent auprès des élèves des « billets » qu’il n’honora pas... toutes raisons qui
ulcérèrent profondément le maitre.
Puis l'interdiction de la pratique du KARATE DO est levée, c'est la première discipline martiale qui bénéficie de cette
clémence, et cela parce que "certains" dont Mrs Draeger et Nakayama feront valoir auprès des autorités américaines “son
origine chinoise et... non japonaise, comme son intérêt purement et seulement culturel” Le vieux Sensei reprend alors son
enseignement à Keio et à Waseda, mais le temps est passé, le coeur n'y est plus, et ce sont les Sempai (anciens) qui, créant en
1949 autour de Isao Obata : la NIPPON KARATE KYOKAI, assurent la continuité.
M° FUNAKOSHI est alors nommé "Instructeur d'Honneur", un nouveau SHOTOKAN est installé dans les locaux du vieux
KODOKAN JUDO à Yotsuya / Suidobashi, c'est une autre époque qui commence. Mais bientot M° Funakoshi va refuser de
suivre la nouvelle impulsion sans dimension spirituelle, donnée au Karate Do par Nakayama Masatoshi, revenu de Chine en
1946 dans les fourgons de l’armée japonaise vaincue, et par Nishiyama Hidetaka (un ancien de Takushoku en 1943) pour un
Karate lorgnant le compétition sportive. Et quand la J.K.A. introduira le Kumite dans les entraînements, visant ainsi un
rayonnement mondial, strictement sportif, M° Funakoshi, Obata et Egami, la quitteront , mais déjà très peu d’élèves etaient
encore intéressés par l’enseignement de M° Funakoshi, à savoir : les seuls 15 Kata d’Okinawa, dont les noms ont ete changés
pour qu’ils correspondent à un symbole bien défini : 5 Heian, 3 Tekki (3), Kanku, Hangetsu, Gankaku, Empi, Passai, Jion, Jitte
(Il avait aussi officialisé le Keiko Gi blanc et la C.N. à 5 dan, les premières délivrées en 1924 à S. Kasuya, S. Gima, H.
Ohtsuka).
Pour synthétiser ce moment délicat, une anecdote qui résume tout : Un jour un officier américain demanda à M° Funakoshi de
bien vouloir faire une démonstration de Karate Do... le maitre répondit alors avec l’aide d’un traducteur : « JE SERAI
HEUREUX DE LA FAIRE, MAIS VOUS DEVEZ AU PREALABLE PRESENTER VOTRE DEMANDE PAR ECRIT
ET ACCEPTER DE PORTER VOTRE UNIFORME DE CEREMONIE POUR ASSISTER A LA
DEMONSTRATION. MOI AUSSI, JE SERAI NATURELLEMENT EN COSTUME JAPONAIS DE CEREMONIE »
(autrement dit, le Karate Do n’est pas un spectacle mais un « Art » à prendre au sérieux...). Ceci étant à 82 ans en 1953, il fit
une démonstration dans une base américaine du S.A.C. et un film fut tourné en 1954 en Anglais, intitulé « Karate Do »
Sur ce, M° FUNAKOSHI Gichin meurt le 26 AVRIL 1957 à l'age de 90 ans... il venait de décerner à Oshima le 5ème Dan,
le plus haut grade jamais donné en Karate Do. Une légende venait de naître et le Karate Do de mourir...
Certes M° Funakoshi ne peut etre défini comme le meilleur Karateka du moment «... sa grandeur fut autre, à savoir, qu’il sut
admirablement promouvoir le Karate Do en le hissant au niveau de discipline noble reposant sur une éthique solide » (John
Stevens).
Deux mois après, avait lieu le premier championnat de KARATE du JAPON (dit du Japon ?... en fait de la seule région autour
de Tokyo), ce que M° FUNAKOSHI avait toujours refusé de parrainer parce que contraire à ses idéaux. Place donc maintenant
au Karate de la JKA, dont la différence fondamentale vient de la mise en place de Kumite dans l’enseignement, et de
l’organisation d’une forme de compétition sportive fondée sur le principe de “L’intention de fait” ou plus prosaïquement sur le
“non-contact”, une notion très ambiguë du contrôle de soi... engageant ainsi une rupture totale avec le Karate Jutsu
Okinawaien et le Kenpo de Motobu.
Le premier championnat organisé selon cette facture est remporté par Kanazawa Hirokazu (en fait ce n’était pas le premier
championnat organisé sur le sol japonais, car en 1947 OYAMA MASUTATSU avait remporté le ALL JAPAN KARATE
CHAMPIONSHIP à Tokyo). En tout état de cause, les cartes étaient redistribuées et pour longtemps... nous en parlerons la
prochaine fois.
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KUNSHI NO KEN: L’art du poing est aussi celui du sage.
Les 5 Préceptes de vie par M° FUNAKOSHI
En marge des 20 dojo kun, G. Funakoshi transmis une version des 5 préceptes attribués à Tode Sakugawa
(cf. ci-dessus). A noter que chacun de ces préceptes est numéroté 1. Ceci voulant signifier qu'il n'y a pas
d'ordre dans ces préceptes, tous étant d'importance égale.

HITOTSU, JINKAKU KANSEI
NI TSUTOMURU KOTO

HITOTSU, MAKOTO NO
MICHI O MAMORU KOTO

HITOTSU, DORYOKU NO
SEISHIN O YASHINAU KOTO

HITOTSU, REIGI O
OMONZURU KOTO

HITOTSU, KEKKI NO YU O
IMASHIMURU KOTO
1. Toujours faire preuve d'un bon caractère et d'une bonne attitude.
1. Toujours faire preuve d'humilité et d'honnêteté.
1. Toujours faire preuve d'intensité et de persévérance.
1. Toujours faire preuve de respect et de loyauté.
1. Toujours éviter les situations violentes et les confrontations.
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Les 5 préceptes de vie par M° MABUNI.
Maître MABUNI était lui aussi un érudit des arts martiaux et un fin calligraphe, il a donc laissé de
sa plume de nombreux enseignants dont les GO DO SHIN (les 5 voies spirituelles).
HITOTSU- ISHI. SHOSHIN WASURERU NAKARE.
HITOTSU- DO TOKU. REIGI OKUTARU NAKARE.
HITOTSU- HATTEN. DORYOKU OKUTARU NAKARE.
HITOTSU- JO SHIKI. JO SHIKI KAKERU NAKARE.
HITOTSU- HEIWA. WA MIDASU NAKARE.
La aussi tous ces KYOKUN commencent par le chiffre « 1 », ils
sont donc d'égale importance, sans ordre particulier entre eux. Et
comme pour ceux transmis par G. FUNAKOSHI, on retrouve une
série de 5*2 caractères résumant ces préceptes :
1. Ne jamais oublier la résolution/l'intention initiale : ISHI la
détermination
1. Ne jamais négliger l'étiquette, le rituel : DOTOKU la morale
1. Ne jamais négliger l’effort : HATTEN le développement
1. Ne jamais perdre le bon sens : JOSHIKI - le bon sens
1. Ne jamais perturber l’harmonie : HEIWA - la paix
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Les KARATE DO NI JU KUN par M° FUNAKOSHI
Ces maximes s'inscrivent dans le cadre d'une tradition orale, elles sont donc destinées à
être complétées par les explications de l’enseignant.
1 – KARATEDO WA REI NI HAJIMARI, REI NI OWARU KOTO WO WASURU NA
N'oubliez pas que le karaté-dō commence et se termine dans le rei.
2 - KARATE NI SENTE NASHI
En karaté, l'initiative est sans avantage.
3 - KARATE WA GI NO TASUKE
Le karaté est l'aide de la justice.
4 - MAZU JIKO WO SHIRE, SHIKASHITE TA WO SHIRE
Avant tout connais-toi, ensuite connais les autres.
5 - GIJUTSU YORI SHINJUTSU
L'esprit (la force psychologique) avant la technique.
6 - KOKORO WA HANATA NI KOTO WO YOSU
Il est nécessaire de libérer son esprit.
7 - WAZAWAI WA KETAI NI SHOZU
La malchance provient de la négligence.
8 - DOJO NOMI NO KARATE TO OMOU NA
Ne crois pas que le karaté n'est qu'au Dojo.
9 - KARATE NO JUGYO WA ISSHO DE ARU
Une formation de karaté dure une vie entière.
10 - ARAYURU MONO WO KARATE KASEYO, SOKO NI MYOMI ARI
Le karaté est dans tout ce que vous faites, là est la beauté du travail.
11 - KARATE WA YU NO GOTOSHI TAEZU NETSUDO WO ATAEZAREBA MOTO NO MIZU NI KAERU
Le karaté est comme l'eau chaude, si vous ne lui apportez pas de la chaleur constante, elle refroidira.
12 - KATSU KANGAE WA MOTSU NA MAKENU KANGAE WA HITSUYO
Ne pensez pas que vous devez gagner, mais plutôt que vous ne devez pas perdre.
13 - TEKI NI YOTTE TENKA SEYO
Transformez-vous selon votre adversaire.
14 - TATAKAI WA KYOJUTSU NO SOJU IKAN NI ARI
Le secret du combat réside dans l'art de le diriger.
15 - HITO NO TEASHI WO KEN TO OMOU
Considérez les bras et jambes des gens comme des épées et des sabres.
16 - DANSHI MON WO SHUZUREBA HYAKUMAN NO TEKI ARU
Passé votre foyer, 1 million d'ennemis attendent.
17 - KAMAE WA SHOSHINSHA NI ATO WA SHIZENTAI
Position formelle pour les débutants, position naturelle pour les avancés.
18 - KATA WA TADASHIKU JISSEN WA BETSU MONO
La pratique (kata) doit être faite correctement (parfaite), car le combat est autre chose.
19 - CHIKARA NO KYOJAKU, TAI NO SHINSHUKU, WAZA NO KANKYU WO WASARUNA
N'oubliez pas la force relative de la puissance, de la flexibilité du corps, et de la vitesse relative des techniques.
20 - TSUNE NI SHINEN KUFU SEYO
Perfectionnez-vous sans arrêt.
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