DOSSIER DE PRESSE_TDB

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DOSSIER DE PRESSE_TDB
Quel est le parcours qui t'a conduit d'abord à la bande dessinée, puis à l'animation ?
Champion est un petit garçon mélancolique adopté par sa grand-mère, Madame Souza.
Remarquant sa passion pour le cyclisme, Madame Souza fait suivre à Champion un entraînement acharné.
Les années passent. Champion est devenu un as de la "petite reine", à tel point qu'il se retrouve coureur au
célèbre Tour de France. Mais pendant la course, il est enlevé par deux mystérieux hommes en noir.
Madame Souza et son fidèle chien Bruno partent alors à sa recherche.
Leur quête les mène de l'autre côté de l'Océan, jusqu'à une mégalopole nommée Belleville.
Là, ils rencontrent les "Triplettes de Belleville", d'excentriques stars du music-hall des années 30 qui décident de
prendre Madame Souza et Bruno sous leur aile.
Grâce au flair de Bruno, ils se lancent sur la trace de Champion. Réussiront-ils à déjouer les plans de la puissante
mafia française ?
Sylvain Chomet, né en 1963 à Maisons-Laffitte, obtient son baccalauréat d'Arts-Plastiques en 1982 et sort diplômé
en 1987 de l'atelier BD d'Angoulême.
En 1986, il publie sa première BD Le secret des libellules (Futuropolis) et adapte et dessine un roman de Victor
Hugo : Bug-Jargal, en collaboration avec Nicolas de Crécy.
Sylvain Chomet se lance alors dans l'animation comme assistant pour le studio de Richard Purdum, à Londres et dès
septembre 1988, il devient animateur free-lance pour le compte de quelques studios londoniens où il réalise des
films publicitaires (Swissair, Principality, Swinton, Renault…). 1991 marque le début de la réalisation de
La vieille dame et les pigeons dont Nicolas de Crécy dessine les décors. En 1992, il écrit le scénario de la bande
dessinée Le pont dans la vase (Glénat), saga historico-fantastique dont le quatrième tome vient juste de paraître,
et l'année suivante celui de Léon-la-came, dessiné par Nicolas de Crécy et publié en épisodes dans la revue
(A SUIVRE). Edité en album chez Casterman en 1995, il obtient notamment le Prix René Goscinny en janvier 1996.
Résidant au Canada depuis 1993, Sylvain Chomet consacre les années 1995 et 1996 à l’achèvement de son court
métrage La vieille dame et les pigeons. Le film est nommé aux Césars et aux Oscars. Il obtient à la suite le
Cartoon d’or, le Grand Prix du Festival d’Annecy, le Bafta Awards et le Prix du Public et le Prix du Jury au
Festival "Premier Plan" d'Angers.
Début 1997, Sylvain Chomet fait paraître Laid, pauvre et malade, toujours avec Nicolas de Crécy, présenté par
Casterman au Festival de la BD d'Angoulême 1997, l'album reçoit l’Alph-Art de la meilleure bande dessinée.
Les triplettes de Belleville est son premier long métrage d’animation.
Sylvain Chomet : Quand j'étais gamin, je dévorais des journaux comme "Tintin" et "Pif Gadget". J'ai
commencé à dessiner très tôt. Mes parents m'ont raconté que j'ai demandé un crayon lorsque j'avais deux ans,
pour dessiner le téléviseur familial et le bibelot de "Juanita Banana" (chanson d'Henri Salvador) qui était posé
dessus. Par la suite, à chaque fois que l'on me demandait ce que je voulais faire plus tard, je répondais "Dessinateur
humoristique". Après mon bac, j'ai suivi une formation de styliste aux Arts appliqués. Je n'ai pas tardé à me rendre
compte que je n'avais strictement rien à faire là. Heureusement pour moi, le dessinateur Pichard (le père de la BD
"Paulette") était là et il m'a conseillé de me présenter à l'école d'Angoulême qui venait d'ouvrir. J'ai préparé une
ébauche de bande dessinée qui m'a permis d'être accepté à Angoulême, où j'ai étudié pendant trois ans. C'est là
que j'ai rencontré Hubert Chevillard et Nicolas de Crécy. J'ai écrit le scénario de la bande dessinée Le pont dans
la vase (éditions Glénat) pour Hubert, qui est un dessinateur de grand talent. Il évolue aussi dans le monde de
l’animation. Je me rappelle d’un gorille qu’il avait animé et qui m’avait beaucoup impressionné. C’est grâce à sa
gentillesse et son amitié qu’il m'a été possible de rencontrer plus tard
Didier Brunner, le producteur des "Triplettes". J'ai écrit aussi le scénario
des albums de Léon-La-Came pour Nicolas de Crécy. C'est lui qui a
fabriqué les décors de La vieille dame et les pigeons. Quand je suis sorti
de l'école avec mon diplôme, il fallait que je trouve un moyen de gagner
ma vie. A l'époque, je considérais l'animation comme quelque chose de
rébarbatif, de trop technique. J'ai décidé de partir en Angleterre pour y
réaliser des illustrations.
J'ai débarqué là-bas sans avoir aucun contact et on m'a à
nouveau conseillé de présenter mon dossier aux studios
d'animation. L'accueil que j'ai reçu était beaucoup plus
sympathique que celui qu'on m'avait réservé en France.
On m'a rassuré en m'expliquant qu'on ne pouvait pas
s'improviser animateur du jour au lendemain, mais que
cette technique pouvait s'apprendre progressivement. J'ai
réussi un test et j'ai commencé à travailler en Angleterre.
J'ai travaillé avec des gens fantastiques, qui m'ont appris à
faire bouger un personnage. Je me suis rendu dans des
festivals et j'ai découvert des créations formidables. Un
jour, au festival d'Annecy, j'ai vu le court-métrage de Nick
Park Creature comfort (l'avis des animaux).
On y voit des animaux en pâte à modeler raconter leur
vie au zoo. Leurs voix sont en réalité celles de vrais gens
qui ont été interviewés à propos de leur habitat. C'est ce
chef d'œuvre qui m'a donné envie de réaliser un film.
C'est à cette époque que j'ai rencontré Didier Brunner,
des Armateurs, qui avait envie de produire des films
d'animation de qualité. Je lui ai présenté l'idée de La vieille dame et les pigeons et entre le jour où je lui ai remis
le synopsis et le jour où le film a été achevé, il s'est écoulé dix ans.
Dix ans ?!
Sylvain Chomet : Oui, ça a été une histoire très longue et très compliquée. Au début, aucune chaîne de télévision
Française ne voulait de ce projet. Nous avons obtenu de l'argent du CNC, mais cet apport n'était pas suffisant pour
réaliser tout le film. Nous avons décidé de commencer à le réaliser malgré tout. Je me suis mis au travail avec une
assistante et avec Nicolas de Crécy pour les décors. Nous avons tourné le début du film dans les Studios Folimage
de Valence, animé les séquences dans l'ordre chronologique, et obtenu ainsi quatre minutes de continuité.
Nous avons montré le début du film un peu partout, sans réussir à trouver le reste du budget. Au bout d'un moment,
je suis parti au Canada, complètement découragé, pour essayer de repartir sur de nouvelles bases. J'ai animé des
spots publicitaires jusqu'au moment où Didier Brunner a réussi à intéresser Colin Rose de la BBC. C'est grâce à Colin
que nous avons enfin réussi à décider les autres chaînes de télévision et que nous sommes parvenus à monter une
co-production Franco-Canadienne.
La vieille dame et les pigeons a remporté un grand succès et reçu de
nombreuses récompenses. Comment as-tu réussi à monter ton projet de long
métrage par la suite ?
Sylvain Chomet : Les triplettes de Belleville est un projet qui a été développé en cinq ans.
C'est quand même une nette amélioration par rapport à La vieille dame et les pigeons, car
il a été terminé en deux fois moins de temps alors qu'il est trois fois plus long ! Au début
Didier Brunner, qui venait de produire Kirikou et la sorcière, m'a proposé de réaliser un long métrage en forme
de trilogie, en reprenant le personnage de la vieille dame. J'ai hésité parce qu'elle est folle à lier à la fin du film et
parce que je n'aimais pas trop l'idée de la "recycler". J'ai songé à raconter les aventures de trois sœurs : la première
était donc la vieille dame des "pigeons", la seconde vivait dans la banlieue Parisienne et se passionnait pour le
cyclisme et la troisième était une québécoise, qui s'occupait d'un motel sur le bord d'une route de la forêt
Laurentienne. La seconde histoire était intitulée La vieille dame et les bicyclettes et la troisième La vieille dame
et les ouaouarons (nom canadien donné à une espèce de grenouille). Quand j'ai commencé à développer le
second segment, je me suis rendu compte que j'avais assez de matière pour réaliser un long métrage avec cette
seule histoire. Didier a accepté l'idée, mais il a du partir à la recherche de nouveaux fonds, pour trouver le tiers
de financement qui manquait, puisque nous n'avions pas la possibilité d'intégrer La vieille dame et les pigeons
dans ce projet. J'ai donc développé toute mon histoire en intégrant aussi les idées de pêche à la grenouille du
troisième segment. Le titre des Triplettes de Belleville est resté car les trois vieilles dames devaient être des
jumelles à l'origine. J'ai dû changer le design de la grand-mère quand le co-producteur canadien du court métrage
a demandé une somme exorbitante pour nous laisser réutiliser ce personnage. C'est ainsi qu'est née Madame
Souza, cette vieille dame d'origine portugaise qui a un pied bot. Elle a apporté beaucoup plus de choses au film
que ne l'aurait fait l'autre vieille dame. Nous avons gardé le cap sur le titre, lorsque les personnages des trois
musiciennes sont apparus.
Peux-tu nous parler des principaux
membres de l'équipe des "Triplettes"?
Sylvain Chomet : J'ai souhaité collaborer à nouveau
avec Evgeni Tomov sur les décors. Evgeni est le
Noureïev de l'animation : il a profité d'une escale à
Terre-neuve pendant un voyage à Cuba, pour sauter
par-dessus les barrières de l'aéroport et demander
l'asile politique ! Il a tout laissé tomber et s'est réfugié
au Canada. Il a un immense talent et une modestie qui
est quelquefois irritante quand on voit la qualité de son
travail. Il a toujours tendance à se dénigrer ! Ensuite,
j'ai réuni toute l'équipe d'animation. J'ai rencontré des
jeunes animateurs qui avaient aimé La vieille dame et
les pigeons et qui avaient envie de collaborer avec
moi. Il a fallu les faire patienter pendant deux ans avant
que nous puissions leur donner du travail, mais la
plupart se sont accrochés. Jean-Christophe Lie fait
partie de cette équipe. Il sortait de l'école des Gobelins
quand je l'ai rencontré. Lorsqu'il est arrivé sur le film, il
s'est entraîné à animer l'une des Triplettes, Rose. Sa
petite séquence était tellement réussie que je lui ai tout
de suite confié l'animation de Rose et la direction du
trio au complet. C'est l'un des animateurs qui
m'impressionne le plus. J'ai même recréé une scène
spécialement pour pouvoir réutiliser son animation
test dans le film. J'ai rencontré le musicien Benoît
Charest à Montréal et j'ai eu un coup de cœur pour son
travail dès que j'ai entendu sa bande démo. Il est
incroyablement précis dans son travail et en même
temps, il est suffisamment déjanté pour être capable
de faire un solo d'aspirateur ! Depuis qu'il s'est lancé
dans cette aventure, il a baptisé son aspirateur "Moufmouf" et songe même à enregistrer une compilation
des titres de Luc Plamandon avec lui ! Pieter Van Houte,
le responsable de la 3D, est arrivé en cours de
production. A l'origine, nous avions largement sousestimé les besoins en effets numériques. Nous n'avions
qu'une équipe de deux personnes qui devaient
intervenir sur les vélos et les véhicules. Au fur et à
mesure que nous avons pris conscience de la masse de
travail à réaliser, nous avons fait appel au studio belge
Walking the dog et Pieter a été embauché par ce studio
pour superviser les effets 3D à Montréal. Au départ,
nous nous sommes engueulés, parce que j'avais
l'impression qu'il voulait tout régenter !
En réalité, Pieter est un garçon génial, qui a apporté
énormément de choses au film, au traitement des
images. Nous nous sommes si bien entendus que je lui
ai proposé d'être assistant-réalisateur sur mon
prochain projet. Quand nous avons travaillé sur la
scène de la tempête, Pieter a réussi à créer des effets
très graphiques que j'ai adorés. Il sait obtenir des tas
de choses de ses machines.
Comment décrirais-tu
ton style d'animation ?
Sylvain Chomet : Il est basé sur le
mime et sur le jeu des personnages. Je
suis plus influencé par la prise de vue
réelle que par l'animation. Par les
films de Tati, bien sûr, mais aussi
ceux de tous les maîtres du cinéma
muet : Chaplin, Keaton. Le sens du
timing est très important aussi. C'est la
raison pour laquelle j'aime beaucoup Louis
De Funès et toute l'école comique anglaise
qui s'exprime dans des séries comme Absolutely
Fabulous ou Black Adder avec Rowan Atkinson. J'aime
aussi le travail d'animation de Richard Williams et de
Tex Avery. Dans la bande dessinée, Goossens est
également un maître du timing.
Dans La vieille dame et les pigeons et dans Les
triplettes de Belleville, on retrouve des intérieurs
modestes mais chaleureux, une description de la
France populaire des années 50/60 et des
paysages parisiens.Pourquoi ces ambiances et ces
personnages te sont-ils si chers ?
Sylvain Chomet : Parce je viens d'un milieu d’origine
plutôt modeste, et non pas d'un milieu chic. J'ai le
souvenir d'aller rendre visite à une vieille dame,
voisine d’une de mes tantes, et de découvrir un
appartement petit, qui sentait l'encaustique, où
chaque petit objet, même modeste, était mis en
valeur. Je me sentirais incapable de mettre en
scène des histoires qui se déroulent dans des
milieux aisés. Je puise réellement mon
inspiration dans ce que j'ai vécu.
Qu'est-ce qui te fascine dans les
paysages ferroviaires, les ponts et
dans l'ambiance du tour de France ?
Sylvain Chomet : C'est plus les
personnages que l'on peut voir pendant le
Tour de France qui m'intéressent que le tour
lui-même. Je me souviens que j'étais fasciné de
voir des types jeter des poignées de stylos et de
casquettes tout au long du parcours. Venant de la
banlieue, de Poissy, le train a forcément fait partie de
ma vie. Le train de banlieue, c'est un rappel constant
qu'il va falloir se lever le matin pour aller au boulot. Je
regardais beaucoup de vieilles photos quand j'étais
étudiant, en essayant d'imaginer l'histoire qui se
cachait derrière ces images. Je me souviens d'une
image d'un pont et d'une locomotive qui passait audessus d'une petite ville.
D'où vient Madame Souza, cette merveilleuse grand- j'étais content de me plonger dans mon monde
mère qui ne renonce jamais à protéger son petit-fils ? intérieur. J'aime bien être en compagnie des gens, mais
j'ai aussi besoin de me ressourcer dans la solitude.
Sylvain Chomet : Elle n'a pas été directement inspirée Quand j'étais gosse j'avais un projecteur-jouet qui
par mes grand-mères, qui ont disparu quand j'étais s'appelait "Minicinex", qui permettait de projeter des
tout petit. La personnalité de ma grand-mère boucles de petits films super-huit. Quand je regardais
maternelle qui m'a été décrite par mes parents, a des scènes de Cartoons, je ne comprenais pas ce que
davantage inspiré le comportement et la joie de vivre signifiaient ces images. J'avais l'impression qu'on s'était
contenté de filmer ce qui ce passait vraiment devant la
des Triplettes.
caméra, comme si les personnages existaient.
As-tu été un enfant mélancolique,
Tu rends hommage à de nombreux artistes dans
comme le "Champion" de ton film ?
"les Triplettes": Charles Trénet, Django Reinhardt,
Sylvain Chomet : Quand j'étais petit, j'étais Jacques Tati, Fred Astaire, Joséphine Baker, Max
souvent seul. Ma soeur aînée avait dix ans de plus que Fleischer… Pourquoi as-tu voulu les évoquer
moi et comme j'étais toujours en train de dessiner, directement à l'image ?
Ton film est baigné d'une ambiance nostalgique.
Cela signifie t'il que le mode de vie contemporain te déplait ?
Sylvain Chomet : Non, parce que j'en profite aussi. Graphiquement parlant, les années 50 étaient
une période plus stimulante que la période actuelle. On pouvait voir des créations intéressantes
dans le domaine du mobilier urbain, des voitures, des vêtements. Le dessin était très présent
dans la vie quotidienne, sur les affiches, dans les livres d'école. C'était aussi une époque de
soulagement et de liberté retrouvée après l'épreuve de la seconde guerre mondiale. Les gens
étaient moins cyniques, plus désireux de profiter de leur liberté.
Certaines scènes du film donnent l'impression que tu as voulu te moquer des clichés sur les
français qui circulent aux USA, comme le manque de propreté et le goût pour les grenouilles,
les escargots et les nourritures "dégoûtantes" …
Sylvain Chomet : J'ai voulu pousser les clichés de la gastronomie française à l'extrême. J'ai
vécu plus longtemps à l'étranger qu'en France et j'ai donc été souvent confronté au
sentiment de répulsion que provoque l'évocation des escargots et des grenouilles.
J'avais joué avec ça pendant une soirée que j'avais organisée en Angleterre.
Sylvain Chomet : Parce que les grandes vedettes américaines sont souvent apparues dans les
cartoons américains, tandis qu'on n'a jamais rendu hommage aux vedettes Françaises dans les
dessins animés français de cette époque, faute d'avoir une industrie du cartoon. J'ai donc voulu
réaliser un faux, le film que nous n'avons jamais pu voir ! J'ai voulu rendre hommage aux merveilleuses créations
de Dubout, qui me fascinaient quand j'étais gosse. Son style est tellement fait pour l'animation, que je regrette
qu'il n'ait pas eu l'occasion de créer lui-même des dessins animés.
Comment as-tu imaginé Belleville ? Quelles sont les influences urbaines de Montréal et de New York dans
ce cocktail architectural ?
Sylvain Chomet : La première chose que l'on voit de Belleville dans le film, c'est le château Frontenac de Québec.
Nous avons utilisé de nombreuses références de Québec et de Montréal en essayant
d'imaginer comment ces villes auraient pu se développer à la manière de New York. Au moment de
l'indépendance du Québec, l'argent a plutôt été investi à Toronto, qui est une mégalopole anglophone.
Le pont qui apparaît dans le film est le pont Jacques Cartier, qui est entouré aussi par des
bâtiments typiquement québécois. Le clin
d'œil de la statue de la liberté est une
référence au mode de vie américain,
et au nombre incroyable d'obèses
que l'on peut voir dans les villes
des Etats-Unis. C'est une chose qui
m'a toujours frappé.
Je m'étais amusé à façonner d'énormes cuisses de grenouilles en pâte à modeler, avec des os
réalisés avec des bâtons de coton-tiges et des petits fils qui permettaient d'imiter les veines. Je les avais recouvertes
d'une sorte de sauce verdâtre et je les avais disposées sur un plat. Malgré leur extrême politesse, aucun de mes amis
anglais n'a essayé de les goûter. Pendant que j'avais le dos tourné, un vieux monsieur en a grignoté une :
il était suisse ! Heureusement, je suis venu à son secours à temps : il n'a rien avalé.
Tes personnages ont tous des formes outrancières. Les rectangles noirs des hommes de main de la Mafia
Française, le petit triangle de la silhouette de la grand-mère, les personnages obèses ou filiformes.
Pourquoi aimes-tu animer ces silhouettes géométriques ?
Sylvain Chomet : Parce que je voulais profiter de la liberté que donne l'animation. On ne peut pas jouer avec ça
en prise de vues réelles. J'aime les caricatures extrêmes, même si c'est davantage la manière de bouger des
personnages qui va permettre de les caractériser.
Les triplettes détournent des objets quotidiens pour créer leur musique.
Est-ce que tu aimes bien ce type de sonorités ?
Sylvain Chomet : Oui. J'ai été inspiré par le spectacle Stomp que j'avais vu à Montréal il y a quelques années. J'ai
également vu un musicien produire des sons avec une grille de réfrigérateur qu'il avait posée sur une caisse de
résonance.
Ton univers graphique est très éloigné de tout ce qui est technologique,
cependant la technologie de la 3D t'a aidé à le mettre en scène…
Sylvain Chomet : La 3D m'a permis de donner plus de corps au film. Quand on parle du Tour de France, on ne peut
pas tenter de faire des tours de passe-passe pour contourner les difficultés liées à l'animation des vélos : il faut
en montrer beaucoup. Les foules ont été animées de manière traditionnelle, mais il fallait aussi représenter le
peloton des coureurs. Au début, nous pensions limiter l'emploi de la 3D aux vélos, mais nous avons décidé de
modéliser des personnages de cyclistes en 3D, et de les faire apparaître dans des plans très larges. Ils sont petits
à l'image et se marient très bien au reste de l'animation, ce dont nous sommes très fiers. On ne peut pas apporter
d'émotion à un objet comme un vélo, et c'est un véritable cauchemar que d'animer les rayons d'une roue.
A l'origine, la 3D était une obligation, pas un choix esthétique. Dans La vieille dame et les pigeons, je n'ai pas pu
montrer de foule, ni beaucoup de véhicules. Dans "Les triplettes…", il était indispensable de décrire Belleville en
montrant des rues encombrées de véhicules. En me familiarisant avec la 3D, j'ai découvert qu'on pouvait l'utiliser
pour créer des images et des animations touchantes, des ciels intéressants, et tout un tas de choses que je
n'imaginais pas auparavant.
Comment avez-vous collaboré avec Sylvain Chomet sur les effets numériques du film ?
Vous a-t'il semblé réticent à employer la 3D au début ?
Au départ, j'ai été contacté par la société Walking the dog de Bruxelles. On m'a proposé de passer deux mois à
Montréal pour superviser là-bas l'insertion des voitures 3D créées à Bruxelles dans les scènes animées. En fin de
compte, je me suis occupé du film pendant un an, faisant la navette entre la France, la Belgique et le Canada pour
collaborer avec trois équipes talentueuses. Je me suis vite rendu compte que Sylvain avait une idée précise de la
manière dont on allait utiliser les effets 3D pour faciliter la création de certaines scènes. Il était réticent au début
de notre collaboration : Sylvain est quelqu'un qui aime apprendre, mais qui est aussi extrêmement impatient. Mon
travail consistait à déterminer ce qu'il souhaitait voir à l'image, et à trouver le moyen d'obtenir ce résultat.
Comment avez-vous réparti le travail entre les différentes équipes de 3D ?
La scène de la traversée de l'océan
est également très belle…
Sylvain Chomet : C'est une de mes scènes préférées...
Nous avions filmé les images du story-board pour créer
un montage "Animatic" qui durait à peu près 3 minutes.
En parallèle, j'ai acheté un disque qui avait reçu un
diapason d'or : la messe en C mineur de Mozart dirigée
par Elliot Gardiner. Dès que j'ai écouté l'ouverture, je
me suis rendu compte que ce serait la musique idéale
pour cette séquence. Quand j'ai posé la musique sur la
séquence, tous les effets d'animation semblaient avoir
été synchronisés pour lui correspondre. C'était une
chance incroyable.
Quel projet prépares-tu ?
Sylvain Chomet : Je vais réaliser un film qui se
déroulera dans le quartier des halles, entièrement
porté par la danse. Il ne s'agirait pas d'une comédie
musicale, mais d'un film dans lequel la danse
participerait à la narration. Je me documente beaucoup
en ce moment et je crois que l'on peut créer des gags
hilarants à partir de l'univers de la danse. J'ai envie de
travailler encore plus sur le jeu des personnages.
Réutiliseras-tu des personnages
des "Triplettes" ?
Sylvain Chomet : Non.
Comment aimerais-tu que les gens réagissent à la Madame Souza fera
peut-être une
vision de ton film ?
apparition en guise de
Sylvain Chomet : J'aimerais qu'ils s'approprient le film et clin d'œil, mais je n'ai
qu'ils y trouvent un écho de leurs propres souvenirs. Un pas l'intention
monsieur est venu me voir pour me dire qu'il avait été d'imaginer une suite !
touché par le film, parce que Madame Souza lui faisait
penser à sa grand-mère grecque. Cela m'a fait plaisir.
L'équipe belge s'est occupée des cyclistes et des véhicules du Tour de France, ainsi que des voitures de Belleville.
L'équipe française a créé les images de la poursuite en voiture, et l'équipe canadienne s'est chargée de tout le
reste. C'était beaucoup plus simple ainsi, car la plupart des effets nécessitaient des choix si précis et si fins qu'il
fallait que Sylvain soit présent sur place pour les valider à chaque instant. En fin de compte, c'est l'équipe
canadienne de l'animateur Alain Dumais et de son assistant Bisser Maximov qui a travaillé sur le plus grand
nombre d'effets visuels ! Au départ, Alain se chargeait de modélisations d'éléments 3D comme la voiture-balai, la
machine du rêve de Bruno, les trains. Il a entièrement animé l'impressionnante séquence de la tempête.
La 3D est remarquablement intégrée à l'univers
graphique du film. Comment avez-vous réussi à la
rendre aussi discrète ?
En regardant attentivement les dessins
réalisés à la main et en essayant de les copier au
mieux. Les effets 2D consistaient surtout à choisir les
bonnes couleurs et le bon tracé de ligne, en
renonçant à tous les effets faciles que la 3D permet
d'obtenir. Nous avons passé beaucoup de temps à
répliquer le tracé manuel d'une ligne, sans toutefois
arriver à copier parfaitement les "lignes
tremblantes" d'Evgeni Tomov, le décorateur ! Nous
avons utilisé un procédé de rendering que l'on
trouve dans la plupart des logiciels 3D actuels, et qui
permet de faire apparaître une ligne de contour
nette autour de n'importe quel objet. Nous avons
perfectionné cette procédure grâce au logiciel
Digital Fusion, qui permet de produire rapidement
des effets 2D extrêmement complexes. Je prélevais
d'abord une ligne d'un dessin sur papier, et je
l'intégrais au rendu de l'objet 3D. Je modifiais la ligne
de contour jusqu'au moment où il devenait
impossible de discerner la 2D de la 3D. La seconde
partie du travail consistait à gérer les couleurs. Vous
avez certainement remarqué que les personnages
du film ne sont pas ombrés. Carole Roy a
sélectionné des douzaines de couleurs
différentes pour plus d'un millier de plans. Elle a
accompli un travail monumental, absolument
remarquable. Nous avons procédé de même pour
chacun des effets 3D, en sélectionnant les couleurs
qui se fondraient le mieux dans les décors, sans
employer des effets d'ombrages ou de rendering
sophistiqués.
Comment avez-vous combiné les vélos en 3D
avec les coureurs animés traditionnellement ?
Nous avons d'abord animé une silhouette très simple
de cycliste sur une bicyclette 3D, ou uniquement le
vélo dans certains cas. Nous avons imprimé chacune
de ces images sous forme de lignes noires et nous les
avons données aux animateurs, qui ont dessiné un
cycliste par dessus la bicyclette. Les dessins des
animateurs étaient ensuite scannés et colorés, la
bicyclette rendue en détails, avec des caches qui
correspondaient à chaque partie qui entrait en
contact avec le corps du personnage : les pieds, les
mains, etc. Nous étions quelquefois obligés de
dessiner ces caches image par image. C'était un
travail extrêmement long et précis. On pouvait
entendre proférer beaucoup de jurons pendant
cette période-là !
Certains personnages de second plan dans le peloton des coureurs sont entièrement réalisés en 3D.
Comment leur avez-vous donné un aspect 2D ?
En utilisant le même système que celui employé sur les véhicules, c'est à dire en dupliquant des effets de lignes
de contours et de couleurs très proches des dessins animés à la main. Sylvain a été si content du résultat qu'il a
utilisé des cyclistes 3D dans des plans moyens, alors qu'ils ne devaient apparaître que dans des plans larges.
Quels sont les principaux effets numériques du film ?
Il y a de nombreuses simulations d'eau : l'océan, le marais. Nous avons
passé beaucoup de temps à "mapper" des unes de journaux ou des BD
sur les revues que tiennent les personnages. Comme les proportions
dessinées d'un objet correspondent rarement à la réalité
géométrique, ce travail de report est plus complexe qu'on peut
l'imaginer. D'autres effets comme les explosions, les feux d'artifices
ou la foudre ont été réalisés avec des logiciels qui sont dédiés aux
effets spéciaux des films de prise de vue réelle.
Il a donc fallu les adapter à un univers 2D. Nous
avons aussi employé beaucoup d'effets d'animation
de particules pour produire de la neige, du
brouillard, la fumée des pots d'échappement des
voitures, du feu, etc. Pour la scène du feu sous le
pont, nous avons créé un système de projection
d'ombres qui était lié à la rapidité des flammes. Nous
avions isolé les personnages sur une première
couche d'effet et le décor sur une seconde. Si on
augmentait la rapidité du feu, les ombres étaient
automatiquement animées plus vite.
Quelle a été la séquence
la plus complexe à produire ?
L'explosion dans le marais. Je crois que c'est un bon
exemple de la manière dont on peut mêler les effets
2D et 3D. L'effet de l'explosion a été d'abord animé
par Nicolas Ferrere en 2D, puis nous sommes
intervenus à nouveau sur l'image en ajoutant plus
de 150 éléments séparés : des effets 3D, des effets
volumétriques et des particules. Il a fallu plus de
deux jours de calcul pour obtenir le rendering final
de la scène !
Que retenez-vous de votre
expérience sur Les triplettes de Belleville ?
J'ai une formation d'animateur traditionnel, mais j'ai
passé beaucoup de temps à travailler sur de la 3D
pure. Le fait de travailler sur ce film m'a permis de
tomber à nouveau amoureux de l'animation
traditionnelle, tout en découvrant de nouvelles
manière d'utiliser la 3D. Ma tâche qui consistait à
mêler "le meilleur de ces deux mondes" sur Les
triplettes de Belleville m'a apporté beaucoup de
joie et de fierté.
Comment êtes-vous devenu l'animateur de Rose et le superviseur des Triplettes ?
Jean-Christophe Lie : J'ai fait un premier test d'animation à Paris, qui m'a permis de décrocher un travail
d'assistant-animateur et de partir travailler à Montréal. Je voulais absolument participer à ce film et j'étais donc
ravi de me retrouver là-bas, même si j'avais hâte de devenir animateur. Sylvain m'a donné la possibilité de faire un
nouveau test sur Rose lorsque je l'ai rencontré pour la première fois. La petite danse que j'ai conçue lui a tellement
plu qu'il m'a confié l'animation de ce personnage et la supervision du trio des Triplettes. Mais auparavant j'ai
également animé le personnage du chauffeur-mécanicien, avec l'aide de Hughes Martel, qui était mon assistant à
ce moment-là. Hughes, par la suite, a animé Blanche sous ma supervision.
Comment définiriez-vous le style d'animation des triplettes ?
Jean-Christophe Lie : Je ne sais pas si Sylvain en est conscient ou pas, mais les longues silhouettes des Triplettes
ressemblent beaucoup à la sienne. J'avais donc une sorte de modèle vivant devant les yeux tous les jours ! Sylvain
est grand, il a des longs bras…comme les triplettes ! Il n'explique pas complètement les choses, il les fait
comprendre, puis vous laisse vous exprimer. Tout se passe au "feeling" avec lui.
Vous a-t'il montré des prises de vues
réelles pour servir de références
à certaines scènes d'animation ?
Comment avez-vous abordé ce travail de
supervision des Triplettes et à quelles difficultés
avez-vous été confronté ?
Jean-Christophe Lie : Non, mais nous avons filmé une
séquence de danse, le "Gumboot" originaire de
Louisiane, avec des claquements de mains sur le corps
et les cuisses. C'est Sandy Silver, une danseuse de
Montréal qui a nous servi de modèle. Il s'agissait d'une
référence, et non pas d'une séquence destinée à être
Rotoscopée (procédé de détourage de prises de vue
réelles qui permet d'animer des personnages). Nous
avons pu observer ainsi ces claquements de mains
extrêmement complexes.
Jean-Christophe Lie : Je me suis mis au diapason de
Sylvain, en me mettant au service de sa création
d'auteur. Les silhouettes très hautes des Triplettes ont
été quelquefois difficiles à cadrer dans le rectangle
horizontal de l'image. Il y a beaucoup de détails dans
leurs designs, ce qui rend les choses plus difficiles à
gérer dans la continuité de l'animation. Je pense
notamment aux plis des vêtements, aux mèches de
cheveux, etc.
Que ressent-on quand on voit des personnages que l'on a dessiné prendre vie sur un écran ?
Jean-Christophe Lie : C'est jouissif ! C'est vraiment extraordinaire de les voir bouger en couleur, dans un décor,
avec une musique et des bruitages. Les animateurs ont souvent tendance a ne regarder que leur travail dans une
image, et à ne plus percevoir l'ensemble de la scène. Il m'est souvent arrivé de regarder des rushes dans un miroir
pour essayer de redécouvrir avec un oeil neuf des scènes que j'avais vues des centaines de fois. Voir une image à
l'envers permet de découvrir des défauts passés inaperçus. Mais ça permet aussi de se rassurer quand tout va bien.
Comment "apprend"-on un personnage ?
Comment le trio d'animateurs que vous supervisiez s'est-il coordonné pour animer le trio des Triplettes ?
Jean-Christophe Lie : Nous avons toujours travaillé ensemble, scène par scène. Nous dessinions d'abord une
esquisse de layout de la scène, que nous soumettions à Sylvain. Il la corrigeait et chacun des trois animateurs
intervenait alors sur son personnage dont les actions avaient déjà été définies. Nous filmions nos animations avec
la caméra Line-test (une caméra vidéo qui permet de filmer les animations sur papier image par image) et nous
les regardions ensemble pour détecter les erreurs de déplacements dans les perspectives des décors et vérifier si
les interactions entre les personnages se passaient bien. Pour la séquence de la danse sous le pont, j'ai d'abord
animé intégralement Rose, puis les deux autres animateurs (Hugues Martel et Zhigang Wang) se sont greffés sur
la chorégraphie de la Triplette du milieu.
Jean-Christophe Lie : Par la pratique. A force de dessiner le personnage selon le modèle établi, on finit par le
connaître par cœur, à se le représenter en trois dimensions. Quand on arrive à ce stade-là, on a plus de facilités à
s'écarter de cette référence pour obtenir certains effets au coup par coup. Les personnages qui sont toujours
reproduits au millimètre près, comme dans les séries télé, deviennent vite ennuyeux. Sylvain nous a toujours
incités à ne pas trop figer les modèles des personnages, pour pouvoir les améliorer scène par scène, sans perdre
ce qui faisait leur identité.
Qu'est-ce qui vous a plu dans le personnage de Rose ?
Jean-Christophe Lie : La possibilité de mettre en scène sa coquetterie. Dans une de mes premières animations, je
l'ai représentée en train de se brosser les cheveux, pour se faire belle. Je tenais à la montrer très féminine, pour
contraster à la fois avec l'apparence vétuste de son habitat et avec le physique ingrat et les gros nez des
personnages.
Quels sont les documents que l'on t'a remis pour te
permettre de visualiser certaines séquences avant
qu'elles ne soient terminées ?
Pourrais-tu nous présenter en quelques mots ta musique, tes projets ?
Des story-boards, un pré-montage vidéo et des dessins.
Ma musique est la somme de tous les "mauvais plis" que j'ai accumulés au
long de ma vie musicale ! C'est aussi par ses défauts que l'on se démarque : il
ne faut pas hésiter à les exploiter. J'ai été influencé par le jazz, les chanteurs
français des années 50/60, Frank Zappa, la musique napolitaine et par bien d'autres
choses encore. En fait, les seules musiques qui me déplaisent vraiment sont celles où les
mécanismes mercantiles sont trop apparents. J'ai fait quelques musiques de films au Québec. La première était pour
un documentaire composé d'images des années 30-40 : "Montréal rétro"(1991). N'ayant pas la moindre idée
préconçue sur le métier de compositeur de musique de film, j'y suis allé au culot et ça a marché. Ensuite il y a eu en
1998 "Matroni et Moi", une comédie satirico-philosophico-comique écrit par Alexis Martin, puis "La vie après
l'amour"(2000) une comédie sentimentale avec musique à saveur latine. J'ai contribué à quelques autres fictions,
documentaires et musiques de pub avant d'intervenir sur "Les Triplettes de Belleville."
Comment s'est déroulé ta collaboration avec Sylvain sur le film ?
J'ai rencontré plusieurs fois Sylvain dans des clubs où je jouais. Ensuite, il a vu "Matroni et Moi". Il m'a appelé pour
que je le rencontre au studio d'animation. Je lui ai fait écouter ma bande démo. J'avais composé un petit thème que
j'aimais bien pour un documentaire, mais il avait été refusé, parce qu'il était "trop ludique" pour en illustrer le propos
(d'après eux !) En l'entendant, Sylvain a tout de suite dit : "C'est le thème du film !" Le reste du travail créatif fut un
véritable régal. Plus je me laissais aller à mes pulsions créatives les plus viles, plus Sylvain appréciait !
Quelles ont été tes sources d'inspiration pour
composer cette musique ?
La musique de Django Reinhardt. Pour le reste je dirais :
les images du film, les personnages, les directives de
Sylvain, quelques références stylistiques des époques
évoquées par le film.
J'aimerais que tu nous dises tout sur Mouf-Mouf et sur
les secrets du "Jazz domestique"...
Ah, Mouf-mouf !… C'est un petit aspirateur cylindrique
des années 50 qui menait jusqu'alors une existence assez
misérable dans un coin de mon studio. Un jour, il m'a fait signe. Il avait besoin qu'on l'écoute et qu'on l'aime…
Depuis notre rencontre, il chante ! Je dois dire que c'est assez touchant. Je mets ma main devant l'entrée de son
tuyau et je laisse filer l'air entre mes doigts. En resserrant l'espace, je change l'intonation et j'obtiens des notes
assez précises pour pouvoir jouer des mélodies. Je tiens à préciser que les sons des appareils ménagers du film ont
tous été obtenus en utilisant leurs homologues de la vie réelle.
Tu as collaboré avec Thomas Dutronc, qui est un remarquable guitariste, passionné de swing. Pourrais-tu
nous parler de lui et de l'hommage que vous rendez ensemble à Django Reinhardt ?
C'est un beau garçon très tranquille. Belle touche de guitare. Je ne l'ai rencontré que pendant les quelques heures
passées chez Mathieu Chédid. J'ai essayé sa superbe guitare Selmer . En fait, c'est lui le grand spécialiste de Django !
Moi j'ai fait ce que l'on appelle la "pompe", en l'accompagnant.
Pourrais-tu nous parler des voix chantées des Triplettes ?
C'est Betty Bonifassi, Marie-Lou Gauthier et Lina Boudreault qui ont prêté leurs voix
aux Triplettes . Elles se sont bien amusées à entrer dans ce jeu. Betty a fait des voix
supplémentaires sur la chanson "Piafesque" du film et dans les chœurs de la
chanson composée avec "M".
Comment s'est déroulé la collaboration
avec Mathieu Chédid, alias "M" ?
En fait, c'était son "show". Il a travaillé à
partir de ma composition. J'ai eu un peu de
mal à le laisser s'en approprier au début, mais je suis
ravi du résultat final, vraiment très heureux de ce qu'il
en a fait.
Sylvain et moi tenions absolument à obtenir une
atmosphère crédible. Il fallait susciter un sentiment
de réalité sans se contraindre à représenter le
monde réel. Nous avons bien observé les
photographies de Robert Doisneau et Jean Mounicq
pour greffer des détails authentiques sur les décors
des trois premières séquences (Paris et le Tour de
France). Nous nous sommes aussi servi de l'éclairage
pour donner l'impression que nous nous trouvions
dans le décor, aux côtés des personnages.
Quels sont les matériaux et les outils que vous
avez employés pour créer les décors, qui sont, je
crois, assez grands ?
Les décors ont d'abord été esquissés sous la forme
de tout petits dessins. Nous les avons ensuite
agrandis à différentes tailles. Les plus petits
mesuraient 25 cm de large alors que les plus grands,
Quelles indications Sylvain Chomet vous donnait-il pour les décors ? Les décrivait-il oralement ?
Vous montrait-il des références sous formes de photos ou de dessins ?
Il a employé toutes ces méthodes. Sylvain avait déjà réalisé des esquisses de décor avant même de dessiner le
story-board, qui donnaient des indications supplémentaires sur les atmosphères et les effets qu'il comptait
produire grâce à eux. J'ai été très impressionné par sa capacité d'improvisation créative. Sylvain déborde de
nouvelles idées, mais il est également très ouvert aux idées des autres. Il a été la force créatrice, la "locomotive"
qui a permis à toute la production d'avancer. J'ai bénéficié d'une grande liberté pour imaginer le style architectural
de Belleville, qui est un mélange baroque de Paris, Montréal et New York. Nous nous sommes également amusés
à pasticher le consumérisme que l'on trouve sur tout le continent américain. C'était très drôle à dessiner. Je
communiquais constamment avec Sylvain pour vérifier que ce que je faisais correspondait bien à sa vision.
Quelles ont été vos références visuelles ?
J'ai utilisé des livres de photographies noir et blanc consacrés au Paris de l'immédiat après-guerre pour dessiner
les séquences de l'enfance de Champion. J'ai employé aussi des documents sur les provinces pour dessiner les
paysages du Tour de France, et des tonnes de photos du tour lui-même.
qui servaient à réaliser des plans panoramiques,
mesuraient 1m50 de hauteur, voire 2 mètres,
comme dans le cas du plan large de Belleville. Si
vous vous représentez le niveau de détail d'un
dessin aussi grand, vous comprendrez vite que
sa mise au propre a nécessité un travail énorme.
Je faisais la mise au propre du décor en plaçant
l'esquisse sur une table lumineuse et en reprenant le
dessin en transparence par dessus, sans décalquer.
Je me laissais la possibilité d'improviser et d'ajouter
des détails supplémentaires. Le dessin au trait était
ensuite scanné, puis coloré à l'ordinateur. Notre
objectif était de donner une apparence organique à
ce travail, comme s'il avait été réalisé à la main.
Nous avons même ajouté une texture de papier à
ces décors 2D, pour leur donner l'apparence des
aquarelles. Je dois préciser que je n'ai pas réalisé
seul les mille décors qui apparaissent dans le film, j'ai
été aidé par une équipe d'artistes de grand talent.
Les décors créés pour un film d'animation sont très
particuliers : vous distordez les perspectives de
manière à simuler des panoramiques sur un
document plat. Comment réussissez-vous ces effets ?
Il est pratiquement impossible de décrire le processus de
création d'un bon décor d'animation. On peut
approcher ce travail de manière logique et analytique,
mais il faut toujours garder à l'esprit que ce que vous
dessinez va devenir une scène d'un film. Vous devez
concevoir votre décor pour exprimer la dynamique d'un
plan, le rythme d'une séquence. Il faut quelquefois
dessiner des perspectives impossibles comme celles que
vous mentionnez. On y parvient par expérience, parce
que l'on a acquis une "vision cinématographique". Il ne
faut jamais oublier que certains décors n'apparaissent à
l'écran que pendant quelques secondes. Ils doivent
produire un effet immédiat, et s'inscrire dans la
continuité du décor du plan précédent.
Quels sont les décors les plus difficiles que vous avez créés pour ce film ?
Les décors des plans large en panoramique de Belleville ont été très complexes à réaliser, parce qu'ils étaient
conçus en plusieurs "couches" pour produire un effet de profondeur. Chaque couche se déplaçait à une
vitesse différente pendant le panoramique latéral, de manière à créer l'illusion de la perspective. Nous
avons d'abord réalisé des tests à l'ordinateur pour mettre au point ces mouvements. Je suis très content du
résultat que nous avons obtenu, en dépit de toutes ces difficultés.
"C’est en 1997, au Festival international du film d’animation d’Annecy, que le projet des Triplettes de Belleville est né.
Nous venions d’investir sept années de vie, d’énergie et de passion pour financer et réaliser La vieille dame et
les pigeons, dessin animé de 26 minutes qui nécessita un budget réel de plus de 800 000 euros !
Les qualités d’auteur et de réalisateur que révélaient ce film m’inspiraient le désir de continuer ma collaboration
avec Sylvain et de pousser le risque et l’ambition plus avant, d’entreprendre l’aventure d’un long métrage, de lui
donner les moyens d’exprimer tout son talent.
Il fallait surfer sur, à la fois, la réussite en salle de Kirikou et la sorcière qui donnait aux Armateurs une crédibilité
en tant que producteur de films d’animation ambitieux et le succès de La vieille dame et les pigeons dans les
grands rendez-vous professionnels (les Oscars, le Bafta Awards, les Césars, le festival d'Annecy, etc.).
Les Armateurs, créée en 1994 par Didier Brunner a révélé La vieille dame et les pigeons (primé à Annecy en
1997) jusqu'à aujourd'hui son premier long métrage :
deux auteurs dans le cinéma d'animation :
Les triplettes de Belleville.
Michel Ocelot et Sylvain Chomet.
Les Triplettes de Belleville, malgré la splendeur graphique du projet, raconte une histoire et s’inscrit dans un
univers qui ne sont pas spécifiquement dédiés aux enfants…
J’étais conscient que c’était là un nouveau et difficile pari que nous demandions de prendre à ceux qui nous
accompagneraient dans le financement élevé de ce projet.
Nous avons tenu le cap, ce qui pour des Armateurs est une qualité de base, l’équipage a fait preuve d’une
opiniâtreté admirable et c’est avec fierté que nous menons à bon port aujourd’hui ce navire imaginaire...”
Didier Brunner
L'objectif des Armateurs est la découverte de
nouveaux talents et la production d'œuvres originales
et ambitieuses destinées à un public familial ou à de
jeunes adultes.
La société a connu son premier succès avec le long
métrage de Michel Ocelot, Kirikou et la Sorcière qui a
obtenu le grand prix du long métrage au Festival d'
Annecy en 1999 et a été vu par près d'un million et
demi de spectateurs.
Suivront en 2000, Princes et Princesses, de Michel
Ocelot, constitué de six moyen métrages d'animation
en papiers découpés, et, deux ans plus tard, L’Enfant
qui voulait être un ours de Jannik Hastrup, en
coproduction avec le Danemark. Les Armateurs ont
accompagné le travail de Sylvain Chomet depuis
Actuellement, sont en production le long métrage
T’choupi de Jean-Luc François, d’après le célèbre
personnage pour les tous-petits et plusieurs courtsmétrages. Quatre nouveaux long métrages vont être
produits entre fin 2003 et 2004 :
Rebel, de deux jeunes auteurs réalisateurs irlandais :
Tomm Moore et Aidan Harte d'après le célèbre livre
d'enluminures The book of Kells. La musique du
diable, inspiré de l'histoire du chanteur de blues
Robert Johnson, le graphisme sera une création de
l'auteur de bandes-dessinées Jano et le film sera réalisé
par Alexis Lavillat et Raoul.
Pourquoi j'ai (pas) mangé mon père, adaptation en
animation 3D du best-seller de Roy Lewis publié par
Actes Sud et dont le scénario est écrit par Frédéric
Fougea et Jean-Luc Fromental. Le graphisme est réalisé
par l'anglais Jeff Newitt.
L'enfant et la rivière, adapté du livre d'Henri Bosco
sera écrit et réalisé par Michel Fessler.
Un autre projet de long-métrage sera mis en
développement très prochainement…Attila Marcel, le
nouveau film de Sylvain Chomet.
Scénario, story-board,
conception graphique et réalisation
Direction des décors
Musique - Composition et arrangements
Décors couleurs - Chef décorateur
Direction Recherche Couleur des personnages
Direction de l'animation et création graphique
des personnages
Supervision de l'animation
3D - Direction Animation, Effets spéciaux
et compositing
Direction Compositing
Montage
Direction de production
Studios d'animation
Sylvain CHOMET
Evgeni TOMOV
Benoît CHAREST
Thierry MILLION
Carole ROY
Sylvain CHOMET
Jean-Christophe LIE, Benoit FÉROUMONT
Pieter Van HOUTE
Bénédicte GALUP
Chantal COLIBERT BRUNNER
François Bernard
Studio les Triplettes, Artdog
Walking the dog, Rija Films, 2d3D
Studio de mixage
Cineberti
Voix des comédiens
Jean-Claude DONDA
Michel ROBIN, Monica VIEGAS
Chanson générique de fin - Interprétation et adaptation
M
Les autres chansons sont interprétées par
Béatrice BONIFASSI
Charles PREVOST LINTON
Conception sonore
Mathieu Cox
Eric de VOS, Laurent QUAGLIO
Producteur Délégué
Didier BRUNNER (Les Armateurs)
Coproducteur délégué
Paul CADIEUX (Production Champion)
Producteurs
Viviane VANFLETEREN (Vivi Film)
Régis GHEZELBASH (RGP France)
Colin ROSE (BBC Bristol)
Bande originale du film sur disques Delabel
Une production :
Les Armateurs (Carrère Group)/ Production Champion / Vivi Film / France 3
Cinéma/ RGP France
Produit avec la participation de Canal + et des Sofica Gimages 3 et Cofimage 12
De Téléfilm Canada dans le cadre d’une coproduction France-Canada-Belgique
Et de la SODEC Société de développement des entreprises culturelles – Québec
Avec le soutien du Centre National de la Cinématographie
du Fonds Film in Vlaanderen et de Nationale Loterij
En association avec BBC Bristol et BBC Worldwide
Avec la participation du département de la Charente et de la Région Poitou-Charentes
Avec le soutien de Cartoon, du Programme Média de l’Union Européenne et de la Procirep
COPYRIGHT
©: 2002 Les Armateurs / Production Champion / Vivi Film / France 3 Cinéma / RGP France/ Sylvain Chomet