Mille mots d`amour, tome 8
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Mille mots d`amour, tome 8
Écrivains, artistes, grand public et Impatients TOME HUIT Éditions Les Impatients 100, rue Sherbrooke Est, bureau 4000 Montréal (Québec) H2X 1C3 www.impatients.ca Dépôt légal _ 1er trimestre 2012 Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale du Canada ISBN 978-2-9811357-5-9 (version imprimée) ISBN 978-2-9811357-6-6 (PDF) Tous droits de traduction et d’adaptation réservés ; toute reproduction d’un extrait quelconque par quelque procédé que ce soit, tant électronique que mécanique, par photocopie, par numérisation et par microfilm, est interdite sans l’autorisation écrite de l’éditeur. Impatients_MMA8_coffret_p2.indd 1 11-11-14 11:25 AM Tome ÉCRIVAINS, ARTISTES, GRAND PUBLIC ET IMPATIENTS ÉDITIONS LES IMPATIENTS Les Impatients est un organisme à but non lucratif dont la mission est d’aider les personnes atteintes de maladie mentale en leur offrant des ateliers d’expression artistique. La vente du coffret aide à recueillir des fonds pour maintenir ces activités. La parution de cette édition coïncide avec les festivités de notre 20e anniversaire. Depuis 1992, Les Impatients donnent à ceux qui ont le courage de s’appeler Impatients une esthétique de l’extraordinaire et des outils pour mieux vivre. C’est grâce à vous, cher public, et à des amis fidèles que cela est possible depuis 20 ans. Nous voulons souligner cette année la participation spéciale de deux groupes qui ont répondu à notre invitation d’écrire un mot d’amour : Le Brin d’espoir, pension de famille française, et les comédiennes des Belles-Sœurs, la comédie musicale inspirée de la pièce de théâtre de Michel Tremblay. Ce coffret a été réalisé grâce à la participation financière du ministère de la Santé et des Services sociaux, de Gestion Phila ainsi que : LE COFFRET CONTIENT 82 LETTRES D’ÉCRIVAINS ET D’ARTISTES, 39 LETTRES D’IMPATIENTS, 5 DE LA PENSION DE FAMILLE LE BRIN D’ESPOIR ET 13 DU GRAND PUBLIC. NOUS AVONS PRIS SOIN, CETTE ANNÉE, DE METTRE À VOTRE DISPOSITION DEUX FEUILLES VOLANTES POUR VOS MOTS D’AMOUR. À LA DEMANDE DE LEUR AUTEUR, CERTAINES LETTRES SONT PUBLIÉES SANS RÉVISION LINGUISTIQUE ; PAR SOUCI D’AUTHENTICITÉ, LES MOTS D’AMOUR DES IMPATIENTS ET CEUX DU BRIN D’ESPOIR LE SONT EN VERSION ORIGINALE ; L’ANCIENNE ET LA NOUVELLE ORTHOGRAPHE SE CÔTOIENT DANS CETTE ÉDITION, SELON LE CHOIX DES AUTEURS. IMPATIENTS : Véronique Beauchamp, Claude Benoit, Renée Bernard, Jean-Marc Cadorette, Clémence Castonguay, Marguerite Chaput, Natalie Chickee, Benoît Codère, Alicia Colquicocha, Richard Desroches, François Dubuc, Johanne Dulude, Dinh Duong, Louise Duval, Rita Ferguson, Véronique Gagnon, Michel Hatin, Claude Lafontaine, Louise Lapierre, F. Laprée, Lise Laramée, Félix Lavigne, Simon Lemay-Brodeur, Louis Lévesque, Gaëtane Lupien, Catherine Madore, Johanne Marino, Claudie Martin, Suzanne Miro, Réjean Petitclerc, Chantal Pinel, Jean-François Provencher, Ghislaine Provost, Georges René, José Robillard, Magali Ross, Siou, Pierrette Smith et Céline Tremblay. LE BRIN D’ESPOIR : Didier Bonneau, Jean Pierre Labadi, Joël Retif, Alain Schmuck et Gilles Toullier. GRAND PUBLIC : Anthia Camiré, Karen Carmona, Richard Cyr, Tiphaine Delahaye, Thibaut Denuit, Danielle Drouin, Tania Gagné, Jocelyne Gervais, Nadia Ghalem, Isabelle Larouche, Patrick Pépin, Line Senneville et V.B.D. ÉCRIVAINS ET ARTISTES : Édith Arvisais, Marie-Evelyne Baribeau, Yves Beauchemin, Jimmy Beaulieu, Laurent Beretta, Marie Christine Bernard, Michaëlle Bouchard, Serge Boucher, Marie Brassard, Geneviève Brouillette, Janine Carreau, Gino Chouinard, Marie Chouinard, Guillaume Corbeil, Jacques Côté, Serge Denoncourt, Élise Deschênes, David Desjardins, Clémence DesRochers, Sébastien Diaz, Nicolas Dickner, Geneviève Dorion-Coupal, Martine Doucet, Émilie Dubreuil, Rima Elkouri, Sylvie Ferlatte, Danika Fleury, Kathleen Fortin, Marie-Thérèse Fortin, Marie-Chantale Gariépy, Bianca Gervais, Lisa-Marie Gervais, Michel Gosselin, Macha Grenon, Maude Guérin, Vanessa Guimond, Marc Hervieux, Eugene Holtz, Elisapie Isaac, Pascal Janovjak, Olivier Kemeid, Lio Kiefer, Alain Labonté, Michelle Labonté, Stéphane Lafleur, Dominique Lafond, Josée Lapointe, Marie-Claude Lavallée, Perrine Leblanc, Sylvie Lemieux, Martin Loignon, Thierry Loriot, Yanick Macdonald, Hélène Major, Marie Michaud, Lori Miller, Jérôme Minière, Marie-Joëlle Parent, Elsa Pépin, Dominique Pétrin, Christiane Proulx, Monique Richard, Benoit Roberge, Damien Robitaille, Anka Rouleau, Karl Rowley, Monique Saintonge, Samian, Matthieu Simard, Dan Smeby, Janine Sutto, David T. Marchand, Ève Tessier-Bouchard, Lynda Thalie, Claudie Théberge, Guylaine Tremblay, Lise Tremblay, Tassia Trifiatis, Vincent Vallières, Karine Vilder, Martin Winckler et Robert Young. 2 ÉQUIPE DE RÉALISATION : David Ayotte / Designer graphique, bungalobungalo ; Mario Fontaine et Martine Gravel / Réviseurs ; Alain Labonté / Initiateur du projet, relationniste ; Céline Lamontagne / Initiatrice du projet, consultante, réviseure ; Patricia Landry / Coordonnatrice ; Lorraine B. Palardy / Directrice générale, Les Impatients. CETTE ANNÉE, L’ÉQUIPE DE RÉALISATION A GÉNÉREUSEMENT ÉTÉ APPUYÉE PAR UN COMITÉ SPÉCIAL CONSTITUÉ DE TRISTAN MALAVOY-RACINE, CHRYSTINE BROUILLET ET CLAUDIA LAROCHELLE. 2 RESPONSABLES DES ATELIERS D’ÉCRITURE AUX IMPATIENTS : Radu Christian Barca, Elmyna Bouchard, Michèle Boucher, Hella Derouin, Line Gamache, Johanne Proulx, Laura Regev, France-Andrée Sévillano et Mélissa Sokoloff. RESPONSABLE DE L’ATELIER D’ÉCRITURE AU BRIN D’ESPOIR : Elsa Clément. 2 LES LETTRES DU GRAND PUBLIC PROVIENNENT D’UN CONCOURS lancé dans notre réseau et dans des groupes de création littéraire de l’Université du Québec à Montréal grâce au soutien d’Isabelle Miron. UN GROS MERCI À CHRYSTINE BROUILLET, CLAUDIA LAROCHELLE ET MATTHIEU SIMARD POUR LA SÉLECTION DES LETTRES DES IMPATIENTS ET DE CELLES DU GRAND PUBLIC. 2 LE CENTRE LES IMPATIENTS POURSUIT SON ACTION GRÂCE À L’APPUI SOUTENU DE RONA, DE MÊME QUE : M. Mme Jean-Guy et Lyette Racicot, Institut universitaire en santé mentale Douglas, Fondation Postes Canada, Fondation La Capitale groupe financier, Caisse de dépôt et placement du Québec, Le Groupe Perron, ministère de la Santé et des Services sociaux, Bell, Fondation EJLB, Gestion Phila inc., Lundbeck Canada inc, Transcontinental inc., Prologue inc., La Compagnie Larivée Cabot Champagne, Fondation des maladies mentales, Hôpital Louis-H. Lafontaine, Hôpital Rivière-des-Prairies, Institut Philippe-Pinel, Fondation J.A. DeSève, Eli Lilly Canada inc., M. Germain Benoit, Gowling Lafleur Henderson, HR Stratégies inc., Pelican International inc., Dr Yves Lamontagne, Pratt & Whitney Canada, Société des alcools du Québec, Alain Labonté Communications, Chapelle historique du Bon-Pasteur, Communications Voir, IKEA, La Presse, ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. ISBN 978-2-9811357-5-9 (version imprimée) ; ISBN 978-2-9811357-6-6 (PDF) Mille mots d’amour, tome huit. Tous droits de traduction et d’adaptation réservés ; toute reproduction d’un extrait quelconque d’une lettre par quelque procédé que ce soit, tant électronique que mécanique, par photocopie, par numérisation et par microfilm, est interdite sans l’autorisation écrite de l’éditeur. 20 ANS avec le verbe « aimer » Au fil de ce coffret, vous allez découvrir plusieurs mots qui reprennent le thème « 20 ans ». C’est qu’en le lisant, vous allez célébrer les 20 ans des Impatients, vous allez célébrer avec nous ce tour de force d’avoir su durer, d’avoir osé multiplier nos ateliers à Montréal et ailleurs au Québec avec des partenaires qui ont cru en nous et qui continuent aujourd’hui de faire l’histoire des Impatients. Vous allez surtout célébrer un organisme en pleine forme, qui multiplie les collaborations et les projets originaux. Les Impatients n’auraient pu faire tout ce parcours sans ce projet audacieux qu’est l’édition du coffret Mille mots d’amour. En misant sur le verbe « aimer », les Impatients, artistes, écrivains, poètes, bénévoles et partenaires financiers ont fait avancer de façon positive la perception des maladies mentales. Ils ont ensemble créé pour vous, grand public, des moments de pur bonheur que nous sommes toujours heureux de partager avec vous ! Merci à tous ceux qui sont intervenus de près ou de loin à la réalisation de notre coffret : Alain Labonté, Céline Lamontagne, Tristan Malavoy-Racine, Chrystine Brouillet, Claudia Larochelle, Matthieu Simard, David Ayotte et Patricia Landry, aidés de Elsa Clément, Martine Gravel, Edith de Villers, Mario Fontaine et Bibiane Cayouette. Merci à Clémence DesRochers, aux Impatients, aux thérapeutes, aux bénévoles, à Claude Dubois, à Francine Paquette, à Luc Gibeault et Chantal Langlois. Merci aux artisans de ce projet qui ont pris grand soin de porter jusqu’à vous ces mots d’amour écrits par des auteurs généreux. Si vous lisez attentivement ces pages, vous allez entendre battre leur cœur ! Bonne lecture ! Lorraine B. Palardy Directrice générale, Les Impatients Richard Desroches Comme une tigresse Remplie de tendresse Qui fuit Elle est la princesse De toute ma richesse Enfouie Ainsi dans l’ivresse Et dans ma jeunesse Je fuis Richard Cyr Amour et amours Il y a l’amour des voyages, l’amour des belles bagnoles et l’amour des bons vins, qui déclenchent parfois un œdème douloureux de la carte de crédit. Il y a l’amour des honneurs, l’amour du pouvoir et l’amour de l’argent, qui agissent souvent comme le contraire de l’amour, car ils éloignent de ses semblables celui qui en est devenu l’esclave. Il y a l’amour du pays, qui fait accomplir des choses admirables mais peut en faire commettre d’odieuses, car de petits malins, pour tromper la foule, l’utilisent parfois comme paravent à leurs ambitions inavouables. Il y a la saison des amours, qui emporte les bêtes dans une recherche effrénée du partenaire de l’autre sexe afin que la race se perpétue. Et il y a enfin ce fameux amour célébré de tout temps par les poètes et les artistes, qui tient en partie de celui des bêtes mais se ramifie et se complique dans des floraisons que nous explorons depuis des siècles sans arriver tout à fait à nous y retrouver. C’est cet amour qui fait réfléchir les philosophes, plisser le front des psychologues, roucouler les chanteurs de charme et qui plonge dans l’extase — ou l’affliction — celui ou celle qu’il envahit. Avec l’amour du pays, qui en est comme le prolongement, c’est l’amour le plus beau, car il nous sort de notre moi un peu exigu pour nous projeter vers l’autre dans un don de nous-mêmes qui cherche à répandre le bonheur. C’est l’amour qui, depuis bientôt vingt ans, anime les Impatients. Yves Beauchemin 31 0ctobre 2011 cher, toi et moi par terre dans une pièce toute vide quelques jouets nous ne disons mot peut-être seras-tu mon mari plus tard plénitude d’un inconfort suspendu oh ta mère qui entre ses grandes jambes et sa voix tout en haut je ne lève pas la tête elle nous dérange notre silence notre amour marie (souvenir, 4 ans) © marie chouinard 2011 Holà pollito, La lumière a changé depuis ton départ. Le vent ne transporte plus rien d’estival. Sur le campus les initiations de la rentrée claironnent leurs barbaries carnavalesques. Je ne suis pas un futur médecin en tutu qui se dispute au souque à la corde. Je suis le conquérant en perte de vitesse. L’amoureux flou. L’enfant béni des dieux qui vient de passer une partie du mois d’août avec toi. J’ai saoulé mon entourage avec l’histoire de notre rencontre. Désormais on m’évite. Je trouve refuge dans le souvenir. Dans l’immense cour arrière de cette maison de Cap-Rouge où je te revois soupirer au côté d’une pastèque. Un gros melon rempli de dry gin et de limonade auquel j’ai puisé le courage de t’aborder. Ô toi splendeur inaccessible à mes yeux de poète timoré. Jamais un t-shirt trop grand du Che Guevara ne m’a semblé si attrayant. Jamais une bouche en fruit ne m’a autant fait de l’œil. Je n’ai pas écouté quand tu m’as dit que tu partais étudier au Mexique. Je n’ai pas entendu que tu allais faire ta maitrise sur le mouvement zapatiste au Chiapas. Sinon je me serais effondré. Écroulé sans avoir la chance de poser mon geste audacieux. Ma désintégration aura été reportée de quelques semaines. Les mariachis sur ta carte postale ont l’air de partager ma douleur. Je la relis pour la huitième fois les larmes aux yeux. Les couleurs du monde se dégradent. Rien à faire. La lumière a changé depuis ton départ. Benoit Roberge À TOI QUI ES LE ROI DES IMPATIENTS À toi qui es le roi des impatients Parce que tu veux tout Tout tout de suite Et parce qu’on ne t’a pas encore appris à attendre Ce qui est très bien Car il n’y a rien de pire qu’attendre Je dis ne change pas ne change jamais Avoir su moi je n’aurais jamais voulu apprendre à attendre Mais on ne nous laisse pas le choix il faut apprendre à être patient Quelle infamie Dans ce mot Patient Il y a la passivité la maladie l’hôpital Tandis que dans l’impatience Il y a la fougue la jeunesse la vie Reste impatient Toute ta vie Demande exige tout Tout tout de suite Sois impatient en amour Sois impatient en amitié Sois impatient avec le temps ce cheval sans bride qu’on ne monte pas Sois ce cheval Que personne ne puisse te dompter Galope à grandes foulées dans les vents furieux sur les steppes infinies Garde en toi cette soif Épuise-les même quand ils te disent qu’il n’y a plus d’eau Mitraille-les de questions impossibles les questions impossibles sont les plus belles À toi le roi des impatients Continue de courir tu n’as jamais appris à marcher tu as raison la marche est pour les patients Ceux qui ont décidé d’attendre Mais la vie est trop courte pour attendre La vie avec toi est trop courte La vie avec toi Rafaël La vie avec toi La vie Olivier Kemeid José Robillard Salut Stone, Je suis loin sur la route aujourd’hui encore. Couché dans une chambre d’hôtel, je tue le temps en pensant à toi. Je te passe ce cliché d’entrée de jeu parce qu’il est plus que vrai (je sais que tu sais). Aussi parce que la poésie, des fois, se fait attendre et qu’il faut bien commencer quelque part. Te rappelles-tu quand je suis parti en Grèce lorsque j’étais à l’université ? Ça fait douze ans, tu te rends compte ? On venait à peine de se rencontrer et je devais te quitter pour trois semaines. La durée du périple que je trouvais trop court avant de te connaître me semblait maintenant interminable. Je ne voulais plus partir. J’avais peur que tu m’oublies. C’était avant Facebook, Twitter, les textos, la maison, le char et les enfants. À l’époque des cafés internet. À Athènes, il en coûtait 7 $ pour trente minutes d’utilisation. Une fortune pour mon budget étudiant. Je prenais toutes ces minutes pour t’écrire un mot à tous les jours, quitte à ne pas commander d’entrée ni de dessert. Les ordis grecs gelaient tout le temps et je sacrais en voyant les secondes s’envoler sans que je puisse travailler sur mes phrases. Je jubilais à la lecture de tes réponses. T’as pas idée à quel point j’ai aimé apprendre à te connaître au travers de cette correspondance. Stone, je t’écris et je réalise que les années nous glissent entre les doigts. On dirait que ça s’est passé hier. Je constate que c’est la fragilité de l’amour qui en fait toute sa beauté. Comme les mots que l’on s’envoie et qui se perdent parfois au fil des années dans des bacs de récupération ou dans l’espace cybernétique. La poésie au fond, tient à bien peu de choses. Je reviens bientôt et je t’aime. Vincent Vallières