Anatomie fonctionnelle du plancher pelvien

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Anatomie fonctionnelle du plancher pelvien
S P E C I A L I S S U E S I N G E N I TA L P R O L A P S E
ANATOMIE FONCTIONNELLE DU PLANCHER PELVIEN
http://www.lebanesemedicaljournal.org/articles/61-1/review1.pdf
René YIOU , Vincent DELMAS
1
2
Yiou R, Delmas V. Anatomie fonctionnelle du plancher pelvien. J Med Liban 2013 ; 61 (1) : 4-12.
RÉSUMÉ : Les structures de soutien des viscères
pelviens comprennent le plancher pelvien proprement
dit avec le muscle élévateur de l’anus (LA) et ses deux
faisceaux pubo- et ilio-coccygiens et le muscle coccygien solidaire du ligament sacro-épineux. Le muscle
LA est composé essentiellement de fibres de type I
(muscles de posture). Le métabolisme aérobique de
ces fibres les rend plus fragiles à une contraction de
type excentrique et à un dysfonctionnement mitochondrial.
L’innervation du plancher pelvien provient des
branches antérieures des racines sacrées S2/S3/S4 ;
toute dénervation aura un retentissement sur la statique pelvienne. Le périnée inclut les structures musculo-aponévrotiques sous-jacentes au muscle élévateur de l’anus : antérieur avec le sphincter strié de
l’urèthre et les muscles ischio- et bulbo-caverneux,
postérieur avec les fosses ischio-anales. Les fascias
pelviens doublent ces muscles : fascia pelvien et ses
renforcements par les ligaments utérosacrés et cardinaux d’une part, les arcs tendineux du fascia pelvien
(ATFP) et du muscle élévateur de l’anus (ATLA).
La statique pelvienne repose sur l’action conjuguée
de toutes ces structures qui assurent un support antérieur (le « hamac » périnéal), moyen (les ligaments
cardinaux et utérosacrés) et postérieur (fascia rectovaginal et centre tendineux du périnée). L’orientation
des viscères pelviens contribue à la statique pelvienne
avec les angulations des réservoirs pelviens urinaire,
génital, digestif avec leur conduit d’évacuation. Lors
de la dynamique pelvienne, la modification de ces
angles sous l’action des structures musculo-aponévrotiques est la traduction de l’adaptation pelvienne.
Yiou R, Delmas V. Functional anatomy of the pelvic floor.
J Med Liban 2013 ; 61 (1) : 4-12.
ABSTRACT : The pelvic floor is the support of the
pelvic viscera. The levator ani muscle (LA) with its
two bundles (pubo- and iliococcygeus) is the major
component of this pelvic floor. LA is formed essentially by type I fibers (slow twitch, with high oxidative
capability and presence of slow myosin) as in postural
muscles. The aerobic metabolism makes LA fragile
to excentric contraction and to mitochondrial dysfunction.
The innervation of the pelvic floor comes from the
2nd, 3rd, 4th anterior sacral roots; denervation affects
pelvic dynamism. Perineum includes the musculofascial structures under the LA : ventrally the striated
sphincter of urethra and the ischiocavernosus and
bulbospongiosus, caudally the fatty tissue filling the
ischioanal fossa. Pelvic fascia covers the muscles ; it
presents reinforcements : the uterosacral and cardinal
ligaments, the arcus tendineus fascia pelvis (ATFP)
and the arcus tendineus levator ani (ATLA).
The pelvis statics is supported by the combined
action of all this anatomical structures anteriorly
forming the perineal “hammock,” medially the uterosacral and cardinal ligaments, posteriorly the rectovaginal fascia and the perineal body. The angles
formed by the pelvic viscera with their evacuation
ducts participate to the pelvic statics. During the
pelvic dynamics the modification of these angles
expresses the action of the musculofascial structures.
INTRODUCTION
conséquence d’une pathologie de la statique et/ou de la
dynamique pelvienne. Celles-ci reposent sur des structures anatomiques que nous décrirons successivement :
le cadre osseux, les muscles du plancher pelvien et du
périnée de la femme, les fascias du pelvis puis nous envisagerons leur rôle fonctionnel dans la statique pelvienne
et l’orientation des viscères pelviens.
1. Anatomie, Université Val de Marne Paris 12 & Service d’urologie, AP-HP, CHU Henri Mondor, Créteil, France.
2. URDIA EA4465, Anatomie, Université Paris Descartes &
Service d’urologie, AP-HP, Hôpital Bichat, Paris.
Correspondance : Pr Vincent Delmas.
e-mail: [email protected]
Le cadre osseux (os du bassin, courbures vertébrales
lombo-sacrées) sur lequel prennent insertion ces structures pourrait jouer un rôle dans les processus pathologiques de troubles de la statique pelvienne, même si celuici est encore discuté. Le bassin osseux a la forme d’un
anneau composé des deux os iliaques avec leur cadre
obturateur en avant et du sacrum en arrière.
Le bassin osseux ne doit plus être considéré seulement
Le plancher pelvien est défini comme l’ensemble des
structures anatomiques, fascias et muscles, qui ferment
vers le bas le petit bassin ou pelvis. C’est la partie la plus
profonde du périnée. Fuites urinaires, prolapsus sont la
4 Journal Médical Libanais 2013 • Volume 61 (1)
LE CADRE OSSEUX
comme la structure obstétricale exclusive (Farabeuf) du
XIXe siècle, mais comme une structure statique et dynamique au XXIe siècle qui peut être lésée lors de l’accouchement.
Les axes du bassin osseux sont perpendiculaires au
détroit supérieur et au détroit inférieur, parallèles à la concavité sacrée. Il y a une relation entre la forme du pelvis
et le risque de prolapsus comme l’ont montré plusieurs
auteurs (Sze 1999, Handa 2003, Stay 2007).
LE PLANCHER PELVIEN
Description anatomique des faisceaux musculaires du
plancher pelvien
Le plancher pelvien est principalement constitué de
deux muscles pairs : le muscle élévateur de l’anus (levator ani) et le muscle coccygien (coccygeus). Ces muscles
s’insèrent sur la face médiale du pelvis et forment un
diaphragme musculaire sur lequel reposent les organes
pelviens.
Le muscle élévateur de l’anus est le muscle principal
du plancher pelvien. Il lui est décrit deux parties : le faisceau pubo-coccygien, antéromédial, et le faisceau iliococcygien, postérolatéral. Le faisceau pubo-coccygien est
épais, arrondi ; il a une insertion osseuse à la face postérieure du corps du pubis. Ses fibres se dirigent en arrière
formant une sangle contournant l’angle ano-rectal et se
poursuivent avec les fibres du muscle controlatéral. Ce
faisceau pubo-coccygien délimite ainsi le hiatus lévatorien ou urogénital qui livre passage à l’urèthre, au vagin et
à la jonction ano-rectale (Figure 1).
Les fibres musculaires du pubo-coccygien sont globalement orientées vers le haut et l’avant en direction du
pubis [1]. La description des différents composants de ce
faisceau a créé une grande confusion dans la nomenclature. Des faisceaux de fibres se détacheraient de sa partie
médiale pour se terminer sur l’urèthre, le vagin, l’anus et
le rectum formant respectivement les faisceaux pubourétral, pubo-vaginal, pubo-anal et pubo-rectal, identifiables en IRM [2]. On peut simplifier la description en
considérant une partie pubo-viscérale du pubo-coccygien
qui se termine sur le centre tendineux du périnée, une
partie pubo-anale qui se termine en s’épanouissant dans
le sphincter strié de l’anus et le faisceau pubo-rectal qui
circonscrit la jonction ou angle ano-rectal en arrière et se
poursuit avec les fibres controlatérales en formant une
sangle. La contraction du faisceau pubo-rectal élève le
rectum, mais aussi le vagin et l’urèthre en accentuant les
angulations (ou caps) ano-rectales, urétro-vésicales et
vaginales.
Le muscle ilio-coccygien est la partie latérale, aplatie,
fine du muscle élévateur de l’anus. Il s’insère latéralement
sur l’arc tendineux de l’élévateur de l’anus et l’épine ischiatique, et en arrière sur le coccyx. Les fibres se terminent sur un raphé médian ou ligament ano-coccygien constituant le plateau lévatorien sur lequel les organes pelviens s’appuient lors des efforts de poussées. Le plateau
lévatorien est normalement horizontal et supporte le recR. YIOU, V. DELMAS – Anatomie fonctionnelle du plancher pelvien
A
B
C
D
A
FIGURE 1. Le muscle élévateur de l’anus et les mécanismes
de la continence urinaire chez la femme.
Les muscles élévateurs de l’anus (ea) et le sphincter strié urétral
(ssu) sont responsables de la continence urinaire à l’effort.
Le sphincter strié urétral est innervé par le nerf pudendal (np).
La continence urinaire nécessite une vessie (ve) compliante.
Celle-ci reçoit son innervation du système végétatif sympathique
et parasympathique provenant des plexus hypogastriques (ph)
inférieurs et supérieurs. Il existe des connections nerveuses
entre le muscle vésical et l’urèthre à un niveau central et périphérique qui permettent de coordonner leurs actions.
B Le vagin (va), le muscle élévateur de l’anus (ea) et l’aponévrose
pelvienne (ap) qui le recouvre participent à la constitution du
plancher urétral. L’arcus tendineus du fascia pelvien (atfp) est un
épaississement de l’aponévrose pelvienne qui amarre le vagin et
l’urèthre au muscle élévateur de l’anus.
C, D Reconstruction 3D (vue endopelvienne) du muscle élévateur de
l’anus (ea) à partir de séquences d’IRM réalisées chez une
patiente continente (C) et incontinente par hypermobilité vésicourétrale (D) [images obtenues sur le site splweb.bwh.harvard.edu]. En
cas d’incontinence, on note un décrochage (flèche à gauche) de
l’insertion latérale du muscle élévateur de l’anus sur le muscle
obturateur interne (oi) à l’origine de l’hypermobilité vésico-urétrale.
D’après Margulies RU et al. Appearance of the levator ani
muscle subdivisions in magnetic resonance images. Obstet
Gynecol 2006 May; 107 (5): 1064-9. (Used with permission.)
tum et les deux tiers supérieurs du vagin. L’affaiblissement du muscle élévateur de l’anus entraîne une verticalisation du plateau lévatorien, élargit la fente urogénitale ce
qui favorise l’apparition d’un prolapsus pelvien [3].
Indépendant du muscle élévateur de l’anus, le muscle
coccygien s’insère médialement sur les dernières pièces
sacrales et sur le coccyx et se termine latéralement sur
l’épine ischiatique. Il recouvre le ligament sacro-épineux
Il prolonge en arrière le muscle élévateur de l’anus et
complète le diaphragme pelvien.
Journal Médical Libanais 2013 • Volume 61 (1) 5
Aspects métaboliques et fonctionnels du plancher
pelvien
D’un point de vue fonctionnel, il est important de noter
que le muscle élévateur de l’anus est essentiellement composé de fibres de type I comme la plupart des muscles posturaux [4]. Les fibres de type I sont des fibres à contraction
lente et fonctionnent sur un mode oxydatif. Leur principale
caractéristique est de pouvoir développer des contractions
toniques prolongées. Ceci les oppose aux fibres de type II
fonctionnant essentiellement sur un mode anaérobique et
dont les contractions sont rapides et fatigables.
La forte proportion en fibres de type I est une caractéristique du muscle élévateur de l’anus de l’homme qui
s’explique probablement par la station érigée entraînant
une pression constante à son niveau exercée par le poids
des organes pelviens. En effet, chez l’animal quadrupède
comme la souris ou le rat, le muscle ilio-coccygien est
essentiellement composé de fibres de type II et ses fibres
sont orientées dans un sens cranio-caudal si bien que leur
rôle dans le support des organes pelviens semble mineur
[5]. Par ailleurs, le muscle élévateur de l’anus proprement
dit du rat présente des différences fondamentales avec le
muscle humain car il n’est présent que chez le rat mâle en
raison d’une androgéno-dépendance [6].
La proportion de fibres de type I varie en fonction des
différents faisceaux du muscle élévateur de l’anus. Ainsi,
les faisceaux pubo-coccygiens antérieurs (faisceau puboviscéral) ont été appréciés avec une proportion de 66% à
82% de fibres de type I. Les fibres des faisceaux pubococcygiens postérieurs (faisceau pubo-rectal) seraient à
90% de type I. Enfin, les fibres des faisceaux ilio-coccygiens seraient de type I à 68-69% [4-8]. Il y aurait donc
une augmentation de la proportion de fibres de type II
dans les régions périurétrales et périanales. Ceci suggère
que le muscle élévateur de l’anus a pour fonction d’exercer un tonus permanent en position érigée pour supporter
le poids des organes pelviens ; la contraction volontaire
du faisceau pubo-viscéral augmente ce tonus pour faire face
à une augmentation soudaine de la pression abdominale.
Le métabolisme aérobique des muscles du plancher
pelvien doit être pris en compte dans la physiopathologie
des troubles de la statique pelvienne. D’une part tout étirement excessif du muscle élévateur de l’anus va se produire sur des fibres musculaires qui sont contractées en
permanence du fait de leur activité tonique. D’un point de
vue physiopathologique, ce type d’étirement est considéré
comme une contraction de type excentrique (i.e. étirement
d’un muscle contracté) bien connue pour causer des dommages musculaires importants [9]. Du fait de son activité
tonique, le muscle élévateur de l’anus pourrait donc être
plus sensible à des lésions d’étirements chroniques.
D’autre part, il n’est pas improbable qu’une altération
du métabolisme oxydatif soit impliquée dans la survenue
d’un trouble de la statique pelvienne. En effet, le fonctionnement des fibres de type I repose essentiellement sur la
production d’ATP par les mitochondries ; or il est maintenant clairement établi qu’un dysfonctionnement mitochondrial participe au processus de vieillissement de l’or6 Journal Médical Libanais 2013 • Volume 61 (1)
ganisme [10-12]. L’ADN mitochondrial code pour les
protéines de la chaîne respiratoire et des mutations successives de cet ADN ont pour conséquence une altération
de la production énergétique des cellules concernées.
L’accumulation de radicaux libres de l’oxygène pourrait
jouer un rôle majeur dans l’apparition de ces mutations à
l’origine du processus de vieillissement. Les mitochondries sont ubiquitaires mais les tissus les plus consommateurs d’énergie mitochondriale comme le muscle et le système nerveux sont habituellement les plus marqués par
le déficit. L’atteinte musculaire se manifeste habituellement par une intolérance à l’effort et peut être localisée ou
généralisée. Les muscles du plancher pelvien sont essentiellement composés de fibres de type I sont donc plus
susceptibles d’être affectés par une altération de la chaîne
respiratoire mitochondriale.
Il a été récemment mis en évidence dans le muscle élévateur de l’anus de patientes présentant un prolapsus pelvien des anomalies morphologiques typiques d’un dysfonctionnement mitochondrial (présence de Ragged Red
Myofibers) et d’une altération de la production d’ATP
(fibres COX-) [13]. Ces anomalies n’étaient pas présentes
dans les muscles deltoïdiens des mêmes patientes. Cette
étude préliminaire suggère qu’un dysfonctionnement mitochondrial pourrait être impliqué dans le développement
des prolapsus pelviens.
Ainsi, du fait de son métabolisme essentiellement oxydatif, le muscle élévateur de l’anus est probablement plus
sensible à l’étirement et aux effets du vieillissement.
Innervation du plancher pelvien
L’innervation du plancher pelvien provient des racines
ventrales ou antérieures des 2e, 3e et 4e racines sacrées,
directement ou par l’intermédiaire du nerf pudendal. C’est
ainsi que le muscle élévateur de l’anus reçoit directement
sur sa face supérieure des fibres issues essentiellement
des racines antérieures du 3e nerf sacré. Le nerf pudendal
donne le nerf rectal inférieur, qui innerve le sphincter externe de l’anus, et des branches périnéales pour l’ensemble des muscles striés urogénitaux superficiels. Il semble
que le faisceau pubo-rectal du muscle élévateur de l’anus
ait anatomiquement la même innervation que le sphincter
externe de l’anus, par le nerf pudendal et sur sa face périnéale. Ce fait est en contradiction avec l’électromyographie in vivo qui suggère que le muscle pubo-rectal serait
innervé directement par les racines S2-S3, sur la face
supérieure de ce muscle [14].
L’étude de l’innervation des muscles pelvi-périnéaux
est importante car la plupart des études électrophysiologiques ont mis en évidence des signes de dénervation
chronique dans les muscles périnéaux de femmes atteintes
de troubles de la statique pelvienne.
Classiquement, l’accouchement entraîne une neuropathie d’étirement avec une dénervation partielle des muscles du périnée [15-16]. Des lésions histologiques de dénervation ont été notées dans le sphincter anal de patientes
présentant une incontinence fécale [17]. Ces résultats ont
cependant été remis en question par des études plus
R. YIOU, V. DELMAS – Anatomie fonctionnelle du plancher pelvien
récentes qui ont analysé des biopsies périnéales prélevées
chez des femmes incontinentes [18] ou ayant eu plusieurs
grossesses [19]. Dans ces études, aucun signe histologique
de dénervation n’a pu être clairement mis en évidence.
En revanche, certains auteurs ont constaté l’existence de
signes histopathologiques évocateurs d’une atteinte primaire des fibres musculaires telle qu’une fibrose [18], une
centronucléation ou la majoration des phénomènes apoptotiques [20]. Cependant, ces lésions ne sont pas spécifiques d’une étiologie précise.
LE PÉRINÉE
Le périnée est l’ensemble des parties molles fermant
caudalement l’excavation pelvienne. Il s’agit donc d’un
ensemble musculo-aponévrotique situé en dessous des
muscles élévateurs de l’anus. Il comprend classiquement
un périnée superficiel et profond séparés en un triangle
antérieur (urogénital) et un triangle postérieur (anal) par la
ligne allant d’une tubérosité ischiatique à l’autre et passant
par le centre tendineux du périnée. Le périnée superficiel
est constitué par la peau, du tissu adipeux et les muscles
sphincter externe de l’anus, transverse superficiel, ischiocaverneux, et bulbo-caverneux recouverts par le fascia
périnéal superficiel. L’espace profond du périnée contient
chez l’homme et la femme le muscle sphincter strié de
l’urèthre et les muscles transverses profonds du périnée
recouverts par la membrane périnéale (ou aponévrose
moyenne du périnée). La terminaison du muscle transverse
profond reste controversée. Classiquement, ses fibres s’insèrent sur la face médiale des branches ischio-pubiennes,
cependant, les descriptions plus récentes (voir paragraphe
suivant) assimilent plutôt le muscle transverse profond au
muscle compresseur de l’urèthre qui est le prolongement
caudal du sphincter strié urétral et dont les insertions se font
sur le faiseau pubo-rectal du muscle élévateur de l’anus [1].
Le périnée postérieur est constitué dans les deux sexes
par les fosses ischio-anales, loges graisseuses qui entourent le canal anal.
Anatomie et physiologie du sphincter strié urétral
chez la femme
Chez la femme, le sphincter strié urétral à une forme
en oméga laissant libre la face postérieure de l’urèthre. Il
s’étend plus ou moins haut vers le col vésical et présente
SUPÉRIEUR
son épaisseur maximale à hauteur du 1/3 moyen de
l’urèthre. Caudalement, ses fibres musculaires se continuent avec celles des muscles urétro-vaginal et compresseur de l’urèthre (Figure 2).
Il existe une controverse concernant le compresseur
de l’urèthre dont la zone d’insertion a initialement été décrite sur la face médiale des branches ischio-pubiennes.
Cependant, ces attaches osseuses n’ont pas été retrouvées
dans d’autres études [21] qui ont plutôt décrit une lame de
tissu conjonctif entre les fibres du muscle compresseur de
l’urèthre et le muscle élévateur de l’anus.
Une étude récente a confirmé l’existence d’une véritable attache tendineuse de la partie inférieure du sphincter
strié urétral (muscle compresseur de l’urèthre) sur le faisceau pubo-rectal du muscle élévateur de l’anus [1]. Les
fibres du faisceau pubo-coccygien sont orientées vers
le haut et l’avant en direction de leur attache pubienne
et croisent le 1/3 moyen de l’urèthre. Ainsi, le sphincter
strié urétral et le faisceau pubo-rectal pourraient exercer une action de clôture urétrale synergique : la contraction de la partie inférieure du sphincter strié (muscle compresseur de l’urèthre) entraîne un force de pression sur la
lumière urétrale dirigée dans une direction postéro-inférieure. La contraction du muscle élévateur de l’anus déplace le complexe recto-vaginal ventralement et caudalement vers l’urèthre dans un plan parallèle mais décalé
crânialement par rapport au plan du sphincter strié urétral.
Ainsi, les contractions simultanées du muscle élévateur de
l’anus et du sphincter strié urétral se font dans des directions
opposées entraînant ainsi une flexion antérieure de l’urèthre
moyen. L’insertion du sphincter strié urétral sur le muscle
élévateur de l’anus n’a été mise en évidence que chez la
femme. Ainsi, du fait de son insertion sur le muscle élévateur de l’anus, l’action du sphincter strié urétral pourrait être
dépendante de l’intégrité du muscle élévateur de l’anus.
Classiquement, les fibres musculaires sphinctériennes
ont été décrites comme étant de type I.
Cependant, il est clair que ces fibres musculaires
présentent des caractéristiques morphologiques et fonctionnelles très différentes de celles des muscles striés
squelettiques. En particulier, elles ne présentent pas d’insertion tendineuses – en dehors de la portion inférieure du
sphincter sur le muscle élévateur de l’anus – ni d’attaches
directes sur une structure osseuse.
Par ailleurs, l’innervation du sphincter strié est encore
ANTÉRIEUR
POSTÉRIEUR
INFÉRIEUR
D’après Wallner et al. Europ Urol 2009 Apr; 55 (4): 932-43. (Used with permission.)
FIGURE 2
Reconstruction 3D du muscle élévateur
de l’anus et du sphincter strié urétral chez
le fœtus
Le segment inférieur du sphincter strié urétral
( ) présente une insertion tendineuse ( )
sur le muscle élévateur de l’anus ( ).
Les reconstructions montrent l’orientation
des fibres musculaires (figures A et B).
La figure C montre la direction des forces
de pressions exercées par le sphincter strié
urétral et le muscle élévateur de l’anus sur
la lumière urétrale (U).
sujette à débat aussi bien d’un point de vue anatomique
que neurophysiologique.
Le sphincter strié urétral est classiquement innervé par
le nerf pudendal qui donne ses branches sphinctériennes
après son trajet infra-lévatorien. Cependant, un contingent
de fibres nerveuses somatiques sus-lévatorien destinées
au sphincter strié urétral a été décrit; il pourrait constituer
une voie nerveuse motrice accessoire [22]. La nature des
fibres nerveuses impliquées dans la commande du sphincter strié urétral est encore controversée. Pour certains
auteurs, le système végétatif pourrait moduler les contractions du sphincter strié urétral [23] : chez le chat, la stimulation des nerfs hypogastriques (système nerveux autonome) déclenche des potentiels myogéniques dans le
sphincter strié urétral qui persistent après blocage α-adrénergique. Ceci indique qu’il s’agit probablement de potentiels issus des fibres musculaires striées et non de cellules
musculaires lisses présentes dans le sphincter strié. Les
particularités embryologiques du sphincter strié urétral
[24] et les étroites relations anatomiques et fonctionnelles
avec le muscle lisse urétral sont probablement à l’origine
de cette innervation complexe et inhabituelle pour un
muscle strié.
Les muscles ischio-caverneux et bulbo-caverneux
Les muscles ischio-caverneux et bulbo-caverneux de la
femme sont étroitement liés à la face ventrale de l’urèthre
[25]. Ils ferment le hiatus urogénital caudalement et jouent
un rôle mineur dans la continence en exerçant une légère
action de clôture sur l’urèthre et par leur rôle de soutien de
l’urèthre distal.
Le centre tendineux du périnée
Le centre tendineux du périnée est un noyau fibreux
robuste sur lequel s’insèrent les muscles élévateurs de
l’anus et ceux du périnée superficiel et profond. Il s’agit
d’une structure médiane à la limite entre le périnée urogénital et le périnée anal. Chez l’homme, il est en avant de
la ligne joignant les deux ischions ; chez la femme il se
trouve au milieu de cette ligne.
Le centre tendineux du périnée est une zone d’insertion
du rectum, des faisceaux du muscle pubo-coccygien et des
muscles du périnée. Il est composé de fibres d’élastine, de
cellules musculaires lisses et de tissu conjonctif dense.
Il joue un rôle important dans la statique pelvienne car il
représente un point de support pour le vagin et l’utérus.
La détérioration du centre tendineux, notamment après un
accouchement, prédispose au développement d’un prolapsus et pas uniquement d’une rectocèle ou d’une entérocèle.
LES FASCIAS DU PELVIS
Les supports conjonctifs du bassin incluent les condensations organisées de collagène dense, classiquement
appelées ligaments ou tendons, par analogie aux structures conjonctives squelettiques. S’il s’agit de structures
bien particulières, comportant des fibres collagènes, des
8 Journal Médical Libanais 2013 • Volume 61 (1)
muscles lisses, de l’élastine et des gaines vasculaires,
on les nomme fascia pelvien. C’est dire que le terme de
« fascia » n’est pas bien déterminé, conduisant à des confusions et à des contresens tant dans la terminologie, malgré les efforts de la Nomenclature anatomique internationale, que dans le rôle fonctionnel que l’on peut leur
faire jouer.
Le fascia pelvien ou aponévrose pelvienne (Figure 3)
Les tissus décrits comme « fascia pelvien » ou « aponévrose pelvienne » ou « fascia endopelvien » constituent
une lame de tissu conjonctif qui recouvre latéralement les
muscles pariétaux, élévateurs de l’anus et obturateur interne, et se poursuit médialement avec la gaine fibreuse
des viscères pelviens.
Ce tissu conjonctif, qui fournit le support des viscères
pelviens, est unique ; il est moins bien organisé que le
tissu conjonctif des tendons et des ligaments du système
squelettique.
Ainsi le soutien conjonctif de la vessie, de l’urèthre et
du vagin est fourni par le fascia pelvien, qui se présente
sous la forme d’un feutrage variable de collagène, d’élastine et de fibroblastes, ainsi que de cellules musculaires
lisses et de la gaine des pédicules vasculo-nerveux.
Lorsque ce fascia s’attache sur les bords latéraux de
l’utérus, il est appelé « paramètre », au-dessous duquel
il s’attache au vagin, il s’appelle alors « paravagin ou
paracolpos ».
Deux replis plus saillants du paramètre et du paracolpos ont été isolés en fonction de leur direction :
– longitudinalement vers le sacrum, les ligaments utéro-
FIGURE 3. Le retinaculum du fascia pelvien et les ligaments
pelviens chez la femme.
1. ligament pubo-vésical 2. artère vésicale inférieure 3. pédicule obturateur 4. artère utérine 5. artère iliaque interne 6. ligament utérosacré
7. ligament cardinal 8. gaine de l’artère ombilicale 9. ligament utérovésical. 10. fascia du muscle obturateur interne
D’après Kamina P. Anatomie gynécologique,
Paris, Maloine ed.
R. YIOU, V. DELMAS – Anatomie fonctionnelle du plancher pelvien
sacrés qui correspondent aux nerfs hypogastriques supérieurs entourés de fibres conjonctives,
– transversalement, les ligaments cardinaux, encore
appelés ligaments de Mackenrodt, qui peuvent être assimilés à la gaine fibreuse entourant les artères et les veines,
rappelant ce qui avait été défini par Ombrédanne et qui
confèrent une grande part de la force du fascia viscéral.
Les arcs tendineux
Il existe deux structures remarquables de tissu conjonctif pelvien en rapport avec le muscle élévateur de
l’anus et les parois antéro-latérales du vagin. Ce sont l’arc
tendineux du fascia pelvien (ATFP) et l’arc tendineux du
muscle élévateur de l’anus (ATLA). Il s’agit de deux condensations de tissu conjonctif, essentiellement collagène,
qui donnent le support latéral passif au niveau du bassin.
Ces deux arcs tendineux sont des condensations des fascias, d’une part, sur le muscle obturateur interne, d’autre
part, sur le muscle élévateur de l’anus.
Ils ont été identifiés sur le plan histologique à des structures tendineuses et ligamentaires comparables à celles
du système musculo-squelettique, car ils sont composés
de plis de tissu collagène plus organisés que le fascia pelvien ou viscéral :
1. L’arc tendineux du muscle élévateur de l’anus : il
s’insère en avant sur la face postérieure du pubis, et en
arrière à la partie postérieure, près de l’épine ischiatique.
Entre les deux, il s’insère sur l’aponévrose de l’obturateur
interne qu’il recouvre.
2. L’arc tendineux du fascia pelvien : il est plus interne
et inférieur que l’arc tendineux du muscle élévateur de
l’anus, il s’insère lui aussi sur le pubis à sa partie inférieure,
de part et d’autre de la symphyse pubienne, il se porte en
arrière vers l’épine ischiatique où il se fixe en dessous
d’elle.
Il chemine dans le fond de la cavité pelvienne, là où
le fascia pelvien se réfléchit à la réunion entre la portion
pariétale recouvrant le muscle élévateur de l’anus, et la portion viscérale recouvrant les viscères pelviens. Il forme une
bande bien visible et connue sous le nom de ligne blanche.
L’arc tendineux du muscle élévateur de l’anus donne
l’insertion pour le muscle ilio-coccygien.
L’arc tendineux du fascia pelvien donne insertion à
la paroi antérieure du vagin et indirectement par elle à
l’urèthre (concept du hamac). C’est lui qui « descend »
dans la description du défect paravaginal [26].
L’arc tendineux de l’élévateur de l’anus est une structure originale car il constitue une ligne d’insertion d’un
muscle (élévateur de l’anus) sur l’aponévrose d’un autre
muscle (obturateur interne). Ce type d’insertion musculaire est unique dans l’organisme puisque les muscles
striés s’insèrent généralement sur l’os par l’intermédiaire
d’un tendon ou directement par les fibres charnues. Les
arcs tendineux constituent une zone de fragilité. Les désinsertions uni- ou bilatérales de l’élévateur de l’anus sur
leurs arcs tendineux sont à l’origine d’un déséquilibre de
la statique pelvienne pouvant entraîner une cystocèle et/
ou une incontinence urinaire à l’effort.
R. YIOU, V. DELMAS – Anatomie fonctionnelle du plancher pelvien
ANATOMIE FONCTIONNELLE DES MUSCLES
PELVI-PÉRINEAUX DANS LA STATIQUE PELVIENNE
Le muscle élévateur de l’anus et les fascias pelviens
jouent un rôle fondamental dans l’équilibre de la statique
pelvienne en maintenant les parois vaginales en place. On
décrit habituellement des supports antérieurs moyens et
postérieurs pour les différentes parois vaginales.
Le support antérieur (Figure 4)
Le support de la paroi vaginale antérieure joue un
rôle majeur dans le support de la vessie (cystocèle) et de
l’urèthre (cervico-urétrocèle et hypermobilité cervico-urétrale). Les principaux éléments impliqués sont les fascias
pelviens, l’arc tendineux du fascia pelvien et le muscle élévateur de l’anus.
Les deux arcs tendineux du fascia pelvien sont assimilables à deux caténaires, situés de part et d’autre de l’urèthre,
du vagin et de la vessie, et formant une ligne d’amarrage de
ces organes au fascia pelvien [27]. Avec ses insertions
latérales sur le fascia pelvien et le muscle élévateur de
l’anus, le vagin forme un hamac sur lequel repose la vessie, le col vésical et l’urèthre [28]. Ce hamac sous-vésical
joue un rôle prépondérant dans la continence urinaire
en exerçant une force de contre-pression qui s’oppose
aux brusques augmentations de la pression abdominale à
l’effort. L’urèthre se trouve ainsi comprimé entre ces deux
FIGURE 4. Le hamac périnéal (DeLancey)
Vue latérale droite d’un petit bassin montrant les structures qui
composent le hamac périnéal : de la ligne médiane en latéral par
la paroi vaginale antérieure, le fascia endopelvien avec l’arcus
tendineus fascia pelvis (ATFP), le muscle élévateur de l’anus.
Le muscle élévateur de l’anus, la paroi vaginale latérale et
le fascia pelvien ont été partiellement enlevés pour mettre en
évidence les structures médianes.
D’après DeLancey JO. Structural support of the
urethra as it relates to stress urinary incontinence
the hammock hypothesis. Am J Obstet Gynecol 1994
Jun; 170 (6): 1713-20. (Used with permission.)
Journal Médical Libanais 2013 • Volume 61 (1) 9
forces de pression opposées. La tonicité de la paroi vaginale antérieure est donc dépendante de l’intégrité du complexe musculo-fascial constitué du muscle élévateur de
l’anus, des fascias pelviens et des différents arcs tendineux décrits plus haut. Toute altération de l’un de ces
éléments va entraîner un défaut de maintien de la vessie
se traduisant cliniquement par une cystocèle. De la même
façon, toute altération de l’un de ces éléments en regard du
col vésical va entraîner un défaut de maintien de l’urèthre
se traduisant cliniquement par une hypermobilité vésicourétrale.
Il existe par ailleurs des condensations antérieures du
fascia pelvien, formant les ligaments pubo-urétraux reliant l’urèthre et le col vésical au pubis. Le rôle fonctionnel
de ces ligaments est complexe. La présence de cellules
musculaires lisses [29] et de terminaisons nerveuses cholinergiques dans la partie crâniale des ligaments pubourétraux [30] fait évoquer une fonction dans l’ouverture du
col vésical. En revanche, les portions médiales et caudales
des ligaments pubo-urétraux amarrent l’urèthre et les tissus
péri-urétraux au pubis et à l’arc tendineux du fascia pelvien (ATFP), jouant ainsi un rôle complémentaire de support de l’urèthre.
DeLancey [28] a décrit un fascia sous-urétral en avant
de la paroi vaginale antérieure qui pourrait aussi participer
au soutien de l’urèthre. En arrière de la base vésicale, ce
fascia s’amincit considérablement si bien que le support
est essentiellement assuré par les attaches latérales du
vagin. Ce fascia, parfois décrit sous le terme de fascia de
Halban ou ligament pubo-cervical, est paradoxalement
épaissi lorsqu’il existe une cystocèle.
Ainsi, deux types de cystocèle ont été décrites en fonction de la zone de faiblesse qui peut être la paroi vaginale
antérieure elle-même (cystocèle centrale) ou bien une
désinsertion de l’arc tendineux du fascia pelvien (cystocèle latérale) [26]. Ces deux types de lésion peuvent être
associés.
La paroi vaginale antérieure a été subdivisée par
DeLancey [31] en trois niveaux : le niveau II correspond
à la paroi vaginale située derrière la vessie, le niveau III à
celle située derrière l’urèthre.
Le support moyen
Les ligaments cardinaux et utéro-sacrés maintiennent l’utérus et le tiers supérieur du vagin (niveau I de
DeLancey) dans l’enceinte pelvienne au-dessus du plan
du muscle élévateur de l’anus. Le tissu conjonctif dense
entourant le vagin et l’utérus portent les noms respectifs
de paracolpos, paravagin, et paramètre.
Les ligaments cardinaux (aussi appelés les ligaments
de Mackenrodt) s’étendent du col utérin et de la partie
supérieure du vagin jusqu’aux parois latérales du pelvis.
Leur zone d’insertion est assez étendue depuis la grande
échancrure ischiatique en avant du muscle piriforme, la
jonction sacro-iliaque et la partie latérale du sacrum. Les
ligaments cardinaux sont une condensation de la partie
caudale des ligaments larges et latéralement recouvrent
les vaisseaux iliaques internes et leurs branches. Média10 Journal Médical Libanais 2013 • Volume 61 (1)
lement, ils se poursuivent avec le paracolpos et les paramètres en entourant les vaisseaux utérins et vaginaux.
Les ligaments utéro-sacrés s’insèrent sur le col utérin
où ils se réunissent en arrière en formant le torus uterinus
et les culs-de-sac vaginaux en avant et sur le fascia présacral en arrière, en regard de l’articulation sacro-iliaque.
Les ligaments cardinaux et utéro-sacrés jouent un rôle
direct sur la statique du col de l’utérus et du dôme vaginal,
indirect dans la continence en supportant la base vésicale
par l’intermédiaire des insertions sur le tiers supérieur
du vagin. Les culs-de-sac vaginaux correspondent au niveau I de la subdivision de DeLancey [31].
Le support postérieur
La paroi vaginale postérieure est maintenue latéralement par les ligaments cardinaux et ses insertions sur
le fascia pelvien. Il existe un fascia recto-vaginal qui
s’étend de la poche recto-utérine (cul-de-sac de Douglas)
au centre tendineux du périnée.
En 1987, Villet [32] a proposé une distinction entre
trois niveaux différents de la paroi vaginale postérieure :
– Le niveau profond est maintenu par les ligaments
utéro-sacrés et la partie postérieure des ligaments cardinaux.
– Le niveau moyen est la partie la plus étendue de la
paroi vaginale postérieure répondant au fascia recto-vaginal amarré latéralement à l’arc tendineux du fascia du
muscle élévateur de l’anus (ATLA).
– Le niveau superficiel correspond au centre tendineux
du périnée sur lequel se terminent les expansions puborectales des élévateurs de l’anus. C’est à ce niveau que se
trouve le cap anal.
Ces trois niveaux sont confirmés par les récentes études
de Hsu [33] portant sur les images obtenues par IRM.
On décrit ainsi des rectocèles hautes, souvent liés à une
entérocèle) correspondant à la dégradation des utéro-sacrés
et des ligaments cardinaux, des rectocèles moyennes correspondant à une véritable hernie de la paroi rectale à travers la cloison recto-vaginale et des rectocèles basses liées
à une destruction du centre tendineux du périnée.
L’ORIENTATION DES VISCÈRES PELVIENS
L’orientation des viscères pelviens dans le cadre
osseux du petit bassin, au-dessus du muscle élévateur de
l’anus et du plancher pelvien, joue un rôle dans la statique
pelvienne. Cette orientation est acquise avec la station
debout dans l’espèce humaine et donc imposée par le
cadre osseux..
Les angulations (Figure 5)
Dans le plan sagittal médian, l’ensemble des réservoirs
(vessie, utérus, rectum) et de leur canal d’évacuation
(urèthre, vagin, canal anal) ne sont pas rectilignes, mais
présentent des angulations, antérieure en ce qui concerne
les organes génitaux et urinaires, postérieure en ce qui
concerne les viscères digestifs.
Chez une femme en position debout, vessie et rectum
R. YIOU, V. DELMAS – Anatomie fonctionnelle du plancher pelvien
rieure : l’orifice externe du col est situé sur la ligne unissant la première ou la deuxième pièce coccygienne à la
face postérieure de la symphyse pubienne et il est situé
dans le plan frontal passant par les épines ischiatiques.
FIGURE 5. Les angles des viscères du pelvis
1. angle d’antéflexion utérine 2. angle d’antéversion utérine
3. cap vaginal 4. arc pelvien (sacrum) 5. angle vésico-uréthral
6. angle ano-rectal 7. détroit supérieur
vide, le corps utérin est presque horizontal reposant sur
le dôme vésical. L’isthme utérin est situé sur l’axe vrai du
bassin ; comme nous l’avons déjà vu, il serait même situé
au centre de gravité du corps. Cet isthme représente
l’angle entre le corps et le col de l’utérus, c’est l’angle dit
« d’antéflexion ». Le col utérin est oblique en bas et en
arrière, fixé avec l’axe du vagin oblique en bas et en avant,
un angle de 90°, c’est l’angle « d’antéversion » ; ainsi, le
col utérin s’implante sur la face antérieure du vagin. La
cavité vaginale présente deux segments : un segment supérieur, répondant à la base de la vessie, et un segment inférieur, répondant à la face postérieure de l’urèthre. Ces deux
segments forment entre eux un angle ouvert en arrière,
de 140°, c’est le cap vaginal décrit par Alex Béthoux [34].
Au-dessus et en dessous de ce cap, la lumière vaginale
se présente différemment ; en effet, au-dessus, la lumière
vaginale est frontale, en dessous, elle est sagittale. Le vagin,
dans son ensemble, a une situation oblique formant un
angle de 50° à 60° avec la ligne qui le dirige vers le promontoire.
Les trois tubes viscéraux pelviens ont en commun
l’existence d’un angle à la jonction du segment pelvien et
périnéal : cap urétro-vésical, cap vaginal, cap ano-rectal.
Ces trois tubes sont solidaires et forment un ensemble
fonctionnel.
La situation très postérieure du col utérin est remarquable ; en effet, le col se projette en arrière de la verticale, passant par le cap anal et donc très près du plan du
raphé ano-coccygien. Le col utérin répond par l’intermédiaire de la paroi vaginale postérieure et du rectum, au
périnée postérieur sur lequel il prend appui.
Ainsi, les projections classiques du col, en regard de
l’épine ischiatique, soulignent bien cette position postéR. YIOU, V. DELMAS – Anatomie fonctionnelle du plancher pelvien
Dynamique pelvienne
Sur le plan fonctionnel, le vagin est perpendiculaire à
la direction générale des forces d’expulsion, qui sont
dirigées dans le même axe que le détroit supérieur, c’està-dire en bas et en arrière, vers la plaque lévatorienne. Son
orientation en biseau dans l’épaisseur du plancher pelvien
fait que toute hyperpression abdomino-pelvienne a tendance à accoler les parois vaginales l’une contre l’autre.
Le col de l’utérus, situé dans l’axe de la poussée abdominale, est donc perpendiculaire au vagin, va, du fait de
sa position postérieure, prendre appui au cours de l’effort
sur le périnée postérieur. Ceci ferme également la poche
recto-utérine (le cul-de-sac de Douglas).
La disparition de l’angle d’antéversion, qui tend à placer l’utérus et le vagin sur la même ligne ou la verticalisation du vagin, sont des facteurs hautement favorables d’un
prolapsus même en l’absence de déficience du plancher
musculaire périnéal, car elle place l’utérus, qui ne prend
plus appui sur le périnée postérieur, dans l’axe du vagin.
C’est ainsi que l’on peut observer des prolapsus chez la
nullipare à utérus dit « rétroversé ».
Le déplacement de l’utérus, décrit par Berglas et Rubin
[35], montre que la réplétion vésicale qui se fait aux dépens du dôme vésical, soulève et verticalise l’utérus, alors
que la réplétion rectale déplace l’utérus vers le haut et vers
l’avant. L’association de la réplétion vésicale et de la réplétion rectale verticalise et ascensionne l’utérus.
Au cours de l’effort de poussée abdominale, l’utérus se
déplace en bas et arrière et va s’appuyer, par l’intermédiaire de la paroi postérieure du vagin et du rectum, sur la
plaque lévatorienne, c’est-à-dire sur le périnée postérieur.
La limite physiologique du déplacement vers le bas du col
utérin et du dôme vaginal est l’horizontale menée par la
pointe du coccyx. La distance du col utérin au coccyx est
alors moins de la moitié et parfois seulement le tiers de la
distance du col au pubis. Au cours de ce même déplacement, la poche recto-utérine est parfaitement collabée.
Toujours lors de l’effort de poussée, le vagin devient
rectiligne par disparition du cap vaginal et s’horizontalise.
L’augmentation de la pression abdominale plaque le tube
vaginal sur le plancher périnéal postérieur et accole ainsi
les deux parois vaginales l’une contre l’autre.
Lors de la contraction du plancher pelvien, comme par
exemple lors de l’effort de retenue, l’utérus se déplace vers
le haut et vers l’avant et le vagin se verticalise, le cap vaginal se ferme, passant de 140° à 110° environ.
Il faut noter qu’au cours de ces deux mécanismes d’effort et de retenue, la mobilité relative du coccyx fait qu’il
se déplace vers l’arrière lorsque l’hyperpression abdominale repousse le plancher pelvien, et vers l’avant lorsque la
contraction du plancher pelvien l’attire. Ainsi est souligné
le rôle fonctionnel majeur des muscles élévateurs de l’anus
au cours de la poussée d’effort, ils représentent l’appui
Journal Médical Libanais 2013 • Volume 61 (1) 11
solide des viscères pelviens qui se déplacent en bloc vers
l’arrière, lorsqu’ils se contractent, ils se tendent et s’horizontalisent, remontant le bloc viscéral.
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