2OO3 / 2OO4 - Théâtre de la Ville

Transcription

2OO3 / 2OO4 - Théâtre de la Ville
2OO3 / 2OO4
ph. J. Antonio Carrera
Qu’est-ce que je serais
heureux si j’étais heureux.
Woody Allen
Rodrigo García et la société de consommation, une « déflagration poétique (1)».
vents favorables
En guise de sommaire :
théâtre – l’équilibre
à bons ports
2002/2003 : 245 000 spectateurs, 94 % de fréquentation. Les bons comptes font, mais pas
seulement, le théâtre public.
La saison 2003/2004 débute le 20 septembre
pour se terminer le 22 juin.
84 programmes – 31 créations – 399 représentations.
« Celui qui ignore vers quel port il se dirige ne
trouve jamais de vent favorable ». Sénèque
Une politique au service des artistes et du
public :
• Priorité à la création, c’est une évidence –
aux coproductions, c’est une volonté – à la
découverte, c’est une recherche – aux parcours artistiques, c’est une démarche…
• Diversité des genres et des courants, c’est
cohérent – liberté en tous domaines, c’est
vital.
• Un théâtre parisien soutenu par sa mairie, à
vocation nationale et internationale, la Ville est
Capitale.
« Nous ne faisons qu’assister à la plupart des
spectacles qui nous sont offerts, tandis qu’il
faudrait que le théâtre se jette sur les spectateurs à la manière d’une bête folle, sinon d’un
véritable fauve […] »
André Pieyre de Mandiargues (2)
• Une ouverture rêvée avec l’intégrale du
Soulier de satin de Paul Claudel, dans une
mise en scène d’Olivier Py.
Une « somme » (en intégrale ou en 2 jours)
nécessaire par sa folie amoureuse, pour l’amour fou de la scène du monde et pour les
fous de théâtre.
« C’est autour de la mise en scène, considérée non comme le simple degré de réfraction
d’un texte sur la scène, mais comme le point
de départ de toute création théâtrale, que se
constituera le langage type du théâtre. »
Antonin Artaud(2)
Le Théâtre de la Ville a contribué à les faire
connaître : Yves Beaunesne, Omar Porras,
Dan Jemmett, Emmanuel Demarcy-Mota,
Laurent Laffargue… Au tour de Thierry de
Peretti.
Ces jeunes metteurs en scène sont souvent
attirés par Shakespeare.
• Thierry de Peretti a choisi Richard II, une tragédie sur le pouvoir.
• Laurent Laffargue, Beaucoup de bruit pour
rien, une comédie sur l’amour.
Au Théâtre de la Ville, avec Claudel et
Shakespeare, la langue est belle et la littérature dramatique au sommet. Aux Abbesses et
“ hors les murs “ les auteurs contemporains
prennent le pouvoir :
• Deux Rodrigo García, auteur et metteur en
scène : Jardinage humain et J’ai acheté une
pelle en solde pour creuser ma propre tombe.
Il regarde comment le monde autour de lui
s’abîme. Et de toutes ses forces, de tout son
talent, cherche à faire entendre sa peine et sa
peur.
Pour se faire entendre, il faut crier fort. Et
même parfois trop. Il faut provoquer, dire et
redire.
Un théâtre politiquement incorrect.
Trois auteurs à découvrir :
• Les Relations de Claire de Dea Loher, mise
en scène Michel Raskine.
Le simple fait de vivre selon ses désirs, suffitil à se trouver, trouver son équilibre, définir un
principe de liberté ?
• Le Professionnel de Dusan Kovacevic, mise
en scène Laurence Calame. Drame politique,
pièce d’actualité mais aussi une comédie à
l’écriture classiquement divertissante.
• Ma vie de chandelle de Fabrice Melquiot,
mise en scène Emmanuel Demarcy-Mota.
« Plus tout à fait au théâtre, plutôt dans la
représentation théâtrale de ces jeux télévisés
où il s’agit moins de gagner que de “ se donner en spectacle “. »
• La Visite de la vieille dame de Friedrich
Dürrenmatt, mise en scène Omar Porras.
Un théâtre primitif, essentiel.
• La Fin de Casanova de Marina Tsvetaïeva,
mise en scène Anita Picchiarini.
Une écriture superbe.
• Trois créations musicales :
Angélique Ionatos interprète Frida Khalo ;
Philippe Meyer cherche L’Endroit du cœur ;
Vicente Pradal fait chanter et danser Federico
García Lorca.
danse – l’histoire
Un plateau de “choix” :
28 programmes, 19 créations, quelques reprises, 168 représentations.
Merce Cunningham, Lucinda Childs, Mats Ek,
Pina Bausch pour trois semaines, Anne
Teresa De Keersmaeker pour trois programmes, Sidi Larbi Cherkaoui, déjà un
grand, sur deux fronts, Alwin Nikolais de nouveau parmi nous, DV8 de retour après le
congé sabbatique de Lloyd Newson, Emio
Greco et Marie Chouinard, après leurs
triomphes,
Grace
Ellen
Barkey
et
Needcompany.
musique – la fête
De grands interprètes, ou en passe de le
devenir, des fidélités, des programmes originaux librement choisis.
En ouverture Bang on a can all-stars, Kronos
Quartet, Café Zimmermann donnent le la.
À signaler, le 20e anniversaire du Quatuor
Ysaÿe, le retour du Beaux-Arts Trio, l’arrivée
de Cecile Licad (piano), d’Annette Dasch
(soprano), d’Alexeï Ogrintchouk (hautbois,) de
Ferenc Vizi (piano) et du Quatuor Aviv…
musiques du monde – l’écoute
D’autres cultures musicales pour mieux
comprendre le monde et résister à la mondialisation.
Des maîtres, des représentants les plus éminents de ces musiques, la plupart recherchés
et choisis sur place : Inde, Iran, Pakistan,
Tadjikistan, Kazakhstan, Azerbaïdjan – Irak,
Syrie, Algérie, Maroc – Chine, Japon –
Hongrie, Portugal, mais aussi Bretagne,
Corse…
À signaler : Shujaat Husain Khan, Kayhan
Kalhor, duo sitar et kamantché ; Debashish
Bhattacharya et ses guitares ; Vadhya Lahari,
violon, nadaswaram et saraswati veena ; le 20e
anniversaire de l’ensemble Al-Kindi – un opéra
en provenance de Chine…
services publics
Prix des places accessibles au plus grand
nombre.
Des formules d’abonnement simples aux multiples atouts.
Un journal à domicile (4 ou 5 numéros).
Un site www.theatredelaville-paris.com.
Une information “juste” (textes et photos).
Une équipe expérimentée et compétente.
partenaires et acteurs
Des partenaires de qualité : France Inter,
France Culture, FIP, RFI, Radio Classique,
Mondomix,
Festival d’Automne, Théâtre de la Cité internationale, Théâtre de la Bastille.
En choisissant des projets, en prenant le
risque de la création, de spectateur vous
devenez acteur de la vie culturelle.
Applaudissements mérités aux relais, aux
enseignants, aux abonnés individuels.
l’engagement
« Le secret d’être ennuyeux est de tout dire. »
Voltaire
Après le temps de la lecture et de la réflexion,
celui de l’engagement :
Rêvez votre saison !
Solos : Wim Vandekeybus, Akram Khan, Jan
Fabre, Malavika Sarukkaï, Alarmel Valli.
Les amis français : Josef Nadj dix jours avec
Jean Babilée, Angelin Preljocaj deux semaines avec le groupe Air, François Verret au
côté de Robert Musil, Régine Chopinot et son
Ballet Atlantique, Francesca Lattuada pour
Rita Quaglia, les chansons de Georges
Appaix, la démarche exigeante de Daniel
Dobbels, les propositions hardies de Xavier Le
Roy et Brice Leroux.
le directeur
Gérard Violette
(1) Jean Genet
(2) In Jorge Lavelli de Dominique Nores et Colette
Godard, Christian Bourgeois Editeur
théâtre
THEATRE AU THEATRE DE LA VILLE
LE SOULIER DE SATIN
Paul Claudel
Olivier Py mise en scène
création
RICHARD II
Shakespeare
Thierry de Peretti
création
SPECT. MUSICAUX AUX ABBESSES
ANGÉLIQUE IONATOS
Alas pa’volar
création
PHILIPPE MEYER
L’Endroit du cœur
création
ROMANCERO GITANO
Federico García Lorca
Vicente Pradal
mise en scène
BEAUCOUP DE BRUIT
POUR RIEN
création
Shakespeare
Laurent Laffargue mise en scène
THEATRE AUX ABBESSES
LES RELATIONS DE CLAIRE
Dea Loher
création
Michel Raskine mise en scène
LE PROFESSIONNEL
Dusan Kovacevic
Laurence Calame
THEATRE HORS LES MURS
AU THEATRE DE LA CITE INTERNATIONALE
JARDINAGE HUMAIN création
Rodrigo García texte, mise en scène
J’AI ACHETÉ UNE PELLE EN
SOLDE POUR CREUSER MA
PROPRE TOMBE création
Rodrigo García texte, mise en scène
création
en France
mise en scène
MA VIE DE CHANDELLE
Fabrice Melquiot
création
Emmanuel Demarcy-Mota
LA VISITE
DE LA VIEILLE DAME
Friedrich Dürrenmatt
Omar Porras mise en scène
LA FIN DE CASANOVA
Marina Tsvetaïeva
Anita Picchiarini mise en scène
danse
DANSE AU THEATRE DE LA VILLE
LUCINDA CHILDS
BALLET DE L’OPERA
NATIONAL DU RHIN
Underwater - Dance
DV8 PHYSICAL THEATRE
LLOYD NEWSON
The Cost of living
JOSEF NADJ
Il n’y a plus de firmament
création
DANSE AUX ABBESSES
FRANÇOIS VERRET
Chantier Musil
création
ALARMEL VALLI
création
bhârata natyam
XAVIER LE ROY
Projet
création
MERCE CUNNINGHAM
création 2003
Fluid Canvas
création
Est-ce que ce qui est loin s’éloigne
de l’être humain ?
She never stumbles solo
WIM VANDEKEYBUS
SIDI LARBI CHERKAOUI
ANGELIN PRELJOCAJ
Near life experience
DANIEL DOBBELS
création
MATS EK
BALLET DE L’OPÉRA
NATIONAL DE LYON
It
création
solo
AKRAM KHAN
Ronin
solo de kathak
création
BRICE LEROUX
Solo for two
Fluke
création
Gravitations
RÉGINE CHOPINOT
création
GEORGES APPAIX
création
W.H.A (Warning Hazardous Area)
« Non seulement … » ?
ALWIN NIKOLAIS
AKRAM KHAN
RIRIE WOODBURY DANCE COMPANY
Kaash
MARIE CHOUINARD
FRANCESCA LATTUADA
Etude #1 - Chorale
création
ANNE TERESA
DE KEERSMAEKER
création
Ostinato
création
reprise
solo
création
MALAVIKA SARUKKAÏ
bhârata natyam
création
Bitches Brew - Tacoma Narrows
JAN FABRE
SIDI LARBI CHERKAOUI
Foi
reprise
Quando l’uomo principal e una
donna solo
création
EMIO GRECO
Rimasto Orfano
création
ANNE TERESA
DE KEERSMAEKER
JOLENTE DE KEERSMAEKER
création 2004
création
ANNE TERESA
DE KEERSMAEKER
Once
solo
AU THEATRE DE LA BASTILLE
GRACE ELLEN BARKEY
NEEDCOMPANY
(And)
reprise
PINA BAUSCH
création 2003
DANSE HORS LES MURS
création
création
Le Soulier de satin
création
PAUL CLAUDEL OLIVIER PY
DU 20 SEPTEMBRE AU 11 OCTOBRE
mise en scène et lumières Olivier Py
musique Stéphane Leach et Le Cantique
de Jean Racine de Gabriel Fauré (Éditions Alphonse Leduc)
scénographie et costumes
Pierre-André Weitz
assistant à la mise en scène Olivier Balazuc
assistante aux costumes Nathalie Bègue
réalisation des armures et sculptures
Fabienne Killy
production Centre dramatique national/Orléans-Loiret-Centre – Théâtre national de Strasbourg – Théâtre de la Ville,
Paris.
avec le soutien de la Fondation BNP
PARIBAS, la région Centre, la SPEDIDAM et
Agnès B.
avec la participation artistique du Jeune
Théâtre national.
4
La passion d’Olivier Py pour le théâtre de
Claudel est profonde et ancienne, il en admire
le lyrisme, la démesure, la puissance d’une
pensée théologique, esthétique et politique.
Mais au-delà de la beauté du verbe, c’est
l’énergie dramatique et l’invention des jeux
scéniques qui le conduisent irrésistiblement à
monter Le Soulier de satin, somme et dénouement de tout le théâtre claudélien. C’est fort
de son travail réalisé sur son œuvre, qu’il s’est
senti suffisamment maître de son art pour porter à la scène cette épopée de près de dix
heures.
Dans un XVIe siècle rêvé, l’amour impossible
de Prouhèze et Rodrigue qui tout au travers
du monde se cherchent, s’appellent et ne se
rejoignent jamais, offre la possibilité de représenter tous les pays et tous les peuples par
toutes formes de théâtre possibles, poème
lyrique, comédie moliéresque, farce à la
Goldoni, pastiches chantés, nô, drame historique shakespearien, théâtre d’ombre, etc.
C’est par l’utilisation du mélange des genres,
par la fluidité de la scénographie, par l’engagement d’une distribution excellente (Jeanne
Balibar et Philippe Girard en tête), par la pertinence et la beauté de la musique, que l’œuvre
devient un grand objet de théâtre populaire.
Le théâtre dans tous ses états, voilà ce
qu’offre Le Soulier de satin mis en scène par
Olivier Py qui, ainsi, entend rendre justice à
Claudel, faire oublier l’image fausse du poète
académique, bigot et ennuyeux, tout ce que
Claudel lui-même – qui déclarait à qui voulait
l’entendre, préférer être un poète comique
plutôt que cosmique – tentait de contrecarrer.
C’est toujours l’amoureux fou de Rimbaud,
l’homme luttant pied à pied contre la folie qui
a dévoré sa sœur, et l’intelligence pure et
THEATRE DE LA VILLE • TARIF B
ph. A. Fonteray
avec Jeanne Balibar, Philippe Girard,
Miloud Khétib, John Arnold,
Olivier Balazuc, Damien Bigourdan,
Nazim Boudjenah, Céline Chéenne,
Sylviane Duparc, Guillaume Durieux,
Michel Fau, Mireille Herbstmeyer,
Stéphane Leach, Sylvie Magand,
Christophe Maltot, Elizabeth Mazev,
Jean-François Perrier, Alexandra Scicluna,
Bruno Sermonne, Pierre-André Weitz, Anna
Killy en alternance avec Margot van
Hove, et Olivier Py
libre, qui font l’immortalité de ce poète adoré
et haï.
C’est avec joie qu’on découvrira une telle
verve comique, un tel sens du trivial, et des
propositions dramatiques aussi folles, clowneries, chansons, mots d’esprit… Mais toutes les
facéties que sollicitent les didascalies et la
parole ne sont là que pour offrir un contrepoint
à la puissance lyrique et à la formulation
époustouflante d’une pensée inouïe. Au cœur
de cette pensée, l’amour comme co-naissance tel que Claudel l’orthographiait et voulait le faire comprendre.
Ainsi, le parcours géographique de Rodrigue
est tout autant un parcours initiatique où
chaque point du globe a son équivalence
dans le ciel : l’Amérique est le désir, l’Afrique
le désespoir, l’Espagne le berceau et la
tombe, le Japon le purgatoire. Jusqu’à ce
canal de Panama que, sans peur de l’anachronisme, Claudel fait percer par Rodrigue,
achevant l’œuvre de réunir la terre ouverte par
Colomb et franchissant la barrière symbolique
des Amériques comparée à la barrière du
corps. C’est par ce voyage fou que la terre et
le ciel sont réunis, comme la sexualité et la
spiritualité, le monde des morts et celui des
vivants, le péché et la grâce.
Mais le souci de l’absolu qui fait la beauté de
Prouhèze n’a d’égal chez son amant que le
rêve de totalité, de paix universelle, de
réunion sous la bannière espagnole et sous la
croix que le roi d’Espagne, se servant de
Rodrigue, tente d’imposer aux deux hémisphères. Indissociables, la politique, l’amour,
la foi et le théâtre se partagent le message
claudélien. La souffrance qu’il avait exprimée
dans Partage de midi se trouve là transformée en béatitude, il n’y a pas de vie qui ne
conduise, quels que soient les méandres, à la
vérité révélée, et le théâtre est là pour nous le
rappeler plus évidemment que tout discours
religieux.
Après Barrault en 1942 et Vitez qui réalisa la
première intégrale complète en 1988, c’est
comme une comète dans le ciel du paysage
théâtral que revient Le Soulier de satin, nécessaire par sa folie amoureuse et pour l’amour
fou de la scène du monde. Olivier Py, ph. A. Fonteray
Onze heures d’un spectacle magnifique
d’émotion et de vie, d’invention et de générosité. […] Le voyage est fascinant, envoûtant,
entraînant sur les routes de l’aventure humaine autant que spirituelle – ou plutôt sur ses
mers, tant la barque du théâtre menée par
Olivier Py prend des allures de bateau ivre où
se brassent toutes les émotions, toutes les
interrogations. […] On est tout à l’écoute de la
langue de Claudel, superbe. Le drame est
aussi poème. Les déclarations d’amour sont
parmi les plus belles qui aient jamais été
écrites. Pour les faire entendre, Olivier Py
s’appuie sur une distribution alerte, qui sait
user de tous les registres du tragique comme
du comique.
Didier Méreuze, La Croix
Olivier Py
Un enfant prodige, un enfant prodigue, assoiffé de paroles, d’action, assoiffé de vie, une vie
axée sur le théâtre. À vingt-trois ans (en 1988)
il monte au Théâtre Essaion son premier texte
Des oranges et des ongles. À partir de là,
s’adressant aux enfants comme aux adultes, il
ne cesse d’écrire, de mettre en scène, de
donner ses pièces à d’autres que lui, de jouer,
pour lui et pour d’autres : Jean-Luc Lagarce
(Le Malade imaginaire, 1989), François
Rancillac (La Nuit au cirque, de lui-même,
Ondine de Giraudoux 1992, ou Le Nouveau
Menoza de Lenz, 1996)… Il parcourt les
scènes de France, infatigable, inépuisablement créatif, renverse les barrières, étonne le
Festival d’Avignon sa presse et son public
avec, en 1995, La Servante, qui se donne sept
jours entiers, c’est-à-dire vingt-quatre heures
sur vingt-quatre, autour d’une "héroïne" : la
Servante, ainsi se nomme la petite lampe qui
veille sur le plateau désert…
Le tour de force n’éblouit pas tant que la force
poétique d’une écriture qui, déjà, fait comparer Olivier Py à Claudel. Mais comme il n’aime
pas se trouver là où on le cherche, l’année suivante, à Avignon encore, il devient Miss Knife,
sopraniste de charme, chanteuse de cabaret
toute en fanfreluches et jarretelles. Et en 1997,
de par un nouveau virage à 180 degrés, il
inaugure le Festival à la cour d’honneur,
avec Le Visage d’Orphée. En 1998, aux
Abbesses, Michel Raskine présente Théâtres,
et en 2000, lui-même crée, toujours à Avignon,
L’Apocalypse joyeuse.
Entre-temps il aura joué au cinéma notamment avec Cédric Klapish (Chacun cherche
son chat en 1996, Peut-être en 1999), tourné
son propre long métrage (Les Yeux fermés)
aura, en 1998, été nommé à la tête du centre
dramatique d’Orléans-Loiret-Centre, où l’année suivante il crée Requiem pour Sebrenica,
aura milité pour les peuples de Palestine et de
Bosnie, aura continué d’écrire, de jouer, de
mettre en scène, aura affronté le chef-d’œuvre
de Claudel Le Soulier de satin, et continue de
vivre, de faire vivre le théâtre.
Cet immense oratorio baroque, sublime et
extravagant, est aussi une cérémonie secrète.
[…] Ces dix heures de spectacle s’écoutent
comme un rêve. […] Il faut donc aller voir le
magnifique spectacle créé par Olivier Py. […]
Olivier Py ne triche à aucun moment. Les
décors, tantôt abstraits, tantôt d’un baroque
stylisé, exaltent le fabuleux métal qui aimante
les conquérants. Dans la rencontre de
Rodrigue et de Prouhèze sur le bateau, à la fin
de la troisième journée, le jeu de ces grandes
parois dorées atteint au grandiose. Et la
musique originale de Stéphane Leach, ajoutée à celle de Fauré, aurait enchanté Claudel.
Jacques Julliard, Le Nouvel Observateur
De l’inconciliable, Olivier Py fait son miel, et
l’aisance avec laquelle il aborde Claudel est
sidérante. […] Vivant, inventif sans se disperser, son spectacle est aussi plus tourmenté
qu’apaisé, douloureux même, à l’image de
Jeanne Balibar retranchée dans son renoncement à l’amour, ou de Philippe Girard
(Rodrigue), émerveillé, jamais en paix.
ph. A. Fonteray
René Solis, Libération
Le Soulier de satin
Pièce de Paul Claudel en 4 journées
INTÉGRALES les samedis et dimanches à 13h
durée approximative: 10h30
entracte
re
entracte
e
entracte
e
1 journée – 20mn – 2 journée – 20mn – 3 journée – 50mn* – 4e journée
*restauration simple sur place ou restaurants aux alentours du théâtre
EN DEUX PARTIES les mardis (1re partie) et mercredis (2e partie) à 18h30
mardis, 1re partie: durée approximative : 4h30
entracte
1re journée – 20mn – 2e journée
mercredis, 2e partie: durée approximative: 5h
entracte
3e journée – 50 mn – 4e journée
5
Richard II
création
SHAKESPEARE THIERRY DE PERETTI
avec Thierry de Peretti, Alban Guillon,
Caroline Ducey, Eric Peuvrel, Benjamin
Baroche, Céline Milliat-Baumgartner, Léna
Breban, Nadine Darmon, Johann Leysen,
Albert Delpy, Olivier Parisis, JeanChristophe Pagnac, Thomas Roux,
Christophe Veillon, Ludovic Virot, Giuliano
Errante, Sylvain Jacques
coproduction Théâtre de la Ville, Paris Théâtre du Nord, centre dramatique
national de Lille – Théâtre de Béziers.
avec le soutien de la Ville d'Ajaccio et de
la Collectivité territoriale de Corse.
avec la participation artistique du Jeune
Théâtre national et le soutien de la
SPEDIDAM
en partenariat avec Lille 2004
production déléguée Compagnie des
Petites Heures
6
À dix-huit ans, Thierry de Peretti travaille sur
deux scènes du Richard II de Shakespeare.
Douze ans plus tard, il dirige seize comédiens
(pour quarante personnages) dans cette
« triste histoire de la mort d'un roi ». Tragédie
d'un homme qui possédait tout, à qui tout fut
repris. Face à lui, le futur Henri IV, qui ne possédait rien d'autre que le droit de tout prendre.
Drame historique donc, prologue à soixante
ans de luttes sauvages. Ou plutôt machination
de l'Histoire, dont l'origine est évidemment un
meurtre, perpétré avant que commence la
pièce.
« Ayant tous deux mis la main dans l'engrenage, sans pouvoir rien contrôler, ils se sont
trouvés emportés dans un torrent de boue, dit
Thierry de Perretti. Henri guette Richard, qui
accumule les erreurs, et en qui on pourrait voir
un suicidaire. En fait, roi de droit divin, il n'imagine pas pouvoir se tromper. Mais à partir du
moment où il met en péril sa classe tout entière et non plus sa seule personne, la limite
est atteinte, la chute inévitable. »
Touché par la poésie de la pièce, porté par
une sorte d'intuition, Thierry de Peretti s'est
englouti dans le monde du Richard de
Shakespeare. Il a rassemblé tous les documents qu'il a pu trouver sur les précédentes
mises en scène. Il a lu et relu Le Livre de Job,
La Violence et le Sacré, Les Évangiles… Car
c'est une grille évangélique qu'il donne à sa
lecture, voyant dans le meurtre initial comme
une référence à Caïn et Abel, et dans ceux qui
suivent une notion sacrificielle. Et dans les
trahisons qui jalonnent le parcours de
Richard, il trouve le reniement de Pierre, le
baiser de Judas. Et dans ce parcours, un chemin de croix qui mène à la solitude et à la
conscience, sans plus d'autre choix que la
recherche de la vérité. Chemin qui aboutit à
l'abandon forcé de l'enfance, à l'apprentisTHEATRE DE LA VILLE • TARIF A
sage de l'état adulte, avec les responsabilités
et les meurtres que cela implique.
« Meurtres réels, ou métaphoriques : pour
avancer, il faut tuer une part de soi. La pièce
se fonde sur l'absence, sur le deuil. Elle porte
une profonde tristesse, en même temps
qu'une forme d'apaisement. Plus je l'étudie,
plus j'y reconnais un lien avec Hamlet, pour la
façon dont les morts hantent les vivants, pour
la façon dont se mettent en mouvement les
mécanismes de la vengeance.
« De manière frontale, j'ai vu comment, d'un
claquement de doigt, par la force de rancœurs personnelles, de l'orgueil, des ambitions, on peut changer l'harmonie en terreur
permanente. Richard II est roi d'Angleterre,
son histoire est insulaire et nationaliste.
Mysticisme et superstition s'y mêlent, avec la
brutalité du rapport à l'autre. Sous le vernis de
la chevalerie et de ses codes d'honneur, se
cache un modèle de type mafieux qui transmet sa "morale", une amorce d'idéologie :
puisque pour vivre il faut marcher sur les
cadavres, ne restons pas en arrière.
« Mais il y a autre chose : le langage. Richard
II roi-poète, c'est un cliché qui reflète une
volonté de faire de l'or avec les mots.
« Alors dans un décor en jeu de cubes qui
vont et viennent, construisant alternativement
un espace de désolation totale puis un envahissement de tours et de pièges, je voudrais
que se fasse entendre la beauté de cet oratorio à quarante voix. »
Thierry de Peretti joue et met en scène Richard II, ph. X, DR
DU 9 AU 31 JANVIER
traduction originale André Marcowicz
mise en scène Thierry de Peretti
assistant à la mise en scène Ludovic Virot
dramaturgie Patrice Spinosi
chorégraphie Nasser Martin-Gousset
décor Rudy Sabounghi
vidéo David Bersanetti
lumières Jean-Luc Chanonat
costumes Caroline de Vivaize
musique Nicolas Baby
Thierry de Peretti
Après un passage au cours Florent, quelques
stages, une bourse de la Villa Médicis hors les
murs, Thierry de Peretti se fait comédien au
théâtre, notamment pour Pierre Vial (Le Soulier
de satin en 2001), et au cinéma avec entre
autres Claude Berri (Lucie Aubrac), Vincent
Ravalec (Une prière vers le ciel), Patrice
Chéreau (Ceux qui m'aiment prendront le
train)… Il lui arrive de jouer dans ses propres
mises en scène, jusqu'à présent consacrées
aux auteurs du XXe siècle : Xavier Durringer
(Une envie de tuer), Anita Langhoff (Saleté de
paix); et, avant tout, Bernard-Marie Koltès
dont il a monté Quai Ouest (1991), Sallinger
(1998), Retour au désert, prix de la révélation
théâtrale du Syndicat national de la critique
2001. Reconnaissance confirmée par la création de Valparaiso Valparaiso de Don de Lilo.
Beaucoup de bruit
pour rien
création
Shakespeare, © ND-Viollet
Laurent Laffargue, © Enguerand
SHAKESPEARE LAURENT LAFFARGUE
DU 11 MARS AU 1er AVRIL
texte français Jean-Michel Déprats
mise en scène Laurent Laffargue
scénographie Philippe Casaban,
Éric Charbeau
costumes Hervé Poeydomenge
son Yvon Tutein
avec Muriel Amat, Philippe Bérodot,
Éric Bougnon, Cyril Dubreuil, Daniel
Martin, Pascal Vannson
(distribution en cours)
coproduction Théâtre de la Ville,Paris –
Théâtre national Bordeaux-Aquitaine –
Théâtre national de Toulouse MidiPyrénées – Scène nationale de La
Rochelle – Compagnie du Soleil Bleu
Ayant depuis quelques années mis en scène
plusieurs spectacles pour le moins sombres
(du Tartuffe à Terminus de Daniel Keene, en
passant par Sauvés d'Edward Bond, La
Fausse Suivante de Marivaux, Homme pour
homme de Brecht ou Othello), Laurent
Laffargue a éprouvé un besoin de comédie. Il
est resté avec Shakespeare, cherchant du
côté du Songe d'une nuit d'été qu'il présentait
en duo avec la tragique histoire du Maure de
Venise.
Il s'est arrêté sur Beaucoup de bruit pour rien,
modèle même de la comédie d'intrigues. En
effet, s'y croisent trois histoires d'amour et de
mensonges, d'une vertigineuse complexité,
écrites dans « une merveille de langage
double et triple, de jeux de mots, de lapsus
plus ou moins volontaires », dit Laurent
Laffargue, qui a demandé une traduction nouvelle à Jean-Michel Déprats.
Donc, chacun, homme et femme, tombe follement amoureux tout en jurant qu'il – ou elle –
n'aimera jamais personne, tandis qu'un jaloux
monte un subterfuge pour faire croire à
l'amant que sa maîtresse est une catin, et que,
histoire d'arranger les choses, un moine la fait
passer pour morte. Après quoi, une sorte de
Columbo ivrogne, roi du calembour, mène
l'enquête. Sans oublier les amis et valets qui
lancent de troublantes rumeurs. Le tout dans
un cadre chaleureux, ensoleillé, sensuel.
L'histoire est censée se passer à Messine
(Sicile), après une bataille victorieuse d'où
reviennent d'ardents jeunes gens, italiens et
espagnols, qui se lancent alors dans un autre
genre de conflit, celui des amours.
À travers l'incapacité des personnages à
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
exprimer directement ce qu'ils pensent,
comme à agir selon la logique de leurs désirs,
Laurent Laffargue retrouve quelque chose de
Marivaux. En plus brutal, en plus baroque
sans doute :
« Et puis de même qu'avec L'Ile des esclaves
ou La Dispute, tous sont réunis dans un
endroit clos, où ils ne peuvent s'éviter.
J'imagine une sorte d'enceinte labyrinthique,
à la manière du film de Peter Greenaway
Meurtre dans un jardin anglais. Ce ne sont
pas seulement les personnages qui bougent,
le décor aussi, qui les piège, quoi qu'ils
fassent. Comme s'ils se trouvaient sous le
regard du peintre, témoin et manipulateur, à
l'affût au centre d'un tableau en incessante
évolution : le spectacle. »
Au-delà de ces défis stylistiques proposés par
Shakespeare, Laurent Laffargue a creusé jusqu'aux racines mêmes des intrigues, s'est
interrogé sur ce qui pousse les personnages à
se compliquer ainsi l'existence. Il s'en est
senti proche, lui, comme, dit-il, toute sa génération de trentenaires. Ou en tout cas une
bonne partie :
« Oui, je retrouve là ma génération, dans son
rapport crispé au couple, se demandant si
tomber en amour n'était pas une régression ?
Et il y a cette peur, quelque chose comme le
syndrome des enfants du divorce, qui pousse
à vouloir connaître l'amour avant de le vivre,
histoire de se sécuriser. Une illusion. La pièce
me fait également penser à Corneille, et ce
serait "l'Illusion tragi-comique"… Tout se
passe dans la tête. Dans les mots. Les personnages de Shakespeare font l'amour avec
les mots, et c'est magnifique.
« Il s'agit avant tout de sauvegarder cette
magnificence, de privilégier le jeu par rapport
aux enjeux. L'entrelacement des intrigues
entraîne le rythme d'une danse à plusieurs
temps, pour, à la fin, laisser triompher le bonheur, la liesse, l'euphorie de la vie, et du
théâtre. Tout est mal qui finit bien. »
Laurent Laffargue
En 1992, Laurent Laffargue fonde sa compagnie, monte L'Épreuve de Marivaux (prix du
public et du jury au Festival Turbulences de
Strasbourg). En résidence au centre dramatique national de Bordeaux, il met en scène du
Feydeau, et Tartuffe. Suivent Le Gardien
(1995) et Le Monte-plats (1996) de Pinter, La
Fausse Suivante de Marivaux (1997), Sauvés
d'Edward Bond, en 1998 dans une nouvelle
traduction de Jérôme Hankins (prix des
Rencontres Charles-Dullin). En 1999, associé
pour trois ans à l'Opéra de Bordeaux (il y crée
Don Giovanni de Mozart en 2002), il met en
scène Le Barbier de Séville, puis crée
Dépannage de Pauline Sales, entreprend un
diptyque shakespearien qui, sous le titre Nos
nuits auront raison de nos jours, rassemble Le
Songe d'une nuit d'été et Othello qui tourne
trois saisons dans toute la France. En 2001, à
la Coursive de La Rochelle, c'est Homme pour
homme de Brecht. En 2002, il crée Terminus
de l'Australien Daniel Keene, aux Abbesses et
reçoit le Prix Pierre Jean Jacques Gautier.
7
Les Relations
de Claire
création
DU 5 AU 22 NOVEMBRE
texte français Laurent Muhleisen
mise en scène Michel Raskine
décor Stéphanie Mathieu
costumes Josy Lopez
lumières Thierry Gouin
son Sylvestre Mercier
assistant Olivier Rey
avec Philippe Crubézy, Simon Delétang,
Marief Guittier, Odja Llorca, Claire Semet
production Théâtre du Point du Jour, Lyon
– Théâtre de la Ville, Paris – Théâtre du
Nord, Lille (Théâtre national Lille Tourcoing,
Région Nord Pas-de-Calais)
8
« Renoncez au repassage. Séparez-vous de
votre fer à repasser. Apportez-le à un brocanteur, vous en tirerez toujours trois francs six
sous » énonce Claire, rédactrice commerciale, chargée de promouvoir… un nouveau
modèle de fer à repasser. Évidemment, elle
est licenciée. Elle s'en va alors chez le mari de
sa sœur, banquier, pour lui demander un prêt,
apportant comme seule garantie son prochain
mariage, avec un copain pas du tout au courant… Et ce n'est qu'un début.
Lorsque Claire arrive quelque part, autour
d'elle les liens plus ou moins hypocrites se
disloquent. Non qu'elle le cherche. Elle n'est
pas, à la manière du personnage de Pasolini
dans son film Theorema, le révélateur des
désirs cachés, des mensonges de la famille et
de la bourgeoisie. Elle est absolument une
enfant d'aujourd'hui : il lui suffit de vivre selon
ses désirs. Elle réagit sur l'instant, traverse les
obstacles en essayant de comprendre
comment ça fonctionne, n'a aucune prise sur
le réel, qui, en dépit de ses efforts, sans cesse
lui échappe.
Claire, l'enfant du siècle, est fille de Dea
Loher, jeune auteur allemande dont Michel
Raskine a déjà monté, l'an dernier, Barbe
Bleue, espoir des femmes, histoire d'un vendeur de chaussures. Les femmes, il les tue
parce qu'il ne peut pas leur donner tout
l'amour qu'elles exigent. Laurent Muhleisen,
qui traduit en français le théâtre de Dea Loher,
le définit comme de la "comédie tragique". Ou
de la "tragédie comique". Transportant en tout
cas une drôlerie composée d'un goût de l'absurde, de lucidité inexorable, de plaisir de
vivre.
« Claire est pleine d'allant, dit Laurent
Muhleisen, rien ne l'arrête. D'ailleurs, même si
d'une manière générale, les personnages
paraissent désarmés, ils ne sont pas, comme
chez Kroetz par exemple, écrasés par le
poids de la fatalité. Dea Loher pense que
nous ne sommes préparés à rien, que tout
peut à chaque instant arriver, que nous
devons rendre des comptes même si nous ne
sommes pas directement responsables, et
que l'essentiel est d'assumer son identité. Ce
LES ABBESSES • TARIF A
qui n'est pas forcément évident. Claire parvient à comprendre sinon le monde autour
d'elle, du moins quelque chose d'elle-même.
Elle se trouve un peu dans la situation de don
Juan, en fuite perpétuelle parce qu'il n'arrive
pas à se battre contre tout ça.
« Il y a encore vingt ans, les comportements
pouvaient être déterminés par le milieu social.
Ce n'est plus le cas. Nos contemporains,
comme en tous temps, veulent se réaliser pleinement, mais leur manque le support d'une
stabilité sociale qui a disparu. C'est ce dont
parle Dea Loher : par impuissance à les
contrôler plus que par lâcheté, ses personnages se laissent mener par les événements.
Ils sont les cousins d'Anna Thomson dans le
film d'Amos Kollek Sue perdue dans
Manhattan, douce descente en enfer d'une
femme sans travail, sans attaches, sans
repères d'aucune sorte. Dea Loher s'en est
d'ailleurs inspirée. Séquence par séquence,
comme Sue, Claire accomplit son chemin de
croix. Pour autant, elle ne se sent pas perdue.
Elle se sait utilisée, retourne la situation à son
avantage, du moins provisoirement, ouvre une
porte, et encore une autre…
« Dea Loher pose la question : le simple fait de
vivre selon ses désirs suffit-il à se trouver,
trouver son équilibre, définir un principe de
liberté ? »
Michel Raskine, ph. X, DR
Dea Loher, ph. D. Baltzer
DEA LOHER MICHEL RASKINE
Michel Raskine
Assistant de Roger Planchon entre 1973 et
1978, membre de la troupe de Gildas Bourdet
à Lille, et acteur (avec entre beaucoup
d'autres, Lucian Pintilié, Karge et Langhoff,
Joël Jouanneau, Bob Wilson…), Michel
Raskine est un familier du Théâtre de la Ville.
C'est d'ailleurs en tant qu'acteur que d'abord
il y est venu avec deux spectacles de Gildas
Bourdet : Une station service (1985), Les
Crachats de la lune (1987). Ensuite, en tant
que metteur en scène : L'Épidémie et Un rat
qui passe d'Agota Kristof (1993), Chambre
d'amour d'Adamov (1997) Théâtres d'Olivier
Py (1998), Elle est là et C'est beau (2002).
Directeur depuis 1995 du Théâtre du Point du
Jour à Lyon, il y a mis en scène notamment
L'Amante anglaise de Duras (1996), Chambre
d'amour d'Adamov (1997), Les 81 minutes de
Mademoiselle A de Lothar Trolle (présentées
au Festival d'Avignon), Au but de Thomas
Bernhard, Max Gericke ou Pareille au même
de Manfred Karge, repris en 2003, toujours
avec l'irremplaçable Marief Guittier.
Le Professionnel
création en France
DUSAN KOVACEVIC LAURENCE CALAME
DU 14 AU 31 JANVIER
traduction Anne Renoue,Vladimir Cejovic
mise en scène Laurence Calame
scénographie et lumières Peter Wilkinson
avec Christian Grégori, Anne-Laure
Luisoni, Patrick Mamie, Jacques Michel
coproduction Théâtre Le poche, Genève
– Théâtre Vidy-Lausanne ETE
Belgrade 1990, c’est la fin d’une époque, c’est
la dislocation de l’ancienne Yougoslavie unie
depuis 1945 par le Maréchal Tito. La fin du
rôle dirigeant de la Ligue des communistes et
le nouveau pouvoir communiste de Slobodan
Milosevic, le nationalisme et la xénophobie
pourraient bien conduire à un conflit…
MOI : tout ce qui est bien, tu l’as gagné ici,
tout ce qui ne l’est pas — tu l’as apporté de
chez toi…
Comme au café-théâtre, l’acteur s’adresse au
public, comme au cinéma aussi on passe
alternativement d’une narration au présent
(voix off dans les polars américains des
années 40) à un flashback dialogué. À
Belgrade, le théâtre est un art populaire, et
l’humour y est érigé en vertu essentielle. La
gravité du propos est donc perceptible sous
le voile d’une comédie dans laquelle l’absurde
et le fantastique rivalisent avec la musique.
L’émotion surgie de façon inattendue, parce
que les larmes se dissimulent sous le rire, un
rire qui les sèche aussitôt. Les films de
Kusturica, dont Kovasevic a été le scénariste,
sont des exemples magistraux de cet humour
exubérant, à la fois tendre et grimaçant. Le
Professionnel est aussi une comédie à l’écriture classiquement divertissante.
Dans le chaos d’une maison d’édition, sur
fond de fête et de musique, l’ancienne génération combat la nouvelle, les femmes sont
violentes ou victimes, les écrivains sont en
colère. La « transition » ne conduit visiblement
pas à une radieuse démocratie. Le nouveau
directeur de l’entreprise, Teodor Teja Krai,
écrivain autrefois dissident, nous raconte son
passé.
Ce passé oublié dans les vapeurs d’alcool et
les turbulences de sa jeunesse, lui a été rendu
par un policier retraité des services secrets.
Ce témoin minutieux a rassemblé et consigné
des mots, des discours, des souvenirs. Après
trente ans de loyaux services, son temps est
révolu ; Avant de se retirer, il tient à montrer
LES ABBESSES • TARIF A
Laurence Calame
Formation
École supérieure d’art dramatique de Genève
Comédienne
Depuis 1978
En France : Théâtre de la Ville et Théâtre national de Bretagne.
Avec : André Steiger, Stuart Seide, Matthias
Langhoff (Mademoiselle Julie de Strindberg,
1988 ; La Duchesse de Malfi de Webster,
1990), Hervé Loichemol, Nathalie Mauger,
Hans Peter Cloos (Richard II de Shakespeare,
2001)…
Mises en scène
Vive l’Europe de Paul Scheerbart ; Savannah
Bay de Marguerite Duras ; Stella de Goethe.
Traductions et adaptations
La Cerisaie d’Anton Tchekhov publié à l’Age
d’Homme, Jour d’abattage de Thomas
Hürlimann, Le Lieutenant Gustl d’Arthur
Schnitzler, Mademoiselle Julie d’August
Strindberg publié à Acte Sud, Œdipe tyran de
Heiner Müller d’après Sophocle, Vive l’Europe
de Paul Scheerbart, Île du salut de Matthias
Langhoff d’après Kafka, Femmes de Troie de
Matthias Langhoff d’après Euripide, La
Compagnie des spectres de Lydie Salvaire.
Mise en onde
Depuis 1988, metteur en onde à la Radio
Suisse Romande. En particulier, l’émission Le
Professionnel de Dusan Kovacevic sur
Espace 2 a obtenu le Prix radiophonique
suisse 2000.
ph. I. Meister
L. Calame, ph. M. del Curto
son visage au grand jour pour restituer cette
mémoire.
Dans la confrontation entre ces deux
hommes, le policier et l’écrivain, se dessine le
fossé qui sépare deux générations : celle qui
croyait en l’avenir communiste et celle qui
n’aspire qu ‘à l’oublier. Mais le vieux chien de
garde et le jeune loup doivent surmonter leurs
différences et leurs ressentiments parce qu’ils
ont besoin l’un de l’autre. C’est la solidarité
d’un peuple et de ceux qui, peut-être, seront
toujours perdants, car sous le poil et la fourrure, ils ne sont que deux hommes soumis aux
caprices du pouvoir.
Laurence Calame
9
Ma vie de chandelle
création
DU 3 AU 27 MARS
mise en scène Emmanuel Demarcy-Mota
assistant à la mise en scène
Christophe Lemaire
scénographie et lumières Yves Collet
musique Jefferson Lembeye
costumes Corinne Baudelot
maquillage Catherine Nicolas
avec Philippe Demarle, Valérie Dashwood,
Alain Libolt (distribution en cours)
production Comédie de Reims – Théâtre
de la Ville, Paris.
10
Le décor, c'est une chambre avec un grand lit.
Les personnages, ce sont deux hommes et
une femme. A priori le trio classique : le mari,
la femme, l'amant. Qui d'après ses confidences, pourrait être l'amant du mari. Ce qui,
vu le mouvement de la mode, est en passe de
devenir tout aussi classique. D'ailleurs rien ne
vient le confirmer.
D'ailleurs, rien n'est confirmé.
Les personnages, désignés comme l'Homme,
la Femme, l'Autre Homme, se racontent des
souvenirs dont on ne saura jamais le degré de
vérité, et changent sans cesse de prénoms.
Peut-être ont-ils vécu plusieurs vies, bloqués
dans cette situation de base, soir après soir
indéfiniment répétée. Pas tout à fait la même,
pas tout à fait une autre…
Après avoir créé – et repris pour cause de
triomphe – au Théâtre de la Ville la pièce de
Pirandello Six Personnages en quête d'auteur,
qui fait vivre le processus de création et ses
déchirements, avec Ma vie de chandelle de
Fabrice Melquiot, Emmanuel Demarcy-Mota
affronte son contraire : la dislocation pour
cause d'usure, de l'intrigue et des personnages.
En fait, nous ne sommes plus tout à fait au
théâtre. Nous serions plutôt dans la représentation théâtrale de ces jeux télévisés où il
s'agit moins de gagner que de « se donner en
spectacle ». S'exposer intimement aux spectateurs… Eux-mêmes filmés, ils pourront, au
jour de la diffusion, se regarder et, au
commandement, applaudir. « Dans un instant,
le réveil sonnera et on applaudira. Tous
ensemble » ordonne l'Autre Homme, de sa
profession "chauffeur de salle".
Fabrice Melquiot s'interroge sur le public,
Emmanuel Demarcy-Mota se demande à
quelle place il se situe. Ce qu'il cherche, si
toutefois il cherche encore quelque chose.
Pas seulement au théâtre, mais dans la vie,
dans le monde, dans l'histoire :
« Rien n'est pire que de n'avoir envie de rien,
et c'est le cas du couple là, sur scène, dans
LES ABBESSES • TARIF A
E. Demarcy-Mota, © Enguerand
F. Melquiot, ph. R. Senera/Bernand
FABRICE MELQUIOT
EMMANUEL DEMARCY-MOTA
ce décor de chambre où le désir est devenu,
non pas même interdit : impossible. L'Homme
et la Femme sont encore jeunes, disent qu'ils
vont faire l'amour et ne font rien. Sait-on s'ils y
croient encore ? Ils vivent sous le probable
regard de la vidéo, de plus en plus présente
au théâtre. Je n'ai rien contre, sauf si on lui fait
prendre la place du corps de l'acteur.
« Or, eux se voient, se vivent comme une
image dans l'image, et se laissent vampiriser
par l'Autre Homme, lui-même prisonnier du
jeu, mais qui reste leur seul lien avec le horschamp. Avec le monde extérieur : la salle et
les spectateurs. C'est à la fois tragique, drôle,
violent, pathétique, dérisoire, toujours sur le fil
du rire, de la colère, de la compassion. »
Les courriers des lecteurs, les lignes ouvertes
ont précédé la télévision et les trompe-l'œil de
ses reality-shows. Ces émissions où l'on vient
déballer ses secrets. On vient pour ça. Non
pas pour une apaisante confession, mais au
contraire pour provoquer le drame. Pour être,
en public, le héros ou l'héroïne de ce drame.
Et ainsi échapper à la banalité.
À l'intérieur d'un cadre parfaitement contemporain, Emmanuel Demarcy-Mota et Fabrice
Melquiot (à peine trentenaires tous les deux)
se posent des questions sur des comportements humains qui ne datent pas d'aujourd'hui. Qui touchent à la liberté de penser et
d'agir, à la solitude et au besoin d'en sortir. À
la fascination de l'image, bien sûr. Cette envahissante image que l'on tente sans cesse de
"décrypter". Pour mieux s'y noyer ?
Emmanuel Demarcy-Mota
En 1989, Emmanuel Demarcy-Mota fonde au
lycée Rodin le Théâtre des Millfontaines, qui,
en 1994, au Théâtre de la Commune
d'Aubervilliers, crée L'Histoire du soldat de
Ramuz, sans la musique de Strawinski. Après
avoir tourné, le spectacle est repris de même
que la création suivante : Léonce et Lena de
Büchner dans une traduction nouvelle de
François Regnault. (1996).
En 1997, la compagnie entame une collaboration avec le Forum du Blanc-Mesnil, y organise des ateliers, y présente Peine d'amour
perdue de Shakespeare, accueilli au Théâtre
de la Ville en 1999. En 2000, la compagnie
retrouve le Théâtre de la Commune avec
Marat Sade de Peter Weiss, et en 2001 le
Théâtre de la Ville avec Six Personnages en
quête d'auteur de Pirandello. Le spectacle y
est repris en janvier 2002 tandis qu'Emmanuel
Demarcy-Mota est nommé à la tête de la
Comédie de Reims, centre dramatique national, où il présente deux pièces de Fabrice
Melquiot, Le Diable en partage, et L'Inattendu.
O. Porras, © Enguerand
F. Dürrenmatt, © Lipnitzki-Viollet
La Visite de la vieille
dame
création
FRIEDRICH DÜRRENMATT OMAR PORRAS
DU 27 AVRIL AU 15 MAI
adaptation et mise en scène Omar Porras
décor et masques Fredy Porras,
Mariom Speck
costumes Lesley Gautier, Fredy Porras
lumières Angelo Bergomi
musique Andrés García
assistante à la mise en scène
Mariom Speck
avec Angelo Bergomi, Andrés García,
Lesley Gautier, Yann Joly, Paola Pagani,
Fredy Porras, Mariom Speck, Omar Porras,
Irma Riser, Didier Sergent
production Teatro Malandro
Voilà dix ans (précisément en 1994) déboulait
à Dijon un étrange personnage : Omar Porras,
Colombien d'origine, qui représentait la
Suisse au Festival Théâtre en Mai de Dijon, où
il proposait La Visite de la vieille dame de
Friedrich Dürrenmatt. Avec sa compagnie
Teatro Malandro, il avait créé la pièce l'année
précédente à Genève. Travesti, masqué, il en
interprétait le rôle principal. On découvrait la
force de son imaginaire baroque, sa fausse
naïveté, sa vraie poésie, son orgueilleuse pauvreté. Un choc, un bonheur.
La veuve et la famille de l'auteur avaient fort
apprécié, disant reconnaître ce dont
Dürrenmatt avait rêvé. Et le spectacle s'est
joué plus de cent cinquante fois, en France,
en Allemagne, en Amérique latine.
Et voilà qu'Omar Porras réendosse son
masque et sa robe de riche dépenaillée : à
nouveau il incarne la Vieille Dame, de retour
en son village, promettant aux habitants une
fortune s'ils tuent l'homme qui, dans sa jeunesse, l'a séduite et abandonnée… Il y a dix
ans, l'actualité de la pièce lui paraissait évidente. Aujourd'hui davantage encore.
La lâcheté, l'outrage aux faibles, l'appât de
l'argent n'ont pas disparu. Ce n'est pas plus
gai pour ça, pourtant le texte est drôle.
Impitoyablement. Quant aux qualités d'il y a
dix ans : grotesque, ironie, cruauté, exubérance, elles se retrouvent intactes dans la
nouvelle version. Semblable et différente,
dans la mesure où après dix ans et plus encore de mises en scène, les hommes
changent, le monde aussi, et les comédiens.
Mais chez Omar Porras demeure inchangée
la passion de la scène, d'un théâtre lumineux,
bigarré, tendre et vigoureux. Un théâtre de la
vie, c'est-à-dire qui parle aussi de la nuit, et
de la mort :
« Dürrenmatt n'est pas un auteur psychologique. Il se nourrit des Grecs, de Molière, et
par moments me rappelle Gozzi. C'est un satiLES ABBESSES • TARIF A
riste, qui tire le comique de son pessimisme,
mélange les genres : vaudeville, boulevard,
mélodrame… Il raconte des vérités terribles
sur la façon, justement, dont nous nous masquons la vérité, dont nous nous cachons derrière celles qui nous conviennent. Il saisit le
côté exécrable des comportements humains.
Les mensonges et les compromis que nous
gérons quotidiennement. La facilité avec
laquelle, tout en critiquant "l'autre", nous
acceptons les bénéfices du mal, nous nous
soumettons à ceux qui, contre l'argent, la tranquillité, dirigent nos pensées. Nous habitons
un monde déserté de Dieu comme du Diable.
On ne sait pas où ils sont passés, alors nous
nous sentons en perpétuel déséquilibre. »
Autre raison pour laquelle Omar Porras a
éprouvé le besoin de revisiter La Visite de la
vieille dame : après plusieurs spectacles,
comme Ay ! Quixote dans lesquels la scénographie était éclatante, la pièce lui permet de
revenir à une sorte de dépouillement. Des éléments de décors (apparemment) bricolés,
des costumes "vintage". Restent les masques,
somptueux, indispensables, qui parfois font
ressembler les personnages à des animaux.
Omar Porras n'a jamais été tenté par le réalisme, et encore moins ici que dans tout autre
spectacle. Sa performance de travesti ne doit
rien au cabaret, beaucoup au désir de représenter en quelque sorte concrètement les perpétuels travestissements de la réalité, et tout à
une forme de théâtre primitif, essentiel. Un
théâtre des racines.
« Le théâtre, tout simplement ».
Omar Porras
Omar Porras est né à Bogota, y a commencé
son apprentissage de comédien, est arrivé
dans les années 80 à Paris où il ne connaissait
personne. Il a donc gagné sa vie avec des
spectacles de marionnettes dans le métro et
s'est tenu au courant de la vie théâtrale en se
glissant dans la salle du Théâtre de la Ville !…
Le hasard l'emmène en Suisse où, en 1990, il
fonde sa compagnie le Teatro Malandro. Avec
comédiens et marionnettes, il monte Ubu roi
de Jarry. En 1992, La Tragique histoire du
docteur Faustus d'après Marlowe, en 1993 La
Visite de la vieille dame. Après quoi, la plupart
de ses spectacles viennent en France : en
1995 à Dijon, Othello créé à la Comédie de
Genève. En 1997, Noces de sang, présenté
aux Abbesses en 1999. En 2000, Les
Bakkhantes d'après Euripide, également aux
Abbesses. En 2002, Ay ! Quixote * au Théâtre
de la Ville. En 1998, il joue le metteur en scène
dans Ce soir on improvise, mise en scène de
Claude Stratz, à l'Athénée.
* Coproduction Théâtre de la Ville.
11
La Fin de Casanova
A. Rotger, ph. J. Stroh
M. Berman, ph. R. Baltauss
A. Picchiarini, ph. X. dr
M. Tsvetaïeva, © Martinie/Viollet
MARINA TSVETAÏEVA ANITA PICCHIARINI
DU 25 MAI AU 19 JUIN
traduction Hélène Henry
conception et réalisation Anita Picchiarini
scénographie Marc Berman
création musicale Joëlle Léandre
maquillages Cécile Krestschmar
lumières Fabrice Combier
avec Marc Berman, Joëlle Léandre,
Anne Rotger
12
Au terme de son existence, Casanova le
joueur, le séducteur, incapable de supporter
son déclin, reclus dans la bibliothèque du
château de Dux, chez l’homme qui l’héberge,
décide de s’enfuir au dehors, dans la tempête. D’aller au-devant de sa propre mort.
C’est la dernière heure du siècle. Rageusement, il détruit les mille lettres d’amour
reçues jadis. C’est alors que surgit une adolescente, et elle lui dit qu’elle l’aime. C’est
alors que s’engage entre le vieil homme et la
jeune fille un jeu singulier, duel philosophique
et passionnel, « mille et unième – et ultime –
déclaration d’amour à Casanova ».
Cette Fin de Casanova, Marina Tsvetaïeva l’a
écrite durant l’hiver 1919 à Moscou, où elle vit
encore, mais dans un complet dénuement.
Elle professe un superbe mépris pour le
théâtre, qui, dit-elle, lui a toujours paru « un
soutien pour les pauvres en esprit ». Mais
LES ABBESSES • TARIF A
quand elle rencontre les jeunes comédiens du
Studio Vakhtangov, coup sur coup elle écrit
pour eux six pièces brèves, « poèmes dramatiques », dont les deux derniers sont consacrés à Casanova.
Marina Tsvetaïeva était une rebelle, une
femme intègre, imprévisible, excessive.
Passionnée. Motifs de l’admiration éprouvée
par Anita Picchiarini envers le personnage, et
ses textes. En particulier ces poèmes dramatiques, qui culminent avec La Fin de
Casanova :
« Mais il n’y a rien là de romantique, en tout
cas au sens de sentimental. Au-delà de la
joute amoureuse, se joue la survie de la poésie. Femme et poète, Marina Tsvetaïeva sans
aucun doute se projette dans le personnage
de Casanova. D’où l’accomplissement d’une
écriture superbe, qui offre aux comédiens un
matériau verbal extraordinaire. Peu importe
s’ils n’ont pas l’âge du rôle. L’essentiel pour
eux, est de faire entendre la musicalité de ce
langage : "une fête de mots dans la peste des
jours".
« L’histoire s’enroule autour de ce duel, de ce
face-à-face ludique entre l’homme qui vit le
dernier acte de son existence et la jeune fille
qui paraît sortie d’un tableau de Balthus, et ne
peut rien espérer. Peut-être d’ailleurs n’est-elle
qu’un rêve. »
Un face-à-face, un duel à trois : aux côtés de
Casanova (Marc Berman) et de Franziska, la
jeune fille (Anne Rotger), se tient Joëlle
Léandre, contrebassiste, chanteuse, comédienne. Elle pourrait représenter Tsvetaïeva
elle-même. Elle offre un contrepoint musical à
la parole des comédiens qu’elle encadre,
avec lesquels elle dialogue, accompagnant
leur parcours poétique à travers un univers à
la fois énigmatique et concret : « Un plancher
ancien, patiné, un radeau. La lumière vibre,
les objets sont peu nombreux. Ils apparaissent comme par magie, et dès qu’ils se
posent sur scène, prennent corps, deviennent
tangibles. Seul, dépouillé, l’homme qui s’en va
a détruit son passé comme s’il lui fallait oublier
pour renaître. Il donne là sa dernière représentation, joue en temps réel sa dernière
heure. La dernière avant la prochaine expression de la vie. Nous sommes au bord du réel :
au théâtre ».
Anita Picchiarini
Comédienne, Anita Picchiarini rejoint en 1980
le Théâtre du Campagnol pour la création du
Bal, y rencontre Marc Berman, qui participera
à la plupart de ses spectacles. Elle y fait ses
débuts de mise en scène et, en 1988, fonde
sa compagnie, le Sirocco, avec laquelle elle
crée à la Maison de la culture de La Rochelle,
son adaptation des Frères Karamazov de
Dostoïevski. Suivent Le Bouc de Fassbinder
avec Anne Rotger, Baal de Brecht en 1993,
Aux hommes de bonne volonté de François
Caron, à Théâtre Ouvert. Accueillie en 1995
au CDBB Lorient, elle y monte Combat de
nègre et de chiens de Koltès. En 1998, elle
présente Electre de Hoffmansthal au TGP de
Saint-Denis, avec Anne Rotger et Joëlle
Léandre. En 2001, c’est la Médée de Hans
Henny Jahnn au Théâtre de la Colline. Après
quoi, elle s'accorde quelques mois d'éloignement et de réflexion, avant de porter son choix
sur Marina Tsvetaïeva.
HORS
LES MURS
R. García, ph. X, DR
ph. T. Jeanne-Vales/Enguerand
THEATRE
Jardinage humain
création
RODRIGO GARCÍA textes en espagnol surtitrés en français
AU THÉÂTRE DE LA CITÉ INTERNATIONALE
DU 20 NOVEMBRE AU 6 DÉCEMBRE
mise en scène, scénographie
Rodrigo García
assistante à la mise en scène
Mireia Andreu
traduction Christilla Vasserot
lumières Carlos Marquerie
costumes Galiana
vidéo de La Pietá Rodrigo García
avec la collaboration de Maria Zaragoza
montage Javier Marquerie
vidéo des chiens et de George Bush,
création de Javier Marquerie
musiciens Dj Honk / Dj Léto
avec Idurre Azkúe, Nico Baixas,
Teo Baró, Sonia Gómez, Núria Lloansi,
Angélica Riquelme
production
Théâtre national de Bretagne, Rennes –
Théâtre de la Ville, Paris – Festival
d'Automne, Paris – Théâtre de la Cité
International – Le Cargo, Maison de la
culture,Grenoble – TNT, Théâtre national
de Toulouse Midi-Pyrénées.
avec l'aide de l'ONDA.
« Fabriquer des formes avec des hommes
comme les jardiniers le font avec les
plantes… » Rodrigo GarcÍa imagine un insomniaque tournant et retournant cette idée paranoïde dans sa tête. Voyant son corps perdre
son aspect humain reconnaissable. Trouvant
un équivalent dans la façon dont les images
de la publicité imposent aux êtres des apparences idéalisées, normalisées, complètement irréalistes. Trouvant un parallèle dans la
façon dont l'éducation formate les esprits.
Voilà à nouveau l'Argentin d'Espagne monté
sur ses grands chevaux, tel un don Quichotte
en lutte contre les moulins à vent de la
consommation. Rien n'y manque. Les caddies
débordants, les couples trop empêtrés dans
leurs sacs en plastique de supérette pour
CITÉ INTERNATIONALE • TARIF C
pouvoir s'aimer fiévreusement. Le débordement provocateur d'une fille accroupie… Les
gags et la fureur, le défi et la tendresse. Du
Rodrigo des grands jours. Plus quelque chose
d'autre.
Les acteurs espagnols – fortes personnalités
pour qui depuis toujours sont écrits les textes
– sont entourés d'images vidéo. Ce n'est pas
nouveau, mais, bien qu'il soit lui-même
vidéaste, Rodrigo GarcÍa les utilise rarement.
On y voit des jardiniers fabriquant des paysages de fleurs et des chirurgiens réparant
des corps. Pour les adapter aux lois de la jeunesse et de la mode ?
On voit aussi des textes qui s'inscrivent sur
l'écran, et pas seulement en tant que surtitres.
Ils racontent une histoire. Celle d'une colère
ressassée, toujours vive, contre l'imbécillité
des rapports humains dégradés, contre la
domination des marchands, avec entre autres
exemples, le gouffre entre le prix des baskets
et le salaire payé à ceux qui les confectionnent… L'histoire aussi d'un pays aujourd'hui affamé, qui continue de produire les
meilleures viandes du monde : l'Argentine.
De là naît le "quelque chose d'autre". De cette
blessure d'exil, plaie toujours ouverte. D'une
fragilité soudain révélée, assumée. De la souffrance de se savoir, en dépit des colères les
plus sincères, intégré à une existence relativement confortable. Tandis que les amis,
parents, témoins, acteurs de l'enfance se
débattent pour ne pas être ensevelis sous des
montagnes de misère, de violence non plus
mentale, mais économique, mais policière.
Rodrigo GarcÍa a mal à l'Argentine. Lui qui
avoue son admiration pour Buñuel, rejoint
également quelqu'un qui pourrait être son
grand frère : Fernando Arrabal. Exilé de
l'Espagne franquiste. Et qui a pratiqué le
sacrilège envers la religion comme Rodrigo
GarcÍa envers la consommation. Avec le
même plaisir ludique et rageur.
Mais naturellement, au-delà de ces grimaces
d'enfants qui font la nique, il y a des hommes
qui regardent comment le monde autour d'eux
s'abîme. Et de toute leur force, de tout leur
13
ph. J. Antonio Carrera
talent, cherchent à faire entendre leur peine et
leur peur.
Pour se faire entendre, il faut crier fort. Et
même parfois trop. Il faut provoquer, dire et
redire. Raconter, montrer la désarticulation
des corps et de la pensée dans l'apocalypse
d'un tremblement de terre. Alors, reste la réalité virtuelle des images vidéo, démesurées et
grises. Les images d'une Pietá accroupie
comme un mendiant dans une rue passante,
sous un capuchon de rappeur qui cache son
visage. « Elle porte dans ses bras des Christs
Rodrigo García
Né en 1964 à Buenos Aires, Rodrigo García
découvre le théâtre grâce à Yerma, de García
Lorca dans la mise en scène de Victor García.
Argentin lui aussi, portant de Paris à
Barcelone les fulgurances de son génie
indomptable. En 1986, il s'exile à Madrid, où,
en 1989, il fonde la Carnicería Teatro (la
Boucherie Théâtre), avec laquelle il monte
tous ses spectacles. C’est seulement en 1998
qu'il franchit les frontières. D’abord à Genève,
puis à Rennes (Conocer gente, comer mierda
1999), à Caen (Ignorante en 2000) puis en
Grèce, à Delphes, avec After Sun, qui arrive
en France via Rennes, Toulouse, Avignon,
enfin Paris*. À partir de là, en France, ses
textes sont traduits, publiés par « Les
Solitaires intempestifs ». Julie Brochen,
François Berreur, Christian Perton, Matthias
Langhoff entre autres s’y intéressent. En
Argentine, en Espagne, d’autres que lui en ont
déjà monté plusieurs, tandis que lui-même
affronte Thomas Bernhard, Heiner Müller,
Baudelaire… Et continue de se battre contre
la résignation.
* Au Théâtre de la Cité Internationale en co-réalisation avec le Théâtre de la Ville et le Festival
d’Automne à Paris.
ph. T. Jeanne-Vales/Enguerand
ph. A. Dugas/TNB Rennes
14
bien plus importants que Dieu : un ouvrier, une
femme riche, une étudiante, un courtier… »,
écrit Rodrigo GarcÍa.
J’ai acheté
une pelle en solde
pour creuser
ma propre tombe
RODRIGO GARCÍA textes en espagnol surtitrés en français
AU THÉÂTRE DE LA CITÉ INTERNATIONALE
DU 9 AU 20 DÉCEMBRE
texte et mise en scène Rodrigo García
texte français Christilla Vasserot
costumes Mireia Andreu
lumières Carlos Marquerie
vidéo Javier Marquerie
avec Patricia Lamas, Juan Loriente,
Ruben Escamilla, Ana Maria Hidalgo
J'ai acheté une pelle en solde pour creuser ma
propre tombe… On pourrait croire à la funeste
épopée d'un homme au bout du rouleau, qui
n'a même pas de quoi s'offrir un suicide
décent. Mais il s'agit d'une histoire bien plus
inquiétante : il s'agit d'un spectacle de
Rodrigo GarcÍa dont on a pu voir la saison
dernière, invité par le Théâtre de la Ville, After
sun, jeu piégé d'un couple adolescent – ses
acteurs de toujours – et d'un lapin…
Certains ont crié au scandale. Pourquoi pas.
Rodrigo GarcÍa se sert du théâtre pour mettre
en relief les scandales de la société de
consommation auxquels, depuis la fin des
années 60, tous, y compris les gens de
théâtre, se sont (semble-t-il) confortablement
habitués.
Pas lui. Lui, vient d'Argentine, vit en Espagne,
a travaillé dans la publicité : il sait de quoi il
parle. Il en parle, obsessionnellement, et en
particulier dans J'ai acheté une pelle… Plus
encore, il montre. À travers trois personnages,
trois corps qui s'emmêlent et se démènent
dans un maelström d'objets inutiles et de
bouffe – le terme “nourriture" pouvant laisser
croire à une nécessité quelconque.
Ici, il n'est pas question de faim, d'appétit, de
désirs, mais d'une angoisse de manque. Les
aliments s'accumulent, servent à tout et n'importe quoi. L'usage qu'en fait le couple sous
le regard amusé d'un gamin, a failli provoquer
une interdiction. Il ne faudrait pourtant pas
espérer de frissons graveleux. Les créatures
de Rodrigo GarcÍa sont des adultes en mal
d'enfance. Des enfants, ils possèdent la brutalité, et l'innocence. Comme eux, ils aiment
jouer, mettre en jeu leurs rêves. Sans limite.
Sans bienséance.
Les enfants connaissent-ils même la signification de ce mot ? Rodrigo GarcÍa la connaît,
connaît ses comédiens. Il écrit pour eux, leur
donne le matériau qui leur permettra, en toute
conscience, en toute énergie, de mettre à mal
ces limites de bienséance qui endorment les
rêves. Tout se passe dans le décalage qu'entraîne la conscience. Ici, faire venir un
enfant sur scène, lui donner à observer, à
comprendre la réelle violence de l'univers
CITÉ INTERNATIONALE • TARIF C
ph. T. Jeanne-Vales/Enguerand
production La Carniciera Teatro – Ville de
Madrid – INAEM, ministère espagnol de la
Culture.
coréalisation Théâtre de la Ville, Paris –
Festival d'Automne à Paris – Théâtre de la
Cité Internationale.
– moins physique que mentale – devient
« source d'espoir. L'espoir qu'il va changer
tout ça. Pour nous, il est trop tard ».
Un spectacle de Rodrigo GarcÍa ne se raconte pas. Non par crainte de rebuter, mais
pour ne pas en trahir le foisonnement, la force
de vie. Et la poésie. Poésie faite de cette
générosité qui l'éloigne de la mode trash.
Rodrigo GarcÍa n'est ni amer, ni désespéré, ne
se complaît pas dans la noirceur humaine. Il
est en colère et même furieux. Il a beau fanfaronner : « Je fais un théâtre sale, laid », par la
magie de sa poésie justement, sans quitter le
simulacre théâtral, il se joue de la saleté
comme de la laideur.
Il ose parler de ce qui fait peur : la maladie,
l'argent, le sexe, les errements, les erreurs…
Sans haine ni mépris, sans faire la leçon. Au
contraire, avec exaltation et une inébranlable
attente de bonheur. Y compris en allant acheter une pelle pour creuser sa tombe…
Spectacle suffoquant devant lequel on est en
droit de rire comme un gosse dégourdi devant
la naïveté maladroite des adultes.
Rodrigo GarcÍa peut, sans crainte d'être
démenti, affirmer sa volonté d'un théâtre politiquement incorrect.
textes théâtre Colette Godard
15
Angélique Ionatos
Alas pa’volar (Des ailes pour voler) création
DU 14 AU 26 OCTOBRE
textes extraits du journal de Frida Kahlo
adaptation Christine Ferarios
mise en scène Omar Porras
musique Christian Boissel
16
F. Kahlo, ph. X. DR
A. Ionatos, ph. J. Beneich/Alamo
avec Angélique Ionatos chant
Christian Boissel direction musicale, piano
Éric Chaland contrebasse
Ramon Lopez percussions
Michael Nick violons
César Stroscio bandonéon
puis Olivier Gluzman et Gérard Violette se
sont dit qu'il pouvait y avoir là matière subtile
à récital. Le Colombien Omar Porras est entré
en scène, lui qui venait de présenter au
Théâtre de la Ville son merveilleux Ay !
Quixote. Son côté baroque, « ces faits minimaux poétiquement traités » ainsi que le résume Angélique Ionatos elle-même, sa fantaisie, tout l'appelait et c'est lui qui invente l'idéal
univers. Angélique Ionatos connaissait depuis
longtemps Frida Kahlo, son œuvre, son des-
ANGÉLIQUE IONATOS,
LES AILES DE LA COLOMBE
Elle chante les textes de la bouleversante
artiste mexicaine Frida Kahlo en un concert
scénographié par Omar Porras sur des
compositions de Christian Boissel, Des ailes
pour voler.
Un haut front pensif, un regard d'audace
sombre pétillant d'intelligente autorité, une
énergie de tout l'être dans un format de gamine insolente. Se ressembler est affaire de
spiritualité. Y penserait-on si après Marie des
brumes*, Sappho de Mytilène*, Angélique
Ionatos ne célébrait Frida Kahlo ?
Elles ne se ressemblent vraiment que de l'intérieur, par le feu intérieur. Et pourtant,
Angélique Ionatos, exactement comme Salma
Hayek dans le film de Julie Taymor aurait pu,
et de la plus troublante des manières, donner
l'impression que Frida Kahlo surgissait à nouveau, tout armée des combats à venir.
Elle n'a pas voulu de cela. Pas de pâle copie.
Mais l'essence, mais le sens, mais la transfiguration de quelques traits : « Angélique
Ionatos chante Frida Kahlo ». Formule sobre.
« À dire vrai, je n'y pensais pas. Christian
Boissel, qui avait écrit les arrangements de
Sappho de Mytilène, s'était intéressé à elle sur
la suggestion de Christine Ferarios, touchée
par la personnalité et le journal de Frida et sur
des fragments de textes qu'elle avait choisis ;
il avait alors composé. »
De ces chansons, de ce destin, Angélique
Ionatos aurait pu simplement faire un disque,
le beau disque qui accompagne ce projet. Et
LES ABBESSES • TARIF C
tin. « Mais il ne s'agit en rien d'une hagiographie et toute ressemblance sera fortuite »,
tient-elle à préciser au jour lointain où on la
rencontre et alors que le spectacle est comme
une masse vaporeuse à l'horizon, promesse
d'images et d'émotions.
Frida Kahlo, ce nom qui claque comme un
étendard, cette souffrance de jeune fille mutilée dans un accident stupide – un autobus
contre un tramway –, la peinture comme l'expression même, le seul langage qui tienne, la
Révolution, Diego Rivera, l'amour de l'allumette pour le grand ogre, la folie, le sens aigu
de l'injustice qui n'interdit jamais le caprice,
l'Histoire pour vous emporter, les voyages, les
rencontres, les provocations, la quête, l'idéal,
l'espérance qui tue, l'abnégation. Une vie.
Ligotée de souffrance physique, taraudée de
souffrance sentimentale, déchirée de souffrance métaphysique : pulvérisée, Frida,
n'était la peinture.
Et cela se raconte en chansons ? Bien sûr.
« Pourquoi aurais-je besoin de pieds, si j'ai
des ailes pour voler ? » demande-t-elle, et le
titre, le projet, le programme sont là : Alas
pa'volar. Les titres comme un collier de perles
colorées. Paroles Frida Kahlo, musique
Christian Boissel et la couleur particulière du
timbre d'Angélique Ionatos pour ces mots
d'allégresse et d'espérance, de vie, d'amour.
Armelle Héliot
* Deux des huit spectacles d’Angélique Ionatos coproduits par le Théâtre de la Ville depuis 1982.
Omar Porras, ph. M. del Curto
Ch. Boissel et A. Ionatos, ph. T. Dorn
Philippe Meyer
création
L’Endroit du cœur (avec vue sur l'envers)
textes et chansons
sur le thème de l'amour,
de Maurice Scève à Jean Genet
Après Causerie* et Paris la Grande** il propose L'Endroit du cœur, récital-spectacle
consacré à l'amour en textes et en chansons.
« Le but de la peinture est la délectation,
disait Poussin ; eh bien, si j'avais une ambition
ce serait d'utiliser toutes mes capacités pour
faire déguster au public toute la palette des
émotions et le conduire à se reconnaître dans
mes choix, à se dire : Tiens, je l'aurais fait
ainsi », explique, souriant, Philippe Meyer lorsqu'à des mois des premières représentations
de son nouveau spectacle, il tente d'en circonscrire les lignes de force.
Après Causerie et Paris la Grande, cet homme
inclassable, à la vertigineuse érudition, s'engage dans une nouvelle aventure, un nouveau
spectacle qu'il intitule L'Endroit du cœur ajoutant, malicieux, « avec vue sur l'envers ».
Derrière ce joli titre, un de ces bijoux dont il a
le secret sur le thème de l'amour. Des chansons, des textes et ce liant subtil qui est sa
présence même, cette légèreté apparente qui
cache des trésors de savoirs très divers et
offerts. « Même lorsque je construis une émission pour la radio, je la conçois comme un
spectacle », note celui qui a toujours conservé quelque chose d'un gamin intrépide.
L'homme qui peut être rosse – cela fait partie
de son charme – et s'est composé plusieurs
vies sans se disperser, est exactement le
même, qu'il enseigne à Sciences Po ou qu'il
se produise sur un plateau, qu'il se balade à
vélo, qu'il rédige un article, donne une conférence, analyse un tableau, écrive un essai.
Profession, Philippe Meyer ? Homme de
plume, sans aucun doute. Ce qui lui est
consubstantiel, c'est l'encre.
Pour L'Endroit du cœur, il a pensé à ce que
les Italiens nomment l'inamoramento, ce sentiment d'amour qui trouble et aiguise les sens,
qui oxygène tout l'être, corps et pensée. Il a
lu, relu, textes, poèmes, il est allé en biblioLES ABBESSES • TARIF C
P. Meyer, ph. P. Matfas/Opale
DU 25 AU 29 NOV. ET DU 9 AU 11 DÉC.
scénographie et mise en scène
Philippe Meyer
piano et arrangements musicaux
Jean-Pierre Gesbert
thèque, il a écouté des disques, il a rêvé. « Je
me suis fixé la même règle que pour Paris la
Grande : pas d'époque. Je dirais que cela
peut aller de Maurice Scève à Jean Genet. Je
ne veux me priver de rien… Je taille dans la
profusion ! », glisse-t-il, souriant derrière ses
lunettes d'intellectuel qui a usé ses yeux sur
bien des grimoires. Un récital que l'on élabore, c'est comme une toile qui ne prend son
sens que progressivement, à petites touches.
Un jeu de construction spirituel qui exige la
patience des architectes en allumettes et la
vision des bâtisseurs de l'éternel. « Mais un
jeu, d'abord », souligne-t-il. Un jeu de plaisir et
du partage. « Il y aura des parties chantées,
des textes. Mais je ne veux pas devenir chanteur, je suis un diseur qui aime raconter des
histoires… »
Il retrouve Jean-Pierre Gesbert, pianiste et
magicien des arrangements qui l'accompagne pas à pas. « Mon vieux complice,
glisse-t-il, fraternel, m'aide à donner peu à
peu forme au magma initial. Il faut que rien ne
se répète, que tout se déploie de la manière la
plus fluide possible. »
Armelle Héliot
* Au Théâtre des Abbesses, novembre 1998.
** Au Théâtre des Abbesses, mars-avril 2001, coproduction du Théâtre de la Ville.
17
Romancero gitano
musique et mise en scène Vicente Pradal
assistante Maryse Bergonzat
scénographie et costumes Isidre Prunes
lumières Dominique You
son Nicolas Jobet
Luis de Almería chant
Cristo Cortes chant
Concha Távora chant
Vicente Pradal chant
Sabrina Romero danse
Manuel Gutierrez danse
Antonio Cortes guitare
Emmanuel Joussemet violoncelle
Jean-Luc Amestoy accordéon
Laurent Paris percussions
avec la collaboration de Michel Rostain
18
Personne ne sait où repose le corps de
Federico García Lorca, assassiné en 1936 par
les soldats franquistes. À Grenade, ses livres
furent ensuite brûlés sur la place publique.
Mais le poème survit aux assassinats et aux
autodafés. Les quinze tableaux du
Romancero gitano, écrits par García Lorca
entre 1924 et 1927, composent l’une de ses
œuvres majeures. Chant d’une beauté éperdue, qui puise dans la douleur des persécutions un lyrisme enflammé, le Romancero,
disait Lorca, « est le poème de l’Andalousie et
je l’appelle "gitan" car le gitan est ce qu’il y a
de plus élevé, de plus profond, de plus aristocratique dans mon pays, de plus représentatif
dans ses usages, celui qui garde la braise, le
sang et l’alphabet de la vérité andalouse et
universelle * ».
Dans sa traduction d’un vers de la Bible, Henri
Meschonnic a ciselé cette magnifique formule : « Le chant est qui chante ». Il y a, dans
la poésie de García Lorca, cette même incantation lancinante et poignante, qui s’enroule
dans une cape nocturne (« Cuando llegaba la
noche/noche que noche nochera ») et prend
la lune à témoin. Nuit des temps où le chant
s’élève et propage son mystère dans la caverne des voix, pourvu que coule un peu de
vin et le filet d’une guitare. Depuis La Nuit obscure, en 1994, sa première création sur des
poèmes du mystique espagnol Jean de la
Croix, le compositeur Vicente Pradal s’est
donné comme ligne de cœur ce qu’il nomme
des "tragédies musicales", où le poème ensemence et fertilise l’agora du théâtre. De
Federico García Lorca, avec la complicité du
metteur en scène Michel Rostain, il a déjà mis
LES ABBESSES • TARIF C
Jean-Marc Adolphe
* Conférence de Federico García Lorca sur le
Romancero gitano, 1926, traduction Vicente Pradal.
Sidi Larbi Cherkaoui, ph. L. Philippe
DU 10 AU 21 FÉVRIER
Poèmes de Federico García Lorca
en musique, en 1996, le Llanto por Ignacio
Sánchez Mejías. Enfant de l’exil, issu d’une
famille qui fut proche de García Lorca (son
arrière-grand-père fut même son instituteur à
Fuente Vaqueros, près de Grenade), le
Romancero gitano donne aujourd’hui à
Vicente Pradal l’occasion de réactiver sa
mémoire intime comme sa propre culture flamenca. Formé par le grand guitariste Pepe
Habichuela, il a participé à de nombreux
concerts aux côtés d’artistes de premier plan
tels que Juan Varea, Rafael Romero, Carmen
Linares ou Enrique Morente.
Quatre chanteurs, accompagnés par quatre
instrumentistes et deux jeunes danseurs de
flamenco, porteront la poésie de García Lorca
de son terreau andalou à une dimension universelle et contemporaine. Car le cri de révolte « contre la barbarie subie par les gitans
andalous est aussi et surtout, un pamphlet
contre toutes les barbaries, tous les
pogroms ». Le village gitan mis à sac par la
garde civile, que García Lorca évoque dans le
quinzième et ultime poème du Romancero,
aura ainsi valeur métaphorique pour tous les
ghettos, d’aujourd’hui et de demain. Et si la
composition musicale de Vicente Pradal puise
dans des citations de musique populaire,
andalouse, comme dans le rythme entêtant de
l’antique Seguiriya gitane, la guitare flamenca
dialoguera aussi avec les sonorités "décalées"
d’un accordéon et d’un violoncelle. Car la
« peine andalouse » que chante Lorca ne saurait être confinée dans un folklore pittoresque.
Elle est, disait le poète, le seul personnage du
Romancero, « la Peine qui s’infiltre dans la
moelle des os, dans la sève des arbres et qui
n’a rien à voir avec la mélancolie ou la nostalgie ni avec aucune affliction ou maladie de
l’âme, qui est un sentiment plus céleste que
terrestre : la Peine andalouse qui est une lutte
de l’intelligence amoureuse avec le mystère
qui l’entoure sans pouvoir la comprendre* ».
F. García Lorca, © Fondation F. García Lorca
V. Pradal, ph. B. Conte
FEDERICO GARCÍA LORCA
VICENTE PRADAL
danse
L. Childs, ph. J.-L. Tanghe
DANSE AU
THEATRE
DE LA
VILLE
THEATRE DE LA VILLE • TARIF B
DU 15 AU 19 OCTOBRE
Lucinda Childs
Balletdel'Opéra
nationalduRhin
Underwater
solo dansé par Lucinda Childs
extrait de White Raven, opéra en 5 actes
de Robert Wilson et Philip Glass
lumières Robert Wilson et Heinrich Brunke
17 danseurs
L. Childs, ph. S. Berger
musique Philip Glass
décor et film Sol LeWitt
avec le Festival d’Automne à Paris
20
Du pouvoir sensuel et émotionnel du minimalisme, la chorégraphe américaine Lucinda
Childs, étoile de la postmodern dance, a
mesuré les nuances les plus secrètes à travers une écriture répétitive éprise de mouvement perpétuel. Cette esthétique paradoxale
se déploie sur un tracé géométrique rigoureux
que les mouvements des danseurs enguirlandent de pas courus, de sauts, de tours. Il y
a du vent dans les tee-shirts sur le fil de cette
ligne de vertige soigneusement tendue que
les danseurs arpentent sans jamais céder à
l’ivresse. C’est toute la singularité de Lucinda
Childs, cette inflammation du geste qui reste
toujours strictement élégant.
Détachement ne se confond heureusement
pas avec froideur, tant s’en faut. Fleuron de
l’œuvre de la chorégraphe, Dance* conçu en
1979 en collaboration avec le plasticien Sol
LeWitt, signe un pacte spectaculaire inoubliable entre les vertigineuses circonvolutions
de Lucinda Childs et les boucles musicales
de Philip Glass. Trois ans après Einstein on
the beach de Bob Wilson, la chorégraphe y
découvrait le bonheur de dialoguer avec la
musique et raffinait une mathématique de la
danse qui allait devenir sa signature. Un
noyau de pas très simples multiplié avec d’infimes décalages et variations rythmiques
constitue les trajectoires de cette danse cosmique qui dialogue avec les images des danseurs originels projetés sur un écran de tulle.
Ce sont ceux du Ballet du Rhin, avec lesquels
la chorégraphe collabore régulièrement, qui
nous offrent le bonheur de revoir cette pièce
historique. Et à la demande expresse du
Théâtre de la Ville, Lucinda Childs sera présente en personne dans Underwater, solo
extrait du spectacle White Raven de Bob
Wilson sur une musique de… Philip Glass.
Rosita Boisseau
* Dance fut présenté en 1983 au Théâtre de la Ville.
La version intégrale avec film le fut en 1991.
Ndlr : De 1983 à 2000, Lucinda Childs a été invitée 5
fois au Théâtre de la Ville.
DV8, ph. Uri Omi
Dance
refusés" où l’on croise deux danseurs classiques qui n’ont pu faire carrière parce que
leurs corps n’étaient pas "aux normes", un
homme obèse, une junkie, une espiègle retraitée, et l’extraordinaire David Toole, hommetronc et néanmoins danseur d’exception. En
une suite de saynètes qui flirtent avec le mauvais goût, mais toujours avec tendresse, Lloyd
Newson mène à grand train la cavalcade de
l’ironie.
Jean-Marc Adolphe
J. Nadj et J. Babilée, photos M. del Curto
DV8, ph. M. Rayner
* le Théâtre de la Ville en a coproduit deux :
- Bound to please, juin 1996 ;
- The happiest day in my life, juin 1999.
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
DU 24 AU 30 OCTOBRE
DV8 Physical
Theatre
Lloyd Newson
The Cost of living 15 danseurs
avec le Festival d’Automne à Paris
Parce qu’il se refusait à considérer la danse
comme une variante de l’arrangement floral,
Lloyd Newson s’est mis à cultiver les herbes
folles, les plantes épineuses, coriaces, vénéneuses. Son jardin à lui n’est pas conçu pour
y faire d’agréables promenades ; la nature
humaine est autrement plus complexe, âpre,
insolente. Venu d’Australie, il a posé son exubérance à Londres où, entre études de psychologie et école de danse, il a définitivement
décidé de n’en faire qu’à sa tête, hors des
voies toutes tracées. Avec Dead Dreams of
Monochrome Men, en 1988, il clame son
homosexualité sans faire dans la dentelle. La
danse est crue, carnassière, outrageuse. Le
nom de sa compagnie, DV8, se prononce
« deviate ». L’intention, au moins, est affichée.
Lloyd Newson ne s’en départira pas, cultivant
la veine d’un "théâtre physique" qui « raconte
des histoires spécifiques, extrêmes, pour illustrer certaines conditions de notre société ». Il
n’y a dans cette posture aucun dandysme,
mais une sensibilité écorchée qui ne se satisfait pas des effets de mode. Et chaque création* de Lloyd Newson résulte de plusieurs
mois de répétitions intensives qui engagent
les interprètes dans une véritable aventure
collective. En guerre contre l’ère du "tout est
marchandise", le chorégraphe accorde aux
êtres vivants une valeur absolue. Tel est le leitmotiv de The Cost of living, alternativement
titré « Can we aford this ? » (Est-ce qu’on peut
se le permettre ?), une pièce pour 17 danseurs-acteurs, créée à l’occasion de l’Olympic
Arts Festival de Sydney en 2000. « Pris entre
ce que nous sommes et ce que nous pensons
devoir être, nous nous camouflons dans le
conformisme, nous nous dissimulons derrière
des masques, sourions, simulons, et ainsi
nous pouvons être invités au bal. Mais que se
passe-t-il pour ceux qui ne peuvent faire semblant ? », questionne Lloyd Newson. Avec un
humour ravageur et une poésie sans concession, il brasse morphologies et caractères
dans un éloge de la différence en forme de
cabaret symphonique. Un véritable "salon des
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
DU 4 AU 15 NOVEMBRE
CRÉATION
Josef Nadj
Il n’y a plus de firmament
7 interprètes
Comment naît un spectacle ? À en croire Josef
Nadj, il s’agit d’une succession de rencontres.
D’une promenade toute simple où l’on croise,
comme par hasard, des figures extraordinaires. Le chorégraphe, conteur aux multiples
facettes, plasticien, danseur, homme de
théâtre, n’a besoin que de quelques gestes,
semble-t-il, pour effacer les frontières entre
l’art et la vie. Et peu de mots lui sont nécessaires pour nous faire entrer dans le monde
de sa nouvelle création, Il n’y a plus de firmament. Tout débute par une conjonction de
signes apparus bien en amont de la pièce.
Une visite au peintre Balthus, une conversation autour d’un artiste, Antonin Artaud, dont le
chorégraphe relit à l’envers les œuvres
complètes. S’y ajoute une phrase, léguée par
le peintre avant sa mort : « Josef, n’oublie pas
mon ami Artaud ».
Josef Nadj raconte encore des histoires
étranges où se superposent l’homme et le
cheval, la photographie et les espèces humaine et animale. À New York, il croise une
autre étoile, de la danse cette fois, un jeune
homme-oiseau de 80 ans, Jean Babilée.
Nouvelle conversation à propos du peintre et
de son œuvre, le jour même de sa disparition.
Alors le chorégraphe reprend son ouvrage et
tisse d’énigmatiques fils entre les tableaux de
Balthus et la poésie d’Artaud.
« Depuis ce moment, dit-il, je revisite Rilke,
Tsoeing-Tseu, le Japon, l’Italie, l’Irlande. Je
relie ces espaces comme une araignée, je
tisse un labyrinthe dans lequel naît le spectacle ». Le chorégraphe officie avec une
compagnie éclectique réunie autour de Jean
Babilée, le célèbre créateur du Jeune homme
et la Mort, chorégraphié par Roland Petit en
1946 d’après le livret de Jean Cocteau. Il est
accompagné d’une jeune interprète chinoise
Jing Li, de l’acteur et metteur en scène Yoshi
Oïda, et d’artistes venus des arts de la piste,
comédiens, jongleurs et acrobates. Jeu mas-
21
qué où dansent les ombres des figures tutélaires avec lesquelles Josef Nadj poursuit ses
correspondances. Pièces maîtresses qui
forment au fil du temps un recueil singulier de
mémoires lunaires ou d’outre-tombe. Il n’y a
plus de firmament, évoque les voyages, mais
n’échappe pas à cette loi : la poursuite sans
trêve d’un rêve halluciné dont les formes circulent entre théâtre et arts plastiques, enchâssent propos philosophiques et poésie.
Esquisses, journaux de voyage, créations et
rencontres dessinent peu à peu un parcours
entièrement voué à l’évocation d’un mystère :
le corps poétique et son langage.
Irène Filiberti
F. Verret, ph. Q. Bertoux
THEATRE DE LA VILLE • TARIF C
25, 26, 28, 29 NOVEMBRE
DU 18 AU 22 NOVEMBRE
IN SITU PRODUCTIONS ET LE KWATT
CRÉATION
François Verret
COMPAGNIE FRANÇOIS VERRET
Chantier Musil
CRÉATION
Xavier Le Roy
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
22
Le Théâtre de la Ville a coproduit et présenté 4 spectacles de François Verret depuis 1992.
X. Le Roy, ph. D. Rüchel
Le Théâtre de la Ville a présenté Canard pékinois en
novembre 1987, et a coproduit 12 spectacles de
Josef Nadj depuis 1988.
compagnie. Les artistes sont ici des acteurs
aux pratiques différentes. Scénographe, plasticien, graphiste, acrobate, compositeur,
éclairagiste privilégient des modes d’expression qui ont de la patine et, en pleine ère digitale, inventent leurs propres outils : les tables
à rouleaux où courent les pans de paysages
déployés de Zouzou Leyens ; les dessins sur
rhodoïd de Vincent Fortemps réfléchis sur
plaque de verre et filmés. De l’espace-fil aux
figures-mannequins, une seule logique, le flux
de l’invention portée par le souffle d’une écriture de la sensation. Amples pulsations rythmiques, intervalles de silence et dissonances
nourrissent cet art du récit. Un paysage mental éclairé de présences et d’intensités. I.F.
6 interprètes
ÉLOGE DE L’INSTABLE
Laboratoire, mémento, chantier, chez
François Verret, tout part de l’espace et d’une
réflexion sur la perception du réel : interroger
le monde dans lequel nous vivons. Processus
de travail ouvert, Chantier Musil, sa dernière
création, est guidé par une lecture de
L’Homme sans qualités de Robert Musil. À
partir du grand œuvre inachevé de l’écrivain
autrichien, le chorégraphe ajuste sa propre
traversée dans le roman à la façon d’un repérage: « C’est une suite d’écritures fragmentaires, de visions, de tableaux. Il faut qu’il
y ait le temps, que s’installe une durée pour
que la mobilité du mouvement qui interroge le
réel opère chez le spectateur. Et chaque
vision est un fragment d’un tout, lui-même
insaisissable ».
La ville comme environnement, le regard
changeant des pensées et des souvenirs du
personnage central, Ulrich – dont le discours
tend à relativiser avec ironie, le point de vue
du récit précédent –, se croisent sur le plateau
où différents langages artistiques multiplient
encore les points de vue. Chantier Musil est
un espace en mouvement qui n’en finit pas de
se construire et de se reconstruire. À partir de
l’image et du travail du regard.
Comme à son habitude, pour cette récente
création, François Verret expérimente en
Projet
19 chorégraphes-danseurs
LES JEUX SONT-ILS FAITS ?
Xavier Le Roy ne cherche pas à livrer les
secrets de l’influence du système de production sur le travail artistique. Mais si le danseur
et chorégraphe français installé à Berlin s’est
lancé dans une création de grande dimension
intitulée Projet, c’est tout de même en y réfléchissant longuement. Aussi cette nouvelle
pièce, répondant au nom de Projet – terme
incontournable pour qui cherche à s’investir –
est-elle la mise à l’épreuve d’un concept signé
Xavier Le Roy dans un espace théâtral. La
chorégraphie n’est plus le fait d’un seul chorégraphe mais de 19 artistes de tous pays,
réunis sur le plateau. Autrement dit, si depuis
les années 80, en Europe, le mot "danseur" a
peu à peu été remplacé par celui d’interprète
dans le vocabulaire de la danse contemporaine, il disparaît complètement avec cette
nouvelle redistribution des rôles. Peut-on
interroger à ce point la définition d’un statut,
les pratiques d’un système et l’élaboration de
son langage ? Le tout à travers une représentation et sa réception par le public ? Xavier Le
Roy, coordinateur subtil, expert en maniements de concepts, n’en est plus à sa première expérimentation. Parmi ses différentes
pièces, souvent réalisées en solo, figure SelfUnfinished (créé en 1998 et présenté au
Théâtre de la Ville en 2000). Mémorable proposition révélant un corps aux configurations
étranges tour à tour mécanique, animal,
dédoublé. Une réflexion entre phénomènes
optiques et métamorphoses corporelles dont
le caractère ludique et inquiétant s’approchait
THEATRE DE LA VILLE • TARIF B
DU 2 AU 7 DÉCEMBRE
CRÉATION
Merce
Cunningham
MERCE CUNNINGHAM DANCE COMPANY
Fluid Canvas (2002) 15 danseurs
création en France
M. Cunningham, ph. T. Dougherty
du conte et des jeux d’enfants. Après une
série de pièces singulières structurées pour la
plupart sous forme d’autoportraits, Xavier Le
Roy, par ailleurs docteur en biologie moléculaire, s’est intéressé aux possibles déploiements de sa recherche. Aussi s’est-il fait l’instigateur, avec d’autres collaborateurs artistiques (Jérôme Bel complice de ses jeux de
langages et d’interprétation ; Laurent
Goldring, plasticien dont les chantiers ouverts
invitent différents artistes à interroger l’image,
l’espace et le corps), d’événements où se rencontrent artistes et scientifiques. Une de ces
initiatives commencée en 1999 était baptisée
E.X.T.E.N.S.I.O.N.S.. Les questions surgies
lors des différentes sessions de ce travail ont
mené Xavier Le Roy à ce nouveau dispositif.
Dans la blancheur électrique des lumières,
Projet travaille entre fiction et réalité. Un thème
central traverse la représentation. Qu’est-ce
que le jeu ? Le français ne possède pas la
subtile distinction de la langue anglaise entre
play et game. À l’œuvre sur le plateau. De la
présence de l’acteur à d’autres notions plus
complexes. Une multitude de jeux et de possibilités : entre l’écriture et l’improvisation, l’implication et la distance, le langage et ses
matières. Un nouveau travail « sur la construction de nos subjectivités et son rapport aux
I.F.
règles sociales ».
Canvas*, créée en 2002 lors du festival Dance
Umbrella de Londres, et que le Théâtre de la
Ville présentera pour la première fois en
France, parallèlement à une nouvelle création.
Sur l’écran noir d’un espace infini, comme surgies d’étourdissantes ténèbres, des traces
lumineuses zèbrent l’opacité, spermatozoïdes
galactiques venant féconder dans le corps
même de la danse quelque énergie stellaire.
Depuis plusieurs années, Merce Cunningham
a adopté le logiciel informatique Lifeforms (un
nom sur mesure !). Il s’en sert comme d’un
pinceau virtuel pour démultiplier en trois
dimensions une pensée du mouvement dont
la vivacité excède toutes les clôtures, genèse
en permanente formation.
J.-M. A.
* Fluid Canvas sera la 18e création en France du chorégraphe au Théâtre de la Ville depuis 1972.
création 2003
À chaque fois, jubilation recommencée.
Voudrait-on ranger Merce Cunningham une
fois pour toutes dans les étagères de la
mémoire, le figer dans cette histoire de la
danse qu’il a bousculée, donnant corps aux
nombreux préceptes qui ont ensemencé la
danse contemporaine pendant cinquante
ans ? Peine perdue. À 80 ans passés, le voici
toujours aussi pétillant, insatiable chercheur,
savant et empiriste, comme mu par une curiosité jamais rassasiée pour tous les tropismes
du mouvement dansé. L’espace flambe des
comètes qu’il y injecte, en artisan des constellations qui condense dans le moindre tracé
l’infinie complexité du vivant. Poète de l’univers en son instabilité dynamique,
Cunningham défait la pesanteur terrestre en
piégeant la gravitation des corps, les projetant
en d’insaisissables hiéroglyphes. On pourrait
voir le corps cunninghamien comme une
marionnette dont un dieu facétieux tirerait les
fils avec une dextérité enjouée. Mais ce dieu
marionnettiste n’existe pas. Pas d’autorité
supérieure : le miracle de la vie se suffit à luimême, comme un fluide sur lequel aucune
instance ne peut légiférer. « Je pense à la
danse comme à une constante transformation
de la vie même », confia un jour Merce
Cunningham. Paradoxe d’une architecture du
mouvement qui est, en elle-même, essence
mobile, comme le suggère le titre de l’une des
dernières pièces du chorégraphe, Fluid
A. Preljocaj, ph. Ch. Robin
avec le Festival d’Automne à Paris
THEATRE DE LA VILLE • TARIF B
DU 10 AU 23 DÉCEMBRE
CRÉATION
Angelin Preljocaj
BALLET PRELJOCAJ CCN
Near Life Experience
9 danseurs
musique et interprétation sur scène Air
(Jean-Benoît Dunckel, Nicolas Godin)
Il l’affirme sur un ton dont la conviction laisse
percer un émerveillement toujours incrédule :
le corps dansant peut tout dire et en particulier les sensations les plus secrètes, celles
que les mots échouent à cerner. Depuis près
de vingt ans, le chorégraphe Angelin Preljocaj
n’a cessé de fouiller des états physiques hautement insaisissables : la sainteté à travers le
personnage de Jeanne d’Arc dans Hallali
23
Romée (1987), le désir pour Liqueurs de chair
(1988) puis Le Parc (1994), la souffrance dans
MC 14/22 (2001), l’effroi du sexe dans Le
Sacre du printemps (2001). Cette poétique du
corps, conduite dans une écriture souple et
coupante comme une liane, avec ses sauts
serrés mais aussi ses suspensions cotonneuses, le chorégraphe sait la chauffer jusqu’à l’incandescence avec un instinct très sûr.
Dans sa nouvelle pièce intitulée Near Life
Experience, il met en scène ces zones intermédiaires à la limite de la conscience, voire
carrément de l’ordre de l’inconscience, que
sont l’évanouissement, l’extase, l’hystérie, l’orgasme, la transe… « Il s’agit d’évoquer ce
corps exceptionnel qui s’échappe, sort de ses
gonds pour pénétrer dans une dimension de
la vie totalement extraordinaire, explique
Angelin Preljocaj. C’est une sorte de tentative
de soustraction au temps et à l’espace, une
éclipse du moi à travers laquelle je cherche
une nouvelle écriture en creux du corps. » La
musique électro-pop suave du groupe Air
(Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel) soutient cette quête affolante d’un homme qui,
une fois encore, jette la danse dans la bataille
et la défie d’en sortir victorieuse.
R. B.
Ndlr : De 1972 à 1998, le Théâtre de la Ville a invité 8
fois le Ballet Culberg et a présenté 21 des 26 chorégraphies de Mats Ek dont : Solo for two en 1996 ;
Giselle en 1984 et 1986 ; Carmen en 1992 ; Le Lac
des cygnes en 1987 et 1990 ; La Maison de
Bernarda en 1984, 1992 et 1996.
Mats Ek, ph. P. Gely/Bernand
Air, ph. J. Teller
Ndlr : Le Théâtre de la Ville invite Angelin Preljocaj
pour la 11e fois. Il a présenté 13 de ses spectacles
dont 9 coproductions. Hallali Romée fut présenté en
1987, Liqueurs de chair en 1989 et 1990, et Le Sacre
du printemps, en 2001.
le vocabulaire classique dont on dirait qu’il lui
a tordu les pieds, cassé les reins et écartelé
les jambes, Mats Ek taille dans le vif une gestuelle expressive, piquée d’accents triviaux,
qui semble toujours au bord d’un danger, du
geste en trop. C’est dire la force d’impact de
ses spectacles basés par ailleurs sur des scénarios qui, explicites ou non, se révèlent souvent anxiogènes. Soit qu’il puise dans le
répertoire classique (Giselle, Carmen…) dont
il opère des relectures d’une redoutable acuité, soit qu’il libère ses fantasmes dans des
pièces plus abstraites, ce chorégraphe ne
recule devant aucun excès pour évoquer
l’obscur destin humain. « Le grotesque est ma
représentation de la beauté » se plaît-il à dire.
Quant à l’amour, il le place sous l’égide de l’incompréhension, de la cruauté et de la mort,
que le sexe permet un temps d’oublier. Solo
for two (reprise scénique d’un film conçu pour
Sylvie Guillem et Niklas Ek, frère du chorégraphe, dont le titre dit bien la solitude à deux
du couple), l’une des deux pièces présentées
par le Ballet de l’Opéra de Lyon, concentre
l’essence de sa vision du couple, solitude à
deux, entre tragique et merveilleux. Pièce
pour douze danseurs, Fluke sur une musique
du groupe Fläskkvartetten, entrechoque la
solitude des uns contre la puissance des
autres en groupe. Un match serré comme un
poing, comme la danse de Mats Ek.
R. B.
THEATRE DE LA VILLE • TARIF B
DU 3 AU 7 FÉVRIER
Mats Ek
Ballet de l’Opéra
nationaldeLyon
24
Ils se comptent sur les doigts d’une seule
main, ceux qui ont sculpté une écriture chorégraphique tellement spécifique qu’on l’identifie d’entrée de jeu. Le Suédois Mats Ek fait
partie de ceux-là. Sa danse possède non seulement une ossature singulière mais aussi la
densité charnelle qui va avec, plus serrée que
la moyenne et non moins rare. Arc-bouté sur
R. Chopinot, ph. M. Olmeta
Solo for two 2 danseurs
Fluke 12 danseurs
CRÉATION
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
CRÉATION
A. Nikolais, ph. C. Masson/Enguerand
Régine Chopinot
BALLET ATLANTIQUE - RÉGINE CHOPINOT
W.H.A. (Warning Hazardous Area)
9 danseurs
Depuis dix ans, ils ne s’étaient pas vraiment
revus. En venant voir Chair-obscur * au
Théâtre de la Ville, Jean-Paul Gaultier a glissé
ce compliment à Régine Chopinot : « Tu ne
t’es pas assagie ». Du coup, le styliste et la
chorégraphe vont retravailler ensemble sur la
prochaine création de W.H.A. (Warning
Hazardous Area). Le duo Chopinot-Gaultier a
marqué de son double sceau tout un pan de
la danse des années 80, intrépide, effrontée
mais ludique, euphorisante et affranchie. Tout
fut permis : un mémorable Défilé de créatures
hybrides, des danseurs harnachés dans les
airs de Rossignol *, une scène transformée en
ring de boxe pour K.O.K… Depuis, c’est vrai,
Chopinot ne s’est pas assagie, mais l’époque
a changé. Plus sombre, plus incertaine, moins
utopique. Désormais installée à La Rochelle,
la chorégraphe du Ballet Atlantique a su ne
pas se reposer sur ses lauriers. Tout au
contraire, elle a sarclé les fondements de sa
danse, préparé l’humus de nouvelles énergies : Végétal *, Paroles du feu *, La Danse du
temps *, ont pris à contre-pied ceux qui ne
voyaient en Chopinot que le goût de la mode.
Au risque d’être incomprise, elle signe avec
Chair-obscur une sorte de danse macabre,
suffocante et vertigineuse ; et tout récemment
avec Alain Buffard, met à nu sa folle liberté
d’être. « Je ne suis pas dans le concept, je
suis dans l’artisanat du corps », affirme celle
qui n’en a heureusement pas fini de se délester des contraintes et du « confort de la certitude » à l’encontre desquels la danse oppose
obstinément une quête de sens. W.H.A. expose une nouvelle zone de turbulences entre
l’accumulation des entraves et le sentiment de
liberté qui peut naître d’une volonté suspendue. Aux danseurs du Ballet Atlantique se
joignent deux performers sud-africains et
deux interprètes vietnamiens ; corps et langages assemblés, jusque dans un travail de
voix qui devrait prendre la forme d’un chant
onomatopéique, pour se laisser aller à la seule
subversion de "l’idiotie". Ultime espace de
provocation laissé aux libres artistes ?
J.-M. A.
* 5 des 9 spectacles de Régine Chopinot coproduits
par le Théâtre de la Ville depuis 1984.
THEATRE DE LA VILLE • TARIF B
DU 24 AU 28 FÉVRIER
Alwin Nikolais
RIRIE WOODBURY DANCE COMPANY
direction artistique Murray Louis
extraits de : Crucible (1985), Lythic (1956),
Blank on Blank (1987), Liturgies (1983),
Noumenon (1953), Mechanical Organ
(1982), Tensile Involvement (1955)
En cinquante ans de danse et 130 ballets,
l’Américain Alwin Nikolais (1910-1993) n’a
jamais démérité de son surnom de Nik l’enchanteur, façonnant avec une inventivité gourmande mille et un stratagèmes visuels pour
métamorphoser la scène en un vivant kaléidoscope. Danse, costumes, accessoires,
lumières, projections, musique, cet artisan et
artiste d’un théâtre total aussi inclassable que
lui, fabriquait tout, rêveur actif de cette féerie
de l’étrange où les corps deviennent les supports vibrants d’images toutes plus hallucinantes les unes que les autres. Mais au-delà
de cette apparence de flamboyant mirage
optique, c’est une vision du danseur manipulé, partie interchangeable d’un grand tout en
mouvement, que propose cet ex-marionnettiste qui aimait parler de l’homme « comme
compagnon voyageur dans le mécanisme
universel, plutôt que comme le dieu source de
toute chose. » Fragmentée, sa gestuelle additionne les postures drolatiques et raconte le
choix d’une danse décalée, un brin ironique et
totalement libérée du joug de la beauté classique. Le programme établi par Murray Louis,
son interprète et compagnon, témoigne de
l’amplitude de son invention. Depuis
Noumenon (1953) dans laquelle les interprètes sculptent le mouvement à l’intérieur de
tissus extensibles jusqu’à Blank on Blank
(1987), œuvre de danse pure en passant par
Tensile Involvement (1955) piège d’élastiques, ce panorama unique raconte l’affirmation têtue d’un artiste soucieux de repeindre
l’univers aux couleurs de l’illusion.
R. B.
Ndlr : De 1971 à 1992 le Théâtre de la Ville a invité 8
fois Alwin Nikolais et présenté plus de 30 pièces
dont toutes celles du programme sauf Lythic.
A. Nikolais, ph.L. Philippe
DU 10 AU 14 FÉVRIER
25
A. T. De Keersmaeker, ph.H. Sorgeloos
M. Chouinard, ph.L. Labat
l’impatience qu’il y aurait à violer la croûte terrestre, à laisser venir dans le corps la sève
volcanique du dessous. La danse de Marie
Chouinard est au diapason de cette griffure
nerveuse des surfaces, à l’écoute des énergies enfouies qu’elle amène à fleur de peau.
J.-M. A.
THEATRE DE LA VILLE • TARIF B
DU 5 AU 9 AVRIL 1er PROG.
Anne Teresa De
Keersmaeker
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
DU 2 AU 6 MARS
Marie
Chouinard
Étude # 1
ROSAS
Bitches Brew - Tacoma
Narrows 13 danseurs
REPRISE
solo dansé par Lucie Mongrain
Chorale 10 danseurs
26
CRÉATION
CRÉATION
Au commencement était la Danse… Pour
Marie Chouinard, il est clair que l’humanité ne
s’origine pas dans un Verbe divin, mais dans
un magma de forces terrestres, cosmiques et
organiques, dont le corps dansant peut
retrouver l’écho. Ce pré-langage fiévreux, la
chorégraphe canadienne en a fait la source
brûlante de ses créations depuis vingt-cinq
ans. La forge de ses premiers solos a façonné
un travail de compagnie que l’on a pu découvrir l’an passé au Théâtre de la Ville avec Les
24 Préludes de Chopin et le cataclysmique Cri
du monde. La "chorégraphie" est ici la ligne
de tension qui tient le champ magnétique des
énergies non domestiquées. De ces « pulsions irrésistibles qui étirent les corps et les
désaxent », Marie Chouinard fait naître un
unisson qui chante le mystère infini d’une
grande fête païenne. Chorale, sa prochaine
création, part en quête de ces "apothéoses"
où l’informe et le difforme, l’étrange et l’inquiétant, mènent une sarabande commune. La
danse, soutenue par une composition électroacoustique de Louis Dufort, se propagera
dans le souffle d’un chœur, singulièrement
composé de « voix haletées, scandées,
gloussées, hurlées, ululées ».
En prélude au déferlement de cette Chorale,
Marie Chouinard offrira à nouveau le magnifique Étude # 1, solo composé pour Lucie
Mongrain, dans lequel la danseuse racle le sol
métallique de ses semelles ferrées, désignant
musique Miles Davis
Anne Teresa De Keersmaeker, chorégraphe
de l’infiniment multiple. Fase et Rosas danst
Rosas – voici maintenant plus de vingt ans –,
contenaient déjà le noyau d’une danse
incroyablement vivante qui touche au cœur
même de l’activité humaine, en ses patients
recommencements, ses montées de sève,
ses imprévisibles engendrements. Entre
structure et émotion, Anne Teresa De
Keersmaeker n’a cessé d’explorer de nouvelles lignes de flux, chaque création venant
relancer le jeu dynamique des formes, dont
les "corps conducteurs" du mouvement sont
venus chaque fois fêter la jouissive
expérience.
« Ce qui est fini n’est jamais achevé », écrit
Paul Valéry. Jamais le mystère du vivant ne
s’épuise. La chorégraphe de Rosas a fouillé,
inlassablement, les structures musicales – de
Bartók à Monteverdi, de Bach à Steve Reich
et Thierry De Mey –, fascinée par la souveraineté du rythme et ses architectures
complexes. Mais le chaos est aussi venu
bousculer ce savoir, tant il est vrai que « la vie
circule rapidement d’un point à un autre, en
une sorte de ruissellement électrique »
(Georges Bataille), et que sur scène, la "présence" des interprètes jaillit de cet influx,
quitte à affoler et enflammer la composition
qui les inclut. Enfin, force d’abstraction, la
danse n’est cependant pas coupée du
monde. Chez Anne Teresa De Keersmaeker,
elle s’y intègre par la théâtralité de certaines
œuvres, de Stella autrefois au récent In real
time, création partagée avec les musiciens de
l’ensemble Aka Moon et les acteurs de la
compagnie tg Stan.
Cette très riche palette de formes et d’expressions irrigue la prochaine saison du Théâtre
de la Ville, avec trois spectacles distincts,
dont deux créations et une reprise du solo
Once.
Exception faite de la collaboration avec les
improvisateurs d’Aka Moon, jamais à ce jour
Anne Teresa De Keersmaeker n’avait puisé
dans la musique jazz l’élan de ses tourbillons.
Cet "oubli" sera réparé avec la création de
Bitches Brew–Tacoma Narrows, qui laisse
infuser le tempérament de la danse dans le
bouillonnement d’un album culte de Miles
Davis, Bitches Brew, issu de l’enregistrement
de plusieurs séances d’improvisation, à la
toute fin de la "décennie tumultueuse" des sixties. Entouré de musiciens d’exception, en
voltigeur d’éclats d’un jazz furieusement libre
et cosmopolite, Miles Davis semble « galvaniser les turbulences » que traversent alors les
États-Unis (assassinats de John et Robert
Kennedy, de Martin Luther King et Malcolm X,
mouvements radicaux contre la discrimination
raciale, manifestations contre la guerre du
Vietnam…). Sur les plages de cet album à
haut voltage, Anne Teresa De Keersmaeker
cherche le grain de nouvelles matières chorégraphiques, traversées par l’écho des dancing steps de vieux films de jazz ainsi que par
des figures venues du hip hop ou de la danse
africaine. C’est aussi pour elle l’occasion
d’approfondir des systèmes d’improvisation,
où « les notions de liberté, de décision dans
l’instant, de travail sur le présent » peuvent
donner au mouvement une acuité maximale.
J.-M. A.
Foi *, pièce reprise cette saison, est le premier
spectacle d’un genre inédit : un opéra médiévo-contemporain. La musique jouée sur
scène, chantée, est un paradigme essentiel
au travail du chorégraphe. Cette production
réunit 18 interprètes de différentes nationalités
dont quatre chanteurs et trois musiciens de
l’ensemble vocal et instrumental flamand,
Capilla Flamenca, dirigé par Dirk Snellings. Le
XIVe siècle et les musiques savantes écrites de
l’Ars Nova jouxtent un répertoire de chants villageois transmis par tradition orale. Les danseurs-chanteurs dirigés par Christine
Leboutte avec la collaboration de Damien
Jalet, complice de création du chorégraphe,
les interprètent. Dans un espace en triangle,
évoquant une tour ou une tombe, voix cristallines et présences angéliques provoquent
l’imaginaire des interprètes. Une rare intensité
se dégage des gestes des danseurs qui,
entre saynètes théâtrales, chants polyphoniques et danses singulières, se livrent à un
hallucinant récitatif, véritable reflet des sentiments d’une société, semé d’images. Sans
rien altérer de la violence et de l’intelligence
de ces vies réinventées, Sidi Larbi Cherkaoui
met en scène, entre le rire et les larmes, une
communauté de figures aveugles qui
semblent attendre un improbable messie ou
campent en posture de survie face au néant.
I. F.
* Coproductions Théâtre de la Ville depuis février
2001.
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
DU 21 AU 29 AVRIL
REPRISE
Sidi Larbi
Cherkaoui
LES BALLETS C. DE LA B. - CAPILLA FLAMENCA
11 danseurs et 7 musiciens
ENTRE VISION ET RÉALITÉ
Sidi Larbi Cherkaoui a fait son nid dans la chatoyance de spectacles qui épousent l’air du
temps. Ses compositions procèdent sur un
mode simple et sans façons : styles de danse
et pratiques artistiques se côtoient sans hiérarchie. À égalité de voix. Dans le sillon
d’Alain Platel et des Ballets C. de la B. dont il
fut un des interprètes, le jeune chorégraphe
belge et marocain distille une savante confusion entre arts mineurs et majeurs. Il ne redoute ni les décalages abrupts, ni le réalisme,
ni le travail en collectif avec ses complices de
création.
Rien de rien*, premier essai présenté au
Théâtre des Abbesses il y a deux ans, s’intéressait aux blessures identitaires, traçait avec
humour la fable vive de mythes individuels
entre danse classique et salsa, ou récits de
voyage rythmés par les mots et les gestes.
L’année suivante, D’avant *, mettait en scène
un fabuleux quatuor de jeunes troubadoursinterprètes chantant a cappella, désamorçant
quelques stéréotypes masculins entre
séquences de tango et scènes de football,
numéro de transformisme et parade de revue.
Ce joyeux boys band médiéval préfigurait le
grand œuvre accueilli au printemps dernier au
Théâtre de la Ville.
S. L. Cherkaoui, photos L. Philippe
Foi
27
E. Greco, ph. B. Guilherme
CRÉATION
Emio Greco
EMIO GRECO/ PC – STICHTING ZWAANPRODUKTIES
Rimasto Orfano 6 danseurs
28
LE CORPS ET SES VISIONS
Ils travaillent en tandem et ne se refusent rien,
ni le spectaculaire, ni l’éloquence. Emio
Greco, danseur et chorégraphe originaire du
sud de l’Italie a suivi une formation classique
avant de rejoindre le renommé démiurge flamand Jan Fabre. Il dansera dans plusieurs de
ses spectacles ainsi que pour le chorégraphe
japonais Saburo Teshigawara. Metteur en
scène et chorégraphe néerlandais, Pieter C.
Scholten réalise des spectacles à partir de
personnalités qui le fascinent. C’est ainsi
qu’en 1995, il fonde avec Emio Greco une
compagnie avec laquelle ils décident d’explorer les possibilités du corps, les origines du
mouvement. Une première trilogie intitulée Fra
Cervello et Movimento (Entre cerveau et mouvement) fait la synthèse de ce langage singulier. Vocabulaire classique et postmoderne
empreint d’une théâtralité rigoureusement
abstraite. Chez Emio Greco et Pieter C.
Sholten, les gestes sont dotés d’une énergie
fulgurante. Captés dans le passage des
lumières, les corps explorent la densité des
couleurs, blanc, rouge et doré dans la trilogie,
noir pour Conjunto di nero1 et se fondent dans
la pulsation musicale. Une démarche qui met
en relief les différentes qualités des danseurs
alors même qu’une gestuelle identique, uniforme, les conduit. Ce langage crée une fascination insolite, souvent perturbée par des
évènements qui introduisent de la distance,
de l’ironie, par brusques déflagrations, transformant soudainement l’espace ou les
phrases dansées.
Deux de ces médusantes fictions de chair,
créées et interprétées par Emio Greco sous
les lumières sophistiquées également dues à
Pieter C. Scholten, ont été accueillies par le
Théâtre de la Ville : Double Points : One and
Two 2 et Conjunto di nero, première création
pour cinq danseurs glissant sur le plateau à la
façon d’ironiques surfeurs de l’inconnu. À la
suite de cette recherche sur la couleur noire,
les deux chorégraphes imaginent un travail
sur le silence. Rimasto Orfano, (littéralement
« resté orphelin ») explore un autre espace de
transition où projeter leur danse. Ce moment
où une force libératrice réduit le corps au
silence. Abandon, désespoir ou solitude.
Beauté idéale du corps souffrant, inspirant
toutes sortes de sentiments comme la
compassion. Sur des musiques contemporaines du compositeur américain Michael
1
2
Présenté au Théâtre de la Ville, février 2003.
Présenté aux Abbesses, novembre 2001.
J. et A. T. De Keersmaeker, ph. B. Dexters
DU 4 AU 8 MAI
Gordon, le mouvement se relâche, avant de
peu à peu se découvrir une nouvelle vigueur.
Entre conscience et intuition, ordre et chaos,
Rimasto Orfano sculpte un autre corps, à la
recherche de la force dans la fragilité. Énigmatique enquête chorégraphique où le corps
tient un rôle essentiel. Un personnage doué
de visions.
I. F.
A. T. De Keersmaeker, ph. H. Sorgeloos
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
P. Bausch, ph. L. Philippe
THEATRE DE LA VILLE • TARIF B
e
DU 11 AU 15 MAI 2 PROG.
CRÉATION
Anne Teresa De
Keersmaeker
Jolente De
Keersmaeker
ROSAS
création 2004
cente, pour tenir cette partition délicate sur la
crête quasi liturgique de certaines chansons
de Joan Baez. Les combats d’hier ont-ils baissé en intensité ? Les images d’un champ de
bataille, projetées à la fin de Once, sont là
pour rappeler que la violence et la guerre sont
toujours le lot de ce monde. Peau dénudée,
traversée par cette projection, Anne Teresa
De Keersmaeker dit alors son désarroi face à
cette persistance des forces de destruction,
contre lesquelles la danse s’avance à découvert, dans la seule humilité de son offrande.
J.-M. A.
13 danseurs
La seconde création de cette saison reste
pour l’heure une énigme. Seule certitude : la
chorégraphe de Rosas travaillera en binôme
avec sa sœur, Jolente De Keersmaeker, épatante et mutine actrice du collectif de théâtre
tg Stan. Cette collaboration n’est pas nouvelle.
Enracinée à partir de Just before (1997), où
les danseurs faisaient remonter dans le langage leurs souvenirs ; poursuivie avec les
mots de Heiner Müller dans Quartett (1999) ou
ceux de Peter Handke dans I said I (2000),
cette recherche d’un champ communicant entre danse et texte, qui maintient dans
un état d’urgence réciproque le mot et le mouvement, s’apparente, pour Jolente De
Keersmaeker, à la découverte « d’un territoire
inconnu, sans délimitation frontalière : il en
ressort un nouveau langage, un courant souterrain dont la substance vous demeure
secrète, et qui est en mutation permanente. »
J.-M. A.
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
DU 18 AU 22 MAI 3e PROG.
REPRISE
Anne Teresa De
Keersmaeker
ROSAS
Once
solo dansé par Anne Teresa De Keersmaeker
« Je veux chercher le geste qui sort du dit, et
à l'inverse nier le texte pour laisser exister le
mouvement » : dans le solo Once, c’est encore ce fructueux dialogue entre plusieurs
courants d’intensité que tisse Anne Teresa en
se projetant, intime et souveraine, sur l’écran
nostalgique des chansons de Joan Baez.
L’espace y est nu, sans artifice, tendu du seul
écho qui se propage de la voix intense,
épaisse et vibrante, de la chanteuse contestataire des années 60, aux "lignes d’erre" que la
chorégraphe-danseuse ébauche et dessine
en taille-douce. Il faut toute la maturité d’une
danse qui ne verse jamais dans l’ostentation,
et feint au contraire quelque malice adoles-
THEATRE DE LA VILLE • TARIF EXCEPTIONNEL
DU 4 AU 22 JUIN
CRÉATION
Pina Bausch
TANZTHEATER WUPPERTAL
création 2003 20 danseurs
Pendant les trois heures de la création 2003,
le plateau creusé comme une vasque se
nappe imperceptiblement d’eau avant de
s’assécher. Miracle d’une scénographie de
Peter Pabst, si simple et si sophistiquée à la
fois, que le phénomène semble naturel. On
est à Istanbul, nouvelle étape du voyage
autour du monde entamé en 1989 par Pina
Bausch. Encore une ville d’eau, une de plus
après Lisbonne, Rio, Budapest, occasion
d’une scène au hammam en serviette de bain
blanche, telle que les affectionne la chorégraphe de Wuppertal. Clin d’œil et quasi-citation, les vingt danseurs de la compagnie y
brodent des motifs mousseux soufflés par les
cheveux des filles battant l’air comme des
feuilles de palme. L’insouciance apparente du
spectacle est sans cesse grignotée par une
certaine gravité que souligne le fond de
scène, trou noir d’où émergent les silhouettes
pailletées des femmes. Sur une bande-son
composée de musiques turques, de chansons de Tom Waits ou de tangos d’Astor
Piazzolla, les solos, pierres de voûte, aujourd’hui des pièces de Pina, se révèlent tous
d’une furieuse beauté. Inventifs en diable,
ciselés au coude près et débordants d’une
vitalité exacerbée, ils exaltent les tempéraments de chacun des interprètes au point
qu’on les croirait en train de jouer leur peau à
chaque passage. Istanbul et ses seize millions d’habitants, banlieue comprise, vit au
bord d’un gouffre : la ligne de faille anatolienne passe par la mer de Marmara et fait
l’objet d’une surveillance permanente par des
spécialistes. Sur les rideaux en tulle blanc que
les danseurs tirent comme pour une séance
impromptue de cinéma, un des deux filmsvidéo de cette création 2003* plonge dans les
eaux tumultueuses du Bosphore.
R. B.
* 21e passage de Pina Bausch au Théâtre de la Ville.
29
DANSE AUX
ABBESSES
LES ABBESSES • TARIF A
DU 23 AU 27 SEPTEMBRE
CRÉATION
Alarmel Valli
bhârata natyam
A. Valli, ph. Birgit
Fulgurante interprète de bhârata natyam,
Alarmel Valli sait en faire miroiter toutes les
brillances, conjuguant avec une aisance non
dépourvue de séduction, la fluidité et la géométrie inhérentes à cette danse. Basé sur la
figure du triangle, le plus ancien style traditionnel indien originaire du Tamil-Nadu s’enracine dans des codes complexes et stricts
(position en demi-plié, symétrie du corps, distance de hauteur établie à huit centimètres
entre les pieds…) que cette danseuse formée
par les plus grands maîtres du genre, innerve
avec un subtil mordant. Des deux versants du
bhârata natyam, la danse pure (nritta) et la
danse expressive (abhinaya), Alarmel Valli
aiguise encore et toujours la concision des
formes et des rythmes avec une musicalité qui
coule de source. Mais cette exquise incarnation ne serait que pur exploit technique s’il n’y
avait cet embrasement sensible qui déporte la
danse de l’expression des mythes collectifs
vers celle, individuelle, d’une artiste d’aujourd’hui. Respectueuse au sens fort des traditions, Alarmel Valli a légèrement tempéré
l’aspect extraverti du bhârata natyam tout en
conservant cette joie de danser, essence
même du style. Héritière des devadasis, ces
danseuses des temples qui officiaient pour les
dieux, elle tisse un lien vivace entre le passé
et l’avenir. Dans le programme présenté au
Théâtre de la Ville*, elle a choisi, à travers une
série de poèmes, d’évoquer la guerre, sa
vanité et la souffrance individuelle qu’elle
engendre. Parallèlement, elle se glissera dans
les méandres d’un texte contemporain écrit
par un poète tamoul sur l’eau et le cycle de la
vie. Dans sa radieuse féminité, avec ce sourire indescriptible qui ne la quitte que rarement quand elle danse, Alarmel Valli nous
tend en toute simplicité les clefs de son art.
R. B.
* Où elle est déjà venue en 1997, 1998 et 2002.
LES ABBESSES • TARIF C
DU 2 AU 5 OCTOBRE
Daniel Dobbels
DE L’ENTRE-DEUX
Est-ce que ce qui est
loin s’éloigne de l’être
humain ? (1999) 3 danseurs
She never stumbles (1997)
solo dansé par Brigitte Asselineau
B. Asselineau, ph. G. Nicolas
30
« De quel jour s’éclaire une danse ? Quelles
nuits et combien de nuits traverse-t-elle pour
venir en son jour ? » Questions inspirantes
parmi d’autres posées par l’écrivain et chorégraphe Daniel Dobbels que le Théâtre de la
Ville invite pour la première fois. Compagnon
de création de Christine Gérard pendant vingt
ans, à la tête de sa propre compagnie de
l’Entre-Deux depuis 2000, il met en scène un
S. L. Cherkaoui, ph. L. Philippe
geste d’une parfaite étrangeté qui remonte de
si loin que son évidence ne fait pas un pli.
Lentement déployé, comme s’il fallait l’arracher à son obscurité, le mouvement s’étire,
épuré et vibrant, sec et charnel. Une certaine
gravité nimbe l’acte de danser selon Daniel
Dobbels. « La ligne même devient une expérience première », résume-t-il à propos des
deux pièces au programme. Sur trois chansons de Bob Dylan, She never stumbles, interprété par la complice de longue date Brigitte
Asselineau, met en scène un mouvement
quasi empêché qui creuse sa voie, inconnue
et imprévisible, en prise directe avec l’inconscient. Sous l’égide d’Oskar Schlemmer, professeur du Bauhaus en 1933 et inventeur du
fameux Ballet Triadique, Est-ce que ce qui est
loin s’éloigne de l’être humain ?, pièce pour
trois interprètes, travaille par soustraction
l’œuvre de l’artiste allemand. Sans les fabuleux costumes qui ont fait la signature
Schlemmer, que reste-t-il de la danse ? Sur ce
chemin dénudé, Daniel Dobbels fait dialoguer
les corps avec l’espace pictural et architectural du plasticien, glissant, à travers des
projections et des textes, dans ce temps suspendu qu’est le partage d’une vision, fût-elle,
passée.
R. B.
festation propose chaque année aux danseurs de choisir un chorégraphe pour leur
écrire un solo. Dans l’édition 2001, Dominique
Mercy, interprète emblématique de Pina
Bausch avait rencontré Josef Nadj, le chorégraphe conteur, le temps de la création d’un
magistral duo baptisé Petit Psaume du matin*.
L’été 2002, à son tour, Sidi Larbi Cherkaoui, le
danseur, sollicite Wim Vandekeybus, le chorégraphe flamand, qui a suivi son travail depuis
ses débuts dans les Ballets C. de la B. À cette
occasion, ils créent ensemble, It, un spectacle
tout d’abord présenté en plein air, qui s’inspire
et s’amuse d’une nouvelle de Paul Bowles,
The Circular Valley. Le texte récité en voix off
est porté par un magnifique âne, séducteur
impassible cherchant à ravir la vedette au
danseur-ascète longtemps immobile sur un
mât avant d’entreprendre au sol une danse
toute en énergie aérienne. Cette première version a été réadaptée et développée pour le
théâtre. La pièce se poursuit, intégrant un
nouveau film de Wim Vandekeybus, avec la
complicité de Charo Calvo, qui conçoit les
environnements sonores des pièces de nombreux artistes, et a écrit une musique électro
acoustique pour ce solo. Les deux chorégraphes ont mixé leurs conceptions du mouvement, et leur forme d’humour. Ils ont noué
un dialogue complice qui part d’une intention
donnée par le chorégraphe flamand. « Nous
allons travailler sur la capacité de se transformer, pour accéder à des états différents.
J’aimerais que Larbi oublie qu’il est de chair,
qu’il devienne un esprit. Ce solo raconte une
histoire, mais ce n’est pas lui qui va la raconter. Il est l’histoire. L’histoire est racontée par
un enregistrement. J’ai toujours été fasciné
par ce que l’on ne peut pas toucher, par
exemple les émotions. » Dans It, danseur spirituel, Larbi Cherkaoui se présente en hauteur,
pieds et tête suspendus dans le vide. Son
corps allongé, perché à l’horizontale au faîte
d’un mât scintillant, forme la barre transversale d’un T. Peut-être celui de "it", cet article
de genre neutre en anglais. Esprit qui ne
consent à descendre que pour s’illustrer dans
une valse de gestes fluides, soyeusement virtuoses, tour à tour sinueux ou ondoyants.
Entre la chair et l’esprit, le récit imaginé par
Wim Vandekeybus travaille au plus près des
qualités de son interprète. Performance physique et humour accompagnent cette rencontre toute en énergie avec deux chorégraphes remarquables.
I. F.
W. Vandekeybus, ph. W. Filz
* Coproduit et présenté par le Théâtre de la Ville en
décembre 2001.
LES ABBESSES • TARIF C
2, 3, 5, 6 DÉCEMBRE 1er PROG.
LES ABBESSES • TARIF C
DU 7 AU 11 OCTOBRE
CRÉATION
Wim
Vandekeybus
Sidi Larbi
Cherkaoui
ULTIMA VEZ – LES BALLETS C. DE LA B.
It
solo dansé par Sidi Larbi Cherkaoui
DANSE DE L’ESPRIT
Tout a commencé dans le cadre du Vif du
sujet, durant le Festival d’Avignon. Cette mani-
CRÉATION
Akram Khan
AKRAM KHAN COMPANY
Ronin
solo de kathak dansé par Akram Khan
Kathak. En deux syllabes, le nom de cet art
demi-millénaire plonge déjà dans l’ivresse des
rythmes, mathématique stellaire que la
musique et la danse ont apprivoisée et transmise. L’Inde du Nord a été le berceau du
kathak, dans la foulée des troubadours
nomades qui propageaient les grands récits
mythologiques de l’Inde (la geste de Râma,
les épisodes du Mahabharata…). Les
influences musulmanes et persanes se sont
31
B. Leroux, ph.X. DR
A. Khan, ph. A. Tanveer
progressivement mêlées aux origines hindoues pour aboutir à un style dans lequel la
dimension narrative et théâtrale a perdu de
son importance. C’est cette longue tradition,
qui n’a cessé d’évoluer, qu’Akram Khan prolonge aujourd’hui dans la quête d’une intensité rythmique d’où peuvent jaillir les plus
exquises fulgurances : « Je suis très sensible
à la qualité de danse produite par la rotation,
la vitesse, qui rapproche le kathak du soufisme ou des derviches. Le développement
d’une énergie continue qui amène le danseur
au bord de l’explosion et qui soudain peut être
contrôlée dans une extrême lenteur, est au
cœur de mon travail ».
Akram Khan, s’il a suivi l’enseignement du
maître Sri Atrap Pawar, s’est aussi familiarisé,
en Grande-Bretagne où il est né, avec les préceptes de la danse contemporaine. Cette
double approche lui permet de nourrir un dialogue constant entre tradition et création.
Avec Ronin, il poursuit une exploration du
kathak dépourvue de tout maniérisme ostentatoire, initiée avec le solo Polaroïd Feet, présenté la saison dernière au Théâtre de la Ville.
Accompagné des musiciens Partha Sarathi
Mukherjee (aux tablas), Baluji Shrivastav (au
sitar), du violoncelliste Philip Sheppard et de
la chanteuse Faheem Mazhar, Akram Khan
s’inspire cette fois-ci de plusieurs épisodes du
Mahabharata, dont le célèbre dialogue entre
Krishna et le guerrier Arjuna. Une geste que le
danseur transpose avec une rare éloquence
dans l’exacte ponctuation des vitesses du
mouvement.
J.-M. A.
LES ABBESSES • TARIF C
DU 16 AU 20 DÉCEMBRE
CRÉATION
Brice Leroux
DIXIT. VZW
Gravitations – quatuor
avec le Festival d’Automne à Paris
LA MARCHE DU TEMPS
Gravitations-quatuor ne s’explique pas et peut
à peine se décrire. Quatre interprètes identiques, portant tunique et jupe longue, glissent
dans l’ombre. Silence, espace. Juste le frottement des pieds sur le sol. « Une bande sonore tout simplement générée par le mouvement
dont le bruit est amplifié et remodelé au fil de
la représentation » *. Le rythme de cette
marche crée une danse de cercles. Les silhouettes sont hiératiques. Fines et immuables
dans leur verticalité. Elles semblent s’allonger
à la limite de disparaître. Juste un seul mouvement, elliptique. Une sorte de spirale cinétique, une réflexion sur la gravitation. Au sol,
les lumières diaphanes montrent le trajet des
cercles : des fils lunaires, presque fluorescents qui dessinent des figures géométriques,
un monde de courbes évoluant dans un climat
de transe où le spectateur sous perfusion
hypnotique maximale perd peu à peu ses
repères pour entrer dans un autre espacetemps.
Ce vertigineux quatuor de marcheurs dans le
cosmos est l’œuvre de Brice Leroux. Le jeune
chorégraphe français longtemps interprète
chez Anne Teresa De Keersmaeker dont il
intègre la compagnie Rosas à l’âge de dixneuf ans, travaille, depuis, en Belgique. En
1999, il crée un premier programme en deux
volets, Continuum solos et duos sur place, sur
la musique de Steve Reich. Dès ses débuts,
les propositions du chorégraphe sont remarquées d’autant qu’elles offrent une lecture
critique des études et de la composition développées par la compagnie Rosas en s’y reliant
de façon très particulière. Chez Brice Leroux,
la conception de la chorégraphie est proche
des théories d’Oskar Schlemmer : « Selon
moi, dit-il, le chorégraphe est un plasticien au
sens traditionnel du terme, mais qui travaille
avec une dimension supplémentaire : celle du
mouvement et de l’espace ». Brice Leroux
montre une prédilection pour les structures
minimales qu’il développe en explorant la perception du temps et du mouvement, mais
aussi en travaillant sur l’illusion et les phénomènes optiques. Partition quasi mathématique où son, lumière, corps et costumes
cherchent à rendre l’idée la plus transparente
possible. « La rigueur extrême de cette écriture, explique-t-il, contraint le danseur à chercher au fond de lui les moyens lui permettant
de mettre la partition à exécution. L’écriture
agit comme des œillères qui l’obligent à se
consacrer entièrement à la tâche qui lui est
impartie. Ce sont les cercles et le temps qui lui
dictent ce qu’il doit faire, dans un langage
impérieux qui ne tolère aucune remise en
question et l’empêche de penser à autre
chose. Paradoxalement cette contrainte ouvre
une foule de possibilités ». Elle permet aussi
d’accéder à un autre état de conscience, une
sensation étrange dont l’impact trouble la perception du spectateur.
I. F.
* Citation et extraits d’entretien Pieter T’Jonck, De
Tijd, 25/09/02.
32
G. Appaix, ph.E. Zheim
A. Khan, ph.H. Glendinning
LES ABBESSES • TARIF C
DU 5 AU 10 JANVIER
CRÉATION
Georges Appaix
Non seulement…
6 danseurs et 2 musiciens
NON SEULEMENT...
ALORS, TU VAS CHANTER ?
Aujourd’hui, Georges Appaix* ose une chose
épatante. Il chante : « La petite ritournelle, elle
tourne, elle est là, elle manigance, elle fait du
bruit, elle danse, elle croque le fruit./Les mots
des langues sur les notes posées, la mélodie
épousant l’alphabet,/ the music of your voice
ou le son de ta voix, les nuances et surtout le
timbre,/ tu m’écriras. ». Jusqu’ici les spectacles du chorégraphe à la geste musicale
n’ont fait qu’effleurer ce sujet sensible. La
question le fait hésiter dans L est là, respirer,
souffler avec le vent dans M. encore !, pièce
accueillie il y a deux ans au Théâtre de la Ville.
Dans Non seulement… l’artiste marseillais,
saxophoniste avant d’être danseur, saute le
pas. Il signe les paroles et la musique de
chansons qu’il interprète sur scène, en rajoute
quelques-unes de Cuba ou bien encore
Rimes (Claude Nougaro/Aldo Romano)…
Cette aventure est aussi celle de ses compagnons de voyage. Ensemble, ils dansent,
phrasent, murmurent sur les vagues du langage, écrivent eux-même des textes fins,
drôles, légers, citent parfois quelques auteurs
de prédilection, Jankélévitch, Deleuze, sans
jamais se prendre au sérieux. Le chorégraphe
du swing et ses complices, ont toujours eu
l’humeur nostalgique et le goût de la ballade.
Ils font aussi référence à l’épopée du jazz et
prennent parfois les pays du Sud pour point
d’ancrage. Dans Non seulement…, les inter-
prètes offrent une autre lecture des textes
chantés par le chorégraphe. Deux musiciens
et trois instruments – guitare, accordéon,
trombone – accompagnent les danseurs qui
se déplacent en chansons, poussent la mélodie dans ses retranchements, modulent autrement, à leur façon, la délicate alchimie entre
musique, texte et voix. Non seulement…
déploie ses délicates compositions entre
corps et projections vidéo. La pièce débute
par de légers déhanchements, qui évoluent
vers une gestuelle ample, charnelle. Lui succèdent un solo de femme sous une petite
ampoule, puis des jeux d’ombres et de
lumières qui morcellent les corps avec des
effets colorés, sortes d’empreintes musicales.
Ainsi va le spectacle, tressage d’émotions
entre images du monde et partitions dansées.
Dans cet espace particulier recherché par
Georges Appaix, entre syncope et syntaxe,
s’invente une nouvelle forme de langage qui
mêle chanson, danse et texte. Non seulement… est un récital à la poésie légère, qui
fait appel au plaisir des sens.
I.F.
* Au Théâtre de la Ville en 1993, 1994, 1999 et 2001.
LES ABBESSES • TARIF C
DU 3 AU 7 FÉVRIER 2e PROG.
REPRISE
Akram Khan
AKRAM KHAN COMPANY
Kaash
5 danseurs
décor Anish Kapoor
On peut être intègre sans être intégriste.
Contre le "choc des civilisations" qu’annoncent certains tenanciers d’un Occident
bardé de ses propres certitudes, les cultures
savent aussi entrelacer leurs différences,
33
J.-M. A.
nationale du cirque. Une phénoménale énergie traverse la piste délivrant un monde foisonnant, pulsionnel et humoristique, qui remporte un succès international. Mais après ce
voyage inédit dans l’histoire des numéros et
leur dimension magique ou rituelle, Francesca
Lattuada abandonne le chapiteau et sa colonie de figures étranges pour se consacrer à
une seule idée, immédiatement dédoublée : la
danse et la danseuse. Elle imagine alors une
autre forme singulière, « partition pour une
danseuse seule », taillée sur mesure pour Rita
Quaglia, longtemps interprète de Catherine
Diverrès, de Mathilde Monnier et de Lluis
Ayet. À travers le temps et les traditions, les
mythes et leur modernité, les débris de la
mémoire et les figures grotesques ou fantastiques, Ostinato, obstinément, interroge la
danse, ses fonctions, ses multiples figures.
Insaisissables dimensions, sublimes ou profanes, que l’interprète sculpte dans une lutte
inattendue avec l’espace et le temps. Qu’estce que la grâce, qu’en est-il de la transe, de
quoi sont faits l’art de la danse et son langage,
le corps, le mouvement, la pensée et les sensations d’une danseuse ? Énigmatique
présence de Rita Quaglia, traversant un labyrinthe de questions. Un personnage que des
costumes insensés métamorphosent sans
cesse. Ostinato se regarde comme un voyage, une aventure ondoyante où se réfléchit
une passion : la danse et son intraduisible
pulsation.
I. F.
* Coproduction Théâtre de la Ville.
R. Quaglia, ph.T. Jeanne-Vales/Enguerand
combiner les sources d’inspiration, puiser
dans une tradition pour en extraire une sève
qui peut irriguer des horizons contemporains.
Le devenir de l’humanité n’est-il pas riche de
toutes ses origines ? C’est à cette aune, en
tout cas, que l’on peut rêver d’une "mondialisation" qui ne soit pas celle de la domination,
mais plutôt d’un flux qui établisse un courant
sensible entre diverses intensités culturelles.
Pour Akram Khan, ce ne sont pas des notions
théoriques. Il est lui-même pétri de ces courants mêlés ; lignes de vie à partir desquelles
il fait éclore de nouvelles configurations. Né à
Londres de parents originaires du Bengladesh, il a formé son corps aux rythmes et
saveurs du kathak, avant de prendre pied
dans la danse contemporaine. Et a trouvé
dans ce double foyer le lieu de son intégrité.
S’il continue à célébrer l’art du kathak (voir
p. 31), il rejoue parallèlement cet héritage
dans une voie contemporaine. Kaash, sa
seconde pièce de groupe, conçue en collaboration avec deux artistes indo-anglais de
renom, le sculpteur Anish Kapoor et le
compositeur Nithin Sawhney, engage une
physicalité acérée, véloce et précise, qui
défait toute ligne narrative pour jouir d’une
pure effusion de mouvement. Les trois
séquences qui agencent le spectacle ont
certes, aux dires d’Akram Khan, un lien avec
Shiva, divinité à la fois créatrice, protectrice et
destructrice. Mais l’allusion est davantage
cosmique que religieuse. Et "l’image" formée
par Anish Kapoor – un cadre rectangulaire
noir aux contours incertains, tantôt nets, tantôt
troubles, qui semble flotter dans l’écran blanc
d’une toile de fond – peut faire penser aux
"trous noirs" qui intriguent les astrophysiciens.
Entre le trait tranché de la danse et cet espace infini, le regard vacille. C’est que Kaash,
acclamé la saison dernière au Théâtre des
Abbesses, tisse l’envoûtant dialogue du physique et du mental, de la surface et de la profondeur, du matériel et de l’immatériel.
LES ABBESSES • TARIF C
DU 30 MARS AU 3 AVRIL
CRÉATION
Francesca
Lattuada
Ostinato
34
L’ÉNIGME DE LA DANSEUSE.
« Tout ce qui plus tard, dans les siècles des
siècles, se donnera comme douceur, est présent dans cette épaisseur, dans cette texture,
dans cette grâce de mouvement que la rêverie ne lâche jamais ». Ainsi parle l’écrivain
Claude Louis-Combet dans Terpsichore aux
doigts de rose, un texte écrit pour Francesca
Lattuada, consacré aux différents visages de
la danseuse. L’inclassable chorégraphe et
chanteuse développe un travail dédié aux arts
populaires. Orchestrant tour à tour somptueux
carnavals dans les villes et extravagants
spectacles tragi-comiques, elle réfléchit aussi
en solitaire, le temps d’un solo chanté comme
dans La donna è mobile*, sa dernière pièce
accueillie au Théâtre des Abbesses, il y a trois
ans. L’artiste aux multiples registres ne cesse
d’inventer des mondes. Le point culminant de
cette énergie drôle et sauvage s’épanouit
dans La Tribu Iota, spectacle créé en l’an
2000 pour seize jeunes élèves de l’École
F. Lattuada, ph. L. Piantoni
solo dansé par Rita Quaglia
J. Fabre, ph. X. DR
LES ABBESSES • TARIF A
DU 13 AU 17 AVRIL
CRÉATION
Malavika
Sarukkaï
bhârata natyam
Sa place est à part au firmament des étoiles
du bhârata natyam. Non contente d’en être
l’une des interprètes les plus virtuoses, des
plus célébrées, Malavika Sarukkaï* tente de
faire évoluer cette danse millénaire à travers
des recherches thématiques très personnelles, passerelles entre le monde passé et
celui d’aujourd’hui. Après avoir évoqué les
temples de Khajuraho – village au nord de
l’Inde – dont les sculptures sont dédiées à l’art
amoureux, elle s’est penchée dans Uthkanta –
Longing sur le thème du désir et de la plénitude à travers l’histoire d’une femme indienne
qui, ne pouvant devenir mère, avait planté
trois cents arbres dans son village. Pour cette
artiste déterminée, la scène se révèle le lieu
central de compréhension de soi, et le bhârata natyam la forme supérieure de son accomplissement. De cet art de la géométrie et de
l’ornement parfois un peu emphatique, elle a
extrait sa couleur, plus intériorisée, voire
même un peu grave. Car le bhârata natyam
n’est pas seulement, depuis sa plus tendre
enfance, une histoire de passion, mais bien
de dévotion. Ce que nous réserve sa prochaine création reste encore un secret.
Gageons que cette femme qui évoque si bien,
mais avec pudeur et presque l’air de rien, le
sacrifice que représente en Inde le choix de
danser, saura nous galvaniser avec une de
ses réflexions aussi profondes qu’émouvantes. « Les pieds chantent, les mains émerveillent » a-t-elle coutume de dire à propos du
bhârata natyam. L’esprit de Malavika Sarukkaï
quant à lui, rayonne.
R. B.
* Elle est venue au Théâtre de la Ville en 1997, 2000
et 2001.
M. Sarrukaï, ph. Birgit
LES ABBESSES • TARIF C
DU 20 AU 23 AVRIL
CRÉATION
Jan Fabre
Quando l’uomo
principale e una donna
solo
L’œuvre hérétique de Jan Fabre* creuse une
veine fiévreuse, insomniaque. À la domestication de l’homme en animal social, l’artiste flamand oppose depuis toujours l’incontrôlable
grouillement des pulsions dévorantes. Ce que
la raison, religieuse ou scientifique, n’a su
museler dans l’être humain, éternel barbare
en puissance, revient dans ses spectacles
avec le bellicisme exalté des corps en excès.
Taillant à vif dans la chair des conventions, il
atteint ainsi une plastique de la saturation et
du dérèglement. Protéiforme, toute son œuvre
est traversée par cette mise à vif. Mais on
trouvera dans les solos qu’il met en scène et
chorégraphie, une acuité toute particulière
portée au sujet même de ce qui s’incarne.
Pour Jan Fabre, "l’outrage" n’est pas une
image à atteindre (ce qui pourrait n’être que
provocation de pacotille), mais une force en
nous qui peut nous mettre hors de nous. Il se
joue alors dans ces solos, paradoxalement,
un corps à corps entre corps banal et corps
monstrueux. Les acteurs ou danseurs sont
ces "guerriers de la beauté" qui acceptent de
livrer en eux-mêmes ce combat des corps
antagonistes. Les deux plus récents solos
qu’il a conçus sur mesure pour Wim
Vandekeybus (Body, little body on the wall) et
Erna Omarsdottir (My movements are alone
like streetdogs), conjointement présentés au
Théâtre des Abbesses, témoignaient assez
de ce travail d’arrachement, d’écartèlement.
Jan Fabre s’en remet à nouveau à la danse et
à ce qui l’excède, hors des figures qui la
contiennent, pour un prochain solo, Quando
l’uomo principale e una donna. Où il s’agira
peut-être, par-delà la "séparation" du masculin
et du féminin, d’en découdre à nouveau avec
les apparences et les appartenances.
J.-M. A.
* Depuis 1990, le Théâtre de la Ville a présenté 11
créations de Jan Fabre dont 9 coproductions.
35
DANSE
HORS
LES MURS
HORS ABONNEMENT
THEATRE DE LA BASTILLE • TARIF C
DU 6 AU 8 AVRIL
Jan Lauwers
NEEDCOMPANY
G. Ellen Barkey, ph. M. Vanden Abeele
Needlapb
Le Théâtre de la Ville
et le Théâtre de la Bastille présentent :
THEATRE DE LA BASTILLE • TARIF C
DU 24 MARS AU 3 AVRIL
Grace Ellen
Barkey
NEEDCOMPANY
(And)
36
6 danseurs
Au sein de la Needcompany de Jan Lauwers,
dont elle est l’une des interprètes majeures
depuis Need to know (1987), Grace Ellen
Barkey développe sa propre partition, diablement enjouée. D’origine indonésienne, formée
en danse à Amsterdam, elle signe avec (And)
son huitième spectacle, électrisée par une
verve qui n’a pas vraiment d’équivalent dans
la production chorégraphique contemporaine.
« Dans la danse, je suis à la recherche d’une
certaine image ou d’un son qui dépasse la
danse […]. Je suis à la recherche d’une certaine énergie, et cette recherche est passablement violente », confie Grace Ellen Barkey,
et c’est peu dire ! Dans son précédent spectacle, Few Things, contournant l’interdiction
d’utiliser la musique du Mandarin merveilleux
que lui avaient opposé les ayants droit de
Bartók, elle reprenait le conte à sa source, et
le tirait avec vigueur vers une fantaisie amère
et moqueuse. Il y a, à nouveau, dans (And), le
filon d’un conte oriental, l’histoire d’une princesse qui se refuse à ses prétendants et finira
emmurée dans son silence, comme un poisson dans son palais de verre. Avec les outils
du merveilleux et du fantastique pour distordre le réel, Grace Ellen Barkey fait éclater le
récit dans un maelström de corps, d’images,
de voix et de musiques. Poussant le ridicule
jusqu’au grotesque, le spirituel jusqu’au burlesque, elle concasse les jeux de l’amour et
de la séduction en un pétillant concert de
théâtre rock, espiègle et sauvage, scandé de
mélodieux lamentos, de raps énergiques, des
plaintes de la guitare électrique de Maarten
Seghers et des incursions d’une chanteuse
pop. Et personne ne sort indemne de cette
furia magistralement orchestrée.
J.-M. A.
Le Théâtre de la Villle accueille et coproduit
les spectacles de Jan Lauwers et de la
Needcompany depuis quinze ans ! Il y a dans
cette fidélité la juste reconnaissance d’un
"théâtre d’art" qui s’emploie, plutôt que de ressasser de conventionnelles recettes dramaturgiques, à faire de la scène de théâtre un nerf
vivant où l’action prévaut sur la narration, et où
se composent « des champs d’associations
entre les paroles, les bruits, les corps, les
mouvements, la lumière et les objets ». Le
récent No comment, qui réunissait cinq monologues féminins, serait-il le geste d’adieu à un
artisanat du théâtre dont Jan Lauwers a exploré les ressources en signant plusieurs mises
en scène magistrales de textes de Shakespeare, le seul "répertoire" auquel il a bien
voulu se confronter ? Avec Morning Song
(1999) puis Images of affection (2002), le travail de la Needcompany s’est à nouveau
engagé dans des voies inédites, où la notion
même de "théâtre" semble voler en éclats.
Alors que certains acteurs-danseurs de la
compagnie développent leurs propres projets
(Grace Ellen Barkey, Carlotta Sagna, Viviane
De Muynck), qu’apparaissent de nouvelles
complicités du côté de la musique et de la
vidéo, et que Jan Lauwers a réalisé pendant
l’été 2001 son premier long métrage de cinéma ; il est clair que l’expérimentation et l’hybridation de nouvelles virtualités sont au goût du
jour. La formule du Needlapb, où prennent
corps de façon fragmentaire « des idées, des
notes, des ébauches, des pensées éparses »,
répond à ce besoin d’hétérogénéité artistique.
Ce laboratoire en temps réel, « imprévisible et
surprenant », s’agence comme un work in
progress des créations à venir, et associe des
« invités surprises » (auteurs, acteurs, musiciens, vidéastes, etc.), qui sont les partenaires
d’émulsion d’une fabrique de sens hautement
indisciplinaire.
J.-M. A.
J. Lauwers dans son atelier, ph. M. Vanden Abeele
musique
MUSIQUE AU THEATRE DE LA VILLE
BANG ON A CAN
ALL-STARS
ANNETTE DASCH soprano
KATRIN DASCH piano
TAN DUN - MARC MELLITS - LOUIS ANDRIESSEN CONLON NANCARROW - JULIA WOLFE HERMETO PASCOAL
SCHUMANN - BRAHMS - WOLF - MARTIN - R. STRAUSS
CAFÉ ZIMMERMANN
Pablo Valetti 1er violon solo et direction
Amandine Beyer 2e violon solo
David Plantier, Christophe Robert, Farran James,
Helena Zemanova et Paula Waisman violon
Patricia Gagnon, Natan Parutzel alto
Petr Skalka, Felix Knecht violoncelle
Ludek Brany contrebasse
Céline Frisch clavecin
AVISON/D. SCARLATTI - GEMINIANI
GIL SHAHAM violon
AKIRA EGUCHI piano
ZHU XIAO-MEI piano
ORCHESTRE DE CHAMBRE
D’AUVERGNE
direction musicale Arie van Beek
BARBER - MOZART - BRITTEN
ALBAN GERHARDT
CECILE LICAD piano
violoncelle
BEETHOVEN - BRITTEN - RACHMANINOV
CECILE LICAD
piano
SCHUMANN- KNUSSEN- LISZT- BEETHOVEN- CHOPIN
COPLAND - BACH - FAURÉ
FABIO BIONDI
KRONOS QUARTET
VLADIMIR MARTYNOV - CHARLES MINGUS ALEXANDRA DU BOIS - BLIND WILLIE JOHNSON MIDHAT ASSEM
violon
MASCITTI - VERACINI - GEMINIANI - STRADELLA LOCATELLI - MASCITTI
Les 20 ans du
QUATUOR YSAŸE
BEAUX-ARTS TRIO
RACHMANINOV - SCHUBERT
HAYDN - BEETHOVEN - RAVEL
avec
QUATUOR TAKÁCS
MIKLÓS PERÉNYI
ZOLTÁN TÓTH alto
DVORÁK - BEETHOVEN - MENDELSSOHN
BRAHMS - SCHÖNBERG
MIKLÓS PERÉNYI violoncelle
DÉNES VÁRJON piano
BEETHOVEN - KODÁLY - MARTINU - FAURÉ DVORÁK - JANÁCEK
GRAF MOURJA violon
NATALIA GOUS piano
SCHUBERT - SZYMANOWSKI - GRIEG - BARTÓK
ALEXEÏ OGRINTCHOUK
FERENC VIZI
piano
HAENDEL - HAYDN - BEETHOVEN
QUATUOR AVIV
MOZART - CHOSTAKOVITCH
MUSIQUE AUX ABBESSES
BARTHOLD KUIJKEN flûte
ARTHUR pianoforte
SCHOONDERWOERD
HUMMEL - HAYDN - BEETHOVEN - FRANZ XAVER
MOZART
3 CONCERTS EN UN
SCHUMANN - BRITTEN
violoncelle
hautbois
CÉLINE FRISCH
D’ANGLEBERT - F. COUPERIN
clavecin
VEN. 10 OCT. 20H30
BANG ON A CAN
ALL-STARS
TAN DUN : Concerto for Six
MARC MELLITS : 5 machines
LOUIS ANDRIESSEN : Workers Union
CONLON NANCARROW : Four Studies
JULIA WOLFE : Believing
HERMETO PASCOAL : Arapua
38
NOUVELLE EXPLOSION
C’était prévisible : le Théâtre de la Ville adore
ce groupe créé en 1992 par Julia Wolfe, David
Lang et Michael Gordon. Il fêtait en décembre
2002, lors de sa première venue, les 20 ans
du manifeste plein d’humour de ces trois
compositeurs new-yorkais. Ce qui au départ
devait être un happening unique est devenu
un foyer intense de créations musicales admirablement défendues par 6 musiciens
exceptionnels. Une curiosité aiguë ouvre en
permanence ces diplômés des plus grandes
écoles américaines à toutes les expériences
artistiques : Lisa Moore, pianiste d’origine australienne, a pour idoles Monk et Horowitz.
Mark Stewart, guitare électrique (et aussi
violoncelle) « gagne sa vie en jouant et en
écrivant de la musique populaire, semi populaire et impopulaire ». Wendy Sutter, violoncelliste, issue de la Juilliard School, a beaucoup travaillé avec des chorégraphes,
Barysnikov, Jérôme Robbins, Marc Morris…
La découverte du gamelan influence tout ce
que le clarinettiste Evan Ziporyn fait pour
Bang ou Kronos. À Cambridge, il dirige le
Galak Tika, un orchestre de gamelan (25
musiciens). David Cossin, né dans le Queens,
apprit d’abord les percussions classiques à la
Manhattan School of music.
Le nouveau programme des "all-stars" explore
des univers complètement différents.
« Concerto for Six, proche de la danse,
enjoué, évoque la joie d’un rituel villageois »
explique Tan Dun que le Kronos Quartet fit
découvrir au Théâtre de la Ville en 1995 avec
Ghost Opera. Très rythmée, parfois très jazz,
cette œuvre révèle de splendides solos
d’improvisation.
« Spécialement écrite pour Bang on a can allstars dont j’avais les musiciens en tête, 5
machines sollicite toutes leurs capacités. »
Dans cette partition sensuelle, Marc Mellits, né
à Baltimore en 1966, articule cinq mouvements spécifiques, cinq subtils climats nés de
l’à-peine audible.
Dans Workers Union de 1975, le grand
compositeur hollandais né à Utrecht, Louis
Andriessen a tout déterminé excepté les
notes. Cette œuvre participe du mouvement
américain des années 60 quand les compositeurs souhaitaient évacuer certains contrôles.
« C’est de toute évidence, explique David
Lang, une pièce qui doit beaucoup à la tradition expérimentale américaine mais c’est difficile à identifier. et c’est cela qui, pour moi, est
intéressant. »
Politiques ou musicales, les idées de Conlon
Nancarrow poussèrent l’Américain né en
Café Zimmerman, ph. R. Davies
TARIF C
1912, à s’exiler et à s’isoler au Mexique. C’est
un des créateurs les plus innovants de notre
époque. Le clarinettiste Evan Ziporyn a arrangé beaucoup de ses partitions initialement
écrites pour le piano, dont ces Four Studies.
« J’essaie de garder l’intensité viscérale de la
musique où se juxtaposent un lyrisme humain heureux et une énergie maniaque,
mécanique. »
Believing, deuxième pièce de Julia Wolfe
dédiée à son groupe, en décline vraiment
l’identité. Son titre est une phrase récurrente
de la chanson de John Lennon Tomorrow
never knows. « Croire est un mot plein de pouvoir, plein d’optimisme et de combativité… Il
est dur mais libérateur de croire. » Qui peut
faire peur à Julia Wolfe ?
Hermeto Pascoal né en 1936 est considéré
comme le père de la musique contemporaine
brésilienne. Ses compositions complexes
n’oublient cependant jamais ses racines terriennes ni les rythmes originels de son pays.
Arapua, s'inspire du bourdonnement de
l’abeille dont elle porte le nom.
Vraiment big, ce Bang on can all-stars !
Bang on a can all-stars, ph. P. Serling
MUSIQUE AU THEATRE
DE LA
VILLE
MAR. 21 OCT. 20H30
CAFÉ ZIMMERMANN
Pablo Valetti 1er violon solo et direction
Amandine Beyer 2e violon solo
David Plantier, Christophe Robert,
Farran James, Helena Zemanova
et Paula Waisman violon
Patricia Gagnon, Natan Parutzel alto
Petr Skalka, Felix Knecht violoncelle
Ludek Brany contrebasse
Céline Frisch clavecin
Concerti grossi pour cordes et basse continue de Charles Avison, à partir des Sonates
pour clavecin de Domenico Scarlatti,
et Concerti grossi de Francesco Geminiani
extraits des Douze Concertos, d’après les
Sonates pour violon et basse continue op.5 d’Arcangelo Corelli.
AVISON : Concerto grosso n°3, en ré mineur
GEMINIANI :
Concerto grosso n°4, en fa majeur
AVISON : Concerto grosso n°9, en ut majeur
Concerto grosso n° 5, en ré mineur
GEMINIANI :
Concerto grosso n°9, en la majeur
AVISON :
Concerto grosso n°12, en ré majeur
En novembre 2002, les Abbesses ont dû refuser du monde pour le concert époustouflant
de Café Zimmermann. C’est le Théâtre de la
Ville qui accueille cette fois l’ensemble dont le
nom sent bon l’effervescence intellectuelle,
politique et artistique : n’est-ce pas celui de
l’établissement situé rue Sainte-Catherine à
Leipzig ? N'est-ce pas là que se réunissaient
au XVIIIe siècle penseurs et créateurs européens et que se produisaient les étudiants du
Collegium Musicum dirigé par Jean-Sébastien
Bach ? Il faut voir répéter les deux fondateurs
de la formation, le violoniste argentin Pablo
Valetti, sensible, chaleureux, la claveciniste
française Céline Frisch, sereine, attentive, et
leurs amis de la Schola Cantorum de Bâle : on
comprend alors à quel point tous ces jeunes
solistes échangent connaissances et idées
dans la plus grande liberté. Inventifs dans leur
interprétation, ils le sont aussi dans leur répertoire. Leur nouveau programme où les œuvres
et les tonalités s’enchaînent avec beaucoup
d’intelligence, affiche deux des compositeurs
les plus inspirés de l’âge baroque. De
l’Anglais Charles Avison, il offre 4 des 6 joyaux
de leur récent compact (Diapason d’or)
consacré au remarquable transcripteur des
sonates de Scarlatti. De son maître, l’Italien
Geminiani qui vécut à Londres, deux concerti
grossi transcrits de l’opus 5 de Corelli, le dieu
de l’époque et pas seulement. « En transcrivant pour orchestre ces sonates, ils ont su,
admire Pablo Valetti, en garder le génie. Une
essence indépendante de l’habit de la composition. » De quoi désirer un Café nommé
Zimmermann.
Avec la Partita en ré mineur de JeanSébastien Bach il ne s’agit plus de charme
mais bien d’essence sacrée, de ciel : l’ange y
est chez lui. Il n’a pas peur de la grandeur.
Quant à Fauré, c’est le charme français et
peut-être le charme tout court. Qu’il s’agisse
de l’irrésistible Berceuse ou de la célèbre
Sicilienne, tout est élégance, subtilité et chant.
La Sonate en la majeur, écrite en 1875, est
encore plus inspirée. Premier chef-d’œuvre
du jeune Fauré, elle exalte une liberté, une
souplesse et une fraîcheur radieuses. Le
miroir de Gil Shaham.
LUN. 10 NOV. 20H30
KRONOS QUARTET
David Harrington violon
John Sherba violon
Hank Dutt alto
Jennifer Culp violoncelle
Premières en France :
VLADIMIR MARTYNOV Folk Dance*
CHARLES MINGUS Children’s Hour of
Dream ** (arr. Sy Johnson)
ALEXANDRA DU BOIS Oculus Pro Oculo
Totum Orbem Terrae Caecat (An eye for
an eye makes the whole world blind) *
BLIND WILLIE JOHNSON Dark was the
night** (arr. Stephen Prutsman)
MIDHAT ASSEM Ya Habibi Taala (My Love,
Come Quickly) ** (arr. Osvaldo Golijov)
G. Shaham, ph. S. Johnson
* écrit pour Kronos Quartet
** arrangé pour Kronos Quartet
Programme susceptible d'être modifié.
SAM. 8 NOV. 17H
GIL SHAHAM violon
AKIRA EGUCHI piano
COPLAND : Sonate pour violon et piano
BACH : Partita n°2, en ré mineur, BWV 1004
FAURÉ : Berceuse en ré majeur, op. 16
Morceau de lecture à vue (1903)
Fileuse, de "Pelléas et Mélisande", op. 80 n°2
Sicilienne en sol mineur, op. 78
Sonate n°1 pour violon et piano,
en la majeur, op. 13
LA MÉLODIE DU BONHEUR
Les anges musiciens existent. Vous en doutez ? Venez écouter Gil Shaham. C’est le
chouchou du dieu de la musique qui lui en a
confié presque tous les arcanes : simplicité,
pureté, sincérité. Son violon crée un cercle de
lumière. Rayonne comme un soleil, même
dans ses plus infimes pianos, un autre de ses
secrets. L’année dernière encore, le public
quittait les Abbesses transformé. En paix avec
lui-même, avec les autres, le bonheur dans le
cœur. Pour son cinquième passage, c’est
dans la grande salle que l’enchanteur viendra
distiller les philtres d’un programme digne de
lui. Insaisissable est le charme de la sonate,
curieusement peu jouée, qu’Aaron Copland
écrit en 1944. « Il réside dans le type d’accents rythmiques employés par le père de la
musique américaine », explique André Prévin
dans le compact qu’il a justement réalisé avec
Gil Shaham. « Nous étions très décontractés
pendant les séances et nous avons passé un
très bon moment. » Fallait-il le préciser ?
Certains boudent encore le charme de ces
quatre musiciens, leur décontraction, leur
humour. Peu importe ! Avec talent, opiniâtreté
et instinct, David Harrington le premier violon
et ses partenaires ont fait de Los Angeles
l’alambic de tous les parfums musicaux du
monde. C’est le treizième passage de la formation californienne au Théâtre de la Ville. Le
premier eut lieu en 1992. Au total, plus de 80
créations en France ! Que de découvertes jusqu’à son concert 2003 où pour ses trente ans
il nous conviait à « une véritable fête pour les
yeux et les oreilles ! Même si, poursuivait
Daniel Caux, les quatre silhouettes des musiciens rassemblés au centre de la scène avec
leurs instruments et leurs archets ont toujours
constitué une fascinante sculpture mobile et
sonore ». Leur nouveau programme, encore
incomplet, affiche l’arrangement de deux
œuvres sentimentales My love, Come Quickly
de Midhat Assem et Children’s Hour of dream
du grand jazzman Charles Mingus. Folk
Dance de Valdimir Martynov offre, dit le
compositeur né à Moscou en I946, « un modèle abstrait de l’idée de danse populaire.
C’est beaucoup plus un rituel qu’un acte
esthétique ». Dark was the night est un chant
tragique de Blind Willie Johnson que sa bellemère rendit volontairement aveugle à l’âge de
7 ans en lui jetant de la lessive dans les yeux.
C’est la cécité morale symbolique que la
jeune Alexandra du Bois née en Virgine en
1981 pointe dans l’œuvre généreuse qui a
pour titre L’Œil pour œil rend le monde
aveugle, jugement de Gandhi sur la loi du
talion . En prise sur l’actualité du monde,
Kronos Quartet mérite décidément bien son
nom !
39
Kronos Quartet, ph. J. Blakesberg
BEAUX-ARTS TRIO
Menahem Pressler piano
Daniel Hope violon
Antonio Meneses violoncelle
RACHMANINOV :
Trio élégiaque n°2, en ré mineur, op. 9
SCHUBERT : Trio en si bémol majeur, op. 99
Quatuor Takács, ph. N. White/Decca
ÉMOTION
Retour du trio américain au Théâtre de la Ville
où il faisait ses débuts en 1977. Cinq concerts
du mardi au samedi. En 1979, 1982 et 1985,
le triomphe se renouvelait comme partout
dans le monde. Toscanini considérait le trio
comme le meilleur depuis Rubinstein-HeifetzFeuermann ! Vingt ans après, revoilà la sublime trinité. Toujours synonyme de perfection
du style et d'intégrité musicale. Des milliers de
concerts et toujours la même fraîcheur ! La
personnalité exceptionnelle du pianiste
Menahem Pressler, fondateur de la formation
en 1955, explique ce miracle. Le virtuose qui
conseille à ses étudiants « d’être comme
l’abeille, de faire son propre miel en butinant
de fleur en fleur », en possède un royal, un
millésime de 50 ans d’expérience. Ses partenaires, le grand violoncelliste Antonio
Meneses, choisi en 1998, et un jeune violoniste de 27 ans, Daniel Hope, élu en 2002, profitent de ce nectar qu’ils enrichissent à leur tour.
« L’amour de la musique est beaucoup plus
important encore que le style ou la maîtrise
technique. Sans lui, on ne peut rien donner
aux autres ». Il leur inspire un bouleversant
programme : l’hommage tourmenté, lyrique
que Rachmaninov commence le jour de la
mort de Tchaikovski et le céleste Opus 99 de
Schubert. « Ne manquez pas d’aller entendre
le Beaux-Arts Trio au Théâtre de la Ville, je
sais que vous en serez émerveillés » écrivait
l’éminent Bernard Gavoty en 1977. Vingt-six
ans après, le conseil est toujours d'actualité.
SAM. 29 NOV. 17H
QUATUOR TAKÁCS
DVORÁK : Quatuor n°10, en mi bémol
majeur, "Slave", op. 51, B 92
BEETHOVEN : Quatuor n°11, en fa mineur,
« Quartetto serioso », op. 95
MENDELSSOHN : Quatuor n°2, en la mineur,
op. 13
40
Grâce. C’est le sceau du Quatuor Takács.
Sonorité pure et frémissante, souplesse. Tout
grand quatuor élabore sa pierre philosophale
dans un travail complexe et lent. Au cours de
M. Perényi, ph. Th. Martinot
Beaux-Arts Trio, ph. D. Pollard
SAM. 22 NOV. 17H
cette alchimie, quatre instruments n’en
deviennent plus qu’un, quatre personnalités
se fondent dans une sonorité sculptée au fil
des années, souvent dans les épreuves.
Fondé en 1975, le Quatuor Takács a été
capable de surmonter le départ de son
premier violon en 1992, puis le décès de son
altiste en 1994. Les deux Anglais qui leur ont
succédé et les deux autres Hongrois fondateurs ne peuvent plus échapper à leur destin :
il est scellé par la parole donnée à Gábor
Ormai avant qu’il ne meure. Une promesse
tenue, cette année encore, en février 2003 le
prestigieux “Grammy Award for the Best
Performance” l'a honoré. Depuis 1986, la trajectoire du Quatuor Takács passe par le
Théâtre de la Ville. Pour sa quinzième venue,
il commencera par le Quatuor n°10 de Dvorák
(I879). L’esprit expressément slave de cette
partition fulgure dans leur enregistrement
chez Decca. À ses parfums, ses nostalgies
ses réminiscences de danses et chants populaires succéderont l’âpre violence, la concision et l’ellipse de l’opus 95 (1810) de
Beethoven. Le génie de Bonn qui l’avait appelé “quartetto serioso” est justement en filigrane
dans le puissant Quatuor en la mineur de
Mendelssohn, une œuvre de jeunesse, écrite
quelques mois après la mort de Beethoven,
dont il n'eut de cesse de faire connaître le
génie. Transmettre. L’éternité.
SAM. 13 DÉC. 17H
MIKLÓS PERÉNYI violoncelle
DÉNES VÁRJON piano
BEETHOVEN : Sonate n°4 pour violoncelle
et piano, en ut majeur, op. 102 n°1
KODÁLY : Adagio pour violoncelle et
piano, en ut majeur
MARTINU : Sonate n°3 pour violoncelle et
piano, H 340
FAURÉ : Sonate n°1 pour violoncelle et
piano, en ré mineur, op. 109
DVORÁK : Rondo en sol mineur, op. 94, B 171
JANÁCEK : Conte (Pohadka) pour violoncelle et piano
Presto pour violoncelle et piano
LA QUÊTE DE L’ABSOLU
Elle anime en permanence le violoncelliste
hongrois, l’un des plus grands au monde
même si cette excellence reste toujours confidentielle. Aux paillettes de la renommée,
Miklós Perényi préfère la pureté de l’art, ses
joies.
« Dis-moi ce que tu joues et je te dirai qui tu
es » pourrait-on dire. Et pas seulement pour
un seul concert mais sur la durée. Les choix
de Miklós Perényi sont révélateurs : il s’agit
toujours de nouvelles propositions. Comment
pourrait-il faire autrement, lui qui redoute que
la routine, la mémoire musculaire finissent par
tuer l’élan de l’interprétation ? C’est qu’il a rendez-vous avec la musique là où elle prend sa
source. Il ne veut pas s’en éloigner. Et comme
les états d’âme ne sont pas prévisibles, il
répugne à se projeter dans le futur et réduit
N. Gous et G. Mourja, ph. É. Manas
SAM. 10 JAN. 17H
GRAF MOURJA violon
NATALIA GOUS piano
SCHUBERT : Fantaisie pour violon et piano,
en ut majeur, op. 159, D 934
SZYMANOWSKI : Mythes, trois poèmes pour
violon et piano, op. 30
GRIEG : Sonate n°2 pour violon et piano, en
sol majeur, op. 13
BARTÓK :
Sonate n°2 pour violon et piano, Sz 76
UNE VRAIE PERSONNALITÉ
Ni formaté, ni fabriqué. Graf Mourja est luimême. Un instinct héréditaire lui donne la clé
des univers musicaux les plus éloignés de sa
culture. Le jeune violoniste ukrainien en parle
immédiatement la langue. Du conservatoire
Tchaikovski de Moscou, il a su assimiler l’enseignement sans se laisser couler dans le
moule. Le résultat est un talent authentique,
une sonorité unique. Révélés au Théâtre de la
Ville en janvier 1996 dans le cadre d’une
“place aux jeunes !”. Graf Mourja avait 23 ans.
Il revient pour la sixième fois avec un programme rare qui exige des deux musiciens
beaucoup d’intuition et une technique exceptionnelle. Deux qualités que possède sa partenaire, la belle pianiste russe Natalia Gous.
On entend peu la troublante Fantaisie que
Schubert écrit en 1827, un an avant sa mort.
Fantasque, à la fois virtuose et profonde, elle
est pourtant attachante. Graf Mourja et Natalia
Gous ont enregistré Mythes (1915-1916) du
Polonais Szymanowski dans un compact qui a
fait l’unanimité de la critique hexagonale et
internationale. Ils ont su rendre le mystère et le
climat impressionniste presque français de
ces trois poèmes. Grieg qualifiait de nationaliste son propre opus 13 nourri d’anciens
rythmes populaires typiquement norvégiens.
Malgré le nom de sonate de danse qui lui est
parfois donné, son climat est plutôt sombre.
Né à I5 kilomètres du village de Béla Bartók,
Graf Mourja est chez lui dans les paysages
sonores abruptes de la Sonate n°2 du maître
hongrois.
Quatuor Aviv, ph. X. DR
F. Vizi, ph. X. DR
A. Ogrintchouk, ph. X. DR
ses apparitions publiques. Comme Richter, et
ce n’est pas un hasard s’il en a été le partenaire. Pour la huitième fois cependant le virtuose quitte Budapest pour offrir au Théâtre
de la Ville la grâce d’un concert original, organique et colossal. Beethoven le fonde dans la
liberté de l’opus 102 n°1 sa “Freie Sonate” justement, sa “sonate libre” qui, fantasque, mine,
à l'aube du XIXe siècle, les formes traditionnelles. Écrites un siècle plus tard, cinq autres
œuvres articulent à leur guise climats différents et inventions. Une française, la Sonate
n°1 de Fauré implose dans son austère beauté. Les quatre autres, signées Kodály, Martinu,
Dvorák et Janácek, sentent bon l’Europe centrale, ses paysages, ses nostalgies, ses
danses, son chant. L’imaginaire de Perényi.
SAM. 17 JAN. 15H
3 CONCERTS EN UN :
ALEXEÏ OGRINTCHOUK
FERENC VIZI piano hautbois
QUATUOR AVIV
SCHUMANN : Trois Pièces en style populaire, op. 120 n°2, n°3 et n°4 – versions pour
hautbois et piano
BRITTEN : Temporal Variations pour hautbois et piano
HAENDEL : Chaconne et Variations pour
piano, en sol majeur
HAYDN : Variations pour piano, en fa
mineur, H XVII/6
BEETHOVEN : Sonate pour piano n°32, en
ut mineur, op. 111
MOZART : Quatuor pour hautbois et
cordes, en fa majeur, K 370
CHOSTAKOVITCH : Quatuor n°9, en mi
bémol majeur, op. 117
La formule qui permet au public de découvrir
plusieurs jeunes musiciens en un concert en a
révélé de bien grands : Andreas Scholl, Graf
Mourja, François Leleux… L’édition 2003-2004
donne trois grands noms de demain : Alexeï
Ogrintchouk, Ferenc Vizi, déjà Lauréats
Juventus comme leurs aînés et le Quatuor
Aviv. Les Parques leur ont parfois envoyé un
ange gardien pour aider le hasard. Les divinités du destin aiment la musique.
UNE BELLE HISTOIRE
Alexei Ogrintchouk au regard de ciel bleu pâle
est né à Moscou en 1975. L’enfant tombe
amoureux du hautbois qu’il entend chez lui
quand ses parents pianistes professionnels
répètent avec leurs partenaires. Il a 13 ans
quand il apprend au dernier moment à l’école
de musique Gnessine (des enfants surdoués),
que le hautboïste Maurice Bourgue donne des
masterclasses au conservatoire Tchaikovski. Il
s’y rend – par chance rien ne l’en empêche –
son hautbois sous le bras, avec le secret
espoir de pouvoir jouer pour le maître. Ce qui
se réalise. Deux ans plus tard, le grand pédagogue français lui écrit pour lui demander s’il
n’a pas une cassette à lui envoyer. Justement
si, il en a enregistré une avec l’orchestre de
son école. Dans une autre longue lettre,
Maurice Bourgue l’invite à se présenter au
Conservatoire de Paris. « Après deux cours
inoubliables avec [son] père spirituel », Alexei
Ogrintchouk réussit, bien sûr. Ses parents
41
"DEVENIR" LA MUSIQUE
Enfant, le jeune Roumain Ferenc Vizi rêvait de
faire de la musique. Décrété inapte par un
idiot de sa petite ville, Reghin, interdit de
piano, il ne renonce pas et apprend l’accordéon dans son école primaire. Avec le violon,
c’est l’instrument des Tziganes. Né en
Transylvanie en 1974, Ferenc Vizi, d’origine
hongroise, revendique son appartenance à
cette minorité. Un jour, par hasard, le directeur
de l’école de musique où il souhaitait aller,
l’entend jouer. Il l’inscrit immédiatement dans
son établissement où il étudie enfin le piano à
9 ans. Passant le concours Enesco de
Bucarest (il y remporte le prix spécial), il est
remarqué par Gérard Frémy, un des membres
du jury, qui le présente au Conservatoire
national supérieur de musique de Paris. Il y
remporte ses premiers prix à l’unanimité. Mais
le choc de sa vie a lieu quand il entend
György Sebök au Théâtre de la Ville en 1996 :
« Jusque là, j’étais dans la logique de celui
qui veut jouer le mieux possible du piano, de
l’instrument. Après l’avoir entendu, j’ai changé. » Ferenc Vizi fait sienne la phrase du
maître : « Ne pas jouer la musique mais devenir la musique ». Il s’était promis d’inscrire la
Chaconne de Haendel au programme de son
premier grand concert dans la capitale.
D’honorer ainsi le géant hongrois qui l’avait
donnée en bis. L'Andante con variazoni de
Haydn et la dernière sonate de Beethoven
explorent aussi la forme variations. Depuis
longtemps Ferenc Vizi fait « grandir dans son
laboratoire ces œuvres qu’il pourrait jouer
mille fois sans avoir le sentiment de se répéter ». L’Opus 111 particulièrement. « Surgi
d’on ne sait où, il retourne au silence. »
42
À L’AUBE D’UN PRINTEMPS
Grands-parents, papa, maman, frère, sœur, ils
sont tous pianistes dans la famille de Serguey
Ostrovsky. Le premier violon, fondateur du
Quatuor Aviv, pouvait-il échapper au destin de
musicien ? Non. Les dés étaient jetés. Mais en
choisissant, dès l’âge de 4 ans, le violon
entendu pendant les répétitions de musique
de chambre de ses parents, Serguei
Ostrovsky manifesta l’indépendance d’esprit,
nécessaire à tout grand artiste. Né à Gorki en
1975, il quitte la Russie à 16 ans pour Israël.
Son talent le conduit très vite vers la carrière
de soliste. Mais c’est au quatuor que le virtuose veut consacrer sa vie : il se retrouve
dans l’intégrité qu’exige sa pratique. Son
répertoire est à ses oreilles le plus beau de
toute la musique classique. Aussi, en 1997,
fonde-t-il un quatuor avec trois jeunes
femmes : la violoniste Evgenia Epstein émigrée d’origine russe elle aussi, l’altiste israélienne Shuli Waterman et la violoncelliste
canadienne Rachel Mercer. Deux ans plus
tard, ils remportent les quatre premiers prix de
la Melbourne International Chamber Music
Compétition. Ils viendront bientôt s’installer à
Paris, « la ville la plus excitante du monde ».
La France n’a-t-elle pas d’autre part une
grande tradition de quatuor ? Et comme « les
Français comprennent bien Chostakovitch »,
les Aviv ont choisi le 9e de ses I5 quatuors.
« Le plus beau » pour Serguei qui « aime tout
du compositeur russe » mort en 1975. La partition très émotionnelle va mettre en vibration
l’âme de la jeune formation et donne aussi la
parole à chacune de ses individualités. De
quoi cueillir les quatre fleurs à peine écloses
de ce nouveau “printemps". Aviv, en hébreu.
A. Dasch, ph. X. DR
accepteront que leur fils unique parte en
France. Son parcours brillantissime – multiples premiers prix, premiers engagements –
les récompensera. Nommé hautbois solo du
Philharmonique de Rotterdam à 21 ans, le
jeune virtuose vient d’enregistrer, accompagné par… son papa, un tout premier compact
consacré à Schumann. Y figurent notamment
les tendres « Stücke im Volkston du seul
romantique à avoir écrit pour cet instrument
de lumière qui chante et parle. » Du lyrisme le
plus absolu au babillage le plus acrobatique,
Britten en exploite la quintessence dans
Temporal Variations. Le Quatuor de Mozart
aussi. Un autre soleil.
LUN. 19 JAN. 20H30
ANNETTE DASCH soprano
KATRIN DASCH piano
Das Mädchen spricht (La Jeune fille parle)
SCHUMANN : Liebeslied ; Die Meerfee ; Der
Nussbaum ; Suleika ; Aufträge
BRAHMS : Das Mädchen spricht ; Therese
Vom Strande ; Immer leiser wird mein
Schlummer
WOLF : 6 Keller-Lieder ; Mignon
SCHUMANN : Heiss mich nicht reden ; So
lasst mich scheinen bis ich werde
MARTIN : Drey Minnelieder
R. STRAUSS : Ständchen ; Die Georgine ;
Geduld ; Mit deinen blauen Augen ;
Schlechtes Wetter ; Wie sollten wir geheim
sie halten
LA JEUNE FILLE ET LA VIE
Elle a 27 ans. D’immenses yeux verts, d’épais
cheveux blonds, un sourire splendide, le visage pulpeux, la silhouette aussi. La voir, c’est
déjà l’aimer. La voix est fruitée, le timbre dru,
la technique parfaite, le style impeccable.
L’entendre, c’est l’aimer plus encore. La jeune
Berlinoise a remporté en l’an 2000 le premier
prix de trois concours internationaux : Maria
Canals de Barcelone, Robert Schumann de
Zwickau, Concours de Genève où elle obtint
aussi le Prix du public. Faut-il s’en étonner ?
La soprano a souvent triomphé dans le répertoire sacré. À l’opéra les plus beaux rôles l’attendent : Fiordiligi, Pamina et, forcément, la Comtesse Almamiva dont elle est
l’incarnation.
Mais c’est au lied que la nouvelle diva veut
consacrer son premier concert à Paris. Le
genre de l’excellence exige autant de musicalité, d’intelligence, que de présence. Celle
d’Annette Dasch est inouïe. Des grands interprètes, elle a le charisme, le regard, cet œil
qui fait qu’on ne remarque qu’elle. Son récital
a pour titre celui d’un lied de Brahms, frémissant, enflammé : "La jeune fille parle”. Il est la
clé d’une superbe anthologie qu’ouvre
Liebeslied de Schumann et referme Wie sollten wir geheim sie halten ? de Richard
Strauss. De l’amour torturé qui ne peut s’assouvir au désir exalté de dire son bonheur,
Annette Dasch exprime les battements de
l’âme. Ces secrets, c’est avec sa sœur Katrin
qu’elle veut les chuchoter « Elle me connaît si
bien ! » dit-elle de cette accompagnatrice
hors pair. La jeune fille peut parler. Annette
Dasch chanter. Le public l’admirer.
A. Gerhardt, ph. F. Berisha
Zhu Xiao-Mei, ph. Th. Martinot
C. Licad, ph. J. Henry Fair
A. van Beek, ph. X. DR
LUN. 26 JAN. 20H30
SAM. 6 MARS 17H
ZHU XIAO-MEI piano
ORCHESTRE DE
CHAMBRE D’AUVERGNE
ALBAN GERHARDT violoncelle
CECILE LICAD piano
direction musicale Arie van Beek
BARBER : Adagio pour cordes, op. 11
MOZART :
Concerto n°17, en sol majeur, K 453
BRITTEN : Simple Symphony, op. 4
MOZART :
Concerto n°23, en la majeur, K 488
Radieuse Zhu Xiao-Mei ! Pour son sixième
passage au Théâtre de la Ville qui la découvrait en 1994, elle réalise son rêve : jouer des
Concertos de Mozart. Bonheur de retrouver
cette pianiste chinoise tellement à part.
Quand on surmonte les épreuves d’une vie
hors du commun, quand on survit à 5 ans de
camp totalitaire, quand, grâce à Isaac Stern
qui avait repéré ses dons à Pékin, on
débarque seule à New York puis à Paris, c’est
qu’on a une force particulière. Une étincelante
vision de vie qui bannit certains mots – carrière, mondanités, ronds de jambe… –, en
remplit d’autres de sens : échange, existence,
musique, « la plus belle chose qui soit, l’axe
de ma vie ».
Dans sa philosophie, il y a un temps pour tout
qu’elle sait attendre. Celui de jouer Mozart « le
compositeur le plus difficile au monde car justement si simple, si pur » est arrivé. Celui de
retourner en Chine, pas encore. « Cela me fait
peur. Les gens, trop matérialistes, ne sont toujours pas mûrs pour le profond. » L’essentiel
est son oxygène. D’où son jeu sans concession, pur. Avant de lui servir d'écrin, l’excellent
Orchestre de chambre d’Auvergne offrira sous
la direction de son chef hollandais Arie Van
Beek l’Adagio nostalgique du New-Yorkais
Samuel Barber et la très pimpante Simple
Symphony que Britten composa à l’âge de 21
ans. Intelligents préludes aux concertos de
Mozart choisis par Zhu Xiao-Mei : le dix-septième « dont la joie transforme fatalement l’auditeur » et le vingt-troisième qu’elle jouait déjà
à 10 ans. « La musique de Mozart n’est pas
cérébrale, elle est instinctive, spontanée,
splendide, délicate. Elle exprime mieux que
quiconque les contradictions humaines.
Même dans les moments de gravité intense, il
y a toujours une perspective inattendue qui
nous conduit vers la lumière. En choisissant
les concertos de Mozart, j’ai voulu faire passer
un message d’espoir et d’optimisme. » Merci !
BEETHOVEN : Sonate pour piano et violoncelle, en sol mineur, op. 5 n°2
BRITTEN : Sonate pour violoncelle et piano,
en ut majeur, op. 65
RACHMANINOV : Sonate pour violoncelle
et piano, en sol mineur, op.19
ENFIN !
Alban Gerhardt et Cecile Licad reviennent qui,
en mars 2002, ensorcelaient le public. « Il y
avait une atmosphère incroyable » se rappelle
l’élégant virtuose allemand. Effectivement ! Ce
concert reste dans les mémoires. On fêta le
violoncelliste dont la maîtrise et la sensibilité
avaient déjà séduit les Abbesses en 1999, et
la pianiste que la France découvrait, toute
d’instinct et de perfection. Deux félins : un
abyssin, une panthère noire. Bien dans sa
tête, dans sa peau, dans son cœur, le jeune
homme a toujours su transformer en générosité son bonheur personnel. Et dépasser les
facilités mises par le destin sur son chemin. Il
va au-delà, il cherche, questionne. C’est pour
cela qu’il aime jouer avec Cecile Licad :
« Avec elle c’est toujours différent ».
Leur entente, immédiate, passe par le jeu,
rarement par la parole. « On répète, on répète
et finalement le jour du concert on joue
quelque chose de complètement différent.
C’est possible car on est sûr que l’autre va
suivre. À mon avis, il faut être très bons amis.
Je n’ai jamais compris comment des musiciens qui se détestent arrivent à jouer
ensemble. Je ne pourrais pas. Cecile, je la
sens, je la comprends tellement bien ! »
Souffrance et passion. Telle est la trame des
trois pièces si différentes de leur programme.
La tonalité de sol mineur de la première et de
la troisième assombrit le rouge de ce fil. Il tisse
la Sonate opus 5 n°2 de Beethoven, « la plus
triste la plus profonde de toutes ». Éperdue,
ardente, la sonate de Rachmaninov l’est
aussi. « Cecile la joue comme Rachmaninov
lui-même, de façon pas trop sentimentale
mais très passionnée. Rien à voir avec la
musique de film que certains veulent y
entendre. »
Entre ces deux orages, la sonate de Britten,
âpre, haletante. « C’est probablement une des
meilleures pièces de musique de chambre
écrites pour violoncelle et piano. Les deux instruments, égaux, forment vraiment un duo. »
Cecile Licad et Alban Gerhardt aussi.
C. Licad, ph. J. Henry Fair
SAM. 13 MARS 17H
CECILE LICAD piano
SCHUMANN : Sonate n°2, en sol mineur,
op. 22
KNUSSEN : Prayer Bell Sketch, op. 29
LISZT : Au bord d’une source, de la
1re Année de pèlerinage
BEETHOVEN : Sonate n°26, en mi bémol
majeur, « Les Adieux », op. 81a
CHOPIN : Douze Études, op. 25
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qu’il fallait me responsabiliser. » C’est ainsi
que l’adolescent de 14 ans partit vivre seul à
Parme. « Dès lors, tout a très bien marché. »
Plutôt ! Fabio Biondi est une des personnalités
artistiques (et humaines) essentielles de notre
époque. Il peut revenir chaque année au
Théâtre de la Ville : il a toujours quelque chose
de nouveau à dire et une nouvelle manière de
le dire. Pour son treizième passage, il propose
un florilège enivrant de sonates italiennes du
XVIIIe siècle. « Avec une conception neuve. Il
est presque possible de les transformer en
quatuors. » Bien sûr, puisque c’est un sorcier.
Et d’autant plus puissant que la famille de son
premier maître, décédé il y a 20 ans, vient de
lui en confier le violon mythique. « Un rêve. »
Qui envoûta la salle en mars 2003 : après l’espagnolissime Fandango de Boccherini donné
en bis, que Fabio Biondi s’était dédié « non
par mégalomanie mais parce que c’est mon
anniversaire », la salle lui fit un nouveau
triomphe puis entonna un chaleureux « joyeux
anniversaire ! ». Magique, non ?
Quatuor Ysaÿe, ph. A. Yanez
UN ÉVÉNEMENT
Paris offre enfin son premier récital à la pianiste qu’Alban Gerhardt a révélée au Théâtre
de la Ville. Folle d’une “folie” que le violoncelliste compare à celle de Marta Argerich. Elle a
l’éclat de l’étoile filante, la détente du félin, l’incandescence du feu. Des pianissimi à peine
audibles, irisés comme la mer des midis
calmes, doux comme un chat qui dort.
Envoûtante. En elle, tous les sortilèges des
îles du Pacifique, de Manille où elle naît en
1961. “Élevée au piano” par sa mère ellemême musicienne professionnelle, elle donne
son premier concert à l’âge de 7 ans avec
l’Orchestre philharmonique des Philippines.
En 1973 elle part à New York, au Curtis Institute, étudier avec Mieczyslaw Horszowski,
Seymour Lipkin et Rudolf Serkin avec qui elle
continuera. « Quel que soit ce que je lui
jouais, il ne suffisait pas de bien le jouer. Je
devais travailler dur pour essayer d’atteindre
le cœur de la musique, et même là il fallait
aller plus loin encore, se rappelle-t-elle. Il
m’apprit qu’il n‘y avait pas de raccourci pour
faire de la musique au plus haut niveau. »
Celui-là même de son prométhéen programme. « La deuxième sonate de Schumann
est une pièce ouverte ; extravertie qui me fait
battre le cœur. La sonate "des Adieux" de
Beethoven a une dimension transcendantale.
C’est dans ce registre que je voulais terminer
la première partie. La spiritualité des pièces
de Knussen et de Liszt apporte le calme et
m’y prépare moi-même ainsi que le public. »
Les Douze Études opus 25 de Chopin, un des
plus grands défis que les pianistes peuvent se
lancer, électrisent la seconde partie.
Hallucinant !
SAM. 27 MARS 17H ET LUN. 29 MARS 20H30
F. Biondi, ph. Th. Martinot
Les 20 ans du
QUATUOR YSAŸE
SAMEDI 27 MARS 17H
HAYDN :
Quatuor n°58, en ut majeur, op. 54 n°2
BEETHOVEN :
Quatuor n°12, en mi bémol majeur, op. 127
RAVEL : Quatuor en fa majeur
LUNDI 29 MARS 20H30
avec
MIKLÓS PERÉNYI violoncelle
ZOLTÁN TÓTH alto
SAM. 20 MARS 17H
FABIO BIONDI violon
Maurizio Naddeo violoncelle
Fabio Bonizzoni clavecin et orgue
Giangiacomo Pinardi théorbe, guitare, cistre
MICHELE MASCITTI : Psyche
FRANCESCO MARIA VERACINI :
Sonate en sol mineur op. 1
FRANCESCO SAVERIO GEMINIANI : Sonate
pour violon et basse, en la mineur, op. 4 n°5
ALESSANDRO STRADELLA : Sinfonia pour violon, violoncelle et basse, en ré mineur
PIETRO ANTONIO LOCATELLI : Sonate pour
violon et basse, en ré mineur, op. 6 n°12
MICHELE MASCITTI : Sonate pour violon, violoncelle et basse, en sol mineur, op. 6 n°15
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SI FABIO M’ÉTAIT CONTÉ
Il était une fois un petit garçon sicilien. Un jour,
non loin de Palerme, dans la maison d’amis
de ses parents, Salvatore Cicero – ce serait
son premier maître – lui met dans les mains
son fabuleux violon, un Gagliano, « un de
ceux qu’on ne peut pas s’acheter », précise
Fabio Biondi. Il avait onze ans. Un mois plus
tard, il jouait avec orchestre… « Mais j’étais un
enfant rebelle, un désastre. Par chance, mon
père, pédopsychiatre, a tout de suite compris
BRAHMS : Sextuor à cordes n°2, en sol
majeur, op. 36
SCHÖNBERG : La Nuit transfigurée, pour
sextuor à cordes, op. 4
JOYEUX ANNIVERSAIRE !
Le Quatuor Ysaÿe le premier de France, l’un
des meilleurs au monde, aura 20 ans en 2004.
« Cet anniversaire ne pouvait avoir lieu qu’au
Théâtre de la Ville qui nous suit depuis 1992 et
dont nous aimons l’acoustique : elle nous permet de recréer les couleurs que nous recherchons dans notre travail », précise l’altiste fondateur Miguel da Silva. Profond, juste. Il tient à
saluer tous ceux qui ont rendue possible la
transmutation de leurs quatre individualités en
une seule, “cette cinquième personne”, l’âme
de tout quatuor : leur maître le Quatuor
Amadeus ; les musiciens qui les ont quittés
mais dont ils ont assimilé la richesse ; Marc
Bleuse qui leur octroya une bourse de trois
ans ; Paribas qui prit le relais… « 20 ans cela
signifie la maturité et avoir franchi le plus dur
si l’on en croit la boutade selon laquelle ce
sont les 20 premières années d’un quatuor qui
sont les plus difficiles. Nous avons gagné
notre liberté et nous entrons dans une seconde vie » se réjouit le second violon Luc
Marie Aguera, un autre fondateur. Subtil.
géants Haydn et Beethoven, peu importe à
Barthold Kuijken. Qu’elles donnent la suprématie au piano ou à la flûte aussi. Son plaisir
est le même. « Le musicien, dit-il, doit refléter
une œuvre qui l’a touché, qu’il voudrait partager avec l’auditoire, et qu’il lui fait parfois
découvrir. C’est un miroir entre une pièce et un
public. Ce n’est en dernier lieu jamais l’interprète qui est important. » Voire. En effet derrière le miroir n’y a-t-il pas la personnalité de
l’artiste, ses dons, ses intuitions et son travail ?
Des qualités qui font la différence entre les
miroirs déformants et les autres. Barthold
Kuijken et Arthur Schoonderwoerd en sont
deux de la plus haute définition.
MUSIQUE AUX
ABBESSES
SAM. 3 AVR. 17H
C. Frisch, ph. Th. Martinot
Une renaissance, donc. Pour l’honorer, deux
concerts diamants. Le premier affiche Haydn
et Beethoven, deux lettres de noblesse du
quatuor Ysaÿe. Ne va-t-il pas bientôt achever
l’intégrale Haydn qu’ils donnent depuis l’an
2000 dans le cadre du Festival de Besançon ?
Ne gravit-il pas régulièrement les sommets de
l’Himalaya beethovénien ? Mais on est français ou on ne l’est pas, les Ysaÿe ont choisi
pour finir le quatuor de Ravel créé en mars
1904 dont – le hasard fait bien les choses – ils
fêteront ainsi le centenaire. Pour leur deuxième concert de fête, ils veulent aller encore
plus loin dans le partage. Le quatuor devient
sextuor en s'agrandissant de deux musiciens
rares : Zoltán Tóth l’ex-altiste du quatuor Eder,
dont ils admirent le talent instrumental, et le
grand Milklós Perényi dont ils vénèrent l’intégrité et la pensée. C’est la première fois qu’ils
joueront ensemble. Un rêve. D’autant plus
beau qu’ils mettent en regard le Sextuor n°2
de Brahms et La Nuit transfigurée de
Schönberg. Chefs-d’œuvre.
CÉLINE FRISCH clavecin
A. Schoonderwoerd, ph. Y. Petit
B. Kuijken, ph. Th. Martinot
TARIF C
SAM. 31 JAN. 17H
BARTHOLD KUIJKEN flûte
ARTHUR
pianoforte
SCHOONDERWOERD
Flûte et pianoforte autour de 1800
HUMMEL : Sonate en ré majeur, op. 50
HAYDN : Sonate en fa majeur Hob. XV : 17
BEETHOVEN :
Variations sur un Air russe op. 107 n°3
FRANZ XAVER MOZART : Rondo en mi mineur
BEETHOVEN : Serenade en ré majeur, op. 41
MIROIRS DES LUMIÈRES
Le séduisant programme qu’offre Barthold
Kuijken, invité pour la cinquième fois, est à la
charnière des XVIIIe et XIXe siècles. Le maître de
la flûte traversière appporte « les saveurs du
nouveau sentiment de musique en train de
naître » et convie le public à les déguster. En
compagnie d’Arthur Schoonderwoerd, un
autre gourmet de la musique, dont le jeu aussi
subtil qu’inventif fit pétiller les quatre précédents concerts.
Quoi de plus délicieux, de plus agréable que
les cinq œuvres choisies ? Qu’il s’agisse des
deux “petits maîtres”, Hummel tellement doué
que son professeur Mozart ne lui faisait pas
payer les leçons, Franz Xaver Mozart le fils
cadet talentueux du génie, ou des deux
D’ANGLEBERT :
Première Suite, en sol majeur, des Pièces
de clavecin (Paris, 1689)
F. COUPERIN : Extraits du Second ordre en
ré du Premier Livre de Pièces de clavecin
(Paris, 1713)
D’ANGLEBERT : Deuxième Suite,
en sol mineur, des Pièces de clavecin
LA LUMINEUSE
Calme, en elle-même, Céline Frisch a traversé
la scène pour rejoindre son clavecin. Et l’Aria
céleste fut. Avant et après les 30 Variations
Goldberg de Jean Sébastien Bach. Dans un
silence de rêve. Pas une toux, pas un froissement de programme ne vint troubler ce lever
et coucher de soleil. Pas un seul mouvement
de spectateur sur le cuir des sièges.
Communion. C’est le sixième passage aux
Abbesses de celle qui sait faire le vide en elle
pour créer l’avènement de la musique. Après
avoir guidé le public, il y a un an, dans cette
quête du Graal, Céline Frisch l’emmène en
France, dans l’univers de sa grande école de
clavecin.
Jean-Henri D’Anglebert est un sommet du XVIIe
siècle. Et pourtant il n’a publié qu’un seul
recueil, dont sont extraites les deux Suites du
programme. Dans leurs préludes toute la
quintessence de leur majesté. Dans l’acrobatique menuet de la suite en sol majeur, l’apogée de leur virtuosité. Entre ces deux pôles,
François Couperin, le plus éminent compositeur français de sa génération. Nous ne
connaissons pas encore quels "délices" –
c’est ainsi qu’on appelait les pièces de
Couperin “le Grand” – Céline choisira mais ils
porteront les noms savoureux que le maître
leur a presque toujours donnés. Si du ciel des
musiciens le fin portraitiste entend la jeune
Française, il en fait sûrement d'exquis croquis.
Qui pourraient bien s’appeler l’Intelligente, la
Raffinée, la Profonde, ou bien encore pour
fêter la petite fille qu’elle vient de mettre au
monde, l’Éloïne…
textes musique A.-M. Bigorne
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musiques du monde
AU THEATRE DE LA VILLE
AUX ABBESSES
MOHAMMAD REZA
SHAJARIANE chant
ANGÉLIQUE IONATOS
Iran
Kayhan Kalhor kamantché
Hossein Alizadeh târ et setar
Homayoun Shajariane tombak
SHIVKUMAR SHARMA
Inde
Alas pa’volar
création
(Des ailes pour voler)
textes extraits du journal de Frida Kahlo
mise en scène Omar Porras
musique Christian Boissel
santour
PHILIPPE MEYER
DEBASHISH BHATTACHARYA
L’Endroit du cœur
création
(avec vue sur l'envers)
textes et chansons sur le thème de l'amour,
de Maurice Scève à Jean Genet
guitares hawaïennes
Inde du Nord
OPÉRA LI YUAN XI
Chine
NAN YIN
Chine du Sud
musiques traditionnelles chinoises
chants et musiques courtoises
POÈTES ET MUSICIENS
DU RAJASTHAN
MARIZA
KAYHAN KALHOR kamantché Iran
SHUJAAT HUSAIN KHAN Inde
Portugal
fado
JACKY MICAELLI
Corse
sitar
GEORGES APPAIX
CHANTS ET MUSIQUES
DU BADAKHCHAN Tadjikistan
Sâhiba Dovlatshâeva chant
Djonbaz Doshanbiev chant, ghijak
création
Non seulement…
danse et chansons
TOURIA HADRAOUI
chant Maroc
malhoun
FONÓ ZENEKAR
musiques de danse et chants de
Hongrie
SEIKIN TOMIYAMA
jiuta
Japon
chant et shamisen
JULIEN WEISS
ENSEMBLE AL-KÎNDI
ROMANCERO GITANO
Al-Kîndi fête ses 20 ans avec
Tunisie
Loutfi Bouchnak chant classique
Husayn Al-Azami mâqâm de Bagdad Irak
avec Sheikh Habboush chant
Syrie
MOHAMED SEGUENI
chant, alto et direction
Algérie
malouf et aïssaoua de Constantine
SHAHID PARVEZ
Inde du Sud
Pakistan
avec un ensemble qawwali
RAJAN ET SAJAN MISRA
chant khyal
ANNIE EBREL
Bretagne
chant a cappella
TOUD’SAMES
Bretagne
ULJAN BAÏBUSYNOVA
YELDOS YEMIL chant épique, dombra
SAÏANE AKMOLDA
Kazakhstan
kobyz (sorte de vièle)
ONDAR MONGUN-OOL
chant, tschansy (sorte de luth)
musique et chant carnatiques
BADAR ALI KHAN
musique et mise en scène Vicente Pradal
chant épique
Inde du Nord
sitar
VADHYA LAHARI
T.M. KRISHNA chant
FEDERICO GARCÍA LORCA
Inde du Nord
Touva
NEZAKAT TEYMUROVA
chant et daf
Azerbaïdjan
H. Alizadeh, M. R. Shajariane, K. Kalhor, H. Shajariane, ph. X. DR
MUSIQUES
DUMONDE AU THEATRE
DE LA
VILLE
MOHAMMAD REZA
SHAJARIANE chant
Iran
Kayhan Kalhor kamantché
Hossein Alizadeh târ et setar
Homayoun Shajariane tombak
Ces quatre virtuoses, parmi les meilleurs
d’Iran, ont contribué à raviver l’intérêt du
public pour la musique classique persane. Ils
viennent de lancer leur premier disque
commun où figurent des compositions
modernes dans le respect de la plus pure
tradition.
Véritable légende vivante en Iran, parfois surnommé le « Pavarotti persan », Mohammad
Reza Shajariane possède une voix à nulle
autre pareille, d’une souplesse incomparable.
Lors de sa dernière venue au Théâtre de la
Ville avec Dariush Tala’i en 1998, « sa sobriété, sa justesse, son style épuré et limpide »
avaient fait merveille.
Virtuose du târ (sorte de luth), auteur de musique de films iraniens réputés, Hossein
Alizadeh mène une carrière de premier plan
comme interprète et compositeur. Depuis
quelques années, il a créé sa propre école,
contribuant ainsi à l’émergence d’une nouvelle génération de musiciens iraniens. Dans
ses apparitions au Théâtre de la Ville auprès
d'Ali Asghar Bahari, Mahmoud Tabrizi Zadeh
et Dariush Tala’i, il a développé avec brio son
art de l’improvisation.
Kayhan Kalhor, maître du kamantché (sorte
de vièle), s’est distingué en mariant la
musique persane à d’autres traditions : tradition indienne avec l’ensemble Ghazal (on le
retrouvera en duo avec le jeune sitariste
Shujaat Husain Khan, le fils de Vilayat, au
Théâtre de la Villle le 15 novembre), ou classique occidentale avec Yo-Yo Ma et le Kronos
Quartet.
À ces trois figures dominantes s’ajoute celle
de Homayoun Shajariane, chanteur et joueur
de tombak (tambour de bois), le fils de
Mohammad Reza Shajariane. Bien qu’âgé
d’une vingtaine d’années seulement, on le dit
bien engagé pour suivre les traces de son
père.
Une rencontre au sommet où l’on ne peut trouver ambassadeurs plus qualifiés pour découvrir le raffinement de la musique classique
persane.
Jacqueline Magnier
MAR. 7 OCT. 20H30
SHIVKUMAR SHARMA
Inde
santour
Rahul Sharma santour
Shaafat Ahmed Khan tabla
Lors de leur précédent passage au Théâtre
de la Ville, on a pu apprécier ce rapport distancié cachant si bien une intimité réelle entre
le maître incontesté du santour Shivkumar
Sharma et son fils et disciple Rahul, tous deux
si élégants dans leur maintien et sereins dans
la force intérieure de leur jeu. Ce duo entre
père et fils est certainement le meilleur et le
S. Sharma, ph. R. Kapse
LUN. 29 ET MAR. 30 SEPT. 20H30
D. Bhattacharya, ph. P. R. Pal
TARIF C
plus nourrissant jamais présenté récemment
sur les scènes de la musique hindoustanie.
Car le fils est à la hauteur du père et celui-ci
sait rester lui-même, laissant la parole à celuilà au moment opportun, et ainsi la roue tourne
de l’un à l’autre dans une parfaite égalité des
rôles où la fraîcheur d’un jeu pourtant savant
domine.
Rahul Sharma, qui maîtrise le santour avec la
même aisance et la même vélocité que son
père, est déjà un maître. Rompu à la subtilité
de frappe des baguettes, il déploie un jeu
audacieux, se livrant à des envolées de passages improvisés d’une étonnante variété.
L’imagination combinée du père et du fils offre
ainsi un spectacle aux facettes saisissantes
jusqu’au moment où interviennent des compositions accompagnées au tabla. C’est alors
une jubilation.
Shivkumar Sharma voit dans le santour un instrument mystique, dans le son comme dans
l'effet hypnotique dû aux frappes subtiles ou
fortes des baguettes courbes qui viennent
faire résonner les cent cordes de cette cithare
originaire du Cachemire, dont le maestro a fait
l'un des instruments les plus populaires de
l'Inde.
Christian Ledoux
SAM. 18 OCT. 17H
DEBASHISH BHATTACHARYA
guitares hawaïennes
Inde du Nord
Subhashish Bhattacharya tabla
Un guitariste hawaïen venu en Inde avant la
dernière guerre mondiale, a fait découvrir aux
musiciens indiens sa slide guitar jouée en faisant glisser un objet dur le long des cordes
sans frettes. Le premier grand interprète à
l’avoir présentée en concert est Brij Bushan
Kabra. Il enregistra le CD Call of the Valley au
succès considérable, en compagnie de
Chaurasia et Shivkumar Sharma.
Attiré par la guitare, Debashish Bhattacharya
désire apprendre avec ce maître. Quittant sa
ville de Calcutta, il n’hésite pas à se rendre de
l’autre côté de l’Inde, à Ahmadabad, capitale
où habite Brij Bushan, et reste auprès de lui
pendant sept années consécutives.
Issu d’une famille de gens de théâtre où la
musique tient un grand rôle, Debashish attend
d’être fin prêt pour se lancer dans la carrière,
et ne donne son premier concert public
qu’après l'âge de trente ans. Son jeu extraordinairement fertile et d’une technique hors
pair, lui ouvre les portes d’un succès croissant, et après seulement six années de
concerts, il peut se targuer d’un joli palmarès
avec des tournées en Europe et aux USA et
quelques CD à son actif.
Debashish s’est fait construire trois types de
guitares de tailles différentes qu’il utilise selon
les pièces qu’il choisit de jouer, et a introduit
des améliorations sur la grande guitare, élar-
47
Opéra Li Yuan Xi, ph. San Bartolomé
Gafoor Khan, photos M. Le Bastard
MAR. 11 NOV. 20H30
POÈTES ET MUSICIENS
DU RAJASTHAN
les Langas et les Manghaniyars
LUN. 20 OCT. 20H30
Pour la 1re fois en France
OPÉRA LI YUAN XI
(Opéra du jardin des poiriers)
Chine
Le Miroir aux litchis
surtitré en français
11 chanteurs et 10 musiciens (luth, flûtes,
vièle, hautbois, tambours, cliquettes,
gongs, cymbales)
dans le cadre des Années croisées francochinoises
Le Li Yuan Xi est un des genres d’opéra les
plus anciens. Le nom de Li Yuan Xi, Opéra du
jardin des poiriers, reprend celui du conservatoire de musique et de danse bâti dans les jardins impériaux de l’époque Tang (618-909). Il
s’est constitué dans la province du Fujian dont
Quanzhou, port célébré par Marco Polo, face
à l’île de Taiwan, fut pendant des siècles la
porte de la route maritime de la soie . Il a réussi à préserver des formes antérieures d’opéras qu’il avait intégrées et qui, sans lui,
auraient disparu. Le texte du XVIe siècle de
l’opéra Le Miroir aux litchis, retrouvé au Japon,
est pour l’essentiel semblable à la version
encore jouée de nos jours.
Pour ceux qui craindraient les percussions
parfois agressives de l’Opéra de Pékin, rien
de tel ici : les musiques sont faciles d’accès,
mélodieuses et plaisantes à l’oreille.
Au-delà de l’exotisme vite appréhendé des
costumes – magnifiques –, le public se retrouve en terrain connu : le Li Yuan Xi s’apparente aussi bien dans sa forme visuelle que
dans ses types de caractères ou ses
intrigues, à notre théâtre de tréteau moliéresque et à la commedia dell'arte. Entre
maîtres et serviteurs, les enjeux sont les
mêmes. Le spectateur ne sera pas dépaysé
face à ces servantes maîtresses fortes en
gueule, intrigantes et familières : ces suivantes-confidentes mutines et rusées,
complices des amours contrariées de leurs
jeunes maîtres ; ces juges-bouffons ridiculisés
dans leurs fonctions et leurs rites ; ces prétendants ridicules infatués de leur personne. Les
bonnes de Molière, les nourrices de
Shakespeare, les entremetteuses de Goldoni
et leurs apartés au public sont bien au
rendez-vous…
Une intrigue facile à suivre, qui va allègrement
son chemin au rythme de situations de tons
très variés, dialoguées, chantées et dansées,
faisant harmonieusement alterner airs joyeux
et ballades mélancoliques, mélodies très
anciennes parfois reprises de chants liturgiques bouddhiques ou de chants traditionnels, tel le Nan Yin ou Nan Kuan présenté au
Théâtre des Abbesses.
48
Channan Khan
gissant la table et augmentant le nombre de
cordes.
Sa pureté de cœur, sa probité et une certaine
candeur rendent ce musicien aussi attachant
C. L.
que sa musique.
Jacques Pimpaneau,
Pierre-Jean de San Bartolomé
les Manganyiars :
Anwar Khan, Channan Khan, Fakira Khan,
Gafoor Khan, Moltan Khan chant
Channan Khan, Ghewar Khan kamanchiya
Fakira Khan, Firoz Khan dolak (percussion)
Gafoor Khan, Gazi Khan kartal (ancêtre
des castagnettes)
les Langas :
Bundu Khan, Nekou Khan chant
Habib Khan sarangui (vièle)
et satara (double flûte)
Habitués maintenant à sillonner la France
sous différentes formes (Divana, Chota
Divana, etc.), les castes des Manghanyars et
Langas sont, par leur art, le lien entre l’ancien
raffinement poétique et musical des cours et
le monde traditionnel, rural et nomade, où ils
vivent aujourd’hui.
La rudesse des voix qui façonnent de subtiles
ornementations, est à l’image de cette caractéristique des plus riches traditions de notre
planète – celles de ces sociétés rurales et
nomades qui possèdent encore un haut raffinement poétique, vestige d’un riche passé.
Dans ce paradis poétique qu’est l’ancien pays
des rajahs (Rajasthan : mot sanskrit signifiant
Pays des princes), la poésie est d’une hallucinante beauté. Entre sacré et profane, Islam
précaire et hindouisme, cette poésie raconte
et décrit les dieux et déesses, émanations du
monde surnaturel, l’absence de l’amant, mais
aussi la tristesse de la jeune mariée loin de sa
famille, les bonnes et mauvaises récoltes, les
rêves de pluie à venir, les naissances et les
morts, les bandits et brigands du désert. Une
myriade de poésies, aujourd'hui encore, en
parfaite osmose avec le kamanchiya (la vièle
des Manghaniyars) ou le sarangui (la vièle
des Langas s'élève sinueuse et torride, et les
vers du poète éclairent notre âme « comme le
firmament des étoiles dans la nuit ».
Ce concert exceptionnel verra la réunion de
l’élite de ces paysans princiers et des plus
belles voix du Rajasthan à travers deux générations de musiciens. Vivant du désert du Thar
jusqu’à Jodhpur, des artistes comme Anwar
Khan Manghaniyar, Bundhu Khan Langa,
Nekou Khan Langa ou Moltan Khan Manghaniyar s’affronteront dans cet esprit de joute où
le sentiment poétique se cisèle au gré d’une
inspiration qui oscille entre le chant classique
et l’âpreté d’une vie reliée à la nature.
Alain Weber
SAM. 15 NOV. 17H
KAYHAN KALHOR
kamantché
Iran
SHUJAAT HUSAIN KHAN
sitar
Inde
Mêler musique persane et musique hindoustanie n’est pas chose courante. Si chacune
possède sa propre identité, toutes deux ont
des racines communes, conséquence, au
S. Husain Khan et K. Kalhor, ph. J. Vartoogian
S. Dovlatshaeva, D. Doshanbiev,
ph. Kamrouz
* Il partagera avec lui la scène du Théâtre de la Ville
en quatuor les 29 et 30 septembre 2003.
JEU. 27 NOV. 20H30
CHANTS ET MUSIQUES
DU BADAKHCHAN Tadjikistan
Sâhiba Dovlatshâeva chant
Djonbaz Doshanbiev chant, ghijak
accompagnés de cinq musiciens au
rûbab, sétar, daf, dotar…
Au cœur du Pamir, ce "toit du monde" à la frontière de l'Afghanistan, de la Chine et de la
Kirghizie, le Badakhchan reste isolé, à cheval
entre le Tadjikistan et l'Afghanistan. Là, vallées
profondes et hautes chaînes de montagnes
laissent encore peu de place aujourd'hui à la
route qui traverse la région à 4000 mètres d'altitude. Cette province, quasiment inaccessible
des siècles durant, compte sept langues différentes même si elles appartiennent toutes à
la grande famille des langues indo-européennes. Ainsi ont été préservées une culture
et des traditions musicales spécifiques. C'est
peut-être, affirme Jean-Pierre Thibaudat, « la
région Europe-Asie où le pourcentage de
musiciens est le plus élevé . À tel point, poursuit-il, qu'on en arrive à se demander si ce
Fonó Zenekar, ph. X, DR
Moyen Âge, des échanges culturels issus de
la longue domination des Mongols musulmans en Inde du Nord. Basées sur l’improvisation, elles ont en partage le ghazal (poésie
chantée), même si ce terme ne recouvre pas
tout à fait la même forme d’expression musicale pour chacune d’elles. Un point commun
qui n’a pas échappé à l’oreille de Shujaat
Husain Khan et Kayhan Kalhor. Depuis 1997,
le duo fait passer en musique les liens d’amitié qui les unissent dans la vie.
Septième d’une lignée ininterrompue de
grands maîtres, Shujaat Husain Khan n’est
autre que le fils du célèbre sitariste indien
Vilayat Khan. À 6 ans, il donnait son premier
concert en public. Réclamé aujourd’hui au
Carnegie Hall de New York comme au Royal
Albert Hall de Londres, il est l’un des meilleurs
sitaristes de la jeune génération en Inde du
Nord.
Kayhan Kalhor, quant à lui, est un maître du
kamantché, ancêtre du violon. Né en 1963 à
Téhéran, il intègre à 13 ans l’Orchestre national de radio-télévision de Téhéran où, cinq
ans durant, il accompagne les grands maîtres
de la musique persane, Shadjariane, Nazeri
ou Alizadeh*. Toujours soucieux de la découverte, il élargit sa culture musicale, étudiant la
tradition kurde et, en Italie, la musique classique occidentale.
Cet insolite duo utilise à merveille le langage
universel de l’émotion. Délicatesse du sitar,
douceur du kamantché, on ne peut que se
laisser charmer et séduire par la magie et la
beauté de leurs ghazals, subtils discours
amoureux. Une splendeur !
J. M.
n'est pas cette musique aux influences diaprées et souvent lentes qui auraient donné
naissance à ces paysages insensés, tour à
tour doux, charmeurs et soudain tristes. »
Majoritairement ismaélites, les musiciens du
Badakhchan consacrent leur répertoire aux
poèmes des grands maîtres de la poésie persane tels que Rumi ou Nasser Khosrow mais
aussi à des registres religieux ou populaires.
Invitée du Théâtre de la Ville en avril 2000, la
jeune et gracieuse Sâhiba Dovlatshâeva avait
mêlé la danse à ses « chants au crescendo
endiablé ». Elle revient cette saison avec
Djonbaz Doshanbiev, 55 ans, chanteur et
maître du ghijak, cette vièle à pique et quatre
cordes, instrument traditionnel du poète. Cinq
autres musiciens au daf, rûbab et sétar s'uniront à ce concert dans l'intimité d'un autre
temps.
J. M.
LUN. 15 DÉC. 20H30
FONÓ ZENEKAR
musiques de danse et chants de Hongrie
Ágnes Herczku chant
Gergely Agócs chant, flûte, duda (cornemuse hongroise), fugara, tárogató
Tamás Gombai premier violon, kontra
Gábor Szabó second violon, kontra
Sándor D. Tóth brácsa, gardon
Zsolt Kürtösi contrebasse, accordéon
Balázs Unger cimbalom
Dans les années 1970, de jeunes groupes tels
que Kolinda ou Muzsikás redonnaient un nouvel élan à la tradition musicale hongroise. On
se souvient de leurs tonifiants concerts où se
succédaient rythmes de danse et ballades
mélancoliques du bassin des Carpates. Dans
cette mosaïque multiethnique se croisent
musiques hongroise, slovaque, roumaine, tzigane, ruthène (carpato-ukrainienne). De 24
ans leur cadet, Fonó Zenekar (ex- Hegedös)
qui voit le jour en 1997, suit les traces de leurs
aînés. Tout comme leurs célèbres prédécesseurs, Béla Bartók, Zoltán Kodály et, avant
eux, Béla Vikár qui, en 1896, fut le premier en
Europe à utiliser le phonographe d’Edison, les
sept musiciens de Fonó collectent et perfectionnent leurs connaissances au contact
direct des musiciens vivant dans les campagnes. Avec eux, ils complètent leur formation, classique à la base, et entretiennent des
liens d’amitié qui sont la source même de leur
force communicative. Ils ne témoignent pas.
Ils vivent. Et c’est bien l’âme de ces multiples
traditions vocales et instrumentales qui nous
est ainsi offerte avec une belle et entraînante
énergie. Cette troisième génération n’a rien à
envier à ses ascendants : la voix d’Agnes
Herczku, 28 ans, rappelle agréablement la
douceur et la pureté de Marta Sebestyén ;
Gergely Agócs, excellent chanteur, est aussi
l’un des rares joueurs actuels de cornemuse
hongroise ; violons, gardon, accordéon, cymbalom et contrebasse complètent la formation
de ce groupe dont la venue furtive à Paris en
décembre 2001 pour un bal hongrois au
Théâtre de Chaillot, a laissé en haleine un
public déjà conquis par leur talent et leur bonheur de jouer.
J. M.
49
Sheikh Habboush, F. Vernhet
H. Al-Azami, ph. C. Freire
J. Weiss, ph. C. Freire
L. Bouchnak, ph. Birgit
LUN. 12 ET JEU. 15 JAN. 20H30
JULIEN WEISS
ENSEMBLE AL-KÎNDI
Al-Kîndi fête ses 20 ans
LUNDI 12 JANVIER
avec
Loutfi Bouchnak chant classique
Tunisie
Husayn Al-Azami mâqâm de Bagdad Irak
JEUDI 15 JANVIER
avec Sheikh Habboush chant
Syrie
transes mystiques, liturgie des confréries
Qaderi d’Alep
50
M. Segueni, ph. X, DR
Naître de parents franco-suisses et devenir un
éminent spécialiste de la musique classique
arabe : une gageure ? Une folie ? Un rêve de
mille et une nuits ? Peut-être, mais pour Julien
Jalal Eddine Weiss, c’est avant tout un amour
immodéré pour l’éblouissant répertoire de la
musique orientale, profane et sacrée, qui l’a
amené à côtoyer les plus grands interprètes.
Du Caire à Tunis, de Bagdad à Damas et Alep
où il réside désormais une grande partie de
l’année, ce sont autant de rencontres qui ont
abouti en 1983 à la création de l’ensemble instrumental Al-Kîndi réunissant de brillants
solistes : le luthiste alépin Mohamed Qadri
Dalal, le flûtiste damascène Ziad Kadi Amin, le
percussionniste égyptien Adel Shams el-Din,
et le joueur de joza irakien Mohamed Gomar
Al-Bawi. Au qanoun, la cithare orientale, et à la
direction artistique, Julien Jalal Eddine Weiss.
La voix étant le fondement même de l’âme et
de l’esthétique de la musique arabe, s’impose
bientôt à lui la nécessité de collaborer avec
des chanteurs. À partir de 1990, participent
aux concerts de magnifiques voix que le
Théâtre de la Ville a régulièrement invitées
depuis. Parmi eux, Loutfi Bouchnak venu de
Tunis en 1995, Husayn Al-Azami venu d’Irak
en 1997 et le Syrien d’Alep Sheikh Habboush
dont « la puissance de la voix empreinte de foi
et d’émotion » a enthousiasmé le public en
décembre 2002. Trois voix qui reviendront
cette saison pour fêter le vingtième anniversaire d’Al-Kîndi et son dixième passage au
Théâtre de la Ville. Deux concerts pour goûter
aussi les fastes de la musique orientale et
célébrer le parcours insolite d’un créateur
enthousiaste et passionné de rencontres
improbables entre artistes de toutes les
nations arabes.
SAM. 24 JAN. 17H
Pour la 1re fois au Théâtre de la Ville.
MOHAMED SEGUENI
chant, alto et direction
Algérie
malouf et aïssaoua de Constantine
8 artistes et chanteurs
La musique arabo-andalouse, encore méconnue du public occidental, est née au Xe siècle
en Andalousie sous l’impulsion du chanteur
Ziriab, esthète d’une grande culture et d’un
talent novateur dans bien des domaines, qui
vint s’installer à Grenade après avoir été le
disciple du plus grand chanteur de Bagdad.
Les sultanats vaincus sous le règne d’Élisabeth la Catholique, cette musique allait devoir
émigrer et se développer sur les côtes du
Maghreb dès le XVIe siècle.
Le malouf désigne le chant arabo-andalou
pratiqué dans l’est de l’Algérie (Constantinois), en Tunisie et en Libye. Subtil dans son
essence et dans la poésie ancienne qui le
porte, il se différencie, entre autres du genre
andalou d’Alger (san'a) par sa particularité
d’incorporer des chants d’extase et de transe
Aïssaoua, propres au répertoire de confréries mystiques où le soufisme joue un rôle
important.
Le hautbois ghaita lance des mélopées improvisées fulgurantes, et résonne comme un
appel à la prière, tandis que les percussions
soutiennent une rythmique fascinante par sa
force d’expression où le corps libéré se met
en mouvement. Tous les musiciens chantent le
refrain en un chœur homophonique où l’on
ressent l’appartenance à une école de pensée qui offre le monde en partage.
À la fois chanteur et chef d’orchestre,
Mohamed Segueni joue aussi bien de l'oud
que de l‘alto. Il s’est imposé depuis une dizaine d’années auprès d’un vaste public,
comme l’un des meilleurs chanteurs classiques de Constantine grâce à une voix
superbe, riche en grains différenciés. Sa belle
présence scénique et son énergie conviviale
ont aidé à le faire connaître à la télévision
nationale algérienne. Cet artiste à vocation
universelle et au tempérament généreux s’est
maintes fois produit avec succès à l’étranger
(USA, Canada, Russie, etc.). Nous le découvrons à Paris !
C. L.
SAM. 31 JAN. 17H
SHAHID PARVEZ sitar
Inde du Nord
Déjà présenté au Théâtre de la Ville en 1999,
le discret Shahid Parvez est considéré par les
organisateurs et le public indiens comme l’un
des sitaristes actuels de tout premier plan.
On a pu juger de son talent lors la dernière
édition du prestigieux Festival de Dover Lane
de Calcutta où le jeune Ustad interprétait un
raga de l’aube (Aheer Bhairav) d’une beauté
saisissante, faisant preuve tout au long de
ses improvisations, d’une fraîcheur créative
combinée à une maturité sereinement atteinte.
Son art, qui était déjà reconnu, est en plein
épanouissement : la finesse de son jeu et l’attention constante portée à une sonorité idéale
assurent la continuité lyrique du style révolutionnaire initié par Vilayat Khan avec lequel il
partage un ancêtre commun. Maîtrisant à l’évidence toutes les techniques du sitar dont les
plus audacieuses et parfois les plus
périlleuses, il n’en laisse rien paraître, sa
concentration étant portée en tout premier lieu
sur le développement du raga dans le plus
grand respect de celui-ci. Car il n’oublie pas
que s’il joue pour un public, un musicien doit
avant tout servir le raga pour en extraire
l’essence même et en faire ressortir les possi-
LUN. 15 MARS 20H30
musique et chant carnatiques Inde du Sud
VADHYA LAHARI
ensemble instrumental
T.M. KRISHNA chant
1RE PARTIE : VADHYA LAHARI
A. Kanyakumari violon
Mambalam Siva nadaswaram
Mudicondan Ramesh saraswati veena
S.V. Raja Rao mridangam
avec tavil et guimbarde
2E PARTIE : T.M. KRISHNA
S. Varadarajan violon
S.V. Raja Rao mridangam
avec guimbarde
Vadhya Lahari a été formé par la violoniste
A. Kanyakumari qui a réuni trois instruments
jamais joués ensemble. Véritable gageure,
cette réunion improbable où sont combinés le
souffle, le plectre et l’archet, donne une
musique vive, puissante et joyeuse. Le nadaswaram accompagne de ses sons stridents
bien des festivités. Très proche de la voix
humaine, il est accompagné de l’indispensable tavil, redoutable tambour joué avec une
vélocité extrême.
La veena, dite sarawsati, est l’instrument
emblématique de la musique carnatique. Bien
qu’on entende encore ses sons délicats dans
l’intimité des maisons des familles éduquées,
elle apparaît peu en concert en Inde même.
Elle reste cependant un instrument de la plus
haute noblesse et celui d’une certaine élite. Le
violon au son toujours continu, est l’instrument mélodique le plus joué dans le sud.
A. Kanyakumari, au jeu d’une ferveur et d’une
sonorité pleine, en est l’une des interprètes les
plus réputées.
T.M. Krishna est né en 1976 dans une famille
où la musique a toujours été à l’honneur (son
grand-oncle fut l’un des membres fondateurs
de la Music Academy de Madras). Il
commence dès quatre ans un apprentissage
auprès de sa mère, qui le confie à l’âge de six
ans au chanteur Seetharam Sharma avec
lequel il se forme pendant dix-huit années.
Doué d’une voix douce et profonde d’où
émerge une impression de puissance et de
souplesse, il déploie avec autorité et imagination un éventail d’une expressivité généreuse
encore trop rare.
C. L.
LUN. 24 MAI 20H30
BADAR ALI KHAN
Pakistan
avec un ensemble qawwali
Après les fabuleux concerts de Nusrat Fateh
Ali Khan (de 1985 à 1996), Riswan et Muazam
Ali Khan (janvier 1999) et Asif Ali Khan
Manzoor Hussain Santoo Khan Qawwal and
party (juin 2002), le Théâtre de la Ville présente un nouveau concert de qawwali.
Badar Ali Khan a du pedigree : venant d’une
famille qawwal depuis près de 600 ans, il eut
comme grand-père un légendaire Dinna
Jallundhri qui enregistra plus de 150 disques
78 tours. Son père, Mian Khan, s’était quant à
lui brillamment approprié les marques de la
panjabi ank, ce style qawwali caractérisé par
la richesse des vocalises saregams, l’intrication de vers de différentes langues et la puissance du rythme.
Mais Badar a aussi un percutant à-propos
contemporain ce qui, dans le sillage de son
lointain cousin Nusrat Fateh Ali Khan, le rend
singulièrement apte à se fondre dans les
ambiances les plus diverses de notre modernité. Certains des quelque 500 poèmes qawwalis que Badar interprète, ont été intégrés
dans des films.
Tout comme Nusrat, cette incroyable flexibilité
charme ou irrite, intrigue sans nul doute.
Imprimant lui aussi une marque très personnelle à son qawwali, Badar s’est certainement
éloigné de la forme et du cadre "traditionnels"
de ces chants, initialement propices à la
communion avec le divin et l’extase mystique
des soufis. Mais n’accompagne-t-il pas ainsi
les profonds bouleversements tant musicaux
que sociaux d’une société pakistanaise aux
prises avec notre si fracassante – et perméable – modernité ?
La réponse demeure au cœur de chacun de
nous. Un maître soufi persan, Shihâbuddin
Suhrawardî, nous rappelait, au XIIIe siècle, que
la musique ne faisait naître dans le cœur que
les sentiments qui pouvaient déjà y séjourner.
Quelles émotions surgiront des vocalises
échevelées de Badar Ali Khan ?
Pierre-Alain Baud
R. et S. Misra, ph. C. Elbaz
S. Parvez, ph. F. Vernhet
V. Lahari, ph. X, DR
bilités émotionnelles qui constituent sa personnalité. Là réside le mystère de la musique
hindoustanie, et Shahid Parvez nous aide,
avec la surprenante douceur d’un enchantement, à en pénétrer les arcanes.
C. L.
MER. 26 MAI 20H30
RAJAN ET SAJAN MISRA
chant khyal
Inde du Nord
Kanta Prasad Misra harmonium
Subhen Chatterjee tabla
Déjà invités en 1996 au Théâtre de la Ville, les
frères Rajan et Sajan Misra, maintenant sexagénaires, ont acquis une solide réputation
dans les années 80. Issus d’une lignée de
musiciens de Bénarès, ils étudient avec leur
père Hanuman Misra et leur oncle Gopal
Misra, réputé alors comme l’un des meilleurs
joueurs de sarangi, la vièle d’accompagnement du chant khyal. Bercés dans l’un des
creusets les plus anciens de la musique hindoustanie, ils étudient, pratiquent et entendent sur place les plus grands artistes des
cinquante dernières années.
À l'instar des fabuleux frères Nazakat et
Salamat Ali Khan du Pakistan (khyal) ou des
frères Gundecha (dhrupad) ils se sont toujours produits en duo, chantant d’une même
âme dans la dévotion à la déesse Saraswati,
patronne et protectrice des arts.
Artistes sans concession, enseignants très
prisés, ils puisent dans un répertoire composé
de bandish (compositions) d’une haute tenue
spirituelle grâce à la qualité des thèmes abordés provenant de l’hindouisme, et au choix
des raga-s les plus enclins à rehausser l’aspect sacré d’un chant souvent emprunté au
dhrupad, ancêtre direct du khyal. Leur chant
se développe pas à pas au cours du bhara
khyal au tempo lent, déjà discrètement
accompagné du tabla. Savantes improvisa-
51
tions mélodiques et rythmiques se succèdent,
les oscillations puissantes et répétées surgissent (gamak), les phrasés rapides fusent
comme des flèches lumineuses (taan). Le
raga se conclut sur un tarana explosif, exercice rythmique jubilatoire. Viennent ensuite
d’autres genres tels le thumree romantique ou
le bhajan d’inspiration mystique. L’ambitus
des basses aux aigus s’étire et s’amplifie, la
voix puissante et parfois rugissante de Rajan
est portée au maximum de ses possibilités,
tandis que celle de Sajan lui répond dans des
improvisations tout en finesse.
Un style chaleureux et flamboyant parfois haut
en couleur et toujours traversé par une haute
tenue de spiritualité.
C. L.
On retrouve les origines du Nan Yin ou Nan
Kouan (chant courtois de la Chine du Sud)
dans la musique de cour de l’époque Song
(960-1278). Restant un des rares témoignages de la musique chinoise authentique,
le Nan Yin existe sous sa forme actuelle
depuis le XVIe siècle. Il s’est développé principalement dans le port de Quanzhou, décrit
par Marco Polo comme l’une des plus belles
cités de son temps. Diverses recherches ont
permis de découvrir un recueil de ces ballades daté de 1613. C’est grâce à une tradition ininterrompue, malgré les transformations
récentes de la culture chinoise, qu’a pu être
perpétuée jusqu’à aujourd’hui cette musique,
d’une extrême délicatesse, expression pure
de l’amour courtois. Le Nan Yin se distingue
des autres formes musicales chinoises tant
par le raffinement que par la complexité de
ses formes. Cette pratique musicale autrefois
réservée à une classe aristocratique est devenue peu à peu très populaire et demeure de
nos jours comme un moyen d’expression privilégié : il existe plus de 400 groupes amateurs de Nan Yin dans la région de Quanzhou.
Ces complaintes d’amour rappellent curieusement celles de nos troubadours. L’orchestration, elle aussi, n’est pas sans évoquer la
richesse colorée du monde médiéval. On peut
également percevoir dans l’instrumentation et
les modulations de la voix, l’influence des
rythmes d’Asie centrale et des pays arabes
qui commerçaient avec la Chine (longues
mélopées mélancoliques, danses brillantes et
enlevées…).
MUSIQUES
DUMONDE AUX
ABBESSES
TARIF C
DU 14 AU 26 OCT.
ANGÉLIQUE IONATOS
Alas pa’volar
création
(Des ailes pour voler)
textes extraits du journal de Frida Kahlo
mise en scène Omar Porras
musique Christian Boissel
(voir article p. 16)
d’après Kristofer Schipper
JEU. 4 DÉC. 20H30 ET SAM. 6 DÉC.17H
P. Meyer, ph. P. Matfas/Opale
A. Ionatos, ph. J. Beneich/Alamo
DU 25 AU 29 NOV. ET DU 9 AU 11 DÉC.
PHILIPPE MEYER
L’Endroit du cœur
(avec vue sur l'envers)
création
Nan Kouan, ph. San Bartolomé
textes et chansons sur le thème de l'amour,
de Maurice Scève à Jean Genet
(voir article p. 17)
SAM. 29 NOV. 17H
NAN YIN
musiques traditionnelles chinoises
musiques et chants courtois Chine du Sud
surtitrés en français
6 musiciens dont 3 chanteurs
pipa (luth à 4 cordes), sanxian (2e luth),
dongxiao (flûte droite), erxian (vièle à deux
cordes), chaque chanteur use de claquettes en bois pour diriger l’ensemble
52
Pierre-Jean de San Bartolomé,
dans le cadre des Années croisées francochinoises
MARIZA
fado
Portugal
3 musiciens avec guitares portugaises et
guitare classique
Nouvelle icône du fado, Mariza est sans doute
la seule fadiste née hors du Portugal, en 1973
au Mozambique. Sa grand-mère était noire ;
comme elle, elle porte les cheveux ras, mais
en blond décoloré. Arrivée très jeune dans le
quartier populaire lisboète de la Mouraria,
face au mythique Bario Alto, elle chante avant
même de savoir lire. Son père, aficionado, lui
apprend les chansons à l’aide de dessins…
Adolescente, elle fréquente les rodadas, ces
tournois populaires réservés aux connaisseurs. On l’entend aussi dans des clubs et
des casinos interpréter du jazz, du gospel, de
la soul, de la musique brésilienne comme du
fado. C’est lors d’une tournée au Canada en
1998 qu’elle découvre soudain son amour et
son besoin du fado. Est-ce l’éloignement ou la
réaction enthousiaste du public qui la rapproche de ses racines ? Toujours est-il que le
fado devient sa vie. À l’instar d’Amália
Rodrigues, on peut dire d’elle que « le fado
est un destin qui vous prend ».
Portée par une voix chaude et prégnante, elle
est vite remarquée pour ses interprétations.
Sa gestuelle servie par une silhouette gracile
et élancée devient un atout.
L’an 2000 est un tournant : nommée « Meilleure révélation de l’année » et « Plus belle
voix du fado », elle reçoit la plus belle récompense au pays. Sa notoriété monte en flèche
et elle se retrouve Disque d’or. Elle tourne
dans le monde entier, les médias la demandent et elle est l’invitée de Michel Drucker
à Vivement dimanche.
Éprise de poésie, elle met en musique avec le
guitariste Jorge Fernando des textes qui
chantent un Portugal ouvert et métissé.
C. L.
JACKY MICAELLI seconda, terza
Marie Langianni terza
Jean-Etienne Langianni bassu
Corse
Marie-Ange Geronimi seconda, terza
POLYPHONIES SACRÉES ET PROFANES
« J’ai chanté avant de parler », dit Jacky
Micaelli. C’est, pour elle, un besoin vital. Elle
chante publiquement, depuis bientôt vingt
ans, la déchirure de l’âme corse. Son chant
est d’une fulgurante beauté. Comme le blues,
le chant corse émane, a-t-on écrit, « de l’âme
d’un peuple qui clame sa révolte, sa souffrance avec toute l’énergie de son désespoir ». Il est une mémoire.
Enraciné, il a donc vocation universelle,
comme un roman de García Márquez ou un
tableau de Chagall.
Jacky Micaelli s’inscrit dans la tradition sans la
figer. Ne s’approprie-t-elle pas un répertoire
traditionnellement dévolu aux hommes ?
Depuis ses débuts en 1983, au sein d’une
association bastiaise, elle a beaucoup chanté,
en Corse et ailleurs, chants sacrés et chants
profanes du répertoire : à la Fenice de Venise
en 1988, au Printemps de Bourges la même
année, au festival de Lille sous la direction de
Yannis Xenakis, à la Scala de Milan en 1990
ou bien encore au Grand Rex à Paris, invitée
par Jacques Higelin. Complice des groupes
polyphoniques A Cumpagnia, Tavagna,
Donnisulana, elle collabore aussi avec l’ensemble Organum de Marcel Pérés. Jacky
Micaelli, écrit François Picard dans Diapason,
c’est « une voix forte, incisive, poignante, lentement mûrie au contact des plus grands
chanteurs et instrumentistes corses ». Une
voix, qui « appartient autant à la terre qu’aux
nuages qui roulent ». Un chant âpre et sobre :
le répertoire sacré en langues corse, latine et
toscane et quelques polyphonies profanes…
L’alliage précieux de trois tessitures, seconda,
terza, et bassu. Pour célébrer Noël.
TOURIA HADRAOUI chant Maroc
malhoun
avec 5 musiciens
ILLUMINATION
« C’est une illumination ! » s’est exclamé le
poète Mamhoud Darwich. Touria Hadraoui a
déjà vécu plusieurs vies : elle a étudié et
enseigné la philosophie puis pratiqué le journalisme et fondé une revue ; elle a milité pour
la culture et pour la femme. « Habitée, dit-elle,
par le chant depuis sa plus tendre enfance »,
elle a rencontré le malhoun , une forme ancestrale de poésie chantée. C’est auprès du
maître El Haj Benmoussa qu’à partir de 1988,
elle s’est initiée à cet art. Trois ans d’apprentissage pour se familiariser avec cet
« univers fabuleux ». Touria Hadraoui s’est
approprié ce genre jusqu’alors apanage des
hommes. Aujourd’hui, elle le chante à la
manière ancienne. Comme un supplément
d’âme, elle lui a instillé, dit-on, « élégance,
grâce et distinction ».
« Il y a une douleur dans la vie sans les livres »
dit cette lectrice fervente à laquelle les livres
ont ouvert les chemins de la réflexion et du
rêve. Dans les écrits des prestigieux maîtres
soufis, elle puise les ferments d’une quête
mystique et, depuis la fin des années 90,
interprète aussi ce répertoire. Entre autres, en
dialecte marocain, des textes d’Al Harrak, disparu en 1844, qu’elle a parés de sa musique.
Souvent, les chants soufis évoquent l’amour et
le désir. L’amour divin, le désir d’une rencontre
spirituelle. Mystiques et profanes à la fois, ils
invitent à l’ivresse des sens, ils conviennent à
l’extase, à un voyage au-delà des frontières
de l’être… Des chants qui convoquent « tout
un corps » et non seulement « deux yeux qui
lisent ». Et « l’écho de l’aube se répercute
encore dans la voix de Touria Hadraoui », écrit
Abdallah Zrika. Un timbre étrange, « fragile et
ample ». Véhicule des sortilèges, cette voix
investit la mémoire pour tenter de pérenniser la tradition musicale. Au Théâtre des
Abbesses, elle sera escortée par deux
kemanja (violon), un oud, un swisen (luth) et
une derbouka pour distiller malhoun et chants
soufis.
J. E.
S. Tomiyama, ph. X, DR
J. Micaelli, ph. X, DR
Mariza, ph. X, DR
SAM. 20 ET DIM 21 DÉC. 17H
JEU. 22 JAN. 20H30
G. Appaix, ph. L. Lafolie
Jacques Erwan
SAM. 7 FÉV. 17H
SEIKIN TOMIYAMA
jiuta
chant et shamisen
Japon
Shinzan Yamamoto shakuhachi
DU 5 AU 10 JAN. 20H30
GEORGES APPAIX
Non seulement…
T. Hadraoui, photos X, DR
6 danseurs et 2 musiciens
(voir article p. 33)
CRÉATION
UN CHANT INTIME.
Né en 1950, Kiyotaka Tomiyama est le fils d’un
« Trésor national vivant du Japon », dont il a,
aujourd’hui, hérité du nom, Seikin Tomiyama.
Sous sa férule, il s’initie, dès son plus jeune
âge, au répertoire classique. Il étudie ensuite
le langage moderne de la musique de koto à
l’Université nationale des beaux-arts et de
musique de Tokyo. Son identité musicale
demeure cependant enracinée dans la tradition léguée par son père.
Chanteur, il est aussi un instrumentiste qui
exprime son talent avec divers instruments à
cordes : le koto, cithare tendue de treize
53
cordes, le kokyû, vièle dotée de trois cordes,
seul instrument à archet de la tradition, et le
shamisen, luth pourvu d’un long manche et
d’une caisse rectangulaire, dont les trois
cordes sont "attaquées" au plectre. C’est un
instrument qui s’illustre en plusieurs genres
musicaux.
Familier, depuis 1977, des tournées en Asie
ainsi qu’en Europe et en Amérique, il est
aussi, comme membre du groupe Atarasii
Kaze (Vent nouveau), depuis 1989, d’un des
artistes que la Fondation du Japon délègue
volontiers en Europe.
Au Théâtre des Abbesses, Seikin Tomiyama
interprétera avec la complicité de Shinzan
Yamamoto, né en 1963, un maître du shakuhachi, la flûte droite japonaise, une musique
de chambre pour shamisen, de style Jiuta
qu’il maîtrise parfaitement. Un répertoire de
chants de la région de Kyoto-Osaka pour voix
et shamisen, né au XVIIe siècle. Initialement
exécuté dans l’intimité d’un salon – celui d’une
maison ou d’un restaurant – et jamais dans
l’enceinte d’un théâtre ou d’un temple, il
n’exige pas que ses interprètes projettent leur
voix au cœur de larges espaces, et autorise
l’accompagnement au shamisen. « L’absence
de contraintes, telles celles qu’imposent
conventions théâtrales ou religieuses permettaient des innovations stylistiques et elles
furent plus fréquentes et substantielles en ce
genre qu’en tout autre », observe le musicologue Yasihiko Tokumaru. La voix de Seikin
Tomiyama, qui se joue des aigus, escortée
par les sonorités des instruments, installe
l’auditeur dans le décor sonore d’un salon
oriental. Du XVIIe au XIXe siècle, le répertoire
emprunte à diverses époques. Il évoque la
tristesse d’une femme condamnée à dormir
seule, le vœu d’une fillette de trouver mari, la
sérénité d’une religieuse, l’amour, la douleur
de la séparation, le désarroi d’une courtisane… Un répertoire lyrique et sentimental qui
pour autant, ne récuse pas l’humour.
J. E.
Toud'Sames, ph. X, DR
rismes et pensées, écrits dans les deux
langues, ponctueront le spectacle. Dans le fil
de la tradition, Louis-Jacques Suignard et Lors
Jouin ont tissé un chant breton contemporain.
Kristen Nogues et Jacques Pellen, Thierry
Robin, construisent une modernité riche d’influences diverses. D’autres, plus ou moins
illustres, prêteront aussi leurs mots et leurs
notes. La voix solo, a cappella, sera environnée de sons de la nature et de la vie quotidienne, traités et métamorphosés en musique
par le talent de Sylvain Thévenard, ingénieux
ingénieur du son et musicien. Quelques effets
enrichiront le dispositif sonore. Son et sonorités seront comme instruments, souhaite Annie
Ebrel. Jeune styliste quimpérois, Pascal
Jaouen s’inspire, lui aussi de la tradition pour
confectionner sa modernité. Il créera le costume de scène. Du neuf donc, édifié sur les
fondements d’une tradition. Pour qu’elle vive.
J. E.
DIM. 21 MARS 17H
TOUD’SAMES
Bretagne
Lors Jouin chant
Jean-Michel Veillon flûtes
Alain Genty basse
Dom Molard percussions
David « Hopi » Hopkins percussions
DU 10 AU 21 FÉV. 20H30
ROMANCERO GITANO
FEDERICO GARCÍA LORCA
A. Ebrel, ph. V. Le Goff
Lorca, © Fondation F. García Lorca
musique et mise en scène Vicente Pradal
(voir article p. 18)
JEU. 18 MARS 20H30 ET SAM. 20 MARS 17H
ANNIE EBREL
Bretagne
chant a cappella
54
SEULE EN SCÈNE
Depuis longtemps déjà, les artistes bretons
inventent un futur à une tradition héritée qu’ils
perpétuent en l’enrichissant. Annie Ebrel ne
déroge pas à la règle : au Théâtre de
Cornouaille, scène nationale de Quimper, elle
élabore un nouveau spectacle, une création
que le Théâtre des Abbesses accueille ensuite. Ouverte au monde, elle convie pour la
circonstance, toutes générations confondues,
femmes et hommes de plume, auteurs et
compositeurs, chanteurs et musiciens, bretons ou pas, à imaginer pour elle, mélodies et
textes originaux. Annie Ebrel chantera en breton et en français, quelques textes. Apho-
DES PARFUMS D’ORIENT
Lors (Laurent) Jouin, c’est un personnage !
Qui, en Bretagne, ne connaît son talent
protéiforme ? Petits et grands apprécient son
humour, chantent ses mots et ses musiques.
Auteur – il est, entre autres, parolier au sein du
groupe les Ours du Scorff – compositeur et
interprète, il s’illustre aussi comme comédien.
Né à Paris dans une famille de chansonniers,
il revient très jeune en Bretagne. Il s’y initie à
la langue bretonne en milieu rural. En BasseBretagne, il pratique aussi le collectage de
chants et de contes et, ainsi, nourrit sa verve.
Il excelle dans l’interprétation du traditionnel
Kan-ha-diskan, participe aux activités de
diverses formations bretonnes et s’associe en
duo à des chanteurs bas-bretons et gallos.
Soliste reconnu au timbre singulier, il interprète des gwerziou, ces complaintes en
langue bretonne. Sa discographie témoigne
de la diversité et de la richesse de son répertoire : chants de marins, Kan-ha-diskan, gwerziou, chansons diverses… au Théâtre des
Abbesses, sa belle voix vivifiera un répertoire
en partie traditionnel (gavottes, plin …) et,
pour l’essentiel, de nouvelles compositions
(textes et musiques récemment écrits par Lors
Jouin). « Leur poésie et leur forme, écrit-il,
s’inspirent clairement d’anciens morceaux de
la tradition populaire de Basse-Bretagne, les
sujets abordés et les questions qu’ils suscitent
sont tout à fait actuels. » Lors Jouin sera
entouré de quatre complices qui avec lui
constituent le groupe Toud’Sames (Tous
ensemble), formation atypique qui n’utilise
guère d’instruments de tradition ancienne.
Initialement danseur et sonneur, Jean-Michel
Veillon découvre la flûte traversière en 1977.
Depuis vingt ans, son style, coloré d’in-
MER. 2 JUIN 20H30
ULJAN BAÏBUSYNOVA
chant épique
YELDOS YEMIL
chant épique, dombra
SAÏANE AKMOLDA
kobyz (sorte de vièle)
Kazakhstan
ONDAR MONGUN-OOL
chant, tschansy (sorte de luth)
Touva
Ce concert offrira un nouveau voyage musical
au cœur des steppes d’Asie centrale, terres
où vivaient nomades et pasteurs avec leurs
croyances chamaniques et animistes glorifiant
les forces de la nature et l’esprit des ancêtres.
Le Kazakhstan, immense territoire depuis les
rives de la mer Caspienne jusqu’aux frontières
de la Chine, a construit la richesse de son
patrimoine sur l’oralité. Le chant épique ou
jyraou en est le plus beau témoignage. Cet art
vocal, autrefois réservé aux hommes, requiert
du chanteur une mémoire phénoménale et
des qualités vocales exceptionnelles : une
voix de basse dont le timbre guttural surprend
par son intensité et la force qu’il dégage.
Uljan Baïbusynova possède ces dons
magiques. Diplômée du conservatoire et de
l’université de sa région natale, le delta du
Syrdaria, elle suit aujourd’hui à 30 ans les
traces de celle qui l’a initiée au jyraou,
Chamchat Tulepova, la première Kazakh à
avoir créé une école de femmes jyraou.
Professeur de chant et de dombra, luth à deux
cordes, Uljan Baïbossynova sera pour la troisième fois sur la scène qui l’a fait connaître en
Europe avant que Peter Sellars ne l’engage
dans son dernier spectacle.
Deux autres jeunes Kazakhs seront à ses
côtés : Yeldos Yemil, 28 ans, interprète de
jyraou depuis 14 ans et virtuose du dombra,
qu’il a commencé à 7 ans ; Saïane Akmolda,
29 ans, qui pratique le kobyz (sorte de vièle)
avec un éblouissant jeu de doigts hérité des
grands interprètes du XVIIIe siècle.
À la frontière de la Mongolie, au sud de la
Russie son pays d’appartenance, la petite
république autonome de Touva est un des
fiefs du chant diphonique. Ondar Mongun-ool
est l’un des jeunes ambassadeurs de cet
étonnant chant de gorge d’où jaillissent soudain les harmoniques de la mélodie chantée.
Il remportait à 17 ans le premier prix du
Concours international de chant diphonique.
Aujourd’hui, il maîtrise une trentaine de techniques de ce style vocal et, selon la tradition,
il joue en solo, s’accompagnant du tschanzy,
sorte de luth qu’il fabrique lui-même.
J. M.
JEU. 10 JUIN 20H30
NEZAKAT TEYMUROVA
chant et daf
Azerbaïdjan
Elsan Mansurov kamantché
Aliaga Sadiyev târ
Chirzad Fetelieyev
zurna, clarinette, tütek, balaban
Kamran Kerimov nagara (percussion)
Il est un genre qui résume à lui seul tout
l’Orient tant les apports persans, arabes et
turcs qui le composent sont multiples ; un
genre qui définit aussi la richesse musicale de
l’Azerbaïdjan, ex-république soviétique au
sud de la mer Caspienne : le mugham,
musique modale basée sur l’improvisation,
expression de toutes les variations du sentiment amoureux. Alim Qasimov (cinq fois au
Théâtre de la Ville) et Aga Khan Abdoulaiev
(en 2001 aux Abbesses) en furent les prodigieux interprètes. Cette saison, c’est une
femme, Nezakat Teymurova qui relève le défi.
Elle n’a que 30 ans et pourtant elle témoigne
d’une exceptionnelle maturité. Un parcours
sans faute pour cette jeune femme qui a suivi
à Bakou le chemin classique de l’école, du
conservatoire et de l’académie d’où elle sort
en 1999. L’année suivante, elle reçoit la
médaille d’honneur d’Azerbaïdjan et ses activités professionnelles la conduisent vers
l’Europe et les États-Unis. Un premier CD paru
en 2001 et le double album sorti en 2002 sont
de purs joyaux. La puissance de son chant
ponctué par le daf (grand tambourin cerclé de
cymbalettes) et son agilité à se jouer des difficultés les plus redoutables sont époustouflantes. À ses côtés, quatre musiciens qui,
tous, ont fréquenté l’académie de musique
Uzeyir Hadjibeyli de Bakou et qui accompagneront ses premiers pas sur la scène des
Abbesses : Elsan Mansurov à la vièle kamantché, aujourd’hui enseignant et bien connu du
Théâtre de la Ville où il a souvent accompagné Alim Qasimov ; au târ, Aliaga Sadiyev,
originaire d’Arménie ; Chirzad Fetelieyev aux
zurna et balaban (sortes de clarinette), au
tütek (naï) et à la clarinette ; au nagara (percussion), le jeune Kamran Kerimov qui a suivi
le même enseignement que Nezakat
Teymurova. Une étoile à suivre dans le ciel de
la musique azéri.
J. M.
U. Baïbusynova, ph. Kamrouz
N. Teymurova, ph. X, DR
fluences orientales, enrichit nombre d’aventures musicales bretonnes. Comme ses frères
Jacky et Patrick, Dom Molard est musicien.
Initié à la caisse claire puis à la batterie, il s’intéresse aux percussions orientales et
découvre le tabla indien. Il rythme les
musiques de divers artistes bretons.
Alain Genty compose pour le théâtre, le cinéma et la danse. Bassiste, il accompagne, en
scène ou en studio, Didier Squiban ou Sapho,
Thierry Robin ou Bernie Bonvoisin… arrangeur et réalisateur, il s’acoquine à Cheb Mami
ou Tony McManus, guitariste virtuose écossais. Entre celtitude et Orient, donc, éclectisme des rencontres. David « Hopi » Hopkins
(percussions) est irlandais. Celte cosmopolite,
il a, au cours de ses pérégrinations, croisé
musiciens traditionnels turcs, grecs ou
arabes, un pianiste italien, un guitariste croate
et quelques adeptes du jazz ! Breton d’adoption depuis 1992, il prête son talent à diverses
formations bretonnes. Toud’Sames, tous ensemble donc autour de Lors Jouin en cette
tour de Babel de la musique. Elle épice son
chant de saveurs orientales. Ainsi enrichie de
voyages réels ou imaginaires, la musique bretonne féconde-t-elle ses traditions et les perpétue en les régénérant sans cesse. C’est son
présent, c’est aussi son avenir.
J. E.
55
Théâtre de la Ville mode d'emploi
2 théâtres
1 équipe
Gérard Violette directeur
Brigitte Giuliani
assistante de direction
ADMINISTRATION
Michael Chase
administrateur
Marie-Christine Chastaing chef service paie
Solen Le Guen
adjointe de l'administrateur
ARTISTIQUE
Serge Peyrat
THEATRE DE LA VILLE
Antoine Violette
2 PL. DU CHÂTELET PARIS 4
Thomas Erdos
Jacques Erwan
Georges Gara
Soudabeh Kia
Irène Filiberti
directeur adjoint
à la programmation
directeur technique
à la communication
conseiller artistique
conseiller musiques du monde
conseiller musique
conseillère musiques du monde
conseillère danse
photos Birgit
COMMUNICATION
Anne-Marie Bigorne secrétaire générale
Jacqueline Magnier relations presse, publicité
et documentation
Marie-Laure Violette relations presse, iconographie
Elisa Santos
invitations
RELATIONS AVEC LE PUBLIC
Lydia Gaborit
responsable du service
Florence Thoirey-Fourcade
LES ABBESSES
RELATIONS PUBLIQUES "JEUNES"
(étudiants, enseignement…)
Isabelle-Anne Person
Maud Rognion
31 RUE DES ABBESSES PARIS 18
LOCATION
Marie Katz
Ariane Bitrin
ACCUEIL
Natacha Reese
responsable du service
responsable du service
ACCUEIL DES ABBESSES (artistes et public)
Delphine Dupont
responsable du service
calendrier
prix des places
location
abonnements
individuels
jeunes
relais
p.57
p.60
p.60
TECHNIQUE
Serban Boureanu
Jean-Michel Vanson
Jean-Marie Marty
Claude Lecoq
Jean-Claude Paton
Manuel Sanchez
Frédéric Duplessier
Charles Deligny
Didier Hurard
Pierre Tamisier
Alain Frouin
Marion Pépin
directeur technique
directeur technique adjoint
régisseur général
directeur de scène
sous-chef machiniste
chef cintrier
chef électricien
sous-chef électricien
chef accessoiriste
chef service son
régisseur du son
chef habilleuse
TECHNIQUE DES ABBESSES
Alain Szlendak
directeur technique
Patrice Guillemot
régisseur général
Georges Jacquemart régisseur son
p.61
ENTRETIEN SÉCURITÉ
Jacques Ferrando
Jean-Claude Riguet
p.62
IMPRIMERIE
Robert Ainaud
p.63
ISSN 0248-8248
DIRECTION, ADMINISTRATION :
16 quai de Gesvres 75180 Paris Cedex 04, Tél. : 01 48 87 54 42
directeur de la publication : Gérard Violette
maquette : Maurice et Juliette Constantin
correcteur : Philippe Bloch
Imprimerie GRM : 8 rue des Lilas 93189 Montreuil Cedex
Tél. : 01 48 18 22 50
NOVEMBRE 2003
calendrier
en noir = théâtre, danse
en rouge = musique
SEPTEMBRE 2003
LU 15
MA 16
ME 17
JE 18
VE 19
SA 20
DI 21
LU 22
MA 23
ME 24
JE 25
VE 26
SA 27
DI 28
LU 29
MA 30
THEATRE DE LA VILLE
LES ABBESSES
20h30
20h30
Le Soulier… intégr. 13h
Le Soulier… intégr. 13h
Alarmel Valli
Le Soulier… 1re part. 18h30 Alarmel Valli
Le Soulier… 2e part. 18h30 Alarmel Valli
Alarmel Valli
Le Soulier… intégr. 13h
Alarmel Valli
Le Soulier… intégr. 13h
M. Reza Shajariane
M. Reza Shajariane
OCTOBRE 2003
THEATRE DE LA VILLE
SA
DI
LU
MA
ME
JE
VE
SA
1
2
3
4
5
6
7
8
DI 9
LU 10
MA 11
ME 12
JE 13
VE 14
SA 15
DI 16
LU 17
MA 18
ME 19
JE 20
VE 21
SA 22
DI 23
LU 24
MA 25
ME 26
JE 27
VE 28
SA 29
LES ABBESSES
20h30 mat 15 h u
20h30 mat 15 h u
ME 1 Le Soulier… 1re part. 18h30
JE 2 Le Soulier… 2e part. 18h30 Daniel Dobbels
VE 3
Daniel Dobbels
SA 4 Le Soulier… intégr. 13h
Daniel Dobbels
DI 5 Le Soulier… intégr. 13h
Daniel Dobbels u
LU 6
MA 7 Shivkumar Sharma
Vandekeybus/Cherkaoui
ME 8 Le Soulier… 1re part. 18h30 Vandekeybus/Cherkaoui
JE 9 Le Soulier… 2e part. 18h30 Vandekeybus/Cherkaoui
VE 10 Bang on a can all-stars
Vandekeybus/Cherkaoui
SA 11 Le Soulier… intégr. 13h
Vandekeybus/Cherkaoui
DI 12
LU 13
MA 14
Angélique Ionatos
ME 15 Lucinda Childs
Angélique Ionatos
JE 16 Lucinda Childs
Angélique Ionatos
VE 17 Lucinda Childs
Angélique Ionatos
SA 18 Bhattacharya 17h
Lucinda Childs
Angélique Ionatos
DI 19 Lucinda Childsu
Angélique Ionatos u
LU 20 Opéra Li Yuan Xi
MA 21 Café Zimmermann
Angélique Ionatos
ME 22
Angélique Ionatos
JE 23
Angélique Ionatos
VE 24 DV8 / Lloyd Newson
Angélique Ionatos
SA 25 DV8 / Lloyd Newson
Angélique Ionatos
DI 26
Angélique Ionatos u
LU 27 DV8 / Lloyd Newson
MA 28 DV8 / Lloyd Newson
ME 29 DV8 / Lloyd Newson
JE 30 DV8 / Lloyd Newson
VE 31
THEATRE DE LA VILLE
LES ABBESSES
20h30 mat 15 h u
20h30 mat 15 h u
Josef Nadj
Josef Nadj
Josef Nadj
Josef Nadj
Shaham / Eguchi 17h
Josef Nadj
Josef Nadj u
Kronos Quartet
Rajasthan
Josef Nadj
Josef Nadj
Josef Nadj
Kalhor / Husain Khan 17h
Josef Nadj
Les Relations de Claire
Les Relations de Claire
Les Relations de Claire
Les Relations de Claire
Les Relations de Claire
Les Relations de Claire
Les Relations de Claire
Les Relations de Claire
Les Relations de Claire
Les Relations … u
François Verret
François Verret
François Verret
François Verret
Beaux-Arts Trio 17h
François Verret
Les Relations de Claire
Les Relations de Claire
Les Relations de Claire
Les Relations de Claire
Xavier Le Roy
Xavier Le Roy
Badakhchan
Xavier Le Roy
Quatuor Takács 17h
Xavier Le Roy
Philippe Meyer
Philippe Meyer
Philippe Meyer
Philippe Meyer
Nan Yin 17h
Philippe Meyer
Les Relations de Claire
DI 30
DECEMBRE 2003
LU
MA
ME
JE
VE
SA
1
2
3
4
5
6
DI 7
LU 8
MA 9
ME 10
JE 11
VE 12
SA 13
DI 14
LU 15
MA 16
ME 17
JE 18
VE 19
SA 20
THEATRE DE LA VILLE
LES ABBESSES
20h30 mat 15 h u
20h30 mat 15 h u
Merce Cunningham
Merce Cunningham
Merce Cunningham
Merce Cunningham
Akram Khan 1er prog.
Akram Khan1er prog.
Mariza
Akram Khan 1er prog.
Mariza 17h
Akram Khan 1er prog.
Merce Cunningham
Merce Cunningham u
Angelin Preljocaj
Angelin Preljocaj
Angelin Preljocaj
Perényi / Várjon 17h
Angelin Preljocaj
Angelin Preljocaj u
Fonó Zenekar
Angelin Preljocaj
Angelin Preljocaj
Angelin Preljocaj
Angelin Preljocaj
Angelin Preljocaj
DI 21
LU 22
MA 23
éc.24 d
.
5 jan
Philippe Meyer
Philippe Meyer
Philippe Meyer
oire ris
vat de Pa
r
e
r
ns
Co érieu
sup
Brice Leroux
Brice Leroux
Brice Leroux
Brice Leroux
Jacky Micaelli 17h
Brice Leroux
Jacky Micaelli 17h
Angelin Preljocaj
Angelin Preljocaj
répétitions et montage
Richard II
57
JANVIER 2004
MARS 2004
THEATRE DE LA VILLE
LES ABBESSES
THEATRE DE LA VILLE
LES ABBESSES
20h30 mat 15 h u
20h30 mat 15 h u
Georges Appaix
Georges Appaix
Georges Appaix
Georges Appaix
Georges Appaix
20h30 mat 15 h u
20h30 mat 15 h u
LU 5
MA 6
ME 7
JE 8
VE 9 Richard II
SA 10 Mourja / Gous 17h
Richard II
Georges Appaix
DI 11
LU 12 Weiss / Al-Kîndi
MA 13 Richard II
ME 14 Richard II
Le Professionnel
JE 15 Weiss / Al-Kîndi
Le Professionnel
VE 16 Richard II
Le Professionnel
SA 17 Ogrintchouk / Vizi / Aviv 15h
Richard II
Le Professionnel
DI 18 Richard II u
Le Professionnel u
LU 19 Annette Dasch
MA 20 Richard II
Le Professionnel
ME 21 Richard II
Le Professionnel
JE 22 Richard II
Touria Hadraoui
VE 23 Richard II
Le Professionnel
SA 24 Mohamed Segueni 17h
Richard II
Le Professionnel
DI 25
Le Professionnel u
LU 26 Zhu Xiao-Mei
MA 27 Richard II
Le Professionnel
ME 28 Richard II
Le Professionnel
JE 29 Richard II
Le Professionnel
VE 30 Richard II
Le Professionnel
SA 31 Shahid Parvez 17h
Kuijken… 17h
Richard II
Le Professionnel
FEVRIER 2004
DI
LU
MA
ME
JE
VE
SA
1
2
3
4
5
6
7
THEATRE DE LA VILLE
LES ABBESSES
20h30 mat 15 h u
20h30 mat 15 h u
Mats Ek
Mats Ek
Mats Ek
Mats Ek
Akram Khan 2e prog.
Akram Khan 2e prog.
Akram Khan 2e prog.
Akram Khan 2e prog.
Seikin Tomiyama 17h
Akram Khan Kash
58
1
2
3
4
5
6
Marie Chouinard
Marie Chouinard
Marie Chouinard
Marie Chouinard
Gerhardt / Licad 17h
Marie Chouinard
DI 7
LU 8
MA 9
ME 10
JE 11 Beaucoup de bruit pour rien
VE 12 Beaucoup de bruit pour rien
SA 13 Cecile Licad 17h
Beaucoup de bruit pour rien
DI 14
LU 15 Lahari / Krishna
MA 16 Beaucoup de bruit pour rien
ME 17 Beaucoup de bruit pour rien
JE 18 Beaucoup de bruit pour rien
VE 19 Beaucoup de bruit pour rien
SA 20 Fabio Biondi 17h
Beaucoup de bruit pour rien
DI 21 Beaucoup de bruit … u
LU 22
MA 23 Beaucoup de bruit pour rien
ME 24 Beaucoup de bruit pour rien
JE 25 Beaucoup de bruit pour rien
VE 26 Beaucoup de bruit pour rien
SA 27 Quatuor Ysaÿe 17h
Beaucoup de bruit pour rien
DI 28
LU 29 Ysaÿe / Perényi / Tóth
MA 30 Beaucoup de bruit pour rien
ME 31 Beaucoup de bruit pour rien
Ma vie de chandelle
Ma vie de chandelle
Ma vie de chandelle
Ma vie de chandelle
Ma vie de chandelle
Ma vie de chandelle
Ma vie de chandelle
Ma vie de chandelle
Ma vie de chandelle
Ma vie de chandelle u
Ma vie de chandelle
Ma vie de chandelle
Annie Ebrel
Ma vie de chandelle
Annie Ebrel 17h
Ma vie de chandelle
Toud'Sames 17h
Ma vie de chandelle
Ma vie de chandelle
Ma vie de chandelle
Ma vie de chandelle
Ma vie de chandelle
Francesca Lattuada
Francesca Lattuada
AVRIL 2004
Mats Ek
DI 8
LU 9
MA 10
ME 11
JE 12
VE 13
SA 14
DI 15
LU 16
MA 17
ME 18
JE 19
VE 20
SA 21
DI 22
LU 23
MA 24
ME 25
JE 26
VE 27
SA 28
DI 29
LU
MA
ME
JE
VE
SA
Régine Chopinot
Régine Chopinot
Régine Chopinot
Régine Chopinot
Régine Chopinot
Romancero gitano
Romancero gitano
Romancero gitano
Romancero gitano
Romancero gitano
Romancero gitano u
Romancero gitano
Romancero gitano
Romancero gitano
Romancero gitano
Romancero gitano
Alwin Nikolais
Alwin Nikolais
Alwin Nikolais
Alwin Nikolais
Alwin Nikolais
THEATRE DE LA VILLE
LES ABBESSES
20h30 mat 15 h u
20h30 mat 15 h u
JE 1 Beaucoup de bruit pour rien Francesca Lattuada
VE 2
Francesca Lattuada
SA 3
Céline Frisch 17h
Francesca Lattuada
DI 4
LU 5 De Keersmaeker 1er prog.
MA 6 De Keersmaeker 1er prog.
ME 7 De Keersmaeker 1er prog.
oire ris
vat de Pa
r
JE 8 De Keersmaeker 1er prog.
e
r
ns
Co érieu
VE 9 De Keersmaeker 1er prog.
sup
SA 10
DI 11
LU 12
MA 13
Malavika Sarukkaï
ME 14
Malavika Sarukkaï
JE 15
Malavika Sarukkaï
VE 16
Malavika Sarukkaï
SA 17
Malavika Sarukkaï
DI 18
LU 19
MA 20
Jan Fabre
ME 21 Sidi Larbi Cherkaoui
Jan Fabre
JE 22 Sidi Larbi Cherkaoui
Jan Fabre
VE 23 Sidi Larbi Cherkaoui
Jan Fabre
SA 24 Sidi Larbi Cherkaoui
DI 25
AVRIL/
LU 26
MA 27
ME 28
JE 29
VE 30
JUIN/
suite
THEATRE DE LA VILLE
LES ABBESSES
20h30 mat 15 h u
Sidi Larbi Cherkaoui
Sidi Larbi Cherkaoui
Sidi Larbi Cherkaoui
Sidi Larbi Cherkaoui
20h30 mat 15 h u
La Visite…
La Visite…
La Visite…
La Visite…
MAI 2004
SA 1
DI 2
LU 3
MA 4
ME 5
JE 6
VE 7
SA 8
DI 9
LU 10
MA 11
ME 12
JE 13
VE 14
SA 15
DI 16
LU 17
MA 18
ME 19
JE 20
VE 21
SA 22
DI 23
LU 24
MA 25
ME 26
JE 27
VE 28
SA 29
DI 30
LU 31
THEATRE DE LA VILLE
LES ABBESSES
20h30 mat 15 h u
20h30 mat 15 h u
Emio Greco
Emio Greco
Emio Greco
Emio Greco
Emio Greco
La Visite…
La Visite…
La Visite…
La Visite…
La Visite…
La Visite… u
De Keersmaeker 2e prog.
De Keersmaeker 2e prog.
De Keersmaeker 2e prog.
De Keersmaeker 2e prog.
De Keersmaeker 2e prog.
La Visite…
La Visite…
La Visite…
La Visite…
La Visite…
De Keersmaeker 3e prog.
De Keersmaeker 3e prog.
De Keersmaeker 3e prog.
De Keersmaeker 3e prog.
De Keersmaeker 3e prog.
Badar Ali Khan
Rajan et Sajan Misra
Conservatoire…
Conservatoire…
La Fin de Casanova
La Fin de Casanova
La Fin de Casanova
JUIN 2004
MA 1
ME 2
JE 3
VE 4
SA 5
DI 6
LU 7
MA 8
ME 9
JE 10
VE 11
SA 12
DI 13
LU 14
MA 15
ME 16
JE 17
VE 18
SA 19
DI 20
THEATRE DE LA VILLE
LES ABBESSES
20h30
20h30 mat 15 h u
La Fin de Casanova
Uljan Baïbusynova
La Fin de Casanova
La Fin de Casanova
Pina Bausch
Pina Bausch
Pina Bausch 17h
Pina Bausch
Pina Bausch
Pina Bausch
Pina Bausch
Pina Bausch
Pina Bausch
Pina Bausch
Pina Bausch
Pina Bausch
Pina Bausch
Pina Bausch 17h
La Fin de Casanova
La Fin de Casanova
Nezakat Teymurova
La Fin de Casanova
La Fin de Casanova
La Fin de Casanova u
La Fin de Casanova
La Fin de Casanova
La Fin de Casanova
La Fin de Casanova
La Fin de Casanova
suite
THEATRE DE LA VILLE
20h30
LU 21 Pina Bausch
MA 22 Pina Bausch
ME 23
JE 24
VE 25
HORS
LES
MURS
LES ABBESSES
20h30 mat 15 h u
oire ris
vat de Pa
r
e
r
ns
Co érieu
sup
NOVEMBRE 2003
CITÉ INTERNATIONALE
JE 20
VE 21
SA 22
DI 23
LU 24
MA 25
ME 26
JE 27
VE 28
SA 29
DI 30
20h30
Jardinage humain
Jardinage humain
Jardinage humain
Jardinage humain u mat. 15h
Jardinage humain
Jardinage humain
Jardinage humain
Jardinage humain
Jardinage humain
Jardinage humain u mat. 15h
DÉCEMBRE 2003
CITÉ INTERNATIONALE
LU 1
MA 2
ME 3
JE 4
VE 5
SA 6
DI 7
LU 8
MA 9
ME 10
JE 11
VE 12
SA 13
DI 14
LU 15
MA 16
ME 17
JE 18
VE 19
SA 20
20h30
Jardinage humain
Jardinage humain
Jardinage humain
Jardinage humain
Jardinage humain
J’ai acheté une pelle …
J’ai acheté une pelle …
J’ai acheté une pelle …
J’ai acheté une pelle …
J’ai acheté … u mat 15h
J’ai acheté une pelle …
J’ai acheté une pelle …
J’ai acheté une pelle …
J’ai acheté une pelle …
J’ai acheté une pelle …
MARS 2004
21h
G. Ellen Barkey /Needcompany
G. Ellen Barkey /Needcompany
G. Ellen Barkey /Needcompany
G. Ellen Barkey /Needcompany
G. Ellen Barkey 17h
THEATRE DE LA BASTILLE
ME 24
JE 25
VE 26
SA 27
DI 28
LU 29
MA 30
ME 31
G. Ellen Barkey /Needcompany
G. Ellen Barkey /Needcompany
AVRIL 2004
THEATRE DE LA BASTILLE
JE
VE
SA
DI
LU
MA
ME
JE
1
2
3
4
5
6
7
8
21h
G. Ellen Barkey /Needcompany
G. Ellen Barkey /Needcompany
G. Ellen Barkey /Needcompany
Needlapb / Needcompany
Needlapb / Needcompany
Needlapb / Needcompany
59
prix des places
• programme distribué par les hôtesses
• pourboire interdit
• places numérotées
TARIF A théâtre, danse
re
NORMAL 1 cat. 22 e
2e cat. 15 e
re
e
JEUNES
1 et 2 catégorie .............11 e
TARIF B danse
re
NORMAL 1 cat. 25 e
2e cat. 16 e
re
e
JEUNES
1 et 2 catégorie ..........12,5 e
TARIF C
musique, musiques du monde, chanson
danse
NORMAL 1 seule catégorie............. 15 e
JEUNES
1 seule catégorie............. 11 e
TARIF exceptionnel Pina Bausch
re
NORMAL 1 cat. 29 e
2e cat. 22 e
re
e
JEUNES
1 et 2 catégorie............. 22 e
JEUNES
: moins de 27 ans ou étudiant
(justificatif obligatoire)
location
COMMENT RÉSERVER ?
• par téléphone 01 42 74 22 77
du lundi au samedi de 11h à 19h
(paiement possible par carte bancaire)
• aux caisses :
THEATRE DE LA VILLE
2 place du Châtelet, Paris 4
du mardi au samedi de 11h à 20h
(lundi de 11h à 19h)
LES ABBESSES
31 rue des Abbesses, Paris 18
du mardi au samedi de 17h à 20h
• par correspondance :
2 pl. du Châtelet 75180 Paris Cedex 04
QUAND RÉSERVER ?
• LOCATION PRIORITAIRE
abonnements, cartes :
28 jours à l'avance, jour pour jour
(7 jours de location réservée)
• LOCATION NORMALE
21 jours à l'avance, jour pour jour
renseignements
tél. 01 42 74 22 77
www.theatredelaville-paris.com
60
abonnements - cartes
1. individuels
2. jeunes (individuels et relais)
3. relais
1. individuels
ABONNEMENTS
THEATRE-DANSE
• 4 spectacles minimum
• 10 spectacles minimum
MUSIQUE-MUSIQUES DU MONDE : PASSEPORT MUSICAL
• 4 programmes minimum, 8 places minimum,
l tarifs
préférentiels
abonnement
ABONNEMENT
réductions importantes TARIF A
TARIF B
sur le prix des places
selon les programmes TARIF C
et les formules choisis.
TARIF EXC.
THEATRE-DANSE
4 spect.
10 spect.
14
16
11
22
e
e
e
e
11
12,5
9,5
18,5
e
e
e
e
MUSIQUE…
pass. mus.
tarif normal
22
25
15
29
9,5 e
e
e
e
e
l journal
service à domicile du journal du Théâtre de la Ville
(4 numéros par saison) donnant toutes informations
(textes et photos) sur les spectacles présentés.
l librairie, disques
tarifs préférentiels sur les disques et les livres vendus
après certains spectacles.
l tarifs
préférentiels
hors abonnement
ABONNEMENT
THEATRE-DANSE
4 spect.
10 spect.
TARIF A
chaque abonné(e)
1 catégorie 14 e
11 e
bénéficie de 2 places 2 catégorie 11 e
11 e
à tarif préférentiel
TARIF B
“hors abonnement”
1 catégorie 16 e
12,5 e
pour tous les spectacles 2 catégorie 12,5 e
12,5 e
dans la limite des
TARIF C
9,5 e *
9,5 e
places disponibles.
TARIF EXC.
22 e
18,5 e
MUSIQUE…
pass. mus.
tarif normal
14 e
11 e
22 e
15 e
re
e
re
e
16
12,5
9,5
22
e
e
e
e
25
16
15
29
e
e
e
e
e pour le théâtre et la danse en tarif C
*11e
l location
prioritaire 28 JOURS, JOUR POUR JOUR avant celui de la
représentation (7 jours de location réservée).
CARTE "PLACES À 2"
22 e la carte
l tarifs préférentiels CARTE PLACES A 2
valables pour 2 places TARIF A 1 cat.
pour chaque spectacle
TARIF B 1 cat.
dans la limite des
TARIF C théâtre…
places disponibles.
TARIF EXC.
re
re
tarif normal
14
16
11
22
e
e
e
e
11 e
2 cat. 12,5 e
musique 9,5 e
e
2 cat.
e
l journal service à domicile du journal du Théâtre de la Ville
l location prioritaire par correspondance :
5 SEMAINES JOUR POUR JOUR avant celui de la représentation ;
par téléphone et aux caisses :
28 JOURS, JOUR POUR JOUR avant celui de la représentation.
22 e /15 e
25 e /16 e
15 e
29 e
61
t
2. jeunes MOINS DE 27 ANS OU ETUDIANT
individuels
(justificatif obligatoire)
ABONNEMENTS
THEATRE-DANSE
• 3 spectacles minimum
MUSIQUE-MUSIQUES DU MONDE : PASSEPORT MUSICAL TARIF C
• 4 programmes minimum, 8 places minimum,
l tarifs
préférentiels TARIF A ET C 9,5 e • B 11 e • TARIF EXC. 18,5 e
abonnement et
hors abonnement
chaque abonné(e) bénéficie de 2 places à tarif préférentiel “hors abonnement” pour tous les spectacles dans la limite des places disponibles.
l journal
service à domicile du journal du Théâtre de la Ville
(textes et photos), 4 numéros par saison.
l librairie, disques
tarifs préférentiels disques et livres mis en vente.
l location
prioritaire 28 JOURS, JOUR POUR JOUR avant celui de la
représentation (7 jours de location réservée).
CARTE "PLACES AUX JEUNES" 8 e la carte
tarifs préférentiels
TARIF A ET C 9,5 e • B 11 e • TARIF EXC. 18,5 e
valables pour 2 places
pour chaque spectacle dans la limite des places disponibles.
l journal
service à domicile du journal du Théâtre de la Ville
(textes et photos), 4 numéros par saison.
l librairie, disques
tarifs préférentiels disques et livres mis en vente.
t
l location prioritaire par correspondance :
5 SEMAINES JOUR POUR JOUR avant celui de la représentation ;
par téléphone et aux caisses :
28 JOURS, JOUR POUR JOUR avant celui de la représentation.
relais
Vous devenez relais en prenant l'initiative de regrouper au minimum 10 personnes intéressées à souscrire un abonnement au Théâtre de la Ville.
l renseignements RELATIONS PUBLIQUES "JEUNES" : tél. 01 48 87 54 42
(relais jeunes, étudiants, enseignement) Isabelle-Anne Person, Maud Rognion
l souscription des abonnements relais (à partir du 26 mai)
SERVICE LOCATION RELAIS tél. 01 48 87 43 05, fax 01 48 87 09 81
Marie Katz, responsable du service ; Ariane Bitrin
l avantages "relais jeunes" (voir page suivante) suivi personnalisé et mise
en place d'actions pédagogiques avec chacun des relais intéressés
l une
carte d'abonnement personnalisée par abonné(e)
ABONNEMENTS
THEATRE-DANSE
• 3 spectacles minimum, 10 places minimum/prog.
MUSIQUE-MUSIQUES DU MONDE : PASSEPORT MUSICAL TARIF C
• 3 spectacles minimum, 10 places minimum/prog.
tarifs préférentiels
abonnement
TARIF A, B, C 8 e • TARIF EXC. 18,5 e
GROUPES
TARIF A, B, C 8 e
62 (10 personnes minimum)
3. relais
devenez relais
Vous devenez relais en prenant l'initiative de regrouper au minimum 10 personnes intéressées à souscrire un abonnement au Théâtre de la Ville.
Les relais sont les interlocuteurs privilégiés du Théâtre de la Ville.
au service des relais comités d'entreprise, associations, groupes d'amis
l renseignements
RELATIONS AVEC LE PUBLIC (relais) : tél. 01 48 87 54 42
Lydia Gaborit, responsable du service ; Florence Thoirey-Fourcade ;
Isabelle Krich, secrétariat
l souscription des abonnements relais (à partir du 26 mai)
SERVICE LOCATION RELAIS
tél. 01 48 87 43 05, fax 01 48 87 09 81
Marie Katz, responsable du service ; Ariane Bitrin
ABONNEMENTS
THEATRE-DANSE
• 3 spectacles minimum, 10 places minimum/prog.
MUSIQUE-MUSIQUES DU MONDE : PASSEPORT MUSICAL
• 3 spectacles minimum, 10 places minimum/prog.
l tarifs
préférentiels
abonnement
RELAIS
réductions importantes TARIF A
TARIF B
sur le prix des places
selon les programmes TARIF C
et les formules choisis.
TARIF EXC.
THEATRE-DANSE
3 spect.
11
12,5
9,5
18,5
e
e
e
e
MUSIQUE…
pass. mus.
tarif normal
9,5 e
22
25
15
29
e
e
e
e
l avantages "relais"
le relais reçoit régulièrement divers documents (journal du Théâtre de la Ville,
tracts, affichettes…).
le relais peut, en collaboration avec les services du Théâtre de la Ville, bénéficier d’invitations à des spectacles, de textes de pièces, de disques, participer à des rencontres avec les artistes, effectuer des visites du théâtre…
l une
carte d'abonnement personnalisée par abonné(e)
si le relais le souhaite, il fournit au Théâtre de la Ville les noms et adresses de
ses abonnés.
cette carte d’abonnement personnalisée permet de bénéficier des mêmes
avantages que ceux de l'abonnement individuel à 4 spectacles.
AUTRES FORMULES
• GROUPES (10 personnes minimum)
• CARTE LIBERTÉ RELAIS 40 e la carte
réservée aux comités d'entreprise et aux associations, cette carte permet
de bénéficier de tarifs préférentiels et d'une location sans contrainte de
nombre fixe de places par représentation, dans la limite des places disponibles.
tarifs préférentiels groupes et cartes liberté relais
TARIF A 14 et 11 e • B 16 et 12,5 e • C 9,5 e *
e pour le théâtre et la danse en tarif C
*11e
63
théâtre et danse : partenaires au 30 avril
LA FIN DE CASANOVA
Coproduction Sirocco Théâtre, compagnie subventionnée par la DRAC Ile-de-France – Théâtre de la Ville, Paris
– Comédie de Saint-Etienne.
ROMANCERA GITANO
Production déléguée TNT-Théâtre national de Toulouse
Midi-Pyrénées.
Coproduction TNT, Théâtre national de Toulouse MidiPyrénées – Le Théâtre, scène nationale de Narbonne –
Théâtre de Cornouaille, scène nationale de Quimper –
Théâtre des Treize Vents, CDN de Montpellier – Théâtre de
la Ville, Paris – Association La Paloma.
DV8 THE COST OF LIVING
Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – Festival
d'Automne à Paris – Romaeuropa Festival – Julidans
Festival, Stadsschouwburg Amsterdam – PACT Zollverein,
Choreographisches Zentrum NRW – Hebbel Theater
Berlin. Avec la participation d'Artsadmin.
Avec le soutien du British Council.
JOSEF NADJ IL N’Y A PLUS DE FIRMAMENT
Coproduction Théâtre Vidy-Lausanne, ETE – Théâtre de la
Ville, Paris – Berliner Festwochen.
FRANÇOIS VERRET CHANTIER MUSIL
Coproduction Théâtre national de Bretagne/TNB Rennes
– Compagnie François Verret – Théâtre de la Ville, Paris –
Festival d'Avignon – Théâtre des Salins, scène nationale
de Martigues – Le Cargo, Maison de la culture de
Grenoble.
Avec le soutien du Parc de la Villette dans le cadre des
résidences 2002. Avec le concours du ministère de la
Culture et de la Communication dans le cadre du dispositif DICREAM. Avec le soutien à la résidence de la
Fonderie, Théâtre du Radeau, Le Mans. La Compagnie
François Verret est soutenue par la DRAC Ile-de-France, le
ministère de la Culture et de la Communication et par le
conseil général de Seine-Saint-Denis.
XAVIER LE ROY PROJET
Production in situ productions et Le Kwatt.
Coproduction Hauptstadtkulturfonds, Berlin – Berliner
Festwochen, Berlin – Gulbenkian Foundation/Capitals
Lisbonne – Théâtre de la Ville, Paris – Centre de développement chorégraphique Toulouse/Midi-Pyrénées –
Kaaitheater, Bruxelles – Ballet Frankfurt & TAT – Centre
chorégraphique national de Montpellier/LanguedocRoussillon. Avec le soutien du Podewil, du TanzWerkstatt
Berlin, du Mugatxoan-Arteleku, du Spring Dance Festival
2001 et du Panacea Stockholm 2001.
MERCE CUNNINGHAM FLUID CANVAS (à Val Bourne)
Pour la clôture du programme international du 50e anniversaire de la Merce Cunningham dance company.
Coréalisation Théâtre de la Ville, Paris - Festival
d'Automne à Paris. Coproduction Barbican Centre,
Londres – Cal Performances, Berkeley. Avec le soutien de
l'American Center Foundation, de l'AT&T Foundation, de
Robert W. Wilson, et de Phyllis Wattis. Ce projet est subventionné en partie par les fonds public du New York City
Department of Cultural Affairs.
ANGELIN PRELJOCAJ NEAR LIFE EXPERIENCE
Coproduction Théâtre national de Marseille, La Criée –
Théâtre de la Ville, Paris – Festival Montpellier Danse 2003
– Festival d'Avignon – Le Groupe Partouche, Casino municipal Aix-Thermal.
RÉGINE CHOPINOT W.H.A.
Production Ballet Atlantique-Régine Chopinot – Théâtre
de la Ville, Paris.
MARIE CHOUINARD ÉTUDE # 1 • CHORALE
Étude # 1 Production Compagnie Marie Chouinard.
Coproduction Festival international de danse ImPulsTanz
de Vienne – Festival Danse Canada, Ottawa.
Chorale Production Compagnie Marie Chouinard.
Coproduction Festival international de danse ImPulsTanz
de Vienne – Centre national des Arts, Ottawa – Théâtre
de la Ville, Paris – RED Reggio Emilia Danza 2003.
ANNE TERESA DE KEERSMAEKER BITCHES BREW – TACOMA
NARROWS
Production Rosas & De Munt/La Monnaie.
Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – Léonard de
Vinci/Opéra de Rouen.
SIDI LARBI CHERKAOUI FOI
Production Les Ballets C. de la B.
Coproduction Schaubühne am Lehniner Platz, Berlin Théâtre de la Ville, Paris – Monaco Dance Forum Holland festival Oude Muziek & Springdance/works,
Utrecht – Centre d’Arts Vooruit, Gand – Stedelijke
Concertzaal De Bijloke, Gand – South Bank Centre,
Londres – Tanzquartier, Vienne – PACT Zollverein,
Essen/Choreographisches Zentrum NRW.
Avec l’appui du ministère de la Communauté flamande.
64
EMIO GRECO RIMASTO ORFANO
Production Emio Greco/PC – Stichting Zwaanprodukties.
Coproduction KunstenFestivaldesArts – Kaaitheater,
Bruxelles – Holland Festival, Amsterdam – Théâtre de la
Ville, Paris – Oriente Occidente, Rovereto.
Rimasto Orfano a reçu une subvention de recherche du
Dutch Fonds voor de Podiumkunsten. Emio Greco/PC –
Stichting Zwaanprodukties sont subventionnés par le
Dutch Ministry de OC&W.
ANNE TERESA DE KEERSMAEKER JOLENTE DE KEERSMAEKER
CRÉATION 2004
Coproduction Léonard de Vinci/Opéra de Rouen.
ANNE TERESA DE KEERSMAEKER ONCE
Production Rosas & De Munt/La Monnaie.
PINA BAUSCH CRÉATION 2003
Coproduction International Istanbul Theatre Festival –
Istanbul Foundation for Culture and Arts.
DANIEL DOBBELS EST-CE QUE CE QUI EST LOIN S'ÉLOIGNE
DE L'ÊTRE HUMAIN?
Production De l'Entre-Deux.
Coproduction Festival de Marseille.
La Compagnie De l'Entre-Deux est subventionnée par la
direction régionale des Affaires Culturelles d'Ile-deFrance et par le ministère de la Culture et de la
Communication au titre de l'aide aux compagnies chorégraphiques.
SIDI LARBI CHERKAOUI-WIM VANDEKEYBUS IT
Production Ultima Vez.
Coproduction Les Ballets C. de la B. –Théâtre de la Ville,
Paris – PACT Zollverein, Choreographisches Zentrum NRW,
Essen. Une initiative de la SACD (Le Vif du sujet), en collaboration avec le Festival d'Avignon.
Ultima Vez reçoit l'appui de la Communauté flamande.
Avec la coopération de la Commission communautaire
flamande de la région de Bruxelles-Capitale.
AKRAM KHAN RONIN
Production Akram Khan dance company.
Coproduction Tanzwerkstatt Berlin.
L'Akram Khan dance company reçoit l'appui du Arts
Council England, du British Council.
Chorégraphe en résidence au Royal Festival Hall.
BRICE LEROUX GRAVITATIONS – QUATUOR
Production dixit vzw for Continuum vzw.
Coproduction Dans in Kortrijk, Stuk, Louvain – Théâtre de
la Ville, Paris. Avec l'aide de la Flemish Community et de
l'APAP (fondé par E.U.).
GEORGES APPAIX NON SEULEMENT…
Coproduction Compagnie La Liseuse – La Halle aux
Grains, Blois.
Avec le soutien du Théâtre de l'Agora, scène nationale
d'Evry et de l'Essonne. Avec l'aide de l'ADAMI.
Compagnie en résidence à La Friche la Belle de Mai à
Marseille.
AKRAM KHAN KAASH
Coproduction South Bank Centre - The Tramway - The
Vooruit - Sampad - DanceEast - Maison des Arts, Créteil Wexner Center for the Arts, Ohio State University.
Avec le soutien de la Doris Duke Charitable Foundation.
Avec le soutien du Quercus Trust, du Jerwood Space et
de Birmingham DanceXchange. La Compagnie Akram
Khan reçoit le soutien du Arts Council of England, de
London Arts et du British Council.
FRANCESCA LATTUADA OSTINATO
Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – Théâtre de VidyLausanne ETE – Centre national de la danse – L'Arsenal
de Metz – L'Hippodrome, scène nationale de Douai –
Espace Malraux, scène nationale de Chambéry – compagnie Festina Lente.
La compagnie Festina Lente est subventionnée par le
ministère de la Culture et de la Communication, DRAC
Ile-de-France.
GRACE ELLEN BARKEY NEEDCOMPANY (AND)
Production Needcompany.
Coréalisation Théâtre de la Bastille – Théâtre de la Ville.
NEEDCOMPANY NEEDLAPB
Production Needcompany.
Coréalisation Théâtre de la Bastille – Théâtre de la Ville.
photos couvertures : L. Philippe, Gérard Nicolas, Amyand
Tanveer, H. Glendinning, J. Antonio Carrera, J.-L. Tanghe, H.
Sorgeloos, Michel Le Bastard, San Bartolomé, A. Fonteray,
C. Masson/Enguerand, Kamrouz, L. Philippe, Uri Omi
Sidi Larbi Cherkaoui, ph. Jean-Pierre Maurin
THÉÂTRE
DANSE
MUSIQUE
MUSIQUES
DU MONDE
CHANSON
Théâtre de la Ville
2 pl. du Châtelet Paris 4
01 42 74 22 77
theatredelaville-paris.com