un autre monde tome 1 : le mercenaire - Over-blog
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UN AUTRE MONDE TOME 1 : LE MERCENAIRE par C.L. Scholey TORRID BOOKS www.torridbooks.com Publié par TORRID BOOKS www.torridbooks.com Imprimé par Whiskey Creek Press LLC Whiskey Creek Press PO Box 51052 Casper, WY 82605-1052 Copyright 2014 by C.L. Scholey Attention : La reproduction ou la distribution non autorisée de cette œuvre sous droits d’auteur est illégale. La copie frauduleuse, ainsi que les infractions au droit d’auteur dans un but non commercial, sont poursuivies par le FBI et passibles de 5 (cinq) ans d’emprisonnement et d’une amende de 250 000 $. Les noms, les personnages et les événements décrits dans ce livre sont issus de l’imagination de l’auteur ou sont employés de façon fictive. Toute ressemblance à des événements, des lieux, des organismes ou des personnes existants ou ayant existé ne serait que purement fortuite et serait totalement involontaire de la part de l’auteur ou de l’éditeur. Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite ou transmise sous aucune forme ou par aucun moyen, mécanique ou électronique, y compris la photocopie ou l’enregistrement, ni par aucun moyen de stockage ni d’extraction d’information sans la permission écrite de l’éditeur. ISBN 978-1-61160-753-6 Crédits Couverture : Gemini Judson Éditeur : Melanie Ann Billings Imprimé aux États-Unis d’Amérique ILS ONT AIMÉ TITLE Nouveau Monde Tome 2 : L’Armure Castienne L’Armure Castienne est le deuxième tome de la série de C.L. Scholey Nouveau Monde… J’ai été agréablement surprise. Bien que je n’apprécie toujours pas les éléments fantastiques de conte de fées qui constituent ce nouveau monde, l’enchaînement des événements m’a poussée à tourner les pages pour dévorer ce roman. J’ai adoré la façon dont les personnages évoluent dans ce second tome… Merrylee Two Lips Reviews Du même auteur, chez Torrid Books : www.torridbooks.com En avant ! SÉRIE : NOUVEAU MONDE Nouveau Monde Tome 1 : Le Guerrier Castien Nouveau Monde Tome 2 : L’Armure Castienne New World Book 3: Impenetrable New World Book 4: Apparition New World Book 5: Engulf VAMPIRE COVEN SERIES Vampire Coven Book 1: The Brethren of Tavish Vampire Coven Book 2: A Vampire to Watch Over Me Écrits par C.L. Scholey et Constantine De Bohon Disponibles chez Torrid Books VIKING WARRIORS SERIES Viking Warriors Book 1: Valhalla Hott Viking Warriors Book 2: Valhalla Wolf Viking Warriors Book 3: Valkyrie Heat Viking Warriors Book 4: Norse Valor Dédicace Pour ma famille et mes amis, qui m’encouragent. Chapitre 1 « Qu’est-ce que c’est ? — Le guerrier tonien qui me l’a vendu a dit que c’était une femelle terrienne. — Et qu’est-ce que c’est, une femelle terrienne ? » Blu dévisagea son commandant d’un air exaspéré. « C’est ça. » Titus fit la moue. « Oui, je sais, mais à quoi ça sert, bon sang ? — J’sais pas. — Alors pourquoi l’as-tu acheté ? — Ça m’a paru si pitoyable, recroquevillé dans la minuscule cage où le Tonien l’avait mis. C’est inoffensif. — Et c’est propre ? — J’espère bien. — Que vas-tu en faire ? — Je pensais le donner à Zane. Il est un peu malheureux depuis la mort de Betta. Je me suis dit que s’il avait un autre petit animal pour lui faire oublier la mort de son toff, il se sentirait mieux. — Vraiment ? Tu as cru que tu pourrais remplacer un toff robuste et intelligent par ce truc femelle de la Terre, lisse et sale ? » Titus se moquait de lui. L’idée lui avait paru bonne. Blu n’avait pas eu l’intention de l’acheter, mais la pauvre petite créature l’avait regardé avec ses grands yeux marron aux nuances étranges et 1 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire lui avait semblé si misérable qu’il n’avait pas eu le cœur à refuser. De toute façon, le Tonien l’aurait tuée. « Bon, en tout cas, ne la laisse pas se balader dans mon vaisseau. La dernière chose dont j’aie envie, c’est de devoir ramasser de la merde et de la pisse de femelle terrienne partout. » Titus secoua la tête et sortit. Blu s’accroupit et observa la petite créature. Elle était vraiment mignonne et se tenait d’une façon plutôt amusante. Blu n’avait jamais vu un teint aussi rose, mais ça ne lui déplaisait pas. En revanche, les tons noirs, bleus et violacés le rebutaient. Curieusement, ils ne paraissaient pas naturels, surtout autour de son cou ; et ça ne semblait pas être de la crasse. Il avait placé une vieille couverture dans la boîte électrifiée où elle se trouvait. Cette pauvre petite chose imberbe devait être frigorifiée ; l’air à bord du vaisseau était frais. La boîte était éteinte pour le moment ; avant de partir, il devrait l’activer. Blu ignorait si la créature pouvait escalader les rebords ; la boîte n’avait pas de couvercle, mais elle faisait presque un mètre de haut. La femelle terrienne avait des jambes, pourtant il l’avait seulement vue ramper sur ses mains et ses genoux, ce qui lui donnait l’impression qu’elle était encore plus petite. Blu se demanda si elle était capable de se tenir debout. Une odeur se dégageait de la femelle ; elle avait besoin d’un bon nettoyage. Peut-être lui donnerait-il un bain ; il devrait la laver à la main. Les cabines de douche étrillaient leurs peaux épaisses, et Blu craignait que la force de l’eau ne décolle de ses os sa peau si délicate. D’après ce qu’on lui avait expliqué, la petite femelle était inoffensive ; elle n’avait aucun moyen de se défendre. L’idée l’intriguait, mais le Tonien devait avoir raison. Blu inspecta la petite créature. Elle n’avait pas l’air de prendre du volume pour le combat ; il ne détectait aucun pli sur sa peau permettant une extension. Elle avait des ongles sur deux de ses doigts, mais les autres paraissaient plus courts, ils devaient être facilement 2 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire arrachés ; ils avaient l’air peu solides. Blu souleva sa lèvre supérieure. Ses dents étaient petites, blanches et il n’y avait pas suffisamment de place pour qu’elles s’agrandissent davantage ; de toute évidence, les dents de la femelle ne pouvaient pas non plus augmenter en volume. Il passa son pouce sous la minuscule rangée qu’il venait d’exposer elles étaient toutes émoussées. Peut-être la petite créature ne correspondait-elle pas aux standards de son espèce ; ce devait être un défaut de naissance. La femelle terrienne émit un faible son geignard et rauque, tandis qu’il l’observait. Elle se retourna, sans pour autant se réveiller, et Blu décida qu’il ferait son examen physique un peu plus tard. Il ne voulait pas la réveiller et risquer qu’elle reparte de plus belle ; son alarme sonore était forte. La femelle avait hurlé dès qu’il avait posé les yeux sur elle, son cri était haut perché et lui vrillait les tympans. Mais il ne lui en tenait pas grief. La femelle était minuscule physiquement pourtant au son de sa voix, elle pouvait faire plier un soldat. Blu ne mesurait pas moins d’un mètre quatrevingt, et on le considérait comme relativement chétif par rapport à ses camarades guerriers. Son frère avait quelques centimètres de moins que lui, et les autres s’étaient ouvertement moqués de lui jusqu’à ce qu’il apprenne à leur faire mordre la poussière. Avec un peu de chance, en voyant le petit être que son frère lui offrait, Zane n’aurait pas l’impression qu’il se payait sa tête. Sinon, Blu devrait s’en occuper lui-même. Il observa à nouveau la petite créature et s’émerveilla de la douceur de sa peau. Ses seins nus indiquaient nettement qu’il s’agissait d’une femelle. Dans la race de Blu, les seins des femelles ne poussaient qu’au moment où elles accouchaient, et ce n’était que pour une courte période. Leurs rejetons commençaient à manger de la nourriture solide à un mois leurs mères n’avaient alors plus besoin de seins et ils disparaissaient. C’était du moins ce que lui avait expliqué Finn, et Finn savait ces choses-là. Blu faisait de son mieux 3 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire pour éviter les femelles, tout comme ses nombreux amis. D’ailleurs, les femelles ne se préoccupaient pas des mâles de leur race, sauf quand elles étaient en chaleur, à peu près tous les deux ans. Blu n’avait pourtant pas l’impression que cette créature produisait du lait pour nourrir un enfant. Ce devait être une curiosité terrienne. Il y avait un petit triangle poilu entre ses cuisses, sur son mont de Vénus, et Blu se contenta de secouer la tête en le voyant. La toison qui le recouvrait était si peu étendue ce n’était qu’un léger duvet. Aux yeux de Blu, l’anatomie de la petite créature ne semblait pas équitable elle était nue, ce qui la mettait en position de vulnérabilité extrême. Il y avait des cheveux noirs emmêlés sur sa tête, de petits cils autour de ses yeux, et deux sourcils fines lignes bien distinctes. La femelle frissonna et Blu passa la main entre les barreaux électriques désactivés pour poser la couverture sur ses épaules. Il se leva et enclencha un interrupteur sur le côté de la boîte. La cage hébergeait habituellement des toffs, leurs animaux de compagnie ; le fond était recouvert d’un matelas moelleux. Même si elle touchait les bords verts brillants de sa cage, elle ne serait pas blessée. Les faibles décharges que les barreaux administraient étaient minimes ; si un bébé toff les sentait à peine, elles ne pouvaient pas non plus faire de mal à cette créature c’était pourtant suffisant pour l’empêcher de grimper. Les bébés toffs étaient légèrement plus petits que la femelle terrienne et leur peau était plus épaisse. Blu prit le temps de la réflexion ; les petits toffs étaient aussi recouverts d’une fourrure souple d’un bleu nuit profond. Blu choisit de baisser la tension électrique d’un cran, pour s’assurer de ne pas la blesser. Le peuple de Blu était constitué de guerriers mercenaires, qui n’étaient pas le moins du monde esclavagistes. Il s’agissait visiblement d’un genre d’animal de compagnie très particulier. Blu lui avait laissé un bol d’eau, et il était 4 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire persuadé que la femelle ne pouvait pas s’échapper. Il devait rejoindre son poste. **** La petite femelle était assise et se balançait d’avant en arrière, la couverture sur la tête, pile au milieu de la caisse des toffs, probablement pour se tenir éloignée au maximum des barreaux. Deux autres guerriers étaient accroupis et la regardaient. La femelle frissonnait et produisait de petits bruits pitoyables. Son bol d’eau était vide, ce qui était bon signe ; elle buvait. Parfois, les animaux domestiques avaient du mal à changer de propriétaire. « Depuis combien de temps est-elle réveillée ? demanda Blu en se baissant au niveau de ses amis. — Pas longtemps, on vient juste d’arriver. On était curieux, Thorn et moi. Titus a dit que tu avais acheté une créature femelle, petite et toute lisse, pour Zane. Il va te botter les fesses. Les farces de ce genre, ce n’est pas sympa. — Ce n’est pas une farce, Jax. » Blu était à deux doigts de s’énerver. « J’espérais remonter le moral de Zane. — Mouais… Vu comme ça pue, il va sauter de joie », répondit Jax en faisant les gros yeux. Blu soupira. « C’est vrai qu’elle pue, n’est-ce pas ? Vous pourriez peut-être m’aider à la laver. — Hors de question, s’exclamèrent en chœur les deux guerriers. — Ce n’est pas si terrible, dit Blu. — Blu, tu ne peux pas amener cette petite chose nue dans nos cabines de douche, fit Thorn. Tu vas la tuer. Et il n’y a rien qui remonte plus le moral qu’un animal mort. — J’y ai déjà pensé. J’utiliserai l’un de mes tiroirs, et je le remplirai d’eau. — Dégueulasse, Blu. Tu vas devoir le stériliser après avoir fini, qui sait où cette chose a traîné, fit Jax d’un air dégoûté. — Peut-être que je devrais d’abord la nourrir, murmura Blu. 5 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire — Qu’est-ce que ça mange ? demanda Thorn. — Et comment veux-tu que je le sache ? s’énerva Blu. — Et bien, pourquoi pas des insectes vidas ? Les toffs en raffolent », dit Jax. Tous approuvèrent. Blu se dirigea vers une autre boîte électrifiée de forme plus allongée que celle des toffs. Elle était plus petite que la caisse dans laquelle se trouvait la femelle terrienne. Il ramassa une poignée de grosses créatures à carapace dure. Les bestioles mesuraient quinze centimètres de long et étaient toutes noires, avec deux taches blanches ovales sur le dos. Blu se souvint que les dents de la femelle étaient plates, mais il estima qu’elles suffiraient pour casser la coquille dure afin d’en extraire la viande verte et juteuse qui se trouvait à l’intérieur. Les longues pinces poilues tentèrent de lui griffer la main, mais elles ne parvinrent pas à pénétrer sa peau épaisse. Ça le chatouillait. Blu se pencha au-dessus de la femelle terrienne. « Regarde, petite femelle, j’ai de la nourriture pour toi », fit Blu d’une voix douce, en souriant. Il éteignit le champ de force électrique et jeta les insectes vidas à l’intérieur de la boîte. Les petites bêtes semblèrent attirées par son odeur et ne tardèrent pas à lui grimper dessus. La femelle terrienne bondit en poussant des hurlements. Elle trébucha mais se remit à crier de plus belle. Les mains de la femelle couraient le long de son corps, pour essayer de se débarrasser des gros scarabées aux yeux globuleux. La couverture dans laquelle elle s’était enveloppée glissa à terre et de minuscules lignes ourlées d’une substance rouge apparurent sur sa chair d’un blanc rosé. « Merde, Blu », s’écria Jax. Les trois guerriers avaient bondi. « La nourriture est en train de manger ta créature ! Fais quelque chose. » Tandis que Jax hurlait, la femelle terrienne escaladait le côté de la boîte pour échapper à ses assaillants. Blu la recueillit dans ses bras pour l’éloigner des insectes qui tentaient par tous les moyens de récupérer leur repas. Thorn et 6 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Jax les chassèrent loin de Blu et les écrasèrent sous leurs bottes. Les éclaboussures produisirent de petites flaques gluantes sur le sol. La femelle continuait de hurler et cherchait à repousser Blu pour se dégager de son emprise. « Bordel, tonna Titus en faisant irruption dans la pièce. Mais qu’est-ce qui se passe ? Et éteignez cet animal, il est trop fort. — On dirait qu’il n’a pas de bouton d’arrêt, cria Blu pour se faire entendre. — Comment ça pas de bouton d’arrêt ? » Titus traversa la pièce à grandes enjambées, saisit la femelle dans les bras de Blu et la retourna face à lui. Il pressa ses seins, effleura le petit trou de son ventre, tira sur ses doigts et ses orteils, et lorsqu’il regarda dans sa bouche, de minuscules dents d’un blanc étincelant se refermèrent sur ses doigts. « Bon sang, il mord cet animal, gronda Titus en retirant son doigt des dents de la femelle. On ne peut pas laisser un animal qui mord s’approcher des jeunes enfants ; il pourrait leur transmettre des maladies. » Titus frappa vivement la femelle sur le nez. « Méchante, femelle, méchante. » La femelle poussa un cri et parut s’évanouir. « Aïe, tu lui as fait mal, dit Blu. — C’est peut-être comme ça qu’on l’éteint ! » Titus se pencha et prit son pouls. « J’espère que je ne l’ai pas tuée. — Non, je l’entends respirer », fit Blu en la soulevant un peu plus dans ses bras pour mieux écouter. Puis il fronça le nez et l’éloigna de lui. « Même la merde de toff est plus agréable. — On devrait peut-être demander à Finn de l’examiner », suggéra Titus. La petite créature lisse semblait aussi inerte que si elle était morte. « Je crois que Finn serait agacé si tu lui demandais d’ausculter un animal domestique, fit Thorn, d’un air résolument dubitatif. 7 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire — Je vais d’abord la nettoyer ; peut-être que si elle a une meilleure odeur, il n’essaiera pas de me tuer », dit Blu. Son animal de compagnie dans les bras, à bonne distance de ses narines, Blu parcourait le couloir du vaisseau en direction de sa cabine. Une porte noire coulissa, s’ouvrant sur une grande salle ; Blu installa la femelle sur un bout de moquette et alla chercher un tiroir. Il posa le tiroir dans sa cabine de douche et laissa jaillir l’eau pour remplir la boîte carrée étanche. Il plongea sa main dans l’eau et se renfrogna. L’eau glaciale ne dérangeait pas Blu, mais frigorifierait sans nul doute la petite femelle à la peau lisse. Il essaya de la réchauffer un peu, mais bientôt, il eut peur qu’elle ne soit devenue trop chaude il ne voulait pas non plus la faire cuire. « Bon sang, cet animal me cause du souci. Je ne sais pas comment m’en occuper. J’aurais dû demander un guide du propriétaire. Ce foutu Tonien aurait quand même pu me donner quelques instructions. » D’un pas décidé, Blu revint dans sa cabine et s’empara de la femelle. Lorsqu’il l’immergea dans l’eau fraîche, elle s’agita. La situation était déjà mauvaise, mais voilà qu’elle venait d’empirer. 8 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Chapitre 2 Lorsque Bay ouvrit les yeux, son premier réflexe fut de se pelotonner dans les bras puissants et chauds qui l’entouraient afin d’échapper au froid saisissant. Jusqu’à ce qu’elle réalise que la personne qui la tenait n’était autre que le monstre. Elle poussa un cri et se mit à frapper la créature massive, tout en hurlant et en se débattant. L’eau de la baignoire ou du moins du contenant dans lequel elle se trouvait giclait tout autour. L’extraterrestre s’empressa de lui attraper un bras et une jambe. Il la plongea plusieurs fois dans l’eau, si violemment qu’elle se cognait à chaque fois les fesses au fond de la baignoire. Il était presque penché sur elle pour la maintenir de force dans le bain. Le monstre lui avait plaqué les bras contre la poitrine et poussait une série de grognements terrifiants, exigeant visiblement qu’elle lui obéisse. Bay décréta qu’elle ne céderait pas. Depuis qu’elle avait été kidnappée sur la planète Onvra, tout était allé de mal en pis. Le nouveau monde était censé être la planche de salut des humains, alors que la Terre se mourait. Quand Bay était arrivée sur la nouvelle planète, elle avait rencontré deux races de guerriers les Castiens et les Toniens. Aucune de ces créatures ne semblait très accessible, et Bay s’était enfuie à toutes jambes. Elle n’était pas allée très loin. Le Tonien renégat qui l’avait capturée dans un raid après l’attaque de la planète par les guerriers Castiens était un vaurien sans scrupules. Une fois à bord de la petite navette gris argenté, le puissant guerrier lui était tombé dessus à coup de poing jusqu’à 9 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire ce qu’elle admette qu’aucun Castien ne l’avait aperçue sur la planète. Comme beaucoup d’autres femmes, Bay avait trouvé ces êtres étranges terrifiants et elle s’était cachée dans une grotte. Le Tonien avait d’abord été content de lui. Il croyait avoir joué un bon tour aux Castiens, mais lorsqu’il réalisa que son rapt ne suscitait aucune réaction chez ses ennemis, et que personne dans la galaxie n’échangerait sa captive contre de l’aide ou de l’argent, il était entré dans une colère folle. Les nouvelles concernant les femelles humaines s’étaient vite répandues dans la majeure partie de l’espace et personne ne voulait à présent se mesurer aux guerriers castiens, quasiment indestructibles. Même lorsque le Tonien avait déclaré que Bay lui appartenait, on avait refusé de le croire car ses semblables étaient connus pour leur nature fourbe. Quand il comprit qu’elle allait lui rester sur les bras, il se fâcha. Le guerrier avait entendu dire que certains Toniens avaient perdu toutes leurs défenses à cause de la cascade d’émotions que provoquaient ces femmes humaines. Le Tonien n’avait aucune envie de la garder elle était inutile. Bay était sûre qu’il allait la tuer. Mais son ravisseur l’avait emmenée jusqu’aux confins de la galaxie, dans l’un de ses recoins les plus éloignés. La planète sur laquelle ils avaient atterri disposait de ce qu’elle put comparer à une sorte de marché. Affamée et maltraitée, après une semaine passée en compagnie du cruel Tonien, Bay avait été jetée au fond d’une boîte métallique. Pendant des heures, elle avait rôti sous le soleil brûlant tandis que des créatures effrayantes, dégoûtantes et sinistres passaient devant elle en secouant la tête à chaque fois que le Tonien tentait de la troquer contre quoi que ce soit. Il ne trouvait pas preneur, et Bay savait qu’elle ne pouvait en vouloir à personne ni à rien. Son apparence était lamentable ; elle sentait affreusement mauvais. Elle parvenait à peine à marcher ou à parler. Sa chair tendre était ornée d’hématomes immondes et douloureux. 10 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Quand l’immense créature aux allures de monstre s’était approchée d’elle, Bay avait hurlé, infligeant davantage de dégâts à sa gorge endolorie. L’extraterrestre était massif. Il était plus imposant que son ravisseur, qui pourtant lui paraissait déjà terrifiant. La peau très bronzée de son visage et de son cou ressemblait à du cuir ou aux écailles d’un reptile, et ses longs cheveux blancs ondulaient comme s’ils étaient vivants. Des yeux rouges luisants brillaient au fond de ses orbites surmontées d’un long sourcil blanc unique qui barrait son large front et descendait de part et d’autre de son visage, le long de son cou et jusque sur ses épaules. Il ne portait pas de chemise, mais il n’en avait pas besoin. Une épaisse fourrure d’un blanc immaculé recouvrait son torse puissant. On aurait dit un homme à la pilosité anormalement développée. Aucune fourrure ne recouvrait son ventre ovale et tout plissé qui commençait au niveau de son torse et s’arrêtait à sa ceinture. Bay n’avait jamais vu un torse si large. Ses bras ressemblaient à des troncs d’arbre et une fourrure blanche descendait sous ses bras en une fine ligne, avant de s’enrouler autour de ses poignets, en larges bandes blanches touffues de huit centimètres d’épaisseur. Quatre autres rubans de fourrure blanche entouraient ses avant-bras, laissant le reste de ses muscles saillants dénudé. Un pantalon noir brillant, qui le moulait au niveau des hanches, lui descendait jusqu’aux pieds avant de s’ouvrir sur d’immenses chaussures noires ovales semblables à des bottes. La poussière du sol se soulevait sous ses pieds puissants, à chaque pas qu’il faisait dans sa direction. Il était de plus en plus proche. Bay pensait qu’elle allait mourir. Elle avait trouvé le Tonien hideux avec sa cuirasse extérieure grise, ses crocs blancs et sa longue queue grisâtre. Mais cette créature n’était comparable à rien qu’elle ait déjà vu. Le monstre parla et Bay aperçut ses grosses dents, espacées les unes des autres. Il s’adressa au Tonien, qui haussa les épaules. La créature tourna le dos pour s’éloigner, après avoir posé sur Bay ses yeux rouges inexpressifs. Le Tonien 11 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire gronda pour attirer à nouveau son attention ; il tendit la main vers Bay et la sortit de sa cage. Elle poussa un hurlement lorsqu’il referma son poing pour la soulever dans les airs. L’heure de sa mort avait enfin sonné. La créature s’arrêta, se retourna et cria quelque chose qui immobilisa le Tonien, à deux doigts de lui asséner un coup de poing mortel. La créature revint sur ses pas et, avec une réticence évidente, tendit au Tonien un objet argenté ; le Tonien s’éloigna à grands pas, laissant Bay se débattre dans la poussière pour regagner la sécurité de sa cage. La créature se précipita vers elle ; c’était plus que Bay ne pouvait en supporter. Affaiblie par la faim et la soif, elle perdit brutalement connaissance au moment même où le monstre la ramassait. À présent, voilà que son acheteur la plongeait dans une eau glacée et la frottait à l’aide d’une substance noire glissante. Il essayait de la faire mousser sur son corps et dans ses cheveux, tandis que Bay s’époumonait jusqu’à en perdre la voix et employait ses dernières forces à le frapper. Les vagues qu’elle avait provoquées s’apaisèrent ; l’eau lui arrivait au niveau du nombril. Les bras en acier trempé qui la maintenaient étaient fermes, mais ne semblaient pas chercher à lui faire du mal. Bay se rendit compte qu’il n’essayait pas de la noyer. Elle revint alors à la raison et s’effondra dans ses bras. Il n’allait pas la blesser. Ses mains étaient puissantes et gigantesques, ses doigts étaient épais. Sa voix grave se calma lorsqu’il constata qu’elle ne bougeait plus. Les mains d’extraterrestre savonnèrent ses seins, de la même façon qu’elles avaient astiqué ses bras ; il n’y avait rien de sexuel dans ce contact. L’eau l’avait détrempé, inondant ses vêtements, sa fourrure et la pièce autour d’eux ; Bay pouvait distinguer les contours de son sexe volumineux, mais il ne semblait pas excité. Bay s’assit en frissonnant alors qu’il s’affairait sur sa masse de cheveux ébouriffés. Elle poussa quelques cris quand il se montrait trop énergique, et son doigté se radoucissait aussitôt. Pendant tout ce 12 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire temps, des sons chantants ne cessaient de monter du fond de sa gorge. La créature prit son temps pour s’assurer que chaque centimètre de son corps soit bien propre. Elle se tortilla un peu lorsqu’il nettoya les plis entre ses jambes, mais il faisait preuve d’une grande douceur. Enfin, il souleva Bay et l’emmena dans une autre salle. Il la posa sur un matelas carré étendu à même le sol. Ce n’était certes pas le grand lit confortable dont elle avait l’habitude. Il écarta les doigts et lui fit signe de rester tranquille, puis il sortit quelques instants avant de revenir avec une serviette pour la sécher. Lorsqu’elle fut suffisamment sèche, il la laissa à nouveau et lui apporta une couverture chaude dans laquelle elle se blottit. Bay leva sur lui des yeux méfiants. Il regardait ses habits trempés et son torse dégoulinant ; puis il brandit le doigt et marmonna ce qu’elle identifia comme une réprimande. On aurait dit qu’il grondait un enfant turbulent ou un vilain chiot. Bay resta bouche bée lorsque le mur vers lequel le colosse s’était dirigé s’ouvrit en plusieurs tiroirs semblables à celui dans lequel il l’avait lavée. Le tiroir contenait un autre pantalon noir et des bottes sombres. Elle ouvrit de grands yeux en constatant qu’il se déshabillait devant elle comme si elle n’était pas là. Les mêmes poils blancs recouvraient la majeure partie de ses jambes, sur les côtés et à l’arrière, laissant le devant nu et la masse musculaire de ses cuisses imposantes nettement exposée. Ses pieds présentaient un duvet bien plus fin. On aurait dit de très grands pieds humains, dotés de cinq orteils tout chez lui étant solide et volumineux. La peau de son large dos était dure et bronzée et des rides la creusaient, toutes espacées de quelques centimètres. Or cette particularité n’était pas véritablement étrange ; Bay avait l’impression que ces plis dessinaient des muscles saillants à la forme singulière. La peau de ses fesses, lisse et bronzée, était visiblement ferme et une fine couche de fourrure blanche s’étendait 13 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire entre ses fesses jusque devant son pubis. Enfin, la toison blanche descendait de ses aisselles en deux bandes distinctes qui couraient le long de ses côtes. Lorsqu’il se retourna, Bay put apercevoir un généreux buisson de fourrure autour de ses énormes testicules d’étalon et de son gros sexe épais, glabre et bronzé. Bay détourna le regard en frissonnant. Le Tonien ne s’était pas montré sexuellement attiré par elle, mais si c’était le cas de cette créature ? Pour quelle autre raison l’aurait-il achetée ? La bête était si énorme qu’elle lui ferait affreusement mal si elle cherchait à la forcer. À en juger par la forme de son sexe, Bay savait qu’ils étaient compatibles, mais c’était bien la plus grosse queue qu’elle ait jamais vue. Tirée de ses pensées, Bay constata que la créature s’était à présent rhabillée. Elle fouillait dans un autre tiroir et en sortit deux peignes, puis elle la regarda et opta pour une brosse qui semblait avoir connu des jours meilleurs. Elle retira une touffe de poils blancs des dents pointues de la brosse, et la jeta dans une corbeille ronde argentée avant de s’approcher d’elle. Lorsque l’être s’assit à côté d’elle, Bay lui arracha vivement la brosse des mains et la lança à l’autre bout de la pièce. Il leva la main, comme pour la frapper. Aussitôt, elle se baissa et se dissimula sous la couverture. Rien ne se produisit, et elle glissa un œil hors de sa cachette pour le voir. La créature était devant elle et tenait à nouveau la brosse dans ses mains. Bay savait que les choses tourneraient mal si elle continuait à se rebiffer contre lui. Elle avança timidement la main pour se saisir de la brosse ; son regard était sceptique médusé agacé. Pendant un moment, il tapota le manche de bois contre sa cuisse, comme s’il réfléchissait. Enfin, il lui permit de la prendre ; il plissa les paupières et la dévisagea d’un air sévère. Cette fois, elle passa les dents émoussées dans sa chevelure emmêlée. La créature sembla surprise, puis soulagée. Bay se demanda pourquoi l’extraterrestre n’avait pas essayé de lui faire comprendre son nom. 14 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Elle cessa de se coiffer une fois que ses longs cheveux eurent perdu les nœuds informes qui les avaient envahis, et elle désigna sa poitrine. « Bay. » Le mot sortit comme un glapissement ; le Tonien avait serré son cou si souvent et pressé si fort qu’elle s’en était retrouvée sans nul doute très abîmée. À force d’avoir hurlé, elle ne parvenait presque plus à prononcer le moindre mot. Le monstre inclina la tête et Bay répéta son nom, plus lentement. Sa gorge douloureuse était sèche, et ses paroles rauques. Il se leva alors et se dirigea vers la pièce où il l’avait lavée, pour en revenir avec un peu d’eau. Bay prit le bol métallique dans ses mains après lui avoir rendu sa brosse. Elle avala l’eau froide avec avidité, grimaçant à chaque déglutition. Elle se demandait s’il allait aussi lui donner à manger sauf s’il considérait ces gros scarabées noirs comme de la nourriture. L’idée lui vrilla les nerfs et lui donna la nausée ; elle frissonna. Une fois de plus, Bay essaya de lui faire comprendre son nom. Lorsqu’elle leva la main pour désigner sa poitrine, il la lui saisit et observa les hématomes sévères de sa peau. Il se renfrogna, la prit dans ses bras et sortit de la salle d’un pas décidé. Le couloir dans lequel il s’était engagé était éclairé par des lumières bleues qui brillaient à intervalles réguliers contre les murs d’un noir luisant. Bay percevait le bourdonnement des moteurs. Le plafond était haut, sans doute pour convenir à la taille imposante de la créature. Quelques hublots s’ouvraient sur les ténèbres, qui s’étendaient à perte de vue. Ils croisèrent plusieurs créatures, encore plus grandes que celle qui la tenait dans ses bras. Certaines la dévisageaient avec curiosité, d’autres secouaient la tête. Lorsqu’ils arrivèrent devant une porte noire impeccablement polie, la créature enfonça un bouton rouge et la porte s’ouvrit en coulissant. En apercevant tous les mécanismes et les rouages argentés, Bay sut immédiatement qu’elle se trouvait dans une sorte de laboratoire et qu’on allait l’examiner par tous les orifices. Elle se tortilla et donna 15 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire des coups de pieds, mais la créature la maintenait aisément. Bay fut déposée sur une table, sa couverture lui fut enlevée et elle vit, horrifiée, une autre créature se diriger vers elle, la mine sévère. Un extraterrestre en colère, voilà qui était encore plus effrayant. Les deux créatures s’engagèrent dans une joute verbale. Bay ne comprenait rien ; elle se recroquevilla du mieux qu’elle put, les genoux contre sa poitrine. Avec un grognement sourd, le plus grand des deux êtres leva les bras au ciel et se pencha sur elle. Bay recula en gémissant. Elle se demandait quelles analyses sordides il allait effectuer sur sa pauvre chair déjà bien meurtrie. Le scientifique ne semblait pas se rendre compte qu’elle avait une peur bleue ; il prononça un mot très doux et passa sa grande main dans ses cheveux. Ses doigts s’attardèrent près de son nez, et Bay se demanda si c’était dans leur nature de se laisser sentir par les autres créatures. Puis il prit sa mâchoire tremblante entre ses mains. Plongeant son regard dans le sien, il fit doucement courir ses doigts le long de sa mâchoire et de son cou. Il se renfrogna lorsqu’elle essaya de lui parler. Du bout des doigts, il palpa ses hématomes, et elle grimaça de douleur. Elle ne put se retenir de gémir lorsqu’il la toucha à nouveau au même endroit, avec davantage de précautions. La créature posa sa main sur son épaule, avant de lui repousser fermement les jambes, qui se retrouvèrent pendantes au bord du lit. Elle se crispa lorsqu’il tendit la main pour tâter ses seins. Son regard était intrigué, et il l’allongea pour examiner son ventre. Bay se demanda s’il s’agissait d’une sorte de médecin. Il semblait savoir ce qu’il faisait. La créature prononça quelques mots à l’acheteur de Bay et secoua la tête de façon négative. Visiblement, les deux mâles paraissaient étonnés qu’elle ait des seins. Bay se demanda si leurs femelles en avaient et, si ce n’était pas le cas, comment leurs bébés pouvaient bien se nourrir. Une fois de plus, elle songea aux affreux scarabées et fut prise de tremblements. Blu parla au docteur, qui tenait la couverture entre ses mains. Il la souleva et désigna les taches mouillées que ses 16 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire cheveux dégoulinants avaient laissées. Les dents de Bay se mirent à claquer ; la salle était froide. Le médecin jeta la couverture au sol, et Bay comprit qu’il ne voulait pas l’enrouler dans un tissu humide. La créature lança un regard circulaire autour de la pièce et se dirigea vers un bureau. Lorsqu’il revint, il la couvrit d’un drap froissé qu’il avait pris sur une chaise. L’idée qu’un médecin puisse ne pas utiliser de couverture stérilisée la perturbait ; elle était propre à présent. Une idée l’effleura alors : elle ne savait pas qui étaient ces êtres ; peut-être ne savaientils pas qui elle était. Bay n’avait aucune idée de l’endroit où elle se trouvait dans l’espace ; elle pouvait bien être à des millions, voire des milliards de kilomètres de chez elle. Pourquoi ces créatures sauraient-elles qui elle était ? Ou même qu’elle était intelligente ? Les deux créatures discutaient, et Bay sentit ses paupières se fermer d’épuisement. Son ventre gronda bruyamment, ce qui ne manqua pas d’attirer leur attention. Tous deux ouvrirent de grands yeux et se rapprochèrent. Bay sentit ses joues rougir. Elle ne se rappelait plus la dernière fois qu’elle avait mangé. La créature et le médecin la dévisagèrent lorsque son ventre produisit un nouveau grognement ; le docteur glissa un œil sous le drap et examina son nombril. Après l’avoir attentivement observée, il se dirigea vers une boîte argentée qui ressemblait à la fois à un micro-ondes et à un réfrigérateur. Il l’ouvrit, en sortit un récipient et revint vers la table, où il aida Bay à se redresser. Puis il ôta le couvercle de la boîte et la lui tendit. Elle entendit son acheteur grommeler lorsque le médecin prit un ustensile plat en bois, qu’il plongea dans le contenu du récipient. La substance était semblable à du yaourt et sentait bon. Bay ouvrit la bouche lorsque la créature la lui tendit ; c’était mieux ainsi, ses mains tremblaient si violemment que la nourriture aurait volé de l’autre côté de la pièce. 17 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire La nourriture était bel et bien du yaourt, et elle n’avait jamais goûté quelque chose d’aussi crémeux et délicieux. Elle eut du mal à déglutir, mais elle l’avala tout de même. Le docteur lui fit manger tout le contenu du récipient, puis jeta la boîte et l’ustensile dans une poubelle métallique. Au bord de l’épuisement, Bay se mit à bâiller. Aucune des deux créatures ne semblait vouloir lui faire du mal, et elle était éreintée. Elle s’allongea sur le lit raide de l’infirmerie et aussitôt, elle s’endormit. **** « De la nourriture pour bébé ? » Blu était perplexe. « Elle mange de la nourriture pour bébé ? — C’est sûrement le mieux pour le moment. Ton petit animal est blessé. Il est déshydraté et à moitié affamé. Il a manqué de soins. On l’a maltraité ; pas étonnant qu’il soit si nerveux. Je ne pense pas que ces étranges zones teintées sur son corps soient naturelles, ce sont des parties endommagées et il y en a beaucoup. On dirait que quelqu’un a failli lui broyer la gorge. — Le Tonien. — Ce Tonien devrait être anéanti. Je hais la cruauté en général, mais surtout envers un petit animal sans défense. Regarde cet être minuscule ; il va avoir besoin de beaucoup de soins. — Je ne peux pas constamment veiller sur lui, fit Blu d’un air inquiet. — Tu aurais dû y penser avant de l’amener ici. — Je ne pensais qu’à Zane et à mon neveu. Tu sais que Draven est malheureux depuis qu’il a perdu son toff. — Tu ne peux pas remplacer un animal par un autre, Blu. Ils font partie de la famille. Mais à quoi pensais-tu ? Cet être ne ressemble à aucun autre de ma connaissance ; nous ne savons rien de lui. J’espère juste qu’il n’est pas allergique à la nourriture pour bébé. » Blu soupira et passa la main sur son visage d’un air las. « Écoute, est-ce que tu peux le garder ici et essayer de le 18 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire maintenir en vie ? Je te jure que si Zane n’est pas intéressé, je lui trouverai un bon foyer. En attendant je dois m’acquitter de mes tâches, sinon Titus va me massacrer. — Je vais le garder ici au bureau pendant que tu travailles. Mais tu exagères. Cet environnement doit rester stérile. Je ne pense pas que cette femelle soit malade, mais encore une fois je ne sais pas ce que c’est. Ensuite, ce sera ta responsabilité. Si la femelle reste sans surveillance, elle pourrait se faufiler partout dans le vaisseau et risquerait sérieusement de se blesser ; imagine, si elle ronge des fils dénudés, elle peut se faire griller ou même court-circuiter le vaisseau. Je ne te rendrai pas cette petite créature si tu n’apprends pas à t’en occuper convenablement ; ton animal pourrait se blesser ou se mutiler si tu le négliges. Je l’euthanasierai si je ne suis pas satisfait de la façon dont tu t’en occupes. Ça veut dire que tu ne dois pas seulement veiller à ce qu’il soit propre, mais aussi le nourrir, lui donner à boire, le garder au chaud ; et, le plus essentiel, un animal de compagnie a besoin qu’on lui consacre du temps. Éduque-le avec gentillesse. Ne lui donne pas de tapes comme tu le ferais à un toff ; tu lui casserais le nez. Encourage-le beaucoup dès que ton animal fait quelque chose de bien. — D’accord. » Blu sortit en coup de vent de la pièce. Finn baissa les yeux sur sa nouvelle protégée, qui dormait à poings fermés, enroulée dans son drap. Elle était mignonne. Ce ne serait pas une attitude très responsable que de laisser le petit animal seul sur la table ; il pourrait tomber, et ses os sont si fragiles. Finn était absolument persuadé qu’ils se briseraient instantanément. L’idée qu’un os puisse se casser était en soi ahurissante Finn n’avait jamais vu quelque chose d’aussi curieux. Il prit la créature dans ses bras et s’émerveilla de son poids si léger. Du bout du pied, il fit un tas avec les quelques draps empilés au sol qui attendaient d’être nettoyés. Ils 19 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire étaient bien assez propres. La femelle ne pouvait pas les abîmer ils avaient de toute façon besoin d’une bonne lessive. Après l’avoir installée sur le tas, il retourna à ses recherches. 20 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Chapitre 3 Bay se réveilla et grimaça en s’étirant. Elle était allongée sur un tas de draps à même le sol. Un peu désorientée, elle se redressa en position assise ; elle était seule. Les draps étaient corrects, mais elle aurait apprécié quelque chose de plus doux. Bay observa la pièce alentour avec curiosité et remarqua un grand meuble rembourré. Elle se leva vivement et se dirigea vers le siège visiblement très confortable. Elle n’avait aucun moyen d’échapper à ces créatures ; à travers un large hublot, elle aperçut l’obscurité infinie de l’espace. Elle se trouvait à bord d’un vaisseau ; elle n’avait nulle part où se cacher. Bay s’installa sur le meuble, soulagée de constater qu’on ne cherchait plus à l’enfermer dans une boîte ; les barreaux lumineux avaient grésillé quand elle les avait touchés, ils lui avaient fait mal. Le revêtement sur l’espèce de sofa où elle était couchée était doux comme du velours et semblait émettre de la chaleur. Bientôt, elle se rendormit, épuisée par son épreuve et par l’horreur d’une captivité qu’elle ne trouvait pourtant plus aussi écrasante qu’au début. Lorsque Bay se réveilla à nouveau, elle était de retour sur la pile de draps entassés au sol. Ils ne sentaient pas vraiment mauvais, mais de toute évidence ils avaient besoin d’un bon nettoyage. Le médecin était à présent assis sur le siège confortable, une tasse fumante à la main et des documents de travail dans l’autre. Bien sûr, le tas de draps était plus agréable que tout ce que le Tonien avait pu lui donner, 21 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire mais c’était ridicule. Ces créatures ne la traitaient pas comme une prisonnière mais plutôt comme un petit chien. Plus Bay y pensait, plus cette idée lui paraissait sensée. Elle avait été frappée sur le nez parce qu’elle les avait mordus et qu’ils l’avaient trouvée indisciplinée ils n’avaient pas compris que c’était sa manière de se défendre. Elle avait été lavée comme un caniche chez le toiletteur, le docteur lui avait tapoté la tête, fait sentir sa main et à présent on la forçait à dormir par terre. Grand Dieu, elle était surprise qu’ils ne lui aient pas encore attaché un collier autour du cou et qu’ils ne la suivent pas avec un ramasse-crottes. Bay se leva et s’approcha furtivement du médecin. Tout son corps lui faisait mal à chacun de ses mouvements, mais elle était déterminée. Ils devaient savoir qu’elle était intelligente mais alors, feraient-ils d’elle une esclave ? La perspective était inquiétante, mais Bay ne pouvait pas supporter de dormir par terre, d’être nourrie par quelqu’un ou encore de laper l’eau à même les bols métalliques. Le docteur remarqua sa présence et lui sourit, puis il lui fit signe de s’asseoir à ses pieds. Comme un bon toutou. Bay résista à l’envie de se mettre à gronder. Elle secoua la tête et désigna sa poitrine du mieux qu’elle le put, tout en maintenant le drap serré autour d’elle. Ils devaient bien se rendre compte qu’elle n’était pas qu’un simple animal, ne serait-ce qu’à cause de la pudeur dont elle faisait preuve. « Bay », dit-elle, tout en se maudissant pour le ton rauque de sa voix ; on aurait dit le cri d’un poulet furieux et enroué. Puis elle tendit le doigt vers lui. Le médecin la regardait d’un air interrogateur et Bay tapa du pied. « Bay. » Le docteur secoua la tête d’un air narquois. Bay alla s’asseoir à côté de lui sur le siège et fut aussitôt repoussée sur le sol ; bien qu’il y soit allé tout en douceur, elle atterrit rudement sur les fesses. Le médecin désigna le monticule de couvertures sur le plancher dans le coin de la pièce et prononça un mot sec, qui la fit sursauter. Il reprit la feuille qu’il avait posée sur ses genoux et l’ignora. 22 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Bay leva les yeux vers lui et le regarda pendant quelques instants, se mit debout et, tout en se frottant les fesses, retourna vers le tas de draps. Elle jeta un coup d’œil derrière elle en s’éloignant, mais il continuait de l’ignorer. Ça ne va pas être facile. Elle s’installa sur le tas de linge. Visiblement, c’était sa place. Ces créatures pensaient vraiment qu’elle n’était qu’une petite bête. Elle était passée du statut de prisonnière torturée à celui d’animal de compagnie. Pourquoi le Tonien ne lui avait-il pas expliqué ce qu’elle était ? Mais encore une fois, pourquoi l’aurait-il fait ? Il s’était montré tellement empressé de se débarrasser d’elle qu’elle s’imaginait qu’il avait raconté à son nouveau « propriétaire » tout ce qu’il avait voulu entendre. Bay était perdue dans ses pensées, et elle sursauta lorsque le docteur apparut soudain devant elle. Il tenait quelque chose dans sa main, qu’il agita pour qu’elle l’attrape. Les paroles qu’il prononçait visaient clairement à lui faire comprendre qu’il était satisfait de son obéissance. La nourriture qu’il lui tendait était sa récompense. Bon sang. Cette humiliation ne prendrait donc jamais fin ? Bay espérait qu’il ne s’attendait pas à ce qu’elle lui lèche la main pour le remercier. Le dos de ses doigts et de ses mains était recouvert d’une couche extrêmement fine de fourrure blanche soyeuse. Ses paumes et le devant de ses doigts présentaient une peau dure et plissée. Ce qu’il lui tendait avait la forme d’une glace à l’eau ; c’était blanc et Bay se demanda si c’était de la crème glacée. Elle était tiraillée entre refuser par principe ou accepter, sachant que la gourmandise aurait pour effet d’apaiser sa gorge. À contrecœur, Bay tendit la main et attrapa la récompense ; le docteur lui tapota la tête et Bay poussa un petit grognement. Il articula encore quelques mots et lui caressa les cheveux comme pour lui montrer qu’elle était une gentille fillette. Bay plissa les paupières et pensa si tu crois 23 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire que je vais me lécher le cul, espèce de taré, ou courir après une balle, je vais vraiment pisser sur tes meubles. Le docteur se leva et retourna à ses lectures. Bay fourra la glace dans sa bouche et entreprit de la sucer tout en essayant de gérer ses émotions refoulées ; elle fulminait. La substance glacée apaisa sa gorge, mais sucer si fort lui faisait mal et elle se calma pour la lécher plus tranquillement. Elle observa le docteur tout en mangeant. Les créatures ne s’étaient pas montrées cruelles si ce n’est la tape sur le nez. Elles étaient immenses et lui faisaient peur, car elles ne ressemblaient à rien de ce qu’elle connaissait. Pourtant, maintenant qu’elle s’était habituée à elles, elle ne les trouvait plus aussi moches. Peut-être était-ce leur grande taille qui lui avait fait peur au début. Bay se demanda s’ils la trouvaient laide. Le Tonien était beau, parlait anglais et ressemblait à un humain tout en muscles. Il avait une armure qui semblait être absorbée dans sa peau sur commande. Mais il s’était aussi montré brutal envers elle, ce qui le rendait bien plus hideux à ses yeux que ces nouvelles créatures. Elles n’en étaient pas moins effrayantes à regarder, mais elles semblaient s’inquiéter de son bien-être. Elles paraissaient intelligentes bien qu’un peu lourdes vis-à-vis d’elle. Bay termina sa glace ; elle regarda autour d’elle et remarqua un cylindre sur le sol dans un coin de la pièce. Elle se leva et se dirigea dans sa direction. En se rapprochant, elle se rendit compte que c’était bien une sorte de poubelle. Elle contenait quelques autres bâtonnets plats semblables à celui qu’elle tenait à la main, ainsi que le récipient que le docteur avait jeté un peu plus tôt. Bay laissa tomber le déchet à l’intérieur, et s’en retourna vers sa pile de draps. Elle fut arrêtée par les paroles et l’air incrédule du médecin. Quand il se rua vers elle, Bay fut prise de panique. Il pouvait bien être une sorte de docteur, mais il mesurait toujours deux mètres dix, et était bâti comme un char d’assaut qui lui fonçait à présent dessus. Elle se laissa tomber sur le sol et se roula en 24 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire boule en se demandant si elle avait fait quelque chose de mal. Lorsque le docteur la souleva, il la ramena vers le siège moelleux et la posa sur ses genoux tout en lui parlant doucement. Il fallut un moment à Bay avant de réaliser qu’il la félicitait il n’était pas en colère. Sa respiration s’apaisa, elle avait retenu son souffle sans s’en apercevoir. Le battement frénétique de son cœur ralentit. C’est alors qu’elle remarqua qu’il répétait en boucle les deux mêmes mots. Elle avait déjà entendu ces mots auparavant, dans la bouche de Blu, quand elle avait cessé de se débattre dans la baignoire. Elle se creusa les méninges, et en déduisit qu’il l’applaudissait d’être une gentille fille, ou peut-être une gentille femelle. Bay était sidérée. Si sa gorge ne la faisait pas tant souffrir, elle aurait répété ces quelques mots. Elle pouvait apprendre sa langue ; elle était sûre de pouvoir l’assimiler et leur parler si elle se concentrait et les observait attentivement. Une fois que sa gorge serait guérie, Bay pourrait leur faire comprendre qu’elle était douée d’intelligence. **** Blu entra dans le bureau du médecin et regarda autour de lui ; sa petite femelle était pelotonnée dans les bras de Finn, profondément endormie, tandis qu’il passait en revue ses documents. Finn leva les yeux, lui sourit d’un air penaud et reposa ses papiers. « J’étais en train de la féliciter, et elle s’est endormie dans mes bras. Je n’avais pas le cœur à la changer de place et elle est si légère quoique, je crois que mon bras est tout engourdi, mais vraiment, Bay ne m’a pas dérangé. — Bay ? — C’est ce petit bruit rigolo qu’elle fait. C’est comme les coucous qui doivent leur nom au son de leur pépiement. Elle fait un bruit qui sonne un peu comme « Bay », alors ça lui va bien. — Bon, j’ai fini ma journée ; elle a mangé ou faut-il que je prenne de la nourriture pour bébé avec moi ? 25 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire — Je crois qu’elle devrait peut-être rester ici ce soir. Elle mange, mais peu ; je suis inquiet pour sa gorge. Quand elle bouge, elle est raide ; j’aimerais pouvoir lui donner quelque chose contre la douleur, mais je ne veux pas risquer de la tuer par accident. » Finn la souleva dans ses bras et l’installa sur le canapé ; il caressa tendrement ses cheveux. Blu ouvrit de grands yeux. « Le sol est trop dur, même avec les draps. Elle n’est pas sale de toute évidence. — Ne t’attache pas trop, l’avertit Blu. C’est un animal de compagnie pour Zane. » La remarque ne sembla pas plaire à Finn. « Très bien. Mais si Zane ne veut pas la garder, je veux bien l’avoir, moi. Tu n’as pas le temps de t’occuper d’un animal, et je peux l’amener partout avec moi. — Je croyais qu’il te fallait un environnement stérile. » Blu la souleva dans ses bras. Il se dit que Bay était un nom qui en valait bien un autre, et il était d’une sonorité chaleureuse ; son petit corps sembla se blottir contre lui, et elle appuya sa joue contre son torse. Blu était forcé de reconnaître qu’il comprenait tout à fait pourquoi le docteur l’aimait tant. C’était bien plus mignon qu’un bébé toff, bien plus léger et vraiment plus affectueux et doux quand ça/elle ne faisait pas tout ce raffut. Blu secoua la tête, il essayait de se faire à l’idée qu’il tenait bien dans ses bras un petit animal femelle. « Elle n’est pas malade et elle est propre ; elle est très intelligente. Tu n’as qu’à lui montrer quelque chose une fois et elle comprend. Ce curieux bruit que fait son ventre, on dirait qu’il ne se produit que quand elle a faim, alors c’est facile de savoir quand la nourrir. Elle ne gronde pas après toi elle ne le contrôle pas. — Et bien, si Zane ne veut pas d’elle, tu peux l’avoir. C’est mignon, mais je n’ai pas de temps pour un animal de compagnie avec la vie que je mène. Tu as raison, ça elle, reprit-il en voyant le regard que lui lançait Finn, a besoin d’attention. Je te la laisserai demain matin à la première 26 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire heure. Je suis désolé, mais je ne vais pas avoir le temps de la laver. — Je le ferai. — Bon, elle déteste l’eau froide ; il faut qu’elle soit tiède, et j’apporterai une brosse avec elle, mais tu dois la surveiller quand elle s’en sert. Cette créature sait aller chercher, mais s’attend à ce que ce soit toi qui récupères l’objet. Ne la mets pas dans la cabine de douche ; la puissance des jets lui arracherait la peau. Et surtout, évite les insectes vidas ces foutues bestioles la mangent. Son sang est rouge quel genre de créature peut bien avoir le sang rouge ? — De l’eau tiède ? À quelle température exactement ? — Et bien, pas trop chaude sinon tu la ferais cuire. Je l’ai mise dans de l’eau fraîche et c’était toujours trop froid, alors essaie peut-être une température intermédiaire. Et tu dois lui parler quand tu la laves, sinon elle éclabousse partout. Elle est assez joueuse quand elle te connaît, mais sa peau nue est terrible à tenir, elle est trop glissante. Et essaie de ne pas lui faire peur, ça tire sa sonnette d’alarme ; et elle n’a pas de bouton d’arrêt. C’est violent. — Ce petit animal que tu as là est vraiment unique. — Tu l’as dit. La moitié des guerriers du vaisseau en veulent un maintenant, et m’ont demandé toute la journée où je l’avais eu et s’il y en avait d’autres. Elle ne vient pas d’une portée ; elle était toute seule. » Blu secoua la tête à l’idée que les mâles zargonnii se mettent à posséder de petits animaux femelles, et il sortit de la pièce. Les mâles toffs étaient les seuls animaux que connaissaient les guerriers zargonnii. C’étaient les seules créatures mâles, à la connaissance de Blu, qui pouvaient donner naissance à d’autres mâles toffs. Les petits mâles toffs étaient enlevés à leur unique parent, de peur que l’adulte ne mange sa progéniture. Au moment où les toffs étaient prêts à accoucher, on les éteignait. Une fois que le bouton était désactivé, les toffs plongeaient dans un profond sommeil et ils donnaient naissance sans se réveiller. Les bébés toffs étaient 27 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire placés dans des caisses et coûtaient très cher à l’achat ils étaient plutôt rares et l’on n’en trouvait que sur la planète Toho. La femelle terrienne était nouvelle et inoffensive, et curieusement elle n’avait pas de bouton d’arrêt, bien qu’elle dorme beaucoup. Les toffs étaient coriaces, loyaux, sauvages et gros. Cette petite créature était chétive, vulnérable et adorable. Imaginez, une femelle sans défense ; c’était risible. C’était peut-être la raison pour laquelle tout le monde en parlait. Les femelles zargonnii étaient plus grosses que les guerriers mâles, et se montraient parfois méchantes. Les guerriers les évitaient et n’entraient jamais dans leur domaine. Ils s’accouplaient une seule fois par an, tous les deux ans environ ; parfois, mais c’était assez rare, le mâle était tué par la femelle trop enthousiaste. Blu avait entendu dire que lorsque cela se produisait, les femelles le regrettaient. Blu ne pensait pas que les femelles tuaient volontairement ; mais elles étaient si imposantes et vigoureuses. Et parce qu’il y avait plus de femelles que de mâles, elles faisaient de leur mieux pour se montrer délicates. Pourtant, c’était difficile pour elles. Leurs espèces se toléraient l’une l’autre, quand c’était utile et nécessaire, mais elles menaient des vies bien distinctes et parlaient deux langues différentes. À part pour procréer, elles n’avaient rien en commun. Blu n’avait jamais ressenti le besoin de s’accoupler. Zane l’avait déjà fait, mais il était plus âgé et était déjà entré dans son cycle ; Draven en était le résultat. Blu n’était pas encore arrivé à maturité. Mais il n’en avait pas envie et connaissait beaucoup de guerriers zargonnii qui préféraient rester seuls. S’accoupler avec une femelle était dangereux ; elles étaient très nerveuses, ne cherchaient que leurs propres intérêts et voulaient dominer. Blu savait que quelques-uns des guerriers les plus costauds voulaient partir à la recherche d’une femelle, juste pour satisfaire leur curiosité. Et certains, comme Zane, le faisaient pour avoir un fils. 28 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Zane lui avait raconté qu’il avait apprécié l’accouplement, mis à part le fait que c’était brutal et qu’il ne voulait pas laisser Draven orphelin si sa prochaine rencontre avait lieu avec une femelle plus jeune qui se maîtrisait forcément moins bien que les plus âgées. Après l’accouplement, les femelles retournaient sur leur territoire, loin des mâles, envers lesquels elles n’éprouvaient plus le moindre intérêt, puisque leurs pertes de sang avaient cessé. Si une femelle zargonnii donnait naissance à un mâle, elle le déposait près du domaine des guerriers après son sevrage, à l’âge d’un mois. Les femelles ne voulaient en aucun cas avoir affaire aux hommes, mais la mère surveillait néanmoins son bébé jusqu’à ce qu’il soit découvert par un guerrier mâle normalement, elle le laissait près de la demeure de son père. Blu n’avait jamais vu de femelle zargonnii nourrisson ou enfant. Leurs mères étaient possessives et pouvaient aller jusqu’à tuer si on les croisait alors que leurs enfants femelles se trouvaient avec elles. Blu entra dans sa cabine et resta un moment, la petite femelle dans les bras ; il cherchait un endroit pour la poser. Il était fatigué. L’animal endormi entre ses mains frissonna et Blu l’emmena dans sa chambre à coucher. Blu la posa au pied de son lit. Il se déshabilla, éteignit les lumières et se glissa sous ses couvertures. Il croisa les bras derrière sa tête et contempla le ciel noir de la galaxie par le hublot. La petite femelle remua et sembla un instant toute perdue, avant de se rapprocher de lui. Elle se blottit contre sa taille et ne bougea plus. Blu ne chercha pas à la faire déguerpir. Ce devait être effrayant pour une si petite chose de se retrouver seule et glacée dans un nouvel endroit. Heureusement, elle se sentait un peu plus en sécurité avec lui qu’avec ce satané Tonien. Blu remonta les couvertures autour d’elle et se mit à chantonner tout bas, comme les mâles zargonnii le faisaient habituellement avec les bébés. Au bout d’un moment, il tendit la main et lui caressa les cheveux. Elle était si douce contre sa peau rugueuse. Blu eut 29 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire une idée cocasse. Ne serait-ce pas merveilleux si les femelles étaient faibles et avaient besoin d’être protégées dans ce monde si rude ? Quel concept intéressant et ridicule. Bay était un animal de compagnie, bien sûr qu’elle avait besoin de lui. Les vraies femelles étaient des brutes ; elles devaient l’être pour protéger leurs petits. Blu était content que les femelles soient puissantes et possessives il serait mort sans sa mère. Elle l’avait gardé sain et sauf, à l’abri des créatures étranges de sa planète, jusqu’à ce que son père le découvre. Mais cette pensée laissa Blu songeur. Zane allait devoir protéger cette femelle des créatures de son monde ; c’était une bonne chose que sa maison ait un enclos fermé. Sinon, il laisserait Finn la récupérer. Il était soulagé de ne pas avoir à assumer une telle responsabilité. Blu ferma les yeux ; la femelle était chaude, sa petite main était passée dans sa fourrure, sur son torse, et elle le caressait. C’était agréable. Elle sentait bien meilleur ; Blu était heureux de l’avoir sauvée. 30 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Chapitre 4 Bay les regardait depuis un coin de la pièce. Blu et une autre créature mâle se disputaient. Elle avait été déposée sur un épais paillasson noir lorsqu’ils étaient entrés dans la maison. Ils avaient atterri sur une planète quelques heures plus tôt, après avoir quitté le vaisseau spatial. Bay avait fait à Finn des adieux larmoyants. Le médecin s’était montré si attentionné envers elle au cours des trois derniers jours. Il avait pris soin d’elle et lui avait donné l’impression d’être en sécurité. Il avait visiblement compris son besoin d’être vêtue et lui avait fabriqué une étole acceptable à partir d’une vieille couverture. Elle l’enveloppait jusqu’au-dessus des seins et descendait juste sous ses fesses. Bay se demanda si le gentil médecin pensait lui confectionner l’équivalent d’un manteau pour chien dans le seul but de la garder au chaud. Le vaisseau était très froid, mais Finn et Blu avaient tous deux augmenté la chaleur de leurs cabines pour elle, après avoir remarqué qu’elle n’avait plus la chair de poule dès qu’elle se réchauffait. Bien que Bay soit toujours incapable de réellement parler, elle commençait à apprendre leur langue et elle s’était rendu compte que Finn l’appréciait de plus en plus même s’il la considérait toujours comme un animal de compagnie. Bay avait compris qu’il voulait qu’elle reste avec lui. Bay se blottissait souvent contre les deux mâles, à chaque fois qu’elle se sentait bouleversée, ou juste pour la sécurité qu’ils lui offraient. 31 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire À présent, Blu et une autre créature se hurlaient dessus. Bay n’avait pas peur ; avec Blu près d’elle, elle savait qu’elle ne courait aucun danger. Elle comprit quelques mots ici et là ; Finn et le vaisseau revenaient souvent dans la conversation. Elle n’en connaissait pas suffisamment pour bien appréhender ce qui se passait, mais elle comprenait que Blu la reconduirait au vaisseau et à Finn. Le monde dans lequel Blu l’avait emmenée était d’apparence assez inhospitalière. Quelques rayons de soleil perçaient, mais à cause des racines sombres et noueuses des arbres ainsi que de l’épaisse végétation verdâtre, on aurait dit une jungle lugubre. De la brume flottait au-dessus du sol, produisant des volutes irréelles qui s’enroulaient autour de ses pieds comme les effets spéciaux d’un film d’horreur. Des bruits étranges se faisaient entendre, partout autour d’eux, des grognements et des raclements ; il y eut même un cri strident. L’air semblait plus épais. Il était lourd et frais, mais pas trop froid. La terre sous ses pieds était noire, c’était un sol riche, ce qui expliquait que la végétation y soit si luxuriante. Çà et là, une mousse dense recouvrait de gros blocs de pierre, tandis que d’autres formations rocheuses étaient marron, lisses et glissantes d’humidité. Des oiseaux ressemblant à des vautours, hauts de soixante centimètres, étaient posés sur d’épaisses branches aux formes dégingandées, et la regardaient de leurs yeux noirs perçants. Leurs plumes d’un noir d’encre étaient immobiles, et leurs serres jaunes s’agrippaient aux branches et s’enfonçaient dans l’écorce. Les becs acérés la suivaient, tandis que leurs têtes se tournaient sur son passage. La chair de poule se répandit sur tout son corps à moitié vêtu. Les oiseaux sinistres étaient silencieux ; les bords de leurs becs se recourbaient en un sourire lugubre. De temps en temps, une bourrasque de vent soulevait ses cheveux, produisant un gémissement étrange, comme si elle était vivante. La brise provenait de toutes les directions à 32 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire la fois, apportant avec elle des parfums inconnus, certains agréables, d’autres un peu moins. De la vigne vierge était suspendue aux branches, et Bay était persuadée de la voir bouger, glisser comme un serpent sans fin ni commencement. Quelques arbres arboraient des feuilles en forme d’accordéons. Un instant, elles s’écrasaient les unes sur les autres quelques secondes plus tard, elles se dépliaient vivement, exposant de petites taches nettes et angoissantes. Les mares étaient recouvertes d’une sorte d’écume verte ; l’écume se soulevait au-dessus des eaux sur le passage de Bay et de Blu. Telle une couverture, ou un tapis, la substance ondulante formait des vaguelettes, comme si les ondes minuscules faisaient l’amour à la matière stagnante. Une petite créature s’approcha du bord de l’eau et fut aussitôt enveloppée par l’écume de l’étang pour être aspirée au fond. Bay frissonna lorsque, quelques secondes plus tard, des os furent recrachés au bord de la mare ; ils restèrent sur le sol, blancs et brillants comme un horrible jeu de mikado. Blu ne semblait pas perturbé outre mesure ; Bay, en revanche, était au bord de la crise de nerfs. Lorsqu’elle avait aperçu des bribes du ciel insaisissable, Bay avait distingué de belles couleurs entre les nuages. Des bandes vertes scintillantes, colorées de teintes orangées et bleues, de nuances rouges et violettes. Les cieux étaient semblables à un arc-en-ciel pris de folie, à une aurore boréale aux couleurs pastel. Trois formes rondes lumineuses et embrumées flottaient dans l’air. L’une était entourée par un cercle noir, et elle se demanda s’il s’agissait de lunes ou de soleils. Des rubans d’un noir d’encre s’étendaient sur le chaos du ciel, comme des flaques de goudron se déplaçant au firmament. On aurait dit que les ténèbres grignotaient les couleurs pour les recracher un peu plus loin. Alors qu’ils marchaient, les yeux rouges de Blu se mirent à briller plus intensément qu’à l’accoutumée. Il avait l’air soucieux. Une senteur désagréable saisit soudain Bay aux narines, une affreuse odeur semblable à celle d’un pois33 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire son mort pourrissant au soleil. Blu s’arrêta aussitôt, la hissa sous son bras et se mit à grogner dans la brume. Les muscles de Blu s’élargirent ; ses dents, encore normales quelques instants plus tôt, semblaient faire deux fois leur taille habituelle et remplissaient désormais l’espace qui les séparait les unes des autres. Elles étaient semblables à de petits poignards tranchants. Les ongles fins et noirs de ses mains s’étirèrent eux aussi jusqu’à atteindre huit centimètres de longueur, se terminant en pointes acérées. Bay aurait juré qu’il était également devenu plus grand. Les plis formés par sa peau épaisse s’étaient tendus, et il mesurait désormais bien plus de deux mètres dix de hauteur. Il était terrifiant, et Bay aurait hurlé si elle n’avait pas eu la certitude qu’il ne lui voulait aucun mal. Blu semblait vouloir la protéger de quoi, Bay n’en avait pas la moindre idée. Blu paraissait concentré à l’extrême, et les volutes de fumée prirent une teinte flamboyante, tandis que son regard s’intensifiait pour percer la jungle touffue. Bay entendit un cri strident, aperçut une minuscule flamme et entendit un grondement de colère. Soudain, le feu jaillit. Bay leva les yeux sur Blu ; ses yeux rouges n’étaient pas seulement incandescents comme des flammes, mais ils semblaient réellement en feu. La chose tapie dans les bois recula ; Bay perçut le bruissement de la végétation mais ne parvint pas à distinguer quoi que ce soit. De toute évidence, la chose ne souhaitait pas pousser la confrontation plus avant ou avait estimé que Bay ne valait pas le risque que présentait une bataille. Une fois le danger écarté, Blu prit une profonde inspiration et ses traits revinrent à la normale. Bay poussa un soupir de soulagement, mais Blu décida de la garder dans ses bras, pressée contre son torse. Il arborait toujours un air féroce. Ses grosses mains caressaient sa peau pour la calmer. Il fredonna pour l’apaiser. 34 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Bay fut soudain tirée de ses pensées par un enfant qui faisait à peu près sa taille. Le petit garçon un Zargonnii, d’après ce qu’elle avait compris était charmant et timide. Il la dévisageait avec un regard qu’elle avait du mal à interpréter. Bay regarda autour d’elle avec curiosité mais n’aperçut pas sa mère ; sans doute se trouvait-elle dans une autre pièce. Bay n’avait encore jamais vu de femelle de leur espèce, elles étaient peut-être particulièrement farouches. La structure dans laquelle Bay se trouvait à présent était assez curieuse. Le même feuillage lugubre entourait l’extérieur du bâtiment. À l’intérieur, c’était plus lumineux, plus chaleureux. Il y avait des meubles très volumineux et rembourrés, une moquette blanche pelucheuse courait sur le sol et une fenêtre donnait sur une arrière-cour où s’élevaient de solides barrières, très hautes et peintes en noir. La même moquette blanche recouvrait les murs et le plafond, comme un gigantesque pelage. Différents objets étaient placés à des endroits stratégiques tout autour de la pièce ; certains ne semblaient pas à la bonne place, et Bay se demanda si ce mâle zargonnii était un collectionneur. Elle n’avait pas encore compris quel métier exerçait Blu. Elle se doutait que c’était une sorte de guerrier, mais tout le temps qu’elle avait passé à bord du vaisseau spatial, il n’y avait eu aucune bataille. Si Blu était un soldat, il ne lui avait jamais montré cet aspect de son caractère ; il était très doux lorsqu’il la touchait. C’était agaçant, mais Blu et Finn avaient continué à lui faire sa toilette comme si elle était un animal de compagnie. Quand Bay essayait de leur prendre le savon ou de repousser leurs mains, ils insistaient, et comme ils ne lui faisaient aucun mal, elle avait fini par abandonner. Les deux colosses s’égosillaient toujours ils semblaient se disputer à son sujet. Blu agita les mains d’un air exaspéré, et il se dirigea vers la porte en l’appelant par son nom pour qu’elle le suive. Bay se leva aussitôt. Elle ne voulait pas avoir affaire au mâle zargonnii à la mine furieuse. Il 35 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire était légèrement plus petit que Blu, mais il n’en était pas moins imposant et effrayant. Le petit garçon poussa alors un cri et les deux mâles se tournèrent vers lui. Il s’approcha de son père tout en montrant Bay du doigt. Il semblait intervenir en sa faveur. Blu s’en réjouit aussitôt, mais l’autre mâle Zane, comme l’avait appelé Blu ne semblait guère ravi. Zane regarda Bay, puis revint sur le visage plein d’espoir que lui tendait son fils ; finalement, il hocha la tête, et dans un grondement, il leva les yeux au plafond. Le garçon poussa un cri de joie. Brusquement, Blu partit. La porte se referma derrière lui en claquant avant que Bay n’ait eu le temps de réagir. La jeune femme hurla en se ruant sur la porte. Blu prenait soin d’elle, pourquoi la laissait-il ici ? Où allait-il ? Jusqu’à présent, elle était convaincue qu’il la ramènerait à Finn. « Blu ? cria-t-elle d’une voix désespérée, qui devait encore guérir pour retrouver toute sa puissance. Blu, attends. » Elle cognait contre la porte. Bay frappa des poings contre la solide surface en bois jusqu’à en avoir mal ; la double porte mesurait plus de quatre mètres de haut et faisait trente centimètres d’épaisseur. Elle s’époumona pour que Blu revienne jusqu’à se retrouver aphone. Blu s’occupait d’elle ; il la nourrissait et la gardait au chaud. Et si ce nouvel être était comme le Tonien ? Et s’il lui faisait du mal ? Pourquoi Blu l’avait-il abandonnée ? Qu’avait-elle fait ? Bay sanglotait, aux abois ; elle se laissa lentement glisser à terre sans cesser d’appeler Blu et Finn. Que venait-il de se produire ? Tout son monde s’effondrait. Les nouvelles créatures la regardaient ; elles ne lui étaient pas familières, et elle ne les connaissait pas. Elle se sentait si seule ; une fois de plus, elle se retrouvait abandonnée, trahie et laissée à quelqu’un d’autre comme un animal de compagnie dont on ne voulait plus. Bay pleurait toujours lorsqu’elle sentit une petite main sur son épaule. Le garçon zargonnii lui tendait un bonhomme en peluche bizarre qui avait connu des jours meil36 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire leurs. Sa main lui caressa maladroitement les cheveux, et l’espace d’une seconde, Bay ressentit l’envie irrépressible de le repousser. Elle réalisa qu’il essayait juste de lui remonter le moral en lui donnant un jouet de toute évidence, il avait appartenu à son précédent animal. Bay aurait pu hurler de tristesse. Condamnée à passer sa vie comme simple divertissement pour enfant. La seule chose qu’elle pouvait faire était d’attendre que sa gorge guérisse suffisamment pour se faire entendre, et apprendre autant de nouveaux mots qu’elle le pouvait pendant ce temps-là. Le garçon continua de lui agiter la créature en peluche sous le nez jusqu’à ce que son père intervienne. Le garçon gémit, s’éloigna dans un coin de la salle et jeta le jouet sur le paillasson noir. Après un regard dépité en direction de Bay, il entra dans une autre pièce. Bay resta collée à la porte lorsque le père s’approcha d’elle. Il était évident que la situation ne l’enchantait pas, mais quand il s’accroupit près d’elle, sa voix était calme. Zane ressemblait à Blu, mais il y avait suffisamment de différences entre les traits de leurs visages pour qu’elle soit capable de les distinguer. Les pommettes de Zane étaient plus hautes et plus proéminentes ; son nez était un peu plus petit. Il avait des lèvres charnues et légèrement bleutées, et Bay pouvait voir la blancheur étincelante de ses dents, séparées elles aussi par ces curieux espaces. Un unique sourcil blanc s’étendait des deux côtés de son visage et descendait le long de son cou plutôt glabre jusqu’à rejoindre la fourrure de ses épaules et de son dos. Depuis que Bay s’était habituée à ces créatures, elles ne lui paraissaient plus aussi effrayantes qu’au début. Le roucoulement de sa voix était sincère. Il l’observait. Puis il tendit ses grosses mains, prit son visage entre ses paumes et son pouce lui caressa la joue ; il essuyait ses larmes. D’expérience, Bay savait que les larmes n’étaient pas étrangères aux Zargonnii. Peut-être même comprenaientils qu’elles exprimaient la tristesse. Zane passa ses doigts 37 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire dans la longue chevelure de Bay. Elle savait que ses boucles souples lui étaient étranges. Les cheveux de la créature descendaient jusqu’au bas de son dos, mais étaient épais et drus comme la fourrure de son corps. Lorsqu’une légère brise passa dans les cheveux du Zargonnii, ils ondulèrent avec grâce comme s’ils prenaient vie, lui donnant une allure irréelle. C’était intimidant, sans doute une tactique guerrière pour donner la frousse aux adversaires. Il n’y avait pas d’air dans la maison où on l’avait emmenée, et la crinière de Zane était plus épaisse que celle de Blu. Elle s’étalait, lisse, sur son large dos. Une fois, alors que Finn la lavait, Bay avait tendu la main et effleuré l’ovale nu de son ventre ; Finn avait été un peu surpris, mais il ne l’avait pas arrêtée. La peau de ces créatures était incroyablement dure et finement plissée. Là où un homme humain aurait eu des tablettes de chocolat, ces mâles semblaient avoir un véritable quadrillage. Bay comprenait à présent pourquoi, après avoir vu Blu grandir et sa peau s’étirer pour le lui permettre. Rien qu’au toucher, Bay se disait que la chair d’un guerrier zargonnii mâle était impénétrable. Zane examinait ses dents, et Bay savait qu’elle ferait mieux de ne pas mordre elle ne voulait pas recevoir une autre tape sur le nez. De nombreux soldats à bord du vaisseau étaient passés pour la regarder avec curiosité, mais Finn et Blu ne leur avaient pas permis de la toucher. Quand Zane lui effleura un sein à travers le vêtement qu’elle portait, Bay poussa un cri de protestation et recula vivement. Zane leva des mains au ciel ; même les animaux de compagnie avaient leurs zones à ne pas franchir. Il palpa ses habits, le sourcil froncé, et fit courir sa main le long de sa jambe nue ; il examina les ongles nets de ses orteils. Son pied paraissait minuscule dans sa grosse main. Bay comprit soudain ce que devait ressentir un cheval vendu aux enchères. Enfin satisfait, Zane la souleva et la reposa sur le paillasson noir. Après un bref regard circulaire sur la pièce, il ramassa une petite couverture et l’enroula autour d’elle. Il 38 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire lui fit signe de ne pas bouger et, tout en secouant la tête, il la laissa seule. Bay serra chaudement la couverture autour d’elle. La pièce dans laquelle elle se trouvait était vaste, les hauts plafonds s’élevaient à près de six mètres ; c’était calme… isolé. Bien que ces créatures maîtrisent le voyage dans l’espace, et soient donc intelligentes, elle s’étonna de l’aspect primitif de leur « tanière ». La maison ressemblait à un terrier ; de l’extérieur, elle paraissait plus petite qu’elle ne l’était en réalité. En entrant, Blu et elle avaient pénétré dans une pièce sombre ; les yeux du Zargonnii s’étaient aussitôt illuminés. Après avoir traversé la pièce obscure, ils avaient franchi la porte d’entrée visiblement, Zane les attendait. Il avait souri à Blu avant de froncer le sourcil en direction de Bay. À la façon dont le corps de Blu s’était crispé en entrant chez Zane, Bay avait compris qu’il y avait un problème avant même qu’il ne la pose sur le paillasson noir. À présent, en regardant autour d’elle, Bay ne pouvait s’empêcher de remarquer le silence qui régnait. À bord du vaisseau, il y avait toujours beaucoup de bruit : les mâles riaient, les moteurs vrombissaient, Blu roucoulait. Finn l’avait gardée près de lui, de même que Blu. Elle avait toujours l’un ou l’autre sous les yeux. Elle détestait se retrouver ainsi seule. Bay se leva et se dirigea vers l’endroit où le garçon zargonnii avait disparu. Il semblait gentil ; ce n’était pas de sa faute si elle était dans un tel état. Elle le trouva assis sur un lit, les yeux rivés sur une feuille de papier et le sourcil froncé des devoirs, très probablement. Bay attendit, nerveuse, au pied de son lit. Il la remarqua tout de suite, lui sourit et l’invita près de lui. L’enfant était une version miniature de son père mais il était franchement mignon, pas effrayant pour deux sous. Bay grimpa sur le lit à côté de lui, jeta un œil à son travail et se renfrogna. Les motifs étranges étaient tous identiques et le garçon devait les recopier. C’était vraiment très simple, une fois que l’on reconnaissait les formes ; le garçon ne semblait pas 39 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire manquer d’intelligence. Elle l’observa attentivement ; il était plus jeune qu’elle ne l’avait cru au premier abord. Il était si grand qu’elle l’avait pris pour un pré-adolescent zargonnii, mais en voyant sa mine sérieuse et les jouets éparpillés dans la chambre, Bay se dit qu’il devait approcher les six ans. Elle lui prit alors son gros crayon des mains et remplit un espace, complétant ainsi un motif. L’enfant la regarda avec étonnement, et Bay appuya deux doigts sur ses lèvres pour lui demander de rester calme. Elle devait savoir parler avant que l’on découvre qu’elle était douée de raison. Elle devait également découvrir quel type de mâle Zane pouvait bien être. Serait-il gentil avec elle ? Dans le cas contraire, elle devrait s’enfuir, et s’il savait qu’elle était intelligente, il la surveillerait. Bay sourit au garçon. « Bay, chuchota-t-elle en désignant sa poitrine. — Draven », répondit-il, la mine réjouie. Une fois de plus, Bay posa ses doigts sur ses lèvres. L’enfant hocha la tête avec un air de conspirateur. **** Zane jeta un coup d’œil vers le recoin vide où leur nouvel animal de compagnie était censé rester assis. Zut. Il était parti. Il espérait qu’il ne s’était pas glissé dans un coin sombre pour faire ses besoins. Il aurait dû l’éteindre, mais il avait eu beau chercher, il n’avait trouvé aucun interrupteur lorsqu’il avait examiné son petit corps. Zane se précipita vers la chambre de Draven ; Blu avait dit que la créature était inoffensive, mais elle n’avait encore jamais été exposée à des enfants. Elle avait peut-être l’air gentille, mais Zane savait qu’un animal pouvait changer du tout au tout s’il se sentait menacé. La petite femelle n’avait pas aimé qu’il lui touche la poitrine il faudrait qu’il le dise à Draven ; il allait devoir se montrer respectueux. Lorsqu’il entra dans la chambre de son fils, Zane fut surpris de le trouver plongé dans les devoirs qu’il détestait habituellement faire, le petit animal assis tranquillement à 40 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire côté de lui, comme s’il était particulièrement intéressé par ce qu’il faisait ses yeux semblaient parcourir les pages que Draven tournait étrange. Un bébé toff aurait déjà englouti la moitié des feuilles, fournissant ainsi une bonne excuse à donner à l’instituteur « Mais mon chien a mangé mon devoir. » « Draven, cet animal ne devrait pas être sur ton lit, le gronda Zane. — Bay ne touche à rien, et oncle Blu a dit qu’il l’avait nettoyée. En plus, elle… » Draven s’arrêta au milieu de sa phrase. « Elle quoi ? — Elle, euh, elle ne me dérange pas ; elle est très calme. Ça m’aide beaucoup de l’avoir à côté de moi ; j’arrive à me concentrer. — Vraiment ? » Quelque chose de bizarre était en train de se produire, mais Zane n’aurait pas su dire quoi. « Et bien, va te laver les mains ; c’est l’heure de manger et je sais que tu as tripoté cette bête. Tes mains doivent être pleines de germes. » Draven grommela et glissa au bas du lit. « Viens, Bay. » Lorsque Draven passa devant lui, la petite femelle le suivait. Zane la souleva de terre. « Oh non, hors de question. Dès que tu te seras lavé les mains, tu recommenceras à toucher cet animal. Elle peut bien rester sur son paillasson jusqu’à ce que tu aies fini de manger. » Draven ne semblait guère ravi, mais il obtempéra consciencieusement aux ordres. Zane ramena l’animal dans la salle de séjour et reposa la femelle sur son paillasson. « Assis », ordonna-t-il sévèrement. Il était agacé qu’elle lui ait désobéi la dernière fois et leva la main pour la frapper sur le nez. Apeurée, la femelle émit un cri perçant et se recroquevilla dans un coin. Elle recula si rapidement qu’elle se cogna contre le mur et poussa une plainte déchirante. Draven accourut aussitôt. « Qu’est-ce que tu as fait à mon animal ? demanda-t-il. 41 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire — Je lui apprenais à obéir. » Levant les yeux de la femelle toute tremblante pour les poser sur son fils furibond, Zane se sentit un peu mal à l’aise. Les grands yeux marron de la femelle semblaient si tristes que Zane en éprouva quelques remords. Bizarre après tout, ce n’était qu’un animal. « Tu aimerais qu’on te dépose dans un endroit inconnu et qu’on te laisse tout seul ? s’énerva Draven. Ça fait peur. » Zane prit une profonde inspiration. Draven n’était plus un bébé, mais il se souvenait toujours qu’il avait été abandonné par sa mère dans la jungle, de l’autre côté de la clôture, non loin de leur maison. Zane se rappelait avoir vécu la même expérience quand il n’avait pas plus d’un mois. À l’âge de Draven, il se souvenait aussi de la langue de sa mère il l’oublierait bientôt, lorsqu’il serait adolescent. Quand Zane avait trouvé son bébé en pleurs, il s’était senti envahi par la tendresse. Il n’avait pu distinguer que l’ombre de la mère de Draven qui disparaissait en direction de son propre domaine. Zane s’était souvent demandé si les femelles souffraient d’abandonner leurs fils. C’était mieux ainsi. Les femelles de leur espèce étaient imprévisibles en présence des mâles. Un jeune mâle ne ferait pas long feu, même s’il avait la protection de sa mère, dans le domaine des femmes ; trop de mères de petites femelles ne toléreraient pas qu’un mâle vive si près de leurs filles. Draven était sur le paillasson. Il caressait les cheveux de la femelle et lui parlait comme si elle comprenait ses paroles. Les toffs étaient intelligents, mais ils ne saisissaient pourtant qu’un mot par-ci par-là. Zane s’accroupit à côté de son fils. « C’est bien, petite créature, fit-il d’une voix douce, en tendant la main pour câliner la femelle. Gentille bête. — Bay, le reprit sèchement son fils. — Ça va, Bay. Ça va, pas de châtiment corporel. J’imagine qu’elle est trop petite pour être frappée. — Tu devrais donner une petite friandise à Bay. » 42 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Retrouvant sa contenance, Zane lança un regard froid à son fils. « Vraiment, fit-il d’une voix traînante. Et pourquoi donc ? — Bay doit comprendre que tu ne lui feras pas de mal ; elle doit te faire confiance. » Zane soupira. Visiblement, c’était très important pour Draven. Il se leva et se dirigea vers la cuisine. En revenant, il tendit la gâterie à la petite femelle, persuadé qu’elle lui ferait plaisir. À la surprise de Zane, Bay se mit à hurler en apercevant l’insecte vida ; elle bondit sur ses pieds, passa en trombe près de lui et se rua vers la chambre de Draven, où ils la retrouvèrent cachée sous le lit. Draven et Zane jetèrent un coup d’œil furtif à sa silhouette toute tremblante. Elle avait l’air paniquée. « Père, je ne crois pas que Bay aime les insectes vidas. — Tu en es sûr ? » répondit-il sur un ton sarcastique. 43 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Chapitre 5 Comme les jours passaient, Bay trouvait de plus en plus difficile de garder secret le fait qu’elle était un être intelligent. Zane commençait à avoir des soupçons. Bay ne savait toujours pas à quoi s’en tenir avec lui et elle préférait le laisser encore un peu dans le doute. Pas trop longtemps tout de même. La situation était de plus en plus délicate ; il y avait quelque chose chez Zane qu’elle n’avait jamais remarqué chez Blu. Certes, Finn et Blu l’avaient gardée à tour de rôle, selon leurs différents agendas, mais Zane était très souvent avec elle. Il semblait parfois si distrait et plongé dans ses pensées que Bay se demanda s’il se comportait toujours ainsi. Un jour, Draven lui en fit la remarque de but en blanc : « Père, pourquoi es-tu si bizarre en ce moment ? » Ce à quoi son père répondit en marmonnant dans sa barbe : « Je me le demande. » La gorge de Bay avait guéri au point qu’elle pouvait à présent se faire entendre, et Draven lui apprenait à parler deux langues. La première était celle de son père, la seconde devait sans doute être un langage enfantin secret. La langue secrète était gutturale et bestiale, mais assez amusante. Draven appréciait beaucoup qu’elle lui parle dans cette langue un peu barbare il se pelotonnait à côté d’elle et posait sa petite tête contre elle. Pendant la journée, Bay était envoyée dans le jardin. Dans leur maison, ce qui passait pour du verre n’en était pas en réalité ; elle pouvait passer au travers et rentrer se mettre à l’abri s’il pleuvait c’était comme une immense chatière. 44 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire L’arrière-cour était dépourvue de toute cette végétation dense que l’on trouvait dans la jungle. On se serait cru dans n’importe quel jardin de la Terre. Le soleil, ou plutôt les soleils y brillaient un peu plus fort, et aucune ombre ne venait obscurcir l’espace entretenu et bien délimité. Elle avait des jouets, avec lesquels elle pouvait s’amuser quand Draven rentrait à la maison ; de grosses et lourdes balles qu’il lui lançait ; un jeu de bascule sur lequel on se tenait debout et non assis ; et une course d’obstacles conçue pour les enfants. En attendant que Draven rentre à la maison, elle se contentait de manger et de dormir. Elle essayait de ne pas traîner dans les pattes de Zane ; il se comportait de manière encore plus étrange quand Draven n’était pas avec eux. Elle préférait rester dehors, tandis que Zane passait de nombreuses heures à l’intérieur, à travailler, très probablement. Bay n’avait pas le droit d’aller dans sa chambre, et elle restait à l’écart. Se laver n’était pas chose aisée ; car il était hors de question qu’elle laisse Draven lui faire prendre son bain. Heureusement, Zane n’était pas intéressé. Une fois, alors que Zane était allé conduire Draven à l’école, elle était entrée dans leur douche pour en ressortir quelques secondes plus tard en hurlant. C’était comme se faire mitrailler par un jet surpuissant, et l’eau était glacée. La douche avait laissé une vilaine marque rouge, et un filet de sang apparaissait sur son épaule. Zane l’avait examinée et avait questionné Draven à ce sujet, mais bien sûr le garçon ignorait tout il était à l’école, et Bay savait que Zane le savait. Il avait posé des linges froids sur sa peau pour l’apaiser. Il semblait sincèrement inquiet. Bay avait réussi à exprimer son embarras auprès de Draven, qui avait expliqué à son père qu’il fallait qu’elle ait son propre espace pour se laver. À la demande pressante de Bay, Draven avait discrètement suggéré à son père que Bay était peut-être tombée par accident dans leur douche et avait pu pousser les robinets, toujours « par accident », ce qui au45 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire rait endommagé sa peau si délicate. C’était subtil, mais au ton qu’employait Draven, on aurait dit que son père était fautif de ne pas l’avoir surveillée. Zane sortit un vieux tiroir, et il se figura que Draven le remplissait chaque jour pour la laver, alors que c’était Bay elle-même qui le remplissait une fois seule. Leur savon noir était inhabituel mais la nettoyait correctement. Malheureusement, les Zargonnii n’avaient que trois températures d’eau possibles : glacial, froid et tiède. Bay rêvait d’un bon bain chaud. L’un des moments les plus gênants qu’elle connut avec Zane fut lorsqu’il la surprit en train de se servir des toilettes. Elle avait cru qu’il s’était enfermé dans sa chambre. Il était hors de question pour elle de s’accroupir au-dessus de la boîte remplie de litière que Zane avait posée pour qu’elle fasse ses besoins, près de son paillasson noir. Quelle honte ! Les yeux de Zane s’étaient écarquillés de surprise quand Bay avait bondi de l’énorme cuve ronde dont ils se servaient, qui s’auto-nettoya aussitôt. Bay avait tiré le bas de son vêtement et, rouge pivoine, elle avait essayé de passer à côté de lui en courant. Zane l’avait ramenée à son paillasson et, après l’avoir fait asseoir, il s’accroupit à son niveau. Lorsqu’il parla, elle comprit qu’il lui posait des questions. C’était la première fois qu’un Zargonnii lui posait des questions directes, s’attendant à des réponses. Bay comprit quelques-uns des mots de Zane, mais le regard furieux qu’il dardait sur elle était tout sauf chaleureux, et Bay resta assise comme un petit toutou. Elle donna à ses grands yeux marron l’air le plus grave qu’elle put ; elle se fit toute petite, comme si on la grondait. Une fois qu’il eut fini de poser toutes ses questions, il regarda soudain autour de lui d’un air tout penaud il était, après tout, en train d’interroger un animal de compagnie. Bay fit de son mieux pour ne pas sourire en le voyant s’éloigner à grandes enjambées, l’air écœuré. 46 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Mauvaise petite femelle tu as fait tes besoins dans les toilettes ? Bay gloussa. Un autre incident était survenu, moins gênant celui-ci. Zane l’avait surprise en train d’aider Draven à faire ses devoirs. Un crayon à la main, Bay faillit paniquer lorsque Zane entra et avait ouvert la bouche de stupeur, les yeux écarquillés jusqu’à ce qu’elle mette le crayon entre ses dents et se mette à le mâchouiller. Zane le lui arracha, le secoua et sortit de la pièce en coup de vent, dégoûté, en déclarant que le crayon était recouvert de la bave de la femelle terrienne. Draven et Bay durent enfouir leurs visages dans les coussins tant ils riaient. Bay sourit, perdue dans ses pensées, tout en arpentant l’arrière-cour. Elle adorait Draven. La Terre n’était qu’un tas de décombres dus aux catastrophes naturelles qui s’étaient abattues sur elle ; Onvra était un territoire en guerre. Elle était plus en sécurité dans ce nouveau foyer que n’importe où ailleurs. Elle se sentait prête à dire à Zane qui elle était, ce qu’elle était. Il n’était pas cruel, et elle était persuadée qu’il la laisserait rester ici. Elle commençait à apprécier son apparence. Certes, il était différent, mais il était intelligent ; il n’était pas laid, juste vraiment très grand et peut-être un peu effrayant. La nuit, il enroulait sa couverture autour d’elle, s’assurait qu’elle avait de l’eau ; et à quelques occasions, elle s’était réveillée et l’avait surpris en train de la regarder. Elle n’avait pas eu peur, Zane n’avait jamais cherché à lui faire du mal ; il prenait soin d’elle mieux que Blu. Un rire cristallin résonna dans les airs et Draven se précipita dans les bras de Bay. C’était un grand garçon, et il faillit la faire basculer à la renverse, mais elle riait de le voir si enthousiaste. À vingt-six ans, Bay était prête à former une famille ; mais quand elle vivait encore sur Terre, cette idée n’avait aucun avenir, et tous les hommes humains avaient été tués en arrivant sur Onvra. Si la seule personne dont elle pouvait être aux petits soins était Draven, alors elle était ravie. Il serait bon que Zane sache qu’elle était douée 47 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire d’intelligence. Elle savait que parfois Zane avait été obligé de partir et qu’il n’avait pas eu d’autre choix que de traîner Draven avec lui. Dans ces cas-là, Bay ferait une baby-sitter tout à fait fiable. Draven était gentil et prévenant ; il était excessivement attentionné. Il devait bien tenir ses bonnes manières de quelqu’un. Il n’y avait aucune mère dans leur schéma familial, et à la façon dont Zane lui témoignait son affection, Bay était sûre qu’il pouvait aussi être très doux peut-être même envers elle, bien qu’elle ne soit pas un animal de compagnie. La plupart du temps, Zane gardait ses distances, mais Bay le surprit à l’observer à plusieurs reprises. Parfois, Zane sortait de sa chambre, l’air stressé, et se contentait de s’asseoir et de caresser ses longs cheveux en roucoulant paisiblement. C’était souvent d’une douceur mélancolique il cherchait le réconfort d’un animal, et elle aimait ce simple contact. Au bout de quelque temps, Bay sentit qu’elle commençait à l’apprécier. Zane était le seul qui s’assurait qu’elle ait suffisamment à boire et à manger. Après l’incident traumatisant des odieux insectes, il s’était débarrassé d’eux. De temps à autre, Zane lui montrait même un peu d’affection il semblait aimer la douceur de sa peau sous ses mains rugueuses, et ses cheveux fascinaient à la fois le père et le fils. « Je pense qu’il est temps de dire à ton père que je ne suis pas un animal de compagnie », dit Bay. Elle peinait avec certains des mots, qu’elle devait prononcer en les faisant rouler ; d’autres ressemblaient plus à des grognements, des borborygmes et des cliquetis. Draven sembla un peu déçu. « Mais j’adore nos petits jeux. Père a l’air si bête. » — Je sais, mais ce n’est pas juste que je te fasse garder mon secret, maintenant que je peux lui parler et lui faire comprendre. 48 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire — D’accord, accepta Draven. Ce ne doit pas être très drôle de manger par terre ou dans la main de père, et de dormir sur un paillasson. — Le paillasson, ce n’est pas grave, mais j’aimerais qu’on me permette de me servir de vos meubles. » Cela ne dérangeait pas Bay que Zane lui donne des choses différentes. Parfois, la nourriture semblait même un peu intrigante d’accord, carrément effrayante. Zane ne la forçait jamais. Si elle reculait devant ce qu’il lui tendait, il ne lui en servait jamais plus. « Je m’en doute. » Un grondement retentissant attira leur attention. Bay regarda Draven d’un air interrogateur. Elle n’était pas vraiment inquiète ; la barrière était très haute et extrêmement épaisse. Mais Draven était devenu livide. Le rouge de ses yeux brillait ; il semblait terrifié, et Bay commença à paniquer. « Draven ? — Un bangore, chuchota-t-il. — Un quoi ? lui répondit Bay à voix basse. — Un bangore, il a dû passer par la barrière extérieure. Il est tôt pour qu’ils soient déjà dehors ; les vacances doivent approcher. Ce sont des créatures cruelles qui mangent les enfants. » Les vacances ? Draven trébucha en reculant. Bay poussa un hurlement lorsqu’un monstre hideux se hissa au-dessus de la clôture. La créature faisait la même taille qu’elle, mais elle était couverte d’une longue fourrure rouge. De petits yeux globuleux et noirs se fixèrent sur Draven. La bête siffla, dévoilant trois dents noires semblables à des crocs, en haut et en bas. De la salive gluante et pleine de bulles dégoulinait de son groin noir porcin, imprégnant la fourrure en dessous. Quatre écailles noires épaisses jaillirent du dos de la créature lorsqu’elle s’avança. Draven appela son père en hurlant. Le bangore se rua sur Draven avec une ardeur redoublée. Draven prit du volume, mais il n’était toujours pas de 49 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire taille à affronter la créature au large torse, qui tournait autour du garçon en ignorant Bay. Les trois griffes noires acérées de ses serres brillèrent lorsque la bête les abattit dans sa direction. Bay réagit. Un gros bâton dont Draven se servait pour dessiner dans la terre lui tomba sous la main et elle frappa le bangore en plein visage, grimaçant lorsque son nez produisit un bruit de ventouse. Il tonna de rage et se rua sur elle. Bay enfonça le bâton dans la gorge du bangore. Les serres de la créature se refermèrent sur son arme, laissant des marques profondes de plusieurs centimètres dans le bois pourtant solide. Elle lui asséna un autre coup violent entre les jambes, ce qui le mit à genoux en lui coupant le souffle. Bay entendit un hurlement d’un autre monde derrière elle. Zane était là. Il mesurait d’habitude deux mètres de hauteur, mais il venait de gagner vingt centimètres ; ses yeux rouges étincelaient si intensément que la fourrure du bangore se mit à crépiter et à prendre feu. D’un revers de la main, il envoya le bangore s’écraser contre le mur. Zane était fou de rage et Bay savait que la créature avait signé son arrêt de mort. Bay ne savait pas comment elle avait réussi à soulever Draven, mais il était dans ses bras, et elle s’élança vers le rideau de verre qui les envelopperait. Rien d’autre ne pouvait y pénétrer. Quand Bay était arrivée chez eux, Zane avait scanné son corps à l’aide d’un petit appareil et on l’avait autorisée à entrer et sortir à sa guise. Tous deux s’effondrèrent dans le large canapé rembourré, enlacés. Ils observèrent la bataille. Zane tenait le bangore dans ses bras, et il frappa la créature aux genoux tout en lui brisant le dos. Bay tressaillit. Les écailles tranchantes comme des lames de rasoir sur le dos de la créature se plièrent en deux lorsqu’elles se heurtèrent à la peau compacte de Zane ; deux d’entre elles se brisèrent sous l’impact. Bay savait sans le moindre doute que si sa peau vulnérable était entrée en contact avec ces écailles, elle aurait été coupée en deux. Zane empoigna l’épaisse fourrure de la créature et la lança par-dessus la clôture. Elle s’envola, dépassant la cime 50 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire des arbres. Bras et jambes écartés, la créature décrivait des cercles rapides. Bay était abasourdie ; elle n’avait jamais vu un lancer de baseball projeter la balle si haut et si violemment. Le temps que Zane rentre dans la maison, son corps avait repris sa taille normale ; la menace était écartée. Il prit Draven dans ses bras et le serra contre lui. Tout en berçant son fils, Zane tremblait ; c’était étrange de la part d’un homme d’un mâle si costaud. Bay avait l’impression qu’il était anéanti. « Il va bien, bredouilla Bay. — Bay m’a sauvé », murmura Draven. Il n’était pas blessé, mais il était toujours blême, alors que sa couleur naturelle était bronzée, à peine moins que son père. Zane sembla un instant troublé et laissa son regard aller de son fils à Bay. « Tu as parlé, finit-il par dire. — Il m’a fallu du temps pour guérir suffisamment et apprendre votre langue, fit Bay. — Les animaux ne parlent pas. — Je ne suis pas un animal. Je suis une femme, avec assez d’intelligence pour apprendre votre langue. Comment peux-tu être si étroit d’esprit pour croire qu’il n’existe aucune autre forme de vie intelligente en dehors d’ici ? — Je sais qu’il y a d’autres formes de vie intelligente ; c’est juste que je n’avais jamais vu de femelle humaine. Je suis un guerrier, un mercenaire ; quand nous livrons bataille, nous ne combattons jamais les femelles de l’ennemi, s’il y en a. Les femelles s’occupent de leurs propres batailles. Habituellement, les créatures avec lesquelles nous entrons en contact sont des deux sexes à la fois. — Sur la Terre, nous les appelons hermaphrodites. C’est rare chez les humains, mais on en trouve souvent chez les plantes et autres espèces végétales. Chez les humains, les parents des enfants choisissent un sexe, et l’enfant grandit en fonction. 51 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire — Les autres espèces choisissent d’avoir les deux sexes, le meilleur des deux mondes, et parfois, elles se sentent supérieures. Tu as l’air si petite et fragile, j’en ai déduit que tu étais un animal ; je n’ai jamais rencontré d’espèce aussi délicate. » Zane bafouillait, il n’en croyait pas ses yeux. « Et tu es une femelle, juste une femelle. » Bay se sentit froissée par ses paroles insensibles. « Vos femelles sont-elles des animaux de compagnie ? demanda-telle. — Non, nos femelles sont plus grandes et plus fortes, c’est pourquoi je t’ai prise pour un animal. Et puis, l’affection dont tu fais preuve envers mon fils est troublante. Les femelles zargonnii ne veulent pas avoir affaire à nos enfants mâles, et les animaux acceptent tout le monde, quel que soit leur apparence ou leur sexe. Tu étais si chaleureuse et gentille. Je n’ai pas l’habitude d’un tel comportement chez une femelle. — C’est facile d’aimer un enfant, quelle que soit son apparence, surtout Draven il est mignon, attentionné et doux. » Zane reposa Draven sur le canapé et commença à faire les cent pas. « Comment mon frère t’a-t-il achetée ? Nous ne sommes pas une race d’esclavagistes ; lui aussi croyait que tu étais un animal de compagnie. — Blu m’a sauvé d’un Tonien qui m’avait capturée sur la planète Onvra. Je viens de la Terre, qui est, j’imagine, à des années-lumière d’ici. Notre planète se meurt ; on nous a dit qu’Onvra était notre planche de salut, mais les Toniens ont capturé les femmes et tué nos hommes. Presque tous nos hommes, sauf les enfants mâles, ont été éradiqués. — On dirait que ça te fait de la peine. À propos de vos mâles, je veux dire. — Les Toniens ont presque massacré une race toute entière, bien sûr que ça me fait de la peine. — Draven, pourquoi ne vas-tu pas te chercher un goûter ? » dit Zane. 52 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Draven regarda Bay, puis son père. « Ce n’est pas un animal, père, mais ce n’est pas une raison pour lui faire du mal. — Je ne lui ferai pas de mal ; elle t’a sauvé la vie. » Draven lança un regard sévère à son père avant de sourire à Bay ; il les laissa seuls. Zane semblait avoir du mal à digérer ce qui se passait. Une fois Draven parti, il s’assit précautionneusement près de Bay. « À quoi ressemblent vos mâles ? finit-il par demander. — Ils sont un peu comme moi, si ce n’est que la plupart de nos hommes sont plus gros ; ils ont la même anatomie que toi, euh, en bas. » Bay désigna sous sa ceinture et se sentit rougir. « Vos mâles sont plus gros que vos femelles ? Zane n’en croyait pas ses oreilles. — Beaucoup, mais pas tous. — Excuse-moi d’avoir dit que ta petite taille était peutêtre une bizarrerie, même pour ta culture. Ce doit être effrayant pour vos femelles, lorsque vous êtes en chaleur et que les mâles vous cherchent ; vous devez être les créatures les plus vulnérables qui soient. — Sur Terre, les femmes ne sont pas en chaleur ; nous saignons une fois par mois, mais généralement nos hommes n’ont pas de rapports sexuels avec nous à cette période nous devenons un peu irritables. — Des rapports sexuels, c’est l’accouplement ? — Oui, mais quelque chose me dit que vos femelles sont différentes des Terriennes. Vous ne vous accouplez que lors d’un cycle ? — Oui. » Zane se remit à arpenter la pièce. « Une fois tous les deux ans, les femelles zargonnii entrent en chaleur. Les mâles zargonnii sont attirés par elle s’ils ont atteint la maturité. Nos accouplements ne sont pas toujours agréables. Nos femelles sont plus grandes et plus fortes, elles sont dominantes. C’est difficile pour un guerrier de se faire domi53 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire ner. La plupart des femelles plus âgées ne sont pas si terribles, mais les plus jeunes peuvent vous tuer. — Alors pourquoi vous accouplez-vous ? » Bay n’en croyait pas ses oreilles. Leurs femelles étaient plus grandes ? Ce devait être des géants. « Un mâle zargonnii peut ressentir le besoin de s’accoupler aussi intensément qu’une femelle ; certains d’entre nous prennent le risque. Plus nous vieillissons, plus cette envie est forte. Et puis, certains mâles veulent un fils. — Qu’est devenue la mère de Draven ? — Elle est toujours quelque part. Je suppose. Je n’ai plus voulu m’accoupler depuis que j’ai trouvé Draven. Je ne peux pas prendre le risque de le laisser orphelin juste pour satisfaire une pulsion. — Depuis que tu l’as trouvé ? — Nos femelles sèvrent nos rejetons mâles à un mois et les laissent dans la jungle près de la demeure de leurs pères. — Comment peuvent-elles faire une chose pareille ? » Bay bondit, sous le choc. « Cette créature qui l’a attaqué était immonde ; comment une mère peut-elle laisser son enfant seul et sans défense ? — Ils ne sont pas tout seuls. La mère surveille son enfant jusqu’à ce qu’elle soit sûre qu’il est sain et sauf. Puis elle rentre dans son domaine, à des centaines de kilomètres de là. Nous ne cohabitons pas. Les femelles ont leurs propres vies, nous avons les nôtres. » Bay se rassit. « Ça ne m’a pas l’air très gai. Les femmes qui abandonnent leurs enfants, qui n’approchent pas les hommes pendant des années et qui, lorsqu’elles le font, se montrent cruelles. » Zane s’assit près d’elle. « Je ne crois pas qu’elles soient cruelles en temps normal. C’est lié à leur cycle, leurs hormones. Finn le saurait on peut dire que c’est une sorte de guérisseur. — Oui, il a été très gentil avec moi. Je crois qu’il voulait que je reste avec lui. 54 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire — Ça briserait le cœur de Draven si tu partais. Il se souvient de sa mère. Une femelle zargonnii est très affectueuse avec son enfant pendant le premier mois. Un peu comme tu l’es avec Draven en permanence. Finn a déjà soigné une femelle zargonnii un jour ; elle s’était blessée lors d’un combat contre une bête cyron. Il a appris beaucoup de choses sur leur comportement et sur le corps féminin. Elle portait un enfant, mais elle est morte. Finn a fait de son mieux pour la sauver, mais il n’y est pas parvenu. C’était vraiment dommage. C’était la première fois qu’il voyait un bébé femelle il n’a pas pu sauver le bébé non plus. « J’ignore pourquoi nos espèces ne coexistent pas plus longtemps que la durée d’un accouplement, tous les deux ans. Je me suis souvent demandé quel effet cela ferait de vivre avec une femelle. Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, je te trouve fascinante et je suis soulagé que tu ne sois pas un animal. Parle-moi de ton peuple. — Comme vous, nous maîtrisons le voyage dans l’espace. Du moins, c’était le cas avant ; s’il reste des gens sur cette planète, ils sont condamnés. — Non, je veux connaître vos rituels d’accouplement. Est-ce que vous cohabitez avec vos mâles ? » Bay se demanda si c’était une bonne idée de parler d’accouplement avec un extraterrestre gigantesque qui semblait s’intéresser à elle ; de plus, son zargonnii s’était amélioré, mais elle restait toujours incertaine des mots et des termes qu’elle employait. Draven et elle n’avaient jamais parlé de sexe, bien évidemment. Elle devrait intégrer certains mots de sa propre langue et espérait qu’il comprendrait. « Nos hommes et nos femmes vivent parfois ensemble ; nous formons des familles et nous nous attachons les uns aux autres, nous nous faisons confiance nous nous aimons avec respect. Quand les hommes et les femmes humains ont des rapports sexuels, ou font l’amour comme nous aimons l’appeler, les hommes sont très doux. » 55 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Les yeux de Zane s’écarquillèrent de surprise. « Doux ? murmura-t-il. — Très doux. — En fin de compte, c’est logique ; votre anatomie est trop petite pour qu’un mâle soit violent avec vous. — Quand vous vous accouplez, dans votre espèce, estce que vous prenez l’apparence que tu as eue quand tu as combattu cette créature bangore ? — D’abord, c’est le cas pour la femelle. Mais une fois que l’accouplement a commencé, le mâle dominé reprend sa taille normale tandis que la femelle reste en mode combat. — Elles m’ont l’air si primitives. Ce ne doit pas être amusant de tomber sur elles dans l’espace, marmonna Bay. — Les femelles zargonnii ne sont pas capables de voler et ont des milliers de siècles de retard sur nous. — Ce doit être difficile, mais ça explique pourquoi vous ne vivez pas ensemble. Je ne pense pas que j’aimerais passer du temps avec un Neandertal. — Rien que te parler et avoir une conversation avec toi, c’est remarquable. » Zane semblait émerveillé. « Si vous habitiez avec les mâles sur la Terre, et que vous n’aviez pas peur d’eux, pourquoi as-tu eu si peur de moi de nous ? — Vous pensiez que j’étais un animal de compagnie. Et vous êtes tous des mâles gigantesques. Je ne savais pas ce que vous alliez faire de moi. » Zane se renfrogna, puis sembla comprendre. « Tu avais peur que l’on cherche à s’accoupler avec toi. C’est pour ça que tu m’as laissé croire que tu étais un animal. — Au début je ne pouvais pas parler. Le Tonien m’avait blessée. » Les yeux de Bay étaient baissés. « Je voulais apprendre à communiquer avec vous avant d’essayer de te parler. J’avais peur que tu me jettes dehors. Je ne connais aucun endroit qui ressemble à votre planète, c’est terrorisant. — Je ne te jetterai pas dehors, mais cette situation est assez délicate. Tu as dit que ta planète est en train de mourir. 56 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Blu peut toujours demander à son commandant de te ramener sur Onvra. — Je ne peux pas y retourner », hurla Bay. Prise de panique, elle bondit sur ses pieds et se laissa tomber devant lui. « Les Castiens et les Toniens sont en guerre. Les Toniens sont cruels, ce sont des êtres méchants. J’avais trop peur de m’approcher des Castiens. Une autre femme et moi, nous sommes restées cachées, sans nous montrer à ces deux espèces. Les Toniens l’ont tuée ; les Toniens tuent toutes les femmes qui ont passé l’âge de porter des enfants. Votre planète est différente, mais je me sens en sécurité avec toi. Tu n’as pas été cruel, tu ne m’as pas battue. S’il te plaît, ne me renvoie pas. J’adore aider Draven dans ses devoirs. Croismoi si tu veux, mais je sais me laver les mains et je sais cuisiner. Je peux me rendre utile. » Zane passa sa main sur son visage. « Bay je dois te dire quelque chose. Avoir une femelle à la maison est très difficile pour moi, un mâle arrivé à maturité. C’est pourquoi Draven a trouvé que je me comportais si bizarrement. Quand je croyais que tu étais un animal de compagnie, je pouvais me contrôler ; mais te parler, savoir que tu es intelligente et que tu n’es pas un animal, ça chamboule mes hormones. Tu n’as pas idée à quel point une petite femelle sans défense est attirante pour un mâle qui est habitué à assouvir ses propres besoins et pulsions. Tu serais incapable de me repousser ; si je te gardais ici, tu pourrais mourir et Draven en serait anéanti. » Bay s’effondra sur le sol. Elle était prévenue. Mais elle ne pouvait pas retourner sur Onvra ; elle risquerait d’être capturée par un autre Tonien. Elle savait à quel point ces guerriers pouvaient être méchants. Elle ne survivrait jamais si elle errait seule dans la jungle zargonnii. C’était la maison de Zane ; ce n’était pas juste pour lui, mais que pouvait-elle bien faire ? Zane était déjà très grand, mais en mode combat, il était immense. Comment pourrait-elle alors avoir des rapports sexuels avec lui ? 57 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Zane la prit sous son bras et la posa à côté de lui. « Je ne sais pas quoi faire, Bay. Je ne peux pas te jeter dehors ; tu mourrais. Si je te donne à un autre, tu seras confrontée au même problème ; tu ne peux plus être un animal de compagnie. Mon cycle s’est déclenché, à force de t’avoir sous les yeux. J’ai peur que mon envie ne disparaisse pas ; dans peu de temps, il nous faudra passer à l’action. — De combien de temps est-ce que je dispose ? — Pas beaucoup. — Suffisamment pour apprendre à mieux te connaître ? — Oui, ou peut-être pas. Ce serait mieux pour toi que tu apprennes à me connaître, mais il faudrait que je reste aussi loin de toi que possible. Alors tu dois faire un choix. Apprendre à me connaître vite. Ou être prête pour moi plus tard. — Je te connais un peu, et je suis blessée à l’idée que tu puisses me forcer. » Zane prit son menton entre ses mains. « Je ne te forcerai pas ; j’en mourrais. » Bay était abasourdie. « Quoi ? Pourquoi ? — Le cycle zargonnii se déclenche quand les femelles se rapprochent. Ça ne veut pas dire qu’un mâle n’a pas besoin de se soulager à d’autres moments. Le dernier cycle fut très difficile à contrôler pour moi ; je ne pense pas être capable de contrôler celui-ci. Tu dis que nos femelles sont primitives ; en ce qui concerne l’accouplement, les mâles zargonnii le sont aussi. Les femelles se rapprochent. Je les sens arriver, mais elles ne seront pas ici à temps pour que je m’accouple avec l’une d’entre elles. Si tu ne veux pas de moi, mon besoin de me soulager me rendra fou, il faudra absolument que je le fasse, et je devrai me procurer une créature appelée cyron. Elle me tuera. Si ça arrive, alors Draven perdra son père ; et tu te retrouveras aux mains d’un autre mâle zargonnii qui ne risquera peut-être pas sa vie pour t’épargner. » 58 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Chapitre 6 Zane regardait Bay tandis qu’elle aidait Draven à faire ses devoirs. Bay était consciente qu’il était là, et Zane le savait. Elle était devenue extrêmement attentive au cours de la semaine, et il essayait de ne pas se montrer devant elle. Il ne l’espionnait plus le soir pendant qu’elle dormait sur le canapé, dans la salle de séjour. Il était aux prises avec deux émotions ; Zane était si heureux qu’elle ne soit pas un animal. Quand il avait senti son cycle se déclencher, juste après l’arrivée de Bay, il en avait été troublé ; et quand il avait des érections sur le passage de Bay, il se sentait mortifié. Il en voulait à son frère de l’avoir amenée ici. Blu n’arriverait à maturité que dans plusieurs années, il était donc insensible à Bay. Mais Zane se posait des questions à propos de Finn. Blu lui avait dit que Finn s’était montré intéressé, presque insistant, pour garder Bay. Le médecin avait-il rencontré le même problème ? Il ne pourrait pas le lui demander avant le retour du vaisseau ; Zane avait appris le matin même que les guerriers étaient partis pour livrer bataille aux créatures que l’on appelait Cyborgs. Les soldats zargonnii étaient des mercenaires à la solde des peuples qui les employaient. Si le prix était bon, et si le marché était juteux, ils se battraient contre n’importe qui à l’exception des Castiens. Ils se tenaient à l’écart de la guerre entre les Toniens et les Castiens. Zane se demandait comment les guerriers castiens avaient réussi à trouver des femelles après quatre cents ans. Leurs propres femelles avaient 59 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire été empoisonnées, c’était une tragédie ; pourtant les Castiens n’étaient pas intéressés par les femelles zargonnii. Les Castiens connaissaient forcément l’existence des humains, si Bay venait d’une planète qu’ils occupaient. Zane n’avait jamais entendu parler de la Terre avant que Bay n’arrive. La jeune femme avait passé son bras autour des épaules de Draven ; il souriait. Elle le chatouilla. Draven éclata de rire et Bay l’embrassa spontanément sur le front. Zane se dit qu’il aurait dû leur en vouloir d’avoir gardé le secret de Bay, mais ce n’était pas le cas. Bay l’ignorait, mais chaque nuit, Zane s’était glissé hors de sa chambre juste pour la regarder dormir. D’abord, il l’avait fait par curiosité il n’avait jamais entendu parler d’un animal femelle, et une femelle aussi minuscule, voilà qui était encore plus intrigant. Sa peau était douce, et il n’avait jamais rien vu de tel que ses cheveux. Contempler ainsi ses traits délicats le remplissait de puissance et d’un sentiment protecteur. En tant que guerrier, Zane pouvait percevoir la force de son adversaire. Bay était absolument dépourvue de toute force physique ; mais émotionnellement, elle était puissamment armée. Ce ne fut qu’au bout de la troisième nuit qu’en glissant un œil sur Bay pendant son sommeil, il s’était senti excité. L’idée était franchement déstabilisante, et Zane était persuadé d’être au bord de la folie. Comment pouvait-il éprouver de tels sentiments pour un animal de compagnie ? Lorsqu’il avait découvert qu’en plus d’être excitante elle était intelligente, il avait eu une révélation ; son corps avait sans doute perçu ce que lui n’avait pas pu déceler consciemment. Zane aurait dû savoir qu’un animal ne pouvait pas déclencher son cycle. Au début, lorsqu’il avait senti une odeur de femelle zargonnii flotter dans l’air, il s’était convaincu que c’était la raison pour laquelle il était si facilement excité. À présent, il savait que c’était Bay et ses sentiments n’en étaient que plus forts. La petite créature vulnérable, assise à moins d’un mètre de lui, agissait comme un aimant. Il avait du mal à réaliser 60 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire qu’il existe une femelle plus chétive que lui, alors qu’il avait toujours été le plus petit des guerriers. Et elle n’était pas seulement plus petite, elle était vraiment minuscule, sans défense et si mignonne. Une femelle mignonne ? Habituellement, on qualifiait les femelles de majestueuses. Il en était tout retourné rien qu’à la regarder, et elle habitait chez lui, elle dépendait de lui de sa protection. Il y avait des bêtes au-delà de ces murs, telles qu’elle n’en avait jamais vu. Les femelles de son espèce se battaient contre ces créatures, et les gardaient tant qu’elles le pouvaient à distance des mâles. Zane se dit que ce devait être la raison pour laquelle leurs femelles restaient primitives c’était leur façon de protéger leurs enfants mâles, la seule façon qu’elles connaissaient. Peut-être était-ce pour cela qu’elles paraissaient toujours aussi furieuses. Bay riait, et elle ébouriffa les cheveux de son fils. Il adorait ces attentions. Draven n’avait pas l’habitude de recevoir autant d’affection de la part d’une femelle. La mère de Draven n’avait pu montrer à son fils tout l’amour dont elle était capable au cours du premier mois de sa vie et il s’accrochait à ce souvenir. Zane se disait que si les hommes cherchaient une femme pendant leur cycle, c’était sans doute pour retrouver cet amour en vain. Au bout d’un moment, les devoirs de Draven furent rangés et, comme toujours depuis son arrivée, Bay s’assit au bord du lit pendant que Zane racontait une histoire. Ce soirlà, Zane choisit un conte effrayant à propos des monstres qui se trouvaient de l’autre côté de la barrière. À en juger par la façon dont Bay le regardait, il savait qu’elle avait compris que cette histoire lui était destinée, pour son bien-être et sa sécurité. Les créatures qui peuplaient le monde de Zane étaient des tueurs sanguinaires. Zane et ses semblables avaient connu les armes par l’intermédiaire d’autres mondes, mais aucune ne surpassait la force d’un mâle zargonnii. Quant à tenter de comparer les armes à une femelle zargonnii, c’était carrément risible. 61 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Les paupières de Draven se fermèrent, et il s’endormit. Zane remarqua l’inquiétude dans les yeux de Bay lorsqu’ils se levèrent tous les deux pour quitter la pièce. Bay avait choisi de passer autant de temps que possible avec Zane pour apprendre à le connaître, tout en sachant que cette proximité ne faisait qu’accélérer son cycle. Elle avait décidé de découvrir la beauté intérieure du mâle, et s’habituait à son apparence extérieure. Elle lui prit la main et, ensemble, ils retournèrent dans la pièce principale. Elle allait se diriger vers le meuble qu’elle appelait canapé, mais Zane la conduisit plus loin dans le couloir, en direction de sa chambre. Avec hésitation, elle franchit le seuil ; Zane referma la porte derrière elle. Ils savaient tous les deux que le temps était écoulé leur temps était écoulé. **** Bay jeta un regard circulaire dans la vaste chambre ; tout un mur était couvert de boutons et de poignées multicolores. Il y avait une grande surface plate qui ressemblait à un écran d’ordinateur ; les moniteurs étaient éteints. Il émettait un bourdonnement et Bay comprit qu’il suffisait d’enclencher un bouton pour l’allumer. Zane la regardait. Elle savait très bien ce qu’il avait en tête. Au cours des derniers jours, Bay avait passé le plus de temps possible avec lui. Pour elle, il n’y avait aucune autre option possible. Elle ne pouvait pas quitter cette planète, et elle ne pouvait pas non plus laisser le désir de Zane le rendre fou Draven et elle avaient besoin de lui. Mais elle n’agissait pas à contrecœur ; Bay avait appris à apprécier Zane. Au lieu de trouver ses traits trop différents et effrayants, elle avait pris conscience que sa force était rassurante. Si elle l’observait en détail, elle ne lui trouvait aucun défaut pas même sa fourrure. Curieusement, elle avait terriblement envie de passer ses doigts dans sa toison blanche. Il avait été gentil avec elle. Draven devait sa nature douce et attentionnée à son père. 62 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire « Que me feraient vos femelles si j’allais avec elles ? demanda Bay. — Honnêtement, j’ignore si elles te feraient du mal, mais je sais que tu serais traitée comme un animal domestique. Tu es trop petite pour être une guerrière et on te considérerait comme inutile. Tu ne ferais pas long feu si tu étais incapable de les divertir. Si elles décidaient de ne pas te protéger, ce serait la fin. » Bay observa la pièce, elle était presque aussi grande que la salle de séjour ; il n’y avait pas de fenêtres. Le plafond en forme de dôme n’était pas aussi élevé quatre mètres de haut. Zane alla s’asseoir sur un grand lit rectangulaire. Bay hésita mais s’approcha lentement. « Vos mâles sont-ils différents de nous ? demanda Zane. — Oui et non. Nos hommes sont plus poilus que les femmes ; ils peuvent se faire pousser la barbe et la moustache, ça leur est égal. La plupart des femmes n’aiment pas ça je veux dire, elles n’aiment pas avoir des poils sur le visage. Tu n’as pas un visage poilu, à part ce long sourcil qui descend jusqu’à tes épaules, et ce n’est pas laid ; je commence à m’y habituer. Notre peuple n’a jamais les yeux rouges, ils ne brillent pas comme les tiens, et ils ne peuvent certainement pas allumer des feux par un simple regard. Les lèvres d’un homme humain sont comme les miennes, elles ne deviennent bleues que si nous ne pouvons pas respirer ou si nous avons trop froid. Et ta peau est si dure vraiment très dure. Peu d’hommes sont aussi grands et larges que toi. Et aucun n’a une force aussi phénoménale que la tienne. — Tu me trouves vraiment si grand ? » Pour une raison qu’elle ignorait, il semblait en être ravi. « Et bien, pas la peine de t’en réjouir à ce point. — Cinq femelles sont passées devant moi sans même me regarder lorsque j’ai atteint mon premier cycle, j’ai cru que personne ne voudrait de moi jusqu’à ce qu’une femelle plus âgée ait pitié de moi. — Pitié ? 63 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire — Oui, les femelles aiment les hommes plus volumineux, le combat est plus intense, plus excitant pour elles. Les autres croyaient que je ne le méritais pas, que je n’en valais pas la chandelle. Je crois que la femelle a été agréablement surprise ; je suis plus fort que j’en ai l’air. » Plus fort qu’il en a l’air ? « Et bien, que les choses soient claires je ne suis pas ici pour un pugilat. — Un pugilat ? — Je ne veux pas que nos préliminaires ressemblent à un combat aux poings. — J’imagine que si je te frappais, les préliminaires seraient terminés avant même d’avoir commencé. » Bay s’assit à côté de lui. Elle n’avait jamais connu quelqu’un comme lui, et pourtant, elle s’y était habituée. Ce qui lui faisait le plus peur était sa façon de faire l’amour du moins la seule façon qu’il connaissait. Il prenait du volume et combattait jusqu’à se faire dominer ; Bay n’avait pas la moindre chance de dominer ce colosse. « Si je ne te domine pas et que nous ne combattons pas, est-ce que tu auras quand même une érection ? demanda Bay. — On dirait que tu espères que la réponse sera non mais j’en ai toujours une. » Les yeux de Bay se posèrent sur les contours que son sexe dessinait sous son pantalon il était énorme ; oui, il en avait une juste à l’instant. « Est-ce qu’un guerrier mâle a déjà dominé une femelle de votre espèce ? — Oui, certaines rumeurs courent sur une jeune femelle qui aurait choisi un soldat aguerri pour sa première fois, et se serait fait soumettre. — Le guerrier a-t-il tué la femelle ? — Non, ce n’est pas dans notre nature de tuer une femelle ; nous nous souvenons de l’affection que nos mères nous portaient, même si ce n’était que pour une courte durée. Ce serait la honte sur la femelle et, malheureusement, elle serait méprisée par ses consœurs jusqu’à ce qu’elle prouve 64 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire sa valeur au moment de son prochain cycle. Lors de l’accouplement suivant, elle se montrerait encore plus attentive ; elle choisirait même un jeune guerrier inexpérimenté, à qui elle ferait subir toute sa colère. » Bay se laissa tomber en arrière sur le lit. « Bon sang, quel cauchemar. — Pourquoi as-tu des seins ? — Quoi ? — Je veux dire, je sais que les femelles ont des seins, mais nos femelles n’en ont que pendant un mois, pour nourrir leurs rejetons. Les tiens sont beaux et ronds, ils ont l’air si doux. Tout chez toi est doux et mignon. C’est difficile pour moi de me faire à l’idée qu’une femelle puisse être si vulnérable ; c’est bouleversant tu n’as pas idée. Je crois que c’est pour ça que mon cycle s’est précipité ; à chaque fois que je te regarde, mon cœur bat plus fort dans ma poitrine. — Les seins font juste partie de l’anatomie des femmes terriennes. » Elle sourit intérieurement à ces mots ; il semblait si émerveillé à chaque fois qu’il la regardait. Bay savait qu’il était déchiré entre l’envie de lui sauter dessus et de la prendre dans ses bras. Elle se redressa et eut une idée. Zane savait qu’elle était différente des femelles zargonnii ; si elle le lui prouvait, peut-être serait-ce plus facile pour Zane de garder le contrôle. Bay baissa son vêtement, exposant ses seins. « Donne-moi ta main. » Zane lui tendit la main et elle la posa sur ses seins. « Tu es tellement souple, partout, et pourtant tu n’as pas de plis te permettant de gagner du volume. Je sais que cela te surprend quand je parle de ma mère, car je ne l’ai connue qu’un mois. Je me souviens de ses traits, de son odeur. Je me souviens de sa texture. Ses seins n’étaient pas aussi doux que les tiens ; ils étaient aussi durs que le reste de sa peau. Seul le téton était vulnérable. Quand elle m’allaitait, ma 65 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire mère restait dans le domaine des femmes, près des autres mères qui s’occupaient de leurs fils. » Quelque chose dans sa voix attirait Bay. Zane était un homme qui avait besoin de chaleur et de réconfort. Son puissant guerrier mercenaire avait tellement besoin d’affection. Bay passa les doigts sur ses pommettes, et descendit à la base de son cou. Elle leva l’autre main et passa son pouce sur ses lèvres. La respiration de Zane s’accéléra ; son regard émerveillé était un vrai bonheur. Zane faisait rouler un téton entre ses doigts. Il baissa sa grande main et tira d’un seul coup sur le vêtement de Bay. Elle se retrouva nue. Zane l’attrapa sous les bras et la hissa en haut du lit, elle atterrit en rebondissant et posa ses mains contre son torse lorsqu’il essaya de s’allonger sur elle. « Doucement, avertit-elle. — Désolé, mais c’est très excitant. — Tu seras encore plus excité si tu es doux. Si tu m’écrases, tu vas me tuer pas très excitant, hein. — Chaque partie de mon corps me hurle de me mettre sur toi ; je suis le plus fort des deux cette fois. — Tu peux être dessus. Tu dois te souvenir qu’il ne faut pas m’écraser. — J’essaie. » Les mots sortaient difficilement de la bouche de Zane. « Je ne me suis pas accouplée à une femelle depuis la mère de Draven ; laisse-moi m’unir à toi et je te jure que la prochaine fois, je me maîtriserai mieux. Bay, si tu savais la lutte intérieure qui se joue en moi, parce que je ne peux pas lutter avec toi. — Alors descends-moi au bas du lit. » Bay parlait d’une voix rauque, elle était paniquée. Zane était trop lourd et elle avait de plus en plus de mal à respirer. Elle aurait dû se douter que sa première fois avec elle serait difficile pour tous les deux. Il l’avait prévenue qu’il était primitif il avait aussi juré qu’il s’efforcerait de contrôler sa nature. Elle voyait bien qu’il luttait ; une seconde il prenait du volume, l’instant d’après il s’arrêtait, puis il recommençait avant de s’en em66 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire pêcher à nouveau. On aurait dit qu’il était torturé, pris entre deux feux. Zane la tira jusqu’au pied du lit, jusqu’à ce qu’il se tienne debout devant elle, la respiration toujours saccadée. Bay savait qu’elle allait devoir faire des compromis. Elle l’invita à se plaquer entre ses cuisses. « Oui, c’est parfait. Mon poids ne pèsera pas sur toi, et je serai toujours dessus ; je peux contrôler ça. » Bay l’espérait, parce que s’il se mettait à grandir pour de vrai, c’en était fini de leur accord. Un homme d’un mètre quatre-vingt-dix était une chose, mais plus de deux mètres vingt, c’était une autre paire de manches. Et Zane respirait comme une locomotive. Ses mains étaient fermes lorsqu’il l’attrapa par les hanches et la souleva jusqu’à ce que ses jambes soient écartées et passent au-dessus de ses coudes. Son gros sexe épais la fit frissonner lorsqu’il la pénétra. Il y allait lentement et avec mille précautions. Bay le sentit trembler. Elle gémit tandis qu’il s’enfonçait en elle, centimètre par centimètre. Elle retint sa respiration et resta ainsi quelques secondes avant d’expirer. L’air sortit en un long souffle. Elle devait reconnaître que c’était divin. La puissance brute qu’il possédait et essayait tant bien que mal de contenir le rendait fou. Quand il fut profondément enfoncé en elle, il donna un grand coup et se retira aussitôt, lui arrachant des cris de plaisir. Ses mains soulevaient à présent son derrière pour mieux la pénétrer. Pendant quelques instants, ses yeux brillèrent intensément. Ses dents devinrent plus tranchantes, et Bay gémit son nom ; il lui répondit par un grondement et frissonna. Bay le voyait lutter contre ses instincts primitifs, un ancien rituel gravé dans son ADN. Les plus forts de son espèce restaient en mode combat tandis que les moins dominants se soumettaient. « Tout va bien, Bay ; j’ai repris le contrôle. » Bay s’en était rendu compte. Le rouge lumineux disparut ; une fois de plus, il y avait des espaces entre ses dents. 67 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Une fois qu’il eut réussi à dépasser cette impression qu’il avait de perdre sa position de pouvoir, il estima que l’accouplement pouvait continuer jusqu’à ce que son envie soit satisfaite. Bay savait que sa dernière expérience avait été agréable ; il le lui avait dit, mais cette fois c’était lui qui avait le contrôle. Bay ne s’en souciait pas pour le moment. Pour l’instant, elle lui laissait décider du rythme, qui n’était pas aussi brutal ni rapide qu’elle ne l’aurait cru. Zane semblait ravi de venir buter contre elle ; ses coups étaient puissants et pleins d’envie. Enfin, il éjacula, la remplissant de sa semence. Elle ne put s’empêcher de gémir en poussant de petits cris. « Tu es si serrée. Est-ce que je te fais mal ? demanda Zane. — Non, ça va. — La mère de Draven n’était pas aussi étroite, et elle était si lourde que je pouvais à peine respirer ; et pourtant, c’était agréable. Me trouver en contact avec une femelle après tant d’années a rendu l’expérience intéressante. Pourtant cette fois, c’est merveilleux, c’est tellement mieux. Tu es ici parce que tu le veux bien, et non pas parce qu’un cycle t’y contraint. Mon cycle m’a conduit à le faire, mais ce n’est plus lui qui me motive à présent c’est toi, ta sensation, ton odeur. Tu me montes à la tête. Tu te refermes autour de moi, tu es chaude et humide, tu me désires. J’ai déjà joui en toi et tu ne m’as pas repoussé. C’est si bon d’entrer et de sortir. Je suis encore dur ; je ne pensais pas être capable d’avoir une nouvelle érection aussi vite. » Zane donnait l’impression d’être au septième ciel, il ne tremblait plus. Il la poussa plus haut sur le lit. Bay bredouilla son inquiétude, mais il lui fit signe de se taire. Il s’allongea sur elle tout en prenant soin de ne pas l’écraser sous son poids. « Je dois voir quelles sensations ça procure, Bay. » Tant qu’il ne l’écrasait pas, Bay n’y voyait pas d’inconvénient. Elle enfouit son visage contre son torse 68 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire puissant. Sa fourrure épaisse lui chatouillait le nez. Elle n’avait jamais vu un homme si velu. Elle passa ses bras dans son dos et elle s’y agrippa fermement ; ses jambes se soulevèrent pour s’enrouler autour de son dos. L’air dans la pièce était frais, mais Zane était incroyablement chaud. Bay se dit qu’elle ne pouvait pas trouver d’endroit plus sécurisant. Pesant sur elle, son corps se rapprochait et Bay se mit à bouger au même rythme que lui. Elle n’avait jamais rien connu de semblable à son sexe épais et dur qui s’enfonçait en elle. Le corps de Bay tout entier ressentait de plus en plus de plaisir, elle ne craignait pas Zane ; sa caresse était douce et il n’avait plus besoin d’être sous contrôle. Au moment où elle atteignit un puissant orgasme, Bay cria et Zane se raidit. « Oh Seigneur, Zane, c’est si incroyablement bon. » Encouragé, Zane accéléra le rythme, jusqu’à ce que leurs cuisses claquent les unes contre les autres. Bay replia les genoux, complètement cachée sous lui. Son corps était enroulé autour du sien en signe de protection et de possession. C’était euphorisant. Bay était épuisée lorsque Zane s’arrêta enfin ; il roula près d’elle, l’entraînant dans son mouvement. Elle se reposa sur son torse et il remonta les couvertures sur eux. « Quand un mâle gagne contre une femelle, c’est lui qui décide quand elle peut partir. — Oh vraiment ? » fit Bay d’une voix traînante. Il semblait très fier de lui. « Comme je gagnerai à chaque fois, tu ne partiras jamais. — Je crois que je peux m’y faire, vu sous cet angle. — Promets-moi que tu ne quitteras jamais la maison à moins que je sois avec toi. — Après avoir vu cette bête franchir la barrière, il n’y a aucun risque que ça arrive. Je te le promets. — À partir de maintenant, quand je conduirai Draven à l’école et que je le ramènerai à la maison chaque soir, il fau69 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire dra que tu restes à l’intérieur pendant mon absence. Et ne laisse personne entrer. — Qu’est-ce qui ne va pas ? — Certains des mâles qui vivent près de chez moi m’ont raconté que leurs cycles s’accéléraient. Je crois qu’ils sentent ta présence. Aussi longtemps qu’ils croiront que tu es un animal, ils te laisseront tranquille ; mais s’ils découvrent que ce n’est pas le cas… Et bien, disons que les choses peuvent s’envenimer. — Essaieront-ils de m’avoir ? — Non, si tu n’es pas dans la même maison qu’eux au quotidien, ils peuvent contrôler leurs instincts. Mais s’ils décidaient qu’ils te veulent chez eux ? Si un mâle zargonnii découvre qu’il existe une femelle prête à s’accoupler à chaque fois qu’un mâle en a envie, il voudra absolument en acquérir une. Surtout si la femelle est plus petite et sans défense. — Tu ne peux pas transformer les représentantes de ma race en esclaves sexuelles. — Quand les mâles zargonnii découvriront les femelles humaines et ce n’est qu’une question de temps, ils n’auront pas envie d’en faire des esclaves sexuelles, ils voudront des compagnes qui restent avec eux, sans chercher à les dominer pour ensuite partir. — Mais… et vos femelles ? — Je ne sais pas. Avant, elles pouvaient se permettre d’être exigeantes. Si on les écarte, elles pourraient bien devenir encore plus hargneuses. » Bay n’aimait pas du tout cette éventualité. 70 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Chapitre 7 Zane sourit à Bay en franchissant la porte de sa maison ; il venait de déposer Draven à l’école. Elle était assise sur le siège qui ressemblait à un canapé. Elle appelait le grand meuble dans sa chambre un lit, et bien qu’elle sache ce qu’étaient des tiroirs, elle appelait le mobilier qui les portait un buffet. Les mots de sa planète maternelle étaient intéressants, et à la façon dont elle parlait sa propre langue, il savait qu’elle n’inventait pas au fur et à mesure. Mais il était étrange qu’elle donne un nom aux meubles comme si c’étaient des objets réels et vivants. Bay termina de manger elle appelait ça du yaourt ; il n’avait pas le cœur de lui dire que c’était de la nourriture pour bébé. Elle mangeait un peu de leur nourriture habituelle, mais pas de tout, et complétait ses repas par la substance crémeuse, ainsi que par un autre aliment que l’on donnait aux enfants qui faisaient leurs dents. Elle appelait cela du bœuf séché, bien qu’il s’agisse de la chair d’un être que l’on nommait zat. Lorsque Zane lui décrivit un zat, Bay lui expliqua qu’à part ses trois yeux et sa couleur bleu indigo, la description de la créature ressemblait à une vache quel que soit le nom qu’ils lui donnent ici. Son sourire le fit chavirer. C’était toujours un tel émerveillement de voir qu’elle était ravie de le retrouver. Zane se souvenait du sourire de sa mère, mais lors de son accouplement avec la mère de Draven, il n’y avait eu aucun sourire, seulement beaucoup de grognements. Bay reposa sa nourriture et se dirigea vers lui. Zane fut surpris lorsqu’elle enroula 71 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire ses bras autour de lui ; il se demanda si toutes les femelles humaines étaient aussi affectueuses. Les mâles terriens avaient beaucoup de chance. Le menton de Bay était posé contre son torse et elle leva les yeux sur lui. « Tu as du travail à faire ? » Zane regarda par la fenêtre, derrière elle. La tempête qui avait longtemps menacé les inondait à présent d’une pluie si torrentielle qu’il ne parvenait même pas à distinguer sa propre arrière-cour. La communication serait sans doute coupée jusqu’à ce que le temps se calme. Zane aidait à coordonner les rencontres de son peuple. Il faisait des recherches pour savoir si les êtres aux côtés desquels ils se battaient n’avaient pas déjà les matériaux dont ils avaient besoin ; il valait mieux ne pas mentir à un guerrier mercenaire zargonnii cela pouvait conduire à la mort. « Pas de travail pour moi aujourd’hui si mon système ne coopère pas. — C’est la première tempête que je vois sur ta planète, est-ce toujours aussi violent ? » Zane songea à quelque chose. « Est-ce que tu as peur ? — Non. » Zane ricana, elle avait peur, il le voyait bien. À ce moment précis, les femelles zargonnii traînaient des pieds dans la tempête, elles s’en moquaient éperdument la pluie était l’aspect le moins effrayant de leur monde. « Il n’y avait pas de tempêtes sur la Terre ? — Ma planète a subi tellement de tempêtes qu’elle en est morte. — Je comprends. — Les tempêtes étaient si terribles et si fortes que des milliers de personnes mouraient chaque jour. — Ta famille ? — Il ne m’en reste plus. Draven et toi êtes tout ce que j’ai. » Zane s’en voulut, mais l’idée lui plaisait. Il ne voulait pas que quelqu’un d’autre lui manque. « Tu es si belle et tu 72 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire sens si bon, c’est trop tôt pour te demander si nous pouvons nous unir encore ? Je comprendrai si tu refuses ; je peux, euh, aller prendre une douche si tu n’es pas prête. — Combien de fois peux-tu, euh, aller prendre une douche avant que ton envie ne soit trop pressante ? demanda-t-elle avec un sourire taquin. — Peut-être une semaine, peut-être moins, des jours, un jour ; je suis désolé mais le fait que tu sois si près de moi me met sens dessus dessous. Je commence à me demander si c’est pour ça que nos femelles restent à l’écart. Tu es si proche et disponible, l’accouplement est la seule chose à laquelle je peux penser. Ça pourrait être pire parce que nos femelles arrivent. Te toucher est devenu mon univers entier. » Bay leva les yeux sur lui en souriant et l’entraîna vers la chambre. Il s’était déshabillé avant qu’elle n’atteigne le lit. Le peuple de Zane commerçait et échangeait beaucoup de choses intéressantes. Parmi tous ses objets, il possédait du tissu que lui avait donné une petite créature aux allures de belette, qui l’avait imploré de lui laisser la vie sauve. La créature était pitoyable, ses compagnons avaient été anéantis, et Zane l’avait trouvée recroquevillée dans un tunnel. Zane et les autres guerriers avaient été couverts de richesses par le peuple de la planète pour avoir exterminé les belettes ; c’étaient des voleurs, de véritables nuisances qui causaient de gros dégâts. Zane avait passé sa journée à tuer les créatures et son enthousiasme pour le combat avait fini par faiblir. La belette déchiquetait les murs de sa caverne pour tenter de lui échapper, mais elle ne pouvait se cacher nulle part. Dans un coin, Zane aperçut le magnifique tissu brillant. Il n’avait jamais vu une telle matière et s’était rendu compte que les occupants de la planète la leur avaient cachée. Sa couleur verte délicate était d’une nuance plus profonde que tous les verts qu’il avait déjà contemplés. Zane avait pris le tissu, avait souri avec une ironie désabusée à la 73 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire petite créature et l’avait laissée seule. La planète pouvait s’occuper de lui. Puis Zane avait montré la matière à Titus, qui avait aussitôt décidé de négocier une rétribution supplémentaire. Le tissu était très convoité pour sa texture et sa beauté. Zane passa le doigt sur le vêtement que Bay enroulait autour de sa taille et de ses seins, il était fait de la même matière. Bay était plus belle que le tissu. Elle était ravissante quand elle le portait, avec ses cheveux noirs comme la nuit et sa peau rose. Sous son habit, elle ne portait rien, et d’une simple torsion du poignet, le tissu s’ouvrit, lui révélant son corps. Les étranges marques sombres que Bay appelait des hématomes avaient presque disparu, et Zane effleura ce qu’il en restait du bout du doigt. « Ça te fait mal ? demanda-t-il. — Non, plus maintenant. — Si jamais je retrouve le Tonien qui t’a fait ça, je le tue. — Ce n’est pas facile de tuer un Tonien. — Les griffes et les serres d’un Tonien ne peuvent pas pénétrer ma chair ; nous pouvons combattre pendant des heures, mais je connais leur faiblesse. Si j’affronte un Tonien dans le noir, sa cuirasse finira par lui faire défaut ; mes griffes peuvent lacérer sa peau. Ici, il fait noir la plupart du temps. Certaines de nos saisons peuvent être très sombres ; et puis, ils ne veulent pas de nos femelles. — Ce sont les femmes terriennes qu’ils veulent. — Ils ne peuvent pas t’avoir. » Bay posa les mains sur le torse de Zane et le poussa en arrière. Il tomba sur le dos en riant. Son besoin de domination avait été satisfait la nuit dernière ; son corps savait qu’elle n’était pas une menace pour lui et qu’il pouvait la clouer au lit à tout moment. Pour l’instant, il restait immobile en se demandant ce qu’elle mijotait. Zane se redressa lorsque ses petits doigts se refermèrent sur son sexe. De haut en bas, elle le caressa. 74 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire « Qu’est-ce que tu fais ? demanda-t-il, sans pouvoir s’empêcher de déglutir. Ce ne serait pas raisonnable d’essayer de me dominer. — Je veux juste t’exciter. — Tu sens bien que je le suis déjà. — Il y a excité, et il y a putain d’excité. » Allongé, laissant sa main le travailler, il réfléchit à ses paroles. Il pouvait la retourner et la prendre, mais attendre et ressentir était aussi très agréable. Bay descendit le long de son corps, se rapprochant de son but. Zane la regarda et lorsque sa bouche se retrouva juste au-dessus de sa queue, il faillit la repousser. Sa peau était dure, mais son sexe pouvait en revanche être vulnérable. Bay l’enfonça dans sa bouche et Zane faillit pousser un cri de guerre. « Putain de merde », tonna-t-il. Bay arrêta ce qu’elle était en train de faire, le regarda et lui sourit. « Tu étais prévenu. » Elle reprit ce qu’elle avait commencé. Zane ignorait complètement qu’une femelle pouvait faire cela. Même s’il avait réussi à dominer une femelle de son espèce, il n’aurait jamais accepté que les dents pointues et tranchantes d’une Zargonnii s’approchent de cet endroit de son anatomie. Les doigts de Bay pétrissaient ses bourses rondes, et Zane empoigna les draps et serra les poings. Il était incapable d’en supporter davantage. L’espace d’une seconde, il sentit ses dents et se souvint qu’elles étaient plates. Même si elle le mordait très fort, elle ne lui ferait jamais mal. Bien qu’elle essaie de ne pas l’effleurer de ses dents, il se rendit compte qu’il était bien trop gros ; et la sensation était merveilleuse, époustouflante. Cette chose, qu’elle qualifiait de putain de merde, le perdrait. « Bay », il n’avait pu le retenir, son nom était sorti comme un avertissement. Trop de préliminaires si intenses seraient dangereux pour elle, même ses dents contre lui étaient encourageantes et provocantes. Il était plus qu’excité, bon sang, il était même plus que putain d’excité ; il avait eu 75 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire à nouveau envie de lui grimper dessus, certain de pouvoir rester doux et d’empêcher son poids de l’écraser, mais à présent il n’en était plus si sûr. La bataille pour l’accouplement était tellement différente de ce que Bay lui faisait, on aurait dit qu’elle était conçue pour le plaisir, dans la moindre parcelle de son corps. Quand il la touchait, il n’avait aucune envie de combattre. Les mains de Zane étaient si puissantes, et elle était si vulnérable, un nouvel instinct sembla déferler en lui. « Tu as la queue la plus belle que j’aie jamais vue, et tes boules sont magnifiques. » Zane ignorait totalement que les mots pouvaient être excitants ; quand elle utilisait puissant et massif pour le décrire, il devait se retenir pour ne pas bomber le torse de fierté. Ces mots étaient gratifiants, et Zane était aux anges que cette femelle pense à lui en des termes si élogieux. Bay monta sur lui, le dos tourné, et passa sa jambe sous la sienne, laissant la tête de Zane vers le haut et faisant ellemême face au pied du lit. Puis elle posa son autre jambe pardessus la sienne, qui se retrouva prise en sandwich entre ses cuisses. Il s’enfonça dans sa chaleur humide. Elle gémit sous la force de sa pénétration. Zane ramena ses deux jambes sur le côté et attrapa sa cheville pour la soulever davantage ; elle enroula les bras autour de sa jambe et s’agrippa fermement tandis qu’il redoublait d’ardeur. L’autre jambe plaquée contre elle et la main passée sous ses fesses rebondies, Zane accéléra le rythme. Bay hurlait, prise entre ses jambes, la bouche ouverte pour ne pas perdre son souffle. Tout ce à quoi Zane était encore capable de penser était ce qu’elle venait de lui faire et à quel point c’était bon. Zane décida que ses petites dents parfaites allaient à nouveau lui procurer du plaisir encore et encore, très bientôt. Penser à sa bouche autour de lui le rendit encore plus dur, et il rugit de plaisir en jouissant, sans pour autant cesser de la labourer. Bay gémit ; son étreinte se relâcha. Zane se redressa et la fit basculer sur le dos, tout en se retirant. Ses 76 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire jambes s’écartèrent pour l’inviter et Zane la recouvrit de son corps. Bay s’arc-bouta pour l’accueillir lorsqu’il la pénétra à nouveau. Elle était chaude et trempée par sa semence, mais elle restait étroite. Zane attrapa d’une main ses poignets audessus de sa tête et de l’autre, il souleva ses hanches en imposant son rythme. Il était difficile de lutter contre sa passion ; il pouvait sentir la bête en lui se battre pour sortir, mais ne voulait pas faire du mal à Bay pour satisfaire un besoin primitif. Si seulement il pouvait trouver un moyen de ne pas l’écraser. La position dans laquelle elle les avait placés un peu plus tôt était bonne, mais ses jambes seraient trop lourdes. S’il la ramenait vers le pied du lit, il serait sur ses deux jambes et s’enfoncerait trop violemment. Ce dilemme le rendait fou. Les femelles de son espèce se rapprochant, l’odeur de leurs chaleurs emplissait l’air ; et Bay était si désireuse et disponible qu’il était submergé de désir. « Zane, mes poignets », lança Bay. Zane la lâcha ; il pensait trop et la serrait trop fort. « Bay, il nous faut une meilleure position il nous la faut maintenant. » Son ton était pressant. « Tu es en train de changer ? chuchota-t-elle. Tes yeux brillent. — C’est toujours moi, Bay. C’est juste moi en plus grand c’est mon moi guerrier. Je ne ressens pas le besoin de me battre ; même si tu étais une femelle zargonnii que je domine et contre qui je gagne, je ne te ferais pas de mal. C’est ainsi que je suis fait. Tu ne souffriras pas. Je suis excité même par l’idée que tes dents sont vulnérables et agréables. — Tu ne peux pas être sur moi. — Je sais, je te promets que je peux me maîtriser, mais tu dois m’aider à trouver un moyen. Bay, tu es tout pour moi. — Redresse-toi. » Zane se retira d’elle. Il crut mourir, persuadé qu’elle allait partir se cacher en courant. Il mettrait sa maison sens 77 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire dessus dessous ; il lui faudrait engager un combat et mettre la main sur un cyron. Bay se mit à genoux et Zane l’aida à se relever ; il ne la retiendrait pas. Mais Bay ne chercha pas à s’enfuir. Elle passa sa jambe autour de sa taille et l’aida à entrer à nouveau en elle. Zane faillit hurler de soulagement ; elle n’avait pas peur il ne mentait pas, il était la même personne en mode combat, si ce n’est qu’il était alors plus grand et plus fort. Il décida de se montrer plus doux qu’il ne l’avait jamais été de toute sa vie, pour honorer la confiance qu’elle lui faisait. Dans cette position, Bay assise sur ses genoux, Zane avait le contrôle. Ses mains agrippèrent ses hanches, et il la pénétra à plusieurs reprises. Il garda ses griffes hors de portée de sa peau tendre. Il s’assura qu’elle criait bien de plaisir et d’envie, et non de peur ; et du fond de sa gorge monta un roucoulement apte à apaiser toutes les craintes. Le ton était venu naturellement ; il l’aurait employé sur une femelle zargonnii s’il l’avait dominée, pour lui faire comprendre qu’elle ne craignait aucun danger. Zane ignorait comment il le savait mais il en était sûr. C’était aussi naturel que respirer. Sa voix était plus dure que lorsqu’il roucoulait pour un bébé ; le ton donnait à Zane une impression de puissance ainsi que de protection. S’il combattait et gagnait contre une femelle zargonnii, elle serait sous sa protection jusqu’à la fin car il serait le plus fort des deux. Bay se détendit contre lui alors qu’il ralentissait sa cadence. Ses mains couraient le long de son dos ; sa joue était appuyée contre sa peau ferme et tendue. Le cuir de Zane était si dur que presque rien ne pouvait le pénétrer, mais il pouvait sentir ses doigts, percevoir la chaleur de ses paumes. C’était comme si sa peau lui permettait de le toucher. Bay ne pouvait lui faire aucun mal physiquement, et son corps en était conscient pleinement conscient ; son instinct exigeait qu’il l’attire encore plus près et qu’il caresse sa peau douce. Il ne pouvait pas s’en lasser. 78 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Bay gémit et tressaillit en poussant un cri ; sa chaleur enveloppa son sexe. Le premier orgasme qu’elle avait ressenti lors de leur premier accouplement avait sidéré Zane. Il ne savait pas qu’une femelle pouvait jouir. Une femelle zargonnii n’en avait pas besoin pour concevoir, et en ce qui le concernait, Zane ne se souvenait pas si la femelle avec laquelle il s’était accouplé avait joui il ne pensait pas que ce soit arrivé. La petite femelle humaine dans laquelle son gros sexe venait buter ne jouissait pas seulement une fois, mais plusieurs fois d’affilée. Les bras de Bay tombèrent contre ses flancs. Zane se sentit contrarié, avant de réaliser que ce n’était pas la domination et la soumission qui l’épuisaient c’était tout simplement le sexe qui l’éreintait. Satisfait, Zane s’allongea. Bay était toujours sur lui. Il éprouvait un sentiment étrange, tout en caressant ses cheveux. C’était proche de l’affection qu’il ressentait pour Draven, pure, douce, protectrice. Zane mourrait pour protéger son fils il prit conscience qu’il mourrait aussi pour Bay. Il resta ainsi allongé, en se demandant si c’était ce que Bay signifiait quand elle parlait de « faire l’amour ». Faisaient-ils l’amour, ou était-ce quelque chose que leurs sentiments créaient ? Il s’attarda sur cette idée tandis que Bay s’endormait, pelotonnée dans ses bras. **** Bay était assise et regardait tomber la pluie torrentielle ; ça la rendait toujours un peu méfiante à cause de ce qu’elle avait vécu sur Terre, mais Zane était merveilleux, il lui avait expliqué en détail à quoi correspondaient les saisons sur sa planète. Sa patience et sa compréhension lui donnaient envie de le garder toujours près d’elle ; c’était la personne la plus fabuleuse du monde de tous les mondes. Draven et elle jouaient par terre dans la salle de séjour. Le jeu ressemblait beaucoup aux osselets, mais avec de plus grosses pièces adaptées à la grande taille des mains des Zargonnii. Draven gagnait à chaque fois. Bay tendit les bras pour lui faire un câlin, après qu’il eut gagné pour la quatrième fois. Draven 79 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire faillit la renverser dans son enthousiasme pour lui rendre son étreinte. L’enfant était habitué à l’affection de son père, mais Bay était plus ouverte et Draven n’en avait jamais assez. Draven installa à nouveau le jeu pour une autre partie. Il était à la maison pour les vacances dont Zane lui avait parlé en détail. L’approche des femelles représentait d’un certain danger, et tous les enfants mâles devaient rester à l’intérieur pendant les deux semaines au cours desquelles les mâles à maturité cherchaient à s’accoupler. Draven avait craint que son père ne le quitte, mais Bay avait lu le soulagement dans les yeux de l’enfant quand Zane lui avait dit qu’il ne le ferait pas il ne pensait pas qu’il ressentirait un jour le besoin d’aller à nouveau vers une femelle zargonnii. Il avait fait un clin d’œil à Bay en l’annonçant. Lorsque la porte d’entrée s’ouvrit avec fracas, Bay hurla. Zane et Draven prirent du volume tout en bondissant sur leurs pieds. À la surprise de tous, Blu fit irruption dans leur maison. Il semblait secoué. « Où est-elle ? s’exclama Blu. — Blu ? » demanda Bay ; elle ne l’avait pas vu depuis plusieurs semaines. Blu se dirigea vers elle à grandes enjambées, mais Zane s’interposa. « Qu’est-ce que tu fais ? — Ce n’est pas un animal de compagnie. J’ai commis une énorme erreur. — Je sais déjà que ce n’est pas un animal de compagnie. — Mais comment ? — Ça me fait plaisir de te revoir, Blu. » Bay sourit tout en prononçant ces mots. « Tu peux parler ; il a dit que tu le pouvais, mais je ne l’ai pas vraiment cru. — Qui a dit que je pouvais parler ? » Bay sentit au creux de son ventre l’impression de sombrer. « Zane, le Tonien à qui je l’ai achetée a été capturé ; en échange d’une certaine indulgence à son égard, il a fourni aux Castiens des informations sur Bay. Il leur a dit qu’il me 80 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire l’avait vendue comme animal de compagnie. Les Castiens veulent la récupérer ; ils étaient furieux que je l’aie achetée pour servir d’animal. Leur espèce peut s’accoupler avec ces femelles terriennes ; ils peuvent avoir des bébés avec elles, et les guerriers les recherchent. Les Castiens ne nous déclareront pas la guerre c’était une erreur, en toute bonne foi, et j’ai juré qu’elle n’avait jamais été maltraitée. C’est bien le cas, n’est-ce pas ? — Non, elle n’a pas été maltraitée, et non, les Castiens ne peuvent pas l’avoir. Bay est à moi ; elle s’accouple avec moi. » Zane semblait furieux. Bay jeta un coup d’œil vers Blu pour voir sa réaction. « Elle s’est accouplée avec toi ? » Les yeux de Blu étaient ronds comme des soucoupes. « Elle s’accouple avec moi, le corrigea Zane. — Plus d’une fois ? Mais comment est-ce possible ? Les femelles ne s’accouplent pas plus d’une fois, du moins pas avant deux ans. — Cette femelle terrienne est différente. Elle n’est semblable à rien de ce que connaissent les guerriers zargonnii. — Zane, nos femelles arrivent. Les Castiens le savent. Ils veulent que Bay s’en aille ils craignent pour sa sécurité. Nos femelles sont plus grosses, la plupart sont plus fortes et agressives ; et si elles étaient capables de flairer sa présence ? Comment la protégerais-tu ? — Ce n’est que maintenant que tu y penses ? demanda Zane. — Je croyais que ce n’était qu’un animal inoffensif. Nos femelles ne s’intéressent pas aux animaux de compagnie, mais s’il s’agit d’une femelle qui peut s’accoupler et visiblement plus d’une fois avec un mâle zargonnii, elles peuvent se sentir menacées. — Les femelles zargonnii peuvent passer tout leur cycle à essayer d’abattre les murs de ma maison elles ne le peuvent pas et je doute qu’elles le fassent. Je n’abandonnerai pas Bay. 81 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire — En quoi est-ce juste pour Bay ? Les Castiens ressemblent à leurs mâles humains quand ils ne sont pas en armures. La planète Bagron pourvoit aux besoins des femelles humaines. Il n’existe pas une seule chose sur leur planète qui puisse leur nuire. — Et pourtant ils ne l’ont pas protégée des Toniens, si ? Ils ne l’ont pas empêchée d’être capturée et vendue comme animal de compagnie, s’écria Zane. — Bay ne peut pas partir, barrit Draven. Elle va être ma mère. Une vraie mère. — Tout va bien, mon chéri, fit Bay d’une voix apaisante en essayant de prendre Draven dans ses bras ; mais l’enfant s’élança dans le couloir en direction de sa chambre. — Bon sang, Zane. On ne veut pas d’une guerre contre les Castiens. — Et si Bay veut rester ? Es-tu en train de dire que les guerriers castiens l’arracheraient à son foyer ? Un endroit où nous faisons l’amour ? » Bay aurait ri de l’analogie de Zane si elle n’était pas si inquiète. Elle ne voulait pas partir avec les guerriers castiens ; elle voulait rester avec Zane et Draven. Zane lui avait dit que rien ne pouvait pénétrer sa maison et que les femelles zargonnii ne resteraient que deux semaines. Une fois que leur cycle serait terminé, elles devraient s’en retourner, rien ne les retiendrait ici pas même Bay. « Zane, sois raisonnable, demanda Blu. — Je le suis. » Zane se tourna vers Bay ; il prit ses mains dans les siennes. « Veux-tu t’en aller ? Je me rangerai à la décision que tu prendras, mais s’il te plaît, sache que je ne veux pas que tu partes. S’il te plaît, ne pars pas. Je ne peux pas imaginer ma vie sans toi. » Bay était émue par ses paroles ; il la voulait. Il était suffisamment fort pour dévoiler ses sentiments elle aussi. « Ma planète était à l’agonie, le désespoir n’avait pas de limite. On nous a dit qu’Onvra était un endroit merveilleux et sûr ; ce n’était pas le cas. Les Toniens étaient cruels et mé82 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire chants. J’ai passé tout mon temps sur cette planète à courir et à me cacher je mourais de faim, j’étais effrayée et seule. J’ai été enlevée et battue à cause du besoin qu’avaient les Toniens de faire du mal aux Castiens ; alors à cause d’eux, j’ai été retenue en otage. Mais personne ne voulait de moi. Blu m’a abandonnée ; Finn ne s’est pas battu pour me garder. Maintenant je vous ai, toi et Draven ; j’ai une famille. Je ne veux pas être à nouveau enlevée ; si vous m’acceptez, je veux rester. » Les yeux de Bay s’inondèrent de larmes à ces mots. Les Zargonnii étaient différents, mais Zane savait comment aimer et elle l’aimait. « Le Castien qui a capturé ce Tonien va vouloir l’entendre de ta bouche. » Blu se passa vivement la main sur le visage. « Je sais que ces créatures te font peur, Bay, mais ils ne sont pas cruels envers les femelles. — Les mâles zargonnii non plus », fit Bay. Après s’être séché les yeux, elle sourit à Zane. 83 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Chapitre 8 Bay ne dormait toujours pas. Elle attendait Zane, tout en écoutant les deux frères discuter. Elle riait tout bas en percevant le ton incrédule et peu discret de Blu, par la porte ouverte de la chambre. Zane était en train d’expliquer en détail comment une femelle humaine s’accouplait. « Elle a fait quoi ? » Bay enfouit sa tête dans un oreiller et éclata de rire. Elle entendit le faible murmure de Zane. « Mais comment est-ce possible ? s’exclama à nouveau Blu. Dessus ? Mais tu es trop gros. Sur le côté ? Carrément impossible. Tu as fait ça ? Elle était vraiment… ? Au pied du lit ? Sur tes genoux ? — Tu veux bien baisser d’un ton ? demanda Zane. — Plus d’une fois, et tu dis qu’une femelle peut jouir ? C’est comment ? Hein ? Vraiment ? Tu plaisantes. » Bay sentit le rouge lui monter aux joues. « Elle l’a mis dans sa bouche ? Mais ses dents… attends, ses dents plates devaient être putain. Merde, ça doit être une sensation fabuleuse, maintenant que j’y pense. — À voix basse, bon sang, Blu. — Merde, je peux la récupérer ? Rien que d’y penser je me sens… » Bay grimaça en entendant le bruit mat d’un solide coup asséné par un poing mais elle n’en fut pas surprise. Peu de temps après, la porte d’entrée se referma en claquant et aussitôt, Bay se retrouva dans les bras de Zane ; il s’était glissé dans le lit, un grondement sourd au fond de la gorge. Possessif, il l’attira à côté de lui, lui arrachant un petit cri. 84 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire « Alors, ton frère sait tout à propos des femmes terriennes ? » Bay caressait sa peau dure, en essayant de le détendre. « Oui, et bientôt les Zargonnii vont tous en vouloir une. — S’ils les volent aux Castiens, ce sera la guerre. — Nous ne volerons pas les femelles terriennes. D’après ce que Blu m’a dit, la plupart de vos navettes terriennes ne sont jamais arrivées jusqu’à Onvra, certaines se sont écrasées. Les guerriers castiens mènent d’actives recherches pour les retrouver ; leurs propres femelles sont mortes il y a des centaines d’années. Mais les femelles de la Terre ne leur appartiennent pas. Si nous les trouvons en premier, elles seront à nous. — Nous sommes un peuple doué d’intelligence, les femmes ne seront possédées par personne. — Pas possédées choyées, bichonnées, adorées. Les mâles zargonnii ne vont pas tarder à savoir qu’ils n’ont plus besoin de nos femelles pour s’accoupler, et ils en seront vraiment soulagés. — Mais… et si les femelles de ton espèce se mettent en colère ? — Les femelles de mon espèce sont toujours en colère de toute façon. » Les paroles de Zane étaient sérieuses, et il sembla réfléchir à ce qu’il venait de dire. « Peut-être que les femelles ne veulent pas vraiment s’accoupler. Si elles ne venaient ici tous les deux ans que pour satisfaire nos besoins ? Elles ont un rapport amour-haine avec nous. — Un mâle zargonnii a-t-il seulement déjà ressenti le besoin de s’asseoir avec une femelle pour discuter ? — Bien sûr plutôt difficile quand tu es à plat sur le dos avec l’impression qu’on est en train de t’écraser. — Et bien, si je dois parler à ce Castien demain, je ferais mieux de dormir un peu. » Bay se blottit contre Zane. Allongée nue à côté de lui, elle sentit la main de Zane lui caresser le dos. 85 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire « Nous devrions dire à Draven que tu veux rester ; il dormait quand Blu est parti. Il était si bouleversé. — Il a l’impression de se faire abandonner par une autre mère. On devrait peut-être le réveiller pour le lui dire. — Laissons-le dormir. Demain matin sera bien assez tôt. Si on le réveille maintenant pour le lui dire, il sera trop excité pour se rendormir. — J’imagine. » Bay leva la main et embrassa Zane pour lui souhaiter bonne nuit. Ses lèvres étaient chaudes, malgré leur couleur bleu clair. Elle glissa ses doigts dans la fourrure de son torse. « C’était quoi, ça ? » demanda Zane dans le noir. Bay se crispa. « Quoi ? — Tu viens de me goûter ? » Elle éclata de rire, soulagée. « Je t’ai embrassé. » Zane la hissa vers lui. « Recommence. » Bay effleura dans le noir ses lèvres charnues et l’embrassa. Il resta immobile, et Bay intensifia leur baiser. Elle glissa sa langue dans sa bouche entrouverte. Son nez caressait sa joue rugueuse. « Bay, je ne comprends pas comment je peux être excité en bas, alors que tu me touches en haut. — Les préliminaires, c’est quelque chose de merveilleux. » Bay leva le genou et le frotta contre son érection, Zane grogna. Il était raide comme de l’acier, et tout aussi dur. Bay eut une idée. Elle prit Zane par la main et ils se levèrent tous les deux. « Tu aimes dominer je comprends, c’est dans ta nature, dominer ou être soumis. Voyons si tu es si fort », fit Bay. Avant que Zane comprenne ce qui se passait, Bay lui sauta dans les bras. Elle enroula ses jambes autour de sa taille et se cramponna. Elle pouvait sentir son sexe faire pression entre ses jambes. Zane comprit ce qu’elle voulait faire et, tout en maintenant ses fesses, il se glissa en elle. Bay 86 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire poussa un cri en se sentant brusquement empalée. Dans cette position, elle devait le recevoir tout entier. Zane enroula son grand bras autour de sa taille et la souleva avant de la plaquer à nouveau contre lui. Tout le corps de Zane se tendit. Il trouva peu à peu son propre rythme et Bay se cramponna. C’était une véritable pile électrique en mouvement. Bay avait déjà fait l’amour de cette façon une fois, mais l’homme avec qui elle était ne cessait de perdre prise et il avait fini par abandonner. Or cette fois, elle ne pouvait plus arrêter Zane. Il était évident qu’il prenait beaucoup de plaisir dans cette nouvelle position. Un son semblable à un roucoulement parvint aux oreilles de Bay et, comme la dernière fois, elle se sentit étrangement calme et apaisée. Le ton était mélodieux, profond et relaxant. Elle se sentait en sécurité, c’était comme si rien au monde ne pouvait l’atteindre, grâce à Zane. Elle avait l’impression qu’il n’existait rien de plus fort que lui. La mélodie consumait ses pensées, roulait avec son esprit ; et Bay se sentit allongée à nouveau contre le lit. Le poids que Zane faisait peser sur elle était considérable mais ne l’écrasait pourtant pas. Son mouvement était en accord avec son ton apaisant, et Bay passa ses bras autour de lui. Elle voulait qu’ils restent unis pour toujours. Ses parois internes se refermaient autour de son sexe durci et le caressaient. Bay adorait enfouir ses pieds dans les poils épais et drus de ses jambes. Lorsque le rouge de ses yeux étincelait, il soulignait à la perfection les traits marqués de son visage. Bay gémit en jouissant ; le roucoulement de Zane redoubla d’intensité. Elle était apaisée. « Plus fort, Zane. Je veux te sentir plus fort. » Zane se retira et la pénétra à nouveau, la poussant plus haut sur le lit. Il passa le bras autour de son corps pour la maintenir en place tandis qu’il s’enfonçait violemment en elle. Elle tressaillit. Bay se tortillait sous lui et il eut un petit rire. 87 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire « Petit être, si tu essaies de mimer le sexe entre une femelle et un mâle zargonnii, ça ne marchera pas. J’apprécie ta tentative, mais après avoir fait l’amour avec toi, mon corps sait à quel point tu es faible. — Que tu sois un peu brutal ne va pas me tuer. — Alors je vais être un peu brutal. » Ce que Zane entendait par un peu brutal la fit bientôt hurler sous ses coups puissants comme il se démenait entre ses cuisses. Bay en eut le souffle coupé, elle retenait sa respiration. Il était d’une fougue délirante, son poids colossal la plaquait contre le lit ; et Bay peinait à aspirer de petites bouffées d’air. C’était exaltant, effrayant et terriblement jouissif à la fois. Bay frissonnait avec chaque orgasme, et elle jouissait à plusieurs reprises. Elle entendit Zane émettre un grondement sourd, qui monta du fond de sa gorge. Ses mains se resserrèrent sur elle et, l’espace d’un instant, Bay crut qu’il avait perdu le contrôle. Un faible gémissement s’échappa de ses lèvres et Zane se mit à roucouler encore plus fort. Il était sauvage et rude, mais le bruit qu’il faisait la relaxait. Son intonation envahissait ses pensées, et les jambes de Bay, qui l’avaient agrippé dans leur étreinte, se relâchèrent. Ses bras glissèrent sur ses flancs. Pendant quelques instants, Zane garda son rythme effréné jusqu’à ce qu’elle l’entende pousser un cri retentissant. Sa respiration était rapide, et Bay se détendit calmement sous son poids. « Zut, marmonna-t-il. — Quoi ? — J’ai véritablement lacéré les draps. C’est pour ça que nous nous accouplons dehors. Est-ce que ça va ? — Je suis avec toi, bien sûr que ça va. Je t’aime, Zane. — Je mourrais pour toi. » Bay sourit dans le noir. C’était ce que Zane disait à Draven chaque soir avant de se coucher. Expliquer la notion de l’acte d’amour était déjà assez difficile pour Zane. Son âme de guerrier mettait les choses en perspective vous aimiez 88 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire ce pour quoi vous étiez prêt à mourir. C’était la façon qu’avait Zane de lui dire qu’il l’aimait aussi. **** Zane était fébrile ; Bay pouvait presque sentir sa peur tandis qu’il faisait les cent pas. Lorsqu’ils s’étaient réveillés, ils avaient découvert que Draven s’était enfui. Bay avait le terrible pressentiment qu’il était parti à la recherche de sa mère. Zane avait eu la même impression. Blu fit irruption par la porte principale. « Ce n’est pas bon. Le Castien veut voir Bay maintenant, mais nous devons retrouver Draven. — Je ne laisserai pas Bay approcher ce foutu Castien à moins qu’elle ne soit avec moi. » Zane rugit de colère. « Va chercher Draven, implora Bay. — Je ne veux pas te laisser ici toute seule ; quelques femelles zargonnii sont déjà arrivées sur notre territoire, dit Zane. — Tu as dit que rien ne pouvait entrer dans cette maison. Ça va aller », insista Bay. Zane l’attrapa par les épaules. « Rien de mon monde ne peut pénétrer dans cette maison ; mais elle n’a jamais été testée par un vaisseau de guerre castien. Blu dit qu’ils sont prêts à se battre pour une seule femelle ; les femelles terriennes sont extrêmement importantes pour ces guerriers. » Bay frissonna, mais, d’un air déterminé, elle enleva les mains qu’il avait posées sur ses épaules. « Trouve Draven. — Les femelles ne feront aucun mal à Draven ; c’est un enfant et il ne s’approchera pas de leur progéniture femelle. Il ne représente aucune menace, même s’il est à des lustres d’atteindre son cycle, expliqua Blu. Mais Zane est à maturité ; s’il sort, les femelles estimeront automatiquement qu’il cherche à s’accoupler. Je vais partir chercher Draven. — Je ne peux pas me contenter de rester assis ici, s’exclama Zane. Blu, reste avec Bay. Je dois retrouver mon fils. » Avant que Bay ait pu dire quoi que ce soit, Zane sortit en trombe. Blu s’élança après lui, laissant Bay toute seule. 89 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Il ne fallut pas plus de deux secondes à Bay pour décider qu’elle ne pouvait pas se contenter de rester là sans rien faire ; elle aussi aimait Draven. Les femelles zargonnii ne feraient aucun mal à Draven, et elle doutait qu’elles lui en fassent à elle. Bay ne représentait pas une menace physique, et elle ne pouvait certainement pas s’accoupler avec l’une d’entre elles. Zane disait que les femelles aimaient les partenaires costauds, et Bay avait quelques lacunes dans ce domaine. Ce que Bay savait, c’était qu’un guerrier castien la voulait, et qu’il y avait de fortes chances pour qu’il découvre où elle se cachait. Bay ne connaissait pas vraiment les capacités d’un vaisseau castien, mais « téléportez-moi, Scotty » ne fonctionnait pas pour elle. Elle n’allait pas rester assise et attendre que la maison soit balayée. Bay risqua un coup d’œil par la porte d’entrée, dans le tunnel sombre qui conduisait vers le monde inhospitalier du dehors. L’arrière-cour était le seul endroit où elle était allée depuis qu’elle était arrivée ici avec Blu. Après quelques pas hésitants, Bay se décida à accélérer son allure un pied devant l’autre, agir ou mourir. L’extérieur était toujours ruisselant des pluies torrentielles qu’ils avaient essuyées. Le ciel était couvert et la végétation était sombre par endroits. Des nappes de brume flottaient. Inquiétant, c’était vraiment inquiétant. Bay entendait des bruits sourds dans son dos. Elle accéléra le pas. Les femelles zargonnii faisaient sentir leur présence en appelant les mâles ; elles n’étaient pas ici pour s’amuser arrivées, vite expédié. Un bruit suspect retentit, Bay s’arrêta net ; une femelle zargonnii la dévisageait. La femelle semblait aussi abasourdie que Bay. Bay leva les yeux vers la créature de plus de deux mètres soixante-dix et retint sa respiration. Elle était immense. Mais, habituée à l’apparence des Zargonnii, Bay trouvait qu’elle était vraiment majestueuse et, bien que primitive, qu’elle n’en était pas moins superbe. 90 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire « Oh, vous êtes splendide, chuchota Bay. Vraiment magnifique. Pas étonnant que vos mâles soient si attirés par vous. » La femelle était très poilue, mais sa fourrure semblait moins épaisse que celle des mâles, elle ne portait aucun habit. Ses dents étaient plus grosses et elle n’avait aucun poil au visage, pas même l’unique sourcil. Sa longue crinière blanche s’animait sous la brise, flottant jusqu’à sa taille. Ses yeux rouges étincelaient, mais restaient d’une intensité mesurée, elle était simplement curieuse. Peut-être à cause de la pluie, la femelle zargonnii exhalait le parfum frais d’un vêtement propre sur une corde à linge. Bien qu’elle n’ait pas de poitrine, sa silhouette était harmonieuse, avec des hanches rondes et un buste large et presque bombé qui donnait l’impression qu’elle avait de beaux seins et des formes généreuses. Bay était emplie d’une crainte respectueuse. Dire que la magnificence de la femelle lui coupait le souffle était bien faible. Les deux femelles se dévisagèrent l’une l’autre. Enfin, la femelle zargonnii émit un grognement semblable à un rire et s’éloigna. Bay poussa un soupir de soulagement voilà qu’une question était résolue. Non, les femelles zargonnii ne la tueraient pas, elles n’avaient aucune raison de le faire. Davantage de grondements s’élevèrent sur sa gauche et Bay poussa un hurlement de terreur lorsqu’un mâle et une femelle zargonnii vinrent s’écraser dans la végétation. La femelle mesurait plus de deux mètres quarante ; le mâle faisait à peu près la même taille. Bay bondit derrière des branches noueuses, des racines éparses et de la vigne vierge. Elle regardait le couple se battre pour la domination. Ils semblaient tous deux de force égale et, si aucun ne gagnait, Bay savait qu’ils se sépareraient pour trouver quelqu’un d’autre avec qui s’accoupler. La bagarre était d’une brutalité sans nom. Bay avait trouvé Zane un peu rude la nuit dernière elle s’était vivement trompée. Le mâle et la femelle grondaient, mordaient 91 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire et se jetaient l’un sur l’autre dans une bataille dont l’issue semblait s’annoncer mortelle. Pas étonnant qu’elle ait tant émerveillé Zane par sa douceur. La femelle était implacable ; ses bras et ses griffes formaient un tourbillon ininterrompu. Elle plaqua le mâle sur le sol et le roua de coups jusqu’à ce que le mâle reste immobile. Sa taille diminua, il sortait de son mode combat. La femelle était sur lui et tous deux se mirent à gémir et à grogner. Bay ne put en regarder davantage. Toute la jungle semblait animée et sauvage. Zane lui avait expliqué que les femelles zargonnii gardaient habituellement les cyrons à l’écart. Mais tant que durait l’accouplement, ces bêtes massives échappaient à leur vigilance et les femelles devaient ensuite les combattre de retour dans leur domaine ainsi que les bangores. Bay entendit le faible cri d’un enfant apeuré et se précipita vers l’origine du bruit. Elle retrouva Draven, roulé en boule. Une bête telle qu’elle n’en avait jamais vue même dans ses pires cauchemars se trouvait bien trop près de l’enfant. Le monstre mesurait au bas mot trois mètres soixante de hauteur. De la bave verte coulait de sa gueule, et il dévoilait trois rangées de dents acérées sous un long museau sombre et plissé. Les longs poils noirs qui recouvraient son corps ondulaient au rythme de ses mouvements. Bay se dressa devant Draven, en espérant qu’il aurait le temps de s’échapper avant qu’elle ne se fasse dévorer. De la fumée jaillit de la gueule du cyron. Zane lui avait déjà décrit la créature dans ses moindres détails, et pourtant il n’avait pas su dépeindre sa férocité à sa juste valeur. Bay pouvait voir ses yeux blancs à travers ses poils, qui brillaient comme d’affreux tunnels sans fond. Trois longues cornes horizontales, chacune plus large que la précédente, sortaient de son front jusqu’à son museau, brillantes et sinistres. Les trois griffes pointues de ses pieds et de ses mains brûlaient. On aurait dit des braises incandescentes, un embrasement flamboyant de teintes bleues et rouges. Lorsque la créature toucha un arbre noueux, le tronc crépita et se consuma. Marqué 92 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire au fer rouge, le bois fumait comme sous d’atroces tortures. Draven l’appela, mais Bay se concentrait pour ne pas s’évanouir. Elle regardait la mort en face, et faisait son possible pour ne pas être lâche. Elle ne laisserait rien ni personne faire du mal à l’enfant qu’elle considérait comme le sien. Quand le cyron se mit à quatre pattes, prêt à attaquer, Draven hurla. Bay attrapa un bâton sur le sol de la jungle ; il se tortilla dans ses mains, et lorsque ses doigts se refermaient autour de lui, il se raidit. D’autres tirs jaillirent des trois cornes, comme si de petits volcans illuminaient le ciel. Une substance rouge coulait le long de son museau imberbe. La créature poussa un grondement sourd qui fit trembler le sol sous les pieds de Bay. Il chargea. Bay lança son arme de toutes ses forces ; elle savait que c’était le seul coup auquel elle avait droit et elle visa ses yeux. « Draven, cours », cria-t-elle. Le coup violent toucha sa cible ; la douleur du choc se répercuta dans ses bras et fit s’entrechoquer ses dents. L’attaque avait été brutale, et Bay tomba à terre sous l’effet du vent qu’elle avait soulevé. Hébétée, Bay resta bouche bée. Soudain, une femelle zargonnii se rua sur le cyron et entreprit de le déchiqueter avec ardeur. Bay se laissa tomber à la renverse, la bouche toujours grande ouverte. Le bâton qu’elle tenait était brisé ; ses fines échardes remuaient comme des vers grouillants. Le combat était féroce. La femelle zargonnii mesurait plus de deux mètres soixante-dix, ses griffes faisaient dix centimètres de long et ses crocs étaient si épais qu’ils lui empêchaient de fermer la bouche. Le cyron hurla de rage. Bay avait réussi à lui arracher un œil ; sa gueule crachait une lave liquide nauséabonde. La substance éclaboussa la femelle zargonnii sans lui faire de mal. Elle riposta en l’attrapant par une corne, qu’elle arracha pour s’en servir contre les deux autres défenses. Lorsque les cornes furent arrachées de sa tête, une substance jaune jaillit, qui macula les flancs de la créature. Le cyron abattit une 93 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire grosse patte griffue contre la poitrine de la Zargonnii, mais ne fit que lui emporter une touffe de poils. La femelle enfonça ses dents acérées dans le museau de la bête et en arracha la moitié. Le cyron l’envoya contre un arbre, mais elle revint à la charge et déchiqueta la créature de plus belle. Bay n’avait jamais rien vu d’aussi violent. Lorsque le cyron resta étendu dans une pulpe rouge de chair sanguinolente, raide mort, la femelle se retourna pour affronter Bay. Bay resta assise, immobile, atterrée. Draven se jeta dans les bras de Bay et essaya de se cacher. La femelle zargonnii s’ébroua alors de la tête aux pieds et reprit progressivement sa taille normale. Elle huma l’air et inclina la tête sur le côté. « Tu devrais être chez toi, mon garçon, fit la femelle zargonnii à Draven. Toi et ton animal de compagnie. » Bay était sidérée. Elle comprenait ses paroles graves et gutturales. Draven ne lui avait pas appris une langue qu’il avait inventée ; il lui avait appris la langue de sa mère. Draven leva les yeux vers la femelle. « Je te cherchais. » Une fois de plus, Bay resta sans voix ; cette femelle était la mère de Draven. Les membres de cette espèce avaient un sens troublant de la famille, même s’ils restaient séparés les uns des autres. « Parfois, un mâle vient chercher sa mère, répondit-elle. Mais ce doit être pour lui dire au revoir. Tu ne dois jamais sortir à nouveau dans la jungle en pleine saison d’accouplement, à moins que tu n’aies atteint ta maturité ce qui n’arrivera pas avant de nombreuses années, mon petit amour. — Mais je vais encore te perdre, et maintenant je suis en train de perdre Bay. — Qu’est-ce qu’une Bay ? — Euh, c’est moi, dit Bay, en se redressant. — Ton animal parle ! » C’était au tour de la Zargonnii de paraître abasourdie. 94 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire « Je ne suis pas un animal de compagnie ; je suis une femelle humaine. — Vos mâles humains doivent être de petits gringalets insignifiants », répondit-elle en toisant Bay ; son expression était à mi-chemin entre l’incrédulité et la pitié. Bay comprenait ce qu’elle voulait dire, elle partait du principe que les mâles humains étaient plus petits que Bay. Elle n’avait pas envie de la corriger. Elle se tourna plutôt vers Draven. « Je ne te quitterai pas, promit Bay. Ton père et moi allions te l’annoncer ce matin. Tu es ma famille, Draven. Je t’aime. Je ne vais nulle part. Je te le promets. — Tu le penses vraiment ? Draven avait l’air d’en douter. — Je ne te mentirai jamais ; je ne l’ai jamais fait depuis le premier jour où je t’ai rencontré. » Draven poussa un cri de joie avant de reprendre son sérieux. « Mais le Castien te veut, toi. — Et moi, c’est toi que je veux, dit Bay. — Et moi, je veux que vous quittiez la jungle tous les deux. » La femelle zargonnii semblait agacée. « Mon père est là ? demanda Draven. — Oui, et ton oncle. » Bay jeta un regard inquiet autour d’elle en se demandant comment elle allait ramener Draven à la maison sans encombre. « Nous devons rentrer, vite. C’est dangereux ici. — Je vais vous ramener à la maison tous les deux, et me mettre à la recherche de ton père, Draven, dit la Zargonnii. — Comment vous appelez-vous ? lui demanda Bay. — Vala. — Vala, Zane n’est pas ici pour s’accoupler, fit Bay, mal à l’aise. — Et bien vous feriez mieux que je le trouve avant que quelqu’un d’autre ne le fasse. » Pour Bay, ces mots avaient une connotation terriblement menaçante. 95 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire **** Zane entendait des bruits d’accouplement partout autour de lui ; il essayait de rester concentré, mais ce n’était pas chose aisée. Son cycle était à son apogée, surtout avec toutes les femelles zargonnii qui arrivaient. Leur présence envoyait des ondes de choc dans le domaine des mâles, mais grâce à Bay, il était capable de contrôler ses hormones. Il devait retrouver Draven ; l’air était lourd de peur, de désir et d’attente fébrile. Zane essaya de se concentrer sur l’odeur de peur qu’il percevait ; ce n’était pas un parfum normal en cette période de vacances. Ceux qui traînaient dehors le faisaient volontairement. L’odeur de peur était inhabituelle. Zane grimaça en découvrant le cadavre d’un cyron ; il était réduit en pièces il avait dû fâcher une femelle au plus haut point. Le parfum de peur était très fort là où Zane se tenait, mais il n’émanait pas du cyron mort ; ces créatures ne ressentaient aucune émotion. Hmm. Il s’enfonça encore plus loin dans la jungle, en appelant Draven. Zane pouvait sentir son fils, il s’était tenu ici même. Un grondement sourd attira son attention. Une femelle zargonnii tournait autour de lui. Zane conserva sa petite taille, en espérant que la femelle le trouve peu attrayant. Elle était belle et mesurait plus de deux mètres quarante, c’était une jeune, peut-être était-ce son premier accouplement. Elle le regardait comme s’il n’existait pas. Certaines jeunes étaient trop sûres d’elles et croyaient qu’elles pouvaient entreprendre un homme qui faisait presque leur taille, tandis que d’autres cherchaient une conquête facile. Zane était persuadé qu’elle le trouvait intéressant. La femelle le toisait distraitement, comme s’il n’était pas réel, et Zane commença à s’éloigner. La femelle hurla de rage. De toute évidence, elle croyait qu’il la rejetait, et Zane prit aussitôt conscience de son erreur. Il n’avait pas voulu l’insulter en la repoussant elle devait penser qu’il ne la croyait pas digne de lui. 96 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Elle s’approcha de lui ; Zane n’avait plus le choix. Il prit du volume et la bataille s’engagea. Les mâles et les femelles de leur espèce avaient une peau épaisse qu’il était presque impossible de pénétrer. Les griffes de la femelle étaient plus longues, ses dents plus tranchantes et elle était forte. À la seconde où la confrontation commença, il perçut la prudence de la femelle. Zane était extrêmement tendu. Il était à la recherche de son fils Bay était poursuivie par un Castien, et en pensant à eux et à son envie de les revoir, la puissance déferla dans son corps. La femelle intrépide respirait de plus en plus fort et luttait pour sa vie. Elle ne savait pas si Zane allait la tuer, d’autant plus qu’il s’était détourné d’elle. À présent, elle l’avait fâché. Zane se souvenait avoir été un peu brusque avec Bay ; c’était risible comparé à ce qui se déroulait en ce moment. Il tailladait la femelle et fit claquer sa tête sur le côté le coup aurait tué Bay. En pensant à quel point Bay était vulnérable sans lui, Zane sentit sa rage décuplée. Il souleva la femelle et l’abattit contre un arbre ; elle poussa un hurlement et Zane savait que ce qu’il sentait désormais était l’odeur de sa peur. Les coups, à présent effrénés et féroces, pleuvaient contre lui. Le combat s’achevait, et Zane cessa d’utiliser la force brute ; à la place, il employait ses muscles et sa puissance pour la soumettre. S’il continuait à la fracasser contre les arbres, il la tuerait dans sa rage. Elle était là à cause de son cycle ; il ne voulait pas la tuer ni la mutiler. La femelle trébucha et elle tomba à terre. Zane était au-dessus d’elle, la plaquant au sol. Il rugit en signe de victoire tandis que la femelle émettait des bruits inquiets en dessous. Zane avait réussi à dominer. La femelle attendait, poussant des cris angoissés, se demandant à quoi ressemblerait son premier accouplement pourtant, Zane était convaincu qu’elle ne s’était pas attendue à cela. Il la maintenait plaquée sous lui pendant quelques instants, le temps de reprendre son souffle ; elle se sentait pe97 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire tite, vulnérable, mais cela ne fit que lui rappeler Draven et accroître son envie de retrouver Bay et son fils. Zane n’avait pas l’intention de s’accoupler avec la femelle, tout ce dont il avait envie, c’était Bay. La femelle Zargonnii sembla profondément troublée lorsque Zane se releva. La femelle avait repris sa taille normale, et Zane semblait plus grand à côté d’elle. Des mots furent prononcés derrière lui et Zane fit volte-face. C’était la mère de Draven. Vala parla à la jeune femelle recroquevillée sur le sol. La femelle sembla surprise, puis elle hocha la tête. Elle se dégagea et une fois qu’elle fut sur pieds elle détala. Zane leva les mains, il était essoufflé et il savait que Vala le vaincrait s’il tentait quoi que ce soit. Vala pointa le doigt vers lui, les mots étaient inutiles car ils ne se comprenaient pas. Mais ce qu’elle dit le laissa sans voix. « Draven, Bay. » Zane suspendit son souffle, comment savait-elle ? Vala tendit à nouveau le doigt et prononça leurs noms une fois de plus. Une idée lui vint. Bay était venue chercher Draven, qui était parti à la recherche de sa mère. Sans nul doute, si Vala était ici, elle avait senti Draven et avait été attirée vers lui. L’image du cyron mort lui vint à l’esprit ne jamais chercher des noises à l’enfant d’une femelle zargonnii, femelle ou mâle, surtout si sa mère se trouve dans les parages. Vala tendit une nouvelle fois le doigt avant de s’éloigner. Elle n’avait pas l’intention de s’accoupler avec Zane, et Zane en fut soulagé. De toute évidence, Vala était plus soucieuse de la sécurité de son fils, et si Bay était dehors elle aussi… « Merde. » Zane s’enfuit en direction de chez lui. Si le Castien s’y trouvait, Vala ne l’aurait pas attaqué, étant donné qu’il n’en voulait pas à son fils. Le guerrier ne s’intéressait nullement à un enfant mâle zargonnii à moins que son petit Draven ne lui ait sauté dessus. L’idée était terrifiante. Zane était un guerrier fier ; il ne ferait pas de mal à un enfant mais cette 98 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire espèce était nouvelle pour eux, les Castiens ne sauraient peut-être pas que Draven n’était qu’un enfant. Et si le Tonien avait parlé à d’autres renégats de l’existence de Bay ? Elle pouvait courir un double danger. La peur que Zane ressentait se mua en rage et il fusa dans la jungle, survolant presque le sol touffu. Il rencontra une autre femelle, mais Zane fit claquer sa mâchoire dans sa direction, persuadé qu’il pouvait dévorer un cyron vivant. La force irradiait de lui, et elle recula. Les femelles s’appelaient les unes les autres et Zane se demanda si Vala avait demandé à ce que personne ne le touche. La prochaine femelle qu’il rencontra cherchait visiblement à dominer, et elle ne sembla pas prête à laisser tomber aussi facilement que la précédente. Les émotions de Zane bouillonnaient. Tuer une femelle zargonnii était extrêmement rare mais c’était déjà arrivé. Une puissance primitive et ancestrale déferla en lui ; il n’en avait jamais ressenti de telle, mais son besoin de protéger son enfant et sa compagne lui donnait une force incomparable. Cette pensée le stupéfia. Rempli de puissance, Zane bondit par-dessus la clôture de son arrière-cour et se précipita dans le miroir. Avec soulagement, Zane souleva Bay et Draven dans ses bras. Il était toujours plus grand qu’à l’accoutumée, et il les hissa bien au-dessus du sol. Blu entra, quelques instants plus tard. « Bon sang, c’est de la folie là dehors, se plaignit Blu. — Je t’avais dit de rester avec Bay », fit Zane en produisant un grognement sourd. Il reposa son fils et Bay à terre. « Avant, je croyais que c’était un animal de compagnie. Même si je sais maintenant que ce n’est pas le cas, mon neveu est plus important à mes yeux, se récria Blu. — Père, Bay a essayé de se mesurer à un cyron », fit Draven, tout enthousiaste. Zane frissonna. « Jusqu’à ce que le cycle se termine, personne ne quitte cette maison. — Mais le Castien… commença Blu. 99 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire — Ce foutu Castien peut attendre, ou bien venir ici, Blu. Je ne laisserai pas Bay ou Draven sortir de mon champ de vision. — Très bien, mais je reste ici jusqu’à ce que le cycle se termine. Je suis tombé sur une femelle qui devait mesurer deux mètres soixante-dix, Dieu merci, je ne l’intéressais pas. Elle m’a reniflé et a tendu le doigt vers ta maison, fit Blu avec contrariété. — Vala, murmura Bay. Elle nous a raccompagnés chez toi et nous a aidés à franchir la barrière. Elle était gentille et c’était très intéressant de discuter avec elle. — Tu lui as parlé ? s’exclamèrent Zane et Blu en chœur. — Oui, Draven m’a enseigné leur langue en même temps que la vôtre. Elle semble très brillante, elle a dit que ce serait son dernier accouplement elle espère avoir une fille. Pauvre créature, elle n’a eu que des garçons et a dû tous les abandonner. Elle a souffert pour chacun d’eux, mais m’a expliqué que les autres femelles ne toléreraient aucun enfant mâle près de leurs rejetons. Si un mâle se trouve à proximité d’une femelle, son cycle ne faiblit jamais, et les femelles zargonnii n’accomplissent rien. » Zane se renfrogna, un peu tracassé. « Que t’a encore raconté Vala ? — Oh, des choses et d’autres, fit Bay sur un ton évasif. — Nous allons avoir une longue conversation ce soir », fit Zane en prenant le menton de Bay dans sa main. 100 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Chapitre 9 Les vacances étaient terminées. Les choses étaient redevenues relativement normales si l’on pouvait qualifier ainsi le monde de Zane. Zane était resté tout près de Bay, mais il n’avait guère eu le temps de discuter ouvertement avec elle ; Blu et Draven étaient toujours sur leurs talons, ce qui ne gênait pas vraiment Bay. Elle appréciait beaucoup Blu, et elle aimait Draven de tout son cœur. À présent, l’heure était venue d’affronter ses peurs. Bay observait le guerrier castien qui se tenait à un mètre d’elle ; Zane ne l’avait pas laissé s’approcher davantage. Le guerrier ressemblait à un homme humain. Il était très beau, avec ses cheveux et ses yeux noirs. Il était aussi grand que Zane, mais son torse n’était pas aussi large ; il était pratiquement imberbe et n’avait pas de tétons. Bay savait que sous sa peau, il possédait une armure impénétrable. Le guerrier, au cours d’une bataille, était recouvert d’une cuirasse d’ébène qui le rendait presque indestructible. Comme pour les Toniens, des griffes poussaient au bout de ses pieds, ses doigts se changeaient en longues serres et des crocs surgissaient. La différence entre les Castiens et les Toniens était la couleur de leur armure et la queue que les Toniens avaient développée à force de mensonges. « Je veux rester ici, dit Bay fermement. — Il n’y a aucun danger sur ma planète ; je peux mieux te protéger », fit le Castien. Zane émit un grondement sourd et guttural, et Bay comprit qu’il prenait cette déclaration comme une pique quant à sa capacité à la garder en sécurité. 101 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire « J’ai été enlevée sur Onvra. J’ai été vendue comme animal de compagnie. Zane n’a laissé rien ni personne me faire du mal depuis que je suis sous sa protection. Je veux rester avec lui. » Le Castien huma l’air et, pendant un court instant, Bay se demanda s’il sentait une crainte en elle, de la malhonnêteté, de la coercition ou de la peur. Le Tonien savait toujours quand elle était effrayée, même si elle faisait semblant de ne pas l’être, et il aimait particulièrement la faire pleurer. Finalement, le Castien hocha la tête. « La femelle peut rester, dit le Castien, la mine déçue. — Les femelles humaines de l’univers ne vous appartiennent pas », fit Titus ; ses paroles étaient sévères. Bay avait été surprise que Titus insiste pour participer à la rencontre, mais elle avait assisté avec méfiance à l’arrivée d’un autre Castien dans la pièce, et Bay s’était souvenue que les Castiens apparaissaient toujours deux par deux. Les Toniens voyageaient seuls, c’était du moins l’expérience qu’elle avait eue de ces créatures. Peut-être Titus jugeait-il important de superviser les événements qui se déroulaient sur son vaisseau. « Les femelles humaines sont plus en sécurité avec nous, répondit le Castien. — Je ne laisserai pas un Castien me dicter ce que je dois faire, fit Titus en poussant un grognement. Je ne vous laisserai pas débarquer à chaque fois que mes guerriers trouveront une femelle. Autrement, nous débarquerons sur votre planète à chaque fois que vous en trouverez une. Je suis certain que nous pouvons soit nous rendre la vie impossible, soit trouver un arrangement commun. — À savoir ? demanda le Castien. — Trouvez vos propres femelles terriennes et nous trouverons les nôtres. Puis laissez-nous tranquilles avec les femelles que nous aurons trouvées. Sinon, nous vous déclarerons la guerre. » 102 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Titus prit du volume jusqu’à atteindre plus de deux mètres quarante de hauteur et la cuirasse du Castien se mit en place en claquant, ses deux longs crocs poussèrent, les serres de ses mains et les griffes de ses pieds brillèrent, tranchantes comme des rasoirs. Bay crut qu’elle allait vomir. Les deux espèces étaient vraiment terrifiantes à regarder. Ce serait sans nul doute une bataille sanglante. Les deux êtres puissants se dévisagèrent l’un l’autre, l’atmosphère était chargée d’agressivité. « D’accord, acquiesça le Castien. — Vous ne faites vraiment aucun mal aux femmes et aux enfants ? » se sentit obligée de demander Bay au Castien. Le Castien prit une profonde inspiration et son armure se résorba dans sa peau. « Un véritable guerrier ne ferait jamais de mal à une femelle ou à un enfant. — Le Tonien disait qu’il était un guerrier. Il m’a battue, m’a affamée, et il m’aurait tuée si le frère de Zane ne m’avait pas achetée. C’était l’être le plus cruel que j’aie jamais rencontré. Les guerriers zargonnii ne font pas de mal aux femelles, et s’occupent bien de leurs enfants. La haine est un mot si cruel, mais quand je pense à ce Tonien, c’est le seul terme qui me vient à l’esprit. Il hait et il est haï. — Les dissidents toniens sont aussi recherchés que les femelles pour les anéantir. Certains ont été adoucis en s’accouplant avec les femelles humaines, mais d’autres sont des tueurs pervers, que la soi-disant trahison de leur espèce a rendus encore plus cruels. Lorsque mon chef, Cobra, découvrira ce que le Tonien t’a fait, il lui réglera son compte. Nous ne le garderons pas prisonnier bien longtemps. « Ai-je mentionné que nous disposons de bassins d’eau curative ? Mon peuple peut te donner l’immortalité. » Bay eut un demi-sourire et passa son bras autour de Zane, qui l’attira contre lui. « Vivre pour toujours sans Zane, ce n’est pas vraiment vivre. — Voilà un guerrier chanceux », fit le Castien. 103 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire La rencontre était terminée. Zane conduisit Bay hors de la salle ; ils se trouvaient à bord du vaisseau de Titus. Tous les deux regardèrent à travers un hublot le vaisseau furtif du Castien disparaître presque instantanément. La vue était époustouflante et très impressionnante. « C’est fini, fit Bay avec un soupir de soulagement. — Oui, répondit Zane. — Bien. » Bay se tenait devant lui, toute tremblante. « Zane ? — Oui ? — Retiens-moi. » Les ténèbres contre lesquelles Bay luttait avaient fini par la submerger. Lorsque Bay se réveilla, elle se sentait tout étourdie. Zane progressait à grandes enjambées dans les couloirs du vaisseau en la tenant dans ses bras, pressée contre son torse. Chaque mâle zargonnii qu’ils croisaient grandissait aussitôt, ne faisant qu’effrayer Bay davantage. Mais qu’est-ce qu’il vient de se passer ? Elle se souvenait s’être évanouie. Elle se souvenait que Zane l’avait rattrapée dans ses bras. Sur les talons de Zane suivait Titus. « Pose-la ici. » C’était la voix de Finn. Zane installa Bay sur une table surélevée et dure. Elle essaya de se redresser mais Finn la repoussa doucement. « Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda Bay. — Tu es malade, dit Finn. — Non, je me sens bien maintenant ; j’ai juste eu un petit vertige. — Les femelles ne s’évanouissent pas comme ça, insista Finn. — Comment le sais-tu ? » demanda Bay. C’était une question légitime, elle n’était pas impolie et elle constata que Finn ne s’était pas vexé. « J’ai soigné une femelle zargonnii pendant un mois avant qu’elle meure, et parfois elle se sentait faible. Sa mort fut dévastatrice. La perte du bébé m’a anéanti. Je ne vais pas 104 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire te perdre toi aussi. » Finn semblait fébrile et Bay posa sa main sur la sienne. « Je ne vais pas mourir. Je ne me suis pas battue avec un cyron ; je ne suis pas blessée, je suis juste épuisée émotionnellement. Ça arrive aux femelles terriennes, vraiment je vais bien, je suis juste un peu gênée, fit Bay en essayant de rassurer les trois mâles qui se trouvaient dans la pièce. — Tu ne peux pas la laisser mourir, insista Titus. Beaucoup de guerriers veulent partir à la recherche de femelles terriennes, mais si Bay meurt, les Castiens croiront que nous sommes incapables de prendre soin d’elles et ils nous déclareront la guerre. — Je ne suis pas mourante, insista Bay. — Tu ne peux pas la laisser mourir, reprit Zane, tout aussi agité. Nous nous accouplons ; nous avons fait notre amour. — Pour l’amour du ciel, fit Bay, exaspérée. J’ai juste besoin d’un peu d’eau. Ce dernier mois et demi avait de quoi mettre les nerfs d’un saint en pelote. Sans parler du temps que j’ai passé à me cacher sur Onvra. Je suis surprise de ne pas me retrouver en camisole de force. » Finn tâtait son corps, jusqu’à ce que Bay finisse par devenir rouge pivoine. « Elle a changé de couleur, tonna Titus. Fais quelque chose ; elle doit brûler de l’intérieur. — Je ne brûle pas, je rougis. C’est fini, oui ? Bon sang, Finn. Aïe, Finn, pour l’amour du ciel, enlève tes mains de mes seins, s’écria Bay. Ça fait mal. » Bay repoussa ses mains baladeuses et passa un bras sur sa poitrine pour la protéger. Finn s’immobilisa. « Les seins de la femelle zargonnii avaient grossi lorsqu’elle est arrivée à terme, et ils étaient douloureux au toucher. — Qu’est-ce que tu dis ? s’exclama Bay. — Quand as-tu saigné pour la dernière fois ? » Bay restait interdite. Quand avait-elle eu ses règles pour la dernière fois ? Oh, mon Dieu. 105 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire « Tu veux dire que Zane et moi sommes à ce point compatibles ? » Bay n’en croyait pas ses oreilles. Elle n’avait jamais cru un instant pouvoir avoir un enfant avec Zane, ils étaient si différents. « Que se passe-t-il ? demandèrent Zane et Titus. — Je crois que Bay est enceinte, dit Finn. — Mais elle ne peut pas rester dans le domaine des femmes. » Zane semblait sous le choc. « Comment pouvonsnous l’emmener là-bas ? Elle est trop petite. Que faire ? — Mais, pourquoi est-ce que je ne resterais pas avec toi ? demanda Bay. — Parce que… parce que… » Zane regarda Titus, qui haussa les épaules. Il n’y avait aucune raison pour qu’elle parte. Bay voyait bien à en juger par l’expression de leurs visages qu’ils étaient embarrassés. Elle commençait à être inquiète. « Finn, si tu veux soigner les femelles humaines, tu ferais mieux d’apprendre dès maintenant. Je ne peux pas aller au domaine des femmes, et je ne peux pas accoucher toute seule. — Bay a raison. Si nous devons trouver d’autres femelles terriennes, elles seront sous notre responsabilité. Sinon, nous devrons toutes les rendre aux Castiens quand nous les trouverons, à commencer par Bay », dit Titus. Zane prit une profonde inspiration. « Je l’aiderai à accoucher de ce bébé moi-même s’il le faut. Bay m’a choisi moi, pas le Castien ; je ne la laisserai pas tomber. — Alors emmène-la dans ta chambre et veille à ce qu’elle se repose beaucoup », suggéra Finn. Il se tourna vers Titus. « Je crois qu’il est temps pour vos mercenaires de réaliser quelques négociations. Nous avons besoin d’obtenir des informations sur les femelles humaines. Et il nous les faut maintenant. » Titus hocha la tête. **** 106 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Bay était allongée. Elle regardait par le hublot du vaisseau, dans la cabine de Zane. L’obscurité extérieure l’hypnotisait singulièrement. Bay se souvenait avoir passé des heures à regarder par la vitre de la navette lors de son trajet vers Onvra, se demandant à quoi sa nouvelle vie allait ressembler. Ce n’était pas vraiment ce qu’elle s’était imaginé. Si quelqu’un lui avait dit qu’elle tomberait follement amoureuse d’une immense créature extraterrestre, elle aurait éclaté de rire. Elle passa sa main sur son ventre pendant un instant. Elle s’inquiétait de l’apparence qu’aurait le bébé. Deviendrait-il gigantesque à l’intérieur d’elle ? Quand elle l’avait demandé à Zane, il lui avait dit que les enfants zargonnii avaient la capacité de s’adapter à la taille de leur mère. Bay aurait tout le temps de songer à son dilemme. Blu surveillait Draven à la maison et comme le Castien avait voulu voir Bay, Titus avait décidé que Zane pouvait lui être utile sur cette nouvelle mission. Ils exploraient un marché potentiel avec une nouvelle espèce, mais cette espèce rencontrait des problèmes avec une race connue sous le nom de Gorgano. On disait que les Gorgano étaient de taille moyenne, qu’ils ne représentaient qu’une faible menace, mais qu’ils étaient néanmoins nuisibles. Zane avait inspecté toute la zone pendant les vacances, mais n’était pas parvenu à récolter suffisamment d’informations à propos de cette nouvelle espèce. Le chef des Zargonnii avait pesé le pour et le contre à propos du fait d’avoir une femelle à bord du vaisseau, mais le cycle des femelles zargonnii étant passé, le risque était minime. Maintenant que les guerriers savaient qu’elle était enceinte, ils étaient plus curieux qu’autre chose. Aucun mâle zargonnii n’avait déjà approché ni posé les yeux sur une femme enceinte ; c’était une nouveauté exceptionnelle. Zane entra dans la cabine et se déshabilla avant de grimper dans le lit avec elle. Il soupira et roula sur le dos. Les mains derrière la tête, il fixait le plafond. 107 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire « Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda Bay. — Finn ignore combien de temps va durer ta gestation. Une femelle zargonnii porte son bébé durant l’équivalent de douze mois terriens. Ça va être très dur pour moi de ne pas te toucher pendant tout ce temps. » Bay tendit la main vers lui et se mit à caresser son sexe dur. Zane gémit. « Bay. — Les femelles de la Terre portent leur enfant pendant neuf mois humains, à une ou deux semaines près, ce qui ne les empêche pas d’avoir des relations sexuelles. » Zane se tourna vers elle d’un air agacé. « Nous n’avons pas des relations sexuelles, nous faisons l’amour. Comment ne fais-tu pas la différence alors que tu portes un enfant ? L’amour que nous faisons a fait un bébé. — C’est vrai, fit Bay en soupirant ; elle ne pouvait rien opposer à cette logique. — Ça ferait mal au bébé si on faisait encore l’amour ? Il y a de la place dans ton ventre pour un autre ? » Bay cligna des yeux. « Hmm, Zane, je crois que je devrais t’expliquer une ou deux choses sur les cigognes. — Je sais ce que c’est, voyons ; nous avons des cigognes sur notre planète, tu sais. » Bay frissonna en se souvenant des oiseaux à tête de vautour qu’elle avait vus. « Je veux dire, maintenant que je suis enceinte, je ne tomberai pas à nouveau enceinte avant que ce bébé ait fini de se développer et sorte. » Zane sembla intéressé. Il commençait à être excité, car Bay ne cessait de le caresser. « Alors nous pouvons faire l’amour et le bébé ira bien ? — Tant que tu peux être doux. — On ne fabriquera pas d’autres bébés là-dedans à chaque fois ? » Bay serra les dents, en essayant de se souvenir que tout était nouveau pour lui. « Les femelles humaines n’ont pas de portées. Parfois, c’est une naissance multiple, mais tu ne 108 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire peux pas en créer de nouveaux une fois que la conception a eu lieu. — Les femelles sont tellement incroyables. » Zane prit la joue de Bay dans sa main et appuya ses lèvres contre les siennes. La langue de Bay se glissa dans sa bouche et se mit à caresser lascivement la sienne. L’autre main de Zane trouva un sein et le pressa précautionneusement. Bay grogna tendrement, Zane n’avait jamais été aussi doux. Elle pouvait sentir son long sexe plaqué contre son ventre et Bay eut une idée. Son érection était si grosse et épaisse qu’elle savait que, même s’il ne l’enfonçait pas en entier en elle, ce serait quand même merveilleux. Bay roula sur le côté et, de dos, se colla contre lui. Elle releva les jambes pour qu’ils se retrouvent emboîtés comme deux cuillères. Zane la chercha un instant, mais elle tendit la main derrière elle et le guida vers son foyer humide. Zane gémit lorsqu’elle souleva les fesses pour se rapprocher de lui et, centimètre par centimètre, il la pénétra lentement. Bay attira sa main devant elle et il entreprit un examen minutieux de son clitoris avec ses larges doigts. De son autre main, il lui pétrissait un sein. Bay empoigna les draps sous elle, il n’était pas moins imposant dans cette position et, avec son bras passé autour d’elle en une tendre étreinte, il contrôlait ses mouvements. Bientôt, ils se balançaient de haut en bas dans un rythme sensuel. Bay ne pouvait que serrer son avant-bras pour se cramponner. Ses grognements et ses gémissements laissèrent la place au roucoulement habituel qu’elle aimait tant. La mélodie envahit son esprit et s’empara de ses pensées ; elle était à l’abri et au chaud. Ce n’était pas la première fois que Bay se demandait si ce bruit était hypnotique et destiné à l’apaiser. Elle avait la sensation de ne pas avoir le choix de ne pas vouloir choisir et d’abandonner son corps à son étreinte rassurante. Zane se raidit et Bay sentit son humidité exploser en elle, elle jouit presque en même temps, et Zane continua de 109 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire se balancer contre elle. Il semblait comblé par cette position et Bay était bien décidée à trouver toutes les façons possibles de faire l’amour pendant sa grossesse. Zane était si costaud que son corps se refermait autour du sien comme une couverture d’acier. Sa semence rendit ses parois internes toutes glissantes et elle ne protesta pas lorsque Zane se retira, la retourna sur le dos, passa sa jambe autour de sa taille et s’enfonça plus profondément en elle. Presque tout le poids de Zane était supporté par ses mains et ses genoux, mais il était tout contre elle. Il se balançait tendrement et Bay poussa un cri en jouissant à nouveau. Son corps massif l’excitait terriblement, parfois Bay se sentait toute humide rien qu’en le regardant bouger. Sa puissance sauvage était un aphrodisiaque. Il retira son sexe et enfonça un doigt en elle, par curiosité. Il regarda son visage et sembla ravi de la voir se tortiller et remuer ainsi. Bay eut un nouvel orgasme et Zane replongea sa queue en elle après avoir ôté son doigt. « Fascinant », entendit Bay dans la pénombre de la pièce. Elle poussa un hurlement de panique, et l’alarme du vaisseau se mit en marche, rajoutant à sa terreur. Zane fut sur ses pieds en un clin d’œil et les lumières s’enclenchèrent. Bay hurla et crut qu’elle allait s’évanouir lorsqu’elle vit la créature debout dans la pièce avec eux. La bête de deux mètres quarante de hauteur était fine, d’une couleur grisâtre maladive et complètement imberbe. Elle était nue et ne semblait avoir aucun appareil génital. Le cou de la créature était extrêmement long, ce qui la rendait particulièrement grande. Des yeux ronds globuleux et orange les dévisageaient. Ses longs doigts fuselés battaient l’air, et ses grands pieds palmés comptaient huit orteils chacun. Bay ramassa une couverture et l’enroula autour de son corps frissonnant. Zane remonta son pantalon. « Mais bon sang, qui êtes-vous ? Et comment êtes-vous entrés ici à bord de ce vaisseau ? » Zane grondait de fureur. 110 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire « Tu es un Zargonnii, tu ne peux te battre que physiquement, intéressant et primaire. Tu seras un spécimen très prometteur. » La créature parlait zargonnii, mais Bay comprenait également en français les mots qui déferlaient dans son esprit. La créature n’avait pas de bouche et une seule fente verticale en lieu et place du nez. Deux trous noirs s’ouvraient et se refermaient au sommet de son crâne ; il n’y avait aucune oreille. Ses yeux inexpressifs semblaient rivés sur Bay. « Je n’ai jamais vu ce genre d’espèce. Je vais te ramener et t’étudier. Les autres Gorgano seront ravis de ma découverte. — Non. Zane, ne le laisse pas m’emmener. » Bay regardait Zane, horrifiée, en se demandant pourquoi il n’avait pas répondu aux paroles de la créature. Ce ne fut qu’à ce moment qu’il réagit. Zane se rua sur l’être, mais fut aussitôt projeté contre le mur ; la créature n’avait pas bougé. Bay se rua vers Zane, qui semblait suspendu. Il grondait et se débattait en essayant de se dégager de son assaillant invisible. L’être se tourna vers Bay et leva le bras. « Rejoins-moi, petite créature », ordonna-t-il. Une fois de plus, Bay perçut les mots en français dans son esprit. Elle sentit que son corps était forcé de se rapprocher de la créature. Zane continuait à donner des coups de griffes en direction de sa gorge. De terrifiée, Bay devint furieuse. Elle avait déjà été enlevée une fois. Combien de fois fallait-il se faire enlever avant d’en avoir terminé avec cette épreuve ? « Lâchez-moi. » L’être leva la main encore plus haut. « Tu vas venir avec moi. » Les mots tourbillonnaient dans son esprit et, comme l’être n’avait pas d’oreilles, Bay se demanda s’il entendait les bruits dans sa tête de la même façon qu’elle entendait sa voix. Bay plissa les paupières ; elle se concentra et, en pensée, elle cria aussi fort qu’elle le put : « Non. » 111 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire L’être chancela en arrière. Bay était abasourdie, elle sentait son esprit se connecter avec cette créature, non seulement avait-il envahi ses pensées mais à présent, c’était elle qui entrait en lui. Quelque chose de très étrange était en train de se produire entre l’extraterrestre et l’humaine. Bay sentit qu’il essayait de bloquer ses pensées en construisant un mur, mais Bay l’abattit. Elle se sentait toute puissante en pensée. Une énergie ancestrale avait envahi tout son être elle devenait un être. Bay était l’extraterrestre, l’extraterrestre était Bay. Bay regarda Zane, illuminée. « Arrête de te débattre et combats-le avec ton esprit. — Impossible, hurla Zane. — Bon sang », s’exclama Bay. Bay n’était pas sûre de la façon dont elle devait s’y prendre, mais lorsqu’elle leva le bras et fouetta l’air devant elle, la créature vacilla sans même avoir été touchée. Zane était enfin libéré du mur. La créature s’enfuit de la pièce. Dans les couloirs, c’était comme si les démons de l’enfer étaient lâchés. Les guerriers zargonnii étaient alignés contre le mur, suspendus. Il y avait au moins une dizaine de Gorgano debout devant eux, qui se contentaient de les observer. « Regarde cette petite créature. » Bay entendit ces mots en pensée, à nouveau en français, en zargonnii et, curieusement, dans la langue de la mère de Draven. On aurait dit que ces créatures pouvaient pénétrer son esprit dans toutes les langues qu’elle connaissait. « Nous devons emmener la petite créature et quelquesuns de ces Zargonnii pour mieux les étudier. » Bay concentra ses pensées sur l’être qui avait parlé ; il se tenait près de Titus qui, à plus de deux mètres cinquante de haut, se débattait en vain, cloué contre le mur. « Dégagez », gronda Bay. Elle concentra ses pensées sur la créature, et elle l’envoya soudain contre un mur, où elle atterrit avec fracas. Titus était libre ; il ramassa l’extraterrestre au sol et le projeta sur l’un de ses confrères. 112 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire « Le petit être rose nous attaque », hurla une créature. « Comment est-ce possible ? » s’époumona une autre. Un par un, les guerriers zargonnii glissèrent au bas des murs, tandis que Bay combattait de toutes ses forces à l’aide de son esprit. Les soldats zargonnii luttaient avec ardeur, mais Bay était trop petite pour se battre physiquement, de même que les nouvelles créatures grises. Ces dernières étaient grandes mais bien trop malingres pour affronter les Zargonnii volumineux. « La petite chose rose peut canaliser nos pensées, hurla mentalement un Gorgano. Tuez-la avant que nous ne soyons tous morts. » Deux Gorgano regardaient fixement Bay, qui serrait les poings. Elle commençait à avoir mal à la tête. De petits couteaux attaquaient ses pensées en les lacérant. Elle pouvait les visualiser. La douleur était lancinante. Dans la tête des Gorgano, Bay sentait ses pensées bouger à la vitesse de la lumière. C’était comme si son esprit était un ordinateur et qu’elle classait les informations. Bay était bombardée par des manœuvres et des tactiques de guerre. Elle était stupéfaite, ce n’était pas les Gorgano c’était Zane, qu’elle canalisait. Un guerrier chevronné occupait ses pensées, à moins que ce soit elle qui ait pénétré les siennes ? Son esprit bouillonnait, s’étendait. Bay se concentra sur la seule créature qui se tenait devant elle. Elle se ferma à Zane. Elle avait ce qu’elle cherchait, Bay visualisa une bombe nucléaire, qu’elle envoya dans l’esprit de la créature pour anéantir ses cellules. L’être gris se laissa tomber sur le sol, raide mort. L’autre créature à côté de lui hurla de détresse et prit la fuite. « Qu’es-tu donc ? entendit Bay, tandis que les autres êtres disparaissaient par un portail sombre du vaisseau. — Humaine. » Bay hurla les mots dans son esprit, projetant ses pensées dans toutes les directions. « Restez loin des Zargonnii ou vous mourrez. » Tandis que les êtres s’enfuyaient, Bay perçut une dernière pensée terrifiante, au moment où le portail se refermait. 113 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire « Tuez tous les humains avec lesquels nous entrerons en contact à l’avenir. » Puis, ils furent partis. Les guerriers restaient abasourdis et sonnés. « Mais qu’est-ce qu’il vient de se passer ? s’exclama Titus. — Je crois que Bay vient de nous sauver la mise, fit Zane, qui n’en croyait pas ses yeux. — Oh Zane, j’ai commis une terrible erreur », dit Bay, prise de panique. Elle se tourna vers lui et se jeta dans ses bras. « Ces créatures vont tuer les humains. Ma race est capable de battre ces créatures grâce à sa forme d’esprit. Je pouvais les entendre dans ma tête quand ils communiquaient les uns avec les autres. Et toi ? — J’entendais un bruit, mais c’était brouillé et je n’ai perçu que quelques mots, répondit-il. — J’ai tout entendu, dit Bay. Dans toutes les langues que je connaissais. Dans mon esprit j’ai vu qu’il te maintenait en l’air par la pensée ; j’ai appris comment riposter et je ne me suis même pas rendu compte que je l’apprenais. Les humains n’utilisent qu’une certaine partie de leur cerveau, mais je sens plus de choses en moi maintenant. C’est comme si des vannes s’étaient ouvertes. » Titus se dirigea vers elle et s’arrêta. « Peux-tu faire ce que ces créatures faisaient à présent qu’elles sont parties ? » Bay regarda Zane et se concentra. Zane ne bougea pas. Bay plissa les paupières et, de toute sa force, elle pensa à le pousser contre un mur. Zane vola en arrière, il ne pouvait pas bouger. Quelques secondes plus tard, Bay s’effondra sur le sol et Zane fut libéré. Il la prit dans ses bras. « Je suis trop fatiguée. Je n’ai pu suspendre Zane que pendant une seconde, mais ça m’a demandé trop d’énergie. — Je t’emmène au lit. » Zane avait la mine grave. « Attends », dit Bay à Zane, alors qu’il tournait les talons. Bay regarda Titus. « Je pouvais entendre ces créatures dans ma tête. Elles vous ont piégés pour entrer ici. Elles ras114 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire semblent des spécimens de différentes espèces pour apprendre des informations sur elles et trouver un moyen de conquérir l’univers, une galaxie à la fois. Mais je les ai prévenues : elles laisseront les Zargonnii en paix, mais en chemin j’ai sacrifié ma propre espèce. Titus, tu dois avertir tes alliés. S’ils ont des humains avec eux et qu’ils sont attaqués par ces êtres, un humain peut les arrêter. Ces créatures utilisent l’intégralité de leur esprit, mais un esprit humain est plus vaste, ils ont éveillé quelque chose en moi qui restait en sommeil ; je le sens, et j’ignore même comment je le sais. « Ces Gorgano sont désormais au courant de l’existence des humains ; ils ne prendront pas d’autres risques, et ils tueront d’abord, avant que d’autres humains apprennent ce que je sais. Il reste si peu d’entre nous. S’il te plaît, tu dois nous aider. — Je te le promets, Bay, dit Titus. Nous trouverons autant d’humains que possible et nous les préviendrons. » **** Bay était assise sur le lit, chez elle. Zane travaillait devant sa console, et il venait de découvrir une galaxie très éloignée mais suffisamment proche de la Terre pour obtenir des informations. Zane ne cherchait que des informations sur les survivants et les procédures médicales. Il s’était bien gardé d’évoquer l’incident des Gorgano. Les êtres qu’il avait contactés étaient familiers avec les créatures terrestres et avaient même sillonné leur planète à plusieurs reprises. Quand les tempêtes s’étaient levées, ils avaient ramené leur peuple chez eux. Ces êtres humanoïdes avancés avaient déclaré que les espèces terriennes étaient guerrières, ouvertes au changement, raisonnablement intelligentes, douées de la capacité d’apprendre, et extrêmement destructrices. À en juger par la silhouette frêle de Bay, Zane avait trouvé cette dernière assertion plutôt difficile à croire. Bien qu’elle ait à présent la capacité de le plaquer contre le mur, l’effort que lui demandait cet exploit était considérable. 115 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Finn avait testé les aptitudes de Bay à bord du vaisseau, mais elles étaient limitées. Sans l’aide des Gorgano pour canaliser ses pensées, Bay s’effondrait après quelques instants de concentration intense. Zane avait fini par taper du poing sur la table. Bay allait s’épuiser ; les expériences seraient suspendues jusqu’à la naissance du bébé. Puis on se demanda si le bébé serait lui aussi pourvu de ce don, ou si sa moitié zargonnii empêcherait la capacité de se développer. Les Zargonnii étaient intelligents ; mais ils étaient incapables de se faire à l’idée de combattre sans utiliser leur force physique. Les humanoïdes expliquèrent qu’ils avaient donné aux humains des moyens de transport pour les aider à fuir la Terre, après avoir réalisé que la planète était perdue, mais tous se disputèrent pour savoir qui partirait en premier, si bien que de nombreuses vies furent perdues. Certains humains se plaçaient nettement au-dessus des autres. Les humanoïdes acceptèrent de fournir des informations à la condition qu’on les laisse tranquilles. Leurs expériences avec un autre type de créature ne s’étaient pas révélées aussi stellaires qu’ils l’avaient espéré. Ils demandèrent néanmoins s’ils pouvaient échanger leurs informations contre Bay si elle portait un bébé zargonnii, les résultats seraient scientifiquement remarquables. Zane s’était renfrogné à cette idée et leur avait demandé d’aller quel terme employait Bay quand elle était en colère ? D’aller se faire voir ce devait être cela. Les humanoïdes avaient compris. Zane s’installa devant Bay et prit sa main dans les siennes. « Finn a les informations dont il a besoin. Le moment venu, tout ira bien. Apparemment, le médecin a déjà la plupart des médicaments qu’il te faudra, mais tu recevras des doses bien plus faibles. — Je ne suis pas inquiète. » Mais Zane voyait bien qu’elle l’était. Bay était inquiète à cause de la rencontre avec les Gorgano, elle s’inquiétait pour le bébé, et elle s’inquiétait pour les autres humains. 116 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Zane avait envie de lui changer les idées. « De quoi Vala et toi avez-vous parlé ? — De toi, de Draven et des mâles zargonnii. — Qu’a-t-elle dit ? — Vala aime profondément Draven ; elle serait prête à mourir pour le protéger, lui et tous ses fils », dit Bay. Zane se rendait compte qu’elle choisissait minutieusement ses mots. « Il y a longtemps, les femelles se sont séparées des mâles parce qu’à cause de leur proximité, le cycle des mâles ne faiblissait pas. Les mâles étaient de plus en plus frustrés car les femelles n’étaient pas en chaleur aussi souvent qu’ils l’auraient voulu, et il y avait beaucoup de conflits. Les femelles voyaient que les deux espèces avaient un fort potentiel, à condition qu’elles restent séparées. Vos femelles ne sont pas aussi barbares que vous le pensez. Un jour, elles maîtriseront les compétences nécessaires pour voler, mais pour l’instant, elles restent pour protéger le sexe faible. — Les mâles. — Oui, elles sentent que les créatures de cette planète sont plus dangereuses que toutes les autres espèces de la galaxie. Tu avais raison ; elles vous aiment et vous détestent. Le besoin de dominer des mâles et le besoin de dominer des femelles est ce qui vous maintient dans cette guerre perpétuelle. Aucun de vous n’est prêt à cohabiter respectueusement. Parce que tu sais que je ne pourrai jamais être plus forte que toi, tu restes calme. Le besoin de toujours lutter pour avoir le dessus dans tous les sens du terme n’est plus un problème. Je ne souhaite pas dominer qui que ce soit, et tant que tu es respectueux et attentionné, ce que nous faisons au lit nous satisfait tous les deux. « Ça brise le cœur de vos femelles d’abandonner leurs fils, Zane. Draven était aimé par Vala. J’imagine que ta mère t’aimait aussi. — Qui sait combien de femelles terriennes existent quelque part ? se demanda Zane. Et beaucoup de nos mâles 117 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire aiment devoir se battre pour s’accoupler ; même s’ils perdent, ils sont gagnants. — À moins que vos femelles ne portent un enfant femelle, elles ont l’impression de perdre. C’est ce qui les met en colère ; elles peuvent dominer, mais si elles ont un fils, elles sont perdantes au bout du compte. Car elles seront contraintes d’abandonner la chair de leur chair. J’ai pu voir la douleur de Vala quand elle a touché Draven une dernière fois. Ça m’a brisé le cœur. S’il y avait eu un moyen, elle l’aurait gardé. Peut-être est-ce ce que les femelles zargonnii donnent à leurs fils au cours du premier mois tout ce qu’elles ont. » Bay semblait extrêmement triste. « Tu n’auras pas à abandonner ton fils, se sentit-il obligé de dire. — Zane, cet enfant pourrait être une femelle. Et dans ce cas alors ? » L’idée sembla miner Zane. Il n’avait jamais songé à l’éventualité que l’enfant qu’elle portait puisse être une femelle. Il était d’une race de guerriers mâles mercenaires. Que feraient-ils avec une femelle massive élevée parmi eux ? Peut-être la femelle aurait-elle la capacité de combattre par la pensée. Jusqu’à ce qu’elle soit adulte, elle aurait besoin de la protection de ses parents. Bay ne pouvait pas protéger un bébé ; ce serait à Zane de le faire. L’idée était stupéfiante. Zane ne pouvait pas emmener l’enfant et la laisser pour que les femelles zargonnii la trouvent sa mère était ici avec lui. Zane serait responsable de trois vies. « Regrettes-tu que je sois restée ? demanda Bay à mivoix. — Non. — Tout va bien, Zane. Même sur Terre, un petit bébé peut faire paniquer. Les parents se demandent toujours s’ils sont prêts, et se perdent en suppositions. C’est juste un peu plus compliqué dans notre cas. » Zane était assis à côté d’elle et l’avait prise dans ses bras. Il se remémora la fierté qu’il avait ressentie la première 118 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire fois que Draven était passé en mode combat. Un enfant mâle mi-humain serait-il capable de se battre ? Une femelle humaine deviendrait-elle assez grande pour se défendre seule ? Bay était si petite, et si leur fille était aussi chétive ? Tant que l’enfant ne serait pas né, les inquiétudes ne cesseraient de croître. 119 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Chapitre 10 Bay se sentait comme un lion en cage. Elle regardait par la fenêtre de la pièce à vivre de leur maison, et ses pensées vagabondaient. Sa grossesse progressait normalement pour une humaine. Parfois, Zane l’emmenait à bord du vaisseau, quand il devait s’absenter. Il ne faisait confiance à personne pour la surveiller. Voyager à bord du vaisseau spatial était une expérience mitigée. Quand Bay avait commencé à se montrer en public, elle avait eu l’impression que son ventre appartenait à tout le monde. Chaque mâle zargonnii voulait toucher son ventre rond. Zane piquait alors une crise, si bien que tout le monde finissait par l’éviter. Un jour, à bord, Titus avait toqué à sa porte alors que Zane était en service. Derrière Titus se trouvaient quatre guerriers, tous immenses sans pour autant être en mode combat. Titus semblait un peu mal à l’aise mais il lui avait tout de même posé sa question, plein d’espoir. « C’est juste que nous n’avons jamais vu une femelle enceinte et les femelles zargonnii ne laissent que Finn s’approcher d’elles. Nous sommes tous curieux, Bay. » Titus se frottait les mains nerveusement. Bay s’écarta et leur fit signe d’entrer. Tout en agitant sa main d’un air exaspéré, elle enleva le vêtement qui lui entourait le haut du corps. Elle savait qu’elle finirait par devoir se montrer, quoi qu’en dise Zane. Elle pensait être en droit d’être agacée, et pourtant elle ne l’était pas tant que cela ; même sur Terre, les gens étaient curieux quand une femme était enceinte. Sous son vêtement supérieur, Bay portait une 120 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire brassière qui recouvrait ses seins et une jupe courte, ce qui laissait son ventre nu. Les « oh » et les « ah » fusèrent, comme à chaque fois qu’elle montrait son ventre. Titus se précipita devant les autres et posa délicatement sa main sur son ventre. Sa grande main était tiède et douce. Bay sentit le bébé donner un coup de pied Titus le sentit aussi. Un grand sourire illumina son visage. « Le bébé veut me combattre, de l’intérieur. Quel guerrier, affronter un soldat zargonnii avant même d’être sorti. — Laisse-moi le toucher », demanda Jax. Bay était habituée à ce guerrier, ainsi qu’à Thorn, qui attendait son tour impatiemment. Jax gloussa lorsqu’il sentit à son tour le bébé sursauter. Tous les guerriers eurent la confirmation qu’il y avait bien un bébé qui grandissait à l’intérieur de Bay, après l’avoir senti bouger. Bay considéra les choses de leur point de vue. Comme les guerriers n’avaient jamais vu de femelle enceinte, ils ignoraient que le bébé grandissait en même temps que la mère s’arrondissait. Ils s’étaient émerveillés du fait que Bay n’avait aucun pli sur le ventre qui, pourtant, réussissait à grossir. Bay avait été palpée par tous les guerriers du bateau. Titus les faisait entrer par petits groupes à chaque fois que Zane était en service. Bay était persuadée que Titus donnait à Zane des heures supplémentaires pour permettre à ses hommes d’aller la voir au moins une fois, tandis qu’il montait la garde comme si la vie de la jeune femme en dépendait à moins que ce ne soit sa vie à lui qui en dépende, car Zane était bien trop surprotecteur. Bay était certaine que le chef des Zargonnii ferait un merveilleux compagnon pour une femelle humaine. Titus s’était excusé au point d’en être gênant, en lui assurant que plus jamais il ne frapperait une femelle humaine sur le nez. De grands bras se refermèrent autour de Bay, tandis qu’elle contemplait l’arrière-cour, la tirant de ses rêveries. 121 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Draven était à l’école et visiblement, Zane avait fini son travail de la journée. Bay se blottit contre lui. « Et si on allait se promener ? » demanda-t-elle avec espoir. Zane l’avait emmenée en balade au début de sa grossesse, et Bay commençait à s’habituer à ce monde différent, étrange et surprenant. Les saisons sur cette planète étaient très singulières. Une saison en particulier était plus sombre que les autres ; elle venait de s’achever et Zane ne l’avait pas laissé sortir. Quelques cyrons risquaient d’échapper à la vigilance des femelles zargonnii dans le noir et, pendant cette période, Draven restait à la maison, sans école. Bay était ravie de l’avoir avec elle. Les Zargonnii faisaient peu de commerce à cette époque de l’année, à cause de l’irrégularité des trous noirs. Cette nouvelle saison qui venait de commencer semblait plus lumineuse, plus vivante. Zane lui avait expliqué que les créatures de la planète profitaient de la saison sombre pour s’accoupler ; leurs rejetons émergeaient ensuite de grottes ou de crevasses. Les couleurs pastel du ciel scintillaient de façon époustouflante. Les trois planètes qui flottaient dans le ciel étaient étranges. Elles tournaient en orbite autour de la planète zargonnii et elles étaient la cause de ces curieux changements de saison. « Est-ce très raisonnable dans ton état ? D’être par monts et par vaux ? — Il est recommandé pour les femmes enceintes de faire un peu d’exercice. » Zane semblait sceptique. « À vrai dire, on dirait plutôt que tu te dandines. » Bay fronça les sourcils en le regardant et Zane cligna des yeux, en réalisant qu’elle était énervée. « Nous n’avons pas à aller bien loin, et il y a toujours des curiosités que je n’ai pas encore vues, comme les nouveaux bébés des créatures dont tu parles, mais si je suis capable d’affronter un cyron, alors ça ira. 122 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire — Les cyrons ne peuvent pas passer quand les femelles sont dans leur domaine et que les planètes brillent ; les cyrons doivent passer devant elles pour arriver jusque chez nous ça n’arrivera pas avant les prochaines vacances, l’année prochaine. Les femelles zargonnii détestent la saison sombre ; ça les agace, et les cyrons qui se hasardent à franchir leurs lignes sont comme morts. — Et bien, je t’ai vu botter les fesses d’un bangore alors je ne m’inquiète pas trop. S’il te plaît, Zane. Je deviens folle à rester assise ici. » Zane la retourna dans ses bras et la regarda attentivement avant de hocher la tête. « Finn dit que l’exercice est bon dans une certaine mesure. Tu n’es pas pâle, juste un peu, euh, bon… allons nous promener. — Est-ce que tu allais me traiter de grosse ? — Non, non, pas grosse. — Si tu me traites encore une fois de grassouillette, ça va mal se passer. Tu sais, tu pourrais tout simplement me dire que j’ai de belles formes. — Pour ma défense, je n’ai jamais vu une femme enceinte, je n’avais pas idée que tu deviendrais aussi… — Grosse ? — Encore plus mignonne. Je te jure, je n’avais jamais vu un être prendre du volume et pourtant devenir encore plus vulnérable. Ça ne me paraît pas très équitable. — Pas grave. Ce sont les hormones. — As-tu besoin de plus de nourriture ? » Zane semblait méfiant. « Calme-toi. C’est normal pour une femme enceinte de manger plus. — Manger plus ? Tu veux dire manger tout », marmonna Zane dans sa barbe. Bay se retint de lui donner une gifle, elle se ferait plus mal qu’à lui. Bay prit Zane par la main et ils franchirent la porte d’entrée. De la brume s’enroula autour de leurs jambes, tel un chien reniflant leurs mollets, et Bay sourit, plongée dans 123 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire ses pensées. Le ciel pastel au-dessus de leurs têtes se mêlait à de gros trous noirs béants. Bay avait enfin compris qu’il s’agissait de trous noirs, ou de portails, permettant aux mercenaires de rejoindre leur destination rapidement après avoir saisi ses coordonnées. Un hurlement retentissant emplit l’air et Bay ne réduit pas son allure. La créature qui avait fait ce bruit mesurait une quinzaine de centimètres de haut, était couverte d’un duvet violet et avait une longue queue de singe. Zane lui assura qu’elle ne risquait rien. Il émit un cri retentissant pour donner le change, malgré la petite taille de la bête un peu comme Bay, plaisanta-t-il. Elle le frappa, puis gémit. Elle s’était fait mal à la main. Zane était en mode combat, comme à chaque fois qu’il la faisait sortir de chez eux. Ils croisaient quelques mâles zargonnii dans les bois, qui prenaient aussitôt leur volume de combat dès qu’ils réalisaient que Bay était dans le coin. Zane lui avait expliqué que les guerriers étaient en quelque sorte conscients les uns des autres. En mode combat, tous leurs sens étaient accrus et, parce que chaque guerrier dans les parages avait déjà au moins une fois senti bouger le ventre de Bay, ils étaient enclins à protéger son bébé à naître. Les branches d’arbre et les racines noueuses étaient d’un brun sombre et dégageaient une odeur d’humus. Bay aimait beaucoup sentir la terre sous ses pieds. Alors qu’ils étaient profondément enfoncés dans la jungle, Bay remarqua les grosses branches dont elle avait rêvé. Les couleurs du ciel dessinaient de curieux motifs en dansant entre le marron intense des arbres. Bay ôta son vêtement et se laissa tomber devant Zane. « Bay ? — Je croyais que tu avais envie d’essayer de nouveaux endroits, ainsi que de nouvelles positions », dit-elle innocemment, si ce n’est qu’elle était follement excitée et qu’elle mourait d’envie de poser ses mains sur lui. Zane regarda autour de lui. « Tu es sûre ? Je suis en mode combat. 124 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire — J’en suis sûre. » Bay en était plus que certaine, les hormones de sa grossesse étaient débridées et primitives, et elle se demandait si c’était à cause du bébé semi-zargonnii qui grandissait en elle. « Il pourrait y avoir d’autres guerriers là dehors. — Habituellement je ne suis pas exhibitionniste, mais je m’en moque. Peut-être que s’ils voient à quel point on peut s’amuser avec une femelle humaine, ils seront encore plus déterminés à protéger ceux de ma race. En plus, je ne vois personne. » Bay avait souvent fantasmé sur son grand guerrier zargonnii la prenant en plein cœur de la jungle sauvage. Zane allait dire quelque chose, mais il gémit en sentant ses lèvres se poser sur son énorme sexe qu’elle avait mis à découvert. À deux mains, elle le frotta jusqu’à ce qu’il soit long et dur. Zane bougeait ses hanches contre elle en un mouvement circulaire. « Bay, est-ce que tu réalises qu’après la naissance de cet enfant, je t’emmènerai ici et que nous ferons une folle chevauchée ? » Elle le lâcha. « J’espère bien. Je ne pense qu’à ça toi, moi, dehors, sans entraves, nous roulant bestialement sur le sol de la jungle en jouissant et en hurlant. Ton énorme queue me labourant pendant que je t’implore de continuer. — Merde, Bay. Tu connais toujours les mots à utiliser pour me rendre fou. » Zane l’aida à se relever et Bay posa ses mains sur la branche, repoussant la vigne vierge mouvante ; elle plia les coudes et inclina son corps en avant. Elle écarta les jambes tandis que Zane s’installait derrière elle. Bay ne pourrait pas le recevoir tout entier mais, étant donné sa taille, ce serait largement suffisant. Elle poussa un cri quand il la pénétra. Pendant toute la journée, elle avait pensé à ce que Zane allait lui faire, et elle était toute mouillée et prête à le recevoir. Les mains de Zane étaient sur ses hanches et la maintenaient en place tandis qu’il s’enfonçait et se retirait. 125 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire La tête de Bay retomba et elle laissa Zane l’emmener où elle voulait être. Le rythme lent de leur union n’en était pas moins délicieux, et quand il se mit à roucouler à son oreille, Bay se plaqua davantage contre lui. Les mains de Zane lui caressaient le dos, et ses doigts pétrissaient ses fesses. Un long bras s’enroula autour de sa taille pour maintenir son ventre et Zane attrapa la branche de l’arbre. Il la pénétrait de plus en plus fort. Bay criait et l’implorait de s’enfoncer davantage. Zane grondait en poussant des cris féroces, et Bay se demanda si c’était parce que d’autres créatures de la jungle s’étaient approchées pour regarder. Les créatures étaient inoffensives quand Bay se trouvait avec Zane ; elles n’oseraient pas le défier, surtout s’il était avec une femelle et s’il était visiblement parvenu à la dominer. Les mâles zargonnii en étaient bien plus dangereux. Bay adorait la sensation de sa fourrure qui frottait contre ses cuisses nues. Ses griffes étaient enfoncées dans la branche et il lacérait le bois. Zane avait toujours son pantalon mais il était baissé. Les chaussures de ses grands pieds s’enfonçaient de plus en plus dans la terre meuble à chaque coup qu’il donnait. Bay ne s’était pas trompée ; leur passion était intensifiée par les sons de la jungle sauvage qui résonnaient en stéréo autour d’eux. Zane était dans son élément primitif et était le mâle dominant ; elle était la femelle pleine de désir. Bay rebondissait contre Zane, qui roucoulait toujours. Ses ongles griffus empoignèrent une autre branche à côté de lui et, avec toute la force qu’il avait en lui, il l’arracha. Zane rugit en éjaculant, puis il se retira. Bay tressaillit. Elle était restée debout, les jambes écartées. De l’eau se déversa sur le sol de la jungle. « Bay, que se passe-t-il ? » s’exclama Zane, horrifié. Bay redressa lentement son corps épuisé ; elle se retourna et lui sourit. Elle avait espéré que les choses se termineraient ainsi. « C’est le moment d’avoir ce bébé. — Maintenant ? 126 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire — Maintenant, c’est un moment qui en vaut un autre, mon guerrier mercenaire. » Laissant les habits de Bay sur le sol de la jungle, Zane la prit dans ses bras et s’élança comme s’il avait un cyron à ses trousses. **** Zane regardait Bay dormir. Avoir assisté à un véritable accouchement donnait à Zane davantage de respect pour la population femelle. Voir une tête sortir par la petite ouverture qui s’élargissait pour s’accommoder était très instructif. Bay ne possédait même pas de plis lui permettant de s’étirer, tout venait d’elle. C’était Bay, le véritable guerrier. Ses cris de guerre pour expulser l’enfant avaient été impressionnants et, quand elle avait basculé dans sa langue maternelle, Zane avait été émerveillé par les mots étranges. Zane ne connaissait que quelques mots de français, comme elle les appelait, et il ne l’avait jamais entendu dire : « Putain de merde, qu’est-ce que ça fait mal », que voulait-elle dire par là ? C’était un mystère. Peut-être était-ce le rituel de certaines femelles humaines que d’accueillir ainsi leur nouveau-né. Finn s’était émerveillé devant le minuscule enfant. Il avait examiné ses parfaits petits doigts et orteils et s’était assuré que ses voies respiratoires étaient dégagées. Le médecin l’avait quittée avec réticence, mais Bay avait toujours besoin de lui. Zane grimaça en voyant tout ce sang rouge ; il y en avait beaucoup, mais Finn le rassura, il avait lu que c’était normal. Bay paraissait un peu trop pâle. Un cordon était relié au bébé, comme si Bay ne voulait pas le laisser partir. Quand Finn l’avait coupé et ainsi séparé la mère de l’enfant, Zane s’était senti désolé pour le bébé. Il s’était aussi senti un peu mal à l’aise, chose qu’il n’avouerait jamais à personne, même sous la torture. Mais si Finn ne l’avait pas prévenu, il aurait cru que l’on était en train de mutiler son enfant. Finn avait expliqué à Zane qu’il avait eu lui aussi un cordon ombilical. Zane en avait été stupéfait, mais bien sûr, après avoir cherché dans sa fourrure sous l’ovale sans poils 127 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire de son ventre, il avait trouvé un nombril. L’idée était sidérante. Il ne savait même pas que Draven en avait un. À un moment donné, Zane avait lui aussi été relié à sa mère ; Bay avait raison, Vala avait dû souffrir de la perte de ses fils. C’était triste pour elle, Zane ne pouvait imaginer sa vie sans Draven. Une fois que Finn lui eut tendu sa petite fille, Zane refusa de s’en séparer. L’enfant semblait si minuscule dans ses bras, il avait peur de la poser. Il ne pouvait se résoudre à l’exposer au vaste espace vide de la pièce. Elle était si vulnérable. Draven faisait trois fois sa taille la première fois que Zane l’avait découvert, et il l’avait déjà trouvé minuscule. Seul avec elle, Zane ressentait des émotions si intenses. Le bébé était nu, et pourtant il était au chaud à l’abri de ses bras aimants, blotti contre la fourrure de son torse. Elle avait deux sourcils parfaits comme sa mère, mais ceux du bébé formaient deux fines lignes blanches. Elle n’avait pas de poils, à l’exception de la quantité incroyable de cheveux noirs sur sa tête, qui descendaient jusqu’à ses épaules. De chaque côté de sa tête, deux mèches blanches d’un centimètre de largeur couraient jusqu’à la pointe de ses cheveux. Le bébé le dévisageait, de ses grands yeux surprenants. L’intérieur en était noir comme ceux de Bay elle appelait ça des pupilles , et était entouré d’un rouge intense. Elle était sans nul doute le plus bel enfant de l’univers. Elle… l’idée faillit assommer Zane. Les mères zargonnii gardaient les femelles de leur espèce avec elles ; sans les femelles, les mâles ne survivraient pas. Les femelles étaient plus fortes, elles leur offraient la meilleure des protections. Et si quelque chose cherchait à nuire à son enfant ? Mais aussitôt, une émotion sauvage s’empara de Zane. Son corps prit le volume de son mode combat. Il sentait que tout son corps grandissait et s’étirait, et pendant un instant il ressentit une certaine douleur ; c’était comme s’il éprouvait des élancements tandis que son corps prenait plus de volume qu’il n’en avait jamais eu. Zane se sentait plus fort que ja128 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire mais. Il se sentait plus fort que lorsqu’il se battait contre les femelles zargonnii et gagnait. Dix cyrons pouvaient bien envahir sa maison, Zane savait sans le moindre doute qu’il pourrait les tuer jusqu’au dernier. Pourquoi ? Comment ? Zane observa son bébé. Elle n’avait pas les plis caractéristiques des Zargonnii ; elle ne développerait jamais un mode combat. Ses ongles parfaits étaient noirs, peut-être grandiraient-ils, le temps le lui apprendrait. Elle n’avait pas de dents aucune. Elle était encore plus vulnérable que sa petite maman. « C’est aussi l’impression que j’en ai, dit Finn, et Zane remarqua qu’il était en train de le regarder avec curiosité. — Elle est sans défense. » Zane se dit qu’il devrait se sentir inquiet à ce sujet ; curieusement, ce n’était pas le cas. « Regarde-toi », dit Finn. Zane se demanda pourquoi Finn le regardait si bizarrement. Soudain, Finn entra en mode combat et Zane écarquilla les yeux, incrédule. Finn, mâle zargonnii déjà plutôt grand, était plus massif qu’il ne l’avait jamais vu, son corps avait changé comme s’il venait de faire une poussée de croissance. Zane se dirigea vers son miroir et en resta bouche bée. Lui aussi était désormais plus grand. Ses dents étaient plus grosses et plus tranchantes, ses griffes mesuraient cinq centimètres de plus ; il était aussi imposant que certaines femelles zargonnii. Quel guerrier je fais. Finn avait lui aussi pris du volume, mais il semblait ridiculement chétif comparé à Zane. Désormais, il n’était plus le guerrier de taille moyenne qu’il avait toujours été. Zane se tourna vers le médecin. « Que se passe-t-il ? — Je n’en suis pas certain. Sentir l’enfant femelle me rend terriblement protecteur, et pourtant ce n’est même pas la mienne. » Le médecin semblait lui aussi abasourdi. « Les femelles sont nécessaires à notre survie ; peut-être est-ce la raison pour laquelle leurs mères sont si imposantes. 129 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire — Je me demande ce que cela signifie pour notre planète, bredouilla Zane. — Je ne sais pas trop pour la planète dans son ensemble, mais dans notre zone, cela peut représenter un énorme changement. Chaque mâle zargonnii est conscient que cet enfant est une femelle ; je n’ai jamais été aussi conscient de la présence de mes camarades guerriers. Le rayon est large. Je sens aussi qu’un bangore qui s’était approché est en train de détaler de peur. Le pouvoir des phéromones protectrices des mâles remplit l’atmosphère. Ton bébé est avec sa mère, et elle reste avec sa mère. Bay ne peut pas la défendre sur cette planète comme nos femelles le peuvent. Ce qui signifie que c’est ton travail ; mais ta responsabilité est également ressentie par chaque mâle qui l’approche. « Ton bébé est un miracle, mon ami. Un vrai miracle. Tu réalises ce que ça signifie ? Si nos mâles s’accouplent avec des femelles humaines, nous deviendrons le sexe le plus fort ; nous le devons, pour protéger notre progéniture. Nous pouvons protéger nos nouveau-nés. — Qu’est-ce que cela signifie pour les femelles zargonnii ? — Je l’ignore. De nombreux mâles voudront une femelle humaine, mais beaucoup seront aussi attirés par le combat de l’accouplement. On ne peut pas s’accoupler avec une femelle humaine en la combattant, ça la tuerait. » Zane berça le bébé tout contre lui. « Elle ne peut pas s’accoupler en combattant, elle non plus. Elle est trop minuscule. » Le médecin eut un petit rire. « Ce n’est pas parce qu’elle n’a pas de plis qu’elle ne grandira pas. Nous tenons notre capacité à prendre du volume de nos mères ; la mère de cet enfant est humaine. » Finn s’approcha et passa son doigt sur la peau satinée du bébé. « Sa peau est comme celle de sa mère ; elle s’étirera en grandissant. 130 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire — Elle n’a pas de dents », dit Zane. Il fourra son doigt dans sa bouche pour sentir ses gencives. Le bébé s’y accrocha aussitôt et se mit à téter. « Peut-être que les femelles humaines naissent sans dents. Les seins de Bay semblent vulnérables. » Vrai. « J’ai peur de la poser. » Ce n’était pas exactement la vérité Zane n’avait aucune envie de la lâcher. « Au cours du premier mois de nos vies, les mères zargonnii ne posent jamais leurs enfants mâles. C’est trop dangereux. Tu te souviens de ton premier mois. C’est la raison pour laquelle la séparation d’avec nos mères est si traumatisante ; c’est la première fois que nous ne sommes plus dans leurs bras. — J’ai dormi avec Draven les deux premières années de sa vie. — Cet enfant grandira peut-être plus vite. D’après ce que Bay nous en a dit, la terre comprenait douze mois dans une année, et quatre saisons. Nous avons six saisons, qui comprennent chacune quatre mois. Alors pour chaque année zargonnii, on a deux années terrestres. — Je sais, d’abord j’ai cru que j’éprouvais des sentiments pour mon animal de compagnie, puis Bay m’a dit quel âge elle avait et j’ai cru que je m’étais accouplé avec un enfant jusqu’à ce qu’elle m’explique les différences entre nos saisons et nos notions du temps. J’étais mortifié. Même si j’ai cinquante-deux ans en âge humain, j’ai vingt-six ans en années zargonnii, et donc le même âge qu’elle. — Nous avons toujours beaucoup de choses à apprendre au sujet des femelles humaines. — Elle en vaut la peine », dit Zane tout en laissant son regard vagabonder de Bay à l’enfant. Bay se réveilla. Son regard se posa sur Zane et sur Finn. Elle sursauta. « Que se passe-t-il ? Qu’est-ce qui ne va pas ? Pourquoi êtes-vous tous les deux prêts pour la bataille, quel131 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire qu’un nous attaque ? Zane, tu es immense, je veux dire plus immense que d’habitude. — Tout va bien. » Zane s’empressa de la rassurer. Zane alla s’asseoir près de Bay sur le lit. Elle tendit les bras vers sa fille et Zane fut à peine capable de la lâcher. Il s’installa encore plus près d’elles. « Avoir un bébé femelle a influé sur mon mode combat, il s’est démultiplié celui de Finn aussi, et c’est le cas pour tous les autres mâles zargonnii à des kilomètres à la ronde. — Pourquoi ? — Parce que le bébé dépend de nous en tant que communauté pour le protéger. Nous sommes des guerriers ; nous combattons ensemble et pourtant nous vivons seuls. C’est comme si nous étions entrés dans la plus grande bataille de nos vies », expliqua Finn à Bay. Le bébé produisit un petit bruit et se tordit le cou en direction de sa mère. Bay la souleva jusqu’à son sein et l’enfant s’y accrocha. Finn observa, complètement hypnotisé, jusqu’à ce que Zane le regarde en fronçant le sourcil. Avec un sourire penaud, Finn sortit. « Elle a une sacrée poigne, marmonna Bay. — Et aucune dent », fit Zane d’un air inquiet. Lui aussi observait, rempli d’émerveillement. Il n’avait jamais vu un bébé téter. Les petits bruits de succion et de déglutition étaient comme un murmure de vie. Bay rit tout bas. « Les bébés humains naissent, normalement, sans dents. Elles poussent au bout de quelques mois. » Zane se sentit soulagé ; Draven avait déjà des dents quand il l’avait trouvé. « Elle est magnifique. » Il passa sa grande main sur le front de sa fille. « Comment vas-tu l’appeler ? — Pourquoi ne lui donnes-tu pas un nom, toi ? proposa Bay. — Moi ? — Bien sûr, pourquoi pas. Elle est aussi à toi. » 132 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Zane resta un instant assis, à réfléchir. Jamais il n’avait songé qu’il aurait un jour à donner un nom à un enfant femelle ; il n’avait jamais pensé devoir s’occuper de sa propre petite fille. Il était déjà amoureux du minuscule bébé. Une fois de plus, Zane était émerveillé ; Bay et lui avaient réellement fait l’amour et un petit être en était né. Il la regardait. « Luna. — Luna, répéta Bay, rêveuse. J’aime ce nom. — C’était le nom de ma mère. — Ça signifie lune. » Zane sourit d’un air taquin. « Et bien, elle est aussi importante qu’une planète à mes yeux. » Draven passa la tête dans l’entrebâillement de la porte. « Je peux entrer ? — Viens rencontrer ta petite sœur », dit Bay. Le bébé avait fini de téter et était profondément endormi. Draven s’approcha de lui à pas mesurés. Zane comprenait son hésitation ; les mâles n’étaient pas censés s’approcher des bébés femelles. Cela signifiait une mort certaine ; il était instinctif chez eux de garder leurs distances. Mais dans son innocence d’enfant, il était trop curieux ; c’était l’une des raisons pour lesquelles il était plus raisonnable pour les mâles de rester à l’écart des femelles la curiosité. Draven grimpa sur le lit ; il sembla sidéré lorsque Bay l’attira contre elle et l’invita à prendre Luna dans ses bras. Zane les regardait avec inquiétude ; Draven ne ferait jamais de mal au bébé, mais il se posait la question… Draven souleva la petite femelle dans ses bras, contre sa fourrure. À l’instar de Zane, le garçon se mit à prendre du volume. Draven était déjà costaud, mais Zane était impressionné. Bay aussi. Ce n’était pas une poussée de croissance normale pour son fils ; ce nouveau mode combat de guerrier était excessivement puissant pour un si jeune enfant. « Et bien, Seigneur, c’est ce qu’on appelle un grand frère, dit Bay. 133 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire — J’ai l’impression que je pourrais battre un cyron ! » Draven examina ses longs ongles noirs pendant quelques secondes avant de reporter son attention sur sa petite sœur. Zane se demanda si Draven pourrait réellement affronter un cyron. Un guerrier pouvait flairer la taille de son adversaire et, bien qu’il ne soit qu’un enfant, Draven ferait un formidable combattant. Luna semblait avoir le même effet sur les mâles, quel que soit leur âge. Le village de Zane n’aurait plus besoin de la protection des femelles zargonnii. Zane tendit la main pour prendre Luna, et pendant un moment, Draven ne sembla pas disposé à la lâcher. Zane ricana ; de toute évidence, cette petite femelle passerait tout son premier mois dans les bras des uns et des autres, peut-être même plus longtemps. Finn revint dans la chambre ; son expression était à michemin entre l’agacement et l’amusement. « Il y a une file de guerriers mâles dehors, qui veulent voir un bébé femelle zargonnii pour la première fois de leurs vies. — Elle est à moitié zargonnii, rectifia Bay. Et elle est en train de dormir. Dis aux guerriers qu’ils auront beaucoup d’autres occasions de lui rendre visite la semaine prochaine et un à la fois. — Très bien, mais il leur faut quelque chose un nom, peut-être ? — Dis-leur que son nom est Luna, dit Zane avec fierté, et propose-leur d’aller dans l’arrière-cour, je la leur montrerai par la fenêtre. » Bay haussa un sourcil. « Bay, je sais qu’elle n’est âgée que de quelques minutes, mais si je me trouvais dehors en ressentant ce que je ressens, ça me tuerait de ne même pas voir ce que toutes les fibres de mon corps m’ordonnent de protéger. — Alors enroule-la dans une couverture. » Zane enveloppa Luna dans une couverture chaude et, aux côtés de Draven, il se dirigea vers la fenêtre. Porter un nouveau-né était quelque chose qu’aucun mâle zargonnii n’aurait jamais cru pouvoir faire un jour, et il y eut un soupir 134 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire collectif de la part des guerriers lorsque Zane souleva Luna pour qu’ils puissent admirer son petit visage. Quand Zane ôta la couverture, chaque mâle dans l’arrière-cour prit du volume jusqu’à atteindre une taille considérable, si bien qu’ils se trouvèrent trop nombreux pour le petit espace et que certains furent éjectés par-dessus la barrière. Les puissantes phéromones protectrices des mâles flottaient dans l’air. C’était un nouveau départ pour leur espèce. Luna commença à gigoter dans l’air frais, et Zane l’approcha de son torse chaud. Il poussa un soupir de satisfaction. Finn arriva derrière lui et lui donna une tape dans le dos. « Titus a appris ce qui vient de se passer, dit Finn en riant. Je me demande si Bay a envie de voyager. Si chaque guerrier prend du volume dès qu’il sent l’odeur d’un enfant femelle qu’il doit protéger, nous serons invincibles. — Tu ne te demandes pas si c’est la raison pour laquelle nos femelles gardent nos filles loin de nous ? demanda Zane. Tu crois qu’elles savent que nous deviendrions aussi protecteurs et dangereux ? — C’est une idée. Je me suis toujours dit que c’était parce que les femelles deviennent si grandes qu’elles doivent nous protéger du danger qu’elles représentent. Peut-être que c’est sa moitié humaine qui provoque ce comportement chez les mâles. — J’ai peur d’avoir des fils avec Bay, avoua Zane. Et s’ils naissaient comme Luna sans défense et vulnérables ; s’ils ne pouvaient pas se développer en mode combat ? Tu l’as dit toi-même ; nous devons notre mode combat à nos mères. Et s’il ne devenait jamais assez fort pour être un guerrier ? » Finn prit un air pensif. « C’est délicat, mais peut-être les mâles mi-zargonnii mi-humains obtiendront-ils leurs aptitudes au combat de leurs pères. Nous l’apprendrons avec le temps, mon ami. Seul le temps nous le dira. » 135 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire Zane se retourna et se dirigea vers la chambre. Bay dormait à poings fermés et Zane se glissa à côté d’elle. Draven se blottit contre son père, et Zane passa son bras autour de son fils. Les pensées se bousculaient dans l’esprit de Zane, il les tournait et retournait sans cesse. Il allait leur falloir un endroit séparé pour Luna. Elle ne pourrait pas aller à l’école avec Draven chaque mâle de la classe serait constamment en mode combat. Pourtant, Zane avait désormais repris sa taille habituelle quoique légèrement supérieure à la normale. Il se demanda ce que Bay en penserait ; elle le trouvait déjà immense. Draven avait lui aussi quitté son mode combat, mais de toute façon le jeune garçon ne pouvait pas garder sa grande taille très longtemps. Zane ne pensait pas que Luna ait à craindre quoi que ce soit des femelles zargonnii ; elle n’était pas des leurs, et elles ne devraient pas être en mesure de déceler sa présence. Un petit bruit se fit entendre et Zane bondit sur ses pieds, en mode combat, confiant de sa nouvelle taille. Blu, en mode combat lui aussi, avait le sourire jusqu’aux oreilles lorsqu’il entra dans la chambre. « Je suis passé dire au revoir », dit Blu en s’avançant. Blu était un frère, et pourtant, Zane n’était pas sûr de vouloir qu’un mâle s’approche de son bébé, à l’exception de Draven. « Titus a décidé de fouiller les autres planètes à la recherche des femelles terriennes survivantes. Ce n’est pas juste que les Castiens soient les seuls à s’amuser. » Blu se rapprocha jusqu’à ce que l’enfant se trouve à portée de main. Il regarda Luna et sourit. « Elle est si petite. » Zane se crispa lorsque Blu passa son doigt sur le petit bras du bébé, puis il se détendit. « Tu pourras la prendre la prochaine fois que tu viendras ; pour le moment, c’est déjà suffisamment difficile pour moi de laisser Draven et sa mère la tenir. — Je comprends pourquoi, marmonna Blu. Tu tiens une femelle, un vrai bébé femelle dans tes bras. C’est incroyable. 136 Un Autre Monde Tome 1 : Le Mercenaire — C’est fabuleux, avoua Zane. T’étais-tu imaginé en m’offrant un petit animal de compagnie femelle que nous en arriverions à cela ? — À changer la vie de tout un peuple ? Non. À l’époque, j’essayais juste de me débarrasser de Bay et j’espérais en même temps te remonter le moral. » Luna s’agita à nouveau en produisant un petit miaulement. Zane et Blu se mirent aussitôt à roucouler pour elle. Luna se tourna pour regarder son oncle et son père. À la grande surprise des deux mâles, le bébé imita leur roucoulement. C’était certes un son très faible, mais tout de même. Zane le trouvait étrangement apaisant. « Je me demande si tous les bébés femelles font ça, chuchota Blu. — Je me demande ce qu’elle sait faire d’autre. » Zane souriait à sa fille. Comme l’avait dit le médecin seul le temps le lui apprendrait. Zane avait le temps, son bébé restait avec sa famille toute sa famille. 137 À PROPOS DE L’AUTEURE C. L. Scholey appelez-moi Connie ! C’est formidable de pouvoir travailler avec de si bons éditeurs et de poursuivre mes rêves d’écriture. Quand je n’écris pas, je m’occupe de mes enfants, de mon mari et des animaux de la famille, un dragon barbu et notre nouveau venu, un chiot mastiff appelé Aramis, d’après les Trois Mousquetaires. Je travaille beaucoup trop, comme toujours, mais je profite de chaque seconde. N’hésitez pas à me contacter à [email protected]. Consultez mon site www.clscholey.com ou rejoignez-moi sur Twitter et Facebook. J’ai hâte d’avoir de vos nouvelles. Pour plus de plaisirs de lecture, nous vous invitons à consulter notre boutique en ligne TORRID BOOKS www.torridbooks.com