à partir des origines de cousteau

Transcription

à partir des origines de cousteau
NUMÉRO 03
NUMÉRO 03
BLANCPAIN. UNE TRADITION D’INNOVATION. DEPUIS 1735.
À PARTIR DES
ORIGINES DE
COUSTEAU
Cage du tourbillon volant,
composée de 52 pièces
2007/2008
La Manufacture Blancpain présente un contraste inédit entre la virtuose construction aérienne
de son tourbillon volant et le style sportif de sa légendaire montre de plongée Fifty Fathoms.
Etanche à 300 mètres, le « Tourbillon Fifty Fathoms » (réf. 5025-3630-52) est doté d’un fond
saphir dévoilant une masse oscillante ciselée à la main et créée spécialement pour ce modèle.
La nouvelle édition 2007 de la Fifty Fathoms
LE CHRONOGRAPHE
DE MICHEL-ANGE
Comment Blancpain
Blancpain aa réinventé
réinventé
Comment
le
concept
du
chronographe
le concept du chronographe
GRUYÈRE AOC
Une force de la nature
2007/2008
ÉDITORIAL
| 01
CHER AMATEUR D´HORLOGERIE,
Voici le troisième numéro de Lettres du Brassus qui consacre une large place à la
nouvelle collection Fifty Fathoms, dévoilée lors de la foire Baselworld 2007. Nos horlogers et
nos designers ont minutieusement repensé chacun des
composants de la Fifty Fathoms pour donner naissance à une
famille de montres que vous découvrirez dans ces pages.
À l'évidence, la présentation de ces garde-temps de légende
ne serait pas complète si elle n'incluait pas une rétrospective
historique consacrée aux premières Fifty Fathoms. Des réalisations horlogères d'avant-garde qui ont défini les critères
des montres de plongée dès leur lancement en 1953. La dernière version de la Fifty Fathoms
est animée par le tout nouveau calibre 1315, le second mouvement de base inédit présenté
par la Manufacture en sept mois et qui reflète parfaitement le profond attachement
de Blancpain à l'excellence technique de ses réalisations. Prenez plaisir à lire ce numéro
et n'oubliez pas de jeter un coup d'œil à notre nouveau site Internet, comprenant des
animations spéciales qui complètent et illustrent notre article sur les Fifty Fathoms.
J'espère que vous apprécierez ce troisième numéro !
Marc A. Hayek
Président et CEO Blancpain
A
LA
UNE
À PARTIR DES ORIGINES
DE COUSTEAU
LA NOUVELLE COLLECTION
FIFTY FATHOMS
10
LE CHRONOGRAPHE
DE MICHEL-ANGE
L'EMBRAYAGE VERTICAL
RÉVOLUTIONNAIRE DE BLANCPAIN
30
GRUYÈRE AOC
UNE FORCE DE LA NATURE
38
VINS DE CLIMATS CHAUDS
UNE DÉGUSTATION DE
VINS FRANÇAIS, ITALIENS
ET CALIFORNIENS
64
02 | 03
SOMMAIRE
D A N S L’ A I R D U T E M P S
L’HISTOIRE DE LA FIFTY FATHOMS page 04
D A N S L’ A I R D U T E M P S
À PARTIR DES ORIGINES
DE COUSTEAU page 10
GROS PLAN
SALUT L’ARTISTE ! page 22
D A N S L’ A I R D U T E M P S
LE CHRONOGRAPHE
DE MICHEL-ANGE page 30
ART DE VIVRE
GRUYÈRE AOC :
UNE FORCE DE LA NATURE page 38
ART DE VIVRE
DE L’OPÉRA AU PHILHARMONIQUE page 48
ART DE VIVRE
LES PLAISIRS DE LA VIE EN SUISSE page 56
ART DE VIVRE
VINS DE CLIMATS CHAUDS page 64
D A N S L’ A I R D U T E M P S
HISTOIRES COURTES 2007 page 76
NOUVELLES
MORCEAUX CHOISIS
DE L’UNIVERS BLANCPAIN page 80
IMPRESSUM page 84
EN COUVERTURE :
La nouvelle Fifty Fathoms Automatique
Photo d'Andreas Koschate
D A N S L’ A I R D U T E M P S
L’HISTOIRE DE LA
FIFTY FATHOMS
PAR JEFFREY S. KINGSTON
C
omment Blancpain a-t-il créé la Fifty
ment périlleuses. Peu de temps après la fin
plongée (et ne pas dépasser la durée de la
Fathoms, qui s’est propulsée presque
de la Seconde Guerre mondiale, à l’initiative
réserve en oxygène). Une autre caractéristi-
aussitôt au rang d’icône et a défini depuis
de deux héros des Forces françaises libres, le
que de ces garde-temps spécialisés résidait
lors les caractéristiques des montres de plon-
capitaine Robert « Bob » Maloubier et le
dans leur capacité à chronométrer le temps
gée pour l’ensemble de l’industrie horlogère ?
lieutenant Claude Riffaud, l’armée française
nécessaire afin d’atteindre des objectifs de
A l’instar des plus grandes réussites, la Fifty
fonde l’unité des Nageurs de combat, pro-
navigation. Après avoir longuement testé les
Fathoms est le résultat d’une passion. En ce
bablement son groupe le plus secret. La mis-
montres alors disponibles sur le marché,
cas, celle de Jean-Jacques Fiechter, PDG de
sion de ce corps d’élite consistait à conduire
Maloubier et Riffaud parvinrent à la conclu-
Blancpain de 1950 à 1980. Comme il était
des activités d’espionnage sous-marin ainsi
sion qu’aucune d’entre elles n’était à la hau-
lui-même plongeur, la création d’une mon-
que de mener à bien des actes de sabotage
teur de la tâche. Ils entrèrent alors en contact
tre aux performances sous-marines excep-
tels que destructions de navires, attaques de
avec M. Fiechter. Plongeur et passionné par le
tionnelles représentait bien davantage que
ports, autant de hauts faits réalisés par des
monde sous-marin, il ne fut pas long à
l’habituel lancement d’un nouveau produit -
hommes-grenouilles qui œuvraient le plus
convaincre. Blancpain accepta rapidement de
en l’occurrence, l’opportunité de réunir deux
souvent de nuit.
mettre au point ce garde-temps particulier
aspects essentiels de son existence, l’horlo-
En plus des bouteilles, des détendeurs, des
destiné à l’École des Nageurs de combat, pla-
gerie et la mer. Ainsi, au moment où l’armée
masques, des palmes et des combinaisons,
cée sous le commandement de Maloubier et
française l’a contacté, il a compris qu’elle lui
Maloubier et Riffaud ont saisi l’importance
de Riffaud.
apportait le projet qu’il attendait depuis
de disposer de trois instruments robustes et
Robert Maloubier décrit ainsi sa première
longtemps.
fiables: la montre de plongée, la boussole et
rencontre avec Blancpain: « Finalement, une
Même si les montres de plongée rencon-
le profondimètre. La montre de plongée
petite entreprise horlogère, Blancpain,
trent de nos jours un engouement qui
revêtait une signification particulière pour de
accepta de développer notre projet qui pré-
s’étend bien au-delà du cercle des explora-
nombreuses
qui
voyait une montre avec un cadran noir, de
teurs des fonds sous-marins, leur origine
entraient dans leurs attributions, en premier
grands chiffres et des indications claires sous
remonte à des utilisations militaires réelle-
lieu naturellement pour mesurer le temps de
la forme de triangles, cercles et carrés ainsi
missions
essentielles
1953
1953
1953
1953-55
1953-55
Premier modèle de la Fifty
Fathoms. Diamètre 42 mm.
Modèle LIP Fifty Fathoms.
Modèle LIP Fifty Fathoms.
Diamètre 41 mm.
Modèle LIP Fifty Fathoms
avec indicateur d’humidité
sur le cadran.
Modèle très rare de
l’École française des
Nageurs de combat.
04 | 05
Le président John F. Kennedy rencontre les US Navy Seals, équipés de Fifty Fathoms « Tornek Rayville ».
« Bob » Maloubier vers 1955, avec sa Fifty Fathoms.
D A N S L’ A I R D U T E M P S
qu’une lunette extérieure pivotante qui
reprenait les repères du cadran. Nous souhaitions au début d’une plongée être en mesure
de positionner la lunette en regard de la
grande aiguille des minutes afin d’indiquer le
temps restant. Nous voulions enfin que chacun des repères soit aussi évident qu’une
étoile pour un berger ».
Jean-Jacques Fiechter, plongeur expérimenté, avait également ses propres idées. En
premier lieu, il décida que la lunette tournante dotée des spécifications indiquées
devait connaître un perfectionnement essentiel et ne pouvoir tourner que dans une seule
direction. Ainsi, à aucun moment un plongeur ne pourrait imprimer une rotation involontaire à la lunette de nature à lui faire
croire que la plongée avait commencé plus
tard que cela était le cas. De ce fait, toute
erreur aurait pour conséquence de raccourcir le temps de plongée plutôt que de l’allonger au-delà de la réserve en oxygène disponible. À l’évidence, il savait que la montre
devait être étanche. Afin d’assurer la meilleure imperméabilité possible du boîtier, il
choisit de le doter d’un fond vissé. Pour
Premier modèle de la Fifty Fathoms.
contourner un brevet existant sur les couronnes vissées, il conçut un système de doubles
joints toriques. Comme il se rendit ultérieurement compte qu’un remontage manuel
À L’INSTAR DE LA PLUPART DES GRANDES
ferait courir un risque d’usure non négligeable au système d’étanchéité de la couronne,
RÉUSSITES, LA FIFTY FATHOMS EST LE RÉSULTAT
il résolut d’équiper la montre d’un mouvement automatique pour réduire le nombre
D’UNE PASSION, EN L’OCCURRENCE CELLE
de fois où la couronne aurait besoin d’être
dévissée. L’ensemble de ces éléments se
DE JEAN-JACQUES FIECHTER, PRÉSIDENT DE
conjugua pour garantir un niveau d’étanchéité exceptionnel. Finalement, il s’avisa
BLANCPAIN DE 1950 À 1980.
1960
1960
1960
1960
1965-70
Modèle de l’US Navy.
Modèle Mil-Spec de
l’US Navy.
Grande taille de 41 mm.
Modèle civil de petite taille.
Diamètre 35 mm.
Modèle civil vendu par LIP.
Modèle civil de grand
format. Diamètre 41 mm.
06 | 07
Édition Anniversaire de la Fifty Fathoms de
2003, une pièce de collection très recherchée.
qu’une protection contre les champs
unique fournisseur, la maison Spirotechnique,
magnétiques était indispensable à un garde-
implantée à Paris, sur la rive gauche de la
temps destiné à être utilisé à des fins militai-
Seine. Cette société était liée à l’explorateur
res. En associant ses propres caractéristiques
Jacques-Yves Cousteau et commercialisait ses
à celles de Maloubier et de Riffaud, Jean-
inventions, parmi lesquelles son célèbre
Jacques Fiechter poursuivait ses propres
détendeur à valve. C’est par ce biais que
objectifs de conception.
Cousteau découvrit la Fifty Fathoms de
Il est extraordinaire de constater que l’en-
Blancpain et qu’il la choisit pour ses plongées
semble des caractéristiques déterminées par
historiques immortalisées par le film « Le
Blancpain et la Marine française en 1953 ont
monde du silence », qui remporta un Oscar et
défini dès lors toutes les montres de plongée
la Palme d’Or au Festival de Cannes en 1956.
modernes : une grande étanchéité, un sys-
Il n’était pas toujours aisé de recueillir l’ap-
tème robuste de protection de la couronne,
probation des militaires. L’armée américaine
un remontage automatique, des cadrans
par exemple posait une grande variété
noirs avec des indications luminescentes évi-
d’obstacles pour tout producteur horloger
dentes, des lunettes unidirectionnelles avec
qui n’était pas implanté sur le sol des États-
des repères horaires, une protection antima-
Unis. Selon les dispositions du « Buy
gnétique.
American Act » alors en vigueur, les produc-
Il restait une dernière touche à ajouter à
teurs nationaux bénéficiaient d’un avantage
cette construction sans faille. Blancpain
de prix de 25% sur leurs concurrents étran-
inséra un indicateur d’humidité à six heures.
gers, et les rubis utilisés dans la montre
Sous la forme d’un petit cercle, il affichait
devaient être achetés auprès d’un fournis-
une teinte bleue si l’air dans le boîtier était
seur du Missouri. Heureusement pour
sec. À la moindre pénétration d’eau, la cou-
Blancpain, la Fifty Fathoms disposait d’un
leur passait au rose, en signal d’alarme.
partisan fermement convaincu des qualités
Cette réalisation d’avant-garde fut bapti-
de la montre en la personne d’Allen Tornek.
sée par Blancpain du nom de « Fifty
Ce dernier avait fait la connaissance de
Fathoms », d’après la mesure britannique de
Jean-Jacques Fiechter grâce à leur passion
50 brasses, soit approximativement 91,45
commune pour la plongée. Lorsqu’il apprit
mètres, considérée à l’époque comme la pro-
que l’armée des États-Unis avait mis au
fondeur maximale que les plongeurs pou-
concours la fourniture de montres de plon-
vaient atteindre compte tenu du mélange
gée, il pensa immédiatement à Blancpain.
oxygène – azote alors en usage.
Cependant, pour se conformer aux exigen-
En raison de considérations à la fois
ces du processus d’adjudication, il devait
commerciales et du secret défense, la Marine
affronter un labyrinthe de dispositions, à
française souhaitait acquérir l’ensemble de
l’instar de l’obligation d’acheter les rubis
ses équipements de plongée, y compris les
auprès du fournisseur établi dans le
montres Blancpain, par l’intermédiaire d’un
Missouri. Il en fallait cependant davantage
1965-70
1965
1968
1970
1965-70
Modèle civil avec le symbole
antiradiation sur le cadran.
Modèle de l’armée
allemande.
Modèle civil de grand
format, avec date.
Modèle civil.
Diamètre 37 mm.
Modèle civil de grand
format, avec contre-boîte
interne.
D A N S L’ A I R D U T E M P S
pour détourner Allen Tornek de son objectif :
constructeur retint l’idée d’un pictogramme
il acheta les rubis du Missouri et, comme il
particulier pour le cadran. L’insertion du
les trouva de moins bonne qualité, il s’en
symbole universel de la radioactivité, com-
débarrassa purement et simplement. Tornek
posé de trois motifs triangulaires disposés
finit ainsi par remporter la mise et livrer les
autour d’un cercle, barré et à une place bien
montres de plongée à l’armée des États-Unis
en vue sur le cadran, juste au dessus du chif-
sous deux désignations : « Blancpain Tornek »
fre 6, permettait de signaler l’absence de
et « Rayville Tornek » (Rayville était une
tout danger lié à la radioactivité.
désignation utilisée par Jean-Jacques Fiechter
Alors que la Fifty Fathoms s’imposait
pour une partie de la production Blancpain).
d’elle-même comme la référence mondiale
Comme de nombreuses autres montres
pour les montres militaires de plongée, elle
militaires, les séries Tornek observaient des
acquit un succès semblable dans le domaine
spécifications particulières et portaient l’indi-
civil. À cette époque, les montres de plongée
cation « Mil Spec 1 » sur leur cadran. Un élé-
n’attestaient nullement d’un quelconque
ment essentiel habituellement contenu dans
luxe horloger et étaient ainsi vendues par les
les listes des desiderata militaires concernait la
magasins d’équipement sous-marin. Ces
luminosité des repères portés sur le cadran et
articles arboraient fièrement le nom donné
la lunette. À cet effet l’armée américaine, ainsi
par Jacques Cousteau à son matériel de
que beaucoup d´autres, stipulait que Blancpain
plongée, conçu pour s’adapter à la première
utilise sur la Fifty Fathoms du matériel radio-
valve à détendeur qui peut être légitime-
actif, comme le tritium, afin que les indications
ment considérée comme l’ancêtre des appa-
restent parfaitement lisibles dans les conditions
reils de plongée moderne. Et les montres de
nocturnes prévues pour une grande partie des
plongée Blancpain vendues dans ces établis-
opérations sous-marines. Ces matériaux adap-
sements portaient le label « Aqualung ».
tés aux exigences militaires étaient effrayants,
Si les Fifty Fathoms de Blancpain ont été
même au regard de la légèreté des normes qui
source d’inspiration pour toutes les montres
s’appliquaient alors aux éléments radioactifs.
de plongée modernes qui ont reproduit leur
Les boîtiers portaient une inscription qui disait
liste de caractéristiques, elles sont également
« DANGER – EN CAS DE DÉCOUVERTE,
à l’origine de l’engouement indéfectible dont
RAPPORTER À L’ÉTABLISSEMENT MILITAIRE
bénéficient de nos jours les montres de gran-
LE PLUS PROCHE ».
de dimension. Et au fil des années, Blancpain
Blancpain décela la nécessité de disposer
a présenté une multitude de variations stylis-
d’un moyen pour différencier la production
tiques sur le thème de la Fifty Fathoms.
des Fifty Fathoms militaires de leurs homolo-
Certaines se distinguaient par des boîtiers au
gues civils, en particulier quant à l’utilisation
style de coussin, d’autres par des repères
d’un revêtement radioactif. Pour distinguer
en forme de bâtons plutôt que de forme
les montres à usage civil, dépourvues à
triangulaire, certaines par des aiguilles plus
l’évidence de tout élément radioactif, le
effilées. Toutes partageaient néanmoins le
Nageur de combat français
au milieu des années 1960.
Lettre de remerciement du capitaine du voilier
« Saint-Briac », qui avait utilisé des montres
Fifty Fathoms pour un tour du monde à la voile.
1975
1975
1975
1975
1975
Modèle grand format, avec
le mouvement automatique
AS 2063.
Modèle équipé du
mouvement automatique
R 586.
Modèle de grande taille
avec fond de boîtier
monobloc. 42 mm.
Modèle équipé du
mouvement automatique
AS 1902/03.
Modèle de grand format Rayville avec mouvement automatique CD 2873 et couronne
de remontoir à 4 heures.
08 | 09
La version de la
Fifty Fathoms présentée
à une exposition de
matériel de plongée.
Remarquez le symbole
antiradiation sur le cadran.
même patrimoine génétique et observaient
fidèlement les spécifications formulées par Robert
Maloubier et Jean-Jacques Fiechter en 1953.
Il y a quelques saisons, Blancpain a présenté
l’édition du 50e anniversaire de la Fifty
Fathoms lors de la foire horlogère Baselworld
2003. Proposée en trois séries limitées de 50
pièces chacune, cette édition spéciale très
recherchée a apporté une touche de luxe à la
recette classique qui s’était imposée pendant
un demi-siècle. Pour la première fois sur une
montre-bracelet, la lunette était réalisée en
saphir. Cette particularité lui conférait non
seulement un éclat auquel aucun autre matériau ne pouvait prétendre, mais elle revêtait
aussi un aspect pratique en raison de sa résistance élevée aux rayures. Le mouvement a
également été modernisé par l’adoption du
calibre 1150 qui offre 100 heures de réserve
de marche. Finalement, Blancpain dévoilait un
nouvel et ingénieux système de fixation du
bracelet, tellement simple et fiable que Marc
A. Hayek, président de Blancpain, a effectué
un changement de bracelet sous l’eau lors
d’une plongée avec Robert Maloubier en
Thaïlande pour le lancement de la montre.
Toutes les pièces de l’édition Anniversaire ont
été vendues en un clin d’œil et certaines d’entre elles apparaissent aujourd’hui sur le marché des amateurs à un cours nettement plus
élevé que leur prix d’origine.
Inscrite dans le sillage d’une fabuleuse
lignée qui s’étend sur plus d’un demi-siècle,
AU FIL DES ANNÉES, BLANCPAIN A PRÉSENTÉ
la Fifty Fathoms de 2007 démontre que la
passion à l’origine de ce garde-temps d’ex-
UNE MULTITUDE DE VARIATIONS STYLISTIQUES
ception, conçu pour répondre aux nécessités
des plongeurs les plus exigeants du monde,
SUR LE THÈME DE LA FIFTY FATHOMS
est restée en tous points intacte.
1999
2000
2007
2007
2007
L’édition Fifty Fathoms
« Trilogy », avec un
bracelet en acier.
La Fifty Fathoms « Concept ».
La Fifty Fathoms
Automatique, dotée du
nouveau et robuste calibre
automatique 1315.
La Fifty Fathoms Tourbillon
en or avec le calibre automatique 25A, qui offre 8 jours
de réserve de marche.
La Fifty Fathoms
Chronographe Flyback
possède des poussoirs
étanches.
I
D A N S L’ A I R D U T E M P S
À PARTIR DES ORIGINES
DE COUSTEAU
PAR JEFFREY S. KINGSTON
L
PHOTOS ANDREAS KOSCHATE
es classements comparatifs sont un
sur leur ordinateur afin de découvrir mes
domaine dangereux. Pour toute per-
coordonnées au moyen d’une recherche sur
sonne ravie, il y en aura des dizaines à enra-
Google en guise d’aimable prélude à un lyn-
ger que leurs favoris n’aient pas eu l’heur de
chage en règle, permettez-moi d’énoncer les
vous plaire. Une sage précaution à garder en
raisons de ce classement. Non seulement le
mémoire : éviter les classements à tout prix.
ski et la plongée offrent les joies inhérentes à
Une fois cette injonction fermement
leur discipline respective, mais leur séduction
ancrée dans l’esprit et inscrite en épitaphe
est considérablement renforcée par le cadre
avec des caractères particulièrement lisibles, il
dans lequel ils se déroulent et les séjours de
est grand temps de contrevenir à la règle. À
vacances qui les accompagnent.
cet effet, prenons l’exemple de deux discipli-
Pour le ski, il vous suffit de vous rendre à
nes sportives, le ski et la plongée, que leur
brève distance des ateliers de Blancpain vers
attractivité place en tête des sports les plus
les montagnes qui entourent Zermatt (avec le
appréciés au monde. Avant que les fanati-
Cervin), Verbier (avec le Mont-Gelé), voire
ques de crosse, boxe, rodéo ou lutte gréco-
Mürren (avec l’Eiger et la Jungfrau) pour
romaine, pour ne citer que quelques délasse-
appréhender la force du lien qui unit un sport
ments résiduels de la liste, ne se précipitent
à son environnement.
10 | 11
D A N S L’ A I R D U T E M P S
12 | 13
Pour leur part, les adeptes de plongée
une telle célébrité ne saurait nous faire oublier
doublent les joies que leur passion leur pro-
que les origines historiques de la plongée
cure par les semaines de préparation et de
répondaient à des objectifs nettement moins
rêve qui précèdent tout voyage de plongée. La
fastueux. En effet, ce fut l’armée américaine
pratique de leur sport de prédilection devient
qui incita au développement d’un appareil res-
ainsi synonyme des lieux prestigieux où cette
piratoire sous-marin autonome, en anglais
discipline se pratique. Prenez, par exemple, l'île
Self-Contained Underwater Breathing Appa-
australienne de Lizard, située sur la Grande
ratus, d’où proviennent les lettres SCUBA uni-
Barrière de Corail et dont le légendaire Clam
versellement utilisées de nos jours. Christian
Garden regorge de palourdes d’un mètre de
Lambertson parvint, dans une certaine
large, de mérous tachetés géants, aussi heu-
mesure, à relever ce défi en 1939 par la mise
reux d’être caressés que le seraient de paisibles
au point d’un système fondé sur des réserves
ruminants, sans oublier les centaines d’espè-
d’air comprimé que les plongeurs emportaient
ces de coraux qui encerclent ce monde insu-
avec eux sous la surface des eaux. Son inven-
laire. Des plongeurs venus du monde entier
tion n'était cependant pas exempte d’inconvé-
font surface après de telles découvertes ich-
nients rédhibitoires. Pour le signifier sans
tyologiques pour déguster une cuisine tropi-
détour, l’absence d’un dispositif approprié
cale qui mériterait deux étoiles sur trois au
pour égaliser la pression interne avec celle de
POUR LA NOUVELLE ÉDITION 2007 DE LA FIFTY FATHOMS, BLANCPAIN
A CONSERVÉ L’ENSEMBLE DU PATRIMOINE GÉNÉTIQUE DES
MODÈLES LÉGENDAIRES DES ANNÉES CINQUANTE, MAIS A REPENSÉ
DE FOND EN COMBLE CHAQUE ÉLÉMENT DE LA MONTRE.
guide Michelin. À moins que vous n’ayez un
l’océan environnant a entraîné la mort de
troisième élément essentiel, la pression de
faible pour la Thaïlande et ne répondiez à l’ap-
nombreux plongeurs. Et il reste difficile d’ima-
l’océan. Leur valve intelligente égalisait la
pel de Koh Samui où, à quelques minutes à
giner qu’un tel système puisse provoquer une
pression dans les poumons du plongeur avec
peine de l’Imperial Tongsay Bay, de ses bunga-
floraison de villégiatures sélectes tout autour
celle du milieu aquatique ambiant. Et quel
lows disséminés sur une plage privée et de ses
du monde (« Si nos hôtes s’annoncent volon-
fut le déclic qui leur permit de mettre au
currys de feu, vous disposerez d’un panorama
tiers à leur arrivée, ils préviennent rarement de
point cette invention qui reste le fondement
tout aussi éblouissant de vie sous-marine.
leur départ » pourrait être un bon slogan. En
de tous les systèmes de plongée actuels ? La
Vous préférez jeter votre dévolu sur un autre
ce cas, auriez-vous l’obligeance de régler votre
valve de pression d’un générateur à gaz
océan ? Qu’à cela ne tienne, prenez donc la
note par avance ?).
qu’ils utilisèrent dans leur premier système !
direction du Belize et de l’atoll de Turneffe.
La solution survint quatre ans plus tard,
Ainsi, après une journée passée dans le célè-
Une journée à folâtrer avec les tortues caoua-
quand Jacques-Yves Cousteau et Emile
bre Cod Hole, sur l’île de Lizard, au moment
nes sera suivie d’une soirée sereine dans une
Gagnan présentèrent une invention baptisée
où de nouvelles générations de plongeurs
cabane sur la plage. Et si vous êtes attiré par
« Aqualung ». Leur génie fut de concevoir
sportifs attaquent joyeusement leurs filets de
les endroits les plus reculés du monde, songez
une valve à détenteur qui fournissait de l’air
barramundi qu’ils accompagnent d’une bou-
aux Maldives et à l’île de Velavaru qui compte
à la demande et établissait ainsi le lien entre
teille de chardonnay Penfolds Yattarna, ils
plus d’un millier de criques coralliennes.
la pression des réserves d’oxygène et la pres-
peuvent sereinement oublier pour l’instant
Il n’est donc nullement étonnant que de tels
sion des poumons du plongeur. Mais si le
tout ce qu’ils doivent à un générateur à gaz.
lieux aient conféré à la plongée sportive une
système de Lambertson se limitait à cette
Si les passionnés de plongée ont désor-
séduction et une aura hors pair. Cependant,
fonction, Cousteau et Gagnan ajoutèrent un
mais creusé la distance avec leurs prédéces-
D A N S L’ A I R D U T E M P S
seurs en matière d’équipement et de lieux
d’une collection entière, Blancpain a assimilé
port à son cousin le 13R0. Depuis la toute
de séjour, leurs montres ne sont pas en reste.
tous les enseignements issus de l’invention
première version de la Fifty Fathoms,
Développée dans un environnement mili-
de la première montre de plongée moderne
Blancpain a fermement établi que le remon-
taire, la Fifty Fathoms de Blancpain a été
et de sa longue histoire pour créer une ver-
tage automatique constitue un élément
conçue comme un parfait instrument de
sion totalement nouvelle de la Fifty Fathoms.
essentiel pour une montre de plongée. Et
combat. L’article en pages 4 à 9 évoque l’his-
Pour l’édition 2007 de la Fifty Fathoms,
pour quelle raison ? Parce que le remontage
toire de ce garde-temps d’exception. Il expli-
Blancpain a, d’une part, conservé l’ensemble
automatique ne requiert pas le dévissage
que aussi comment elle est devenue la pre-
du patrimoine génétique de la montre et de
quotidien de la couronne, nécessaire au pro-
mière montre de plongée moderne au point
ses évolutions depuis les versions historiques
priétaire pour remonter sa montre. Cette pré-
d’en définir les caractéristiques pour toute
des années 1950 jusqu’à l’édition limitée
caution réduit l’usure des joints de la cou-
l’industrie horlogère et retrace son évolution
Anniversaire de 2003 et, d'autre part, minu-
ronne et contribue à conserver l’étanchéité
depuis plus d’un demi-siècle.
tieusement remis à jour, point par point,
de la montre. Le système de remontage auto-
En 2007, faisant de la Fifty Fathoms la
chaque élément de la montre. Mieux encore,
matique du calibre 1315 possède une masse
pièce centrale de Baselworld et la vedette
Blancpain a hissé la Fifty Fathoms du rang de
oscillante délicatement décorée d’un motif
À PARTIR D’UNE MONTRE DE LÉGENDE, BLANCPAIN A ELABORÉ
UNE FAMILLE COMPLÈTE, QUI INTÈGRE AUJOURD’HUI ÉGALEMENT UN
TOURBILLON FIFTY FATHOMS ET UN CHRONOGRAPHE FIFTY FATHOMS.
simple modèle à celui d’une famille de mon-
soleil. En accord avec son caractère sportif, le
tres qui intègre aujourd’hui également un
rotor bimétallique assure une efficacité de
Tourbillon et un Chronographe Flyback, sans
remontage accrue.
omettre la présence d’un proche parent, le
Le calibre 1315 intègre de nombreuses
nouveau Chronographe Flyback « Air
caractéristiques de construction du mouve-
Command ».
ment 13R0. Tous deux possèdent un balancier
En premier lieu, examinons les acquis que
à inertie variable ainsi que des vis réglantes à
ces 54 années ont apportés à la Fifty
tête carrée en or massif. Comme le système
Fathoms, en commençant par l’élément le
de réglage à vis présente une résistance maxi-
plus fondamental de tous, le mouvement.
male aux chocs, il est idéalement adapté à la
Cette dernière édition est dotée du
mission de cette montre de plongée ultime.
deuxième mouvement de la nouvelle famille
Toutefois, pour accroître encore sa robus-
de calibres Blancpain, qui suit les traces du
tesse, le balancier est réalisé en glucydur, plus
13R0, dévoilé en octobre 2006 à Genève. Ce
lourd que le titane utilisé dans le 13R0. Une
mouvement entièrement inédit, qui porte la
autre caractéristique de construction com-
désignation 1315, a été mis au point par la
mune est la présence de trois barillets, dont
Manufacture parallèlement au révolution-
deux possèdent des ressorts à bride glissante
naire 13R0. Comme ce dernier, le calibre
alors que le troisième est doté d’une
1315 est exclusif à Blancpain.
fixation rigide. En raison des propriétés
Dès les prémices de son développement, le
spécifiques des matériaux, tous les ressorts
1315 a été conçu comme un mouvement
moteurs ont été spécialement recalibrés pour
robuste destiné à équiper une montre de
ce mouvement. Le mouvement présente éga-
sport. Le remontage automatique est la pre-
lement une réserve de marche exceptionnelle
mière différence qui saute aux yeux par rap-
pour une robuste montre de sport qui atteint
14 | 15
D A N S L’ A I R D U T E M P S
Le calibre 1315 avec ses
cinq jours. Des pierres surdimensionnées
approches antérieures sont devenus évi-
rubis surdimensionnés,
apparaissent comme une caractéristique de
dents. Aussi ont-ils résolu de réintégrer cette
balancier à inertie variable doté
construction cependant, avec l’adjonction
caractéristique au nouveau modèle. À cette
de vis réglantes à tête carrée.
d’un remontage automatique, le nombre de
fin, ils ont opté pour un dispositif tradition-
rubis s’élève désormais à 35 contre 30 dans
nel qui consiste à cercler le mouvement d’un
LE CALIBRE 1315
le calibre manuel 13R0. Enfin, à l’instar du
contre-boîtier composé de deux plaques
Hauteur : 4,57 mm
13R0, le 1315 comprend une fonction de
protectrices en fer doux, l’une placée sous le
Diamètre : 30,60 mm
date qui est protégée contre tout endomma-
cadran et l’autre entre l’arrière du mouve-
gement du mécanisme si la montre est réglée
ment et le fond de boîtier.
sa finition soleillée et son
Réserve de marche : 120 heures
Rubis : 35
Composants : 222
Boîtier interne antimagnétique
en sens antihoraire à minuit.
En écrivant la bible des montres de plongée
La finition manuelle particulière du mou-
modernes, Blancpain a insisté sur l’impor-
vement caractérise ce nouveau calibre de
tance d’une lunette tournante. Les plongées
manufacture Blancpain. La décoration soleil
autonomes durent en général moins d’une
prodiguée sur le pont fait en effet écho à
heure et le plongeur doit pouvoir indiquer le
l’apparence de la masse oscillante.
début de l’immersion sur sa montre. En tour-
Plusieurs versions historiques de la Fifty
nant la lunette afin de placer le marqueur
Fathoms offraient un bouclier antimagnéti-
face à l’aiguille des minutes et grâce à la pré-
que, abandonné sur les modèles plus
sence de repères très lisibles sur la lunette, il
récents. Lorsque les ingénieurs de Blancpain
est aisé de mesurer le temps de la plongée (ou
ont passé en revue l’ensemble des critères de
la durée nécessaire à la décompression).
plongée, les avantages spécifiques des
Aussi, la Fifty Fathoms a-t-elle conservé sa
16 | 17
lunette pivotante noire munie de repères
nouvelle Fifty Fathoms d’un boîtier en acier.
dans une lutte inégale contre des barrettes
toutes les 15 minutes. L’édition limitée
De plus, en signe de reconnaissance du rôle
toujours peu coopératives, l’édition Anni-
Anniversaire de 2003 présentait une amélio-
éminent joué par une montre de sport dans
versaire facilitait le changement de bracelet
ration significative de ce concept : l’introduc-
les environnements les plus divers, Blancpain
par l’utilisation d’un simple instrument à
tion du saphir comme matériel pour la
a réalisé pour la première fois une variante
l’extérieur des cornes. Ce système de brace-
lunette. En se présentant sous une forme déli-
en or rouge. Lors de l’examen attentif des
let fait partie intégrante de la collection
2007. Avec la montre, il est donc possible
DÈS LES PRÉMICES DE SON DÉVELOPPEMENT,
LE 1315 A ÉTÉ CONÇU COMME UN ROBUSTE
d’acquérir un set composé d’un second bracelet en caoutchouc, du support et de l’instrument qui permet de changer de bracelet
en un tour de main.
En guise de démonstration finale que
MOUVEMENT DE SPORT.
Blancpain n’a négligé aucun détail, la Fifty
Fathoms se présente dans un coffret extrê-
catement bombée, le saphir ne donne pas
divers éléments de la montre, le bracelet n’a
mement solide. Il s’agit là du nec plus ultra
seulement un fini prestigieux à la lunette,
pas non plus échappé au regard critique des
des contenants étanches et résistants aux
mais, en sa qualité de second matériau sur
designers de Blancpain. Afin d’offrir une lon-
chocs dont le design est parfaitement
l’échelle de dureté après le diamant, il lui
gévité, une solidité et une résistance maxi-
adapté à cette montre de sport ultime.
confère une extrême résistance aux rayures
males aux dommages provoqués par l’eau,
Chaque Fifty Fathoms est renfermée dans un
dans les conditions difficiles de la plongée ou
Blancpain a réalisé le nouveau bracelet en
petit écrin de voyage en toile de voile, lui-
le tumulte de la vie quotidienne à l’air libre.
toile de voile. Toutefois, désireux de prendre
même disposé dans le coffret réalisé en
Vertu essentielle reconnue de longue date,
en compte le désir du possesseur de changer
matériaux high-tech.
la lisibilité représentait une question épineuse
l’apparence de sa montre par un bracelet au
La Fifty Fathoms Chronographe Flyback
par faible luminosité. Dans ce domaine,
design ou au matériau différent, Blancpain a
comprend tous les éléments fondamentaux
Blancpain a pu heureusement tirer avantage
emprunté un élément à son édition
du design de la Fifty Fathoms originale. Elle
des nouvelles matières qui relèguent dans un
Anniversaire. Pour éviter de perdre ses nerfs
possède le même bouclier antimagnétique,
passé révolu les composants radioactifs quelque peu effrayants utilisés par les services des
armées dans les premières versions de la Fifty
Fathoms. Le matériau luminova qui a fait ses
débuts il y a fort longtemps dans les exécutions civiles de la montre retrouve son utilisation dans ce nouveau modèle, mais dans une
autre couleur. La version 2007 offre une
nuance neutre de luminova pour les chiffres,
les appliques, les aiguilles et la lunette.
Élément vital de tout garde-temps, la
couronne requiert une attention
particulière dans une montre de
plongée. En reprenant une solution présente sur des éditions
antérieures, Blancpain a ajouté
sur le boîtier des protège-couronnes
qui en accroissent encore la solidité.
L’acier a toujours été le matériau par
excellence pour une montre de plongée
Le superbe mouvement
de la Fifty Fathoms Tourbillon.
C’est l’unique modèle de
la famille qui n'est pas doté
d’un bouclier antimagnétique
afin de permettre d’admirer
à travers le fond saphir
classique. Dans ce domaine, Blancpain ne
le mouvement délicatement
s’est pas écarté de la tradition et a doté la
décoré à la main.
D A N S L’ A I R D U T E M P S
la même lunette tournante en saphir, les
Le dispositif de blocage n’assure donc pas
Le tourbillon est un nouveau venu dans la
mêmes nuances neutres en luminova appli-
l’étanchéité, il sert uniquement à empêcher
famille Fifty Fathoms. Il possède la plus plai-
quées sur les chiffres, les aiguilles et la
l’activation du poussoir qui, si tel n’était pas
sante et la plus visuelle de toutes les compli-
lunette, les protège-couronne, le bracelet en
le cas, autoriserait l’irruption de l’eau à l’in-
cations, le tourbillon volant de Blancpain qui
toile de voile, le système de changement de
térieur de la montre. A ce propos, il importe
dévoile pleinement au regard les mouve-
bracelet et le coffret high-tech. Toutefois,
de se souvenir d’un aspect essentiel : la fonc-
ments du balancier et de l’échappement,
elle présente un élément additionnel qui a
tion primordiale du système de blocage
sans l’obstacle visuel habituellement repré-
fait l’objet d’une attention particulière afin
consiste à assurer que le chronographe ne
senté par le pont de support. Il associe cette
d’introduire la complication chronographe
soit jamais effectivement utilisé sous l’eau.
séduction à l’extrême robustesse du boîtier
dans l’univers des montres de plongée : les
poussoirs du chronographe.
La Fifty Fathoms Chronographe Flyback de
sportif de la Fifty Fathoms. Et afin de célébrer
Blancpain n’est pas destinée à ces jeux de
pleinement le mariage de la complication et
A dire vrai, la grande majorité des montres
salons. Ses poussoirs offrent une étanchéité à
de la plongée, Blancpain a opéré une légère
présentées sous la désignation de chrono-
300 mètres et peuvent donc être manipulés
modification dans le boîtier. Pour dégager la
graphe de plongée fait partie de ces frimeurs
dans l’eau. Un tour de force rendu possible
vue sur le tourbillon, il était nécessaire de
qui en imposent davantage par l’apparence
par des joints spéciaux installés de manière
supprimer les plaques antimagnétiques qui
que par les performances. Ces garde-temps
invisible à l’intérieur du boîtier. Et comme les
protègent le mouvement des autres mem-
comportent généralement des poussoirs de
poussoirs peuvent être librement actionnés
bres de la collection Fifty Fathoms. Et la
chronographe à vis. La seule protection
afin d’offrir toutes les fonctions du chrono-
Manufacture a saisi cette opportunité pour
contre l’eau offerte par un poussoir vissé
graphe dans un environnement liquide, les
faire de la Fifty Fathoms Tourbillon le seul
réside dans le fait que le système prévient
vis de blocage ne répondent, par consé-
modèle de la collection muni d’un fond
tout enclenchement du chronographe pen-
quent, plus à aucune utilité.
transparent. Son mouvement doté d’une
dant l’immersion de la montre, à la condi-
A l’instar de sa proche parente, la Fifty
réserve de marche de huit jours comprend
tion préalable, naturellement, que l’utilisa-
Fathoms Chronographe Flyback est disponible
une masse oscillante spécialement dessinée
teur de la montre n’omette pas de le visser.
dans des exécutions en acier et en or rouge.
pour ce tourbillon de référence.
UN CHANGEMENT DE BRACELET EST SI SIMPLE À RÉALISER À L’AIDE
DE L’INSTRUMENT LIVRÉ AVEC LA MONTRE QUE LE PRÉSIDENT DE BLANCPAIN
MARC A. HAYEK EN A EFFECTUÉ LA DÉMONSTRATION SOUS L’EAU.
Blancpain propose aux acquéreurs
d’une Fifty Fathoms ce kit
spécial pour changer de bracelet.
18 | 19
À cette unique exception près, l’hé-
Un écrin exceptionnel
accompagne tous les
ritage de la Fifty Fathoms est entièrement
intégré
dans
le
membres de la collection.
modèle
Tourbillon, avec le même style de
lunette tournante en saphir, les protègecouronne, le bracelet en toile de voile et
l’utilisation de luminova.
Et comme il sied à son statut de modèle
le plus prestigieux de la collection, la Fifty
Fathoms Tourbillon est uniquement proposée dans des exécutions en or rouge et en
or blanc.
Un proche parent de la ligne Fifty Fathoms
est le nouveau Chronographe Flyback « Air
Command ». Au premier abord, il serait
presque possible de le confondre avec la
Fifty Fathoms Chronographe Flyback. Une
observation plus attentive permet cependant
de déceler des différences significatives.
Comme la mission primordiale du chronographe « Air Command » est la navigation
aérienne, il comprend une échelle tachymétrique très appréciée des pilotes, car elle sert à
calculer instantanément la vitesse au sol en se
référant à l’aiguille des secondes du chronographe qui indique sur l’échelle le temps
requis pour parcourir un mile ou un kilomètre.
D’autres détails témoignent de cette inspiration aéronautique. En lieu et place des chiffres et des index appliqués sur le cadran, l’Air
Command arbore des chiffres arabes peints
CONÇUS POUR GARANTIR DES PERFORMANCES
semblables à ceux du célèbre Chronographe
Flyback de Blancpain. Les aiguilles présentent
ABSOLUES D’ÉTANCHÉITÉ ET DE RÉSISTANCE
aussi un caractère « Flyback » dans leur forme
mais, contrairement à celles du Chrono-
AUX CHOCS, CES COFFRETS CONSTITUENT L’ÉCRIN
graphe Flyback, elles sont évidées pour autoriser une lecture plus aisée des sous-
IDÉAL POUR CETTE MONTRE DE SPORT EXTRÊME.
cadrans. Une étude encore plus attentive montre que les index principaux de
la lunette sont triangulaires en contraste
avec les repères traditionnels en forme de
losange des Fifty Fathoms.
Soulignant une différence supplémentaire
entre l’air et l’eau, le Chronographe Flyback
Le monde marin a apporté avec lui un air
et rendent ainsi inutiles les vis de blocage
« Air Command » offre une lunette tour-
de famille qui séduira même le plus hydro-
conventionnelles. Et précisons en guise de
nante bidirectionnelle en contraste avec la
phobe des pilotes. Les poussoirs du chrono-
conclusion que le bouclier antimagnétique
lunette traditionnelle unidirectionnelle de
graphe possèdent les mêmes joints étanches
révèle à l’évidence sa pleine utilité sur ce
plongée sur les modèles Fifty Fathoms.
que la Fifty Fathoms Chronographe Flyback
modèle.
I
D A N S L’ A I R D U T E M P S
LANCEMENT DE LA
FIFTY FATHOMS À CANNES
I
l relève d’une simple évidence dans le
garde-temps au parfait classicisme.
de l’entreprise équivalait à inviter Lance Armstrong à se lancer en tricycle sur un vélo-
monde des affaires et, si le lecteur m’au-
Venons-en rapidement au mois de septem-
torise une légère généralisation, dans la vie
bre 2007. Même si la Fifty Fathoms bénéficie
elle-même qu’il vaut mieux éviter de faire sui-
d’une légitimité historique en plongée avec
Qu’elle ait été ou non à la hauteur de ses
vre un succès par une simple répétition. C’est
scaphandre autonome et que le président de
possibilités surhumaines, cette plongée a
une option banale, qui dénote d’un manque
Blancpain est lui-même un passionné de plon-
permis aux hôtes de Blancpain de suivre avec
d’imagination et trahit surtout un ennui cer-
gée, la seconde dimension de l’aventure sous-
intérêt le déroulement des opérations depuis
tain. Aussi, quand il a été temps de lancer la
marine, la plongée libre, était mise à l’honneur
un navire qui mouillait à proximité du bateau
troisième génération de Fifty Fathoms, il était
pour le lancement officiel du nouveau modèle.
de plongée. Par un lumineux après-midi de
hors de question pour Blancpain de reprendre
En choisissant le cadre du Festival de Plaisance
fin d’été, un public enthousiaste a observé
tout bonnement la présentation réalisée pour
de Cannes, l’un des grands salons annuels
Gianluca Genoni préparer sa plongée et des-
ses lointains débuts. D’ailleurs, le premier
consacrés au yachting, Blancpain a convié
cendre sous la surface de l’eau. Accueilli sur
lancement intervenu en 1953 n’aurait guère
Gianluca Genoni, champion du monde de
le fond de la mer par Marc A. Hayek, le
pu servir de modèle car il était frappé du secret
plongée en apnée, à devenir le premier pos-
plongeur émérite a reçu une Fifty Fathoms en
défense - aucune fanfare, pas de journalistes
sesseur au monde de la Fifty Fathoms 2007. Le
acier qui portait le numéro de série zéro.
et à vrai dire une absence presque totale de
palmarès de Gianluca Genoni est époustou-
Quand il a refait surface, elle entourait déjà
célébration - mais des essais cliniques, impla-
flant. Il détient non moins de 12 titres mondi-
son poignet. La célébration festive s’est pour-
cables et militaires. Le deuxième grand lance-
aux en plongée libre. Y compris le record de
suivie par un lunch de caviar, saumon fumé
ment pour l’édition Anniversaire de 2003 a in-
profondeur en plongée libre avec 141 mètres.
et champagne.
versé le cours de l’histoire. Robert Maloubier,
Il est capable de retenir sa respiration pendant
Exposés sur les présentoirs Blancpain lors du
grande figure de l’École des Nageurs de com-
7 minutes et 48 secondes (et s’il lui est permis
Festival de Plaisance, les trente premiers exem-
bats et membre de l’équipe qui collabora avec
d’inspirer de l’oxygène pur avant la plongée, il
plaires de la Fifty Fathoms ont rapidement
Blancpain à la mise au point de la version de
peut porter cette durée à 15 minutes). Ainsi,
trouvé preneurs, comme l’attestaient les
1953 de la Fifty Fathoms, a rejoint pour l’occa-
lorsque Blancpain lui a demandé d’accompa-
points rouges qui se sont multipliés, indiquant
sion Marc A. Hayek, président de Blancpain,
gner Marc A. Hayek au fond de la mer entre le
que ces premiers numéros de série se sont
en Thaïlande pour une plongée mémorable,
port de Cannes et les îles de Lérins, où la pro-
immédiatement transformés en pièces recher-
qui a tenu lieu de baptême public pour ce
fondeur atteint à peine 30 mètres, la difficulté
chées par les collectionneurs.
drome.
I
20
20 | 21
BLANCPAIN A CONVIÉ GIANLUCA GENONI, CHAMPION DU MONDE DE PLONGÉE LIBRE,
À DEVENIR LE PREMIER POSSESSEUR AU MONDE DE LA FIFTY FATHOMS 2007.
La Fifty Fathoms numéro
Le plongeur italien Gianluca
de série zéro exposée sur
Genoni fait surface avec sa nouvelle
son présentoir.
Fifty Fathoms au poignet.
GROS PLAN
SALUT
L’ARTISTE !
« C’EST PAS LES GRANDES SÉRIES ICI, IL Y A TOUJOURS DES
NOUVEAUTÉS, ALORS POUR RÉSOUDRE LES PROBLÈMES QUE
NOUS POSENT LES PROTOTYPES, IL FAUT CRÉER, INVENTER…
JAMAIS JE N’AURAI CETTE CHANCE AILLEURS. »
PAR DIDIER SCHMUTZ
PHOTOGRAPHIES CHRISTOPHE DUTOIT
22 | 23
GROS PLAN
Réflexions et partage de compétences entre le maître-horloger et le « mécanorloger » autour d’un plan de la répétition minutes étanche de Blancpain.
24 | 25
Fraisage intérieur et extérieur de la masse oscillante en or du tourbillon calibre 25 sur la machine à pointer.
AFIN DE DÉFINIR LE MÉTIER DE TOTO, IL FAUT FAIRE DANS LE NÉOLOGISME.
IL SE DÉFINIT LUI-MÊME COMME ÉTANT UN « MÉCANORLOGER ».
«Q
uel plaisir de partager la passion,
un personnage attachant qui donne réelle-
vingt-deux ans de fidélité. Et, pour rien au
la précision de toutes ces mains
ment envie de faire plus ample connais-
monde ses chefs ne le laisseraient partir. De
qui aboutissent à la perfection de l’horloge-
sance, que ce soit chez lui, à Bois d’Amont
toute façon, il n’a aucune envie d’aller voir ail-
rie et, de surcroît, dans un environnement
de l’autre côté de la frontière ou dans son
leurs. Avec cet accent caractéristique des gens
naturel exceptionnel. » Bel éloge déposé
cadre professionnel au Brassus. Afin de défi-
du Haut Jura français, il l’affirme sans hésiter
dans le livre de souvenirs que chaque visiteur
nir son métier, il faut faire dans le néolo-
une seconde. « C’est pas les grandes séries
peut consulter ou compléter à l’entrée de La
gisme. Rencontre et explications.
ici, il y a toujours des nouveautés, alors pour
Ferme, le pavillon autour duquel sont distri-
En octobre 1985, année où il sort de l’École
résoudre les problèmes que nous posent les
bués les différents ateliers Blancpain. Bien
Technique de la Vallée de Joux au Sentier
prototypes, il faut créer, inventer… jamais je
plus qu’une louange, une réalité.
muni de son CFC d’horloger-rhabilleur, il se
n’aurai cette chance ailleurs. »
Parmi « toutes ces mains », nous avons
fait aussitôt engager par la maison Blancpain.
Toto est un homme technique doté d’un
rencontré celles d’Olivier Tholomier, dit Toto,
Depuis, il est au service de l’entreprise, soit
esprit créatif ; il se définit lui-même
GROS PLAN
Vérification des différents diamètres d’une masse à l’aide d’un outil de mesure appelé « pied à coulisse ».
LE MOT ROUTINE N’EXISTE PAS DANS CET ARTISANAT DE HAUT VOL.
ON COMPREND DÈS LORS LE POURQUOI DE LA FIDÉLITÉ.
comme étant un « mécanorloger. » Voilà le
ment à répétition minutes en montre bracelet.
néologisme. C’est là que nous entrons dans
Il fallait quelqu’un pour trouver l’outillage
le monde à la fois mystérieux et merveilleux
adéquat, je m’y suis mis. Aujourd’hui, c’est
de la création « mécanorlogère » comme
toujours comme cela, chaque fois qu’un nou-
le dit Toto.
veau calibre sort - et c’est bien dans la grande
Comment est-il arrivé là, en ce point qui
tradition Blancpain - nous devons créer un
confine à une sorte de perfection ? Le
nouvel outillage. » Le mot routine n’existe
hasard, comme toujours avec les artistes. En
pas dans cet artisanat de haut vol. On com-
toute modestie, Toto remonte le temps et
prend dès lors le pourquoi de la fidélité.
répond. « A mes débuts, nous n’étions
Aucun diplôme ne vient couronner cette
qu’une dizaine d’employés et je travaillais
profession inventée de toutes pièces, aucune
comme tous mes collègues. Assemblage,
école ne propose un tel apprentissage. Du
aiguillage, emboîtage… on faisait les mon-
coup, le métier n’est pas à la portée du pre-
tres à quantièmes et puis, Blancpain a
mier venu. Pour devenir « mécanorloger »
sorti en première mondiale le mouve-
il faut certes acquérir la base technique en
26 | 27
horlogerie mais, par la suite, il faut encore
Tournage à la
ajouter l’esprit unique, la touche rare, ce
main de l’arrondi
mélange de dons et de talents particuliers
d’une masse à
l’aide d’un burin.
que l’on reçoit mais qui ne s’enseigne pas.
Si l’on veut mesurer à quel point l’entreprise tient à Toto comme à un trésor, il suffit
d’écouter
son
responsable,
Sébastien.
« Monsieur Tholomier, enfin… on le surnomme Toto, est un personnage légendaire
pour Blancpain. Il est doté d’une compétence exceptionnelle. Il réalise nos posages,
nos outillages spéciaux. Quelquefois, nous
avons des pièces que l’on souhaiterait améliorer pour travailler encore mieux, alors on
lui fait un croquis de nos désirs et lui le développe. Il fait même beaucoup plus que ce
que l’on souhaite, à chaque fois c’est fonctionnel, c’est parfaitement bien élaboré, on
retrouve la patte de l’horloger dans la finition, dans la qualité et dans l’exécution au
Décoration
niveau de la fonctionnalité. Il n’y a pas de
« colimaçon » sur
mot pour qualifier sa compétence et celle de
son collègue Claude. C’est quelqu’un d’ex-
le renvoi entraîneur
de rochet du
calibre 13R0.
traordinaire, on pense et il réalise. C’est
magnifique. En plus, je disais légendaire
tout à l’heure, et bien c’est vrai aussi pour
son caractère, toujours de bonne humeur,
accessible, disponible. »
Petite parenthèse dans ce portrait dithyrambique. Toto est parfois de fort méchante
humeur. Oh ! Pas pour bien longtemps, car
ce n’est pas dans le caractère du bonhomme, mais Toto a horreur de voir perdre
le Paris St-Germain (PSG), et comme son
équipe fétiche est en passe de tomber en
deuxième division française, Toto trouve
quelques noms d’oiseaux pour qualifier les
piètres performances des footballeurs parisiens. Et la bonne humeur revient.
De Bois d’Amont au Brassus
dans le petit matin
Les propos de Sébastien seraient incomplets
Aiguise-bûchettes de
si l’on ne parlait pas de la popularité dont
fabrication interne.
jouit notre « mécanorloger », dans son vil-
Un outil « maison »
aussi utile aux
lage, à l’apéro ou au boulot. Pour vérifier
horlogers que le taille-
cette réputation, il suffit de le suivre dans
crayon à l’écolier !
GROS PLAN
guigne mais Toto
Blancpain au Brassus. Sur 54 employés, 49
s’en fiche, tout
sont frontaliers, une précieuse main-d’œuvre.
juste lâche-t-il un
« Ah, voilà notre Toto national ! Qu’est-ce
sonore « Quel pays
de loup ici ! »
qu’on peut dire de lui ? »
« Rien », répond Toto.
En route pour Le Brassus
« Oh que si ! » rétorque Antoine. « Il y a à
sous les flocons qui tombent
dire ! Tout le monde le connaît, c’est
drus. « Si ça continue comme
quelqu’un de génial, qui a du cœur, qui aide
ça toute la journée on en a une
beaucoup les gens, chaque problème qui se
couche de quarante centimètres ce soir, on
pose à nous, il arrive à le résoudre, tout ce
son quoti-
pourra ressortir les skis. J’vais être un peu en
qu’il fait est vraiment génial. Chaque fois
dien. Ce que nous
retard, je sais que c’est un comble pour un
qu’il faut un outil spécial, il comprend tout de
faisons au départ de Bois
horloger mais on dira que c’est à cause de la
suite ce dont nous avons besoin. »
d’Amont avec le café matinal pris en compa-
neige. »
Toto fait décidément l’unanimité autour de
gnie de Fanfan, son amie. Elle, elle a le droit
La neige a quand même du bon lorsqu’elle
de dire « MON Toto » et le doux possessif
peut servir d’excuse, surtout hors saison. De
Pendant que Toto poursuit sa tournée, allant
montre combien les deux font belle alliance.
toute façon, le travail sera fait. C’est bientôt
d’établi en établi, je le rattrape devant la
Le couple échange quelques mots sur le
le grand rendez-vous de la foire de Bâle et la
porte de l’atelier de gravure, le royaume de
tournoi de pétanque qu’ils se réjouissent de
manufacture est en ébullition à tous les éta-
Marie-Laure. « Une véritable artiste, elle
jouer ensemble durant le week-end et c’est
ges, dans tous les secteurs. Il faut que tout
réalise des prouesses incroyables en gravant
le départ en maugréant quelque peu, tou-
soit prêt dans les moindres détails.
sur des pièces de 0,25 millimètres d’épais-
lui, humainement et professionnellement.
jours avec le sourire cependant. S’il rouspète
« Merci messieurs ! » Au passage de la
seur », m’explique Toto qui lui prépare par-
c’est plus pour la forme que par véritable
douane, Toto salue des fonctionnaires imagi-
fois des fonds spéciaux afin qu’elle puisse y
agacement. En cause : le brusque retour de
naires. Ça l’amuse. Ici, entre le département du
inscrire les motifs choisis par les clients qui
l’hiver. Avant de démarrer le moteur, il s’agira
Jura et la Vallée de Joux, la frontière n’existe
désirent
de dégager la voiture car la neige est venue
presque pas, tant les deux régions s’interpénè-
Totalement incrédule, je demande à voir car,
en abondance et, surtout, en invitée surprise
trent et se nourrissent l’une de l’autre.
pour moi, un quart de millimètre ce sont
personnaliser
leur
montre.
durant la nuit, alors qu’elle a manqué tout au
Neige ou pas, retard ou pas, Toto ne chan-
long du temps qui lui revient habituellement.
gera rien au rituel immuable de son arrivée
La voici au printemps, y a plus de saison, une
au travail. Comme à l’accoutumée, il fait son
Marie-Laure aura tôt fait de m’enlever la
petit tour dans les ateliers, serre des mains,
tentation de St-Thomas, l’apôtre qui voulait
dit bonjour, plaisante, prend des nouvel-
toujours voir avant de croire. Elle me montre
les de l’un, s’inquiète de la santé
une gravure en cours de réalisation sur un
de l’autre. Un des horlogers
fond de boîtier de 0,7 millimètre ; selon elle,
l’apostrophe. Gentiment
c’est… épais ! Le dessin représente La Ferme.
moqueur, il le taquine
Un coup d’œil dans le binoculaire, quelques
avec
le
Paris
trois cheveux posés l’un sur l’autre, alors graver là-dessus…
St-
explications claires et je me rends bien compte
Germain qui croupit
que Toto n’est de loin pas le seul artiste ouvra-
dans les profondeurs
geant les montres Blancpain. Ornées de gra-
du classement. « Ça
vures si finement ciselées, la montre tourne au
y est , c’est reparti, je
chef-d’œuvre.
me fais de nouveau
Toto, Marie-Laure, toutes les autres mains
chambrer, ça recom-
encore… le visiteur du début a vu juste,
mence avec le PSG »
très juste même. Quant à Sébastien, il ne
lance Toto qui passe outre
s’y trompe pas lorsqu’il dit simplement que
et s’en va vers le chef du T2
« Toto a des doigts d’or ».
(Atelier de Terminaison) », Antoine,
l’un des rares Suisses parmi le personnel
I
28 | 29
Gravage du fond de la répétition minutes étanche par incision dans la matière à l’aide d’un petit burin. Un travail d’orfèvre réalisé à la main sous le microscope.
Contrôle visuel d’une masse oscillante sur la machine à pointer.
DANS
L’ A I R
DU
TEMPS
LE CHRONOGRAPHE
DE MICHEL-ANGE
PAR JEFFREY S. KINGSTON
QUEL EST LE TRAIT DE GÉNIE DU CALIBRE 1185/86 ?
DISONS SIMPLEMENT QUE BLANCPAIN A DÉJOUÉ TOUS LES
PIÈGES DES CONSTRUCTIONS À EMBRAYAGE VERTICAL
ucun artiste n’a fait progresser aussi
A
éléments constitutifs utiles pour la représen-
appliquée aux mouvements des chronogra-
considérablement la représentation du
tation de personnages habillés, pourquoi ne
phes de calibres 1185 et 1186 a servi à des
corps humain que Michelangelo Buonarroti,
pas plonger plus profondément encore dans
fins « d’études » similaires pour plusieurs
plus connu de nos jours sous le nom de
la structure interne des os, des muscles, des
constructeurs suisses renommés.
Michel-Ange. Si elle était incontestablement
tendons et des veines par la dissection de
Achèvement de maître dévoilé en 1989, le
due à ses prodigieux talents naturels, la maî-
cadavres ? Le premier artiste à avoir pratiqué
calibre 1185 se présentait comme le plus plat
trise de son art provenait aussi de ses intenses
de véritables autopsies fut le Florentin
mouvement automatique de chronographe
recherches. Dans une certaine mesure, ses
Antonio Del Pollaiuolo au milieu du XVe siè-
jamais réalisé - un record mondial qu’il conti-
études n’étaient pas sans présenter de surpre-
cle. D’autres suivirent ses traces, à l’instar de
nue de détenir de nos jours. À l’heure de ses
nantes analogies avec la formation académi-
Signorelli. Selon une opinion largement parta-
débuts sous la forme d’un mouvement à
que suivie par les artistes contemporains, qui
gée, Michel-Ange ne fut pas en reste. Cette
remontage automatique, il était encore plus
dessinent ou sculptent des modèles nus. Il
méthode de recherche peu ragoûtante lui ser-
mince que le plus plat des calibres à remon-
tenait à rendre avec une telle précision les
vit à composer un extraordinaire catalogue de
tage manuel disponible sur le marché.
moindres détails d’un corps qu’il recourait à
l’anatomie humaine. Savants et érudits furent
Toutefois, les avancées techniques liées à sa
des hommes et à des femmes dévêtus, suivant
en mesure d’identifier par l’étude approfon-
conception ne se limitaient pas à cette stupé-
en cela l’enseignement de son maître
die de ses œuvres plus de huit cents compo-
fiante minceur. L’usage voulait alors que les
Ghirlandaio, pour peindre ou sculpter des per-
sants structurels du corps humain alors que la
sonnages habillés, en vertu du principe que les
science médicale de nos jours ne connaît
nuances d’un drapé ne pouvaient être pleine-
guère que six cents os, muscles et tendons.
ment restituées qu’à la seule condition d’en
Il semble que l’industrie horlogère suisse,
comprendre avec exactitude la structure sous-
ou du moins ses éléments qui se consacrent
jacente.
aux chronographes haut de gamme, se soit
Une autre méthode, quelque peu sca-
inspirée des artistes de la Renaissance. Si la
breuse, était également utilisée à cette épo-
dissection s’est révélée utile pour progresser
que pour étudier les détails les plus infimes
dans la connaissance comme dans la restitu-
avec une minutie plus grande encore. Si les
tion artistique du corps humain pour
modèles nus permettaient de recenser divers
Signorelli et Michel-Ange, la même approche
Le calibre 1185.
30 | 31
DANS
L’ A I R
DU
TEMPS
chronographes recourent à l’engagement et
au désengagement des roues pour démarrer
ou stopper l’aiguille des secondes du chronographe. Comme l’enclenchement et l’arrêt
exigeaient l’engagement, puis le désengagement de deux rouages, une inévitable
secousse se produisait dans le mouvement de
l’aiguille. Considérons les dents d’une roue
comme une succession « de pointes et de vallées ». L’engrènement normal de la roue est
réalisé par l’engagement de la pointe d’une
roue dans la vallée de l’autre. Cependant, lorsque les deux rouages s’engrènent soudainement au moment de l’actionnement du chronographe, la position de la roue d'engagement est entièrement aléatoire, de sorte que
l’engagement initial peut se produire pointe
contre pointe plutôt que, selon la formule sou-
La platine d’embrayage est colorée en bordeaux. Remarquez les bras, en vert, qui soulèvent en
position de repos la platine supérieure pour la séparer de la surface inférieure de la roue des secondes.
La roue à colonnes, qui contrôle la position des bras, est également représentée en vert.
haitée, pointe et vallée. La conséquence en est
un saut de l’aiguille. Blancpain a résolu ce problème par le développement du premier
livrent à aucune recherche sur le mouvement
pour mentionner simplement que l’étude
embrayage vertical perfectionné pour un chro-
car, à défaut de posséder des calibres maison
inversée de la construction de Blancpain leur
nographe. La parfaite onctuosité du déplace-
pour leurs chronographes, elles se limitent à
a servi de « source d’inspiration ».
ment de l’aiguille des secondes est ainsi garan-
acquérir des mouvements développés par
Aussi quel est donc le trait de génie présent
tie à chaque instant.
d’autres). Même si leur nombre respectable
sur les calibres 1185/1186 qui a conduit tant
n’atteint pas les 800 os, tendons et muscles
de marques horlogères à leur rendre hom-
recensés par Michel-Ange, il ne fait aucun
mage ou à trouver leur « inspiration » dans
doute que les 374 composants du calibre
l’acquisition d’une Blancpain comme pre-
1185 ont été démontés et disposés sur les
mière étape de leur projet de développement
établis des horlogers de ces marques afin de
d’un mouvement ? Indiquons simplement
leur permettre de découvrir les secrets de sa
que Blancpain a surmonté avec brio toutes les
structure. En effet, à l’exemple d’un chrono-
chausse-trapes et présenté des mécanismes
graphe à embrayage vertical présenté il y a
d’embrayage vertical et de rattrapante qui ne
trois ans, le mouvement utilisé est dans ce
fonctionnent pas uniquement de manière
domaine clé presque identique, pièce pour
irréprochable, mais le font sans conférer au
pièce, à la construction de Blancpain (cette
mouvement une épaisseur malvenue.
Vue supérieure de l’embrayage, chronographe
arrêté. Les bras soulèvent la platine d’embrayage.
stupéfiante proximité peut être aisément véri-
Avant de narrer l’évolution historique de
fiée par la superposition des deux mouve-
cette construction, qu’une brève mais indis-
ments qui permet de se rendre compte par
pensable digression nous soit accordée afin de
L’industrie horlogère a reconnu depuis long-
transparence que leurs composants essentiels
considérer la difficulté recelée par la complica-
temps les vertus des conceptions d’avant-
sont en parfaite correspondance !). Une autre
tion chronographe et, davantage encore, par
garde de Blancpain. Au point que six rivaux
marque horlogère connue a récemment con-
les modèles à rattrapante. Aucune autre com-
de la Manufacture du Brassus dans le
fessé publiquement avoir analysé le mécanisme
plication ne soumet le mouvement de la mon-
domaine de la haute horlogerie ont suivi les
de la rattrapante du chronographe 1186 pour
tre au même type de brusques changements
traces de Michel-Ange et consacré une part
son modèle de montre à quantième perpétuel
dynamiques que le chronographe. En effet,
importante de leurs recherches sur le mouve-
et rattrapante très haut de gamme. À l’évi-
l’enclenchement de la fonction chronographe
ment à la dissection (souvenez-vous ici que les
dence, ses responsables se sont bien gardés
active soudainement tout un mécanisme en
marques, dans leur écrasante majorité, ne se
d’utiliser le terme inconvenant de « copie »
l’associant au rouage de la montre. De
32 | 33
Vue de l’embrayage vertical avec les deux bras de chaque côté (position de chronographe arrêté). Habituellement, l’assemblage
de l’embrayage est dissimulé aux regards par le pont supérieur qui a été découpé pour permettre cette photographie.
AUCUNE AUTRE COMPLICATION NE SOUMET LE
Il semble bien que l’engouement pour
l’embrayage vertical a sommeillé pendant de
MOUVEMENT DE LA MONTRE AU MÊME TYPE
nombreuses années après la disparition des
montres Lévy. Les Japonais furent les suivants
DE BRUSQUES CHANGEMENTS DYNAMIQUES QUE
à s’y intéresser et leurs recherches marquèrent une progression significative par rapport
LE CHRONOGRAPHE.
au brevet déposé par Lévy. Plutôt que d’utiliser une plaque de métal munie de pointes et
manière analogue, l’arrêt du chronographe
Lévy & Frères qui déposèrent le premier brevet
un disque en plastique qui s’engrenaient à
entraîne la déconnexion immédiate du méca-
à ce sujet en 1935. Mentionnons cependant
l’image d’un embrayage, les Japonais dotè-
nisme du chronographe (et de toutes les
à ce point que la construction de Lévy laissait
rent leur construction d’un double jeu de pla-
aiguilles liées à son fonctionnement) du
quelque peu à désirer, afin d’exprimer cer-
ques métalliques. Leur invention comportait
rouage. Les premières constructions de chro-
tains manquements en termes choisis, en
un élément clé sous la forme d’un ressort
nographe et la plupart des chronographes
signe de respect pour l’ouvrage d’artisans qui
dont la fonction consistait à presser les deux
actuels réalisent cette connexion et cette
travaillaient en des époques désormais révo-
plaques l’une contre l’autre. Quand le chro-
déconnexion en séparant le rouage du chro-
lues. La construction Lévy présentait un
nographe était stoppé, deux bras situés à
nographe du rouage de la montre, avant de
embrayage composé d’une plaque métallique
180 degrés agissaient contre le ressort afin
les mettre à nouveau en relation au moment
dotée de pointes en forme de triangle qui,
de séparer les deux plaques. Lorsque l’utilisa-
où le chronographe est enclenché. L’arrêt du
lorsque le chronographe était actionné,
teur enclenchait le chronographe, les bras
chronographe sépare une fois encore les deux
entraient en contact avec un autre disque réa-
étaient repoussés hors du disque pour per-
rouages. Un embrayage vertical assume la
lisé en matière plastique. L’inconvénient du
mettre au ressort de presser les deux plaques
même fonction - connexion et déconnexion -
système résidait dans le fait que les pointes
l’une contre l’autre, ce qui actionnait l’em-
mais avec une élégance et une délicatesse
métalliques finissaient inévitablement par tra-
brayage et, ainsi, le chronographe.
aucunement comparables à la brusque colli-
cer des sillons dans la plaque de plastique plus
Néanmoins, la construction japonaise
sion de deux rouages.
tendre et étaient à l’origine des performances
n’était pas sans présenter encore quelques
Blancpain ne s’arroge nullement le mérite
erratiques du chronographe. Il n’est donc
inconvénients. En premier lieu, le ressort d’em-
d’avoir inventé la première construction à
guère surprenant que seule une petite poi-
brayage
embrayage vertical. Cet honneur échoit à
gnée de ces garde-temps a fini par voir le jour.
à garantir la juxtaposition uniforme des
n’était
pas
conçu
de
sorte
DANS
L’ A I R
DU
TEMPS
Sur cette vue, le chronographe est enclenché. Les deux bras sont écartés de la platine d’embrayage permettant au disque d’être repoussé sur
la roue de secondes constamment en mouvement située au-dessous. Deux des trois pieds du ressort d’embrayage peuvent être vus, l’un à 5 heures,
l’autre à 10 heures. Remarquez le doigt du ressort au sommet de l’assemblage de l’embrayage qui commande le compteur des minutes.
deux plaques. Le ressort possédait la forme
L’OBJECTIF ÉTAIT DE CONCEVOIR UN NOUVEAU
d’un disque, ce qui impliquait que sa surface
entière était en contact avec l’un des disques.
MÉCANISME QUI SOIT FIABLE ET SUFFISAMMENT PLAT
La moindre distorsion ou la plus légère déformation entraînait donc une pression plus éle-
POUR S’INSÉRER DANS DES BOÎTIERS ÉLÉGANTS.
vée sur un côté de l’embrayage. A son tour, il
exercerait une force latérale sur l’aiguille des
secondes du chronographe, parfaitement
connaissaient ces constructions antérieures.
sort Blancpain possède donc trois pieds qui
indésirable sur n’importe quel chronographe
Leur objectif était de concevoir un nouveau
sont en contact avec l’un des disques de l’em-
et souvent fatale, ainsi que nous le verrons ci-
mécanisme exempt des défauts présents sur
brayage. Depuis lors, cette innovation a été
dessous, sur un modèle à rattrapante.
ces tentatives précoces qui ne fonctionnerait
amplement et servilement copiée par toute
Deuxièmement, l’aiguille des secondes et le
pas uniquement de manière fiable mais pos-
l’industrie. En second lieu, afin de réduire
compteur des minutes du chronographe
séderait un profil suffisamment plat pour
l’épaisseur du mouvement, Edmond Capt a
étaient dépourvus de dispositifs de blocage
s’insérer dans des boîtiers élégants dotés de
eu l’idée, au lieu de construire un embrayage
destinés à garantir l’immobilisation des aiguil-
simples chronographes et offrirait la possibi-
entièrement séparé et de le relier au rouage
les quand le chronographe était déclenché. Un
lité d’y adjoindre des complications addition-
de la montre, de disposer la roue des secon-
choc violent sur la montre aurait risqué de pro-
nelles, telles que quantième perpétuel ou
des (lisez rouage : les horlogers utilisent le
pulser les aiguilles en avant depuis leur posi-
rattrapante, sans prendre inévitablement la
terme de « roue » pour décrire un rouage) sur
tion d’immobilisation. Enfin, la construction
forme disgracieuse d’une « boîte de thon
l’une des surfaces de l’embrayage lui-même.
était relativement épaisse en raison de diverses
pour le poignet ».
Ainsi, plutôt que de mettre en contact deux
options de conception, y compris la réalisation
Edmond Capt a retenu l’idée du ressort
plaques entièrement séparées, le ressort de la
de l’embrayage sous la forme d’un composant
comme pièce centrale de l’embrayage, mais
construction Blancpain pousse la plaque qui
entièrement séparé du train de rouages et le
au lieu de conserver sa forme circulaire, il l’a
entraîne l’aiguille des secondes du chronogra-
déplacement de certaines pièces du mouve-
monté sur le plus stable et le plus plan de tous
phe (et active les compteurs des minutes et
ment sur le côté cadran de la montre.
les types de plateformes, un trépied (car nul
des heures) directement sur la roue tournante
Lorsque Edmond Capt et l’équipe de
n’ignore par sa simple expérience personnelle
des secondes du mouvement. Cette disposi-
Blancpain se sont attelés à la création du
qu’un tabouret à trois pieds est toujours plus
tion, également, a suscité de nombreuses imi-
calibre 1185 au début des années 1980, ils
stable qu’un tabouret à quatre pieds). Le res-
tations.
34 | 35
d’inspiration par les concurrents de Blancpain
et il a donc fait l’objet de nombreuses copies,
presque identiques à l’original.
Le ressort du compteur des minutes constitue un autre élément clé de l’embrayage. Le
chronographe Blancpain possède un compteur des minutes, conventionnellement désigné par le terme « semi-instantané ». À chaque fois que l’aiguille des secondes du chronographe passe le 60 (après chaque minute
entière de rotation), un doigt confectionné
dans un ressort précisément calibré engage
une dent de la roue pour la faire sauter exactement d’une dent, de sorte que l’aiguille du
compteur des minutes accomplisse un saut
précis d’une minute. Le dessin de ce doigt à
Ici, la roue à colonnes (en vert) a tourné en écartant les deux bras du cercle supérieur de l’embrayage
(en bordeaux). En bleu, le train de rouages pour le compteur des minutes. Lorsque le doigt du ressort
bordeaux de l’embrayage passe le rouage bleu adjacent, il le déplace d’une dent et avance ainsi d’une
minute le compteur des minutes.
ressort a exigé de longues études et recherches de l’équipe d’Edmond Capt. Le ressort
devait être suffisamment fort pour faire avancer la roue entièrement et précisément d’une
usqu’à présent, nous nous sommes
J
position adoptée par les cœurs dès qu’ils
dent. Un ressort trop fort ou un engagement
concentrés sur la mise en marche et l’arrêt
subissent une pression devient le « zéro » lors-
trop profond auraient pu provoquer un brus-
du chronographe, où, naturellement, l’em-
que l’aiguille est remise en place.
que à-coup, suivi de l’arrêt de la montre. Un
brayage tient le rôle principal. Cependant, il
L’utilisation par Blancpain de cames en
ressort trop faible n’aurait pas garanti le suc-
convient également de considérer un autre
forme de cœur pour le retour à zéro n’était
cès de l’opération et le compteur des minutes
élément essentiel, le retour à zéro. Après la
certes pas une innovation, car elles sont
n’aurait pas été fiable. En outre, le doigt à res-
mise en marche du chronographe, le proprié-
connues depuis deux siècles. L’aspect inédit de
taire souhaite en général remettre à zéro l’ai-
la construction résidait dans la conception du
guille des secondes ainsi que les compteurs
marteau, la pièce destinée à exercer une pres-
des minutes et des heures (sur un chronogra-
sion sur les cœurs lors de la remise à zéro.
phe à deux poussoirs, le retour à zéro s’effec-
Edmond Capt a dessiné à cet effet un simple
tue par l’actionnement du poussoir inférieur).
levier droit qui traversait presque tout le mou-
Les chronographes de conception tradition-
vement et possédait un petit doigt à la posi-
nelle utilisent à cet effet une came en forme
tion de chaque cœur. A chaque actionnement
de cœur, simplement appelée cœur par les
du poussoir qui commande le retour à zéro, la
horlogers. Même si elle ressemble par sa
roue à colonnes pousse ce levier latéralement
forme à un bonbon de la Saint - Valentin, elle
et amène chaque doigt vers son cœur, ce qui
est calculée de manière logarithmique en sorte
remet simultanément à zéro l’aiguille des
Vue supérieure de l’embrayage vertical
de toujours réagir à toute force exercée par un
secondes et les deux compteurs (alors que la
en position chronographe enclenché. Les
levier en pivotant vers une position dans
construction japonaise possédait des mar-
laquelle le levier repose sur la partie supérieure
teaux séparés pour le retour à zéro, ce qui ne
sort devait posséder une forme qui permette
du cœur. Comme la pièce tend à revenir systé-
permettait pas de garantir la simultanéité de
la libre rotation du rouage lors du retour à
matiquement à la même position, elle repré-
l’opération). De surcroît, ce marteau à trois
zéro, au moment où il passait à sa hauteur
sente la solution idéale pour le retour à zéro.
têtes reste en place contre les trois cames en
dans sa course vers le zéro. Avec intelligence,
Aussi les chronographes sont-ils dotés depuis
forme de cœur pendant que le chronographe
l’invention d’Edmond Capt fait de ce doigt
de nombreuses années d’un cœur sur chaque
est arrêté et permet ainsi d’immobiliser les
une partie intégrante de l’embrayage, une dis-
axe - les secondes du chronographe, le comp-
trois aiguilles. Le dessin particulier du marteau
position à laquelle personne n’avait songé pré-
teur des minutes, le compteur des heures. La
a également été considéré comme une source
cédemment. La dissection studieuse des chro-
bras sont écartés du disque.
DANS
L’ A I R
DU
TEMPS
nographes Blancpain a permis d’imiter égale-
chronographe, ce qui lui a valu son nom, pour
À cet égard, l’arme secrète réside dans l’em-
ment cette invention.
se confondre à nouveau avec sa position et
ploi d’un isolateur - une nouvelle construction
ses évolutions.
de Blancpain qui a également servi de source
L’ajout d’une nouvelle complication sous la
forme d’une rattrapante entraîne un niveau
Si ce principe semble aisé à décrire, sa
d’inspiration à d’autres marques horlogères.
de difficulté entièrement différent. Le calibre
réalisation est particulièrement ardue. Les
L’alignement des deux aiguilles est effectué par
à rattrapante de Blancpain, le 1186, est un
composants essentiels de ce mécanisme
une came en forme de cœur attachée à l’axe
proche parent du chronographe de base
sont une autre roue à colonne, un frein et
de la rattrapante. Lorsque les aiguilles coïnci-
1185. Le mécanisme de rattrapante est incor-
un isolateur. L’actionnement de la com-
dent parfaitement, un doigt dont la force pro-
poré à l’arrière du chronographe. Le principe
mande destinée à séparer les deux aiguilles
vient d’un ressort exerce une pression contre
fondamental semble d’une grande simplicité :
des secondes provoque également le pivo-
le cœur, le contraignant à se centrer lui-même
il s’agit de doter le chronographe d’une
tement d’une roue à colonnes qui actionne
puis à se déplacer (ou, s'il est déjà immobilisé,
aiguille des secondes supplémentaire qui
un frein. Pensez au frein sous la forme
à le rester) dans la même position que l’aiguille
tourne la plupart du temps à l’unisson avec
d’une pince. Le pivotement de la roue à
principale des secondes du chronographe.
l’aiguille principale des secondes du chrono-
colonnes serre les mâchoires de la pince sur
Dans la conception originale, ce doigt était
graphe (dont les mouvements devraient
les deux côtés d’une roue attachée à l’axe
fabriqué en métal. Depuis lors, Blancpain a
idéalement coïncider avec cette même
de l’aiguille des secondes de la rattrapante.
encore perfectionné la construction en le
aiguille de telle sorte que l’œil ne soit pas en
Le pincement du frein sur la roue sert à
substituant par un disque pivotant en rubis
mesure de percevoir sa présence) mais qui
stopper la roue. Voilà qui semble parfait,
pressé contre la came en forme de cœur. Pour
peut être arrêtée indépendamment de l’ai-
mais comme cette aiguille avance avec l’ai-
les périodes où le frein est actionné, Edmond
guille principale des secondes du chronogra-
guille principale des secondes du chrono-
Capt a conçu une autre roue, dite roue d’iso-
phe afin de laisser cette dernière poursuivre
graphe reliée par l’entremise de l’em-
lateur, qui pivote et repousse loin du cœur le
librement sa progression. Enfin, le méca-
brayage au rouage de la montre, comment
levier habituellement laissé en contact. Cette
nisme doit permettre à l’aiguille arrêtée de
empêcher ce frein d’interrompre complète-
action dissocie l’aiguille désormais arrêtée de la
rattraper l’aiguille principale des secondes du
ment la marche de notre garde-temps ?
progression de l’aiguille principale des secon-
Le mécanisme de rattrapante vu par dessous. À gauche, les aiguilles sont superposées, la position de l’aiguille de rattrapante maintenue par le rubis
rouge qui appuie contre le cœur bleu. À droite, les aiguilles sont séparées. La roue à colonnes a tourné, provoquant la pression des deux bras de
freinage sur la roue de centre de l’aiguille de rattrapante et l’immobilisant (les flèches indiquent la direction de déplacement des bras). Remarquez
la manière dont le bras à ressort vert a fait pivoter l’isolateur. Cette rotation, illustrée par une flèche dans le sens horaire, provoque l’ouverture
du bras jaune portant le rubis, l’écartant du cœur bleu et isolant ainsi l’aiguille de la rattrapante, qui cesse d’accompagner celle des secondes.
36 | 37
aux utilisateurs des chronographes les plus
chers au monde, fondés sur le principe des
engagements de rouages, de ne pas laisser
tourner le chronographe en permanence pour
éviter toute usure excessive des dents fragiles
de la roue de chronographe. Tel n’est pas le
cas pour Blancpain et le chronographe peut
continuer à fonctionner aussi longtemps que
son propriétaire le désire.
En offrant tous ces avantages aux passionnés d’horlogerie par la présentation des calibres 1185 et 1186, Blancpain a également
Edmond Capt, le génie derrière la conception du 1185/86
QU’ONT DONC RÉALISÉ CAPT ET BLANCPAIN ? ILS ONT SURMONTÉ LES
INCONVÉNIENTS DES CONSTRUCTIONS À ENGAGEMENT DE ROUAGES. COMMENT
IMAGINER UN HOMMAGE PLUS SINCÈRE QUE DE VOIR LES AUTRES
CONSTRUCTEURS HORLOGERS IMITER LES SOLUTIONS DE BLANCPAIN ?
des du chronographe (d’où le terme d’isola-
sur cet axe, qui aura pour conséquence une
pulvérisé des records du monde. Ces deux
teur). L’action du frein est rendue particulière-
diminution de l’amplitude de la montre ou,
mouvements étaient les mécanismes les plus
ment précise par la présence de très petites
pire encore, l’arrêt du mouvement. Toute iné-
plats au monde dans leur catégorie et ils le res-
dents sur sa surface de contact afin d’accroître
galité dans le serrage du frein - l’un des côtés
tent encore de nos jours. A l’évidence, ils ont
la sécurité de sa prise sur l’extérieur de la roue
de la pince exerçant une pression plus élevée
tous deux mérité les plus grands honneurs,
de la rattrapante. Au moment où l’utilisateur
que l’autre – provoquerait de semblables
qu’ils ont désormais reçus de la manière la
souhaite réunir les aiguilles - c’est-à-dire
déboires.
plus convaincante qui soit. Comment conce-
demander à l’une de rattraper l’autre - la roue
Comment Edmond Capt et Blancpain sont-
voir en effet meilleur et plus sincère hommage
à colonnes pivote afin de relâcher simultané-
ils donc parvenus à réaliser ce véritable tour de
que de constater que les autres constructeurs
ment le frein, faire avancer la roue d’isolation,
force technique ? En maîtrisant l’embrayage
horlogers sont si nombreux à avoir emprunté
permettre au disque en rubis à l’extrémité du
vertical, Blancpain a simultanément surmonté
les solutions développées par Blancpain ?
doigt d’exercer une nouvelle pression sur le
les inconvénients des constructions destinées
cœur et faire à nouveau coïncider l’aiguille de
à engager les rouages. Les mouvements
rattrapante avec l’aiguille des secondes princi-
1185/1186 assurent le départ et l’arrêt en
pale du chronographe.
douceur du chronographe à chacun de ses
Comme il convient d’intégrer à ce processus
actionnements. L’aiguille ne saute jamais. En-
un incroyable degré de précision, il devient dès
suite, comme le rouage de la montre est tou-
lors évident que la rattrapante figure parmi les
jours entraîné par la plaque la plus basse de
complications horlogères dont la mise en pra-
l’embrayage, de sorte que l’activation du chro-
tique est la plus complexe et délicate. Le
nographe ajoute uniquement l’aiguille des
mécanisme de rattrapante est disposé sur l’ar-
secondes du chronographe au rouage, l’am-
rière du mouvement, ce qui accroît d’autant la
plitude de la montre et, autre élément essen-
longueur de l’axe des aiguilles. Le moindre
tiel, sa précision de marche sont à peine
déplacement ou le plus petit écart par rapport
influencées par l’enclenchement du chrono-
Calibre 1186 : le premier chronographe à
à un alignement parfait entraînera une friction
graphe. Il est systématiquement recommandé
rattrapante automatique au monde (1989).
I
ART
DE
VIVRE
GRUYÈRE AOC :
UNE FORCE DE LA
PAR DIDIER SCHMUTZ
PHOTOGRAPHIES HUGUES DE WURSTEMBERGER ET CHRISTOPHE DUTOIT
ans le précédent numéro des Lettres du
D
du Gruyère, autre fromage suisse classé en
Brassus, nous vous présentions un tré-
Appellation d’origine contrôlée (AOC1).
sor de la gastronomie fromagère suisse : le
Parler du Gruyère, raconter son histoire char-
Vacherin Mont d’Or AOC. Digne enfant de
gée de traditions, remonter à ses origines,
la Vallée de Joux, ce fromage tout en finesse,
apprécier ses qualités gustatives uniques,
plein de délicatesse, arrive sur nos tables vers
c’est entamer un voyage à travers les campa-
la fin du mois d’août et disparaît en avril
gnes de Suisse romande. À l’exception de
avec l’installation du printemps. Une spécia-
Genève et du Valais, tous les autres cantons
lité saisonnière donc. Dès lors, que font les
francophones sont inclus dans la zone de
fromagers de la Vallée le reste de l’année,
production telle qu’elle est définie dans le
entre avril et septembre ? Nous l’avions dit :
cahier des charges de l’AOC.
1 Ils ne sont que huit fromages à pouvoir bénéficier de cette prestigieuse reconnaissance qu’est l’AOC : L’Etivaz, Gruyère,
Berner Alpkäse, Sbrinz, Vacherin Mont d’Or, Formaggio d’Alpe Ticcinese, Tête de Moine et Vacherin fribourgeois.
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PARLER DU GRUYÈRE, RACONTER SON HISTOIRE CHARGÉE DE TRADITIONS,
C’EST ENTAMER UN VOYAGE À TRAVERS LES CAMPAGNES DE SUISSE ROMANDE.
ART
DE
VIVRE
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Point de départ de notre périple au
elles sont ensuite plongées dans un bain de
Oublions les techniques de fabrication pour
Brassus, à la fromagerie où travaille René
sel pour vingt-quatre heures avant de pren-
évoquer plutôt la poésie du lait. Quelle
Piguet, chef d’exploitation au service de la
dre place en cave pour des soins quotidiens.
magnifique matière ! Je me souviens de cette
Société de laiterie du village depuis 27 ans.
Pendant ce temps, arrivent à tour de rôle les
toute jeune fromagère qui disait sa passion.
Nous irons ensuite sur les montagnes grué-
treize producteurs de lait qui livrent la traite
Fille de paysan, elle s’en allait avec son père à
riennes avant de revenir sur les alpages de la
du matin. C’est ce lait, ajouté à celui du soir
la fromagerie et se mettait à rêver devant les
Vallée de Joux.
précédent, qui servira à la fabrication du jour.
chaudières pleines à ras bord. « J’étais comme
À l’entrée de la fromagerie du Brassus, en
Entre analyses des échantillons de lait préle-
ensorcelée par ce lait qui allait nous donner
activité depuis 190 ans et rénovée régulière-
vés sur chaque livraison, nettoyage des pla-
du Gruyère, ou un Vacherin, ou une tomme,
ment (la dernière fois en automne 2005) un
ques marquées « Le Gruyère AOC » et sur-
ou du beurre, ou de la crème. Comment
panneau sévère avertit le curieux :
veillance de la température du lait qui
peut-on faire autant de produits différents
chauffe doucement, René n’a guère le temps
avec une seule matière ? C’était un mystère
de parler. Il explique néanmoins que « la mar-
fascinant pour la petite que j’étais. »
STOP ! Zone d’hygiène. Accès interdit à
toute personne non autorisée.
Dehors, le froid est piquant. Munis de tou-
que sur les plaques qui entoure le talon du
Le dernier producteur arrive vers 7 heures.
tes les autorisations, nous entrons dans cet
fromage pendant le temps de presse a été
Charles Rochat a ceci de particulier qu’il est
univers de vapeur, de tuyaux rutilants, de
introduite pour distinguer l’authentique
un descendant des paysans horlogers à la
robinets, de cuves. Il y en a trois, dont une sur
Gruyère des copies qui circulent dans les cou-
lointaine époque où les paysans se transfor-
pied pour le Vacherin. Celle-ci est inactive.
lisses du marché noir ». Une plaie ! Mais,
maient en horlogers, une fois achevé le tra-
René s’affaire. Sa journée a commencé avant
comme tout produit de luxe (montres, par-
vail avec le troupeau. Charles nous emmène
5 heures du matin par le démoulage des
fums, maroquinerie...), le Gruyère n’est pas
sur son domaine, voir la maison au style typi-
meules d’une trentaine de kilos chacune ;
épargné par les contrefaçons.
que de la Vallée. Tout en haut de la façade,
SA JOURNÉE A COMMENCÉ AVANT 5 HEURES DU MATIN
PAR LE DÉMOULAGE DES MEULES D’UNE TRENTAINE DE KILOS CHACUNE.
ART
DE
VIVRE
sous le toit, une lignée de fenêtres rappelle
cation ou construisent de nouvelles froma-
vallées ; afin de satisfaire une demande qui
ce temps aujourd’hui révolu. Exceptée une
geries. À partir de là, la production de
va croissant dans les pays avoisinants, les
photographie, Charles n’a guère de souve-
Gruyère s’implante - ou reprend durable-
paysans-fromagers se mettent à fabriquer
nirs à nous raconter. Nous nous contente-
ment - dans le canton de Vaud.
aussi durant l’hiver. Les premières fromage-
rons de l’image reproduite ici.
Ce bref coup d’œil en arrière montre que
ries villageoises apparaissent ; elles supplantent peu à peu la production alpestre.
L’ancrage du Gruyère, ou disons plutôt le
nous ne sommes pas encore parvenus aux
développement de sa fabrication en pays
sources du Gruyère . Il faut remonter loin
Etalée dans le temps, la fabrication du
vaudois, remonte aux années vingt. À la fin
dans le temps, jusqu’au Moyen Âge, pour
Gruyère se déploie aussi dans l’espace géo-
de la Grande Guerre, la production de lait
trouver les premières mentions d’un fromage
graphique. Son territoire court le long de
grimpe en flèche alors que les exportations
gras qui se fabriquait uniquement en été sur
l’arc jurassien, descend vers la plaine, tra-
de fromage et de lait condensé chutent. À
les alpages des montagnes gruériennes. Les
verse les régions de grandes cultures du can-
l’étranger, les économies sont exsangues.
montagnards de ce coin de pays sont indé-
ton de Vaud, arrive à Fribourg - le canton qui
Entre 1921 et 1922, le prix du lait s’effondre,
niablement les inventeurs du Gruyère. Ils gar-
assure à lui seul la moitié de la production -
il passe de 36 à 19 centimes. Nestlé ferme
dèrent longtemps leur secret de fabrication,
et grimpe enfin dans les alpages des
ses condenseries, une mesure radicale qui
jusque vers le milieu du XVII siècle lorsque
Préalpes fribourgeoises. Nous voilà parvenus
touche de plein fouet les producteurs de lait
des fromagers ambulants originaires de la
en Gruyère3 au cœur du pays qui a donné
dans plus de soixante villages vaudois. Face
Gruyère s’en allèrent offrir leurs services sur
nom et naissance à ce fromage aujourd’hui
à la crise, les sociétés de laiterie cherchent à
les alpages du Jura vaudois. Par la suite, la
mondialement apprécié. Montons sur les
remettre en état d’anciens ateliers de fabri-
fabrication du Gruyère se généralise dans les
sommets pour une rencontre surprenante.
2
e
CHARLES ROCHAT EST UN DESCENDANT DES PAYSANS HORLOGERS
À LA LOINTAINE ÉPOQUE OÙ LES PAYSANS SE TRANSFORMAIENT
EN HORLOGERS, UNE FOIS ACHEVÉ LE TRAVAIL AVEC LE TROUPEAU.
2 Le site www.gruyere.com contient une partie historique
très complète.
3 L’un des sept districts du canton de Fribourg.
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ART
DE
VIVRE
Les alpages fribourgeois :
retour aux sources
Interloqués par ce convoi dérapant dans la
qu’il faut descendre tous les jours les meules
pente, les randonneurs en sueur se deman-
aux caves de la Tzintre à Charmey, que pour
dent d’où il sort, si ce n’est pas un coup
le transport, Marco vaut tous les hélicoptè-
Sur le chemin caillouteux, Georges et
monté par l’Office du tourisme pour faire
res, que dans le temps c’était ainsi, en haut
Marco ne passent pas inaperçus. Le pre-
bien dans le paysage. « Ils vous payent com-
en bas tous les jours, à dos d’homme avec
mier est patron d’une fiduciaire à Genève,
bien pour faire ça ? » questionnent-ils fré-
l’oiseau ou sur les flancs du mulet, que la vie
le second est un vaillant mulet transpor-
quemment. À chaque fois, Georges rigole
alpestre n’est pas l’apanage trompeur des
teur de fromages. Curieux attelage. Dans
avant de se fendre d’une explication. Il dit
Heidi de la nature ou des champions de la
les passages les plus scabreux, l’homme
qu’un peu plus haut, au chalet des Morteys à
grande surface. Il dit que Marco et lui trans-
encourage la bête, doucement, avec la
1900 mètres d’altitude, il se fabrique deux
pirent ensemble dans la sente abrupte.
complicité qu’il faut, la voix qu’il faut. Il est
Gruyères par jour, que l’herbe et les fleurs
En homme discret ainsi que l’exige sa pro-
beau de l’entendre.
confèrent au fromage un goût incomparable,
fession de gestionnaire financier, Georges
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n’aime pas parler de lui. Pourquoi est-il là ?
Pourquoi bredzon4 et bottes à gamaches5 au
lieu du complet-veston assorti aux souliers
vernis ? Pourquoi ces efforts sans confort ?
Pourquoi sa limousine s’appelle-t-elle Marco ?
Parce que natif d’un petit village de montagne, fils de gens de la terre, il a gardé la
racine intacte.
Amoureux de son pays, l’enfant de
Bellegarde6 randonnait en week-end comme
presque tous les fribourgeois de l’extérieur,
allant par monts et par vaux, d’alpages en
cabanes, de buvettes en pâturages pour un
peu de rafraîchissement à grandes rasades de
ressourcement. Un jour de balade sous le Vanil
Noir, il croise l’armailli Bruno Gachet au travail
dans sa cambuse enfumée, lui commande un
fromage. Et réfléchit : dans les conditions
extrêmes de cet alpage, comment fait cet
homme pour descendre ses Gruyères ?
Comme il peut, grâce aux amis, aux parents et
puis si ça ne va pas, il faudra arrêter la fabrication. Arrêter ! Pas question, Georges propose
ses services à un Bruno incrédule. Lui, le col
blanc, avec moi, le paysan planté dans sa
montagne ? Pas pensable, il doit confondre le
bureau et l’étable ! C’était en 1999. Depuis,
Georges et Marco sont indissociables de la vie
au chalet des Morteys, l’homme et l’animal
forment un couple d’auxiliaires incontournables ; sans eux, il n’y aurait sans doute plus de
chaudière en activité dans ce vallon sauvage,
trop loin de tout. Grâce à eux, là-haut la tradition dans sa plus belle expression s’accroche à
la réalité. Rare.
Cela fait maintenant plus de vingt ans que
Bruno, sa femme Martine et leurs trois petits
enfants abandonnent le confort et les facilités
du bas pour se retrouver aux Morteys ; en
fonction de la météo, la famille y passe quatre
à six semaines. Entre juillet et août, les 40
vaches du troupeau pâturent au dernier étage
d’une transhumance commencée en mai. Audelà d’un mouvement séculaire, la montée en
alpage constitue une nécessité économique. À
l’heure où nombre de paysans hésitent de plus
en plus à alper vaches et génisses, Bruno ne
saurait se passer des prairies montagneuses.
4 Costume traditionnel des armaillis.
5 Grosses guêtres.
6 Village au pied du col du Jaun qui marque la frontière entre les cantons de Berne et Fribourg, entre la zone du Gruyère AOC et celle du Berner Alpkäse AOC.
ART
DE
VIVRE
GRÂCE À EUX, LÀ-HAUT LA TRADITION DANS SA
En Vallée de Joux, l’été
Chaque printemps, le troupeau doit quitter le
lage durant l’hiver. « Sans les alpages, avec mes
domaine de Mézières, petit village en contre-
13 petits hectares, mon domaine ne serait tout
bas de la ville de Romont. Il le doit, en démé-
simplement pas viable, il faudrait acheter tout
Le feu crépite sous la chaudière. 52°, 53°,
nageant trois fois d’un alpage à l’autre, pour
le fourrage, ce qui est impensable économi-
54°,… la température du caillé monte dou-
permettre à l’herbe de pousser, afin de pro-
quement ou alors vendre une partie de mes
cement ; approche le moment de la sortie,
duire les tonnes de fourrage qui permettront
vaches en automne et trouver un travail com-
à bras et à la toile comme l’exige la section
au troupeau de passer l’hiver au chaud. Bruno
plémentaire en dehors de la paysannerie. C’est
4 du cahier des charges intitulée « Condi-
a pleine conscience du fait que la survie de sa
plus du boulot ! Et de plus, changer de métier
tions spécifiques à l’obtention, l’étique-
famille dans la paysannerie dépend de l’équili-
trop de boulot. » Et bien non ! Paysan et éle-
tage et au contrôle du Gruyère d’alpage
bre plaine - montagne durant la belle saison et
veur passionné, il s’accroche à son troupeau, à
AOC ». Au chalet de La Combe Noire, au-
par la livraison de son lait à la fromagerie du vil-
ces montagnes qu’il exploite en location.
dessus de la commune du Lieu en Vallée de
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Joux, Daniel Hauser exécute les mêmes
clôtures à poser et on n’y va pas en vélo !
uniquement durant l’été ; le caractère sai-
gestes que son collègue Bruno. Nous som-
Faut pas oublier non plus le nettoyage et
sonnier nous reconduit également aux
mes donc toujours dans la catégorie
l’épierrage des pâturages… ». Sans parler
caractéristiques de la fabrication en mon-
alpage. Seul le paysage a changé, il s’est
des 150 génisses qui exigent soins et sur-
tagne.
Fromageries villageoises comme celle du
Brassus, alpages d’altitude en Gruyère ou
PLUS BELLE EXPRESSION S’ACCROCHE À LA RÉALITÉ.
alpages plus aisés à travailler en Vallée de
Joux, multiples sont les lieux de fabrication
des Gruyères AOC. Variant les goûts et les
fait plus doux, plus vaste, plus accessible,
veillance, le chardon tenace et la gentiane
saveurs, la grande famille reste cependant
plus maniable pour l’homme, moins risqué
envahissante redonnent une allure d’al-
unie dans ses différences. Voilà sa force.
pour le troupeau. Entre l’alpage fribour-
page à ces étendues naturelles, occupées
geois et le vaudois, la différence apparaît
dans le cadre naturel d’abord, dans les
conditions d’exploitation ensuite. Au chalet de La Combe Noire, pas de Marco, ni de
longues heures de marche, le camion de
La matière première destinée à la fabrication du GRUYÈRE AOC est obligatoirement un
Fromages Gruyère SA prend livraison de la
lait cru, livré matin et soir à la fromagerie. Il provient de vaches nourries aux fourrages
production devant le pas de porte avant de
naturels, sans adjonction de conservateurs (herbe en été, foin et regain en hiver ainsi que
rouler en direction de Froideville, là où se
divers compléments strictement définis dans le cahier des charges). L’usage d’additifs lors
trouvent les caves de la filiale d’un impor-
de la fabrication et durant l’affinage est prohibé. Pas moins de 400 litres de lait frais sont
tant
nécessaires pour la fabrication d’une meule d’environ 35 kg. Durant la lente maturation
commerçant
affineur,
Fromages
Gruyère SA.
La taille des estivages change aussi. Au
dans les caves d’affinage - elle dure cinq mois au minimum - les meules sont régulièrement retournées et frottées à l’eau salée. L’humidité va permettre la formation de la
chalet de la Grandsonnaz-Dessous, Félix
morge qui favorise le processus de maturation agissant de la croûte vers l’intérieur.
transforme le lait de 94 vaches, soit un
Le Gruyère se présente sous forme de meules rondes avec une croûte emmorgée, grainée
contingent de 170.000 kilos pour la sai-
et uniformément brunâtre et saine. Le talon est légèrement convexe. Au toucher, la pâte
son. À le voir à l’œuvre autour de ses deux
a l’aspect d’une surface fine et faiblement humide. Elle est moelleuse, moyennement
cuves, on dirait qu’un fromager de plaine a
ferme et peu friable. De teinte ivoire à légèrement citronnée, la couleur de la pâte varie
déménagé ses installations en montagne.
selon les saisons. Les goûts sont soutenus par une note plus ou moins salée ; ils sont
« C’est vrai », admet-il, « ce n´est pas vrai-
francs, équilibrés et aromatiques. Les saveurs fruités dominent et varient selon les ter-
ment comparable à ceux des Préalpes,
roirs, restituant ainsi toute la richesse et la diversité des herbages de la zone de produc-
mais nous sommes aussi des armaillis. Il y a
tion. Le Gruyère est un fromage aux multiples saveurs.
280 hectares, soit plus de 30 kilomètres de
I
ART
DE
VIVRE
DE L’OPÉRA
AU PHILHARMONIQUE
UN
ENTRETIEN
AVEC
PAMELA
ROSENBERG
PAMELA ROSENBERG N’A CESSÉ D’INNOVER TOUT AU
LONG DE SA CARRIÈRE MUSICALE. LES LETTRES DU BRASSUS
L’ONT RENCONTRÉE RÉCEMMENT POUR CONNAÎTRE SES
IMPRESSIONS SUR SES NOUVELLES FONCTIONS À BERLIN.
Pamela Rosenberg a poursuivi une bril-
Times qui n’a pas hésité à qualifier sa
requis un grand travail de ma part car il m’a
lante carrière sur deux continents. Cette
mise en scène inspirée du Saint François
fallu découvrir les caractéristiques et les spé-
Californienne de naissance est désor-
d’Assise de Messiaen de plus grand évé-
cificités d’un orchestre symphonique.
mais directrice exécutive – le terme offi-
nement mondial de la saison d’opéra.
Les modes de planification, par exemple,
ciel est « Intendantin » – du célèbre
Les Lettres du Brassus ont récemment
sont extrêmement différents. Dans le
Philharmonique de Berlin, un poste
rencontré Pamela Rosenberg afin d’évo-
domaine de l’opéra, il est indispensable d’éta-
qu’elle
quer ses nouvelles fonctions à la tête du
blir des prévisions à horizon de trois ou qua-
Philharmonique de Berlin.
tre ans car tout projet implique de travailler
occupe
depuis
août
2006.
Auparavant, elle avait dirigé divers opé-
avec plusieurs chanteurs, un chef d’orchestre,
ras en Allemagne et en Californie. Elle a
un metteur en scène et un décorateur.
notamment présidé aux destinées du
Après tant d’années consacrées à
Deutsches Schauspielhaus de Hambourg,
l’opéra, comment avez-vous vécu cette
Pour sa part, la programmation d’un
de l’Opéra de Francfort, de l’Opéra des
transition pour assumer la direction de
orchestre symphonique s’effectue deux ans
Pays-Bas à Amsterdam et de l’Opéra de
l’orchestre philharmonique de Berlin ?
à l’avance, à l’exception du programme de
Stuttgart. Avant de retrouver l’Europe,
Sans conteste, il s’agit de deux champs d’ac-
tournées. En outre, l’unité de planification
elle a administré l’Opéra de San
tivité différents. La direction d’un orchestre
est d’une semaine car le programme change
Francisco pendant six ans, au cours des-
représente une tâche nettement moins com-
sur une cadence hebdomadaire (en règle
quels son talent a été unanimement
plexe que l’administration d’une compagnie
générale avec trois ou quatre concerts où
reconnu, y compris par le New York
d’opéra. Néanmoins, cette transition a
sont exécutées les mêmes œuvres). À chaque
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fois, il faut engager un chef d’orchestre,
parfois aussi un soliste ou un chœur.
Cependant, les intervenants ne sont pas
aussi nombreux que dans le cas d’un
opéra et le processus de programmation
d’un orchestre symphonique est nettement plus flexible.
Enfin, les décisions relatives à la programmation sont prises d’une autre
manière au sein d’un ensemble philharmonique. Le directeur d’une compagnie
d’opéra façonne dans une large mesure
le profil de la troupe en choisissant le
répertoire, les metteurs en scène, les
décorateurs, les chanteurs et les chefs
d’orchestre. Le directeur musical tient un
rôle essentiel dans l’adoption d´une
grande partie de ces décisions. Dans la
ART
DE
VIVRE
majorité des cas, des thèmes de prédilection
d’intérêt général qui concernent l’orchestre
dent que l’opéra offre une vaste
et des idées dominantes sur les options dra-
dans son ensemble.
gamme, des œuvres lyriques baroques
Cependant, il existe de nombreux domai-
aux premières mondiales, mais nous
culière à la composition de la saison.
nes dans lesquels je suis en mesure de pren-
devons effectuer des choix en nombre
Dans le cas du Philharmonique de Berlin, la
dre des résolutions et de façonner l’organi-
nettement plus élevé car nous présen-
planification relève d’un travail collectif. Sir
sation. Nous donnons un nombre très élevé
tons un programme différent chaque
Simon Rattle, notre directeur musical, deux
de concerts de musique de chambre au
semaine pendant plus de dix mois par
membres de l’orchestre, Stephan Gehmacher,
cours d’une saison et je décide fondamenta-
année. La quantité requiert aussi une
directeur associé à la planification, et moi-
lement du programme et des interprètes.
sélection plus affinée, car nous avons
maturgiques qui confèrent une forme parti-
même étudions divers sujets et idées avant
En plus de mes fonctions d´intendante de
l’embarras du choix, un peu comme lors-
de prendre une décision. Chacun de nous
l’orchestre, je suis également la directrice de
que nous nous trouvons dans une confi-
apporte des contributions d’intensité diffé-
la Philharmonie de Berlin. Elle se compose de
serie. Nous souhaitons également établir
rente, selon la nature du projet dont nous
deux salles de concerts (qui comptent respec-
des liens entre les programmes, définir
discutons. Toutefois, à la fin de la journée, le
tivement 2400 et 1200 fauteuils) qui accueil-
les raisons qui incitent à jouer certains
dernier mot revient à Sir Simon.
lent près de 500 concerts chaque année. Sur
morceaux au cours d’une même soirée.
La forme d’administration de l’orchestre
ce nombre, l’orchestre philharmonique en
Nous avons aussi l’ambition de forger
philharmonique de Berlin s’écarte de celle en
assure près de 140. Je travaille actuellement à
des associations entre certains concerts.
vigueur dans la presque totalité des autres
la création de nouveaux programmes, à l’ins-
Nous pouvons ainsi choisir de suivre
orchestres car il s’agit de l’une des trois for-
tar des concerts libres à l’heure du déjeuner,
l’évolution d’un compositeur, de mettre
mations symphoniques au monde à se fonder
afin d’ouvrir la maison sur la ville et la conver-
différentes époques musicales en rela-
sur une gestion démocratique. Ainsi, les musi-
tir en un centre animé d’échanges culturels.
tion, de créer des fils rouges au cours de
ciens élisent eux-mêmes le directeur musical.
la programmation d’une même saison.
De la même manière, l’orchestre sélectionne
Comme le répertoire est particulière-
Voilà qui nous donne un vaste espace où
en parfaite autonomie des interprètes qui
ment vaste, apparemment beaucoup
déployer notre créativité.
joueront dans un concert. Chaque groupe de
plus grand que celui de l’opéra, cette
l’orchestre, les violons par exemple, effectue
diversité s’apparente-t-elle pour vous
Pendant des décennies, vous n’avez
son choix en toute indépendance.
à une nouvelle liberté ?
cessé de voyager à travers le monde
L’orchestre philharmonique de Berlin est
C’est plutôt une stimulation. Nous réali-
pour écouter des musiciens, des chefs et
une fondation, dont le conseil comprend le
sons un si grand nombre de programmes
des orchestres. Au regard de cette
directeur musical, l’administrateur – l´inten-
que nous avons réellement la possibilité
expérience et du temps que vous avez
dant – et deux représentants de l’orchestre.
d’effectuer des recherches à travers quatre
passé à Berlin, pouvez-vous mentionner
Il nous appartient de trouver ensemble un
siècles de musique. Cette possibilité élargit
quelques éléments caractéristiques de
consensus sur les importantes questions
considérablement nos horizons. Il est évi-
l’orchestre philharmonique de Berlin ?
LA FORME D’ADMINISTRATION DE
L’ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE BERLIN
DIFFÈRE DE LA PLUPART DES AUTRES
FORMATIONS SYMPHONIQUES AU MONDE
PAR SA GESTION DÉMOCRATIQUE.
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Il est toujours délicat d’aborder un
rendre compte pendant les répétitions
Naturellement, l’Académie porte le nom
thème aussi vague que la sonorité.
et, plus particulièrement encore, au
de Karajan. Quelle ombre continue-t-il à
Toutefois, l’orchestre philharmonique de
moment où un nouveau musicien intè-
projeter aujourd’hui ?
Berlin est reconnu pour posséder une
gre l’ensemble. L’un de nos bassistes est
Herbert von Karajan est mort en 1987.
sonorité exceptionnelle. De l’avis géné-
un Vénézuélien de 21 ans. Il est entré
Sans aucun doute, la fabuleuse réactivité
ral, elle est brillante, chaude, d’une
dans notre formation à 18 ans. Il avait
de l’orchestre est une qualité qu’il a lui-
incroyable richesse. Au cours des derniè-
déjà un grand talent, mais il lui a fallu
même développée, à l’instar de la façon
res années, sous la baguette de Claudio
apprendre la culture musicale de l’or-
dont les musiciens s’écoutent les uns les
Abbado et de Sir Simon Rattle, l’orches-
chestre. Ses confrères bassistes s’en sont
autres. Une part de son héritage réside
tre a encore étendu la renommée de son
chargés au cours de la première année
également dans la sonorité particulière
expression stylistique. Sir Simon dirige
qu’il a passée parmi nous. C’est cette
de l’orchestre qui existe toujours de nos
de nombreux compositeurs français. Ses
proximité entre les musiciens qui main-
jours. Un autre élément réside dans la
interprétations de Ravel sont tout sim-
tient cette tradition vivace.
manière selon laquelle les musiciens
plement magiques. En ce moment, la
L’Académie Karajan représente un
jouent chaque morceau comme s’il
musicalité est si extraordinaire que de
autre facteur essentiel pour le maintien
s’agissait d’une question de vie ou de
nombreux mélomanes estiment qu’elle
de cette culture musicale unique. Les
mort. La passion de l’interprétation est
dépasse tout ce qu’ils ont entendu
meilleurs jeunes interprètes du monde
le signe distinctif de notre ensemble.
jusqu’alors.
souhaitent y accomplir leurs études. Les
L’interprétation d’une oeuvre de Beethoven
Il est aussi admirable de remarquer la
représentants de l’Académie se sont ren-
laisse toujours une profonde impression.
manière dont les musiciens de l’orchestre
dus au Venezuela et ont rencontré ce
L’orchestre donne une brillance inté-
s’écoutent les uns les autres. On a parfois
jeune musicien extraordinaire. En effet,
rieure aux œuvres de Beethoven ou de
l’impression d’assister à un concert de
l’Académie accueille des étudiants venus
Brahms.
musique de chambre donné par 80 musi-
d’une vingtaine de pays. Ce bassiste a
Malgré la présence vivante de l’héri-
ciens ou davantage. Ils ont développé
suivi pendant deux années l’enseigne-
tage de Karajan dans ces aspects, l’orches-
des antennes entre eux. Les musiciens
ment de l’Académie avant d’obtenir le
tre philharmonique de Berlin est un orga-
sont très sensibles aux signaux ou à l’état
statut de remplaçant afin d’engranger
nisme en constante évolution. Claudio
d’esprit de la personne qui les dirige.
de l’expérience et de mieux comprendre
Abbado a déclaré qu’il souhaitait décons-
la manière dont l’orchestre joue. Et je
truire cette sonorité. A ses yeux, il y avait
Et comment l’expliquez-vous ?
tiens à préciser que les musiciens qui ter-
des éléments plus importants, parvenir à
C’est une aptitude qui s’enseigne entre
minent l’Académie doivent passer des
une sonorité transparente par exemple.
musiciens. Elle fait partie de la culture
auditions à l’égal de n’importe quel
Et même si Abbado a entraîné l’orchestre
orchestrale du Philharmonique et les
autre candidat pour les postes qui se
sur des chemins très différents dans cer-
musiciens la travaillent. On peut s’en
libèrent au sein de l’orchestre.
tains domaines, il a conservé néanmoins
ART
DE
VIVRE
Le chef d’orchestre Sir Simon Rattle.
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cette sonorité caractéristique, brillante et
membre est également choisi par l’orchestre.
gagner en importance avec mon arrivée,
forte. D’une manière semblable, Sir
Le président de l’Académie Karajan y siège
mais je ne souhaite pas augmenter leur
Simon a ouvert d’autres portes. C’est un
aussi de plein droit. Les autres postes revien-
nombre car il ne s’agit pas de grands opéras,
spécialiste des compositeurs français et de
nent au directeur financier ainsi qu’à deux ou
mais d’opéras de concert. Nous devons nous
Haydn. Sous sa direction, l’ensemble a
trois citoyens indépendants. Le conseil n’inter-
souvenir que nous nous trouvons dans une
joué avec plusieurs chefs experts en musi-
vient jamais dans les décisions relatives au
ville qui possède trois compagnies d’opéra à
que baroque, ce qui a agrandi son poten-
répertoire, au programme et aux représenta-
temps complet. Si tel n’avait pas été le cas,
tiel stylistique. Et Sir Simon lui a fait jouer
tions. Ses membres ont approuvé ma nomina-
mon point de vue serait différent.
de nombreuses œuvres de musique
tion au titre de directeur général et tranchent
En décembre 2006, nous avons joué « A
contemporaine
dans des questions relatives au financement,
Flowering Tree » (L’arbre en fleurs), un travail
au budget, etc.
de John Adams. En juillet 2007, nous avons
(comme
Abbado).
Pourtant, bien que les horizons artistiques de l’orchestre se soient agrandis, il a
Ce mode de fonctionnement contraste
présenté « Der Ring des Nibelungen »
conservé cette sonorité de base unique,
fortement avec celui de nombreux conseils
(L’Anneau du Nibelung) au festival d’Aix-en-
qui reste présente, de manière subtile,
de direction qui gèrent des orchestres sym-
Provence et au Festival de Pâques de
dans les profondeurs de l’orchestre.
phoniques ou des compagnies d’opéra. Pas
Salzbourg, des performances très émouvan-
une seule fois, le conseil n’est intervenu pour
tes car nous possédons aussi notre sonorité
Vous avez eu affaire à des conseils
contester une décision artistique ou deman-
particulière pour Wagner. Nous accompa-
d’administration où le critère pour
der un changement de programme.
gnons chaque année un opéra mis en scène
lors du Festival de Pâques de Salzbourg et
l’attribution d’un poste se mesure au
montant des dons effectués et vous
J’ai remarqué quelques œuvres d’opéra
donnons plusieurs concerts. Karajan a fondé
avez constaté les effets de ce mode de
dans la programmation, peut-être en
le Festival de Pâques et celui-ci est le
gestion. Comment l’orchestre philharmo-
raison de vos activités antérieures. Quel
domaine exclusif de l’orchestre philharmoni-
nique de Berlin est-il administré et de
rôle tient l’opéra dans le répertoire ?
que de Berlin depuis sa création.
quelle manière cette gestion peut-elle
L’orchestre est toujours très heureux, et Sir
exercer une influence sur vos activités ?
Simon particulièrement, de pouvoir jouer
Vous mentionnez des programmes à
Plus de quarante-deux pour cent du finan-
des opéras. Grâce à sa sonorité d’une ri-
Aix-en-Provence et à Salzbourg, ce qui
cement du Philharmonique de Berlin est
chesse inouïe, l’orchestre philharmonique de
me fait penser aux longues tournées de
assuré par la ville de Berlin. Le conseil de
Berlin parvient à stupéfier les mélomanes par
l’orchestre. Quelles sont les prochaines
fondation se compose de douze person-
ses interprétations de musique lyrique. Ce-
destinations prévues à votre programme ?
nes qui représentent un large éventail de
pendant, notre programmation ne nous per-
Nous réalisons une tournée de 40 concerts.
la vie culturelle de la cité. Chaque parti
met pas de présenter de grands opéras.
Nous nous rendons en Asie et aux États-
politique peut nommer un délégué et un
Certains pensaient que l’art lyrique allait
Unis en alternance, un an sur deux. En cette
L’ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE BERLIN
EST RECONNU POUR POSSÉDER UNE SONORITÉ
PARTICULIÈRE. SOUS LA DIRECTION DE
SIR SIMON RATTLE, LA RENOMMÉE DE SON
EXPRESSION STYLISTIQUE S’EST ENCORE ÉTENDUE.
ART
DE
VIVRE
nouvelle année, nous prévoyons de jouer
Istanbul au printemps 2010, en plus de la
de Vienne. Nous y sommes pendant les fêtes
dans les pays baltes. Au printemps dernier,
tournée prévue en Australie en automne de
de Pâques alors que nos confrères autrichiens
nous sommes allés dans les îles Canaries,
la même année. Chaque année à Pâques,
s’y produisent au cours du festival d’été.
puis à Paris, Londres et Bruxelles. Nous nous
nous sommes à Salzbourg (pour le festival
Nous avons également des projets particu-
rendrons au Japon et en Corée au cours de
anciennement appelé Festival Karajan).
liers pour l’Afrique du Sud en 2009. Nous
l’automne 2008. Puis, nous réaliserons une
Actuellement, nous nous produisons à
serons le deuxième orchestre européen à
tournée dans les Balkans qui s’achèvera à
Salzbourg avec l’orchestre philharmonique
nous rendre dans ce pays. Nous avons décidé
de jouer notamment dans des endroits tels
que Soweto et de travailler également avec
« RHYTHM IS IT » A SUSCITÉ DES DISCUSSIONS
les merveilleux chœurs sud-africains.
Nous avons établi un programme très spé-
POLITIQUES AU SUJET DES PRIORITÉS ET DES BUDGETS
cial pour notre visite à New York. Nous
apporterons « Rhythm Is It » au Bronx. Ce
SCOLAIRES. IL A AUSSI REPRÉSENTÉ UNE ARME
projet a été développé à partir du film du
même nom. Notre groupe de danse passera
ESSENTIELLE DANS LE COMBAT POUR GARANTIR AUX
plusieurs semaines dans les écoles du Bronx.
Nous essayerons de travailler spécialement
ÉCOLES DES FONDS POUR L’ENSEIGNEMENT ARTISTIQUE.
Le Philharmonique de Berlin (salle de concert).
avec des enfants qui n’ont jamais dansé
54 | 55
DATES DE TOURNÉE POUR LA SAISON 2008 :
25 janvier 2008 : Salle Pleyel, Paris
1er mai 2008 : Moscou*
26 janvier 2008 : Kultur & Kongress
2 mai 2008 : Riga*
Zentrum, Lucerne
28 janvier 2008 : Musikverein, Vienne
4 mai 2008 : Tallin*
5 mai 2008 : Helsinki*
7 mai 2008 : Stockholm*
19 février 2008 : Stuttgart*
8 mai 2008 : Oslo, Nouvel Opéra
20 février 2008 : Francfort*
21 février 2008 : Essen, Philharmonie
Du 28 juin au 6 juillet 2008 :
22 février 2008 : Hanovre*
Festival d’Aix-en-Provence, Grand
Théâtre de Provence (« Siegfried »
Du 15 au 24 mars 2008 : Salzbourg,
Festival de Pâques, Großes Festspielhaus
(« La Walkyrie » et plusieurs concerts)
et plusieurs concerts)
* Plus d’informations sur
http://www.berliner-philharmoniker.de
Herbert von Karajan
auparavant afin qu’ils découvrent les joies de
tance véritable du projet réside dans le fait
Dix-sept nationalités sont actuellement repré-
l’expression corporelle.
qu’il illustre la nécessité d’enseigner les arts dans
sentées au sein de l’orchestre. Le public s’ima-
L’origine de ce projet remonte à trois ans,
les écoles. « Rythm Is It » a suscité des discus-
gine parfois qu’un ensemble de cette renom-
lorsque nous nous sommes rendus dans des
sions politiques au sujet des priorités et des
mée est uniquement constitué de musiciens
écoles de quartiers défavorisés. Royston
budgets scolaires. Pendant ses trois années
d’âge mûr. L’âge moyen s’établit cependant
Muldoon (de Dance United) a passé plusieurs
d’existence, il a aussi représenté une arme
entre 37 et 38 ans. La recomposition de l’or-
mois à travailler avec des enfants qui vivent
essentielle dans le combat que nous avons
chestre a commencé avec Abbado quand la
dans les quartiers les plus difficiles de Berlin et
mené pour garantir que les écoles disposent de
plupart des musiciens de l’époque Karajan a
qui n’avaient jamais reçu de cours de mouve-
fonds destinés à l’enseignement artistique.
fait valoir ses droits à la retraite.
ment. Un documentaire a retracé cette expé-
Nous donnerons deux représentations de
Le processus d’audition pour recruter de
rience. Au début, on voit des enfants qui
« Rhythm Is It » à New York. Notre équipe de
nouveaux musiciens est incroyablement
n’obéissent pas et montrent de faibles capaci-
chorégraphes et de moniteurs travaillera
rigoureux. De talentueux musiciens du
tés de concentration. Peu à peu, on constate
préalablement pendant plusieurs semaines
monde entier viennent à Berlin pour présen-
qu’ils commencent à développer un certain
avec 200 enfants d’âge scolaire (aussi dans
ter leur candidature aux emplois disponi-
intérêt et essaient de suivre les instructions.
les zones les plus difficiles de la ville). En plus
bles. Actuellement, nous avons un poste
Vers la fin, leur talent et leurs aptitudes appa-
de ces représentations, nous jouerons de la
disponible dans les violons. Hier, 38 audi-
raissent alors qu’ils interprètent une ambi-
musique de chambre dans six quartiers du
tions ont été réalisées et nous avons reçu
tieuse chorégraphie. Tout prend finalement
Bronx.
aujourd’hui 14 postulants, mais aucun n’a
forme quand les musiciens et les enfants com-
J’ai aussi découvert un autre aspect dans
mencent à répéter ensemble. L’événement
ce programme. Les études réalisées mon-
s’est réalisé dans un ancien entrepôt devant
trent que l’enseignement des arts dans les
Nous avons été ravis de votre travail à
deux mille personnes. Il est difficile de décrire
écoles stimule la croissance et les résultats
San Francisco, nous sommes heureux de
l’euphorie des enfants qui venaient d’interpré-
en général. Les performances scolaires
l’enthousiasme et de l’énergie que vous
ter le Sacre du Printemps de Stravinsky.
s’améliorent quand les arts comptent au
déployez à Berlin et attendons avec
nombre des matières enseignées.
impatience d’en découvrir les premiers
Chronique de cette épopée, le film
« Rhythm Is It » a rencontré un grand succès.
été accepté.
résultats. Veuillez accepter nos chaleureux
Il a été présenté pendant une année entière et
Comment l’orchestre recrute-t-il
remerciements pour avoir accordé cet
a remporté de nombreux prix. Mais l’impor-
ses musiciens ?
entretien aux Lettres du Brassus.
I
ART
DE
VIVRE
Montreux est une ville de contrastes.
Une végétation méditerranéenne
prospère sur ses quais alors que
les imposantes Alpes enneigées
se dressent sur l’autre rive du lac.
LES PLAISIRS DE
LA VIE EN SUISSE
L ’ I N C R O Y A B L E
L É G È R E T É
D E
L A
T A B L E
LE PONT DE BRENT À MONTREUX SE DISTINGUE PAR
UNE CARACTÉRISTIQUE UNIQUE DES AUTRES HAUTS
LIEUX DE LA GASTRONOMIE. C’EST LE SEUL RESTAURANT
TROIS ÉTOILES « FAMILIAL » AU MONDE.
Dans un magnifique décor naturel,
le Château de Chillon s’élève sur un éperon
rocheux à proximité de Montreux.
56 | 57
ART
DE
VIVRE
APPAREMMENT, LES RESTAURANTS LUTTENT SI
FÉROCEMENT DANS LES SPHÈRES RARÉFIÉES DES
TROIS ÉTOILES QUE L’OXYGÈNE SEMBLE FAIRE
DÉFAUT DANS LA SALLE. LE PONT DE BRENT EST
DIFFÉRENT. NULLE TRACE DE TENSION ICI.
58 | 59
I
l est fascinant d’observer le talent humain
n’est certes pas un abus de langage que de
Les mets et le service répondent aux attentes
dans sa plus belle expression, suivre les évo-
décrire le restaurant de Gérard Rabaey comme
des clients, c’est chaleureux et agréable - en
lutions d’un sportif hors pair, marquant des
l’unique trois étoiles « familial » au monde.
un mot, familial. Il n’en va pas de même au
points sans le moindre effort, être emporté par
Ce n’est pas sans une certaine inquiétude
sommet. Apparemment, les restaurants lut-
le jeu d’un acteur émérite qui insuffle une telle
que j’utilise l’adjectif « familial » car le terme
tent si férocement pour parvenir à la perfec-
vie à son personnage que le théâtre semble
comporte des connotations diverses : il est
tion dans les sphères raréfiées des trois étoiles
disparaître autour de soi, écouter une grande
tout autant possible de chanter les louanges
- et sont souvent tellement terrifiés à l’idée du
soprano qui lance sans effort la « fameuse »
d’un restaurant que de le décrier à le qualifier
moindre faux pas, qui serait, bien sûr, impi-
note de la Reine de la Nuit dans la Flûte
de familial. Seul le contexte donne une indica-
toyablement châtié par tout inspecteur du
Enchantée... Un restaurant peut offrir le
tion sur le sens voulu par l’auteur. Veut-il sim-
guide qui viendrait à passer par là - qu’il sem-
même émerveillement. Un charme est jeté et
plement dire que l’accueil est chaleureux et le
ble que l’oxygène fait littéralement défaut
vous, l’heureux client, êtes saisi et tout le reste
restaurant dépourvu de tout artifice ? Ou le
dans la salle. Chacun perçoit la distance qui
est magie.
choix de ce mot répond-il à un objectif quel-
sépare le personnel et les clients. Quand il ne
Il y a peu, chance m’a été donnée de retour-
que peu narquois afin de suggérer que l’éta-
s’agit pas d’un mur. Lorsque les serveurs sont
ner au Pont de Brent à Montreux. Si les mots
blissement est sommaire, dépourvu d’imagi-
terrorisés à la perspective de servir le faux
peinent incontestablement à décrire la perfec-
nation, pour ne pas dire un peu minable ?
apprêt, cette tension se transmet aux clients.
tion du repas, c’est l’aisance avec laquelle la
Tel ne devrait pas être le cas. L’utilisation du
Et un repas ressemble dès lors à une épreuve
soirée s’est déroulée qui résonne dans ma
terme « familial » devrait être réservée aux cir-
de patinage artistique aux Jeux Olympiques où
mémoire. Gérard et Josette Rabaey, les amphi-
constances où le plus grand des éloges est
le monde entier guette le faux pas, les deux
tryons du Pont de Brent, sont passés maîtres
entendu. Un restaurant qui est familial en rai-
pieds qui retombent ensemble ou, pire
dans l’art d’entourer chaque convive d’un
son de son accueil chaleureux, de son honnê-
encore, la chute impardonnable.
bien-être qui permet à la soirée de s’écouler
teté et de son absence de prétention possède
Le Pont de Brent est différent. Nulle trace de
dans une atmosphère de paisible harmonie.
de nombreuses et incontestables vertus. À
tension ici. Depuis l’instant de son arrivée, le
Mieux encore, ils donnent l’impression, ainsi
l’évidence, ces qualités se retrouvent dans tou-
convive a l’impression de dîner dans la
que leur personnel, de ne consentir aucun
tes les catégories de prix. Une humble tratto-
demeure des Rabaey, avec Gérard à la cuisine
effort pour agir de telle manière.
ria toscane, un bistrot parisien ou un restau-
et son épouse Josette qui accueille chaque
La perfection du repas ne peut être considé-
rant qui sert du poisson en plein air sur l’île de
hôte et s’occupe de la salle avec le maître d’hô-
rée comme une surprise. Le Pont de Brent
Lantau à Hong Kong, tous sont en mesure et
tel Marc J’Espère. Ses mots de bienvenue sont
figure parmi l’aréopage des meilleurs restau-
parviennent
familiaux.
empreints d’une authentique chaleur et lais-
rants du monde. Il brille en effet de la meil-
D’étrange manière, il devient beaucoup plus
sent transparaître une joie sincère à la perspec-
leure cotation que le Michelin puisse décerner,
difficile pour de grands établissements de se
tive de vous offrir, avec ses collègues, une mer-
trois étoiles, et de la note la plus élevée attri-
présenter sous un tel jour. Le personnel du res-
veilleuse soirée. À l’évidence, l’effort herculéen
buée par Gault&Millau, 19 points. Cependant,
taurant Allard à Paris ne manifeste aucune
nécessaire à la réalisation d’un repas trois étoi-
cet établissement se distingue par un élément
tension pour préparer des assiettes de canard
les, particulièrement pour un dîner aussi léger
qui lui accorde une place particulière parmi ses
aux olives et les proposer sans prétention aux
et frais que l’exige le style de Gérard Rabaey,
pairs dans les cimes de la gastronomie. Ce
convives installés à des tables de style familial.
est sous - jacent, mais il n’apparaît jamais.
souvent
à
être
Le Pont de Brent se caractérise par un exceptionnel sens de l’harmonie où
les mets, les vins et le décor boisé sont à l’unisson.
Josette Rabaey.
ART
DE
VIVRE
Aussi l’accueil bannit-il d’emblée tout cérémonial artificiel. Dans de nombreux grands
tre de ces apprêts nous conduisent aisément
vers le repas.
restaurants, le chef, visiblement peu à l’aise
Le prodige du premier plat n’était pas entiè-
dans ce rôle, imprime un sourire sur son visage
rement rendu par l’annonce sur le menu
et accomplit un tour d’honneur à travers la
d’une terrine de foie gras et de bolets. Peut-
salle en recueillant les compliments. Tel n’est
être était-ce le terme de « terrine », souvent
pas le cas ici. Gérard sort de la cuisine au
utilisé pour de lourdes préparations, où la
moment où chaque hôte se prépare à partir
graisse et les nerfs sont souvent camouflés
pour prendre personnellement et chaleureuse-
sous la moutarde et les cornichons, qui ne ren-
ment congé de lui, en l’absence de toute
dait pas véritablement justice au raffinement
affectation, comme si vous franchissiez le seuil
de la création de Gérard. La « terrine » possé-
de sa propre maison.
dait des couches de bolets sauvages à la
Après la journée d’activité presque fréné-
saveur intense, qui alternaient avec un foie
tique qui a précédé ma venue en ces lieux, la
gras d’une finesse incomparable, le tout bordé
chaleur de cet accueil m’a facilité le passage
de poireaux. Sur le sommet, quelques grains
à un état d’esprit différent. En cette embau-
de gros sel étaient parsemés. Dans cette sym-
mante soirée de septembre, je me suis assis
phonie pour le regard, la terrine composait la
sur une chaise dans le jardin avec une flûte
pièce centrale d’un trio de préparations. À ses
de champagne et un imposant assortiment
côtés figuraient quelques bolets simplement
de mignardises, j’ai résolu de déconnecter
sautés et des feuilles de salade relevées à
mon cerveau et de me laisser guider par le
l’huile de noix. L’impression était diaphane.
menu proposé. De cette manière, il m’a été
Dans son essence, la terrine devenait aussi
délicieux de savourer à petites gorgées un
légère que l’air, à peine maintenue par une
Moët millésimé, déguster de petites fritures
gelée quasiment invisible. Le foie gras, lui
du Lac Léman et ne rien faire, sauf songer
aussi, défiait les lois de la gravité et s’évaporait
aux vins destinés à accompagner cette
dans la bouche, se dissolvant sur de fastueu-
agape.
ses notes de terre des champignons. En
Les amuse-bouche plantent le décor. En
contrepoint à son intensité, il semblait y avoir
accord avec une nuit d’été, il s’agissait d’une
uniquement quelques gouttes de vinaigre bal-
petite tartelette d’anchois. Elle possédait
samique.
une base de minces tranches de courgettes
En accompagnement, j’avais retenu une
presque transparentes, supportant quelques
demi-bouteille de Boillot Puligny Champ
feuilles de rucola, des morceaux d’olives et
Canet 2001, étonnamment riche avec des
de tomates ainsi que des anchois frais, agré-
tons dominants d’agrumes parfaitement équi-
mentés d’un filet d’huile d’olive aux herbes.
librés. D’une certaine manière, le choix d’un
En fonction de la saison, Gérard offre une
bourgogne blanc ne rendait pas justice à l’un
variante tout aussi légère de ce mets, en pro-
des atouts du Pont de Brent. Son sommelier,
posant une tartelette de féra, un poisson
Sébastien Lacroix, est reconnu comme l’un des
souvent négligé du Lac Léman. L’un ou l’au-
meilleurs de son art en Suisse pour avoir rem-
Le maître d’hôtel Marc J’Espère.
Un apprêt printanier, croustillant et saltimbocca
de ris de veau agrémenté de morilles et d’asperges.
Une entrée classique : fine tartelette de féra.
LA CHALEUR DE L’ACCUEIL BANNIT D’EMBLÉE TOUT CÉRÉMONIAL
ARTIFICIEL. GÉRARD SORT DE LA CUISINE AU MOMENT OÙ CHAQUE
HÔTE SE PRÉPARE À PARTIR POUR PRENDRE PERSONNELLEMENT CONGÉ
DE LUI, COMME SI VOUS FRANCHISSIEZ LE SEUIL DE SA PROPRE MAISON.
60 | 61
porté le Concours du Meilleur Sommelier de
vins. Plus d’une fois, en dépit de mes préten-
treintes destinées aux Helvètes ne finissent en
Suisse en 2005 (et avoir reçu une Flyback
tions œnophiles, j’ai laissé la question entière-
des gosiers étrangers.
Léman de Blancpain pour sa performance). Il
ment entre ses mains et me suis laissé empor-
Une autre merveille a suivi. Un rouget écla-
a réuni une sélection spectaculaire de vins hel-
ter vers la découverte de fascinants vins suis-
tant de fraîcheur, rapidement sauté, disposé
vétiques qui, pour la plupart d’entre eux, ne
ses (très récemment un chardonnay de
sur un lit de cœurs d’artichauts, relevé avec de
parviennent jamais à quitter le pays qui les a
Neuchâtel incontestablement digne de rivali-
minuscules palourdes fraîches et parsemées
vu naître. Une visite au Pont de Brent offre
ser avec un bon Meursault et un pinot noir du
de morceaux d’olives. Le rouget doit évoquer
l’opportunité de déguster ces trésors et,
Tessin empli de caractère et de complexité)
la Provence et cet apprêt le faisait véritable-
mieux encore, de bénéficier des services de
qui ne font jamais parler d’eux hors de Suisse,
ment. Gérard Rabaey est maître dans l’art de
Sébastien pour s’orienter dans la carte des
de crainte sans doute que les quantités res-
marier de minuscules palourdes et un bouillon
Gérard Rabaey.
ART
DE
VIVRE
de poisson aux meilleurs produits de la saison
en poissons et en légumes.
Cependant, nous n’avions tracé notre route
Le jardin d’été du
Pont de Brent,
qui borde un ruisseau
au son cristallin.
que jusqu’au second plat, qui a pris la forme
d’une préparation emblématique de Rabaey,
croustillant et saltimbocca de ris de veau.
Rabaey a orchestré un croustillant tube de
pâte fine, aussi mince que de la pâte filo,
entourant du ris de veau avec juste un soupçon de jambon cru et de la sauge, quelques
bouchées de ris de veau sautés et un morceau
plus grand avec du jambon fumé et de la
sauge, une intense sauce au persil, d’un vert
brillant sur l’assiette, un fonds de veau réduit
d’une chaude couleur brune et, enfin, une
sauce superbement mousseuse. De multiples
événements se produisent ici car chaque
ingrédient s’allie et contraste avec les autres.
Le jambon et la sauge sont des partenaires
classiques et tous deux étaient équilibrés par la
purifiante fraîcheur du persil. De manière analogue, les nuances de texture embrassaient un
immense éventail et jouaient les unes avec les
autres : le croustillant du tube en pâte, les
morceaux onctueux et aériens du ris de veau,
le vaporeux de la mousse. En bref, il s’agissait
de la sorte d’apprêt que seul un génie peut
réaliser.
Le quatrième plat était un pigeon des DeuxSèvres simplement rôti et servi avec un assortiment de légumes rôtis. Rabaey possède une
source pour ses pigeons qui rivalise avec celle
de Lameloise (voir le numéro 2 des Lettres du
Brassus). Ces volailles possèdent une saveur
radieuse de fraîcheur, sans nulle trace de cette
forte saveur de foie qui gâche la plupart des
pigeons et présentent, lorsqu’elles sont cuites,
une texture qui devient simple transcendance
en bouche : le seul défaut, j’en aurais voulu
davantage. Un demi-pigeon, alors que j’en
aurais volontiers savouré un entier.
Et puisqu’il est question d’oiseaux entiers,
mentionnons que le fait de dîner seul m’a
privé de l’opportunité de savourer l’une des
préparations les plus appréciées du Pont de
Brent, un canard nantais rôti. Il n’y a nulle exagération à affirmer que seule une poignée de
chefs (je ne me porte personnellement garant
Le pigeon rôti des
Deux-Sèvres, tel qu’il
est présenté à la table.
62 | 63
que de cinq restaurants au monde) sont en
chariot n’est cependant qu’un composant de
mesure de préparer un canard rôti entier, un
la présentation. Au Pont de Brent, le serveur
mets aussi somptueux que rare. Un magret de
en charge était manifestement ravi de faire les
canard, même cuisiné, ne se mesure pas à la
honneurs de son chariot. Alors que les froma-
même aune. Il y a entre eux la même diffé-
ges passaient d’une table à une autre, je me
rence que celle qui sépare une promenade de
plaisais à écouter ses recommandations
vingt minutes et une course en moins de qua-
enthousiastes pour chaque variété présentée
tre minutes sur la même distance. Aussi, à
et son plaisir à conseiller les convives qui sou-
cette occasion, quel que fût mon plaisir à
haitaient bénéficier d’un guide à l’instant de
savourer chaque bouchée du pigeon, je me
composer leurs assiettes.
suis laissé allé à ressentir une envie effrénée et
Le dessert se composait de deux volets. En
non déguisée, lorgnant sur la volaille scintil-
premier lieu, une somptueuse composition de
lante aux nuances d’acajou servie sur les
sorbets : melon de Cavaillon, melon vert,
autres tables alentour et me surprenant à
framboises, pêche blanche. Tout était parfait,
contempler les délicates tranches d’un rouge
mais il y avait un petit rien en plus dans la
parfait déposées sur les assiettes.
pêche blanche qui dénotait avec insistance
Cédant une fois encore à mon profond pré-
que nous nous trouvions au début du mois de
jugé pour le bourgogne, j’ai jeté mon dévolu
septembre, la meilleure saison pour ce fruit.
sur un Corton Renardes 1996 de Rougeot. Il
Puis, un crumble de pruneaux est apparu. Il se
m’en est resté une impression de vin un peu
composait d’une base floconneuse de noix, de
CHAQUE NOTE JOUÉE AU PONT DE BRENT CE SOIR-LÀ
ÉTAIT PARFAITE. LA CONCEPTION ET L’ÉQUILIBRE,
L’ASSORTIMENT, LA PRÉCISION MILLIMÉTRIQUE DE LA CUISINE...
jeune. Les bourgognes de 1996 semblent un
pruneaux caramélisés disposés sur le sommet,
peu tempérés maintenant alors que leur
et s’accompagnait d’une glace à la vanille,
caractère semblait s’épanouir il y a quelques
parsemée de morceaux de gousse. Petits fours
années. Tous les éléments étaient là. Un
et chocolats ont finalement apporté le point
arôme de baie souligné par des notes de
d’orgue à ce dîner.
vanille et le caractère animal volontiers associé
à un grand Corton.
Chaque note jouée au Pont de Brent ce soirlà était parfaite. La conception et l’équilibre,
Ensuite sont venus les fromages, qui
l’assortiment, la précision millimétrique de la
incluaient un vaste assortiment de Gruyère. Si
cuisine, l’harmonieuse progression du repas,
vous en avez l’opportunité, recherchez un
sans oublier naturellement le service et l’ac-
vieux Gruyère (parfois appelé « salé »), qui
cueil, amical et familial. Les plaisirs de la vie en
doit être âgé au moins de trois ans. Il apporte
Suisse dans leur plus belle expression.
une intensité proche de celle du pecorino,
mais naturellement avec le caractère de noix
du Gruyère. La présentation des fromages ne
LE PONT DE BRENT
le cédait en rien à leur qualité et à leur sélec-
1817 Brent, Suisse
tion. À l’évidence, ils étaient disposés sur un
Tel +41 (0)21 964 52 30
chariot qui présentait plus d’une vingtaine de
Fax +41 (0)21 964 55 30
variétés parmi lesquelles faire son choix. Le
Fermé dimanche et lundi.
I
ART
DE
VIVRE
LA LETTRE
DE BLANCPAIN
SUR LE VIN
VINS DE
CLIMATS
CHAUDS
PAR JEFFREY S. KINGSTON
Le Dr. George Derbalian, l’un des experts en œnologie de
LETTRES DU BRASSUS, a fondé la société Atherton Wine
Imports établie en Californie septentrionale. Il n’est pas
seulement devenu l’un des principaux importateurs de
grands vins aux Etats-Unis, mais il a également acquis
la renommée parfaitement méritée de figurer parmi les
meilleurs connaisseurs en vins du monde.
Dans ce numéro, George Derbalian a réuni un impressionnant florilège de Côtes-du-Rhône français, Brunello italiens
et Cabernet-Sauvignon californiens et, pour les évaluer, il a
fait appel à un jury composé d’experts reconnus.
64 | 65
Montalcino, au cœur
de la Toscane.
ART
I
DE
VIVRE
l existe des règles et des lois fermement
établies sur la manière dont il convient de
procéder aux dégustations. Nous y avons
contrevenu inflagrante delicto afin de les
faire voler en éclats. Nous les avons piétinées
tandis que notre visage s’illuminait de joie.
Toutefois, s’il nous appartient de qualifier
notre attitude selon les canons de la bienséance, nous avons tout bonnement agi
de manière scandaleuse. Je suis désolé,
Monsieur, mais je suis tenu de vous enjoindre fermement d’y mettre fin !
Rajat Parr.
Voici le point litigieux. Les règles bien codifiées qui président aux dégustations de vins
stipulent avec pertinence que les crus proposés lors d’une même série doivent être du
même ou essentiellement du même cépage.
Qui plus est, jusqu’il y a une trentaine d’années, cette section du code œnologique stipulait que les crus devaient provenir d’un
même cépage issu d’une même région.
Le turbot grillé
à la mode du
chef Michel Mina.
66 | 67
Les séquelles de notre
Cette dernière disposition a été purement et
dégustation. Un im-
simplement abolie, de manière irréversible,
pressionnant assortiment de verres pour
une seule personne !
à la suite d’une fameuse dégustation qui
s’est déroulée à Paris en 1976. Ce soir-là,
le monde de l’œnologie a basculé sur ses
bases lorsque les chardonnays et les cabernets californiens ont respectivement détrôné
les bourgognes et les bordeaux blancs.
Néanmoins, quelle que soit la mesure dans
laquelle cette tendance vers la modernité ait
assoupli le code des dégustations vinicoles
par l’autorisation de la diversité géographique, la restriction essentielle demeure :
un même cépage ou essentiellement un
même cépage.
En collaboration avec le Dr. George
Derbalian, les Lettres du Brassus ont forgé
un plan pour organiser une dégustation
entièrement illégale, malum per se, fondée
cependant sur des décisions prises par les
restaurateurs dans la vie réelle. En effet, au
moment de consulter la carte des vins, les
convives ne sont pas soumis à l’obligation de
choisir un cru ou de sélectionner un vin
parmi un ensemble composé de cépages
identiques ou essentiellement similaires. Ils
sont libres d’élire un style de vin indépendamment du cépage, en s’interrogeant uniquement sur la manière dont ce style s’harmonisera avec les mets retenus. Aussi, pourquoi les dégustations de vins obéiraient-elles
à l’ukase d’un même ou essentiellement
d’un même cépage si les choix ne s’opèrent
pas selon ce critère dans la plupart des cas ?
L’élément de compétition inclus dans toute
dégustation – à savoir la classification des
vins du meilleur au plus mauvais – serait-il
donc plus important que le jugement de la
Larry Stone.
qualité comme une fin en soi ?
George Derbalian a réuni un aréopage de
haut vol pour entreprendre cette dégustation hors règles. Larry Stone a forgé sa
renommée il y a de nombreuses années au
titre de l’un des meilleurs sommeliers de
Californie. Depuis lors, Larry a poursuivi son
parcours et s’est établi viticulteur dans la
Nappa Valley, où il produit un exceptionnel
Dr. George Derbalian.
Cabernet-Sauvignon Sirita.
ART
DE
VIVRE
Rajat Parr est un sommelier de San Francisco
sées autour d’un tonneau dans une cave où
s’agit là de sa cuvée blanche de prestige.
qui ne le cède en rien à son illustre confrère.
le vin est agité, senti et mis en bouche avant
Il m’a semblé que ce vin possédait un
Il est actuellement le chef-sommelier de
d’être recraché. Il était question ici d’un
caractère de fruit exubérant empreint de
tous les établissements Michael Mina à San
grand dîner accompagné de nos vins d’asso-
notes dominantes de confiture d’abricot,
Francisco. Avec leur humble serviteur, la
ciation illégale – ce qui revient à dire que ces
de chêne et de vanille.
dégustation s’est articulée autour de
vins allaient être consommés et appréciés.
la conception suivante : une comparaison
Même si les vins rouges issus de climats
de vins rouges, riches, mûrs, fruités, au
chauds allaient représenter le clou de la soi-
d’un Condrieu rare, particulièrement
corps généreux, qui soient en mesure
rée, nos notions d’entrée en matière idoine
bien équilibré. »
d’accompagner un repas spécialement
et élégante nous ont enjoints de commencer
GEORGE DERBALIAN : « Il ne possède
conçu à cet effet, constitué de cailles,
par deux vins blancs. Et, à cet effet, nous en
aucune des notes finales roussies ou
d’agneau et de bœuf.
LARRY STONE : « Approuvé. Il s’agit
sommes restés à des vins issus de climats
fumées qui sont souvent le lot des vins
À l’évidence, il aurait été impossible de
chauds, originaires tous deux de la vallée du
inférieurs de cette appellation.
trouver meilleur cadre pour notre expérience
Rhône, un Condrieu et un Hermitage blanc.
Un grand Condrieu se distingue par un
inédite que le restaurant de Michael Mina,
En prélude au repas, le chef Michael Mina
autre élément, le contraste entre le nez
dans l’hôtel St. Francis, au cœur de San Fran-
nous a proposé des coquilles Saint-Jacques
et le palais. Son nez possède un caractère
cisco. Intentionnellement, les vins sélection-
fraîches et moussues accompagnées de
tropical alors que sa bouche est
nés ne provenaient pas du même cépage.
petits pois et d’une purée de pois. Nous
empreinte de chêne et de vanille,
Leur point commun résidait dans leur prove-
avons testé en premier lieu un Condrieu de
presque comme un bourgogne blanc. »
nance d’un climat chaud – en d’autres
2005, La Doriane de Guigal. Sans conteste,
RAJAT PARR : « Tout de pêche et de
termes, de conditions météorologiques qui
Guigal est le plus célèbre des producteurs
velours, ce vin réussit cependant à ne pas
en favorisent le fruit. Nous avons opté
des Côtes-du-Rhône septentrionales et il
être sirupeux. »
IL EXISTE DES RÈGLES ET DES LOIS FERMEMENT
ÉTABLIES SUR LA MANIÈRE DONT IL CONVIENT
DE PROCÉDER AUX DÉGUSTATIONS. NOUS
Y AVONS CONTREVENU INFLAGRANTE DELICTO.
Châteauneuf-du-Pape.
pour trois régions qui produisent des vins de
ce style : les appellations Châteauneuf-duPape, Gigondas et Côte-Rôtie dans la Vallée
du Rhône, les Brunello di Montalcino de la
Toscane méridionale ainsi que des CabernetSauvignon de Californie.
Comme nous étions bien décidés à
enfreindre le code de la dégustation vinicole,
nous avons choisi de jouer notre va-tout en
prévoyant une quantité assurément excessive pour quatre taste-vin. Rappelons à ce
point que nous n’avions pas à l’esprit l’une
de ces dégustations traditionnelles organi-
L’âpre terre rocailleuse de Châteauneuf-du-Pape.
68 | 69
Côte-Rôtie.
Vue de Gigondas (avec les Dentelles-de-Montmirail à l’arrière-plan).
Le second vin blanc est arrivé avec le
contraste avec la douceur des raisins, des
deuxième plat de poisson, un superbe turbot
carottes et du turbot. Il a suffi de quelques
entier grillé servi avec une julienne de
bouchées et de quelques gorgées pour que
carottes et de petits bouquets de choux-
nous tendions tous la main à l’unisson vers le
fleurs sautés, agrémentés de raisins secs et
restant de Condrieu.
d’une purée de carottes. La combinaison
Ces préliminaires accomplis, il devenait
douce/salée formait un piètre équilibre pour
temps de se tourner vers l’événement princi-
le vin choisi, un Hermitage blanc 1995 de
pal de la soirée, les vins rouges issus de cli-
Chave. Le domaine de Gérard et Jean-Louis
mats chauds. En dépit du penchant criminel
Chave est réputé tant pour ses vins rouges
qui préludait à l’organisation de notre
que blancs. Cependant, l’Hermitage blanc
dégustation, nous avons fait acte d’allé-
était trop austère, trop minéral et retenu à
geance à la convention pour les deux pre-
l’excès pour s’inscrire en harmonieux
miers rouges, un Gigondas Les Hauts-de-
ART
DE
Montmirail
VIVRE
2001
de
Brusset
et
un
ture charnue. Son caractère l’apparente à
das. En 2003, la déshydratation a constitué
Châteauneuf-du-Pape La Crau de ma Mère
un bourgogne. Les Hauts-de-Montmirail est
le plus grand problème rencontré par les
2003. En théorie, le Châteauneuf aurait dû
la meilleure des deux cuvées de Brusset et
viticulteurs. Cette année-là, la canicule a
s’imposer. La Crau de ma Mère est l’un
il démontre ce soir sa haute lignée. La Crau
assoiffé toute la France. Par manque d’eau,
des vignobles les plus prestigieux et les
de ma Mère est un merveilleux exemple
le raisin présentait à l’époque de la récolte
mieux situés de Châteauneuf-du-Pape, qui
d’un classique Châteauneuf-du-Pape.
une abondance de sucres, naturellement
regroupe le Domaine du Vieux Télégraphe
Parvenu à maturité, exotique, il compte de
destinés à se transformer en alcool lors de
et la Cuvée des Célestins de Henri Bonneau.
nombreuses notes fruitées. Ce vin est excel-
la fermentation. Cependant, au moment
Ce ne fut pas le cas ce soir-là. Le Gigondas
lent pour sa catégorie de prix et reste en
où les sucres étaient présents, les phénols
était simplement superbe. Il offrait un
parfait accord avec sa nature intérieure. »
contenus dans le raisin n’étaient pas
fruit très dense qui laissait place à une struc-
LARRY STONE : « Le Gigondas présente de
encore parvenus à maturité et n’y parvien-
ture délicatement équilibrée. Même si le
délicats accents minéraux, de mûres, de
draient plus jamais. La solution aurait
Châteauneuf La Crau de ma Mère possède
prunes et de poivre qui évolueront de
consisté à attendre. Vous pouvez faire un
un délicat nez fruité, sa bouche recélait des
superbe manière. Même s’il est déjà exubé-
grand vin à partir de raisins complètement
tanins plus âpres.
rant, il est encore en enfance et ne fera que
déshydratés, mais non à partir de phénols
se bonifier. Le Châteauneuf-du-Pape
non parvenus à maturité. Il en résulte une
GEORGE DERBALIAN : « Le Gigondas pos-
La Crau de ma Mère est plaisant mais son
surabondance de tanins qui donnent au
sède un équilibre extraordinaire et une tex-
millésime, 2003, le place derrière le Gigon-
vin dureté et verdeur. »
LE GIGONDAS DÉMONTRAIT SUFFISAMMENT D’INTENSITÉ, DE
MATURITÉ ET DE RICHESSE POUR ÊTRE BU EN PARALLÈLE AVEC
SES GRANDS FRÈRES AU BÉNÉFICE DE 99 ET 100 POINTS.
Le vignoble de l’Hermitage s’étend le long du Rhône.
70 | 71
D’une certaine manière, le Châteauneuf a
GEORGE DERBALIAN : « Il est préférable
– tous deux accompagnés des jugements les
complètement justifié notre dégustation hors
de servir l’Hermitage à température
plus flatteurs de l’éminent expert œnologue
normes : le problème de cette cuvée est bien
ambiante. Il possède indubitablement des
Robert Parker. Un Châteauneuf-du-Pape
connu des viticulteurs californiens qui le ren-
tons de vieilles vignes. Il présente en pre-
1998 cuvée Centenaire de Brunel (100
contrent toujours. Ils ont réussi à le surmon-
mier lieu un caractère boisé, sans trace de
points selon Parker) et un Côte-Rôtie 1991
ter il y a une vingtaine d’années par une meil-
vanille mais avec un parfum de vieux
La Turque Guigal (99 points selon Parker).
leure maîtrise du processus de vinification.
bois. Puis, le fruit apparaît progressive-
Rajat a disposé deux verres entièrement dif-
ment. Il aurait été plus judicieux d’asso-
férents pour chacun des deux vins, à l’admi-
LARRY STONE : « Les viticulteurs califor-
cier ce vin avec un poisson frais, à l’exem-
ration de notre groupe.
niens sont accoutumés depuis longtemps
ple d’un sashimi, plutôt que lui deman-
aux étés chauds et secs. Ils ont découvert
der d’accompagner la saveur douce/salée
LARRY STONE : « Le Châteauneuf se com-
qu’il est plus aisé de modifier la teneur
du turbot. Sans le moindre doute, il se
pose d’un assemblage de cépages, souvent
en alcool des vins que les phénols.
marie mieux avec la sobriété des cailles. »
caractérisé par un important pourcentage
Davantage habitués à gérer une carence
LARRY STONE : « L’Hermitage est un vin
de grenache, et il requiert un verre rond
qu’un excès de maturité, les viticulteurs
à la forte personnalité qui ne se prête pas
pour en accentuer la douceur. Ces vins ne
français auraient pu tirer profit des ensei-
à une consommation quotidienne. Il est
possèdent pas de puissants tanins, mais
gnements de leurs confrères du nouveau
élaboré de la manière dont les Romains
offrent de nombreuses notes fruitées desti-
monde. L’honnêteté nous contraint cepen-
confectionnaient leurs vins et ne possé-
nées à être exaltées par la forme du verre.
dant de préciser qu’en 2003 les réglemen-
dera jamais le raffinement apporté
Le Côte-Rôtie est pour sa part amplement
tations de l’Union Européenne comme le
ultérieurement par les techniques d’éla-
fondé sur le syrah, un cépage dont les
système régional d’appellation contrôlée
boration mises au point dans les monastè-
points forts sont les tanins et la structure. »
interdisaient l’adjonction d’eau. Mais
res de la Bourgogne septentrionale. »
Le faire-valoir pour ces héros dotés de 99
après une succession d’été chauds et secs,
les règlements ont été modifiés et la
Il était temps de passer dans la cour des
et 100 points était un carré d’agneau à
« solution californienne » est désormais à
grands. Deux Côtes-du-Rhône parmi les plus
nouveau apprêté par Michael Mina dans
la portée des viticulteurs français. »
cotés au monde sont entrés en lice
un trio de saveurs. Le carré était, partielle-
L’apprêt de cailles qui accompagnait les deux
La Chapelle Saint-Christophe.
Côtes-du-Rhône de prix raisonnable a suscité
une surprise. La signature culinaire de Michael
Mina consiste à préparer des variations sur un
même thème et les volailles étaient proposées
sous la forme de trois préparations similaires,
toutes constituées de suprêmes de caille rôtis
disposés sur un lit de lentilles. Elles s’accompagnaient de trois sauces, au citron Meyer, à
la lime et à l’orange. Identiquement, les teintes des lentilles variaient du vert au gris sombre. Les trois thèmes à base d’agrumes se
sont révélés fort agréables, le citron rehaussait le goût des lentilles, l’orange la saveur des
cailles. La surprise ne résidait pas tant dans le
mets que dans le vin. Face aux raisins et aux
carottes du plat précédent, l’austère Hermitage donnait naissance à une confrontation.
Toutefois, la subtilité des accents d’agrumes
alliés à la saveur caractéristique de la caille en
faisait le vin idéal pour accompagner ce mets.
ART
DE
VIVRE
ment revenu à l’huile et était servi avec une
En comparaison avec le Centenaire, le Côte-
sauce tomate à la féta, une sauce aux
Rôtie semblait maussade et sombre. La Turque
épinards et au pecorino ainsi qu’une sauce
est l’un des trois meilleurs vignobles de Côte-
à l’aubergine et au poivron. Qu’il s’agisse
Rôtie, avec les domaines de La Mouline et de
de saveur ou de tendreté, l’agneau de
La Landonne. Guigal produit des vins à partir
Sonoma n’a rien à envier à un agneau
des trois et chacune de ses spécialités suscite
de Sisteron. Et les trois variations de sauce
la frénésie des consommateurs. Les domaines
étaient destinées à contraster avec les
sont petits et la demande énorme, particuliè-
deux vins.
rement pour La Turque dont la production
D’emblée, le Centenaire nous a paru
est presque confidentielle.
magnifique. Il possédait une attaque flatteuse qui offrait des notes de café, de cho-
LARRY STONE : « Parmi les trois grands
colat, de mûres avec autant de force que de
vignobles de Côte-Rôtie, j’ai un faible
douceur en bouche qui ouvraient la voie à
particulier pour La Mouline qui possède
un doux fini proche d’un bourgogne.
les vignes les plus vieilles avec un âge
moyen de près de 40 ans. Ses vins sont
LARRY STONE : « Le vignoble du Centen-
les plus souples et les plus généreux
aire est orienté vers le nord. D’ordinaire,
du groupe. »
1997 ÉTAIT UN MILLÉSIME SPECTACULAIRE
EN TOSCANE. IL A PRODUIT DES
VINS DE GRANDE FORCE ET CARACTÈRE.
c’est plutôt un handicap, mais à Château-
GEORGE DERBALIAN : « Nous sommes
neuf-du-Pape, une région chaude par
en train de couper les cheveux en quatre.
nature, cette exposition adoucit le vin et
À mon avis, La Turque est le plus intéres-
lui donne presque un caractère
sant car c’est le plus exotique. Guigal éla-
de bourgogne (en gardant présent à
bore un vin merveilleux. »
l’esprit que toute la difficulté en
RAJAT PARR : « La Turque possède une
Bourgogne consiste à emmagasiner une
essence caractéristique de figue verte.
chaleur suffisante pour parvenir à la
Cet exemple de 1991 montre l’équilibre
maturité requise). »
et l’élégance du millésime. Cependant,
GEORGE DERBALIAN : « Le Centenaire re-
ce vin me déçoit quelque peu, compte tenu
flète le yin et le yang d’un grand Château-
de sa réputation. Il n’a jamais passé à la
neuf par le mélange d’un
vitesse supérieure. Pour sa part, le Cen-
climat chaud et d’éléments plus froids.
tenaire est délicieux. Il possède une belle
Sous cet aspect, il ressemble à un
précision et de superbes notes florales.
autre grand Châteauneuf-du-Pape, le
Même s’il ne tient peut-être pas autant la
Château Rayas, dont le vignoble est
distance à laquelle les crus de cette appella-
également exposé vers le nord. Il est
tion nous ont accoutumés. »
bon pour le raisin de s’efforcer de
mûrir avec une exposition plus froide.
Comme nous enfreignions les règles, j’ai
L’acidité qui en résulte est très
décidé d’en violer une autre. Il est extrême-
bénéfique pour le vin. »
ment rare qu’une dégustation ne suive pas
À l’approche des remparts de Montalcino.
72 | 73
Une colline plantée de cyprès, à mi-chemin entre Montepulciano et Montalcino, en Toscane.
un chemin ascendant. Les vins de moindre
apprêts d’agneau. Sans aucun doute, les
L’Angelini était presque un bourgogne. Pour
qualité sont testés avant les grands crus. Le
tanins et la structure du Côte-Rôtie s’harmo-
ma part, je l’ai défini comme un vin agréa-
parcours inverse est généralement cho-
nisaient au mieux avec la sauce à la tomate
ble qui démontrait son caractère personnel
quant, pour ne pas dire désagréable. Ainsi,
et à la féta. Il en allait inversement pour les
dès l’entrée en bouche.
tendant la main vers le mur déjà imposant
épinards et l’aubergine qui s’harmonisaient
de verres devant moi, je me suis saisi du
mieux à la douceur fruitée du Centenaire.
Si l’Angelini était plaisant, le Pianrosso
présentait la structure et des tons profonds
de tanins et d’olive verte.
Gigondas. Horreur. Même s’il n’avait pas le
moi, il possédait une personnalité indiscuta-
I
et de servir les deux Brunello. Les deux
LARRY STONE : « Même si les critiques
ble. Il démontrait suffisamment d’intensité,
dataient de 1997, le Brunello di Montalcino
en ont fait l’éloge, le millésime 1997 a
de maturité et de richesse pour être bu en
Vigna Spuntali Angelini et le Brunello di
suscité un problème en Toscane. Une fois
parallèle avec ses grands frères au bénéfice
Montalcino Ciacci Piccolomini Pianrosso.
encore, il s’agissait de trouver un équili-
de 99 et 100 points. Tout notre groupe est
1997 était un millésime spectaculaire en
bre entre la déshydratation et les
parvenu à la même conclusion qui a suscité
Toscane, qui a produit des vins de grande
niveaux élevés de sucre atteints avant la
deux décisions immédiates. Larry et moi
force et caractère, parfaitement reflétés dans
maturation des phénols. Même s’il est
avons commandé une caisse de Gigondas.
nos deux exemples. Il était particulièrement
délicat, l’Angelini est légèrement superfi-
Sur-le-champ.
frappant de constater la différence d’expres-
ciel. Sous des dehors assurément plai-
Il était fascinant d’accompagner ces deux
sion de deux vins du même vignoble, de la
sants ce soir, il semble avoir déjà pleine-
superstars des Côtes-du-Rhône des trois
même appellation et du même cépage.
ment développé son potentiel. Quant au
raffinement des deux grands crus devant
l était désormais temps de changer de pays
ART
DE
VIVRE
La Napa Valley au début mars. Le long du célèbre Silverado Trail, à proximité d’Oakville.
Pianrosso, il possède la structure néces-
taient tous deux beaucoup plus de notes
saire pour évoluer avec le temps. Il pos-
fruitées douces, particulièrement
A
sède de superbes notes de cerise légère-
l’Angelini. Ce sont presque comme des
californiens – un Cabernet-Sauvignon Meyer
ment masquées par les tanins. De sorte
bordeaux adolescents qui ne développent
2003, un Cabernet Hestan 2004 et un Sirita
que l’Angelini se prête parfaitement à
pas entièrement leur bouquet. Je suis
2003. Fort bien. Nous avons brisé une autre
être dégusté ce soir alors que le
aussi d’avis que le Pianrosso se bonifiera
règle en plaçant subrepticement une bou-
Pianrosso mérite sans conteste de séjour-
avec l’âge. Mais je pense cela chaque fois
teille du vin de Larry et en lui demandant de
ner encore dans une cave. »
que je bois ce vin, quel qu’en soit le mil-
l’évaluer. Le Meyer était élaboré en sorte de
RAJAT PARR : « Il existe une véritable
lésime. »
plaire à un public peu exigeant. Effronté,
vec le fromage, nous sommes revenus
à notre pré carré avec trois cabernets
fruité, exubérant. Un simple et délicieux
beauté dans le Pianrosso, mais l’intérêt
véritable est l’avenir de ce vin. Donnez-
Naturellement, un mets était servi pour
exemple du style presque liquoreux du caber-
lui du temps pour voir ce qu’il deviendra
accompagner les deux crus italiens, du
net californien.
réellement. »
bœuf de style Kobe des Éstats-Unis, servi
Le Hestan a fait étalage de sa belle lignée
GEORGE DERBALIAN : « Ces deux vins
avec des champignons shiitake, du riz pour
car il est confectionné à partir de raisins cul-
arrivent à un moment délicat. Tous deux
sushi et des légumes. Il n’existe pas de
tivés dans les excellentes terres d’Oakville.
possèdent un peu de l’exubérance de la
faire-valoir plus neutre pour de grands vins
Même s’il s’agissait d’une bouteille proposée
jeunesse et sont encore en devenir. Je me
rouges que le bœuf peu saisi – meilleur
en avant-première, il présentait nettement
souviens que lorsque ces vins ont été
encore s’il possède le moelleux caractéristi-
plus de profondeur, de structure et de matu-
proposés en avant-première, ils présen-
que du bœuf élevé dans le style Kobe.
rité que le Meyer.
74 | 75
Qu’il s’agisse ou non d’un préjugé du jury,
le Sirita s’est montré le plus séduisant à des
palais habitués à célébrer de grands bordeaux. Il avait le nez classique de cèdre et la
retenue dans le fruit qui caractérise un vin de
Médoc. Il présentait une grande profondeur,
une intense concentration et était visiblement promis à un bel avenir.
GEORGE DERBALIAN : « Le Hestan est
incroyablement jeune. Le Hestan et le
Meyer dénotent tous deux leur appartenance à l’école californienne empreinte
d’une grande douceur, même le Hestan
est plus complexe et réservé. Leur style fait
ressortir le fruit, ce qui confère presque
au cabernet le caractère d’un banyuls. »
RAJAT PARR : « Le Hestan constitue presque un dessert en soi. A l’inverse, le Sirita
est un vin destiné à accompagner un
repas. Son raffinement et son équilibre se
marient à merveille avec le fromage. »
Alors que notre soirée de dégustation
touchait à sa fin, le temps était venu de
dresser le bilan des onze bouteilles qui nous
ont accompagnés au cours de ce périple.
Pour Rajat Parr, le meilleur blanc était
le Condrieu 2005. Parmi les rouges, le
Centenaire.
LE SIRITA 2003 S’EST MONTRÉ LE PLUS SÉDUISANT À
Larry Stone a refusé de nommer un « vainqueur » au sens strict. Au cours de cette
DES PALAIS HABITUÉS À CÉLÉBRER DE GRANDS BORDEAUX.
soirée, il a ressenti un faible pour le
Centenaire, suivi de près par le Pianrosso.
Il a apprécié le fruit jeune et vibrant du
Centenaire ainsi que son élégance, sa
complexité et sa précision. Pour le Pianrosso,
il a été fasciné par les promesses recelées
par son avenir.
Pour George Derbalian, les lauriers allaient
au Côte-Rôtie. Il lui a donné son absolution en
lui trouvant un caractère aristocratique, d’une
grande concentration, d’une intense complexité et d’un fruit d’une profonde densité.
Un point n’a suscité aucune controverse :
le Gigondas était la surprise de la soirée. Il a
soutenu la comparaison avec des vins qui
valaient dix fois son prix. Je ferais sans doute
bien d’en commander une autre caisse.
I
DANS
L’ A I R
DU
TEMPS
HISTOIRES COURTES 2007
PETIT TOUR D’HORIZON DES NOUVEAUTÉS PRÉSENTES
DANS LES VITRINES DE NOS CONCESSIONNAIRES.
PAR JEFFREY S. KINGSTON
POUR ELLE ET LUI : LÉMAN TIME ZONE
ET BLANCPAIN WOMEN TIME ZONE
Au cours des trente dernières années, les
ensembles pour elle et lui n’ont cessé de susciter un engouement de plus en plus prononcé, au point qu’un grand magasin texan
a élevé les cadeaux pour elle et lui au rang
de caractéristique à part entière de son enseigne. Chaque année, les spéculations vont
bon train avant la parution du catalogue de
Noël : « Qu’auront-ils encore inventé cette
année ? » Et la déception n’est jamais au
rendez-vous. Des chameaux pour elle et lui.
Des sous-marins pour elle et lui. Des momies
en chocolat pour elle et lui. Et même une
piste de bowling pour elle et lui !
À l’évidence, ils ont fait des émules et le
marché abonde désormais d’articles coordonnés, des peignoirs de bains aux tabliers de cuisine en Ultrasuede en passant par les tirelires
en forme de cochonnet.
Blancpain n’a pas l’intention d’entrer en lice
dans le domaine des articles pour Madame et
Monsieur. En aucune manière. Cependant, au
nom de l’égalité, la Manufacture a présenté
lors de la foire de Bâle 2007 deux séries de
montres à deuxième fuseau horaire qui peuvent être considérées comme des ensembles
pour elle et lui, si tel est votre bon plaisir.
L’indication d’un second fuseau horaire
est l’une des fonctions les plus utiles
dans le panthéon des complications.
Léman Time Zone.
76 | 77
posés avec un boîtier en acier ou en or blanc.
L’exécution en acier se décline en deux versions,
l’une avec un cadran noir, l’autre avec un
cadran champagne. Sur le modèle en or blanc,
le cadran qui arbore un riche ton « marron glacé »
est serti de diamants. Animées par le calibre
automatique 5L60 développé sur la base du
mouvement 1150, les montres Blancpain
Women Time Zone offrent le précieux avantage
d’une réserve de marche de 100 heures.
À l’évidence, comme toutes les montres de
la collection Blancpain Women, les modèles
Blancpain Women Time Zone sont pourvus d’un
élégant bracelet en satin à boucle déployante.
Blancpain Women Time Zone.
Pour le côté masculin de l’équation,
BLANCPAIN A PRÉSENTÉ DEUX SÉRIES DE MONTRES
Blancpain a revisité la complication du second
À DEUXIÈME FUSEAU HORAIRE QUI PEUVENT
un « relooking » bienvenu. Munis de boîtiers
ÊTRE CONSIDÉRÉES COMME DES ENSEMBLES POUR
veaux garde-temps qui possèdent les signes
ELLE ET LUI, SI TEL EST VOTRE BON PLAISIR
des aiguilles côniques, des appliques et index
fuseau horaire de la ligne Léman en lui offrant
agrandis au diamètre de 40 mm, ces nouemblématiques des modèles Léman, à l’instar
« Aqua Lung » et de la gravure Blancpain sur
la carrure, sont proposés en acier ou en or
Elle permet non seulement de lire d’un seul
que complètement absentes du panorama
rouge. Sur les versions acier, le cadran est dis-
coup d’œil l’heure de deux fuseaux horaires
horloger conçu pour les femmes. Tel n’est
ponible en blanc ou en noir laqué, alors qu’il
distincts, mais offre également au voyageur
plus le cas désormais.
présente une nuance opaline sur le modèle en
la possibilité indispensable de régler rapide-
Blancpain a répondu au besoin exprimé par
or rouge. Identique à celui des montres pour
ment l’un d’entre eux. Il est intéressant, pour
les femmes que leurs activités professionnelles
dames, le mouvement possède également
commencer par le côté féminin de l’équati-
amènent à voyager fréquemment, en lançant
100 heures de réserve de marche. De manière
on, de constater que les montres à double
les modèles Blancpain Women Time Zone. D’un
analogue, la Léman Time Zone possède aussi
fuseau horaire étaient jusqu’à présent pres-
diamètre de 34 mm, ces garde-temps sont pro-
un bracelet à boucle déployante.
I
DANS
L’ A I R
DU
TEMPS
La version en titane de la Léman
Répétition Minutes Aqua Lung.
La répétition comprend un
timbre cathédral pour donner
le son extrêmement riche
de cette complication.
Le fond de boîtier gravé à la main porte l’image de
la Manufacture du Brassus, lieu de naissance de
chaque montre, et le guichet qui permet d’observer
les marteaux de la répétition.
nous avions seulement décidé d’y consacrer
notre intelligence. À l’évidence, nous reconnaissons là le truc sur les trucs. Le fait que
nous puissions comprendre une innovation
après l’avoir vue ou après qu’elle nous ait été
expliquée ne signifie aucunement que nous
possédions l’acuité de pensée requise pour
être à l’origine de sa découverte.
Aussi des siècles peuvent-ils s’écouler
avant qu’un individu se montre suffisamment
perspicace et présente une véritable nouveauté que nous aurions tous souhaité inventer. Il y a deux ans, Blancpain l’a fait pour
les correcteurs de quantième sur les boîtiers
de montre. Aujourd’hui, les dispositions
WATER MUSIC :
LÉMAN RÉPÉTITION MINUTES
AQUA LUNG
sur la protection de la propriété intellectuelle
honorent un inventeur du département
Recherche & Développement de Blancpain à
Paudex. Ce brillant esprit a mis au point une
solution intelligente pour rendre étanche le
verrou d’une répétition minutes. Cette innovation est présente pour la première fois sur
la Léman Répétition Minutes Aqua Lung de
Il existe un truc sur les trucs. Mais avant
stupide au point de prétendre que cette affir-
Blancpain, l’une des sensations de la foire de
que vous ne pensiez que la confusion tauto-
mation s’applique à toutes les créations - il
Bâle 2007. Une fois encore, Blancpain a
logique me guette ou que ma pensée a sou-
suffit de passer une soirée lové sur un sofa à
trouvé une solution pour un boîtier de mon-
dainement pris la forme d’une bande de
lire le texte d’un brevet sur la séquence du
tre qui a échappé pendant des centaines
Möbius, autorisez-moi à écrire encore quel-
génome pour guérir de cette illusion. Ainsi, à
d’années au reste de l’industrie.
ques lignes. Combien de fois une invention,
l’exception de ces catégories terriblement
Presque toutes les montres à répétition
dès qu’elle est expliquée, ne provoque-t-elle
complexes, il semble raisonnable de préten-
minutes possèdent un verrou. Cet organe
pas la réaction suivante : « J’aurais pu y pen-
dre que les tiroirs des offices de propriété
qui glisse sur la carrure assume deux fonc-
ser moi-même » ? C’est le truc sur les trucs.
intellectuelle des nombreuses nations du
tions essentielles. En premier lieu, il sert à
Décortiquées, tant d’authentiques innova-
monde regorgent de brevets relatifs à des
enclencher le mécanisme de la montre qui
tions semblent si élémentaires que nous,
inventions que nous sommes nombreux à
sonne les heures, les quarts et les minutes.
gens du commun, pensons que nous aurions
souhaiter avoir imaginées, parfaitement
En second lieu, l’abaissement du verrou
pu les trouver nous-mêmes. Je ne suis pas
convaincus que nous aurions pu le faire si
arme le ressort qui délivre l’énergie néces-
78 | 79
m’apprête maintenant à vous révéler la solution que vous pourriez avoir trouvé vousmême après qu’elle vous aura été exposée.
La solution consiste à sceller la fente. Bien
sûr, il est impossible de refermer hermétiquement la fente et de permettre simultanément
au verrou de se déplacer librement à l’intérieur. Blancpain a donc conçu un mécanisme
qui relie le mouvement du verrou à un engrenage et à un axe disposés à l’intérieur du boîtier. Le verrou et sa fente sont en effet situés
sur l’extérieur du boîtier, hermétiquement
Un ingénieux système de rouages transmet le mouvement
scellés depuis l’intérieur. Ce n’est pas la fente
du verrou au levier d’enclenchement de la répétition, au
qui est étanche, mais le compartiment dans
moyen de deux râteaux et de deux roues intermédiaires
disposées sur un axe doté de deux joints « O-Ring » pour
laquelle elle est logée. Voilà le truc. Le dépla-
assurer l’étanchéité du système.
cement du verrou entraîne une roue qui fait
tourner un axe - qui peut être rendu étanche
[1] Levier d’enclenchement
de la répétition
[4] Râteaux
[5] Roues intermédiaires
- et transmet par une autre roue la com-
[2] Ressorts
[6] Joints « O-Ring »
mande et l’énergie nécessaires au méca-
[3] Verrou de la répétition
[7] Axe
nisme de la répétition. Le schéma à gauche
illustre cette solution qui a fait l’objet d’une
BLANCPAIN A TROUVÉ UNE SOLUTION POUR UN BOÎTIER
demande de brevet.
DE MONTRE QUI A ÉCHAPPÉ PENDANT DES
occupe une place d’exception parmi ses
CENTAINES D’ANNÉES AU RESTE DE L’INDUSTRIE.
type de timbre se distingue par sa longueur
saire au fonctionnement du mécanisme de
Jusqu’à présent, la fente au sein de laquelle
de plus que les lames habituelles. Il émet de
répétition. Le verrou est donc un élément clé
le verrou se déplace n’offrait aucune possibi-
ce fait des notes à la texture incomparable-
des montres à répétition minutes depuis plu-
lité de jointure hermétique. Comment donc
ment plus riche à chaque fois que le méca-
sieurs siècles. Et il en constitue également le
rendre une fente étanche tout en permet-
nisme sonne les heures, les quarts et les
talon d’Achille car, contrairement à une cou-
tant à un levier de s’y déplacer librement ?
minutes.
ronne ou à un correcteur de calendrier, les
L’industrie horlogère répondait unanime-
Blancpain a choisi les deux matériaux les
verrous ne sont pas étanches. Même si vous
ment à cette question en décrétant qu’il
plus raffinés pour transmettre les harmonies
êtes de la plus joyeuse des humeurs, ne vous
s’agissait là d’une mission impossible.
d’un timbre cathédral : l’or rouge et le
Le mécanisme de répétition minutes en soi
pairs en raison de son timbre cathédral. Ce
considérable car il accomplit un demi-tour
avisez pas de porter votre répétition minutes
La Léman Répétition Minutes Aqua Lung
titane. En effet, de minutieuses recherches
pour une descente de rafting en eaux vives.
résout ce paradoxe. Et soyez attentif car je
ont démontré que ces métaux possèdent les
meilleures performances sonores. Les deux
modèles se présentent dans un boîtier de 40
mm avec un cadran noir aux chiffres et index
appliqués.
Chaque Léman Répétition Minutes Aqua
Lung sera une édition limitée à un seul
exemplaire. En effet, son propriétaire peut
faire part d’un motif spécifique qui sera
gravé sur le fond de boîtier et fera de chaque pièce une pièce unique, réalisée en
La vue de côté ne révèle pas le secret de l'ingénieux système d'étanchéité mis au point par Blancpain.
fonction d’un désir particulier.
I
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S.V.P.
BLANCPAIN SA
Le Rocher 12
CH-1348 Le Brassus
MORCEAUX CHOISIS DE L’UNIVERS BLANCPAIN
BLANCPAIN SPONSORISE LE RALLYE PÉKIN-PARIS 2007
traverser des rivières à gué, vaincre le désert
de Gobi, cahoter inlassablement sur des routes
Dans nos vies modernes, nous oublions sou-
point, l’ancêtre du courage et de la bravoure
en si mauvais état qu’il ne fait aucun doute
vent que les mots « automobile » et « aven-
sur quatre roues : le rallye Pékin-Paris.
que la tâche du Prince Borghese était plus
ture » étaient autrefois étroitement associés.
Imaginez-vous grimper sur le siège du
aisée, un siècle plus tôt, alors que les voies de
Certains s’empresseront sans doute d’af-
conducteur d’une automobile historique,
communication n’existaient tout simplement
firmer qu’emprunter l’autoroute du Soleil
dans certains cas un modèle antérieur à 1925,
pas. Bien sûr, il était téméraire pour le Prince
pendant un jour rouge, se lancer dans le
ajuster vos lunettes de motocycliste, peut-être
Borghese de se lancer dans cette épopée en
réseau des voies rapides de Los Angeles ou,
glisser vos doigts dans des gants et partir de
1907 pour démontrer que ces véhicules cra-
ainsi que le rapportait le Wall Street Journal
Pékin pour emprunter l’itinéraire suivi par le
chotants étaient capables de traverser un
récemment, parcourir les ruelles de Tokyo au
Prince Borghese en 1907 à destination de
continent et particulièrement ahurissant pour
volant d’un SUV Hummer surdimensionné
Paris. Douze mille kilomètres d’une route qui
un ouvrier français qui travaillait sur un
constituent de véritables aventures. Si nous
traverse la Mongolie intérieure et extérieure,
champ de foire de décider, à la lecture des
n’allons pas épiloguer sur le fait que ces
les steppes d’Asie centrale, puis Moscou,
intentions du prince, de le défier alors qu’il
entreprises méritent ou non le titre d’aven-
Riga, Vilnius, avant de descendre sur Reims et
n’avait jamais tenu de volant auparavant. Il
tures, nous pouvons néanmoins citer un
réaliser une arrivée triomphale sur la place
restait une grande part de cette volonté de se
exemple incontestable où l’esprit d’aventure
Vendôme à Paris. Mais avant, il faudra
livrer corps et âme aux caprices du destin en
lié à l’automobile au cours des premières
années du XXe siècle reste vivace au plus haut
Jour 2, un détour non prévu à l’itinéraire.
L’édition limitée Pékin-Paris
du Léman Chronographe
Flyback dans le motif
de couleur rouge.
Le départ donné aux portes de la Grande Muraille.
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2007 au moment d’organiser une nouvelle
de cette réplique de la course de 1907,
rallye historique. Inspiré par le logo jaune et
édition de l’interminable course historique
Blancpain était particulièrement heureux
rouge du raid, l’édition spéciale Pékin-Paris a
entre le Prince et le Gueux.
d’être l’unique sponsor de cet événement.
été présentée en deux coloris, l’un en jaune et
Pour les 260 pilotes (130 voitures), cette
Non seulement Blancpain a décerné le « Prix
l’autre en rouge, avec des cadrans, des aiguil-
aventure automobile représentait une immer-
de la Bravoure » à deux pilotes pour leur
les et des bracelets en accord avec le thème
sion intense, absolue, totale, encore accrue
exceptionnel esprit sportif sous la forme de
chromatique retenu. Tous les modèles sont
par sa nature exceptionnelle. Pendant un siè-
garde-temps Léman Time Zone : Timothey
dotés d’un rotor en or frappé du logo du ral-
cle entier, le rallye Pékin-Paris n’a en effet per-
Scott (qui pilotait une Mercedes 1903) et
lye Pékin-Paris visible à travers le fond en
mis aux valeureux conducteurs de se mesurer
Peter Livanos (au volant d’une Bentley de
saphir. Les séries rouge et jaune sont éditées
et de tester leurs véhicules qu’à trois reprises
1929), mais a également créé une édition
dans une édition spéciale strictement limitée
sur un itinéraire de 12000 kilomètres. En
spéciale limitée Pékin-Paris du Léman
à 130 exemplaires chacune.
reconnaissance de la signification historique
Chronographe Flyback pour commémorer ce
Blancpain a célébré à la fois le départ et
l’arrivée des équipes. Alain Delamuraz,
directeur marketing, et André Meier, viceprésident vente, se sont rendus à Pékin pour
souhaiter bonne route aux intrépides pilotes.
A l’arrivée à Paris, une réception au champagne tenue dans la boutique Blancpain de
la Rue de la Paix a récompensé tous les
pilotes, tant ceux des 105 automobiles qui
sont parvenus à terminer la course que leurs
collègues
qui
ont
connu
un
karma
mécanique moins favorable.
Jour 10, à travers la Mongolie en direction de la frontière russe.
Toutes les montres de l’édition limitée Pékin-Paris possèdent une masse oscillante en or personnalisée.
Réception à l’arrivée place Vendôme à Paris.
MORCEAUX CHOISIS DE L’UNIVERS BLANCPAIN
BLANCPAIN LANCE UNE LIGNE DE STYLOS
La reconnaissance mutuelle d’une culture
et d’un esprit communs a conduit au lancement d’une édition limitée de 35 stylos
Il est fréquent que les collectionneurs de haute
Grayson Tighe Blancpain qui seront pro-
horlogerie, dans leur amour pour un artisanat
posés exclusivement dans les boutiques
d’exception, soient attirés par d’autres objets
Blancpain. Confectionnés en titane massif
d’un grand raffinement, une catégorie qui
et parfaitement équilibrés dans la main, ces
comprend précisément les stylos-plumes de
stylos sont ornés de la gravure manuelle de
prestige. Blancpain n’apprécie pas unique-
Grayson Tighe qui illustre divers motifs
ment ce lien à sa juste valeur, mais a même
caractéristiques de Blancpain. La pointe du
décelé des affinités plus profondes en décou-
bouchon reproduit le dessin de la couronne
vrant le travail artisanal du Canadien Grayson
Blancpain tandis que la phase de lune carac-
Tighe, célèbre créateur de stylos. Aucune
téristique de la marque décore l’épingle.
usine au monde ne fabrique les instruments
La ligne se compose de trois modèles :
d’écriture Grayson Tighe. Il travaille seul dans
stylo-plume, stylo-bille et stylo-feutre. Pour
son atelier de Toronto et confectionne lui-
les personnes qui souhaitent acquérir
même, entièrement à la main, chacune de
plusieurs versions, tous les exemplaires d’un
ses réalisations. Il excelle notamment dans
assortiment commandés simultanément
la minutieuse gravure sur titane.
porteront le même numéro de série.
Lorsque Marc A. Hayek, président de
Blancpain, a découvert le travail de Grayson
Tighe, il a immédiatement apprécié la similitude d’approche et de méthode entre l’atelier
de Grayson et ceux de Blancpain au Brassus –
un profond attachement à la tradition et un
artisan qui réalise une œuvre du début à la fin.
Plus encore, la gravure à la main telle qu’elle
est exercée par Grayson Tighe fait écho à la
même technique pratiquée par les artisans de
Blancpain qui gravent à la main platines et
masses oscillantes pour des pièces spéciales.
82 | 83
RÉCEPTION DES COLLECTIONNEURS À BÂLE
pressés dans la salle (où il n’y avait d’autre
choix que de rester debout) afin de découvrir
en avant-première la collection Fifty Fathoms
qui faisait tant parler d’elle dans les couloirs
de la foire. Comme à l’accoutumée, Marc A.
Hayek, Président de Blancpain, était fidèle au
poste, assisté de Jeffrey Kingston, pour présenter la nouvelle famille mais également
informer
du
déroulement
de
l’année
Blancpain. Et pour la deuxième année consécutive, tous les yeux se sont tournés sur les
poignets de Marc A. Hayek dont l’un était
ceint de la nouvelle Fifty Fathoms Tourbillon
alors que l’autre arborait un prototype destiné
à donner un avant-goût des nouveautés pré-
Le point culminant de la soirée. Marc A. Hayek présente les nouveautés 2007 aux collectionneurs.
Jeffrey Kingston retrace l’année Blancpain.
Il s’agissait du rassemblement rituel d’une
res, se transforme en « bistrot Blancpain »
vues pour les prochaines saisons. Les collec-
tribu. Comme la tradition l’exige désormais,
afin d’accueillir chaleureusement les pas-
tionneurs n’ont en effet guère tardé à appren-
le stand de Blancpain à Baselworld se trans-
sionnés de la marque venus du monde entier
dre la leçon car l’an dernier le second poignet
forme le samedi soir. Quelques instants à
et qui ne rateraient pour rien au monde le
portait un prototype de la montre Le Brassus
peine avant l’arrivée des collectionneurs,
cocktail Blancpain.
« 8 jours » dont le mouvement 13R0 a été
l’étage supérieur, qui sert en temps ordinaire
Et à quel point la tribu s’est étoffée ! Cette
tenu sur les fonts baptismaux en octobre 2006,
à recevoir les journalistes et les concessionnai-
année, plus de 48 collectionneurs se sont
six mois après la conclusion du salon de Bâle.
MORCEAUX CHOISIS DE L’UNIVERS BLANCPAIN
BLANCPAIN CHRONOMÉTREUR OFFICIEL DU BOCUSE D’OR
De longue date, Blancpain entretient des
Éditeur
BLANCPAIN SA
Le Rocher 12
1348 Le Brassus
Suisse
Tél. : + 41 21 796 36 36
www.blancpain.com
[email protected]
liens étroits avec l’univers de la gastronomie.
Le respect de la tradition, la quête incessante
du raffinement et de la qualité ainsi que l’esprit d’inventivité sont autant de valeurs que
Blancpain partage avec les plus grands chefs
internationaux.
Rédaction en chef
Christel Räber
Jeffrey S. Kingston
Une fois encore, Blancpain est fière d’avoir
été élue chronométreur officiel du plus pres-
Secrétaire de rédaction
Rachèle Mongazon
tigieux concours de cuisine, le Bocuse d’Or.
Portant le nom de Paul Bocuse, légendaire chef
Auteurs
Jeffrey S. Kingston
Didier Schmutz
lyonnais décoré de trois étoiles, cette manifestation bisannuelle oppose à Lyon les jeunes
Adaptation française
Jean-Pierre Ammon
chefs les plus talentueux du monde lors d’une
compétition culinaire très disputée. Pour l’édition 2007, les participants qui œuvrent dans le
Paul Bocuse, un visage familier aux gourmets du
cadre de strictes limites temporelles étaient
monde entier.
invités à créer des apprêts aux saveurs de la
Volaille de Bresse AOC, du Flétan blanc de
Norvège et du Crabe Royal de Norvège.
Le jury se composait de chefs récompensés
des plus hautes distinctions, parmi lesquels
Conception, Graphisme Design, Réalisation
thema communications ag, Francfort, Allemagne
Direction Artistique
Frank Dillmann
Photolithographie
Karpf Kreative Bildbearbeitung,
Aschaffenburg, Allemagne
Goldbeck Art, Francfort, Allemagne
figuraient naturellement Paul Bocuse luimême en qualité de président du jury, ainsi
que le grand chef suisse Philippe Rochat,
félicité et lui a remis une montre Léman Réveil
Photographies
Blancpain, Valentin Blank, Gerard Brown,
Communauté de Communes des Pays de Rhône
et Ouvèze (CCPRO), Cru Gigondas,
Pierre-Michel Delessert, Dominique Derisbourg,
Christophe Dutoit, Getty Images, Grayson Tighe,
Sébastien d’Halloy, Jeffrey S. Kingston,
Andreas Koschate, Lausanne Tourisme,
Office de Tourisme du pays de l’Hermitage,
Office de Tourisme de Montreux,
Office de Tourisme de Vienne, Adriano Penco,
Frédéric Piguet, Monika Rittershaus, Karsten Schirmer,
Stiftung Berliner Philharmoniker, US Navy,
Hugues de Wurstemberger
GMT afin de célébrer dignement sa victoire.
Imprimé en décembre 2007
auquel nous avons consacré un article dans le
premier numéro de Lettres du Brassus (et qui
sont tous deux, accessoirement, propriétaires
d’une Blancpain). Le lauréat de cette année
est Fabrice Devignes, des Cuisines de la
Présidence du Sénat à Paris. Alain Delamuraz,
directeur du marketing de Blancpain, l’a
Un concurrent en plein effort, chronométré
par une horloge murale, réplique du célèbre
Chronographe Flyback de Blancpain.
Impression
Caruna Druck, Kleinheubach, Allemagne
UN JALON POUR LETTRES DU BRASSUS
Il va de soi que nous n’avons pas créé les
qu’ils partagent les mêmes affinités, nous
Lettres du Brassus dans le but de récolter
nous en réjouissons. Cette année, le
des lauriers. C’est bien la passion des fins
concours « Best of Corporate Publishing »,
garde-temps, du savoir-faire artisanal et de
qui évalue près de 600 magazines institu-
l’art de vivre qui nous guide. Cependant, si
tionnels, a récompensé les Lettres du
un prix nous est octroyé dans notre quête
Brassus en lui décernant la médaille d’ar-
d’une création qui saura plaire aux connais-
gent dans la catégorie « relations avec les
seurs de Blancpain, dont nous avons l’espoir
consommateurs ».
ÉDITORIAL
NUMÉRO 03
NUMÉRO 03
BLANCPAIN. UNE TRADITION D’INNOVATION. DEPUIS 1735.
À PARTIR DES
ORIGINES DE
COUSTEAU
Cage du tourbillon volant,
composée de 52 pièces
2007/2008
La Manufacture Blancpain présente un contraste inédit entre la virtuose construction aérienne
de son tourbillon volant et le style sportif de sa légendaire montre de plongée Fifty Fathoms.
Etanche à 300 mètres, le « Tourbillon Fifty Fathoms » (réf. 5025-3630-52) est doté d’un fond
saphir dévoilant une masse oscillante ciselée à la main et créée spécialement pour ce modèle.
La nouvelle édition 2007 de la Fifty Fathoms
LE CHRONOGRAPHE
DE MICHEL-ANGE
Comment Blancpain
Blancpain aa réinventé
réinventé
Comment
le
concept
du
chronographe
le concept du chronographe
GRUYÈRE AOC
Une force de la nature
2007/2008