Picking 100 % automatisé
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Picking 100 % automatisé
©JL.ROGNON DOSSIER Automatisation Picking 100 % automatisé : les prémices d’une mutation La préparation de commandes a-t-elle vocation à être automatisée à 100 % ? Des réalisations en ce sens commencent à voir le jour en France dans le domaine de la grande distribution alimentaire. Si l’état actuel de la technologie limite jusqu’à présent les applications à la préparation de palettes homogènes et hétérogènes, il semble vraisemblable que la tendance s’étende à la préparation de détail dans les 10 ans qui viennent. 84 N°91 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JANVIER-FÉVRIER 2015 L’intérêt de la grande distribution L’apparition récente des premières installations de préparation de commandes entièrement automatisée dans le domaine de la grande distribution française tient à plusieurs facteurs. « Le modèle français, avec ses grands hypermarchés, est un peu différent de celui de l’Allemagne ou de l’Espagne, où l’on trouve encore énormément de supérettes. Mais le développement en France des magasins de proximité de plus petit format en centre-ville et des drives a changé la donne et complexifié les process logistiques », tente d’expliquer Jean-Marc Heilig, Responsable Commercial France de Witron. La conséquence de cette ©C.POLGE J usqu’à l’année dernière, mis à part sur certaines niches très particulières, la préparation de commandes entièrement automatisée n’avait encore jamais vraiment franchi les frontières de l’Hexagone. C’est désormais chose faite dans le secteur de la grande distribution, avec des projets opérationnels, en cours de réalisation ou à l’état de réflexion sur certaines plates-formes d’enseignes de la grande distribution comme Leclerc, Intermarché, Système U ou encore Auchan. Comment expliquer un tel changement, qui a déjà commencé depuis plusieurs années en Allemagne ou en Espagne ? Quels autres secteurs pourraient être concernés à l’avenir ? Où se trouvent aujourd’hui les limites technologiques à cette préparation de commandes qui se passe de manutentionnaire ? Autant de questions auxquelles nous allons ten- ter de répondre dans ce dossier, qui abordera également une problématique non moins essentielle : celle de la place de l’homme dans ces entrepôts automatisés (voir page 91). La réponse n’est d’ailleurs pas aussi catégorique qu’on pourrait le penser d’emblée, à en croire la première expérience chez Leclerc Scapalsace qui tendrait à prouver qu’il est tout à fait possible de former les anciens préparateurs de commandes à de nouveaux métiers dans un entrepôt largement automatisé (voir page 94). Jean-Marc Heilig, Responsable Commercial France de Witron JANVIER-FÉVRIER 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°91 85 ©ALSTEF Directeur du département Automation de SSI Schaefer France Pierre Marol, Président Directeur Général d’Alstef Le système Robo-Pick de SSI Schaefer évolution, c’est que les commandes sont de plus en plus fragmentées, en moins grandes quantités qu’avant, avec des préparations au colis, voire à l’unité de vente, et que les livraisons sont plus fréquentes. Pour suivre cette accélération des flux et ce besoin croissant en réactivité, les enseignes prennent de plus en plus au sérieux la solution d’automatisation comme une alternative plus économique que l’agrandissement de leurs entrepôts et l’embauche de davantage de personnel. « La réactivité est un facteur à prendre en compte pour expliquer le développement de la préparation automatique, car le processus manuel, avec ses longs chemins de picking, prend beaucoup plus de temps que l’installation automatisée pour préparer une ou deux palettes. Cela permet donc de repousser l’heure du cut-off des commandes », note en outre Sylvain Cerise, Directeur du département Automation de SSI Schaefer France. Limiter, voire supprimer la pénibilité L’autre conséquence de cette fragmentation des commandes dans la grande distribution, avec de moins en moins d’expéditions de palettes complètes, est l’augmentation de la pénibilité du travail de la préparation. Les volumes sont importants, les colis sont souvent lourds. Dans certains 86 N°91 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JANVIER-FÉVRIER 2015 ©KNAPP Sylvain Cerise, ©SSI SCHAEFER ©SSI SCHAEFER DOSSIER Automatisation entrepôts, les opérateurs portent quotidiennement jusqu’à 18 t de colis en cumulé, et ce malgré les normes en vigueur depuis quelques années (NF X35-109) qui limitent le tonnage cumulé admissible quotidiennement à 7,5 t par personne, sans assistance mécanique. Résultat, la grande distribution est sous le feu des projecteurs en ce qui concerne les problèmes de TMS (troubles musculo-squelettiques). « Si nous étions restés sur des flux de préparation de commandes au colis relativement faibles comme il y a cinq ans, l’attrait actuel de l’automatisation ne serait pas aussi important », souligne Pierre Marol, PDG d’Alstef. D’autant que la réglementation est en constante évolution, avec notamment la future entrée en vigueur du compte pénibilité pour la plupart des opérations en entrepôt à partir du 1er janvier 2016. Les seuils de déclenchement de ce compte pénibilité seront définis par exemple à partir de l’action de lever ou de porter une charge unitaire de 15 kg, ou de pousser ou de tirer des charges unitaires de 250 kg, pendant plus de 600 h par an, ou bien si l’on dépasse un cumul de manutentions de charges de 7,5 t quotidiennement pendant 120 jours par an. L’automatisation peut être ainsi vue comme un moyen de limiter l’impact physique des opérations de manutention dans les entrepôts. Voire de le supprimer, en même temps que le poste de préparateur de commandes… Réduire les temps de cycle Sur la préparation de commandes automatisée, la grande distribution fait figure de pionnière. « La grosse nouveauté depuis cinq ou six ans, c’est la capacité technique à séquencer les colis complets pour constituer une palette hétérogène, qui respecte l’ordre de mise en rayon », affirme Sylvain Cerise. Plus généralement, la réflexion des entreprises face à l’automatisation semble avoir un peu évolué. « Durant les 20 dernières années, l’objectif des projets logistiques était essentiellement lié à la productivité, en mettant en place des systèmes à gares, puis des systèmes de type «goods-to-man» dont le retour sur investissements était essentiellement justifié par la réduction du nombre d’emplois dans l’entrepôt, constate JeanDavid Attal, Directeur Général de Viastore Systems France. Personnellement, depuis quelques années, j’ai vu trois autres problématiques arriver : premièrement, la recherche d’un concept global, qui irait de la réception à l’expédition en passant par le stockage et la préparation de commandes ; deuxièmement, la réduction du temps de cycle de préparation, qui permet d’augmenter la plage horaire de préparation et d’accepter des commandes plus tard dans la journée et troisièmement, la réduction de la pénibilité et l’amélioration de l’ergonomie. » L’exception du secteur pharmaceutique D’autres secteurs que la grande distribution pourraient-ils être concernés dans un avenir proche par la préparation automatisée ? La priorité semble se trouver d’abord là où les charges sont les plus lourdes et les plus pénibles à manutentionner, comme c’est le cas pour les sacs de farine de Moulins Bourgeois (équipés d’une solution Viastore Systems), ou encore les bobines de papier de Norske Skog, sur son site de Golbey, équipés de chariots autoguidés préparateurs de commandes de BA Systèmes. Le secteur pharmaceutique fait figure d’exception à cette règle empirique : les médicaments ont beau avoir un poids relativement faible, il existe depuis des années des systèmes de type « A-frame » pour préparer les commandes de détail de quelques dizaines ou centaines de références à forte rotation. Des solutions ont été également développées pour la préparation de détail dans le domaine du multimédia JANVIER-FÉVRIER 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°91 87 DOSSIER Automatisation ©JP.GUILLAUME ©JL.ROGNON Système COM de Witron ©M ETIS CONSULTING Frédéric Mancion, Directeur Associé de Metis Consulting ©FIMEC Directeur Général de Viastore Systems France ©JL.ROGNON Jean-David Attal, (CD, DVD) ou des cosmétiques. Le point commun entre ces différents cas : les caractéristiques des produits sont relativement homogènes, standardisées, avec de petits formats parallélépipédiques. A l’inverse, dans les entrepôts e-commerce, le prélèvement des articles dont les caractéristiques, les poids et les dimensions peuvent varier considérablement, n’est pas automatisé. Même si des sociétés comme Amazon commencent à encourager les efforts de recherche en ce sens (voir encadré page 89). Dans ces entrepôts, la problématique est surtout de réduire le nombre de km parcourus par les préparateurs et les projets d’automatisation s’orientent généralement vers des systèmes de type « goods-to-man », où le prélèvement de l’article dans un bac et sa dépose dans un carton sont effectués par un opérateur qui n’a plus besoin de se déplacer. La préparation à l’UVC fait de la résistance « L’évolution de la préparation 100 % automatisée s’analyse moins en fonction des secteurs que par type de charges à manipuler, à savoir les palettes, les colis et les UVC (unités de vente consommateurs), affirme Frédéric Mancion, Directeur Associé de Metis Consulting. Cela fait plus de 10 ans qu’il existe des centres automatisées de préparation de palettes homogènes, car il s’agit d’objets suffisamment standardisés pour être maîtrisables par un outil automatique. Automatiser la palettisation hétérogène des colis s’avère plus compliqué techniquement : les flux sont 100 fois plus importants et les typologies des emballages peuvent être diverses. Ce sont les systèmes qui commencent à être mis en place actuellement dans la grande distribution alimentaire et qui vont continuer à progresser. Et les fournisseurs travaillent déjà sur l’étape suivante, celle de la préparation 100 % automatisée à l’UVC, qui est encore plus complexe du fait de la diversité des produits à manipuler et du volume encore plus important de flux à traiter. C’est l’une des tendances de la prochaine décennie. » Une avancée considérable a déjà été accomplie grâce au progrès effectués ces 10 dernières années sur les systèmes à navettes de type « goods to man », à présent capables de séquencer les colis dans un ordre prédéterminé à une cadence très rapide. Le système de palettisation automatique imaginé et breveté par Witron, il y a plus de 10 ans, qui utilise sur des tablettes « à trous » servant de support porteur aux colis dans le convoyeur, a aussi contribué au succès actuel des systèmes de préparation automatisée. Pas besoin SUITE PAGE 90 88 N°91 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JANVIER-FÉVRIER 2015 Picking robotisé : Amazon y réfléchit sérieusement d’effectuer dans un temps donné le plus de tâches de picking sur 27 types de produits rangés sur des étagères (des boîtes, des objets divers, des jouets pour chiens, des livres, des paquets de gâteaux, etc.), et de les poser sur une table. Pour le robot, qui ne doit pas forcément avoir une forme humanoïde, la tâche n’est pas simple car il lui faudra à la fois maîtriser la reconnaissance d’objets et de leur position en 3D, savoir planifier une manipulation adéquate en fonction de leurs caractéristiques, et piloter le mouvement pour exécuter cette tâche sans erreur. 26.000 $ de prix sont en jeu, dont 20.000 pour le gagnant, 5.000 pour le second et 1.000 pour le troisième. Les participants seront encouragés à faire profiter la communauté robotique de leurs travaux…pour améliorer les résultats des futures éditions de ce concours. Le rendezvous est pris fin mai à Seattle. ■ JLR ©AMAZON L’intérêt d’Amazon pour les robots n’est pas nouveau. On se rappelle que le géant américain de l’e-commerce a racheté la société Kiva Systems en mars 2012 et que ce concept de déplacement automatique d’étagères vers les zones de préparation de commandes est déjà en place dans certains de ses entrepôts aux Etats-Unis. Ce qui est en revanche inédit depuis cette année, c’est qu’Amazon commence déjà à réfléchir à l’étape suivante, celle de remplacer dans le futur les préparateurs de commandes humains par des robots. Pour stimuler la recherche dans ce domaine, Amazon a lancé une compétition ouverte aux chercheurs en robotique dans le cadre de l’ICRA 2015 (IEEE Robotics and Automation), la conférence phare de l’IEEE Robotics and Automation Society qui aura lieu du 26 au 30 mai à Seattle. Les concurrents de l’Amazon Robot Picking Challenge 2015 devront concevoir un système robotique (hardware et software) capable JANVIER-FÉVRIER 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°91 89 DOSSIER Automatisation SUITE DE LA PAGE 88 ©DIAGMA de bras articulé ou de préhenseur, les colis sont soulevés du support par une multitude de petites aiguilles, puis simplement poussés à la bonne place sur la palette en cours de constitution. Hugues Doligez, Consultant Associé chez Diagma Le défi de la diversité Les progrès de la robotique dans l’industrie pourraient néanmoins laisser présager une percée similaire dans la préparation automatisée en entrepôt. Des sociétés comme l’Américain Rethink Robotics et son robot de recherche Baxter ou les Français Sileane (robot Kamido) et Fimec (solution de palettisation hétérogène Packtris) s’y intéressent de près. La société SPIL est également en train de développer une offre de prestation (voir ci-dessous). Le gros enjeu actuel, sur lequel les intégrateurs continuent à travailler, ne vient pas tant du robot que du logiciel de palettisation et d’ordonnancement qui doit constituer la palette en fonction du poids, de la volumétrie mais également de la forme, de la portabilité ou de la résistance à l’écrasement des colis (pack d’eau ou de bière, par exemple). En ce qui concerne spécifiquement le prélèvement à l’article, le problème vient aussi de l’extrême diversité des objets à prélever, sur un référentiel qui peut atteindre les 10.000 unités. « Le problème est aussi qu’on ne peut pas forcément prévoir toutes les modifications à l’intérieur des gammes de produits. Or, l’automatisation est très structurante, elle suppose une certaine vision de stabilité de l’avenir en termes de typologie de produits et de commandes », fait remarquer Hugues Doligez, Consultant Associé chez Diagma. Idéalement, le préhenseur du robot doit ainsi être capable de prendre et de déposer un sac de litière, un pack de six bouteilles de coca, mais aussi un tournevis, une raquette de tennis, etc. Faudra-t-il imaginer des robots capables de changer en temps réel de préhenseur en fonction des produits sans trop ralentir le flux, comme la solution présentée par Knapp sur la Foire de Hanovre l’année dernière ? Ou trouvera-t-on le préhenseur « universel» capable de traiter 10.000 types d’objets ? La reconnaissance des objets et la vision en 3D de leur positionnement ont également des progrès à accomplir avant que ces solutions 100 % automatisées ne concurrencent réellement les systèmes « pick by light » et « goods to man ». A moins que la réponse ne vienne de la modularité. « L’avenir, ce sont des modules robotisés, transférables, reprogrammables, déplaçables en fonction des flux de la semaine, du mois, du trimestre, et qui permettent de traiter différents types de produits en conservant une certaine flexibilité », prévoit Hervé Vallée, Consultant chez Elcimaï Conseil. Une perspective d’autant plus séduisante que l’intelligence et la connaissance métier des hommes y aurait (encore) toute sa place ! ■ JEAN-LUC ROGNON SPIL se positionne comme 3PL de la préparation automatisée PDG de SPI 90 N°91 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JANVIER-FÉVRIER 2015 ment de site et nous portons la totalité du risque pour son bon fonctionnement. La partie mécanique est aujourd’hui complètement finalisée, et nous sommes en passe, avec nos partenaires techniques, d’affiner notre algorithme de palettisation pour être capable de traiter près de 100 % de toutes les commandes de façon cohérente et correcte », affirme Philippe Illiano, qui insiste sur le fait qu’aucun logiciel de palettisation au monde ne sait pour le moment correctement traiter la palettisation de 100 % des volumes en fonction de la commande, de la portabilité, du regroupement des références, de l’optimisation du volume de la palette, de sa tenue, etc. ». ■ JLR ©SPIL Philippe Illiano, Il y a un an et demi, le groupe SPI, spécialisé dans le conditionnement à façon et le copacking (76 M€ de CA, 57.000m2 d’ateliers et d’entrepôts en France) prend la décision de mettre au point une solution de préparation de commandes automatisée de palettes hétérogènes, qui sera proposée aux industriels comme aux retailers sous la forme d’une prestation logistique par sa nouvelle filiale, SPIL. « Les réflexions sur l’automatisation de la préparation de commandes sont dans l’air du temps en France, et j’observe d’ailleurs une certaine accélération du phénomène sur le deuxième semestre 2014 », déclare Philippe Illiano, PDG de SPI. Fort de son expérience de plus de 15 ans, durant lesquels SPI a investi plus de 80 M€ dans des systèmes de conditionnement à façon pour de grands clients dans le domaine des PGC, le département d’ingénierie du groupe a développé le module A2P (Automatisation Préparation de Picking), installé aujourd’hui dans l’entrepôt SPI de Saint Vulbas dans l’Ain. Investissement : près de 800.000 €. « La grande force du système est sa souplesse : il peut être déménagé aisément en cas de change- Entrepôts 100 % automatisés : où sont les Hommes ? Les entrepôts 100 % automatisés, tant au niveau du stockage que de la préparation de commandes, ont besoin pour fonctionner d’un personnel de maintenance et de conduite de l’exploitation. A en croire les intégrateurs, il est tout à fait possible et souhaitable de reconvertir tout ou partie des équipes existantes pour s’acquitter de ces tâches. déclenche, une croissance des commandes annuelles. Néanmoins, la rentabilité économique de ces projets s’appuie souvent sur la réduction d’un certain nombre d’emplois non qualifiés. Certes, ce sont généralement des tâches pénibles et mal payées, voire dangereuses pour la santé, qui disparaissent. Et parallèlement, de nouveaux emplois sont créés, non plus pour porter ou manipuler des charges, mais davantage pour organiser les flux et s’assurer du pilotage et du bon fonctionnement des machines. Mais que devient le personnel de l’ancien entrepôt ? Qualifié ne veut pas forcément dire diplômé Premier constat : il n’existe aucun système 100 % automatisé en préparation de commandes. « Il y a presque toujours des produits non mécanisables qui ©KNAPP D ans « La vie des 12 Césars », l’auteur latin Suétone raconte que l’empereur Vespasien, à qui l’on vient de présenter un projet audacieux de transport « mécanisé » de colonnes au Capitole, lui oppose une fin de non-recevoir. « Permettez-moi de nourrir le pauvre peuple », aurait-il lancé. La preuve que la question de l’impact de l’automatisation sur les emplois se pose depuis près de 2000 ans. Inutile de se voiler la face, la perspective de voir fleurir des entrepôts 100 % automatisés, y compris pour la préparation de commandes, devrait logiquement engendrer des suppressions d’emplois, à commencer par les contrats d’intérim, qui peuvent représenter 30 à 35 % des effectifs logistiques dans la grande distribution. Cela n’entraîne pas forcément des licenciements, en particulier quand la mise en place du nouvel outil logistique accompagne, voire Stéphane Conjard, Directeur Général de Knapp France JANVIER-FÉVRIER 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°91 91 DOSSIER Automatisation doivent être préparés manuellement, que ce soit parce qu’ils sont hors gabarit, trop difficilement manipulables, ou que les emballages sont trop fragiles », relève Bruno Maisonneuve, Chef d’entreprise d’Actemium Lyon Logistics. D’autres maillons restent souvent manuels, du déchargement de camions ou de conteneurs à l’expédition, en passant par la dépalettisation. « Il y aura toujours des personnes pour prendre en compte les aléas d’une installation, réorienter les activités, prioriser les commandes, équilibrer les flux car il faut toujours conserver de la souplesse dans une installation automatisée », explique Sylvain Cerise, Directeur du département Automation de SSI Schaefer France. Généralement plus valorisants, ces nouveaux métiers requièrent une qualification, une formation particulière mais pas forcément un niveau d’études supérieures. « C’est un mal purement français de vouloir mettre des diplômés, des Bac+2, des Bac+3 là où il y a surtout besoin de débrouillardise et de motivation », estime Jean-Marc Heilig, Responsable Commercial France de Witron, qui insiste sur le fait que la technologie et l’interface des lignes de préparation de commandes doivent rester les plus simples et robustes possibles. ©JL.ROGNON Reconversion rime avec anticipation « La prise en compte de la reconversion est une problématique que nous rencontrons très souvent chez nos clients », reconnaît Stéphane Conjard, Directeur Général de Knapp France. La première chose à faire est d’anticiper suffisamment les choses pour pouvoir détecter les connaissances acquises et les potentiels de chacun et avoir le temps de les faire évoluer avant le démarrage de l’installation, et sur- 92 N°91 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JANVIER-FÉVRIER 2015 tout de les faire participer pleinement à la phase de mise en place des processus. « Chez SSI Schaefer, nous considérons la reconversion comme l’une des clés du succès des projets, et nous accompagnons systématiquement nos clients dans cette démarche, jusqu’à la qualification de l’autonomie du personnel une fois le basculement effectué », insiste pour sa part Sylvain Cerise. Non seulement les métiers changent, mais l’organisation va s’adapter, avec nettement moins de « middle management » entre le personnel de pilotage et les opérateurs de terrain. En amont, les gestionnaires de commandes sont chargés d’ordonnancer sur la journée et de prioriser les vagues de préparations en fonction de leur connaissance du métier (type de client, engagements de taux de service, promotions, saisonnalités, etc.) et de différents aléas (camions en retard, commandes urgentes, etc.). Ces « pilotes de lignes » doivent avoir des qualités de vrais communicants, écoutés de leurs collaborateurs lorsqu’ils leur demandent d’effectuer rapidement une modification dans le processus d’exécution. Sont logiquement les plus « éligibles » à ce genre de poste les chefs d’équipe ou les responsables d’exploitation, qui ont déjà une bonne connaissance des processus globaux de l’entrepôt, mais qui devront évidemment être préalablement formés au système de supervision et de pilotage de l’installation. Des opérateurs autonomes Il faut également des personnes sur le « terrain », au plus près des lignes de préparation de commandes, pour accompagner le processus et surveiller que L’opérateur doit être capable de reprendre la main sur le système automatisé en cas d’anomalie, si un plus d’installations automatisées, les constructeurs ne pour- ront pas assurer un service de dépannage 24h/24 suffisamment réactif, à moins de s’orienter vers un schéma mixte associant des personnes de l’entreprise cliente qui vont prendre petit à petit la main sur le système et des techniciens du constructeur, pour des interventions préventives quelques fois par an », décrit Frédéric Mancion, Directeur Associé de Metis Consulting. ■ JEAN-LUC ROGNON ©RETHINK ROBOTICS carton intercalaire s’est détaché et bloque la machine, par exemple. Et de faire de la maintenance « curative » de niveau 1, d’établir un diagnostic, de changer rapidement un consommable avant de redémarrer le système le plus rapidement possible. A condition d’être motivé et débrouillard, il n’est pas forcément besoin d’être au départ un technicien chevronné en électricité ou en électronique. Les anciennes équipes d’opérateurs peuvent être formées par l’intégrateur ou le constructeur pour les familiariser avec la chaîne de commandes (capteur, collecteur d’info, automate), les diverses manières de réagir en cas d’incident, l’utilisation de l’interface homme machine pour établir un prédiagnostic. La technologie va permettre de rendre ce métier encore plus accessible puisque les intégrateurs commencent à mettre au point des solutions à base de lunettes à réalité augmentée ou de tablettes connectées pour que l’opérateur puisse être assisté à distance par un expert dans des opérations de maintenance ou de dépannage. « Comme il va y avoir de plus en JANVIER-FÉVRIER 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°91 93 DOSSIER Automatisation Scapalsace : Perle garde un côté humain Scapalsace a inauguré l’année dernière le premier entrepôt de la grande distribution française à automatiser à grande échelle la préparation de commande. Une aventure technologique… mais aussi humaine. ©SCAPALSACE P Saïd Bindou, ©JL.ROGNON Directeur Général de Scapalsace erle, comme Premier Entrepôt Robotisé Leclerc. Entrée en exploitation en mai dernier, la nouvelle plate-forme 100 % automatisée de Scapalsace, basée à Niederhergheim, à quelques km de Colmar, fait figure de pionnier de la grande distribution française. Cette usine logistique de 32.000 m² divisée en six cellules, avec 35 quais de chargement, fonctionne 21 h sur 24 (les 3 h restantes étant dédiées à la maintenance préventive). Elle gère actuellement 11.000 références en PGC non périssables à température ambiante et prépare des commandes expédiées dans 10 départements du Grand Est (46 hypers, 24 supermarchés Leclerc express et 28 drives). Sa capacité de préparation (par palettes complètes, couches et colis individuels) peut atteindre 254.000 unités en période de pointe. Ce petit bijou, qui a coûté 60 M€ (bâtiment compris), est bardé de modules automatisés conçus par l’entreprise allemande Witron : cinq dépalettiseurs, 10 machines de palettisation, un magasin de 360.000 emplacements colis, un magasin à 94 N°91 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JANVIER-FÉVRIER 2015 palettes de 41.000 emplacements qui culmine à 32 m de hauteur, deux buffers d’expéditions. Un travail de formation en amont Pas de doute, l’ensemble du processus de traitement de commandes, de la dépalettisation jusqu’à la préparation des expéditions, est entièrement automatisé pour la grande majorité des références (mis à part les hors gabarits ou les produits dont les emballages sont trop fragiles). Mais les hommes et les femmes n’ont pas pour autant déserté l’entrepôt : 120 personnes s’activent sur le site, dont une moitié travaillaient déjà sur un des sites de Scapalsace, l’autre moitié ayant été embauchée. « La dimension humaine est au cœur de notre projet, dont les grands objectifs sont d’améliorer le travail et la sécurité de notre personnel, de réduire la pénibilité, et bien sûr, d’augmenter la qualité de service aux magasins et la traçabilité produits », nous confie Saïd Bindou, le Directeur Général de Scapalsace. « Les métiers sont totalement différents de ce que l’on a pu connaître auparavant, mis à part le chargement et le déchargement des camions, qui ne sont pas automatisés. Cela implique de nouvelles qualifications qu’un ancien préparateur par exemple doit acquérir pour devenir conducteur de machines, travailler sur pupitre et savoir répondre aux aléas comme un problème de colis coincé, ou de courroie cassée », explique-t-il. Scapalsace a commencé ce travail très en amont, pratiquement deux ans avant l’ouverture du nouvel entrepôt, en proposant à son personnel de suivre des niveaux de formation « basiques » sur les capacités à suivre les consignes, à analyser une situation donnée, à utiliser un ordinateur. Vers davantage d’autonomie Sur les 80 personnes ayant participé à ce socle commun, une soixantaine a pu accéder, comptetenu des choix personnels et des aptitudes de chacun, à un niveau de formation plus élevé, en rapport avec le processus industriel automatisé. Certains ont appris à utiliser des équipements d’escalade pour l’intervention en hauteur dans les transstockeurs et la plupart, en plus d’une formation théorique, ont été amenés à découvrir pendant un mois une nouvelle manière de travailler dans d’autres sites automatisés installés par Witron, en Allemagne, au Québec ou en Suisse. Durant la phase de lancement opérationnel de Perle, le personnel a pu également bénéficier du « coaching » de personnes expérimentées venant de ces autres sites automatisés. Par ailleurs, Witron a créé et formé sa propre équipe de techniciens et d’électromécaniciens d’un peu plus de 10 personnes pour la maintenance sur site. « En termes de management, il y a moins de couches managériales que dans un entrepôt traditionnel. Les collaborateurs deviennent autonomes dans leurs ateliers, dans leurs zones. Il faut qu’ils puissent identifier un problème, déterminer rapidement quel niveau d’intervention est nécessaire, s’ils peuvent régler le problème seul ou s’ils doivent alerter le helpdesk ou l’équipe de maintenance. C’est toute cette expertise et cette capacité à analyser une situation donnée qui leur a été enseignée lors de leur formation », souligne Saïd Bindou. Par ailleurs, la volonté de Scapalsace a été dès le départ de favoriser la polyvalence, de manière à ce que dans chaque zone de l’entrepôt, les employés soit capables d’occuper deux à trois postes différents. ■ JEAN-LUC ROGNON JANVIER-FÉVRIER 2015 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°91 95
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