La place et le rôle des parents dans l`aventure du sport de haut niveau

Transcription

La place et le rôle des parents dans l`aventure du sport de haut niveau
Recueil des Actes
Conférence-débat du jeudi 22 mars 2007
Chambre de commerce et d’industrie de Nantes-St Nazaire
«
La place et le rôle des parents dans l’aventure du
sport de haut niveau »
SOMMAIRE
Introduction de Michel Thomas…………………………………………..
Page 3
Présentation des quatre orateurs…………………………………………. Page 4
Préambule de Camille Noblet……………………………………………..
Page 5
Intervention de Michel Rat………………………………………………..
Page 6
Intervention de Danielle Allain…………………………………………...
Page 8
Intervention de Françoise Fraisse………………………………………...
Page 11
Intervention de Pierre Amardeilh………………………………………...
Page 13
Témoignages, questions et conclusion……………………………….........
Page 19
Annexes…………………………………………………………………….
Page 23
1/Diaporama haut niveau Camille Noblet
2/Document power-point support de l’intervention de Danielle Allain
3/Document power-point support de l’intervention de Françoise Fraisse
4/Articles de presse
2
Tous des éducateurs ?
Nous recherchons constamment la qualité dans l’accompagnement des sportifs de haut
niveau de notre région. Pour cette recherche de qualité, un certain nombre d’actions
sont conduites. L’organisation de cette conférence-débat s’inscrit pleinement dans ce
cadre.
En effet, la pratique sportive de haut niveau nécessite assurément des qualités physiques
et psychologiques mais aussi un investissement sur la durée et une grande motivation.
Cette « aventure du haut niveau », un jeune seul ne peut la mener à bien. L’entourage :
l’entraîneur, le dirigeant sportif, le médecin, les parents, a donc toute son importance.
S’agissant des parents justement, doivent-ils tout contrôler ou au contraire observer
« de loin » ? Sont-ils des entraîneurs en puissance ?
Et le jeune qui est-il, comment le caractériser ? Quant au haut niveau, comment le défini
t-on ?
Autant de questions et beaucoup d’autres auxquelles vont essayer de répondre nos
quatre invités.
Michel THOMAS
Directeur régional et départemental de la jeunesse et des sports
Des pays de la Loire et de la Loire-Atlantique
3
Présentation des quatre orateurs
Michel RAT : Ex international de basket-ball, DTN adjoint et
responsable fédéral haut niveau « jeune » à la fédération française
de basket-ball.
Danielle ALLAIN : Sophrologue.
Françoise FRAISSE : Médecin pédiatre à l’INSEP.
Pierre AMARDEILH : Directeur départemental de la jeunesse
et des sports du Val d’Oise, ancien DTN adjoint à la fédération
française de natation, sélectionné aux Jeux Olympiques de Munich
en 1972.
4
Préambule :
Camille Noblet (chargé de mission sport à la direction régionale de la jeunesse et des sports
des pays de la Loire): pour introduire le débat de ce soir et afin de bien « planter le décor », il
nous est apparu nécessaire de tenter de s’accorder sur ce que l’on pourrait inscrire autour du
thème « haut niveau ». Le sujet de ce soir nous amène à observer le rôle et la place des parents
dans l’aventure du sport de haut niveau. Bien évidemment le sport de haut niveau et l’accès au
sport de haut niveau, chacun peut les définir à l’aune de son parcours de ses habitudes et de
son environnement. Toutefois, pour notre part, même si toutes les formes de pratiques
sportives sont légitimes : santé, loisir, compétition, recherche de performance, haut niveau et
sans hiérarchie entre elles, il nous faut, pour éviter tout malentendu, définir ce qu’est le haut
niveau.
Le sport de haut niveau repose en France sur 4 critères principaux :
1. Des disciplines reconnues de haut niveau, par le ministère de tutelle ;
2. Des compétitions de références et elles ne sont pas nombreuses : JO, championnats du
monde et championnats d’Europe.
3. Des listes établies par le ministère de la jeunesse et des sports sur proposition des
directions techniques fédérales ;
4. Et des filières d’accès au sport de haut niveau définies par les directions techniques
fédérales, dans lesquelles existent également des structures de haut niveau.
On reconnaît donc à la fois, des sportifs mais également des structures. Le tout validé par une
instance de concertation et d’orientation du sport de haut niveau qui est la commission
nationale du sport de haut niveau.
Quelques chiffres maintenant pour situer les Pays de la Loire dans ce dispositif : il y a, à
ce jour, dans notre région, 286 sportifs de haut niveau, 381 espoirs ou partenaires
d’entrainement, 7 pôles France, 23 pôles espoirs et 5 centres de formation agréés, ces
centres sont rattachés aux clubs professionnels de la région.
Voilà la carte qui situe « le maillage » (voir annexe) de ce dispositif de haut niveau dans la
région. Je vous propose également ce tableau qui détaille la situation des sportifs de haut
niveau de la région (voir annexe) où l’on peut voir qu’entre les collégiens, lycéens et post-bac
ou sportifs en formation, nous arrivons à plus de 60% d’individus qui sont ce soir notre
« public cible » !
Après ce rappel un peu réglementaire, on peut constater que le haut niveau est qualifié comme
l’excellence ou au moins comme la recherche de l’excellence. Pour agrémenter cette notion
d’excellence, je vous propose la comparaison suivante : « Le sportif de haut niveau est au
sport ce que le virtuose est à la musique », en ce sens qu’il est à la fois l’exemple, l’exemple
d’être allé au bout de sa démarche et l’exemple pour les jeunes car l’on sait également que le
virtuose comme le sportif de haut niveau participe au rêve des autres et des jeunes en
particulier.
Accéder au haut niveau suppose un apprentissage, une formation structurée, organisée et
validée. Autant de mots que je pense nos intervenants pourront décortiquer au gré de leurs
interventions.
5
Le haut niveau c’est donc une stratégie, cela suppose un environnement qui se compose de
plusieurs acteurs : entraineurs, médecin, kiné, accompagnateurs, dirigeants et… les parents
qui occupent une place particulière, d’où l’intérêt du thème de cette soirée : « La place et le
rôle des parents dans l’aventure du sport de haut niveau ».
Interventions :
Michel Rat : Je ne suis pas là pour faire un cours, bien que je sois enseignant de formation,
c’est plutôt un témoignage que je veux apporter ici. D’une part, par rapport à l’expérience
professionnelle qui est la mienne avec notamment un passage prolongé à l’INSEP de 1984 à
1999 pour l’encadrement de nos jeunes et la mise en place des pôles régionaux à l’époque
avec André Ostric, et d’autre part en ma qualité de parent, puisque j’ai 3 enfants qui ont
pratiqué le basket en suivant les filières de haut niveau, d’ailleurs à l’INSEP et en club, et je
pense donc pouvoir m’adresser à vous en tant que parent et pas seulement en tant que
représentant d’une institution. Comme nous l’a dit Camille tout à l’heure, le thème est bien
ciblé, cela concerne une certaine population de jeunes à qui l’on s’adresse, que l’on a repérée,
sélectionné pour effectivement entrer dans un parcours vers le haut niveau, vers l’excellence
sportive. Dans le monde du basket-ball, qui me concerne plus particulièrement, je voudrais
indiquer qu’il y a une influence qui joue énormément de nos jours, c’est la mondialisation et
la professionnalisation.
Dans le basket, on est imprégné de ces phénomènes et cela a une répercussion sur les
représentations des parents mais également sur celles des enfants. La relation parents/enfants
peut en être également en ressentir les effets.
Le thème s’adresse tout particulièrement aux parents, mais les parents ne sont pas « une
réalité homogène ». On constate, et cela est le fruit de l’expérience de plusieurs années, qu’il
y a plusieurs types de parents, même si nous ne sommes pas là pour dresser une typologie, on
peut remarquer qu’en fonction des origines, de la position sociale, il y a des conséquences sur
la place et le rôle que les parents vont jouer auprès de leur enfant.
Par exemple, on a beaucoup, dans nos sélections et à l’INSEP en particulier, des jeunes qui
sont d’origine africaine, et la relation à la famille n’est pas du tout la même que chez nous.
Ainsi l’oncle occupe une place importante, ce qui n’est pas le cas chez nous. Cela juste pour
situer l’un de ces aspects. Il y a aussi des parents qui investissent énormément, pensant que
celui-ci va faire « une carrière », à l’image de la jeune Sauré ou Edwige Lawson, ou chez les
garçons Boris Diaw et Tony Parker, et qui se trompent !
Il y a également des parents qui connaissent le sport de haut niveau et d’autres qui ne le
connaissent pas. Il faut donc faire une éducation des parents qui ne savent pas ce qu’est le
haut niveau, et qui notamment ne se représentent pas la durée du parcours pour atteindre le
haut niveau, qui en basket est au moins de 8 à 10 ans. Ainsi, si l’on sélectionne des jeunes de
12, 13 ans, il faut attendre 22, 23 ans pour qu’ils atteignent la plénitude de leur moyens et
soient véritablement des sportifs de haut niveau !
6
Pour la période qui nous concerne, c'est-à-dire 12, 13 ans jusqu’à 19 ans, les parents ont un
rôle à jouer. Nous constatons que certains parents ont un rôle hyper-protecteur !
Tout ce que fait l’enfant doit être connu par les parents et, vis-à-vis de l’encadrement, il y a de
fait une pression constante. A l’inverse, il y a des parents qui sont au contraire laxistes et qui
laissent véritablement « la bride sur le cou ». Entre ces deux positions extrêmes, le rôle et la
place des parents doivent se situer dans un espace dans lequel va s’établir une relation
extrêmement forte entre les parents, l’enfant bien évidemment et l’institution, c'est-à-dire
l’entraîneur. C’est un triangle qui me semble très important parce que non seulement les
parents vont être en relation avec leur enfant, mais ils doivent médier cette relation par rapport
à l’entraineur et à l’institution.
Cela est d’autant plus vrai en basket-ball que notre formation repose sur notre formation
fédérale dans sa phase initiale, dans les pôles et en amont des pôles chez les benjamins. A
ces différentes étapes, des relations doivent s’établir pour que l’on fasse en sorte de préserver
le « souci éducatif » qui vise, et cela me semble très important, à respecter l’intégrité physique
et morale des jeunes pratiquants dans ce parcours qui est long, chargé d’aléas, dont l’issue est
incertaine, et qui va mettre en relation des éducateurs, des techniciens et des parents dans ce
parcours qui doit construire un individu qui va peut-être devenir un « performer » , mais qui
en même temps sera un citoyen qui aura un « après » sportif. Tout cela devra être fait en
gardant la motivation et le plaisir chez le jeune.
Autre élément qui m’apparaît important, c’est que le rôle des parents et la place qu’ils doivent
tenir doivent évoluer au cours du parcours sportif. On ne peut pas accompagner de la même
façon des jeunes de 12/13 ans et de 16/18 ans (J’attire ici votre attention sur la différenciation
que l’on peut faire entre fille et garçon. Ainsi il faut être attentif à la relation père/fille et à la
relation mère/fils).
Nous pouvons dire succinctement qu’il s’agit d’aller du partage, du plaisir et d’un rôle de
supporter de l’enfant, pour maintenir une motivation, vers une implication nécessaire des
parents pour la période intermédiaire que je situerais entre 15 et 18 ans, nous pourrions même
parler d’une collaboration avec les entraîneurs, tout en laissant une part d’autonomie au jeune
en faisant notamment en sorte que les choix du jeune soient ses propres choix et non ceux des
parents ! Qui pour certains ont « projeté » des choix qui sont les leurs. Ils doivent également
savoir rester en dehors des aspects techniques et garder des relations de confiance avec le
« coach » ou l’encadrement.
Ainsi, dans le cadre de la mondialisation et de la professionnalisation que j’évoquais au début
de mon intervention, nous avons constaté à l’INSEP notamment, qu’au sortir de leur
formation les jeunes étaient contactés très rapidement par des agents et/ ou des « marchands
d’illusions », même en pleine nuit pour que le jeune vienne jouer dans tel ou tel championnat.
Cette situation nous a contraint à élaborer un règlement à ce sujet. Mais, lorsque les parents
ont confiance dans le staff technique cela est plus facile à gérer car celui-ci peut les guider, les
conseiller dans ce domaine que les parents ne connaissent pas.
En conclusion, si l’on considère que les enfants ne sont pas doués « à priori » mais plutôt
qu’ils ont des aptitudes, le rôle des parents et de l’institution (je garde mon idée du triangle)
est de faire en sorte que le jeune puisse exprimer son potentiel au plus haut niveau, atteindre
l’excellence, en sachant qu’ils n’iront pas tous comme Parker, en NBA, mais qu’ils pourront,
dans ce cas, exprimer tout de même un potentiel en rapport avec leur capacité.
7
Danielle Allain : Merci, j’ai une expérience qui est beaucoup plus humble que celle de
Michel Rat, je n’interviens que sur la région même si dans les Pays de la Loire un certain
nombre de sportifs sont de niveau national voir international. Mon métier c’est d’être
sophrologue, c'est-à-dire de m’occuper plutôt de la partie mentale et psychologique de
l’individu et pas du tout des aspects techniques et purement sportifs.
J’interviens généralement plutôt à la demande des entraîneurs des pôles notamment, mais
aussi parfois auprès des sportifs à titre individuel quand par exemple ces derniers contactent
« jeunesse et sport » à la recherche d’une aide dans ce domaine et que cette institution me
faisant confiance, leur communique mes coordonnées.
Par conséquent, je vois les jeunes quand ils sont en difficulté, je dirais relationnelle et
psychologique. C’est de cette expérience là dont je peux vous faire part.
J’ai été amenée suite à ces expériences à réfléchir au sujet des types de relations qui existent
entre les entraineurs, les parents et les jeunes et j’ai mené également ma petite enquête auprès
des fratries dont on parle peu mais qui ont parfois des choses à dire concernant ces
expériences. Fratrie au sein de laquelle évolue un jeune sportif de haut niveau.
J’aime bien rappeler dans ce type d’intervention ce que sont un cadet, un junior, un adolescent
en général.
Voyons d’abord les aspects du développement psychomoteur pour lesquels les professionnels
de la santé ici présents pourront apporter des compléments.
Les cadets et les juniors sont des adolescents en pleine période de puberté et de croissance qui
mobilise beaucoup d’énergie. Cette période est synonyme de beaucoup de modifications
hormonales, de prise de poids… Qui créent des modifications également dans les
représentations. Ainsi, il peut y avoir des enfants qui sont excellents lorsqu’ils sont benjamins
et minimes et qui du fait des modifications vécues à l’adolescence, en particulier au niveau
du schéma corporel, ne vont plus du tout avoir le même degré de performance et même de
motivation.
D’autre part, il y a cette image de soi qui est perturbée, le jeune ne va pas forcément se
reconnaître dans son corps, il ne va pas être très bien dans sa peau. A titre d’exemple, les
jeunes filles vont être perturbées par leur cycle menstruel si cela tombe au moment d’une
compétition. Le jeune va ainsi avoir du mal parfois à accepter ces transformations. Cela peut
prendre du temps, mais la saison continue et le jeune pendant ce temps là n’a peut-être pas le
rythme biologique qui va suivre.
Donc il va chercher à se rassurer dans le regard des autres, de ceux qui l’entourent qui eux
aussi sont inquiets. Ainsi, dans ces cas là on ne sait plus très bien qui va pouvoir rassurer qui !
A cet âge là aussi, le jeune va acquérir un raisonnement qui va être basé sur l’expérience.
Vous savez très bien qu’à cet âge lorsque l’on dit au jeune : « crois en mon expérience », cela
a peu d’impact et le jeune va chercher à vérifier par lui-même et expérimenter pour lui, pour
se retrouver dans sa propre expérience, ce qui peut parfois engendrer des tensions car les
parents vont également penser que l’entraineur n’agit pas comme il le devrait. Et puis à cet
âge le jeune commence à acquérir toutes les notions d’abstraction et de conceptualisation.
Par exemple, il commence à comprendre vers 16 ans que s’il travaille au début de la saison il
en récoltera les fruits en fin de saison. A 12/13 ans c’est loin d’être acquis : « 6 mois ! C’est
quand ça ! » Pour une compétition dans 8 jours il va se mobiliser mais pour dans 6 mois ?
Concernant le développement psycho affectif, le jeune va presque systématiquement refuser
un certain nombre de demandes. Alors que pour atteindre l’excellence on va plutôt se situer
dans les composantes : « discipline » « rigueur » « obéissance ».
8
On lui demande la même chose dans le domaine scolaire et on voudrait aussi qu’il soit gentil
avec sa famille, ses amis et tous ses coéquipiers. Par conséquent il revendique à un certain
moment qu’effectivement il n’a pas besoin de l’adulte, il sait !
L’adolescent a besoin de discuter de piailler, de pinailler… De chercher à comprendre, cela
peut durer dans la séance, il va parfois chercher à négocier, ce qui peut aussi conduire parfois
à des conduites d’évitement.
Le miroir des autres est aussi particulièrement présent dans les sports à risques où il va y
avoir des compétitions d’image, c’est notamment vrai pour les jeunes filles en natation
synchronisée, en gymnastique, mais également dans les sports à catégories de poids où les
jeunes peuvent démarrer l’année dans une certaine catégorie et être obligés d’en changer à
cause des évolutions de leur corps.
De plus, cette période correspond aussi pour le jeune à la construction d’un projet de vie.
Peut-être voudra t-il être un professionnel dans son sport ou bien un technicien du sport ou
bien encore complètement autre chose et du coup, il peut commencer à remettre en question
son investissement dans le sport. Mais comme il est en quelque sorte pris dans un engrenage,
il n’ose pas forcément s’exprimer au risque de décevoir toutes les projections que les adultes
avaient pu placer sur lui, cette situation peut-être source alors de tension avec l’entourage.
Nous arrivons maintenant à l’aspect de la socialisation. Là, vous l’avez tous constaté, c’est un
peu l’âge des ruptures : quelques fois avec le milieu sportif, le milieu scolaire, et il a envie
de se libérer de tout ça car il veut vivre des aventures plus personnelles, plus amoureuses ! Il
peu y avoir un décalage entre l’investissement de l’adulte et du jeune « qui s’investit
ailleurs » à cette période.
L’affirmation de soi : « de quoi suis-je capable ? »
Ici la performance va permettre de valider alors que la contre-performance va être source
d’angoisse pour le jeune.
Il va essayer de se construire une idéologie, un certain idéal qui n’est plus forcément l’idéal
des parents !
Alors dans tout ça, je vais plutôt alerter les parents sur les signes de « mal être » parce
qu’effectivement l’entraineur va voir une certaine facette du jeune et les parents une autre. Il y
a donc là un grand travail de vigilance, de grande attention à réaliser.
Cette période n’est déjà pas simple à gérer pour les parents d’enfants qui ne sont pas dans
l’excellence alors pour ceux qui sont dans l’aventure du haut niveau !
La vigilance doit notamment s’exercer à propos de toutes les plaintes que l’enfant va
manifester. Le jeune va répéter ses plaintes, il va y avoir des « choses » que même le
diagnostic médical ne révèlera pas.
On peut constater également une perte des repères chez le jeune : il arrive souvent en retard
alors qu’il ne l’était pas, il va oublier, il va tomber, il va se blesser (schéma corporel). Des
modifications du sommeil peuvent également à cette période être constatées, mais quand ces
jeunes sont en internat, cela n’est pas visible tout de suite.
Une modification des comportements alimentaires peut apparaître : certains qui
mangeaient à peu près de tout vont commencer à grignoter, à chipoter, à ne plus vouloir tel ou
tel type d’aliment…Attention ! Ce sont là aussi des signaux.
L’agressivité peut également être un signal à prendre en compte.
Ce n’est pas un signal qui va être intéressant mais plusieurs signaux.
Les motivations peuvent aussi évoluer : souhait d’arrêter son sport, de passer à un autre.
9
Enfin, les conduites d’évitement apparaissent : « je voulais venir mais je n’ai pas pu, je n’ai
pas entendu ce que tu as dit… »
Comment réagir face à toutes ces conduites et attitudes ?
N’oubliez pas, même si vous avez pratiqué le sport et le sport de haut niveau, vous n’êtes pas
l’entraineur de l’enfant !
Car sinon 2 modèles peuvent s’affronter : celui des parents et celui de l’entraineur.
« Je ne veux plus ressembler à mon père mais à mon entraineur ! »
Attention à cette histoire d’identification !
En tant que parent vous n’avez pas à prendre parti pour ou contre : ce n’est ni le club ni
l’entraineur ni le jeune qui a raison ! Pensez par conséquent à prendre du recul et à être
plutôt dans le calme vous-même.
Et puis, à mon sens, la seule fonction que vous pouvez avoir, vous, parents, dans le contexte
du haut niveau, c’est de rassurer le jeune, de l’encourager et de le valoriser. C’est le boulot
de l’entraineur de dire au jeune : « Là je ne suis pas d’accord, ce n’est pas bien ce que tu as
fait, ton geste technique, ton comportement »
Comment le jeune va pouvoir trouver son équilibre ?
Il faut réussir à établir un équilibre entre nos compétences, naturelles et/ou développées, et
le défi que l’on se fixe ou qui nous est imposé (la compétition). Le plaisir viendra de cet
équilibre.
Un déséquilibre à ce niveau (pas assez de compétences, trop de « défi », « la barre est trop
haute ») sera synonyme d’anxiété ou d’ennui, de démotivation, si les compétences sont trop
fortes et/ou le défi trop faible. Le parent qui est « à l’extérieur » peut le percevoir.
La question qui moi m’interpelle dans tout çà, c’est : « A qui est ce rêve d’excellence, ce rêve
de haut niveau ? »
Si c’est le rêve du parent alors oui le jeune va bien vouloir faire plaisir pendant un certain
temps, mais à un moment donné, il ne pourra plus, car ce n’est pas son rêve. Je vous rassure,
on constate ce type de problème dans les familles d’artistes, les familles du cirque par
exemple, dans le monde de l’entreprise également.
Et en même temps, j’ai envie de m’adresser aux jeunes qui sont ici pour leur dire que :
« Quand vous êtes d’accord avec vous-même, que c’est vraiment VOTRE rêve alors allez
y! »
Cette phrase est de Saint Exupéry !
10
Françoise Fraisse : Avant d’être un sportif de haut niveau, un enfant va faire du sport, je vais
donc vous parler des pratiques sportives de l’enfant et de l’adolescent.
Pourquoi des pratiques sportives ?
1. Parce que l’enfant est un grand producteur de mouvement, vous avez tous vu une
cours de récréation d’école maternelle par exemple.
2. Et parce que les fédérations développent leurs pratiques et leur avenir repose sur le
plus grand nombre d’espoirs.
Petits rappels :
• Dans les fédérations olympiques les licences des moins de 19 ans occupent la
plus grande place par rapport au nombre total de licenciés. Les fédérations les
plus jeunes sont le football, le tennis, le judo, le basket…
• Les droits de l’enfant dans le sport (Union européenne) : on a le droit de faire
du sport, de s’amuser, de jouer, de bénéficier d’un milieu sain, d’être traité
avec dignité, d’être entouré par des personnes compétentes, de faire un
entrainement adapté à ses capacités, de se mesurer à d’autres jeunes qui ont à
peu près le même niveau dans des compétitions adaptées, de pratiquer le sport
en toute sécurité et aussi d’avoir le droit de se reposer.
• L’enfant a également le droit de ne pas être un champion ! C’est un point qu’il
me semble bon de rappeler aux parents.
Le haut niveau en sport repose sur des critères qui nous ont été présentés en introduction.
Toutefois on peut ne pas être un sportif sur listes ministérielles et pratiquer de manière
intensive. Cela me semble important, car lorsque l’on est un enfant et que l’on s’entraine plus
de 10 heures par semaine, on a besoin d’une surveillance particulière, on a besoin d’un
examen précompétitif complet chez un médecin qui va prendre le temps d’interroger. Cet
entretien doit d’ailleurs occuper plus de 60% du temps lors de la visite chez l’enfant.
Les parents doivent être informés de ce qu’est un entrainement sportif intensif chez l’enfant,
les entraineurs aussi.
La scolarité, l’hygiène de vie doivent être surveillées. Les parents doivent savoir ce qu’est le
dopage, les enfants aussi. Tout cet entrainement sportif intensif où il y a des sportifs de haut
niveau mais où il y a également des sportifs en devenir qui s’entrainent aussi 10, 20 heures
par semaine.
Alors, l’enfant sportif a deux spécificités, comme l’a rappelé Danielle Allain :
•
•
Il est en croissance, il n’est pas stable comme nous les adultes, il grandit, aussi bien
sur les plans physique que psychique, psychomoteur et psychologique. C’est ce que
l’on nomme la croissance.
Et il a des parents !
Chez les jeunes également je tiens a rappeler, après vingt années passées à l’INSEP en
m’intéressant plus particulièrement aux jeunes, que lorsque l’on effectue des tests physiques
par exemple pour celles et ceux qui sont nés en 1993, il faut prendre en compte le mois de
naissance. En effet, entre celui qui est né en janvier et celui qui est né en décembre le
décalage de taille peut par exemple être important et cela est à prendre en compte pour
11
apprécier le potentiel d’un enfant. Sinon nous pourrons toujours trouver les mêmes jeunes
sélectionnés car ils sont nés dans le premier trimestre de l’année et ils auront donc le meilleur
encadrement, les meilleures conditions.
La vitesse de croissance est également quelque chose qu’il faut connaître : on constate un pic
de croissance qui se situe en moyenne à 13 ans. Mais des garçons n’auront ce pic de
croissance que vers 16 ans, entrainant là encore un décalage avec leurs copains.
Pour les filles, ce pic a lieu plutôt. Ainsi, par exemple, les professeurs vont constater en classe
de 4ème que des « grandes » filles se maquillent déjà ou bien portent le string (ce qui est
interdit) alors que certains « petits » garçons jouent encore aux billes !
Il faut donc connaître ces différences et Michel Rat le sait très bien et peut en témoigner : en
basket les cadettes de l’INSEP ont toutes fini de grandir…ce sont des adultes. Elles jouent en
nationale II et les juniors en nationale I. Chez les garçons, ce n’est pas du tout la même chose,
ces derniers évoluent dans des catégories en dessous.
Ainsi l’équipe cadette de l’INSEP est compétitive sur le plan senior, les garçons pas du tout.
Par conséquent pour les politiques de détection il ne faut pas avoir le même raisonnement
pour les filles et les garçons. Les parents doivent aussi avoir connaissance de ce phénomène.
Autre point important : « la douleur », un enfant ne doit pas faire du sport s’il a mal !
Concernant l’alimentation, il faut rappeler qu’un enfant a le droit de manger le matin, de
prendre un gouter, de boire à l’entrainement « Un enfant qui ne boit pas à l’entrainement,
c’est une catastrophe ! »
L’alimentation doit apporter du calcium (les laitages) mais aussi des vitamines, la vitamine D
par exemple est essentielle surtout pour celles et ceux qui pratiquent en intérieur (pas de
soleil).
A titre d’exemple, la fédération française de tennis à mis en place un programme « La bonne
attitude » la bonne attitude des parents, des entraineurs. Un parent doit savoir quel est son
rôle. La fédération a donc édité un « guide » de bonne conduite pour les parents mais aussi
pour les entraineurs qui parfois disent : « les parents, on en a « ras le bol » », mais si vous
n’avez pas les parents, vous n’aurez jamais les gamins. Qui accompagne les enfants à
l’entrainement ? Qui les accompagne au match ? Qui va tenir la buvette ? Les parents ! Ils
sont donc indispensables. Mais chacun à sa place comme il a été dit tout à l’heure.
12
Pierre Amardeilh : Je vais essayer de vous faire partager ce soir à travers mon intervention
des réflexions tout à fait personnelles qui découlent, en fait, d’une part de l’intensité de la
pratique sportive dans laquelle je me suis investi presque corps et âme pendant des années et,
d’autre part, de la distance qu’en même temps, grâce, je pense, à mes études universitaires de
lettres classiques, j’ai réussi à prendre par rapport à cette même pratique.
Dans un premier temps je me suis posé la question, à la lecture de l’intitulé du colloque, de
savoir si la place et le rôle des parents pour un jeune qui s’oriente vers le haut niveau doivent
être foncièrement différents de ceux de tout parent.
Je me suis répondu que non, et je pense que dans la mesure où le rôle des parents consiste à
assumer l’éducation de leurs enfants, je ne pense pas qu’il doive y avoir une différence entre
les uns et les autres, entre celui qui vise une performance de haut niveau en sport (l’excellence
sportive) et celui pour qui les parents souhaitent juste en faire un individu éduqué, bien dans
sa tête et insérable dans la société.
En revanche, ce que j’ai noté :
•
•
c’est que cette recherche de l’excellence peut, peut-être, permettre de mieux mettre en
évidence les apprentissages qui sont normalement inhérents à toute bonne éducation
qui doit viser l’autonomie de l’individu.
qu’une corrélation peut s’établir entre la recherche de la performance et la capacité du
jeune à conquérir cette autonomie, son autonomie. Je pense en effet, qu’à un degré
donné d’autonomie personnelle correspond pour chacun un certain niveau de
performance et vice et versa. C'est-à-dire qu’un certain niveau de performance est
révélateur du degré d’autonomie qui lui correspond. Ainsi, on peut arriver à son
propre niveau maximum de performance sans être sportif de haut niveau, sans être un
champion, mais non pas, sans avoir atteint un degré élevé d’autonomie.
Je dois donc répondre à la double question (c’est un peu prétentieux de ma part) Qu’est-ce
qu’une bonne éducation ? Et pourquoi cette bonne éducation garantirait-elle la meilleure
performance possible ?
Pour cela je vais évoquer rapidement et de manière inégale et sans aucune hiérarchie (de toute
façon elles sont interdépendantes les unes des autres) 5 notions qui me paraissent importantes
en matière d’éducation et qui je pense doivent faire de la part des parents et des autres
personnes (entraineurs, dirigeants…) pour leurs enfants l’objet, à mon avis, d’un
apprentissage sérieux et attentif.
Juste un petit préalable, vous verrez que j’utilise de temps en temps l’étymologie, c’est ma
formation universitaire qui ressort !
Je commence justement par l’étymologie du mot étymologie : « etumos » veut dire la vérité,
« logos » c’est le verbe, la raison, la logique, donc cela signifie la vérité des mots et j’ai la
faiblesse de penser que souvent la vérité des mots peut nous désigner la vérité des choses.
La première notion que je voudrai développer, c’est : « l’apprentissage de la règle ». Pour
bien faire la différence, je vais distinguer 2 types de règles, parce que je pense qu’il y a un
aspect important à prendre en compte avec les jeunes d’aujourd’hui.
13
1. Il y a les règles qui ont un caractère légal, qui découlent de la loi.
2. Et puis il y a les règles qui ont un caractère normatif, qui découlent des normes.
A dessein, je vais prendre un exemple en matière vestimentaire : qu’elle est la règle légale en
matière vestimentaire ? Il ne faut pas se promener tout nu ! Après vous vous habillez
exactement comme vous le souhaitez.
La norme quant à elle dans le domaine vestimentaire c’est la mode. Eh bien là, contrairement
à ce qui se passe dans un cadre légal, vous êtes obligé, si vous voulez être « tendance »
comme on dit, de porter tel vêtement, telle marque, telle longueur, telle couleur, telle
casquette avec même normé, le sens du port de la casquette…Tout est réglé, règlementé, il
n’y a plus aucune initiative, vous êtes emprisonné, il n’y a aucune liberté !
En sport, nous évidemment, nous ne sommes pas dans la règle normative, nous sommes plutôt
dans la règle légale.
Si je prends l’exemple du football, il y a le terrain délimité avec des règles : interdiction de
faire des tacles par derrière…Mais vous pouvez inventer toutes les combinaisons que vous
voulez : le 442, 424, passer par les ailes le centre… L’objectif étant de marquer un but.
Donc, la règle légale c’est la liberté, c’est la possibilité de s’exprimer dans un cadre
préalablement posé.
Si des enfants, à rebours, sont constamment préoccupés par la consommation, le paraître,
l’avoir, soumis à la publicité, aux médias, au groupe, ils ne prendront jamais l’habitude de
prendre d’initiatives dans le cadre en question et en grandissant ils auront encore plus de
difficulté à prendre ce cadre sur leurs épaules, ils en seront incapables ! Enfermés en
permanence dans les normes, ils auront été élevés à l’école de l’asservissement.
Obnubilés par l’avoir et le paraître, ils deviendront tout à fait impuissants « à faire ».Or Le
faire est pourtant la manifestation de l’être. Le règne de l’avoir et du paraître entraine la
déchéance de « l’être » et du « faire ».
Je pense donc qu’il faut en permanence chez les jeunes mettre en valeur le « faire » et
« l’être » et non « l’avoir » et « le paraître ». Il faut montrer constamment aux jeunes et aux
enfants, que ce soit les parents, les éducateurs, son incompréhension pour le temps qui est
perdu à se préparer à paraître, à montrer ostensiblement ce que l’on possède au lieu de faire :
« de s’entrainer, de travailler » dans le gymnase, sur le stade, à la piscine ou à l’école,
notamment de travailler sur son être et moi je pense que le sport et plus particulièrement le
sport de haut niveau, consiste à réaliser un énorme travail sur soi pour parvenir à faire des
performances !
L’intérieur du cadre que délimitent les règles légales doit être le lieu du « faire » et de l’action
sur soi même. Ainsi, il est possible de s’exprimer, d’affirmer ses capacités et ses habiletés,
d’affirmer sa liberté.
Il faut donc, à l’intérieur de ce cadre, éviter de tout prescrire. Il ne faut pas être, les parents
notamment mais aussi les entraineurs, tout le temps « sur le dos » des jeunes et des athlètes, il
faut leur laisser, à partir du moment où le cadre n’est pas brisé ou contesté, faire leurs erreurs,
essayer, se tromper, recommencer.
14
En fait, il y a 3 cadres importants pour les jeunes :
1. le cadre de l’école ;
2. le cadre de l’entrainement ;
3. le cadre de la maison.
Chacun est responsable de son cadre, chacun des groupes d’adultes veille au respect du cadre.
Mais à l’intérieur de celui-ci il faut susciter l’initiative et la liberté.
Il faut que l’activité soit son affaire « son truc à lui », il ne faut pas que les parents et même
l’entraineur, les dirigeants fassent du sport par procuration « à la place de ». Je vous rappelle
que le but de tout éducateur : parent, entraineur, président de club, responsable de pôle…
C’est de devenir inutile. C’est cela l’objectif premier ! Et ce n’est pas la performance !
La performance n’étant qu’un moyen pour obtenir l’autonomie de l’intéressé.
Car si vous êtes sans cesse derrière lui, sans lui laisser d’initiative, vous n’obtiendrez par la
performance qu’il pourrait atteindre autrement. J’y reviendrai.
Il faut donc travailler à cultiver l’indépendance du jeune et il faut préserver cet équilibre entre
le cadre que j’ai décrit et la liberté, au point qu’à un moment donné le cadre sera pris en
charge par l’intéressé lui-même. C’est le passage de l’hétéronomie à l’autonomie : « hétéros »
c’est l’autre, « nomos », c’est la loi, la règle, c’est donc l’autre qui dit ce que vous devez
faire, quand les enfants sont jeunes notamment. A l’opposé, « autos » signifie soi même.
Donc, je suis autonome signifie que je suis capable moi-même de me fixer des règles et de
m’imposer les contraintes nécessaires pour réussir éventuellement au plus haut niveau.
En effet, les contraintes du haut niveau sont telles aujourd’hui que seul l’athlète lui-même
peut décider de se les imposer.
Ce qui me fait penser à la belle phrase de Jean-Jacques Rousseau dans le contrat social :
« l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté ! »
Eh oui ! C’est cela qu’il faut expliquer aux jeunes : L’obéissance a un rapport direct avec la
liberté. C’est ici le « s’ » qui donne toute son importance à la phrase, c’est le pronom
personnel réfléchi, il signifie « soi-même » comme le « auto » de tout à l’heure : moi-même je
décide d’obéir à la règle, de m’imposer telle ou telle contrainte, et c’est ainsi que je construis
et que j’affirme ma liberté.
Ainsi, j’enfonce le clou : plus je veux réussir à haut niveau, plus fortes sont les contraintes,
plus il faut « serrer les boulons », nous le savons bien. Donc plus grande est l’autonomie au
sens étymologique du terme, ce qui revient à dire que : «Plus je me contrains plus je deviens
libre! » et par opposition : « Moins je me contrains, plus je m’asservis ».
Pour que cela puisse se réaliser, au départ au moins, il faut qu’il y ait des adultes qui soient là,
qui garantissent et qui incarnent ce cadre, cette « autorité » telle est la deuxième notion que
je vais évoquer, ce terme est presque « un gros mot », c’est vrai plus personne aujourd’hui
n’ose parler d’autorité, il est préférable d’employer (comme le suggère Mendel) le terme :
« fermeté ». Pour moi c’est exactement la même chose !
15
Si je repasse par l’étymologie : l’autorité cela vient d’un verbe latin « augéo » qui veut dire
augmenter, croitre, faire grandir, donc avoir de l’autorité sur quelqu’un cela signifie :
« permettre à l’intéressé de grandir, de s’élever (d’où le mot élève à l’école) »
Bien évidemment, il ne faut pas confondre autoritarisme et autorité, c’est un truisme, mais je
le rappelle quand même.
Par conséquent un enfant, il a besoin de quoi ? De repères, de règles, de cadre, mais à
proportions équivalentes, il a besoin d’attention, d’affection et d’amour. Il ne faut pas qu’il y
ait l’un sans l’autre. L’amour sans autorité vous allez former de « la guimauve » et de
l’autorité sans amour c’est de l’autoritarisme qui écrase la personnalité de l’individu. Il est
donc nécessaire pour les parents de ménager un équilibre entre tendresse et exigence, entre
affection et rigueur.
La troisième notion que je souhaite aborder est « le nécessaire apprentissage du réel ». En
effet je crois que si l’on veut être bien éduqué et en plus être efficace dans l’aventure du haut
niveau, je crois qu’il faut apprendre à se confronter au réel. Les anciens disaient : « la
nécessité », la nécessité c’est quoi ? C’est ce qui est inévitable !
Quel est, quand on pratique le sport et notamment à haut niveau, la première chose qui est
inévitable ? Et bien c’est soi même !
A titre d’exemple, moi qui suis plutôt petit, « j’étais un nain en équipe de France », c’est
difficile à supporter. Un jour j’ai fait pleurer ma mère car en rentrant d’une compétition où je
m’étais fait battre par un plus grand, je lui ai dit qu’elle nous avait fait « nains » mon frère et
moi…Voila, il faut s’accepter avec ses qualités et ses défauts. Et si l’on n’est pas capable de
faire le bilan de ses qualités et de ses défauts et cela même pour l’entraineur vis-à-vis de son
athlète, il sera alors difficile de faire un planning, une programmation d’entrainement en
travaillant tel ou tel point faible ou fort…
Vous voyez nous ne sommes pas loin de Socrate : « connais-toi toi-même »
Ensuite qu’y a-t-il d’autre d’inévitable ? Le cadre de la pratique, les règles, l’arbitre, et tout
cela n’est pas discutable. Si vous ne l’acceptez pas vous allez faire autre chose !
Autre nécessité : les entrainements, il faut s’entrainer, répéter, passer par une certaine
intensité…Cela est également inévitable.
Il faut également accepter l’adversaire, on ne les choisit pas. Il faut accepter le calendrier, si
l’on est malade le jour de la compétition, il n’y a pas de cession de rattrapage !
Nous sommes donc confrontés à une suite de rendez-vous connus à l’avance et auxquels il
faut se préparer et auxquels nous ne pouvons pas échapper.
Alors en poussant un peu plus loin, quel est le rendez-vous des rendez-vous ? Qu’elle est la
forme absolue de la nécessité ? Qu’elle est la figure achevée du destin ? Le « truc »
incontournable pour nous tous ? C’est la mort !
Sommes-nous en Bretagne ici ? Brouhaha dans la salle, « non, non ! »
Par ce que en grec « nécessité » se dit « Anankè » et la mort en Bretagne se dit « Ankou ».
C’est en fait la même origine étymologique.
16
Pratiquer le sport de haut niveau constitue donc un sommet de l’éducation. En effet, éducation
vient du latin « ex ducere », qui signifie « conduire hors de ». C’est celui qui est capable de
sortir du cocon où il était protégé quand il était petit… Et qui est capable tout seul d’affronter
le monde, le réel, la mort.
Par conséquent, je pense que la compétition de haut niveau, avec les énormes contraintes
qu’elle impose à l’athlète et que l’athlète s’impose lui-même après, est un moyen privilégié
pour peu à peu apprendre à se confronter au réel et, en fait, à apprivoiser la mort.
Au départ de ce parcours, il faut aider les jeunes, les soutenir, les accompagner, il faut leur
apprendre à accepter les échecs, car on ne gagne pas tout le temps.
Et peu à peu ils doivent être capable tout seul de faire face à ce type de difficultés.
Quatrième notion qui me semble importante et inévitable c’est : « l’apprentissage d’une
technique » qui reste la seule façon que l’on a d’affronter le réel et de s’imposer, au moins
provisoirement, vis-à-vis de ce dernier.
A titre d’exemple le sculpteur qui se retrouve devant un bloc de pierre informe, va créer avec
sa technique et à l’aide d’outils une forme, il va s’exprimer avec la contrainte terrible de
travailler ce bloc de pierre et de risquer même d’avoir à tout recommencer s’il donne un coup
de travers. Même chose pour l’écrivain avec les mots, le pianiste avec les notes et le solfège.
La maitrise de la technique est donc la condition de la création et l’affirmation de sa liberté !
Et je crois qu’il faut insister là-dessus, auprès des jeunes, car au début ce n’est pas rigolo !
Il faut éviter de laisser les enfants « zapper », il faut donc les contraindre un peu.
Moi même j’ai eu quelques difficultés dans l’apprentissage de la lecture, j’étais peut-être un
peu dyslexique…Mais je me souviens que quelques claques de mon père ont fait disparaître
cette naissante dyslexie !
Il faut donc parvenir à faire comprendre aux enfants que si c’est embêtant au début c’est
agréable après. Le plaisir n’est pas immédiat, le plaisir est différé. Ainsi apprendre à lire c’est
casse pieds, mais lorsque l’on maitrise la lecture, on peut prendre un terrible plaisir à lire des
romans, des poèmes, des essais.
Je note par conséquent, qu’il faut toujours être équilibré, tout le temps : entre rigueur et
affection, entre liberté et cadre, entre plaisir et difficulté…
Cinquième et dernière notion. Il ne vous a pas échappé que l’apprentissage de la technique
ne peut se faire que par le travail. Ce terme est d’ailleurs un peu un « gros mot » dans notre
société. Etymologiquement le mot « travail » vient de « tri » qui signifie trois et « pallium »
qui signifie le pieu (c’était un instrument de torture composé de trois pieux utilisé sous
l’empire Romain pour attacher les condamnés). Ce n’est effectivement pas agréable. Mais à
travers le travail, comme j’ai essayé de vous l’expliquer, finalement on se construit, on peut
prendre du plaisir, quand on maitrise son sujet, on parvient à s’exprimer, à créer des choses et
je pense finalement que c’est ainsi que l’on peut le mieux se réaliser.
17
Si j’essaie de conclure maintenant mes propos, le plus autonome c’est celui qui parviendra par
le travail, l’effort, la technique…A tirer la quintessence de lui-même et en fait à réaliser la
meilleure performance sportive, artistique, professionnelle possible.
Ce n’est donc pas le résultat, la performance, le classement qui sont le véritable objectif,
notamment quand on s’occupe de jeunes, ce sont les moyens et les apprentissages que je viens
d’évoquer qui doivent l’être et qui doivent permettre par la suite d’atteindre la performance.
Si vous mettez en premier objectif la performance, vous allez automatiquement oublier tout
ce qu’il faut faire pour y parvenir.
Il faut, par conséquent, chez les parents, les éducateurs, les entraineurs faire une révolution
intellectuelle : il faut inverser la donne. L’objectif, que sont normalement les résultats, n’est
que le moyen de mettre en œuvre les moyens qui deviennent eux même le véritable objectif.
A titre d’exemple, dans mon sport la natation on voit des entraineurs chronométrer des enfants
de 12 ans sur 25 mètres au centième près et leur dire: « ah, tu as fait 1 centième moins bien
que la dernière fois », mais qu’est-ce qu’on en a à faire ??? Ce n’est pas l’objectif. L’objectif
c’est qu’il nage bien, qu’il écoute ce qu’on lui dit à l’entrainement, qu’il soit poli, qu’il dise
bonjour, qu’il range le matériel après la séance… La performance après, si tout ça a été bien
construit, sera possible. Si cette « construction » n’a pas eu lieu, la performance ne sera pas
jamais possible !
Moi, je fais un appel au paradoxe et à l’intelligence !
En terminale, je me souviens, un professeur m’avait décrit un test d’intelligence : d’un côté
d’un long grillage on plaçait de la nourriture et de l’autre un animal. L’expérimentation
commençait avec une poule qui cognait contre le grillage pendant une heure pour essayer en
vain d’atteindre des graines situées de l’autre côté. Puis on enchainait avec un chien qui, après
avoir reniflé le morceau de viande fait le tour dudit grillage et s’empare de la nourriture : le
chien est donc bien plus intelligent que la poule (et c’est ça l’intelligence) car il est capable de
s’éloigner et de perdre de vue ce sur quoi en réalité il est fixé !
Il faut donc presque oublier la performance pour se concentrer sur les moyens qu’est
l’éducation pour pouvoir en réalité l’atteindre. Merci.
18
Les témoignages
Laetitia Guesnel : Je fais toujours partie de l’équipe de France de karaté à l’heure actuelle.
J’ai eu un parcours un peu particulier car je n’ai pas été détectée enfant ni adolescente, je suis
entrée dans la filière du haut niveau à 27 ans, déjà insérée professionnellement depuis 4
années. Mais si je n’étais pas dans la filière du haut niveau, les entrainements et les
investissements étaient déjà quasiment du haut niveau !
L’encadrement, ce sont mes parents qui me l’on donné et tout ce qui va avec. Tout c’est
débloqué quand j’ai été classée sur ces fameuses listes. L’horizon s’est un peu dégagé avec
notamment tout un encadrement derrière. Je dois beaucoup à mes parents qui étaient en
quelque sorte « ma structure » Ils me soutenaient scolairement et sportivement. Je laisse la
parole à ma mère.
Madame Guesnel : En tant que parent de sportif de haut niveau, je peux dire que cette
pratique représente un investissement personnel important. L’enfant a des possibilités
sportives, nous en sommes très fiers en tant que parent. Mais dans notre cas, nous aurions
aimé qu’une structure nous remplace à un moment.
Philippe Desnos, responsable du centre de formation du Mans Sarthe Basket : « En effet, à
l’âge où les jeunes nous arrivent, je pense que l’on doit quelque part se substituer au rôle de
parent. On joue sur l’éducation, on joue sur la scolarité. Il est vrai qu’au Mans on insiste
beaucoup là-dessus. Par rapport à l’intervention de Pierre Amardeilh, j’ai pour habitude de
penser que le jeune qui va aller « le plus aisément » vers le haut niveau, est souvent un garçon
très équilibré. C’est quelqu’un qui a un projet arrêté au niveau de ses études et au niveau
sportif également.
Sur le plan de l’éducation c’est la même chose, c’est souvent un jeune qui, à l’intérieur du
règlement « centre de formation » va plutôt être assez dans les règles. Cela ne veut pas dire
pour autant que l’on ne donne pas sa chance à tout le monde.
Je rejoins Michel Rat sur le profil des parents après vingt années d’expérience, je commence
un peu à les cataloguer : il y a ceux qui nous confient leur enfant (qui nous les largues
carrément !), dans ce cas notre rôle est très important. Inversement on a les familles qui sont
très « cocon familial ». Là quelques fois c’est difficile, il y a une limite aussi car le haut
niveau c’est de la dureté, en particulier au niveau mental. Donc trouver le juste milieu ce n’est
pas toujours évident. Notre rôle, je pense, est très important, je les observe souvent les
parents, dans les tribunes par exemple, les parents qui bougent beaucoup dans les tribunes, qui
sont là très souvent, parfois trop souvent. C’est normal d’être là lorsque l’on joue à domicile,
mais à l’extérieur si il y a beaucoup de kilomètres à faire ce n’est pas nécessaire, c’est même
trop ! Ici, nous ne sommes pas loin du parent mi entraineur, mi agent. Cela nous complique
énormément la tâche.
Je pense que notre rôle encore est de pouvoir contrôler ces choses là, parce que le jeune lui
effectivement est au centre du projet et n’a pas à subir le fait qu’il a des parents très présents
ou très absents. Notre rôle donc, est d’observer cette situation et essayer de compenser les
excès ou les manques ».
19
Annabelle Piednoir, responsable du pôle espoirs de natation synchronisée d’Angers : « Je me
suis retrouvée dans certains propos par rapport a mon expérience d’athlète. Il est vrai
qu’aujourd’hui j’ai un autre rôle car j’entraine l’équipe de France minime de natation
synchronisée. La particularité de la synchro, c’est que c’est un sport féminin à la fois
individuel et d’équipe, un sport d’expression qui demande une pratique précoce. Ce sont donc
ces contraintes qui créent le milieu, la performance et les difficultés que l’on peut rencontrer
dans la relation : parent, entraineur, sportive.
En ce qui me concerne, je suis entrée en pôle espoirs à l’âge de 14 ans et cela a été quelque
chose de fort dans ma carrière, dans le sens où je vivais en Normandie et je me suis retrouvé à
Aix en Provence. Il y avait donc 800 kilomètres qui séparaient ma cellule familiale de mon
nouveau lieu de vie.
Ce qui m’a vraiment aidé dans cette situation, c’est que j’avais des parents qui me
soutenaient, qui m’accompagnaient s’il y avait des difficultés, des besoins, mais ils savaient
ne plus être là quand il n’y avait pas de besoin particulier. L’entraineur jouait son rôle
d’écoute, de prise d’indice pour éventuellement informer les parents d’une difficulté
particulière.
Pour moi, le climat d’écoute, d’accompagnement et de confiance des parents je pense, peut
aider le jeune sportif dans son aventure.
En tant qu’entraineur, la difficulté est d’avoir un public jeune (13/14 ans) que l’on doit
conduire vers le haut niveau sans savoir ce qui va réellement se passer après.
On ne peut pas promettre à une jeune qui arrive en collectif équipe de France jeune ou en pôle
espoirs qu’elle aura une carrière de haut niveau, par contre elle a un projet personnel et nous
devons l’accompagner ainsi que ses parents sur la durée pour construire sa performance. La
jeune athlète arrive avec un rêve et notre rôle est d’essayer de lui faire prendre conscience de
ses capacités réelles, de ses aptitudes que nous aussi l’on découvre, en tant qu’entraineur,
parce qu’elle les développe. Et cela se fait, je le répète, sur la durée, il faut du temps ! ».
Quelques questions :
Comment trouver sa place lorsque l’on est parent et sportif en même temps, voir entraineur ?
Danielle Allain : La place du parent n’a rien à voir avec ses connaissances ou ses
compétences en matière de sport… C’est un parent, sa place est donc en dehors de
l’entrainement, de l’encadrement sportif ! Si vous intervenez, vous décrédibiliser le cadre. Il
n’est pas utile dans ce cas de confier votre enfant à un encadrement.
Une dernière question qui fait référence à l’intervention du docteur François Fraisse « ne pas
s’entrainer avec la douleur… ».
20
Françoise Fraisse : j’ai été un peu provocatrice car il y a douleur et douleur. La blessure qui
résulte d’une chute à l’entrainement par exemple est à prendre en compte, il faut peut-être
voir le médecin.
Lorsque l’enfant se plaint après l’entrainement : « j’ai mal ici ou la.. » cela peut concerner les
cartilages de croissance et cela peut nécessiter un repos. Dans tous les cas la douleur est un
signal : il se passe quelque chose !
Danielle Allain : J’ajoute que quelques fois le jeune va oser dire qu’il a mal pace qu’il n’ose
pas dire qu’il est mal !
La douleur est audible et compréhensible par tous, un mal être l’est plus difficilement.
Frédérique Allaire : Pour « boucler » la thématique de cette soirée, il semble intéressant de
demander à un jeune ce qu’il attend de ses parents :
Un jeune : On attend de nos parents du soutien, un accompagnement et de savoir nous lâcher
quand il le faut !
Michel Thomas : J’avais demandé à Marion Debouche, un peu en guise de synthèse, de
repérer quels étaient les mots clefs, alors qu’en est-il ?
Marion Debouche : Il y a eu énormément de choses de dites, alors je pense que chacun
retiendra ce qu’il voudra de ces interventions, pour ma part je vais juste vous citer quelques
adjectifs autour de la notion de parent : accompagnant, supporter, impartial, motivant, affectif,
positif, à l’écoute, rassurant, encourageant, rigoureux, valorisant, reposant, disponible,
éducateur, vigilant, protecteur (mais pas trop), autoritaire (mais pas trop) !
21