En SuiSSE, EllES Sont 12% danS lES conSEilS d`adminiStration Et

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En SuiSSE, EllES Sont 12% danS lES conSEilS d`adminiStration Et
Dossier
En Suisse, elles sont 12% dans les conseils
d’administration et 4% dans les fonctions dirigeantes.
Face à l’inertie helvétique, une politique imposant
un pourcentage de femmes n’est plus un tabou.
par Mary Vakaridis, Collaboration: Serge Guertchakoff
PHOTO: lionel flusin
Femmes
leaders:
Vive les
quotas
Nommée en 1991
professeure ordinaire
de finance à Lausanne,
Rajna Gibson Brandon
avait fait la une de Bilan
en 1994. Depuis,
le nombre de femmes
occupant un tel poste
n’a guère changé.
Femmes leaders
le long chemin
vers l’égalité
hommes-femmes
R
ajna Gibson Brandon est
pessimiste. «J’ai été nommée professeure ordinaire
de finance en 1991 à l’Université de Lausanne. Force
est de constater qu’en Suisse le nombre de
femmes occupant un tel poste n’a guère
changé depuis. Les diplômées détenant
des postes à responsabilités restent tellement rares dans la finance et l’industrie
que j’en viens à reconsidérer ma position
sur les quotas. Je pense aujourd’hui que
de telles mesures sont nécessaires dans
un premier temps pour inverser la tendance.» Professeure de finance à l’Université de Genève et directrice du Geneva
Finance Research Institute (GFRI), Rajna
Gibson Brandon exprime un point de vue
qui s’étend maintenant bien au-delà des
milieux de gauche.
«Au départ, j’étais opposée aux quotas car cela va contre l’esprit libéral. Mais
les choses évoluent tellement lentement
en Suisse, qu’aujourd’hui je soutiens cette
idée. Les quotas produisent en tous les cas
un effet d’accélération.» Administrateur de
Tamedia (éditeur de Bilan) et fondateur du
Swiss Board Institute, Tibère Adler ironise:
«Françoise Giroud disait que l’égalité sera
réelle le jour où on nommera des femmes
incompétentes à des postes de responsabilité. Et si vous pensez au nombre d’hommes
qui ne sont administrateurs que par copinage ou pour leur réseau, il y a de la marge.»
Comme le démontre l’institut Crescendo
Marketing qui s’est associé à Bilan pour réaliser une enquête exclusive sur les femmes
administratrices*, les chiffres sont têtus.
Les femmes occupent en 2012 11,6% des
sièges dans les conseils d’administration.
Un chiffre qui place la Suisse en dessous
de la moyenne européenne, à la douzième
place du classement, derrière l’Espagne et
devant la Grèce et l’Italie. Les pays scandinaves forment le peloton de tête, suivis par
la France et la Grande-Bretagne.
Pire, les femmes étaient 4% en 2010 à occuper des fonctions dirigeantes, selon l’Office fédéral de la statistique. A ces postes,
elles gagnent jusqu’à 30% de moins que les
hommes, note le Bureau fédéral de l’égalité.
Tous grades confondus, les femmes gagnaient dans le secteur privé en moyenne
23,6% de moins que leurs collègues masculins, contre 25% deux ans plus tôt. Dans
l’Administration fédérale, l’écart moyen de
salaire entre les genres s’est réduit sur la
même période de 16,5 à 14,7%. Les femmes
se retrouvent en outre en grande majorité
aux postes à bas salaire. Dans l’ensemble de
l’économie, près de deux postes de travail
sur trois avec une rémunération inférieure
à 3500 francs bruts par mois sont occupés
par du personnel féminin.
Crescendo Marketing rappelle qu’en
Europe six pays sur les dix-sept que
compte l’Union ont introduit des quotas.
En Norvège, où les femmes sont 36,4% dans
les conseils, une politique de quota de 40%
est entrée en vigueur en 2006. En France, la
progression est encore plus spectaculaire.
Annoncée en 2011, la perspective d’une
entrée en vigueur d’un quota de 20% d’ici
à 2014 et 40% d’ici à 2017 a fait bondir la
proportion de femmes de 65% en deux ans,
pour atteindre 20,5%.
Le recours aux quotas se banalise dans
la vie publique. En avril dernier, Zurich a
rejoint les villes qui imposent des quotas
de femmes aux postes cadres de l’administration. Un taux de 35% a été voté par le
Conseil municipal à majorité de gauche (législatif), alors que la proportion de femmes
cadres s’établit aujourd’hui à quelque 17%.
En 2009, Bâle a ouvert la voie en votant
un quota de 30% de femmes pour les
postes cadres des organes de surveillance
des institutions de droit public. Berne et
Schaffhouse ont pris des mesures similaires
en 2012.
En Suisse romande, seul Fribourg a imposé un quota, sur une motion de la secrétaire des femmes PLR (Parti radical-libéral) Claudine Esseiva (lire son interview
page 50) acceptée en septembre 2012: «Du
moment que les administrations sont financées par les impôts des citoyens, il est
légitime pour les élus de la population d’établir des règles. La motion a été acceptée à
l’unanimité par le législatif de la Ville de
Fribourg, composé à une courte majorité
de gauche.»
Des arguments économiques
Signe d’un tournant, le Business &
Professional Women (BPW) s’est engagé
ce début d’année en faveur des quotas, en
dépit de sa vocation libérale, et soutient les
positions des femmes PLR. «Si des mesures
facultatives ne devaient pas porter leurs
fruits, nous sommes en faveur d’objectifs
fermes également pour les entreprises cotées en bourse en plus de l’Administration
publique.»
Leur argumentaire s’inscrit dans une logique économique: «Les femmes disposent
d’une excellente formation et sont en grande
majorité actives. Puisque 80% des décisions
d’achat incombent aux femmes, il est incompréhensible que les entreprises n’utilisent pas ce capital. A vitesse constante,
une égalité approximative des femmes
dans les directions et les conseils d’administration pourra être atteinte au plus tôt
dans quarante ans. En période de pénurie
de spécialistes, l’économie renonce pourtant à une ressource aussi riche, composée
de femmes formées ayant coûté à l’Etat.»
PHOTO: gaetan bally/keystone
Dossier
Mais l’idée des quotas n’est pas du goût
des partis de droite, du moins chez les
hommes, ni des associations économiques.
L’Union patronale suisse et EconomieSuisse
se disent favorables à la promotion des
femmes, mais opposées aux quotas, dans
une prise de position commune publiée
en décembre 2012. Directrice romande de
la fédération des entreprises helvétiques,
Cristina Gaggini explique: «Nous préconisons des objectifs propres à chaque entreprise. Si un supérieur ne satisfait pas aux
objectifs, il doit expliquer pourquoi il n’a
pas trouvé de candidate. En Suède, cette
manière de procéder porte ses fruits: en
2012, 24,6% de tous les administrateurs de
sociétés sont des femmes, contre 15,6%
seulement selon la moyenne européenne.»
Pour Cristina Gaggini, les quotas ne s’attaquent pas à la racine du problème: «Il
convient d’améliorer les structures permettant de concilier emploi et vie familiale.
Or les entreprises privées qui souhaitent
créer des crèches sont encore trop souvent confrontées à des exigences administratives rédhibitoires. Enfin, il faut surtout
un changement de mentalité. Aussi longtemps que l’essentiel des tâches familiales
et éducatives au sein du couple sera dévolu
aux femmes, celles-ci auront bien du mal à
exercer des fonctions dirigeantes.»
Quant à Claudine Esseiva, elle réagit: «Je
suis très heureuse qu’EconomieSuisse ait
publié pour la première fois une prise de
position sur la promotion des femmes. C’est
un signe que le débat avance, porté par les
discussions autour de la votation de l’article
constitutionnel sur la famille et de l’initiative
de l’UDC sur l’allégement fiscal des familles
avec enfants.»
Moment clé, en ce début d’année.
Viviane Reding, commissaire de l’Union
en charge de la justice, a produit une détonation dans le ciel européen. La Britannique
a lancé le projet d’introduire des quotas de
femmes tout en reconnaissant avec humour
qu’ils ne sont pas une bonne solution mais
qu’il n’y en a pas d’autres. Au mois d’avril,
Vince Cable, le ministre britannique des
Entreprises, maintenait la pression suite
au ralentissement du rythme des promotions féminines dans son pays. «Les entre-
prises ne doivent se faire aucune illusion:
le gouvernement adoptera des mesures
plus fermes si nécessaire», a-t-il déclaré au Standard. Cette annonce a forcé les
acteurs de la vie publique et économique
à considérer la question de l’accès des
femmes aux responsabilités d’une manière
internationale.
En Suisse, la conseillère nationale socialiste Susanne Leutenegger Oberholzer
a déposé une initiative parlementaire en
septembre 2012. Le document demande
une proportion équilibrée entre hommes
et femmes dans les conseils des entreprises
cotées en bourse. «Le texte est actuellement à l’étude en commission jusqu’en
décembre», renseigne l’avocate et économiste de Bâle-Campagne.
Si l’initiative échoue au Parlement, lancera-t-elle une initiative populaire, comme
l’a fait Thomas Minder contre les rémunérations abusives? «Il serait beaucoup plus
difficile de rallier la population au principe
des quotas. Mais quelle que soit l’issue de
ma démarche, je continuerai à me battre
pour faire avancer cette cause.» Le spectre
de l’initiative Minder produit cependant
son effet dans les milieux de droite et de
l’économie. De crainte qu’un scrutin populaire vienne leur imposer des règles, les
grandes compagnies ont pour la plupart entrepris des efforts en faveur de la diversité.
Cherche femmes désespérément
Chez les chasseurs de têtes, un mandat sur
deux pour recruter un administrateur ou
un membre de la direction générale porte
maintenant sur une femme. «Plus de la
moitié de nos mandataires demandent une
short list qui en comporte une. On stipule
aussi fréquemment les origines tessinoises
ou romandes», confirme Cornelia Tänzler
Peverelli, managing partner chez Heads! à
Genève. Armin Meier, managing director
chez Boyden, prolonge: «Les entreprises qui
sollicitent une firme spécialisée comme la
nôtre le font pour trouver des profils spécifiques. La recherche de femmes est ce que
l’on nous demande le plus fréquemment.»
Et les démarches volontaristes se multiplient. Le canton de Neuchâtel a par exemple
nommé une femme à la présidence d’Hôpi-
La socialiste Susanne Leutenegger Oberholzer
a déposé une initiative parlementaire pour
davantage de femmes dans les conseils.
tal neuchâtelois en 2010: Claudia Moreno.
Manuela Surdez et Nathalie Tissot sont respectivement présidente et vice-présidente
de la Banque Cantonale Neuchâteloise. Et
Virginie Carniel préside le SCAN, le Service
cantonal des automobiles et de la navigation. «C’est Fernand Cuche qui m’a nommée
lorsqu’il était conseiller d’Etat représentant
des Verts, alors que je suis plutôt étiquetée à
droite, relate cette dernière. Mais il voulait
une femme avec une expertise de manager
acquise dans le secteur privé.»
En Europe, les femmes représentent aujourd’hui près d’un tiers (30,8%) des nouvelles nominations au sein des conseils
d’administration. Le nombre de conseils
exclusivement masculins a reculé de 7% en
deux ans, pour s’établir à 16% du total. Or,
en Suisse, la proportion de conseils à 100%
mâles s’élève encore à un quart, alors qu’il
n’y en a plus en France ni au Danemark.
Cet atavisme se rencontre dans des secteurs
techniques (Oerlikon, Clariant ou Ruag),
mais aussi dans le domaine des services
(Swissquote ou Valora). Quant au groupe
technologique zurichois Ascom, il a nommé
une femme en avril.
Meilleurs élèves, la BCV (Banque
Cantonale Vaudoise), Vaudoise Assurances
et le fabricant lucernois d’ascenseurs
Schindler comptent 15% de femmes dans
leur conseil. Cette part monte à 20% chez
Swisscom, Nestlé et Migros, puis à 25% chez
UBS. Enfin, La Poste Suisse et Coop en ont
recruté plus de 30%.
Femmes leaders
Fondateur de l’Acad (Académie des administrateurs de sociétés), administrateur indépendant et vice-président de La
Poste Suisse, Dominique Freymond analyse: «Soucieuses de leur image, les sociétés
de l’indice de référence de la Bourse suisse
SMI veulent recruter des femmes et font
appel à des chasseurs de têtes pour trouver
des administratrices. Les pouvoirs publics
soignent aussi la diversité, ce qui n’est pas
encore le cas des quelque 180 000 sociétés
anonymes du pays. Dans les PME, vous trouvez des femmes essentiellement quand elles
sont propriétaires ou de la famille.»
La diversité participe à la croissance
Les avantages de la diversité passent
pourtant aujourd’hui pour un fait acquis
pour les plus grands bureaux de conseil,
relève Crescendo Marketing. «C’est un
élément important pour la bonne gouvernance et la compétitivité de l’entreprise», selon Deloitte. Pour Egon Zehnder:
«L’augmentation de la diversité au sein
des conseils participe à l’innovation et à la
croissance.»
Venu des Etats-Unis, le concept de diversité recouvre bien sûr le genre, mais aussi les origines ethniques et culturelles ainsi
que l’âge. Selon une étude datée d’avril du
cabinet d’avocats international Eversheds,
la diversité, au sens le plus large, a un impact important sur les performances d’un
conseil. Cela comprend les compétences,
les expertises en dehors du secteur, les expériences à l’international…
«Le genre n’est pas un critère, mais la diversité, oui. La grande maladie des conseils
d’administration, c’est de réunir des avocats
et des financiers et seulement peu de gens
qui comprennent bien le domaine et qui
se soucient de la clientèle», condamne un
chasseur de têtes interrogé par Crescendo
Marketing.
Pour Ariane Moser, administratrice chez
Sunrise: «La professionnalisation du recrutement implique que l’on cherche des
compétences en dehors du champ d’activité de l’entreprise. Un élargissement qui
ne peut être que favorable aux femmes.»
Dominique Freymond observe: «Pour
que la dynamique d’un conseil change, les
femmes doivent être au moins deux. S’il
n’y en a qu’une seule, elle sera minorisée
et peinera à influencer les décisions.» Pour
atteindre cette proportion de deux femmes
sur des conseils de huit membres en
moyenne, le pourcentage actuel de quelque
12% devrait simplement doubler pour atteindre 25%, soit le quart de l’effectif.
Fondatrice du bureau de conseil
PotentialYse à Neuchâtel, Diane Reinhard
a lancé avec Geneviève Bauhofer (AZI
les militantes Femen
A l’autre extrême du spectre des luttes
féministes, les Femen ont imposé leur style
avec le génie de la provocation. Les Femen,
c’est ce groupe né en Ukraine en 2008 dont
les militantes manifestent seins nus. En 2012,
l’une des quatre filles du noyau dur, Inna
Shevenko, s’est attaquée à la tronçonneuse
à une croix historique de Kiev en soutien
aux activistes russes emprisonnées de Pussy
Riot. Elle fuit aussitôt vers Paris où elle crée
une antenne Femen. Le «Guardian» rapporte
ses instructions à des novices lors
d’«entraînements»: «Soyez solides
et agressives. Ne souriez pas, ne cherchez
pas à plaire.» Les actions coups de poing
de Femen suscitent un buzz inversement
proportionnel à la profondeur du propos, à
savoir une déclaration de guerre à la société
patriarcale sur tous les fronts. Les militantes
étaient au World Economic Forum de Davos
en janvier. Les photos des jeunes femmes
enfermées dans une cage, enragées
et à moitié nues, ont fait le tour du monde.
Innovation) et François Gauchenot (SaintGeorges Institute) une initiative baptisée
le cercle des «100 administratrices-ambassadrices». Ce projet créé en 2011 vise à
faire connaître 100 femmes qui, par leurs
compétences, peuvent enrichir la composition des conseils d’administration des
entreprises helvétiques. «Seules quelques
femmes en vue sont appelées à occuper
des sièges qu’elles cumulent dans différents conseils. Quand on les interpelle, les
décideurs affirment qu’ils souhaiteraient
avoir davantage de femmes à ces postes,
mais qu’ils n’en trouvent pas. Avec ce
cercle, nous voulons démontrer qu’il y a
au contraire plein de candidates de valeur
à disposition», déclare Diane Reinhard.
L’objectif est de réunir 100 femmes qui se
mettent ainsi au service de l’économie.
«Actuellement, nous avons constitué une
liste d’une cinquantaine de personnes. Nous
comptons arriver à cent cette année encore», poursuit Diane Reinhard.
«Avec l’introduction des quotas dans
certains pays européens, on a vu un phénomène de cooptation, avec les mêmes
femmes qui se retrouvent dans une vingtaine de compagnies. En Suisse comme ailleurs, une femme qui accède à un conseil
s’en verra automatiquement proposer
une demi-douzaine d’autres. Or pour que
la situation évolue, il faut faire l’effort de
convaincre et recruter des personnalités qui
n’occupent pas encore ces fonctions. C’est
ainsi que l’on élargira ce cercle», souligne
Virginie Carniel. «C’est notre rôle en tant
que professionnels de chercher des personnalités «nouvelles» pour obtenir la meilleure complémentarité dans les conseils.
Pour cela, nous utilisons les outils communautaires comme le site LinkedIn mais
privilégions surtout les références personnelles», rapporte Armin Meier.
Si l’on en croit les témoins réunis par
Crescendo Marketing, la vie politique joue
un grand rôle dans le recrutement. Cela
concerne surtout les institutions liées à l’Etat
comme les régies fédérales, les banques
cantonales, les hôpitaux, les transports publics et les corps dont les dirigeants sont
désignés par les gouvernements. Les réseaux professionnels et privés comptent
des actions pour davantage de femmes à des postes à responsabilités
Volontarisme.
Avec 30% de femmes,
le conseil
d’administration
de Coop est l’un
des meilleurs élèves
en Suisse.
PHOTOS: alain margot, dr
Dossier
Influence.
De gauche à droite:
Anna Headon
et Alexandra Post
Quillet, fondatrices
de l’institut Crescendo
Marketing, et Sheryl
Sandberg, cadre
dirigeante chez
Facebook et auteur
d’un livre encourageant
les femmes à se montrer
offensives au travail.
Dossier
Femmes leaders
LES FEMMES DANS LES ENTREPRISES EUROPÉENNES ET SUISSES
aussi pour beaucoup. Plus une femme est
visible et connue d’un grand nombre de personnes, plus elle a de chances d’être proposée par un actionnaire important ou un
leader d’opinion.
Illustration avec Manuela Surdez, présidente de la BCN. «J’ai sans doute été choisie en raison de mon domaine d’expertise,
je suis économiste de formation. Avec mon
mari, nous avons créé notre entreprise
Goldec il y a vingt-quatre ans. Cette expérience professionnelle d’entrepreneur et de
management a aussi compté. En outre, je
connais bien les institutions politiques. J’ai
été conseillère générale libérale à La Chauxde-Fonds pendant six ans et députée au
Grand Conseil pendant cinq ans.»
Administratrice de la BCV et du Conseil
des écoles polytechniques fédérales, Beth
Krasna a, par le passé, siégé chez Coop,
l’horloger Raymond Weil, le groupe d’ingénieurs-conseils Bonnard & Gardel.
Administratrice indépendante depuis une
dizaine d’années, elle a été vice-présidente
des CFF. Cette ancienne CEO spécialisée
dans les restructurations (Valtronic, ABB
Sécheron) préside encore la Fondation en
faveur de l’art chorégraphique qui organise le Prix de Lausanne. «Au début, j’ai
siégé dans des conseils comme actionnaire. L’Ecole nouvelle de la Suisse avait
comme plus gros actionnaire l’association
des anciens que je représentais. J’ai aussi
été administratrice en tant que partenaire
d’une société de capital-risque. Je siégeais
au conseil des sociétés dans lesquelles nous
avions fait un investissement. Et puis j’ai
été sollicitée pour mon expérience acquise
dans cette fonction. Pour les CFF, c’était
mon passé en tant qu’administratrice, le fait
que je connaissais le matériel roulant et ma
connaissance de la finance.»
Dans les PME, le casting demeure très informel. «On se tourne vers des personnes de
confiance en cherchant une complémentarité très classique recouvrant un légal, un
financier et un expert de l’industrie», dit un
chasseur de têtes à Crescendo Marketing.
«L’erreur, c’est de chercher des gens qui
vous ressemblent et d’évoluer dans une
monoculture, sanctionne Virginie Carniel,
consultante indépendante de métier. Dans
certaines PME, vous trouvez des administrateurs qui sont aussi de l’équipe dirigeante
et actionnaires. Les industriels se montrent
volontiers réticents à recruter des administrateurs extérieurs, de peur qu’ils «ne comprennent rien au métier». Or ils ont justement besoin d’un regard extérieur critique
pour rester compétitifs.»
Virginie Carniel sourit: «En raison de la
visibilité d’une femme, le réflexe est de vouloir une administratrice qui soit au moins
CEO. Et les décideurs se plaignent de ne pas
en trouver. Mais regardez la composition
actuelle des conseils, les hommes ne sont
de loin pas tous CEO.»
Mais, de l’avis général, le processus de
recrutement dans les PME se professionnalise, avec un processus plus ciblé, l’établissement d’une «long» et d’une «short
list», dressées en fonction de critères précis.
L’exemple des sociétés cotées et publiques
fait école. Directrice de la Chambre vaudoise de commerce et d’industrie (CVCI),
Claudine Amstein relève: «Si, par le passé, les administrateurs étaient surtout des
proches du patron, ce sont aujourd’hui des
interlocuteurs dont on attend des compétences particulières. Le monde s’est complexifié. Nos PME exportent dans le monde
entier. Les patrons sont souvent très seuls et
attendent une véritable expertise de la part
du conseil.»
L’ISADE, l’Institut suisse des administrateurs, a publié en avril une prise de position en faveur du recrutement de femmes
et proposé dix lignes de conduite. Parmi
celles-ci: «Lors de qualifications équivalentes, donnez la préférence à une femme.»
Virginie Carniel commente: «Les mentalités évoluent. Le document a été très bien
reçu. Ça n’aurait pas été le cas il y a dix ans.»
Les compétences privilégiées
A partir de l’étude de Crescendo Marketing
se dessine un profil de l’administratrice
idéale. Avoir été CEO ou en charge des finances d’une entreprise propulse d’emblée
la candidate dans le premier choix. Rares sur
le marché, les femmes venant de la technique sont très sollicitées. Dans une compagnie publique nationale, il faudra parler
l’allemand. Ou l’anglais dans une multina-
tionale. Ajoutez un peu de notoriété et d’entregent ainsi qu’un engagement sans faille et
vous aurez la candidate idéale.
Tous les observateurs l’attestent, les
femmes sont aujourd’hui très nombreuses
à s’intéresser à cette fonction. Mais elles
ne réalisent pas forcément les implications
en temps et en responsabilités. Dominique
Freymond précise: «Chaque membre d’un
conseil est solidaire et responsable de la
société sur ses biens personnels. En cas de
faillite due à des négligences, l’AVS envoie
des commandements de payer aux administrateurs afin qu’ils règlent les cotisations
impayées par l’entreprise.»
Afin d’accéder à ces cénacles, le Vaudois
conseille d’élaborer son profil autour de
quelques compétences clés. Si on vise la
grande distribution – Migros ou Coop –
mettre en avant des acquis dans le marketing, par exemple. Faire valider son expérience dans la définition de stratégies,
les finances, l’audit ou encore le recrutement de cadres. Puis valoriser sa disponibilité et sa connaissance du fonctionnement
d’un conseil. «Il faut se faire connaître en
fonction d’une compétence particulière et
concentrer son message sur celle-ci. Si vous
êtes compétente en marketing, cibler bien
les événements et le networking afin de
vous créer une identité forte dans ce domaine», expose Claudia Tänzler.
«On ne postule pas pour devenir administrateur mais on est approché par
un chasseur de têtes ou par quelqu’un du
conseil. Il faut donc faire connaître son intérêt et ses qualités en activant les réseaux.
Suivre des cours sur la gouvernance permet aussi de se lier avec des administrateurs. On peut rencontrer des industriels
au sein des Chambres de commerce», note
Dominique Freymond, qui dispense justement des formations. Claudine Amstein
renchérit: «Une des missions de la Chambre
est d’offrir un réseau à ses membres. Tout
indépendant peut devenir membre et nous
organisons quelque 200 manifestations par
an, comme, par exemple, des visites d’entreprises.» Ainsi, la CVCI donne un cours
sur les moyens de faire du networking en
son sein et chapeaute un business club qui
a pour but de créer les contacts.
LA SCANDINAVIE EN TÊTE
Norvège
La Suisse se trouve en milieu
de peloton mais en dessous
de la moyenne européenne.
36,4 %
Irlande
Royaume-Uni
10,7%
13,3%
12,9%
18,2%
EN SUISSE: ENCORE DU CHEMIN À FAIRE
31,9%
Ascom, Clariant, Oerlikon, Ruag, Swissquote,
Valora...
Finlande
28,8%
27,1%
Danemark
0% de femmes
Suède
13,7%
28,7%
17,0%
24,6%
Pays-Bas
BCV (1/7), Vaudoise Assurances (1/7),
Schindler (2/12)
Allemagne
14,6%
8,7%
12,5%
12,8%
15%
Belgique
11,6%
% de positions
détenues par
des femmes
dans les CA
Swisscom (2/10), Nestlé (3/14), Migros (5/23)
Luxembourg
13,3%
SUISSE
8,3%
En 2010
En 2012
6,2%
6,1%
Autriche
20%
10,8%
11,6%
8,0%
UBS (3/12)
12,4%
25%
20,5%
France
La Poste Suisse (3/10), Coop (4/10)
3,5%
10,3%
5,0%
9,5%
4,7 %
11,8%
8,4%
10,4%
Portugal
Espagne
Italie
Grèce
> 30%
LES QUOTAS EN EUROPE EN 2012
LES TENDANCES EN EUROPE
6 sur 17 pays d’Europe de l’Ouest ont instauré des quotas.
Les progrès ont été aussi grands dans certains pays sans
quotas (Angleterre, Danemark) que dans certains
pays avec quotas (France, Norvège).
16% de femmes dans les conseils, un chiffre en augmentation
Top 6
des pays
% actuel
de femmes
dans les CA
Politique quota
1. Norvège
36,4% (+14)
Quota de 40%
(entrée en vigueur en 2006)
2. Finlande
27,1%
Uniquement dans les organes
publics: quota de 40%
3. Suède
24,6% (−14)
4. France
(−6)
20,5% (+65)
5. G-Bretagne 18,2% (+37)
6. Danemark
17,0% (+24)
Répartition équitable des
genres (codex de gouvernance
des entreprises)
Représentation des femmes dans les conseils européens
par position
En 2010
En 2012
12,2%
Membres
de conseils
15,6%
4,2%
Membres
dirigeants
4,8%
Quota de 20% d’ici à 2014
et 40% d’ici à 2017 (entrée
en vigueur en 2011)
Objectifs volontaires
Répartition hommes/femmes
aussi équitable que possible
dans les SA de droit public
(loi sur l’égalité des sexes)
4%
1,7%
Présidence
1,7%
0
2
4
6
8
10
12
14
16
de femmes à des positions
dirigeantes. Selon l'Office fédéral
de la statistique, les femmes
étaient 4% en 2010 à occuper
des fonctions dirigeantes.
A ces postes, elles gagnent jusqu'à
30% de moins que les hommes,
note le Bureau fédéral de l'égalité
(BFEG). Les femmes gagnent
en moyenne 20% de moins que
les hommes.
Concernant la formation, l'égalité
progresse au sein des nouvelles
générations. Chez les 25-34 ans,
il n'y a plus de différence
marquante entre les sexes si l'on
considère le niveau de formation
le plus bas et le plus élevé.
Une réalité qui doit encore trouver
un écho dans le monde de
l'entreprise.
Les données ont été fournies par Crescendo Marketing. Sources: Egon Zehnder-Europe, 533 entreprises dans 17 pays, site des entreprises, bpw-ticino.ch/image/content/Quota_Argumentaire-1.pdf
Dossier
Femmes leaders
Tibère Adler mentionne le mentoring. «Il
peut être intéressant d’établir un contact
avec un personnage expérimenté siégeant
dans des conseils d’administration. C’est un
moyen tout à fait classique d’obtenir une
recommandation.» – «Les femmes doivent
s’engager activement dans les réseaux, de
la même manière que les hommes, sans
se limiter aux associations réservées aux
femmes. Le mieux est de se tourner vers
des réseaux où règnent mixité et diversité», appuie Armin Meier. Celui-ci est derrière un nouveau projet: «Nous prévoyons
pour le début de l’année prochaine un événement pour mettre en contact des présidents de conseils avec des administratrices potentielles. Cette plate-forme, baptisée Professional Boards Forum, s’est déjà
tenue en Norvège, en Grande-Bretagne et
aux Pays-Bas avec un grand succès. Nous
enregistrons déjà des retours très positifs
sur cette idée.»
Les initiatives pour constituer des listes
de femmes «papables» se multiplient. Les
chasseurs de têtes ont les leurs. Le BPW prépare une base de données à l’usage des tiers
pour la fin de l’année. Virginie Carniel, viceprésidente du BPW, affirme: «Le vivier est
là et les femmes ne sont plus à former. Elles
ont la base financière nécessaire car, dans
leur métier, elles gèrent des budgets. Elles
sont très nombreuses dans les professions
juridiques et le marketing, des domaines
que doit recouvrir un conseil. Un travail à
temps partiel leur laisse en outre la disponibilité nécessaire pour une activité qui prend
entre 20 et 30% de leur agenda.»
«Dans une ancienne régie fédérale
comme RUAG, le management était encore récemment entre les mains de cadres
de l’armée. Un pipeline masculin. Mais
ça change énormément, car maintenant
les responsables proviennent des grandes
écoles (ETHZ, EPFL, HES…). Chez RUAG, il
y a déjà une directrice générale à Nyon et il y
a déjà eu une CEO de l’entreprise.» C’est ce
que constate Nicola Thibaudeau, ingénieure
en mécanique, administratrice de La Poste
Suisse et CEO de l’entreprise de microprécision MPS à Bienne.
Administratrice
chez
Vaudoise
Assurances et la Banque Cantonale du
Valais, Chantal Balet voit des progrès: «Nous
sommes par exemple deux femmes de ma
génération – la soixantaine – nouvellement
entrées au conseil d’Implenia. Le phénomène devrait s’accélérer à l’avenir pour les
plus jeunes.»
L’exemple de Deloitte
La réflexion va aussi de l’avant chez certains employeurs, les plus offensifs étant
originaires des Etats-Unis. Ainsi, chez le
géant américain de l’audit et du conseil
Deloitte, il existe un réseau international
interne qui vise à soutenir le développement des femmes au sein de l’entreprise:
Women Initiative Network (WIN).
«WIN a démarré en Suisse lors de la
Journée de la femme en 2007. Cela a été
rendu possible grâce à l’implication active
de plusieurs femmes associées, le niveau
hiérarchique le plus élevé chez nous, qui,
dans un premier temps, se sont soutenues
entre elles», témoigne Nathalie Ledrich,
manager RH et en charge d’animer le réseau WIN en Suisse romande. «Depuis,
WIN a beaucoup évolué. Notre équipe de
projet organise par exemple un atelier le
7 juin prochain afin d’aborder la question
du genre féminin-masculin au travail,
de permettre d’identifier les stéréotypes
en la matière et d’améliorer les relations
hommes-femmes en entreprise. Il s’agira
d’une première pour Deloitte», annonce
Nathalie Ledrich.
Au sein du département audit de cette
société, l’ensemble du personnel doit passer le diplôme d’expert-comptable pour
Adresses utiles
Formations et événements
Female Board Pool, de l’Université de
Saint-Gall (female-board-pool.com).
International Business School (ZFU)
à Thalwil, ZH (ZFU.ch).
IMD à Lausanne (IMD.ch).
Académie des administrateurs, Lausanne
(crpm.ch).
Swiss Board Institute, Genève (swissboardinstitute.ch).
GetDiversity, Berne (getdiversity.ch).
devenir manager. Cela prend environ cinq
ans et concerne des trentenaires, soit l’âge
auquel on songe généralement à avoir des
enfants. «Dans ce contexte, au vu de l’investissement en temps important que cela
nécessite et afin de garder nos hauts potentiels, il nous fallait trouver une solution. Depuis de nombreuses années, nous
permettons aux personnes concernées
d’aménager leur temps de travail avec notamment des temps partiels, dont tous les
collaborateurs, quel que soit leur grade,
peuvent bénéficier. Plusieurs de nos associées actuelles en profitent d’ailleurs.»
WIN va en outre offrir à l’une de ses collaboratrices la formation strategies for leadership, empowering women executives,
mise sur pied par l’IMD. Deloitte participe
encore au programme de cross-company mentoring développé au sein d’IBM et
soutenu par le Career Women’s Forum.
Initié en 2011, il a réuni l’an dernier sept
entreprises sur Genève: Alcoa, DuPont de
Nemours, IBM, Firmenich, CICR, Oracle
et Deloitte. «Chaque entreprise participante doit trouver des managers mentors, hommes ou femmes, qui vont suivre
quelques femmes pendant six mois afin
de les aider dans leur développement professionnel et personnel», indique Hélène
Gache, présidente du CWF. Seize femmes
ont pu en bénéficier en 2012.
Les administratrices qui ont répondu
à Crescendo Marketing dévoilent leurs
doutes et attestent du fait que le principal
ennemi des femmes n’est autre qu’ellesmêmes. Elles mentionnent le manque de
confiance en soi, une tendance à se sousestimer qui les retient de défendre pleinement leur point de vue. Elles regrettent
aussi que les «soft skills» dont elles sont
les représentantes soient perçues comme
moins déterminantes que les sujets traités
dans les grilles Excel.
C’est justement en réaction à ces réflexes
que Sheryl Sandberg, 43 ans, a écrit Lean In,
Women, Work, and the Will to Lead (Editions
Alfred Knopf). Numéro 10 de la liste Forbes
des femmes les plus puissantes du monde,
l’Américaine a publié ce printemps cet ouvrage encourageant les femmes à se montrer offensives à leur travail. «Lean in» si-
Femmes leaders
gnifie se pencher vers l’avant, alors qu’elles
se placent trop souvent en retrait, selon
l’auteur, cadre dirigeante chez Facebook et
mère de deux enfants.
Best-seller de la littérature économique,
le livre a suscité une forte controverse. Les
critiques accusent Sheryl Sandberg d’appartenir par ses origines à un milieu de
nantis, chez qui les femmes disposent des
conditions matérielles et sociales pour
réussir professionnellement. Mais l’impact
de l’encouragement a aussi été fortement
ressenti, son message autoritaire passant
grâce à un esprit de dérision.
Elle-même nommée ce printemps
administratrice des CFF, Alexandra Post
Quillet convient: «Le livre a le mérite de générer un vrai débat chez les femmes et aussi,
plus intéressant, chez les hommes, et de se
concentrer sur les solutions et moins sur les
freins. Plus efficace encore, une plate-forme
communautaire d’échange, Leanin.org,
recueille déjà plus de 200 000 témoignages
et permet la formation de groupes «lean in
circles» qui soutiennent concrètement la
progression des femmes.»
En ce qui concerne l’accès des femmes
aux conseils d’administration en Suisse,
Alexandra Post Quillet préconise: «Pour
pallier le manque de visibilité des candidates, il faudrait la création de listes, par
exemple par les chambres de commerce.
Un coaching personnalisé peut ensuite aider les femmes à s’affirmer dans le rôle
d’administratrice.» Anne Headon mentionne quant à elle des mesures de sensibilisation. «Une pression constante de la part
des médias et des politiques aurait un effet
positif sur l’attitude des entreprises les plus
conservatrices. Et il serait en outre fructueux d’inclure des directives sur la diversité dans le Swiss Code of Best Practice.»
* Crescendo Marketing a réalisé 15 entretiens
approfondis en mars et en avril 2013
avec des femmes administratrices, des présidents
de conseil d’administration et des chasseurs
de têtes en Suisse avec pour objectif
de comprendre le faible taux de femmes
et de proposer des solutions pour y remédier.
L’étude est disponible sur demande
à [email protected]
«Non, le féminisme n’est pas de gauche.
Je défends une approche pragmatique»
Secrétaire des femmes PLR,
Claudine Esseiva, 35 ans,
siège au Conseil général
de Fribourg depuis 2006.
Le féminisme n’est-il pas un
combat mené en priorité par la
gauche?
Non, le féminisme n’est pas de gauche.
Chaque parti défend les droits des
femmes en fonction de ses valeurs, en
sollicitant plus ou moins l’Etat. Je défends
une approche pragmatique qui permet de
sceller des alliances autant avec les
femmes socialistes que de l’UDC.
Un Conseil fédéral fort de trois
ministres femmes laisse penser
que celles-ci accèdent plus
facilement au pouvoir politique
qu’aux postes-clés de l’économie.
Qu’en pensez-vous?
Des années de féminisme ont porté leurs
fruits et beaucoup d’efforts ont été faits
autant chez les autorités politiques qu’au
sein des partis. Il est maintenant possible
de concilier famille et députation. En
revanche, le monde de l’économie se
montre beaucoup plus conservateur, avec
des structures hiérarchiques très rigides.
Et très peu de mesures sont prises pour
concilier vie privée et professionnelle. Les
employeurs se montrent toujours rétifs à
engager à un poste à responsabilités une
femme en situation d’avoir un premier ou
un deuxième enfant.
Pour vous, faudrait-il étendre
les quotas à l’économie privée?
L’esprit libéral n’aime pas l’idée d’imposer
des règles à l’économie privée. En outre, il
est vain de vouloir imposer des normes
alors que la société n’est pas en mesure
de s’y conformer. Dans la pratique,
certaines professions comme dans la
technique ou dans les soins restent très
masculines ou féminines.
La Suède a inscrit dans la loi
le principe d’un pourcentage
de femmes dans les conseils
d’administration. Serait-ce
souhaitable en Suisse?
La situation est totalement différente en
Suède. Là-bas, toutes les femmes
travaillent. Il y a des crèches et les pères
baissent leur temps de travail. Mais, en
Suisse, les conditions n’existent pas et les
quotas n’ont aucun sens.
La Suisse vous paraît-elle rétrograde par rapport à l’Europe?
En règle générale, oui. Mais précisons que
la Suisse romande est beaucoup plus
ouverte que la Suisse alémanique.
PHOTO: peter klaunzer/keystone
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