70e anniversaire du Débarquement
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70e anniversaire du Débarquement
Supplément gratuit de LA PRESSE DE LA MANCHE du mardi 27 mai 2014, n° 21 271 - Ne pas jeter sur la voie publique Classes-presse 2014 1944 - 2014 : la Normandie se souvient Les 4es du collège Raymond-Le Corre d’Equeurdreville-Hainneville peuvent être fiers. Ils obiennent le 2e prix d’écriture avec un article sur l’histoire insolite de Michel Brisset, né sous un pont à Rocheville pendant la Libération. En cette année de commémoration du 70e anniversaire du Débarquement, le thème des Classes-Presse s'imposait de lui-même. Une belle opportunité pour les élèves manchois de se (re)plonger dans l'histoire — pas si lointaine — de leur région et de leurs aïeux. Une occasion que les collégiens ont su saisir, se faisant journaliste auprès de leurs grands-parents ou arrièregrands-parents, pour que ceux-ci leur livrent des souvenirs personnels de la Seconde Guerre mondiale et du Débarquement. Cela donne dans ce supplément des témoignages inédits, riches, d'autant plus forts en émotion que ce sont souvent des histoires de familles qui se transmettent. Les élèves se sont aussi penchés sur leur environnement, des lieux, des monuments qu'ils voient tous les jours, mais dont ils ne connais- saient pas nécessairement l'histoire. En plongeant dans leurs histoires de famille, dans les histoires locales, c'est la grande Histoire que les élèves ont ainsi (re)découvert avec passion. Cette année encore, l'opération Classes-presse a permis aux collégiens d'appréhender le métier de journaliste, aidés des équipes enseignantes et de leurs journalistes parrains de La Presse de la Manche et Ouest-France. Initiée par le Clemi (Centre de liaison de l'enseignement et des médias d'information), soutenue par le conseil général, l'inspection académique et l'enseignement catholique de la Manche, l'opération Classes-presse est devenue dans de nombreux collèges du département un soutien pédagogique indispensable et ludique pour le travail de l'écriture, l'étude de l'image, les recherches historiques, etc. Palmarès 2014 ● 1er prix d'écriture Attribué par le conseil général Manon Labbé, Marine Ladouce et Manon Madeleine collège Jean-Monnet, Marigny « À 12 ans, je jouais sur les ruines de Saint-Lô » ● 2e prix d'écriture Attribué par Ouest-France Enzo Boché, Jérémie Lepetit et Jules Robichon collège Raymond-Le Corre, Equeurdreville-Hainneville L'enfant du pont ● 3e prix d'écriture Attribué par La Presse de la Manche Flavie Lemoigne, 4e C collège Saint-Exupéry, Sainte-Mère-Église « C'était terrifiant, tous ces bruits d'explosion » ● Prix de l'illustration Collège Pierre-Aguiton, Brécey Souvenirs d'enfance ● Mention spéciale du jury Attribuée par le Clémi Collège Jean-Paul-II, Coutances Quand le courage se transforme en amitié Établissements participants Les 14 classes participant à l’opération Classes-Presse ont reçu le soutien éclairé de journalistes « parrains », de La Presse de la Manche ou de Ouest-France, qui ont aidé les élèves dans les phases de recherche et d’écriture. Un parrainage payant pour les 4es du collège SaintExupéry de Sainte-Mère-Église qui, avec le soutien de notre consœur Corinne Gallier, remportent cette année le 3e prix d’écriture. 2 - Classes-Presse - Mai 2014 Collège Le Hague-Dick, Beaumont-Hague, 4e A et 4e B Collège Pierre-Aguiton, Brécey, 4e D Collège Jean-Paul-II, Coutances Collège Raymond-Le Corre, Equeurdreville-Hainneville, 4e B Institut Sévigné, Granville, 4e Bleue Collège Emile-Zola, La Glacerie, 5e A Collège Jean-Monnet, Marigny Collège Les Courtils, Montmartin-sur-Mer Collège Le Fairage, Périers Collège Georges-Brassens, Pontorson Collège Jules-Ferry, Querqueville, 4e A Collège Saint-Exupéry, Sainte-Mère-Église, 4e C et 4e D Collège Interparoissial, Saint-Lô Collège Guillaume-Fouace, Saint-Vaast-la-Hougue Passeurs de mémoire « À 12 ans, je jouais sur les ruines de Saint-Lô » LÉOPOLDA BEUZELIN, 82 ans, a vécu le Débarquement du 6 juin 1944. Soixantedix ans après, elle se souvient. En juin 1944, Léopolda Beuzelin a 12 ans. Elle habite rue de la Poterne, au pied des remparts de Saint-Lô, chez sa mère, avec son frère et ses deux sœurs. Il est environ 20 heures lorsque Léopolda et sa famille se rendent compte du carnage qui commence. « Les avions bombardaient Saint-Lô et les premières bombes tombaient sur la gare. » La défense passive, qui consiste à protéger la population en cas de guerre, passe dans les maisons pour dire aux gens d'aller se réfugier sous le Rocher, tunnel creusé par les Allemands sous les Remparts. « Pendant quatre jours, on n'a rien mangé, on buvait juste l'eau croupie des wagonnets qui se trouvaient là. » ■ « Y'a la gamine qui respire » Afin de se mettre à l'abri, les soldats allemands font sortir les civils. Les bombes tombent tellement que Léopolda se retrouve séparée de sa mère. « Mais je n'avais pas lâché mon petit frère ». Une personne de la défense passive les voit et leur dit : « Rentrez dans la maison et cachez-vous sous l'escalier où se trouve le tas de bois ». Cependant, par crainte d'être ensevelie, elle décide de mon- ter à l'étage. Mais des bombes explosent à proximité de la maison, ils sont alors éjectés, et se retrouvent sous des débris. Elle se souvient avoir entendu la voix d'un homme qui disait : « Mais non, ces deux-là, ils ne sont pas morts, y'a la gamine qui respire ». ■ « Je ne peux plus vous nourrir » Léopolda et son frère sont transportés dans le bois de la Falaise à Agneaux, recueillis par la Croix-Rouge qui leur donne du lait à boire. Elle les informe qu'ils ont perdu leur mère. Trois jours plus tard, une dame les prévient que la Croix-Rouge l'a retrouvée au Mesnil-Amey. « Nous y sommes partis le long de la voie ferrée. Nous étions accompagnés par un homme de la défense passive parce qu'il fallait traverser Saint-Lô. » Elle retrouve sa mère et ses sœurs. Le maire du Mesnil-Amey dit : « Les personnes qui ont de la famille qui peut les accueillir, il faut nous le dire parce que je ne peux plus vous nourrir ». Ayant des cousins à Condé-sur-Vire, Léopolda et sa famille s'y rendent à pied. « Il fallait retraverser Saint-Lô, il n'y avait plus de maisons, plus de quartier ». En cours de route, quand ils entendent des avions, ils se jettent dans les fossés pour éviter les bombes. Deux messieurs les ont accompagnés jusqu'à Baudre. « On a atterri à Condé-sur-Vire et on a été libéré là-bas. » ■ La Capitale des ruines Les bombardements ont duré trois semaines et six cents civils sont morts. « Malgré ça, on jouait quand même dans les Au moment du Débarquement, Léopolda Beuzelin a été ensevelie sous les débris de sa maison. © Manon Marine ruines ». La ville de Saint-Lô est libérée le 17 juillet 1944 par des soldats américains. Elle a été détruite à 95 %, c'est pour cela qu'elle fut surnommée la Capitale des ruines. Soixante-dix ans après, lorsque Léopolda entend un avion, elle ne peut s'empêcher de le localiser dans le ciel. Manon Labbé, Marine Ladouce, Manon Madeleine Collège Jean-Monnet, Marigny « C'était terrifiant, tous ces bruits d'explosions ! » Habitante de Sainte-Mère-Église, FRANÇOISE MASSABO était une jeune fille âgée de 11 ans lors du 6 juin 1944. Nous l'avons rencontrée et elle nous a transmis son témoignage. Où habitiez-vous pendant le débarquement ? « J'habitais Sainte-Mère-Église, dans l'impasse Ribet qui se situe non loin de la rue Cayenne, en face de la maison de M. Fleuri. Celui-ci avait pour loisir l'aprèsmidi de raconter aux enfants du village la guerre de 14-18. C'est peut-être en partie à cause de ces histoires que nous, les enfants, avions aussi peur des soldats allemands. » Que s'est-il passé lors de l'arrivée des parachutistes américains ? « Pendant la nuit du 5 au 6 juin, nous fûmes réveillés par le bruit que faisaient les C47 qui passaient au-dessus de Sainte-Mère. Nous étions émerveillés de voir toutes ces corolles dans le ciel. Au milieu de l'après-midi du 6 juin, des Américains arrivèrent pour installer un mortier dans le jardin de Mémère, ma nourrice. Nous, les enfants, étions contents d'être aux côtés de nos sauveurs. Nous sommes restés une partie de l’après-midi avec eux. Je les aidais en mettant les obus dans le mortier. Malheureusement, le soir même, ces soldats avec qui je m'amusais se firent tuer. C'est ce jour-là que ma sœur a été blessée. Elle s’occupait du bébé des voisins. Le 6 juin, elle décida malgré les événements d'y aller. Les bombardements reprirent et la maison où elle était prit feu. Elle reçut un éclat d'obus à la jambe. Le matin du 7, ce fut l'exode vers la ferme de la Londe. Lorsque nous sommes arrivés à la boulangerie Dubost à Sainte-Mère, une auto-mitrailleuse allemande apparut de la rue Cap de Laine, tirant de tous les côtés. Mémère emmena ses cinq enfants dans la boulangerie. Ce fut une Françoise Massabo a correspondu pendant plus de trente ans avec un soldat américain. Stèle à la mémoire de Stanley S. Smith, William C. Walter, Robert L. Herrin et Robert E. Holtzamm. chance inouïe d'avoir survécu. Nous pûmes arriver à la Londe, mais le 12 juin, nous fûmes obligés de partir, car les Américains devaient construire le camp d'aviation. » ■ « Ce n'est qu'un au revoir » Comment réagissiez-vous lors des bombardements ? « Ma nourrice, les autres enfants et moi, nous nous abritions sous la voûte de la maison. C'était terrifiant, tous ces bruits d'explosions ! » Quel était le comportement des Américains ? « Ils nous donnaient des barres de chocolat, des bonbons ainsi que du beurre de cacahuète. J'étais peu en contact avec eux parce que je devais m'occuper de la maison. Un jour, je vis dans un champ des Américains, je ne sais pas pourquoi je vins les voir, et je fis la rencontre d'un soldat qui parlait très bien le français (il était professeur de français dans le New Jersey). Depuis cette rencontre, plus de trente ans après la guerre, nous correspondîmes, puis on se perdit de vue. » Qu'est-ce que ça vous fait de revoir des vétérans plus de 70 ans après le Débarquement ? « C'est toujours très émouvant. D’ailleurs, lors du 14 juillet 1944, des Canadiens jouaient Ce n'est qu'un au revoir. Depuis ce jour, dès que j'entends cette chanson, cela me fait pleurer. » Flavie Lemoigne, 4e C, Sainte-Mère-Église « La mer était rouge de sang » Deux vieilles dames, deux copines, Monique et Marguerite avaient 4 et 13 ans lors du débarquement. Elles se souviennent… Dans quelle ville habitiez-vous quand la guerre a frappé ? Avez-vous des souvenirs de la guerre ? Monique : J'habitais à Les Veys, entre Carentan et Isigny. Il y avait une quarantaine de chevaux à la ferme. Marguerite : Moi j'habitais à Saint-Marcouf-de-l'Isle, petite commune rurale près de la mer. C'est un triste souvenir, les Allemands tiraient sur les gens, et la mer était rouge de sang. Avez-vous accueilli des réfugiés chez vous ? Étiez-vous obligées de vous cacher ? Ma : Oui, nous avions des réfugiés, puis nous sommes partis de chez nous. Nous sommes allés dans une ferme avec pleins d'autres gens, mais nous n'étions pas obligés de nous cacher. Mo : Des gens habitants près de la nationale 13 sont venus se réfugier à la ferme. On dormait dans une étable, nous étions à peu près 30 personnes. Parfois, des avions survolaient la ferme à basse altitude et bombardaient. Quand les Américains ont débarqué, en une nuit les Allemands sont partis en catastrophe, tellement vite que les chariots à quatre roues se renversaient. Trois Allemands ont choisi de se rendre aux Américains afin d'avoir le statut de prisonniers de guerre. Comment se passait la cohabitation avec l'ennemi ? Mo : Les simples soldats qui s'occupaient des animaux et des charrettes étaient très corrects, ils m'appelaient Monica (cela leur rappelait certainement leurs enfants). Les gradés étaient plus exigeants et utilisaient les provisions de la ferme. C'est alors que le rationnement a commencé. Comment faisiez-vous pour manger ? Ma : Les Américains envoyaient de la nourriture et des boîtes de conserve qu'ils parachutaient. Est-ce que vous avez eu peur ? Est-ce que les Allemands faisaient des rondes dans votre quartier ? Écoutiez-vous les messages de la résistance à la radio ? Ma : Oui j'avais très peur, surtout au moment des bombardements. Les Allemands ne faisaient pas de rondes, ils étaient plutôt gentils. J'écoutais le moins possible la radio car la nuit j'avais très peur. Nolwenn Gueguen et Lisa Lelarge, 4e A, Querqueville Nous avons l'âge qu'avait Marguerite à l'époque, ses souvenirs et ceux de Monique sont précieux pour nous. Il n'y a pas si longtemps, elles avaient notre âge… Monique Lelarge se souvient de la débacle des soldats allemands quand les Américains ont débarqué. Classes-Presse - Mai 2014 - 3 Passeurs de mémoire « Avant d'être enterrés, ils étaient mis dans leurs parachutes » Madeleine Valognes, habitante de Sainte-Mère-Église, nous a raconté son histoire pendant la guerre. « Quand la guerre a commencé, j'habitais à Montebourg puis, pour des raisons de survie, les Américains nous ont emmenés avec nos voisins dans la campagne, car les combats allaient devenir intenses », raconte Madeleine Valognes. « Nous Le cimetière américain provisoire n°1 de Sainte-Mère-Église est aujourd’hui un stade de foot. mangions des morceaux de viande crue provenant d'animaux écrasés par les obus ; d'ailleurs, ma mère s'est pris un éclat dans le dos et s'est fait soigner par un Allemand. Les enfants, eux, n'avaient pas peur des obus, au contraire ça les amusait ! », se souvient la vieille dame. Par la suite, elle est arrivée à Sainte-Mère-Église, où elle fut engagée pour peindre les croix sur les tombes des soldats américains. Avant d’êtres enterrés, ils étaient mis dans leurs parachutes ou dans des draps blancs, puis enterrés dans le cimetière qui, aujourd’hui, est un stade. « Les Américains ont trouvé deux champs immenses pouvant recueillir tous leurs camarades, ex- plique Madeleine, un près de l'actuel collège Saint-Exupéry de Sainte-Mère-Église, l'autre près de ce qui est désormais la zone industrielle. » En automne 1945, les familles ont réclamé les corps, la plupart sont partis dans leurs familles, les autres ont été transférés au cimetière de Colleville. Une fois tous les corps enlevés du champ près du collège, la ville de Sainte-Mère-Église a réalisé à l'emplacement un stade de football. À présent, une borne devant le terrain rend hommage aux soldats tombés pour la France. Rouan Mesnil et Charly Youdine, 4e D Sainte-Mère-Église Après le Débarquement, Madeleine Valognes a peint les croix sur les tombes des soldats américains. « Le son des bombes et l'odeur du soufre me hantent encore » Marcel Massieu, témoin de la Seconde Guerre mondiale, nous raconte sa vie à l'époque de l’Occupation allemande et du Débarquement américain dans son petit village de La Pernelle. Quel âge aviez-vous en 1944 ? Aviez-vous peur des Allemands ? Que vous demandaient-ils de faire ? J'avais 14 ans en 1944 et non, je n'avais pas peur des Allemands car ils ne venaient pas souvent au village. Il fallait souvent que je leur monte de l'eau fraîche sous la garde d'un sergent non armé qui me surveillait. J'avais un bonbon à chaque fois que j'amenais de l'eau à leur camp ! Quelle image en aviez-vous alors ? Quelles étaient vos occupations ? Alliez-vous à l’école par exemple ? Ils nous offraient des bonbons mais il y avait deux sortes d'Allemands. Au début, ce n'étaient que des soldats entraînés au combat, mais à la fin, c'étaient des pères qui avaient laissé leur famille en Allemagne et qui pleuraient le soir. Mais il y avait aussi des anciens prisonniers libérés pour aller à la guerre. Alors, non, en majorité, ils n'étaient pas méchants. Contrairement à vous, je n'allais pas beaucoup à l'école, et je faisais souvent « l'école buissonnière ». Je trouvais des prétextes pour ne pas y aller comme aider mon père à travailler dans les champs ! ■ « On y voyait comme en plein jour » Avez-vous eu des tracts pour vous annoncer l'arrivée des alliés et où vous trouviez-vous lors des bombardements dans la nuit du 5 juin ? Pas un seul tract n'a été lancé. La nuit du 5 juin, j’étais dans la grange avec mes parents, puis je me suis réfugié dans la tranchée que mes parents avaient construite. Seule notre petite bonne a refusé de nous rejoindre : elle était terrorisée à l’idée de se trouver nez à nez avec des rats ! Toute ma famille, en revanche, s’y était réfugiée, sans oublier nos chiens bien sûrs. Je me souviens même que les voisins nous ont rejoints après les premiers bombardements. La tranchée était en angle pour mieux se protéger des éclats de roches ou d’autres projectiles. Le village de La Pernelle a-t-il été touché par les bombes ? Y a-t-il eu des morts ? Il n'y a pas eu de morts à La Pernelle. Les bombardements ont eu lieu vers 23 h 30, mais avant, il y a eu des fusées éclairantes : on y voyait comme en plein jour ! Notre église a été touchée lors des bombardements, il ne restait plus que le clocher ! Tout a dû être reconstruit. Aujourd'hui, il reste juste le clocher qui est d'époque ! ■ Les bonbons américains meilleurs que les bonbons allemands Comment avez-vous réagi lorsque les Américains sont arrivés à La Pernelle et qu'est-ce qui a vraiment changé ? Les Américains sont arrivés à La Pernelle le 20 juin et on était soulagés de les voir. D’ailleurs, les bonbons des Américains étaient bien meilleurs que ceux des Allemands. Je me souviens aussi qu’ils avaient apporté de nouvelles choses comme des sacs de blé noir, du chewing-gum et aussi des cigarettes qu'ils nous donnaient alors que je n'avais que 14 ans ! Avez-vous gardé des souvenirs de la guerre après la Libération ? Certaines villes ont-elles dû être reconstruites ? Oui, le son des bombes et l'odeur du soufre me hantent encore… Montebourg et Valognes ont été particulièrement touchées. Combien de bombes ont été larguées et avez-vous retrouvé des bombes après la Libération ? J’ai comptabilisé 130 bombardements du 27 avril au 22 juin 1944, vous imaginez ? Bien sûr, il y a eu des pauses entre chaque Marcel Massieu à l’âge de 13 ans, en 1943. largage, mais tout de même… Et oui, nous avons retrouvé à peu près 600 tonnes de bombes. Vos parents ne vous disaient rien pour les cigarettes ? Non, ils ne me disaient rien à ce sujet car ils n'en avaient jamais vu et nous ne connaissions pas les dangers de la cigarette à notre époque. Baptiste Debrix et Mattéo Pitrel Collège Guillaume-Fouace, Saint-Vaast-la-Hougue Nous tenons à remercier M. Massieu pour sa gentillesse et la qualité de ses informations. En tout cas, nous, nous n’oublierons jamais notre rencontre avec vous. « Des images douloureuses qu'on préfère oublier » Pendant la Seconde Guerre mondiale, au moment de la Libération, de nombreuses villes et villages ont été détruits. C'est le cas du hameau aux Fèvres situé sur la commune de Gréville-Hague. Habitant au hameau Christo (Urville-Nacqueville), séparé du hameau aux Fèvres (Gré- ville-Hague) par la vallée du Hubilan, j'ai beaucoup entendu parler des bombarde- Les papiers de Bernard Damourette jeune et la photographie du hameau aux Fèvres après les bombardements. (Sources : Sillons de vie Gréville-Hague 1939-1944 et demain, Mémoire collective, Agnès Lelion). 4 - Classes-Presse - Mai 2014 ments de 1944. Bernard Damourette, alors âgé de 21 ans, grand-père de ma camarade Agathe Lecostey, nous a confié ses souvenirs. Bernard Damourette avait choisi d'être réfractaire : il a refusé de se soumettre aux Allemands. Il était revenu trois jours avant le 1er juin 1944 dans sa famille au hameau Fleury, un village très proche du hameau aux Fèvres. C'était un lieu stratégique pour les alliés anglais : deux radars allemands s'y trouvaient, l'un au-dessus de l'Hôtel Millet et l'autre au sein du village. « Le bruit circulait d'un bombardement imminent de cet endroit. Le hameau aux Fèvres avait été prévenu par l'instituteur de la commune. » Très peu de familles sont parties malheureusement. Bernard Damourette se souvient du 1er juin 1944. « On tremblait dans le lit. » Il se réfugie avec sa famille dans un abri : « C'était une grande tranchée et on avait découpé des troncs de sapins et mis des fagots et de la terre dessus ». Après le bombardement, le hameau aux Fèvres est un paysage de désolation. « C'était un petit Verdun, des amas de corps humains, de cadavres d'animaux, de pneus… des images douloureuses qu'on préfère oublier. » On dit dans le village que seule une famille et une dame seront rescapées de ce bombardement. Les Allemands ont accompagné cette femme jusqu'au hameau Christo. Partie dans l'urgence, elle est arrivée dans une ferme voisine nu-pieds, en chemise avec juste une couverture sur le dos. Au hameau Christo, de Alison Brunet, Bernard Damourette et sa petite-fille Agathe Lecostey. nombreux débris ont été projetés et ont détruit une maison et fait trois morts. Aujourd'hui, le hameau aux Fèvres est reconstruit, mais on peut toujours voir les ruines de l'Hôtel Millet et de la maison de Boris Vian. Alison Brunet, 4e A Beaumont-Hague Passeurs de mémoire Ce montage photo, réalisé par les élèves de 4e D du collège Pierre-Aguiton de Brécey, a reçu cette année le Prix de l'illustration. Il est très représentatif du travail réalisé par les collégiens pour cette opération Classes-presse 2014, où beaucoup sont allés interroger leurs grands-parents, arrière-grands-parents ou autres anciens qui ont vécu le Débarquement et la Libération, il y a 70 ans de cela. Ces témoins (à l’instar de Claudine Grould, Louis Couëtil et Odette Lelandais, de g. à d.) sont allés fouiller dans leur mémoire, leurs photos, leurs archives, pour transmettre aux jeunes d'aujourd'hui leur histoire dans la grande Histoire. Ils se souviennent de ces jours-là Ces habitants de Pontorson et des alentours nous livrent leurs souvenirs d'enfant, d'adolescent ou de jeune adulte sur l'Occupation et la Libération. Jeanne, 13 ans en 1944 Lors du bombardement de Saint-Hilairedu-Harcouët, j'étais seule avec ma petite sœur de 4 ans. Je voulais sortir de la maison car je craignais que les murs nous tombent dessus. J'ai pris ma petite sœur dans mes bras, avec un drap sur elle pour la protéger. Dehors, les gens criaient et couraient. Je pleurais. J'ai retrouvé ma mère deux rues plus loin, mais j'ai perdu mon père. Aujourd'hui encore, je sursaute en entendant des bombes à la télévision. Raymonde, 22 ans en 1944 Je travaillais comme commis dans une ferme près de Coutances. Quelque temps avant les bombardements, les soldats allemands sont arrivés pour réquisitionner la ferme de mes patrons. Ces derniers se sont réfugiés dans l'étable. Nous ne savions rien de ce qui allait se passer. Il nous arrivait d'être brutalisés par les Allemands : un jour, j'ai reçu un coup de crosse sur la tempe. Au milieu de la journée du 6 juin 1944, il y a eu beaucoup d'avions dans le ciel, et les bombardements ont commencé. Je suis allé me cacher dans la ferme des voisins. Après les bombes, il ne restait plus grand-chose. Dans les jours suivants, Roger et Pierre Leboulanger racontent à leur petit-fils l'exode lors de la Seconde Guerre mondiale. Le 12 juillet 1944 reste une date importante dans la mémoire de la famille Leboulanger. Alors qu'ils s'en allaient à pied moudre du grain dans un moulin de La ChapelleEnjuger, « une pluie de 18 obus s'est abattue à 50 mètres de nous. Pierre et Roger Leboulanger Nous nous sommes caraconte l'exode… chés dans les fossés et suite à cet épisode, nous avons décidé de fuir », se rappellent les deux frères. Roger et Pierre Leboulanger avaient 12 et 16 ans lors de cet exode. Ils sont partis avec leurs trois frères et sœurs, leurs parents et leur grand-mère. « Les deux chevaux et les deux ânes que nous avions avaient été tués lors des bombardements, et nous sommes donc partis à pied », explique Pierre. Louise, 6 ans en 1944 Nous habitions à Amiens, pris dans un bombardement. Nous avons assisté à une scène terrible : la mort de cette maman, tenant encore son petit garçon qui pleurait. Nous avons été recueillis par la CroixRouge. Muette pendant trois ans, j'ai reparlé quand mon papa et mon frère sont revenus du camp de Dachau. Mais mon autre frère Raymond et mon cousin Julien ont été tués par les Allemands. Lorsque nous sommes rentrés, nous n'avions plus de maison ni de nourriture. Un prêtre nous a accueillis à bras ouverts à Amiens. J'ai beaucoup souffert jusqu'à l'âge de 20 ans. Mon petit frère était tout pour moi, il était de mon devoir de le protéger. « Dis papy, c'était comment la guerre ? » Jean (au 1er plan à gauche), posant le 1er août 1944 avec des soldats américains. nous avons vu des convois de soldats américains. C'était la première fois que je voyais des hommes de couleur. Jean, 22 ans en 1944 Je tenais une boulangerie dans un village près de Saint-James. Tous les jours, je voyais passer les Allemands. Ma boulangerie a manqué d'être détruite suite à une bombe qui est tombée à proximité. J'ai perdu des proches, en particulier mon oncle. Aujourd’hui, c'est toujours difficile pour moi de parler de cette époque. ■ 500 km à pied Je me rendais régulièrement à Paris voir la famille avec des valises remplies de viandes et d'autres denrées avec la peur d'être arrêtée. J'ai vécu des mitraillages et des bombardements à Pontorson et à Folligny en 1944. Françoise, 18 ans en 1944 Je travaillais dans la boucherie de mes parents. Les soldats allemands ne nous ont jamais manqué de respect. Une petite histoire m'est arrivée : j'étais sortie avec une jupe écossaise, et un jeune soldat m'a dit : « Écossais kaput ! ». Je lui ai répondu : « Non, Écossais venir par là-haut et tatatatata ». Dessin d’Ophélie Perrotte, collège Guillaume-Fouace, St-Vaast-la-Hougue. Ils sont partis avec les voisins qui avaient un cheval pour transporter le peu de bagages et de nourriture qu'ils avaient. Ils sont restés ensemble jusqu'à Buais (Sud-Manche) et ont ensuite pris les convois qui étaient tirés par des chevaux des gens de la commune jusqu'à Vouneuil-sur-Vienne (près de Poitiers). Ils étaient nourris et logés gratuitement dans des centres d'accueil. Ils ont continué à pied pour arriver le 7 août 1944 à Haims, dans la Vienne, à 500 km de chez eux. Pendant presque quatre mois, toute la famille a travaillé dans trois fermes différentes pour être nourrie et logée. Le benjamin, Roger, vivait avec sa mère dans une ferme, les quatre autres frères et sœurs étaient dans la deuxième, et le père était tout seul, dans la dernière. « Ce qui nous inquiétait, c'était de voir les gars du maquis se promener en plein jour avec des mitrailleuses, des fusils, des revolvers et des grenades », a écrit Pierre sur son journal de bord. Le 27 octobre 1944, ils ont pris la route du retour avec la charrette d'un mécanicien. Mais à Pont-Hébert, le pont était détruit. L'aîné de la famille, Raoul, est donc parti à vélo demander de l'aide à son oncle pour qu'il vienne les chercher. Lorsqu'ils sont rentrés chez eux, la ferme était encore habitable, car leur oncle s'y était installé trois semaines après leur départ, et a ainsi pu la préserver. Raoul, lui, est retourné dans la Vienne car pendant ce voyage, il avait rencontré l'âme sœur. Il y a vécu 60 ans. Marin Iziquel, collège Jean-Monnet, Marigny Classes-presse - Mai 2014 - 5 Passeurs de mémoire L’enfance trimballée sur les routes, sous les bombes… Le 6 juin 1944, les Américains et quelques Français débarquent en Normandie pour nous sauver de l'occupation allemande. Deux rescapés de cette époque, Jeanine et Paul témoignent… Quel âge aviez-vous pendant le Débarquement ? Quelle a été votre première réaction ? Pourquoi ne vous êtes-vous pas enfuis ? Jeanine : J’étais âgée de 10 ans lors du Débarquement, j’en avais même très peur. Habitante de Saint Lô, j'ai dû vivre l'exode à cause des bombardements, car ma ville natale a été détruite à 80 %. L'exode consistait en une marche d'environ 30 km par jour pour fuir les bombardements. Paul : Moi, j’étais âgé de 18 ans le 6 juin 1944. J’étais très surpris du bruit des moteurs d’avions et par les ombres des parachutistes (ils étaient 18 par avion de modèle C-47), et en même temps heureux de savoir qu’une nation venait nous délivrer. Je ne me suis pas enfui car les Américains avaient bouclé la ville. De toute façon, je devais travailler à la ferme de mes parents. ■ « Nous étions des nomades » Votre père était-il parti à la guerre ? Où vous cachiezvous et où viviez-vous ? Jeanine : Mon père n'y est pas parti, il était prisonnier de guerre depuis trois ans, donc c'est ma mère qui me protégeait dans plusieurs logements. Nous étions des nomades. Je vivais dans des fermes rencontrées en chemin, où nous avons été accueillies avec ma mère et d'autres personnes. Le manque de place dans les fermes nous obligeait à dormir dehors à côté des haies. Ma mère travaillait pour être nourrie par les fermiers, sinonn nous devions nous trouver de la nourriture nous-mêmes. Dans une des fermes, nous avions retrouvé un oncle et un cousin, un bon moment dans cette période de galère. Paul : Je vivais avec mes frères et mes parents à la ferme. Des Allemands avaient réquisitionné deux de nos chambres, j’avais une sorte de haine de vivre aux côtés de mes ennemis. Sinon, je me cachais avec mes frères et mes amis dans un fossé recouvert de branches et de feuilles pour se protéger des tirs de mortiers. Comment se déroulaient vos journées pendant le Débarquement ? Vous ennuyiez-vous souvent ? Jeanine : Mes journées étaient entre guillemets banales, à part les bombes. J'es- Un vélo d’époque ! sayais de jouer en compagnie des enfants. L’ennui n'était pas présent à cause de l'exode durant pas mal de temps. Paul : Je me cachais et je travaillais à la ferme, et le soir je jouais aux cartes avec mes amis. Avez-vous vu des soldats allemands ? Avez-vous vu ou entendu des coups de feu ? Jeanine : J'ai vu beaucoup de soldats allemands, américains et étrangers, des corps jonchant le sol, et aussi des bombes sifflantes et effrayantes détruisant de beaux bâtiments. Une scène affreuse à vivre, surtout pour mon âge. Paul : Oh oui, j’en ai vu beaucoup de ces Allemands, et surtout des mortiers, des bombes, des grenades, j’en ai gardé ici. Jeanine Groult avait 10 ans au moment du Débarquement. À 88 ans, Paul Paquet conserve des souvenirs intacts de cette période douloureuse. ■ Un moment de bonheur ? Jeanine : Le moment de cette guerre que j'ai préféré, c'est en arrivant à Reffuveille, l'accueil des fermiers qui nous ont tout de suite mises à l'aise. À la fin du siège allemand, les Américains sont venus avec leurs camions pour ramener les survivants dans un de leurs camps où on était nourries et logées. Ma mère, Suzanne, a refusé d'y rester, donc elle a pris l'initiative de quitter le camp pour retrouver son habitation. Le long de notre route, des corps jonchaient le sol, mais en rentrant chez nous, nous sommes tombées sur des jambons abandonnés par des soldats allemands qui avaient pris notre maison comme camp et qui ont fui rapidement. Paul conserve chez lui de nombreuses reliques du Débarquement, dont des casques et des armes. « Papa, on est ti mort ? » Solange Benoît, adolescente lors du Débarquement, vivait avec sa famille à Equeurdreville. Ses souvenirs sont toujours intacts. Romain Marcheron et Evan Calas, 4e A, collège Ferry, Querqueville Sous l’occupation allemande « Les familles ont su que la guerre était déclarée grâce aux sons des cloches qui retentissaient dans la ville. Des personnes l’ont aussi su au moment où un membre de leur famille a reçu une lettre de mobilisation. » Solange Gilot de Lingreville et Marthe Levavasseur de Dragey se souviennent. Leurs communes respectives ont toutes les deux recueilli des réfugiés de Saint-Lô qui fuyaient la répression allemande. « Notre famille a construit une tranchée le long d’une butte : elle pouvait s’y réfugier, mais heureusement, les bombardements étaient très rares dans les petites communes. Les Allemands occupaient aussi les maisons », explique avec émotion Mme Gilot. « Les Allemands se sont approprié nos maisons, ils occupaient nos chambres mais également les autres pièces de la maison ». Marthe raconte : « Un jour, un soldat allemand s’est approché du berceau de ma sœur et a pleuré ». ■ « On n'oubliait pas la messe » Pendant la journée, les soldats allemands patrouillaient 6 - Classes-Presse - Mai 2014 les lumières devaient être impérativement éteintes. ■ « On dissimulait le beurre sous nos blouses » Solange Gillot se souvient de l'occupation allemande dans son village de Lingreville. dans la ville, principalement à Saint-Lô et Coutances. Donc, les familles étaient surveillées et ne pouvaient pas faire ce qu'elles voulaient. Durant cette journée, elles effectuaient leurs activités quotidiennes : elles pouvaient se promener dans la rue sans problème. Les enfants allaient toujours à l'école. « On ne sortait pas beaucoup pendant la journée, mais on n’oubliait pas la messe de 7 heures », explique Solange. Cependant le soir, le couvrefeu étant à 21 heures, il était impossible de sortir plus tard, Le petit-déjeuner était souvent constitué de pain, de lait, de crêpes. Le déjeuner et le dîner étaient parfois composés de viande, de beurre et d'un seul paquet de café par personne, car les rations étaient limitées à cause des bons ; les bons existaient pour toutes sortes de produits. À la ferme, lorsqu'ils avaient des vaches, les agriculteurs vendaient leur beurre. « Il était dur se nourrir car il fallait des bons pour tout », raconte Marthe. Les Allemands, qui ne souhaitaient pas que les fermiers vendent leurs produits, réquisitionnaient leur beurre : « On échangeait du blé contre du pain et on dissimulait sous nos blouses le beurre pour le vendre », nous a confié Solange. À la libération, la commune de Dragey a accueilli l’armée de Patton pendant environ un mois. Cassandre Louis et Marie-Amélie Bisson 4e Bleue, Granville Solange Benoît « On a vu des avions de parachutistes canadiens dans le ciel... » « Un jour, nous sommes partis de notre maison Mon grand frère fut pris pour un espion des qui était à Equeurdreville et à notre retour, des Allemands et les Américains l'ont arrêté. Ils ont bombes l'avaient détruite. Nous avons dû loger mis un certain temps avant de le relâcher. dans une autre maison à Urville-Nacqueville. Les Allemands venaient dans les maisons C'était plus pratique de vivre à la campagne, car pour prendre les radios et tout objet de comla vie y était moins pénible, mais c'était tout de munication. même des conditions difficiles : on avait à manUne femme ayant trois enfants a été blessée ger 271 g de pain par jour, des pommes de terre par une bombe. Elle a trouvé refuge chez nous, issues de nos récoltes et du lait. et nous avons essayé de la soigner tant bien que J'avais 13 ans lorsque les Américains ont démal. Mais elle est morte sur la route en direction barqué, on entendait les bombes siffler, et notre de l'hôpital. père nous disait que lorsqu'elles sifflaient, elles Les Allemands n'étaient pas tous désagréane nous atteindraient pas. J'entends encore ma bles. Un jeune Allemand nous donnait des bonpetite sœur demander à mon père : « Papa, on bons. est ti mort ? » L'accès à la plage était interdit, l'école était On a vu des avions de parachutistes canaprise par les Allemands et les Américains diens dans le ciel, et l'un d'entre eux s'est avaient fait un camp de prisonniers, mais la Liécrasé dans un champ pas loin de chez nous. bération était proche. On le sentait… » Je me rappelle qu'il y avait trois Canadiens morts. On récupérait la toile des parachutes pour faire des vêtements, et ma mère nous faisait des corsets, je détestais ça ! Soraya Mazirt et Lucie Nothommes, 4e B, collège Le Hague-Dick, Beaumont-Hague Passeurs de mémoire Et les friandises débarquent ! La Seconde Guerre mondiale a pris fin grâce à l'aide précieuse des soldats américains. Mais l'histoire n'est ni toute noire ni toute blanche. Certaines personnes les ont vus comme des héros, et d'autres pas… Claude Fauvel, 77 ans, chaudronnier à la retraite, n'avait que 4 ans lors du Débarquement. Pourtant, certains souvenirs remontent à la surface. Comme marqués au fer rouge. « Nous avions dû quitter Equeurdreville dès les premiers mois de guerre. Nous nous étions tous réfugiés chez ma grand-mère qui avait une ferme à Benoistville. Nous y avons passé toute la guerre jusqu'à la Libération. » Le Débarquement et l'arrivée des premiers Américains ont été vécus comme un soulagement. Mais c'était effrayant aussi, comme en témoigne Christiane Delauney, 8 ans à l'époque. « À cause des grondements sourds et infernaux, j'avais l'impression qu'on allait être engloutis : ils y avaient des tirs sans interruptions ! » Elle était seule avec sa mère et ses frères et sœurs dans son petit village à Brix, son père était prisonnier en Allemagne. « Les gens étaient heureux de voir les soldats américains arriver, se souvient l'ancien chaudronnier. On savait qu'ils venaient nous libérer. Mon frère et moi (âgé de 7 ans à l'époque) les aidions à se repérer car ils se perdaient souvent ! » Les soldats distribuaient facilement des friandises aux enfants. « D'ailleurs, mon frère construisait une boîte en carton, il se postait devant la maison et Claude Fauvel, 77 ans, ancien chaudronnier, en photo avec son petit frère. attendait le passage des Américains qui lui déposait des bonbons dedans ! » Pour Claude Fauvel et les enfants de l'époque, les Américains sont des héros. Les enfants, privés de friandises et de chocolat pendant les années de guerre, l'arrivée des Américains, c'est le retour du plaisir et la découverte du chewing-gum ! ■ Un autre son de cloche… Mais pour les adultes, c'était plus compliqué que ça… Claude Fauvel nous explique : « La plupart des gens étaient surpris de voir des soldats de couleur dans les rangs. C'était pour certains la première fois qu'ils voyaient des noirs, même s'ils en avaient déjà entendu parler. Les gens étaient choqués du comportement de certains militaires US vis-à-vis d'eux. Christiane Delauney avait 8 ans au moment du Débarquement. Ils étaient traités comme des esclaves, et les tâches ingrates leur étaient réservées. » En 1944, les troupes noires américaines subissaient la ségrégation, car non seulement le noir était obligé de servir dans une armée régie par les lois ségrégationnistes, mais la nourriture qui lui était allouée et les quartiers où il était logé étaient toujours de piètre qualité, comme l’était également la formation militaire qu’il recevait. De plus, on retrouve dans les documents administratifs de l'époque signés pour certains par le commandant Bouloc, des crimes de soldats américains non punis : viols, vols et autres… Alors ces Américains, héros ou pas ? Lisa Grisel et Léa Kermorgant c. Le Corre, Equeurdreville La guerre vue par les femmes Le point de vue des femmes sur la guerre est différent des témoignages des soldats. L'occupation a bouleversé leur quotidien. Trois femmes de Bricqueville-sur-Mer témoignent. Liliane, 6 ans à l'époque : « Le bouche à oreille concernant la guerre devenait de plus en plus fréquent, et nos craintes furent confirmées lorsque le tocsin retentit. Les radios nous avaient averties que la guerre allait éclater. Heureusement, nous avons été isolées de la guerre. Contrairement aux citadins, nous n'avons pas vécu la faim grâce à la ferme qui nous apportait tout le nécessaire. Cependant, nous bénéficiions quand même de tickets de rationnement. » Nicole, 8 ans lors de la guerre : « On avait peur sans avoir peur car on ne savait pas ce qui allait se passer. Un jour, les Allemands ont traversé la cour, c'était de début de l'Occupation. Par la suite, le couvre-feu, les tickets de rationnement faisaient partie de notre quotidien. Nous nous éclairions à la bougie que nous fabriquions nous-mêmes à base de graisse de porc fondue, d'une ficelle pour faire la mèche ; une pompe à vélo servait à les mouler. Nous devions aussi fabriquer nos propres savons. Un après-midi, mon père a vu les Allemands traversant la cour afin d'atteindre les chars qui se situaient dans un champ pas très loin. Il a aussi remarqué un jeune allemand attristé. Celui-ci a réussi à lui faire comprendre qu'il ne vou- Avec l'arrivée des Américains, les petits Français retrouvent le plaisir des friandises et découvrent le chewing-gum. Les Allemands et les Américains sont passés dans la maison de Paulette Paulette Lemoine, âgée de 75 ans, témoigne de sa vie à l'époque du Débarquement. Habitant à Cérences, dans une ferme sur la route de Lengronne, elle était à cette époque âgée de 5 ans. Son père étant parti à la guerre huit jours après sa naissance, le 3 septembre 1939, elle vit avec sa mère et sa tante. La guerre est déclarée le jour de son baptême. Les cloches de l’église de Cérences sont arrêtées pour faire sonner le tocsin qui annonce la guerre. Son père est rapidement fait prisonnier dans une ferme allemande, de 1940 à 1945. Une première permission lui est accordée en 1944, Paulette est alors âgée de quatre ans et demi. En 1943, elle a assisté à une scène de pillage, chez elle. « Les Allemands tenaient ma mère et ma tante en joue pendant que les soldats prenaient et fouillaient toute la maison. Ils ont tout pris, les draps brodés, le linge, les bijoux précieux de ma mère… Tout ce qui leur plaisait ? » La maternelle n'existant pas, Paulette n'est allée à l'école qu'à l'âge de 6 ans. Elle ne s'est pas tout de suite rendu compte de ce qui se passait. « Je voyais ma mère avoir peur et je sentais qu'il se Paulette Lemoine se souvient d’une scène de pillage chez elle par les soldats allemands. passait quelque d'anormal. » chose ■ Les Américains dans l'étable « En 1944, les Américains ont débarqué avec un escadron dans la cour de la ferme, et ils ont installé leur commandement dans l'étable de nos vaches Ils y sont restés pendant deux-trois mois. » Paulette, à son âge, ne fait pas la différence entre les Allemands et les Américains qui viennent juste de débarquer. La peur est identique. « Je me souviens que les avions lançaient des obus sur le pont de Cérences. Mon grand-père, qui avait peur pour moi, est venu me chercher en vélo pour m'emmener en « sécurité », comme il disait, chez lui. Il habitait sur la route de Bréhal, poursuit-elle. Quand nous sommes passés sur le pont, à 500 m derrière nous, un obus est tombé et a détruit le pont ». Dans cette période, un officier américain s'est pris d'amitié pour elle. « Je ressemblais à sa fille. Je le suivais partout… » Aujourd'hui, Paulette ne parle pas de cette période. La classe-presse lui a permis de se souvenir et de raconter son histoire à sa petite-fille. Cette période restera gravée dans sa mémoire… Véronique Pasturel et Cécile Lemoine Montmartin-sur-Mer « On a vécu l'Exode avec les patients du Bon Sauveur » Nicole, Marie-Thérèse et Liliane se remémorent l'Occupation. lait pas faire la guerre, et qu'il y était obligé. Ceci marqua mon père jusqu'à la fin. Mon père connaissait des Russes et des Polonais qui se cachaient. Il les nourrissait tout en gardant une certaine discrétion, il devait éviter que les Allemands ne les remarquent et les arrêtent. Un jour, mon père est parti leur donner à manger, mais ils n’étaient plus là. Il supposa alors qu'ils étaient partis se réfugier en Amérique. » Marie-Thérèse, 24 ans à l'époque : « Le soir pour nous occuper, on avait le choix entre tricoter et filer la laine. Pendant la journée, nous travaillions dans la ferme, les conditions étaient dures, à cause du froid. Pour y remédier, nous avons eu l'idée de faire chauffer des cailloux, et de les mettre dans nos poches, cela nous permit de nous réchauffer les mains. » ■ Le débarquement américain Nicole et Liliane, deux sœurs, et Marie-Thérèse, leur amie, témoignent enfin du Débarquement des Américains. Les cloches se sont mises à sonner. Elles se souviennent avoir vu les Américains arrêter des Allemands. Marie-Thérèse se rappelle de la venue du général De Gaulle à Bricquevillesur-Mer. Deux de ses oncles partis pour la guerre ne sont jamais revenus, un autre qui avait été fait prisonnier fut libéré au bout de 5 ans. « Bien que préservées, la guerre nous a tout de même gâché notre jeunesse. » Alison Teffaut, Shannon Germanicus, Emilie Roupnel, c. Les Courtils, Montmartin-sur-Mer TémoignagedeSœurLamache,anciennesœurde la fondation du Bon Sauveur, sur l'Exode de 1944 Lors de l'Exode, vous rappelez-vous combien de malades vous accompagnaient ? On était séparés en plusieurs groupes, mais il y avait environ 600 patients, 60 employés et 90 religieuses. Et à la fin de la guerre ? Nous n'avons pas connu beaucoup de décès, mais je crois me souvenir qu’une sœur est morte dans une expédition pour aller chercher des médicaments, puis des malades que nous n'avons pas pu sauver. Après, il y avait des sœurs restées sous les décombres de l'hôpital. Aviez-vous été prévenues qu'il fallait évacuer l'hôpital ? Oui, nous avons reçu l'information deux jours auparavant. J'étais partie à l'avant pour cher- cher des fermes, des granges pour nous loger. Je me souviens avoir prononcé toujours la même phrase aux propriétaires : « Auriez-vous quelque chose pour la soupe ? Combien êtes-vous ? 70 ! ». Comment avez-vous réussi à soigner les malades et les instables ? Nous disposions de médicaments emmenés lors de notre départ subit. Quant aux malades instables, ils étaient attachés entre eux avec une corde ou portés sur des brancards. De quoi vous manquiez le plus ? Contrairement à ce que les gens pensent, ce n'est ni de nourriture, ni d'eau, mais de manque de place et d'hygiène. Alors là, ce n'était pas très propre et je n'ai pas pu me Sœur Lamache en 1944. coiffer pendant 15 jours, puis on ne se changeait pas. Aviez-vous peur ? Évidemment, nous avions peur, la mort était tout près. Nous la côtoyions avec les morts, nous étions tellement préparées à mourir que nous étions presque déçues d'être encore en vie. Anaïs Montaigne, Anaïs Tirel, Ludivine Gratraud c. Interparoissial, Saint-Lô Classes-Presse - Mai 2014 - 7 D É C E M B R E 2013 ! E R I O T S I H N O S C E V A S U O V Z E D N E R A E H C N A M LA D D A Y 6 JUIN 2014 70 ANS 1944 ••• 2014 DE PAIX PARTAGÉE AVRIL 2014 – ILLUSTRATION © NOËLLIE BRUN e de paix g a s s e m e r t o Déposez v otre nom et inscrivez v dans l’Histoire De mai à septembre, au Musée du Débarquement à Utah Beach (Sainte-Marie-du-Mont) TÉMOIGNEZ AUSSI EN LIGNE SUR : D D A Y 6 JUIN 2014 70 ANS 1944 ••• 2014 DE PAIX PARTAGÉE Des hommes dans la guerre Quand le courage se transforme en amitié Rien ne prédestinait Marcel et Albert à se rencontrer. Une forte amitié va naître entre le para américain et le paysan normand, à partir du 12 juin 1944. Peu après le Débarquement des alliés américains, à Muneville-leBingard, les soldats allemands ont envahi le village. Marcel Bollag se réfugie donc dans une ferme, où il rencontre Albert Ourselin. Ce dernier se lave les mains à une pompe devant la maison, et c’est à ce moment-là que l’Américain en profite pour lui demander : « Pouvez-vous m’aider à m’évader ? » Étonné que l’homme parle français, il lui répond qu’il préfère demander à sa femme avant de lui donner sa réponse. Peu de temps après, Albert revient vers Marcel et laisse tomber un morceau de papier plié, où est inscrit : « À minuit, cachez-vous derrière la haie du jardin, je serai là. » ■ Sous les yeux de l’occupant À minuit, Albert est là. Alors qu’il fait nuit noire, Marcel le suit, accompagné d’un de ses copains. Il les emmène dans sa maison, où il leur donne à boire et à manger. Pendant plusieurs jours, Marcel se fait passer pour un civil français. Vêtu des plus mauvais habits trouvés dans la maison, il aide à la forge. Les jours suivants, il donne un coup de main à Albert pour ferrer ses chevaux et au passage quelques-uns des troupes allemandes. Après quelques jours, il devient un véritable forgeron, avec le visage crasseux, qui remplace son camouflage du Jour J. La forge se trouve à proximité d’une maison, transformée en un hôpital pour l’armée allemande. Le va-et-vient des soldats allemands inquiète de plus en plus Albert Ourselin : il a peur que l’Américain ne se fasse repérer, risquant la vie des villageois. Après s’être renseigné auprès des forces de la résistance locale, Albert fait traverser la mer de la Manche à l’évadé, de Gouville jusqu’à l’Angleterre. Pour cet acte de courage, Albert Ourselin a été récompensé d’un diplôme signé du Général Eisenhower. Leur histoire ne fait que commencer. En effet, Albert Ourselin et sa famille sont restés en contact avec le soldat américain. Ce dernier sera présent aux funérailles d'Albert Ourselin en 1981. Et jusqu'à son décès, en janvier 2013, Marcel Bollag reviendra régulièrement en Normandie. Collège Jean-Paul-II, Coutances Albert Ourselin photographié près de la pompe dans la ferme voisine de Niétot, d'où il fit évader Marcel Bollag et son copain John Kersh (Photo Henri Levaufre, 1976). Un aviateur américain caché à Vernix Prisonnier quatre ans au Stalag III A Il y a 70 ans, au Débarquement, un Américain a été protégé par un agriculteur à Vernix pendant 52 jours. René Briant (fils d'Auguste Briant), aux côtés d'un portrait de Weston Leunox. René Briant a 12 ans lors du Débarquement. Aujourd'hui, il en a 82. Il nous raconte de vive voix l'histoire de son père. Celui-ci s'appelle Auguste Briant, il est agriculteur à Vernix. Le 6 juin 1944, le matin du Débarquement, il se souvient avoir vu des avions américains qui « ronflent » dans le ciel. Les Allemands abattent un appareil américain, et son pilote a eu le temps de sauter en parachute. L'appareil s'abat dans un champ. Voyant un bâtiment, le parachutiste se précipite pour se cacher. Mme Pichon, la voisine, est aux champs quand elle aperçoit au loin un soldat qui se dirige vers la grange de M. Briant. ■ Les présentations Dans l'après-midi, Mme Pichon va avertir Auguste, pensant qu'il s'agit d'un Allemand. Le soir même, il essaye de découvrir l'intrus qui se camoufle sous la paille dans sa grange. Après avoir remué plusieurs fois la paille, il aperçoit un homme avec un revolver. Celui-ci voit l'agriculteur en civil, baisse son arme, s'approche et lui serre la main. Il se présente au cultivateur. Il s'appelle Weston Leunox, il a 24 ans, il vient d'Amérique. M. Briant lui fait comprendre qu'il peut rester. Il va chercher des provisions et lui présente sa femme. ■ La cachette Le lendemain, Weston Leunox lui demande : « Où suis-je ? Quelle est la gare la plus proche ? ». M. Briant lui répond : « Vous êtes à 10 - Classes-Presse - Mai 2014 Vernix, vous ne pouvez pas partir à cause des Allemands ». Auguste vient tous les soirs le ravitailler et le sortir. Au bout de 9 jours, pour plus de sécurité, il l'installe dans un tonneau qui est dans une cabane près de chez lui. Weston y resta 42 jours. René et le reste de sa famille ignorent qu'il est près de leur maison jusqu'au 31 juillet. ■ La libération Les Américains étant à Tirepied, M. Briant prévient Weston. Le soir même, le major Lenox tente de rejoindre ses camarades, il tombe sur une embuscade de trois Allemands, il en tue un mais les deux autres le poignardent. Weston rentre chez M. Briant. Auguste le soigne comme il peut. Le lendemain matin, Auguste va au camp américain de la Croix-rouge. Accompagnée de M. Briant, l'armée américaine vient sur place reconnaître son compagnon. Il est soigné à l'hôpital de Saint-Lô, puis transféré en Angleterre pendant plusieurs mois pour se rétablir. Auguste ne sait alors pas si Weston a survécu à ses blessures. Un matin en janvier 1945, il reçoit une lettre venant de l'étranger. Il lut la lettre écrite par Weston Leunox avec beaucoup d'émotions. Il est en vie. Laurence Debon, Louise Patfoort Lauriane Alexandre, Anastasia Balayn 4e D, collège Georges-Brassens, Brécey Malgré ses 94 ans, Marcel Leplé, résidant à Tirepied, se souvient de son vécu pendant la guerre. Né le 6 mars 1920 à SaintLaurent-de-Cuves, Marcel est domestique jusqu'à ses 20 ans dans cette même commune. Après l'invasion de la France par les Allemands en mai 1940, Marcel est fait prisonnier le 20 juin de la même année. « Alors que j'étais dans la Somme pour acheter du blé, je me suis retrouvé encerclé par de nombreux Allemands armés de mitraillettes », déclare-t-il. Marcel est emmené à Dortmund en Allemagne, où on l'oblige à travailler dans une usine : « Les usines allemandes sont plus modernes qu'en France », dit-il. Quelques jours plus tard, un volontaire est demandé pour travailler dans une écurie. Marcel s'y résout et part au stalag III A. « Dans cette écurie, j'étais bien nourri et bien chauffé. » Là-bas, il rencontre une jeune fille qui lui apprend l'allemand. Marcel nous raconte : « Deux de mes amis ont tenté de s'échapper. Le premier a réussi, l'autre a eu de graves ennuis. » Marcel n'est pas effrayé par les Allemands, même si ces derniers fouillent partout par peur de trouver des armes, des bombes ou autre… Le 7 mai 1945, les Américains le libèrent, après qu'il a passé quatre ans sans voir sa famille : « Je pouvais seulement leur envoyer des lettres. » Trois jours après, Marcel est de retour chez lui à Saint-Laurent-de-Cuves, après un long voyage dans des wagons à vaches. Un souvenir un peu confus l'a particulièrement marqué : « J'ai vu des gamins d'une dizaine d'années manier des armes à feu. » Noémie Roblin, Laurène Samson, Océane Bainée et Jasmine Charki, 4e D collège de Brécey À gauche, portrait pris le 17 mars 1942 au Stamag III A. À droite, Marcel Leplé dans son domicile, le 29 mars 2014. Qu'est-ce que le Stalag III A ? Contrôlé par l'Allemagne nazie, le Stalag III A est un camp de prisonniers situé à Luckenwalde, dans le Brandebourg au sud de Berlin. Des prisonniers de différentes nations y sont retenus : des Français, des Américains, des Russes, des Roumains et bien d'autres encore. Ce site a été créé pour accueillir près de 10 000 hommes, et il est considéré comme un modèle pour les autres camps d'Allemagne. Illustration de la 4e A du collège Jules-Ferry, Querqueville Des hommes dans la guerre Un jeune Anglais de 17 ans en première ligne Ernie décide en 1941 de suivre l’exemple de son frère aîné, engagé dans la Navy. Malgré son jeune âge, il participera au débarquement du 6 juin 1944 à bord du HMS Melbreak. ■ « Je suis bien trop naïf » « Mars 1941, la guerre a commencé depuis 18 mois, c’est enfin mon tour d’y participer. Âgé de 17 ans et demi, en bonne santé, je suis prêt à m’engager. Je décide d’aller m’enrôler dans la Royal Navy. J’entre dans le bureau d’inscription où un homme en uniforme de Petty Officer attire mon attention. Il me regarde et me dit : - Bonjour jeune homme. Que puis-je faire pour toi ? - Je souhaiterais rejoindre la Navy, dis-je très vite. Il m’accueille à bras ouverts. - Assieds-toi. Veux-tu un thé ? Quelle prévenance, j’ai déjà un traitement de faveur, alors que je ne fais même pas encore partie de la Navy ! Mais je suis bien trop naïf de penser qu’il va en être ainsi tous les jours. - Alors, tu veux être marin ? Bien. Tu n’aurais pas pu trouver mieux. Pour le moment, nous cherchons des hommes seulement pour de courts services, sept ans sous les drapeaux et cinq comme réserviste. La guerre va-t-elle durer si longtemps ? On dit pourtant qu’elle va se terminer vite. Je passe ensuite des examens physiques et médicaux et un test psychologique. Je veux rejoindre mon frère qui a 20 ans et qui est engagé depuis 1938. Il sert sur le HMS Liverpool. Je le retrouve à Scapaflow, où sont rassemblés les bateaux. » Le HMS Melbreak. ■ « J’ai du mal à croire que la mer peut être aussi vaste » « Une fois arrivé au port, j’observe pour la deuxième fois de ma vie la mer. J’ai du mal à croire qu’elle peut être aussi vaste. Je n’ai jusqu’alors jamais vu un navire de guerre. Mon sac sur le dos, je monte à bord. Je suis très impressionné par sa taille. Le bateau s’éloigne des côtes, c’est ma première expérience maritime. Je me présente au capitaine. Il me désigne mon poste : mitrailleur. Puis on m’indique mes quartiers où je retrouve mon frère, stupéfait de me voir. - Que fais-tu ici ? - Je suis venu faire la guerre. Comme ce navire est grand ! - Tu es stupide, tu vas bientôt regretter ta décision. » ■ « 6 juin 1944, je ne suis plus le jeune homme qui vient de s’engager » « 3 juin 1944, nous sommes consignés à bord du HMS Melbreak en attente du départ vers la France. Personne ne peut quitter le navire. 5 juin 1944, nos supérieurs nous informent de notre mission du lendemain. C’est une longue soirée d’attente, pleine d’anxiété. Nous avons tous du mal à nous endormir. Finalement, le soleil commence à percer les nuages. C’est la fin de la tension sur tout le navire. 6 juin 1944, je ne suis plus le jeune homme qui vient de s’engager à la Royal Navy, mais un soldat participant à la Seconde Guerre mondiale. La traversée est longue. Je vérifie les canons, les mitrailleuses… Des avions nous survolent et tirent. Nous ripostons aussi. La peur occulte toutes nos pensées. La tension est très forte sur le bateau. Nous naviguons de concert avec les autres navires anglais. Nous voilà au milieu des combats, cela tire de partout. Nos bateaux forment un triangle en dehors duquel toutes les forces sont ennemies. On reçoit un message des Américains. Ils réclament de l’aide car ils ne peuvent bombarder les Allemands de peur de blesser leurs troupes. Pendant deux jours, nous faisons donc d’incessants allers et retours pour bombarder les troupes allemandes sur la côte. Un grand-père pas comme les autres Maurice Marland était le chef de la résistance à Granville pendant la Seconde Guerre mondiale. C’était un professeur de français, de mathématiques et d’instruction civique. Nous avons rencontré son petit-fils, Yann le Pennec, anciennement éducateur, aujourd’hui à la retraite. Yann Le Pennec est né en 1940, et a connu brièvement son grand-père. On lui en parle, par sa mère, par des livres, par des gens, il a commencé en 2007 un travail de mémoire sur ce Maurice à travers les livres, les gens qui l’ont connu, sa mère. Il se sent porté par les mêmes idées, les mêmes valeurs, c’est peut-être pour cette raison qu’il a aimé son métier. Yann est fier d’avoir un grand-père comme Maurice. Mais revenons un peu en arrière… Maurice Marland enseignait dans le second étage du bâtiment du collège Ferdinand-Buisson, qui est aujourd’hui la médiathèque de Granville. Mais déjà avant, il était très engagé et s’était dévoué pour les autres : il s’était occupé aussi des orphelins de la guerre 14-18 par exemple. Il était très respecté, très connu dans Granville. C’était quelqu’un de très exigeant au point de vue de l’éducation de ses enfants, malgré son divorce. Très cultivé, il sortait souvent avec ses élèves, subjugués par sa façon de sortir des citations, poèmes. Il n’hésitait pas à donner quelques corrections en classe ; un orphelin avait fait l’école buissonnière et Maurice lui avait mis une gifle : cet élève a 84 ans aujourd’hui, et il dit encore sentir sa joue brûler. Il était un peu provocateur envers les Allemands, en restant très digne. De sa classe, lorsqu’une patrouille allemande passait, Ernie Linstead sur le HMS Melbreak. (© Famille Linstead) Le troisième jour, notre mission est terminée. Nous escortons les troupes à terre. Mais un navire allemand arrive droit sur nous. Les troupes américaines ont atteint la plage… pas nous… Notre bateau est bombardé. Je me réveille dans un lit d’hôpital. J’ai eu beaucoup de chance. Je m’en tire avec quelques morceaux de métal dans le dos et à la tête. » Collège Jean-Paul-II, Coutances Qui était Georges Lavalley maire de « la Capitale des ruines » ? On le voit partout s'occuper de tout, pantalon relevé, pour éviter la boue recouvrant les rues de Saint-Lô. Georges Lavalley est l'incarnation du courage et de la volonté. Le maire des ruines Le bilan est catastrophique, une fois l'émotion passée de la Libération. Saint-Lô est détruite à 80 %. Georges Lavalley a œuvré de 1944 à 1953 pour la reconstruction de Saint-Lô. Semeur d'optimisme et de ténacité, on a vraiment l'impression qu'il commande, qu'il agit et qu'il entraîne. Un homme de terrain Yann Le Pennec, petit-fils de Maurice Marland. Maurice Marland ouvrait les fenêtres et faisait chanter à ses élèves It’s a long way to early, une chanson anglaise contre les Allemands. ■ Le réseau Marland Maurice Marland constitue, au début de la Seconde Guerre mondiale, un groupe de renseignements : le réseau Marland. En mai 1943, il fait parvenir à Londres un rapport sur Granville et ses alentours, notant l'emplacement des défenses allemandes. Il est arrêté par les Allemands le 18 juin 1942 dans sa classe. Il est torturé mais relâché fin septembre 1943. À Granville, il reprend ses activités. Le 22 juillet 1944, la police allemande l'arrête à La Croix du Lude et l'emmène au presbytère de La Rochelle-Normande où se trouve la kommandantur. Pendant la nuit, les habitants entendent des coups de feu. Ils retrouveront le corps de Maurice Marland sans vie, dans un ravin. ■ Le souvenir Il y a une stèle à la Lucerned’Outremer et à Granville, qui le représente. Chaque année, le 22 ou 23 juillet, une cérémonie a lieu à la Lucerne et à Granville devant la stèle ; aussi la randonnée Marland, chaque année, va de la Lucerne à Granville. Yann Le Pennec a assisté aux cérémonies, dès l’âge de 7 ans, les gens le saluaient, l’acclamaient… il riait car il ne comprenait pas pourquoi. Zeyd Ghomri et Jean Barbier, I. Sévigné, Granville, 4e Bleue On voit Georges Lavalley s'occuper de tout, pantalon relevé, pour éviter la boue recouvrant les rues de Saint-Lô. Parmi les mesures qu'envisage Georges Lavalley pour établir une première capacité de logements pour les sinistrés, figure la construction de grands immeubles dans les zones à remembrer. Il apparaît en effet qu'en raison de l'ampleur des problèmes posés par la reconstruction, il consulte individuellement tous les sinistrés de Saint-Lô. Reconstruction et patience Le principe ne peut que séduire l'assemblée municipale mais, entre le projet et la réalisation, il y a obligatoirement un délai que Lavalley n'imagine pas forcément. Ce délai va être de quatre longues années. Le buste de Georges Lavalley, ancien maire de Saint-Lô. Après avoir défini un périmètre d'action, le programme de reconstruction d'urgence envisage le déblaiement des cours d'eau puis « le maire des ruines » organise la reconstruction des immeubles. Ce plan d'urgence est mis en place le 15 novembre 1944. Une fin tragique Après avoir connu les horreurs des deux guerres et dépensé tant d'énergie pour reconstruire Saint-Lô, Georges Lavalley meurt le 5 avril 1959 dans un accident de la route. Louis Macrel, Robin Delozier, Jérémy Fréret, collège Interparoissial, Saint-Lô À l'issue de la Libération, Saint-Lô est un champ de ruines. Classes-Presse - Mai 2014 - 11 La vie malgré tout L'enfant du pont de Rocheville Né le 19 juin 1944 sous un pont, qui porte aujourd'hui son nom, MICHEL BRISSET nous raconte son histoire. d'abord cru qu'il y avait des Allemands en dessous ; ils avaient préparé les grenades. Heureusement, un homme réfugié sous le pont avec mes parents a eu le courage de leur montrer le bébé. Les Américains ont donc protégé le pont pendant les combats. Une fois que Rocheville a été libéré, les villageois sont rentrés chez eux. Mes parents sont revenus à Cherbourg par la suite. Pourquoi votre mère vous a donné naissance sous ce pont ? Beaucoup de personnes sont parties dans la campagne durant la guerre. Mes parents se sont donc retrouvés à Rocheville, car ils avaient de la famille et des amis. Cela faisait environ un an que mes parents vivaient là-bas quand je suis né. Le 18 juin, les combats ont commencé, mes parents sont donc partis sous un pont près de leur maison pour se mettre à l'abri des bombardements. Je suis né le 19 juin au matin, sous le pont où ils s'étaient réfugiés ! Dans quelles circonstances s'est passé l’accouchement ? Y a-t-il eu des difficultés ? C'était très rudimentaire, comme au Moyen Âge ! Ils ont fabriqué un lit avec des branches et ils ont chauffé un peu d'eau pour désinfecter. Votre mère était-elle seule ou a-t-elle eu de l'aide ? Il y avait mon père et un forgeron. Ensuite, des soldats américains sont venus les aider. Comment se sont passés les premiers jours de votre vie ? Quelques heures après ma naissance, les soldats américains sont venus délivrer Rocheville, et quand ils sont arrivés près du pont, ils ont ■ « J'ai failli m'appeler Moïse » Comment avez-vous appris les circonstances de votre naissance ? Je l'ai appris à l'âge de 5 ans par mes parents. Au départ, je n'ai rien trouvé d'extraordinaire à cette naissance, j'étais trop jeune pour avoir conscience des choses. Mais aujourd'hui, à 70 ans, je trouve le lieu de ma naissance très original ! J'ai appris aussi à cette occasion que j'avais failli être prénommé Moïse. Mes parents étaient très croyants et étant né près des eaux, cela semblait être un prénom de circonstance. Avez-vous cherché à revoir l'homme qui a aidé votre mère ? J'ai recherché le forgeron qui avait aidé ma mère vers l'âge de 20 ans. Malheureusement, il était décédé quelques années auparavant. Je n'ai donc pas eu la chance de le rencontrer et d'évoquer avec lui l'événement. Michel aura pour ses 70 ans une belle fête d'anniversaire ! Enzo Boché, Jérémie Lepetit et Jules Robichon c. Le Corre, Equeurdreville Michel Brisset à côté du pont où il est né. Et les familles dans tout ça ? Comment vivaient les familles pendant la guerre ? Beaucoup de personnes se posent la question. Suzanne Letondeur a accepté de nous raconter ses souvenirs. À l’époque, elle avait 11 ans et vivait à La Colombe, petit village à quelques kilomètres de Villedieu-les-Poêles. © Jules Robichon Une famille au cœur de l'histoire C’est une famille bien normande, au cœur du Val de Saire, qui témoigne, à travers la doyenne Marguerite, de la vie au quotidien sous l’occupation allemande, et des moments formidables de la paix retrouvée suite au Débarquement. La petite histoire dans la grande Histoire. Alfred et Marguerite Levaché se marient en mai 1942. Ils exploitent une petite ferme à Teurthéville-Bocage au cœur du Val de Saire. Leur vie de jeunes mariés est rythmée par les cartes de ravitaillement, la peur de partir en Allemagne et la naissance de trois filles. ■ Caché dans les toilettes pour éviter la rafle « Les cartes de ravitaillement étaient nécessaires pour s’habiller, se chausser, se nourrir. Même le bétail avait sa carte. Pour nous marier, nous avons obtenu une carte spéciale », se souvient Marguerite, aujourd’hui âgée de 94 ans. « Nous sommes montés à Cherbourg acheter le costume de mon mari, après avoir parcouru les magasins, nous nous sommes arrêtés dans un café : malheureusement, mon mari a dû se cacher dans les toilettes car à ce moment précis, les Allemands effectuaient une rafle des jeunes hommes pour le travail obligatoire en Allemagne. » Le jour du mariage, le cortège en carriole mène les jeunes époux à la ferme des parents de Marguerite : « À la campagne, on ne mourait pas de faim, on mangeait les poules, les lapins, ce que l’on produisait. Seul le café manquait, alors on brûlait de l’orge que l’on buvait en ti12 - Classes-Presse - Mai 2014 sane ». « Les anciens semaient le trèfle, ils faisaient sécher les feuilles qu’ils fumaient en guise de tabac. Pour la lessive, pas de savon, je faisais bouillir le linge avec de la cendre de paille de sarrasin », ajoute Marguerite. ■ « Un Allemand a tiré pour nous faire peur » Auriez-vous une petite anecdote à nous raconter ? Oui, je me rappelle que les Allemands avaient réquisitionné une charrette et un cheval. Ils mettaient de la nourriture dedans, et ma mère montait dans la charrette et remettait les provisions au fur et à mesure par terre. Elle a arrêté quand un Allemand a tiré en l’air pour nous faire peur. Les Allemands ont-ils réquisitionné des animaux ou des objets ? Ils avaient réquisitionné un cheval. Il a ensuite été retrouvé par un réfugié, qui nous l’avait ramené. Puis nous l’avons caché dans un petit chemin pour le nourrir. Auriez-vous d’autres souvenirs à nous témoigner ? En effet, je me rappelle avoir vu de mon lit, dans la commune d’en face, des maisons qui brûlaient. J’ai souvenir d’avoir vu un avion tomber à peu près à 500 mètres de ma maison. Je me souviens aussi qu’au fur et à mesure que les Allemands fuyaient, les Américains avançaient et gagnaient du terrain. ■ Des hommes grands… et noirs Entre 1942 et 1945, Marguerite met au monde trois filles : Thérèse, Renée et Denise. « Des rations de chocolat étaient destinées aux mamans qui allaitaient. Quand les filles ont commencé à grandir, je les nourrissais avec de la panade, un mélange d’eau, de sel et de pain coupé bouilli avec du lait et du beurre. » À plusieurs reprises, les bombardements s’abattent non loin de la ferme, dans le bois de Barnavast qui contenait des munitions allemandes. Puis un jour, entre le 6 et le 29 juin, Cherbourg est libéré. Marguerite voit pour la première fois les Américains, elle ajoute : « Je n’avais jamais vu de chars, de jeeps. L’arrivée des Américains reste gravée dans ma mémoire par la vue des premiers hommes noirs et surtout par leur grande taille ». Marguerite note tous ses souvenirs dans un cahier, afin de laisser une trace de cette page d’histoire à sa grande famille. Pouvez-vous nous parler des conditions de vie à l’époque ? Le confort était très modeste. Je dormais dans un petit lit avec cinq autres personnes. Concernant l’alimentation, je vivais à la ferme donc il y avait des poules et du lait. Sinon, je mangeais principalement des galettes et de la soupe. Nous avions des tickets de rationnement. Que faisiez-vous de vos journées pendant cette période ? Je ne sortais que très peu car j’avais peur. Mais certains enfants sortaient pour aller voir les Des tickets de rationnements. Américains car ceux-ci leur donnaient des sucreries. Ces enfants allaient dans leurs tentes. Votre famille a-t-elle hébergé des réfugiés ? Oui, nous avions hébergé une famille toute entière venant de Saint-Lô. Elle avait fui les combats, la famille était venue avec leur vache et je me souviens d’avoir vu des morts et des blessés. Ma mère les soignait. J’ai entendu de nombreux bombardements. J’avais de grandes craintes. Avec ma famille, nous avions creusé une tranchée pour nous réfugier, notamment quand nous entendions des avions passer. ■ De Gaulle sur la route de Saint-Lô Alfred et Marguerite avec leurs leur trois filles (© Famille Levaché). Corentin Jouan collège Zola, La Glacerie, 5e A Qu’avez-vous vu ou trouvé près de votre maison pendant la guerre ? Nous avons retrouvé quatre cadavres, il y avait des bêtes, des hommes et des carcasses de véhicules. Il y avait des trous d’obus partout. Quand vous avez appris que la guerre était finie, comment avez-vous réagi ? J’étais très heureuse, j’avais l’impression d’avoir retrouvé ma liberté et j’ai vu le général de Gaulle passer sur la route de Saint-Lô. Il faisait des saluts aux gens au travers de sa voiture. Cela s’est passé juste après la Libération. Léonard Letondeur et Emeline Jégo, I. Sévigné, Granville La vie malgré tout Marigny sous les décombres Marigny a bien souffert durant l'été 44. Roger Potier, créateur du musée Cobra, avait 18 ans lors du Débarquement. Il témoigne de cette partie de sa vie, 70 ans après. Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, les premiers signes du Débarquement se font sentir : « Les maisons se mettent à trembler, et les ennemis deviennent anxieux ». Le 7 juin, les soupçons sont confirmés, la Radio de Londres annonce, en messages codés, que le Débarquement a été effectué. Ce même jour, les Allemands prennent la décision de confisquer toutes les radios, privant ainsi les habitants de la commune de tout contact avec l'extérieur. Tôt dans la matinée, des premiers mitraillages ont lieu sur la route de SaintSauveur-Lendelin : les Américains ont repéré des chars allemands cachés derrière des arbres. Mais finalement, c'est après un temps d'accalmie de six jours que les bombardements commencent vraiment. ■ Vivre dans les ruines Le 13 juin, des bombes sont lâchées dans le bourg de Marigny, tout autour de l'église. Un camion allemand a été remarqué, des chasseurs améri- cains vont le mitrailler. Une explosion a lieu. « Sur le moment, on ne voit pas le danger, c'est après qu'on réalise. » Marigny a été en partie détruite le 13 juin, et le reste lors de l'Opération Cobra, nom de code de l'offensive américaine. Le 12 septembre, jour de la Libération de Marigny, on constate que le bourg a été détruit à 80 %. En hiver 44-45, les Marigniais rentrent chez eux. La plupart des habitants ont perdu tous leurs biens, et sont obligés de vivre dans les ruines, sans nourriture, ni vêtement. « C'est terrible de perdre tout ce qu'on a, de perdre sa jeunesse. » Le bourg de Marigny a été entièrement reconstruit dans les années cinquante, tandis que l'église a été finie en 1955, soit dix ans après le débarquement. « Marigny n'est plus pareil. » Cette reconstruction a été possible grâce aux Américains qui ont mis en place le plan Marshall, qui consistait à rassembler des dons pour aider les pays touchés par la Une bombe qui éclate au milieu du bourg. La même route aujourd'hui. Seconde Guerre mondiale, fonds redistribués en France par le ministère de la Reconstruction. « La France était pauvre. On était au fond du trou, mais on était heureux, parce qu'on avait retrouvé la liberté. » Lilou Hauguel et Lilou Tostain, c. Jean-Monnet, Marigny L'école Jeanne-d'Arc de Brécey sous les bombardements Brécey a eu la chance d’être relativement peu sinistré en 1944, lors de la libération par les Alliés le 31 juillet. Pierre Ménard, 79 ans, ancien élève à l'école Jeanne-d'Arc et secrétaire à la mairie de Brécey à la retraite, se souvient encore… « En arrivant à l'école, j'ai vu trois amoncellements de terre surplombés d'une croix avec un casque de soldat. Quand je suis rentré dans le préau, j'ai vu une quinzaine de cercueils vides empilés près du mur. Les Allemands devaient s'attendre à un coup dur. » ■ Une école réquisitionnée L'école privée SainteJeanne-d'Arc est réquisitionnée par les soldats allemands quelques années auparavant pour occuper Brécey. Pendant cette occupation, afin de continuer l'enseignement, « les élèves étaient dispersés dans le bourg où se tient actuellement le Crédit Mutuel, et l’habitation au 1, rue Jeanne-d'Arc », nous affirme Armande Jouenne. Information confirmée par Monique Arondel, Eugène Harivel et Pierre Ménard, tous élèves en 1944. Cette école est alors touchée par un bombardement américain à la fin du mois de juillet 1944. ■ Deux versions s'opposent Deux versions s'opposent : la première est une bombe destinée au pont de la Tourelle, situé sur la route de Saint-Hi- laire-du-Harcouët, mais c'est l’école qui est touchée. Le pont lui-même n'est pas atteint malgré les multiples tentatives ; informations recueillies dans le livre de Michel Erard, Témoin de leur temps. La seconde est une information de la résistance française donnée aux Américains précisant que les Allemands occupaient l'école. Un renseignement bien reçu puisqu’une bombe la coupe littéralement en deux, la rendant ainsi inutilisable, nous confirme Pierre Ménard. Mais, grâce à une information donnée par les espions prévenant de l'attaque, l'école est désertée la veille par les Allemands. ■ La reconstruction Suite à ce bombardement, l'argent et la main-d’œuvre étant manquants, deux groupes de classes en bois d'outre-Atlantique furent érigés : l'un au nord pouvant accueillir cinq ou six classes et l'autre à l'est avec une capacité de quatre classes. Ce n'est qu'en 1953 que les élèves de l'école Jeanne-d'Arc réintègrent leur établissement reconstruit en dur. Les deux baraquements en bois n'ayant plus leur utilité, l'un d'eux disparaît, mais la paroisse de Brécey décide de garder celui édifié à l'est de l'école pour en faire des salles de réunion du service des jeunes. Ce n'est qu'en 1998 que ce dernier fut détruit pour cause de dégradation. L'école Jeanne-d'Arc juste après sa destruction et les baraquements (images fournies par Pierre Ménard et extraites du livre de Michel Erard, Témoin de leur temps). Guillaume Harivel Clément Lemardelé Wilfried Julien Benjamin Hallais, 4e D collège de Brécey L'église en partie détruite par les bombardements. L'église aujourd'hui. La mystérieuse disparition du coq gaulois de Saint-Vaast En 1940, les résistants cachent leur coq ; on ne le retrouve que quatre ans après… Durant la Seconde Guerre mondiale, le coq, symbole de la nation française (comme le drapeau et la cocarde), était interdit par les Allemands. C'est pourquoi ce coq, qui surmontait le monument aux morts de Saint-Vaast-laHougue, était si important aux yeux de la population. Mais les Allemands étaient intéressés par tous les matériaux en fer - et plus particulièrement par ceux qui étaient en bronze (pour sa solidité) - pour les faire fondre afin de fabriquer des canons qui serviraient à combattre les Français. ■ Le coq disparaît ! Dans la nuit du 25 au 26 août 1940, un petit groupe de résistants réussit à se glisser au monument aux Morts pour faire ce qui leur semble juste : enlever le coq. Ils lui scient les pattes et l'emmènent avec eux en espérant que les Allemands ne le retrouvent jamais. Au matin du 26 août, c'est un véritable drame qui s'est produit pour tous les Saint-Vaastais : leur coq est introuvable. Beaucoup de gens pensent qu'il s'agit d'un acte de vandalisme allemand, personne ne sait vraiment qui accuser, énormément de questions se posent, mais la vraie question est : où se trouve le coq ? ■ Un « poulailler » fier de son coq C'est seulement quatre longues années plus tard, après la Libération, que Georges Lucas, un ancien résistant de la commune, déterre le coq de son jardin. Il sera remis en place le 11 novembre 1944 pour la commémoration de la capitulation allemande : une date symbolique ! Georges Lucas expliqua bien plus tard que l'idée de perdre le symbole de la nation française lui était tout simplement insupportable. À présent le coq a retrouvé sa place : audessus du monument aux Morts, à côté de la chapelle des marins. Le coq est aujourd’hui bien en place, et vous pouvez le voir aujourd’hui encore au sommet du monument aux Morts de Saint-Vaast-laHougue. Anaïs Lemagnent, Eva Lepoittevin Camille Ledentu, c. Guillaume-Fouace Saint-Vaast-la-Hougue Classes-Presse - Mai 2014 - 13 Des lieux stratégiques Une piste d’aviation pour trois nations L'aviation française à Querqueville Les avions allemands occupent la piste Puis les Américains débarquent En 1944 après la libération de Querqueville, ce sont les Américains qui s'en servent jusqu'à la fin de la guerre. Après la Seconde Guerre mondiale, en 1947, la piste se libère. La base française vers 1930. En 1925, la base aérodrome de Querqueville, du nom de ALG A23C, a servi à l'armée française de base d'hydravion, de centre de formation et d'aérodrome de recherche pour l'aéronavale (marine française). On voit encore aujourd'hui près de la digue le portique en fer qui servait à accrocher les hydravions. Des BF 109, appareils de l'aviation allemande. En arrière-plan, le fort de Querqueville. Après la défaite de juin 1940, les Allemands récupèrent la base. Ils utilisent la piste pour attaquer l'Angleterre avec leurs avions. Elle a ensuite servi pour les avions de remplacement et de réparation de l'armée allemande. La piste d'aviation de Querqueville en 1947. Elle faisait 5 km. De 1944 à 2014… En 1960 la piste a même servi d'hippodrome ! Aujourd'hui en 2014, on ne voit plus la piste d'aviation, mais à la place un parking, un camping, un restaurant, ainsi que l'école des Fourriers. À Querqueville, après le débarquement, le rangement ; après les avions, les oiseaux ! Joss Brondeau et Jules Vautier, 4e A, Ferry, Querqueville Nom de code : Pluto Portique en fer où l'on mettait les hydravions. Le même endroit aujourd'hui. Les Américains, lors de la préparation du Débarquement, ont emmené d'Angleterre en Normandie une énorme bobine enroulée d'un tuyau d'essence qu'ils vont dérouler dans la mer de la Manche. Cette opération portera le nom de code Pluto. Parachutés au mauvais endroit… 600 soldats tués à la lande des Morts Le pont de la Roque, situé entre Mont- Dans la nuit du 5 juin 1944, des parachutistes Un pont, une mémoire ! chaton et Orval sur la Sienne, est gardé par des civils dès 1943. sont lâchés au mauvais endroit et se trouvent égarés dans le canton de Quettehou. Ce sont des Américains de la 82e Airbone. Dans la nuit du 5 au 6 juin, vers 2 h 30, un parachutage de 18 hommes de la 82e Airborne atterrit à Quettehou au hameau Mansais. Mais cette commune n'est pas le point de ralliement convenu. Un long combat qui dura jusqu'à 10 heures du matin commence alors, car les Allemands sont très nombreux à cet endroit. Seize hommes sont tués. De ce carnage, au moins deux parachutistes sortent vivants, dont le capitaine Hawkins et Clinton Ford, car ils parviennent à s’échapper à temps. Une chasse à l'homme peut commencer. Les deux survivants suivent les chemins de fer (il y en avait à l'époque) pour arriver jusqu'à Saint-Vaast-la-Hougue. Ils se dirigent dans un champ inondé pour ne pas que les avions et les chiens les repèrent. Ils y restent deux jours. Le pont de la Roque avant les bombardements. (Photo archives famille Meunier) Les Romains, qui occupaient Coutances (Cosedia), se servaient de Regnéville comme port, ou plutôt comme havre d’échouage pour leurs bateaux en 58 av J.-C. Ils construisirent un pont de dix piliers qui supportait un tablier de bois habillé d’une arche plus large au milieu pour laisser passer l’eau lors des grandes marées. Ce pont a vu passer les Vikings, les Anglais pendant la guerre de Cent ans, les armées royales du duc de Richemont, et pendant 1 900 ans, a résisté aux marées, aux intempéries et aux diverses dégradations. ■ Un lieu stratégique Le 23 avril 1944, le pont est bombardé pour la première fois. Il sera de nouveau bombardé au mois de juillet. Lors du Débarquement, les Alliés tentent à de nombreuses reprises de détruire ce pont, véritable passage stratégique, car il permet de franchir la Sienne. Quatre bombardiers de la Royal Air Force parviennent à détruire trois des onze arches de pierre les 14 et 15 juin 1944. Ce qui n’arrête pas pour autant les Allemands. L’objectif stratégique n’est pas atteint, car la partie du pont qui enjambe la rivière La Soulles n’a pas été détruite, et les colonnes allemandes peuvent le franchir et s’échapper par la route d’Orval vers Hyenville et Granville. Un pont de type Bailey est alors installé par les alliés à la fin du mois de juillet 1944, pour permettre le passage des troupes du brigadier général B.C. Clarke. Ce pont de remplacement prévu pour deux ans sera utilisé jusqu’en 1967. Un nouveau pont sera construit à côté. Aujourd’hui, peu entretenue, la structure souffre de l’usure du temps. Les visiteurs qui enjambent les barrières de protection contribuent également à sa dégradation. Malgré tout, ce pont demeure toujours un lieu de mémoire très attractif. Une stèle à la mémoire des soldats tombés au combat rappelle cet épisode de la Seconde Guerre mondiale. Collège Jean-Paul II, Coutances 14 - Classes-Presse - Mai 2014 ■ Les deux survivants sortent de leur cachette Affamés et tenaillés par le froid, ils se dirigent vers une ferme qu'ils avaient sans doute repérée. Ce sont deux Saint-Vaastais qui les accueillent : une jeune fille, prénommée Jeanne, prend peur mais son fiancé, Georges, voit aussitôt que ce ne sont pas des Allemands. Ils les amènent chez eux, leur permettent de se réchauffer et restaurent nos deux rescapés. Jeanne appellera même sa sœur Geneviève au secours pour pouvoir communiquer dans la langue des rescapés. Les deux hommes sont ensuite amenés non loin de là, à Rideauville, où ils seront cachés par la famille Lefilliâtre. Ensuite, ils seront placés dans une camionnette qui passera à travers champs pour rejoindre Videcosville où des résistants les attendent. Au final, c’est tout le hameau de SaintVaast qui va s'impliquer pour aider les deux Américains et réussir à les sauver. Après la guerre, Hawkins et Clinton Ford n’ont pas oublié leurs sauveurs car ils sont revenus les voir. Benjamin Hennequin, Dylan Borel, Chloé Wajda Ulysse Danglade et Lucas Léger collège Guillaume-Fouace, Saint-Vaast-la-Hougue 31 juillet 1944, en haut de la route de la lande des Morts à Trelly : une Jeep longe un convoi de véhicules allemands et un char Sherman détruits sur la route départementale 49. Dans la nuit du 29 au 30 juillet 1944, entre 23 heures et 1 heure du matin, à la lande des Morts à Trelly, a eu lieu une terrible et affreuse bataille : 450 morts et 1 000 prisonniers côté allemand, et environ 150 à 200 morts côté américain. « Il y a eu une résistance allemande en haut de la grande route qui traverse cette lande. Les soldats qui résistaient étaient pour certains gravement blessés. Jambes cassées, bras arrachés… Mais ces soldats ne voulaient pas se rendre », indique Louis Hébert, habitant de Trelly et fin connaisseur de l'histoire de sa région. « Beaucoup de chars allemands étaient endommagés et bloquaient la circulation. Les Allemands ont fui par une autre route, la seule possible, dite la poche de Roncey. » La bataille est marquée par des tirs de chars intensifs. « C'était pendant la nuit mais on voyait comme en plein jour », précise Patrick Fissot, historien. ■ Déjà pendant la Guerre de 100 ans… La lande des Morts méritait bien son nom. Un nom qui n'est pas lié à la deuxième guerre mondiale, mais à la guerre de Cent ans. Au Moyen Âge, une grande bataille contre les Anglais s'était déjà produite et avait donné lieu à une légende : le sang aurait coulé dans les ruisseaux et les fossés de la vallée. Une stèle à la sortie du bourg commémore les événements de 1944. Elle rejoindra bientôt un jardin de la mémoire aménagé à une centaine de mètres de l'emplacement actuel. Il sera inauguré en juillet prochain, 70 ans après. Sainte-Mère-Église, point de départ de la liberté. © Collège Jean-Paul II, Coutances Nicolas Lienard, Haas Olivier, Antoine Tomasini collège Les Courtils, Montmartin-sur-Mer Se souvenir et commémorer Le seul mausolée allemand de France est à Huisnes-sur-Mer Émouvant monument funéraire, c'est un bâtiment circulaire rayonnant sur 47 mètres, composé de deux étages. Il a été inauguré le 14 septembre 1963. Dans ce cimetière reposent 11 956 personnes, en majorité des soldats tués lors de la Percée d'Avranches en juil- let 1944. Mais on trouve également des sépultures de civils, enfants et nouveaux nés, femmes et personnes âgées. Ces morts ont été rapatriés de différents départements français pour être réunis à Huisnes : Morbihan, Ille-etVilaine, Sarthe, Mayenne, Loir- et-Cher, et même les Îles anglo-normandes. Les corps sont répartis par chambre numérotée, qu'on appelle crypte. Il y a 68 cryptes au total. Chaque crypte a une plaque de bronze où sont notés les noms des personnes inhumées. Cinq questions à Jean Tridemy conservateur du cimetière depuis 1992 Pourquoi le cimetière a-t-il été construit ? Les Français ont proposé aux Allemands cet endroit près du Mont Saint-Michel pour regrouper tous les morts de Normandie, de Bretagne et des départements voisins. Une nécropole a été construite car le terrain est trop petit pour mettre 11 000 morts. Le gouvernement allemand et surtout le Volksbund Deutsche Kriegsgräbenfursorge financent l'entretien de tous les cimetières de commémoration au monde. Nous faisons un jumelage avec de jeunes Allemands pour qu'ils viennent travailler ici, pour le devoir de mémoire. L’État allemand finance le transport par car, assuré par l'Armée. Les morts sont-ils tous des soldats ? À la fin de la guerre, des Allemands, y compris des civils, étaient victimes de sévices et mouraient de faim dans des camps d'internement. 64 corps d'enfants et nouveaux nés, sans identité parfois, ont été retrouvés dans une fosse commune près de Poitiers. Tous reposent dans des sarcophages, les enfants dans la crypte 59. Quelles sont les cérémonies ? Tous les ans, au mois de novembre, il y a la journée du Deuil national dédiée à la mémoire des civils et des soldats morts durant les deux guerres mondiales. Quand j'ai débuté ce travail, les familles étaient plus nombreuses. Aujourd'hui, les descendants vieillissent mais il y a toujours des visiteurs qui amènent des fleurs. Auriez-vous des anecdotes sur le cimetière et ses visiteurs ? Une dame autrichienne avait un magasin de fleurs. Son mari était mort durant la Seconde Guerre mondiale et reposait à Huisnes. Chaque année, elle déposait des fleurs séchées sur les tombes d'inconnus dans chaque cimetière allemand qu'elle croisait sur sa route. Un homme venait aussi tous les ans sur la tombe de son père pour lui raconter toutes Jean Tridemy, conservateur du cimetière de Huisnes-surMer depuis 1992. les histoires qui se passaient dans leur village. Pour les cent ans de son père, il lui a consacré un long texte dans le livre d'or du cimetière. Que vous apporte votre métier ? Pour moi, c'est important que l'on se rappelle la guerre et que l'on préserve la paix. Aujourd'hui, de nombreux pays sont toujours en guerre. La paix est une fleur à arroser et protéger. L’inauguration du cimetière allemand de Huisnes-sur-Mer a eu lieu le 14 septembre 1963 (Archives Ouest-France). Commémorer en chantant… Clara Lelandais et Margot Remy c. Brassens, Pontorson « Je suis le monument danois » Sur les lieux du débarquement du 6 juin 1944 se trouve le monument danois. Il se présente. Je suis le monument danois. Je suis situé volontairement à quelques centaines de mètres d'Utah-Beach, sur la D 913 entre Sainte-Marie-du-Mont et Utah-Beach. J'ai été réalisé par Svend Lindhang. Je rends hommage aux 800 marins danois qui n’ont pas débarqué sur la plage, mais qui ont largement contribué au succès de l’opération. Une des dernières répétitions. Nous sommes Chloé et Solène, et nous faisons partie de la chorale du collège de Périers. Nous sommes embarquées dans une aventure fantastique ! Les 26, 27, 29 et 31 mai, nous allons chanter pour commémorer le 70e anniversaire du Débarquement. Nous chanterons avec la maîtrise de Caen, une chorale américaine du New Jersey et le collège caennais Guillaumede-Normandie. Nous participerons à un concert au Mémorial de Caen le mardi 27 mai, à un concert pendant le 33e festival de Jazz sous les pommiers à Coutances, et à un autre concert à Sainte-MèreÉglise le samedi 31 mai. Nous avons de la chance car nous sommes le seul collège de la Manche à avoir été sélectionné. C'est pour cela qu'on espère que vous allez venir nombreux nous écouter chanter ! Car nous répétons beaucoup, et nous avons envie de réussir. Nous allons maintenant vous raconter l'histoire d'une chanson que nous allons interpréter : There'll be brids over. Cette chanson raconte l'histoire d'Américains qui partaient au combat et espéraient revoir les grandes falaises de Douvres. Nous allons également interpréter la chanson White Christmas. Le chef d'orchestre avec lequel on a répété nous a dit que cette chanson était la plus vendue pendant les années quarante, car tous les soldats américains voulaient l'entendre. En effet, elle leur rappelait les Noëls, chez eux, sous la neige. Maintenant, si vous voulez venir écouter ces deux chansons et bien d'autres, vous pouvez vous renseigner au collège de Périers, Tél. 02 33 46 63 11 Je suis également le seul monument jusqu'en 2008 qui représente un visage humain, et qui met à l'honneur la participation danoise en France. Il s'agit d'hommes de la marine marchande danoise qui ont choisi de s'engager aux côtés des alliés pendant la guerre. Le 6 juin 1944, le Nordvest et une bonne vingtaine d'autres cargos danois sont au large des côtes normandes. Dans leurs cales, du matériel et des véhicules qui vont équiper les forces alliées débarquées sur les plages d'Utah. Le 6 juin 2014, la reine du Danemark Margrethe II vient pour rendre hommage aux 800 marins danois. Il y a aura une exposition au musée d'UtahBeach du 1er juin au 31 décembre, dédiée aux marins danois. Je suis entretenu par la commune de Sainte-Marie-duMont. Emma Robine, 4e C collège Saint-Exupéry Sainte-Mère-Eglise Monument danois d'Utah-Beach. Solène Leconte et Chloé Resse collège Le Fairage, Périers There’ll be blue birds over ■ En anglais There'll be blue birds over The wite chiffs of Dover Tomorrow Juste you wait and see There'll be love and laugter And peace ever after Tomorrow When the world is free The Shepherd will tendis sleep the valley will bloom aqair And Jimmy will go to sleep In is own little room agair There'll be blue birds over Ther wite cliffs of Dover Tomorrow Just you wait and see ■ En français Il aura des oiseaux bleus Sur les falaises blanches de Douvre Demain Attendez un peu et vous verrez Il aura de l'amour et du rire Et la paix pour toujours Demain Quand le monde sera libre Le berger fera paître ses brebis La vallée refleurira Et Jimmy ira dormir Dans sa petite chambre à nouveau Il y aura des oiseaux bleus Sur les falaises blanches de Douvre Demain Attendez un peu et vous verrez Classes-Presse - Mai 2014 - 15 Se souvenir et commémorer Une collection très particulière… Collectionneur, fou amoureux du Débarquement depuis sa plus tendre enfance, il s’engage chaque jour pour sa passion. Ce dernier, que nous avons rencontré, ne souhaite pas révéler son identité, ce que nous avons respecté. comme armes. Il posA sède légalement des armes, qui ont été démilitari- sées à Saint-Étienne. Elles ne pourront donc jamais être réutilisées, car elles sont neutralisées. comme bouées. À B Omaha Beach, les Américains et les Anglais ont es- sayé de faire tenir des chars sur des bouées pour les amener jusqu’au bord de la plage. Mais en vain, car ce jour-là, une tempête s’annonçait et les vagues ont fait basculer et couler les chars. C comme casques. Ce sont ses premiers objets collectionnés, mais aussi ses objets favoris. Certains appartiennent à des Allemands, d’autres à des Américains. D comme dangereux. Il lui est déjà arrivé, lors de ses recherches, de tomber entre des chasseurs et des chiens de chasse. Mais heureusement, un garde forestier est arrivé au bon moment pour le faire sortir de la ligne de mire des chasseurs. comme échanges. Pour E pouvoir avoir autant d’objets, le passionné a fait quelques échanges. Il a acheté quelques objets grâce au bouche à oreilles, et en a trouvé d'autres au détecteur de métaux. comme forums. Il existe F plusieurs forums qui ont pour thème le Débarquement, les survivants… Sur certains forums, plus de 1 400 personnes collectionnent comme lui et discutent de leurs découvertes. comme guerre. Cette G collection est particulière, car elle est remplie d’émotions. Elle rappelle les sacrifices, puisque certains objets reflètent les horreurs de la guerre, comme ceux percées de balles ou d’éclats. comme histoire. Ce colH lectionneur est passionné par le Débarquement. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il aime l’histoire de sa région. comme livres. Notre pasL sionné a participé à l’écriture d’un livre sur le thème des casques de la Seconde Guerre mondiale. Principalement en donnant des informations sur les casques qu'il a retrouvés. comme masque à gaz. M Les soldats du Débarquement portaient dans leur paquetage des masques à gaz à utiliser de problèmes (bombes lacrymogènes…). comme nurse. Les N nurses sont des infirmières qui soignent n’importe quel soldat blessé. Il existe aussi d’autres sortes d’infirmières, celles de la Croix rouge, elles s’occupent seulement de faire les piqûres pour les dons du sang. comme passion. Cette P passion date de toujours, elle a commencé à l’âge de 8 ans, en récupérant les casques qui étaient chez ses grands-parents. comme récupération. R Après la guerre, les casques sont réutilisés pour donner à manger aux poules et servir de pot de fleurs. comme tenues. Les teT nues valent très cher. Il les a achetées ou échangées. Il reste très peu de tenues allemandes car à la fin de la guerre, les résistants ont tout brûlé. U comme USN. USN ou US Navy. US pour l’Amérique et Navy pour la marine. Ce sont les soldats américains de la marine. comme V-Mail. Ce sont V des lettres préfaites qui sont données aux soldats américains pour donner des nouvelles à leurs familles. Justine Chenu et Léa Connan, 5e A Zola, La Glacerie Rejouez la bataille de Normandie ! Plusieurs jeux vidéos retracent le débarquement de Normandie, notamment Medal of honor « Allied assault » et « Airborne », Call of duty 1 et 2, et Battlefield 1942. Le jour J entre vos mains… C'est lourd, un casque ! Une enquête passionnante Ce collectionneur, mais aussi chercheur d'objets du Débarquement, a retrouvé une famille américaine à l'aide d'une plaque d'identité militaire. Celui-ci a également retrouvé un casque, dans lequel se trouvait une plaque matriculée. Plein de curiosité, il est parti à la recherche de ce soldat inconnu. Il a fini par retrouver la sœur du soldat, mort sur une des cinq plages du Débarquement. Il est parti à sa rencontre et après plusieurs minutes de discussion, elle lui a raconté que son autre frère était mort lui aussi à la guerre, dans le Pacifique contre les Japonais. Aujourd'hui encore, ils restent en contact. ■ De la prudence quand même… Être collectionneur n'est pas de tout repos. Le danger le guette à tout moment. Pendant une recherche d'objets enterrés, grâce à son détecteur de métaux, il a trouvé une Notre collectionneur a créé de vraies reconstitutions ! © Justine Chenu ligne de mines qui s'étendait sur environ dix mètres. Cellesci étaient enfoncées dans la terre à environ cinq centimètres du sol. Après les avoir trouvées, il a appelé la mairie de la commune en question. Peu de temps après, les dé- mineurs ont désamorcé la ligne de mines. Notre rencontre avec le collectionneur nous aura appris beaucoup de choses. Nous sommes reparties les yeux émerveillés et la tête pleine de souvenirs. « Je sais maintenant qui ils sont… » Dans mon collège, à Périers, il y a une plaque en pierre avec des noms. Quels sont ces noms et pourquoi sont-ils gravés sur cette pierre ? Le débarquement comme si vous y étiez… Ces jeux, aux scénarios vasoldat Ryan de Steven Spielof honor : allied assault (débarriés, permettent de revivre inberg ou encore la série Band quement allié) qui vous place teractivement (et avec le plus of Brothers de Tom Hanks et dans la peau du lieutenant souvent un grand souci de Steven Spielberg. américain Mike Powell, pour réalisme) les événements de Le grand point fort des jeux réaliser diverses missions de juin 1944 tel que le Débarquehistoriques récents est de prosabotage ou de renseignement de Normandie (Medal of poser une vision cinématograment derrière les lignes ennehonor), la prise du pont Pegaphique réaliste des mies. sus Bridge (Call of Duty), ou événements. Les techniques De l'Afrique du Nord en 1942 encore la libération de la ville modernes d'imagerie satellite à la Norvège en 1943, le jeu de Caen (Day of Defeat). Les permettent aux développeurs permet surtout de débarquer à créateurs veulent désormais de reproduire à l'identique sur Omaha Beach, le 6 juin 1944. coller au plus près de l'Hisordinateur un espace géograUne mission difficile qui fourtoire, et s'inspirent directement phique. Ce mode de travail est mille de détails et qui montre de faits réels en interrogeant également à mettre en paralbien une partie des difficultés des vétérans ou en consultant lèle avec la création en image rencontrées par les soldats des experts militaires. de synthèse de rues, champs, américains à Omaha le Jour J. La bande-son de ces jeux maisons, églises, ponts par Alors, prêts à vivre le débardevient de plus en plus réarapport à un support photoquement en direct ? liste, en passant des bruits des graphique d'époque. Corentin Poisson armes jusqu’à la musique, rapLe jeu qui lança cette mode et Théo Ridel pelant des films dont ils s'insde la Seconde Guerre monLe Corre, Equeurdreville pirent, tels qu'Il faut sauver le diale dans les jeux est Medal 16 - Classes-Presse - Mai 2014 Cette pierre est une plaque dédiée aux Prisiais décédés pendant la Seconde Guerre mondiale. Pendant cette guerre, il y a eu 127 morts à Périers. Pour évoquer cette plaque, je vais vous raconter leur histoire. Parmi ces noms, il y a ceux des collégiens et des professeurs qui étudiaient dans le collège de Périers. Lucien Renaux (17 ans) était malade, victime d'une angine, la bombe est tombée près de son lit. Le dortoir a explosé, l'adolescent est mort sur le coup. Paul Abraham (15 ans), originaire de Portbail, se trouvait près du mur du parc lors du bombardement. Il a subi le souffle de l'explosion d'une bombe qui lui a fait éclater la rate. Il a souffert du côté gauche. Il est mort quelques heures après. Restés chez eux, Georges Leroux et son épouse Odette, tous les deux professeurs au collège de Périers, ont été tués dans leur lit. Le 2 août, on a retrouvé les restes du corps de Roger Lebourgeois. Il a été tué alors qu'il se rendait chez les Leroux. Maurice Trelluyer (24 ans) a été découvert sous un vieux piano, il respirait encore mais il est mort peu après. Après la guerre, les habitants voulaient oublier le bombardement. Ce n'est que 10 ans après qu’un enseignant, voulant qu'on se rappelle ses collègues morts le jour du bombardement, a commandé une plaque de commémoration avec l'aide du conseil municipal de Périers. La plaque a été installée en juillet 1956. Et maintenant, 70 ans après, la plaque est toujours à l'entrée, je vois ces noms tous les jours et je sais maintenant qui ils sont. Aurélie Maunoury Le Fairage, Périers La plaque de commémoration à l'entrée du collège.