le site des chemins de fer

Transcription

le site des chemins de fer
le site des chemins de fer
Lomé, Togo
Enoncé théorique de projet de master
EPFL_ENAC_SAR_2009-2010
janvier 2010
Gaëlle Chou & Inès Mettraux
Sous la direction de :
Roberto Gargiani, Professeur
Franz Graf, Directeur Pédagogique
Dr. Jérôme Chenal, Maître EPFL
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION
5
CONTEXTE AFRICAIN
LE COLONIALISME
LE CHEMIN DE FER DANS LES COLONIES AFRICAINES
LE CHEMIN DE FER AU TOGO
RÉEMPLOI ET RÉCUPÉRATION
8
8
10
12
16
ARCHITECTURE COLONIALE
ARCHITECTURE ET URBANISME
CLIMAT
ORIGINE _ MODÈLES _ ÉVOLUTION
LES CONSTRUCTIONS FERROVIAIRES
21
21
22
23
24
ARCHITECTURE COLONIALE AU TOGO
LA PRODUCTION ALLEMANDE 1884-1914
LA PRODUCTION AFRICAINE
LA PRODUCTION FRANÇAISE 1920-1960
LES ACTEURS maîtres d’ouvrages
LES ACTEURS professionnels de la construction
MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION
26
26
27
28
30
31
32
LOME
HISTOIRE ET PARTICULARITÉS
TISSU URBAIN
AMBIANCES & IMPRESSIONS EUROPÉENNES
36
36
40
42
PATRIMOINE ET SAUVEGARDE
LE BÂTI COLONIAL EST-IL UN PATRIMOINE POUR LES PAYS AFRICAINS?
LE PATRIMOINE DU TOGO_ L’HÉRITAGE COLONIAL DE LOME
DESTINS DE BÂTIMENTS
46
46
47
49
CONCLUSION
50
2
SITE TOGORAIL
CHOIX DU SITE
DESCRIPTION DU LIEU
55
55
56
ENSEMBLE DES GRANDS ATELIERS
MENUISERIE
ATELIER WAGON
MACHINES-OUTILS
FONDERIE
MAISON DES DESSINATEURS
62
64
76
84
88
92
ENSEMBLE DE LA GARE
GARE
DIRECTION
LOGEMENTS
98
100
104
108
ENSEMBLE DE L’ENTRÉE
DISPENSAIRE
MAGASIN CENTRAL
CENTRE DE FORMATION
114
116
120
124
ENSEMBLE DU PARC DE LA VOIE
DIRECTION DES VOIES
RADIO-COMMUNICATION
AUTRES CORPS DE MÉTIER
130
132
136
138
ATELIER LOCOMOTIVE
FABRIQUE BÉTON
ELEMENTS FERROVIAIRES ET INDUSTRIELS
LA VÉGÉTATION
140
150
152
154
STRATEGIE-OBJECTIFS-QUESTIONNEMENT
156
BIBLIOGRAPHIE
ICONOGRAPHIE
REMERCIEMENTS
158
160
162
3
4
« Aussi longtemps que les lions n’auront pas leur historien, les
récits de chasse tourneront toujours à la gloire du chasseur. »
proverbe africain
INTRODUCTION
Le 12 août 2009, nous sommes parties au Togo, sans savoir ce qui nous y attendait. Pour clore nos études
d’architecture, nous avions choisi de nous confronter à un lieu et à un contexte qui ne nous soient pas familiers.
Notre objectif était d’y trouver un bâtiment colonial à réhabiliter grâce à un nouveau programme, que nous
voulions public. Avant notre départ, nous n’avions que peu d’idées de ce qu’était l’architecture coloniale au Togo,
dans quel état se trouvaient ces bâtiments, et à quoi ressemblait sa capitale, Lomé. Ce travail résulte de ce que
nous y avons trouvé.
A la recherche d’un lieu de projet dans la capitale togolaise, nous avions défini les qualités principales que le site
devait posséder pour entrer dans notre choix. Il s’agissait de trouver un ou plusieurs édifices bâtis durant l’ère
coloniale, dont l’état présentait un potentiel de réhabilitation. Puis, pour atteindre notre but de rendre accessible au
plus grand nombre, il fallait que ses dimensions puissent permettre d’y insérer un, ou, en l’occurrence, plusieurs
programmes à caractère public. Très vite, le lieu du projet s’est imposé à nous, tellement sa position dans la ville
était stratégique et ses qualités flagrantes. Nous avons donc trouvé, dans le site des chemins de fer de Lomé,
un endroit qui, en plus de remplir nos critères de base, présente des caractéristiques urbaines et des qualités
d’ambiance qui dépassaient toutes nos attentes. Il s’agit d’un ensemble de bâtiments partiellement désaffecté,
le transport de voyageurs ayant cessé, il ne sert plus qu’au trafic de quelques marchandises. Son affectation
ferroviaire lui donne son caractère particulier. Elle a rendu complexe la compréhension des différentes logiques
qui ont guidé les étapes successives de sa construction. L’analyse de cette évolution et du contexte global nous
5
ont aidées à définir le cadre et les principes de notre intervention.
Il s’est avéré que la réhabilitation d’un site ferroviaire datant de l’époque coloniale, touche autant au domaine
de l’architecture, qu’à ceux de l’histoire et de la sociologie. Son étude a soulevé de nombreuses questions,
auxquelles nous allons tenter d’apporter des éléments de réponse dans ce travail.
Une première étape consiste à esquisser le contexte africain. Dans la partie dédiée au colonialisme, il s’agira de
comprendre quels étaient les enjeux et quelles stratégies ont été utilisées par les différentes puissances pour
réaliser leur projet colonial. Une courte description des chemins de fer tentera d’expliciter les raisons de leur
succès ou de leur déclin. Cette analyse devrait pouvoir nous aider à décider si, dans notre cas, un projet de
remise en service du transport de personnes est envisageable et réaliste, et dans quelle mesure il faut l’inclure
dans le projet. Cette partie sera également constituée d’un chapitre sur le réemploi qui est une caractéristique
importante de la société togolaise contemporaine, nous tenterons de comprendre s’il y a des applications
possibles de ce principe dans le projet d’architecture. Une seconde partie dédiée à l’architecture coloniale doit
permettre de situer la production d’architecture dans les colonies par rapport au contexte mondial. Une vue
globale sur la construction dans les territoires d’outre-mer amène à estimer la valeur de ce qui a été construit sur
le territoire togolais.
L’architecture coloniale du Togo est traitée dans la partie suivante. La majorité des bâtiments se situant dans la
capitale, ce chapitre résume les différentes époques de production et leur contribution à la construction de Lomé
et de son image. Cette section nous aidera à comprendre les tendances de la construction à l’échelle locale.
Elle creuse plus en profondeur la question des acteurs et des matériaux. Cette recherche complète le travail de
relevé du site qui suivra, en tentant d’identifier quelles ressources et quelles techniques étaient à la disposition
des bâtisseurs.
Le chapitre sur la ville de Lomé, explique le développement et décrit les spécificités de la capitale du Togo. Il
contient un texte plus personnel destiné à plonger le lecteur dans l’ambiance qui y règne.
La dernière partie théorique de la recherche aborde la problématique du patrimoine colonial et définit les enjeux
liés à sa sauvegarde dans le contexte spécifique de Lomé.
La présentation du site du chemin de fer de Lomé viendra terminer ce travail. Elle contient un relevé de ses
bâtiments et la description de sa végétation et des éléments industrio-ferroviaires qui caractérisent le lieu.
Cette partie sera suivie d’une conclusion qui définit les lignes directrices du projet de réhabilitation. Ce sont ces
dernières qui guideront notre intervention.
6
7
CONTEXTE AFRICAIN
LE COLONIALISME
La colonisation des terres africaines débute dans les années 1870. Elle est le fruit des politiques impérialistes des
grandes puissances européennes. La concurrence effrénée à laquelle se livrent les divers pays du vieux continent
est régulée par la conférence de Berlin, qui se déroule durant les années 1884 et 1885. Par la suite, de nombreux
accords sont signés entre les différentes nations, déterminant des frontières claires là où il n’y en avait pas. À
l’aube de la première guerre mondiale, l’entier du continent est pratiquement colonisé.
Des motivations de différentes natures poussent les puissances européennes à acquérir de nouvelles terres.
Dans tous les cas, des raisons économiques, stratégiques et idéologiques s’entremêlent, comme le révèle cette
citation de Mérignhac datant de 1882 :
«Coloniser, c’est se mettre en rapport avec des pays neufs, pour profiter des ressources
de toute nature de ces pays, les mettre en valeur dans l’intérêt national, et en même
temps apporter aux peuplades primitives qui en sont privées les avantages de la culture
intellectuelle, sociale, scientifique, morale, artistique, littéraire, commerciale et industrielle,
apanage des races supérieures.»1
Chaque pays colonisateur a ses propres intérêts et sa propre manière de faire. Ainsi, l’Allemagne s’établit dans
plusieurs zones de l’Afrique, y développant différentes activités. Si l’actuelle Namibie, Deutsch-Südwest-Afrika
est acquise dans l’intention d’être utilisée comme un nouvel espace de peuplement pour les Allemands,2 le
Togo, lui, ne possède qu’un intérêt économique. Il ne sera investi, dans un premier temps, que pour tirer parti
de ses ressources naturelles. La colonisation au Togo résulte donc d’une stratégie de protection d’un territoire
pouvant fournir au pays-mère des matières premières, et non d’une volonté d’y établir une partie de la population.
Distinction importante pour bien comprendre le contexte dans lequel la colonie voit le jour.
Il faut savoir qu’il est la dernière partie de la Côte des esclaves (appellation donnée au littoral allant du Ghana au
Nigeria) à être officiellement occupée. Pris en tenaille par la Grande-Bretagne occupant l’actuel Ghana d’un côté,
et, de l’autre côté, par la France résidant dans l’actuel Bénin. Ces deux puissances exercent une forte pression
sur toute la région et les Allemands sont accueillis avec soulagement par les indigènes. Car même si l’Allemagne
finance beaucoup de missions exploratrices, Bismarck est pendant longtemps réticent à la colonisation, d’où
l’entrée tardive de sa nation dans la course aux colonies. Ce sont les firmes allemandes déjà installées sur la
côte qui motivent leur pays à intervenir et à s’impliquer dans la zone. La colonisation devient ainsi un moyen de
soutenir et de protéger les intérêts des commerçants allemands.
Un traité de protectorat est donc signé, le 5 juillet 1884, entre l’Allemagne et Mlapa III, le chef traditionnel de la
1
Selon le précis de législation et d’économie coloniales, écrit en 1882 par Mérignhac
2
«Un peuple a besoin de terre pour son activité, de terre pour son alimentation. Aucun peuple n’en a autant besoin que le peuple allemand (...), dont le vieil
habitat est devenu dangereusement étroit. Si nous n’acquérons pas bientôt de nouveaux territoires, nous irons inévitablement à une effrayante catastrophe.
Que se soit au Brésil, en Sibérie, en Anatolie ou dans le sud de l’Afrique, peu importe, pourvu que nous puissions à nouveau nous mouvoir en toute liberté et
fraîche énergie, pourvu que nous puissions à nouveau offrir à nos enfants de la lumière et de l’air d’excellente qualité et quantité abondante.» Albrecht Wirth,
Volkstum und Weltmacht in der Geschichte, 1904.
8
région du lac Togo. Quelques jours plus tard un accord
similaire sera conclu au Cameroun.
Plusieurs acteurs européens vont par la suite intervenir
dans ce territoire, poursuivant chacun leurs buts, qui
quelquefois se recouperont. Il y a les missionnaires, les
commerçants et les fonctionnaires de l’administration
coloniale, dont le Kolonial Wirtschaftliches Komitee
faisait partie. Ce comité économique a comme objectif
de créer un réseau ferré afin de pouvoir transporter
leur production de matières premières destinées à
l’industrie allemande.
En 1914, la France et la Grande-Bretagne attaquent
les Allemands du Togo. Ces derniers ne sont pas
préparés à une action militaire et capitulent quelque
jours plus tard, après s’être retirés vers le nord, jusqu’à
Atakpamé. Les deux vainqueurs se répartissent alors
le territoire.
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A la fin de la première guerre mondiale, le Togo devient
un territoire sous mandat que la Société de Nations
octroie à la France. Cette dernière possède déjà des
colonies plus étendues en Afrique de l’Ouest, ce qui
ne l’encourage pas à faire de gros investissements au
Togo.
En 1960, le Togo devient un pays indépendant. Jusque
dans les années 1980, le Togo est surnommé la petite
Suisse de l’Afrique, grâce à sa prospérité économique.
Depuis, le pays souffre d’une politique qui l’a entraîné
dans une période de morosité économique qui
perdure. Le manque d’investissement général et les
infrastructures vieillissantes qui disparaissent au fur et
à mesure n’améliorent pas la situation. En 2010, des
élections présidentielles doivent avoir lieu, mais peu de
citoyens croient qu’un réel changement peut avoir lieu.
Il se sentent prisonniers d’un régime politique et militaire
qui conserve le pouvoir, de père en fils, depuis plus
de 40 ans. Il faut dire que le plus petit pays d’Afrique
francophone n’attire que très rarement l’attention de la
communauté internationale.
9
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découpage de l’Afrique en 1914
colonies allemandes
CONTEXTE AFRICAIN
LE CHEMIN DE FER DANS LES COLONIES AFRICAINES
Le chemin de fer dans les colonies est considéré comme un vecteur de civilisation par les européens. En Afrique de
l’Ouest, sa construction débute dans les premières années du XXe siècle, cent ans après les premiers essais liés à
la révolution industrielle en Europe. Alors qu’au Maghreb, les premiers trains circulent déjà dans les années 1860.3
Les premières lignes de chemins de fer, en Afrique occidentale, sont motivées par des intérêts commerciaux, mais
aussi par une volonté politique. Dès leur arrivée, les colons mettent en place de grands pontons appelés «wharfs»
pour permettre aux bateaux de charger les matières premières en provenance des terres (coton, café, cacao, huile,
etc.). Les premiers tronçons sont donc toujours construits en direction des côtes et mènent directement sur les
wharfs. Dans certains pays, les trains transportent, en plus des produits de la terre, des minerais, par exemple,
de l’or dans l’actuel Ghana (ex Gold-Coast), ou de l’étain au Nigeria. Il faut avoir à l’esprit que les animaux de trait
sont très peu présents en Afrique subsaharienne. Les transports de marchandises ne s’effectuaient donc qu’à dos
d’hommes avant l’arrivée du train.
Outre ces motivations économiques, les colons cherchent, par le biais des chemins de fer, à asseoir leur pouvoir
administratif. Dans le cas, un peu différent, du Nigeria, le réseau fut même mis en place pour contrer l’avancée de
la religion musulmane.4 Le prosélytisme religieux était donc aussi une raison.
Lors de la mise en place de ces infrastructures, de nombreuses difficultés se posent. Les premières sont dues au
climat et à l’environnement. Dans certaines régions, le lit des cours d’eau varient énormément selon les saisons,
rendant leur franchissement difficile. Dans les zones désertiques, l’eau, indispensable au fonctionnement des
locomotives à vapeur, manque. Le relief est lui aussi, comme ailleurs, une source de difficulté. En dehors de ces
aspects techniques, les européens souffrent de nombreuses maladies et sont parfois attaqués par des tribus
indigènes. Des imprévus dûs à la méconnaissance du milieu surviennent aussi, comme, par exemple, les traverses
en bois qui sont très vite rongées par les termites. Pour finir, les ingénieurs et la main d’oeuvre sont rares et peu
qualifiés par rapport à ceux d’Europe.5
En Afrique de l’Ouest, au début du XXe siècle, les puissances coloniales en place vivant, dans un climat de concurrence,
ne coopèrent pas dans la mise en place de leurs réseaux respectifs. Au contraire, elles tentent par le biais du chemin
de fer de s’approprier les terres encore inoccupées. Des différences techniques telles que l’écartement des rails
découlent de cette absence de collaboration, rendant les différents tronçons impossibles à relier entre eux. Ce qui
est probablement une des raisons du déclin du chemin de fer en Afrique. C’est dans les pays du Maghreb et en
Afrique du Sud que les transports ferroviaires sont le plus développés. Ces réseaux ont plusieurs caractéristiques
en commun. Ainsi, la densité du réseau ferroviaire les rapproche plus des réseaux européens que des africains et
il ne s’agit pas de lignes pénétrantes mais d’un véritable réseau, communiquant avec les pays voisins, en profitant
d’un écartement des rails unifié dès le départ. Aujourd’hui, on remarque qu’il s’agit des seules régions africaines où
les trains sont un moyen de transport reconnu et ayant une influence au niveau économique. Ceci nous permet de
voir à quel point développement économique et installations ferroviaires sont liés.6
3
Lionel WIENER, Les chemins de fer coloniaux de l’Afrique, Bruxelles : Goemaere, éditeur, 1930, p.20
4
Idem, p.314
5
Idem, p.5
6
Ernst. RANDZIO, K. REMY, Kolonialbahnbau, Die koloniale Verkehrspolitik in Africa, Berlin:Otto Elsner Verlagsgesellschaft, 1942, p.57
10
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CONTEXTE AFRICAIN
LE CHEMIN DE FER AU TOGO
En 1906, les motivations allemandes sont avant tout d’ordre stratégique, car au moment où ils débutent la
construction du chemin de fer, ils ignorent encore quelles sont les ressources minières du pays7. L’installation
de lignes ferroviaires est perçue comme un investissement nécessaire, visant à encourager l’exploitation des
ressources en matières premières des nouvelles terres.
La colonie fait appel à une société ferroviaire allemande indépendante, Lenz und Co8. Elle se charge des travaux et
de l’exploitation du réseau. Il faut préciser que les économies réalisées, par rapport au budget d’exécution alloué
par l’Allemagne au gouvernement de la colonie, sont partagées équitablement entre l’administration coloniale et
Lenz und Co. Les deux parties avaient donc intérêt à limiter les coûts de la construction, sans trop s’inquiéter de
sa qualité. Dans cette logique, les rails sont posés à même le sable, sans être stabilisés par du ballast, limitant
ainsi fortement la vitesse des convois. Sans être forcément la cause principale de l’échec du chemin de fer
togolais, il s’agit là d’une caractéristique symptomatique de cette colonie. En effet, le Togo allemand est, durant
toute son existence, coincé entre son rôle officiel de Musterkolonie, colonie modèle sensée s’auto-financer, et
son manque de moyens9.
Les tout premiers rails sont ceux qui relient directement le wharf de Lomé aux maisons de commerce en ville.
En 1905, la ligne longeant la côte entre Lomé-Aného est inaugurée, elle fait le lien entre Aného, la capitale
administrative et Lomé, la ville commerciale. Deux ans plus tard, c’est Lomé-Kpalimé et finalement, en 1911, le
tronçon principal allant jusqu’à Atakpamé qui sont terminés. Le nom de ces lignes, appelées respectivement ligne
des cocotiers, ligne du cacao et ligne du café, illustre bien leur destinée commerciale. Cet impact économique
touche également les indigènes, qui s’approprient rapidement ce moyen de transport pour étendre leur négoce.
De nouveaux marchés voient le jour à chaque gare.10
Pour pouvoir imaginer quelle activité représente le train en 1914, il faut savoir que le Togo était la colonie allemande
d’Afrique ayant la plus grande densité d’habitants par kilomètre de rail, avec une moyenne de 11,5. Le chiffre
correspondant à ce calcul en Allemagne, à la même époque, était de 12411. Cette comparaison illustre une des
différences fondamentales entre les chemin de fer d’Afrique occidentale et d’Europe. Alors qu’en Europe le rail
est mis en place pour transporter des personnes, au Togo il est conçu pour transporter des marchandises.
Dès le début de la Première Guerre mondiale, l’Allemagne perd le Togo qui est partagé entre les Britanniques
et les Français. Lomé est aux mains anglaises, de même que les chemins de fer, jusqu’en 1920. Durant cette
période, le réseau n’est pas entretenu, ses exploitants pressentant probablement qu’ils ne vont pas rester en
place très longtemps. Après la nouvelle répartition effectuée par la Société des Nations, Lomé et la totalité du
réseau de chemin de fer passent sous mandat français.
7
Pierre Ali NAPO, Le chemin de fer pour le Nord-Togo, Histoire inachevée, Paris, L’Harmattan, 2006, p.11
8
Helmut SCHROETER, Roel RAMAER, Die Eisenbahnen in den einst deutschen Schutzgebieten, Berlin:Röhr-Verlag, 1993, p.102
9
Information tirée d’un entrentien, le 16.09.2009, avec Peter SEBALD, auteur de Togo 1884-1914, Berlin: Akademie-Verlag, 1988
10 Helmut SCHROETER, Roel RAMAER, Die Eisenbahnen in den einst deutschen Schutzgebieten, Berlin:Röhr-Verlag, 1993, p.104.
11 Helmut SCHROETER, Die Eisenbahnen der ehemaligen Deutschen Schutgebiete Afrikas und ihre Fahrzeuge, Frankfurt am Main, Verkehrswissenschaftliche
Lehrmittelgesellschaft m.b.H., 1961, p.2
12
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Dès lors, les Français remettent le réseau en état,
puis s’attellent à le prolonger jusqu’à Blitta (1934).
Arrivés à ce point, les crédits viennent à manquer. Le
tronçon n’atteindra jamais l’objectif projeté, c’est à
dire le nord du Togo. Durant les années du mandat,
les Français sont réticents à s’engager financièrement,
ne sachant pas combien de temps ils pourront rester
dans ce pays. Ils craignent que la Société des Nations
décide de le rendre aux Allemands. En outre, la France
possède d’autres colonies dans la région qui sont
beaucoup plus étendues que le Togo et dont elle tire
un plus grand profit.
Après son indépendance en 1960, le Togo s’allie
avec trois pays enclavés du Sahel, le Burkina-Faso,
le Mali et le Niger, pour prolonger la ligne LoméAtakpamé vers le nord12. A cette époque, le port en
eau profonde, qu’avaient déjà projeté les Allemands,
est enfin construit. Le pays aurait donc l’occasion de
servir d’accès à la mer pour ses trois voisins, avec les
bénéfices qu’on peut imaginer pour son économie.
Malheureusement les pays ne trouveront jamais les
fonds financiers pour mettre en oeuvre leur projet.
En 1979, un nouveau tronçon d’environ 50 km est
construit pour atteindre les mines de clinker à Tabligbo
et en transporter le minerai jusqu’au port.13 Avec le
transport de phosphates, il s’agit de la dernière activité
ferroviaire subsistant au Togo. En effet, depuis 1996 le
transport de personnes a totalement cessé. Les trains,
toujours lents et de plus en plus sujets aux pannes,
n’ont pas tenu face à la concurrence automobile.
Cet échec est resté gravé dans l’esprit de plusieurs
générations de togolais, qui évoquent encore avec
nostalgie leurs voyages en train.
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12 Pierre Ali NAPO, Le chemin de fer pour le Nord-Togo, Histoire inachevée,
Paris, L’Harmattan, 2006, p.125
13 Helmut SCHROETER, Roel RAMAER, Die Eisenbahnen in den einst deutschen
Schutzgebieten, Berlin:Röhr-Verlag, 1993, p.116)
13
CONTEXTE AFRICAIN
RÉEMPLOI ET RÉCUPÉRATION
Dans un pays en voie de développement comme le Togo, le manque de moyens pousse les gens à récupérer tout
objet dont ils peuvent encore tirer parti. Cette habitude du réemploi nous est apparue comme une particularité à
laquelle il fallait s’intéresser, en regard de notre démarche projectuelle. Il ne s’agit que d’une facette de la vaste
culture commune au continent africain, dont nous ne prétendrons jamais avoir saisi l’entier.
D’emblée, une question se pose; peut-on qualifier cet usage de «culture»?
Voilà la définition que l’UNESCO nous propose:14
«Dans son sens le plus large, la culture peut aujourd’hui être considérée comme l’ensemble
des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une
société ou un groupe social.»
Nous avons interprété ce phénomène de récupération comme un caractère spécifique de la société africaine.
Nous le qualifierons donc de «culture de la récupération», même s’il ne constitue qu’un champ d’une culture plus
générale.
Malgré la présence de cette caractéristique dans tous les pays pauvres, son approche culturelle n’est pas partout
identique. Nous nous concentrerons donc que sur l’Afrique de l’Ouest et en particulier sur le Togo. La littérature
à ce sujet n’étant pas très répandue, nos observations personnelles viendront étayer notre propos.
Au Togo, le neuf n’est pas accessible au plus grand nombre. Même si cette affirmation doit être tempérée
puisque, ces dernières années, les exportations chinoises à très bas prix ont rendu abordables de nombreux
biens de consommation courante. Malheureusement, leur piètre qualité de fabrication a pour conséquence une
durée de vie très courte. La classe moyenne peut s’offrir la technologie des pays industrialisés, machines à
coudre, téléphones portables, télévisions, mais ces appareils sont tous de seconde main. En général, il s’agit
de marchandises importées d’Europe, auxquelles l’Afrique offre une seconde vie, au moins aussi longue que la
première.
Une fois notre étonnement d’occidentaux dépassé, il convient de regarder par l’autre bout de la lorgnette en se
demandant depuis combien de temps vivons-nous dans un monde d’une opulence telle que la nouveauté soit
considérée comme un dû? Non seulement ce fonctionnement est apparu récemment, mais il est clair qu’il n’a fait
qu’aller crescendo depuis un demi-siècle. Il est le fruit d’une société de consommation basée sur l’obsolescence.
L’étude d’une culture qui ne nous est pas familière a ceci de singulier qu’elle nous pousse à interroger notre
propre culture.
14 http://portal.unesco.org
14
sandales réalisées à partir de pneus
source: http://picasaweb.google.com
Ce génie de la récupération est la réponse à une société de consommation capitaliste vouée, par essence, à
ne combler que les plus riches. Il est primordial de garder à l’esprit que le savoir-faire lié à la récupération est
strictement nécessaire à la survie des classes les plus modestes qui la pratiquent. L’importation plus ou moins
brutale de la culture occidentale, autrement dit la mondialisation, a évidemment amené la population togolaise
a être attirée par la logique de consommation. Cette dernière ne leur étant pas accessible, les Africains ont, en
quelque sorte, créé une société de consommation basée sur le commerce des objets recyclés.
fétiche, Musée du Golfe de Guinée, Lomé
La culture de la récupération s’exprime de diverses manières, les acteurs sont nombreux. Il convient de différencier
plusieurs catégories, les artisans, les enfants, les artistes et les bâtisseurs. La sphère des artisans du recyclage
est la plus importante. Ces métiers, dont certains sont très anciens, ont adapté leurs techniques aux matériaux
issus de la récupération.15 Dans l’ouvrage «Ingénieuse Afrique», A. Gendreau dit:
«la récupération en Afrique tient d’une philosophie de la matière qui en fait un élément de
la nature à respecter. En conséquence, dès lors qu’il y a matière, il y a multiples possibilités
d’utilisation, bien au delà de l’usage initial.»16
Tous les matériaux sont exploités, le verre, le plastique, les métaux, ferreux ou non, les papiers, les textiles et les
caoutchoucs. Au Togo, des jeunes vont régulièrement de maison en maison pour les collecter en les achetant
à bas prix. Ce système donne une valeur, aussi petite soit-elle, à la moindre bouteille en plastique, à la moindre
boîte de conserve. Les autres sources de matières sont les dépotoirs et pour les métaux, les carcasses de
voitures abandonnées et les voies de chemins de fer désaffectées.
confection d’outils agricoles
Les artisans produisent la majorité des objets usuels, de l’outil agricole à l’ustensile de cuisine, en passant
par les chaussures. Ces produits comblent l’essentiel des besoins des ménages les plus pauvres. La notion
de modernité, n’est pas absente de cette culture de la récupération. En effet, les artisans sont en constante
recherche d’innovation, leur objectif étant toujours d’améliorer la qualité de vie de leurs clients. 17
La nécessité de faire preuve d’imagination et de créativité touche également les enfants. Depuis leur plus jeune
âge, ils s’exercent à construire eux-même leur jouets, car il n’est pas d’usage de leur offrir des cadeaux. Ainsi, très
tôt, ils développent une grande indépendance vis-à-vis des adultes en faisant preuve d’inventivité et d’habileté
manuelle. Dans un groupe d’enfants, les plus vieux assistent les plus jeunes en leur enseignant leur savoir-faire,
acquérant du même coup les valeurs d’entre-aide et de solidarité. 18
pulvérisateur fait à partir de matériaux de récupération
15 Andrée GENDREAU, Ingénieuse Afrique, Québec, fides,1994, p.26
16 Idem, p.9
17 Idem, p.67
18 Idem, p.53
15
constructions à partir de matériaux récupérés
La démarche artistique qui se nourrit du réemploi des rejets de la société de consommation est, elle aussi, très
présente en Afrique de l’Ouest. Elle s’écarte de la pratique des artisans et des enfants, en étant, par définition,
moins vitale et plus intentionnelle. Contrairement à celle des artisans, leur clientèle se compose principalement
d’occidentaux amateurs d’art contemporain ou d’Africains fortunés. Cette caractéristique amène une certaine
ironie dans leur action: ils deviennent, en quelque sorte, des catapultes renvoyant les déchets vers leurs propres
producteurs.19 Dans certains cas, ces artistes sont les descendants des sculpteurs et des peintres traditionnels
qui fournissaient aux chefs ou aux prêtres les objets nécessaires aux rituels. Des fétiches religieux anciens sont
une accumulation de petites choses récoltées. Le réflexe de récupération est donc antérieur à la présence des
déchets du monde industriel.
Au niveau architectural, la récupération d’éléments bâtis ne s’observe que très peu en Afrique, contrairement à ce
qui se fait en Amérique du sud. Là-bas, des structures laissées à l’abandon sont squattées par les populations
les plus modestes et deviennent des immeubles de logement à part entière. Comme nous l’explique le collectif
COLOCO: «les squelettes sont les échecs de l’industrie de la construction».20
Au Togo, de telles constructions interrompues au stade de l’ossature n’existent pas étant donné l’absence quasi
totale d’activité industrielle. La construction privée est principalement de l’auto-construction. Un chantier peut
rester en suspend pendant des années, cela ne sera pas considéré comme un abandon. Il est habituel que le
processus dure une ou deux décennies. A chaque fois que ses finances le lui permettent, la famille propriétaire
ajoute une nouvelle partie à la future maison. Ce fonctionnement est évidemment dû à la situation économique
précaire de la plupart des ménages togolais.
Il existe tout de même un certain nombre de grandes structures vides et abandonnées, la majorité datant de
l’époque coloniale. Elles sont aux mains de l’État. Ce dernier, même s’il ne nourrit aucun projet les concernant,
y poste des gardiens chargés de chasser d’éventuels squatters. Dans ce contexte autoritaire et de politique de
thésaurisation, il n’est pas étonnant qu’aucun projets d’appropriation de ces structures n’émane de la population.
La culture de la récupération ne peut donc pas s’appliquer aux bâtiments existants, qu’ils soient ou non achevés,
ce qui ne signifie pas qu’elle est absente de l’architecture. Elle existe dans la façon d’appréhender les matériaux
de construction.
19 Idem, p.62
20 http://www.coloco.org/index.php?cat=squelettes
16
L’architecte Jean Philipe Vassal qui a exercé en Afrique, s’est exprimé à propos de ce phénomène.21
«Ce qui est intéressant en Afrique, c’est la capacité d’invention. D’une certaine façon ce ne
sont pas les matériaux qui sont les plus importants, c’est la facilité avec laquelle, quand on
a pratiquement rien, on est capable d’inventer quelque chose. C’est ça que je trouve le plus
étonnant. Ce qui est intéressant en Afrique, c’est de voir avec quelle facilité d’esprit on peut
utiliser en même temps des matériaux traditionnels, des matériaux modernes, de la paille,
de la terre, de la brique, mais aussi de l’acier, des poutres métalliques, juste par rapport à
leur efficacité et sans à priori aucun. On mélange des choses à la fois qui peuvent être très
sophistiquées, très traditionnelles, sans aucun problème.»
En guise de conclusion, il semblerait que, de manière générale, la culture africaine aborde de façon plus détendue
le mélange d’ancien et de nouveau. L’attraction qu’exerce sur eux la modernité n’a d’égale que l’admiration que
les occidentaux portent aux objets du passé.
21 Interview de Jean Philipe Vassal par Emanuele Piccardo, 25 décembre 2008, retranscrit par G. Chou, http://www.youtube.com/watch?v=MyemlnTOtLk&fe
ature=related
17
18
19
20
ARCHITECTURE COLONIALE
ARCHITECTURE ET URBANISME
L’architecture coloniale, c’est à dire l’art de construire dans les colonies est une thématique très vaste. Elle englobe
non seulement une large période temporelle, mais également une localisation sur pratiquement tous les continents.
Il s’agit de production de bâti par des étrangers sur un territoire dont ils ne maîtrisent pas toutes les dimensions. Les
modèles importés de la métropole sont adaptés en fonction du climat et des ressources disponibles, ils évoluent
avec le temps.
Il n’y a donc pas un seul type d’architecture coloniale, mais plusieurs. Elle diverge selon les styles architecturaux
présents dans le territoire du pays-mère, mais aussi des architectures locales. Elle s’adapte aussi en fonction de
la valeur attribuée au territoire acquis par la puissance coloniale. Selon Bernard Toulier, « Ces styles coloniaux sont
inspirés de l’architecture régionale, variante et complément du régionalisme « international » de la métropole. »1.
Il la qualifie également de « Lieu de confrontation entre les colons et les colonisés, elle est le fruit d’un rapport de
métissage culturel. »2 Nous verrons plus tard à quel point cette affirmation reflète le cas de Lomé.
« L’architecture coloniale est essentiellement une architecture urbaine, […] »3. Elle est construite dans une ville
tracée par des européens. La discipline de l’urbanisme fait ainsi intégralement parti du processus de colonisation.
Les premiers travaux urbains sont effectués par des ingénieurs militaires ou des ponts et chaussées qui dessinent
très rapidement un premier plan de la cité, destiné à pouvoir accueillir toutes les fonctions nécessaires à la bonne
marche d’une population urbaine croissante. La composition de ces plans intègre les recherches hygiénistes. Puis
des architectes et urbanistes à la recherche de nouveaux terrains pour exercer leur discipline, s’attachent à dessiner
des villes qui ne ressemblent pas trop à des camps militaires. Ils diversifient les modèles en appliquant des principes
contemporains d’embellissement et de hiérarchisation de la ville. Les grands protagonistes de cette vague de
modernisation des villes préexistantes sont surtout les frères Danger à Beyrouth, Michel Ecochard en Syrie, Henri
Probst à Casablanca4. A Lomé, c’est Henri Crouzat qui s’atèle à cette tâche. Il réalise en 1950 un plan d’urbanisme
pour la ville dessinée par les Allemands.5
Ces architectes et urbanistes sont plus libres qu’en métropole, cette situation leur permet d’expérimenter dans
le domaine de l’habitat collectif surtout. C’est grâce à ces conditions que les projets effectués dans les colonies
nourrissent les projets en métropole, surtout dans les opérations d’urbanisme des années 1960.
En 1931, le Congrès international de l’urbanisme aux colonies et dans les pays de latitude intertropicale, est tenu
pendant l’exposition coloniale. Il explicite les principes de l’urbanisme colonial. C’est le début de la théorisation de
l’urbanisme de ségrégation résidentielle qui apparaît entre les deux guerres. La petite taille de Lomé, ainsi que son
plan qui correspondait déjà assez bien à ces principes ont pour conséquence que l’administration française n’y
appliquera pas cette doctrine. C’est à partir de cette période seulement que les cercles d’architectes en Europe
commencent à s’intéresser à la question de l’architecture coloniale.
1
Bernard TOULIER, « Introduction », dans : M. PABOIS, B. TOULIER (dir.), Architecture coloniale et patrimoine, l’Expérience française, Paris : institut national du
patrimoine, 2005, p. 18
2
Idem, p.11
3
Idem p. 14
4
Ibidem
5
Alain SINOU, Jacqueline POINSOT, Jaroslav STERNADEL (dir.), Les villes d’Afrique noire, Politiques et opérations d’urbanisme et d’habitat entre 1650 et 1960 ,Paris :
La documentation Française, 1989, p. 185
21
ARCHITECTURE COLONIALE
CLIMAT
Dans la majorité des cas, l’architecture coloniale doit s’adapter à un climat plus chaud et généralement plus
humide que celui auquel les colons sont habitués, ce qui nécessite une certaine ingéniosité de leur part. Les
dispositifs développés vont évoluer en fonction des matériaux de construction et des recherches des architectes
modernistes.
Dans les zones tropicales, les constructions se protègent contre l’insalubrité et les épidémies par un dispositif
d’isolation des éléments extérieurs jugés malsains, et une recherche de ventilation naturelle. Les bâtiments sont
construits sur pilotis ou surélevés au dessus d’un vide sanitaire. Ils sont orientés selon les vents dominants
et prennent place de préférence sur les hauteurs. L’agencement des façades et leur percements facilitent un
courant d’air permanent. Les effets du rayonnement solaire sont atténués par l’aménagement d’un vide d’air
sous la couverture6.
L’architecture climatique travaille également avec les différentes inerties des matériaux. En principe, la maison se
compose d’une construction extérieure légère qui protège les murs massifs du rayonnement solaire direct.
Plus tard, avec l’arrivée du béton dans les territoires conquis, les architectes vont se servir de la variété des
qualités plastiques de ce matériau pour s’éloigner du modèle à véranda. Des brises-soleil rythment la façade
et protègent les ouvertures d’un rayonnement solaire direct. Des casquettes monumentales viennent coiffer les
bâtiments. Il s’agit ici, d’une influence directe de l’architecture moderne, dont les applications vont se retrouver
de part et d’autre de la Méditerranée et au delà des océans.
6
Bernard TOULIER, « Introduction », dans : Marc PABOIS, Bernard TOULIER (dir.), Architecture coloniale et patrimoine, l’Expérience française, Paris : institut national
du patrimoine, 2005, p. 13
22
ARCHITECTURE COLONIALE
ORIGINE _ MODÈLES _ ÉVOLUTION
L’architecture coloniale est le fruit de la transposition des modèles et de leur adaptation, voir même de leur
mutation engendrée par les conditions climatiques et cultuelles et les ressources disponibles. Elle s’adapte au
lieu et au climat, en mettant en place des dispositifs de ventilation naturelle et de protection solaire. Très vite sont
développés des plans types diffusés à travers des cahiers et des atlas modèles, mais également au sein des
écoles formant le futur personnel colonial.7
Un pays peut hériter de plusieurs influences, comme le Togo ou le Cameroun, de part leur histoire allemande,
britannique et française. Interprétation sensible du monde des autres. Confrontation esthétique avec la nature,
avec la culture des lieux où ils se dressent. Le succès de l’architecture et de l’urbanisme n’est pas nécessairement
lié à la richesse des matériaux où à la sophistication technologique, elle réside aussi dans l’adéquation des
solutions avec le contexte propre à chaque pays, à chacune de ses régions, de ses villes et villages.
La maison à véranda est caractéristique de cette mondialisation et du voyage des modèles. « Du portugais
varanda, on la rencontre à l’origine aux Indes et en Extrême-Orient. Adopté par les Portugais lors de leur
implantation aux Indes à la fin du XVe siècle, le modèle se répand dans leurs possessions tropicales. » Au Brésil,
dans les territoires africains, on la retrouve dès le XVIe siècle dans l’architecture coloniale. […] Ce modèle d’habitat
est largement répandu dans toute l’Afrique par les premiers colons, militaires et commerçants jusqu’au milieu
du XXe siècle, quelles que soient leurs origines. »8 La véranda reste une figure centrale de l’architecture coloniale
en Afrique noire entre 1870 et 1930, période durant laquelle elle entoure la quasi-totalité des bâtiments publics. 9
On peut également citer comme autre exemple, le cas de figure du bungalow de l’architecture coloniale
britannique. Inspirés d’un type d’habitat rural au Bengal, le principe du bungalow est ramené en Angleterre vers
1870, puis réexporté dans les colonies américaines et au Nigéria à la fin du XIXe siècle. 10
Tout comme l’architecture coloniale se sert de certains principes de l’architecture vernaculaire pour s’adapter
au climat ou utiliser les matériaux disponibles sur place, l’architecture coloniale à elle aussi un impact sur la
production d’architecture vernaculaire à laquelle certains éléments sont empruntés. Ce phénomène crée des
bâtiments hybrides, témoins du métissage des savoir-faire et des cultures dans les colonies. En retour, ce mélange
vient influencer la production architecture européenne. Qui lui a à nouveau a une influence sur la production
architecturale en Europe. 11
7
En France il s’agit notamment de l’École coloniale, de la section coloniale des Travaux Publics, de l’École Coloniale, du Ministère des Colonies.
8
Philomena MILLER-CHAGAS, « Le climat dans l’architecture des territoires français d’Afrique », dans : Marc Pabois, Bernard Toulier (dir.), Architecture coloniale
et patrimoine, Expériences européennes, p. 13, Paris : institut national du patrimoine, 2006.
9
Alain SINOU, Bachir OLOUDÉ, Porto-Novo, ville d’Afrique Noire Togo, Editions Parenthèses : Marseille, 1988,
10 Martin MEADE, « L’architecture coloniale britannique en Inde : le bungalow comme cas de figure », dans : Marc Pabois, Bernard Toulier (dir.), Architecture
coloniale et patrimoine, Expériences européennes, p. 39-47, Paris : Institut national du patrimoine, 2006.
11 voir Hélène VACHER, projection colonial et ville rationalisée : le rôle de l’espace coloniale dans la constitution de l’urbanisme en France, 1900-1931, Aalborg,
Aalborg University Press, 1997).
23
Gare de Kpalimé, Togo
source: LAB
ARCHITECTURE COLONIALE
LES CONSTRUCTIONS FERROVIAIRES
Gare de Lomé, Togo
source: Album Leschin
Les bâtiments liés à l’exploitation des chemins de fer dans les colonies font figure d’exception dans ces territoires
où l’activité industrielle n’existe pas. Le thème de l’architecture ferroviaire ne figure pas dans la littérature traitant
des colonies, ceci dit, il est présent de façon indirecte dans de nombreux livres traitant de l’histoire des chemins
de fer et de leur évolution technique. Ces ouvrages donnent à voir des photographies d’époque (même si le sujet
principal de l’image est rarement un bâtiment), mais ne parlent pas d’architecture.
Nous avons voulu savoir si, ce type d’édifice partageait, à l’intérieur de la sphère coloniale, des traits communs.
En particulier dans l’ensemble formé par les pays sous protectorat allemand. L’étude du site ferroviaire de Lomé,
à la fin de ce travail, illustre la variété des types de bâtiments nécessaires au fonctionnement des trains. Les
sources ne concernent en général que les gares et les hangars à locomotives. Nos observations porteront donc
sur ces deux exemples.
A l’intérieur du Togo, les deux gares principales, Lomé et Kpalimé s’inscrivent dans une mise en oeuvre identique.
L’étage inférieur est un noyau maçonné entouré d’une colonnade qui reçoit une galerie en bois. Il s’agit d’une
adaptation «ferroviaire» de la maison à véranda. On retrouve ce modèle à l’est de l’Afrique, dans ce qui est
aujourd’hui la Tanzanie (Deutsch-Ostafrika). Là-bas, le réseaux de chemins de fer fut, comme au Togo, mis en
place par la firme Lenz und Co12. En comparant la gare de Dar es Salam (Tanzanie) à celle de Lomé (aujourd’hui
détruite), on s’aperçoit que l’étage supérieur, est construit en dur à Dar es Salam. Cette différence provient
sûrement des matériaux à disposition dans la région.
Gare de Dar es Salam, Tanzanie
source: HSRR
Gare de Swakopmund, Namibie
source: HSRR
Comme cela a déjà été dit dans le chapitre sur le contexte africain, les colons allemands n’avaient pas les mêmes
aspirations selon qu’ils étaient dans telle ou telle région d’Afrique. La manière de construire des gares en est une
illustration. La Namibie actuelle (Deutsch-Südwestafrika) était vue par les Allemands comme une nouvelle terre
sur laquelle aller s’établir. La construction des bâtiments fut gérée par des militaires13. On imagine volontiers que
la gare de Swakopmund aurait pu être construite de façon identique en Allemagne. Les efforts pour adapter un
modèle européen à des conditions atmosphériques différentes sont atténués, car le climat Namibien n’est pas
aussi tropical que celui d’Afrique de l’ouest. Swakopmund est une petite station balnéaire qui, encore aujourd’hui,
est peuplée en majorité de blancs. Autres lieux, autres préoccupations, aujourd’hui cette gare est devenue un
hôtel de luxe. Malgré un environnement totalement différent, cette transformation nous fournit tout de même un
exemple d’intervention sur du bâti colonial et ferroviaire.
Au Cameroun, la colonie allemande la plus proche du Togo, on remarque que même si les gares ont été bâties
à la même période, elles sont totalement différentes de celles du Togo. On sait pourtant que leur constructeurs
étaient aussi Lenz und Co. et qu’ils voyageaient entre les deux pays. Les gares d’Edea et de Douala sont
toutes deux inspirées du style régionaliste courant en Europe. On peut aussi le trouver dans les pays sous
12 Helmut SCHROETER, Die Eisenbahnen der ehemaligen Deutschen Schutgebiete Afrikas und ihre Fahrzeuge, Frankfurt am Main, Verkehrswissenschaftliche
Lehrmittelgesellschaft m.b.H., 1961, p.3
13 Idem, p. 29
24
Gare de Swakopmund, Namibie
source: www.wikipedia.org
Gare d’Edea, Cameroun
source: collection Schroeter
Gare de Douala, Cameroun
source: Honig
domination française ou britannique, respectivement à
Pointe-Noire et à Accra. Pour comprendre la différence
de style entre Lomé et Douala, il faut s’imaginer que
les constructeurs de ces bâtiments n’étaient pas
architectes et qu’ils n’avaient que peu d’expérience.
Une fois arrivés sur place, ils n’avaient pas beaucoup
de contact avec le continent. Finalement, ces
Baumeister de la firme Lenz und Co. devaient se
débrouiller tout seuls et avec les moyens du bord,
chacun se retrouvant libre d’exprimer sa vision de ce
à quoi devrait ressembler une gare dans les colonies
Il n’y avait donc pas de «catalogue» de construction
pour ces bâtiments. Les variations que l’on a
observées étaient probablement motivées par le côté
représentatif qu’ont les gares, portes d’entrée des
villes, dans le regard des européens. Il faut dire qu’il
existait des revues sur le monde colonial qui informaient
les métropoles des constructions qui s’y faisaient.
Les hangars à locomotives, indispensables à l’entretien,
sont des bâtiments fonctionnels par excellence. On
remarque qu’ils possèdent un certain nombre de
points communs comme les grandes ouvertures de
la façade, et le soulèvement de la partie centrale de
la toiture pour laisser entrer de la lumière dans les
ateliers. Les sources iconographiques concernant
ce genre de bâtiments sont très réduites. Le hangar
de Victoria en Tanzanie et celui de Kpalimé au Togo,
deux villes secondaires, ont une taille et une forme
similaires. Celui de Tabora, également en Tanzanie,
vient se courber autour du pont tournant. Ce type
en anneau, qui permet d’entreposer un plus grand
nombre de locomotives qu’à Lomé, se retrouve dans
toute l’Europe.
Gare d’Accra, Ghana
Gare de Pointe-Noire, République du Congo
source: Honig
source: Architecture française d’Outre-Mer, p.261
Hangar des locomotives, Victoria, Tanzanie
Hangar des locomotives, Kpalimé, Togo
source: Collection Schroeter
source: LAB
Hangar des locomotives, Tabora, Tanzanie
Installations de la gare de Douala, Cameroun
source: HSRR
source: Collection Röhr
L’architecture des hangars paraît donc moins variée
que celle des gares. Cela s’explique, par le fait qu’elle
soit conditionnée par sa fonction et qu’elle n’a qu’un
effort minime à fournir pour s’adapter à l’environnement
dans lequel elle vient s’insérer.
25
Hamburgerstrasse; Lomé
source: WL
ARCHITECTURE COLONIALE AU TOGO
LA PRODUCTION ALLEMANDE 1884-1914
L’architecture coloniale construite au Togo se distingue par sa simplicité par rapport à ce qui est produit dans les
autres colonies. La première phase correspond à l’ère coloniale allemande. Elle est caractérisée par une grande
production de bâti, projeté en Allemagne, qui semble s’inspirer de la production coloniale des autres puissances.
Cette période est également fortement marquée par un constant souci d’économie, qui se reflétera dans ses
constructions. L’architecture de ces bâtiments se révèle fonctionnelle et robuste et bien qu’on se trouve très loin
des débats idéologiques sur l’architecture et la forme, le besoin de représentation est présent.
Palais des gouverneurs Lomé _ début du XXe
source: WL
Le plan type est la maison à véranda, typique de l’architecture coloniale tropicale. Le principe spatial protège
les pièces d’habitation du rayonnement solaire. En général les pièces sont traversantes ce qui permet une
ventilation continue, tout en étant protégées en cas de forte pluie. La véranda sert d’espace de circulation et est
un prolongement des pièces de l’habitat. Ce principe est ensuite adapté en fonction de son affectation et de
qui le construit: «Différenciations qui se traduisent d’abord dans le volume (hauteur sous plafond, surface des
pièces, vérandas plus ou moins profondes, pentes des toits à 2 ou 4 pans) mais aussi dans le traitement des
ouvertures, des escaliers, dans le choix des matériaux utilisés pour les poteaux et les vérandas (bois ou pierre) et
dans l’ornementation (chapiteaux des poteaux, balustrades, menuiseries en bois, etc.) laissant alors transparaître
une référence stylistique plus ou moins affirmée. »1
Il s’agit en général d’un bâtiment en maçonnerie, entouré d’une large véranda périphérique au rez-de-chaussée et
à l’étage. La toiture, bien plus large que le bâtiment-même, est soutenue par des piliers qui supportent également
le plancher du premier étage, ce qui forme ainsi l’espace de véranda. Les piliers sont en maçonnerie, recouverts
d’un crépi. Les balustrades bordant les galeries sont en bois d’oeuvre importé d’Allemagne.
Palais des gouverneurs, Lomé _ 1990
source: WL
Ce plan de base n’est que rarement modifié. Le Palais des Gouverneurs est le seul bâtiment de cette époque
qui se distingue de la forme performante, c’est également le seul qui contient des éléments empruntés à l’Art
Nouveau2.
publicité de Niesky, livre au Togo
1
Thierry LULLE, « Le Togo », dans : Jacques SOULILLOU (dir.), Rives coloniales, Architectures de Saint-Louis à Douala, p. 173-205, Marseille : Editions Parenthèses,
1993, p.181
2
Fritz WILHELM, « Les formes architecturales des édifices coloniaux au Togo de 1884 à 1914 », dans : Wolfgang LAUBER (dir.), L’Architecture allemande au Togo,
Stuttgart : Karl Krämer Verlag, 1993, p. 44-46,
26
Archevêché, Lomé _ état actuel
ARCHITECTURE COLONIALE AU TOGO
LA PRODUCTION AFRICAINE
On assiste dès le début à une grande production architecturale par la bourgeoisie africaine. Ce sont ces
familles, enrichies par le commerce sur les côtes africaines, qui construisent des maisons incarnant leur réussite
économique et sociale. Ce sont elles qui construisent la plus grande partie du vieux centre commercial de Lomé.
Elles y produisent une certaine ‘architecture locale’, non-traditionnelle, synthèse des influences de trois traditions
architecturales d’origines bien différentes.
La première chronologiquement, mais la moins importante, est la transposition des modèles européens,
caractérisée par des larges vérandas en bois ouvragé.
Le second modèle, le style Porto-Novo, apparaît surtout après la première guerre mondiale. Ce style est un
dérivé du baroque portugais du Brésil, rapporté à Lagos et à Porto-Novo par les anciens esclaves. Ces derniers
devenus marchands ou artisans, disposent d’argent et du savoir-faire. Au fil de leur migration sur les côtes de
l’Ouest Africain, les formes s’épurent et les décorations en stuc deviennent de plus en plus discrètes.
Le troisième style est issu de l’héritage du néo-classique anglais, qui a un grand succès sur le territoire de la GoldCoast (Ghana) au début du XXe siècle. Il est surtout utilisé par les familles qui en sont originaires.
Lorsqu’ils n’ont pas une façade sur rue, ces bâtiments se trouvent à l’intérieur d’une façade clôturée dont l’accès
se fait par un porche, en général richement décoré.3 Il en résulte très vite une architecture éclectique, synthèse
ces diverses influences qui devient en quelque sorte l’architecture loméenne.4
.
3
bien décrits et illustrés dans Thierry LULLE, « Le Togo », dans : Jacques SOULILLOU (dir.), Rives coloniales, Architectures de Saint-Louis à Douala, p. 173-205,
Marseille : Editions Parenthèses, 1993, p. 173-205
4
Bernard TOULIER, « Introduction », dans : Marc PABOIS, Bernard TOULIER (dir.), Architecture coloniale et patrimoine, l’Expérience française, Paris : institut national
du patrimoine, 2005, p. 14
27
Hôtel de Ville _ état 2009
Palais de Justice _ état 2009
Direction des Travaux Neufs _ état d’origine
source: ANT
Pavillons pour malades indigènes _ état d’origine
ARCHITECTURE COLONIALE AU TOGO
LA PRODUCTION FRANÇAISE 1920-1960
La période mandataire, de 1920-1945 est une période de planification urbaine. Des plans de ville sont établis
par l’administration, sans grand changement par rapport à ce que les Allemands avaient déjà projeté. Des
règlements concernant l’assainissement et la construction sont établis (introduction de la demande d’autorisation
de construire, modes d’occupation du sol, normes d’habitation : distance minimale à respecter par rapport
à l’alignement de la voie publique, surface bâtie définie à la fois en fonction de la surface de la concession
et du nombre d’habitants, matériaux de construction ‘durs et durables’, clôtures, etc.)5. Les constructions de
l’administration sont de styles très variés, ce qui s’explique par le fait qu’elle ne disposait pas d’architecte en son
sein. Les bâtiments qui lui étaient nécessaires étaient réalisés par les techniciens du chemin de fer. Dans d’autres
cas, les plans étaient directement importés d’ailleurs, comme en témoignent les cinq édifices mauresques bâtis
sur le front de mer 6. Les Directions des Chemin de Fer et des Travaux Neufs de style Arts-déco, avec leur
acrotère ornée de frises à ‘motifs grecques’7 en sont une autre illustration. Construits durant la même période,
vers 1925, les pavillons destinés aux malades indigènes qui complètent l’hôpital allemand et la nouvelle gare
se voient ainsi dotés des mêmes encadrements de fenêtre. Ou la polyclinique et le bloc chirurgical de l’hôpital
allemand,8 tous deux construits vers 1933-35 avec les mêmes acrotères.
La période sous tutelle (1946-1960) est une période faste pour la construction à Lomé. La capitale du Togo va
se doter d’un nombre important de grands bâtiments et d’infrastructures. Ces travaux sont financés par le fond
Fides (Fond d’Investissement pour le Développement Économique et Social)9, programme que la France lance
pour ses colonies. C’est aussi dans cette période que le style des constructions planifiées par l’administration
s’homogénéise, ce qui n’est probablement pas étranger au fait qu’un architecte fait maintenant partie intégrante
de l’administration tutélaire. Ces constructions reflètent les recherches modernistes. C’est l’ère du béton, mais
aussi des gros investissements d’urbanisme, dont la gare routière, près de la cathédrale, le réaménagement du
vieux Zongo, l’embellissement de la Marina10, ainsi que quelques essais de construction d’habitat bon marché
font parti. Mais malgré ces efforts, Lomé reste une ville d’auto-construction.
5
Thierry LULLE, « Le Togo », dans : Jacques SOULILLOU (dir.), Rives coloniales, Architectures de Saint-Louis à Douala, p. 173-205, Marseille : Éditions Parenthèses,
1993, p.189
6
le palais de justice (bâtiment de la cour suprême en 2000), la maison commune (détruit à l’époque de l’indépendance), l’hôtel de ville (ministère de la Justice
en 2000) et le bâtiment des chargeurs réunis (siège Ecobank en 1999), l’ancienne direction des PTT (Direction des Affaires maritimes du ministère du
Commerce et des Transports en 2000). Dont les transformation sont décrites dans Yves MARGUERAT, L’architecture française et l’oeuvre de Georges Coustère
au Togo, Karthala : Lomé, 2000, p. 13-23
7
Ces bâtiments semblent être l’œuvre du responsable des ‘Travaux Neufs’, l’ingénieur Porte. dans Idem, p. 24-27
8
Service de la main-d’œuvre en 2000
9
Fonds d’Investissement et du Développement Economique et Social, loi n° 46-860 du 30 avril 1946
source: YM
10 aménagements actuellement en démolition pour cause d’élargissement de la route côtière
28
Nouvelle gare de Lomé _ état environ 1930
source: YM
Polyclinique _ état d’origine
source: ANT
Henri Crouzat est le premier architecte de l’administration française. Il reprend la planification urbaine qui n’avait
plus été traitée depuis la période allemande. Un de ses projets était de déplacer la gare ferroviaire afin qu’elle
ne coupe plus la ville en deux. Marguerat stipule que c’est probablement à lui que l’on doit la majorité des
constructions administratives de l’époque. C’est Georges Coustère, son successeur qui dotera Lomé d’un
nombre considérable de bâtiments et même de monuments, dont voici quelques exemples : Il termine la
construction du complexe du CHU entamée par Henri Crouzat, et construit également la grande poste de Lomé
en 1957. Ses derniers chantiers sont l’immeuble de l’UTB-Air Afrique11 et la résidence de l’ambassadeur de
France, qui seront construits après l’indépendance.
Depuis, quelques gratte-ciels construits dans les années 1980 sont venus marquer le paysage urbain. Cependant,
Lomé reste une ville basse…
Bloc chirurgical de l’Hôpital allemand
source: YM
Marina _ état d’origine
source: YM
Grande Poste _ état d’origine
source: YM
11 avec son toit à bords relevés souvent copié par la suite, notamment pour le nouveau Palais de Justice. dans Yves MARGUERAT, L’architecture française et
l’oeuvre de Georges Coustère au Togo, Karthala : Lomé, 2000, p. 11, 106-107
29
Immeuble UTB-Air Afrique _ état d’origine
source: YM
ARCHITECTURE COLONIALE AU TOGO
LES ACTEURS maîtres d’ouvrages
On constate que les trois périodes de l’architecture coloniale esquissées par Odile Goerg à partir d’une étude
sur le cas de Conakry (Guinée-Conakry), sont également valables pour l’histoire de la construction au Togo. En
effet, la première période, dédiée à la fondation des villes (fin XIXe-début XXe), temps fort pour la construction,
se recoupe avec la période coloniale allemande. Cette première phase est suivie d’une période faible en
investissements, durant l’entre-deux-guerres, c’est là qu’interviennent à Lomé les acteurs africains. En effet, la
ville dont la fondation est uniquement due au commerce est très fortement touchée par la crise mondiale, les
commerçants se replient sur des valeurs sûres, la construction de leur maison. Puis, après la Seconde Guerre
Mondiale, il y a un essor de la construction grâce aux crédits Fides12, qui équipe toutes les colonies afin de
préparer leur indépendances respectives.
Au Togo, on retrouve, comme dans toutes les colonies, les mêmes grands producteurs de bâti colonial. Les
maîtres-d’ouvrages sont en premier lieu l’administration coloniale, les institutions religieuses, les privés (en général
des commerçants européens), mais également certains riches marchands indigènes.
L’administration coloniale gère la planification et la construction d’infrastructures nécessaires au développement
et à l’organisation de la colonie. Celui qui bâtit le territoire consolide sa domination sur la région, ce qui permet
une meilleure emprise sur les populations indigènes et oppose une occupation effective du territoire aux autres
puissances coloniales13. L’implantation de fonctionnaires européens engendre des besoins en logements et en
infrastructures sanitaires. Les bâtiments administratifs qui abritent les bureaux des fonctionnaires ont un rôle
représentatif. C’est dans ces constructions, comme le palais du gouverneur, par exemple, que les efforts de style
entrent dans le budget très restreint des colonies.
Les communautés religieuses sont les seuls acteurs qui participent autant à la construction du paysage urbain
qu’à celui à l’intérieur des terres. Églises, monastères, écoles sont disséminés dans le pays pour pouvoir
évangéliser le plus grand nombre d’autochtones 14.
Dans un premier temps, les privés sont les gestionnaires des firmes commerciales. Leurs constructions
empruntent pratiquement toutes le modèle superposant l’habitat à la fonction commerciale. Ce n’est que plus
tard que ces hommes d’affaires aménageront leur logement à l’écart.
12 Fonds d’Investissement et du Développement Economique et Social, loi n° 46-860 du 30 avril 1946
13 Lors de la conférence de Berlin en 1884 sur le partage de l’Afrique entre les grandes puissances européennes, l’acte général du 26 février 1885 fondant le
droit positif moderne en la matière définissait l’opposabilité aux autres États de l’occupation de territoires par les notions d’effectivité (installation sur place de
l’État disposant d’une autorité suffisante pour assurer l’ordre et la liberté commerciale) et la notification (mesure de publicité adressée aux autres puissances)
14 D’ailleurs, la Evangelische Norddeutsche Mission de Brême, depuis 1890 au Togo, ne s’installe qu’en 1896 à Lomé
30
ARCHITECTURE COLONIALE AU TOGO
LES ACTEURS professionnels de la construction
L’administration coloniale dispose rapidement d’un service des travaux publics auquel sont rattachés des ateliers
et des équipes de bâtisseurs qui effectuent les travaux communs. Pourtant, pour des bâtiments plus importants
ou pour des infrastructures ferroviaires par exemple, les projets sont élaborés en métropole. Comme nous
l’avons déjà évoqué, l’administration coloniale allemande ne dispose à aucun moment d’un architecte, mais de
Baumeister15.
C’est seulement en 1946 que l’administration française amène un architecte à Lomé. Comme il l’a déjà été dit,
il s’agit d’Henri Crouzat, puis de Georges Coustère qui interviendra encore après l’indépendance du Togo. Ce
dernier a multiplié les oeuvres qui marquent encore aujourd’hui le paysage urbain togolais, même indirectement,
étant donné que les pare-soleil sont présents sur beaucoup de bâtiments qui n’ont probablement pas tous
été construits par lui. Il ne reste pourtant pratiquement aucun dessin de ses projets, seules les photos ont été
conservées.16
Les entrepreneurs privés européens mais aussi africains, implantés dans les colonies, s’occupent en général de
la construction de bâtiments administratifs sous-traitée par les services coloniaux, mais surtout des bâtiments
commerciaux et privés, principalement sur le territoire de la colonie.
Les entreprises basées dans les pays colonisateurs obtiennent, par contre, des mandats publics dans plusieurs
colonies. En effet la connaissance du lieu et du milieu et les moyens techniques dont elles disposent, sont un
atout important pour ces dernières. L’entreprise de construction et d’exploitation ferroviaire Lenz und Co. de Berlin
par exemple, construit presque tous les réseaux ferroviaires des colonies allemandes en Afrique17.
Durant la période allemande, trois entreprises de construction se partagent le marché togolais durant une courte
période. Deux entreprises sont gérées par des Allemands qui sont des anciens professionnels de la construction
de l’administration ou du chemin de fer. L’entrepreneur africain O. Olympio, très bon marché, car n’employant pas
de main-d’oeuvre européenne, obtient certains mandats de l’administration coloniale. Cela s’est probablement
diversifié après, mais nous ne disposons pas d’informations à ce sujet.
15 « ‘Maitre de construction’, d’un rang un peu inférieur à celui d’un architecte diplômé » , selon Yves MARGUERAT, L’architecture française et l’œuvre de Georges
Coustère au Togo, Karthala : Lomé, 2000, p. 7.
16 Ibidem
17 Il s’agit du Togo, du Cameroun et de la Tanzanie (Ost-Afrika), Lenz und Co. fonctionne dans ces opérations aussi comme investisseur
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Technique de construction vernaculaire
ARCHITECTURE COLONIALE AU TOGO
MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION
source: LAB
Le choix des matériaux de constructions révèle beaucoup sur une société et son territoire. Cela dévoile l’importance
du commerce d’import-export, quelles industries sont présentes sur place et quels sont les matériaux locaux.
L’approvisionnement en matériaux de constructions est directement lié aux modes de transport et à leurs
infrastructures. Plus leur développement sera engagé, plus il sera facile de construire pour les Européens. La
disponibilité de certains matériaux aura également une influence sur la production du bâti et les techniques
constructives développées. Ceci aura donc, inéluctablement, un impact sur la forme des bâtiments coloniaux et
sur l’image de la ville coloniale.
Dans les colonies, la première vague de construction est caractérisée par l’utilisation des matériaux locaux
(bois, terre et brique, paille,…). Cela est aussi valable au Togo où les factories, premiers bâtiments européens,
sont d’abord couvertes de végétaux avant que l’on importe la tôle ondulée. Ces éléments trouvés sur place
(bois, glaise et chaume), n’offrent qu’une faible protection face aux conditions climatiques extrêmes que sont
les températures élevées et un ensoleillement intense mêlés à des pluies tropicales. Pourtant, l’utilisation de
matériaux naturels ne disparaîtra pas aussi rapidement de l’architecture coloniale, ces matériaux seront pendant
longtemps employés dans les réalisations dévolues aux indigènes.
Technique de construction vernaculaire
source: LAB
La deuxième vague découle d’une meilleure connexion à l’Europe par l’intermédiaire de bateaux commerciaux.
Ce qui permet d’importer des matériaux de construction tels que des briques, de la chaux, du ciment et du
bois d’oeuvre, 18 mais également des bâtiments préfabriqués et démontables, en bois ou en métal (fonte et fer).
Plus tard, le ciment puis le béton armé seront les matériaux de construction les plus importés.19 Les colonies
sont également des lieux d’exportation de la sidérurgie. Après de grands incendies, les toits en chaume sont
remplacés par des couvertures en tôle 20 et le bois est remplacé par le fer, matériau qui atteint son apogée vers
1910. Les colonnes en fonte importées sont largement utilisées. Les ardoises métalliques et la tôle ondulée sont
largement répandues pour les couvertures. Les objectifs principaux de cette phase sont de construire vite et bon
marché avec des matériaux résistant au climat et aux termites.
Au Togo, l’administration allemande dispose, dans un premier temps, de la Eisernes Haus, maison métallique
préfabriquée, dont le caractère démontable sera effectivement utilisé. Plus tard, des pavillons préfabriqués en
bois seront également importés pour le chemin de fer. La construction des voies ferrées permet d’introduire
ces matériaux de construction à l’intérieur du pays. Par contre, nous n’avons pas connaissance de bâtiments
préfabriqués à l’intérieur des terres sur le territoire togolais. Cette pratique, peu répandue, se limite à quelques
bâtiments sur la côte.
18 voir Horst TEPPERT, « Les phases de développement et les principes de construction de l’architecture coloniale allemande au Togo 1884-1914 », dans :
Wolfgang LAUBER (dir.), L’architecture allemande au Togo, 1884 - 1914, p. 38-39, Stuttgart : Karl Krämer Verlag, 1993.
19 Bernard TOULIER, « Architecture et patrimoine coloniaux européens », dans : Marc PABOIS, Bernard TOULIER (dir.), Architecture coloniale et patrimoine, Expériences
européennes, p. 15, Paris : Institut national du patrimoine, 2006.
20 processus fortement encouragé par les « ‘prêts-tôle-ondulée’ exemptés d’intérêts, octroyés par le bureau impérial de la construction » dans Horst TEPPERT,
« Les phases de développement et les principes de construction de l’architecture coloniale allemande au Togo 1884-1914 », dans : Wolfgang Lauber (dir.),
L’architecture allemande au Togo, 1884 - 1914, p. 38-39, Stuttgart : Karl Krämer Verlag, 1993.
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Technique de sciage d’un tronc d’arbre
source: LAB
Production de briques
source: LAB
En ce qui concerne la construction métallique, elle n’est finalement que très peu répandue à Lomé. A part sur
le site des chemins de fer et le wharf, construction entièrement métallique, il n’y a qu’un seul autre bâtiment à
construction métallique à notre connaissance en ville. Il s’agit de l’École Professionnelle (Brotherhomé) construite
par la Mission catholique entre 1906 et 1912. La structure de ce bâtiment se compose de piliers en fonte et des
voûtains en briques soutenus par des poutres métalliques. Ce bâtiment a d’ailleurs été rénové récemment, il est
dans un très bon état, même si la structure métallique a partiellement été cachée.
La troisième période voit naître la phase de la dominance du béton armé. Des procédés constructifs particuliers
pour ce nouveau matériau sont conçus et mis en œuvre par des réseaux de spécialistes, dont le plus fameux
reste celui de l’ingénieur François Hennebique. Ce système très répandu essaime dans de nombreuses colonies.
A Lomé, on connaît son utilisation pour la polyclinique construite en 1932.21
Il est toutefois important de noter que la construction dans les colonies ne dépend pas uniquement des matériaux
importés. En effet, très vite, les colonies produisent certains matériaux de construction. A Lomé, le modèle de la
factorie dont la base est construite en maçonnerie et l’étage en bois favorise l’installation rapide de briqueteries,
même si le ciment et la chaux sont généralement encore importés jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale. Les
Allemands vont également y introduire le teck, importé d’Inde pour répondre aux besoins en bois de construction.
Car la majeure partie des essences indigènes, dont le bois est soit trop dur, soit trop mou, ne peut pas être utilisée
dans la construction.22 Cette décision a complètement modifié le paysage togolais. Depuis, le teck y est, de loin,
l’essence la plus plantée, même si le bois ne sert plus la construction locale.
Durant les années 1960-1970, la brique jusqu’alors très utilisée à Lomé, se fera progressivement évincer par
le parpaing aggloméré de ciment. Ce dernier peut être fabriqué directement sur le chantier, contrairement à la
brique qui doit être transportée depuis la briqueterie. De plus, grâce au ciment, il ne craint pas la pluie et peut
donc être conservé à l’extérieur très longtemps, ce qui s’avère souvent être le cas dans l’auto-construction.23
Tout comme ailleurs dans le monde, les nouveaux matériaux apportent des nouvelles techniques de mise en
œuvre qui produisent de nouveaux styles architecturaux. Ainsi, l’image de la ville se transforme au fil du temps. Le
bois, matériau très présent dans la Lomé du début du siècle passé, a complètement disparu du paysage urbain
actuel. Alors que les pares soleil imposants, issus de la période béton, ont, eux, une présence encore très forte.
21 Centre d’archives d’architecture du XXe siècle. (Archives de la cité de l’architecture et du Patrimoine, Paris). Fonds Bétons armés Hennebique (BAH). Subdiv.
13 : équipements collectifs, bât. publics, 1930-1932. 076 Ifa, Objet BAH-2-1932-45997. Polyclinique n.id., Lomé (Togo). 1932, Dossier 076 Ifa 3212/2.
Ossature, 1932 (n° d’affaire: 111506): écrits et plans...
22 voir Horst TEPPERT, « Les phases de développement et les principes de construction de l’architecture coloniale allemande au Togo 1884 - 1914 », dans :
Wolfgang LAUBER (dir.), L’architecture allemande au Togo, 1884 - 1914, p. 38-39, Stuttgart : Karl Krämer Verlag, 1993.
23 voir Yves MARGUERAT, Tichtchékou PELEI, Si Lomé m’était contée, Lomé: Presses de l’Université du Bénin, 1993, p.70
33
34
35
LOME
HISTOIRE ET PARTICULARITÉS
Lomé est un cas particulier dans l’ensemble que forment les villes africaines. Ces dernières sont souvent classées
en deux catégories; les cités traditionnelles, d’origine autochtone, et les villes coloniales. On ne peut ranger Lomé
dans aucune de ces deux cases. Selon Y. Marguerat,1 il s’agit d’une «ville africaines non autochtone». Comme
nous le verrons, cette singularité n’est pas seulement la conséquence de l’histoire de sa fondation. Elle offre aussi
une clef de lecture de la ville d’aujourd’hui et de ses particularités.
En 1874, les Britanniques créent la colonie de la Gold-Coast, taxant fortement les commerçants indigènes,
ce qui pousse ces derniers à aller s’installer un peu plus loin, juste après la frontière pour échapper à leur
imposition.2 C’est donc en tant que comptoir commercial que Lomé voit le jour. La migration des commerçants
expliquant du même coup qu’elle est aujourd’hui la seule capitale-frontière au monde. Quelques temps plus tard,
les marchands africains sont rejoints par des firmes européennes, la plupart allemandes.
A l’époque de la signature du traité de protectorat allemand en 1884, la population de Lomé se constitue donc
essentiellement de commerçants qui sont en majorité des africains issus des ethnies voisines. Ce sont ces familles
qui constituent la dynamique bourgeoisie Loméenne. Elle sera l’interlocutrice incontournable avec laquelle les
colons, qu’ils soient allemands, anglais ou français, devront traiter.
En 1896, lorsque le gouvernement colonial allemand veut établir son quartier administratif, il respectera le noyau
commercial de la ville, devenu plus important, en allant s’installer à l’ouest de celui-ci. Ainsi, il reconnaît la capacité
des négociants à construire leur espace urbain, tout en régulant le tracé viaire. C’est ce «laisser faire»3 politique
qui donne à Lomé un caractère tout à fait différent de celui des villes coloniales typiques. Cette considération,
plutôt inédite dans le monde colonial, portée aux autochtones se concrétisera, en 1904, par le dessin d’un
cadastre officialisant les propriétés des Loméens.4
La ville va progressivement se construire avec, d’un côté un quartier administratif aux bâtiments publics et
administratifs et aux logements de fonctionnaires disséminés dans un environnement vaste et verdoyant, de
l’autre côté, le quartier commercial abritant des marchands noirs et blancs. En 1913, les allemands planifient
le boulevard circulaire en anticipant sur le développement de la ville. Chassés l’année suivante par les alliés, ils
n’auront pas l’occasion de voir le boulevard achevé. Ce tracé et celui du quartier administratif ont perduré jusqu’à
nos jours. Ils cristallisent, au niveau du tracé urbain, les marques d’autorité de cette époque coloniale. Ce qui
reste néanmoins une intervention légère, par rapport aux autres villes coloniales.
1
Yves MARGUERAT, «Lomé, mémoire d’une ville», Histoire de Développement, Paris, num 22, 1993, p.35-39
2
Philippe GERVAIS-LAMBONY, Gabriel Kwami NYASSOGBO, De Lomé à Harare, Le fait citadin, Paris, Karthala, 1994, p.82
3
Idem, p.93
4
Idem, p.83
36
0
1896
1910
37
1913
0.2
0.4
1 km
L’ère suivante sera britannique, elle court de 1914 à 1920. De manière générale les auteurs traitant du
développement de Lomé, s’accordent à dire que cette période a eu peu de répercussions directes sur la
construction de la ville, mais elle est néanmoins très importante au niveau économique. En effet, c’est durant
cette période que les marchands africains s’enrichissent énormément, ce qui est le fondement nécessaire de la
grande période de construction qui durera pendant la crise des années 1930.
A Lomé, il n’existe pratiquement pas de pression foncière car il n’est pas dans l’usage local de vendre son terrain.
Ce principe est d’autant plus fort si l’on a bâti une maison sur la parcelle. Une étude de Y. Marguerat datant de
1982-84, révélait qu’à cette époque, 98% des maisons de Lomé étaient encore la propriété de la famille l’ayant
construite. Pour un Loméen, construire sa maison est le reflet de sa réussite sociale. Cette citation de P. GervaisLambony5 nous l’explique :
«C’est, dès les années 20, que la conception de la maison-familiale, le «chez», considéré
comme un bien inaliénable et un objectif à atteindre par tout citadin, s’est mis en place.»
Comme le souligne cette étude de Y. Marguerat, le prix de vente du terrain varie très peu, il est indépendant de
la localisation de la parcelle, ainsi que de sa surface. Il s’agit d’un prix forfaitaire, le prix de pouvoir construire
son ‘chez’ et donc de fonder son foyer. Dans la mentalité loméenne, la distance au centre ville compte peu.
Ce phénomène a eu pour cause un déploiement urbain des plus rapides. En 1945, l’espace bâti rempli le
boulevard circulaire, en 1958 il atteint la lagune. Dès lors, les constructions se font toujours plus loin du centre
ville, constituant petit à petit de nouveaux quartiers périphériques. Du côté ouest, la progression est rapidement
interrompue par la frontière au Ghana. La logique d’essaimage se poursuivra donc en direction du nord et de
l’est, phagocytant les petits villages, aujourd’hui le front de l’étalement est à plus de dix kilomètres du centre ville.
Une autre spécificité loméenne qui découle de cette pratique, est la mixité sociale des quartiers.6 En effet, dès
que l’on dispose du capital, on achète une parcelle à la frange du front urbanisé. La distinction entre riche et
pauvre ne se fait qu’à la construction. Ainsi, les maisons à cour traditionnelles et plutôt modestes côtoient les
villas pompeuses, illustrant la diversité des classes sociales présentes. Cette caractéristique ne se retrouve pas
dans la majorité des villes africaines, et c’est elle, qui donne à Lomé une atmosphère particulièrement agréable.
5
Idem, p.101
6
Idem, p.15
38
0
1945
0.4
0.6
2 km
1958
.OHUH
39
1990
RT
LOME
TISSU URBAIN
Lomé est souvent décrite par ses habitants comme «un gros village». Cette expression révèle plusieurs aspects
de la ville, dont le plus marquant est probablement l’homogénéité du tissu qui le compose. Une fois loin du centre
ville, il n’existe plus aucun repère spatial, les murs entourant les habitations se succèdent. Le regard du passant
ne pénètre pas dans l’intimité de la cour des maisons.
En général, les propriétés ont toutes la même surface. Le lot standard comprend 600m2, dans certains cas, il
existe des «demi-lots». Les îlots sont toujours formés par deux rangées de ces parcelles. Dans les quartiers les
plus anciens les îlots sont pratiquement carrés, alors que plus en périphérie, ils peuvent être très allongés.
Cette manière d’organiser le sol met, une fois de plus, en avant le peu de ségrégation spatiale au sein des
quartiers. Ce «tapis» de maisons basses est tout de même interrompu par d’importants vides. «A Lomé, les
grands interstices du tissu urbain sont avant tout situés en périphérie et sont essentiellement constitués par
des enclaves publiques»1. Il peut s’agir de grandes réserves foncières faites par l’état, du port, de casernes
militaires ou de grands équipements publics comme l’hôpital, l’université et l’aéroport. Par leur taille, ces enclaves
participent activement à l’éclatement de la ville.
La lagune constitue une barrière naturelle qui, elle aussi fonctionne comme un vide. Contrairement aux autres,
elle n’est pas ressentie comme une enclave car son périmètre n’est pas muré. Sa présence constitue plutôt une
respiration entre le centre ville et le plateau de Tokoin qui le surplombe.
Le site des chemins de fer fait partie de ces interstices, même si sa surface est, en comparaison,minime. Sa
position au coeur de la ville historique rend cruciale son ouverture.
1
Idem, p.74
40
tissu parcellaire le long d’un grand axe
tissu parcellaire dans un quartier central
tissu parcellaire du quartier administratif
.OHUH
41
RT
0
100
200
500 m
LOME
AMBIANCES & IMPRESSIONS EUROPÉENNES
Après avoir présenté Lomé par le biais de son développement historique, un savoir acquis au fil de nos lectures,
nous avons choisi d’en parler d’une manière plus subjective, au travers de notre expérience personnelle. Par ce
texte, nous espérons que notre lecteur pourra se représenter l’ambiance loméenne et saisir un peu de l’atmosphère
y règne aujourd’hui. Il s’agit donc de raconter la capitale togolaise, avec notre perception européenne. Le récit
débute au grand marché, le centre névralgique de la cité, pour ensuite passer du centre ville de manière plus
large aux quartiers de la périphérie.
Plusieurs jours sont nécessaires au visiteur européen pour s’acclimater et s’orienter dans une ville d’Afrique noire.
Lors de la première visite du grand marché de Lomé, aucun de nos repères d’occidentaux ne sont présents.
Tous les sens participent à la découverte de ce nouvel univers, mais le plus sollicité reste de loin le regard. A
chaque fois qu’il se pose, il découvre de l’inédit, qu’on ne lui laisse pas le temps de décrypter, il faut avancer
sur un sol irrégulier et jonché de déchets. Les étals sont couverts de choses inconnues, des odeurs puissantes
nous prennent, on se fait bousculer par la cohue. Les gens conversent dans une langue vernaculaire ou alors
dans un français auquel nos oreilles ne sont pas encore habituées, ils nous interpellent à tout bout de champs,
souvent à plusieurs. Des tissus de toutes les couleurs, de tous les motifs, dont les plus invraisemblables, des
animaux vivants, de la vaisselle, des chaussures, on veut tout nous vendre. Ce qui est plus frappant encore, c’est
l’ampleur de ce marché, des rues et des rues remplies de foule se succèdent, le marché semble interminable,
l’animation est d’une intensité indescriptible, quel que soit le jour de la semaine.
Une fois sorties de ce bouillonnement, nous voilà au centre ville de Lomé. Les contrastes sont saisissants. En se
promenant un peu le long du boulevard circulaire, on passe devant les bâtiments des banques, architectures de
verre aux formes improbables. Ils sont le reflet de la période de prospérité économique pour Lomé, les années
1970-80. Expression d’une volonté acharnée de modernisme ou enthousiasme post-indépendance, les deux
hôtels du centre ville en font également partie. Ces tours de verre ont mal vieilli, points de repères dans la ville,
elles ont un air désuet.
A quelques minutes de là, en s’éloignant de la circulation intense du boulevard, le calme et la fraîcheur du quartier
administratif nous frappent: les avenues goudronnées, bordées d’allées d’arbres gigantesques, sont larges et
pratiquement vides. La végétation y est dense et luxuriante. Les vastes parcelles sont toutes entourées de hauts
murs. Des arbres, parfois gigantesques, ombrent les pavillons coloniaux aujourd’hui propriétés de l’état, dont
l’entrée est gardée par des gardiens ou des militaires généralement armés. Paisibilité précaire…
42
Pour se rendre rapidement d’un coin à l’autre du centre-ville, on peut sauter, à nos risques et périls, sur un
zémidjan, un taxi-moto, qu’on peut trouver à tous les coins de rue.
Au centre-ville on croise des vendeurs itinérants qui portent toute leur marchandise en équilibre sur la tête. Pas
question de venir le chercher le lendemain, il ne sera plus là. Il y a aussi à chaque coin de rue des femmes assises
sur des tabourets qui vendent de la nourriture. Leur place est attitrée, et vu leur succès, il n’est pas étonnant
d’apprendre que Lomé et une ville sans Mc Donalds.
Pour aller du centre-ville dans un quartier périphérique, on voyage en taxi-collectif. Le prix se paie par passager
et il est fixé à la longueur du trajet, que l’on y soit entassé ou pas. Ces taxis se prennent le long des grands axes
routiers goudronnés. Au centre-ville, il y a des stations informelles où ils se garent jusqu’à qu’ils aient un certain
nombre de clients, les autres passagers sont pris le long de la route. Mieux vaut connaître un loméen qui puisse
nous indiquer où sont ces stations et dans quelle direction le taxi collectif partira. Une fois dans la voiture, il faut
se serrer, ce n’est pas rare de se retrouver à sept dans une voiture cinq places, ou d’être pris en sandwich entre
deux dames bien en chair. Il est indispensable de connaître le nom de son quartier de destination pour l’indiquer
au chauffeur. Si possible, il faut aussi pouvoir nommer une référence plus précise, proche de l’endroit où l’on
veut se faire déposer. A l’exception du centre ville, les rues n’ont pas de nom, les habitants ont créé leur propre
vocabulaire pour se repérer dans l’espace. Les carrefours ont pris le nom d’une ancienne biscuiterie, d’un grand
garage ou d’une station essence. Souvent, l’appellation a perduré après la fermeture de l’établissement, rendant
la compréhension encore plus difficile pour l’étranger.
Le trajet en taxi est également une expérience en soi. Les routes ne sont pas assez larges pour le trafic qu’elles
drainent. Voitures, camions, motos, vélos et piétons se faufilent et démultiplient les voies. Par contre, l’espace
de la route, c’est à dire l’espace non bâti est lui très large. Ce dernier est occupé par des ateliers de couture, de
ferronnerie, de menuiserie ou même de coiffure. La majorité de ces activités artisanales se passent à l’air libre ou
sous un simple abri. Cet espace sert également d’espace d’exposition et de vente. En effet on peut y acheter
fauteuils, canapés, lit, armoire, porte de garage, enceintes, télévisions, chaussures et bien d’autres choses
encore. Les vendeurs s’installent chaque matin au même endroit, généralement sous un arbre et y déploient
leurs marchandises et les remballent le soir. En fait, la majorité des activités commerciales se fait à l’extérieur.
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Nous voici dans la périphérie de Lomé, les rues sont en latérite (sol en terre rouge typique des zones tropicales).
Lorsqu’il n’a pas plu, un nuage de poussière se soulève au passage des voitures qui cahotent de trou en trou. S’il
a plu, de grandes flaques d’eau rendent le passage difficile, voire impossible. A la mousson, des quartiers entiers
peuvent être inondés, l’eau fait alors remonter les déchets enfouis dans le sol. En général, une large artère relie les
rues du quartier au ‘goudron’. Ces artères principales sont bordées de petites cabanes ou de stands qui vendent
principalement de la nourriture: bouillie de céréales le matin, brochettes de viandes le soir, baguettes et pains
traditionnels, mais également fruits, légumes et épices. A l’arrière se trouvent des magasins en dur. En général il
ne s’agit que d’une seule petite pièce qui fait office de centre de photocopies et d’impression, de coiffeur, d’atelier
de couture ou d’épicerie.
Ensuite, encore plus à l’intérieur du quartier, les rues sont principalement résidentielles et tellement inaccessibles
et accidentées qu’elles en deviennent pratiquement piétonnes. On y organise des matchs de foot. Les chèvres
et poules fouillent le sable à la recherche de nourriture. On y trouve également des fontaines d’eau sur les bas
côtés, signes que beaucoup de parcelles ne sont pas équipées en eau courante. C’est aussi ici que les femmes
brûlent les ordures ménagères, après avoir balayé devant leur maison.
La nuit commence alors à tomber, les marchandes de nourriture allument leurs petites lampes à pétrole, car dans
les quartiers il n’y a pas d’éclairage public. On ne sort jamais sans lampe de porche, mais malgré l’obscurité on
se sent en sécurité. La température devient plus supportable et il est temps d’aller s’installer à la terrasse d’un
maquis pour boire une bière. Bientôt, il est l’heure de rentrer se coucher car la vie togolaise démarre très tôt le
matin.
De jour en jour, nous comprenons comment s’orienter dans les ruelles et nous apprenons quelques mots de la
langue locale .Progressivement, on se sent à l’aise dans une ville dont on craignait, au départ qu’elle nous étouffe.
Nous commençons à reconnaître des visages familiers et les trajets deviennent faciles. Lentement,nous nous
mettons à vivre au rythme de cette cité, si différente de celles dont on a l’habitude. Avec le temps, et presque
insidieusement, nous voilà attachées à cette ville.
44
45
PATRIMOINE ET SAUVEGARDE
LE BÂTI COLONIAL EST-IL UN PATRIMOINE POUR LES PAYS AFRICAINS?
L’héritage architectural resté sur place après le départ des colons peut-il être considéré comme un patrimoine
s’intégrant à la culture autochtone ? Bernard Toulier propose une interprétation du terme « patrimoine » qui paraît
appropriée à cette situation: «Le patrimoine appartient à ceux qui l’habitent et qui choisissent ce qui doit être
transmis non à ceux qui l’ont construit.»1
La réponse à cette question évolue sûrement avec le temps. C’est la démonstration qu’A. Sinou fait dans l’article «
Enjeux culturels et politiques de la mise en patrimoine des espaces coloniaux », dans lequel il parle d’un « processus
de patrimonialisation ».. Le temps et le passage à travers une succession d’étapes sont indispensables pour
que les pays qui ont subi le colonialisme puissent s’approprier cet héritage. Rappelons que ces nations ne sont
indépendantes que depuis une cinquantaine d’années. Voici donc une tentative de résumer les différentes étapes
parcourues par les pays africains après l’indépendance, d’après A. Sinou, Nous avons essayé de résumer le chemin
qui mène vers l’acceptation du patrimoine colonial.
Au lendemain de leur indépendance, les services administratifs des nations à peine écloses s’installent dans les
bâtiments laissés vides par leurs constructeurs. Il s’agit d’un acte pragmatique. Quelques temps plus tard, l’usage de
ces édifices a tendance à être détourné symboliquement pour mieux asseoir le nouveau pouvoir. Puis, les occupants,
qu’ils soient privés ou administratifs, vont progressivement modifier les locaux, les adaptant aux nouvelles normes.
Les édifices devenus inhabitables sont détruits et remplacés par des constructions plus contemporaines. Le facteur
limitant de ce phénomène réside dans le manque de moyens des pouvoirs publics, car s’ils en avaient eu la possibilité,
ils auraient, sans doute, tout remplacé pour atteindre leur idéal de modernité.
Dans les années 1970, les chercheurs occidentaux commencent à nourrir une certaine curiosité pour les vestiges de
l’époque coloniale. Les Africains ne comprennent absolument pas cet intérêt et l’interprètent comme une volonté de
les ramener à leur ancien statut de colonisés. Ils observeront du même œil la soudaine valorisation de leur architecture
vernaculaire, ressentant qu’elle donne d’eux une image archaïque à laquelle ils désirent justement échapper. Une
vingtaine d’années plus tard, une nouvelle génération compose la société active. Celle-là n’a pas, en tant qu’adulte,
vécu la colonisation. Elle se montre moins méfiante à l’égard de ceux qui veulent sauvegarder l’architecture qui en
est issue. De plus, la prise de conscience de la mondialisation rend les élites de ces nations plus attentives aux
fondements de leur identité. Durant ces années 1990, la plupart des états vivent dans une situation économique et
politique très difficile, leur rêve de modernité s’est écroulé. Le temps a passé et la mémoire de l’époque coloniale n’est
plus vécue comme quelque chose d’humiliant. Nous verrons qu’au Togo, le souvenir de la domination allemande se
transforme, jusqu’à être évoqué comme une image d’Épinal. La dernière phase de ce processus est amenée par
le développement du tourisme. Ce qui était, quelques années plus tôt des « vieilleries sans intérêt » est alors perçu
comme une source de revenus latents.
Un demi-siècle après le départ des colons, leur architecture commence donc à entrer dans les consciences comme
un patrimoine potentiel. A la simple valeur d’usage de ces constructions vient donc s’ajouter progressivement une
considération plus symbolique. Les élites intellectuelles sont le vecteur de ce changement de mentalité. Comme
nous l’avons dit, cette évolution a déjà eu lieu dans la plupart des pays d’Europe ayant possédés des colonies. «
1
Bernard TOULIER, « Introduction », dans : Marc PABOIS, Bernard TOULIER (dir.), Architecture coloniale et patrimoine, l’Expérience française, Paris :
institut national du patrimoine, 2005, p.20
46
PATRIMOINE ET SAUVEGARDE
LE PATRIMOINE DU TOGO_L’HERITAGE COLONIAL DE LOME
En 2001, le thème de l’architecture coloniale a été déclaré par un comité d’experts internationaux comme un des
thèmes privilégiés pour les critères d’évaluation de l’architecture des XIXe et XXe siècles sur la liste du patrimoine
mondial. »2
Lorsque l’on parle de patrimoine, l’UNESCO s’impose comme la référence mondiale. Il n’y a actuellement qu’un
seul site classé au Togo, il s’agit du pays des Batammariba, une ethnie du nord du pays qui construit une
architecture vernaculaire très impressionnante, illustrée si contre. Les dossiers de quatre autres biens culturels
ont été soumis à l’UNESCO par la Direction des Musées, Sites et Monuments Historiques3. Parmi eux, deux
sont des architectures issues de la période coloniale, le palais des gouverneurs et l’agglomération Aného-Glidji
(première capitale des colons allemands). Les autres dossiers concernent des grottes ornées de peintures
rupestres ancestrales4 qui se trouvent à l’extrémité septentrionale du pays, et la maison des esclaves, construite
vers 1835, antérieurement à l’ère coloniale.
pays des Batammariba
Dans cette liste, le palais des gouverneurs est le seul bien situé à Lomé. Cette propriété de l’Etat qui a reçu les
hôtes de marque de la jeune nation togolaise est laissée sans entretien depuis une vingtaine d’année. Sur place,
nous avons pu constater la progression de sa dégradation, sans savoir si cet état de fait est dû au manque de
moyens ou à un désintérêt de la part du gouvernement. Même si son caractère représentatif et ses dimensions
en font l’objet le plus imposant de l’époque allemande, il ne constitue pas une étape importante de la construction
de la ville.
L’héritage colonial majeur de Lomé est incontestablement le plan du centre-ville. Déjà planifié il y a une centaine
d’années par l’administration allemande, le dessin caractérise, encore aujourd’hui, l’organisation spatiale. Il est
non seulement à l’origine de ce rapport de dualité entre la ville commerciale et le quartier administratif qui forme
le tissu urbain, mais il est également le garant des ambiances totalement différentes qui y règnent. Ce noyau, en
bord de mer, est délimité par le boulevard périphérique, littéralement scindé en deux par la trace du chemin de
fer qui se prolonge, par l’intermédiaire du wharf jusque dans la mer. Si rien n’est entrepris pour sauvegarder les
bâtiments, il restera le plan.
Les bâtiments issus de l’ère coloniale sont situés dans deux parties de la ville distinctes par leur morphologie,
leur affectation et leur densité. Le quartier commercial, surtout habité par les Africains, mais également les
missionnaires et les commerçants européens, et le quartier administratif, Yovokomé, le quartier des blancs, la
ville verte. Ces conditions très différentes se complètent pour créer le patrimoine bâti colonial spécifiquement
Loméen. Cette production est le fruit du travail et de la créativité d’hommes aux origines très différentes. Il est
important de ne pas sous-estimer la part de la contribution de la population noire à la construction de l’image de
2
Idem, p.11
3
Au Togo, c’est la Direction des Musées, Sites et Monuments Historiques dépendante du Ministère de la Culture et de la Jeunesse et des Sports, qui est en
charge de la protection du patrimoine culturel. C’est elle qui sélectionne les sites et qui prépare leur dossier pour l’UNESCO.
4
Greniers des Grottes de Nok et de Maproug
47
Tata, maison traditionnelle Batammariba
la capitale du Togo pendant l’ère coloniale. La grande production de bâti provenant de la bourgeoisie loméenne
a probablement même eu une influence sur les bâtisseurs européens, en tout cas de manière indirecte, tout
comme la bourgeoisie africaine a été inspirée par une multitude de références. Peut-être est-ce ce mélange qui
donne au vieux Lomé son harmonie.
Dans son livre « trésors cachés du vieux Lomé », Y. Marguerat a soigneusement répertorié les maisons du
quartier commercial, alerté par leur disparition progressive. Peut-être, n’ont-elles pas de grand potentiel lorsqu’on
les considère individuellement, mais l’ensemble qu’elles forment possède assurément une valeur patrimoniale,
comme l’a fait remarquer Thierry Lulle:
« Ainsi, bien que ces ensembles bâtis soient à peine centenaires et peu spectaculaires et qu’ils n’aient pas été
l’objet d’expérimentations particulières, ils n’en commencent pas moins à susciter diverses attitudes à l’égard de
leur protection, […]. Face à la diversité de ces réactions, quelles que soient les motivations qui les sous-tendent,
il apparaît donc nécessaire de contribuer à une meilleure connaissance de cet ensemble architectural. Quelques
travaux ont étés entrepris dans ce sens au cours de la dernière décennie, inscrits dans diverses perspectives : ils
présentent une analyse des espaces bâtis et urbains au service tantôt d’une histoire sociale et économique de
Lomé, tantôt d’une élaboration de règles architectoniques et urbanistiques.»5
La présence de ces maisons est le témoin d’une époque historique qui a façonné l’image de Lomé. Elles sont
le fruit d’une architecture noire et coloniale, c’est ce qui fait leur singularité, à l’échelle du continent africain.
Aujourd’hui elles appartiennent encore à des privés, ces derniers peinent à les entretenir. Parfois, elles sont
louées pour servir d’entrepôts aux commerçants environnants qui en rehaussent les murs de clôture. Le marché
les étouffe de ses bras tentaculaires, les rendant encore plus difficile à apercevoir. Il y a fort à parier que ce
manque de visibilité les efface lentement de la conscience collective loméenne, alors qu’elles devraient justement
constituer un sujet de fierté et d’identité partagée.
Le phénomène inverse se produit de l’autre côté de la ville. Les bâtiments coloniaux, devenus des services
administratifs de l’Etat, sont mis en valeur par l’environnement verdoyant. Objets disposés dans un parc, le
long des grandes avenues, ils ne sont pas accessibles au commun des mortels togolais. Malgré les traces du
temps qui passe, ils reflètent encore une image aristocratique. La distance qu’ils imposent et le pouvoir qu’ils
représentent inspirent aux loméens respect et crainte.
La différence de perception entre ces deux constituantes de la ville ne rend pas justice aux bâtiments et à leur
qualité architecturale. La ville doit être considérée comme un tout composé de deux parties qui se complètent,
ainsi si une action de sauvegarde de l’architecture est engagée, elle doit concerner les deux parties et conserver
ainsi l’équilibre. Entre une architecture qui crée le tissu urbain et une autre qui s’intègre dans un parc.
5
Thierry LULLE, « Le Togo », dans : Jacques SOULILLOU (dir.), Rives coloniales, Architectures de Saint-Louis à Douala, p. 173-205, Marseille : Editions Parenthèses, 1993, p.174
48
douanes détruites en 1984 pour construire le Palm Beach
source: I&M
PATRIMOINE ET SAUVEGARDE
DESTINS DE BÂTIMENTS
Il n’existe pas de littérature récente, donnant un aperçu global de l’état actuel des bâtiments coloniaux de Lomé.
6
Nous avons donc profité de notre séjour pour observer quelle a été leur évolution ces vingt dernières années et
nous les avons classés en quatre catégories.
Bâtiments détruits
Ils peuvent avoir été détruits pour récupérer une parcelle stratégique du centre ville, c’est le cas de l’ancienne
douane qui était devenue inutile, à la place de laquelle on a construit l’hôtel Palm Beach. D’autres ont été
supprimés parce qu’ils étaient devenus inhabitables, mais leurs fondations ont pu être reprises, par souci
d’économie de moyen. Nous pensons que c’est notamment le cas pour la gare de Lomé.
Bâtiments rendus méconnaissables par une rénovation
On trouve surtout ces exemples dans le quartier administratif, où ils sont devenus des ministères. Leur
transformation vise à répondre aux normes de confort actuelles. Il ne reste du bâtiment de départ que le volume
général et quelques ouvertures. Leurs qualités d’origines ont disparues et leur valeur patrimoniale aussi.
direction des postes transformée en ministère
source: YM
Bâtiments laissés tels quels
Certains sont dans un état de délabrement avancé, leur structure porteuse est fortement altérée et la couverture
s’est effondrée. On ne peut pas imaginer de mener une action de sauvegarde avec de telles ruines.
D’autres ont pu être légèrement modifiés en restant proche de leur état d’origine. Leur état encore satisfaisant
souffre du manque d’entretien. C’est le cas de plusieurs maisons privées situées dans le quartier commercial et
de quelques écoles ou bâtiments religieux.
Bâtiments conservés avec soin
Il s’agit en général de bâtiments appartenant aux églises, seules propriétaires capables de réunir des fonds pour
entretenir leurs édifices. La cathédrale et son archevêché ainsi que le Brotherhomé en sont des exemples. Ces
édifices sont situés au cœur du quartier commerçant.
hôtel allemand désaffecté à Aledjo
Centre culturel français, actuelle mairie de Lomé
source: YM
6
49
Les ouvrages datent tous du début des années 1990. voir bibliographie
CONCLUSION
A Lomé, la sauvegarde de l’architecture coloniale ne vise pas, à l’inverse de ce qui se fait dans d’autres anciennes
colonies, à restaurer l’oeuvre d’architectes européens ayant acquis une renommée en exerçant outre-mer.
L’histoire de cette architecture est celle d’une société et non celle d’un corps de métier. La production du bâti
loméen est l’expression des rapports de force qu’entretenaient plusieurs communautés qui se sont côtoyées à
un moment précis de l’histoire.
Le travail de réhabilitation de ces bâtiments se place donc en marge des domaines de l’histoire et de la théorie
de l’Architecture. Il s’agit plutôt de l’identité d’une ville et de ses citadins. Il faut redonner confiance au peuple
togolais en mettant en valeur l’architecture coloniale produite par les noirs et les blancs, car cette coexistence
prouve que la production africaine était aussi innovante que celle que les colons mettaient en œuvre. C’est cette
image que la ville doit véhiculer pour qu’il y ait un regain de confiance.
Durant cette période, l’architecture produite avait une capacité de réponse aux conditions climatiques, qui a été
perdue depuis. La solidité et le confort qu’ont encore ces bâtiments démontrent la durabilité des principes sur
lesquels était basée cette architecture. L’analyse de l’impact écologique et de l’état général des constructions
érigées depuis les années 1970 met en exergue cette réalité.
Trouver une stratégie qui permette d’engager une action de sauvegarde malgré le contexte économique actuel
se révèle primordial. Il sera donc judicieux de s’inspirer de la créativité dont font preuve les artisans du réemploi.
Pourtant, la réhabilitation devra surtout inspirer un sentiment de modernité pour se rendre attrayante en évitant de
refléter l’image du réemploi dû au manque de moyens. Cette position devrait servir de porte d’entrée au projet.
Ces réflexions découlent de la synthèse de nos observations sur le terrain, d’informations trouvées dans les
archives, de celles amenées par une recherche bibliographique et de celles qui découlent de divers entretiens.
Lors de notre séjour au Togo, nous avons tenté d’y ajouter une quatrième composante qui aurait été des
documents de planification pour le futur Lomé. Les sources administratives ne se sont toutefois pas avérées très
porteuses, comme en témoigne le plan directeur qui date de 1985, qui ne correspond plus aux divers discours
actuels.
Cet aléa, parmi d’autres, découle certainement de la part d’imprévu contenu dans un sujet comme celui sur
lequel nous avons choisi de travailler.
Cet énoncé aborde des notions historiques, factuelles et culturelles qui nous semblent incontournables pour
pouvoir intervenir dans ce contexte, mais il n’a pas la prétention d’avoir traité le sujet de manière exhaustive. Ceci
dit, la décision d’aller se confronter à un lieu et à une société aussi éloignés des nôtres entraîne inévitablement
son lot d’incompréhensions, d’hésitations et d’interrogations.
La découverte de cet endroit a fait naître en nous un étonnement et un questionnement qui ne font que commencer.
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51
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« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme »
Antoine Lavoisier 1743-1794
SITE TOGORAIL
CHOIX DU SITE
Le site des chemins de fer, choisi pour notre étude est un fragment bien singulier de l’architecture coloniale
loméenne. Sa situation dans la ville le place entre le quartier administratif et le quartier commercial. Son caractère
industriel le distancie des maisons d’habitation, autant que des bâtiments administratifs. Puisqu’il a été mis en
place par le pouvoir allemand, on serait tenté de le rapprocher de ce dernier groupe, mais le fait qu’il fut utilisé par
toute la population togolaise, en particulier pour des motifs commerciaux, rend les choses plus complexes. Au fil
de nos rencontres, il nous est d’ailleurs clairement apparu que l’histoire du chemin de fer et de ses infrastructures
est une thématique très émotionnelle. Les Togolais s’étaient réellement, et malgré tous ses défauts, approprié le
chemin de fer. Au final, il s’agit de la parfaite illustration d’un ‘patrimoine partagé’. Cette particularité retient tout
notre intérêt.
En dehors des considérations objectives à propos de ce site, telles que son ampleur, sa position dans la ville
et sa valeur patrimoniale, une raison plus trouble nous a poussées à faire ce choix. Dès notre première visite,
la dimension poétique de ce lieu nous est apparue. Le sentiment de se trouver au milieu des vestiges d’un
monde disparu... Même si l’activité n’a pas totalement cessé, tout semble marcher au ralenti. On ne peut pas
empêcher nos yeux d’européennes de remarquer le désoeuvrement des quelques derniers employés présents.
La végétation recouvre peu à peu les voies, la corrosion a déjà rongé les traverses et les wagons voyageurs sont
à l’arrêt depuis bientôt vingt ans.
Situé au centre d’une ville foisonnante de bruits, d’odeurs, de couleurs et de mouvement, le site paraît hors
du temps. En longeant le mur d’enceinte, du côté est, on peut entendre les cris des vendeuses du marché
aux poissons, elles sont toutes proches, de l’autre côté du mur, là ou la vie a continué. Nombreux sont les
indices révélant une époque à laquelle les chemins de fer étaient pleins d’activité. La sirène sonnant l’heure de
l’embauche résonne encore quatre fois par jour, à travers tout le centre ville, rappelant qu’il fût un temps où près
d’un millier d’ouvriers travaillaient ici.
Pendant une centaine d’années, les trains emportaient les voyageurs, blancs et noirs, suivant la ligne du cacao,
la ligne des cocotiers et la ligne du coton.
Aujourd’hui, on ne peut qu’imaginer l’animation qui entourait ces convois. Il n’est pas nécessaire de faire partie
de ceux qui ont voyagé grâce au train pour éprouver un sentiment amer de désolation en contemplant la gare
vide. Ironie du sort ou logique fonctionnelle, le devant de la gare sert aujourd’hui de station de taxis collectifs en
partance pour les quartiers extérieurs de Lomé.
55
SITE TOGORAIL
DESCRIPTION DU LIEU
Le site des chemins de fer à Lomé est bordé par le boulevard circulaire au nord. À l’est la limite est une frange
construite qui donne sur la rue de la Nouvelle Marche. Il s’agit de la seule bordure qui ne donne pas directement
sur l’espace public d’une rue. Au sud,c‘est l’avenue du 24 janvier que nous avons choisie comme limite, bien
que la parcelle de l’autre côté de la rue partage certaines caractéristiques, puisqu’il s’agit du prolongement de
la trace du chemin de fer. A l’ouest la partie au sud longe l’Avenue de Calais. Puis quelques parcelles destinées
au logement ainsi qu’à l’école professionnelle viennent s’insérer en contiguïté au site. La partie tout au nord de la
limite ouest est une étroite ruelle qui la sépare d’un quartier de maisons individuelles.
La parcelle a une surface de neuf hectares, dont on peut en considérer quatre comme périmètre construit.
Une quarantaine de constructions, de typologies très variées y ont été érigées au fil du temps. Leurs valeurs
architecturale et d’usage varient très fortement, il nous paraissait toutefois important de relever toutes les
constructions sans aucun a priori. Le tri s’est fait après cette première étape. Les surfaces qui ne sont pas
comprises dans notre périmètre bâti ne sont toutefois pas désertes. Rails, wagons et la végétation, parfois de
très grands arbres, occupent le sol et l’espace.
Les bâtiments sont encore partiellement exploités. Certains sont pratiquement abandonnés, d’autres par contre
hébergent une activité constante. Parfois, des pièces inoccupées cohabitent avec des parties qui fonctionnent, au
sein du même bâtiment. Les programmes d’occupation sont très divers. Certains édifices abritent l’administration,
d’autres sont de simples locaux de stockage, d’autres encore sont complètement dévolus aux activités liées à
la maintenance du parc automobile, c’est à dire à la petite partie des wagons et locomotives encore en état de
marche. Il y a aussi des logements.
La dimension du site ne permet pas de l’aborder dans son ensemble. Nous l’avons donc partitionné en quatre
ensembles.. Il y a ainsi l’ensemble des grands ateliers, l’ensemble de la gare, l’ensemble de l’entrée et l’ensemble
du parc de la voie. Cette organisation est reprise pour la présentation des bâtiments qui permet ainsi de saisir les
relations qu’ils entretiennent avec leurs voisins.
Le relevé ne présente que les bâtiments qui ont soit une valeur architecturale ou une valeur d’usage. Il sera
complété par une description de la végétation et des éléments générateurs d’espaces et d’ambiance.
Bonne découverte!
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affectation et occupation des bâtiments
ateliers
bureaux
dépôts
divers
utilisés moins d’une fois par jour
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T
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VOICI QUELQUES BÂTIMENTS QUI NE SERONT PAS TRAITÉS DIRECTEMENT DANS LE RELEVÉ :
5
T
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61
SITE TOGORAIL
ENSEMBLE DES GRANDS ATELIERS
Cet ensemble constitué de grands hangars, est le plus important du site. Il s’organise autour du pont tournant,
élément on ne peut plus ferroviaire. Malgré les affectations très techniques qui occupent les différents bâtiments, la
place respire une certaine noblesse. Cet effet est généré par les deux belles façades des hangars qui l’entourent.
Il s’agit du centre névralgique historique, il est destiné à la maintenance .Aujourd’hui, le pont tournant fonctionne
toujours, malgré son aspect. C’est un éléments qui a probablement influencé l’implantation de la majorité des
bâtiments qui l’entourent.
Les plans historiques nous indiques que la forme de cette place a été dessinée très tôt. Même si les bâtiments
ont subi de nombreuses modifications, les espaces sont restés les mêmes.
Dans cet ensemble, nous allons présenter les deux grands hangars que sont la menuiserie et l’atelier wagon,
ainsi que le bâtiment machines-outils, qui termine l’ensemble sur le côté ouest, avec la fonderie. Ces deux
bâtiments se partagent le même avant toit. Ce couvert crée une porte d’entrée sur la place qui contribue au
sentiment de noblesse que donne cet endroit.
T
62
vers 1925
ensemble des grands ateliers
source: ANOM
1908
projet de modification du site
source: ANT
63
1911
projet de modification du site
source: ANT
ENSEMBLE DES GRANDS ATELIERS
MENUISERIE
affectation:
menuiserie et local de stockage de vieilles locomotives
année de construction: 1906
dimensions: 60m/40m/8m
matérialité:
structure métallique
maçonnerie en briquettes de terre cuite
couverture en tôle tri-ondulée rails de chemin de fer
utilisés pour fixer la tôle de la couverture
aménagements:
un pont roulant
trois fosses permettant de travailler sous les wagons
diverses machines
détails de menuiserie en bois
une armoire en béton armé
un lavabo en béton
état de conservation:
maçonnerie et structure métallique dans un état
convenable. charpente métallique en mauvais état,
surtout le dispositif de contreventement.
Ce hangar fait partie des premiers bâtiments érigés sur le site, il est aussi un des plus grands. On remarque
un certain effort au niveau du dessin de la façade. Les petits décrochements au dessus des ouvertures en
témoignent. Le plan d’origine est par contre très rationnel. Il est semblable au bâtiment de l’atelier wagon qui lui
fait face. Ce dernier fut construit cinq ans plus tard. On observe une légère évolution au niveau du dessin des
façades. Il en serait le prototype en quelque sorte.
Ce bâtiment a subi plusieurs modifications, au niveau volumétrique mais également sur les percements des
façades nord et ouest. Une extension a été ajoutée vers le nord entre 1911 et 1925. Elle a la particularité de
reprendre le motif de la façade, comme si cette dernière avait été découpée et replacée 26 mètres plus au nord.
Cette extrusion rend trompeuse son élévation.
Du côté est, on remarque l’ajout d’une travée indépendante, puis d’une deuxième.
Aujourd’hui ce bâtiment n’est que très rarement utilisé. Seul un petit bureau dans la partie ajoutée à l’est est
régulièrement occupé. Deux immenses locomotives à vapeur indiennes qui ne roulent plus monopolisent une
grande partie de l’espace.
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T
65
source: CCF
MENUISERIE
ÉVOLUTION DU BÂTIMENT
Nous disposons de nombreuses photos historiques concernant ce bâtiment, ce qui nous permet de comprendre
la longue suite de modifications qu’il a subi.
Sur les photographies prises à l’intérieur du hangar, on constate qu’une machinerie très importante occupait
l’espace, elle se trouve aujourd’hui dans le bâtiment des machine-outils.
source: ANT
La première photo montre les persiennes qui protègent les ouvertures supérieures de la façade sud. Aujourd’hui,
il n’en reste que quelques cadres. La structure porteuse semble être restée la même, comme le confirme la
deuxième image. La première photo indique, par contre, la présence d’un pont roulant sur les deux travées côté
ouest, qui a disparu aujourd’hui. Ce dernier semblait d’ailleurs se prolonger dans l’extrusion du côté nord.
Les trois photos suivantes sont prises dans l’extrusion au nord. On y reconnaît l’intérieur de la façade est de cette
dernière. Elle est déjà en tôle ondulée, et elle est munie d’un dispositif d’ouvrants. Cette façade a été modifiée
depuis. Aujourd’hui, seule la partie haute est en tôle, en-dessous, un dispositif de brise-soleil en béton permet
de faire entrer de la lumière naturelle.
Le dessin des arcades en enfilade révèle que la partie de la façade nord aujourd’hui disparue, n’a pas été détruite
au moment de la construction de l’extension, mais plus tard. Peut-être lors du démontage du pont-roulant.
source: CCF
Les photos prises à l’extérieur révèlent les différents états de la façade est. Ainsi sur la première photo, prise vers
1910 il n’y a encore qu’un avant-toit. Puis s’y sont ajoutées deux petites annexes aux deux extrémités et l’avanttoit a été prolongé. Aujourd’hui une couche supplémentaire d’une largeur similaire y a été ajoutée.
Par opposition, la façade sud actuelle paraît très proche de celle d’origine, on peut remarquer les menuiseries en
croisillons qui sont encore présentes dans les ouvertures inférieures, les persiennes dans les ouvertures proches
du faîte, ainsi que la présence de l’avant-toit, également encore existant aujourd’hui..
Sur la façade nord, les percements inférieurs sont encore tous en arc de cercle, les deux travées centrales ont
étés modifiées depuis. Ce qui en a gravement transformé leurs proportions d’origines.
source: ANT
66
source: ANT
vers 1910
la menuiserie, prise depuis le sud-est
source: CCF
la menuiserie, prise depuis le nord-est
source: CCF
la menuiserie, prise depuis le sud-est
source: CCF
67
la menuiserie, façade nord
source: ANT
MENUISERIE
PATHOLOGIES
Le bâtiment souffre d’un manque d’entretien. La maçonnerie est mise à mal par l’usure du temps et du climat. A
certains endroits, l’enduit a disparu, laissant les briquettes à nu, ces endroits voient apparaître de la végétation.
La façade de l’extension au nord souffre de la corrosion des linteaux métalliques. La cause première ne semble
pas être une infiltration d’eau, mais une couche d’enduit trop mince sur les pièces métalliques. L’air marin, donc
salé, est donc passé à travers et a rapidement attaqué le métal, qui s’est mis à rouiller, faisant ainsi éclater la
maçonnerie l’entourant. Ce phénomène n’apparaît pas sur la façade d’origine puisque les arcs des ouvertures
ont permis de faire l’économie de l’utilisation de linteaux métalliques.
Les parties métalliques sont très attaquées par la corrosion, due à l’humidité ambiante. Les porteurs sont en
meilleur état. Ils obtiennent régulièrement une nouvelle couche de peinture antirouille. La charpente métallique ne
semble pas être protégée de la même façon. Ainsi spécialement les contreventements, étant à l’origine plus fins,
sont totalement rongés par la corrosion.
La corrosion a également attaqué l’armature de l’armoire en ciment, située dans l’extension au nord D’autres
dégâts mineurs ont été visiblement causés par le travail au sein de cet atelier qui implique l’usage de lourdes
charges.
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plan rez-de-chaussée
5
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T
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élévation sud
élévation nord
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T
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élévation est
élévation ouest
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T
ENSEMBLE DES GRANDS ATELIERS
ATELIER WAGON
affectation: atelier de maintenance des wagons
année de construction: 1911
dimensions: 37.5m/33m/9.5m
matérialité:
structure métallique
maçonnerie en briquettes de terre cuite
pare-soleil en béton préfabriqué
couverture en tôle tri-ondulée
aménagements:
un pont roulant
trois fosses permettant de travailler sous les wagons
plusieurs dispositifs de rangements fixes
état de conservation:
maçonnerie et charpente métallique en bon état
Ce hangar a probablement été construit sur le modèle du bâtiment de la menuiserie. On observe cependant
une légère évolution au niveau du dessin des façades, les proportions sont plus élaborées et les détails ont
été simplifiés. Il existe néanmoins une différence au niveau des grandes ouvertures, les arcs sont devenus
rectangulaires, ce qui nécessite donc l’utilisation d’un linteau métallique. Ce changement amène les mêmes
problèmes que sur l’extrusion nord de la menuiserie.
Une travée à l’est, séparée spatialement par un mur en maçonnerie, servait de local de peinture. La façade est
percée, des ventilateurs y ont été intégrés. C’est la seule travée qui est encore équipée d’une porte extérieure.
Une petite partie de cette travée dispose d’un plancher intermédiaire, où l’on trouve un local de matériel en bas
et le bureau du chef d’atelier en haut. Ce bâtiment est équipé des éléments typiques d’un atelier ferroviaire, tels
qu’un pont roulant et des fosses permettant de travailler sous les wagons.
Ses façades latérales, est et ouest, sont munies d’un dispositif de lames brise-soleil qui n’existait pas à l’origine.
Une extension a été ajoutée sur la partie nord de la façade à une date inconnue. Cette partie dispose de deux
fenêtres dont les persiennes sont en bois.
Le bâtiment est occupé par les ouvriers en charge de la maintenance des wagons. Seule la travée de la peinture
est désaffectée, elle est néanmoins utilisée comme local de sieste.
L’ensemble que ce bâtiment forme avec la menuiserie a une grande valeur architecturale et patrimoniale. Ils
représentent le potentiel de réhabilitation le plus fort du site, en particulier pour recevoir un programme public.
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T
77
ATELIER WAGON
ÉVOLUTION DU BÂTIMENT
La première photo est la seule en notre possession qu montre un bâtiment en construction. Elle est datée de
1910, l’Atelier Wagon est en construction, on distingue sa structure métallique.
Sur les deux photos suivantes, malheureusement pas datées, on devine l’absence du mur qui sépare actuellement
la section peinture.
l’atelier wagon en construction _ 1910
source: CCF
La dernière photo montre la façade est, elle est encore complètement ouverte. Cela correspond donc à la
description que le Staatssekretär Lindequist (secrétaire d’état) fait du projet de la Kolonial-Eisenbahn-Bau-undBetribesgesellschaft (société coloniale de construction et d’exploitation de chemins de fer) dans une lettre 24
novembre 1910 destinée au Gouvernement du Togo. Elle indique que pour pouvoir bâtir le neuer Lomotivschuppen
(nouveau hangar à locomotives) en respectant le budget, il sera nécessaire de renoncer à ériger des murs en
maçonnerie massive et de se satisfaire de façades latérales de tôles ondulées. Elle continue en expliquant qu’il
faudrait néanmoins choisir une structure métallique qui permette de maçonner les ouvertures dans un second
temps. Lindequist indique qu’il approuve le projet, mais qu’il suggère néanmoins d’ériger des murs sur une
hauteur de 2 à 3 mètres. Son conseil n’a pas été suivi.
Dans la même lettre, il est également question de modifier le plan pour lui donner une longueur provisoire de 18
mètres qui serait également dans un second temps prolongée pour atteindre les 42 mètres projetés, la largeur
étant de 32 mètres. Il semble que cette modification ne soit finalement pas intervenue. Nous n’avons en tout cas
relevé aucun indice, ni sur place, ni sur les photos historiques qui indiquerait une construction en deux étapes.1
l’Atelier Wagon _ façade sud
source: ANT
l’Atelier Wagon _ façade est
source: ANT
1
ces informations sont tirées d’une retranscription faite par Peter Sebald en janvier 1992 pour le compte de l’ORSTOM à partir des actes FA 1, Nr. 350, p.5860 du fond d’archives allemandes des Archives Nationales du Togo
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plan rez-de-chaussée
5
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T
élévation sud
coupe
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élévation ouest
élévation est
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T
ENSEMBLE DES GRANDS ATELIERS
MACHINES-OUTILS
affectation: atelier mécanique / tournage des roues
année de construction: inconnue
dimensions: 63.3m/10.6m/6.8m
matérialité:
structure métallique
maçonnerie en briquettes de terre cuite
pare-soleil en béton préfabriqué
couverture en tôle tri-ondulée
aménagements:
pont roulant qui couvre toute la surface du bâtiment
diverses machines mécaniques, notamment des tours
état de conservation:
maçonnerie et charpente métallique en bon état
le coin sud-est du bâtiment subit les conséquences du
robinet qui y est fixé, de la mousse pousse sur le mur.
Ce hangar a probablement été construit sur les fondations de deux plus petits,bâtiments visibles sur la photo
historique. Ceci expliquerait le changement de niveau au sein du bâtiment. Le dessin des façades latérales
semble très régulier à première vue mais la trame ne l’est pas. Les treillis métalliques de la charpente portent de
murs à murs, il n’y a pas de porteur intermédiaire.
Une petite partie d’une des travées centrales est fermée et possède un plancher intermédiaire. En haut, il y a le
bureau du chef de l’atelier, en bas un stock de matériel. La partie au nord a un tracé de rail, mais elles ne sont
plus utilisées depuis longtemps. Les accès se font sur chaque façade, bien que l’accès nord n’est que rarement
ouvert. Des grandes portes métalliques ferment les accès des deux extrémités.
Ce bâtiment ferme la place centrale, mais il en donne également accès par le préau qu’il partage avec le bâtiment
de la fonderie.
L’atelier est occupé par des mécaniciens qui s’occupent essentiellement du tournage du roues, effectué sur les
tours .
84
T
au centre, les deux bâtiments antérieurs au machine- outils
source: ANOM
85
élévation sud
élévation nord
86
plan rez-de-chaussée
élévation ouest
élévation est
87
5
T
ENSEMBLE DES GRANDS ATELIERS
FONDERIE
affectation: fonderie
année de construction: inconnue
dimensions: 20.6m/10.6m/6.6m
matérialité:
maçonnerie en briquettes de terre cuite
structure toiture métallique
couverture en tôle ondulée
sol en terre battue / sable
aménagements:
un pont roulant
un four à fusion
état de conservation:
maçonnerie en bon état
tôle de couverture percée à certains endroits
sol probablement très pollué
Ce bâtiment a un dessin de façade très particulier que nous n’avons retrouvé ni sur le site, ni en ville. Le chaînage
le long des percements et dans les coins est unique et spécifique à ce bâtiment. Ses ouvertures sont arquées et
fermées de grands portails en ferronnerie.
Nous ne connaissons pas sa date de construction, nous estimons qu’il date de l’époque allemande.
La structure porteuse du bâtiment est formée des murs périphériques et d’un pilier décentré.
Dans le coin sud ouest, un mur de 3m de haut sépare un petit espace, qui sert actuellement de vestiaire. Au sud
on y a construit une annexe qui a laissé la façade pratiquement intacte.
Les percements en hauteur présents sur les deux façades pignons, ainsi que sur la façade ouest, semblent être
une caractéristique du site selon les photos historiques. On les distingue sur beaucoup de bâtiments. Ils servent
à la ventilation naturelle.
Le bâtiment est occupé par les fondeurs qui coulent notamment les patins de freins. Le métal à fondre est
récupéré sur des anciens moteurs qui sont d’abord cassés à coup de masse.
88
T
89
90
plan étage
élévation sud
élévation ouest
élévation nord
élévation est
5
91
T
ENSEMBLE DES GRANDS ATELIERS
MAISON DES DESSINATEURS
affectation: bureaux des dessinateurs
année de construction: inconnue
dimensions: 15m/10m/6.3m
aménagements:
tables à dessin
état de conservation:
maçonnerie et charpente en bon état
matérialité:
maçonnerie en briquettes de terre cuite
charpente en bois
couverture en tôle tri-ondulée
Ce bâtiment était à l’origine plus petit comme on le voit sur les photos historiques. Il a subi le même sort que la
majorité des bâtiments à véranda. Cette dernière a été fermée. On lui a également rajouté une travée du côté est.
Il porte encore les traces de la typologie des premières constructions coloniales. En effet, il est construit sur un
socle surélevé. Il s’agit d’une des seules constructions du site qui ont encore une charpente en bois.
Ce bâtiment et les arbres qui l’entourent ferment la perspective depuis l’entrée du parc de maintenance.
Il est occupé par des dessinateurs techniques..
92
T
source: ANT
source: ANT
93
plan rez-de-chaussée
5
T
94
95
élévation sud
élévation ouest
élévation nord
élévation est
96
97
SITE TOGORAIL
ENSEMBLE DE LA GARE
Cet ensemble est le seul qui contribue à l’espace public de la ville. Depuis la rue, la composition situe la gare
au centre, derrière une petite place, qui est entourée d’un couple de bâtiments identiques. L’implantation de
ces trois édifices figure déjà sur les plus vieux plans du site. C’est d’ailleurs sur ces derniers que l’on découvre
la typologie similaire de ces trois bâtiments. Ils sont tous constitués d’un bâtiment principal relié à une annexe.
Typologie de laquelle découle la forme de la gare actuelle. Il s’agit de l’ensemble noble, il constitue la porte
d’entrée ferroviaire de la ville.
Aujourd’hui il s’agit du quartier administratif de TogoRail. Il y a d’une part la police ferroviaire, l’administration et
certains logements de cadres. Les trois bâtiments ont des traitement de façade plutôt modernistes. Celles de la
direction et des logements sont de style très proche avec des grands encadrements qui entourent les ouvertures
en façade.
Les bâtiments ont subi de nombreuses modifications, mais les espaces qu’ils génèrent sont restés les mêmes. Il
y a de grosses modifications au niveau de la présence de la végétation.
Dans cette ensemble, nous allons présenter le bâtiment de la gare, le bâtiment de l’administration ainsi que les
logements des cadres.
La gare construite dans les années 1920 par l’administration française a été complètement défigurée il y a une
petite dizaine d’années en y ajoutant un étage, qui accueille actuellement un restaurant. Sa place, qui donne sur
l’avenue du 24 janvier, est occupée par une cafétéria. Ce bâtiment ne fait pas l’objet d’un relevé plus précis.
Le site accueille également quelques activités à caractère relativement informel. Le long du mur qui sépare
l’espace de la place de la gare de l’espace de la rue, il y a aujourd’hui une station de taxis collectifs. Le préau de
la gare accueille quant à lui une petite cantine improvisée aux heures de midi.
T
98
vers 1910
gare depuis le sud-ouest
source: fond Vogenbeck
vers 1910
gare depuis le sud-est
source: Album Leschin
vers 1930
place de la gare
source: ANT
99
1911
plan de l’ensemble de la gare
source: ANT
ENSEMBLE DE LA GARE
GARE
affectation: essentiellement bureaux
année de construction: inconnue
dimensions: 35.3m/8.4m/7m
matérialité:
béton armé
pare-soleil en béton préfabriqué
la structure de la couverture est métallique, recouverte
de tôle ondulée., partiellement cachée par des fauxplafonds.
aménagements:
escalier à vis en béton
guichets
cachot
état de conservation:
en bon état
La forme quelque peu inattendue de cette gare découle, en fait, de la reprise précise de la forme de l’ancienne
gare allemande construite vers 1905, sans en avoir toutefois conservé la typologie du bâtiment à véranda. Le
bâtiment actuel semble avoir été construit sur les fondations de son prédécesseur, d’où une typologie qu’on ne
comprend pas au premier abord. Sur les plans d’origine, on constate souvent un bâtiment principal relié à une
annexe (Nebengebäude) qui comprend les sanitaires et la cuisine.
Aujourd’hui la gare abrite plusieurs fonctions : le bâtiment de l’annexe est partiellement occupé par la police
ferroviaire, les autres pièces de l’annexe sont désaffectées, ils occupent une pièce au rez-de-chaussée et deux
à l’étage.
Le bâtiment principal de la gare est aussi désaffecté au rez-de-chaussée. Ses préaux sont utilisés pour y faire
la sieste du côté des voies, et sur la place, on mange à midi. À l’étage, certaines pièces sont utilisées comme
vestiaires, d’autres comme chambres, d’autres encore semblent être louées comme bureaux. La pièce de la
passerelle est occupée par des bureaux de TogoRail. Il n’existe plus de communication avec l’annexe à l’étage.
100
100
T
gare de Lomé en 1995
101
plan étage
plan rez-de-chaussée
5
T
102
élévation nord
élévation sud
élévation ouest
élévation est
103
ENSEMBLE DE LA GARE
DIRECTION
affectation:
bâtiment administratif, bureaux, salle de réunion
année de construction: inconnue
dimensions: 29.3/16.6m/5.7m
matérialité:
béton armé
pare-soleil en béton préfabriqué
toiture dalle en béton, partiellement recouverte de tôle
nervurée fixée sur des briques de parpaing en ciment.
aménagements:
salle d’attente avec du mobilier d’anciens wagons
voyageurs
une immense table de réunion
état de conservation:
en bon état général
dégradations de la façade par les climatiseurs qui
coulent
Ce bâtiment est partiellement construit sur les fondations du bâtiment d’origine qui comprenait les logements des
cadres du chemin de fer.
Le plan actuel ne correspond pas complètement au plan d’origine puisqu’il a été agrandi à plusieurs endroits. Du
côté sud d’abord, puis une deuxième cage d’escaliers a été ajoutée dans le coin nord ouest. Cette dernière n’est
d’ailleurs quasiment jamais utilisée, puisque la sortie qui y correspond est fermée à clé.
La façade du bâtiment se compose de grands encadrements de fenêtres en béton qui servent de pare-soleil.
Elles rappellent étrangement le style de Georges Coustère, sans que nous n’ayons d’autre indice quant à son
implication dans la reconstruction de ce bâtiment ou de son pendant situé au sud de la place de la gare. En effet,
ces deux constructions se ressemblent dans le style des façades et dans la mise en oeuvre des escaliers.
Des climatiseurs ont étés placés dans tous les bureaux. Ils sont actuellement tous dans un très mauvais état.
Ceux qui fonctionnent encore, coulent et altèrent les façades.
Le bâtiment abrite les bureaux de la direction. Certaines pièces ne sont pas utilisées, tout comme une partie des
sanitaires qui sont condamnés.
104
T
bâtiment d’origine
105
source: LAB
plan rez-de-chaussée
plan étage
5
T
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élévation sud
élévation nord
élévation ouest
élévation est
107
T
ENSEMBLE DE LA GARE
LOGEMENTS
affectation: logements
année de construction: inconnue
état de conservation:
en bon état général
sont entretenus
dimensions: 24.7m/8.7/6.2m
matérialité:
béton armé
pare-soleil en béton préfabriqué
toiture dalle en béton
aménagements:
claustras entre salon et espace de circulation
Ce bâtiment est l’équivalent domestique de la direction. Il a également été construit sur les fondations de son
prédécesseur, dans ce cas pourtant, la trace a été conservée.
Il s’agit d’une maison jumelée, dont les deux parties sont construites symétriquement. Au rez-de-chaussée, il y a
de chaque côté un garage, une cuisine et un accès intérieur à l’arrière-cour. À l’étage, deux chambres, un salon
et une salle de bain sont logés sur cette même surface. Un balcon qui court sur une grande partie de la façade
ouest est intégré dans le dispositif de pare-soleil. Sur la façade est, il y a un balcon à chaque extrémité. Celui au
nord a été fermé pour en faire un bureau.
Le bâtiment à deux niveaux est complété par une rangée de chambres indépendantes dans l’arrière-cour.
Les composantes modernistes, certes modestes, de ces logements leur donne une valeur patrimoniale.
108
T
109
plan étage
plan rez-de-chaussée
5
T
110
élévation sud
élévation ouest
élévation nord
élévation est
111
T
112
113
SITE TOGORAIL
ENSEMBLE DE L’ENTRÉE
Cet ensemble rassemble les bâtiments qui sont destinés aux ouvriers. Il y a ainsi le dispensaire, le centre de
formation et le magasin central. Il illustre la composante sociale et quelque peu paternaliste que s’était donné
les chemins de fer. A une époque plus avantageuse, la santé et la formation des cheminots étant donc prises
en charge par l’entreprise. Vestige de cette période, le dispensaire fonctionne encore partiellement, alors que le
centre de formation fermé.
L’entrée se fait sur l’avenue de Calais. C’est par ici que les travailleurs passent avant et après le travail. Le grand
arbre à l’entrée est un lieu de sociabilité par excellence. C’est ici que beaucoup d’ouvriers se retrouvent pendant
leur pause afin de manger mais surtout de jouer aux cartes.
Nous ne disposons que de très rares sources d’informations aux sujet de la construction des bâtiments qui
constituent cet ensemble.
Le premier magasin est pourtant déjà dessiné sur le plan de 1911. Nous supposons d’après sa position, qu’il
s’agit du prédécesseur du bâtiment du magasin central actuel.
Sur le plan de 1955, tous les bâtiments de l’ensemble en question sont construits. Leur trace au sol ne semble
pas avoir changé depuis.
La seule photo historique que nous avons de cet endroit, n’est pas datée précisément (1930-1950). Elle nous
fourni pourtant des informations sur les trois bâtiments qui font l’objet d’une description plus précise. Ils ont tous
subit de grosses modifications, autant au niveau volumétrique, qu’au niveau des façades.
T
114
vers 1925
ensemble des grands ateliers
source:CCF
1908
projet de modification du site
source: ANT
1911
projet de modification du site
source: TogoRail
115
ENSEMBLE DE L’ENTRÉE
DISPENSAIRE
affectation: infirmerie
date de construction: 1930/ époque française
dimensions: 20m/15m/5m environ 240m2
matérialité:
murs maçonnés
structure de la toiture en bois
couverture en tôle ondulée
aménagements:
laboratoire
salle de consultation
état de conservation:
en bon état général
Il s’agit du seul bâtiment du site disposant d’un sous-sol, l’accès à ce dernier se fait depuis l’extérieur.
L’entrée principale du bâtiment se situe sous une petite véranda. Au rez-de chaussée, il y a 8 pièces, dont deux
salles d’attente. A l’origine, ce bâtiment était un magasin, il fut transformé en dispensaire à une date inconnue.
Ce bâtiment est aujourd’hui partiellement désaffecté, en effet, il n’y a plus qu’une infirmière qui y travaille. Elle
occupe une seule pièce.
Nous constatons que le réemploi des fondations est une chose courante, voir systématique.
116
T
117
plan rez-de-chaussée
5
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élévation sud
élévation nord
élévation ouest
élévation est
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ENSEMBLE DE L’ENTRÉE
MAGASIN CENTRAL
affectation: magasin
date de construction:
bâtiment d’origine entre 1908 et 1911
dimensions: 20.6m/11m/4m
aménagements:
armoires murales
état de conservation:
en bon état général
matérialité:
murs maçonnés
structure de la toiture en bois
faux-plafond
couverture en tôle ondulée
Ce bâtiment fait face au centre de formation, ils ont été équipés, à une date inconnue, d’un fronton similaire d’un
style particulier, que nous n’avons pas retrouvé ailleurs.
La première trace ce bâtiment apparaît sur un plan de 1911.
Cette construction est surélevée par rapport au niveau du sol, ce qui correspond à une manière de construire des
colons, mais également à la hauteur d’un quai de déchargement. Il a une structure de toiture à deux pans, dont
la trace apparaît clairement sur le fronton.
Seule une toute petite pièce du bâtiment est régulièrement occupée. Il s’agit d’un bureau. La grande pièce à
l’avant est toujours vide. A l’arrière, le bâtiment donne accès au véritable stock de matériel, qui se trouve pourtant
dans un autre bâtiment. La partie avant est recouverte d’un faux plafond, alors qu’à l’arrière la structure de la
toiture est visible.
Ce bâtiment est aujourd’hui très faiblement occupé. Le petit bureau est équipé d’un ventilateur qui coule et
endommage la grande encadrure en béton qui se situe sur la façade ouest.
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T
121
plan rez-de-chaussée
5
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élévation sud
élévation ouest
élévation nord
élévation est
ENSEMBLE DE L’ENTRÉE
CENTRE DE FORMATION
affectation: local de d’enseignement
état de conservation: bon état général
année de construction: inconnue
dimensions: 20.3/10.5m/5.5m
matérialité:
murs en maçonnerie
façade nord en béton
charpente en bois
couverture en tôle nervurée
Ce bâtiment fait face au magasin central, leurs deux façades similaires renforcent l’effet d’entrée. Son fronton
dévoile également une toiture à deux pans.
Il se compose de deux pièces. Une plus petite côté nord et un grande au sud.
Côté sud il est adossé à une autre construction.
Ce bâtiment possède une des rares charpente en bois du site. Elle semble bien conservée.
Le centre de formation est aujourd’hui désaffecté.
124
T
125
plan rez-de-chaussée
5
T
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élévation sud
élévation ouest
élévation nord
élévation est
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129
SITE TOGORAIL
ENSEMBLE DU PARC DE LA VOIE
Cet ensemble s’organise autour des gros manguiers. Ces arbres sont générateurs d’espace et d’ambiance. Cet
ensemble respire un calme qu’ on ne retrouve sans aucun autre endroit du site.
Plusieurs photos historiques nous dévoilent certains moments de sa construction. Il apparaît que le parc de
la voie n’est pas encore planté en 1914. En 1930, les manguiers sont plantés et les constructions en limite de
parcelles sont déjà bien avancées.
Du point de vue des bâtiments, il est surtout composé de la direction des voies, bâtiment typique de l’architecture
coloniale, rehaussé en 1986, du hangar des manguiers, qui est dans un tel état de délabrement qu’il ne sera
pas décrit plus précisément et d’un long corps de bâtiment, qui est le fruit d’une succession d’interventions,
effectuées le long du mur en limite de parcelle.
Seul la direction des voies est encore régulièrement utilisée. Les autres bâtiments sont désaffectés ou occupés
uniquement pour de courts moments.
T
130
vers 1930
parc de la voie
source CCF:
vers 1930
le nord de la direction des voies
source: ANT
131
vers 1930
chantier au nord de la direction
des voies
source: ANT
ENSEMBLE DU PARC DE LA VOIE
DIRECTION DES VOIES
affectation: bureaux
état de conservation: relativement bon état général
année de construction: date inconnue
dimensions: 19.4/20m/8m
matérialité:
murs en maçonnerie (probablement briquette de terre
cuites en bas, parpaings pour l’étage)
dalle en béton armé
couverture en tôle ondulée
Ce bâtiment à deux niveaux fait face au parc de la voie.
Sa forme résulte de deux phases de construction. Comme en témoignent les photos historiques, le bâtiment
d’origine était construit sur le modèle de la maison à véranda. Il était surélevé par rapport au sol. Son socle habillé
d’un bossage est d’ailleurs très spécifique. Dans un deuxième temps, en 1986, sa charpente est sa couverture
en tuiles ont été enlevés. Au profit d’une surélévation d’un étage.
Ce bâtiment n’est actuellement que partiellement utilisé. Seuls quelques bureaux, essentiellement ceux situés à
l’étage sont occupés régulièrement.
132
T
bâtiment d’origine
133
source: ANT
plan rez-de-chaussée
plan étage
5
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élévation sud
élévation nord
élévation ouest
135
élévation est
ENSEMBLE DU PARC DE LA VOIE
RADIO-COMMUNICATION
affectation: bureaux et dépots
époque de construction:
suite d’interventions débutées vers 1914
dimensions: 81m/18m/7m
matérialité:
briquettes de terre cuite
couverture en tôle ondulée
Ce bâtiment est le fruit d’une multitude d’interventions. Même si actuellement il peut, à première vue, être perçu
comme un seul, il est fait de plusieurs. Il s’agit d’une succession de façades, ajoutées au fil du temps et des
besoins, qui se complètent.
Aujourd’hui, il est fermé et désaffecté, nous n’avons d’ailleurs pas eu accès à l’intérieur. Certaines parties sont
probablement utilisées comme lieu de stockage.
136
T
137
ENSEMBLE DU PARC DE LA VOIE
AUTRES CORPS DE MÉTIER
affectation: atelier des métiers annexes à l’exploitation
du chemin de fer
époque de construction:
suite d’interventions débutées vers 1914
aménagements:
sur la partie nord trois petits ponts tournant permettent
d’accéder aux fosses de réparation
état de conservation: précaire
dimensions: 69m/12m/6.5m
matérialité:
briquettes de terre cuite
couverture en tôle ondulée
pare-soleil en béton préfabriqué
Ce bâtiment, qui est en fait un couvert, a été construit sur le mur en limite de parcelle.
Il y règne une forte odeur due au marché au poisson qui se trouve à l’arrière de ce bâtiment. La façade de côté
est équipée de pare-soleils par endroits. Aujourd’hui, il sert de lieu de stockage.
138
T
139
ATELIER LOCOMOTIVE
affectation: atelier d’entretien des locomotives
époque de construction:
inconnue, époque française
aménagements:
fosses pour accéder sous les locomotives
état de conservation: bon
dimensions: 56.5m/32.5m/13.2m
matérialité:
halle:
partie est:
structure métallique
couverture en tôle ondulée
béton armé
pare-soleil en béton préfabriqué
Il s’agit du bâtiment qui couvre la plus grande surface sur le site. Sans porteur intermédiaire la structure en treillis
couvre 28m.
Nous ne connaissons pas sa date de construction mais il est présent sur des photographies datant de 19721
Le hangar est encore très utilisé. Concernant la travée construite en dur à l’est, elle se compose de deux niveaux.
La partie supérieure, là où se trouvent les bureaux est inoccupée. Tandis que la partie inférieur sert de lieu de
stockage et de vestiaire. La grande taille de la toiture donne une perception de mur épais à cette travée qui
mesure tout de même 6 m de large.
La coursive du premier étage, donne une vue sur une partie du site et sur le skyline de la ville. Il s’agit d’un des
seuls lieux aussi hauts et dégagés du site.
1
E.T. HONIG, Réseaux ferrés de l’ouest africain, Railway networks in West Africa, Berlin: Röhr-Verlag, p. 46
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5
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plan rez-de-chaussée
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FABRIQUE BÉTON
affectation: usine de fabrication des traverses en béton
date de construction: 2006
dimensions: 41m/12m/30.4m
aménagements:
un pont roulant
état de conservation: relativement bonne
matérialité:
structure en béton armé
treillis métallique
couverture en tôle nervurée
Ce bâtiment est la construction la plus récente du lieu. Elle a été construite par un ingénieur indien de la société
TogoRail. La fabrique n’est cependant plus en usage, dû à des manquements au niveau des installations
nécessaires au processus de fabrication du béton.
Ce bâtiment très utilitaire et sans valeur architecturale offre cependant une surface de 24m x 24m, sans porteurs
intermédiaires. Il pourrait potentiellement être utilisé pour y insérer un programme nécessitant un grand espace
couvert.
Le treillis métallique rappelle celui de l’atelier locomotive.
T
150
151
SITE TOGORAIL
ELEMENTS FERROVIAIRES ET INDUSTRIELS
Il y a sur toute la parcelle un nombre incroyable d’éléments ferroviaires. Certains occupent encore la même place
que lorsqu’ils étaient encore utiles et nécessaires à l’exploitation. Ainsi, les bancs sont encore alignés sur le
perron de gare, le tracé des rails et les dispositifs d’aiguillage qui les accompagnent correspondent au temps où
ils supportaient encore le passages des convois ferroviaires.
Dans les ateliers, qu’ils soient encore utilisés ou non, d’innombrables machines témoignent de la forte activité
d’artisanat ferroviaire qui régnait dans ces lieux. Seules quelques unes sont encore régulièrement utilisées,
mais les autres sont restées en place. Certaines de ces machines ont étés installées dans ces bâtiments à leur
constructions et y sont toujours. Il s’agit de vrais trésors de l’histoire de la technique, importés d’Europe il y a des
années.
Il y a également beaucoup d’éléments qui ne se trouvent pas à leur place d’origine. Il s’agit en général d’éléments
standards produits en série. Ils sont stockés ensemble, entassés, alignés, superposés. C’est l’expression de
la valeur du matériau métallique. Ces objets sont stockés à l’air libre ou sous des hangars. Tous ces éléments
évoquent le temps qui passe. Avec la corrosion, la matière se désagrège, disparaît, lentement et discrètement.
Les wagons désaffectés semblent eux aussi disparaître. Ils sont alignés et se font littéralement envahir par la
végétation, elle y pénètre et les traverse. De part leur taille et leur capacité d’assemblage, ils sont générateurs
d’une spatialité longiligne, que ce soient leur espace intérieur ou par leur alignements. De part leur positions ils
orientent le cheminement des ouvriers. Leurs alignements pérennes participent aussi à la créations d’espaces,
cette particularité est surtout perçue dans le périmètre non-bâtit. Certains de ces wagon sont encore dans un
bon état de conservation, ils ont un potentiel d’occupation, ils sont squattés par les cheminots, pour y faire la
sieste.
Les wagons encore en état de fonctionner se retrouvent généralement sous les grands entrepôts ou dans leurs
abords directs. Leur présence change les perspectives offertes à l’intérieur des grands hangars. Ainsi, grâce
à eux, le site, qui au premier abord, nous semble être un endroit où le temps s’est arrêté; bouge. Mêmes les
spatialités qui semblaient figées au départ évoluent au fil du temps.
152
153
SITE TOGORAIL
LA VÉGÉTATION
Aujourd’hui, la végétation fait partie intégrante du lieu, pratiquement au même titre que tout ce qui l’entoure.
Pourtant cela n’a pas toujours été le cas. Il est difficile de s’imaginer le site tel qu’il était au début de l’exploitation
ferroviaire.
Trois types de végétation y sont actuellement représentées: la végétation sauvage, la végétation ornementale
et la végétation issue de l’agriculture urbaine. Elles sont apparues par étapes. Nous pensons que la dimension
végétale a particulièrement augmenté son emprise au sol ces dernières années.
Au départ, selon les photos historiques, la végétation semble basse, sans arbre. Puis pour créer de l’ombre,
seul moyen de pouvoir supporter la chaleur tropicale, des arbres ont rapidement été plantés par les colons. La
végétation sauvage a toujours fait partie du site, mais il semble qu’elle soit actuellement particulièrement opulente
par rapport aux photos historiques, conséquence probable d’une exploitation restreinte.
Quant à l’agriculture urbaine, elle est probablement apparue avec le déclin du trafic ferroviaire. Aujourd’hui,
maïs, manioc, gombos sont cultivés entre les traverses des voies désaffectées, notamment par les employés de
TogoRail. L’entre-axe des rails semble particulièrement bien se prêter à planter régulièrement le manioc ou des
papayers.
La végétation ornementale, se limite à la plantation d’arbres, ces derniers était probablement surtout plantés
pour l’ombre qu’ils créent. Nous avons répertorié 17 essences d’arbres différentes. Les manguiers, les nîmes,
les acajous et les palmiers y poussent en plus grand nombre. Les flamboyants sont les plus majestueux des
arbres sur ce lieu. Les qualités des diverses essences contribuent à donner des ambiances spécifiques à des
lieux différents sur le site.
On distingue sur les photos historiques, un alignement d’arbres entre le bâtiment de la gare et les voies de
chemin de fer. Ceux-ci ont probablement étés coupés lors de la reconstruction/rénovation de l’ancienne gare
allemande vers 1970.
Par contre dans le périmètre du parc de la voie, les manguiers plantés avant 1930, protègent encore aujourd’hui
du soleil. Le feuillage bien garnit crée un espace couvert et frais.
Le flamboyant situé au nord de l’atelier wagon, l’arbre de loin le plus imposant sur le site, crée lui aussi un véritable
espace. Sa couronne donne le sentiment d’être dans une pièce immense.
La végétation opulente se mêle aux éléments industriels, jusqu’à, dans certains cas, pratiquement les faire
disparaître. Ce couple formé par l’union des éléments d’industrie ferroviaire et la végétation génère une certaine
poésie Il représente en quelque sorte la victoire de la nature fragile sur les activités humaines considérées comme
brutales et irréversibles. Il faut toutefois nuancer cet enthousiasme d’européen. En effet, la nature au Togo est
luxuriante, tout pousse beaucoup plus vite que sous nos latitudes. Il s’agit dons d’une lutte constante que
l’homme doit mener pour ne pas être envahi. La nature est considérée comme résistante et forte. Pourtant ce
côte-à-côte reste néanmoins un combinaison intéressante de part sa rareté dans le paysage togolais.
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SITE TOGORAIL
STRATEGIE-OBJECTIFS-QUESTIONNEMENT
Lors de notre toute première visite, le périmètre de TogoRail nous avait paru à l’abandon. Le relevé que nous
avons fait et la recherche globale qui l’a accompagné ont révélé que cette vision était fausse. Même si les trains
de voyageurs ne circulent plus, ce lieu n’est pas à l’abandon, mais il y a des fortes probabilités qu’il soit en
fin de vie. C’est pourquoi une action de réhabilitaion s’avère nécessaire. Depuis l’indépendance du pays, ses
exploitants n’ont pas cessé de changer. Il est passé des mains françaises aux mains togolaises puis canadiennes
et finalement indiennes. Même si le gouvernement prétend vouloir relancer le transport de personnes, cela paraît
totalement irréalisable. Nous considérons donc qu’il faut, à regret, se détacher de tout espoir de voir le réseau
national fonctionner à nouveau, étant donné l’investissement qu’il faudrait pour pouvoir rendre les tronçons et le
matériel roulant à nouveau utilisables.
Ceci dit, éliminer la possibilité que le site puisse à nouveau accueillir une activité ferroviaire est trop expéditif. Il ne
faut pas oublier que l’emprise au sol des voies est encore présente dans la ville. Même si cela paraît optimiste,
nous ne voulons pas exclure l’éventualité qu’un train pour l’agglomération voie le jour. Cet avénement permettrait,
du même coup, de soulager Lomé de l’engorgement automobile. Ce train devrait alors logiquement pouvoir venir
s’implanter dans le site des chemins de fer.
Les dimensions de cette parcelle permettent d’envisager une mixité de programme en son sein, dont la
continuation à plus petite échelle de l’activité ferroviaire. Le site pourrait aussi recevoir de l’activité tertiaire et
du logement. L’établissement d’un master plan pour réguler ces usages se révèle donc utile. Comme déjà
dit, le programme principal devra être public. Un centre culturel pourrait être une proposition judicieuse qui
puisse rendre le lieu attrayant et profitable pour la population. A Lomé, les activités culturelles sont rares. Elles
sont en général proposées par le Centre Culturel Français (CCF) et le Goethe Institut. Ces deux organismes
sont actuellement à l’étroit dans le quartier commercial, le projet pourrait donc leur redonner de l’espace. Une
composante symbolique vient appuyer cette proposition. Comme nous l’avons dit, le site des chemins de fer
représente un patrimoine partagé. L’objectif principal de ces institutions se trouve justement être le partage du
savoir et de la culture.
Un questionnement accompagnera le projet d’architecture :
Comment réinsérer ce lieu dans le fonctionnement de la ville sans que ses qualités en soit altérées ?
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BIBLIOGRAPHIE
LOMÉ, TOGO
Philippe GERVAIS-LAMBONY, De Lomé à Harare, Le fait citadin, Paris: Karthala, 1994
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RÉEMPLOI ET RÉCUPÉRATION
Andrée GENDREAU (dir.), Ingénieuse Afrique: Artisans de la récupération et du recyclage, Québec: Editions Fides, 1994
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ICONOGRAPHIE
SOURCES
ICONOGRAPHIE HISTORIQUE
ANOM Archives Nationales d’Outre-Mer, Aix-en-Provence, France
ANT
Archives Nationales du Togo, Lomé, Togo
CCF
Centre Cullturel Français, Lomé, Togo (Fond Iconographique de l’ex-ORSTOM)
LAB
Landesarchiv Bremen, Brême, Allemagne
BM
Basel Mission
I&M
Images et Mémoires (www.imagesetmemoires.com)
Fond Vogenbeck, mis à disposition par le collectionneur
Album Leschin, mis à disposition par M. Peter Sebald
Collection Schroeter
Collection Röhr
WL
Wolfgang Lauber, Deutsche Architektur in Togo 1884-1914, Stuttgart: Karl Krämer Verlag, 1993
YM
Yves MARGUERAT, L’architecture française et l’oeuvre de Georges Coustère au Togo, Lomé: Karthala, 2000
HSRR Helmut SCHROETER, Roel RAMAER, Die Eisenbahnen in den einst deutschen Schutzgebieten, Berlin: RöhrVerlag,
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HONIG E.T. HONIG, Réseaux ferrés de l’ouest africain, Railway networks in West Africa, Berlin: Röhr-Verlag, 1988
ICONOGRAPHIE ACTUELLE
Les images sans mention d’auteur sont des photos personnelles, prises lors de notre séjour sur place
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REMERCIEMENTS
Les recherches que nous avons engagées pour ce travail, nous ont amenées à rencontrer beaucoup de personnes
qui ont chacune contribué à leur façon à son aboutissement.
Bien que cette liste ne soit de loin pas exhaustive, nous aimerions tout particulièrement remercier
M. David Nenonene, ainsi que Dela, Aimie, et Sakia à Lomé
François et Akpene, Philippe et Nathalie, Daniel et Marie
M. Céfas Nenonene
La Direction de TogoRail, Lomé, ainsi que tous ses employés, en particulier M. Abou Nimo, M. Fernandez, M.
Dogbé
Les Archives Nationale du Togo
L’EAMAU, en particuliers le Prof. Adjamagbo, le Prof. Tchini, ainsi que M. Constant Boguin, et M. Joseph
Amekotou
Le Prof. Amegan
M. Gozo du CCF
M. Kouassi de la Direction Générale de l’Urbanisme et de l’Habitat à Lomé
Le Prof. Peter Sebald
M. Schmalfuss du Musée des technologies de Berlin
M. Peter Romen, M. Vogenbeck, M. David, M. Röhr, M. Rachdi, M. Hahn-
Nous n’oublierons pas les personnes qui nous soutiennent tous les jours
Sonia Curnier
Gian Lieberherr
Bastien Thorel
Danielle et Erik Chou
...et merci à la plus grande salle à manger du monde-
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