au feminin textes - Musicales Guil Durance

Transcription

au feminin textes - Musicales Guil Durance
CLARA SCHUMANN (1819-1896)
Ihr Bildnis (son portrait)
Ich stand in dunklen Träumen
und[starrte ihr Bildnis an,
und das geliebte Antlitz
Heimlich zu leben begann.
Dans des rêves sombres j'étais debout
Et je regardais son portrait,
Et le visage bien aimé
Secrètement reprenait vie.
Um ihre Lippen zog sich
Ein Lächeln wunderbar,
Und wie von Wehmutstränen
Erglänzte ihr Augenpaar.
Sur ses lèvres jouait
Un merveilleux sourire.
Et ses yeux brillaient
Avec des larmes mélancoliques.
Auch meine Tränen flossen
Mir von den Wangen herab
Und ach, ich kann's nicht glauben,
Daß ich dich verloren hab !
Et mes larmes coulaient aussi
Depuis mes joues.
Hélas ! Je ne peux croire
Que je t'ai perdue !
Sie liebten sich beide (ils s'aimaient tous les deux)
Sie liebten sich beide, doch keiner
wollt' es dem andern gestehn.
sie sahen sich an so feindlich,
und wollten vor Liebe vergehn.
Ils s'aimaient tous les deux, mais aucun
N'était prêt à le dire à l'autre,
Ils se regardaient si froidement,
Pourtant ils se languissaient d'amour.
Sie trennten sich endlich und sah'n sich
nur noch zuweilen im Traum.
sie waren längst gestorben
und wußten es selber kaum.
Finalement, ils se séparèrent et se virent
Seulement de temps en temps en rêve ;
Ils moururent il y a longtemps
Et en furent à peine conscients.
Liebeszauber (magie de l’amour)
Die Liebe saß als Nachtigall
im Rosenbusch und sang.
es flog der wundersüße Schall
den grünen Wald entlang.
L'Amour se posa, comme un rossignol,
Dans un buisson de roses et chanta ;
Le merveilleux chant si doux
Envahit le bois verdoyant.
Und wie er klang, da stieg im Kreis
aus tausend Kelchen Duft,
und alle Wipfel rauschten leis',
Et à son chant se répandirent
Des senteurs de milliers de fleurs,
Et chaque cime d'arbre s'agita doucement
und leiser ging die Luft;
Et plus léger était l'air.
Die Bäche schwiegen, die noch kaum
geplätschert von den Höh'n,
die Rehlein standen wie im Traum
und lauschten dem Getön.
Les ruisseaux étaient silencieux eux qui
Récemment dévalaient des hauteurs ;
Les faons se tenaient comme dans un rêve
Et écoutaient le chant.
Und hell und immer heller floß
der Sonne Glanz herein,
um Blumen, Wald und Schlucht ergoß
sich goldig roter Schein.
Et légers et encore plus légers
Les rayons du soleil scintillaient,
Et sur les fleurs, les arbres et le vallon
L'éclat jaune d'or se répandait.
Ich aber zog den Weg entlang
und hörte auch den Schall.
Ach ! was seit jener Stund' ich sang,
war nur sein Widerhall.
Mais j'allais mon chemin
et j'entendis aussi le chant.
Hélas ! Depuis ce moment mes chants
ne sont que son écho.
Claire Vazart (1964)
Au Féminin :
Femme noire
Femme nue, femme noire, vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté
J’ai grandi à ton ombre ; la douceur de tes mains bandait mes yeux.
Et voilà qu’au cœur de l’été et de midi, je te découvre, terre promise, du haut d’un haut col calciné.
Et ta beauté me foudroie en plein cœur comme l’éclair d’un aigle.
Femme nue, femme obscure, fruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir,
Bouche qui fait lyrique ma bouche,
Savane aux horizons purs, savane qui frémit aux caressent fervents du vent d’Est.
Tam tam sculpté, tam tam tendu qui gronde sous les doigts des vainqueurs.
Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l’aimé.
Femme nue, femme obscure, huile que ne ride nul souffle,
Huile calme aux flancs de l’athlète, aux flancs des princes du Mali.
Gazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau.
Délices des jeux de l’esprit, les reflets de l’or rongent ta peau qui se moire.
A l’ombre de ta chevelure s’éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux.
Femme nue, femme noire, je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l’éternel,
Avant que le destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie.
Poésie ininterrompue
Nue, effacée, ensommeillée.
Choisie, sublime, solitaire.
Profonde, oblique, matinale.
Fraîche, nacrée, ébouriffée.
Ravivée, première, régnante.
Coquette, vive, passionnée.
Orangée, rousse, bleuissante.
Jolie, mignonne, délurée.
Naturelle, couchée, debout.
Etreinte, ouverte, rassemblée.
Rayonnante, désaccordée
Gueuse, rieuse, ensorceleuse.
Etincelante, ressemblante.
Source secrète, souterraine.
Aveugle, rude, désastreuse.
Boisée, herbeuse, ensanglantée.
Sauvage, obscure, balbutiante.
Ensoleillée, illuminée.
Fleurie, confuse, caressante.
Instruite, discrète, ingénieuse.
Fidèle, facile, étoilée.
Charnue, opaque, palpitante.
Inaltérable, contractée.
Pavée, construite, vitrifiée.
Globale, haute, populaire.
Barrée, gardée.
Contradictoire, égale.
Lourde, métallique.
Impitoyable, impardonnable.
Surprise, dénouée, rompue.
Noire, humiliée, éclaboussée.
Sommes-nous deux, où suis-je solitaire
Grâce
Elle avance et voit palpiter l’air autour, caresse qui la suit à pas de loup.
Elle avance, avance et sent que c’est un de ces jours où tout l’enlace.
Les regards, le vent, l’instant, ce qu’elle désire et ce qui l’attend.
Elle avance, avance, avance, laisse sa trace de parfum,
De lumière, de silence doux.
C’est un frisson, une joie dense, et la voilà qui court.
Jeune fille endormie
A l’heure d’une nuit rythmée par l’amour, elle s’endort,
Elle s’endort sans avoir cherché à le faire, en recours, elle s’endort,
Tout en brave, tout en pétale, tout en pleurs,
Le coude sagement replié au frein d’une lune étale,
Au clair de cette chevelure de brune.
Tout en pudeur et tout en corps, toute d’âme,
Elle s’endort, elle s’adonne au sommeil comme d’autres se donnent au mal,
Sans même qu’elle le sache, sur son premier chagrin,
Ayant pour compagne ses craintes d’enfant, son cœur de femme,
Cet espoir élargi soudain au silence du matin.
Tout en elle, assoupie, ma jeune endormie rêve enfin.
Elle, noire
Elle est non !
Elle est contre, à côté, ailleurs.
Multiple, en éternel combat, déchirée comme un ciel d’exil.
Bulle irisée, reflet sur l’onde.
Tout en elle est brillant, mouvant, électrique, sa voix, ses yeux.
Et son allure (oiseau, serpent ?)
Même habillée elle apparaît plus nue que nue.
Femme enfant ou femme animal, ou déesse ambigüe,
Semblable à ces idoles du Tibet, tour à tour paisible et odieuse,
Habile à construire et détruire, exigeant rites et prières.
Elle veut !
Ne veut pas. Invente. S’oppose.
Erre entre ses forêts sombres où nul ne l’accompagnera.
Ignore les lois et les liens, le passé, la raison, les faits.
Son mystère est vivant, vibrant.
C’est, dit-on le sel de la terre, la malédiction fascinante.
Elle aura fait incendier Troie, ruiné sa patrie égyptienne, tissé l’atroce des Atrides,
Fait disparaitre dans les flots la cité d’Ys.
Des hommes ont voulu mourir pour elle ou par elle.
Ils en restent marqués.
D’autres ont eu envie de l’étrangler.
Plusieurs le firent.
Elle revint. Tout continue.
Crachant sur l’ordre et sur la norme, elle a semé délire et deuil
Mais ouvert à certains des portes.
Elle a fait rêver de beauté. Chassé des spectres.
Troublé, capté, séduit.
Inspiré des poètes.
Toi le féminin
Toi le féminin, ne nous délaisse pas.
Car tout ce qui n’est pas mué en douceur ne survivra pas.
Toi qui survivras, révèle nous ton mystère que peut-être toi-même tu ignores,
Sinon le mystère ne serait pas.
N’est-ce pas que le printemps est empli d’oiseaux dont l’appel se perd au loin.
Que l’été nous écrase de son incandescence dont la senteur nous empoigne jusqu’aux larmes.
Que l’automne nous laisse désemparés par son trop plein de couleurs, de saveurs.
Que l’ultime saison rompt le cercle, nous plongeant dans l’abîme, de l’inguérissable nostalgie.
Mais en toi demeure le mystère que peut-être toi-même tu ignores.
En toi ce qui est perdu, ce qui est à venir.
Etang d’avant la pluie au furtif nuage.
Colline après l’orage au contour plein.
Ne nous délaisse pas.
Toi le féminin, hormis ton sein, quel lieu pour renaître ?
Lili Boulanger (1893-1918)
Reflets
Sous l'eau du songe qui s'élève
Mon âme a peur, mon âme a peur.
Et la lune luit dans mon cœur
Plongé dans les sources du rêve!
Sous l'ennui morne des roseaux.
Seuls les reflets profonds des choses,
Des lys, des palmes et des roses
Pleurent encore au fond des eaux.
Les fleurs s'effeuillent une à une
Sur le reflet du firmament.
Pour descendre, éternellement
Dans l'eau du songe et dans la lune.
Attente
Mon âme a joint ses mains étranges
À l'horizon de mes regards ;
Exaucez mes rêves épars
Entre les lèvres de vos anges!
En attendant sous mes yeux las,
Et sa bouche ouverte aux prières
Éteintes entre mes paupières
Et dont les lys n'éclosent pas ;
Elle apaise au fond de mes songes,
Ses seins effeuillés sous mes cils,
Et ses yeux clignent aux périls
Éveillés au fil des mensonges.
Elle était descendue au bas de la prairie
Elle était descendue au bas de la prairie,
Et, comme la prairie était toute fleurie
De plantes dont la tige aime à pousser dans l'eau,
Ces plantes inondées je les avais cueillies.
Bientôt, s'étant mouillée, elle gagna le haut
De cette prairie-là qui était toute fleurie.
Elle riait et s'ébrouait avec la grâce
Dégingandée qu'ont les jeunes filles trop grandes.
Elle avait le regard qu'ont les fleurs de lavande.
Vous m'avez regardé avec toute votre âme.
Vous m'avez regardé avec toute votre âme.
Vous m'avez regardé longtemps comme un ciel bleu.
J'ai mis votre regard à l'ombre de mes yeux
Que ce regard était passionné et calme
Alma Mahler (1879 - 1964)
In meines Vaters Garten (Dans le jardin de mon père)
In meines Vaters Garten
blühe mein Herz, blüh auf
in meines Vaters Garten
stand ein schattiger Apfelbaum
Süsser Traum
stand ein schattiger Apfelbaum.
Dans le jardin de mon père
fleuris, mon cœur, fleuris !
Dans le jardin de mon père
il y avait un pommier ombragé.
doux rêve, doux rêve !
Il y avait un pommier ombragé.
Drei blonde Königstöchter
blühe mein Herz, blüh auf
drei wundersame Mädchen
schliefen unter dem Apfelbaum
Süsser Traum
schliefen unter dem Apfelbaum.
Les trois filles blondes du Roi
fleuris, mon cœur, fleuris !
Les trois belles filles,
elles dormaient sous le pommier.
Doux rêve, doux rêve !
Elles dormaient sous le pommier.
Die allerjüngste Feine
blühe mein Herz, blüh auf
die allerjüngste Feine
blinzelte und erwachte kaum
Süsser Traum
blinzelte und erwachte kaum.
La plus jeune des trois
fleuris, mon cœur, fleuris !
La plus jeune des trois
cligna des yeux et s'éveilla à peine
Doux rêve, doux rêve !
Cligna des yeux et s'éveilla à peine.
Die zweite fuhr sich übers Haar
blühe mein Herz, blüh auf
die zweite fuhr sich übers Haar,
sah den roten Morgensaum
Süsser Traum
sah den roten Morgensaum.
Sie sprach: Hört ihr die Trommel nicht
blühe mein Herz, blüh auf
Süsser Traum
hell durch den dämmernden Raum ?
La deuxième caressa ses cheveux
fleuris, mon cœur, fleuris !
La deuxième caressa ses cheveux
Elle vit le rêve rouge du matin.
Doux rêve !
Elle vit le rêve rouge du matin.
Elle dit : N'entendez-vous pas le tambour ?
Fleuri ,mon cœur, fleuris !
Doux rêve !
Brillamment à travers le rêve qui se lève.
Mein Liebster zieht zum Kampf hinaus
blühe mein Herz, blüh auf
mein Liebster zieht zum Kampf hinaus,
küsst mir als Sieger des Kleides Saum
Süsser Traum
küsst mir als Sieger des Kleides Saum
Mon bien aimé part à la guerre
fleuris, mon cœur, fleuris !
Mon bien aimé part à la guerre,
il baise le bas de ma robe comme un vainqueur
doux rêve !
Il baise le bas de ma robe comme un vainqueur
Die dritte sprach und sprach so leis
blühe mein Herz, blüh auf
die dritte sprach und sprach so leis :
Ich küsse dem Liebsten des Kleides Saum
Süsser Traum
ich küsse dem Liebsten des Kleides Saum.
La troisième parla, parla si doucement
fleuris, mon cœur, fleuris !
La troisième parla, parla si doucement :
Je baise le bas de la robe de mon amour
doux rêve, doux rêve !
Je baise le bas de la robe de mon amour.
In meines Vaters Garten
blühe mein Herz, blüh auf
in meines Vaters Garten
steht ein sonniger Apfelbaum
Süsser Traum
steht ein sonniger Apfelbaum !
Dans le jardin de mon père
fleuris, mon cœur, fleuris !
Dans le jardin de mon père
pousse un pommier ensoleillé
doux rêve, doux rêve !
Pousse un pommier ensoleillé !
Laue Sommernacht (Douce nuit d'été)
Laue Sommernacht
am Himmel stand kein Stern,
im weiten Walde
Suchten wir uns tief im Dunkel,
Und wir fanden uns.
Douce nuit d'été,
aucune étoile dans le ciel,
dans les grands bois, nous jouions à cachecache dans le noir,
et nous nous trouvions.
Fanden uns im weiten Walde
In der Nacht, der sternenlosen,
Hielten staunend uns im Arme
In der dunklen Nacht.
Nous nous trouvions dans les grands bois,
dans la nuit, dans la nuit sans étoiles,
nous nous tenions, étonnés, dans nos bras
dans la nuit sombre.
War nicht unser ganzes Leben
[So ein Tappen, so ein Suchen ?
Da: In seine Finsternisse
Liebe, fiel Dein Licht.
Ce n'était pas toute notre vie,
nous allions à tâtons, nous cherchions,
alors dans le noir, l'amour,
éteins ta lumière.
Bei dir ist es traut (Avec toi c'est bon)
Bei dir ist es traut,
zage Uhren schlagen
wie aus alten Tagen,
komm mir ein Liebes sagen,
aber nur nicht laut!
Avec toi c'est bon,
les heures timides sonnent
comme autrefois,
viens et dis-moi un mot d'amour,
mais pas trop fort !
Ein Tor geht irgend wo
draußen im Blütentreiben,
der Abend horcht an den Scheiben,
laß uns leise bleiben,
keiner weiß uns so !
On entend un portail
venant du monde en fleurs,
le soir écoute aux fenêtres,
gardons le silence,
que personne ne sache où nous sommes.
Ich wandle unter Blumen (Je me promenais parmi les fleurs)
Ich wandle unter Blumen
Und blühe selber mit,
Ich wandle wie im Traume
Und schwanke bei jedem Schritt.
Je me promenais parmi les fleurs
et fleurissais avec elles,
je me promenais comme dans un rêve
et trébuchais à chaque pas.
O halt mich fest, Geliebte!
Vor Liebestrunkenheit
Fall' ich dir sonst zu Füßen
Und der Garten ist voller Leut!
Oh soutiens-moi, mon amour,
Sinon je vais tomber à tes pieds,
ivre d'amour,
et il y a du monde dans le jardin !
Ekstase (extase)
Gott, in deine Himmel sind mir aufgetan,
und deine Wunder liegen vor mir da
Wie Maienwiesen, drauf die Sonne scheint.
Dieu, dans ton ciel j'ai été faite
Et tes merveilles sont posées devant moi
Comme des prairies en mai, sur lesquelles le
soleil brille.
Du bist die Sonne, Gott, ich bin bei dir,
Ich seh mich selber in den Himmel gehn.
Es braust das Licht in mir wie ein Choral.
Tu es le soleil, Dieu, je suis près de toi,
Je me vois moi-même marcher dans les cieux.
La lumière se répand en moi comme un choral.
Da breit' ich Wandrer meine Arme aus
und in das Licht verweh ich wie die Nacht,
die in die Morgenrötenblust vergeht.
Là je voyage et j'étends mes bras
Et je me dissous dans la lumière comme la nuit
Qui disparaît dans la rougeur du matin.