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TRIBUNAL
D E GRANDE
INSTANCE
DE PARIS

1/4 social
N° RG :
14/15344
N° MINUTE :
JUGEMENT
rendu le 17 mars 2015
Assignation du :
20 octobre 2014
REMBOURSEMENT
LG
1
DEMANDEURS
Comité d’Entreprise de l’Association COSEM
6 avenue César Caire
75008 PARIS
Syndicat CFDT Santé Sociaux PARIS
7/9 rue Euryale Dehaynin
75019 PARIS
Monsieur Jean Paul BOIDARD
180 rue Legendre
75017 PARIS
Madame Muriel SAINT OMER
35 rue des Bois
75019 PARIS
Madame Patricia BONHOMME
4 rue Paul Valéry
94450 LIMEIL BREVANNES
Madame Christine BASLEY
3 rue des Trois
95220 HERBLAY
Madame Sonia DAHMAN
5 rue Robert Schuman
94220 CHARENTON LE PONT
Expéditions
exécutoires
délivrées le :
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DECISION DU 17 MARS 2015
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N° RG : 14/15344
Monsieur Jean Marie TREBOSC
2 allée Louis Jouvet
92600 ASNIERES SUR SEINE
représentés par Maître Samuel GAILLARD, avocat au barreau de
PARIS, vestiaire #E0318
DÉFENDEURS
Monsieur Daniel DIMERMANAS
9 rue Boudreau
75009 PARIS
Association Coordination des Oeuvres Sociales et Médicales
(COSEM)
9 rue Boudreau
75009 PARIS
représentés par Maître Virginie DELESTRE de la SELARL NOMOS,
avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0237
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Laurence GUIBERT, Vice-Président
Président de la formation
Madame Pénélope POSTEL-VINAY, Vice-Président
Madame Elodie GUENNEC, Juge
Assesseurs
assistées de Elisabeth AUBERT, Greffier lors des débats
DÉBATS
A l’audience du 27 janvier 2015
tenue en audience publique
JUGEMENT
- Contradictoire.
- En premier ressort.
- Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties
en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de
l’article 450 du code de procédure civile.
- Signé par Laurence GUIBERT, Président et par Elisabeth AUBERT,
greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat
signataire.
L’association Coordination des Oeuvres Sociales et Médicales (ci-après
le COSEM), soumise au régime de la loi du 1er juillet 1901, a pour
principal objet l’exploitation de centres de santé situés à Paris dans le
cadre des articles L. 6323-1 et suivants du code de la santé publique. Sa
vocation sociale consiste à offrir au plus grand nombre un accès à des
soins médicaux et dentaires.
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Le COSEM exploite, notamment trois centres de santé implantés à
Paris, respectivement rue Miromesnil (8ème arrondissement), rue de
l’Atlas (19ème arrondissement) et rue Boudreau (9ème arrondissement).
Il emploie plus de 620 salariés permanents dont 375 médecins et
chirurgiens-dentistes.
Jusqu’au 1er juillet 2014, le régime de prévoyance du COSEM
s’appliquait différemment selon les catégories suivantes :
- pour la catégorie des cadres administratifs et des non-cadres,
était appliqué un accord d’entreprise garantissant les risques
d’invalidité, d’incapacité et de décès,
- pour la catégorie des praticiens, il était fait application d’un
engagement unilatéral de l’employeur garantissant le risque décès,
S’agissant de la mutuelle, la prise en charge était définie comme suit :
- pour la catégorie des cadres administratifs et des non-cadres,
la mutuelle était obligatoire, et le COSEM la prenait intégralement en
charge selon un engagement unilatéral de l’employeur,
- pour la catégorie des praticiens, il n’y avait aucune obligation
d’adhérer à la mutuelle de l’association et les praticiens qui souhaitaient
y souscrire ne bénéficiaient d’aucune prise en charge par l’employeur.
L’entrée en vigueur du décret n°2012-25 du 9 janvier 2012, relatif au
caractère collectif et obligatoire des garanties de protection sociale
complémentaire, rendait impossible le maintien de ce régime mis en
place au sein du COSEM.
Souhaitant mettre en oeuvre un nouveau régime de prévoyance et de
santé afin d’éviter d’être assujetti aux cotisations de sécurité sociale, le
COSEM a dénoncé son engagement unilatéral, selon lequel il prenait
en charge, intégralement, les frais de la mutuelle des salariés non
praticiens.
Contestant la régularité de cette procédure de dénonciation, le comité
d’entreprise de l’association COSEM, le syndicat CFDT Santé et
sociaux Paris, Monsieur Jean-Paul BOIDARD, Madame Muriel SAINT
OMER, Madame Patricia BONHOMME, Madame Christine BASLEY,
Madame Sonia DAHMAN et Monsieur Jean-Marie TREBOSC ont fait
assigner à jour fixe, le 20 octobre 2014, le COSEM et Monsieur Daniel
DIMERMANAS, ès qualités de directeur général et de dirigeant de fait
du COSEM, aux fins de voir obtenir, suivant leurs dernières
conclusions notifiées par voie électronique, le 8 décembre 2014, de :
- dire recevable et bien-fondé le Comité d’entreprise COSEM,
ainsi que le Syndicat Santé Sociaux Paris en leurs demandes.
Y faisant droit :
- déclarer sans effet la dénonciation par le COSEM de la prise
en charge intégrale des cotisations Mutuelle de ses salariés versées à
partir du 30 juin 2014.
- condamner en conséquence l’Association COSEM à
régulariser depuis le 1er juillet 2014 la situation des salariés concernés
par la dénonciation illicite en ordonnant le remboursement par
l’Association COSEM aux salariés de toutes les contributions pré
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comptées par l’employeur depuis le 1er juillet 2014, et dire que le
COSEM est tenu de continuer à garantir aux salariés le remboursement
des frais médicaux dans les conditions antérieures au 1er juillet 2014 et
rembourser en conséquence aux salariés qui ne sont plus couverts par
la Mutuelle les frais médicaux qui étaient auparavant couverts
intégralement par l’employeur,
- condamner Monsieur Daniel DIMERMANAS, ou
subsidiairement l’Association COSEM au versement de la somme de
20.000 € au profit du Comité d’entreprise au titre de l’entrave apportée
à son bon fonctionnement en raison de la faute civile résultant de
l’entrave résultant des propos injurieux, calomnieux, et menaçant tenus
par Monsieur Daniel DIMERMANAS lors des réunions du Comité
d’entreprise des 30 décembre 2013, 31 janvier 2014, 21 mars 2014,
25 avril 2014, 27 juin 2014 et 15 septembre 2014, entrave sanctionnée
par l’article L. 2328-1 du Code du travail,
- alternativement, condamner Monsieur Daniel DIMERMANAS
ou subsidiairement l’Association COSEM au versement de la somme
de 3.000 € au profit de Monsieur Jean Paul BOIDARD, Madame
Muriel SAINT OMER, Madame Patricia BONHOMME, Madame
Christine BASLEY, Madame Sonia DAHMAN et Monsieur Jean Marie
TREBOSC, chacun, en raison du refus de Monsieur DIMNERNAS de
convoquer le Comité d’entreprise malgré les demandes faites par lesdits
membres titulaires les 29 septembre et 4 octobre, refus effectué en
violation des dispositions de l’article L. 2325-14 alinéa 3 du Code du
travail et L. 2328-1 du Code du travail,
- condamner conjointement et solidairement Monsieur Daniel
DIMERMANAS et l’Association COSEM à verser au Comité
d’entreprise COSEM et au Syndicat CFDT Santé Sociaux Paris la
somme de 14.370 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
qui seront recouvrés directement par Maître Samuel GAILLARD, et
mettre à la charge de l’Association COSEM l’article 10 du tarif des
huissiers,
- ordonner l’exécution provisoire sur le fondement de l’article
515 du Code de Procédure Civile,
- condamner l’Association COSEM aux entiers dépens.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique, le
7 janvier 2015, le COSEM et Monsieur DIMERMANAS demandent
de :
In limine litis :
- se déclarer incompétent pour statuer sur les demandes du
Comité d’entreprise et du Syndicat CDFT fondées sur les dispositions
de l’article L. 2328-1 du Code du travail relative au délit d’entrave, ce
dernier relevant de la compétence de la juridiction pénale, et en l’espèce
du Tribunal correctionnel de Paris,
- inviter en conséquence les demandeurs à mieux se pourvoir,
- déclarer irrecevable pour défaut d’intérêt et de qualité à agir
l’ensemble des demandes du syndicat CFDT,
- déclarer irrecevable pour défaut de qualité à agir les demandes
du Comité d’entreprise au titre de l’entrave en l’absence de mandat
pour ce faire,
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- déclarer irrecevable pour défaut d’intérêt à agir les demandes
formées par le Comité d’entreprise au nom des salariés,
- déclarer en tout état de cause que cette demande est sans objet
puisqu’il a été fait droit à cette demande par la direction du COSEM,
- déclarer irrecevable pour défaut de pouvoir juridictionnel les
demandes du Comité d’entreprise fondées sur les dispositions de
l’article L. 2328-1 du Code du travail et tendant à voir condamner
Monsieur DIMERMANAS ou le COSEM au titre de la faute civile
résultant de l’entrave résultant des propos qualifiés d’injurieux,
calomnieux et menaçant qui auraient été tenus par le Docteur
Dimermanas lors des réunions de CE des 30 décembre 2013, 31 janvier
2014, 21 mars 2014, 25 avril 2014, 27 juin 2014 et 15 septembre 2014,
- déclarer irrecevable pour défaut d’intérêt à agir les demandes
de JP. Boidard, M. Saint-Omer, P. Bonhomme, C.Basley, S.Dahman et
JM. Trebosc à l’encontre de Monsieur Dimermanas ou du COSEM,
sur le fond,
- dire et juger que la demande de JP. Boidard, M. Saint-Omer,
P. Bonhomme, C.Basley, S.Dahman et JM. Trebosc de leurs demandes
à l’encontre de Monsieur Dimermanas ou du Cosem pour le « cas où »
Monsieur Dimermanas refuserait de convoquer le Comité d’entreprise
à leur demande est sans objet,
- dire et juger que la dénonciation de l’engagement unilatéral de
l’employeur portant sur la mutuelle est régulière,
- dire et juger que la demande de condamnation en entrave
sollicitée par le CE et la CFDT est non démontrée et sans fondement.
En conséquence,
- débouter le Comité d’entreprise, le syndicat CFDT,
JP. Boidard, M. Saint-Omer, P. Bonhomme, C. Basley, S.Dahman et
JM. Trebosc de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
A titre reconventionnel,
Principalement :
- procéder à la désignation d’un Médiateur judiciaire avec les
missions suivantes
" En premier lieu mettre un terme par la voie de la
médiation au conflit actuel sur les mutuelles,
" encadrer les parties pour l'élaboration d'un règlement
intérieur du CE
" dans ce cadre, fixer les modalités concrètes
d'élaboration des ordres du jour, des retranscriptions par un prestataire,
de leur transmission par la Direction au Secrétaire du CE pour faciliter
l'élaboration de PV fidèles,
" d'une façon générale, favoriser la communication en
vue de la restauration du dialogue social et mettre un terme aux conflits
en cours,
A titre subsidiaire :
- condamner conjointement et solidairement JP. Boidard,
M. Saint-Omer, P. Bonhomme, C. Basley, S. Dahman et JM. Trebosc
à régler à chacun des défendeurs la somme de 6.000 € pour procédure
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abusive,
- condamner le Comité d’entreprise à régler à chacun des
défendeurs la somme de 5.000 € pour procédure abusive
- condamner le syndicat CFDT à régler à chacun des défendeurs
la somme de 5.000 € pour procédure abusive
- condamner solidairement le Comité d’entreprise, le syndicat
CFDT, JP. Boidard, M. Saint-Omer, P. Bonhomme, C. Basley, S.
Dahman et JM. Trebosc à payer à chacun des défendeurs la somme de
10.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
- condamner solidairement le Comité d’entreprise, le syndicat
CFDT, JP. Boidard, M. Saint-Omer, P. Bonhomme, C. Basley,
S. Dahman et JM. Trebosc aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits et de l’argumentation des parties,
il est renvoyé, conformément aux dispositions de l’article 455 du code
de procédure civile, à leurs dernières conclusions précitées.
A l’audience, Monsieur BOIDARD, Madame SAINT OMER, Madame
BONHOMME, Madame BASLEY, Madame DAHMAN et Monsieur
TREBOSC déclarent se désister de l’instance.
De plus, la CFDT indique que ses demandes concernent uniquement
l’irrégularité de la dénonciation de l’engagement unilatéral de
l’employeur relatif à la prise en charge de la mutuelle. Elle précise, en
outre, qu’elle ne formule aucune prétention au titre de l’entrave au
fonctionnement du comité d’entreprise.
Le COSEM et Monsieur DIMERMANAS acceptent leur désistement
d’instance, renonçant à leurs demandes reconventionnelles à leur
encontre.
MOTIVATION
Sur le désistement
Il conviendra de constater le désistement d’instance de Monsieur
BOIDARD, Madame SAINT OMER, Madame BONHOMME,
Madame BASLEY, Madame DAHMAN et Monsieur TREBOSC. Il
conviendra également de constater le désistement du COSEM et de
Monsieur DIMERMANAS de leurs demandes reconventionnelles à
l’encontre de ces derniers.
Sur les exceptions de procédure
L’article L. 2328-1 du code du travail dispose que le fait d'apporter une
entrave soit à la constitution d'un comité d'entreprise, d'un comité
d'établissement ou d'un comité central d'entreprise, soit à la libre
désignation de leurs membres, soit à leur fonctionnement régulier,
notamment par la méconnaissance des dispositions des articles
L. 2324-3 à L. 2324-5 et L. 2324-8, est puni d'un emprisonnement d'un
an et d'une amende de 3 750 euros.
Le comité d’entreprise soutient que les propos tenus et l’attitude
adoptée par Monsieur DIMERMANAS lors des réunions du comité et
repris dans les procès-verbaux, altèrent le bon fonctionnement de cette
institution, constituant ainsi une entrave ; qu’il agit sur le fondement de
l’article 4 du code de procédure pénale, qui prévoit qu’une action civile
en réparation d’un dommage causé par une infraction prévue à l’article
2 du code précité peut être exercée devant une juridiction civile,
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séparément de l’action publique.
Les défendeurs soulèvent une exception d’incompétence de la présente
juridiction, seul le juge pénal pouvant statuer sur le fondement de
l’article L. 2328-1 du code du travail relatif au délit d’entrave.
L’article 2 du code de procédure pénale prévoit que l’action civile en
réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une
contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert
du dommage directement causé par l'infraction.
Sont reprochés à Monsieur DIMERMANAS des propos tenus, qualifiés
d’injurieux par le demandeur, et l’attitude qu’il adopte à l’encontre de
certains élus, durant les réunions du comité. Sont également évoqués
des faits de violences volontaires, qui auraient été commis par
Monsieur DIMERMANAS lors d’une réunion tenue le 28 novembre
2014, à l’encontre de plusieurs élus qui auraient tenté de s’interposer
entre celui-ci et Monsieur BOIDARD, secrétaire du comité d’entreprise.
Les faits litigieux, au demeurant contestés s’agissant des faits de
violences volontaires, ne concernent pas le fonctionnement propre du
comité d'entreprise, mais les salariés investis de fonctions
représentatives, en qualité de personnes physiques. Or, en l’espèce, il
n’est ni allégué ni démontré que les faits imputés à Monsieur
DIMERMANAS, à l’encontre notamment de Monsieur BOIDARD,
feraient obstacle aux missions représentatives des intéressés. De même,
il n’est pas démontré que les propos tenus et/ou l’attitude adoptée par
le défendeur feraient obstacle au fonctionnement régulier de
l’institution représentative du personnel.
Dans ces conditions, le comité d’entreprise ne peut valablement se
prévaloir de l’action civile définie à l’article 2 du code de procédure
pénale, cette demande devant donc être déclarée irrecevable.
Sur les fins de non-recevoir
L’article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin
de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire
irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit
d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai
préfix, la chose jugée.
L’article 31 du code précité prévoit que l’action est ouverte à tous ceux
qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous
réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules
personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou
pour défendre un intérêt déterminé.
> sur le défaut de qualité et d’intérêt à agir du syndicat CFDT
L’article L. 2132-3 du code du travail indique que les syndicats
professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent, devant toutes
les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile les faits
portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la
profession qu’ils représentent.
Les défendeurs soutiennent que le syndicat dont s’agit n’a ni la qualité
ni l’intérêt à agir, en l’absence de préjudice à l’intérêt collectif de la
profession.
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Le but poursuivi étant de voir reconnaître l’irrégularité de la
dénonciation effectuée par l’employeur de son engagement unilatéral,
il ne peut valablement être opposé à la CFDT cette fin de non-recevoir
dès lors qu’elle agit pour défendre l’intérêt collectif de la profession.
Il s’en suit qu’il y aura lieu de déclarer recevables les demandes
formulées par le syndicat CFDT au titre de la dénonciation litigieuse.
> sur le défaut d’intérêt à agir du comité d’entreprise au titre
des demandes formulées pour les salariés
L’article L. 2325-1 alinéa 1er du code du travail prévoit que le comité
d'entreprise est doté de la personnalité civile et gère son patrimoine.
Les défendeurs font valoir que le comité d’entreprise n’est pas
recevable à formuler des demandes en faveur des salariés, lorsque ses
intérêts propres ne seraient pas en jeu.
Le comité d'entreprise ne tient d'aucune disposition légale le pouvoir
d'exercer une action en justice au nom des salariés ou de se joindre à
l'action de ces derniers lorsque ses intérêts propres ne sont pas en cause.
Dans ces conditions, il conviendra de déclarer irrecevable pour défaut
d’intérêt à agir, le comité d’entreprise sur les demandes formulées en
faveur des salariés.
Sur la demande principale
Le tribunal doit statuer sur la validité de la dénonciation de
l’engagement unilatéral du COSEM, relatif à la prise en charge
intégrale des cotisations de la mutuelle.
Il est constant qu’un employeur pour dénoncer régulièrement un
engagement unilatéral doit informer les institutions représentatives du
personnel et individuellement chaque salarié, en respectant un délai
raisonnable de prévenance, ces conditions étant cumulatives.
Selon le syndicat demandeur, cette dénonciation serait irrégulière au
motif que l’employeur n’aurait pas respecté le délai de préavis de 3
jours minimum entre la communication de l’ordre du jour et la réunion
du comité d’entreprise, qu’il n’aurait pas inscrit de manière expresse sur
l’ordre du jour cette question, transmettant également tardivement cette
information au comité ; qu’enfin, les lettres individuelles aux salariées
ont été envoyées de manière tardive, sans respect d’un délai de préavis.
Les défendeurs contestent les arguments du demandeur, affirmant au
contraire avoir dénoncé régulièrement l’engagement unilatéral de
l’employeur.
Concernant l’information des IRP, les membres du comité d’entreprise
ont été informés, lors de la réunion du 25 avril 2014, par le COSEM des
modifications réglementaires à compter du 1er juillet 2014, deux
intervenants du cabinet de prévoyance - le cabinet ROEDERER - ayant
participé à cette réunion pour expliciter les conséquences de la réforme
envisagée. Ainsi, il a été indiqué aux élus que “le problème du COSEM
est que l’on ne peut pas avoir un collège cadre et un médecin vacataire.
Les médecins sont cadres et les médecins ne peuvent avoir moins de
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garanties que les non cadres ou que les cadres (...) Cela doit être fait
le 1er juillet 2014 car si l’URSSAF vous contrôle et que ce n’est pas fait
à cette date, cela peut vous coûter très cher. Je me tiens à l’entière
disposition de Madame BOUTONNET. Il faut prévoir une réunion sur
ce point”.
Ces nouvelles dispositions réglementaires condamnent ainsi le régime
mis en place par le COSEM s’agissant de la classification praticiens /
non patriciens, les praticiens étant exclus de la couverture mutuelle
offerte par l’employeur.
La dénonciation de l’engagement unilatéral, qui n’était pas inscrite à
l’ordre du jour de cette réunion, n’a jamais été évoquée durant les
débats. En effet, à l’issue des débats, Madame BOUTONNET,
responsable des ressources humaines, mentionnait l’existence de
plusieurs changements :
“nous devons harmoniser le collège cadre et le collège
employés en nous mettant en conformité avec la loi
les praticiens devront avoir un régime frais de santé car il est
rendu obligatoire
la réécriture des dérogations possibles. Lorsque la mutuelle
sera rendue obligatoire, les praticiens ne seront pas forcément
intéressés par cette mutuelle et nous demanderons une dérogation et la
possibilité de ne pas y adhérer. La prise à charge à 100% de la
mutuelle rendue obligatoire pour tous les salariés. La réintégration de
la part patronale sur l’impôt sur le revenu et la possibilité de déroger
à cette adhésion obligatoire (...)”
De même, l’ordre du jour de la réunion du 23 mai 2014 vise
uniquement l’”information sur la prévoyance au COSEM” sans faire
état d’une dénonciation de l’engagement unilatéral par l’employeur,
lequel toutefois confirme sa volonté de négocier avec les organisations
syndicales sur la prise en charge de la mutuelle et évoque l’hypothèse
d’une contribution des salariés pour le financement de la mutuelle.
Par courriel en date du 30 mai 2014 (19 h 48), la direction a informé les
organisations syndicales que “concernant la prévoyance risques cadres
et praticiens et la prévoyance frais de santé, la source juridique est un
engagement unilatéral. Cet engagement est dénoncé au profit d’une
négociation d’un accord collectif qui sera négocié avec les syndicats
représentatifs, seuls habilités à négocier et à signer :
CGC/FO/CFDT/UNSA”.
Les organisations syndicales ont été conviées à plusieurs “réunions de
négociation de la prévoyance” les 11, 18 et 25 juin 2014.
Dans l’une des notes transmises aux délégués syndicaux, l’employeur
décrit la procédure de mise en oeuvre des modifications, précisant
notamment qu’en cas d’échec des négociations prévues les 11 et 18
juin, il y aura la “mise en place d’un engagement unilatéral” sans
cependant qu’aucune précision ne soit apportée sur le régime futur
envisagé.
L’employeur a fait part de sa volonté de dénoncer l’engagement
unilatéral pendant la réunion du 27 juin 2014, bien que ce point n’ait
pas été expressément inscrit à l’ordre du jour de la réunion du comité
d’entreprise, seule l’indication de la “consultation prévoyance et frais
de santé. vote” ayant été portée sur ce document envoyé le 25 juin 2014
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dans l’après-midi.
Il ne peut être sérieusement contesté que l’employeur a échangé, à
plusieurs reprises, avec les membres du comité d’entreprise sur la
nécessité de modifier le régime en vigueur afin de se conformer aux
nouvelles dispositions issues du décret n°2012-25 du 9 janvier 2012
applicable au 1er juillet 2014. De même, a été mis en exergue, par
l’employeur, l’impact financier occasionné par cette réforme dans
l’hypothèse du maintien du régime antérieur, tenant à la prise en charge
intégrale de la mutuelle par le COSEM et par voie de conséquence de
la nécessité de négocier un nouvel accord avec les partenaires sociaux.
Cependant, il ne peut être valablement contesté que l’information
tenant à la dénonciation de l’engagement unilatéral n’a jamais été
inscrite formellement à l'ordre du jour du comité d’entreprise,
l’employeur ayant de fait explicitement dénoncé ledit engagement le 27
juin 2014, soit 4 jours avant l’entrée en vigueur des nouvelles
conditions. Le COSEM ne peut donc se prévaloir d’un délai de
prévenance raisonnable.
L’information individuelle des salariés se cumule avec celle des
institutions représentatives du personnel. Le fait que les salariés aient
pu avoir connaissance de la décision de dénonciation n’est pas suffisant,
l’employeur étant tenu d’informer individuellement chaque salarié.
L’information doit être donnée par écrit, ce qui exclut l’information
communiquée par voie d’affichage, oralement, par voie d’une note de
service ou d’une réunion du personnel.
En l’espèce, le COSEM indique que “le 5 juin 2014, une lettre destinée
relative à la dénonciation de l’accord a été remise à chaque salarié à
deux reprises, la première en même temps que l’envoi des fiches de paie
et la seconde par les chefs de service”.
En effet, Madame BOUTONNET, directrice des ressources humaines,
avait adressé en pièce jointe, dans un courriel du 6 juin 2014, la lettre
susvisée à tous les chefs de service.
Toutefois, aucune pièce ne permet d’établir, avec certitude, à quelle
date, les salariés ont été effectivement informés, à titre individuel, de la
dénonciation de l’engagement unilatéral.
A supposer même, qu’ils l’aient été le 5 juin 2014, le COSEM ne peut
valablement se prévaloir d’un délai de prévenance suffisant à l’égard
des salariés, les “nouvelles conditions devront [devant] être appliquées
au 1er juillet 2014". Or, il convient de rappeler qu’à compter de cette
date, le salarié, qui bénéficiait auparavant d’un avantage, a été contraint
soit de financer une partie de sa mutuelle, dont le prélèvement mensuel
varie selon les options retenues, soit refuser d’y adhérer.
Il apparaît dès lors que le délai écoulé entre l'information des salariés
concernés et la date à laquelle il avait été décidé de mettre fin à cet
engagement unilatéral était insuffisant.
Il s’en suit que l’engagement unilatéral non régulièrement dénoncé
demeure en vigueur, les salariés pouvant réclamer l'avantage résultant
de cet engagement jusqu'à la dénonciation régulière de celui-ci.
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En conséquence, il sera fait droit à la demande de remboursement des
contributions pré-comptées sur les salaires des employés qui ont
accepté de financer une partie de leur mutuelle, depuis le 1er juillet
2014.
En revanche, s’agissant des salariés qui ont refusé de verser cette
contribution, et par là même ne sont plus membres de la mutuelle
souscrite par l’intermédiaire de leur employeur, il conviendra de rejeter
la demande de remboursement des frais médicaux, qui est sans lien
direct avec la dénonciation irrégulière de l’engagement unilatéral.
Sur les demandes reconventionnelles
L’article 131-1 du code de procédure civile exige l’accord des parties,
pour qu’une médiation judiciaire soit ordonnée. Les demandeurs
n’ayant pas répondu à cette proposition émanant des défendeurs, il
conviendra de rejeter cette prétention.
La demande principale ayant été favorablement accueillie, les
défendeurs ne peuvent réclamer le paiement de la somme de 6 000 € à
titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Sur l’exécution provisoire
Il conviendra d’assortir le présent jugement de l’exécution provisoire
qui est par ailleurs compatible avec la nature de l’affaire.
Sur les frais irrépétibles
L’association COSEM, qui succombe, sera condamnée aux dépens et
devra verser au comité d’entreprise et au syndicat CFDT la somme de
2 500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de
procédure civile. Il ne sera pas fait droit à la demande relative à l’article
10 du décret du 12 décembre 1996, remplacé par l’article 1er du décret
du 8 mars 2001, qui n’est pas justifiée, ces frais d’exécution restant
toujours à la charge du créancier.
La situation respective des parties ne justifie pas qu’il soit fait droit aux
autres demandes articulées sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal,
CONSTATE le désistement d’instance de Monsieur BOIDARD,
Madame SAINT OMER, Madame BONHOMME, Madame BASLEY,
Madame DAHMAN et de Monsieur TREBOSC,
CONSTATE le désistement d’instance de l’association Coordination
des Oeuvres Sociales et Médicales et de Monsieur DIMERMANAS à
l’encontre de Monsieur BOIDARD, Madame SAINT OMER, Madame
BONHOMME, Madame BASLEY, Madame DAHMAN et de
Monsieur TREBOSC,
DECLARE irrecevable l’action intentée par le comité d’entreprise au
titre de l’entrave,
DECLARE irrecevable pour défaut d’intérêt à agir le comité
d’entreprise sur les demandes formulées en faveur des salariés,
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DECLARE irrégulière la dénonciation par l’association Coordination
des Oeuvres Sociales et Médicales de son engagement unilatéral relatif
à la prise en charge intégrale des cotisations mutuelle de ses salariés,
CONDAMNE l’association Coordination des Oeuvres Sociales et
Médicales à rembourser aux salariés toutes les contributions précomptées au titre de la mutuelle depuis le 1er juillet 2014,
ORDONNE l’exécution provisoire,
CONDAMNE l’association Coordination des Oeuvres Sociales et
Médicales à payer au comité d’entreprise de l’association Coordination
des Oeuvres Sociales et Médicales et au syndicat CFDT Santé et
sociaux Paris la somme de 2 500 € (deux mille cinq cents euros) sur le
fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
CONDAMNE l’association Coordination des Oeuvres Sociales et
Médicales aux dépens et dit que Maître GAILLARD pourra les
recouvrer directement conformément aux dispositions de l’article 699
du code de procédure civile.
Fait et jugé à Paris le 17 mars 2015
Le Greffier
E. AUBERT
Le Président
L. GUIBERT
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