Ces sophistes qui orientent les politiques des États

Transcription

Ces sophistes qui orientent les politiques des États
Cahiers d' information politique de Monsieur Paul
Ces sophistes
qui orientent les politiques
des États
1 avril 2015
1
«L'art de la politique économique consiste à
ne pas considérer uniquement l'aspect
immédiat d'un problème ou d'un acte, mais
à envisager ses effets plus lointains ; il
consiste essentiellement à considérer les
conséquences que cette politique peut avoir,
non seulement sur un groupe d'hommes ou
d'intérêts donnés, mais sur tous les groupes
existants. ».
Henri Hazlitt, 1946
Philosophe, essayiste, journaliste américain
2
Introduction
Depuis les années '70, le pouvoir représentatif
s'affaiblit. Au fur et à mesure des lustres qui
défilent, cela se voit comme le nez au milieu
du visage.
Cela est visible d'abord parce que les citoyens
ne savent plus très bien qui décide quoi. A titre d'exemple, les
décisions relatives aux dettes des États sont prises par la Banque
Européenne ou Mondiale, par le FMI ou lors de rencontres
comme celles de Davos1. On se demande ce que peuvent encore
décider nos parlementaires et nos élus locaux.
Les citoyens ne savent plus très bien si quelqu'un décide encore
quelque chose. Chaque instance cherche par n'importe quel
moyen à boucler son budget, en changeant les règles en court de
partie, en licenciant, en taxant. Bref, il n'y a plus que cela qui
compte. Les élus oublient que derrière leurs décisions il y a des
gens, des familles, des communautés.
Il est tout aussi visible que l'économie réelle est en recul face à
l'essor de l'industrie financière2. D'ailleurs le PIB représente
davantage les opérations financières que l'échange de biens et de
services.
1
2
Commune de Suisse réputée grâce au Forum Économique Mondial (WEF World
Economic Forum) qui s'y déroule chaque année.
Voir mon cahier « Ces faux-monnayeurs qui dirigent la Belgique et le Monde ».
3
Le drame, c'est que nos élus ne savent même pas exprimer ce
qui est en train de se passer puisqu'ils ne sont pas présents aux
discussions et négociations et que personne ne les tient au
courant des tenants et aboutissants. Il faudrait pour cela qu'ils
recherchent personnellement l'information.
Aujourd'hui, ce sont les médias qui organisent des rencontres et
débats sur les plateaux de télévision en invitant des
personnalités issues de la Société Civile, car les députés et
sénateurs sont moins au courant de l'actualité que les
journalistes. Par voie de conséquence, ces derniers incarnent la
vérité absolue pour la plupart des citoyens, y compris pour nos
élus qui, avant l'interview, parcourent la presse quotidienne.
La passion du pouvoir fait que nos élus croient qu'ils ont la
science infuse, et comme ils aiment croire qu'ils l'ont réellement,
ils pratiquent la démagogie en allant au devant du désir des gens
et en leur faisant miroiter ce qu'ils n'osent même pas espérer.
C'est ce qu'on appelle des sophistes. Et ces sophistes politiques
se laissent même abuser par d'autres sophistes qui, grâce à des
mécanismes particulièrement ingénieux, orientent les stratégies
économiques, fiscales et sociales.
Les gens en sont de plus en plus conscients. Pourtant la majorité
d'entre nous continue à voter comme avant, sans trop
s'informer...et on a toujours de bonnes raisons pour zapper
l'information. Si on assiste parfois à un transfert d'électorat vers
des partis peu connus, cela reste marginal.
4
Dans les pages qui suivent, je tente de dresser un portrait du
sophiste et les dangers qu'il fait courir aux citoyens qui n'ont
bien souvent d'autre choix que de l'écouter et de rire de ses
balivernes pour ne pas en pleurer.
Les gens de mon pays doivent savoir qu'a défaut, d'une part, de
rechercher l'information la plus juste possible et d'autre part de
voter pour des formations qui présentent des projets et non des
programmes, nous provoquons des événements dont les
conséquences s'avèrent déjà tragiques pour le plus grand
nombre.
L'information est une arme redoutable. En s'informant nous
nous engageons déjà. C'est le premier moyen de pirater les
dysfonctionnements. Pour cela il suffit d'un peu d'audace.
Paul THUNISSEN
5
Définition
Pour Platon, à l'époque de la Démocratie Athénienne, le
'sophiste' était un faiseur de beaux jours. La racine se retrouve
encore dans l’attribut 'sophistiqué'. Quelque chose de
sophistiqué s’apparente à quelque chose de perfectionné,
quelque chose de complexe.
Le sophiste est un beau-parleur dont l'art est de faire prendre des
vessies pour des lanternes…. Dit comme çà, on comprend
mieux. Le discours du sophiste est si convainquant qu'il parvient
à brouiller les âmes les plus claires, lesquelles finissent par y
perdre leur grec.
Les sophistes sont d'autant plus crédibles qu'ils sortent des
meilleures universités, qu'ils sont médiatisés, et qu'ils s'adressent
à des gens qui sont peu ou mal informés, ou qui croient tout
savoir, en faisant appel à un discours très bien construit.
Du haut de leur estrade, les sophistes présentent leurs erreurs
aux médias, aux gouvernements ou aux citoyens avec beaucoup
plus d'ingéniosité et de vraisemblance que les esprits avisés ne
présentent leurs vérités. Il faut dire que la vérité n'a jamais eu
besoin de beaucoup d 'explication.
En revanche, quand il est nécessaire de démontrer la tromperie
d'un sophiste, il faut parfois une longue suite de raisonnements
qui deviennent difficiles à suivre pour le commun des mortels
qui finit par s'ennuyer et s'endormir….et le sophiste en retire
encore avantage.
6
De la maternelle à l'université, dans les milieux socio-culturels
ou professionnels, dans les salles de sports… sont distillées de
fausses vérités, qui s'impriment dans les cerveaux aussi
sûrement qu'une goutte d'eau s'imprime dans la roche la plus
dure à son contact répété et incessant.
Dans la plupart des disciplines, les sophismes n'ont que peu de
conséquences néfastes. Toutefois dans les sciences humaines en
général, et en économie politique en particulier, les effets à long
terme peuvent s'avérer désastreux.
Objectif détourné
L'objectif des économistes devrait être de déterminer les
conséquences générales d'une action d'une part et d'autre part
d'en déceler les conséquences secondaires et les effets pervers.
Deux facteurs influent sur ce noble objectif :
les intérêts particuliers et partisans : Si chacun d'entre
nous a des intérêts identiques à son voisin, il en existe
une multitude qui s'y oppose. De même en politique, il est
des politiques qui assurent le bien commun à longue
échéance, tandis que d'autres servent à court terme les
intérêts d'un seul groupe d'individus au détriment de tous
les autres. Ceux-là défendent bec et ongles leur thèses
fallacieuses par des arguments plausibles coulés dans le
béton.
La tendance humaine naturelle à n'être capable de
considérer que les conséquences immédiates d'un seul
groupe, le sien : D'instinct, l'homme n'a le réflexe de
7
considérer ni les conséquences sur les autres groupes
humains, ni même les conséquences secondaires, parfois
lointaines, sur son propre groupe. Chacun a déjà
certainement entendu cette réflexion : « boaf, d'ici là, on
verra bien » ou encore « d'ici là, je serai mort ».
Le mauvais politicien ne voit que les conséquences immédiates,
les conséquences à court terme, les conséquences qui sont de
nature à garantir sa réélection, c'est à dire les effets de son action
sur un groupe déterminé ou ciblé. Il prendra conseil auprès des
économistes ou des lobbyistes qui apporteront de l'eau à son
moulin et il se détournera, peut-être même sans en avoir
vraiment conscience, de la cause qu'il prétend défendre.
Le politicien avisé réfléchit davantage et partage la certitude d'
Émile de Girardin que «gouverner, c'est prévoir ». Il envisage
les effets indirects, parfois pervers, qui pourraient se profiler
dans un horizon lointain. Il prend en compte les effets que son
action pourrait avoir sur les autres groupes que le sien.
De la rumeur à l'imposture
1. Rumeur
« Il est plus difficile, disait Einstein, de désagréger une rumeur
qu'un atome », et c'est ce qui la rend si dangereuse. Elle est
comparable à une simple dépression qui, en un temps très bref
évolue en tempête, cyclone, ouragan, typhon.
Médisances ou calomnies, les rumeurs sont de nature à détruire
8
une carrière ou une vie. Lorsqu'elles sont lancées à dessein, elles
exploitent le plus souvent une faiblesse de la victime. Les
citoyens qui s'informent peu ou qui choisissent de ne pas
s'informer sont les premiers à les colporter. Ce n'est que bien
plus tard que sont démêler les nœuds serrés qu'elles ont
provoqués.
On sait depuis des siècles qu'en politique les mensonges sont les
vérités du pouvoir. Dans l'esprit des hommes et femmes
politiques c'est salutaire de tromper le peuple pour son bien en
lançant des fausses rumeurs. La meilleure école du mensonge
est de l'exercer. C'est ainsi qu'ils/elles apprennent sur le tas à
respecter certaines règles telles que
•
•
•
•
soustraire les mensonges à toute vérification possible ;
ne jamais outrepasser les bornes du vraisemblable ;
faire varier les illusions à l'infini ;
rationaliser la production des contrefaçons politiques en
instituant des " sociétés de menteurs ".
2. Corruption
Il arrive que le politicien se laisse impressionner par des
économistes apparemment au faîte de leur art. Il oublie de
recouper ses sources et se fie naïvement à ceux qui le
conseillent… et il est fréquent que les conseilleurs soient des
acteurs non élus. La vérité cachée derrière des argumentaires
souvent très élaborés, 'sophistiqués' ne saute pas aux yeux. Ils
doivent donc s'informer.
En se laissant convaincre facilement, ils se laissent corrompre.
9
Il ne faut pas croire que la corruption est l'apanage de la classe
politique, car chacun et chacune d'entre nous pourrait être tour à
tour corrupteur et corrompu.
Combien d'employés désireux de quitter leur entreprise n'ont-ils
pas tenté d'obtenir un C4 pour avoir droit au chômage, combien
d'entre nous ont déjà tenté d'actionner des « pistons » ou de
s'offrir sexuellement pour obtenir un poste, combien sommesnous à promettre notre suffrage à un politicien afin d'obtenir un
logement social ?
Peut-être n'en avons-nous pas conscience, mais c'est bel et bien
de la corruption.
L'utilisation de la monnaie ex-nihilo engendre la plus grande
corruption de tous les temps puisque, même si les états sont les
premières victimes des accords de la Jamaïque3, aucun d'entre
eux ne dénonce cette arnaque mondiale. Pire, les états
signataires ont traduits ces accords dans leur législation
nationale en prenant soin de ne pas les ébruiter auprès des
populations.
La monnaie ex-nihilo permet à l'industrie financière à se saisir
des leviers de décision économique, fiscale, sociale.
Mais il en est une multitude d'autres notamment dans
3
Les accords de la Jamaïque, signés en 1976 remplacent les Accords de Bretton
Woods. Selon ces accords, la monnaie ne doit plus être garantie par son équivalent
en or. A partir de ce moment, la monnaie scripturale a remplacé peut à peu la
monnaie fiduciaire (voir mon carnet « Ces faux-monnayeurs qui dirigent la
Belgique et le monde. »)
10
l'attribution des marchés publics, le rachat d'entreprises par l'état
ou vice versa, les accords de dumping social, …
3. Statistiques
Disraeli, premier ministre britannique au XIXème siècle avait
déclaré : "il y a trois sortes de mensonges : les petits
mensonges, les gros mensonges et les statistiques!" . Chaque
jour, on nous parle de sondage, d'enquêtes, indices, moyennes,...
Même si ces travaux se basent sur des recherches scientifiques,
l'analyse qu'en font les acteurs de terrain sont subjectives et
donc sujettes à caution. De plus elles ont un grand pouvoir
d'influence, notamment à l'approche des électeurs.
4. Imposture
Si les hommes et femmes politiques ne semblent apparemment
pas des imposteurs, leur action relève parfois de l'imposture :
Lorsque la promesse électorale ou la parole donnée n'est pas
respectée, lorsque le contrat tacite avec le peuple est remis en
cause (par exemple, les prépensions, les pensions), lorsqu'on
modifie les règles en court de partie (les primes à la construction
ou à l'installation…), lorsqu'ils n'hésitent pas à mentir aux gens
simplement pour maintenir la cohésion sociale.
Mais ne sommes-nous pas tous des imposteurs. Quel imposteur
suis-je lorsque je tente de jouer un rôle en société, lorsque je
masque ma peur, mes sentiments, mes faiblesses. C'est une
attitude tout à fait humaine de ne pas dévoiler ses côtés obscurs
à la société.
Cette attitude est encouragée et valorisée par la recherche de la
11
performance à un point tel qu'on ne sait plus choisir l'essentiel
de l'accessoire, ni différencier le vrai du faux, le profane du
sacré ? Nous n'osons même plus limiter notre
liberté
d'expression sur base volontaire ou défendre notre point de vue
lors d' un débat où la majorité est hostile, de peur du « qu'en
dira-t-on ? »
L'imposture est un mensonge ou une dissimulation qui revêt
bien des facettes. Du petit mensonge qui permet de cacher un
moment de plaisir interdit aux grandes falsifications obligeant
tout un peuple à vivre à genoux, la gamme d'impostures est très
large.
Si l'imposture permet de manipuler ses camarades de classe ou
ses collègues de bureau, elle permet en effet de faire ployer les
peuples qui s'informent mal malgré les moyens audio-visuels
impressionnants dont ils disposent.
Où se cachent les sophistes?
1. Dans la population
Comme je le disais, nous sommes des beaux parleurs lorsque
nous diffusons des rumeurs sans fondement, lorsque nous
argumentons pour obtenir un passe-droit, lorsque nous
développons des théories sur base de statistiques d'une fausseté
avérée, lorsque nous mentons effrontément pour obtenir un
avantage.
Actuellement, je mets en garde les jeunes qui se sentent perdus
contre les discours véreux des islamistes qui leur proposent de
12
troquer leurs idéaux héréditaires contre un peu d'argent ou une
vie meilleure.
2. Dans le monde politique et syndical
Soyons conscients que, si la politique est l'affaire de tous, elle
l'est essentiellement pour une minorité assoiffée de pouvoir. Les
propagandes menées par les syndicats, le patronat ou les
politiciens finissent par conditionner les citoyens et nous
absorbons leurs vérités parce que d'une part, leurs discours sont
construits avec finesse, et d'autre part, on ne prend pas le temps
de consulter d'autres sources.
Certains candidats pensent sincèrement que le mensonge
politique apporte une contribution essentielle, tout en restant
modeste, aux débats politiques et aux campagnes électorales.
Les politiciens nous mentent et c'est pas nouveau. Tous les
belges en sont conscients , mais nous continuons à vaquer à nos
occupations comme si de rien n'était. Au moment de leur
accorder nos suffrages, nous consentons à être trompés à
nouveau.
Au début du XVIème siècle déjà, Nicolas Machiavel affirmait
que : 'Les hommes sont si aveugles, si entraînés par le besoin du
moment, qu’un trompeur trouve toujours quelqu’un qui se laisse
tromper'4.
Il ne faut pas perdre de vue que les pots de vins augment
considérablement la facture fiscale.
4
Extrait de l’œuvre 'le Prince' de Machiavel
13
2.
Dans le monde économique
Les pots de vins d'autrefois sont les subventions d'aujourd'hui.
Les entreprises tentent de démontrer que les subventions, les
subsides… sont indispensables à leur survie. Subsides ou pas, si
les entreprises veulent licencier, elles le font, et si les PME sont
contraintes de mettre la clé sous le paillasson, rien n'y fera,
même pas les subsides reçus.
La corruption est présente dans la fraude aux subventions, la
fraude au chômage (avec notre consentement), la fraude dans
l'attribution des marchés publics, dans le secteur de l'eau, de
l'électricité et du gaz, des télécommunications, de la publicité.
La corruption peut être affective ou émotionnelle, comme les
passe-droits, les pistons,…
Les belges ont-ils seulement conscience que la corruption
augmente la facture fiscale et réduit le confort social.
3.
Dans les lobbies
Le lobbyisme et la corruption sont les caractéristiques
essentielles de maintes sociétés et systèmes politiques. Ils
constituent les principaux moyens, autres que le scrutin, par
lesquels des citoyens non élus peuvent influencer des décisions
d''état5.
5 Peu avant sa mort, Jef Houthuys révéla comment toute la politique d'austérité des
années '80 fut organisée lors des «rencontres de Poupehan »dans la maison de
vacances de Fons Verplaetse réunissant quatre amis : Jef Houthuys (président de la
CSC), le Vicomte Fons Verplaetse (gouverneur de la Banque Nationale), Wilfried
14
Malgré la littérature importante des économistes autour de ces
deux phénomènes, la claire compréhension des similitudes et
différences entre eux semble nous échapper, probablement parce
que le citoyen s'en inquiète assez peu.
Un exemple très récent : En avril 2014, dans le cadre du
« paquet télécoms », le parlement européen avait approuvé la fin
des surcoûts d'itinérance6 pour le 15 décembre 2015, pour tous
les européens qui utilisent leur téléphone mobile dans un autre
pays européen que le leur.
Mais voilà, la marge bénéficiaire d'une communication en
roaming est parfois supérieure à 60 % et les frais d'itinérance
représentent 8 à 10 % du chiffre d'affaire mobile7. Quand on sait
que les principaux actionnaires des opérateurs historiques sont
les États8, les groupes de télécommunication n'ont pas du faire
grand-chose pour convaincre les parlementaires européens de
refuser le texte proposé. La prochaine discussion sur ce thème
n'est pas prévue avant 2018.
Martens (premier Ministre), Hubert Detremmerie (directeur de BACOB, aujourd'hui
Belfius)
6
Roaming, en anglais
8
Depuis la libéralisation du marché des télécoms en 1998, les États sont toujours
7
Source : Oddo Securities
détenteurs de 50 % et plus des opérateurs historiques.
15
Cinq exemples de sophismes9.
1. Certains économistes réputés déconseillent l'épargne et
prônent l'emprunt pour sauver l'économie.
Vous aurez sans doute déjà entendu cette réflexion : « Il vaut
mieux faire un emprunt que d'utiliser son propre argent ». Ceux
qui lancent la rumeur ne peuvent ignorer que c'est la dette qui
engraisse le capital et enrichit l'industrie financière. Leur thèse
est relayée par les gouvernements. Ces marchands de discours
savent qu'au moment ou le désastre arrivera, ils seront retraités
et/ou à l'abri du besoin.
Il est vrai que ceux qui nous ont promis plus de beurre que de
pain dans les années '60 sont retraités ou morts. L'industrie
financière a capitalisé lors des belles années et lors des crises
elle mutualise ses pertes, ce qui a un impact sur les politiques
économiques (pertes d'emploi, vente de son unique habitation),
fiscales (taxation outrancière) et sociale (exclusion des
chômeurs, révision du statut de prépensionné, retardement de
l'âge de la retraite, expulsion des étrangers...). De plus en plus
de citoyens n'ont plus que leurs yeux pour pleurer : un citoyen
sur sept vit aujourd'hui en dessous du seuil de pauvreté10.
Les citoyens les plus avertis ont eu une vision à long terme, ont
9
J'ai trouvé l'inspiration de cette partie dans le syllabus « Économie politique en une
leçon » de Henry Hazlitt(1894-1993) écrite en 1946 et révisée en 1978. Cette leçon
me paraît aujourd'hui encore d'une consternante réalité.
10 Le seuil de pauvreté peut-être calculé de façon absolue en tenant compte du coût du
panier de la ménagère, ou de façon relative en prenant en compte un pourcentage
(généralement 60%) du revenu médian des citoyens.
16
investi en bon père de famille, ont légué un patrimoine à leurs
enfants. D'autres citoyens avaient une vision à court terme et ont
emprunté pour profiter immédiatement de biens de
consommation. Lorsque nous avons commencé à connaître de
plus en plus de périodes de vaches maigres, les gouvernements
ont fait croire que la belle époque reviendrait. Ils on a incité les
citoyens à continuer à vivre au dessus de leurs moyens sans se
rendre compte qu'on courait au-dessus du vide.
Des citoyens d'aujourd'hui subissent plus que d'autres les
conséquences des actions politiques d'un passé parfois lointain.
Les politiciens d'alors ne se sont pas projeté sur le long terme.
Ils ont incité les gens à consommer.
A l'inverse, nous ne devons pas nous focaliser sur les effets
lointains d'une politique au risque de heurter les gens qui vivent
aujourd'hui. Nul ne sait si, à long terme, l'exclusion des
chômeurs portera ses fruits, mais on sait, en revanche, que plus
de vingt-mille familles belges sont plongées immédiatement
dans la précarité. Les mauvais économistes et les mauvais
politiciens n'envisagent qu'un résultat hypothétique à une
échéance lointaine et restent insensibles à la détresse immédiate
des citoyens.
Malgré les expériences du passé, le monde politique ne
considère toujours que les conséquences immédiates sur
quelques groupes particuliers
et n'envisage pas les
conséquences à long terme sur l'ensemble des citoyens.
17
2.
Nos dirigeants nous font croire que la croissance
reviendra.
Le gouvernement actuel persiste et signe. Il invite les citoyens,
dont 240 milliards d'euros dorment sur des comptes virtuels, à
dépenser et emprunter pour sauver l'économie. Rien n'est plus
mensonger.
Ils mentent car il y a urgence. Il est impératif de limiter et
résorber rapidement une partie de la dette publique et dégager
des moyens pour relancer l'économie. Il y a belle lurette que la
croissance n'a plus qu'un impact marginal sur l'économie réelle,
raison pour laquelle une pléthore de mouvements citoyens
préconise un autre mode d'économie que la croissance à tout
prix11.
Face à la timidité des épargnants, ils n'hésitent pas à changer les
règles du jeu en cours.
AR du 4.07.2004 : 'Activation du comportement de
recherche d'emploi'12 : Des milliers de chômeurs exclus à
cause de cette mesure depuis 2004.
• A.R. du 23.07.2012 : 'dégressivité renforcée des
allocations de chômage' : Les indemnités d'insertion13
sont limitées à trois ans depuis le 1er novembre 2012.
• A.R. du 30.12.2014 : ' Accord de gouvernement : Arrêté
•
11 Voir mon cahier « Une Trilogie politique pour le XXIème siècle »
12 Pour ou contre l'activation des chômeurs ? Une analyse critique du débat – Daniel
Dumont, chargé de cours à l'Université Libre de Bruxelles et aux Facultés
Universitaires Saint-Louis.
13 Allocations de chômage obtenues sur base des études et après un stage d'attente
18
royal concernant le régime de chômage avec complément
d'entreprise14 : Les prépensionnés qui n'ont pas atteint
l'âge de 60 ans au 1er janvier 2015 doivent se rendre
disponibles sur le marché de l'emploi...et tant pis pour
ceux qui vivent aujourd'hui à l'étranger, qu'ils reviennent !
• Accord du gouvernement du 7 octobre 2014 : le
relèvement progressif de la pension légale à 67 ans.
Pour atteindre un objectif budgétaire, le monde politique
continue à mentir aux citoyens en affirmant que ces mesures
permettront d'assainir les finances publiques et que la croissance
reviendra.
Et si l'argent des épargnants ne retourne pas dans l'économie,
l’État le leur prendra15.
3. Le monde politique fait croire que les plans d'embauche
résorbent le chômage.
Rien n'est plus faux. Ce n'est pas parce que l'état subventionne
les entreprises qu'elles embauchent. Elles n'embauchent que si le
rapport entre l'embauche et la croissance de leur entreprise leur
convient. Alors, elles embauchent juste pour obtenir la prime, et
puis….
Les plans d'embauche permettent aux entreprises
14 Maintenant on ne dira plus ' prépension', mais 'chômage avec complément
d'entreprise'
15 Lire mon article : « l’État Belge n'hésitera plus longtemps à faire main
basse sur notre épargne ». (http://paulthunissen.be/article_13_06_2013.html)
19
• d'obtenir un avantage fiscal en ne payant pas de lois
sociales pendant une période déterminée
• d'obtenir des subventions pour chaque emploi créé.
• dans le cas des multinationales, d'octroyer à leurs cadres
dirigeants des revenus honteux.
Par ailleurs. Au terme du temps prévu dans le plan d'embauche
(1, 2 ou 3 ans), les salariés retournent à la case chômage et
doivent recommencer leur parcours.
Les salariés sous « plans d'embauche » ne peuvent pas obtenir
de crédit hypothécaire, prêt voiture, … et ne peuvent pas se
projeter dans l'avenir.
4. Certains économistes font croire que le lobbyisme est
nécessaire à l'expression de la société civile.
C'est la demi-vérité qui est mise en lumière par les défenseurs
du lobbyisme. On admet généralement que la Société Civile,
(c'est à dire chaque citoyen dans son identité et ses particularités
autant que l'ensemble des citoyens dans leur diversité), est
nécessaire en ce sens qu'elle agit comme contre-pouvoir et, dans
certains cas, influe sur des décisions politiques.
Dès lors qu'on admet ce qui précède, on doit également admettre
que les personnes morales (sociétés de biens ou de services)
puissent se faire représenter pour aboutir aux mêmes fins.
Apparemment, ce n'est que justice. Ces sociétés de biens ou de
services font donc appel à des représentants appelés lobbys16 .
16 Rien qu'autour des Communautés Européennes gravitent trois milles groupes
identifiés par le Parlement Européen. dans « Lobbying in the European Union ». En
réalité il pourrait y en avoir cinq fois plus.
20
L'autre demi-vérité, restée volontairement dans l'ombre, est que
ces lobbys tentent d' interférer sur des décisions démocratiques
par le versement de pots de vin(sommes d'argent ou avantages
en nature) aux décideurs politiques. Pour élargir leurs actions,
les lobbys créent des collectivités territoriales , aux
ramifications internationales, dont les missions aux multiples
aspects visent exclusivement à défendre les intérêts
économiques des multinationales.
Prenons l'exemple des compagnies aériennes Low Cost . Les
lobbys tentent d'influencer
• la commission européenne qui régule les aides,
• les collectivités qui ont le pouvoir d' accorder aux
compagnies aériennes le droit d'ouvrir des lignes depuis
leur territoire,
• les collectivités pour qu'elles participent aux financements
recherchés.
5. L'austérité est nécessaire pour relancer la croissance.
Les gouvernements européens, dont la Belgique, défendent la
thèse selon laquelle les plans d'économie sont dictés par une
gestion saine. Au gouvernement on ne parle donc pas d'austérité.
Les Belges ne sont quand même pas des demeurés. Dans un
sondage au sujet des politiques économiques menées en Europe
par l'institut Gallup17, il Il apparaît que les Européens sont dans
l’ensemble nettement plus lucides que leurs dirigeants et se
17 http://fr.scribd.com/doc/172138343/Gallup-Debating-Europe-Poll-AusterityPolicies
21
rendent bien compte que les politiques d’austérité ne
fonctionnent pas.
Pourtant il est difficile de nier ce constat : le chômage explose,
la pauvreté s’accroît, l'endettement des états augmente18.
Ce qui est interpellant, c'est que 38 % des personnes sondées
trouvent que la politique poursuivie par les gouvernements est
bonne. Manque d'information ou désinformation ? Un peu des
deux je pense.
L'austérité que nous connaissons aujourd'hui trouve son origine
dans l'abandon des accords de Bretton Woods19 et son
remplacement par les accords de la Jamaïque. Une sombre
histoire de lingots d'or opposant les États-Unis et l'Allemagne
fut à l'origine de leur suppression.
Et c'est l'Allemagne qui, encore aujourd'hui, voudrait imposer à
l'Europe des solutions structurelles « inadéquates pour résoudre
la crise », selon Dilma Rousseff, présidente du Brésil, lors de
son passage à Bruxelles et en Espagne en novembre 2012.
18 Fin 2011, la dette publique des pays de la zone euro ne s’était accrue que de
2,3 points de produit intérieur brut (PIB) en un an, début 2013 on était monté à
4,9 points de PIB…
19 Accords économiques conclus le 22 juillet 1944 dont l'objectif était de définir les
grandes orientations du Système Monétaire International. En mars 1973, le système
des taux de change fixe s'écroule. Le 8 janvier 1976, les accords de la Jamaïque
confirment que l'or perd son rôle légal international.. C'est le début de
l'enrichissement de l'industrie financière au détriment des États qui commencent à
s'endetter.
22
Elle ajouta que cette stratégie « conduit à "un appauvrissement
des classes moyennes et à une possible récession brutale" et,
expliqua clairement qu' « adopter des ajustements fiscaux
récessifs ne suffit pas »
Il faut dire que le parcours du Brésil qui s'est engagé dans la
voie de réformes soutenues par le citoyen peut être qualifié de
remarquable. En 1995, le Brésil annonça qu'il ne demanderait
pas la prorogation de son accord avec le FMI.
Finalement Dilma Rousseff et le peuple belge sont conscients de
ce qu'il ne faut pas faire. Seuls les politiciens l'ignorent.
23
A nous de sensibiliser nos proches,
nos concitoyens, nos décideurs, nos élites
sur les fondements du monde d'aujourd'hui
et de faire la promotion d'alternatives
économiques, financières et politiques
au monde de demain.
Vous pouvez m'écrire à l'adresse
[email protected]
inscrire en objet :
Ces sophistes qui orientent les politiques des États
http://paulthunissen.be
24