H istoiredes A rts - Direction Générale de l`Education et des

Transcription

H istoiredes A rts - Direction Générale de l`Education et des
2012
2012--2013
H i s t
d e s
D
O S S I E R
D E
o i r e
A r t s
C O N N A I S S A N C E S
A R T S ,
T E C H N I Q U E S ,
A R T S ,
M Y T H E S
E T
NOM :
PRÉNOM :
E X P R E S S I O N S
R E L I G I O N S
CLASSE :
2012
2012--2013
H i s t
d e s
D
A R T S ,
A R T S ,
O S S I E R
D E
o i r e
A r t s
C O N N A I S S A N C E S
T E C H N I Q U E S
,
M Y T H E S
R E L I G I O N S
E T
E X P R E S S I O N S
« D’ores et déjà je ne crois
plus aux croquis saignants,
à la peinture véridique,
aux choses vues ni même
vécues. »
Félix VALLOTTON, « Art et
Guerre », Les écrits nouveaux, décembre 1917, Lausanne, la Bibliothèque des
arts, repris dans le catalogue
de l’exposition « Face à
l’Histoire Ŕ 1933/1996 »,
Paris, Flammarion, 1996.
Otto DIX, Le Salon , 1921
S
o
m
m
a
PRÉSENTATION
DE L’ÉPREUVE
RESTAURATION
DE LA CATHÉDRALE DE
i
r
e
P
4-6
P
7-12
P
13-16
P
17-18
P
19-20
P
21-22
OTTO DIX, TRIPTYCHON « DER KRIEG »
P
23-24
GERD ARNTZ « DAS
P
25
P
26
P
27-28
DÉCOUVRIR
LE
LE
«
CENTRE
RIKITEA
AUX
GAMBIER
BEAUBOURG »
DJIBAOU
CENTRE CULTUREL
VERDUN
FERNAND LÉGER, LA
« ET
PARTIE DE CARTES,
DRITTE REICH
MAINTENANT, ELLE TOURNE
»,
! », HELMUT HERZFELD
SALVADOR DALI, MÉTAMORPHOSE
DE
ANDRÉ MASSON, LE
1938
CHARLIE
CHAPLIN,
LABYRINTHE,
NARCISSE
P29-30
P
30-32
P
33
P
34– 37
P
38
NORMAN ROCKWELL
P
39-40
DUANE HANSON
P
41
PIERO MANZONI
P
42
BOBBY HOLCOMB
P
43-44
LÉON TAEREA
P
45
HINA
P
46-47
LA
p 48-49
VOCABULAIRE
LITTÉRATURE
THE
1917
MODERN TIMES
CINÉMATOGRAPHIQUE
ET
PHOTOGRAPHIE
CINDY SHERMAN, UNTITLED
FILM STILLS
MUSIQUE POP, UN MOUVEMENT EN MARCHE
Ce li}vey io}iye oqx élè}ex | décq{}viv t{elt{ex cq{vaoyx avzixyit{ex ey œ{}vex ayaoy rvqfqodémeoy mavt{é le xiècle rvécédeoy ey peut-être même celui en cours, à s’interrogev x{v lex fqocyiqox de l’avz ( Bea{ ? Ré}élaye{v ? Déoqociaye{v ? Ag|iche{v ?...), x{v dex cq{vaoyx avzixyit{ex ( dadaïxme, x{vwéalixme, hysevwéalixme, rqr…), x{v dex revxqooagex exzwaqvdioaivex (Charlio, Maxxqo, Dix , Dalí…)
Remevciemeoyx | M. le Pviociral rq{v a}qiv a{yqvixé {oe édiyiqo cq{le{v rq{v chat{e élè}e de ywqixième , | M. le Pviociral adjqioy rq{v a}qiv x{i}i le rvqjey, ey bieo xûv |
yq{ye l’ét{ire rq{v le yemrx t{e chac{o a bieo }q{l{ cqoxacvev…
L’ét{ire de védacyiqo BERNERON Da}id; BOUDOU J{lie; DAUMAS Syl}ie; FIDELE Te}a; GEORGET Chvixyqrhe; HART Veyea; MARUAE Aodvea; MONOD Tajim;
POAREU Kayia; RERE Læyiyia; SOSSEY ALAOUI Rafiu; TANSEAU Bveoda; TEMEHARO Jqho; VAIHO Willy; VINCENTI Mavca{veliq
3
Vqici la ywqixième édiyiqo de l’érve{}e d’hixyqive dex avzx. Ce reyiy
L'é}al{ayiqo rveod eo cqmrye la t{aliyé de la rvexyayiqo qvale d{
faxcic{le vegwq{re dex œ{}vex xélecyiqooéex ey rvéxeoyéex rav lex
caodiday, yaoy d{ rqioy de }{e dex cqoyeo{x t{e de xqo exsvex-
ét{irex rédagqgit{ex d{ cqllège Heovi Hivq. Cey iyioévaive |
xiqo.
ywa}evx t{elt{ex gwaodex œ{}vex d{ XX
ème
siècle veut montrer
cqmmeoy l’avz yémqigpe, veflèye, t{exyiqooe, ioyevagiy a}ec oqx
xqciéyéx.
carable de :
Siy|ev dex œ{}vex daox le yemrx ey daox l'exrace.
« Q{elt{’{o me demaodaiy cqmmeoy j’allaix avwaogev mqo exsqxiyiqo. Je l{i ai vérqod{ : « Mal ». Cav {oe exsqxiyiqo, cqmme {o
yablea{, bieo q{ mal « avwaogée », cela ve}ieoy a{ même. Ce t{i
cqmrye,
Cqooaixxaocex ey caraciyéx velayi}ex | l'œ{}ve d'avz, l'élè}e exy
c’exy
l’exrviy
de
x{iye
daox
lex
idéex. »
Pvéxeoyev {oe œ{}ve de façqo rvécixe xelqo xex cavacyévixyit{ex
rviociralex : dqmaioe avzixyit{e, a{ye{v, yiywe, érqt{e q{ cqoyexze, x{rrqvz, dimeoxiqox, dexyioayiqo, mq{}emeoy avzixyit{e.
Pvqrqx vec{eillix rav E. Téviade, « Eo ca{xaoy a}ec Picaxxq »,
Uyilixev | bqo excieoy {o }qcab{laive adaryé | {o dqmaioe ey |
rvemiève r{blicayiqo daox L’Intransigeant, 15 juin 1932
{o laogage avzixyit{ex.
Cette aooée, l’érve{}e d’hixyqive dex avzx xe dévq{leva de la ma-
Éyabliv dex lieox revzioeoyx a}ec d'a{ywex œ{}vex de la même
oiève x{i}aoye :
réviqde q{ de réviqdex difféveoyex.
Chat{e élè}e éy|die a}ec xex rvqfexxe{vx t{elt{ex-{oex dex
Caraciyéx géoévalex ey attiy|dex, l'élè}e exy io}iyé | :
œ{}vex t{i xqoy rvéxeoyéex daox cey iyioévaive. Il exy rqxxible
Dé}elqrrev, reodaoy ciot mio{yex eo}ivqo, {o rvqrqx xyw|cy|vé
d’eovichiv, de cqoxyiy|ev {o dqxxiev de vechevchex revxqooellex
velayif | l'qbjey d'éy|de.
t{i rq{vwa êywe rvéxeoyé qvalemeoy a{ j{vz.
Chat{e élè}e éyabliy {oe lixye de 5 œ{}vex, ravarhée rav lex rvqfexxe{vx t{i qoy axx{vé l’eoxeigpemeoy. Cette lixye xeva ywaoxmixe
a{x j{vzx {oe xemaioe a}aoy l’érve{}e.
Lex élè}ex xe rvéxeoyevqoy m{oix de le{v cqo}qcayiqo, d’{oe rièce
d’ideoyiyé, de le{v li}vey aioxi t{e yq{y a{ywe x{rrqvz o{mévit{e ,
image, m{xit{e, }idéq, diarqvama… x{v clef {xb, q{ dqxxiev de
vechevchex revxqooellex t{’ilx xq{haiyeoy rvéxeoyev.
L'qval xe dévq{le eo de{x yemrx : {o exsqxé iodi}id{el rqvzaoy
x{v {oe œ{}ve t{e le j{vz a{va chqixie ravni lex ciot de la lixye
rvéxeoyée, x{i}i d'{o eoyweyieo a}ec {o j{vz cqmrqxé de de{x
rvqfexxe{vx d{ cqllège. L'qval rveod la fqvne d'{o exsqxé rav le
Arr{yev xqo cqmmeoyaive x{v {oe dqc{meoyayiqo arrvqrviée
(référence aux cours, ressources numériques, etc.)
Écq{yev ey rveodve eo cqmrye lex t{exyiqox d{ j{vz eo fqvn{-
laoy {oe vérqoxe adaryée.
L'é}al{ayiqo dqooe lie{ | {oe oqye x{v 20 rqioyx, affecyée d'{o
cqefficieoy 2. Cex rqioyx xqoy rvix eo cqmrye rq{v l'attwib{yiqo d{
dirlôme oayiqoal d{ bve}ey ey d'{oe meoyiqo.
La oqye qbyeo{e rav le caodiday | l'érve{}e yevnioale d'hixyqive
dex avzx oe xeva eo a{c{o cax ywaoxmixe | l'élè}e q{ | xa famille
a}aoy la rvqclamayiqo dex véx{lyayx rav le j{vz d{ dirlôme oayiqoal d{ bve}ey.
caodiday d'eo}ivqo ciot mio{yex. Lqvx de l’eoyweyieo d'{oe di{aioe de mio{yex, le j{vz l’ioyevwqge x{v l’œ{}ve rvéxeoyée ey élavgiy le t{exyiqooemeoy x{v lex a{ywex œ{}vex de xa lixye aioxi t{e
xex cqooaixxaocex géoévalex eo hixyqive dex avzx.
4
Évaluation de l'Histoire des Arts
Jury n° :
Nom :
Prénom :
Élève se présentant devant un jury
Capacité à adopter une posture correcte face au jury
Maîtrise de la voix (diction, volume, expressivité)
Maîtrise de l'appréhension
Capacité à formuler des phrases complètes
Capacité à utiliser un vocabulaire spécifique
Capacité à formuler une opinion personnelle
Capacité à faire preuve de réflexion personnelle
Barème
Note élève
3
3
3
Qualité et pertinence des réponses au « dossier de
connaissances »
5
Présentation d'un travail soigné et de qualité
3
Intérêt et richesse de l'exposé
Originalité et imagination
3
Note /20
Appréciation :
5
Voici les questions
questions-outils dont vous avez besoin pour
préparer l’épreuve orale d’histoire des arts
D a n s t o u t e s l e s
d i s c i p l i n e s :
En
Musique

Titre de l’œuvre :


Nature de l’œuvre (peinture, sculpture,
…) :
Caractère de l’œuvre : (gai, belliqueux,
triste…)

Formation instrumentale : (orchestre,
chanteurs…)

Style et Époque :

Structure :

Artiste :

Année de réalisation :

Quelle époque ? Quel siècle ?

Dimensions en cm (HxLxl)

Où se trouve l’œuvre ?

Intérêt de l’œuvre

À quel grand domaine artistique appartient
-elle ?

Commanditaire :

Courant artistique :

Arts de l'espace : architecture, art
des jardins ;

Dates importantes de la période de la vie
de l’artiste :

Arts du langage : littérature (récit,
poésie) ;

Quel est le thème de l’œuvre ?

Ce thème est-il contemporain ou antérieur
à la vie de l’auteur ?

Que veut montrer l’auteur ?

Arts du son : musique
(instrumentale, vocale) ;

Est-ce que la description du sujet par l’artiste correspond à la réalité ?

Arts du spectacle vivant : théâtre,
danse, cirque, marionnettes ;

Que pourrait apprendre un historien en
étudiant cette œuvre ?

Arts du visuel : arts plastiques, cinéma, photographie.

En quoi l’œuvre a-t-elle marqué son
temps ?

Arts du quotidien : design, objets
d'art ;
E n
En Histoire-Géographie
A r t s
p l a s t i q u e s

Technique employée :

Appartient-elle
à
un
mouvement
(surréalisme, cubisme, pop’art…) ?

Quel est son lien avec d’autres œuvres ?

Analyse plastique : comment est-ce raconté en termes de formes, de couleur, de
taille, de composition, de matière…
6
RESTAURATION DE LA CATHÉDRALE SAINT MICHEL
DE RIKITEA AUX GAMBIER
SEPTEMBRE 2009 au 3 DÉCEMBRE 2011
Classée monument historique
par la Polynésie française en
2002, fermée au public en 2005
pour cause d’insécurité et défauts d’étanchéité, cette cathédrale de corail fera l’objet de
toutes les attentions en 2006.
Lors du Conseil d’orientation
pour le suivi des conséquences
des essais nucléaires, le maire
des Gambier, Monique Richeton, propose sans hésiter la
restauration de la cathédrale
Saint-Michel
comme
« compensation » pour les
Gambier en réparation aux préjudices de 30 ans d’occupation
militaire. Cette demande surprend les interlocuteurs de
l’Etat, soucieux de la laïcité inséparable des actions de la République. Mais les lois de séparation de l’Eglise et de
l’Etat ne s’appliquent pas pleinement en Polynésie, non seulement dans les habitudes locales, mais aussi dans la législation propre. Mais l'utilité de
cette rénovation coûteuse
(4,5 M euros ou près de 600
millions de francs Pacifique)
financée en grande partie par
l'Etat et le Pays est également
contestée alors que les prémices de la crise économique
commencent à apparaître.
Les travaux démarrent en septembre 2009 et dureront plus
de 2 ans, pour une réouverture
de la Cathédrale le 3 décembre
2011.
PRÉSENTATION GÉOGRAPHIQUE, LINGUISTIQUE &
DÉMOGRAPHIQUE
Archipel des Gambier. Mangareva. Rikitea.
La langue mangarévienne
recèle un vocabulaire présageant des talents de constructeurs de ce peuple.
Des
noms différents sont donnés à 7
sortes de coraux : 1. toka ’aka
’are (pour bâtir) ; 2. toka erero
(pour lime à hameçon) ; 3. pü
erero (pour décorer) ; 4. toka
parera (pour bâtir) ; 5. puga
pupia (blanc à l’intérieur, très
tendre) ; 6. puga mokoe ; 7.
puga vare. Des noms différents
sont donnés à diverses sortes
de pierre : 1. verota : pierre
calcaire blanche dure et solide,
incrustée de corail et de coquillages. 2. tätaravera kakaraea :
pierre volcanique rougeâtre. 3.
tätaravera one : pierre volcanique poreuse. 4. tätaravera
oaga : pierre volcanique résistant au feu. 5. poatu-tuma 6.
poatu-maori : pierre volcanique
noire qui explose au feu. 7. kina : pierre volcanique 8. iva :
pierre volcanique 9. koma :
pierre volcanique pour haches
10. ke’o tamata ou ke’o toki :
pierre volcanique pour herminettes et limes, Des noms différents sont donnés à diverses
sortes de sable : 1. one tea :
sable blanc 2. one reureu :
sable gris 3. one tuma : terre
argileuse
4. one kurakura :
sable rose 5. one mau : sable
aggloméré 6. one kakaraea :
argile 7. one repo taro : terre
pour tubercules 8. one pa’u :
sable sombre 9. one kura :
sable rouge 10. one paraoro :
terre rouge des pluies
7
Le peuplement semble remonter au 12e siècle et la société
locale avait un roi et de nombreux prêtres. Les habitants de
l'île de Pâques se réclame d'ancêtres venus de l'archipel des
Gambier. Wilson avait repéré
l'île en 1797, à bord du Duff,
dont le sommet garde le nom,
mais se dit localement Aurotini;
le premier débarquement européen date de 1826, l'annexion
de 1881. Très vite, dès 1834,
les missionnaires s'en sont
lourdement occupés, installant
des églises sur chaque île, et
même une cathédrale à Rikitea,
un palais pour le roi, forçant
quelque peu la population à des
travaux publics, non sans
faire de nombreuses victimes.
Rikitea avait environ 1 200 hab.
au milieu du 19e siècle, l'archipel 2 200 selon certaines estimations, 5 000 selon d'autres.
La population s'était réduite à
460 habitants en 1887; elle
était encore de moins de 600
hab. entre 1956 et 1983, mais
elle a repris depuis.
Le XIXème siècle est une période d’échanges voire de commerces. De nombreux navires
occidentaux sillonnent les eaux
du Pacifique. L’archipel des
Gambier de par sa situation
géographique devient rapidement et ce dans le milieu du
siècle, un point de chute et de
ré- approvisionnement pour les
navires de passage. C’est d’ailleurs durant ce laps de temps
que l’exploitation de la nacre
pour la confection de boutons
commence à prendre de l’essor
et, que l’archipel devient le
centre perlicole le plus important de la Polynésie.
Voir Congrégation des SacrésCœurs de Picpus, les pères Laval et Carré, Rapa Nui, Acadé-
mie Ma'areva et Mgr Tepano
JAUSSEN; personnalités nées
aux Gambier: Francis SANFORD, Gaston FLOSSE...
CONTEXTE HISTORIQUE DE
LA CONSTRUCTION DE LA
CATHÉDRALE AU 19è siècle:
LES GAMBIER BASTION DU
CATHOLICISME
En 1825, la congrégation Picpucienne obtient le mandatement
du Vatican pour une mission
dans les îles. Ils choisissent les
Sandwich ou Hawaii où ils se
rendent en 1827. Mais la mission est un échec, en 1831 les
religieux sont expulsés des îles.
En 1833, la situation change, le
Vatican divise l’Océanie en
deux vicariats, les Picpuciens se
voient octroyés celui du Pacifique Oriental. Le 6 janvier
1834, quatre prêtres embarquent à bord du Sylphide, ils
font escale à Valparaiso (Chili),
plaque tournante du Pacifique.
Ils font la rencontre du capitaine Mauruc qui déterminera
de manière définitive leur choix
sur les Gambier et, plus particulièrement Mangareva. En effet, la situation à Tahiti est difficile, les protestants de la
LMS ont la protection et
l’assentiment de la reine Pomare IV, les catholiques ne
seront pas les bienvenus. Le
16 juillet, trois prêtres prennent
la mer à bord du Peruviana et,
atteignent Mangareva le 7 août
1834. La mission est un succès,
les trois prêtres font édifier les
chapelles
d’Aukena
et
d’Akamaru dans un premier
temps. En 1835, Monseigneur
Rouchouze,
premier
vicaire
apostolique dénombre plus de
200 catéchumènes et 188 insulaires prennent le baptême la
même année. Devant un tel
succès, les catholiques se rendent à Tahiti en 1836, mais ces
derniers sont expulsés du pays.
Les catholiques devront attendre 1841 pour pouvoir exercer leur prêche sans pression
aucune. L’évêque et les huit
prêtres, frères et laïcs, qui
s’installèrent à Mangareva en
1834-1835 étaient tous très
jeunes. Ils réussirent en trois
ans à convertir et à baptiser
tous les habitants, lesquels détruisirent ensuite leurs marae. Toutefois, il faut attendre
1848 et la nomination de Monseigneur Etienne Jaussen
(qui construira la cathédrale de
Papeete et rédigera un dictionnaire français-tahitien), pour
que la mission prenne un nouvel essor. Voici d’ailleurs ce
qu’il déclare : « Nous sommes
venus à vaincre les préjugés
que les ministres protestants
avaient inspirés aux Tahitiens
contre nous. Il faudrait maintenant peu de choses pour les
rendre catholiques. Rien ne
peut mieux les décider que ce
qui frappe les yeux. On les
prend mieux par les sens que
tous les raisonnements. Or rien
n’est plus capable de les frapper qu’une église convenable et
où nous pourrons étaler les cérémonies de notre culte et les
opposer à la nudité du culte
protestant. »
LA CONSTRUCTION DE LA
CATHÉDRALE DE RIKITEA
1839-1854
En 1835, une église provisoire
est bâtie dans le village de Rikitea sur un ancien marae selon
les dires de Gilbert Soulié,
frère bâtisseur à l’initiative
des monuments et édifices religieux aux Gambier. Cet ancien8
marae porta successivement les
noms de Rua-Rikitea, Te- ke’ika
(du chef Tupa dédié à Tü), puis
Pöpï. La pose de la première
pierre de l’édifice a lieu le 17
janvier 1839. La cathédrale
doit être en mesure d’accueillir
plus de 1000 personnes. Le
plan de l’église qui a été élaboré par les religieux est impressionnant, Saint-Michel de Rikitea mesurera 50 m de long
sur 17 de large.
Plan de la cathédrale © fonds
SCP ( crédit Gérard Fenelon
1987)
Les blocs de pierres doivent
être extraits des carrières de
Tahuna, Tekava et Konaku qui
sont situés à 16km du village.
Quant à la charpente, le bois
est coupé à Akamaru. Au mois
d’avril 1841, l’édifice est quasi
terminé, voici ce que déclare
Gilbert Soulié :
« Nous
sommes très occupés à couvrir
notre cathédrale de tresses de
coco et de feuilles de pandanus. La bâtisse est terminée et
les 18 colonnes de l’ordre
toscan sont debout supportant
un entablement sur lequel repose une voûte appuyée sur
une
solide
charpente.
De
chaque côté des colonnades
en pierres de corail taillées,
les deux nefs latérales sont
éclairées par 9 fenêtres et une
petite porte. Le pignon de la
façade est percé d’une rosace
et au fond du sanctuaire, se
dresse le grand autel encadré,
à droite et à gauche, de deux
pièces appelées à servir de sacristie. »
Mais une violente
tempête deux mois plus tard
remet en question les travaux,
la toiture s’effondre, les frères
doivent la remettre sur pied. En
deux semaines, la toiture est
remise
d’aplomb
mais,
il
manque la construction du
porche d’entrée et, des deux
tours carrées qui ont été prévues sur plan.
Plan de la façade de St. Michel
© fonds SCP (crédit Gérard Fenelon 1987)
Quoiqu’il en soit, le 15 août
1841 la cathédrale est consacrée. Toute la population est
présente : « Les têtes se tournent et retournent distraites
par toutes nos décorations ;
piédestaux et chapiteaux de
colonnes, chœur de 7m de long
pavé en forme de damier ;
maître autel à la romaine ;
tabernacle
décoré
de
grappes de raisins et chaire
incrustée de fleurs en nacre
et dents de cachalots… » En
1854, et après de multiples travaux de constructions, le frère
Soulié s’attelle à la construction
des tours du clocher de SaintMichel de Rikitea. Pour le clocher, le plan d’édification est
simple, il s’agit d’une porte et
de deux fenêtres en façade,
sans étage avec trois pièces à
l’intérieur. Le frère Soulié pose
la cloche avant que ne s’achèvent complètement les tours.
Le 5 novembre 1854, le clo-
cher de Mangareva carillonne pour la première fois:
« Elle tinte comme les cloches
du village ou je suis né.
J’éprouve l’impression qu’avec
cette cloche, mon œuvre est
achevée. C’est la joie et l’admiration pour les Mangareviens. »
La cathédrale a fait l’objet d’un
entretien quasi continu, la population y contribuant largement. En 1998, elle est repeinte de blanc et le contour
des fenêtres romano- gothiques
de bleu ciel.
Façade principale de St. Michel
© fonds SCP (crédit photo M.H. Villierme 1999)
LA RESTAURATION DE LA
CATHÉDRALE DE RIKITEA
2009-2011
« La cathédrale est une synthèse très rare entre des mises
en œuvre telles que l'on peut
les trouver en métropole et des
savoir-faire
qui
n'existent
qu'ici... Elle témoigne de l’histoire moderne de l’archipel des
Gambier et de son évangélisation par les Pères Missionnaires9
du Sacré-Cœur de Picpus. La
cathédrale représente à la fois
la transposition en Polynésie du
modèle architectural de la
grande basilique telle qu’on
pouvait la concevoir alors à Paris et son adaptation remarquable aux matériaux disponibles à Rikitea et aux savoirsfaire des Mangaréviens. »
Pierre-Antoine GATIER, architecte en chef des monuments
historiques, 2010.
La charpente a été restaurée
en utilisant les mêmes essences et en réduisant les interventions au remplacement
limité des pièces de bois altérées.
« La
charpente
du
grand
comble constitue un ouvrage
unique associant l’emploi de
grandes fermes, preuve d’une
maîtrise parfaite par les Pères
de Picpus, de l’art de la charpenterie. Elle est réalisée là encore avec des essences prélevées dans les îles avec une
structure en uru, l’arbre à pain.
Les assemblages entre les
pièces de bois, chevillés, confirment cette science de la construction. Pourtant l’aspect le
plus exceptionnel de cette charpente apparaît dans la présence
des ligatures de nape ou de
cordage en fibre de coco, renforçant chaque assemblage,
démontrant
comment
ce
comble incarne la rencontre des
techniques de la métropole et
des savoirs-faire exceptionnels
vernaculaires
des
Polynésiens ».
Pierre-Antoine GATIER Architecte en Chef des Monuments
Historique
Anaël : compagnon charpentier-menuiserie, entreprise
ASSELIN
Pourquoi avoir choisi le
chantier de la cathédrale de
Rikitea ? J'ai choisi de venir
d’une part pour l'exotisme de la
destination et pour découvrir un
autre type de chantier
Que fais-tu exactement ?
quelles sont les particularités de ton métier ? On tente
de reproduire au mieux les ouvrages réalisés en utilisant au
maximum
des
techniques
d'époque. C'est essentiellement
un travail d'assemblage et de
fixation par des chevilles. Nous
avons tout de même parfois
recours à des techniques modernes. C'est réellement la
synthèse entre l'ancien et le
moderne.
Nous observons, examinons et
reproduisons. Les portes d'entrée et celles des sacristies sont
d'origines. En grattant et en
observant nous avons pu découvrir les techniques utilisées.
Dans ma formation chez les
compagnons, nous sommes
amenés à restaurer un ensemble de bâtiments anciens et
nous apprenons ainsi tout un
savoir-faire ancien. Sur le
chantier de la cathédrale, on
tente de la même façon de valoriser ce travail en transmettant aux jeunes l'art de la
charpente. Depuis le début du
chantier, Yvon, un jeune avec
qui nous partageons notre savoir, nous assiste.
Pourquoi le choix du bois de
uru pour la charpente ? Nous
avons choisi d'utiliser l'essence
de uru car il s'agissait du bois
d'origine. Nous avons entamé
la charpente avec du uru mais,
à cours de bois de uru, nous
avons terminé avec du pinus.
En effet, les stocks de bois de
uru coupé ont été épuisé et la
faible proportion d'arbre à pain
sur l'archipel aujourd’hui nous a
contraint à utiliser du pinus,
bien plus abondant sur l'île. A
l'époque, la proportion de uru
devait être très importante.
La
charpente
réalisée
à
l’époque était faite à partir de
troncs entiers. Lors de la phase
de
diagnostic,
nous
nous
sommes aperçu que seul l’aubier des troncs utilisés avait été
entamé mais que le cœur était
encore intact. Nous préférons
donc n'utiliser que le cœur du
tronc, bien plus résistant.
Le problème avec cette essence
c'est que la taille de l'aubier est
bien plus importante que le
cœur. Il nous faut donc énormément de tronc pour restaurer la charpente, d'où l'épuisement rapide de la ressource.
Le choix du matériau de couverture a constitué un débat
riche, entre le respect du matériau d’origine, la feuille de pandanus ou le choix de la couverture postérieure réalisée en
tuile mécanique de Marseille ou
enfin, le remplacement par un
matériau contemporain. Pour
assurer la pérennité de la cathédrale, cette parfaite adaptation aux conditions cycloniques,
la décision a été prise de réaliser une couverture en table de
cuivre, démontrant comment le
projet de restauration peut être
la synthèse entre une démarche de conservation et une
réflexion contemporaine associant les habitants à ces choix
essentiels.
Pierre-Antoine GATIER Architecte en Chef des Monuments
Historiques
10
La restauration de la voûte par
bouchement de toutes les lacunes, reconstituées suivant la
technique d’origine de roseaux
ligaturés.
Témoignage de Philippe PLISSON,
chef de chantier, entreprise SMBR
Pourquoi retirer les anciennes
couches de chaux et de peinture?
L’idée était de restaurer à l’identique, retrouver les monuments historiques tels qu’ils étaient à l’origine.
Aujourd’hui, les techniques de restauration consistent à retrouver
l’aspect « premier » des bâtiments.
Comment s’est déroulée cette
phase préparatoire ? Il y a donc
eu une période de sondage qui a
duré entre un et deux mois (de février à avril 2010) qui a consisté à
dégager des polychromies, à gratter
des couches de peinture successives
sur de petites « fenêtres », avec des
scalpels, couteaux et spatules. On a
ainsi mis à jour les différentes
couches. On a ensuite réalisé des
témoins de peinture de différents
tons, qu’on a soumis par la suite à
l’architecte. Ce travail de recherche
a duré 3 mois et a été réalisé par
Cécile et moi, ainsi que des personnes
embauchées
localement.
Nous avons commencé avec deux
personnes locales, l’effectif a grossi
au fur et à mesure pour la partie
maçonnerie.
Quelle a été votre réaction à la
découverte des couleurs originelles de la cathédrale ? Cela a
été une bonne surprise car personne
ici ne savait ou ne se souvenait de
ces couleurs d’origine. Les plus anciennes photos que nous avions des
années 60 montraient la couche de
jaune acrylique.
D’où provient donc cette coloration bleu turquoise ?
Le bleu est une peinture industrielle
qui a été appliquée récemment. Le
souci c’est qu’elle n’est pas adaptée
à la chaux poreuse. Au lieu de l’imprégner, elle crée une sorte de film
qui recouvre la chaux et ne laisse
pas s’échapper l’humidité. Des moisissures peuvent alors se former en
dessous. C’est aussi ce qui est à
l’origine de la dégradation de la cathédrale. Le projet de restauration
étant de retrouver les tons d’origine,
le choix de la restauration en ocre
rouge a été préféré.
La chaux corallienne
Les enduits recouvrant la cathédrale sont fabriqués à partir de
chaux corallienne. Ce savoirfaire, peu à peu disparu des
usages traditionnels en matière
de construction, a été révélé et
joue aujourd’hui un rôle notoire
dans la restauration de la cathédrale.
« Une analyse archéologique de
l’édifice révèle en effet comment
sa
construction
fait
l’usage des matériaux présents
sur l’archipel avec des maçonneries réalisées en pierre de
corail. Les témoignages livrés
par les Pères de Picpus attestent de la collecte des matériaux sur les motu et de leur
transfert par radeaux au travers
des eaux du lagon. De la même
façon les mortiers, les enduits
comme les badigeons sont réalisés en chaux corallienne obtenue par calcination dans des
grandes fosses de cette pierre
de corail, savoir-faire demeuré
vivant à Rikitea. »
Pierre-Antoine GATIER Architecte en Chef des Monuments
Historiques
Centre des Métiers d’Art à Papeete est l’un de ses enfants
qui a vu le jour grâce au regretté Monsieur Henri Bouvier, ancien élève de l’école Boulle,
promotion 1927, atelier de Gravure Acier
Outre son intérêt culturel et patrimonial, le chantier est également une formidable occasion
de pourvoir des formations et
des emplois aux jeunes de l’île
et, de cette façon, relancer une
dynamique économique dans
l’archipel. Le projet s’insère
dans une démarche éducative
et professionnelle à l’adresse
des habitants de l’île.
11
Rencontre
avec
Piriki
GOODING, responsable bénévole du fonctionnement
du four à chaux
« Comment as-tu appris à constituer et faire fonctionner un
four à chaux ? J’ai appris avec
les anciens de l’île qui s’en souvenaient encore pour l’avoir déjà fait. C’était très pénible à
l’époque car ils n’avaient pas
nos engins modernes, tout était
fait à la force des bras. D’ailleurs la technique a été un peu
modifiée, modernisée. Avant, ils
construisaient une tour en corail. Aujourd’hui, pour aller plus
vite on utilise le « case » pour
creuser le trou et le remplir de
bois et de coraux. Ensuite, je
sais qu’ils plongeaient dans le
lagon pour ramasser du corail,
car cela donnait une meilleure
chaux. Aujourd’hui, c’est interdit de casser et de ramasser du
corail vivant, donc on fait avec
ce qu’on a. Je suis vraiment
content de perpétuer ce savoirfaire qui partait dans l’oubli, et
de pouvoir le transmettre aux
gens de l’île. »
Source : http://www.culturepatrimoine.pf
12
D é c o u v r i r
l e
«
c e n t r e
B e a u b o u r g
»
13
I. Au cœur de Paris, le
« Centre Beaubourg »
1.
Où se trouve le bâtiment ?
Au cœur de Paris
Le bâtiment se situe au cœur de
Paris, entre le quartier du Marais,
l’île de la Cité et le quartier des
Halles. On appelle cet emplacement
le plateau Beaubourg
Entre 1853 et 1870, sous le second Empire, le baron Haussmann,
préfet de la Seine, entreprend un
grand programme de transformation
de Paris. De grands boulevards
sont percés pour désengorger le
centre-ville (par exemple le boulevard
Sébastopol), de nouveaux immeubles
sont bâtis, 600 km d'égoûts sont
creusés, plusieurs gares et monuments, dont les Halles, sont construits, de grands parcs sont
créés (par exemple celui des
Buttes- Chaumont).
Au XIXe siècle, le quartier de Beaubourg est très peuplé. Les habitants
y vivent entassés dans des logements misérables. Les petites ruelles
où coulent les eaux usées apportent
peu d’air et de lumière. Les épidémies se développent.
Ce quartier est identifié comme
l’« îlot insalubre n°1 », celui du cœur
de Paris. C’est ici que, près d’un
siècle plus tard sera construit le
Centre Georges Pompidou.
Dans les années 1960, un siècle
après les travaux d'Haussmann, l'agglomération parisienne connaît de
nouveaux grands chantiers. Des
voies rapides pour les voitures sont
créées dans la ville, le périphérique
est construit tout autour, le RER
(Réseau Express Régional) fait son
apparition. La ville est aussi dotée
d'un grand centre d'affaires et financier : la Défense, avec ses hautes
tours de béton. De grands ensembles de logement sont érigés
et des villes nouvelles sont bâties.
En 1969, les Halles sont déplacées à Rungis. Un grand centre
commercial sera construit à leur
place, au-dessus de la gare de
RER. Le visage de la capitale française change une fois encore de façon radicale.
Le programme
« Je voudrai passionnément que
Paris possède un centre culturel
(…) qui soit à la fois un musée et
un centre de création, où les arts
plastiques voisineraient avec la mu-
sique, le cinéma, les livres, la recherche audio-visuelle, etc. Le
musée ne peut être que d’art moderne, puisque nous avons le
Louvre. La création, évidemment,
serait moderne et évoluerait sans
cesse. La bibliothèque attirerait des
milliers de lecteurs qui du même
coup seraient mis en contact avec les
arts. » C’est en ces termes que
Georges Pompidou décrit le projet,
lancé dès 1969, de ce qui deviendra
le Centre Georges Pompidou.
Les institutions qu'il doit accueillir
sont : le Musée national d'art moderne et le Centre de création industrielle
(qui
seront
par
la
suite regroupés), l’Institut de Recherche et Coordination Acoustique/
Musique et la Bibliothèque publique
d'information.
La réponse au programme
La première caractéristique de leur
proposition est l’ouverture sur la ville
et sur le quartier. Renzo Piano et
Richard Rogers conçoivent, en relation directe avec le bâtiment, une
grande place qui occupe la moitié de
l’espace prévu pour la construction :
il s’agit de la « piazza ». C'est avec
elle que leur projet se distingue
d'abord. L'autre point important est
la création d'un espace qui puisse
être facilement transformé. Le bâtiment est conçu, à partir de la piazza, comme un empilement de
grands plateaux libres, dont les cloisonnements pourront être organisés
selon les besoins et évoluer dans le
temps. Les architectes proposent ici
une architecture qui répond à la
volonté de créer un lieu vivant
pour l'art contemporain et la culture.
Tout montrer
Pour créer ces grands plateaux
libres, toute la structure du bâtiment
est à l'extérieur, ainsi que tout ce qui
le fait fonctionner : les circulations et
les tuyaux. Squelette, tripes et artères sont ainsi donnés à voir, exposés en plein air, sur la rue et sur la
piazza. Ceci est à la fois la conséquence d'un besoin d'espace et la
matérialisation d'une pensée des
architectes : dans une construction,
tout doit être montré, rien ne doit
être caché. C'est aussi pour eux un
jeu, une provocation.
« Les chiffres du chantier »
28 poteaux (14x2) de 49 mètres de
haut et de 85 centimètres de diamètre.
84 poutres (14x6) de 45 mètres de
long, de 2,80 mètres de haut et de 75
tonnes chacune.
168 gerberettes (14x2x6) de 8 mètres
de long et de 10 tonnes chacune.
Rien qu'avec les poutres et les gerberettes, la structure pèse déjà près de
8.000 tonnes (168x10 + 84x75). A
cela s'ajoutent les planchers, puis les
œuvres, les livres, les visiteurs. Tout
ce poids est supporté par les poteaux
et les tirants.
« Les dimensions du bâtiment »
Les dimensions du bâtiment, à l'extérieur, sont :
longueur : 166 mètres largeur : 60
mètres hauteur : 42 mètres
On obtient un volume global de
418.320 m3
À l'intérieur du bâtiment, la longueur
est sensiblement la même mais la
largeur est inférieure: elle fait 45
mètres.
Cinq plateaux sont superposés,
chacun d’une surface de 7.500 m2
(comme 5 terrains de football superposés). La surface du rez-dechaussée étant semblable, la surface
globale est de 45.000 m2 (au dessus du sol). La hauteur entre
chaque plateau est de 7 mètres
sous plafond sauf celle du forum qui
est de 10 mètres sous plafond.
Les panneaux de façade
Toute la structure du bâtiment est
ouverte. Renzo Piano parle à son
sujet de dentelle. Ici, pas de murs
porteurs qui, dans la plupart des
constructions, portent le bâtiment
tout en séparant par une épaisse
paroi l'intérieur de l'extérieur. Des
panneaux de façade, vitrés ou
opaques selon les endroits, sont
donc posés. Ils se situent à l'intérieur de la structure, à l'endroit ou
la poutre s'accroche à la gerberette,
et laissent les poteaux dehors.
Chaque baie vitrée a une hauteur de
7 mètres.
L’air
Pour que le bâtiment fonctionne, il
faut lui apporter de l'air. Quatre
tours de refroidissement, installées
sur les toits, servent à la climatisation. Des tuyaux d'air y sont reliés
qui parcourent tous les plafonds à
chaque étage pour chauffer et climatiser les espaces, selon les saisons. Pour les sous-sols, des
prises d'air, semblables à des
trompes d'éléphant ou à des
manches à air sur le pont des bateaux, émergent le long de la piazza
et de la rue du Renard
14
à l'arrière du bâtiment.
À part ces prises d'air et les tours
de refroidissement qui sont de couleur blanche, tous les tuyaux d'air
sont identifiés par la couleur bleue.
Leur circulation est organisée sur la
façade arrière du bâtiment, qu'ils
habillent. À l'extérieur comme à
l'intérieur, tous ces tuyaux sont laissés visibles.
L’eau
L'eau est un autre élément indispensable dans un bâtiment. Elle
sert ici à la climatisation, mais aussi aux sanitaires dans les différents
espaces et aux bornes incendie.
Les tuyaux d'eau sont identifiés par
la couleur verte. Eux aussi sont à
l'extérieur où ils côtoient les tuyaux
bleus. Lorsqu’ils passent dans le bâtiment, ils sont au plafond et restent
apparents.
L’électricité
L'énergie du Centre Pompidou est
exclusivement électrique. L'électricité
sert pour l'éclairage, mais
aussi
pour faire fonctionner les ascenseurs, les monte-charge et les
escaliers mécaniques, ainsi que
tous les appareils qui fonctionnent
dans les différents espaces (par
exemple les ordinateurs). Tout ce
qui concerne le transport de l'électricité est signalé par la couleur
jaune : transformateurs, chemins
de câbles, gaines. Là encore,
l'essentiel de l'équipement est dehors, sur la rue du Renard mais
des grilles jaunes parcourent aussi
les plafonds à l'intérieur pour arriver,
par exemple, jusqu'à une lampe.
Les circulations
Reste enfin l'essentiel, ce qui va
amener la vie dans la construction :
les circulations. C'est-à- dire les escaliers mécaniques et les ascenseurs qui permettront au public
d'accéder aux différents espaces,
mais aussi les monte-charge par
lesquels circuleront les œuvres.
Toutes ces circulations sont rejetées à l'extérieur du bâtiment, toujours dans la perspective de laisser, à l'intérieur, des plateaux complètement libres.
Sur la façade arrière, on peut voir
les monte-charge et les ascenseurs
destinés au service. Sur la façade,
côté piazza, sont posées les coursives. Elles sont installées sur les
bras des gerberettes. Puis, plus à
l'extérieur encore, est suspendue la
« chenille », ce grand escalier mécanique qui dessert les étages et
parcourt toute la façade en diago-
nale.
La couleur attribuée aux circulations
est le rouge. C'est la couleur du
sang qui, en circulant dans l'organisme, apporte la vie. On retrouve
ici une idée importante du projet
qui est de créer un lieu de rencontre entre le public et la culture :
le public qui circule dans la chenille,
comme le sang dans une artère, fait
vivre la culture.
II. Un monument dans la ville
1.
Un bâtiment ouvert sur l’espace urbain
La vie du quartier
Depuis trente ans, le Centre Pompidou apporte sa contribution à la vie
du quartier, entre les boutiques du
Marais, le centre commercial des
Halles, les églises Saint-Eustache
et Saint- Merri, les cafés et les rues
piétonnes. Aux Halles, à quelques
pas du bâtiment, se trouve le nœud
des transports en commun de la
ville et de la région. Ce quartier
central est devenu une porte de la
capitale, ouverte sur toute l’Île-deFrance.
L’art et la culture, présents dans le
bâtiment, ont peu à peu investi les
rues environnantes où librairies et
galeries d’art voisinent avec les boutiques de vêtements. Les œuvres
d’art elles- mêmes s’échappent du
musée : le Pot doré de Jean-Pierre
Reynaud se dresse sur la piazza, les
sculptures-machines de Niki de
Saint-Phalle et Jean Tinguely s’ébattent dans la fontaine Stravinsky.
La Piazza
La piazza, cette grande place créée
par Renzo Piano et Richard Rogers, appartient autant au Centre
Pompidou qu’à la ville et fait le lien
entre ces deux espaces. Dans ce
quartier très dense, elle est un
grand poumon qui fait respirer la
ville : la vue y est dégagée, on peut
s’y asseoir, s’y retrouver, et bien
souvent des spectacles de rue s’y
déroulent, attirant la foule.
La piazza est en lien direct avec le
forum : aucun seuil, aucun porche ni
aucune marche ne marque de rupture entre le dehors et le dedans, et
c’est presque tout naturellement que
l’on passe de l’un à l’autre. Les architectes avaient même prévu de
laisser le forum ouvert sur la piazza,
comme un hall de gare. Cela n’a
finalement pas été possible à
cause du climat parisien, mais
l’idée est bien là : le forum est un
prolongement de la piazza, une
sorte de place couverte dans la
ville, un morceau de ville dans le
bâtiment (on y trouve d’ailleurs un
café, une librairie, une boutique et
même un bureau de poste !)
La chenille elle-même, qui dessert
les différents espaces, située à
l’extérieur, est conçue comme un
prolongement vertical des circulations de la ville.
Transparence et reflets
Les façades du Centre Pompidou
expriment bien cette ouverture.
Lorsque l’on se trouve à l’intérieur,
les grands panneaux vitrés ouvrent
le regard sur l’espace urbain. Dans
la Bpi, cette ouverture est partout.
Dans le musée et les expositions, il y
a toujours un endroit où, au détour
d’une salle, le visiteur est projeté
dans la ville. De la même manière,
de l’extérieur, l’intérieur des espaces
est visible. Ou alors, selon la lumière, ces façades vitrées reflètent
la ville et le ciel, tout comme le
font les plans d’eau des terrasses
aux niveaux 5 et 6 du bâtiment.
2. Un signal
Le verre et l’acier
Sa structure métallique apparente,
entièrement peinte en blanc, fait du
Centre Pompidou un signal dans la
ville. Il se distingue en effet dans le
quartier par ses matériaux que l’on
ne retrouve dans aucun des immeubles environnants. Son architecture originale, aujourd’hui encore, donne toujours une impression de modernité. Les panneaux
vitrés de ses façades, visibles sur
trois de ses cotés, mettent en relief
la trame de la structure. En jouant
avec la lumière et les reflets, ils
participent eux aussi à la visibilité
du bâtiment, et à sa mise en valeur dans l’espace urbain.
La Piazza et la chenille
Les architectes ont conçu volontairement la piazza comme un plan
incliné. Cette pente, en plus
d’amener en douceur le visiteur
vers le bâtiment et l’entrée, met
en valeur ce dernier. Depuis le
haut de la piazza, longeant la rue
Saint-Martin, il peut voir en entier
sa façade principale sans presque
lever les yeux. La chenille qui la
traverse en diagonale, avec ses
décrochements pour chaque palier, vient rythmer sa trame régu15
lière et donner de la vie à l’archi-
tecture. Elle est un signe distinctif
important du bâtiment.
Les couleurs et les tuyaux
Sur la façade ouest, le signal est
d’une autre nature : l’enchevêtrement de tuyaux et de couleurs
qui émerge de temps à autre au
bout d’une rue du Marais rend
immédiatement identifiable le bâtiment. Depuis la place de l’Hôtel de
Ville à quelques centaines de
mètres, l’épaisseur colorée de la
façade, tranchant avec le décor
des immeubles anciens, réveille le
regard des passants.
La hauteur
En laissant libre la piazza les architectes ont dû gagner en hauteur
la surface du bâtiment. Avec ses
42 mètres de haut, il devient ainsi
l’une des constructions qui percent
le plafond parisien et l’un des
points de repère dans la ville,
comme le sont la tour Eiffel et la
tour Montparnasse, le Sacré-Cœur
et le Panthéon, la cathédrale Notre
-Dame, l’arc de Triomphe. Du haut
de chacun de ces monuments, le
Centre Pompidou navigue sur la
mer des toits de Paris
« Le plafond parisien »
Une grande majorité des immeubles parisiens ont été construits au XIXe siècle, suivant la
réglementation du préfet Haussmann. Une des contraintes qui ont
régi leur construction est la limite
de hauteur : ils ne devaient pas
dépasser les 6 ou 7 étages, soit
20 mètres maximum (à la fin du
XIXe siècle, les techniques de
construction permettent de dresser
les premiers gratte-ciel, à New
York et à Chicago). Cette limite
existe encore aujourd'hui, avec une
hauteur maximum dans les quartiers du centre de Paris fixée à 25
mètres. On ne peut dépasser cette
hauteur que pour des constructions
exceptionnelles.
Cette norme a créé ce que l'on appelle le « plafond parisien ». Vu de
haut, c'est comme une mer de zinc
qui recouvre la ville. Seuls
quelques monuments importants
viennent percer ce plafond. Leurs
hauteurs sont les suivantes :
- Dans les arrondissements périphériques :
Tour Eiffel : 300 mètres (hors antenne)
Tour Montparnasse : 210 mètres
Sacré-Cœur: 83 mètres (avec la
colline de Montmartre, 200 mètres)
Arc de Triomphe : 50 mètres
- Dans les quartiers centraux :
Panthéon : 83 mètres
Tour Saint-Jacques : 52 mètres
Centre Pompidou : 42 mètres
Cathédrale Notre-Dame : 35 mètres
Église Saint-Eustache : 35 mètres
3. Le Panorama
La chenille
De l’extérieur, la chenille est un
signe distinctif. De l’intérieur, elle
est un dispositif qui permet au regard de s’élever en douceur,
suivant un mouvement diagonal,
jusqu’à l’horizon à compter du 4e
étage, qui est au niveau des toits
de Paris. On parle à son sujet de «
machine de vision ».
Au sommet de la chenille, au 6e
niveau, le visiteur se retrouve sur
une plate-forme vitrée, le belvédère, qui semble suspendue dans
le vide : tout Paris est devant lui.
Le belvédère: saisir la ville
C’est ce dernier élément qui fait
définitivement du Centre Pompidou l’un des hauts lieux parisiens : le visiteur y voit la ville
d’en haut, il se situe dans la
ville. Il la décrypte en nommant
monuments et quartiers. Il fait
connaissance
avec
elle,
la
saisit dans son ensemble.
Pour accéder à ce statut de monument, une construction doit pouvoir
être vue et reconnue de loin, permettre aussi de voir et de reconnaître l’espace environnant.
Sources :
Centre Pompidou : http://
www.centrepompidou.fr
Renzo Piano Building Workshop:
http://www.rpbw.com/
Richard Rogers Partnership: http://
www.richardrogers.co.uk
Pistes de recherche :
Film
Richard Copans, Le Centre
Georges Pompidou, collection
« Arte Architectures », vol.1.
Coproduction : Les Films
d'ici / La Sept Arte / Centre
Georges Pompidou, 1997, 26
min.
Site : Centre Pompidou
http://www.centrepompidou.fr
16
Créateur d'un grand nombre de 
Le centre culturel Djibaou
C’est dans le cadre des accords
de Matignon, qu’à la demande
de Jean-Marie TJIBAOU, il a été
convenu entre les partenaires
(ETAT - FLNKS - RPCR) de créer
l’Agence de développement de
la culture kanak (ADCK) qui a
pour missions : de valoriser le
patrimoine archéologique et linguistique kanak ; d’encourager
les formes contemporaines d’expression de la culture Kanak, en
particulier dans les domaines
artisanal, audiovisuel et artistique ; de promouvoir les
échanges culturels, notamment
dans la région Pacifique Sud ; et
de définir et conduire des programmes
de
recherche.
Sur un terrain de 8 hectares cédé en 1992 par la ville de Nouméa, le centre culturel Tjibaou
dessiné par l’architecte Renzo
Piano est inauguré le 4 mai
1998.
Outil privilégié de l’ADCK, il est
un lieu d’affirmation identitaire
et un espace de rencontre et de
création culturelle.
Par sa configuration originale,
où l’on trouve en un même lieu
un centre d’art, un musée, une
salle, des espaces de spectacle
et une bibliothèque spécialisée,
le centre culturel Tjibaou propose une multiplicité d’offres
culturelles. Selon ces offres, il
voit ses publics varier quantitativement et sociologiquement au
rythme de ses actions.
Une architecture contemporaine
en harmonie avec la culture kanak
moyenne : 92 m² et 20 m
de haut ;
 grande :140 m² et 28 m de
haut.
« J'ai compris que l'un des caractères fondamentaux de l'architecture kanak est le chantier : le « faire » est aussi important que le « fini ».
J'ai pensé, dès lors, développer
l'idée de chantier permanent, ou
plutôt d'un lieu ayant l'apparence d'un chantier « non fini ».
Renzo Piano, Carnet de travail
projets architecturaux novateurs
et ambitieux dont l'aéroport de
Kansaï au Japon et le Centre
Georges Pompidou à Paris, Renzo Piano (prix Pritzker pour l'ensemble de son œuvre) est un L e s m a t é r i a u x u t i l i s é s
architecte de renommée internationale.
A travers tous ses projets, il défend une vision personnelle de
l'architecture et cherche à accorder ses valeurs esthétiques
(importance des éléments immatériels comme la lumière ou
la transparence, allusion à la
nature dans les formes) aux valeurs des hommes qu'il croise
sur son chemin.
L'architecture du centre culturel
Tjibaou est le fruit d'une étroite
collaboration entre Renzo Piano
et l'Agence de Développement
de
la
Culture
Kanak.
C'est le résultat d'une prise en
compte des formes architecturales kanak et de leur transfiguration dans une architecture
moderne.
Les « cases » inspirées de l'architecture kanak traditionnelle
sont de hauteurs et de surfaces
différentes et donnent un aspect
inachevé qui rappelle que la culture kanak est toujours en devenir.
Cette approche humaniste de
l'architecture se combine avec
une grande technicité et le souci
d'offrir au meilleur coût les conditions optimales d'accueil du
public. Chacune des cases est
dimensionnée pour résister aux
vents cycloniques (230 km/h) et
aux séismes. Elles permettent
d'utiliser les vents dominants en
introduisant un courant d'air
frais générateur de confort pour
les visiteurs.
Réalisées en bois d'iroko imputrescible, les cases prennent
avec le temps la couleur des
troncs de cocotiers qui bordent
les rivages de la NouvelleCalédonie. Leur habillage est
Dimensions des cases :
réalisé en acier inoxydable, une
3
Les dix cases se partagent en case représente donc 300 m de
bois et 5 tonnes d'acier.
trois types :
Les cases conjuguent les tech petite : 55 m² et 20 m de niques du futur, tel le lamellécollé, avec les matériaux tradihaut ;
17
tionnels.
presqu'île de Tina.
Le centre est équipé d'une gestion technique du bâtiment contrôlant par informatique l'ensemble du site. Les différents
espaces sont également dotés
d'un équipement technique performant et d'outils multimédias.
Entre nature et mémoire,
s'intercale un espace technique
moderne, propre à devenir l'outil de l'ambition culturelle. Le
visiteur voyage de structures
intimes couvertes dont le sol
rappelle la couleur de la natte à
de vastes espaces extérieurs
aux
envolées
aériennes.
Les espaces de spectacles
extérieurs, l'aire coutumière et les bâtiments
situés à l'extrémité de la
presqu'île
(restauration,
hébergement et ateliers)
épousent les collines du
p r o m o n t o i r e .
D'une surface totale de 8.188
mètres carrés, le centre culturel
Tjibaou s'inscrit sur 8 hectares,
en symbiose avec les éléments
naturels présents sur la presqu'île.
La végétation du site a
été respectée et même
enrichie de nombreuses
espèces endémiques à la
Nouvelle-Calédonie. Des
pins colonnaires ont été
transplantés et un chemin
kanak composé de nombreuses essences s'étire
tout au long de l'édifice.
Son but est d'initier le visiteur à la symbolique du
végétal dans la société
kanak.
Il se compose de trois villages
qui ont chacun une fonction distincte et qui regroupent au total
dix cases, d'une surface
moyenne de 90 mètres carrés et
dont la plus haute culmine à 28
mètres.
Les cases des trois villages qui
constituent le centre culturel
sont reliées entre elles par une
allée courbe qui évoque l'allée
centrale spécifique à l'habitat
traditionnel kanak. Chacune des
cases joue de l'air et de la
transparence. On notera l'alternance autour de l'épine dorsale
des volumes haut accompagnés
des pins colonnaires, et des volumes bas plus intimes. Les par- Il retrace également à travers le
cours reflètent un subtil jeu langage des plantes, l'histoire
du héros fondateur Téâ Kanaké
d'ombres et de lumières.
en évoquant successivement les
Le végétal au cœur d'une archi- cinq étapes de sa vie.
Cet itinéraire végétal prend sa
tecture contemporaine
source au bord de la mangrove
Pour l'homme kanak, étroite- qui longe le centre culturel
ment lié à son environnement Tjibaou et serpente le long des
naturel, la terre et les plantes villages 1, 2 et 3.
rythment le cours de la vie. Ainsi, dès la genèse du projet, l'architecte Renzo Piano décide de
créer une symbiose entre une
architecture contemporaine et
l'environnement naturel de la
Ce n'est pas un simple cheminement piétonnier mais plutôt un
« chemin histoire » intégré au
cœur du centre culturel. Pour le
créer, il a fallu plonger dans le
passé, interroger les aînés sur
les traditions et rechercher de
nombreuses espèces de plantes.
Celles-ci font aussi le lien avec
l'environnement géographique,
écologique et culturel des autres
pays du Pacifique.
Source : http://www.adck.nc
18
Verdun. Tableau de guerre interprété, projections colorées noires, bleues et rouges, terrains dévastés, nuées de gaz.
© Paris - Musée de l'Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Pascal Segrette
Félix VALLOTTON (1865-1925)
Date de création : 1917
Date représentée : 1917
Dimensions : Hauteur 114 cm - Largeur 146 cm
Technique et autres indications : Huile sur toile.
Lieu de Conservation : Musée de l'Armée (Paris) Référence de l'image : 06-501097 / 21889 ; Eb 1518
C o n t e x t e
h i s t o r i q u e
La guerre de 1914-1918 a fortement marqué les peintres
comme la grande majorité des
artistes et intellectuels de
l’époque. Qu’ils soient mobilisés
ou non, tous ont participé à la
culture de guerre. Certains en
produisant des œuvres très patriotiques, d’autres pas du tout.
Mais compte tenu de la brutalité
des combats, de leur durée, la
représentation du conflit a vu
ses codes nécessairement évoluer. De ce point de vue, la figuration de la bataille est révélatrice. Dans l’élan de l’assaut, la
lutte de tranchées ou sous la
pluie des bombes, on ne peut
avoir qu’une vision fiévreuse et
partielle de l’affrontement. L’action limite considérablement la
perception. Ce n’est qu’après
qu’il est possible de chercher à
traduire cette expérience, par
des mots, par des images qui
imposent
non
seulement
d’autres signes, mais aussi
d’autres significations. Certains
peintres vont ainsi utiliser des
moyens nouveaux, plus subjectifs, plus audacieux, souvent
d’une grande expressivité, pour
aboutir à des résultats beaucoup
plus évocateurs que n’importe
quelle tentative de restitution
fidèle du combat, voire à des démarches abstraites permettant
d’en transcender la terrible réalité.
A n a l y s e
d e
l ' i m a g e
Le document est un tableau du
Suisse Félix Vallotton (18651925), qui jouit d’une renommée
internationale grâce à ses gravures sur bois et à ses illustrations. Intitulé « Verdun », il représente un champ de bataille
en proie au déluge. L’espace est
structuré de façon géométrique :
19
alors qu’on distingue au premier
plan une terre bouleversée, hérissée de troncs d’arbres sectionnés, au centre de la toile, des
faisceaux lumineux colorés se
croisent au-dessus de flammes
et de nuées de gaz blanches et
noires en formant des triangles,
tandis que sur la gauche s’abattent les lignes obliques de la
pluie (mais il pourrait tout aussi
bien s’agir d’une averse de
balles). La vision d’ensemble est
celle d’un paysage de guerre où
s’affrontent des forces antagonistes, la violence des intempéries et celle des hommes qui se
battent à distance. Le tableau
concentre visuellement le déchaînement des moyens mis en
œuvre de part et d’autre dans un
petit périmètre pour détruire
l’adversaire.
I n t e r p r é t a t i o n
Cette œuvre a pour sous-titre
« Tableau de guerre interprété,
projections
colorées
noires,
bleues et rouges, terrains dévastés, nuées de gaz ». Il s’agit
donc d’une expérience picturale,
d’une sorte d’essai, d’une interprétation cubo-futuriste, technique que Vallotton, membre du
groupe des nabis, adopte ici exceptionnellement. L’idée n’est
pas d’essayer de rendre compte
des instants décisifs du combat,
ni d’en montrer les tenants et les
aboutissants. La bataille de Verdun (février-décembre 1916),
qui est restée le symbole de l’enfer de la Première Guerre mondiale par l’acharnement des attaques allemandes qui y eurent
lieu, et le symbole de l’héroïsme
des Français résistant à l’invasion ennemie, apparaît ici sous
une forme quasi abstraite. Il faut
préciser que l’artiste n’a pas participé à l’événement, il l’a seulement observé au cours d’une
mission au front (au moment de
la déclaration de guerre en
1914, il chercha à s’engager volontaire, mais il fut refusé en raison de son âge). Constatant
l’inanité des procédés conventionnels pour représenter la bataille elle-même, Vallotton utilise
les ressources du cubisme, le
temps d’un tableau absolument
singulier dans sa carrière. À pro-
pos de Verdun, il écrivait :
« Que représenter dans tout
cela ? […] Peut-être les théories
encore embryonnaires du cubisme s’y pourront-elles appliquer avec fruit ? Dessiner ou
peindre des « forces » serait
bien plus profondément vrai
qu’en reproduire les effets matériels, mais ces « forces » n’ont
pas de forme, et de couleur encore moins. » L’enjeu est bien
là : la violence extrême des
combats provoque la désagrégation du paysage, la disparition,
l’effacement de l’humain derrière
les machines de guerre ; mais ce
cataclysme bouleverse aussi les
catégories esthétiques existantes
et conduit à remettre en cause
certaines
représentations
de
l’art. Ce tableau prouve ainsi, à
sa manière, qu’aucune des Monument aux morts - Papeete
formes connues n’est propice à
l’expression de l’extrême, et que
seules les tentatives les mettant
en crise ont une chance d’exprimer ce qui ne peut se dire et/ou
se montrer.
Auteur : Laurent VÉRAY
Otto DIX, Morts devant la position de
Tahure, 1924.
Otto DIX, Troupe
d'assaut progressant
au milieu des gaz,
1924.
20
Fernand Léger, La partie de cartes, 1917, huile sur toile, 129 x 193 cm, Kröller-Müller Museum, Otterlo. © SESAM, Paris, 1998.
commentaire d’un TABLEAU Exemple : La partie de cartes de Fernand LÉGER, 1917
1. PRÉSENTATION DU TABLEAU
auteur
Méthode
Son nom, sa nationalité.
Autres renseignements permettant d’expliquer pourquoi il a
peint ce tableau.
Exemple
Fernand Léger, peintre français, mobilisé en 1914 :
sapeur (creuse les tranchées) puis brancardier sur
le front ; blessé puis hospitalisé et réformé en
1917.
Dessine.
Date
contexte
sujet
Destinataire
dimensions
Support et
technique
- Date du tableau ou ses dates
de naissance et de mort
- À quelle période de l’histoire
appartient ce tableau ?
Quel est le sujet du tableau ? De
quoi parle-t-il ? Le titre peut
vous aider.
A qui ce tableau est destiné ?
Quelles sont les dimensions du
tableau ? petit, grand ?
Quel est le support du tableau
(toile, mur, bois…) ; Quelle technique est employée ? (peinture à
l’huile, encre…)
1917
Pendant la 1GM, ici en 1917, pendant la guerre de
position
Soldats en train de jouer aux cartes.
Rien
129x193cm : immense tableau
Peinture à l’huile sur toile
21
2. LA DESCRIPTION DU TABLEAU/L’ANALYSE
description
Décrivez précisément la scène.
Formes géométriques :
- cubes pour la tête et le tronc
- tubes circulaires pour les bras
corps
Comment sont peints les corps ?
Sont-ils en mouvement ?
- cercles pour les articulations
Membres décomposés en cônes, cylindres ; mains
rigides aux doigts mécanisés
expression
Quelle est l’expression des visages ?
Aucune : les soldats sont dénués de physionomie
et de regard ; visages taillés en dures facettes
Composition
= ensemble de moyens graphiques par lesquels l’artiste organise (ou compose) sa peinture
(axes du tableau, perspective,
profondeur, plans…)
Arrière-plan = espace fermé, étroit
couleurs
Quelles sont les couleurs utilisées
par le peintre ? Quelles sont celles
qui dominent ?
Un peu d’ocre et de rouge.
Lignes brisées au centre ; soldats se fondent dans
le décor.
Dominent : le gris bleuté des capotes, des casques
et du métal
3. L’INTERPRÉTATION
Interprétation
Quel est le sens général de
l’œuvre ?
Déshumanisation des personnages,
machine, guerre qui élimine l’humain.
Quel est son intérêt historique ?
> effets moraux des combats
l’homme-
> partie de cartes = thème courant dans la peinture ; ici guerre = un jeu de cartes > il faut abattre
ses atouts, jeter les soldats dans la bataille au bon
moment.
+ guerre de position : soldats passent du temps à
ne rien faire et donc à jouer aux cartes.
Courant
artistique
À quel courant artistique appartient ce tableau ?
Cubisme : l’art ne peut plus être imitatif car horreur de la guerre.
Style cubiste : décomposition des formes, distorsions des perspectives, brisures d’objets…
Léger a peint cette toile, la plus
vaste et la plus achevée de ses
peintures de la guerre - bien
moins nombreuses que ses dessins - alors qu'il se trouve en
convalescence près de Paris. Si
le sujet n'a rien de tragique, ni
même de guerrier à proprement
parler, Léger développe là, pour
la première fois sur un format si
vaste,
l'idée
de
l'hommemachine qu'il avance dans ses
dessins. Les soldats, dénués de
physionomies et de regard, se
décomposent en cônes, tiges,
pyramides, cylindres. Ils ne se
distinguent que par les insignes
de leurs grades et leurs décorations. L'espace où ils jouent est
celui, étroit, fermé, d'une géométrie rythmée par des verticales à l'arrière-plan et des
lignes brisées au centre. Des
couleurs, ne restent qu'un peu
d'ocre et le rouge, alors que dominent les gris bleutés des capotes, des casques et du métal.
22
Otto Dix, Triptychon « Der Krieg » (Triptyque
« La Guerre »), 1929-32, tempera sur bois, panneau central 204 x 204 cm, panneaux latéraux
204 x 102 cm chacun, 69 cm x 204 cm pour la
prédelle
Gemäldegalerie Neue Meister, Dresde.
© SESAM, Paris, 1998.
La Guerre est une œuvre qu’on peut qualifier d’expressionniste d'Otto DIX, peintre allemand, engagé
volontaire au début du conflit de la première
guerre mondiale et qui en revient révolté et pacifiste. Cette œuvre est donc celle d'un homme qui a
vécu l'horreur et l'inhumanité de la « Grande
Guerre » et qui témoigne de son expérience de
soldat en représentant un champ de bataille où la
mort et la cruauté règnent en maîtres. Otto DIX
réalise La Guerre entre 1929 et 1932 c'est à dire
plus de dix ans après l'armistice, à une période où
les idées nationalistes trouvent de nouveau une
place en Allemagne et où les gens commencent à
oublier les terribles souffrances apportées par la
guerre. C'est dans ce contexte particulier que le
peintre réalise cette œuvre afin de rappeler
l'extrême brutalité et la sauvagerie vécues pendant le conflit.
RETABLE D’ISSENHEIM 1513-1515
Mathias Grünewald (vers 1460-1528)
Musée Unterlinden de Colmar
Le retable est réalisé entre 1512 et 1516
pour la commanderie des Antonins d'Issenheim, d'où son nom. Il est démonté et entreposé à Colmar en 1793, lors de la Révolution
française, au musée national (ancien collège
royal des Jésuites) puis transféré, à son ouverture en 1853, au musée Unterlinden1.
Lors de la Première Guerre mondiale, il est
23
Cette œuvre composée de trois panneaux principaux est appelée triptyque. Il évoque avec son
triptyque une œuvre majeure de la Renaissance :
le RETABLE D’ISSENHEIM 1513-1515, de Mathias
Grünewald (voir encadré)
L’absence de perspective (atmosphérique pour les
3 panneaux et linéaire pour la prédelle) ne permet
pas au spectateur de poser son regard, de s’offrir
un moment de repos, l’horreur est partout.
CONCLUSION
Otto DIX cite très directement le retable d'IssenLa Guerre d’Otto DIX est une œuvre que l’on peut
heim :
qualifier d’engagée, c’est en quelque sorte un acte
- Organisation (triptyque, prédelle, absence de politique par lequel l’artiste énonce très claireprofondeur, personnage empalé qui fait référence ment son dégoût de la guerre et le pacifisme qui
au Christ)
en est la conséquence. Mais son intention ne se
limite pas à cette « déclaration de pacifisme » car
- réalisme des blessures, caractère expressif
il souhaite également nous convaincre, nous spectateurs, de l’horreur et de la bêtise de la guerre.
- format gigantesque pour susciter l’émotion
- référence religieuse car la fonction du triptyque C’est certainement pour cela qu’il se représente
est, entres autres, de protéger la ville (des mala- en sauveur : il est celui qui nous met en garde
contre la guerre et ses atrocités.
dies par exemple)
ÉLÉMENTS PLASTIQUES
Le retable d’Issenheim suite...
La couleur : dans cette œuvre Otto DIX utilise
principalement des nuances de rouge et de brun.
La couleur dominante est le brun, brun de la terre
des tranchées, environnement quotidien et unique
horizon des poilus. Le rouge est utilisé pour représenter tour à tour le ciel tourmenté sous lequel les
soldats partent au front (panneau de gauche),
l’amas de viscères ensanglanté (panneau central)
et le feu du champ de bataille (panneau de
droite). L’artiste choisit le rouge parce que c’est
une couleur organique (celle du sang) mais aussi
pour sa valeur symbolique ; dans notre culture le
rouge symbolise en effet le violence et parfois la
mort.
placé dans une salle blindée d'une banque
puis transféré à Munich le 13 février 1917
pour restauration (l'Alsace est alors allemande). Il reprend sa place au musée en
septembre 1919. Lors de la Seconde Guerre
mondiale, en 1939, il est caché au château
de Lafarge (près de Limoges) puis au château de Hautefort en Périgord. Suite à la capitulation française en 1940, le retable est
rapatrié au château du Haut-Kœnigsbourg
dans le plus grand secret. L'armée américaine le découvre en 1944 et, le 8 juillet
1945, le retourne à nouveau au musée, son
emplacement actuel.
Les couleurs sont sombres, ternes et sales comme
l’est l’univers guerrier que dépeint Otto DIX : une
guerre qui se déploie dans la boue et la crasse et
qui répand la violence et la mort.
La lumière : la principale touche de lumière se
trouve dans le panneau de droite dans lequel le
peintre éclaire grâce à l’emploi de couleurs claires
le personnage du sauveur. Cet éclairage puissant
guide notre regard de spectateur vers cette partie
importante de l’image, peut-être la plus importante pour l’artiste car elle est la seule à présenter
une part d’espérance et de vie.
La composition et la perspective
La succession d’images fonctionne comme un
cercle ; la guerre comme moment ou histoire qui
se répète à l’infini
Otto DIX, Les Joueurs de skat ou Invalides
24
de guerre jouant aux cartes, 1920, huile et
collage, 110 x 87 cm, Berlin.
Gerd ARNTZ « Das dritte reich », Le Troisième Reich, Caricature (1936)
Gerd ARNTZ est un peintre allemand
né en 1900 et décédé en 1988.
En 1920, il rejoint un groupe d’artistes
d ' e x t r ê m e
g a u c h e .
En 1934, après l'arrivée d'Hitler au
p o u v o i r ,
i l
s ' e x i l e
aux Pays-Bas, à La Haye.
En avril 1936, il grave la caricature intitulée « Das Dritte Reich » . Exposée
à Amsterdam, elle a été retirée de la
manifestation sur demande de
l’Ambassadeur d’Allemagne.
Véritable réaction à la propagande hitlérienne, elle résume parfaitement
l’Allemagne à la veille de la guerre .
Gerd Arntz 1931
Le dessin est divisé en 7 parties.
Chaque question porte sur une
partie.
Partie 1 :
a) Qui est ce personnage ?
b) Comment appelle-t-on le
geste qu’il fait ?
c) Comment ce personnage se
fait-il appeler ?
Partie 2 :
a) Comment appelle-t-on le dessin figurant sur ce drapeau ?
b) De quel parti est-il l’emblème ?
Partie 3 :
a) Quelle est la profession des
quatre personnages ?
b) Ils sont placés juste sous le
personnage central : qu'est-ce
que cela montre du IIIe Reich ?
Partie 4 :
a) Sur quel bâtiment est assis le
personnage n° 4?
b) Quelle catégorie sociale représente-t-il ?
1
Partie 5 :
a) Qui sont ces trois person2
nages debout ?
b) Que font-ils ?
Partie 6 :
Qu'est-ce qui est représenté
ici ?
Partie 7 :
6
a) Que représentent ces barbelés ?
b) Que symbolisent la hache
7
et le billot ?
Conclusion :
5
a) Quels sont les principaux
caractères du IIIe Reich, selon
Gerd Arntz ?
b) Quelles sont les principales
victimes de ce régime ?
3
4
25
Helmut Herzfeld, dit John Heartfield (né et décédé à Berlin,
1891-1968).
Aux côtés des dadaïstes berlinois.
Originaire de Berlin, John Heartfield (qui a anglicisé son vrai
nom, Helmut Herzfeld, dès 1916
en signe de protestation contre
la guerre) s’impose très vite
comme l’une des figures déterminantes de l’expression berlinoise du mouvement Dada (1).
[…] Surnommé le « Dadamonteur », John Heartfield
s’éloigne toutefois de Dada dès
l’année suivante pour s’engager
plus avant dans les rangs communistes.
« Et maintenant,
elle tourne ! »,
John Heartfield,
1943.
Un maître dans l’art du photomontage.
Précédée dans la seconde moitié
du XIXème siècle par une production d’images recourant à toutes
sortes de trucages photographiques et de superpositions de
clichés, la technique du photomontage a été mise au point par
les dadaïstes berlinois entre
1916 et 1918. […] Fondée sur la
notion de montage, cette technique procède de l’organisation
d’une image par juxtaposition de
photographies récupérées ici et
là, notamment dans la presse,
puis découpées et contrecollées
sur un support commun. […]
son activité à servir la cause révolutionnaire. Il s’invente un slogan Ŕ « Utilisez la photographie
comme une arme ! » Ŕ et mène
un combat acharné contre
l’ordre. […]
Répondez aux questions cidessous en veillant à justifier
vos réponses
1 / Quelle technique est privilégiée par John Heartfield ? Justifiez votre réponse en indiquant
les principaux éléments utilisés
Philippe Piguet, « 7 clefs pour
pour réaliser l’œuvre présentée
comprendre John Heartfield »,
ici.
L'Œil, n° 580, mai 2006.
2 / Quel mouvement artistique
(1) : « mouvement Dada » : Daa influencé John Heartfield ? En
da, dit aussi dadaïsme, est un
quoi cette influence est-elle vimouvement intellectuel, littésible dans l’œuvre présentée
raire et artistique qui, entre
ici ?
Et la photographie devient mili- 1916 et 1925, se caractérisa par
une remise en cause de toutes 3 / Quelle idéologie John Hearttante.
les conventions et contraintes field dénonce-t-il avec
cette
Dans la suite logique de leur enidéologiques, artistiques et poli- œuvre ? Sur quelles idées ou
gagement militant, le 31 détiques.
pratiques insiste-t-il ?
cembre 1918, John Heartfield et
4 / En conclusion : Expliquez
son frère Wieland, ainsi que
en quelques lignes le slogan inGeorges Grosz et le dramaturge
venté par John Heartfield, « UtiErwin Piscator, s’inscrivent au
lisez la photographie comme une
KPD (parti communiste allearme ! ».
mand), fondé la veille par Rosa
Luxembourg et Karl Liebknecht.
Dès lors, l’artiste consacre toute
26
rêve...
tude de symboles peuplent ses
Salvador Dali,
Métamorphose de Narcisse De nombreux artistes ont parti- tableaux. Sa femme Gala joue
un rôle clé dans un grand
Comment un artiste du XXème cipé à ce mouvement : André
nombre de ses tableaux. Il réasiècle s'approprie et réinter- Breton, Louis Aragon, Paul
lise aussi des modèles de bijoux
prète un mythe de l'Antiquité ? Eluard (écrivains) et Salvador
et de mobilier.
Dalí, René Magritte et Max
S. Dali, Métamorphose de NarErnst.(peintres). Ils s’entendent
cisse, 1937, huile sur toile,
entre eux pour révolutionner
50X78, the Tate Gallery à
l’art, la littérature et la société.
Londres
II. Salvador Dalí.
I. Le surréalisme.
Peintre catalan, l'un des princiLe surréalisme est un mouvepaux représentants du surréament artistique qui apparaît au
lisme. Il fait ses études à BarXXe
siècle et naît en France
celone et à Madrid. Au cours
au lendemain de la Première
d'un séjour à Paris, il entre en
Guerre mondiale. Il est défini
contact avec Picasso, Breton,
par André Breton comme
Eluard et Miro. Il s'intègre au
quelque chose d'automatique
groupe surréaliste. Sa peinture
qui servirait à exprimer le réel
à une forte composante psychafonctionnement de la pensée.
nalytique : par sa méthode de
Ce mouvement croit à la toutela « paranoïa critique », il propuissance du rêve.
cède à une transposition pictuLes situations sont décrites rale d'hallucinations vécues
avec réalisme, mais sont ir- dans des états de transe ; les
réelles, impossibles, issues du montres molles et une multi-
III. Historique
La toile fut réalisée en 19361937 alors que le peintre était
en pleine période surréaliste.
C'est une scène mythologique
dont l'histoire la plus détaillée
est rapportée dans les Métamorphoses d'Ovide.
IV. Le mythe
D'après Ovide, après une rencontre avec la nymphe Echo qui
ne put le séduire, Narcisse but
une eau limpide. Cependant, «
épris de son image qu'il aperçoit dans l'onde, il prête un
corps à l'ombre vaine qui le
27
captive : en extase devant lui-
même, il demeure, le visage
immobile comme une statue de
marbre de Paros » Narcisse
tomba amoureux de son reflet,
mais ne pouvant se séparer de
son corps, il se mit à pleurer.
Ses larmes troublèrent l'image
qui disparut. Narcisse se frappa
de désespoir, et, une fois l'eau
redevenue calme, il contempla
son reflet meurtri. Il se laissa
mourir se lamentant d'un « hélas » qu'Echo répéta inlassablement jusqu'à un dernier
« adieu » à laquelle la nymphe
répondit également. Lors de
son enterrement, on ne trouve
à sa place qu'une fleur jaune,
couronnée de feuilles blanches
au milieu de sa tige.
V. L'œuvre
Le peintre exploite une image
double issue de sa méthode en
représentant l'état précédant la
transformation de Narcisse à
gauche et sa transformation à
droite, utilisant le sens de lecture latin. À gauche le personnage aux contours imprécis se
reflète dans l'eau. Il est courbé
et sa tête est posée sur ses genoux, attendant la mort. À
droite, figure le double de
l'image après transformation.
Le personnage devient une
main fine et pierreuse qui sort
de terre. Elle porte sur ses trois
doigts réunis un immense œuf
d'où sort une narcisse. L'ongle
comme l'œuf sont brisés et le
groupe est représenté dans un
gris cadavérique et pierreux sur
lequel montent des fourmis.
En fond et au centre est représenté un groupe de huit
hommes et de femmes nus
éconduits par Narcisse.
28
Georges Pompidou à Paris. Le
peintre se lie au groupe surréaliste d’André Breton en 1924
mais s’en distancie dans les années 30. A travers cette peinture, André Masson met en
scène un personnage mythologique bien connu de l’antiquité
grecque : le Minotaure, monstre
au corps d’homme et à la tête
de taureau, enfermé par le roi
Minos dans un labyrinthe afin
d’être caché aux yeux du
monde. Cette figure hybride mihomme, mi-animal est également au XXème siècle la figure
de proue du surréalisme car elle
représente, sous l’influence de
la psychanalyse, le conflit entre
la conscience et l’inconscient. Minotaure est ainsi le
nom d’une revue surréaliste à
laquelle André Breton participe
et dont la couverture du premier numéro est réalisée par
Pablo Picasso.
Dans le surréalisme l'emprunt
mythologique est une manière
de faire retour sur un savoir archaïque, pulsionnel, afin d’aller
au-delà de la réalité et de la
rationalité. Dans Le Labyrinthe
de 1938, André Masson s’attache tout autant à peindre
l’intérieur du Minotaure que son
aspect extérieur. C’est véritablement d’une quête intérieure
dont il s’agit de transcrire le
cheminement et la pensée. Un
cheminement introspectif symbolisé par le dédale qui se
trouve dans cette peinture à
l’intérieur du Minotaure, créant
ainsi un jeu de mise en abîme
entre intérieur et extérieur. Visuellement, cette peinture
donne à voir quantité de
choses, de par la diversité de
André Masson, Le labyrinthe, Le labyrinthe d’André Masson
ses motifs qui nous pousse à
1938. Peinture. Huile sur toile, appartient au Musée national
29
multiplier les interprétations.
120 x 61 cm
d’art moderne du Centre
Ces formes semblant émerger
du hasard font apparaître des
figures morcelés que nous ne
sommes pas sûrs de distinguer
réellement.
« certaines formes d’associations
négligées » du « rêve » et du
« jeu désintéressé de la pensée ». Cette pensée désirant se
connaître en tant que pensée
fonctionne comme un absolu qui
fonde son autonomie par rapport
au réel mais qui, paradoxalement, le perçoit mieux, ou du
moins perçoit en lui ce qu’il y a
d’universel. C’est la quête d’universel inhérente au surréalisme
qui justifie la référence constante au mythe.
Préhistoire
Il y a chez les surréalistes une
volonté de montrer une réalité
intime du moi, à la fois distordue
et étrangement familière, par la
réappropriation du mythe
comme fondement de notre inconscient collectif. Dans Qu’estce-que le Surréalisme ? André
Breton le défini en ces termes :
« n. m. Automatisme psychique
pur par lequel on se propose
d’exprimer, soit verbalement,
soit par écrit, soit de toute autre
manière, le fonctionnement réel
de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en de-
hors de toute préoccupation esthétique ou morale. Encycl. Philos. Le surréalisme repose sur la
croyance à la réalité supérieure
de certaines formes d’associations négligées jusqu’à lui, à la
toute-puissance du rêve, au jeu
désintéressé de la pensée. Il
tend à ruiner définitivement tous
les autres mécanismes psychiques et à se substituer à eux
dans la résolution des principaux
problèmes de la vie. » Cet extrait du manifeste du surréalisme trace la voie de l’expression du « fonctionnement réel de
la pensée », il s’agit ainsi de
montrer comment la pensée
pense. Il y a également derrière
ce mouvement une « croyance »
en une « réalité supérieure »,
une surréalité dévoilée dans
Identifier et présenter l’œuvre
Création et culture
Espace et temps
Etat et pouvoir
Art, technique, expression
Art, rupture, continuité
Art de l’espace
Art du visuel
Type de réalisation :
Date de création :
(contexte)
Art du quotidien
Art du langage
Auteur/constructeur…
Art du son
(s’il est connu bref résu-
Art du spectacle vivant
mé de sa vie et de ses
Époque
moderne
Mythe et religion
À quel domaine appartient cette œuvre ?
Moyen-âge
À quelle thématique
l’œuvre peut-elle se
rattacher ?
œuvres) :
XXI°s
actuel :
XX°s
Lieu de conservation
Époque
contemporaine
XIX°s
Dimensions ou durée :
Période : (colorie la période qui correspond à cette œuvre)
Antiquité
Nom de l’œuvre :
30
Décrire et analyser l’œuvre : contrôlé par l'entreprise ? Com- maître, chef d'équipe, ouvriers
Support et /ou matériaux utili- ment la « machinisation » du spécialisés
corps est-elle mise en scène ?
sés :
Conclusion partielle : Chaplin,
Outils ou techniques utilisées :
Dans le champ historique et so- offre à travers son œuvre de ciQuel est le style de cette cial : Quels sont les codes so- néma une vision de l’organisaciaux ? Quelle appartenance tion structurelle de la grande
œuvre ?
Quel est/était le rôle, l’utilité, la identitaire ? (Image de l'ouvrier, usine et de l’OST durant l'âge
fonction de cette œuvre ? À qui image du patron). Comment la industriel.
est/était-elle
destinée
? critique sociale est-elle menée
Quelles images du film
témoi(Dévotion publique, privée, par la dérision ? Quelle est la
gnent
de
l'organisation
du
temps
signe de richesse, décoration,
place de l'artiste dans la sociésocial de l'ouvrier ? Quel procédé
protestation, propagande, …) (=
té ? Comment l'artiste témoignel’usage de l’œuvre)
est utilisé par l'artiste ?
t-il de son temps ? En quoi le
Qu’a voulu montrer l’artiste/ le
film est une œuvre majeure
créateur ou le commanditaire ?
dans l’histoire mondiale du 7
Donner son avis sur l’œuvre
art ?
Que t’inspire cette œuvre, que
Filmographie : «Play Time»,
ressens-tu en la regardant (aidetoi des mots de vocabulaire sui- Jacques Tati, 1967, « Brazil »,
vants en faisant des phrases : film de Terry Gillian, 1985.
beauté, admiration, étonnement,
: grande usine,
dégoût, interrogation, envie, bi- Vocabulaire
Thème du temps social organisé
zarre, fort, triste, surprenant, travail à la chaîne, taylorisation,
….) ?
organisation scientifique du tra- et contrôlé : le temps social de
l'ouvrier lié à la course à la proRecherches personnelles, autres vail, productivité, ouvrier spéciaductivité, contrôle strict du
lisé,
infos (autres réalisations semtemps de travail.
blables….) :
Vocabulaire des techniques du
cinéma : cadrage, plan, scène,
É t u d e d ’ e x t r a i t s d e s séquence, postsynchronisation
Temps modernes
Dernier film muet, alors que le
Quelle vision des rapports so- cinéma parlant existe depuis
ciaux au sein de l'entreprise et 1927).
de l'organisation du travail ChaPhase 1 : identification de la
plin donne-t-il à travers « Les
notion de grande usine et comQu’arrive-t-il à Charlot ? PourTemps Modernes ? »
préhension de l'OST organisation
quoi ? Comment la bande sonore
Objectifs de contenus
: nou- scientifique du travail dans l'âge
le traduit-elle ? Comment l’effet
veaux modes de production nés industriel)
comique est-il produit ?
de la taylorisation, objectifs de
Identification de l’action, des
Thème de l'aliénation engendrée
productivité d’une entreprise capersonnages et du lieu de propar la course à la production et
pitaliste libérale,
duction.
aboutissant à la crise de folie.
Objectifs méthodologiques
:
Résumez l’extrait proposé
Étude de la manière dont la relaanalyser des extraits filmiques
(action, lieu, personnages).
tion de l’ouvrier à la machine est
Notion : croissance
Identifiez ce type d'usine, sa montrée par Chaplin : accéléraDans le champ technique : thé- branche d'activité et sa structure tion des rythmes du travail à la
chaîne jusqu’à l’effacement de la
matique Art, sciences et tech- professionnelle.
personnalité par les gestes autoniques : « innovations scientiDescription du travail à la
matisés, absorption de l’ouvrier
fiques et techniques » De quelles
chaîne.
par la machine qui débouche sur
innovations dans le mode de
Description
de
la
structure
proune crise de folie.
production le film témoigne-t-il ?
31
Comment le temps est-il techni- fessionnelle pyramidale patron,
ingénieurs,
secrétaire,
contrequement organisé, planifié et
pondre.
tème par l'analyse de la scène de
la mouche (reprise du thème de
L'homme est privé de sa liberté,
la « mouche du coche ») Elément,
de ses organes, il est machinisé.
non gratuit,qui introduit au delà
du gag, le fait que cette organisation serrée des tâches est fragile
et peut-être soumise à des éléments hasardeux, qui échappent
à la prévision scientifique et rationnelle.
À un second niveau Charlot apparaît comme « la mouche du coche
Dans quels buts Chaplin introduit» du système
il la scène de la mouche ?
Chaplin utilise ses talents de cinéaste pour dénoncer la course à
la productivité et la déshumanisation de l’ouvrier imposée par le
système capitaliste
Quel type de plans Chaplin utiliset-il dans la scène de la machine à
Le film a suscité à sa sortie une
manger. Dans quels buts ?
controverse aux Etats-Unis ce qui
a valu à Chaplin d'être l'objet
Thème de la dérision: Dénoncia-
d'attaques politiques virulentes.
Le film a été interdit en Allemagne et en Italie.
tion de la course à la productivité
dans le système capitaliste libéral. l’utilisation de plans rapprochés pour exprimer la surprise et
l’impuissance de l’ouvrier livré à
la machine et à ses dysfonctionnements.
Chaplin présente dans ce film une
vision féroce de la société industrielle capitaliste où l'ouvrier spécialisé est devenu un simple
rouage du système de production,
exécutant des tâches mécaniques
aliénantes à tous les sens du
terme.
Que peut-on en déduire sur le
fonctionnement du système ?
Chaplin est un cinéaste engagé comme en témoigne un
autre de ses films : « the
great dictator » de 1940
Gag introduit par la gêne occasionnée dans l'exécution de la
tâche.
Les buts de gain de productivité
recherchés par le patron dans le Mise en évidence du dysfonctionsystème capitaliste et auxquels nement possible du système par
cette machine propose de ré- interruption du rythme d'exécution de la tâche qui entraîne l' intervention du chef d'équipe qui
tente de le rétablir
Echec révélant la fragilité d'un
système
Étude de la dérégulation du sys-
32
Quelques termes de
vocabulaire relatif
au cinéma...
Angle (de prise de vue) :
l’angle de prise de vue détermine le champ enregistré par la
caméra : il varie en fonction de
la place de la caméra par rapport
au sujet filmé.
enregistrés suivant un ordre prévu
Photogramme : un photogramme est l’une des images
(24 par seconde) constituant un
film
Plan : le plan est l’unité minimale du film (il faut plusieurs
plans pour former une scène,
Cadre : le cadre est la limite de d’autres encore pour construire
l’image ou du champ filmé. Ca- une séquence).
drer une image, c’est choisir les
Postproduction : la postproéléments visuels qui feront parduction est l’ensemble des opétie de l’image.
rations postérieures au tourChamp : le champ est l’espace nage : montage, bruitage,
embrassé par la caméra.
mixage, etc.
Contrechamp : le contrechamp
est la portion d’espace qui fait
face au champ. Un montage en
champ-contrechamp permet par
exemple de mettre en valeur des
personnages, des lieux…
Postsynchronisation : la postsynchronisation est l’opération
consistant à enregistrer en auditorium les dialogues, en synchronisme avec des images préalablement tournées.
Cinéaste : le cinéaste désigne le
maître d’œuvre principal d’un
film : le réalisateur ou le metteur
en scène.
Profondeur (de champ) : la
profondeur de champ est la portion d’espace dans laquelle tous
les détails de l’image sont nets :
elle peut-être plus ou moins proDécor : le décor est le cadre nafonde.
turel ou non dans lequel se déroule une action.
Scénario : le scénario est un
récit destiné à être filmé
Échelle des plans : l’échelle
des plans est la façon de cadrer Scène : dans la construction
un personnage (plan moyen, d’un film, la scène est un sousaméricain, rapproché, gros plan, ensemble de plans ayant trait à
etc.) ou un décor (plan général, un même lieu ou une même unigrand ensemble,plan d’en- té d’action.
semble, etc.).
Séquence : la séquence est
Fondu : le fondu est un procédé l’une des unités fondamentales
de montage permettant d’ouvrir de la grammaire cinématograou de fermer progressivement phique
: c’est une suite de
un plan, soit par un écran blanc scènes qui ne se déroulent pas
ou noir, ou encore une autre forcément dans le même décor,
image.
mais qui forme un tout.
Générique : le générique est la
fiche d’identité du film : il donne
la liste de tous ceux qui ont participé à sa fabrication.
Montage : le montage est
l’assemblage des divers plans
Travelling : le travelling est un
déplacement de caméra. L’objectif d’un travelling est soit de
suivre un sujet, soit de s’en rapprocher ou de s’en éloigner.
Couvertures de magazines
Norman Rockwell
33
Littérature et Photographie ou Comment la
photographie raconte
l’enfance…
Période historique : le XXème
siècle
Domaines artistiques : Arts du
langage (littérature) et arts du
visuel (photographie)
Thématique : Arts, Techniques,
Expressions
peaux de paille, était fait à la moi, si naturellement et si commaison. Jusqu'aux maillots de plètement à moi pour quelque
bain.
temps encore, j'ai dû me
plaindre des coquillages qui piQue d'attention, que d'heures de
quent les pieds, comme le font
travail pour me vêtir ainsi de la
tous les enfants ignorants de
tête aux pieds. Que d'amour
leurs richesses.
dans les mains qui prenaient
mes mesures, tricotaient sans
Anny DUPEREY, Le Voile Noir,
relâche. Est-ce pour me consoler
1992.
d'avoir perdu tout cela, pour me
rassurer que je passai des années à fabriquer mes propres
vêtements, plus tard ?
Et puis qu'importe ces histoires
de vêtements, de maniaquerie
couturière, et qu'importe cette si
vague réminiscence des maillots
qui grattent, si fugitive que déjà
je doute de l'avoir retrouvée un
instant... Ce qui me fascine sur
cette photo, m'émeut aux
Les enfants de
larmes, c'est la main de mon R o b e r t D O I S N E A U
père sur ma jambe. La manière
si tendre dont elle entoure mon
genou, légère mais prête à parer
toute chute, et ma petite main à
moi abandonnée sur son cou.
Ces deux mains, l'une qui soutient et l'autre qui se repose sur
lui.
Dans Le Voile noir, Anny Duperey se penche sur son enfance
marquée par la disparition accidentelle de ses parents alors
qu'elle n'avait que huit ans et
demi. La photo ci-dessus qui la
représente avec son père est extraite
de
ce
livre
Photographie de Lucien LeAprès la photo il a dû resserrer
gras*, Le Voile Noir, 1992
son étreinte, m'amener à plier
*il s'agit du père d’Anny Du- les genoux, j'ai dû me laisser
perey.
aller contre lui, confiante, et il a
L e s m a i l l o t s q u i g r a t t e n t dû me faire descendre du bateau
en disant "hop là", comme le
Oh ! Une réminiscence ! Un font tous les pères en emportant
vague, très vague souvenir leur enfant dans leurs bras pour
d'une sensation d'enfance : les sauter un obstacle.
maillots tricotés main qui grattent partout lorsqu'ils sont Nous avons dû gaiement remouillés... Ce n'est pas le plus joindre ma mère qui rangeait
agréable des souvenirs mais l'appareil photo et marcher tous
qu'importe, c'en est au moins les trois sur la plage. J'ai dû
vivre cela, oui...
un.
Et je suis frappée de constater
encore une fois, en regardant
sur ces photos les vêtements
que nous portons ma mère et
moi, que tout, absolument tout,
à part nos chaussures et les cha-
La photo me dit qu'il faisait
beau, qu'il y avait du vent dans
mes cheveux; que la lumière de
la côte normande devait être
magnifique ce jour-là.
Et entre mes deux parents à
Robert Doisneau dans son
atelier en 1983 © Peter Turnley
Messieurs de tout Ŕ Paris
« Dans les rues de Paris
l'enfant parle image et magie et
dans les images innées de
son
langage
imaginaire
l'enfant découvre le monde... »
À travers Prévert
(l'ami de Doisneau)
L’appareil photographique est
pour moi un carnet de croquis,
l’instrument de l’intuition et de la
spontanéité, le maître de l’instant qui, en termes visuels,
questionne et décide à la fois.
Pour « signifier » le monde, il
faut se sentir impliqué dans ce
que l’on découpe à travers le viseur. Cette attitude exige de 34
la
concentration, de la sensibilité,
un sens de la géométrie. C’est
par une économie de moyens et
surtout un oubli de soi-même
que l’on arrive à la simplicité
d’expression.
Photographier : c’est retenir son
souffle quand toutes nos facultés
convergent pour capter la réalité
fuyante ; c’est alors que la saisie
d’une image est une grande joie
physique et intellectuelle.
Photographier : c’est dans un
même instant et en une fraction
de seconde reconnaître un fait et
l’organisation rigoureuse de
formes perçues visuellement qui
expriment et signifient ce fait.
La voiture fondue, 1944
« Je ne puis jamais voir ou revoir
dans un film des acteurs dont je
sais qu’il sont morts, sans une
sorte de mélancolie : la mélancolie même de la photographie. » (p.124)
Le cadran scolaire, 1956
C’est mettre sur la même ligne
de mire la tête, l’œil et le cœur. « J’avais découvert cette photo
C’est une façon de vivre.
en remontant le temps (…) parti
de sa dernière image, prise l’été
Henry CARTIER-BRESSON
avant sa mort (si lasse, si noble,
(1908-2004) assise devant la porte de notre
« Toute ma vie je me suis amusé, je me suis fabriqué mon petit
théâtre. »
« Il est des jours où l'on ressent
le simple fait de voir comme un
véritable bonheur. »
L'information scolaire,
Paris, 1956
Robert Doisneau (1912-1994)
Barthes nomme deux éléments
qui suscitent son admiration de
la photo :
le studium (le goût pour quelqu’un ou quelque chose)
le punctum (la piqûre, un détail
poignant)
« ça a été »
Les tabliers de la rue de
Rivoli, Paris, 1978
La dent, Paris, 1956
maison, entourée de mes amis)
(…) je s uis arrivé, remontant
trois quarts de siècle, à l’image
d’une enfant : je regarde intensément vers le souverain Bien de
l’enfance, de la mère, de la mère
-enfant (…) ce mouvement de la
Photo (de l’ordre des photos), je
l’ai vécu dans la réalité. (…)
La première maitresse,
Paris 1935
Pendant sa maladie, je la soignais, lui tendais le bol de thé
qu’elle aimait parce qu’elle pouvait y boire plus commodément
que dans une tasse, elle était
devenue ma petite fille, rejoignant pour moi l’enfant essentielle qu’elle était sur la première
photo. (..) Elle, si forte, qui était
ma Loi intérieure, je la vivais
pour finir comme mon enfant
féminin (…) moi qui n’avais pas
procréé, j’avais, dans sa maladie
même, engendré ma mère. Elle
morte, je n’avais plus aucune
raison de m’accorder à la
marche du Vivant supérieur
(l’espèce). Ma particularité ne
pourrait jamais plus s’universali35
ser (sinon utopiquement, par
l’écriture, dont le projet, dès
lors, devait devenir l’unique but
de ma vie). Je ne pouvais plus
qu’attendre ma mort totale, indialectique. Voilà ce que je lisais
dans la Photographie du Jardin
d’Hiver. »
Roland BARTHES in
La Chambre claire
« Une naissance ? Photo ! Une
communion ? Photo ! Un mariage ? Photo ! Un travesti, une
nouvelle robe, un voyage, des
vacances, un repas mémorable,
un départ, un retour, une réunion d'amis, une compétition, un
meeting, une catastrophe ? Photo, photo, photo ! »
Emmanuel Sougez, « La photographie », article paru dans
Mieux vivre, n°5, mai 1938
Robert Doisneau Ŕ Le remorqueur du Champ de Mars 1943
« Mes photos ne sont pas des
revanches contre la mort et je
ne me connais pas d’angoisse
existentielle. Je ne sais même
pas où je vais, sauf au-devant Ŕ
plus ou moins fortuitement Ŕ de
choses ou de gens que j’aime,
qui m’intéressent ou me dérangent. »
« La majorité de mes photographies sont composées en hauteur, car je travaille en surplomb
pour faire émerger les différents
plans distinctement. C’est pour
moi comme les trois ou quatre
portées d’une fugue de Bach. »
Willy Ronis.
Robert Doisneau, le baiser de l’hôtel de ville, 1950
Les pains de Picasso,
Vallauris, 1952
© Atelier Robert Doisneau courtesy
of GAMMA-RAPHO
Agency
Robert DOISNEAU
Marguerite DURAS au Petit Saint Benoît
PARIS , 1952
36
Sitographie
Histoire de la photographie :
http://www.museedelaphoto.fr/?
page_id=1522
Littérature et photographie :
La Chambre claire,(1980) de
Roland BARTHES
Photographes http://www.robertdoisneau.com/fr/atelier/
http://www.espritsnomades.com/
artsplastiques/ronis/ronis.html
http://monsieurphoto.free.fr index.php?menu=1&Id=3&ss_menu=1
Analyse de photographies
http://jeanpaul.desgoutte.pagespersoorange.fr/ressources/son_image/
semio/Bhv.htm
http://www.er.uqam.ca/nobel/
r33554/accueil/guantanamo.html
Robert Capa
GI tué par un sniper allemand, Leipzig, Allemagne, 18 avril
1945
Edouard
BOUBAT
Willy RONIS
Le Petit Parisien
Paris, 1952
Rémi
écoutant
la
mer,
août 1955
Marc RIBOUD
Yasnaya Polyana,
1960
Henri CARTIER-BRESSON
Rue Mouffetard, Paris, 1954
37
Ces photographies jouent sur
l’ambiguïté entre les registres,
autoportraits et clichés télévisuels se mêlent comme vérité et
fiction.
Cindy Sherman, Untitled film elle-même, seule, sous les traits
stills #10, 1980. Photographie d’une héroïne de cinéma, faminoir et blanc, 40.6 x 50.8 cm
lière mais non identifiable, dans
un cadre approprié. Les personCette photographie en noir et
nages sont variés, allant de la
blanc met en scène une femme,
femme au foyer à la femme fadans sa cuisine, à genoux mais
tale.
regardant en haut à droite, alors
qu’elle ramasse une douzaine L’identité des différents rôles
d’œufs d’un sac de provision gi- qu’elle adopte n’est pas précisée,
sant par terre, à moitié déchiré. laissant la liberté au spectateur
Cette scène d’intérieur banale, de construire son propre récit.
donnant à voir une américaine à Une neutralité revendiquée
l’ère des début de la société de quand l’artiste photographe déconsommation, est étrangement clare : « Bien que je n'aie jamais
familière tant elle convoque des considéré mon œuvre comme
stéréotypes puissants produits féministe ou comme une déclapar l’univers des « stills », ces ration politique, il est certain que
films de serie B des années 50. tout ce qui s'y trouve a été desCette photographie de Cindy siné à partir de mes observaSherman s’inscrit plus largement tions en tant que femme dans
dans la série Untitled Film Stills cette culture. »
composée de soixante-neuf phoCindy Sherman interroge la notographies de petit format noir
tion d’identité en incarnant des
et blanc mélangeant surréalisme
personnages qui ont un rôle sokitsch et univers télévisuel, dans
cial de façon à montrer comment
lesquelles l’artiste incarne tous
ces fantasmes produits et diffutypes de personnages féminins
sés par les médias, construisent
issus de films noirs ou de série
l’identité de la femme en généB. Ces fictions, que l’artiste réinral. L’image reproduite technivestit dans sa pratique photograquement à l’échelle industrielle
phique de 1977 à 1980, ne sont
crée des stéréotypes influençant
pas choisies au hasard. Elles véla société tout autant que l’art.
hiculent divers modèles d’identiL’artificialité des personnages est
tés féminines, à des jeunes filles
mise en avant, bien qu’un cerde la génération du baby-boom
tain charme s’opère ; dû à l’effiayant grandi devant la télévicacité évocatrice produite par les
sion, comme autant d’indices de
différents univers et aux codes
leur vie future. Dans ces photoidentitaires leur étant propres.
graphies, Sherman se représente
38
Rosie the riveter
1943
(Rosie la rivet e u s e )
Rosie the riveter
1943
Photo © Credit Curtis Publishing,
Indianapolis, IN
« Rosie the
riverter » est
le personnage
d'une affiche
créée par l'armée
américaine : une
femme
aux
manches
retroussées laissant
apparaître des bras
musclés sous
le slogan « We
can do it ».
Cette
campagne de publicité devant
encourager les
femmes à aller
travailler dans
l'industrie
lourde
pour
répondre aux
besoins de la
s e c o n d e
guerre
mondiale.
côté
de
ce
personnage
emblématique
et a donc publié cette couverture
en
1943.
Soucieux
de
p e i n d r e
chaque
élément de la vie
américaine,
Norman Rockwell ne pouvait passer à
39
Arts, états
et pouvoir
Arts, mythes
et religions
Arts, techniques,
expressions
Arts, rupture,
continuité
XVIIIe et
XIXe s.
Norman Rockwell a peint
cette huile sur toile en
1958, à la demande
d’un journal, The Saturday Evening Post (pour
illustrer sa couverture).
La peinture originale est
conservée au Norman
Rockwell
Museum
à
Stockbridge
(EtatsUnis). L’auteur : Norman Rockwell (18941978) illustre son premier livre (à 16 ans), et
collabore avec le mouvement des boy-scouts,
en illustrant leur revue
Boys' life.
De l’Antiquité
Au IXe s.
Art, espace,
temps
Du IXes. à la
fin du XVIIe s
Art, créations,
cultures
Le XXe siècle
et notre époque
Le 20 mai 1916, parait
sa première couverture
pour le magazine The
Saturday Evening Post.
Il devient dès lors le
peintre de l'américain
moyen et réalise les
plus célèbres illustrations de cette revue jusqu’en 1963. Norman
Rockwell illustre aussi
les romans de
Mark
Twain(les aventures de
Tom
Sawyer
et Before the shot (Avant la piqûre), Norman Rockwell 1958,
d’Huckleberry Finn), ré- Peinture reproduite pour la couverture du Saturday Evening Post du 15
alise
des
publicités mars 58. Huile sur toile
Arts de l’espace
(Coca Cola, Kellog’s…).
Dans les années 1950, il
est considéré comme le
plus populaire des artistes
américains
et
peint même des portraits d’hommes politiques (Kennedy, Eisenhower).
au profit de la photogra- lendriers des boy-scouts
Arts du son
phie et le changement jusqu'en 1976.
de directeur artistique
Norman Rockwell est
Arts du langage
amène Rockwell à quit- l'héritier de la tradition
ter le Saturday Evening « naturaliste » améri- Arts du quotidien
Post. Par la suite, il caine du XIXe siècle. .
travaillera pour la reArts du visuel
vue Look, réalisera des
Les années 1960 voient affiches
Arts du spectacle
40
le déclin de l'illustration
vivant
publicitaires et les ca-
Mais sa peinture est représentative d'une nouvelle manière qui
s'imposera avec l'essor des magazines illustrés entre les années
1920 et 1950. Par son style précis et méticuleux, il annonce
l'hyperréalisme.
À partir des années 1930, Rockwell ajoute un nouvel auxiliaire à
son travail, la photographie, ce
qui lui permet de travailler avec
ses modèles sans leur imposer
des temps de pose trop longs. Le
procédé aura une influence sur
son œuvre en orientant sa peinture vers le photoréalisme.
son sujet et réalisait plusieurs
croquis pour élaborer une idée. Il
réalisait ensuite, au fusain, un
dessin très précis au format
identique à celui de la toile définitive. Il reportait ce dessin sur
la toile et commençait la peinture proprement dite (il peignait
à la peinture à l'huile très diluée
à l'essence, chaque couche était
recouverte de vernis). Il utilisait
du vernis, ce qui aura des conséquences néfastes pour la conservation de certaines de ses toiles,
Supermarket Lady,
le vernis jaunissant de manière
Duane
Hanson (1969)
irrémédiable.
Sa méthode changera dans les
années 1930 : il copie alors des
photographies qu'il avait conçues et minutieusement réalisées, en collaboration avec différents photographes et en utilisant voisins et amis comme
modèles. Cela évitait les poses
trop longues des modèles.
166 x 130 x 65 cm
Le style de Norman Rockwell a
été qualifié de narratif. Comme
illustrateur, il faisait en sorte que
ses oeuvres soient en parfaite
correspondance avec les textes
qu'il illustrait. Pour ses couvertures de magazines, chaque détail avait un rôle dans la narration de la scène. Il use aussi de
la caricature pour accentuer le Dans tous les cas, il cherchait à
caractère comique de certaines reproduire la réalité avec une
situations.
extrême précision, avec une
grande minutie : il appartient
Tendresse, nostalgie, attention
aux « détails » caractérise son d o n c
à
l’hyperréalisme
œuvre qui est une représenta- (mouvement artistique américain
tion de l'american way of life.
des années 1950-1960, appelé
aussi « photorealism »).
Le contexte de l’œuvre
Cette sculpture « grandeur naCette peinture a été réalisée 3
ture », a été réalisée en résine
ans après la mise au point du
de polyester, puis peinte avec de
vaccin contre la poliomyélite
la peinture acrylique (tous les
(1955) par un médecin améripetits détails sont représentés,
cain
comme les veines par exemple).
et à l’époque des grandes camLa structure a été moulée direcpagnes de vaccination gratuite
tement sur le corps d’un modèle
destinées aux enfants, organiavec des bandes de silicones sur
sées par les Etats contre cette
lesquelles il coule de la résine de
maladie. Cette peinture té- polyester.
moigne donc de l’innovation méSupermarket Lady
porte de
dicale des années 1950.
vrais vêtements, possède
de
Les techniques et le domaine vrais cheveux et des yeux de
artistique
verre.
un regard critique sur la société
de consommation. Avec l'apparition du supermarché, la ménagère achète tout au même endroit et le caddie a remplacé le
panier.
Dans les années 1920, Norman Elle illustre la société américaine
Rockwell commençait par choisir des années 1960 en portant
41
Duane Hanson est un représentant du mouvement artistique
que l’on appelle l’hyperréalisme
apparu aux Etats-Unis en 1965.
Les hyperréalistes cherchent à
reproduire la réalité
avec la
même précision que la photographie.
La sculpture Supermarket Lady
est une représentation très crue
de la société de consommation.
Young Shopper.
Duane HANSON 1973.
fibre de verre, polyester, vêtements sur
moulages en plâtre.
Saatchi Gallery,
Londres
« C'est par l'Art et par l'Art seul, que nous pouvons réaliser notre perfection ; par l'Art, et par
l'Art seul que nous pouvons nous défendre des périls sordides de l'existence réelle. »
Oscar Wilde
Le souci, déjà présent dans les «
Achromes », de
faire des tableaux
« invisibles », conduit Manzoni à réaliser des œuvres
enfermées dans
des boîtes. Ce
sont d’abord les
Linee[« Lignes »]
à partir de 1959,
rouleaux de papier
de longueurs diverses (de 1,76 à
7 200 mètres) sur
lesquels ont été
tracées des lignes,
incarnations du
dessin, qui se
voient ainsi enfermées dans des
tubes étiquetés.
L’idée se substitue
à la forme, dissimulée par la paroi
qui non seulement
empêche la contemplation effective de l’œuvre,
mais surtout met
en jeu la confiance
du spectateur,
obligé de croire
l’artiste sur la
base de sa bonne
foi. La série la plus
scandaleuse de
Manzoni est celle
de la « Merda
d’artista », quatrevingt-dix boîtes de
conserve contenant trente
grammes de ses
propres excréments, vendues
chaque jour au
poids selon le
cours de l’or. On
le voit bien, Manzoni poursuit dans
cette œuvre l’exploration de
l’assertion artistique qui voudrait
que signature
vaille création,
moquant tant que
la renforçant la
figure d’un artiste
enfant terrible
mais chéri de la
société. Cependant, il faut surtout voir dans la «
Merda d’artista »
une tentative poétique de faire de la
trace la plus
simple et la plus
triviale de
l’homme, un chefd’œuvre. Mystification du geste
artistique, goût de
l’ironie et conscience aiguë de la
société de
l’époque comme
des lois du marché
font ainsi de Manzoni, sur quelques
questions délicates
relatives à la nature de l’art, un
précurseur.
Dorothée Dupuis
Merda d'artista
reproduction d'une
œuvre ©
(diffusion RMN)©
Adagp, Paris
Type : Image
Source : Musée
national d'art moderne / Centre de
création industrielle
Piero Manzoni
(1933 - 1963)
Merda d'artista
(Merde d'artiste)
Fer-blanc, papier
N.° 31
Réalisée à Milan
Boîte de conserve
avec étiquette imprimée
Don Liliane et Michel DurandDessert, 1994
Numéro d'inventaire : AM 1994100
Extrait du catalogue Collection
art contemporain La collection du
Centre Pompidou,
5 x cm Diamètre :
Musée national
6,5 cm
d'art moderne,
Inscriptions : Sisous la direction
gnée et numérode Sophie Duplaix,
tée au cachet sur Paris, Centre Pomle couvercle :
pidou, 2007
Piero Manzoni /
42
siens inspiré par le mouvement
de 68. Ce mouvement de renaissance culturelle sera composé de personnalités telles que
Henri Hiro, Rigobert Temanupaiura, John Mairai, Coco Hotahota, Vaihere et Heipua Bordes.
Chacun dans son domaine culturel, le théâtre, la poésie, la
médecine traditionnelle, l'art de
la danse, la peinture, le chant,
s'investira pour redonner la
fierté d'être Maohi. Ce mouvement Identitaire auquel participe Bobby, est une révolution
culturelle, car elle dénonce la
colonisation française, les essais nucléaires, l'évangélisation,
pour valoriser l'identité Ma'ohi
sa langue, son savoir faire, son
agriculture sa spiritualité...
entre autres
Taaroa, Dieu créateur
peinture acrylique
58 cm x 50 cm
Bobby Holcomb est né en 1947
à Honolulu à Hawaii dans l'île
de Oahu, d'un père noir originaire de l'État américain de
Géorgie et d'une Hawaiienne mi
-portugaise, et décédé le 15
février 1991 à Huahine, Polynésie française. Il est un des artistes les plus renommés de Polynésie française.
Il passe une bonne partie de
son enfance à faire des claquettes dans les décombres de
Pearl Harbor. À l'âge de 11 ans,
il rentre à la School of music
and danse de Los Angeles près
du ghetto noir de Watts.
1980. Doué pour la danse, la
peinture, le chant et la composition musicale, l'artiste s'exprime dans un premier temps,
avec une force égale dans chacun de ces domaines. Il évolue
aux États-Unis auprès de Frank
Zappa, en Europe auprès de
Salvador Dalí et participe aux
groupes pop français tels que
Zig Zag Community et Johane
of Arch qu'il a créé avec des
musiciens tels que Sylvain Duplant
(Alice),
Jean-Pierre
Auffredo (Alice), Éric Estève.
Bobby arrive à Tahiti en 1976
et décide rapidement de s'installer dans le village de Maeva à
Huahine.
Il s'investira dans la renaissance et l'éveil culturel du
Personnalité hors du commun peuple Maohi, au sein du
de la musique et de la peinture « pupu Arioi » groupe de troudurant les années 1970 et badours, intellectuels polyné-
Pour ce qui est de la musique,
Bobby enregistra d'abord au
studio Arevareva, notamment
la pièce « Bobby's House » sortie aussi en cassette sur laquelle il reprit avec Maire Tavaearii la vieille chanson de Joséphine Baker, l'adaptant pour
la tourner en « J'ai deux
amours : mon pays c'est la Polynésie ». C'est en 1985 qu'il
perça auprès du grand public
après avoir remporté avec
« Orio » le concours de chant
organisé par François Nanai.
Ceci lui valut un contrat avec la
société Océane Production, 43
et
sa popularité devint alors telle
qu'il remporta haut la main le
titre de « Homme de l'Année
1990 » selon le vote des auditeurs de RFO et des lecteurs de
La Dépêche. Son score à cette
élection sera plus élevé que de
nombreux hommes politiques.
C'est ainsi que certains ministres tenteront de le faire expulser de la Polynésie Française, mais n'obtiendront pas la
majorité au sein du conseil des
ministres, pour exécuter l'expulsion. Bobby Holcomb restera
jusqu'à sa mort un citoyen
américain. Il refusera la citoyenneté française en signe de
protestation contre les essais
nucléaires, ainsi que le colonialisme français en Polynésie. Il
aurait souhaité appartenir à un
triangle polynésien, te moana
nui a hiva, libre et indépendant.
Malheureusement, ce triangle
polynésien qui regroupe sur un
vaste territoire le peuple
ma'ohi, allant de Hawaï, à la
Nouvelle-Zélande jusqu'à l'Île
de Paques, ce territoire a été
divisé par les puissances coloniales, anglaises, américaines,
françaises, chiliennes, entre
autres.
suites d'un cancer. Sa tombe se
trouve à la base de la montagne sacrée Mou'a Tapu, à
Huahine. Avec Barthélemy et
Angelo, il est considéré comme
un des artistes polynésiens les
plus populaires. Il représente
toujours un mythe pour de
Ruahatu, dieu de l’océan
nombreux polynésiens.
Son succès musical est lié au
fait qu'il a su mixer la musique
Reggae aux mélodies tahitiennes, en s'exprimant dans la
langue Ma'ohi. Mais surtout qu'il
a su faire passer des messages
relatifs à l'environnement,
l'amour du prochain, le savoirêtre ma'ohi, le respect de dieux
originaires.
Ami de l'artiste peintre Vaea
Sylvain, c'est en Polynésie française que son expression graphique lui permettra d'atteindre
une notoriété particulière et incontestable peu avant sa disparition le 15 février 1991 des
44
pique, artiste dans l’âme, une
silhouette familière au détour
d’un manguier centenaire, un
observateur incomparable de la
nature dont il dessine les secrets
d’une pointe d’encre de chine, un
homme ancré dans sa culture et
son époque pour qui les rapports
humains sont les mêmes, que
cause pour laquelle il ne ménage
vous soyez simple pêcheur ou
pas ses efforts, lui, si proche de
ministre. Léon est libre, détaché
la nature à qui il a dédié l’essende toute ambition matérialiste ou
tiel de son œuvre.
« Te uru et te i’a »
Décembre 2002
Léon Taerea
Type : Encre de Chine
Taille : 0,35 x 0,43 m
Léon Taerea, artiste polynésien
atypique, est assez difficile à
amener à exposer ses œuvres. Il
est d’abord très difficile à trouver, car cet amoureux de la nature est constamment au cœur
de Tahiti, dans les montagnes ou
dans les îles. Par ailleurs, ses
tableaux trouvent souvent acquéreur avant même d’être
achevés.
Ta'ere'a: La
légende du 'uru
dessin à l'encre
de chine 42 cm
x 56 cm.
Longtemps professeur de dessin
au Centre des Métiers d’Art de
Papeete, Léon Taerea vit depuis
de nombreuses années de son
art dans la plus grande discrétion. Porteur d’oranges et chasseur, c’est un amoureux inconditionnel de la nature, ce qui
transparaît dans les plus petits
détails de ses encres de Chine et
peintures.
Léon, serait-il Léon sans son
chapeau et ses brins de miri,
sans son éternel « taho » à la autre ; il avance dans la vie, son
carnet de croquis dans son pa- Source: http://
main, sans ses éclats de rire ?
nier marché et lorsqu’il a deux www.maisondelaculture.pf/
À la fois nonchalant et opiniâtre
oranges, il vous en offre une. La
dans ce qu’il entreprend, Léon
protection de l’environnement
Taerea est un personnage atyest devenu, au fil du temps, une
45
Kāne héros dans leurs exploits fabu- autres, sans se rendre compte
Hina de
Herb Kawainui
(1928-2011)
leux. Néanmoins, elle est, le que la prophétie venait de s'acplus souvent, associée à la lé- complir. Assoiffée, elle colla ses
gende du cocotier. Cette lé- lèvres sur la bouche de la noix
gende raconte que, le jour de de coco pour boire...
ses noces, Hina s’enfuit à la vue
de son prétendant, le prince
des anguilles. Elle se réfugia à
Vairao, auprès du légendaire
Maui, qui la prit sous sa protection. L’anguille parvint à retrouver Hina, mais Maui réussit à le
Herb Kawainui Kāne (19282011)
tuer en lui coupant la tête. La
Hina, huile sur toile, 2007,
Isaacs Art Center à
Kamuela,
Big Island.
tête dit alors à Hina : “A partir
81cm x 81cm
serez sur la bouche. Je meurs,
(32 pouces par 32 pouces).
mais tu seras quand même
de ce jour, tous les hommes, et
toi la première, vous m'embras-
Hina de Herb Kawainui Kāne mienne par le baiser éternelle(1928-2011)
Herb
Kawainui
ment”. Maui enveloppa aussitôt
Kāne
(1928-
2011) était un artiste et historien américain, passionné de
culture hawaiienne et spécialiste de la navigation traditionnelle
polynésienne.
Hina
est
l’une des divinités féminines les
plus importantes de la mythologie polynésienne. La déesse Hina (également appelée “Hine”)
est connue pour ses multiples
facettes et est représentée de
manière différente selon les cultures polynésiennes mais aussi
selon les historiens et chercheurs.
À Tahiti, Hina est liée à la légende de Maui et au cycle héroïque polynésien (Hiro, Tafa’i,
etc.), apportant son aide à ces
la tête dans des feuilles de bananiers et confia le paquet à
Hina pour qu’elle le détruise. Il
lui dit également qu’elle ne devait surtout pas poser la tête
sur le sol ! Mais Hina finit par
oublier le conseil de Maui et posa le paquet au sol. Aussitôt, la
terre s'ouvrit et engloutit la tête
de l'anguille. Un arbre étrange
De manière plus générale, dans
la culture polynésienne, Hina
représente, avant tout, la force
féminine.
Hina est le plus souvent associée à la lune. Ainsi, comme la
lune,
cocotier
venait
ses
différentes
phases lunaires, Hina possède,
elle aussi, plusieurs visages :
elle incarne tantôt la mort en
période de nouvelle lune, tantôt
la force spirituelle en période de
pleine lune. D’ailleurs, on ne
s’étonnera pas qu’en langue hawaiienne, « mahina » désigne
la lune, mais aussi le mois, ce
qui renforce l’idée que Hina incarne, à sa manière, le cycle de
la vie. Cette image de renouvellement constant et de renaissance
explique
probablement
certaines descriptions de Hina
en tant que guérisseuse, apportant apaisement et réconfort.
apparut et se mit à grandir : le Hina
premier
avec
est
également
connue
de pour son savoir-faire artisanal.
naître... Une grande sécheresse Son pouvoir de créativité se
fit que bientôt, toute eau douce traduit par son expertise dans
vint à disparaître. Les fruits de l’art du tapa (ou « kapa »), le
l'arbre qui contenaient une eau tapa étant une étoffe végétale
claire et sucrée, étaient mar- obtenue par la technique de
qués de 3 taches disposées l’écorce battue, utilisée comme
comme
1
yeux...
Hina
bouche
fit
et
comme
2 vêtement, drap ou couverture.
les
46
Ce précieux textile apporterait d’un monde moderne.
alors
conscience
et
connais-
sance.
Les éloges au sujet de la déesse
Hina ne manquent pas : générosité, sagesse et perspicacité
font partie des qualités qui lui
Pour plus d’informations :
« Goddess Hina » : http://
j o u r n e y i n g t o t h e goddess.wordpress.com/2012
/07/20/goddess-hina/
sont attribuées. Pour certains, « Hawaiian goddesses »:
elle maîtriserait même l’art de http://www.huna.org/html/
la médiation et de la communi- hawaiian_goddesses.html
cation. Hina serait alors symbole de courage et d’espoir,
même lorsque la mort ou la déchéance surviennent.
Dans l’oeuvre de Kāne, la
La légende du cocotier :
http://www.tahitiheritage.pf/
Hina, by
Lisa Hunt
fiche-hina-ou-la-lgende-ducocotier-25218.htm
déesse Hina porte une couronne Herb Kāne’s biography :
de feuilles de patates douces http://
sur la tête, et une couronne de isaacsartcenter.hpa.edu/
fleurs
blanches
en
formes taxonomy/term/61
d’étoiles appelées pua’ala, autour du cou. Hina utilise l’écorce
de mûrier pour fabriquer une
étoffe de tapa blanche, qui se
transforme peu à peu en un
Hina, by Joanna Carolan
voile nuageux puis en nuages
disséminés dans un ciel étoilé…
Hina, comme d’autres figures
mythologiques
polyné-
siennes, incarne les valeurs et
Hina, by DietrichVarez
traditions de la culture polynésienne et est représentée dans
de nombreuses œuvres artistiques. De cette manière, l'art
devient
non
seulement
une
forme d'expression, mais aussi
Hina, by
un outil de survie pour la culture locale. En d’autres termes,
l’art peut devenir un moyen de
maintenir au quotidien les pratiques traditionnelles au sein
Hina, by Susan Seddon Boulet
Lisa Hunt.
Herb Kāne’s website : http://
www.herbkanehawaii.com/
index.html
47
Les œuvres étudiées sont :
Within you without you des Beatles
http://www.youtube.com/watch?
v=p4G2RlBKbrM
Satisfaction, des Rolling Stones
http://www.youtube.com/watch?
v=qXcNQTa3zgs
LA
MUSIQUE
POP,
UN MOUVEMENT EN
MARCHE
NAISSANCE D'UNE
CULTURE DE MASSE
L
a Pop, la culture Pop, la musique Pop,
des objets de consommation comme des garderai bien de faire un lien entre ces
motos, des blousons et surtout de la mu- trois dernières occupations). Ils étaient
appelés les enfants des fleurs, "children
sique.
flowers".
A cette époque agitée, la musique rock
était en plein essor et sa commercialisation Maintenant, ne pensez-pas que Hippie
avait pour but, avant tout, de divertir une rime avec oisiveté ? Si le travail de la najeunesse qui se cherchait. Au début des ture est, avec le plaisir de la musique, les
années 60, les liens de plus en plus pivots importants de l'évolution de ce mouproches entre le mouvement Pop et la vement, il ne faut pas oublier que par la
"contre-culture" éleva la musique à un ni- suite, les "ex-hippies" ont été à l'origine du
veau commercial jamais atteint, au point de phénomène des mouvements communaudevenir l'objet de toutes les attentions pour taires. Leurs luttes contre la société établie
l'industrie discographique. Quand on ima- et la solitude se poursuivirent pendant les
gine qu'il suffisait de vendre 10.000 exem- années 70.
plaires à cette époque, aux Etats-Unis,
pour rentabiliser un 33 tours produit par les
NAISSANCE D'UNE MUSIQUE...
grosses firmes… on croit rêver !
LA "MUSIQUE POP"
Entre 1960 et 1970, le chiffre d'affaire
passe de 800 millions à 2 milliards (en
1970). Le cinéma vient confirmer cet essor C'est à San Francisco, berceau du mouveavec des films qui sont devenus "cultes" et ment Hippie, et à Londres que la musique
réalisés dans des conditions "live" : festival Pop surgit avec le plus de force. On peut
de Woodstock, Monterey, Altmont, île de situer son point culminant en 1967 et 1968.
Wight… Des salles de concert deviennent Ce mouvement musical servit de porte-voix
célèbres : Avalon, Filmore, Royal Albert à la "contre-culture". Ce qu'il y a d'étonnant
Hall… et entrent rapidement dans l'histoire dans cette tendance musicale, c'est que
de
la
musique
Pop. les plus connus ne sont pas forcément les
Jusqu'au début des années 80, l'industrie plus grands. Si je devais citer le nombre
discographique reste à l'apogée, tandis d'artistes ou de formations nés à cette
que le mouvement Pop disparaît. Récu- époque, la liste serait longue. Citons quand
sant la commercialisation qui lui apparaît même, parmi les plus représentatifs du
comme le reflet d'une société de consom- genre musical pop : Crosby, Stills, Nash
mation, la musique Pop devient en and Young, Santana, The Doors, The
quelques années un mouvement de pro- Who, Jimi Hendrix, The Byrds, Janis
testation dite "contre-culturelle"… ce qui lui Joplin, Led Zeppelin…
vaudra quelques années plus tard, sa
perte.
toutes ces expressions sont courantes de
nos jours, mais dans nos esprits restent un
peu confuses. Pop… vient de l'expression
anglaise "Popular art". La Pop désigne un
ensemble d'images Populaires englobant
tour à tour la publicité, la télévision, le cinéma, les superstars, etc… tout ce qui est
accepté et consommé comme étant la manifestation
d'un
désir
populaire.
Le "Popular art" est lié à un système industriel de consommation et à un contexte
sociologique bien particulier. Les images
de la culture populaire produites pour les
masses sont distribuées par les divers
moyens de communication : la télévision
en
tête.
Depuis la fin des années cinquante, notre
LE MOUVEMENT POP...
civilisation s'appuie sur la consommation à OBJET DE LA "CONTRE-CULTURE"
partir de laquelle se développent tous les
modes et les styles. La peinture, la musique, l'art dans son ensemble se consomment comme des produits "comestibles".
Les images de la rue, les médias nous
apportent les messages des changements
et des transformations de la société. Jour
après jour, de nouvelles stars naissent et
s'offrent à nous en tant que modèles à
imiter. Un sandwich comme une bouteille
de coca-cola sont transformés en œuvres
d'art et deviennent les exemples d'une
nouvelle tendance… les nouveaux objets
d'un art de consommation, d'une culture de
a "contre-culture hippy" naquit au mimasse.
lieu des années 60 à San Francisco. Elle
se répandit rapidement à travers des
UNE QUESTION D'ARGENT
groupes de jeunes qui se réunissaient et
Dans le monde de la Pop, la musique a été dont le nombre allait toujours en s'amplicertainement l'un des courants majeurs les fiant. La phrase était lâchée… la société ne
plus représentatifs au niveau de la jeu- nous rend pas heureux, elle fait de nous
nesse. L'industrie, à la fin des années 50, des individus broyés… nous sommes les
toujours à la recherche de rentabilité et rouages d'un système qui nous opprime.
après bien des efforts pour surmonter les Les slogans ou les phrases entendus ici ou
difficultés de l'après-guerre, voyait dans la là étaient sans avenir.
L
nouvelle génération une clientèle économique de plus en plus indépendante. Bien
que les "teen-agers" disposaient d'argent,
ils ne pouvaient rien se procurer qui leur fût
propre : clubs, vêtements, etc. Certains
hommes d'affaires comprirent ces besoins
d'identité réclamés par cette nouvelle jeunesse et lui offrit les moyens de s'acheter
Cette naïveté et ce mode de vie à base
d'amour, à contre-courant de tout acte
"violent" se traduisaient pour certains par
des activités manuelles, artisanales, culturelles ou liées au travail de la terre et consistaient pour d'autres à absorber des
drogues modifiant l'état de conscience et à
écouter ou composer de la musique (je me
La musique Pop était portée par un mysticisme important, où les musiciens et les
auteurs devenaient des apôtres, porteurs
de paix et de partage ou bien des chamans
reliés au cosmos par un fil magique avec
l'intime conviction que leur parole serait
entendue. Les textes en disent long : … et
le jour viendra où vous comprendrez que
nous ne faisons tous qu'un et que la vie
s'écoule en vous, en dehors de vous (The
Beatles - Sgt. Pepper). *
Même si cela peut paraître aujourd'hui
désuet et superficiel, dans le contexte de la
guerre du Vietnam, ce genre de texte représentait une force vivante pour une paix
libératrice. Bien que n'appartenant pas à
cette mouvance, des auteurs folks comme
48
Joan Baez, Bob Dylan ou Pete Seeger,
par et à cause de leurs paroles ont captivé
un auditoire à l'horizon trouble (…comment
te sens-tu, maintenant que tu te diriges par
toi-même, sans foyer où aller, tout à fait
inconnu, comme une pierre qui roule ? Bob Dylan) *. Les textes étaient repris
aussi en cœur par d'autres interprètes (ex :
Bob Dylan par The Byrds).
WOODSTOCK ET ALTAMONT...
GRANDS
FESTIVALS
DE MUSIQUE POP
Nous sommes en 1969, sur le commencement du déclin du mouvement Hippie. Le
festival de Woodstock est LE concert qui
fera date dans l'histoire de la musique
Pop. C'est une manifestation de masse,
porteuse de la "contre-culture". Que ce soit
le vétéran, le rebelle ou le non-conformiste,
ils se retrouvèrent tous dans un même élan
d'idées et de partage pour assister pendant
trois jours à de la musique Pop non-stop.
La nuit comme le jour, sous la pluie comme
au soleil, ils restèrent là à entendre des
artistes comme Grateful Dead, Jimi Hendrix, Santana ou Richie Havens. Une
ambiance douce et chargée d'émotions,
aux allures irréelles et magiques, symbolisait pour quelques temps encore le monde
que la jeunesse espérait habiter.
-stop dans la mouvance "post-68" dura 2
jours et se déroula en France au circuit du
Castelet en 1976 sous le nom de Riviera
76. Bien que l'ambiance fût du genre
"revival", c'était bien un après Woodstock,
car même si des noms prestigieux comme
Joe Cooker (déjà présent à Woodstock),
Eddie Palmieri, Stuff, Magma, Passport
se trouvaient à l'affiche , la flamme Hippie
était bien éteinte.
FIN D'UNE EPOQUE
A la fin des années 60, comme marqué par
les drogues nocives, les filous et les trafiquants en tous genres, le mouvement Hippie ne résista pas et éclata. Les temps
avaient changé. Une certaine jeunesse qui
avait placé ses espoirs dans ce mouvement, ne trouvant pas de repères dans
l'avenir ("no future"), devant un système de
pensée qui s'essoufflait, se morcelait et
surtout à cause de leurs "idoles" protégées
par un train de vie différent du leur, n'arrivait plus à s'identifier à ce mouvement. Les
problèmes qui se posaient à eux étaient
trop éloignés de leurs conditions de vie. Ils
ne répondaient plus à leurs attentes et à
leurs préoccupations premières. Le public
qui assistait au concert avait changé. De
1965 à 1970, nous étions passés de
jeunes hystériques aux cheveux courts
pour arriver à un public léthargique aux
cheveux
longs.
A la fin de son existence, appartenir au
mouvement Pop, c'était intégrer un monde
communautaire toujours en quête d'esthétisme et un monde social qui ne parvenait
plus à se trouver et à se construire.
LA SURVIVANCE
Quelques mois plus tard, au festival de
musique Pop d'Altamont, l'ambiance fut
tout autre, plus "électrique", la violence
s'exprimera et se mélangera aux sons des
Rolling Stones. Sur une aire immense
recouverte d'herbe sèche et jaunâtre, alors
qu'un grand nombre de personnes était
allongé, endormi ou écoutait la musique
que distillaient des hauts-parleurs, la présence de Hells Angels déclencha la violence. De nombreuses rixes se produisirent
quelques heures seulement après le début
du festival lors de la prestation des Rolling
Stones. La violence fut telle qu'une centaine de personnes dut être emportée vers
les
hôpitaux
les
plus
proches.
Du pacifisme à la violence, le pas avait été
franchi. Le mouvement Hippie ne se remettra pas de ce festival et les échos de la
presse annonceront le commencement de
la fin d'un certain rêve, qui prendra corps, à
la disparition de deux figures importantes
de la musique Pop : Janis Joplin et Jimi
Hendrix.
"La révolution culturelle exige que les gens
changent leur façon de vivre… Woodstock
fut un "voyage" dans l'avenir, la première
tentative d'affirmer pleinement l'homme sur
la
terre…
"(Abbie
Hoffman)
*
L'un des derniers festivals de musique non
terdits et des préjugés. Ne s'agirait-il pas
au fond d'une manœuvre post-industrielle
pour imposer aux masses des goûts et des
idées en prétendant que ce seraient les
leurs
?
Cette "nouvelle culture", même si elle était
reliée d'une certaine manière à des circonstances géopolitiques, malgré et à
cause des raisons économiques et sociales qui sévissaient durant les années
soixante, elle était belle et bien la représentation d'une société de masse basée
sur la consommation. La "contre-culture" a
voulu s'attaquer à ce système de consommation, mais dans son effort pour se faire
reconnaître, elle a échoué ou a été simplement assimilée. Même si cette vision peut
paraître assez simpliste, il faut reconnaître
que le mouvement Pop avec sa musique,
sa mode, son art a provoqué un changement culturel important non seulement
dans la société américaine mais également
à travers la planète. Des innovations technologiques importantes ont évolué ou vu le
jour à cette époque (les communications,
l'utilisation de nouveaux matériaux, l'aérospatiale,…) et continuent encore aujourd'hui
à exister, à évoluer pour transformer notre
vision de demain.
EN FORME DE CONCLUSION
Ce mouvement artistique, tout en étant le
symbole d'un style ou d'un genre spécialisé, est utilisé aujourd'hui par tout le
monde. Le "Pop", cette forme d'art aux
multiples facettes… musique, décoration,
stylisme, peinture, sculpture, etc…est devenue une expression traditionnelle de
notre temps, tant son utilisation et toutes
les influences qui en découlent sont
grandes
parmi
nous.
Dans une société de consommation, la
liberté de l'individu et son identité individuelle sont toujours menacées. Culturellement, nous sommes comme obligés d'accepter une technologie, une production de
masse. Si notre bonheur paraît venir de
notre identification aux biens de consommation, l'art devient un objet de commerce
quelconque. La qualité est subordonnée à
la quantité. L'acte créateur cède la place à
la technique. Tout ce qui est le plus grand,
le plus fort, le plus vendu constitue la société
de
masse.
Il est difficile aujourd'hui pour un artiste de
snober la culture de masse, puisqu'il en fait
partie. Le bon ou le mauvais goût n'a pas
de valeur absolue, il ne s'implique qu'avec
le temps. Il est difficile de dire si ce que
nous trouvons vulgaire, aujourd'hui, ne
sera pas, demain, l'ultime raffinement du
bon goût.
Il n'existe pas aujourd'hui de rapport, de
lien direct avec la musique Pop des années 60. Si quelques groupes ont su traverser les décennies, avec une tonalité
nettement commerciale, ils y sont parvenus
également grâce à leur talent (Santana,
Pink Floyd…). Les autres resteront d'éternels inconnus, sauf pour quelques inconditionnels ou nostalgiques de cette époque.
Si la musique des années 60, voire 70,
cherchait une énergie et une originalité à
travers une force vitale étroitement liée à la
conception d'un autre monde, il n'en est
rien aujourd'hui. La musique actuelle est
plutôt technique et maniériste. La production actuelle se concentre davantage sur le
travail du son ou de la perfection sonore au
détriment de la musique vivante de concert. Ce n'est pas seulement une question
de coût ou de marketing… c'est également
une question de demande qui existe de par Elian Jougla
moins en moins. L'identification de la musique au niveau de l'enrichissement social h t t p : / / p i a n o w e b . f r e e . f r / l a cède sa place, de plus en plus souvent, à musique-pop.php
un travail de laboratoire de plus en plus
individualiste.
Puisque le mouvement Pop refusait ou
critiquait la société de consommation, on
49
pourrait se demander aujourd'hui pourquoi
il a été toléré par une politique américaine
encore à l'époque enfermée dans des in-