Zibeline n°9 en PDF
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Zibeline n°9 en PDF
un gratuit qui se lit | du 19/06 au 10/07/08 | tous les quatre jeudis 9 Q Politique culturelle : Marseille s’explique Les Saisons s’annoncent, Les Festivals débutent Les Lycéens lisent Le Pont du Gard s’illumine Politique culturelle Marseille 4,5 Manifestation Biennale des Jeunes Créateurs de la Méditerranée 6,7 Danse et Théâtre / Festivals Marseille Montpellier, Vaison, Ballet d’Europe La Seyne, Martigues Avignon Salon-de-Provence 9 10 11 12,13,14 14 Danse et Théâtre/ Saisons Le Gyptis, le Toursky, la Ciotat La Criée Nîmes, Grasse Martigues, Port-de-Bouc, Cavaillon Gap, Briançon, théâtre Nono 16,17 18 19 20,21 22,23 Retours de scène Le Gymnase, le Massalia, les Argonautes Gymnase, Lieux Publics Istres, Martigues Aubagne, 3bisF, Châteauvallon Musicatreize, Garance Télémaque, Gyptis, Pythéas, Opéra Vitrolles, Toursky, Opéra 24,25 26 27 28 29 30,31 32 Musique / Saisons Toulon, Avignon Musique / Festivals Orange, Avignon, Bollène Mallemort, Peynier Chateauneuf, Aix, Toulon, Pourrières Mont-Dauphin, Uchaux, De Vives Voix, Mazaugues Meije, Nuits d’été, Fontblanche Agenda Disques Gaou, Aix, Saint-Martin Station Alexandre, Panier, Friche, Coustellet 33 34 35 36 37 38 39 40,41 42 43 Arts visuels Saint-Rémy, Images contre nature, Vieille Charité Arts numériques, Galerie Porte Avion Musée Ziem, musée de l’Empéri Granet, Vélickovic Arles, les Saintes-Maries 44 45 46 47 48,49 Cinéma Cinécole Quinzaine des réalisateurs FID, cinéma israélien 50,51 52 53 Livres Librairie Les 3 Mages, Jeudis du comptoir Rencontres Entretien Salon, Fotokino Martigues Poésie, Artésens, Rebotier, agenda Livres 54,55 56 57 58 59 60,61 62,63,64,65 Philosophie La mémoire de l’art 66,67 Patrimoine Le Pont du Gard 68,69 Tout doit disparaître La notion de «déconstruction» est à la mode dans les domaines de la culture. Le régime mercantiliste, peu réceptif aux formes culturelles hormis celles qui rapportent, confond aisément ce concept avec celui plus catégorique de «destruction». Tout doit disparaître dans un énorme solde de ce qui fonda la connaissance scientifique jusqu’à l’avènement de la loi divine du marché. Dans ce gigantesque vide grenier, le CNRS se trouve en bout d’étalage. Règlement de compte vis-à-vis d’un organisme qui s’est épanoui à la Libération sur les ruines d’un pouvoir universitaire compromis dans la collaboration avec l’occupant ? La Ministre obéit à la «feuille de route» de Nicolas Sarkozy : n’a-t-il pas énoncé qu’il fallait sortir des acquis du Conseil National de la Résistance, ainsi que de ceux de mai 68 ? Et pour quelques souverains sonnants et trébuchants, l’État liquide l’organisme de recherche national au nom de la concurrence mondiale sur le marché de «l’innovation». Un organisme universellement reconnu éclate en six «instituts» : comme à l’accoutumée, les marchands qui nous gouvernent n’écoutent que la logique du profit immédiat. Malgré le tollé général de toute la communauté scientifique, la Recherche va être adaptée aux lois du marché. Les maîtres mots de la connaissance deviennent : lisibilité et compétitivité sur la «scène internationale». Dans cette braderie, les sciences de la vie disparaissent en tant que discipline, les sciences humaines sont vassalisées dans les rares pôles universitaires de sciences sociales, les différentes disciplines des sciences dites «dures» (physique et chimie) inféodées directement aux lois de la compétitivité des entreprises. Les universités sélectionnées en une dizaine de pôles d’excellence européens deviennent des structures concurrentielles, en prise directe avec le marché du travail déterminé par l’industrie locale. Laquelle industrie pourra et devra puiser dans le creuset de la recherche publique pour développer l’innovation susceptible d’accroître ses profits. Loi sur l’innovation, crédit impôt-recherche sont les maîtres mots de la culture scientifique libérale. La recherche publique doit se mettre au service du développement industriel. Frissons dans le dos… un mauvais rêve ? Non hélas, c’est la stricte vérité libérale. Marie Curie, Paul Langevin, surtout restez où vous êtes, ne revenez pas, c’est trop triste et trop laid. YVES BERCHADSKY Sciences et techniques Science et religion, Musée de Quinson 70,71 Éducation Prix littéraire des lycéens Architecture BNM, théâtre amateur 72,73 74,75 76 Société Tango 77 Tribune libre 78 Rubrique des adhérents 80 Ou allez au théâtre… si ceux-ci ne ferment pas, menacés par la même braderie : la scène Nationale de Cavaillon, qui fait un travail remarquable depuis des années, n’est pas passée loin de la relégation... L’Éducation aussi est rationalisée, le ministère supprime les postes, les séries, les options, les heures de cours… Mais rassurez-vous : Bouygues n’a jamais gagné autant d’argent. Les niches fiscales s’élèvent à 73 milliard d’euro et les chômeurs qui osent se déclarer sont, dit-on, moins nombreux qu’avant ! Tout va bien ! A.F. 04 POLITIQUE CULTURELLE MARSEILLE Rassembler et rayonner : Qu’est qu’une politique culturelle de ville ? Daniel Hermann, en charge depuis les dernières élections municipales de la Culture à Marseille, prend le temps d’observer avant de décider. Mais ses idées sont précises ! Et compteront certainement, dans une ville qui regroupe près d’un habitant de la région sur quatre, et veut entraîner tout un territoire dans l’aventure de la Capitale Culturelle 2013… Daniel Hermann © Agnès Mellon Zibeline : Quels sont votre titre et votre poste exacts ? Daniel Hermann : Je suis adjoint au maire, délégué à l’action culturelle. J’ai en charge les compagnies, les musées, le muséum, les bibliothèques. Madame Imbert s’occupe de l’Opéra, du Festival d’Art Sacré et du Conservatoire. Madame Zayan du cinéma, Madame d’Estienne d’Orves du Festival de Jazz. Pourquoi cette répartition des rôles ? Il est matériellement impossible de s’occuper de tout, mais ma délégation regroupe celles de Monsieur Botey et de Monsieur Lucioni. La répartition précédente posait un problème de fonctionnement car les musées étaient séparés de la culture. Puisque le nouveau président de Marseille Provence Métropole est Monsieur Caselli, du Parti Socialiste, comment allez-vous collaborer avec la communauté de communes ? Est-ce que la culture relève également de ses compétences ? Non, elle est du seul ressort de la Ville. Ce qui me laisse les mains libres. Même si je pense que cette cohabitation au sein de MPM va nous apprendre à travailler ensemble, ce qui peut être très bien… Quel est votre parcours et pourquoi avez-vous hérité de la Culture ? A la base je suis kiné, mais j’étais au Lycée avec Guy Teissier. Quand il a été élu en 1983 à la mairie du 9e, je lui ai proposé d’y faire venir des artistes et de créer une vie culturelle dans ce secteur, aussi important en population que la ville d’Aix. Sans délégation on a créé l’association Ville et Culture. Aux élections suivantes j’étais sur la liste de Guy Teissier, je suis devenu son premier adjoint dans la mairie du 9/10 et j’ai continué à me préoccuper de culture. Quelle est votre vision d’une politique culturelle de Ville ? Elle doit s’inscrire dans la politique de développement dirigée par le Maire, c’est-à-dire pour Marseille dans les quatre axes de la politique de Monsieur Gaudin : le port, le tertiaire, les étudiants, le tourisme. Notre première mission est d’informer les habitants de la richesse de la vie culturelle marseillaise : les étudiants donc, et les cadres. Il y a une offre culturelle à Marseille que ses cadres ne connaissent pas. En dehors de la mission d’information, de quoi les élus doivent-ils décider ? Il faut replanifier l’activité des musées, les recentrer, les restructurer, donner à voir les fonds. Il y a près de 3000 œuvres qu’on ne voit jamais. À part cela il faut faire un état des lieux, et voir si on décide de reconduire l’existant –les 20 millions d’euros donnés aux 400 associations- ou de les redistribuer, en regardant si chacune respecte son cahier des charges. En sachant qu’on est à budget constant, donc qu’on ne pourra pas vraiment augmenter les subventions. Quelles exigences avez-vous à leur égard ? On va regarder la part des budgets attribués à la création, et celle à l’administration. Les systèmes comptables des associations doivent être rigoureux. Nous avons un budget stable, et donc si on veut ouvrir de nouvelles voies il faudra prendre sur l’existant ; d’où cette politique du résultat : on ne peut pas attribuer des aides à la création pour des créations qui ne voient pas le jour, par exemple. Après, en dehors de cette rigueur comptable, il y a d’autres critères : les retours public, même si ce critère n’est pas toujours pertinent en matière de création, et l’implication des projets dans le tissu social. Qui est exceptionnelle à Marseille et je dirai même unique en France… Et la qualité ? Bien sûr. Comment décide-t-on de la qualité d’une compagnie ? C’est compliqué, mais quelque part il faut le faire. Il y a des comptes à rendre au contribuable et on ne peut pas donner de l’argent à des compagnies, ou des entreprises d’ailleurs, sans critères. Est-ce vous qui décidez ? Non ! J’ai mon avis mais je me fie aux chargés de mission spécialisés qui connaissent les compagnies depuis des années. Et puis aussi à ce que j’en vois : je vais au Festival de Marseille depuis longtemps. Je ne peux pas dire que j’ai aimé tout ce que j’y ai vu : il y a des choses volontairement provocantes, choquantes, dérangeantes, mais personne ne peut nier la qualité des artistes. Elle se voit aussi clairement que la provocation. 05 une politique sans dialectique Qu’est-ce que vous aimez en art ? J’aime beaucoup la peinture. La musique aussi, classique, jazz. Il faut aider la création, mais je crois que l’art contemporain a fait péter l’idée d’équilibre, ou du moins de recherche d’équilibre. Je suis d’accord avec les philosophies orientales qui pensent le geste artistique dans un rapport entre une recherche qui avance, et déséquilibre ce qui précède, et un point d’arrivée qui est à l’équilibre, un équilibre nouveau. Comme quand on marche. Je voyais récemment un Rubens : c’est beau, on a besoin de cette beauté-là. L’art contemporain qui s’interroge sur la matière, les idées, la toile… n’explore à mon avis qu’un seul aspect de son propre champ. Être en responsabilité de la culture, c’est aussi donner à voir Rubens, le patrimoine… et embellir la ville, l’illuminer, la rénover. Je suis de formation classique, avec latin grec… j’ai du mal à dissocier l’Art de la Beauté, la Beauté de la Morale. Cela fait partie de mon champ culturel. Mais c’est personnel, et ça ne veut pas dire que je n’aiderai pas ceux qui n’ont pas cette vision-là de la culture ! Est-ce qu’en tant qu’adjoint délégué à la Culture vous faites des choix politiques ? C’est-à-dire ? Est-ce qu’il existe selon vous une politique culturelle de droite ? De gauche ? Globalement il n’existe plus de politique de droite. Il n’y a plus d’idéologie de droite depuis… Maurras. La seule politique de droite se définit par rapport aux idéologies de gauche, et tous les gouvernements pratiquent une politique libérale avec un ajustement social. Donc, a fortiori, comment voulez-vous qu’il y ait des différences entre les politiques culturelles ? Pourtant oui, il y en a une, et de taille. Du moins ici à Marseille : on laisse une grande liberté, une liberté totale en fait aux artistes et aux programmateurs. J’ai vu à la Criée un film de Torreton, qui appelle clairement à voter à gauche. Jamais Martigues ne programmerait un film qui appelle à voter à droite. Quel est votre rôle si vous reconduisez les subventions et n’intervenez pas sur les programmations ? Nous ne reconduirons pas systématiquement les subventions, comme je vous l’ai dit, nous allons tout réétudier peu à peu… Mais enfin notre rôle est plus global. Il est de veiller à donner de la nourriture intellectuelle aux habitants, d’exiger qu’il y ait des équipements culturels chaque fois qu’il y a des chantiers d’importance, d’imaginer des événements fédérateurs qui font avancer la ville, et la rendent attractive. Il passe à Marseille 400 000 croisiéristes, un potentiel d’un million de touristes : il faut faire de belles expos, avoir une politique culturelle qui aille dans le même sens que la politique économique, et participe du même phénomène de civilisation… Il faut donc que la culture ait un impact économique ? Elle n’est pas exclue du champ économique, même si elle n’est pas un produit comme les autres. Faut-il faire de la culture pour les touristes, ou pour les habitants ? Je vous ai dit que je n’étais pas marxiste : je n’aime pas la dialectique, qui oppose et tranche. Ce qui est bon pour les touristes peut être bon pour les Marseillais, qui seront ravis de la grande expo Van Gogh / Monticelli par exemple. Et pour tous les habitants de la région, aussi. C’est cela vouloir être une métropole culturelle. Pourquoi opposer ce qui se complète ? D’ailleurs les cultures se nourrissent les unes des autres, et à Marseille ce sont les différences de culture qui fondent une richesse commune. Il faut préserver cette diversité, et ne pas la fondre dans un moule commun, qui anéantirait sa richesse. Des nouvelles de la candidature Marseille ayant été retenue dans la «short list» des villes candidates au label Capitale Culturelle 2013, poursuit son effort en vue de son élection. Elle lance à ce titre ses premiers Ateliers de la Candidature, destinés à lier les projets culturels, les associations sociales et les entreprises dans des projets communs. Ainsi l’ensemble de percussions Symbléma, La cie Grenade de la chorégraphe Josette Baïz ou le Théâtre de la Mer d’Akel Akian collaboreront, avec des associations comme L’Art Plus Fort que le Handicap ou Pas Vu à la Télé, à faire entrer l’art dans l’entreprise : des grandes comme Eurocopter aux plus modestes comme l’entreprise graphique Quadrissimo. Il s’agira d’ateliers tests destinés à mettre en place les futurs Ateliers de la Méditerranée. Qui, on l’espère, seront confiés à tous ces artistes de grand talent qui attendent depuis des années une reconnaissance de Marseille, qu’ils vont bien souvent chercher ailleurs faute d’être programmés dans la métropole qu’ils habitent… Car on sent actuellement, dans les compagnies qui soutiennent la candidature, une inquiétude grandissante sur leur place à venir dans le projet. Sur laquelle on les rassure globalement, mais sans les assurer de rien… A.F. ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL Subliminable ? La Ville de Marseille organise une grande fête populaire et fédératrice ! On devrait s’en réjouir ! Seulement… elle s’articule autour d’un terrain de boule, institué en point de rendez-vous durant trois jours. Ce que certains Marseillais, qui ne sont pas tous des «santons mous qui puent l’anis» comme le disait si joliment Desproges, pourraient mal prendre. De nombreuses composantes de cette fête à flonflons rappellent par ailleurs les temps joyeux des défilés militaires et des barouds scouts : concert de l’harmonie de la Flotte de Toulon, journée avec les marins pompiers, rallye, course de relais en uniformes bleus… Les temps de vrais spectacles, professionnels, sont rares (le ballet d’Europe voir page 10, Liz Mac Comb voir page 42). Et bien sûr les entreprises profitent de l’occasion pour s’auto-promouvoir à peu de frais (NESPRESSO Business Solutions, EDF-DCECL / Philips, Eurocopter, la SNCM, le tournoi de Poker Texas Holdem no limit…). Enfin, quelques slogans hallucinants apparaissent sur les panneaux de la ville, défendant… la couleur bleue. Ce qui est assez vain, ou particulièrement subliminal : à force d’assimiler Marseille à la couleur bleue (la mer, le ciel, l’OM, mais aussi l’UMP), une identification très directe entre Marseille et sa mairie actuelle s’opère, instituant dans les esprits la gouvernance UMP comme naturelle. Liée à la Ville comme le ciel et l’air, le foot, la fête populaire. Peut-on douter de ces intentions, lorsqu’un des slogans des affiches recommande «Ne voyez plus la vie en rose, voyez-la en bleu» ? A.F. Fête bleue du 27 au 29 juin www.fetebleue.com 06 MANIFESTATION B.J.C.E.M Tous les tons de Bari La Biennale des jeunes créateurs s’est déroulée du 23 au 30 mai à Bari, dans les Pouilles. Une manifestation que Marseille aimerait bien accueillir en 2013… La Biennale est un très beau moment accordé à la jeune création, c’est-àdire à l’avenir de l’art. Cette treizième édition a réuni plus de 800 artistes pendant dix jours. Tous avaient moins de trente ans, et beaucoup étaient bourrés de talent… On y a vu des propositions artistiques étonnantes d’inventivité et… de maturité ! Et d’autres qui, trop amateurs, souffraient d’une confrontation avec des œuvres véritables. Pourquoi ces différences de niveau ? D’une part parce que la Biennale est un réseau non pyramidal, sans directives autoritaires : un tissu d’associations qui obéissent à une charte commune et à des critères de sélection, mais sans contrôle central. Aussi certains pays sont représentés par des opérateurs culturels très efficaces, qui font un appel à candidature large et bien relayé, et une sélection pertinente ; et d’autres sont plus artisanales. Sans parler des différences de moyens : le papier Canson en lieu de toile de Mohammed Ahmed Hawajri, Palestinien qui travaille au centre culturel français de Gaza, ne relève sans doute pas d’un choix esthétique… Mais visiblement une autre raison à ce déséquilibre vient d’un problème de proportion entre les arts : les arts visuels (arts plastiques, appliqués, vidéo, cinéma, design) se taillent la part du lion, tandis que les propositions spectaculaires sont rares : dix chorégraphes, guère plus de musiciens, encore moins de théâtre… Il est plus facile d’exposer 650 artistes visuels que de faire voir 50 spectacles ! Du coup la Biennale n’attire pas vraiment les jeunes talents de ces arts dits vivants, et nombre de spectacles étaient particulièrement ratés… On aurait rêvé d’entendre des musiciens qui maîtrisent leurs instruments, et de voir des danseurs qui ont un peu de technique, plutôt que de subir au mieux du mauvais rock, et de la danse et du théâtre d’avant-garde… des années 70 ! Peut-être que les sélectionneurs dans leur ensemble hantent davantage les galeries que les salles de spectacles ? Images particulières Car en revanche les propositions visuelles témoignent de la vitalité de la jeune création contemporaine. Et de sa variété. À Bari elles ont bénéficié de lieux d’exposition vastes, bien éclairés, à la neutralité grise qui mettait chaque proposition en valeur, malgré un léger manque de recul. Et une drôle d’habitude des visiteurs d’aller toucher les œuvres, quitte à les abîmer bien souvent ! Les œuvres méditerranéennes, surtout celles du Sud, sont souvent politiques, douloureuses, autour de questionnements sur l’oppression, la femme, la domination. L’histoire. Celles de l’Est se posent des problèmes de frontières, de mémoire, d’ethnies, de guerre. D’histoire. Celles du nord de l’Europe ont généralement plus de questionnement formel ou psychologique, métaphysique. Des histoires. Une géographie marquée, qui contredit l’idée d’une mondialisation des pensées, et cartographie une typologie des souffrances… Car la Biennale, au-delà du tremplin qu’elle peut constituer pour les jeunes artistes, relève depuis sa création un défi utopique. Son expansion actuelle, et son ouverture aux pays du Nord Européen, risque de modifier son équilibre en déplaçant son centre de gravité vers des pays riches. D’autant que le rêve d’une Biennale sur la rive Sud, depuis l’échec d’Alexandrie, semble peu réaliste. Dommage ! Car si les artistes d’Europe occidentale ont bien souvent un langage plus accompli, et des moyens techniques plus adéquats, leurs œuvres sont parfois plus anecdotiques… du moins à nos yeux d’européens occidentaux ! AGNÈS FRESCHEL www.bjcem.org © Espaceculture Quelques œuvres marquantes Des installations interactives : Celle du Français Pierre Andrieux, amusante, vous transformait en Dompteur, et nécessitait de s’époumoner, longtemps, dans un micro, pour faire décoller un homme sur un écran ; dans celle du Portugais André Sier, plus complexe, quatre micros captaient des sons, les déformaient, les mêlaient à des boucles préenregistrées et les diffusaient dans des enceintes pleines d’eau ; les ondes sonores faisaient vibrer de la surface de l’onde liquide, et le processus avait quelque chose d’alchimique, qui transmute le son en friselis d’eau… De nombreuses œuvres qui interrogent l’image sociale de la femme : Les photographies de l’Egyptien Mohamad Al Sfaraby qui travaille autour du péché originel, de la pomme, du voile, de l’interdit ; celles de la Belge Kim Engels, qui photographie Le Bureau des questions, Maya Pasternak © X-D.R des portraits de femmes au regard direct, avec et sans foulard, nous demandant d’interroger cette différence ; la vidéo d’Elena Rossella Lana, italienne, particulièrement bouleversante. Projetée sur un lit, une image de femme alitée s’y déplace comme dans un jeu vidéo, le Tetris : les femmes s’accumulent en bas de l’écran et tombent lorsqu’elles sont alignées ; puis des femmes courant comme les personnages virtuels essaient d’atteindre le haut de l’écran, s’égarent, heurtent les parois ; une candidate y parvient en fait, rejoignant enfin le ventre originel, la matrice féminine (Dieu est une mère ?), siège de tous les cauchemars, et lieu d’une nouvelle naissance (New Birth). Car les femmes aussi naissent du ventre des femmes. Des œuvres politiques : Le Bureau des Questions de Maya Pasterniak, qui vit en Israël, recueillait sur machine à écrire désuète (celle des commissariats glauques ?) les questions les plus diverses sur Israël, et affichait, avec une neutralité toute factuelle, ces interrogations si simples (Quand quitterez-vous les territoires occupés ? Que pensez vous de la politique Syrienne ?) sur un mur des réclamations. Le film Green Border des Croates Nikica Klobucar et Tomislav monde : dessinant dans son dos un croissant rouge et sur son torse une croix sanglante (celle des Templiers ?) il construit un crescendo de métaphores limpides et inépuisables, sans didactisme… Une œuvre musicale : Elena Rossela Lana © X-D.R Soban interroge la séparation entre Slovénie et Croatie, et les déplacements de population, tandis que le Slovène Matjaz Ivansin raconte l’introduction dans une famille catholique d’un petit ami inattendu… Certaines œuvres allient ce questionnement politique à des interrogations personnelles : Juan Enrique Sanchez Aragon construit une image marquante : un gigantesque drapeau américain, dont les bandes blanches sont des extraits de presse, les bandes rouges des photographies violentes. Par-dessus les bandes son propre visage, un cri expressionniste, douloureux, envahi. Plus impressionnant encore le travail d’Hetain Patel, Indien vivant en Angleterre : dans Musulman, son propre torse projeté sur quatre vidéos coordonnées construit une œuvre sonore (clapping) formellement parfaite, très personnelle, et universelle, parce que son questionnement identitaire recoupe les problèmes du Le Français Matthieu Hours, tout juste sorti de la classe d’électroacoustique du Conservatoire de Marseille, a produit une pièce démontrant son savoir-faire. Malgré l’agaçant rituel qui poussait les auditeurs à mettre leur masque noir comme à Disneyland (est-il si difficile de demander à des gens d’écouter sans spectacle ? les concerts d’électroacoustique existent depuis 50 ans…), Octo se révéla une belle œuvre, fondée sur des sons réels synthétisés très habilement spatialisés. Le répertoire de sons était riche, varié ; certains, reconnaissables, rappelaient le réel, d’autres analysés, projetaient les auditeurs dans l’essence du son, ses composantes, ses dynamiques, ses timbres et ses couleurs. L’ensemble manquait peut être un peu de trajet… mais confronté aux quelques exhibitions de «musique» proposées sur la scène par des groupes ou des chanteurs dont le look et l’attitude (décevante ou amusante) comptaient davantage que la production sonore, on comprenait que l’on était justement dans de la musique. Qui en principe s’entend plutôt que de se voir… A.F. Hetain Patel © X-D.R FESTIVAL DE MARSEILLE FESTIVALS 09 Arrêts sur temps forts Les événements à ne pas rater ne manquent pas cette année : arrêts sur quelques propositions particulières tous ordres. Le principe commun est une dynamique infernale, quelque chose de déchaîné, comme si tous avaient le diable à leurs trousses, à leurs corps. Ils transforment la scène et la salle en boîte de nuit sulfureuse, et dansent magnifiquement cette plongée transposée dans les cercles de Dante, joyeux et noirs comme un Sabbat. Cargo Sofia Marseille : on ne sait ce que l’aventure donnera à Marseille, avec son port, sa mer, ses quartiers industriels… Ce que l’on peut vous dire, c’est que le Cargo Sofia Cavaillon était une aventure très particulière… Emmenés par deux routiers, une quarantaine de spectateurs ont fait un voyage hallucinant dans un monde proche et inconnu. Partis de la place de Cavaillon, le camion y est revenu après deux heures de route, un passage par une station service, un gigantesque entrepôt réfrigéré, une bourse aux légumes, un lycée on l’on apprend à conduire les camions, une aire de repos où les routiers, dès 19 heures, s’enferment pour dormir dans leurs cabines… Cette géographie réelle, carte d’un univers que nous traversons sans le voir, était traversée de fictions : celle d’un itinéraire de Sofia à Cavaillon était projetée sur les écrans, alimentée par la varietoch des pays «traversés» (un italiano vero…) et quelques confidences, rares et pudiques, des chauffeurs ; l’histoire d’une exploitation à grande échelle des chauffeurs de l’Est par la mafia Bulgare et Allemande s’inscrivait en sous-titres récurrents ; et quelques apparitions fantastiques venaient troubler un peu plus le paysage réel de la banlieue cavaillonaise : une fille à vélo qui fait la course avec les chauffeurs, une chanteuse sur un rond point… Tous ces niveaux de fiction, de réel, ont projeté les passagers dans un univers étrange, un patrimoine mis sur le même plan, par ce procédé de la visite commentée, que le patrimoine touristique officiel. Un très beau voyage ! (du 30 juin au 10 juillet). Questions de danse, questions d’artistes : En trois sessions le Studio Kelemenis accueille 6 compagnies, qui passent chacune deux fois pour partager leur travail en cours (du 21 au 28 juin). Abouti, déjà créé ou en voie de création. Le point commun de ces propositions : le questionnement justement, la manière de ne pas produire du spectacle mais d’interroger les formes. Que ce soit le hip hop comme Anne N’Guyen, le quotidien comme Gutman, l’autisme comme Thierry Niang (voir page 78), la lumière et l’image comme la Cie la Zampa… Depuis des années Kelemenis propose cet espace de recherche où la parole côtoie la danse et rapproche le public des artistes. Un espace indispensable, parce que lui seul est à même d’ouvrir des voies nouvelles… (quitte à s’y fourvoyer parfois !) Anne Teresa de Keersmaeker : On l’écrit ATK, pour faire plus vite. C’est une des plus grande chorégraphe du monde. La plus musicale, en tous les cas. Elle a changé la danse, profondément, en inventant une autre virtuosité, Opération Orfeo : Le spectacle n’est jamais Zeitung © Herman Sorgeloos athlétique, émouvante, une autre architectonie, qui colle au son et les donne à voir. Fase (le 30 juin) est la pièce qui la fit connaître, subtil duo sur la musique de Reich, qui l’inspire toujours aujourd’hui : les corps s’animent de mouvements minimaux de bras, de jambe, de tête, répétés, variés, sur les phases particulières des instruments. Les corps se décalent comme eux, se rejoignent comme eux, dans les mêmes cycles que la musique, et de subtils changements de lumière et d’espace. Tout prend sens dans l’infime variation du même, et c’est fascinant. Zeitung (le 29 juin) est à l’autre bout de l’œuvre, une création avec les neuf danseurs de la compagnie, qui revient sur son parcours et utilise tout le vocabulaire inventé par Rosas, ou importé en son sein. Sur la musique de Bach, qui met en place d’autres univers mathématiques, et quelques traits de Schönberg et Webern. Hell de Emio Greco et Pietr C. Scholten : créée en 2006 à Montpellier, la pièce est un mélange indescriptible de danses et d’univers musicaux de venu dans la région, mais partout il a suscité l’enthousiasme. Il s’agit d’un opéra total, avec chœurs, solistes, danseuse, qui raconte évidemment le mythe d’Eurydice… un autre voyage vers les Enfers, comme Emio Greco, ou Castellucci à Avignon… Sur la musique de Gluck bien sûr, mais aussi de Cage et de Bo Holten… Mon Képi blanc : Hubert Colas met en scène le texte de Sonia Chiambretto sur la légion (du 8 au 11 juillet). Portrait d’un homme pris au piège de son aliénation, enfermé dans les règles sottes qui annihilent l’idée même d’un libre arbitre à coups de slogans et de langage préformaté. Ignobles propos de ce soldat et douleur aussi de cet homme, car c’en est un, incarné ici par Manuel Vallade, fragile et vulnérable derrière ses mots gueulés dans ses micros. (le texte est publié chez L’arche éditeur) AGNÈS FRESCHEL 04 91 99 02 50 www.festivaldemarseille.com Cargo Sofia © X-D.R 10 FESTIVALS MONTPELLIER | VAISON | BALLET D’EUROPE Toute la danse contemporaine création d’Emanuel Gat… Mais on retrouvera aussi, dans les salles plus petites, les compagnies de la région languedoc, depuis Mathilde Monnier et La Ribot jusqu’à Lluis Ayet ou Hélène Cathala, Raymund Hoghe et son travail sur la mémoire douloureuse de la danse, Pascal Rambert et ses expérimentations formelles, Xavier Leroy et son fascinant théâtre musical. Il y aura cette année beaucoup de danse africaine : des Danses acrobatiques du Burkina Faso, les lauréats de Danse l’Afrique Danse à l’opéra comédie (autre lieu magique, ancien, plus historique), sans oublier la création de la Cie Salia nï seydou, qui est réellement parvenue à créer une danse africaine au langage et au propos contemporain. À ne pas manquer également, un solo de Saburo Teshigawara, la Cie Akram Khan qui rencontre le Ballet National de Chine… Un autre grand festival s’annonce, qui mérite qu’on aille passer ses premiers week-ends d’été à Montpellier ! Poussières de sang © Sarah Camara Le Festival Montpellier danse est chaque année fascinant : il réussit à programmer, et très souvent à coproduire, les plus grands chorégraphes et les plus belles compagnies de danse, sans oublier la danse de recherche. Et ceci dans de grandes salles, toujours pleines. Même au Corum, immense, idéal pour la vue et l’acoustique… Cette année elle accueillera le Ballet Flamenco de Sara Baras dans Carmen et les moines Shaolin pour clore le Festival (avec les danseurs d’Alonzo King), mais aussi la première en France d’Heterotopia de Forsythe, et la AGNÈS FRESCHEL Vivent les valeurs sûres ! Vaison est avant tout un lieu magique… et impressionnant ! Et dans ce cadre qui ne souffre pas l’intimité, Vaison Danses sait faire dans le spectaculaire prises : la reprise de MayB, chefd’œuvre absolu de Maguy Marin, toujours aussi bouleversant après 27 ans ; et celle de Que ma joie demeure, de Béatrice Massin, petit bijou baroque, joyeux, mutin et coloré comme les pages de Bach les plus alertes… A.F. Tango metropolis © Tetsu MAEDA red L’équilibre de la programmation est comme toujours remarquable : une danse facile, virtuose et divertissante, de grande qualité, toujours très musicale, ouvre les festivités. Après Montpellier, les moines Shaolin viendront sauter au-dessus des danseurs d’Alonzo King dans l’amphithéâtre, puis la Cia Buenos Aires Express Tango viendra enflammer les cœurs avec dix danseurs et un quintet de choix emmené par le bandonéoniste Daniel Binelli… Le Béjart Ballet viendra rendre un hommage au maître disparu en reprenant des extraits marquants de ses chorégraphies, et Momix proposera avec une autre compilation : un Best Of des plus belles inventions visuelles de Moses Pendleton… Mais c’est surtout la fin du festival qui ménagera les plus précieuses sur- Heterotopia © Dominik Mentzos Montpellier danse du 22 juin au 5 juillet 0800 600 740 www.montpellierdanse.com De toutes les fêtes Après ses journées Portes Ouvertes le ballet d’Europe continue de démocratiser la danse dite classique en promenant ses pièces sur tout le territoire. Dans le cadre dispositif Saison 13, le 20 juin, le ballet dansera Schubert In Love de JeanCharles Gil et Barnum boudoir de Lionel Hoche à Sausset-les-Pins. Le lendemain, fête de la musique, c’est dans le Parc de Bagatelle (Marseille) qu’ils fêteront la musique, avec la dernière création de Jean-Charles Gil, Folavi, donnée récemment au Théâtre du Châtelet. Enfin les 27 et 29 juin, à Marseille puis à Cassis, dans le cadre de la Fête bleue puis de la Fête de la mer, le chorégraphe prolixe proposera une nouvelle création : Sweet Gerschwin ! En attendant juillet et août, où le Ballet d’Europe promène ses pièces un peu partout, accueille Josette Baïz et Georges Appaix, et partout remplit les salles… A.F. Vaison Danse du 10 au 26 juillet 04 90 28 74 74 www.vaison-danses.com Ballet d’Europe les 20, 21, 27 et 29 juin 04 96 13 01 12 www.balletdeurope.org LA SEYNE | MARTIGUES FESTIVALS 11 Rues particulières Le 6e festival des Arts de la Rue de La Seyne-sur-Mer, Les journées particulières, propose fanfares, théâtre et cirque durant trois jours dans toute la ville Organisées par le Théâtre Europe, Les journées particulières s’articulent autour de formes et d’écritures contemporaines touchant aux arts du cirque, sans oublier la musique, celle qui se joue dans la rue, emmenée par les fanfares. Cette année deux d’entre elles accueilleront les spectateurs tous les jours avec leurs rythmes endiablés : Wonderbrass, la Fanfare Opulente mettra le feu aux poudres de la Place Laïk aux Sablettes, mélangeant reprises étonnantes et compositions originales au son des saxes, trompettes, tubas, percus… tandis que la fanfare Sardar Orkestra emmènera le public au son d’un répertoire tzigane, oriental et klezmer réarrangé, énergique et festif. La compagnie Luna Collectif présentera, sous le chapiteau des Sablettes, et pour la première fois, sa dernière création, Prélude à Eclipse, un théâtre aérien et musical placé sous le signe de la féminité. Entre la conciliation d’une identité toujours plus difficile à affirmer et l’équilibre à créer entre besoin des autres et besoin de liberté, la cie Luna Collectif invente un nouveau lexique amoureux, poétique et aérien. La cie toulonnaise Hi-Han investira la cour de l’école des Beaux-Arts avec Le mois de Marie, pièce tirée des Dramuscules de Thomas Bernhard. Installé autour d’une étrange crèche, le public écoute les commentaires de deux vieilles dames qui observent l’enterrement de monsieur Geissrathner. De propos badins en jérémiades anodines, leurs langues se délient et apparaissent enfin les propos brutaux et radicaux sur la haine de l’étranger. Farce grotesque ou miroir inquiétant ? Enfin, le musée Balaguier accueillera le jongleur québécois Yvan Roy, alias Yvan l’impossible, dans un solo burlesque, et le cirque cynique et maritime du breton Ronan Tablantec. DOMINIQUE MARÇON © Cie Luna Collectif Les journées particulières du 19 au 21 juin 04 94 06 84 05 04 98 00 25 70 www.theatreurope.com Martigues et le monde Le Festival danses, musiques et voix du monde de Martigues a 20 ans cette année, un anniversaire qui s’annonce comme un rendez-vous de qualité Katia Guerreiro © X-D.R À l’origine axée sur la danse traditionnelle, la programmation du festival a vite su trouver sa voie et s’affirmer comme un événement incontournable, une référence dans le domaine des arts traditionnels. Bien loin du folklore donc, en tout cas d’une image désuète qui pourrait coller à la peau, le Festival de Martigues propose aujourd’hui des danses traditionnelles et rituelles, des musiques actuelles et métisses, mais aussi plus généralement des arts de rue. La Ville de Martigues est d’ailleurs entièrement sollicitée pour cette manifestation d’une rare ampleur qui fait appel à 400 organisateurs et à 200 familles qui accueillent bénévolement les artistes. Sous le parrainage de la grande chanteuse de fado Katia Guerreiro, la programmation 2008 visitera quantité de pays par le biais de spectacles de danses traditionnelles (dont le Gran Ballet Argentino de Córdoba, l’Ensemble national Naz du Kazakhstan, l’association martégale La Capouliero, bien sûr -organisatrice du festival et conservatoire des Arts et Traditions Populaires de Provence-, Mackinaw de Drummondville au Québec, la compañia de flamenco Ursula López d’Andalousie…), de musiques du monde (les Diabloson d’Amérique latine, Marlevar d’Italie, les savoyards Les Pieds Croisés) et de musiques «actuelles» (Fatche d’eux, Lo Cor de la Plana, Misères et Cordes, Quartiers Nord, Sam Karpienia…). L’église de la Madeleine accueillera les concerts de flûtet, tambourin et piano d’André Gabriel et Hélène Andreozzi, les noces de la guitare flamenca et de l’Amérique latine d’Eric Fernandez et du Verdine Tempo Duo, les ballades irlandaises du Lawrenson-Toal of Irish Dance et la musique des steppes du groupe Naz, tandis que du Canal Saint Sébastien résonneront les soirées de caractère et d’événement, comme le spectacle d’ouverture (le 23 juillet), la soirée flamenco (le 24) ou encore la soirée d’anniversaire qui célèbrera les 20 ans avec 20 rendez-vous (le 26) et le concert événement de la marraine du festival, Katia Guerreiro (le 27). Sans oublier les animations de rues, les Cocktails de Folklore sur la Place Mirabeau, l’édition spéciale au Village du Festival chaque soir à 19h, le Café musique, l’Escale de Nuit… Le Festival de Martigues c’est tout ça et plus encore ! DOMINIQUE MARÇON Festival de Martigues du 21 au 29 juillet 04 42 49 48 48 www.festival-martigues.fr 12 FESTIVALS AVIGNON La technique de Cour À la veille du festival, Avignon bouillonne autour de son palais... Mais que savons-nous au juste de la Cour ? La plus grande scène à ciel ouvert d’Europe va cette année, pour la 62e fois, ouvrir son cœur aux artistes. Roméo Castellucci y met en scène l’Enfer de Dante et demande à l’équipe technique du Palais de réaliser des prouesses encore inédites. Pourtant, qui a vu Pina Bausch et sa montagne de roses (conçues et cousues spécialement pour l’occasion) voler en éclat lors d’une représentation sait combien le mistral capricieux peut briser le spectacle qui devient alors un chaos imprévu menaçant les attaches de la structure colossale du plateau : nous sommes ici dans un monument historique classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, donc pas un clou n’entre dans ces murs, même recouverts de moquettes, de toiles et de bois lorsqu’ils servent de support aux accroches lumières et sons. Sans parler du danger que les certaines fantaisies de l’art font courir aux quelques 2000 spectateurs. C’est ainsi que le régisseur général, Philippe Varovtsikos a tenté en vain de dissuader Sasha Waltz d’utiliser un ballon gigantesque comme accessoire de scène pour Nobody (2002). Poussé par le vent il a brisé ses attaches et volé dans le public, faisant frémir d’horreur l’équipe technique placée en haut des gradins... Le vent, ici maître des lieux, métamorphose d’une rafale la féerie en catastrophe. La Cour s’offre ainsi au spectacle comme en s’y retirant. Son plateau à géométrie variable sert de sol comme de montagne (Le roi Lear, Sivadier 2007), d’appartement où une troupe séjourne et joue (Les Feuillets d’Hypnos, Fisbach 2007), de lac pour Médée avec Isabelle Huppert (2000), ou encore de plan d’eau spectaculaire pour le Woyzek d’Ostermeier (2004) : une actrice y plongeait brusquement toute entière, se retrouvant alors sous la scène dans une piscine où un plongeur l’attendait avec réserve d’air… elle devait ensuite ressortir par le même chemin. Car la scène dissimule des potentialités insoupçonnées. Le rocher des Doms, sur lequel le palais tout entier est construit, contient des salles voûtées dont Jean Cour d'honneur du Palais des Papes © Christophe Raynaud de Lage - Festival d'Avignon Vilar ignorait l’existence en 1957, lorsqu’il investit le lieu. Aujourd’hui encore, comme autrefois, des camions-grues rasent les murs au millimètre près, dès le crépuscule des soirs de mai, pour travailler à construire scène et décors ; Le plateau, à lui seul, demande trois semaines d’installation. On fit jadis percer la roche et couler du béton pour pouvoir planter des poteaux et soutenir la scène. Quelle ne fut pas la surprise des archéologues de trouver, 20 ans plus tard, des salles sous la roche, aussi grandes que celle de l’Audience ! Coulisses de Papes Cette salle immense est le pendant de la cour. L’Audientia nova, siège du tribunal des causes apostoliques, ornée alors de fresques d’apôtres, où la juridiction fut instituée en 1566, a été transformée dans l’histoire en arsenal à canon, magasin à foin, puis divisée en 3 étages pour servir de caserne à 200 hommes avant d’être restaurée comme tout le palais par Napoléon III. Aujourd’hui cette salle sert de loge des artistes, un lieu de vie hors du commun. Électricité, douches, sanitaires, cuisine, scène de répétition y sont montés, restreignant l’accès touristique d’un des monuments les plus visités du monde. Le cœur du palais à ciel ouvert, loin de livrer abruptement ses secrets, en fait poindre le sens : lorsqu’en juillet, vers 22 heures, l’obscurité et le silence se font, on sent que l’on n’est pas seulement au théâtre. L’architecture vit, dialogue avec l’artiste qu’elle rencontre lui imposant ses contraintes et lui offrant son prestige. Ludovic Guet, attaché aux relations publiques du bureau du festival, fait visiter le Palais quand il change de peau… Zibeline : Depuis quand visite-t-on la Cour au moment où elle se transforme en scène ? Ludovic Guet : En 2005 Philippe Varovtsikos a commencé en relatant des anecdotes, liées aux formidables possibilités et aux difficultés qu’il y a à créer dans ce lieu pour les artistes. Quelles sont les contraintes majeures ? Le vent bien sûr, mais aussi la dimension du mur de scène. Il est inutilisable comme support de décor. On peut à la rigueur équiper les quelques fenêtres en projecteurs et enceintes, mais l’équilibre des lumières est difficile à faire, c’est une question de perspective. Certains artistes ont pris le parti de le faire disparaître, par exemple Ostermeier dans Woyzeck ; d’autres ont tenté de le transformer : Éric Lacascade pour le spectacle des Barbares en 2006 ou son Platanov en 2002. Enfin, ce qui importe ici c’est que le réseau électrique soit fiable : l’alimentation du Palais est très insuffisante pour les 200 à 250 projecteurs. Le festival a donc un contrat spécial avec EDF, une salle entière des sous-sols y est consacrée, et des kms de cables filent jusqu’aux régies qui sont situées tout en haut des gradins. Combien y a-t-il de spectacles dans la Cour ? Trois par an environ, chaque troupe vient d’abord répéter en juin. La première jouera en dernier, la seconde en second et enfin celle qui répète en dernier joue la première, ça nous évite de démonter et remonter le décor. Entre chaque pièce nous avons trois ou quatre jours pour changer de décor. Une équipe volante vient en renfort des techniciens des troupes et du Palais. Nous avons plusieurs lieux à installer en même temps. La carrière de Boulbon où jouera cette année Valérie Dréville demande à être équipée en tout (électricité, eau, toilettes, point de restauration, scène...) Tout ça exige beaucoup d’organisation et un travail constant. D’ailleurs, l’entrée des artistes reste ouverte 24h/24 pendant tout le Festival. Notre équipe passe de 25 personnes travaillant à l’année à 700 au mois de juillet. Combien coûtent les places à la Cour ? 36 euros en première catégorie, 30 euros en seconde catégorie et 13 euros en tarif jeunes. Les subventions nous permettent de rendre la création théâtrale accessible à tout public. ENTRETIEN RÉALISÉ PAR CAROLINE ROSSI LA CHARTREUSE | VILLENEUVE EN SCÈNE | LES DOMS FESTIVALS 13 Chez les Chartreux Les rencontres d’été de la Chartreuse débutent avec le Festival. Le Centre National des Écritures du spectacle offre les murs frais de sa Chartreuse, et le fruit de son travail de l’année aux estivants ; mais on ne change pas l’atmosphère d’un bâtiment si chargé de recueillement et d’histoire : même en plein Festival, la Chartreuse prend le temps de réfléchir avant de monter et d’élaborer par la pensée, plutôt que d‘offrir du spectaculaire. C’est le CLIM, Cabaret Libre International de Montréal qui inaugurera la programmation : la compagnie de théâtre québécoise Trois Tristes Tigres est en résidence à La Chartreuse, pour y créer son cabaret politique, qui traite de l’accueil des étrangers en Europe (du 3 au 6 juillet), et une lecture de l’Enéide (le 6 juillet). Heiner Goebels poursuivra avec Stifter’s Dinge, les choses de Stifter (du 6 au 14 juillet) : un monde de sons et d’images, sans musiciens, sans acteurs, sans humains sur la scène, mais avec des objets visuels, sonores, virtuels, pro-jetés… Car cette année un des débats de la Chartreuse questionnera le théâtre à l’heure du numérique. Un autre est en rapport avec l’histoire du lieu. Le moine Rabelais, lorsqu’il décrivit Thélème, pensait (entre autres) à la Chartreuse. La Dégelée Rabelais, titre générique d’une série d’expositions en Languedoc Roussillon, évoque ce chapitre du quart livre, les Paroles gelées, Stifters Dinge de Heiner Goebbels © Mario Del Curto dans lesquels les mots glacés retrouvent leur état premier et s’énoncent dans l’air réchauffé, laissant éclater leur truculence… À la Chartreuse, depuis le 6 juin, cette révélation prend les formes d’une exposition sur Priape, et plus généralement d’une confrontation d’œuvres contemporaines à l’architecture médiévale monastique, éclairée de la pensée et du rire rabelaisiens… Réjouissant ! Les rencontres d’été de la Chartreuse à partir du 3 juillet Villeneuve lez Avignon (30) 04 90 15 24 24 www.chartreuse.org …et chez les wallons S’il est une programmation particulière durant le Off avignonnais, c’est celle du théâtre des Doms. La salle accueille depuis sept ans la Création de la Belgique Francophone. La Communauté reçoit de nombreuses candidatures (120 cette année !), opère une sélection et propose aux festivaliers six spectacles quotidiens, dans les conditions d’alternance du off : de 11h à 23h les représentations aux décors démontables se succèdent. La spécificité : tous les textes sont contemporains, en création, et les compagnies, aussi diverses que le Théâtre National de Wallonie ou le Manège de Mons, sont, si l’on en croit ce que l’on a vu les années précédentes, d’une grande qualité. La Création belge affiche également sa danse aux Hivernales, juste en face, grâce à la programmation de Charleroi danses (voir zibeline 8). Alors, vous ferez bien un petit tour à Bruxelles sur Rhône ? A.F. La création en Belgique Francophone Du 7 au 27 juillet Théâtre des Doms, Avignon (84) 04 90 14 07 99 www.lesdoms.eu … dans la plaine… Cette année il y aura une création d’Irina Brook, un Tchekhov par le Théâtre de l’Unité, Tristan et Yseult par Les Baladins du miroir. Sans oublier des spectacles de cirque, et une programmation pour les enfants. Alors n’hésitez pas à descendre dans la plaine (si vous êtes Chartreux) ou à passer le Rhône ! Oncle Vania à la campagne ©Thibault Dangréaux Chaque année le Festival de Théâtre Itinérant grossit, grossit, et attire un public de plus en plus nombreux, et heureux, de l’autre côté du Rhône. Au pied de la Chartreuse fleurissent les chapiteaux et se succèdent des spectacles populaires d’une grande qualité, dans une ambiance foraine, avec guinguette et convivialité garanties. A.F. Villeneuve en scène Du 4 au 21 juillet Villeneuve lez Avignon (30) 04 90 26 07 40 www.villeneuve-en-scene.fr 14 FESTIVALS ERAC | LE BALCON | SALON Sortie d’école Les élèves de troisième année de l’ERAC (voir Zibeline 8) présentent à Marseille et Avignon Sœurs et frères d’Olivier Cadiot, mis en scène par Ludovic Lagarde Cette 16e promotion de l’École, qui a travaillé avec Youri Pogrebnitchko, Xavier Marchand, Catherine Marnas et Alan Terrat, se confronte aujourd’hui à l’écriture lyrique et précieuse de Cadiot, qui a adapté pour eux (deux distributions de 7 élèves) un texte pour 5 comédiens, écrit il y a 15 ans. La mise en scène de Lagarde se double de la direction d’acteurs du comédien Laurent Poitrenaux, pour emmener les jeunes comédiens dans une vie de famille constituée de bribes, de souvenirs, de moments communs, de rivalités, de séquences musicales… La pièce sera créée à Montevideo, puis à l’ISTS d’Avignon pendant le Festival, et les comédiens seront ensuite lâchés sur la scène professionnelle, aidés par le Fonds d’Insertion pour les Jeunes Artistes Dramatiques, si quelque metteur en scène de passage vient à les remarquer… A.F. © X-D.R Sœurs et Frères du 17 au 25 juin Montévidéo, Marseille 04 91 37 14 04 www.montevideo-marseille.com Atelier ISTS, Cloître Saint-Louis du 18 au 24 juillet 04 90 14 14 17 www.ists-avignon.com 04 93 38 73 30 www.erac-cannes.fr Pont métaphorique «Le pont le plus célèbre du monde ne sert plus à rien. Il s’arrête au milieu du fleuve» confie le comédien qui en chante les louanges, et pourtant... Serge Barbuscia offre pour le festival 2008 une plongée dans l’histoire fantastique (et vraie ?) de l’enfant Bénezet qui fut le créateur du célèbre pont d’Avignon, chanté partout et orchestré pour le spectacle par Jonathan Schiffman, chef new yorkais. Les dimensions du théâtre du Balcon plongent les spectateurs au cœur même de l’orchestre et c’est dans l’intimité d’une formation de 35 musiciens que se jouent Bizet et Grieg, dialoguant véritablement avec le conteur. Une chanson coquine du moyen âge devient une ronde enfantine à partir d’une opérette du siècle dernier, et voilà que chacun a envie de danser. Le pont est un fantasme, un lien entre les rives et les hommes. Bénézet, pâtre de 12 ans, apporte à la ville des notables du XIe siècle un message. Il est raillé, puis le miracle se produit –Bénézet met la première pierre sur le Rhône, et elle tient, la construction du pont est entreprise. Le texte passe du rire aux larmes en traversant l’histoire comme la légende. «L’utopie, c’est la vérité de demain» disait Hugo, Barbuscia se plaît à rappeler que nous avons une responsabilité envers le futur, que le jardin d’Eden n’est pas offert. L’écologie est l’utopie d’aujourd’hui et le pont imprégné des quatre éléments de la nature -le fleuve qui détruit, le vent qui polit, la pierre dont il est fait et le soleil qui le brûle- est la manifestation du travail de l’homme dans son environnement : «nous sommes nous-mêmes des bouts de pont» dit-il, notre bonheur est dans le travail de réalisation de nos rêves. CAROLINE ROSSI © X-D.R Côté Prestige À quelques pas et quelques jours du Festival d’Avignon, le Château de l’Emperi se la joue Palais des Papes et ouvre sa Cour à quatre représentations d’envergure. Nettement plus populaires que le Festival ! L’esprit du TNP est-il là ? En tous les cas, l’affiche en partie ressemble à du Vilar : de grands comédiens, parisiens, et des grands classiques… Cela commence le 7 juillet avec le Don Quichotte adapté et mis en scène par Philippe Adrien. Un spectacle avec masques et vidéo, très visuel, joué magnifiquement par le comédien aveugle Bruno Netter. Ce qui interroge profondément l’interprétation idéaliste du personnage, qui se trouve là comme manipulé uniquement par ses fantasmes intérieur, hors de toute réalité visible… Il y aura aussi deux Molières : après Les Précieuses Ridicules le 11 juillet, la Cour accueillera le Dom Juan de Torreton le 12 pour clôturer le Festival. Entre temps (le 9 juillet) il y aura eu les Bonimenteurs, et leur excellent spectacle interactif, où l’improvisation devient un art comique… A.F. Le Secret d’Avignon a été créé les 24 et 25 mai au théâtre du Balcon, avec l’Olrap. Côté Cour Château de l’Emperi, Salon-de-Provence www.festival-theatrecotecour.org 04 90 56 00 82 16 SAISONS GYPTIS | TOURSKY | LA CIOTAT Développement durable Toursky Passion Ils sont heureux, les directeurs du Gyptis ! Cette année, tous les La programmation du Toursky, une spectacles ont rencontré leur public… rique, passionnante, hétéroclite et change pas ! Araignées de Mars de Josette Baïz. Caligula © Jean-Luc Charles …même ceux qui, a priori, semblaient plus difficiles, comme Exilio ou Ceux qui partent à l’aventure : ces créations de textes contemporains par des metteurs en scène de la Région ont fait recette ! Et une fois de plus ils ont fait venir au théâtre des générations nouvelles, encadrées par leurs professeurs et préparés par l’équipe du théâtre. Ainsi au Gyptis les spectateurs n’ont pas à redouter de côtoyer les groupes de scolaires, qui s’y tiennent fort décemment, et ne font éclater leur jeunesse que dans leurs rires et leurs applaudissements… Alors, à l’occasion de l’annonce de cette saison nouvelle, Andonis Vouyoucas fait un rappel historique : il évoque leurs débuts à Marseille, il y a près de 30 ans. Lorsqu’il y avait tout à construire, qu’aucun spectacle professionnel ne se créait à Marseille, qu’aucun comédien n’y était formé, n’y vivait… L’occasion d’affirmer et de justifier la programmation du Gyptis, centrée sur peu de spectacles, mais uniquement des créations régionales qui font travailler les gens d’ici et permettent un rapport de proximité avec le public. Cette année encore, donc, peu de spectacles : 11, dont 4 n’ont lieu qu’une ou deux fois. Deux spectacles tout public (un conte de Tôn-Thât Tiêt par Musicatreize, et un Petit Prince virtuel mis en scène par Jean-Louis Kamoun), un récital lyrique (Alain Aubin réussit à faire remonter Magali Damonte sur les planches !), et les Les sept autres spectacles sont théâtraux, et prennent leur temps : entre 5 et 15 représentations pour chacun. Quatre grands «classiques» rythmeront la saison : en mai un Malade Imaginaire interactif, avec participation du public (Cie Vol Plané, créé au théâtre de la Calade, Arles). Une pièce dont Alexis Moati relève l’omniprésence de l’angoisse de mort, tandis que les spectateurs qui ont vu sa mise en scène rapportent leurs éclats de rire, et le plaisir qu’ils y ont pris… Mais le metteur en scène souligne également l’hétérogénéité de la dernière pièce de Molière, à l’écriture incroyablement facile et maîtrisée… Autre création de la région : Alexandra Tobelaim (Cie Tandaim, Marseille) se penche sur son premier classique, Marivaux… Attentive à la subtilité des sentiments amoureux, elle créera une Seconde surprise de l’amour toute empreinte de l’œuvre de Sophie Calle : la Douleur Exquise de la perte amoureuse, qui seule permet la renaissance du désir… L’Uppercut théâtre (Carqueiranne) reprendra un Caligula «centré sur les acteurs», et les contradictions psychologiques de ce «tyran si humain». Et Françoise Chatôt, après Ruy Blas, continuera d’explorer le romantisme avec des Caprices de Marianne mâtinés d’esprit hip hop : parce que le désespoir fondamental de Musset ressemble aux sentiments de notre jeunesse, confrontée aux mêmes absences de perspectives, aux mêmes ciels bas et lourds… D’autres spectacles, moins classiques, viendront compléter la programmation : un dialogue imaginaire entre Rousseau et Voltaire, qui règlent leurs comptes et parlent théâtre (mes Jean-François Prévand) ; une revisitation de Sunset Boulevard par Jacques Hansen ; et la création de Notre Dallas : le projet prend forme depuis plus d’un an, aidé par les Bernardines puis le 3BisF. Charles-Eric Petit (Cie L’individu, Marseille), tente d’écrire un théâtre nouveau à partir des traces d’une mythologie toute récente : ou comment Sue Ellen et Bobby Ewing ont marqué notre inconscient collectif. Jusqu’à créer des archétypes ? Une saison de créations et d’interrogations s’annonce ! Qui aurait parié qu’un théâtre puisse afficher 38 spectacles et près de 70 représentations dans les quartiers Nord de Marseille, avec moins d’1,3 million de subventions ? C’est l’exercice de haute voltige auquel se livre l’équipe du Toursky depuis de nombreuses années… Ses recettes ? Remplir ses salles à 98 % pour parvenir à avoir plus d’un million de recettes propres, et tabler sur la bonne volonté d’artistes fidèles qui travaillent pour presque rien. Le Toursky a donc les défauts de ses qualités, et obligations : les places n’y sont pas bon marché, certains spectacles accueillis sont consensuels, et certaines fidélités agaçantes : Pietragalla, Nirmala ou Michel Bourdoncle ne sont pas les seuls chorégraphes et pianistes dignes d’entrer en ces lieux… et les orchestres russes, serbes ou mexicains ne favorisent pas vraiment la création musicale de la région… En fait, la création hérite d’une place réduite : une salle de 800 places qui doit faire le plein de spectateurs payants dans ce quartier ne permet pas la prise de risque. Le Toursky programme tout de même quelques créateurs régionaux (Edmonde Franchi dans Carmen Seita, le Nomade Slam d’Ahamada Smis, et Richard Martin lui-même), mais ne peut se permettre de produire vraiment des spectacles. La diminution de la subvention de l’Etat sous ce prétexte (il reste 15000 euros annuels, ce qui représente 0,5 % du budget du Toursky…) paraît donc un brin hypocrite. Programmation Car s’il est une mission que le Toursky remplit avec brio, c’est celle de la diffusion : chaque spectateur peut, dans la programmation pléthorique, concocter un cocktail à son goût. Ceux qui aiment le texte chanté pourront entendre Jonasz, Julos Beaucarne, Anne Sylvestre, Ahamada Smis ou Angélique Ionatos… Les amateurs de (bons) spectacles comiques retrouveront Dau et Cautella, et les Achille Tonic (Shirley et Dino ont enfin rejoint leur troupe !). Les amateurs de «comédiens qu’on voit aussi AGNÈS FRESCHEL 5 filles couleur pêche © Jean-Paul Lozouet Gyptis saison 2008/2009 04 91 11 00 91 www.theatregyptis.com 17 fois de plus, s’annonce pléthocontestable. Richard Martin ne Heureux qui comme Ulysse… Le Théâtre du Golfe, conseillé par Dominique Bluzet, construit une programmation tout en collaborations… Les cameleons d’achille © photos Didier Pallagès au cinéma» pourront voir en vrai Evelyne Bouix, Galabru, Michel Aumont, Jean-Claude Dreyfus, et Myriam Boyer dans son Ajar moliérisé… Puis il y aura quelques curiosités : Ionesco en slovaque, Voltaire’s Folies, Le Footsbarn qui revient à Marseille après près de 25 ans d’absence, et met en scène le plus lyrique des romans de Hugo (L’Homme qui rit), Beauvoir et Sartre se répondront avec Nekrassov et La Femme Rompue. Et pour les fervents du classique il y aura un Songe d’une nuit d’été en création, et un Dom Juan mis en scène par Villégier. Et bien sûr le Festival Flamenco, le Théâtre Russe et ses cabarets, Mai-diterranée, un peu de cirque pour ouvrir la saison, Piot Fomenko et Gogol… pléthorique je vous disais ! Vous trouverez bien de quoi vous abonner ! D’autant que le Toursky est un des rares théâtres qui n’impose pas de spectacle dans son cocktail d’abonnement : comme le dit Henri Frédéric Blanc (voir p.63), auteur fétiche de Martin et responsable de la Revue des Archers : «le Toursky restera un espace de liberté et non une boutique culturelle.» Une belle ambition ! Près de la moitié des propositions sont hors les murs : 11 spectacles sur les 25 proposés emmènent les Ciotadens hors de leur ville… Vers le Gymnase bien sûr, ou le GTP, mais aussi vers le Festival d’Aix (Zaïde le 10 juillet), les Salins (Tango Metropolis en décembre), l’Opéra de Marseille (la Veuve Joyeuse en janvier). Les abonnés du théâtre du Golfe peuvent donc profiter de véritables saisons lyrique et chorégraphique (Avec Blanche Neige de Preljocaj, Steve Reich Evening de Keersmaeker…) qui ne pourraient avoir lieu en leurs murs. Chaque fois, un rendez vous est donné devant le théâtre pour un départ commun vers Aix, Marseille, Martigues… Par ailleurs le Golfe programme des spectacles aux dimensions plus modestes en ses murs. La programmation jeune public est particulièrement soignée, avec une attention portée au conte, (Un Petit Chaperon Rouge et son grand-père de Loup, mis en scène par Sarah Gabrielle), au théâtre d’objet (La Balle Rouge), au cinéma avec une histoire animée des frères Lumière, et au rock, avec un concert pour enfants par musiciens adultes en culottes courtes. Adultes et enfants partageront d’ailleurs aussi les créations de metteurs en scène de notre région : ils y verront un Ubu de papier dirigé par Jacques Maïmouna Gueye et Jacques Allaire © Eric Legrand Germain, Akel Akian qui met en scène Albatros de Fabrice Melquiot, Philippe Car qui reprend Roméo et Juliette… Mais les Ciotadens pourront également voir en leur murs : une opérette d’Offenbach (Les Bavards en octobre), un monologue de Maïmouna Gueye (Bambi en novembre), le solo d’un clown (Éric Lyonnet), Agnès Debord qui chante L’Amour Vache… Bref, une formule qui permet de varier les plaisirs, et de faire d’un petit port d’ancrage un départ vers des horizons vastes, aux amarrages sûrs. A.F. Théâtre du Golfe, La Ciotat Saison 2008/2009 04 42 08 92 87 www.laciotat.com AGNÈS FRESCHEL Toursky Saison 2008/2009 0820 300 033 www.toursky.org es Bavards © X-D.R 18 SAISONS LA CRIÉE Réduit à l’essentiel La Criée à la rentrée ouvre pour un mois, et s’exile ensuite pour cause de travaux. Vous avez dit électrique ? La Criée a besoin de travaux de mise en conformité électrique. On le sait depuis quatre ans, on le prévoit depuis trois ans, on le repousse depuis deux ans. Normal, direz-vous, c’est le Centre Dramatique National… de Marseille. Vous savez cette ville où rien n’est jamais fait dans les temps prévus, surtout lorsqu’il s’agit de travaux publics, et encore plus lorsqu’il est question de bâti culturel. Il y a cependant là de quoi émouvoir au-delà du public de théâtre, puisqu’il s’agit de gestion de l’argent public. La Criée avait prévu une saison 2007/2008 écourtée, pour commencer les travaux en avril, retrouver ses murs début 2009, et ne perdre qu’un trimestre de programmation. Elle est donc fermée depuis plus d’un mois, mais les travaux ne débuteront qu’en… novembre ! Huit mois perdus, dilapidés (une saison de la Criée coûte tout de même 3,6 millions d’euros), puisqu’en fait les travaux auront lieu de novembre à juillet ! C’est-à-dire qu’il faudra tout de même assurer une saison entière hors les murs, avec le même budget, ce qui n’est possible qu’en réduisant considérablement le Personne ne voit la vidéo © Fraicher-Matthey nombre de places offertes. Vous avez dit économique ? Il y aura donc cette année, grâce à la solidarité habituelle des directeurs de lieux, familiers des programmations hors les murs ces dernières années, 11 spectacles accueillis ça et là (au lieu des 18 habituels), mais surtout 77 représentations seulement au lieu de 133, dans des salles plus petites… Les recettes vont donc considérablement diminuer (les entrées représentent 30 % du budget du CDN), et ne seront pas compensées par des subventions supplémentaires. Chacun sait que la période est à la restriction, et la Criée n’échappe pas au «gel» de l’état : 50 000 euros en moins cette année... Comme l’administratif et la gestion courante auront plutôt tendance à augmenter vue la situation, c’est l’artistique qui est touché de plein fouet… Est-ce pour cela que Jean-louis Benoît a construit sa programmation autour de la question du Pouvoir d’État ? Au programme Du 23 septembre au 31 octobre, vite, avant que les travaux ne commencent, la Criée programme à la chaîne dans ses deux salles 47 de ses 77 représentations ! Deux pièces contemporaines : Personne ne voit la vidéo de Martin Crimp mis en scène par Linda Blanchet, et dans le cadre de la programmation d’Actoral le premier volet de la trilogie CHTO de Sonia Chiambretto mis en scène par Hubert Colas (on pourra voir le 3e volet, Mon Képi Blanc, au Festival de Marseille). Puis il y aura, dans la petite salle, Nicomède de Corneille mis en scène par Brigitte Jaques : une pièce peu montée, et qui met en jeu la résistance du héros face au pouvoir impérial dévoyé. Autre temps, même mœurs : JeanLouis Benoit s’est plongé dans le journal de Jacques Foccart (Monsieur Afrique du Général de Gaulle) pour retranscrire ce que fut mai 68 dans les coulisses du pouvoir. Comment le Général n’y comprit rien, puis y mit bon ordre. Cela s’appelle De Gaulle, c’est une création, et ne promet rien de lénifiant… Expulsée hors des murs la question Nicomède © Cosimo Mirco Magliocca du Pouvoir se posera au Gymnase, pour un autre Corneille, tragique celui-là, mis en scène par Allain Ollivier. Le conflit du Cid est-il amoureux ou politique ? les deux, sans doute… Débrayage, de Rémi de Vos, emmènera la question à La Friche : sa pièce mise en scène par Éric Vignier, déroule dans une série de saynettes folles les conflits du travail, les mises sur la touche, les licenciements et compromissions avilissantes des employés… Puis il y aura aussi Daniel Benoin qui met en scène Guitry et Cassavetes, Célie Pauthe qui monte une pièce de Bergman, Arias, et ses folies colorées, baroques, divines… et JeanClaude Fall qui clôt la saison au Théâtre Nono (voir page 23) avec deux Shakespeare, retrouvant ainsi la thématique de la saison, les folies et les failles des despotes : Le Roi Lear et Richard III ne sont-ils pas les deux visages d’un même pouvoir qui se dévoie, par l’usurpation meurtrière ou le renoncement coupable ? Enfin, pour animer le hall, continuer à faire vivre le lieu, il y aura des soirées cabarets dans le hall, des débats sur la mezzanine, et l’accueil du public se fera toujours au même endroit… durant toute la durée des travaux ! AGNÈS FRESCHEL La Criée Saison 2008/2009 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com NÎMES | GRASSE SAISONS 19 Quand Nîmes s’anime qui multiplie les spectacles : cette année il y aura 39 propositions différentes. Chacun peut, dans cette programmation pléthorique, mais au nombre de représentation réduit (66), trouver de quoi concocter l’abonnement de son goût : une offre de choix pour une ville de 150 000 habitants, qui lui rend bien son attention, puisque le théâtre est toujours plein (ou presque !). Petites histoires.com © X-D.R Le théâtre de Nîmes a une histoire ancienne et un statut particulier : maison chère aux habitants, et située au cœur du quartier historique, on y a toujours vu une programmation musicale, lyrique en particulier, voisiner avec du théâtre, puis de la danse et des arts «indisciplinaires», comme le disent aujourd’hui joliment les programmateurs. Depuis l’arrivée de Macha Makeïeff à la direction, le théâtre municipal a pris un essor véritable, proposant une saison Au programme On retrouve à Nîmes quelques spectacles formidables que l’on voit ailleurs, comme Le Petit Chaperon Rouge de Pommerat, Sauve qui peut des TG Stan, une création de Philippe Dorin ou celle des 26000 couverts, le hip hop de Kader Attou ou la dernière mise en scène d’Yves Beaunesne (Le Canard Sauvage, Ibsen). Mais l’essentiel de la programmation est original et spécifique. D’abord parce que c’est là que Macha Makeïeff et Jérôme Deschamps inventent leur inclassable théâtre de geste (Salle des fêtes, en novembre). Ensuite parce que la création lyrique y conserve une place de choix : la saison finissante a vu, en exclusivité dans la région, le superbe Britten d’Olivier Py (Curlew River) et l’Étoile de Chabrier… et en 2008/2009 il y aura la création en France de l’opéra de poche de Philip Glass, d’après la Colonie pénitentiaire de Kafka ; et Le Retour d’Ulysse de Monteverdi mis en scène par William Kentridge et ses superbes marionnettes. Enfin parce que deux temps forts rythment la saison de leur originalité : le Flamenco en janvier, traditionnel et incontournable à Nîmes, à la fois pour les amateurs de musique et de danse ; et la Biennale Japonaise, très intrigante, expérimentale, faite de moments chorégraphiques et musicaux mâtinés d’arts numériques… et qui donnent aux Nîmois l’occasion d’être à la pointe du dialogue franco-japonais : aucun de ces spectacles n’est jamais venu en Europe ! En dehors de ces temps forts, on remarquera également, tout au long de la saison, l’attention portée au jeune public avec des propositions exemplaires : des textes de Melquiot, Dorin, Pommerat, l’Affaire Poucet d’Olivier Rannou, mais aussi des concerts jazz ou classiques prévus spécifiquement pour eux, de la danse (Picasso et la danse, Cie Europa…), du cirque, des ciné concerts… Une programmation singulière et hétéroclite donc, dont le point commun est la qualité ! AGNÈS FRESCHEL Saison 2008/2009 Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 00 www.theatredenimes.com État de Grasse Pôle régional de développement et scène conventionnée pour la danse et le nouveau cirque, le théâtre de Grasse affiche une programmation pléthorique et des temps forts appétissants Une quarantaine de spectacles rythmera la saison, avec beaucoup de théâtre, des pièces très éclectiques le plus souvent issues du répertoire contemporain : la quête du sens dans Assoiffées de Wajdi Mouawad, le questionnement de l’Autre dans Le Grand Nain de Jambenoix Mollet et Philippe Eustachon, l’humanité en marche dans Ceux qui partent à l’aventure mis en scène par RenaudMarie Leblanc sur un texte de Noëlle Renaude, la dénonciation des abus des guerres de religion dans Les Croisés de la compagnie belge Agora Theater, la visite de Joël Pommerat au Les Chaussettes © Cosimo Mirco Magliocca déjà mythique Pinocchio, la vision abrasive du monde contemporain de Rodrigo Garcia dans Jardinage humain, ou encore la fable intemporelle John et Joe mise en scène par Eric Monvoisin sur un texte d’Agota Kristof. Des créations attendues émailleront la saison, celle de Fellag, Tous les Algériens sont des mécaniciens, de Ahmed Madani, Ernest, ou comment l’oublier, la mise en scène du texte de Marguerite Duras, La douleur, par Patrice Chéreau et Thierry Thieù Niang avec Dominique Blanc dans le rôle-titre, et Le Bourgeois gentilhomme de Philippe Car et sa nouvelle compagnie Agence de Voyages Imaginaires. Sans oublier les «têtes d’affiche» Michel Galabru et Gérard Desarthe dans Les Chaussettes, Thierry Lhermitte et Sylvie Testud dans Biographie sans Antoinette, Myriam Boyer dans La vie devant soi, Jean Rochefort en conteur facétieux dans Entre autres… En danse les propositions sont remarquables, avec la venue de la chorégraphe Kettly Noël avec Chez Rosette, le hip hop virtuose de Petites histoires.com de Kader Attou et les deux pièces d’Angelin Preljocaj Noces et Empty moves (part 1). Soulignons enfin les deux temps forts qui occuperont une bonne partie du mois de février : la venue de l’artiste de cirque, équilibriste, manipulateur et faiseur d’objets Johann Le Guillerm. Il présentera Secret sous chapiteau, et Monstration, exposition spectacle hors du commun. Avant que la Cie 26000 couverts n’offre une clôture de saison époustouflante avec Beaucoup de bruit pour rien ! Ouverture des abonnements le 18 juin : n’hésitez pas ! DOMINIQUE MARÇON Saison 2008/2009 Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com 20 SAISONS MARTIGUES | PORT-DE-BOUC | CAVAILLON In extremis Le théâtre de Cavaillon conserve in extremis son statut de Scène Nationale, mis en cause lors des dernières élections municipales… © Pascal Grimaud Le bel âge Le Théâtre du Sémaphore fêtera la saison prochaine vingt ans de présence sur le territoire de Portde-Bouc Visiblement soulagé, Jean-Michel Grémillet, directeur depuis 7 ans du théâtre, raconte désormais l’histoire en esquissant un sourire (encore crispé) : la municipalité sortante avait donné le «coup de pied de l’âne» en votant, juste avant de partir, un budget qui attribuait à la Scène Nationale 30 % de moins que l’année précédente… La nouvelle municipalité, pourtant de la même couleur UMP que la sortante, s’était trouvée dans des turbulences inattendues, devant décider de garder ou non ce label… gage de l’engagement de l’État jusqu’à une certaine hauteur, mais lourd aussi financièrement pour une commune relativement petite, et obligeant à un cahier des charges précis en termes de création, de rayonnement, de qualité, d’accueil de compagnies de la région… Bref une interdiction de faire une programmation grand public et facile. Mais le bilan artistique de la Scène Nationale étant plus que positif, et sa mission de démocratisation et de fidélisation du public assez exemplaire, il semblait délicat de transformer en théâtre municipal cette salle toute neuve, toujours pleine (85 % de taux d’occupation, dit Grémillet qui n’aime pas le terme «remplissage» : on en gardera l’idée !), presque toujours ouverte (130 représentations l’an dernier), et ne programmant que des artistes véritables (cette année on y a vu No Tunes International, Le Centaure, Skappa, 26000 couverts, Rancillac, Télémaque, Galin Stoev, Philippe Dorin durant le seul premier trimestre...), rayonnant dans tout le Vaucluse et au-delà avec ses Tournées Nomades (19 villes reçoivent ainsi ces spectacles décentralisés). De plus ils font depuis des années un travail de médiation culturelle si efficace… que les représentations peuplées de public scolaire sont un régal d’attention et d’intelligence ! Il semblerait donc normal qu’une telle réussite artistique soit la garantie d’une pérennisation, au minimum. Mais si le statut de Scène Nationale semble pour l’instant sauvé, le théâtre reste convalescent, encore fragile, dans le collimateur des tutelles : plus que jamais à soutenir ! C’est donc à une ébauche de saison, loin d’être finalisée, que Grémillet a invité son public le 12 juin. Quelques traits s’en dégagent : il n’y aura sans doute que 29 spectacles a lieu des 36 de l’année précédente, mais autant de créations (10 spectacles), 7 artistes de la région, des textes tous contemporains, et une attention particulière à l’Afrique, avec la venue de Salia ni Seydou (voir page 10), de la chorégraphe Kettly Noël, de Thierry Bedard qui met en scène 1947 de l’écrivain malgache Jean-Luc Raharimanana… Et parmi les spectacles que nous avons vu et adoré à Zibeline, il y aura (sous réserves, la programmation n’est pas encore officielle !) : Ceux qui partent à l’aventure mis en scène par Renaud Marie Leblanc, Une île de Cervantès, Taoub des acrobates de Tanger mis en piste par Aurélien Bory, Pinocchio de Pommerat, du Durringer, du Melquiot, Nadj, Catherine Zambon… et Attitude Clando, un magnifique texte magnifiquement vécu sur scène par Dieudonné Niangouna, son auteur… De quoi vous donner envie de devenir Cavaillonais ! AGNÈS FRESCHEL Scène Nationale de Cavaillon Saison 2008/2009 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com Un anniversaire placé sous le signe d’un hommage aux compagnons, tous ceux, artistes, public et d’autres encore, qui ont contribué à faire de ce lieu un lieu de création et de diffusion du spectacle vivant, un lieu où la formule «action culturelle» est suivie de faits et a des répercussions sur les publics. Depuis 10 ans le Sémaphore est Pôle Régional de Développement Culturel et Scène Conventionnée pour les publics. Paul Fructus, compagnon de la première heure, ouvrira la saison le 26 septembre avec le bien nommé Bal du début, accompagné par la Cie Le temps de dire ; ils seront ensuite présents avec Les travailleurs Marc Jolivet © Chritian Lauté 21 Une recette comme on les aime La scène Nationale de Martigues affiche une belle santé, et une profusion de spectacles de tous genres, mais d’égale qualité de la mer, d’après Victor Hugo (le 3 octobre). Et puis d’autres compagnons se succèderont, seuls sur scène, et notamment Marc Jolivet dans Mon frère l’ours blanc (les 10 et 11 octobre), Rufus dans un monologue beckettien, Les mots sont des trous dans le silence (le 14 novembre), ou encore Michel Boujenah, Enfin libre ! (les 12 et mars). D’autres reviendront, fidèles à la scène buciportaine, tels la Cie Cartoun Sardines, en résidence au Sémaphore toute la saison, qui propose Faust (le 21 octobre) et Le bonheur (le 24), et la Cie l’Egrégore, présente l’année dernière avec Oncle Vania et qui revient avec Karl Marx, le retour (le 3 février) et La mouette (le 6). Le public jeune n’est pas en reste : la Cie barcelonaise Xirriquiteula dévoilera son Papyrus le 30 octobre, la Cie clandestine animera des ateliers avant les représentations de C’est pas pareil (les 28 et 29 avril)… Sans oublier un travail de collaboration qui se poursuit avec le Théâtre des Salins à Martigues, autour du projet Mare Nostrum avec la Cie El Gosto, et pour la Biennale Cirk’en mai qui clôturera la saison en beauté. DOMINIQUE MARÇON Théâtre le Sémaphore Saison 2008/2009 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphore -portdebouc.com À l’heure du bilan de fin de saison, les Salins peuvent se réjouir : avec leurs 118 représentations dans l’année, leurs 46 spectacles dont de nombreuses coproductions, et leur 84 % de taux de remplissage (c’est-à-dire 38000 spectateurs pour 45000 places disponibles), les Salins remplissent sans conteste leur rôle de Scène Nationale : si l’essentiel du public vient de Martigues et du bassin alentour, un nombre important d’Aixois et de Marseillais vont jusqu’à Martigues pour certains spectacles qu’on ne voit que là (jusqu’à 40 % des salles). Certains viennent même d’un autre département (1500 spectateurs environ) tant la programmation est abondante, variée, créative, et singulière dans la région. La saison prochaine ne dérogera pas à Tchekov © Pidz la règle : c’est cette fois-ci 56 spectacles qui seront accueillis ! Avec, pour le théâtre, de grands metteurs en scène invitant à de belles propositions, tels Joël Pommerat qui revient avec Pinocchio (voir page 27), et Je tremble (voir Zibeline 8) dont le second volet se fera au Festival d’ Avignon cet été ; Pippo Delbono, fidèle à la scène martégale, avec Questo buio feroce (voir Zibeline 7) ; Yann-Joël Collin dans un truculent Dom Juan ; ou encore Guy Cassiers et son stupéfiant Mephisto for ever, présenté en 2007 au Festival d’Avignon, de même que le Silence des Communistes de Jean-Pierre Vincent ; John Malkovitch pour Good Canary (prix de la meilleure mise en scène aux Molières 2008) ; Hubert Colas autour de l’écriture de Sonia Chiambretto (Mon Képi blanc, présenté cet été au festival de Marseille), Catherine Marnas (artiste associée) qui aura carte blanche durant trois soirs… pour ne citer qu’eux. Danse et Musique De grandes rencontres en danse aussi avec un tour du monde pour le moins prometteur avec les français Olivier Dubois (Faune(s)) et Georges Appaix (Question de goûts), le japonais Hiroaki Umeda (Accumulated layout et Adapting for Distorsion), les franco-marocains Kader Attou (Petites histoires.com) et Mourad Merzouki (Tricôté) et le britannique Russell Maliphant (Flux, Small Boats et Push)… Une multitude de propositions musicales émailleront la saison : de la chanson avec Sanseverino dont le slameur Frédéric Nevchehirlian (artiste associé) assurera la 1re partie, et un concert à deux voix avec Christophe Miossec et Yann Tiersen ; de la musique classique avec Les Contes d’Hoffmann de l’Opéra Eclaté, le Quatuor Ebène, le pianiste Francesco Tristano Shlimé… Et l’Ensemble Telemaque, dont le directeur Raoul Lay est artiste associé, propose une initiation musicale (Portrait Messiaen), un concert mêlant romantique, contemporain et voix (Schubertmannia), et une nouvelle œuvre pour enfants, d’après Grim (La Mort Marraine, voir Zibeline 6). Enfin, le chorégraphe Thierry Thieû Niang, lui aussi artiste associé, proposera deux créations : Au bois Dormant, un spectacle mêlant danse, musique et théâtre avec Marie Desplechin, Benjamin Dupé et Patrice Chéreau, et Un Amour, une rencontre cirque et danse avec Catherine Germain. Aux Salins, exigence et qualité donnent le ton saison après saison, et aiguisent les gourmandises… DOMINIQUE MARÇON Théâtre des Salins Saison 2008/2009 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr 22 SAISONS GAP | BRIANÇON | THÉÂTRE NONO Là-haut dans la montagne À quelques heures de Marseille, au cœur de Gap comme aux pieds des pentes de Briançon, la Scène Nationale des Hautes-Alpes distille sa programmation à travers deux lieux coupés de rien, et surtout pas de la création. La preuve par un tour d’horizon de la nouvelle saison Mais rappelons d’abord, pour ceux qui ne connaissent pas les scènes alpines, l’incroyable réussite de ce pôle, constitué de la Scène Nationale de la Passerelle et du Théâtre du Cadran : les salles, toujours pleines, programment des spectacles variés et exigeants, un nombre incroyable de créations coproduites… et la plupart des créateurs régionaux qui comptent sont passés en ces murs, y séjournant souvent comme artistes associés. Et le public y est nombreux et jeune, formé, attentif : fruit d’années de travail de médiation culturelle, qui ont permis de réussir une véritable démocratisation, dans un département à l’accès pourtant difficile. La Passerelle : tout pour tous Une trentaine de spectacles et concerts : des propositions à retrouver dès le mois de septembre sur la scène gapençaise. Théâtre, danse, musique, sans oublier le jeune public, chacun devrait trouver chaussures à son pied, ou plutôt spectacles à son goût. Les yeux et les oreilles de Zibeline ayant toutefois traîné dans nombre d’endroits tout au long de la saison passée, nous ne saurions trop vous recommander la fréquentation de quelques spectacles que nous avons aimés : Une île de François Cervantès, captivante allégorie masquée, Questo Buio Feroce, œuvre de maturité de l’italien Pippo Delbono, les étonnantes Métamorphoses imaginées par Frédéric Métamorphoses © Pino Pipitone Flamand pour le Ballet National de Marseille ou encore Sombreros, dernier opus, un peu décevant, du maître du rêve éveillé, Philippe Decouflé. Mais aussi les pièces d’artistes moins connus telle la compagnie L’employeur, qui s’attaque avec un art consommé du décalage au très beau texte d’Eugène Savitzkaya Aux prises avec la vie courante, et les jeunes brésiliens des Membros, dont le hip hop chauffé à blanc ne fait aucune concession à l’âpreté de la vie. Côté création, on sera particulièrement attentif à celle de Catherine Marnas qui transforme tous les textes qu’elle touche en pertinents objets scéniques. Avec Le retour au désert de Koltès, les retrouvailles s’annoncent de taille : Catherine Marnas a monté avec une grande subtilité nombre de ses textes, souvent créés d’ailleurs à La Passerelle, durant ces 10 dernières années… Le prochain spectacle du facétieux chorégraphe Thierry Baë devrait également réserver de bonnes surprises. Son titre parle pour lui : Tout ceci (n)’est (pas) vrai. Il nous faudrait encore parler de Fellag, Michel Raskine, Didier Galas, Guy-Pierre Couleau, Emanuel Gat et Régis Obadia, Nathalie Pernette, Thomas Dutronc, l’Opéra éclaté ou encore de l’Ensemble Télémaque. Impossible de les citer tous pour témoigner exhaustivement du foisonnement et de la qualité de cette nouvelle saison que nous vous invitons à découvrir au plus vite : les abonnements sont d’ores et déjà ouverts ! Le Cadran : tout pour la musique À Briançon, les oreilles seront une fois de plus à la fête. Au programme de cette scène résolument tournée vers la musique, du classique avec l’essence rare du quatuor Ebène et de son programme français, Ravel, Debussy, Fauré. Du Jazz, dans tous ses états : des ensorcelantes vocalises d’Ilene Barnes et de Laïka Fatien au jazz klezmer de David Krakauer, en passant par le jazz occitan d’André Minvielle et un hommage à Léo Ferré concocté par trois des plus grands jazzmen italiens dont Gianmaria Testa- en français s’il vous plaît ! De la chanson également, avec la joyeuse gouaille d’Agnès Bihl, le cabaret La sublime revanche ou encore les Folks Songs et autres chansons populaires du XXe siècle revues et sublimées par l’Ensemble Télémaque. Nombreux seront également les rendez-vous où la musique croisera les autres arts. À l’image de L’instrument à pression, étonnante balade au croisement du théâtre et du concert où l’écriture de David Lescot rencontre la trompette de Médéric Collignon et l’incroyable talent du comé- La Sublime revanche © Cédric Rouillat dien Jacques Bonaffé. À l’image aussi des nombreux spectacles jeune public qui émaillent la programmation : la musique y tricote de pertinents maillages avec le théâtre, la danse, le cirque et même le cinéma. Et parce que les coups de cœur n’ont que faire des catégories, il y aura aussi de «purs» moments de théâtre, de danse et d’humour : La Seconde surprise de l’amour mise en scène par Alexandra Tobeleim (voir page 16), les Petites virtuosités variées des solistes du Ballet de l’Opéra de Paris ou encore l’hilarant cirque des Cousins. Comme quoi, dans la montagne, il est autant question de culture que de nature… LAURENCE PEREZ Saisons 2008/2009 La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 Le Cadran, Briançon 04 92 25 52 52 Ilene Barnes © Pierre Terrasson Inauguration contestable Le Théâtre NoNo de Serge Noyelle et Marion Coutris a tendu ses toiles de cirque à côté de la Campagne Pastré pour accueillir le public marseillais venu en nombre. De nombreux comédiens mêlés à la foule déambulaient sous des oripeaux baroques et des maquillages outranciers : le Petit Chaperon Rouge cherchait sa maman et n’avait pas que de la galette dans son panier ! Des femmes imposantes circulaient dans des tenues de danseuses, des travestis lançaient des oeillades... On croisait des comédiennes du populaire feuilleton Plus belle la vie tout aussi bien que des musiciens, des jongleurs, des équilibristes. Des plasticiens installés sur des tréteaux peignaient de grandes fresques en direct. Parfois le télescopage des musiques et des interventions cacophoniques s’ajoutait à l’ambiance déjantée. Moment fort : les intervenants ont défilé en rythmant leur marche déhanchée avec les talons, la foule s’est mise à l’unisson ; pendant plusieurs minutes le chapiteau a vibré ! Petite note officielle : Michel Sapin, préfet de la région PACA, et JeanClaude Gaudin et Bernard Latarget fraîchement débarqués de Bruxelles, sont venus déclarer ensemble leur foi dans la canditature de Marseille Capitale Européenne de la Culture en 2013. Enfin une danseuse flamenca enflammée et un groupe de musique mi-jazzy ont embrasé la salle. Il reste à voir comment le programme 2008-2009 sera accueilli : des temps forts de collaboration artistique avec le Festival de Marseille, le Théâtre de la Criée, le Ballet de Marseille et le Théâtre Toursky sont annoncés, en plus d’une programmation personnelle avec des reprises de spectacles du Styx Théâtre. La Ville de Marseille prépare depuis des années l’installation de Serge Noyelle à Marseille : jusqu’alors basée à Chatillon, sa Cie était venue jouer son Cabaret en 2004, déjà coproduit par la Ville, et son Entremets-entremots en 2006, dans cette Campagne Pastré, juste à côté du théâtre Équestre du Centaure. La Cie Styx sait inventer des moments festifs, décalés, où le théâtre se met à table, chante et se partage comme un repas, se nourrit de mots, et crée entre spectateurs et comédiens des liens nouveaux. Un lieu de théâtre dans les quartiers sud paraissait territorialement nécessaire. Reste qu’on se demande toujours pourquoi le Styx se voit construire un théâtre à grands frais, alors que tant de compagnies marseillaises sont toujours à la rue, sans salle de répétition, sans lieu qui les programme régulièrement. Et que les travaux de la Criée ont été retardés de six mois pour raisons financières, privant ainsi Marseille d’une demie saison de son CDN... CHRIS BOURGUE Théâtre NoNo, Campagne Pastré. 04 91 75 64 59 Chapiteau © Bruno Ortega 24 THÉÂTRE GYMNASE | MASSALIA | LES ARGONAUTES Obstinato La main écrit le mot, la bouche le façonne, seul le matériau le dit. Par exemple un anorak est un blouson épais destiné à protéger du froid mais c’est aussi un mot emprunté à la langue inuit... Le monde penche, vacille, avance et recule, change d’échelle, mais Mahu en transporte une sur son dos, et Robert Pinget par bonheur a inventé Larroche et les ateliers du Spectacle ! Et c’est le mot qu’écrit la main qui le redresse entre les bras ouverts d’un Grand Anorak totem... Tu vois bien que sans bafouiller on peut rien raconter ! Alors quoi ? Ils sont d’abord deux mais jamais seuls ; il y a lui dans sa cabane au Canada de poupée ; il y a elle dans sa cabane itou ; ils font tout comme nous et la cheminée fume... mais d’où souffle le vent de folie qui pousse ainsi le temps dans tous les sens ? Tentatives de l’homme pour saisir le monde : panneaux indicateurs, discours régulateurs et ô merveille... jumelles géantes pour entrevoir la vérité... qui s’échappe... miroir qui ne capte pas mais impose son reflet... rasoir qui fait naître le visage sous le savon à barbe... pinceau magique qui relaie le dire et le faire pour découper un petit monde quotidien dans l’étoffe des rêves et l’épaisseur du polystyrène... casserole sans fond qui engloutit des fleuves de lait destinés à quel estuaire ? Mais oui, il faut en croire ses yeux et ses oreilles (de l’archet qui prélude sur les cordes fantômes à l’Harmonie des Intrus enfin réunis pour dresser un éphémère chapiteau final) sans douter de sa propre jubilation face à cette scénographie de génie de la lampe qui de frottement en trafic donne tant d’esprit Confidences trop pénibles © Thomas Lannette à la lettre ! D’ailleurs est-on bien sûr de n’avoir pas passé la soirée avec Héraclite et Platon venus rejoindre en douce Coutin, Lomon, Senet et Mahu ? Comment reprendre pied dans le monde réel après avoir assisté à l’agonie minuscule d’une tapisserie qui se décolle un peu comme une larme à l’œil ? MARIE-JO DHÔ Bafouilles/ Tu vois bien qu’on ne peut rien raconter a été conçu par Jean Pierre Larroche, mis en scène par Philippe Nicolle et Frédéric Révérend, traversé et habité par de drôles de gens formidables, couvé par le théâtre Massalia et abrité à La Friche du 27 au 30 mai, et joué au théâtre de l’Olivier, à Istres, le 23 mai © Thomas Lannette Patrice Leconte a repris au Gymnase la mise en scène de Confidences trop intimes, avec Christophe Malavoy et Florence Darel. En 2004, il réalisait un long métrage sur ce même thème de la méprise et de la confidence, avec Fabrice Lucchini et Sandrine Bonnaire dans les rôles principaux. Le film n’avait pas rencontré un franc succès. La pièce ne suscite pas grand enthousiasme non plus. Il faut dire que le texte de Jérôme Tonnerre, malgré quelques échanges savoureux, ne brille pas par sa finesse. Et que d’un quiproquo plaisant à l’origine, on attendait autre chose que cette succession pesante de saynètes prévisibles. Une femme se trompe de porte. Elle croit se confier à un psy. C’est un conseiller fiscal qui la reçoit. Courtois et troublé par les larmes de la charmante éplorée, il endosse le rôle de l’écoutant. Christophe Malavoy, crédible durant les premières scènes, s’enlise ensuite dans la posture du maladroit de service. Florence Darel, en épouse bafouée et naïve, se perd dans un personnage sans épaisseur. Les seconds rôles, pourtant bien interprétés par Olivier Pajot (le psy) et Noémie Kocher (Jeanne), ne parviennent pas vraiment à secouer la chape d’ennui. Le décor et les lumières confinent la pièce dans un univers poussiéreux. La musique n’aide pas non plus à dynamiser l’intrigue. À la manière de celle des feuilletons sentimentaux, elle assomme le spectateur. Et l’on dérive doucement mais sûrement vers un spectacle de boulevard sans grand intérêt… MARIE MILANO ET FRED ROBERT Confidences trop intimes a été représenté au Théâtre du Gymnase du 23 au 31 mai 25 Raconte moi les objets © X-D.R Le théâtre d’objet se résout dans le geste : c’est finalement la morale de l’Anthologie proposée par Christian Carrignon. À côté de la salle de spectacle, quelques objets exposés cabotinaient déjà dans l’espace, formes spectaculaires arrêtées, pleines de l’histoire de leur représentation. Dans la salle, simplement, Carrignon conférençait. Démonstrativement, comme un camelot, jouant les sketches des autres. Un cerf cruel qui n’ouvre pas la porte au lapin ; un cachet d’aspirine qui aspire à devenir bonbon ; une baigneuse qui se fait dévorer par un requin ; et pour fil d’Ariane le Roi Lear et le nom de sa fille, cri de couleur, de mort, de remords, de folie. Le théâtre d’objet serait-il féroce ? Sans doute la double distance induite par la représentation et les figurines permet-elle une cruauté plus profonde encore que celle d’Artaud. Celle de l’enfance et de ses poupées ? Enfance de l’art AGNÈS FRESCHEL Anthologie du Théâtre d’objet a été créé au Massalia du 20 au 23 mai Il y a toujours quelque chose d’attendrissant à voir des enfants sur scène. Leurs maladresses, leur trac, les imperfections de leur jeu sont autant de petites lueurs qui brillent comme des trésors éphémères, inconscients. Les Planteurs de Perles a réussi cette performance-là, avec des enfants qui chantent… de la musique contemporaine ! Le pari n’était pas évident, et Marianne Suner a composé une partition faite de balancements légers et de mélodies aux intonations douloureuses, pour emmener dans un monde familier et terrifiant : celui de la jalousie, de la colère, du désir de meurtre et de la culpabilité. Elle a confié les chœurs et les parties solistes aux enfants des Voix Polyphoniques, mis en scène par Brigitte Cirla. Une partition dont ils se tirent à peu près, malgré la difficulté, et leur peu de technique vocale. Les ados du Conservatoire font preuve de plus de savoir faire, et d’autant de fraîcheur. Reste qu’on se demande tout de même si (ne) faire travailler (que) des enfants relève d’un choix esthétique : les spectacles d’enfants intéressentils le jeune public, ou les parents ? Gâchis aux Argonautes !... Cela relève de l’hérésie ou de l’inconscience ! Monter Edward Bond réclame de l’analyse, de la maîtrise, de l’expérience. Le texte est rude, les situations dérangeantes et le spectateur n’y va pas comme il irait au vaudeville. Cela nécessite donc de la part des comédiens une maturité personnelle et professionnelle que ne possédaient malheureusement pas ceux qui ont joué Mardi, pièce écrite au départ pour la télévision. L’argument en est simple : un adolescent a déserté et se réfugie chez sa copine dont le père, attaché au devoir, ne peut accepter de le cacher. La pièce se passe dans un huis clos étouffant ; les trois personnages sont malheureux, incapables de communiquer. Le spectateur est bouleversé par cette détresse et ce gâchis, mais en l’occurrence il fut également abattu par le jeu approximatif des acteurs, notamment les tics de celui qui jouait le père et qui, n’en ayant pas l’âge, se croyait obligé de grimacer. En plus il ne connaissait pas son texte ! À la fin, l’armée à la recherche de sa proie intervenait sur le plateau, semant le désordre et la mort, mais… cela devint vraiment grotesque. Il s’agissait pour la compagnie de monter trois pièces de Bond : Jackets, qui dure déjà près de 4 heures, Onze débardeurs, une pièce extrêmement lourde et Mardi, de dimension a priori plus modeste. Au vu de ce seul épisode du triptyque, il semble que le projet de Francine Eymery, louable, était trop ambitieux : manifestement il manquait à la troupe entraînement et répétitions ! CHRIS BOURGUE Les trois pièces de Bond ont été jouées aux Argonautes, en alternance, du 20 au 31 mai YAMINA TAHRI Mardi © X-D.R Les Planteurs de Perles a été créé au Massalia du 5 au 7 juin 26 CIRQUE/RUE GYMNASE | LIEUX PUBLICS Illusions dévoilées Dites-le... avec des bambous ! © Jean-Louis Fernandez C’est peu dire que James Thiérrée est un magicien. Son troisième opus, sans doute un peu moins époustouflant visuellement que la Symphonie du Hanneton et surtout La Veillée des abysses, n’en reste pas moins un des plus «beaux» spectacles, au sens propre, vu sur les scènes ces dernières années. La cordéliste, la danseuse et la chanteuse y sont un peu moins sidérantes de talents multiples que les artistes de la Veillée ; la musique, diffusée, y est nettement moins réussie et la scénographie, un peu plus cheap, ne maquille pas entièrement la scène d’effets merveilleux... C’est un peu moins illusionniste ou, plutôt, cela laisse voir l’envers des illusions. Et éclater le talent d’interprète de James Thiérrée, et de son acolyte Magnus Jakobson. Car s’il est un maître de la fabrique des illusions scéniques, James Thiérrée est également un incroyable acrobate, mime, clown, comédien, danseur. Son numéro avec un rocking chair montre sa maîtrise d’agrès les plus surprenants, mais ses danses au sol, sans accessoires, sont aussi époustouflantes, tenant du hip hop et du mime. Il sait aussi être un porteur, et ses «monologues» face au public, visage et corps offerts, sont stupéfiants d’expressivité muette. Quant à Magnus Jakobson, il porte avec lui un art du décalage singulier. Acrobate hors pair, il joue ici le rôle du clown incapable de tordre son cops à l’instar des autres, et nous amusant de cette incapacité. Son numéro de prestidigitation à l’envers est emblématique du spectacle : virtuose, mais à un endroit totalement inattendu. Débutant par des tours sans accessoires, mimés, il se conclut par un foisonnement de gags enchaînés, où des bouquets de fleurs de tissu, de colombes de chiffons, des flammes, des confettis surgissent comme spontanément des doigts du prestidigitateur dépassé, maladroit, qui ne maîtrise plus les illusions qu’il génère... Et on sent dans ce numéro comme un virage à venir, vers des spectacles plus intimes... Plus burlesques peut-être qu’enchanteurs ? Dans de nombreuses civilisations, la perfection de l’élan du bambou vers le ciel symbolise la joie ; il est aussi un instrument de musique sacrée et assure le bonheur. Aussi les Marseillais, après les Martégaux, ont-ils vécu l’installation de bambous géants sur le cours d’Estienne d’Orves ou sur la Halle de Martigues avec une sorte d’exaltation. Durant deux fois trois jours la Compagnie Caracol a présenté trois heures de spectacle éclaté et ininterrompu dans une cathédrale de bambous. Groupes d’amis, familles, curieux de tous poils ont déambulé sourire aux lèvres, s’asseyant pour écouter des contes, s’initiant aux percussions, captant les bruits des villes du monde entier dans des écouteurs, regardant un drôle de type qui pédalait dans les étoiles... À la fin tous les acteurs se sont rassemblés pour dire quelques extraits de Roméo et Juliette du haut des perchoirs installés dans les bambous au-dessus de la foule, et une soprano a proposé quelques airs de Bel Canto italien. Le tout sous une pluie de confettis multicolores puis de feuilles blanches, couvertes de mots, de bribes de phrases, que les spectateurs ont ramassées avec une certaine avidité tant ils avaient été stimulés par les diverses propositions du spectacle. Ce Dit du Bambou, souk de la Parole, que nous avions déjà signalé à Aubagne (Zibeline n°3) a deux fois de plus donné la parole aux mots ! CHRIS BOURGUE Le spectacle a eu lieu du 23 au 25 mai à Martigues, et du 30 mai au 1er juin à Marseille AGNÈS FRESCHEL Au revoir parapluie est joué jusqu’au 21 juin au Gymnase 0820 000 422 © X-D.R Pas son espace Peut-être que la rue n’est pas son espace. Georges Appaix aime à jouer avec les décalages de la représentation. Parler depuis la scène comme s’il était un copain, et abolir les distances. La Sirène de l’opéra modifie ce rapport au public, et Appaix n’y a pas trouvé la bonne mesure. Débutant par le cri des sirènes, la fille et les mecs ont esquissés des figures et des mots, se sont amusés avec des lettres blanches à composer d’autres mots encore, puis ont mis une nappe au sol et commencé à faire Dînette. Jusqu’à ce que la sirène annonciatrice de la fin n’enclenche un nouveau cri. Un peu vain, un peu vide, un peu terne : cet humour ne passe pas la rampe de la rue. Dommage : il faut trouver une autre focale ! YAMINA TAHRI © Vincent LucaS Sire Ennemi Dinette était la dernière Sirène et midi net de la saison, proposée par Lieux Publics sur le parvis de l’Opéra, le 4 juin à midi ISTRES | MARTIGUES THÉÂTRE/DANSE 27 Les bons contes font les bons esprits Dieu qu’il est tête à claques ce Pinocchio, petit pantin gâté qui se pense au-dessus de la mêlée et croit pouvoir vivre sans travailler, amasser de l’argent sur un simple claquement de doigts ! Mais on n’a rien sans rien, et la vie se chargera de lui remettre les idées à l’endroit. Loin des versions édulcorées façon Walt Disney, Joël Pommerat ancre le récit de Collodi dans un troublant présent, empli de miroirs aux alouettes, bourré de pièges du paraître, dans lesquels Pinocchio, naïf, tombe immanquablement. Jusqu’à comprendre qu’il importe plus de conjuguer le verbe «être» que le verbe «avoir». Un voyage initiatique pour petits et grands, où Joël Pommerat, tout à la fois auteur et metteur en scène, mêle à merveille le poids des mots et la puissance des images. Le «pays des jouets» devient ainsi celui de la «vraie vie», pour lequel les enfants embarquent à l’arrière d’un semi-remorque, tels des passagers Pinocchio de Joël Pommerat a été présenté au Théâtre des Salins, scène nationale de Martigues, du 27 au 29 mai. © Elisabeth Carecchio clandestins promis à une triste fin. Un exemple parmi une foule de séquences fortes en sens, où la magie du théâtre, par l’illusion du son, le jeu ciselé des éclairages ou encore l’ingéniosité des costumes, n’est jamais en reste. De paroles percutantes en images épous- touflantes (inoubliables Pinocchio et Geppetto navigant sur les flots), nous voilà entraînés du bois à la chair, de l’ombre à la lumière. Par un théâtre brillant, comme un phare par temps de brouillard. Il sera en tournée dans les Bouches-du-Rhône la saison prochaine, avec l’aide du Conseil Général, au Théâtre du Gymnase, au Théâtre d’Arles et, de nouveau, au Théâtre des Salins. LAURENCE PEREZ Les sens en jeu L’installation proposée par le Teatro di Piazza o d’Occasione est une invitation au voyage, une exploration de l’image et du son. Le Jardin Japonais est un spectacle interactif dans lequel les jeunes spectateurs se laissent guider par deux danseuses qui racontent, sur des sons de chants d’oiseaux et de bruits d’eau, la création du jardin. Un mystérieux tapis blanc au centre de la scène n’attend plus que leurs effleurements dansés qui vont déclencher des images et des sons grâce à un système très élaboré, mais complètement invisible, de capteurs sensibles. Le tapis s’anime alors et reprend l’histoire du jardin, les corps impriment leurs marques, les pieds et les mains © Teatro di Piazza o d’Occasione donnent une direction, provoquent les nénuphars, les fleurs, la mer… Les enfants suivent silencieusement ces explosions de sons et d’images avant d’être appelés à leur tour, un par un ou en petits groupes, à évoluer sur le tapis et à recréer l’histoire : de petites danses prennent forme, les gestes s’affirment, la liberté donnée est totale, à peine dirigée par les danseuses qui jouent elles aussi avec ce public particulier. Expérience sensorielle à part, Le Jardin Japonais se laisse découvrir lentement… D.M. Le Jardin Japonais a été dansé les 27 et 28 mai au Théâtre de l’Olivier à Istres 28 THÉÂTRE/DANSE AUBAGNE | 3 BISF | CHÂTEAUVALLON Aubagne en fête Karnavires © Michel Wiart L’événement à ne pas rater pour les amoureux des arts de la rue : Aubagne, qui aime à rassembler ses citoyens sur les places publiques, fête le retour de l’été avec sa nouvelle édition printanière de Chaud dehors. Deux jours de fête avec les spectacles de l’Orphéon Théâtre intérieur, de Léandre, des Piétons avec Brut de Décharge, un opéra concert fondé sur l’accumulation d’objets de récupération, qui critique les décharges publiques… et la création à ne pas rater des Karnavires, le samedi à 22h30 : leur nouveau spectacle de feu, être ou ne pas être, débute par l’arrivée nocturne d’un camion musical, qui laisse descendre 10 clowns illuminés… Encore une très talentueuse compagnie de la région qui depuis des années cherche un lieu de création, et navigue, karnavire involontaire nomade, de résidence de création en résidence de création. En Bretagne, tandis que NoNo s’installe à Pastré… AGNÈS FRESCHEL Chaud Dehors Centre Ville d’Aubagne les 28 et 29 juin 04 42 18 19 88 Jardin de neige Une compagnie qui s’appelle Compagnie, qui signe Demesten Titip d’un anagramme joliment cassetête (on attend vos courriers !) et qui, au 3bisF, se confronte au mythe d’Antigone ne peut être soupçonnée de rechercher la facilité. Et ce titre emprunté à Gilles Deleuze, Ils regardaient le monde dans les yeux de leur voisin, somptueux comme un Ils regardaient le monde dans les yeux de leurs voisins © Xavier Oliviero arc-en-ciel en noir et blanc, ouvre en grand sur un vrai travail de théâtre simple et efficace. La musique composée et jouée par Sébastien Rouiller cadre l’espace et trame le temps dans une vibration qui dit sûrement déjà quelque chose du mythe : familier et très lointain... La famille s’installe assez vite, autour d’une table, comme il se doit, et d’une marmite rouge sang ; une jeune puis vieille jeune Ismène a d’abord parlé doucement, paisiblement d’un présent, d’un passé étouffé par un jardin de neige (?) ; une autre affairée, péremptoire et cassante assène des injonctions dans une noria domestique qui ne fait pas oublier qu’elle tourne en rond ; l’histoire va se raconter, suffit de laisser parler la parole durement amplifiée de Créon, les mots blancs projetés sur mur noir ; les gestes du métier font la tragédie : se poudrer les cheveux ou se blanchir le visage pour passer à l’attaque ; ça va tout seul, on connaît : depuis le début dans le jardin de neige (?) qui crisse deux planches, deux tombes, l’une presque muette (quelle belle idée que ce nom de Polynice en lettres éphémères ranimées par la vigilance d’une éponge imbibée d’eau), l’autre, tribune avant d’être caveau, et le nom d’Antigone y est tracé en blanc pur. Les mots se croisent et Sophocle côtoie d’autres paroles moins antiques, pas sacrées, tout aussi poétiques : bonheur ! Le mythe est un bien commun et les sœurs des héroïnes peuvent avoir les cheveux gris désormais. Le seul délit d’impuissance serait de ne pas remarquer que le gros sel a fait fondre la neige... MARIE-JO DHÔ Ils regardaient le monde dans les yeux de leurs voisins mis en scène par Christelle Harbonn a été donné au 3 bis F du 5 au 7 juin Idéologie du Le programme présenté à Châteauvallon par le Ballet du Grand théâtre de Genève s’est révélé un peu décevant. Bien sûr les interprètes étaient magnifiques. Bien sûr le public serré dans l’Amphithéâtre face au ciel, et la lune qui éclairait la nuit derrière les pins noirs avaient un goût délicieux de festivals qui débutent… Pourtant l’affiche était belle : Teshigawara, Kylián, Bagouet ! Mais Jours étranges, malgré son côté pop réjouissant, n’est pas une œuvre majeure de Bagouet : en dehors de son affirmation gaie de la liberté individuelle, et d’une exploration du geste mou, atonique, ou au contraire sporadique, elle traîne en longueurs sans propos véritable. Le court duo Blackbird de Kylián n’est pas spectaculaire, ni spécialement émouvant. La pièce de Saburo Teshigawara, qui ouvrait le programme, jouait en revanche d’une belle abstraction, de symétries et oppositions entre les quatre couples, de tranversales, de contrastes, d’obliques, de lumières. Dans un raffinement plastique extrême, tendu, ne laissant aucune place à l’imperfection. À la liberté ? Baroque Airs de Cour, Marin Marais, danse baroque, viole de gambe, théorbe et luth… Le voyage dans le temps où semblait deux heures avant nous convier Béatrice Jours étranges © GTG-Ariane Arlotti MUSIQUE 29 Gare aux Garances Changement d’ambiance avec les trois mouvements de l’Espagnol Edouard Toldra. Le Quatuor Garance entame ces miniatures avec une légèreté toute latine qui sert merveilleusement l’écriture enjouée de ces petits joyaux. Le quatuor de Ravel est certainement une des œuvres les plus jouées de la littérature pour quatuor à cordes. Les quatre musiciennes donnent ici une version d’un grand sérieux. Les détails les plus délicats brillent de précision. Le jeu d’ensemble est d’une cohésion minutieuse et les caractères différents des quatre mouvements sont dessinés avec finesse : les pizzicatos fébriles, au second violon (Sophie Perrot), les cantilènes délectables à l’alto (Blandine Quincarlet) nous rendent la vivacité d’une concep-tion si française de la musique de chambre. Le premier violon, Cécile Bousquet-Mélou, éclaire les aigus de sa partition avec une habilité lumineuse, et toutes se rassemblent autour du son savoureux de la violoncelliste Elisabeth Groulx. raffinement AGNÈS FRESCHEL Les Fêtes galantes et le Grand Ballet du théâtre de Genève ont dansé à Châteauvallon (83) le 14 juin À VENIR À CHÂTEAUVALLON Le 20 juin : Le Grand Nain (Jambenoix Mollet et Philippe Eustachon) à 19h30, Il Silenzio (Pippo Delbono) à 22h. Le 27 juin : Deca Danse (Batsheva danse Company) à 22h Le 4 juillet : Diga-me (Samir el Yamni) à 19h30 ; May B (Maguy Marin) à 22h Cécile Bousquet-Mélou, 1er violon © X-D.R Philippe Glass porte bien son nom : sa musique, minimaliste et répétitive, est d’une limpidité extrême. Le Quatuor Garance avait choisi son troisième quatuor à cordes pour débuter son concert dans la crypte du couvent des dominicains. Avec une maîtrise remarquable, les quatre jeunes instrumentistes s’emploient à faire miroiter ce prisme musical fait de formes géométriques, décalages structurels en un tissage subtil de résonances complémentaires. Une musique hors du temps, hors d’époque, insaisissable. BENJAMIN CLASEN Le Quatuor Garance a joué le 26 mai dans la crypte du Couvent des Dominicains Concert Espagnol (Ravel, Toldra, Turina) le 28 juin Hôtel D’olivary, Aix 04 91 54 76 45 Complètement timbré ! Beau succès pour le concert de clôture de la saison marseillaise de l’ensemble Musicatreize L’auditoire était nombreux malgré la concurrence involontaire et souvent déloyale d’un autre ensemble, adepte de jongles lui aussi, mais avec une seule note appelée ballon rond. Pendant que onze Hollandais volants s’improvisaient solistes, Roland Hayrabedian prenait l’accent suédois pour diriger le Chœur Contemporain dans le Paradiso de Lars Edlund. Ensuite, croisements des chœurs mais aussi des styles avec le pré-baroque allemand Schein, attiré par le madrigalisme italien dans ses Fontaines d’Israël, intitulées telle une antinomie madrigaux spirituels. Nouveau croisement riche en émotion avec la création réussie de Ikhtifa de Zad Moultaka. Inspirée de deux tableaux présents au musée Cantini (Terre Brûlée II de Ubac et Voiliers à Cannes de De Staël) sur un texte de al-Maari, poète et philosophe arabe du XIe siècle, la «disparition», dans sa traduction littérale, désintègre les mots, les morcelle, les fractionne et les fait danser. Les solistes et l’orchestre vocal alternent, dans une mise en espace propice à l’éparpillement des consonnes si chères à la langue arabe. La boucle d’une saison réussie est bouclée : les Lys de madrigaux de Maurice Ohana rappellent combien les compositeurs du XXe siècle se sont intéressés à la voix et, à l’instar de Schein, au genre qui magnifie son timbre : le madrigal. Orchestration originale et riche en couleurs avec deux claviers (Pierre Morabia au piano et Isabelle Chevalier à l’orgue), deux cithares (Sébastien Boin), des percussions (Christian Hamouy) accompagnant le Chœur contemporain. Du blues aux feulements, chuintements et jeux de bouches, la richesse de la vocalité est inouïe, le dialogue et l’échange constants entre les vingt-quatre voix de femmes et les instruments dont les timbres prolongeaient les résonances vocales… FRED ISOLETTA Le Concert à quai fut donné le 13 juin au Temple Grignan © Guy Vivien, Paris, 2006 Massin, dans le Théâtre couvert, avait une tonalité aristocratique affirmée. Idéologique ? Certes la danse de Cour laisse les corps plus libres que sa descendante la danse classique, mais elle n’en est pas moins diablement codée, sage par rapport à ses contemporaines populaires… Le baryton se mêlait à la danse joliment, esquissait sur le plateau plus que des gestes, un jeu, et lui aussi s’attachait à un chant naturel et raffiné, éloigné des acrobaties du belcanto mais aussi des impertinences et émotions des chants populaires. Tout cela, petits sauts, batteries simples, demi-pointes, pas chassés, tout cela semblait bien sage… Mais comme à son habitude Béatrice Massin dévie les attentes, dévoie la reconstitution, dévoile le présent de la danse. Car les filles malgré leurs festons sont en pantalons, égales de l’homme, et mine de rien elles vont au sol, tentent des contacts contemporains et pour finir, sur une chanson à boire, se tanquent sur le plateau et retrouvent les appuis lourds des danses populaires… Béatrice Massin réaffirme ici que la danse contemporaine, et la musique, ont quelque chose à chercher là, dans ces Arts baroques de Cour, dans leur liberté, leur naturel, leur abstraction, leur énergie. Leur raffinement ? 30 MUSIQUE RETOURS DE CONCERTS Trio inédit et virtuose Si le concert Les inclassables de Télémaque à Montévidéo a fait découvrir des opus rares, il a également permis à trois formidables solistes d’exprimer leur talent : Benjamin Clasen (violon alto), Jean-Marc Fabiano (accordéon) et Frédéric Baron (basson) Il semble que rien n’ait jamais été composé pour alto, accordéon et basson... Aussi a-t-on commandé à Pierre-Adrien Charpy une pièce spécialement conçue pour cette formation inédite. C’est ainsi que Récréation a été créée sur la scène du Grim le 20 mai, œuvre au caractère ludique, semblant vagabonder d’une texture sonore à l’autre : d’accords dissonants et non agressifs, au soutien d’une longue mélodie sobre, à de furtives réminiscences de tango, de contrepoint baroquisant, de quintes médiévales ou de couleurs à la Stravinsky… Dans la foulée Capuccino pour accordéon a donné l’occasion à Jean-Marc Fabiano de briller dans les traits acrobatiques, les rythmes asymétriques, les élans furieux ou les sonorités d’orgue… si éloignées de l’esprit musette ! Les deux autres musiciens ont également convaincu dans leur solo respectif. Benjamin Clasen dans la Sonate pour alto de Ligeti a dévoilé une impressionnante palette expressive, des double-cordes aux périlleuses harmoniques, de l’austérité feutrée d’une mélodie évoquant l’Europe centrale à l’ultime et suffocant frottement de l’archet sur les cordes… Quant à Frédéric Baron, il a précisément illustré toute la facétie virtuose de l’exercice en forme de pastiche comique Benjamin Clasen © Agnès Mellon de Surexposition pour basson d’Alain Mabit. Sûr qu’on n’entendra plus désormais l’incipit de Sacre du printemps avec la même oreille ! Les Duos pour basson et alto de Philippe Hersant ont complété le versant avant-gardiste du programme, et Piazzolla nous a fait retrouver des terres plus familières, propices au soufflet expressif de l’accordéon ou à l’envol mélodique de l’alto… Une originale transcription de la Sonate en sol mineur HWV 393 de Haendel (l’accordéon héritant du continuo) a parachevé le tout et fait rayonner derechef ces trois solistes de hautvol ! Chopin créole Avec leur spectacle Pianos croisés, le 23 mai au Théâtre Gyptis, Hélène Niddam et Bibi Louison ont joliment marié la mazurka à la biguine Les deux musiciens entrent en se balançant, rejoignent les deux grands pianos qui se font face et débutent par des accords jazz sur une pulsation syncopée de danse chaloupée. Un moment en solo, Bibi Louison improvise, sur un rythme ternaire souple, quelques harmonies suaves avant que le duo ne reprenne une danse antillaise au son de congas et maracas doucement percutés... Entre la Nouvelle-Orléans et la Martinique, une mazurka sur un rythme de biguine, un standard de Chick Coréa ou un cocktail de berceuses créoles, le couple de musiciens dresse des ponts entre le jazz afro-américain et son petit frère antillais. Plus loin, ils réinventent une valse de Chopin en mambo... La seconde partie, plus classique, entamée par Hélène Niddam reprend ce principe d’arrangements de pièces classiques de Chopin ou Rachmaninov à l’aune de rythmes de tango, de salsa... Au-delà du talent de l’une et l’autre, d’une répartition fine des rôles, l’alliage classique/jazz fonctionne pour un divertissement plaisant, chaleureux et intime. J.F JACQUES FRESCHEL Les Inclassables a été joué par les solistes de l’Ensemble Télémaque à Montévidéo le 20 mai Mozart et la Flûte L’ensemble Pythéas, lors d’un attrayant concert donné le 27 mai à l’église Saint-Ferréol, a particulièrement mis à l’honneur la flûte traversière. On admet d’ordinaire que Mozart n’aimait guère la flûte… Cependant, si le fait semble se confirmer à la lecture de sa correspondance, il convient de pondérer ce jugement. À l’époque où le jeune Wolfgang compose ses principales œuvres pour cet instrument, il éprouve sans doute de la rancœur pour la France (où il n’a connu qu’un succès modéré) et pour les flûtistes français en particulier qu’il jugeait prétentieux. Au demeurant, les deux quatuors avec flûte, magistralement interprétés par l’ensemble Pythéas, prouvent (comme ses Concertos et un très bel Andante) qu’il n’a, de fait, pas négligé cet instrument. Toute l’élégance et la spontanéité propres au style mozartien ont trouvé, ce soir-là, de formidables serviteurs. En premier lieu, on salue la qualité sonore, le vibrato souple, la virtuosité de Charlotte Campana et sa musicalité déployée dans l’Adagio du Quatuor K.285. À l’écoute de son thème élégiaque, on ne peut pas réellement penser que Mozart n’aimait pas cet instrument ! Chez Debussy, la question ne se pose pas ! Son solo Syrinx, dont les merveilleuses résonances ont empli la nef, prouve que le Français choyait particulièrement la flûte traversière. Le programme a également permis de découvrir un rare Duo pour alto et flûte d’Hoffmeister (frère de loge de Mozart) et d’entendre un superbe Trio pour cordes d’Henry Tomasi. Son divertissement, typique du style néoclassique, a été interprété avec une frappante cohésion par Yann Le Roux – Sédes (violon), Pascale Guérin (alto) et Guillaume Rabier (violoncelle). J.F. Ensemble Pythéas © X-D.R 31 Et la Lumière fut ! Au festival de Musique Sacrée, l’oratorio La Création de Haydn a été éminemment servi par un chef chevronné, l’Orchestre et les Chœurs de l’Opéra de Marseille. On regrette néanmoins quelques bémols du côté des solistes La bonne idée de la programmation du festival 2008 a été d’afficher successivement Le Messie de Haendel et La Création de Haydn. Du coup, le public a pu se rendre compte dans quelle mesure le second oratorio s’inscrit dans la filiation du premier, tant sur le plan formel que du point de vue du traitement contrapunctique ou illustratif des chœurs… Cependant, La Création, dont le texte s’inspire en partie de la Genèse, porte le sceau du style de la maturité d’Haydn. Composé près de soixante ans après le chef-d’œuvre de Haendel, sa texture orchestrale est plus riche, éloignée du langage baroque, davantage proche d’une expression pré-romantique. Là où l’on trouve essentiellement des cordes, s’agrège une harmonie complète (cuivres et bois) ; là où des sons plats non vibrés et des soufflets baroques se justifient, l’expression exige des phrasés pleins et un jeu où le legato et le vibrato priment. Le 6 juin à l’église St Michel, l’effectif de l’orchestre de l’Opéra de Marseille, dirigé du clavecin par un excellent chef viennois Theodor Guschlbauer, s’est avéré plus proche du modèle brahmsien que de celui de Mannheim. Les Chœurs, placés dans l’abside derrière l’imposant appareil orchestral, ont dû chanter à pleine voix quasiment tout au long de l’ouvrage. Si la plénitude sonore a ravi l’auditoire, on n’a pas manqué de relever quelques décalages rythmiques (difficilement évitables dans ces conditions) ainsi qu’un déficit de clarté dans les traits polyphoniques. L’œuvre possède cependant une puissance rare et, dans ce sens, les musiciens ont formidablement dévoilé les contrastes d’une fresque tout en ombre et lumière. De la représentation musicale du Chaos originel (que n’a-t-on pas écrit sur cet incipit dissonant unique dans l’histoire de la musique !) à l’avènement de la Lumière (l’œuvre est autant d’inspiration religieuse que franc-maçonne), des récitatifs aux ariosos, des airs aux duos, trios, des chœurs à la gloire du Divin… Dans ces conditions, on aurait aimé entendre de plus grandes voix solistes. Seul le ténor Éric Huchet possède, outre une belle présence physique, une pâte vocale capable de passer la rampe et de tenir le choc face à la masse orchestrale et chorale. Mais sa voix s’avère un peu courte dès les sons de «tourne». La soprano Li Chin Huang a donné le change grâce à un joli timbre, des aigus aisés et clairs. Cependant son centre de voix est trop léger. Que dire du baryton basse Marc Olivier Oetterli (ni vraiment baryton, ni franchement basse!)… si ce n’est qu’il a montré une belle musicalité dans son chant ? Il lui fallait toutefois davantage d’ampleur vocale pour rendre aux personnages de Raphaël ou Adam toute leur noblesse de ton. Là où il aurait dû être solaire, le timbre était bien pâle… Eric Huchet © X-D.R La Création a été jouée à Saint-Michel le 6 juin dans le cadre du Festival de Musique sacrée JACQUES FRESCHEL Spectaculaire apothéose Le Chœur Régional PACA, l’Orchestre Philharmonique de Marseille et quatre magnifiques chanteurs dirigés par Michel Piquemal ont offert, en clôture du Festival de Musique Sacrée, un Stabat mater de Rossini grandiose ! On souligne d’emblée le remarquable travail accompli en amont, sur les partitions, par les chefs de chœur Nicole Blanchi et Vincent Recolin. Dans les périlleux passages a cappella du Stabat mater en particulier, on a apprécié le dessin soigné des plans sonores, des nuances, la richesse des textures vocales… et la qualité de la justesse. Le Chœur Régional PACA, outil précieux au service de nombreuses manifestations et créations du Sud-Est, Elena Gabouri © X-D.R. s’est trouvé magnifiquement soutenu par l’Orchestre de l’opéra qui est entré dans le jeu initié par la direction fougueuse de Michel Piquemal. Dans le Chant du Destin de Brahms, superbe page romantique donnée en prélude, comme dans la célèbre prose latine évoquant la douleur de la mère du Christ crucifié, on a pu mesurer toute la ferveur, la profondeur qu’a placée le chef dans le lyrisme, l’expression du désespoir et de la lumineuse espérance. Le souffle théâtral de la partition a même poussé le maestro à chanter ou gronder (un peu trop !) de concert avec les solistes ou les pupitres de cordes… Le Stabat mater de Rossini est quasiment un opéra de par son style exubérant et imagé. Il exige des voix qui vont de pair : ce fut le cas avec les solistes invités ! Dominé par l’expression large et puissante de la soprano Sandrine Eyglier, le quatuor vocal a montré, outre des moyens techniques sans faille, une musicalité exemplaire. Le ténor Jesus Garcia, à la sonorité ronde et séduisante, n’a pas failli sur son contre-ré, point d’orgue de son air de bravoure, ni la basse Nicolas Courjal dans ses graves profonds et ses aigus généreux. La vraie mezzo Elena Gabouri, au timbre compact et charnu, a complété un plateau vocal magistral. Et quand, au bout de l’ultime fugue jubilatoire, les derniers accords spectaculaires ont ponctué l’ouvrage, le public a rendu aux artistes, par d’inlassables salves d’applaudissements, le fruit d’une émotion générée deux heures durant. JACQUES FRESCHEL Michel Piquemal © X-D.R Le Stabat Mater de Rossini a été joué le 13 juin à l’église Saint-Michel, dans le cadre du Festival de Musique Sacrée de Marseille 32 RETOUR DE CONCERTS MUSIQUE Jazz à Fontblanche Flamenco Puro Après la représentation, les accueillantes terrasses du Toursky offrirent sangria et musique à tous ceux, frustrés qui n’avaient pu danser et rire, pris dans leurs fauteuils. Un groupe de pseudo Gypsy kings, plutôt mauvais, prolongeait la fête : qu’importe, la joie était là, après de si belles larmes… YAMINA TAHRI La Compañia En Klave Flamenca a dansé et chanté les 23 et 24 mai, au Toursky, dans le cadre du festival de flamenco En Klave Flamenca © Sevillanes.net.2004/2008 La Compañia En Klave Flamenca a bouleversé le public du Toursky durant le 4e Festival de Flamenco. Avec des recettes classiques, très traditionnelles en fait : leur flamenco andalou ne cherche pas l’innovation, la variété ou le mélange, il joue toujours de la même pâte, désespérée, tendue, rude… Andalouse, quoi ! Mais leur Duende si puissant fait monter les larmes. Et la tension. Les deux heures, pourtant monocordes, sans variation de style, se déroulent sans ennui. Le public, pourtant assis, était en transe, et ne put s’empêcher parfois de faire les mains, d’apostropher, de crier son douloureux plaisir. Les deux guitares et les percussions d’Isaac Vigueiras, les trois voix masculines, du rauque à la voix tendue vers l’aigu du cri, les quatre danseuses du ballet, tout était magnifique Et, aux côtés de Manuel Liñan, Maria del Mar Martinez fut splendide. À chaque numéro elle changeait de tenue comme on change d’âme, serrée dans des robes à gros pois, magnifique, assumant avec une sensualité folle ses formes épanouies, belle comme une vraie femme… Issam Krimi © Christophe Alary Les musiciens de la formation Entresilences d’Issam Krimi (pianoclaviers) ont eu l’occasion de s’exprimer pleinement en nous retournant le coeur, lors de leur passage pour un concert au Moulin à Jazz de Vitrolles. Ce quintet, d’une configuration rendue inhabituelle par l’apport du violoncelliste Olivier Koundouno, nous a emmenés dans des ambiances de nappes sonores très rythmiques. Poussées du paroxysme au dénuement, elles aboutissaient sans sembler y toucher à des unissons, des notes minimales ou à des destructurations mélodiques. Alban Darche, le saxophoniste, fut extrêmement émouvant dans ses développements autour de la com- position Joli Corps Sage. Le solo à la contrebasse de Jean Philippe Morel ou celui de Pierre Luzi à la batterie furent mémorables : de quoi nous faire oublier, par leur dextérité et leur maîtrise, que ces instruments ne servent souvent qu’à impulser le rythme ! À suivre sans hésiter, la sortie dans les bacs d’un CD prévue fin octobre 2008 sous le label Melisse Music. inattendues : un standard de jazz, un tango en turc particulièrement gai, un morceau aux couleurs orientales. L’orchestre seul joua un très beau Piazzolla, plein de contrastes, de surprises et d’accélérations… juste pour monter en quoi Tango rugueux et Fado lisse opposent leurs charmes en construisant la même nostalgie. Et pour finir, en bis, Mísia rendit hommage à ses deux idoles : d’abord à Piaf, en chantant a cappella, jusqu’au bout, de magnifiques Mots d’amour, avant de finir par Lágrima, le Fado préféré d’Amália Rodrigues… DAN WARZY Ce concert a eu lieu le 24 Mai au Moulin à Jazz à Fontblanche (Vitrolles) Voir programmation du Festival Charlie Free page 43 Fado and so on lisse, lyrique, peu rythmé, évolue dans des tessitures moyennes, il ne tire pas son expressivité d’effets extrêmes, et cela peut sembler monotone, surtout lorsqu’on ne comprend pas les paroles de ces chansons à texte éminemment poétiques… Mais les deux solistes virtuoses venus de Lisbonne (Bernard Couto à la guitare portugaise, et Daniel Pinto à la viola de fado), particulièrement bien sonorisés, donnaient une touche locale qui ne déséquilibrait pas du tout la couleur symphonique. Et surtout Mísia, telle une apparition mythique, captivait les regards en quelques gestes, une intonation, un sanglot discret de la voix… et la Saudade de Lisbonne vous attrapait l’âme. Pourtant Misia, jamais orthodoxe, emmena son public vers des berges AGNÈS FRESCHEL Mísia © C.B Aragao Mísia avec un orchestre symphonique ? Ô la belle idée ! La diva du Fado à l’époustouflant lyrisme, et à la grande musicalité, est sans doute une des rares chanteuses populaires à pouvoir tenir le choc de cet accompagnement-là. Sa prestation à l’opéra de Marseille fut un moment magique. Pourtant le public, assis, sage, poli, était a priori peu chaleureux : Mísia a su trouver dès le second morceau la voie pour créer, dans cette grande salle aux ors guindés, une ambiance d’une intimité et d’une chaleur étonnantes… Musicalement, ce fut presque parfait. Les solistes de l’orchestre, en particulier Roland Muller au violon, étaient particulièrement mis en avant par l’orchestration parfois un peu plate de Bruno Fontaine : le Fado, Mísia a chanté à l’Opéra de Marseille le 31 mai. Elle donnera ses Saudades symphoniques à Nîmes dans le cadre des Nuits au Jardin (voir page 43) SAISONS 33 «À Toulon…!!» De Haydn à Britten, la prochaine saison de l’Opéra de Toulon s’annonce panachée, avec toujours des nécessaires ouvrages de Verdi, Bizet, Bellini et Mozart C’est avec Rigoletto, opus majeur de Giuseppe Verdi, que s’ouvre la saison lyrique au pied du Faron. Marco di Felice tient le rôle-titre quand le Duc est chanté par Leonardo Capalbo et Gilda par Rosanna Savoia. Ce n’est pas Carmen, mais Les Pêcheurs de Perles, délicieux ouvrage lyrique de Bizet, que l’on entend dans l’interprétation de Kimy McLaren (Leïla), Jesus Garcia (Nadir) et Jean-François Lapointe (Zurga). Le bel canto est à l’honneur avec Les Puritains de Bellini et Jessica Pratt (Elvire), avant un classique Cosi fan tutte de Mozart dirigé par Thomas Rösner. D’ordinaire, quand on veut instiller une touche «moderne» dans une programmation lyrique, sans trop déranger son public, on puise chez Janacek ou Britten… Peu de surprise donc avec Le Songe d’une nuit d’été On se réjouit, par ailleurs, d’entendre le magnifique oratorio de Berlioz L’Enfance du Christ dirigé par Laurent Petitgirard dans une mise en scène de Frédéric Andrau, comme de beaux concerts symphoniques (au nouvel an ou avec la pianiste Anne Queffelec), le conte musical pour enfants Pierre et le loup, un ballet sur la musique de Zorba le Grec de Theodorakis. On n’oublie pas les piquantes opérettes : la «locale» Un de La Canebière de Vincent Scotto et L’auberge du Cheval blanc de Benatzky. JACQUES FRESCHEL Cosi fan Tutte © Opéra Royal de Wallonie du grand compositeur anglais du XXe siècle, mais l’occasion d’entendre le contre-ténor Rachid Ben Abdeslam dans le personnage shakespearien d’Obéron ! On joue assez peu les opéras de Haydn : ceux qui n’ont pu entendre L’Indedelta delusa au festival d’Aix découvrent cette production sur le boulevard de Strasbourg. Saison 2008/2009 Opéra de Toulon 04 94 92 70 78 www.operadetoulon.fr Avignon sur le pont L’Opéra d’Avignon annonce pour 2008-2009 de fameux ouvrages lyriques avec d’éminentes sopranos comme Patrizia Ciofi dans Manon ou Annick Massis dans Lucia… La programmation de l’Opéra-Théâtre d’Avignon est un savant dosage de classiques du répertoire lyrique d’opéra et d’opérette, de musiques symphoniques et de musique de chambre. Sans oublier le théâtre et la danse, dans cette maison aux vocations multiples… (nous y reviendrons prochainement)… Six opéras sont annoncés : Le Voyage à Reims de Rossini, Les Contes d’Hoffmann d’Offenbach, Manon de Massenet, La Clémence de Titus de Mozart et Lucia di Lamermoor de Donizetti. Des choix traditionnels servis par de solides plateaux vocaux ! Par contre Les Orages désirés de Gérard Condé, commandé par Lucia di Lammermoor © Christian Dresse Radio France et créé en 2003 en version de concert (l’opus prend pour sujet la naissance de la vocation musicale du jeune Berlioz), est à découvrir dans sa version scénique. On ne manquera par le récital exceptionnel de la soprano Inva Mula en décembre ! Trois opérettes complètent le tableau : Les Brigands d’Offenbach (de la pétillante compagnie Les Brigands), Véronique de Messager et une nouvelle production du Chanteur de Mexico de Francis Lopez pour les fêtes de fin d’année. Concerts Parmi la quinzaine de concerts annoncés on note les venues de pianistes renommés tels Boris Berezovsky, Miguel-Angel Estrella, Zu Zhong, les sœurs Labeque auxquels il convient d’ajouter deux jeunes et talentueux virtuoses : David Greilshammer et Laure FavreKahn. Gautier Capuçon (violoncelle) et Sergey Krylov (violon) feront Katia et Marielle Labeque © Brigitte Lacombe vibrer leurs cordes dans la cité papale, tout comme François Sluznis son anche de clarinette. L’ensemble de musique ancienne Les Folies Françoises, le Trio Jerusalem et le Quatuor Rosamonde parachèvent une alléchante et abondante programmation. J.F. Opéra d’Avignon Saisons 2008/2009 04 90 82 81 40 www.mairie-avignon.fr 34 MUSIQUE FESTIVALS Grands classiques Chemins musicaux Deux opéras phares du répertoire français, Carmen et Faust, La 12e édition du festival international des Floraisons et deux Requiems majeurs de Verdi et Fauré sont donnés, Musicales débutera le 21 juin et se poursuivra jusqu’au 21 octobre cet été, dans la cité antique d’Orange Roberto Alagna © Studio Harcourt Michel Plasson revient aux Chorégies pour diriger l’orchestre de la Suisse Romande dans Carmen de Bizet. Pour les rôles principaux, on attend de grandes voix rompues à cet ouvrage plébiscité dans le monde entier : Béatrice Uria Monzon (Carmen), Ermonela Jaho (Micaëla), Marcello Alvarez (Don José), Angel Odena (Escamillo). La mise en scène est signée Nadine Duffaut (les 12 et 15 juillet). En fin de festival, le retraité du Capitole de Toulouse dirige l’Orchestre de Radio France et quelques autres stars des plateaux lyriques dans le Faust de Gounod avec Roberto Alagna (Faust), Inva Mula (Marguerite) et René Pape (Méphisto) dans une mise en scène de l’inusable Nicolas Joël (les 2 et 5 août). Les grands Requiems du répertoire sont parmi les œuvres sacrées les plus appréciées du grand public. Si celui de Verdi est le plus exubérant (son furieux Dies Irae fait frémir d’effroi), celui de Fauré est l’un des plus intimes... Tugan Sokhiev (qui a remplacé Plasson à la tête de la phalange symphonique de la «Ville rose») dirige le premier en compagnie d’un formidable quatuor de solistes : Micaela Carosi, Luciana d’Intina, Vittorio Grigolo et Paata Burchuladze (le 19 juillet à 22h). Jonathan Schiffman et l’Orchestre d’Avignon interprètent le second avec Thomas Dolié et Amel Brahim-Djelloul (le 26 juillet à 21h30 à la Cathédrale NotreDame d’Orange). La Maîtrise des Bouches-du-Rhône donnera de la voix pour les «Gamins» de Carmen et le Requiem de Fauré. Une projection sur grand écran du Werther de Massenet est également annoncée dans le théâtre antique : avec Roberto Alagna dans le rôle-titre (entrée libre). JACQUES FRESCHEL Les Chorégies du 12 juillet au 5 août Orange 04 90 34 24 24 www.choregies.com Hervé Niquet © Nicole Bergé De nombreux artistes aux talents reconnus sillonneront la Provence au son de musique baroque, classique et du monde. Le concept singulier de la déambulation est à comprendre à deux niveaux différents : l’itinéraire est à la fois musical et touristique, au cœur de la Provence les concerts euxmêmes déambulent… dans les vignes, au cœur des sites remarquables comme Vaison-laRomaine… Ouverture des festivités le 21 juin à 18h avec P. Hommage, F. Gardella, A. Magnasco, C. Greco et l’ensemble Ananke’ à Châteauneuf-du-Pape. Le 25 juin à 21h au Cellier pontifical du même lieu seront accueillis F. De Zan au piano et le Quatuor Archimède. Le grand violoniste David Oistrakh sera célébré par son petit-fils V. Oistrakh au violon et toujours F. De Zan au piano à l’église de Boulbon le 27 juin à 21h. Direction le Var et la célèbre basilique de Saint-Maximin le 3 juillet à 21h avec les Pages, les Chantres et les Symphonistes du Centre de Musique Baroque de Versailles sous la direction de O. Schneebeli. Même lieu sacré le 4 juillet toujours à 21h avec Le Concert Spirituel dirigé par H. Niquet. Les églises de Cotignac et de Brignoles accueilleront respectivement les 5 et 6 juillet (21h et 18h) l’Ensemble Antiphona dirigé par R. Muleika. Le Mas de Sainte-Marguerite de La Garde résonnera aux arpèges romantiques du piano de J. Trzeciak le 10 juillet à 21h. Et les déambulations se poursuivront… mais nous y reviendrons ! FRÉDÉRIC ISOLETTA Floraisons musicales : musique et Patrimoine du 21 juin au 21 octobre Bollène (84) 04 90 303 600 www.floraisonsmusicales.com Cycle sacré en Avignon Musique Sacrée en Avignon est partenaire du Festival d’Avignon depuis 1967 : c’était, au départ , la volonté de Jean Vilar. Cette asso- ciation propose un cycle de concerts ayant pour but de mettre en valeur les orgues historiques d’Avignon et de sa proche région, tout en présentant Orchestre des Jeunes de la Méditerranée © Elian Bachini des créations. Parmi la dizaine de programmes annoncés on retient L’Incarnation du Verbe, polyphonies romanes des XIe et XIIe siècles par l’ensemble Organum de Marcel Pérès (le 14 juillet à 18h à la Collégiale StPierre) ou l’hommage à Olivier Messiaen rendu par l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée dirigé par Philippe Bender (le 15 juillet à 19h à l’église St-Didier). On note également la venue de l’organiste et compositeur Thierry Escaich (voir la chronique du CD d’improvisations p 35). Ce dernier improvisera sur les images d’un film italien de 1911 inspiré de l’Enfer de Dante : Inferno de Giuseppe Deliquoro (le 22 juillet à 18h au Temple St-Martial). Pour répondre à l’Enfer de Roméo Castellucci, dans la Cour. J.F. Musique Sacrée en Avignon du 6 au 26 juillet 04 90 14 14 14 ou 04 90 82 29 43 www.musique-sacrée-en-avignon.org 35 Autour d’Offenbach Le festival Off & Back présente, autour d’un couple savoureux d’opérettes négligées du «Mozart des ChampsÉlysées», Un Mari à la Porte et La Bonne d’Enfant, une série de concerts jazz et de récitals lyriques... À Venelles-le-Haut est également joué Kiss me Kate, un étonnant pastiche de la shakespearienne Mégère apprivoisée signé Cole Porter, (les 17, 18 et 20 juillet) et l’on entend le baryton Marc Barrard dans un récital d’airs d’opéras français et italiens (le 16 juillet). À Mallemort, au domaine de PontRoyal, le Trio Claude Bolling ouvre la manifestation (le 9 juillet) avant la grande mezzo-soprano Nadine Denize dans des mélodies de Wagner, Duparc et Fauré autour de poèmes de Hugo et Baudelaire (le 10 juillet) et des solistes de l’Orchestre National de France (le 11 juillet). Le baryton François Le Roux présente une belle mise en scène de L’Enfant et les Sortilèges de Ravel (le 19 juillet), tandis que le pianiste «tout-terrain» Gérard Parmentier improvise (le 12 juillet) ou accompagne le violoniste Luc Héry (le 13 juillet). Le festival se clôt par le concerts des «master class» (le 22 juillet – entrée libre). J.F. Off and Back Mallemort, Venelles du 9 au 22 juillet Concerts à 20h30 ou 21h 06 21 24 33 21 www.kaleidoscope-arts-pluriels.com Claude Bolling © François Abon Pauline au village Pauline Viardot (1821-1910) est une figure féminine importante et assez peu connue de l’histoire de la musique. Sa personnalité, ses talents de pianiste et de cantatrice (comme sa sœur La Malibran, elle triompha sur les grandes scènes d’Europe dans Rossini, Meyerbeer, Gounod…), de pédagogue et compositrice fascinèrent un large cercle d’amis artistes qui fréquentèrent assidûment ses salons : Tourgueniev en tête, mais également Saint-Saëns, Fauré, Massenet, Berlioz, Liszt, Clara Schumann, Wagner, Delacroix, George Sand, Dickens… Si la 7e édition d’Opéra au Village débute par une conférence de Christelle Neuillet sur la musicienne (le 4 juillet à 19h, entrée libre), elle se poursuit par une «soirée musicale chez George Sand» intitulée Au temps de Nohant et la représentation d’un «opéra de salon» composé par Pauline Viardot en 1904 : Cendrillon. Dans un esprit de convivialité, le prix du repas «à thème», pris sous les marronniers, est compris dans celui de la location, pour des concerts dans le cadre serein du couvent des Minimes de Pourrières (les 17, 19, 21, 22 et 24 juillet à 20h). J.F Opéra au Village du 4 au 24 juillet Pourrières (83) 04 94 78 50 35 / 06 86 92 10 63 www.loperaauvillage.fr 36 MUSIQUE Tour Royale et Collégiale La Provence baroque Quatuor Modigliani © X-D.R Le Festival Estival de Toulon et sa Région se poursuit à la Tour Royale par un Récital aux Étoiles du pianiste Jean-Marc Luisada qui joue de fameuses partitions de Chopin et Brahms (le 24 juin à 21h30). La grande harpiste Marielle Nordmann s’entoure d’un ensemble de jeunes solistes pour des pièces de musique de chambre de Mozart, Berlioz, Britten, Ravel... (le 28 juin à 21h30). Changement de lieu pour la seconde partie du festival en juillet ! La Collégiale, perchée sur les hauteurs de Six-Fours, accueille le Chœur byzantin de Grèce (le 5 juillet à 21h), le clarinettiste Paul Meyer et le Quatuor Modigliani dans des quatuors et quintettes de Haydn, Ravel et Brahms (le 8 juillet à 21h), avant le formidable violoncelliste Gary Hoffman qui joue les six Suites de Bach (le 12 juillet à 18h et 21h). Le harpiste toulonnais et remarquable soliste Xavier de Maistre interprète, au final, des concertos de Haydn et Haendel en compagnie de l’Orchestre de Chambre Sinfonia Varsovia (le 13 juillet à 21h). J.F. Estivales de Toulon jusqu’au 13 juillet 04 94 93 55 45 http://musiquetoulon.pagesproorange.fr Butterfly et Pavarotti Après Tosca l’an dernier, pour la troisième saison des Nuits Musicales de la Sainte-Victoire, la municipalité de Peynier propose des représentations d’un grand Puccini dans son théâtre de verdure. Madame Butterfly est donné dans une version «light» de concert commentée par Eve Ruggieri qui parraine de jeunes chanteurs en début de carrière. Le Directeur artistique du festival, Grigori Penteleïtchouk, dirige l’Orchestre de l’Opéra National d’Ukraine, Noriko Urata (Cio Cio San) et Sébastien Guèze dans le rôle de Pinkerton (Les 25 et 28 juin à 21h). La seconde production est un Hommage à Luciano Pavarotti rendu par la projection d’un film retraçant sa carrière et par de jeunes chanteurs interprétant les ouvrages favoris du grand ténor disparu (les 26 et 29 juin à 21h). J.F. Nuits Musicales de la Sainte-Victoire Peynier du 25 au 29 juin 04 42 53 16 43 / 06 25 97 26 87 Office du Tourisme 04 42 16 11 70 www.peynier.fr Festes d'orphée © X-D.R Comme chaque saison, Guy Laurent et les Festes d’Orphée présentent leur festival de musiques patrimoniales. Trois programmes constituent la 12e mouture d’Aix en Baroque. L’Esprit français : baroque et XXe siècle dresse des ponts entre les deux périodes à travers des œuvres de Poulenc ou Milhaud, Charpentier ou Gilles (les 5 et 6 juillet). Campra de théâtre et Campra d’église met en lumière les deux aspects du plus grand compositeur baroque de la région (les 8 et 10 juillet). Baroque en Provence se consacre à des compositeurs «locaux» tels Pierre Gautier de Marseille, Audiffren, Auphand, Desmazures... (les 10 et 11 juillet). Une conférence sur les Grands maîtres baroques de Provence est prévue le 6 juillet à 16h (entrée libre). J.F. Chapelle du Sacré-Cœur, Aix Concerts à 18h 04 42 99 37 11 www.orphee.org Piano royal Les 12e Soirées d’été de Châteauneufle-Rouge accueillent, dans la cour carrée, de formidables pianistes. Jean-Marc Luisada joue Chopin (Nocturnes, Barcarolle...) et Brahms (op.117). Ce concert d’ouverture (le 11 juillet) est présenté par Frédéric Marie-Josèphe Jude © Thierry Cohen Lodéon. Frédéric Cassard interprète Schubert (Impromptus) et des pièces inspirées par l’eau de Debussy (le 12 juillet) avant que le jeune Bertrand Chamayou ne s’attaque à des pages virtuoses de Liszt, Schumann (Carnaval) ou Mendelssohn (le 18 juillet). Marie-Josèphe Jude joue avec la sensibilité qu’on lui connaît des pages de Mozart, Haydn, Moussorgsky (Tableaux d’une exposition) ou Clara Schumann (19 juillet). Et l’on entend en clôture un duo de jeunes artistes : Dan Zhu et Geoffroy Couteau dans la sonate pour violon et piano de Poulenc et l’opus 121 de Schumann (le 20 juillet). JACQUES FRESCHEL Chateauneuf-le-Rouge Concert à 21h du 11 au 20 juillet 04 42 58 62 01 www.chateauneuf-le-rouge.fr Place forte enchantée e La 5 biennale régionale des arts populaires propose un grand rassemblement gratuit qui met en avant les pratiques vocales en amateur. Cette année, le chant, dans tout son rayonnement planétaire, est fêté dans l’enceinte militaire fortifiée par Vauban à MontDauphin : des polyphonies alpines aux chants d’orient, du slam au chant baroque, des chants occitans au gospel, de la rumba gitane aux chants d’Asie, du rigodon aux chants créoles et tsiganes… Quatorze concerts, un bal, onze ateliers de chant, quatre spectacles en déambulation ont lieu sur des scènes extérieures ou dans l’église de la Place forte, et près de 300 chanteurs soutiennent la candidature de la commune de Mont-Dauphin au Patrimoine mondial de l’UNESCO. JACQUES FRESCHEL Fort’issimo - Voix des Alpes et du monde Mont-Dauphin le 29 juin à partir de 11h www.regionpaca.fr Liszt au pinacle Le 11e Festival Liszt en Provence dédié à la mémoire du pianiste et compositeur romantique, affiche ses récitals sur son traditionnel piano Fazioli aux sonorités brillantes. Sur la terrasse joliment éclairée du Château Saint-Estève d’Uchaux, on attend cinq concertistes confirmés ou prometteurs… Mikhaïl Rudy débute avec l’incontournable Sonate en si mineur (le 11 juillet à 21h30), Daniel Propper allie les Variations Goldberg de Bach à des variations de Liszt sur un thème du Kantor, Après une lecture de Dante et la Fantasia quasi Sonata (le 18 juillet à 21h30), Agnès Graziano joue la Vallée d’Obermann, les Jeux d’eaux de la Villa d’Este et la Méphisto-Valse (le 3 août à 21h), Sodi Braide interprète la Lugubre gondole, la Ballade n°2 et Venezia e Napoli (le 15 août à 21h), et Hamish Milne conclut par la première des Années de Pèlerinage – Suisse (le 22 août à 21h). J.F. du 11 juillet au 22 août 04 90 40 60 94 http://lisztenprovence.free.fr Voix d’ici La cinquième édition du festival De Vives Voix se poursuit en juillet avec une série de concerts mettant particulièrement la voix à l’honneur. Dans Bizet était une femme, la fantasque diva Katia von Bretzel (Cathy Heiting) et son fameux pianiste accompagnateur Ingmar Bruteson (Jonathan Soucasse) nous livrent leur version révisée de l’histoire du compositeur de Carmen : un concert classico-délirant, mis en scène par André Lévêque (le 2 juillet à 19h30, Cour des Récolettes, rue Thubaneau à Marseille). Les trois derniers concerts ont lieu au Théâtre de la Sucrière – Parc François Billoux (Marseille 15e) et permettent à des artistes de la région d’exprimer leur talent. Carte Blanche est donnée au contre-ténor Alain Aubin qui invite et dirige, pour l’occasion, des artistes et amis pour un récital lyrique et populaire évoluant de la Renaissance à nos jours : avec la comédienne Edmonde Franchi, Deborah Nabet (chant sépha- rade), Michèle Fernandez (chant espagnol), Aram Petrossyan (baryton basse), Magali Damonte (mezzosoprano), chœurs et danseurs accompagnés au piano par Jacques Chalmeau (le 4 juillet à partir de 19h). Autour de musiciens de la Compagnie Rassegna s’articule une série de spectacles : contes et chants d’orients accompagnés de l’oud (Fouad Didi), chants De l’Adriatique au Bosphore (Maria Simoglou), flamenco (Tchoune) pour la création de Amor de Lorca / Falla (le 5 juillet à 19h). Le festival s’achève avec les rencontres chorales : Les Choralys (le 6 juillet à 17h). J.F De Vives Voix jusqu’au 6 juillet 0 892 68 36 22 Nuits rurales Le petit village de Mazaugues, perché sur les contreforts de la Sainte-Baume, accueille depuis de nombreuses années des musiciens de renom pour ses Nuits musicales dans son théâtre de verdure. Cet été, le duo de pianistes Darius Milhaud joue à quatre mains des pièces de Mozart, Liszt, Schubert et Ravel (le 10 juillet). Une dizaine de jours après, les mélomanes sont à l’écoute d’une Soirée Rostropovitch donnée par le violoncelliste Manfred Stilz (le 20 juillet). Le Quatuor Talich, l’une des plus grandes formations tchèques, se produit dans des quatuors de Beethoven, Mendelssohn et Ravel (le 30 juillet). Le festival se poursuit avec des concertos interprétés par le phénoménal violoniste Nemanja Radulovic (le 6 août), avant une Soirée Prévert par le duo complice composé de François-René Duchable (piano) et du comédien Alain Carré (le 12 août). J.F Nuits Musicales de Mazaugues du 10 juillet au 12 août Concerts à 21h 04 94 86 90 67 www.nuitsmusicmazaugues.free.fr 38 MUSIQUE FESTIVALS Messiaen au sommet Plus que jamais, si l’on se trouve en juillet dans les Alpes, il faut se rendre à La Grave pour le 11e Festival Messiaen au pays de la Meije. À l’occasion du centenaire de la naissance de l’immense compositeur français, une pléiade d’artistes se sont donnés rendez-vous sur les hauteurs du massif si cher à Olivier Messiaen. Au cœur d’une douzaine de concerts, on retient la présence de Myung-Whun Myung-Whun Chung © X-D.R Chung à la tête de la Maîtrise et de l’Orchestre de Radio France avec le pianiste Roger Muraro (le 12 juillet à 19h, Place de Villar d’Arène), le récital Messiaen, Debussy, Berlioz par la soprano Mireille Delunsch accompagnée au piano par Michel Béroff (le 18 juillet à 21h, église de La Grave), ou le concert donné par Régis Pasquier (violon), Roland Pidoux (violoncelle), Bruno Pasquier (alto), Emmanuel Strosser (piano), Romain Guyot (clarinette) avec, au programme, le fameux Quatuor pour la fin du Temps (le 19 juillet à 21h, église de La Grave). JACQUES FRESCHEL Festival Messiaen au pays de la Meije du 10 au 20 juillet 04 76 79 90 05 www.festival-messiaen.com Musiques du Monde Le Festival Les Nuits d’été à Aix-enProvence se poursuit début juillet avec des Musiques du Monde. On entend des Polyphonies croates par le chœur Kapla Iskon (le 3 juillet à l’église St-Jean de Malte), Liber’Tango, un voyage au cœur du tango nuevo d’Astor Piazzolla par le Quatuor Caliente et Débora Russ (le 8 juillet au Cloître des Oblats) avant du Flamenco par les musiciens et danseurs de Navegando por el tiempo (le 10 juillet au Cloître des Oblats). Suite et fin en septembre ! J.F. Nuits d’été à Aix-en-Provence du 3 au 10 juillet concerts à 21h 04 91 93 89 87 ou 06 11 23 15 54 www.nuitsdete-aix.com Cépages au diapason L’association Musiques dans les Vignes propose des concerts de musique classique dans des lieux privilégiés du Haut Vaucluse, et des viticulteurs s’y associent en proposant des dégustations. Un cycle de huit concerts (essentiellement de la musique de chambre) est prévu à Ste Cécile, Camaret, Jonquières, Quatuor Debussy © Frédéric Jean Bollène, Mondragon, Vaison, Séguret... On entend les Quatuor Atrium, Thymos, Debussy, Ludwig (en compagnie de Marie-Christine Barrault), Antarès, le Trio Rincontro, le Quintette Moraguès (avec la pianiste Claire Désert). Les six voix jazz Les grandes gueules complètent le programme par un divertissement swingué (le 25 juillet). J.F. Musique dans les vignes Concerts à 21h30 du 11 juillet au 3 août 04 90 30 90 78 www.musiquesdanslesvignes.com La Cave à Charlie L’été swing du côté du moulin à jazz Charlie Free. L’édition 2008 du festival se tiendra du 4 au 6 juillet pour trois soirées hautes en couleurs et en qualité Les festivités débuteront le 4 juillet dès 19h avec la fanfare de poche Le mystère des éléphants, composée de trois saxophones et une batterie. Le jazz en perpétuel mouvement de Dress code conclura à 21h sa résidence au Moulin à Jazz avec un concert création haut en couleurs. 22h15, place à Carla Bley, figure féminine remarquable de la scène post-free depuis près de quatre décennies, toujours inventive et créative avant de conclure cette première soirée à 23h30 avec les classes de jazz de Charlie Free, ateliers dirigés par Bernard Jean. Samedi 5 juillet à 19h30, la fanfare «bulgarofranco-belge» Panika débutera aux sons rythmés du soubassophone, avant de céder la place, à 21h, au Claudia Solal 4tet, jeune formation née en 2006 au festival de Marciac. Composé en studio à partir des photos de Guy Le Querrec, African Flashback est le troisième volet d’un triptyque contant l’échappée sur le continent noir des trois musiciens que sont Aldo Romano, Louis Sclavis et Henri Texier. Un émouvant spectacle à ne pas rater (à 22h15). La soirée se terminera au son des compositions et des arrangements du Serendipity quartet (à 23h30). La soirée de clôture débutera dès 17h30 le dimanche 6 juillet avec la création Own Virago, galerie de portraits féminins chantés par Marion Rampal, soutenue par ses quatre musiciens. Romano - Sclavis - Texier © Guy Le Querrec Pour les étourdis du samedi, la fanfare Panika nous gratifiera d’un nouveau tour de piste à 19h30, avant d’écouter le surprenant Edelin Avenel Betsch Trio dont le leader est un des rares jazzmen français à s’exprimer exclusivement à la flûte, ou plutôt aux flûtes, pour être juste (à 21h). 22h15, la soirée et le festival se termineront en apothéose : La Marmite Infernale et le Nelson Mandela Metropolitan Choir seront associés pour le spectacle Sing for freedom. Humanité, enthousiasme, originalité, le big band de l’Association à la Recherche d’un Folklore Imaginaire (l’ARFI) a mijoté dans son chaudron de délicieuses surprises cuisinées spécialement pour le chœur issu de Port Elisabeth. À ne pas rater ! F.I. Charlie Free Festival du 4 au 6 juillet 20/15 euros / pass 2 jours 35 euros / pass 3 jours 50 euros 04 42 79 63 60 www.charliefree.com Sing for freedom © Aline Valdenaire AGENDA MUSIQUE 39 Au programme MARSEILLE Balthazar : Spectacle des minots, danse hip hop (18/6), Lindigo & l’Orchestre des îles sœurs de l’océan indien (19/6), Young, Soul, Rebels : One soul sound system, Prince Freedom, God save the 45 (20/6), fête de la musique (21/6), fanfare connexion : Ratamar, Brass Banda, Samenakoa (26/6), King Lorenzo backed by Dub Akom (28/6), Ministère des affaires populaires (3/7) 04 91 42 59 57 www.aubalthazar.com Cabaret Aléatoire : Clara le Picard & Frédéric Nevchehirlian (18/6), John Lord Fonda, The Penelopes ft. Morpheus, The Micronauts, Arnaud Rebotini, Lady B, Shockers (20/6), Fête de la musique (21/6), On the Vintage (21/6), Africa fête (27 et 28/6) 04 95 04 95 09 www.cabaret-aleatoire.com Cité de la Musique : Emma Milan & Diego Trosman & Fernando Maguna (26/6) 04 91 39 29 19 www.citemusique-marseille.com Daki Ling : Monsieur Marie (26/6) 04 91 33 45 14 Dock des Suds : Bullet for My Valentine, Eyeless (20/6) 04 91 99 00 00 www.dock-des-suds.org El ache de Cuba : Barrio Jabour (19/6), Dj Sky & Tony S (20/6), Fête de la musique (21/6), Barrio Jabour (26/6), Dj Sky & guest (27/6) 04 91 42 99 79 www.elachedecuba.com Embobineuse : Gangpol&mit, Dj Couleurs, Miosine, Pierce (20/6), Soirée Osaka Invasion (22/6), Soso Modern (25/6), Don Vito, Heraclite, Manetti (27/6), Soirée Revolution mystique par les Possédés (28/6) 04 91 50 66 09 www.lembobineuse.biz AIX Espace Julien : Jah Cure (23/6), Sefyu (24/6), Melting Sound : iPod Battle, Blasta Warriors Foundation, NeverHide, Dj Jan Rowburt (28/6) 04 91 24 34 10 www.espace-julien.com Intermédiaire Otantic Records Sound System (18/6), Gacha Empega, Still Life (19/6), Les Anges gardiens (20/6) 04 91 47 01 25 La Machine à Coudre : Lo Cor de la Plana, le Chœur de la Roquette, Rosa (19/6), 1KA, Carne Cruda (20/6), Antonio Negro et ses invités (26/6), Rosa, Ifif Between (27/6), Egoïne, Dam Dynamite, Prypiat (28/6) 04 91 55 62 65 www.lameson.com Le Lounge : Echo, Sharline (19/6), Plaine Ombre, Eloa, Oggre (20/6), Splash Macadam, Les Résistants (22/6), Lezards Tristes (26/6), Sibyl Vane, Mina May (27/6), Rescue Rangers, The Host (28/6) www.myspace.com/lelounge13 Le Poste à Galène : Jacquy Bitch (20/6), Into the groove (21/6), Pop club (27/6), Nuit années 80 (28/6), Into the groove (4/7), Nuit années 80 (5/7), Into the groove (11/7) 04 91 47 57 99 www.leposteagalene.com MuCEM : concert de la chorale des Mamies du panier (21 et 22/6, de 14h à 19h) 04 96 13 80 90 Station Alexandre : Liz Mc Comb (28/6), Direct Usine : Dj Rebel, Hélène Niddam, Martha Galarraga (3/7) 04 91 42 05 87 www.station-alexandre.org Théâtre et Chansons : Les soirées cabaret (27 au 29/6) 04 42 27 37 39, www.theatre-et-chansons.com L’Unplugged : No Perfect (19/6) 04 42 23 40 84 Le Korigan : Converge, Integrity, Coliseum, The Dawn (23/6) 04 42 54 23 37 Luynes CAVAILLON Place Fernand Lombard : Fête de la musique avec Loïc Lantoine, François Pierron, Eric Philippon, René Lacaille, Joseph Doherty et Jef Le Poul avec toutes les personnes résidant ou travaillant au Village. Le 21 juin à 21h30. 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com VITROLLES Moulin à Jazz / Charlie free : Mariannick Saint-Ceran (21/6) 04 42 79 63 60 www.charliefree.com SALON Portail coucou : Blackfire, Acouphen, Clan D, Red Road Crossing (21/6) 04 90 56 27 99 http://portail.coocoo.free.fr 40 MUSIQUE DISQUES Détonation Rythmique Atome Sonore Alliage sonore détonant et pimenté, l’album Watch the sun des Headcharger déménage. Puissante et maîtrisée, l’association de la force du métal, la rage du hardcore et la carrure du rock’n roll donne un résultat abouti et prometteur. Le son est propre, lourd, profond et percutant, mixé et masterisé par de grands noms du genre ayant œuvré entre autres auprès de Tantrum et Sepultura… Taillé pour la scène, l’engin HDGR sonne au demeurant remarquablement bien dans des baffles affûtées, étant du reste distribué efficacement par trois labels français : Custom Core, Coriace et Season of Mist. Attention, l’énergie dégagée par les onze titres de ce deuxième brûlot à déguster en stéréo L’album de l’immaturité est enfin là ! Le troisième opus Dirty centre des inclassables Svinkels atterrit tel un ovni, ou plutôt un objet sonore non identifié dans les bacs le 16 juin. Se baladant à mi-chemin entre le rock et le rap, tout en prenant des chemins de traverse punks et «décalés déjantés», Dirty Centre «serait un pays entre la France et les Etats-Unis, dont le président serait Snoop et où tous les soirs à 20h il y aurait Turbo». Du parodique tube de l’été «Tout nu yo» au graveleux «Du pq pour mon trou trou» déjà culte, «Le club de l’apocalypse» ne doit rien au rap guerrier des habitués du genre. Le single «Droit dans le mur» pourrait à n’en pas douter désenliser un homme devient rapidement contagieuse et comblera sans nul doute tout amateur de rock agité qui se respecte. F.I. Headcharger / Watch the sun Customcore Records / www.customcore.com : rythmique appuyée, son lourd et texte incisif, la déflagration n’est pas loin et vaut le détour. F.I. Swinkels / Dirty Centre At(ho)me www.label-athome.com La Revolte des mots Pochette surprise Le rap tourne t-il en rond ? Existe-til une alternative à cette lassitude grandissante ? Elle s’appelle Duval MC ! La sortie de son album Matières Premières pousse les murs et les carcans habituels, et place la barre bien haut. «Moi je ne souhaite que faire danser les gens» ; pari réussi ! Notre tribun est modeste, et l’attention se porte tout naturellement sur la qualité et la pertinence du texte. Engagé, militant ? Certes, mais quand on chante aux côtés d’alter mondialistes, le militantisme mute aux pulsations du scratch et de la verve déclamée. Slamée, rapée, la violence n’est pas dans le son, proprement mixé et sans surcharge, mais bien dans les mots, distillés et catapultés avec aisance. Et musicalité ! D’un Avant un troisième album orienté rock qui devrait voir le jour dans quelques mois, les Normands de Baldini présentent leur deuxième recueil intitulé Diversion. La chanson française à texte tendance rock continue de s’enrichir, avec la sortie du second album des six cannois, prévue pour mi-juin. Pompe énergique à la guitare pour conter les souvenirs d’un voyage à Londres ou état brumeux des relations masculin/féminin, le texte est efficace et discouru : il évoque la verve et le ton de Mano Solo et Dominique A. Mélange inattendu, à la fois sincère, retenu ou festif, cette Diversion surprend et se démarque. La présence heureuse du trombone donne une couleur fanfare jazzy, et climat feutré aux chemins empruntés parfois ragga, l’aisance maîtrisée du parfum révolté annonce le nouveau MC de la planète rapée ! F.I. Duval MC / Matières Premières Contrevents / www.duvalmc.com Voir page 66 et 67 : La mémoire et l’art Pour Head banger avertis Formé en 1997, Primal Age se forge une solide réputation scénique après avoir enregistré deux titres pour la compilation «In This Other Land» (Overcome), et l’album «The Light To Purify» deux ans plus tard. Le groupe d’Evreux a par la suite montré l’étendue de son énergie et de son efficacité sur scène. Précurseur français de la fusion remarquable entre le hardcore et le métal, Primal Age revient sur le devant de la scène après six ans d’inactivité avec A Hell Romance sorti chez Customcore (rock, hardcore et métal label). Autant le dire tout de suite, cet album décoiffe sévèrement ! Bénéficiant d’une bonne production, ce nouveau recueil nous livre un gros son bien massif à la pulsation ultra rapide, soutenant une voix très sombre et caverneuse, faisant parfois penser au brutal Death métal. Toute la puissance du métal et l’énergie du hardcore figurent sur cet album. Pour les amateurs c’est du très lourd. Primal Age / a hell romance Customcore records SONIA BENSAAD une impulsion novatrice et entraînante qui permet de quitter les carcans habituels de la chanson à texte. F.I. Bandini / Diversion Lakalashnik’off L’Autre Distribution 41 Gospel… of Marseille ! Réuni depuis 2001 autour du guitariste, chef de chœur et arrangeur Grégoire Richard, le Massilia Sounds Gospel a travaillé, progressé, trouvé sa couleur propre au fil des concerts et du contact récurrent avec le public. Le temps était venu pour le groupe vocal d’enregistrer un témoignage de leur travail enthousiaste autour des répertoires de Gospels et Spirituals afro-américains. Intitulé Love’s in need (Stevie Wonder), le CD butine du côté du blues (Down in the river to pray), du swing, de la soul ou du traditionnel (We shall overcome)… Finement accompagné par un quatuor jazz (batterie, piano, basse et guitare) ou a cappella, le chœur mixte, composé d’une vingtaine de chanteurs, répond occasionnellement à des solistes solides comme l’excellent Georges De Pierreti dans Moanin’ ou le «rocailleux» Thierry Garcin dans On my way... L’art d’improviser Talents d’enfants Thierry Escaich est l’un des compositeurs les plus doués de sa génération. Comme la plupart de ses pairs organistes, depuis Bach ou Franck, c’est aussi un formidable improvisateur La Chorale Anguélos, que l’on a entendue ces deux dernières années au Festival de Musique Sacrée de Marseille dans L’Enfant à l’étoile de Gilbert Bécaud, les oratorios La Naissance de David Sassoun d’Aprikian ou La Vierge de Massenet, à l’Opéra de Marseille dans La Damnation de Faust ou au Festival de Lacoste dans Carmen, publie un nouvel enregistrement. C’est la marque du travail sérieux et passionné accompli par Patrick Benoît, son chef depuis vingt ans, assisté d’Hélène Gilles et de la pianiste Brigitte Grosse. Ce disque, comme du reste les précédents qui partent «comme des petits pains» lors des concerts et des tournées internationales de l’ensemble vocal, est le reflet fidèle de ce qui ravit le public en concert. Intitulé Laetitia (Allégresse), le programme est bâti autour de chants virginaux ou de la Nativité : noëls populaires français, espagnol, alsacien, parmi lesquels on reconnaît de jolies harmonisations d’Il est né le divin enfant, Entre le bœuf et l’âne gris, la Marche des Rois… On apprécie également des chants traditionnels (un joyeux pot-pourri Jardin de France) tchèque ou hongrois, acadien (Ave Maris Stella), israélien (Chalom) des Spirituals (Amen, Jericho), des classiques signés Benedetto Marcello ou Luigi Perosi et également l’Ave Maria du Dialogue de Carmélites de Poulenc ou le Chœur des jeunes filles d’Eugène Onéguine de Tchaïkovski… Un répertoire aux styles variés, que les enfants maîtrisent avec talent. Cet art, pratiqué autrefois par Mozart, Beethoven ou Chopin, s’est éteint peu à peu dans la musique classique occidentale… sauf chez les organistes ! Peut-être grâce au fait que ces derniers sont obligés de s’adapter souvent à la contrainte de la pratique religieuse ! Ce récital capté sur le vif, intitulé Organ spectacular est une suite d’improvisations sur différents thèmes : Salve regina, Noëls, Notre-Père, mélodie populaire... Des paraphrases, variations, passacailles, rapsodies s’enchaînent sur des formules de Duruflé, Bach, Couperin, alternant des styles anciens et modernes. Quelques évocations figurent le brouillard ou la tempête quand un poème de Saint John Perse inspire une texture lyrique poignante. Les méditations vaporeuses, les sonorités inquiétantes, les pulsations et les constructions complexes s’avèrent magistrales sous les doigts d’un virtuose que l’on retrouvera à plusieurs occasions, cet été, lors de passionnants ciné-concerts. J.F. * Thierry Escaich improvisera sur les images d’un film italien de 1911 inspiré de l’Enfer de Dante : Inferno de Giuseppe Deliquoro, le 22 juillet à 18h au Temple St-Martial dans le cadre du cycle de Musique sacrée du festival d’Avignon (voir p.34) * Thierry Escaich fera de même, à l’orgue, sur les images du célèbre film muet Faust de Murnau (1926) le 28 juillet à 21h dans la cour du château de l’Empéri à Salon, pour le Festival international de Musique (réserv. 04 90 56 00 82) CD UNIVERSAL CLASSICS 480 0874 CD «CIGALE SWING» 0001/1 J.F. Le Massilia Sounds Gospel se produit le 20 juin à 20h30 à l’église St Georges aux Catalans (entrée libre et dons reversés à de petites associations caritatives) et le 10 juillet à 21h30 au Palais Longchamp dans le cadre des Estivales (entrée libre également). J.F. La Chorale Anguélos présente ce disque fraîchement sorti des presses, le 20 juin à 21h à l’église Saint-Laurent, lieu où il a été enregistré Laetitia Chorale Anguélos CD «CACTUS» CMD 20908 Les Adieux de Brendel Sûr qu’il y aura du monde au Grand Théâtre de Provence le l2 août prochain dans le cadre du festival de la Roque d’Anthéron pour l’un des ultimes concerts d’Alfred Brendel ! Le pianiste «a annoncé qu’il donnerait le dernier concert de sa carrière à Vienne le 18 décembre 2008. Il jouera le Concerto pour piano n°9 «Jeune homme» de Mozart… à cette date il aura 77 ans et aura passé plus de soixante ans de sa vie à donner des concerts.» (extrait du communiqué officiel annonçant sa retraite). Dire qu’en plus ce sera la première fois que l’artiste se produira au fameux festival de piano ! «J’appartiens à une tradition qui veut que ce soit le chef-d’œuvre qui dit à l’interprète ce qu’il devrait faire.» Tel est le credo du maître, inclassable, développant au clavier une sonorité, une poésie et une expression personnelles où le sens de l’architecture générale se conçoit en harmonie avec la spécificité de chaque opus, jusqu’au moindre détail ! C’est ce que l’on retrouve dans ces Variations Diabelli gravées en live au Royal Festival Hall à Londres en 2001. La compilation (BBC recording) est augmentée de la Grande Polonaise de Chopin (1968, des Variations sérieuses de Mendelssohn (1990), Elegien de Busoni (1997) et de l’Opus 101 de Beethoven (1992) qui fut avec Schubert un partenaire de route privilégié du pianiste. J.F. Ultime récital à Aix le 12 août à 21h 04 42 50 51 15 Alfred Brendel 2 CD PHILIPS 475 83 22 42 MUSIQUE CONCERTS Happy Day I Love Gaou L’été commence fort au son des Voix du Gaou. Situé sur la presqu’île éponyme dans le coin estival de Sanary et du Brusc, l’incomparable lieu et la qualité de la programmation font des 10 jours de concerts un rendez-vous incontournable pour tout amateur de rock’n roll qui se respecte. Pour exemple, vous rappelez-vous du passage tonitruant des fameux Stooges sous la houlette de l’intemporel Iggy Pop, le tout dans un décor côtier ensoleillé ? Iggy ne sera pas là cette année, laissant la vedette au grand Ben Harper (le 15 juillet) qui présentera son nouveau joyau enregistré récemment avec les innocent criminals. La très pop Laetitia Sheriff aura la grande responsabilité de baliser la scène au mythique Ben. On change d’ambiance avec le revendicatif Cali et le rock français de Mokaiesh (le 16) avant FRÉDÉRIC ISOLETTA Toutes les infos sur www.voixdugaou.com Ben Harper © 2007 EMI Music France Liz Mc Comb © X-D.R Camille © X-D.R d’accueillir Catherine Ringer qui sera là, toute seule hélas, sans le grand Fred dont elle nous fera partager la musique indémodable (le 17). Plateau reggae innovant avec Tiken Jah Fakoli, Nneka et Zion Train (le 19), avant les revenants à la barbiche du blues rock ZZTOP et le guitariste virtuose Steve Lukather (le 20). Le trip hop de Morcheeba et la jeunette Micky Green rythmeront la fin du festival (le 22), en attendant la déjantée Camille et les venimeuses Cocorosie (le 23), le plateau rock’n roll des BB Brunes, Mademoiselle K et Fancy (le 24). Clôture électro avec Justice, The Do, Birdy nam nam (le 25) pour finir en beauté avec Aaron et Asa (le 26). «L’idée, ce serait de construire un pont musical entre les générations». Pas de doute, nous te croyons sur parole chère Liz, toi qui fais revivre le gospel, toi qui prêches la «bonne parole», toi qui réveilles la soul façon James Brown!... Le fabuleux lieu qu’est la Station Alexandre accueille pour deux récitals exceptionnels l’héritière du gospel Liz Mc Comb, le 28 juin à 18h et 22h. L’artiste chantera pour la première fois à Marseille des extraits de l’album Soul, Peace and Love et nous fera redécouvrir, à travers son dernier opus, L’hymne à l’amour de Edith Piaf. Récompensée d’une victoire d’honneur aux victoires du jazz, la vénus d’ébène à la splendide voix de mezzo enchantera Marseille dans une formation intimiste acoustique à la fin du mois. À ne rater sous aucun prétexte. F.I. Liz Mac Comb, Station Alexandre Renseignements sur www.station-alexandre.org, 04 91 42 05 87 Africa Friche La 4e édition du festival Africa fête Marseille se déroulera à la Friche belle de Mai les 27 et 28 juin. Premier pas avec un plateau hip hop éclectique : Imhotep (de IAM), DJ Rebel de Marseille, Mr Catra de Rio et Duggy Tee de Dakar (le 27 juillet). Puis un pas de deux avec Diho de Mayotte et le reggae de Manjul et Takana Zion (le 28). Echauffement possible l’après midi du samedi pour fêter les 30 ans d’Africa fête avec un accès libre au village festif, projections, expositions et débat autour du livre Mamadou m’a dit de Gilles de Staal. F.I. 1 soir : 7 euros / 2 soirs : 10 euros Infos sur www.africafete.com, 04 95 04 96 36 43 Saint Martin de Rock Le festival Les Aulnes Rouges de Saint-Martin de Crau aura lieu au Domaine de l’étang des Aulnes les 4 et 5 juillet. La quatrième édition prévoit des bouchons au pied de la Charlélie Couture © X-D.R Aix à la rue scène tant la programmation est alléchante, branchée rock, pop et chanson française. Les toujours énervés Raoul Petite, Emzel Café, Maxxo, Syrano et Micromachine seront là (le 4 juillet) juste avant le fameux CharlElie, Les Petites Bourrettes, La Maison Tellier et Les Blérots de Ravel, sans oublier la finale du tremplin avec Solat’, Madâme et Modulus (le 5). F.I. 15 euros par soir / pass 2 jours à 20 euros. Tarifs réduits également. Toutes les infos nécessaires à ce beau festival sur http://lesaulnesrouges.fr, 04 90 47 06 80 Gare aux Oreilles «T’écoute quoi toi ?» «Euh… difficile à expliquer» Et oui les musiques inclassables ça existe, et elles ont même leur festival dont la 7e édition se déroulera à La Gare de Coustellet dans le Vaucluse. Le festival gratuit Gare aux oreilles accueille du 25 au 28 juin Le Chantier musical, le Chantier chorégraphique et le collectif Inouï (le 25), l’original Erikm et les slovaques de Longial (le 26), le solo pour 227 cordes de Lionel Malric et le free punk des Bampots et de Ted Milton (le 27) avant de clôturer sur les décalés des Hauts de plafond et l’inimitable toujours imité Pascal Comelade (le 28). F.I. Les infos et bien plus sur http://gareauxoreilles.free.fr, 04 90 76 84 38 Nuits de Nîmes, calines Les Nuits des Jardins 2008 se dérouleront à Nîmes du 24 juin au 3 juillet. Programmation éclectique et spectaculaire avec la venue du pianiste de jazz Herbie Hancock le 27 juin. Outre la présentation de son Herbie Hancock © Sjaaks nouvel album River : the Jony Letters, le jazzman de Chicago fera apprécier la fusion des styles qu’il affectionne tant. Le chant corse des non moins connus I Muvrini prendra la relève le 28 juin, empruntant des corniches escarpées si chères à l’île de beauté, conduisant à des rencontres musicales inattendues. La grande voix du fado d’aujourd’hui, Misia, clôturera le festival le 3 juillet dans des Saudades symphoniques accompagnées par l’Orchestre des Pays de Savoie (voir page 29). Et pour ouvrir ces Nuits, il y aura Pietragalla et ses mineurs esthétisants, dans Conditions Humaines, les 25 et 26 juin. F.I. Jardins de la Fontaine / 6 av Jean Jaurès / Nîmes www.nimes.fr 04 66 27 76 80 Gacha Empega © M. Belhaoué´s Le festival Musique dans la Rue se déroule à Aix-en-Provence du 17 au 27 juin. Tous les concerts sont gratuits, et le programme varié et chargé avec l’Acousmonium du Conservatoire de Nice, le Duo Impromtu, l’Orchestre des Jeunes du Conservatoire d’Aix, Gacha Empaga, Stimmhorn, la fanfare Vagabontu, le Hadouk Trio, le bal Tango de Yuyo Verde, le trio Sudden Jazz, les Fleurs Noires, l’Orchestre Symphonique du Pays d’Aix, les Musiciens d’Hélios, les classes de piano du Conservatoire d’Aix, le Big Band d’Aix, la fanfare la Baronnade et le théâtre Nô d’Atsumori. Pour les lieux il y en a aussi pour tous les goûts : le GTP, le Pavillon Vendôme, le conservatoire, la place et la cour de l’hôtel de ville d’Aix, l’hôtel Boyer d’Eguilles, le cours Mirabeau et le parc Jourdan. Ne manquez pas les spectacles Bizet était une femme et la Tétralogie de Quat’sous donnés entre la Cité du Livre et le Pavillon Noir. F.I. Les infos indispensables pour ne rien rater sur www.aixenmusique.fr, 0892 68 36 22 Panier Garnic! La 15e édition de la Fête du Panier se déroulera dans le quartier éponyme les 20 et 21 juin. Programmation comme toujours festive et colorée dont voici un avant goût alléchant : live électro avec Projet Lafaille, pop rock avec Mouettes et Gabians, dub avec Mad Professor, Colombie avec Cumbia Chicarra, house avec Jack de Marseille, world music avec DJ Big Bouddha, fanfare méditerranéenne avec la Compagnie Rassegna, fanfare toujours avec Accoules Sax, platines tziganes avec DJ soumkanai, jazz maghreb avec Nhao, Cap Vert avec Thérésa de Jesus, funk Carioca avec Mister Catra, salsa avec Kontigo, blues rock avec Blue’s On, sans oublier les compagnies Pachammama, Sevillanas, Bouam, La Innombrable, A Malicia da Capoeira, La Rue de la Fanfare, Les Décatalogués, Zébulon, Hakili Sigui… Les lieux habituels comme les place du Refuge, des Pistoles, de Lenche, des 13 coins et des Moulins seront à n’en pas douter bouillonnantes et sonores ! F.I. Toute la programmation de ce week-end endiablé sur www.fetedupanier.org, 04 91 91 09 28 44 ARTS VISUELS ST-REMY | P’SILO | VIEILLE CHARITÉ Couple moderne Après la belle exposition monographique Joseph Alessandri, le musée Estrine offre ses espaces à René et Jacqueline Dürrbach, lui peintre et sculpteur, elle maître licière, tous deux modernes Il y a eu parmi les couples d’artistes célèbres du XXe siècle Sonia et Robert Delaunay ou bien Sophie Taeuber et Jean Arp, Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely. On connaît moins le duo Jacqueline et René Dürrbach. Pourtant leurs travaux respectifs, comme leur collaboration, ont compté dans l’art moderne français. Auteur de nombreuses tapisseries, Jacqueline Dürrbach contribua après la seconde guerre mondiale au renouveau de cet René Dürrbach, Sans titre, gouache sur papier, 37 x 28 cm, Collection particulière Tête, René Dürrbach, c.1960, Gouache sur papier, 38 x 28 cm, Collection particulière Des Ocres en vagabondage Films expérimentaux à Marseille Cette année le thème commun a pour titre : Le mal des hommes. Les 66 films sélectionnés viennent de tous les pays et s’organisent dans six programmes : espace, identité, mouvement, perception, sens et temps. En ouverture le 1er juillet, Raw urgency with a webcam de Véronique Duhaut. L’ensemble des programmes est projeté aux Lices. Les vidéos reçues, 238 au total, peuvent être vues Conférence Albert Gleizes et le décor mural par Christian Briend, Conservateur du Patrimoine vendredi 20 juin à 18h CLAUDE LORIN René Dürrbach, Sans Titre, disque en bronze, D.18cm, Collection particulière P’Silo organise la 8e édition du festival international de vidéo expérimentale : Images Contre Nature qui se déroulera du 19 juin au 7 juillet 2008 à Marseille René et Jacqueline Dürrbach, Conversations jusqu’au 14 septembre Musée Estrine, Saint-Rémy 04 90 92 34 72 www.ateliermuseal.net art-artisanat et mit son expérience au service d’artistes renommés comme Fernand Léger, Delaunay ou Picasso qui la sollicita en 1955 pour transposer Guernica. Ou encore Les Demoiselles d’Avignon dont les cartons originaux seront visibles dans l’exposition avec les tapisseries d’Albert Gleizes, Jacques Villon. L’autre parcours est celui de son alter ego artistique et compagnon, peintre, sculpteur, dessinateur, auteurs de cartons de tapisseries et vitraux, dont l’œuvre est habitée souvent d’un fort sentiment religieux. Conversations, invite à la (re)découverte d’un couple d’artistes inscrits dans la modernité de leur temps. En 1972, les Dürrbach avaient choisi de s’installer à Saint-Rémy-de-Provence. Qui le leur rend bien. à la vidéothèque sur grand écran pendant le festival. Vous pouvez aussi visionner les films sélectionnés comme expérimentaux lors des sept précédentes éditions, soit 522, à la vidéothèque P’Silo, ouverte toute l’année au Vidéodrome (www.videodrome.fr) A.G. Raw urgency with a webcam de Véronique Duhaut Une association de 7 plasticiens s’installe sous les arcades de la Vieille Charité. Depuis 2004 ils utilisent un matériau-phare : l’ocre, et investissent les espaces qu’on leur propose. La force et la beauté imposantes de l’architecture du monument, la puissance du lieu ont donné l’échelle et la structure des installations proposées dans ce lieu chargé de mémoire. Parallèlement, le peintre et théoricien d’art Camille Saint-Jacques signera 2 de ses derniers livres à la librairie Regards à 17 heures. C.B. www.p-silo.org 04 91 42 21 75 Ocre-Vagabonds du 28 juin au 2 août Centre de la Vieille Charité et librairie Regards ARTS NUMÉRIQUES | GALERIE PORTE AVION ARTS VISUELS 45 Arts multimédia Depuis Nam June Païc bidouillant la vidéo ou Vera Molnar outillée d’un ordinateur, le flux des nouvelles technologies ne se lasse pas de nourrir les imaginaires artistiques, incitant aux croisements et métissages de toutes formes. Avec le théâtre, pour Judith Nab qui installe le visiteur du Château d’If dans une cellule d’isolement, seul, six minutes dans l’obscurité face à ses propres surgissements hallucinatoires visuels et sonores. Le pire : c’est le visiteur lui-même qui décide d’appuyer sur le bouton ! Le meilleur : de savoir qu’on peut en réchapper, Monte Christo dixit. Autre satisfaction. Depuis que Seconde Nature a confirmé sa fusion, l’offre de programmation s’est sérieusement étoffée et diversifiée, très orientée musiques électroniques sans pour autant sacrifier les arts visuels. Nombreuses sont les collaborations, en particulier avec les structures en région comme récemment pour le festival de deux jours à la Cité du Livre d’Aix-en-Provence avec d’expérimentales et/ou poétiques propositions (Akousmaflore de Gregory Laserre et Anaïs Met Den Ancxct, installation du collectif Arts-Terres, LS/SL de Locus Sonus utilisant les potentialités d’Internet), et Zinc/ECM de la Friche de la Belle de Mai à Marseille (delay~ d’Etienne Rey, projet vibratoire de son, d’eau et lumière). À l’approche de la période estivalefestivale,SecondeNatureprogramme les installations participatives de l’Australienne Lynette Wallworth au Musée des Tapisseries dans le cadre du Festival d’Art Lyrique, et le travail de Thomas Köner à partir des usages de la vidéosurveillance, à l’écart du festival d’Avignon dans la rassérénante architecture de la Chartreuse. CLAUDE LORIN Installations Lynette Wallworth Musée des Tapisseries, Aix du 27 juin au 23 juillet 04 42 64 16 50 www.festival-aix.com Pneuma Monoxyd Thomas Köner jusqu’au 30 septembre Chartreuse de Villeneuve-Lez-Avignon 04 90 15 24 24 www.chartreuse.org www.secondenature.org akousmaflore © X-D.R Nightshot If Judith Nab jusqu’au 15 octobre Marseille-Château d’If www.theatreespace.nl/if Juste avant la chute À la galerie Porte Avion les propositions de Laurent Le Forban et Marie Bovo sont limite. Et ça va péter le 27 juin Arman avait ses colères, Weiss et Fischli enchaînaient les catastrophes. Laurent Le Forban installe les conditions de tension annonçant un prochain déchaînement. Neuf radios portables noires en fonctionnement sont prêtes à gicler au mur blanc, tendues par les larges élastiques de latex bleu et retenues au sol par des filins d’acier gris. Quelques enroulements de ruban adhésif parfont ces catapultes minimales. Tout est en attente. L’évènementiel est déjà potentiellement contenu dans le dispositif : au niveau sonore (car la radio c’est aussi fait pour informer (déformer ?)) et visuel, on s’attend à un jaillissement possible. Mais de quelle intensité ? Quel sera l’impact ? Quelles déformations du contenant (l’objet radio) comme du contenu plus important (le son, l’information ?). Il faut donc tester le tirant des élastiques pour évaluer la capacité de puissance (nuisance ?) : à la fois souple et suffisamment étiré pour créer un certain relâchement, mais pas trop. Lors du dévernissage il est prévu de rompre les amarres. Attendons ! En face, sur le mur sont collées quatre photographies couleur tirées sur papier grand format. On y distingue des empilements de livres. Les images sont biffées par des traces qui suggèrent des flous de bougé. Impossible de savoir assurément si cela provient du passage d’un élément perturba- teur ou plutôt d’un geste prélevant un de ces ouvrages superposés. C’est l’hypothèse la plus vraisemblable. Telles des tours de Babel ou du onze septembre, la chute est proche. Chaque geste évoqué tend au sabotage. Les photographies de Marie Bovo possèdent cette capacité contenue de suggestion du précaire, de l’effondrement annoncé des choses qui se construisent -comme l’architec- Marie Bovo - Laurent Le Forban © X-D.R ture et la culture. Nécessaires et fragiles. C’est la force d’une forme métaphorique ouverte aux exégèses de la catastrophe qui appellent la vanité des Babel ou la mécanique de l’erreur telle la Parabole des Aveugles de Peter Bruegel : deux sont déjà dans la chute, les quatre autres prêts à suivre. Quatre photographies de Marie (Bovo) sont (encore) au mur. Pas pour longtemps : en guise de décrochage, elles seront arrachées. Détruites. Le 27 juin. Que restera-t-il à voir jusqu’au 5 juillet ? Les poèmes maladifs de Nicolas Gilly, artiste invité, qui déroulent à l’infini leurs litanies sur l’écran vidéo au fond de la galerie… près des livres. C.L. Marie Bovo/Laurent Le Forban jusqu’au 5 juillet Galerie Porte Avion 04 91 33 52 00 www.galerieporteavion.org Évènement le vendredi 27 juin 46 ARTS VISUELS MUSÉE ZIEM | MUSÉE DE L’EMPÉRI Ziem mon amour ! Deuxième volet pour Le Musée Ziem a cent ans : le 19e siècle de Ziem parachevé avec une création contemporaine d’Isa Barbier Van Gogh l’enviait pour ses couleurs : «Je voudrais pouvoir faire des bleus comme Ziem qui ne bougent pas tant que les autres.» Mais une des préoccupations majeures de Félix Ziem était déjà la restitution de la lumière et de ses effets annonçant ainsi les recherches impressionnistes une trentaine d’années plus tard. Le premier volet de cette programmation 2008 présentait l’œuvre du peintre. Le second, le 19e siècle de Ziem, s’intéresse à ses contemporains et souhaite situer son œuvre dans le contexte artistique de l’époque comme en déterminer la part singulière. L’exposition est conçue comme un parcours chronologique et stylistique dans lequel sont présentées un choix d’œuvres de Félix Ziem en vis-à-vis de ses maîtres (Rembrandt, Claude Lorrain), professeurs et amis de la première heure (Emile Loubon, Prosper Grésy, Gustave Ricard), compagnons d’expérimentation (Isabey, Corot, Rousseau ou Millet) puis Eugène Boudin et Claude Monet pour les périodes préimpressionniste et impressionniste, Auguste Renoir aussi qui se rendit à Martigues pour saisir tous les enjeux de l’œuvre du maître. Plus complexe qu’on a voulu le reconnaître d’ailleurs, insiste Lucienne Delfuria, conservatrice du musée, lorsqu’on observe la facture de ses tableaux où la touche se libère peu à peu pour annoncer les modalités lumineuses de l’impressionnisme, ou ailleurs encore, lorsque sa palette le processus de conception, le travail de préparation et d’installation de cette œuvre vouée à l’éphémère. Un livret concernant le travail d’Isa Barbier et le catalogue de l’exposition sont tous deux édités chez Images En Manœuvres, bientôt disponibles. Et n’omettons pas de rappeler qu’à l’heure où les subsides publics, pour la culture en particulier, se réduisent comme peau de chagrin, on ne peut qu’apprécier le «confortable» coup de pouce financier apporté par la ville de Martigues pour rendre nécessaire la réussite de ce projet ambitieux. Mais est-ce tenable à long terme ? Et plus généralement, quelles collectivités locales pourront ainsi se le permettre ? C.L. Le 19e siècle de Ziem et une installation d’Isa Barbier jusqu’au 21 septembre Musée Ziem 04 42 41 39 60 www.ville-martigues.fr Alexandre Gabriel Decamps, Vue prise de Hollande. Béziers, musée des Beaux-Arts s’intensifie et préfigure les «outrances» du fauvisme. Le parcours se conclut avec une commande faite à Isa Barbier pour l’évènement. En complément des esquisses et dessins préparatoires, un film retrace Catalogue Le XIX siècle de Ziem textes de Nathalie Bertrand coédition musée Ziem - Images en Manœuvres Editions L’art aux créneaux L’art contemporain à l’assaut du musée de L’Empéri ? Vingt-quatre artistes contemporains ont été choisis par Claude Darras et mis en photo dans leur atelier par Maurice Rovellotti pour le livre éponyme. Tous reliés par le Sud Méditerranéen Carole Challeau, sans titre, encre blanche/papier, 2003 L’exposition propose au visiteur un choix personnel d’un amateur passionné et engagé. Claude Darras a suivi ses coups de cœur sans imposer une règle esthétique restrictive à son projet de rassembler les œuvres d’artistes possédant leur atelier dans le sud méditerranéen. Deux années ont été nécessaires à son élaboration d’autant qu’il se concrétise par un bel ouvrage édité par la toute nouvelle maison d’édition David Gaussen, installée à Marseille. La sélection des vingt-quatre artistes est logiquement très éclectique comme peut l’être un cabinet d’amateur. Nous rencontrons des noms reconnus comme Bernard Dejonghe, Jean-Jacques Surian ou Julien Blaine avec d’autres créateurs dont la notoriété est en devenir. Les techniques utilisées, comme leurs modalités d’expression, varient selon chaque personnalité, offrant ainsi un riche éventail d’esthétiques. Pêle-mêle : les sculptures corrodées de Noortje Piccer, les images bariolées façon art brut chez Raymond Reynaud ou Maurice Fanciello, les peintures de Jean-Marie Zazzi évoquant Fautrier, les graphies hétérogènes sur grand format élaborées par Alain Grosajt, les encres blanches biomorphiques de Carole Challeau, les photos de Virgil Brill habitées par un éros velouté… Et pour entrer plus avant dans l’univers de chaque créateur, le livre, qui fait suite au premier ouvrage Ateliers du Sud - l’esprit des lieux, paru chez Edisud en 2004, saura être un guide précieux par les jeux de connivence et d’intimité évidente entre les textes de Claude Darras et les œuvres servies par une iconographie que l’on doit pour l’essentiel à Maurice Rovellotti, complice de la première heure. Peut-être encore pour un troisième volet prévu en 2010, en réunissant cette fois-ci les deux rives du mare nostrum pour un partenariat avec l’Algérie. L’aventure intérieure sait se partager ! C.L. Ateliers du Sud, l’aventure intérieure jusqu’au 14 juillet Musée de l’Empéri 04 90 44 72 80 www.salondeprovence.fr Ateliers du Sud, l’aventure intérieure textes de Claude Darras, photographies de Maurice Rovellotti Editions Gaussen, 2008 GRANET | VÉLICKOVIC ARTS VISUELS 47 Du Granet à moudre Réveillé avec l’exposition Cézanne, le musée Granet prend goût aux grands évènements estivaux. Rétrospective logique et nécessaire pour l’enfant du pays Alors que le musée de Martigues rend hommage tout au long de l’année à son peintre emblématique, Aix-en-Provence vise une lisibilité d’envergure internationale -comme il est désormais d’usage de s’exprimer en terme de communication. Dans le grand sud, Montpellier avait donné le ton avec la rénovation de fond en comble du musée Fabre et le rafraîchissement de sa programmation. Les musées de province ne veulent donc plus rougir (depuis belle lurette) de leur ancrage local face au pouvoir central. On ne peut que s’en réjouir. Les retombées en terme d’image et d’économie ne sont pas négligeables non plus. Bilbao en sait quelque chose. Pourtant, bien des acteurs culturels et d’observateurs s’inquiètent de la tournure que prennent les politiques culturelles décidées en haut lieu. Parfois localement aussi. On peut se demander par exemple, en regard de «grands» évènements comme celui-ci, ou à venir tel Cézanne-Picasso en 2009, quels bénéfices reviennent aux communes de la Communauté du Pays d’Aix ? Comment l’événementiel et le durable en matière culturelle peuvent-ils être profitables ? Mais ne boudons pas notre plaisir puisque les valeurs immatérielles véhiculées à travers les œuvres d’art ne souffrent pas les décomptes. Certains y ont consacré une vie entière. Granet est de ceux-là. Ce sont près de deux cent vingt pièces, peintures, aquarelles et dessins qui permettront de mieux situer l’importance de cet artiste encore trop méconnu dans l’art du XIXe siècle. Le parcours suit sept thématiques : Granet peintre de Rome, Granet peintre des peintres, d’histoire, de genre, caricaturiste ; les aquarelles et les lavis ; méditation sur la vie et la mort. Sans oublier une sélection d’œuvres issues de sa collection personnelle léguée au musée d’Aix en 1849 comprenant quelques trois cent peintures, en particulier italiennes et flamandes. D’entre François-Marius Granet, rival pour un temps de Jacques-Louis David, néo-classique parmi tous les néo-classiques, l’histoire nous fait F.M. Granet, Couvent Saint Bonaventure a travers une arcade du Colisee, (huile sur toile, 61 x 48 cm) © Musee Granet - CPA, cliche B. Terlay F. M. Granet, La Piece d'eau des Suisses a Versailles (1842). Aquarelles, 19 x 26 cm © Musee Granet - CPA, cliche B. Terlay retenir le second. Pourtant, lorsqu’on regarde Averse dans la vallée du Tibre (huile sur papier) on pense à Turner, ou dans Pièce d’eau des Suisses à Versailles (aquarelle de 1842) c’est un peu Cézanne qui s’immisce dans l’espace. Granet déjà un peu... moderne ? catalogue François-Marius Granet 1775-1849 une vie pour la peinture Denis Coutagne 368 pages Editions Somogy, 2008 C.L. conférence Granet, une vie pour la peinture par Denis Coutagne, conservateur en chef du patrimoine lundi 7 juillet à 17h Granet une vie pour la peinture du 5 juillet au 2 novembre Musée Granet 04 42 52 88 32 www.museegranet-aixenprovence.fr Feux et Corbeaux Après une (trop) longue absence Vladimir Vélickovic expose à Aix, très simplement Dans Karton (éditions Thalia, 2006), Michel Onfray commentait ainsi les œuvres de Vladimir Vélickovic : «Les Hommes creusent leurs charniers ; le peintre se contente de les éclairer de sa lumière noire…» Et cette semiobscurité semble n’avoir jamais cessé de hanter ses peintures dès le moment où un regard a pu croiser ses coureurs pantins mutilés ou ses chiens effarés écorchés en courses folles. La mémoire serait-elle impitoyable ? Une exposition en diptyque à La NonMaison présente des petites toiles, lithographies et collages, tandis que le 200 rd 10 à Vauvenargues accueille des toiles de plus grand format. Sans jamais se départir d’un sentiment de grande gravité, les créations récentes de Vélickovic tendent aujourd’hui à moins de tragique : est-ce aussi un signe d’apaisement pour l’homme ? C.L. Feux, Corbeaux Vladimir Vélickovic du 19 juin au 14 août Galerie La Non-Maison 06 24 03 39 31 www.lanonmaison.com du 15 juin au 6 juillet 200 rd 10 Lieu d’art contemporain Les Lamberts/Vauvenargues 04 42 24 98 63 48 ARTS VISUELS ARLES Faire des Rencontres Les RIP c’est toujours pareil : plein de photos, forcément différentes chaque année, avec des surprises, des découvertes, des enthousiasmes et leurs contreparties Joachim Schmid/n°832, Berlin, avril 2004 C’est LE festival de photographie vraiment international avec ses rituels –la semaine des nuits, les signatures, le moment des prix, le théâtre antique… On déambule, on regarde, on feuillette, on (se) rencontre et on discute, on échange (des appréciations, des courriels, des adresses de bistro/resto un peu plus sympa que…). On écoute une oreille tendue dans un sens et le deuxième œil tourné vers l’autre : ah ! les avantages comparés du bon vieil argentique vs numérique (si, si, toujours d’actualité), repéré untel (connu) qui vient de passer, vu machin (très connu) très décevant à son avis… Et puis il y a ceux qui se lèvent tôt pour profiter du calme relatif de la matinée, ils sont de plus en plus nombreux ; heureusement, Arles ce n’est pas si grand. Peter Lindberg Kristen Mc Menamy, Vogue France, Beauduc, France, 1990 - qu’est-ce qui y a d’bien c’t’année à Arles ? - ben, faut voir, il y en a tellement…! - tu sais qu’c’est Lacroix qui préside cette année ? - mmm…ça peut le faire, et puis ça change des spécialistes ; en plus, il a tout Réattu aussi ! - attention ! ça n’a rien à voir avec les Rip, mais ça peut être très sympa un musée avec sa manière à lui d’utiliser la couleur, les allusions baroques… - mouais… c’est vrai qu’il a invité quelques collègues intéressants; c’est pareil pour les Rencontres. - qui c’est qu’il y a ? - il y a un hommage à Avedon avec ses photos de mode pour le New Yorker, et c’est Caujolle le curator… - dans le style il faut quand même pas louper les Peter Lindberg, hein ? - y a aussi Françoise Huguier, Marla Rutherford… tu sais avec leur façon de traiter le portrait, le modèle… - ouais, j’aime bien. Faut voir aussi le boulot de récup’ de Joachim Schmid, je trouve sa démarche pas très photo-photo ni très mode non plus ; ça change des poncifs. - hum ! J’irai forcément faire un tour aux Ateliers, il parait qu’ils ont un nouveau projet d’aménagement ; on s’dit ce qu’on en pense la prochaine fois, hein ? - …dis-moi-là… euh… Combas, c’est aussi Lacroix qui l’a invité ? - je crois pas ; il fait aussi de la photo ? - et le truc des chapeaux à l’Arlaten ? - Lacroix, des chapeaux ? c’est pas son rayon… CLAUDE LORIN ET UN QUIDAM 39e Rencontres Internationales de la Photographie d’Arles du 8 juillet au 14 septembre 04 90 96 76 06 www.rencontres-arles.com Poursuivons le Combas ! Comme chaque année, la Fondation Van Gogh consacre son exposition d’été à un artiste reconnu. Robert Combas livre plus de quarante pièces créées spécialement pour Arles C’est un peu comme pour Claude Viallat l’année dernière à la Fondation Van Gogh. Combas est du Sud, on connaît, on aime bien mais c’est désormais attendu. On va voir quand même, pour le fun, Robert. Comme on écoute certaines musiques populaires qui savent faire groover le corps, et dire des choses importantes en même temps. Alors il refait le coup de la bagnole customisée par un artiste contemporain ? La légendaire Mini Clubman récemment restylée par Bmw, et bariolée par lui lors de la précédente Fiac, sera visible jusqu’au 18 juillet seulement. Tout le reste, au-delà de la grande figure tutélaire du Van Gogh de 1988, donne à voir une quarantaine de pièces inédites conçues pour l’évènement arlésien, notamment une belle série de travaux en volume, sculptures et céramiques. Réjouissant, rassérénant et vraiment à regarder de près. Tiens, ça me donne une idée : en complément du projet de modifier les plaques d’immatriculation automobile d’une affligeante esthétique administrative, proposons aux responsables européens de généraliser l’obligation de faire customiser chaque véhicule de la communauté européenne par un artiste contemporain, tous les deux ans. Ça donnerait du boulot aux créateurs et la vie serait un brin moins triste ! C.L. Ques Aco ? du 4 juillet au 2 novembre Fondation Van Gogh 04 90 49 94 04 www.fondationvangogh-arles.org Catalogue éditions Actes Sud/Fondation Van Gogh, 2008 Peinture optimiste. Acrylique sur toile, 2007, 201 x 221 cm© Robert Combas 49 Relax max ! La saison estivale pointant son farniente, le Château d’Avignon consacre ses espaces à une exposition thématique réunissant artistes et designers. Vautrons-nous dans le repos et l’oisiveté ! L’année passée Dans ces eaux-là consacrait le précieux liquide omniprésent en Camargue à travers des pièces de design et œuvres contemporaines. Selon des moda- lités identiques, l’exposition de cet été investit le château et les espaces extérieurs sur la thématique de la villégiature. De la vacance pour se retrouver assis ou allongé dans des pièces de mobilier qu’on espère confortables, conçus par quelques belles pointures du design tels Le Corbusier et sa collaboratrice des débuts Charlotte Perriand, Olivier Mourgue, Stéphanie Marin, ou Matali Crasset entre autres… De son côté l’art contemporain ne s’endort pas puisqu’on retrouvera de nombreuses propositions avec des œuvres vidéo (Alice Anderson), photographies (Philippe Ramette, Wendy Jacob, Anna Malagrida), sculptures (César, Mark Hosking) et installations ou mises en espace (Betty Bui, Véronique Joumard) et des atypiques comme Fabien Lerat, Jaume Plensa. Offre non limitative et visites commentées sans supplément. Ouverte à la déambulation familiale, la programmation propose diverses activités autour des cinq sens tout au long de l’été. Un atelier excitera Spécialisées en art contemporain, les éditions Analogues présentent Themselves, les travaux récents de Pierre Labat «L’idée est d’aborder l’actualité de l’art par le biais de projets éditoriaux et non pas par des plaquettes de présentation.» C’est ainsi que Gwénola Menou définissait la ligne éditoriale singulière des Éditions Analogues qu’elle installait à Arles il y a quatre ans. Ainsi, pour chaque nouvelle livraison s’élabore un concept spécifique en relation avec un artiste et son travail, et convoque le partenariat avec divers lieux d’art contemporain en région comme audelà. Analogues publie une revue hebdomadaire, Semaine, et bimestrielle Semaines. Le numéro 11 la créativité des plus jeunes lors d’une customisation d’un siège en carton, à emporter en fin de séance. Là c’est carrément l’invite à se tanquer dans un coin pendant que les mouflets bossent ! Que du bonheur quoi ! CLAUDE LORIN Ere de repos Art et design en villégiature au Château d’Avignon du 27 juin au 31 octobre 04 90 97 58 60 www.cg13.fr Pierre Labat, Affinity, 2007/contreplaqué, acrylique 306 x 300 x 1 cm/Exposition "The Re-conquest of space", Overgaden, Copenhague Themselves Pierre Labat du 5 juillet au 20 septembre Analogues maison d’édition pour l’art contemporain 04 90 47 75 97 www.analogues.fr consacre un article à Pierre Labat qu’elle expose conjointement dans ses locaux. Entre sculpture et architecture, peinture aussi rappelant les Concetti Spaziali de Lucio Fontana en particulier, les œuvres de Pierre Labat interrogent les figurations de l’espace et le rapport au spectateur. S’il s’agit moins pour cet artiste de construire un objet en volume que de créer les conditions de figurabilité d’éléments conçus dans l’espace tridimensionnel. C.L. Art en Arles Lieu d’exposition associatif, l’Atelier Archipel en Arles fait suite à l’Atelier Archipel (lieu privé dans lequel il accueillait déjà les artistes dont il appréciait le travail) que l’artiste plasticien Jean-Blaise Picheral avait créé à Dunkerque en 1995, et animait jusqu’à son arrivée à Arles en 2007. Où il retrouve par hasard Laura Jonneskindt, jeune Jean-Blaise Pascal - installations photographe rencontrée à Dunkerque, et l’idée d’un Atelier arlésien prend forme. Les deux artistes se donnent une année pour faire leurs preuves, avec, excusez du peu, une exposition par mois, sauf en janvier ! Autant dire que le projet est mûrement réfléchi, tellement bien d’ailleurs qu’ils ouvrent officiellement le 6 juillet la (grande) porte de l’Atelier, dans le quartier de la Roquette, deux jours avant le lancement des Rencontres de la photo… Le lieu sera d’ailleurs ouvert toute la nuit lors de la fameuse Nuit de l’Année (le 11 juillet de 23h à 3h), durant laquelle la déambulation est de rigueur. Quel meilleur moyen de se faire connaître ? Axé sur l’art contemporain, l’Archipel comblera un manque arlésien en la matière, offrant un large panel de techniques et d’approches (photographie, peinture sur vitres, collages, dentelle de Calais…) en misant sur «des coups de cœur, une envie de faire connaître des artistes différents… On attend aussi des retours, des avis, que des regards se posent sur notre travail.» Le 6 juillet ils seront au rendezvous avec la première exposition, celle de leurs œuvres : Jean-Blaise Picheral avec La pesanteur du vide Laura Jonneskindt - photographies s’interroge sur la notion d’espace et d’effort à partir d’un travail sur les filets de pêche et les «vides» des mailles, un travail différent de celui qu’il expose aux rencontres In Situ 0.3 à Gageron jusqu’au 30 juin. Laura Jonneskindt présentera elle des tirages issus de son travail K.O., une série illustrant un monde en crise à partir de jouets d’enfants trouvés dans un terrain vague. «On veut avant tout partager et échanger…» L’invitation est lancée ! DOMINIQUE MARÇON Atelier Archipel en Arles 8 rue des Douaniers 06 21 29 11 92 www.atelierarchipelenarles.com 50 CINÉMA CINÉCOLE Nuit blanche… noire, noire à Cannes Si «le cinéma est un regard qui se substitue au nôtre pour nous donner un monde accordé à nos désirs», on peut se demander ce que désiraient les quelque 250 profs et la centaine d’élèves rassemblés les 25 et 26 mai dernier, pour le traditionnel week-end de CINECOLE, dans la salle du Miramar à Cannes ! En effet, les treize films qui leur ont été présentés étaient sombres, très sombres. Sans doute à l’image du Festival de cette année. Malgré tout, ils sont restés, ravis d’avoir été retenus et plus de 150 ont passé la nuit entière à regarder ces films, issus de la compétition officielle, d’un Certain Regard, de la Semaine de la Critique, de La Quinzaine de réalisateurs, tous choisis par une équipe d’enseignants de l’Académie de Nice. Cinéma et école Cinécole est une initiative de l’Académie de Nice, de Cannes Cinéma et de la Ville de Cannes ; une programmation sur deux jours de plus d’une douzaine de films. Une ouverture sur l’actualité cinématographique internationale, proposée aux enseignants et aux étudiants. 2008 était la vingtsixième édition. À partir de 2003, un prix de L’Éducation Nationale a été décerné chaque année par un jury composé de professionnels du cinéma, d’enseignants et d’élèves. En 2007, présidé par Bernadette Lafont, le jury l’avait attribué au film roumain Quatre mois, trois semaines et deux jours de Cristian Mungiu, pour son intérêt cinématographique et pédagogique, ses qualités artistiques et culturelles. Ce qui d’ailleurs avait déplu à M. Darcos qui, dans un premier temps, avait refusé que ce film qui parle d’avortement soit proposé aux enseignants avec son accompagnement pédagogique ! Cette année, c’est Tulpan de Sergey Dvortsevoy qu’a récompensé le jury présidé par Robin Rennuci. Un film «qui porte un regard totalement neuf sur le Kazakhstan, poétique et politique» comme l’a précisé l’acteur et réalisateur corse, qui a ajouté qu’il ne fallait pas se contenter de parler de l’art, qu’il fallait le pratiquer. Des paroles très applaudies par la salle au moment où des menaces sérieuses pèsent sur l’art à l’école. Tulpan de Sergey Dvortsevoy Noir, c’est noir ! «Cinécole, c’est comme si on montait dans un train sans savoir où il va, s’il faut aimer l’aventure, la découverte, les sentiers qui ne sont pas battus et le temps qui passe», déclarait André G. enseignant à Marignane : les spectateurs qui ont accepté de monter dans ce train durant 27 heures, n’ont eu que très peu d’occasion de rire ou de rêver. Ils ont pris de plein fouet la misère, le chômage, la peur, la dislocation sociale et surtout la violence. La violence des rapports sociaux, la violence entre les sexes, la violence entre jeunes, la violence des jeunes avec les vieux, la violence de la guerre et de l’oppression. Le marathon a commencé avec le superbe Valse avec Bashir de l’Israélien Ari Folman. S’il n’a, hélas, rien obtenu au palmarès officiel, il a été le premier coup de cœur du public de Cinécole. Nul ne pourra oublier les premières images du film, une meute de 26 chiens hurlants, dans les rues d’une ville, le cauchemar récurrent de l’ami d’Ari Folman, ni ce rivage où il se voit se baigner nu avec deux amis prés d’une ville embrasée, ni les images finales qu’on vous laisse découvrir. Souvenirs douloureux retrouvés de Sabra et Chatila… Les spectateurs de Cinécole ont aussi particulièrement apprécié le film d’Emily Atef, projeté le dimanche matin, l’Etranger en moi, superbement interprété par Suzanne Wolf (Semaine de la Critique). Un film qui peut déranger puisqu’il aborde le thème peu traité de l’amour maternel, un amour que ne ressent pas Rebecca à la naissance de son petit garçon, pourtant désiré, qu’elle «oublie» même, un jour, à une station de tramway. Troisième coup de cœur du public pour le cinquième film de Kiyoshi Kurosawa, Tokyo Sonata, (Un Certain regard) qui rompt avec le fantastique de ses films précédents. On est dans le Tokyo contemporain, dans sa dure réalité sociale : des cadres en costume mangent à la soupe populaire pour ne pas avouer à leur famille qu’ils ont été licenciés. On assiste à la déchéance du père qu’interprète à la perfection Tennyuki Kagawa ; aux progrès stupéfiants de son fils, Kenzi, Valse avec Bashir de Ari Folman 51 Ils causent ils causent, les profs de Cinécole… qui étudie le piano en cachette ; à la fugue de la mère avec celui qui est venu la cambrioler… À ces trois films, certains ont préféré Adoration d’Atom Egoyan où le jeune Simon «recompose» son passé sur Internet. Ou le premier long métrage de la jeune Valeria Gaï Guermanika, Ils mourront tous sauf moi, (Semaine Internationale de la Critique) qui a obtenu la mention spéciale Caméra d’or. Un regard porté sur une adolescence rebelle, violente où la caméra portée à l’épaule suit Katya, Vika et Zhanna, trois collégiennes de la banlieue de Moscou dans l’apprentissage de la vie. Dur, terrible… Durant la nuit, les spectateurs auront voyagé du Chili, avec Tony Manero de Pablo Larrain, en Argentine avec Alba qui récupère son fils de six ans qu’elle ne connaît pas pour l’emmener à El Bolson, «la vallée mythique de la Patagonie argentine, la Mecque des hippies dans les années 70, El Bolson (le gros sac) qui enferme les illusions de ceux qui plongent les chercher.» Salamandra de Pablo Aguero nous montre une Patagonie très sombre à laquelle on ne s’attend pas. Quant au premier film macédonien sélectionné à Cannes, Je suis de Titov Veles de Teona Mitevska, il met en scène trois sœurs, dont la plus jeune, Afrodita, ne parle pas. Son interprète, la sœur de la réalisatrice porte le film à travers ce personnage qui vit dans ses rêves, que la dure réalité rattrape et qui ose, un jour, détruire l’armoire de la mère, dernière chose qui la relie au passé. Un grand regret, l’absence du film de Laurent Cantet, Entre les murs, au cœur de l’école… Mais la Palme d’Or sera bientôt sur tous les écrans ! «Fais apparaître ce qui sans toi ne serait peut- être jamais vu» disait Bresson. Les participants à Cinécole auront vu à travers des films, oscillant parfois entre documentaire et fiction, un monde… bien noir ! ANNIE GAVA «Le cinéma est «une fenêtre ouverte sur le monde» disait encore récemment Jeanne Moreau. Justement, c’est bien du monde qu’il s’agit et de son écroulement dans la violence. -Violence sociale où les dures lois du marché font d’un cadre japonais un candidat à la soupe populaire (Tokyo Sonata) ; -Violence des rapports parents-enfants lorsque l’autorité paternelle s’écroule ou lorsque certains enfants tombent sous les coups des pères (Tokyo sonata, Ils mourront tous sauf moi) -Violence des rapports hommes-femmes : viols, fellations et premiers rapports plus ou moins consentis (Quatre nuits avec Anna, Je suis de Titov Veles, Ils mourront tous sauf moi). De corps en pièces, malmenés sous les coups et les shoots, à bout de course, à plat ventre, la sélection de cette cuvée 2008 n’en manque pas. Les corps tombent, s’écroulent dans les immondices pour mieux se relever (Tokyo Sonata), ou dans un coma éthylique (Ils mouront tous... et Involontaire) ou par overdose (Better things). Et l’amour dans tout ça ? Difficile, voire impossible, non partagé et obsessionnel comme dans le très beau Quatre nuits avec Anna. Dans l’ensemble, peu de «happy end» dans le cinéma mondial en 2008 ! Muriel Benisty, Professeur d’anglais au Lycée Victor Hugo, Marseille Je ne parlerai pas de la qualité des films que nous avons vus durant les 15 projections, mais plutôt de la fascinante facilité avec laquelle j’ai pu me plonger dans les différents univers que nous avons parcourus. Malgré le rythme effréné de la succession des films, la balade fut aisée et, au-delà même, saisissante. Ce que je retiendrai de l’expérience cannoise Cinécole : au sortir des 26 heures de projection, lorsque je me suis retrouvé chez moi, j’ai eu un instant le sentiment de réinvestir mon corps. Je me suis alors rendu compte à quel point j’avais été déconnecté de moi et projeté dans un ailleurs. Cet oubli de soi au profit des passions de l’autre (ou des autres) est ce qu’on Tokyo Sonata de Kiyoshi Kurosawa appelle catharsis en théâtre, je crois. J’en connaissais le terme mais n’en avais jamais autant expérimenté le bienfait. Ce jeu intellectuel auquel participe le spectateur cinéphile est ici devenu une expérience de vie. Je fus autre 26 heures durant. Tantôt Russe, tantôt Macédonien, tantôt jeune fille, tantôt sosie, tantôt assassin. Et de cette richesse nouvellement composée, je suis revenu à moi, comme plus grand. Cyril Carret, Professeur d’espagnol au Lycée Thiers, Marseille Ce qui fait l’intérêt et l’originalité de Cinécole, c’est que le spectateur, contrairement à ses habitudes, ne choisit pas les films qu’il va voir, il plonge dans l’inconnu, s’y expose. Le risque n’est pas vital, mais, sauf dans les festivals, le spectateur en général mesure en quelque sorte les risques qu’il prend ; la renommée, la publicité, les critiques, le bruit qui court tracent la route qui conduit dans la salle obscure. À Cinécole, aucune route n’est tracée, ce ne sont que des découvertes, des surprises, des déceptions, des plaisirs, des irritations, des étonnements, des admirations. «Exquise contrainte» disait quelqu’un à propos d’autre chose. C’est comme si l’on montait dans un train sans savoir où il va, il faut aimer l’aventure, la découverte, les voyages sans cartes, guides, GPS, réservations, agences, les sentiers qui ne sont pas battus et le temps qui passe. André Gilles, Professeur de lettres classiques au Collège Brassens, Marignane Impression étrange, en regardant et en écoutant les palmarès dimanche soir, de ne pas avoir participé au même festival de Cannes. Pas une citation pour Valse avec Bashir, que pourtant toutes les critiques annonçaient nominé, et qui aurait mérité qu’on en parle. Mais c’est surtout le choix des films présentés à Cinécole, qui m’a étonnée ! L’absence du film de Laurent Cantet sur l’école que je n’ai pas vu et dont je ne sais a priori s’il mérite cette palme, mais qui aurait dû nous être présenté dans le cadre des films nominables pour le prix de l’éducation ! Peu de «grands» films «coups de cœur ou coups de poing» comme en 2007 ! Un instant, j’ai cru que nous allions revivre la même excitation quand les lumières se sont éteintes pour le premier film samedi matin, et que sur l’écran une meute hurlante de chiens s’est précipitée sur nous… J’ai aussi apprécié l’humour tendre et surréaliste des films Eldorado et 4 nuits avec Anna, mais beaucoup moins celui, pas tendre du tout, de notre Ministre M. Darcos, quand il a annoncé la… (non) suppression de poste d’enseignants de cinéma !!! Arlette Assante, ex professeur du Lycée Victor Hugo 52 CINÉMA ALHAMBRA La Quinzaine des réalisateurs à l’Alhambra Les Bureaux de Dieu de Claire Simon Née de 68 ! Mai 68 fête son quarantième anniversaire, la quinzaine aussi. Normal ! puisqu’elle en est issue. Suite aux États Généraux du cinéma qui se tiennent du 17 mai au 5 juin 1968, la SRF (Société de Réalisateurs de Films, créée le 14 juin) propose la création d’un «contre festival», destiné à promouvoir le cinéma d’auteur en montrant des films «gratuitement, sans palmarès et sans censure». La première édition comporte plus de 60 films dont ceux de Philippe Garrel et d’Oshima. Tout au long de ces quarante années, la Quinzaine accueille les cinémas du tiers monde, les nouvelles vagues venues de l’Est, les indépendants américains, le cinéma nuevo brésilien… Elle a révélé entre autres Herzog, Loach, Jarmush, Angelopoulos… Dirigée aujourd’hui par Olivier Père, programmateur à la Cinémathèque Française et critique de cinéma, elle a proposé cette année 22 films, issus d’une vingtaine de pays. À Marseille aussi ! Depuis 2005, la région PACA a décidé de faire découvrir cette sélection, synonyme de «découverte, surprise et qualité» au public marseillais, tout comme le font Paris, Rome et Milan. Et c’est tout naturellement vers l’Alhambra, «reconnu pour la qualité de sa programmation art et essai et pour ses actions pédagogiques et éducatives» qu’elle s’est tournée. Ce sont donc 13 films qui seront proposés aux cinéphiles marseillais -et aux autres-, choisis par l’équipe de l’Alhambra, reflets de la diversité de forme, d’origine et de ton. Un film, deux films… treize films ! Choisi donc, le film d’ouverture de la Quinzaine, Quatre nuits avec Anna, le retour au cinéma du polonais Jerzy Skolimowski, une des figures de la révolution cinématographique des années 60 : «À ceux qui m’aiment, je voudrais dire que je suis de retour, à ceux qui ne m’aiment pas aussi d’ailleurs» a dit à l’ouverture, le réalisateur de Signes particulier : néant, de Deep End entre autres. Son nouveau film, tourné en Pologne, tout en gris-bleu et brun, couleur de pluie, est une histoire de regards surtout. Son personnage principal, Léon, passe son temps à observer Anna, sa voisine, une jeune infirmière dont il a assisté au viol… Il va pénétrer chez elle… Le film du belge Bouli Lanners, Eldorado, démarre avec une intrusion, aussi, celle d’un jeune cambrioleur, un peu paumé, chez Yvan, un vendeur de vieilles voitures américaines. «L’histoire part d’une situation que j’ai vécue, raconte Bouli, un cambriolage où mon voleur s’est caché et j’ai dû parlementer avec lui pendant deux heures pour le faire sortir parce qu’il avait peur que j’appelle les flics. Finalement, on a établi le contact ; j’étais touché par ce qu’il était. (…)». Yvan trouvant Elie, la nuit, planqué dans sa maison, décide de le ramener chez ses parents et ce voyage qui aurait du être bouclé en une demijournée va devenir un road movie, tendre et drôle, où tous les personnages révèlent leurs failles, où l’on trouve au bord d’une petite route perdue, une chaise au nom… d’Alain Delon !, («piquée sur le tournage d’Astérix et Obelix» précise Bouli), où l’on assiste à la toilette en caleçon, avec leurs chaussures, des deux protagonistes ; une scène d’une «belle poésie», comme l’a voulu Bouli. Avec Tony Manero, deuxième film de Pablo Larrain, nous quittons la Wallonie pour le Chili de 1979, sous la dictature de Pinochet. Raùl Peralta, obsédé par le personnage de La fièvre du samedi soir, le film de John Badham, veut gagner à tout prix le concours de sosies dans une émission de télé. Ce minable -très bien interprété par Alfredo Castro- n’hésite pas à harceler son entourage et même à tuer pour être le meilleur Tony Manero ! On peut penser que ce film est une métaphore des rapports entre le Chili et les USA, même s’il a tendance à s’enliser un peu. On pourra aussi découvrir Les Bureaux de Dieu de Claire Simon, écrit après une collecte d’entretiens au Planning Familial, film interprété par Rachida Brakni, Nathalie Baye, Isabelle Carré et Quatre nuits avec Anna Nicole Garcia ; ou Le Voyage aux Pyrénées des frères Larrieu, ou encore Blind Loves, un documentaire slovaque sur l’amour entre aveugles… Ainsi, c’est à un voyage entre la France, la Belgique, la Pologne, l’Espagne, La Russie, la Slovaquie le Chili, l’Argentine et les États-Unis que vous êtes conviés. Dans une sélection de 13 films retenus pour leur représentativité de l’ensemble des tonalités de la Quinzaine. Alors bon voyage, et bonne découverte de l’état du monde ! ANNIE GAVA La Quinzaine des réalisateurs du 18 au 24 juin Alhambra Cinémarseille 04 91 46 02 83 www.alhambracine.com Alfredo Castro in «Tony Montero» CINÉMA ISRAELIEN | FID CINÉMA 53 FID or not FID ? Films d’Israël à Marseille Du 2 au 7 juillet se tiendra à Marseille le dix-neuvième Festival International du Documentaire. Gardera-t-il ce nom l’an prochain ? Peut-être, peut-être pas ! Du 18 au 24 juin, Judaï Ciné organise aux Variétés le 9e Regards sur le cinéma Israëlien, une semaine de projections, d’échanges et de rencontres avec des réalisateurs invités, Roni et Shlomi Elkabetz qu’on a vu avec plaisir dans La Visite de la fanfare en 2007. Présents aussi Shemi Zarhin qui a obtenu l’oscar israélien du meilleur film pour Aviva mon amour en 2006 et Ari Folman, sélectionné à Cannes cette année pour Valse avec Bachir (voir page 50). Sont donc programmés une dizaine de films dont Les sept jours de Roni et Shlomi Elkabetz en compétition à la Semaine de la Critique, film sur les névroses et secrets familiaux. En hommage à Shemi Zarhin, un film inédit à Marseille, Aviva mon amour, histoire d’une travailleuse prête à réaliser son rêve, écrire, jusqu’à ce que… Bonjour Monsieur Schlomi, histoire d’un adolescent timide et généreux que personne ne voit ni n’entend… Dans Noodle, de l’Israélienne Ayelet Menahemi, un petit garçon d’origine chinoise qui, bien que né en Israël parle à peine quelques mots d’hébreu, est laissé sous la garde de la patronne de sa mère pendant une heure et sa vie bascule quand il devient clair qu’on ne reviendra jamais le chercher. Entrée illégalement, la mère du petit «Noodle», qui faisait des ménages à Tel-Aviv pour gagner sa vie, a en effet été renvoyée à Pékin… Car la tendance amorcée en 2007 se confirme : fusionner, mettre en complicité documentaire et fiction. «Ce n’est ni un amalgame, ni un fourre-tout, précise Jean-Pierre Rehm, le Délégué Général ; c’est une réponse vitale. La frontière entre les genres était imposée par la télévision. Aujourd’hui, c’est caduc. C’était plus idéologique que théorique, plus d’ennui que de bonheur !» Donc, 130 films au programme cette année, pour 116 en 2007 et sept lieux de projection. Dix-neuf films, venant de dix-huit pays, dont douze en première mondiale, sont en compétition internationale dont le jury est présidé par le philosophe italien Toni Negri. Quatorze films en compétition française dont certains réalisateurs sont des «habitués» du FID, Olivier Derousseau, Pierre Creton. Henri-François Imbert qui y avait été primé en 1999 pour Doulaye ou la saison des pluies revient avec Le Temps des amoureuses, l’histoire d’une rencontre entre un homme qui a joué dans Mes petites amoureuses de Jean Eustache il y a trente ans, et un cinéaste, qui aime énormément ce film. Il y aura aussi un film soutenu par la région, d’Arusha à Arusha de Christophe Gargot, et un court métrage d’une réalisatrice de Marseille, Caroline Delaporte, Pologne. Souvenirs, voyages, sentiers Comme chaque année, une rétrospective : Robert Kramer avec la projection de Milestones, qu’il a réalisé de 1972 à 1975, sorte d’état des lieux d’une communauté de militants dispersés sur le territoire américain. En cette période anniversaire de 68, le FID a choisi Milestones de Robert Kramer lors de laRétrospective de Robert Kramer Flower in the poket de Liew Seng tat. Ecran parallèle Les Sentiers d’éclairer un groupe éphémère, Zanzibar dont la figure de proue était Philippe Garrel : Les films présentés sous le label Zanzibar Productions ont été fomentés autour de Mai 68. Avant prophétiquement, pendant factuellement et après mélancoliquement. Un regard sur l’Amérique sera proposé par Jean-Pierre Gorin, fondateur avec Jean-Luc Godard du groupe Dziga-Vertov, collectif militant qui affirmait la nécessité de «réaliser politiquement des films politiques». L’Europe n’est pas oubliée : un des «Écrans parallèles» lui est consacré avec un accent mis sur les pays de l’Est, en particulier sur un artiste lituanien, Deimantas Narkevicius. Ni l’Amérique latine ! Les Rencontres cinématographiques sud américaines nous proposent des films chiliens, brésilien, vénézuélien et péruvien. Pour la troisième année, un écran est proposé par Fotokino, les Sentiers destiné plus particulièrement aux enfants : témoignages, films d’artistes, essais, fictions... des films rares voire inédits, d’ici et d’ailleurs, de Pologne, de Finlande, des Pays-Bas, d’Iran… dont Flowers in the pocket de Liew Sang Tat. Et bien sûr, comme chaque année, des tables rondes, des rencontres avec des réalisateurs, des séances spéciales dont Crude Oil, un film de 14 heures du chinois Wang Bing dont l’émouvant He Fengming, Chronique d’une femme chinoise avait obtenu le prix «Georges de Beauregard» l’an dernier. Sans oublier les moments d’échanges et de convivialité. Bon festival à tous ! ANNIE GAVA Regards sur le cinéma Israëlien du 18 au 24 juin Variétés http://judaicine.fr 04 91 37 40 57 ANNIE GAVA FIDMarseille 04 95 04 44 90 www.fidmarseille.org Aviva mon amour 54 LIVRES LIBRAIRIE DES 3 MAGES | JEUDIS DU COMPTOIR Pour tous les goûts et de toutes les couleurs À la Librairie des 3 Mages, ce ne sont ni l’or, ni l’encens, ni la myrrhe que les Rois ont apportés, mais des albums, des livres, des CD, pour tous les jeunes lecteurs, de 6 mois à… ans. Lorsqu’il y a trois ans, l’ancien propriétaire a vendu ce fief trentenaire dédié à la littérature de jeunesse, on a eu peur un moment que l’endroit ne change, ne perde son âme. Ouf, rien de tout cela ne s’est produit. Didier de Régis, le nouveau gérant de la librairie, a conservé l’esprit du lieu. Des murs aux couleurs pimpantes, tapissés d’affiches colorées, et partout des présentoirs, des étagères, bourrés à craquer de volumes de toutes dimensions. On vient y faire un tour à l’heure du goûter, après la halte aux jeux d’enfants ou à la sortie de l’école, de la crèche. Enfants et parents prennent ici le temps de fouiner, de feuilleter, de demander conseil. Les deux filles jumelles du patron, Domitille et Sixtine, ne dédaignent pas de s’installer après le collège dans ce havre propice à l’évasion tranquille. Rien ne prédisposait Didier de Régis au métier de libraire : des études d’ingénieur, une carrière de salarié dans la finance, on est assez loin des livres de jeunesse ! C’est pourtant dans cette voie nouvelle qu’il s’est lancé lorsqu’il est revenu à Marseille, sa ville natale. Et sa ténacité semble lui réussir ; après une adaptation difficile à un environnement radicalement différent de ceux qu’il avait côtoyés jusqu’alors, il se sent aujourd’hui à l’aise dans le milieu. Il navigue avec adresse dans les catalogues et les revues spécialisées, collabore activement avec les écoles, organise des événements. Un authentique professionnel. Zibeline : Pourquoi avoir choisi le secteur jeunesse ? Didier de Régis : Cela a été un concours de circonstances ; au départ, j’étais plutôt intéressé par la littérature générale ; et puis, au fil de mes recherches, j’ai pensé que la librairie spécialisée était un choix judicieux. C’est comme cela que j’ai été amené à rencontrer mon prédécesseur et à reprendre cette librairie en 2005. Me former m’a demandé beaucoup de travail ; il faut du temps pour acquérir la somme de connaissances nécessaires à la maîtrise de ce secteur, pour explorer la presse professionnelle et s’en imprégner. Les enseignants, avec lesquels je collabore souvent, m’ont énormément guidé dans ma formation. Grâce à eux, je perçois mieux la façon dont on peut utiliser la littérature jeunesse dans l’apprentissage de la lecture et leur contact est pour moi une source continuelle de connaissances… et d’enrichissement personnel. Vous participez actuellement à la Semaine des Librairies sorcières , pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste cette opération ? Cette opération a été initiée par l’Association des Librairies Jeunesse qui, depuis 1981, a à cœur de défendre la littérature jeunesse et aussi la librairie indépendante. Cette association regroupe 44 libraires qui ont choisi un titre, un auteur, qu’ils présentent dans leurs librairies. 44 titres différents ont donc été sélectionnés pour cette semaine de promotion, à l’issue de laquelle seront décernés les Prix Sorcières 2008. Quel album avez-vous privilégié, et pourquoi ? J’ai choisi un album d’Hubert Benkemoun qui s’intitule Moi ! J’aime bien cet ouvrage car, pour moi, il reflète bien les discours de cours de récré et l’imaginaire enfantin. Les enfants passent leur temps à raconter : «Moi, mon papa, il fait ça», «Moi, j’ai vécu ci, je suis allé là», «Moi, quand je serai grand, je ferai ça» ; bref, ils construisent avec des mots tout un monde imaginaire auquel finalement ils croient. Benkemoun traduit cette réalité dans son album, pour en conclure que tout cet imaginaire mis en branle par les mots, on le retrouve dans la littérature jeunesse, qui offre aux enfants à la fois le rêve et la projection nécessaire vers le futur. L’album propose un condensé de tous les mythes littéraires de l’enfance, des dinosaures aux petits hommes verts en passant par les chevaliers et les sorcières. Il s’adresse aux enfants à partir de 4 ans, mais on peut l’apprécier à tout âge… Le secteur jeunesse semble en pleine expansion… Oh oui ! Si je lisse sur l’année, je reçois en moyenne 500 nouveautés par mois. Qui sont vos clients ? Essentiellement une clientèle d’habitués. Mon prédécesseur avait une certaine renommée, que j’essaie de faire perdurer (rires). Pour l’instant, ça va. Donc, vous ne regrettez pas votre reconversion ? Non, pas du tout. J’apprécie énormément l’aspect contact de mon nouveau métier. Mais s’occuper d’une librairie représente énormément de travail. On est sur un marché qui a tendance à se comprimer, notamment auprès des écoles mais surtout des bibliothèques dont les budgets subissent une baisse sensible. On travaille avec des marges faibles, des trésoreries extrêmement tendues. Avec le système des prix imposés, on n’est pas maître de son chiffre d’affaires, qui augmente peu, face à des charges qui explosent, en particulier dans le domaine du transport. Avec la crise des carburants, cela risque fort de s’aggraver encore… PROPOS RECUEILLIS PAR FRED ROBERT La sélection de Didier de Régis -Pour de jeunes lecteurs, le libraire des 3 Mages suggère la lecture de Ma culotte, d’Alan Mets (École des Loisirs, 10,40 euros), ainsi que les quatre tomes des aventures du petit éléphant Pomelo, créé par deux Marseillais, Ramona Badescu et Benjamin Chaud (Albin Michel Jeunesse, 11,90 euros). Il nous a présenté également un grand album aux doubles pages fourmillantes de dessins, dans lesquelles il doit faire bon se perdre : Au pays merveilleux de l’intrépide Non-Non, de Magali Le Huche (Tourbillon, 12,95 euros). Sans oublier Fleur de Cendre, une splendide version de Cendrillon, à l’esthétique japonisante, raffinée, poétique ; un bijou ! (A. Combier et A. Romby ; Milan Jeunesse, 12,50 euros). -Didier de Régis a aussi des collections «chouchou». Il nous fait écouter les airs slaves des Comptines et Berceuses de Babouchka, son titre favori dans la collection de coffrets livresCD (Didier Jeunesse, 23,50 euros). Dans les documentaires, il recommande la collection LIVRES 55 Le tonneau est mort, vive le Bouchon Fini les Danaïdes, Libraires à Marseille a élu un nouveau lieu. «Enfants d’ailleurs», et particulièrement le volume sur la Chine (Ed. de La Martinière Jeunesse). Sa préférence va toutefois à une collection de beaux livres, …raconté par les peintres. Il montre celui que Marie Bertherat et M-H Deleval ont consacré à la Bible, et on est séduit par la qualité des reproductions et leur choix judicieux. (Bayard Jeunesse, 19,90 euros). -Aux lecteurs adolescents, il conseille les deux tomes des aventures de Tobie Lolness, micro habitant d’une micro société nichée dans un tronc d’arbre, créé par Timothée de Fombelle (Gallimard Jeunesse, 16 euros). -Ses deux filles de 12 ans donnent elles aussi des conseils de lecture. Domitille recommande L’île qui rend fort, de Jean-Luc Luciani (Rageot Poche) ; Sixtine a adoré Verte de Marie Desplechin (Neuf, de l’Ecole des Loisirs). -À noter enfin, la rencontre fin mai avec une nouvelle maison d’édition marseillaise L’Initiale, spécialisée dans des livres de philosophie à l’usage des plus jeunes. Juliette Grégoire y a présenté son premier titre, La grande couverture, qui évoque la naissance du deuxième enfant et traite du problème de la jalousie. Bref, beaucoup de choix dans cette librairie jeunesse éclectique et pleine de vie. FRED ROBERT À feuilleter également, Citrouille, la revue trimestrielle de l’Association des Librairies Spécialisées Jeunesse. C’est au Bouchon marseillais qu’organisateurs et auteurs avaient coutume de venir dîner après les Jeudis du Comptoir ; c’est dans ce resto tendance de la rue Thiers que se tiendront désormais les rencontres littéraires mensuelles de l’association. Nouveau lieu, nouveau style : après la grande brasserie animée, idéalement située sur une place très passante, mais bruyante, un bar à vins plus confidentiel, à la déco sobre et néochic. Service détendu mais raffiné, amuse-gueule originalement présentés, salle agréable et surtout superbe fond de jardin, avec figuier et acacia en prime, le nouvel espace ne manque pas d’atouts. Il est réputé pour ses apéros mix. Espérons que sa notoriété grandira également grâce aux jeudis littéraires. À lieu nouveau, nouvelle formule. Pour cette première «émission radiophonique en public», selon les termes du journaliste animateur Pascal Jourdana, Marie-Dominique Russis et Claude de Peretti ont invité deux nouvelles venues sur la scène de la fiction littéraire, Marie Cosnay et Hélène Frappat. La brune, Marie, arrive de Bayonne où elle enseigne les lettres classiques et anime des ateliers de traduction du grec ancien. La blonde, Hélène, vient de Paris ; philosophe de formation, elle est journaliste, critique de cinéma, auteure entre autres d’un essai sur Jacques Rivette, et traductrice de textes américains. Toutes deux écrivent. Des livres étranges, labyrinthiques, qui interrogent plutôt qu’ils ne relatent. Écritures du ressassement, de la reprise, du leitmotiv. Marie Cosnay le constate : «Il ne se passe rien, en fait.» C’est que ce qui se passe n’est pas, loin s’en faut, À lire : Marie Cosnay : Déplacements et André des ombres, aux éditions Laurence Teper. Hélène Frappat : Sous réserve et Agent de liaison, aux éditions Allia. l’essentiel. L’essentiel, c’est comment ça se passe, comment ça affleure, comment ça se dit. Comment ça raconte une histoire qui n’a plus rien à voir avec l’anecdote, et qui pourtant parle, et fait ressurgir le plus profond. Alors, lorsque le journaliste évoque leurs récits fragmentaires, Hélène Frappat s’étonne ; pour elle, il s’agit au contraire d’exprimer une continuité. Comme Marie Cosnay, elle dit chercher la «grammaire profonde, le liant.» De même, pour les deux jeunes femmes, la question du genre est secondaire ; et encore moins intéressante celle de l’autofiction. Seule compte la langue, qu’en traductrices elles maîtrisent parfaitement, et qu’en amoureuses elles espionnent pour la faire parler. Un débat passionnant, agrémenté de lectures par les écrivaines d’extraits de leurs derniers textes. De quoi regretter que le public n’ait visiblement pas encore trouvé l’adresse de ce nouveau rendez-vous littéraire. Jeudi 19 juin, Anne-Marie Garat est l’invitée du deuxième Jeudi du Comptoir au Bouchon marseillais. Souhaitons qu’une météo enfin clémente permette cette fois-ci de profiter du jardin ! Littérature rime avec verdure, non ? FRED ROBERT Voir les chroniques sur André des ombres et l’Agent de liaison en pages Livres. Renseignements sur www.lebouchonmarseillais.com 56 LIVRES RENCONTRES Le pape, le roi et le grand moutardier, overconférence Pour son neuvième et dernier rendez-vous de la saison, last but not least, le département Art et Littérature de la BMVR a accueilli, en partenariat avec les éditions de l’Ecailler et l’association L’écrit du Sud, trois éminents spécialistes d’overlittérature, Henri-Frédéric Blanc (le pape), Gilles Ascaride (le roi) et André Not (le grand moutardier) © Juliette Lück La rencontre était animée par Serge Scotto, leur ami et complice en overlittérature. Autant le dire d’emblée, on s’est bien amusé et le temps a filé overvite. Car ces messieurs ont la langue aussi vive et bien pendue à l’oral qu’à l’écrit et, sous la direction de Scotto, ils ont donné le meilleur d’eux-mêmes. D’abord, qu’est-ce que l’overlittérature ? «Over», c’est la démesure, l’excès. Ce préfixe évoque aussi le «game over» bien connu de ces joueurs de flipper repentis, qui, bien que leur prose anticonformiste résiste aux définitions, en ont élaboré une de leur mouvement : «littérature marseillaise mondiale qui cultive l’impertinence, le mauvais goût assumé, voire une forme d’obscénité». L’overlittérature se veut littérature d’idées et d’humour, «satiridéconnante», selon Gilles Ascaride. Et littérature urbaine, aux deux sens du terme : polie (dans son impolitesse), et citadine. Ancrée à Marseille, dont elle entend refléter la liberté de ton et la vitalité linguistique, mais surtout pas ethnique ni régionaliste. Et éditée par l’Écailler, dans une collection vert vif et noir, qui publie «l’impubliable bon» et lui permet d’exister. Les trois overconférenciers ont régalé le public de leurs formules-chocs, de leur rage aussi, qui les pousse à se révolter contre un système qui formate les genres, les mots, et surtout la pensée. L’Écailler sort en Boîte… Les rencontres de l’Écailler, ce sont aussi celles qu’organise le libraire Jacques Aubergy. Dans sa petite librairie, on serait serrés comme des anchois ; alors il a eu la bonne idée de réunir les amateurs de polar à La Boîte à Sardine, une poissonnerie-bar à huîtres située au bas du boulevard de la Libération. La formule, mensuelle et rôdée tout l’hiver, est séduisante : d’abord, on se délecte l’intellect d’une courte conférence, généralement suivie d’un débat pas trop long non plus ; ensuite, on poursuit la conversation de manière informelle en dégustant un apéro. Mercredi 11 juin, on n’a pas dédaigné le verre de vin qui venait arroser l’exquise anchoïade maison. Le petit blanc de la côte varoise après le petit bleu de la côte ouest. Car il s’agissait ce soir-là de rendre hommage à un GRAND de ce qu’il est convenu d’appeler le néopolar : Jean-Patrick Manchette, dont le Journal vient de paraître aux éditions Gallimard. Le rôle de conférencier est échu au traducteur et amateur Emmanuel Pailler, qui s’est brillamment acquitté de sa tâche. Il a rappelé, extraits lus et commentés à l’appui, la rigueur stylistique, le sens du décalage et de l’humour à froid qui faisaient la marque de ce graphomane désabusé, amer, mais jamais désespéré, et qui le rendent aujourd’hui, plus de 20 ans après sa mort, tellement actuel. Jacques Aubergy a résumé avec talent et enthousiasme certains de ses titres préférés ; Gilles Del Pappas, présent dans le public, est intervenu également pour rappeler le caractère engagé et très libertaire de l’écrivain. Grâce à eux, Manchette était là. Alors merci à la librairie de l’Ecailler et rendez-vous à la rentrée prochaine, avec la même exigence de qualité, littéraire et gourmande. Car ils luttent, les bougres, et refusent de se soumettre. Aux contraintes commerciales, aux dérives d’une ville haïe autant qu’aimée, à une politique élitiste de l’éducation… L’over alors fait tilt. Et les extraits lus, overexpressifs, permettent de mesurer, au-delà de la galéjade, la force subversive et poétique de cette voie littéraire atypique. À découvrir d’urgence par les temps qui courent. FRED ROBERT Quelques titres dans la collection «overlittérature» H-F. Blanc : Discours sur l’universalité de l’esprit marseillais ; L’art d’aimer à Marseille ; Mise au ban. G. Ascaride : Attention centre-ville; Le sultan est dans l’escalier. A. Not : Chroniques d’un gardien de phares. Il est à noter que Blanc et Ascaride ont aussi beaucoup publié chez d’autres éditeurs. F.R. © Juliette Lück Afin de mieux connaître J-P. Manchette, on peut dévorer tous ses Romans noirs, dans la collection «Quarto» de Gallimard. Si on préfère le lire à doses plus homéopathiques, ses polars sont édités en Folio policier, L’Affaire N’Gustro, Fatale et Le Petit Bleu de la côte ouest, par exemple. ENTRETIEN LIVRES 57 Enfant de mai Jérôme Harlay, né en mai 68 à Marseille, publie aujourd’hui chez Belfond son premier roman, Le sel de la guerre. Cet ancien de la FEMIS, dont il est sorti avec un diplôme d’ingénieur du son, continue de collaborer à de nombreux films pour le cinéma et la télévision. L’écriture semble cependant l’occuper de plus en plus. Zibeline : Qu’est-ce qui vous a poussé vers l’écriture ? Jérôme Harlay : J’ai toujours eu une relation avec l’écriture. Il faut dire que j’ai été élève à l’école Freinet. Au centre de cette pédagogie, il y a le journal : chaque élève en tient un ; c’est une écriture libre, sans évaluation d’aucune sorte, qui stimule la créativité. Ensuite, j’ai gardé une pratique régulière de l’écrit, pour moi, pour le journal du lycée… puis j’ai collaboré à des scénarios. J’ai longtemps écrit sans projet d’édition. Comment est né Le sel de la guerre ? J’ai commencé à l’écrire comme ça ; c’était juste une ébauche. La difficulté d’un livre, en tout cas du premier, c’est de savoir si on va tenir le projet jusqu’au bout ; j’en ai été convaincu tardivement, après en avoir rédigé une bonne partie et l’avoir fait lire. C’est à ce moment-là seulement que j’ai pensé que ça valait la peine de contacter un éditeur. Vous avez contacté Belfond tout de suite ? Non. J’ai procédé de façon classique, et naïve ; j’ai envoyé mon manuscrit aux grands éditeurs français, en ciblant particulièrement les maisons qui publient des polars. Échec complet. Alors je me suis adressé à un agent, Pierre Astier, qui a un statut très particulier car c’est un ancien éditeur. Il connaît bien le milieu. Il savait à qui il fallait adresser le texte pour avoir une chance d’être publié. Trois ou quatre maisons ont répondu positivement et c’est Belfond qu’on a choisi. Je ne le regrette pas car je trouve qu’ils suivent Jérôme Harlay © X-D.R avec beaucoup de sérieux leurs auteurs ; je les ai rencontrés souvent, pour des échanges constructifs. Pourquoi avez-vous choisi d’écrire un roman policier ? Sans doute par conformisme au goût de l’époque (rires) ; mais aussi en souvenir de très bons moments de lecture, d’auteurs américains surtout. James Ellroy bien sûr, mais également Donald Westlake, Dennis Lehane. Je ne lis pas énormément de littérature policière. Mais j’ai un ami, Xavier-Marie Bonnot, qui a écrit quatre policiers, dont le prochain sera publié par Belfond lui aussi. J’ai lu tous ses manuscrits, il a lu le mien, on a souvent parlé de ce qu’on faisait ; c’est sans doute parti de là. Mais mon roman, en dépit de son sous-titre, n’est pas un vrai polar. Je n’ai pas donné la place centrale à l’enquête ni au flic dans mon histoire ; je ne voulais pas suivre les conventions du genre, que je trouve réductrices et ennuyeuses. Ce qui m’intéresse dans le polar, c’est une ambiance ; c’est cela que j’ai privilégié. Est-ce pour cela que vous situez une grande partie de l’intrigue en Camargue ? La Camargue est une image vivante et forte de mon enfance. Et, dans cette histoire, j’avais besoin de la Camargue comme univers opposé à celui de Marseille. Des lectures m’ont sans doute aussi inspiré : Le désert des Tartares, Le rivage des Syrtes et En attendant les barbares de Coetzee. Je voulais montrer ces deux espaces en contrepoint l’un de l’autre : la ville grouillante, directement confrontée à la guerre, et cette espèce de désert aux confins d’un empire en décomposition. Pourquoi avoir choisi cette époque, 1944 ? L’histoire de la police à cette période-là me semble très riche. Ce service de l’état était à cette époque en pleine schizophrénie et il m’a paru intéressant de l’évoquer dans le roman. Et puis, je n’avais pas envie d’utiliser une fois de plus la pègre marseillaise. J’ai peu de goût pour le folklore marseillais en général, et pour celui du milieu en particulier. Avez-vous déjà d’autres projets littéraires ? Oui, un projet de roman qui ne sera pas policier. Il se situera à l’époque contemporaine, à Marseille, et il n’est pas exclu qu’il nous emmène jusqu’en Russie… Mais vous n’en saurez pas davantage ! ENTRETIEN RÉALISÉ PAR FRED ROBERT Contre vents et marais Les éléments se déchaînent dans ce roman et dès le début, la neige s’abat en tempête sur AiguesMortes. En cet hiver 1944, c’est la débâcle. Dans ce climat d’«agonie générale», l’inspecteur Simian mène l’enquête sur le meurtre d’une jeune prostituée dont on a retrouvé le cadavre enfoui sous une camelle de sel, à Salin-de-Giraud. Tout semble accuser Louis, un adolescent étrangement mutique, que sa mère, bizarre elle aussi, surprotège maladroitement. Trop évident pour être vrai. Mais difficile de démêler la vérité dans l’entrelacs des silences, des secrets, des mensonges. Entre l’univers camarguais, sauvage, violent, et Marseille où l’Occupation vit ses derniers moments et où les comptes commencent à se régler au sein des services de la police et dans certaines familles, Simian va, vient, s’acharne, longtemps en vain. D’autant qu’affleurent une autre époque, d’autres crimes plus anciens, qu’un justicier solitaire est venu venger sur ces terres désolées. Il y a du western dans ce roman, de l’histoire aussi. Et surtout une atmosphère, un climat, que le style ciselé et poétique de Jérôme Harlay rend palpables. On sent qu’il connaît bien la région qu’il évoque, qu’il l’aime. Au point parfois de donner l’impression que le personnage principal de l’histoire, c’est la nature rebelle de la Crau et des marais de Camargue. Au fil de l’intrigue, on assiste d’ailleurs à une véritable hécatombe. Comme si les humains n’étaient que les fragiles figurines du grand jeu de massacre organisé en ces périodes troubles. Troubles et saumâtres comme les eaux de la lagune. F.R. Le sel de la guerre Jérôme Harlay éditions Belfond, 21 euros 58 LIVRES SALON | FOTOKINO Femmes libres ? Le 7 juin se clôturait Lire ensemble, manifestation organisée par l’Agglopole Provence et qui se déroulait sur les 17 communes de la communauté d’agglomération Salon - Étang-de-Berre- Durance Le Château de l’Empéri, à Salon, accueillait la journée de clôture. Dans ses cours et ses allées, auteurs, lecteurs, spectateurs, acteurs, conteurs et artistes en tous genres se croisaient, discutaient, et luttaient contre le vent en buvant un thé au soleil. Femmes en Méditerranée, annonçait cette édition. Cet après-midi-là, deux tables rondes abordaient l’état des littératures féminines en Méditerranée aujourd’hui et le désir, le plaisir et l’amour en Méditerranée. Pour la première , autour de la modératrice Catherine Mézan, des femmes auteures (Karima Berger, Fatima Besnaci Lancou, Dominique Sigaud), éditrice (Behja Traversac), et une comédienne qui lira quelques extraits de leurs écrits. Elles poseront la question des libertés, de «la liberté magnifique» que peut procurer l’écriture, le simple fait de montrer qu’«une arabe sait et peut écrire» ; de la nécessité pour Behja Traversac de créer «un pont poétique entre l’Algérie et la France» avec les éditions Chèvre Feuille étoilé ; de «l’immémorialité de l’absence, intériorisée jusqu’à devenir normalité» ; d’une parole, et notamment dans les familles harkis, qui a du mal à sortir quand la principale préoccupation dans les camps est de survivre à sa situation matérielle, au rejet de la population… Alors l’écriture libère, devient témoignage, exutoire de violences, de haine, d’exil, une possibilité de s’exprimer qui n’a pas de prix. Les femmes du livre sont des femmes libres, une fois la parole entendue. villes méditerranéennes au travers d’écrits féminins pose souvent la question de la domination masculine sur une liberté sexuelle qui ne serait qu’espérance. Comment instaurer une égalité homme/ femme, aller à l’encontre de l’islamisation forcenée de ces sociétés qui -est-ce paradoxal ?- offrent dans le même temps des espaces de liberté sexuelle de plus en plus important ? Retour, encore et toujours, sur la question de la liberté sexuelle, indissociable de toutes les autres libertés, sur la place à laisser à l’amour qui, lorsqu’il n’en a pas, «coupe un individu en deux, empêche sa créativité». Entre combat © D.M féministe, politique, et révolution sociale qui pourraient faire voler en éclat une tradition aliénante, la religion pose la domination masculine comme légitime. La seule liberté alors serait-elle de «rêver le paradis» ? Présent lors du débat, le plasticien Rachid Koraïchi l’était aussi dans cette salle des gardes du château avec une exposition des originaux qui illustrent un recueil de poèmes adaptés par Mohamed Kacimi (éd. Thierry Magnier). Superbe travail de calligraphe, même s’il s’en défend, voulant donner à voir plus qu’à lire, Bouqala, chant des femmes d’Alger montre ce jeu traditionnel de divination créé à l’origine par les femmes d’Alger. Chacune des femmes devait déposer un bijou dans un récipient en terre, et après la lecture par l’officiante du poème, une jeune fille prenait au hasard l’un des bijoux, sa propriétaire s’efforçant alors d’interpréter le présage de bon ou mauvais augure. L’amandier fleurit au printemps La lune découvre sa lumière Les joues rougissent de pudeur Devant l’amant qui se trahit. DOMINIQUE MARÇON Usages amoureux en Méditerranée La deuxième table ronde, qui réunissait Minna Sif, Wassyla Tamzali, Mohamed Kacimi et Rachid Koraïchi, fut moins légère que son intitulé ne le laissait présager. Car parler d’usages amoureux dans les grandes Lire ensemble s’est déroulé sur le territoire d’Agglopole Provence du 23 mai au 7 juin Humanité L’association Fotokino, qui propose chaque année des ciné-contes lors de sa manifestation Laterna Magica, les prolonge durant l’année en collaboration avec le théâtre du conte La Baleine qui dit «Vagues». Le 20 juin, le chefd’œuvre du réalisateur italien Vittorio de Sica, Miracle à Milan (Palme d’or à Cannes en 1951), sera projeté de façon particulière, dans un spectacle qui mêle cinéma et spectacle vivant à la façon des représentations des Lanternes magiques. Le conteur Laurent Daycard ouvrira la séance par des contes qui introduiront le film. Fable allégorique qui oppose les riches et les pauvres, Miracle à Milan est à mi-chemin entre le néo-réalisme et la fable fantastique : Toto, naïf et innocent garçon né dans un chou, se retrouve à l’orphelinat à la mort de la vieille Lolotta –aux pouvoirs magiquesqui l’a élevé. Adulte il ira vivre dans un bidonville avec ses compagnons d’infortune, jusqu’à la confrontation avec de méchants riches soudainement intéressés par le terrain qu’ils occupent qui se trouve être rempli de pétrole… C’est une colombe magique, envoyée des cieux par Lolotta, qui permettra aux bons de triompher, et à de Sica de délivrer son message humaniste… D.M. Miracle à Milan sera projeté le 20 juin à 21h à La Baleine qui dit «Vagues» 04 91 48 95 60 www.labaleinequiditvagues.org Miracle à Milan MARTIGUES LIVRES 59 Bâtir l’utopie La cinquième édition de l’Odyssée des lecteurs s’est déroulée avec plus de succès encore que les précédentes Il n’était pas facile d’accéder à la Halle durant ces cinq jours, entre les groupes scolaires, les familles écartelées par leurs désirs divers, et les stands, abondants, qui occupaient l’espace. On passait d’un bout de conférence à une conver- sation surprise, un dialogue impromptu, et du monde du conte à celui de l’illustration. Le livre y était exposé en objet de désir, et même si l’espace de lecture n’y était pas ménagé, les ateliers nombreux empêchaient un rapport passif et intimidé à l’écrit. Les mots s’y construisaient, s’y chuchotaient, s’y dessinaient, s’y échangeaient, s’y écrivaient, s’y traduisaient… ce qui est plus précieux encore que de les lire ! Trois événements furent particuOdyssée des lecteurs le 22 mai © X-D.R lièrement remarquables : tous les moments où le conte envahissait de ses fictions l’espace du réel, transformant la foire en scène ; le Souk de la parole, qui s’est construit puis visité au dehors (voir page 26) et les deux soirées imaginées par Riccardo Montserrat. Le projet de l’Amour Fou est singulier, généreux, important : il s’agissait de faire écrire la ville, son histoire, son éclatement, ses utopies et sa réalité sociale, culturelle… par ceux-là même qui la vivent. Riccardo Montserrat a recueilli pendant plus d’un an les paroles de ceux qui habitent les divers quartiers de la ville. Depuis le plus tranquille, Carro, jusqu’aux immigrés récents qui survivent dans le foyer d’accueil temporaire de la colline, et ceux plus anciens de Paradis Saint Roch. En passant par les employés et ouvriers de Lavera. Chacun a écrit sa fiction, comédie musicale, nouvelle, drame, récits autobiographiques… Montserrat, à partir de ces textes, a écrit sa propre utopie, en se servant aussi de celle de Ziem, l’impressionniste qui ne répugnait pas à peindre la misère (quoi de plus halluciné que les soleils couchants de l’industrie chimique) et de celle de Paul Lombard, Odyssée des lecteurs le 23 mai © X-D.R qui a voulu bâtir une ville heureuse, une anti-Sarcelle, industrielle mais heureuse… Et c’est Michel André (voir Zibeline 4) qui a, en trois semaines, mis en scène tous ces espaces de paroles, ces utopies confrontées au réel, et aux fictions engendrées par les histoires mouvementées des populations migrantes. Preuve qu’un théâtre qui s’inscrit dans la ville est possible, lorsque la ville veut être une Cité… A.F et F.R. L’Odyssée des Lecteurs s’est déroulée du 22 au 25 mai à Martigues Polyphonie martégale Ils étaient heureux, les gens de Martigues, et la grande salle du Théâtre des Salins était pleine à craquer. Un public inhabituel, pas très sage, quelque peu chahuteur. Ma voisine était venue applaudir son fils joueur de doukdouk ; d’autres étaient là pour entendre leurs mots repris, amplifiés par la scène, pour voir ce qu’on avait fait de leur vie, de leur parole ; et ils ne se privaient ni de commentaires, ni de rires, ni d’applaudissements. Le spectacle était aussi dans la salle pour ces deux représentations de L’Amour fou. Les textes sont condensés en une heure et demie de spectacle. Une heure trente d’épopée modeste des gens d’ici. Michel André, dont on connaît le goût pour les écritures du réel, a accepté le défi de monter, en un temps record, cette mosaïque, de lui donner une unité, un tempo, un cadre dramatique. Il y a plutôt bien réussi. Le spectacle débute dans l’ombre tutélaire de l’enfant célèbre du pays : Félix Ziem, par la voix de Michel Crespin, redit son amour fou de Martigues, «mine entière de richesses superbes». Ce préambule donne le ton. C’est bien de passion, et d’utopie, et de beauté, et de bonheur qu’il sera question. En dépit des pollutions, de la précarité, des violences de la vie. Sur le plateau, des plates-bandes plantées de gerberas rouge vif symbolisent l’énergie martégale et le rêve d’un petit coin de paradis. Deux acteurs professionnels, Josette Lanlois et Théo Trifard, ont accepté l’aventure. En moins de trois semaines, ils ont appris les textes et sur scène, ils incarnent tour à tour une dizaine de personnages, dont ils transmettent la parole, les aspirations. Avec une grande justesse. On écoute avec émotion le réfugié kurde, émerveillé d’être arrivé dans un pays sans guerre, les désillusions de Tania, la jeune Tchétchène… Grâce à eux, toute la ville est là, dans sa diversité, sur le plateau du grand théâtre. Et avec eux, un chœur d’habitants, des musiciens (bravo à l’accordéoniste et aux guitaristes !), une danseuse orientale, une chorale, un trio époustouflant de danseurs de hip-hop. Les images de la réalisatrice Florence Lloret, magnifiques, soulignent et transcendent l’ancrage dans le réel. Toutes les formes d’expression artistique s’interpellent ici pour donner raison à Ziem, et aux urbanistes qui rêvaient d’une Martigues radieuse. Pour faire de l’Amour fou un vrai beau spectacle populaire. Et pour rappeler la vocation première, politique, du théâtre : un lieu où résonne le chœur de la Cité. F.R. L’amour fou a été créé au Théâtre des Salins de Martigues, les 23 et 24 mai dans le cadre de L’Odyssée des lecteurs Riccardo Montserrat © X-D.R 60 LIVRES MANIFESTATIONS Les transports de l’esprit et des sens le toucher, l’odorat, l’ouïe. Des correspondances tout à fait baudelairiennes s’établissent. Chacun est conduit à redéfinir sa perception du monde, chaque sens reprend sa place, et la vue, privilégiée lorsqu’il s’agit de musée, n’est plus qu’un sens au même titre que les autres. À la Cité du Livre Il était une fois la Provence © X-D.R Une expérience de synesthésie Artesens offre depuis quelques années une série d’expositions itinérantes destinées à tous les publics. Le nom de cette association livre l’essence même de sa démarche : associer les sens pour une découverte originale de la culture. Ainsi, il est vraiment possible d’affirmer que les diverses manifestations mises en place sont destinées à tous les publics. En effet, tous les sens sont sollicités, la vue bien sûr, mais aussi L’exposition Les ailes du serpent s’inspire du bestiaire fantastique des chapiteaux de l’art roman. Nous pouvons découvrir, les yeux fermés, les formes de la tarasque, de la licorne, de la chimère dont nous redécouvrons les légendes, par de petits textes bilingues, en braille et en écriture pour voyants. C’est aussi le sphinx, la sirène, le basilic, le griffon, dans un espace organisé en scriptorium médiéval. La visite s’achève sur un arbre à parfums, qui permet d’explorer les essences du Moyen Age. Fermez les yeux, la myrrhe et l’encens capiteux vous transportent dans le temps… Saurez-vous alors répondre à l’énigme posée au début du parcours ? Pourquoi le serpent a-t-il des ailes ? La réponse est dissimulée sous un des panneaux. N’attendez pas de réponse de Zibeline ! Allez à la Cité du livre d’Aix-en-Provence, et mettez vos sens en éveil ! Et ailleurs… D’autres expositions tournent, comme la plus récente, Il était une fois la Provence qui raconte à travers une légende dorée l’histoire de la Provence de l’antiquité au XVIIIe siècle. Un mini champ de fouilles tactile donne l’impression d’être un archéologue en herbe, et rappelle les différentes occupations de la région, depuis la préhistoire, en passant par les Grecs, les CeltoLigures et les Romains. Douze castelets permettent de découvrir douze personnages phares, comme Marie-Madeleine, le roi René, la Reine Jeanne, Mirabeau… On ouvre un rideau de théâtre, on prend les écouteurs, et on se laisse guider, les castelets livrent alors leurs secrets, on regarde, on écoute, on touche, on hume… Chaque castelet est une petite œuvre d’art, façonnée, peinte, cousue, à la main, par des artistes de la région. Les noms s’effacent, se refusant de faire écran, modestie d’artistes qui se considèrent plutôt comme artisans au service d’un sens et des sens. Vous pouvez profiter de ces expositions dans les nombreux lieux culturels de la région. Sont aussi abordés les thèmes de la sculpture, de l’arbre, de l’olivier, du peintre Cézanne… Car Artesens est une association (trop ?) discrète qui fournit un travail exemplaire de finesse et d’honnêteté intellectuelle. À découvrir absolument ! Les ailes du Serpent jusqu’au 21 juin Cité du Livre, Aix Il était une fois la provence jusqu’au 23 juin Office du Tourisme de Vitrolles du 26 sept au 31 décembre à Fuveau, Bouc Bel air, Simiane, Aix en Provence 04 42 27 05 94 www.artesens.org Rebotier l’imprévisible Jacques Rebotier n’est jamais tout à fait où on l’attend car ses talents sont multiples : il est poète, écrivain, compositeur, metteur en scène, comédien. Il était invité dans le cadre de l’opération «processus de création» initiée par le Théâtre du Petit Matin autour des écritures contemporaines. Il se présente comme un «hétérodidacte» qui a appris le piano et la musique au Conservatoire, a été chef de chœur, est venu au théâtre par hasard sur l’impulsion de Joël Jouanneau et a écrit des pièces publiées aux Solitaires Intempestifs. Il avoue ne pas avoir su choisir entre la musique et les mots, ce qui l’a amené à pratiquer une poésie sonore et des lectures-concerts. Après avoir écouté un moment les lectures proposées par Maude Buinoud, Céline Greleau et Pascal Rozand, il est intervenu avec des exclamations, des paroles presque chantées, des mots saisis dans la rue ou à travers la cloison du voisin : «Tu ne m’aimes plus, tu ne me regardes plus...». Il entame le long monologue de celui qui écoute un homme qui parle et qui n’est autre que lui-même qui se parle dans sa tête. Ses textes sont parsemés de bruits incongrus, d’onomatopées, de bizarreries réjouissantes : on s’amuse beaucoup, notamment lorsqu’il imite la boîte à Meuh !, celle qui reproduit le cri de la vache et qu’il utilise dans ses Jacques Rebotier © X-D.R compositions, ou lorsqu’il joue sur les signifiants et qu’on ne sait plus à quel mot se vouer ! Bref, Rebotier a mis le sens dessusdessous, avec la complicité de Nicole Yanni qui renouvellera ces soirées à la rentrée. CHRIS BOURGUE L’accueil-échange avec Rebotier a eu lieu au Petit Matin le 9 juin. Lecture poétique plage des légionnaires à Malmousque le 23 juin à 19 h 30 04 91 48 98 59 http://theatredupetitmatin.free.fr 61 Pour vibrer Des voix vont s’élever au milieu d’un concert de bruit et de propositions plus ou moins heureuses le jour de la fête de la musique : sur une proposition de l’association Peuple et Culture Marseille, et avec la participation de son président Pierre Guéry, luimême slameur, performeur, poète, écrivain…, La Compagnie accueille le poète performeur Sébastien Lespinasse pour une soirée poésie sonore Pneuma-Récital, avec l’intention affirmée de placer cette discipline dans le champ de la musicalité contemporaine. Dans un espace redécouvert par la mise en vibration de l’écriture, le souffle projeté, les mots se cognent et résonnent, prennent corps et «parfois les mots me gonflent parfois les mots nous crèvent parfois les mots é c l a t e n t». Alors si l’envie vous prend de vous laisser percuter… D.M. Pneuma-Récital le 21 juin La Compagnie 04 91 90 04 26 www.la-compagnie.org Pierre Guéry © X-D.R Au Programme Aix-en-Provence Le Puy-Sainte-Réparade Cité du livre – 04 42 91 98 88 L’Enseignement de l’estime : conférence organisée en partenariat avec l’association des Amis de Jules Isaac avec l’historienne Paule Marx et Paul Thibaud, président de l’Amitié judéo-chrétienne. Le 19 juin à 18h. Bibliothèque du centre culturel – 04 42 61 82 36 Festival de poésie Rêves Pensées : Organisée par l’association La Trévaresse, la 7e édition de cette manifestation est entièrement dédiée à la poésie. Slam, ateliers de musique, lectures… Du 30 juin au 1er juillet. Institut d’études politiques – 04 42 17 01 60 6e Nuit de la Philosophie : cette manifestation, co-organisée avec le Centre Darius Milhaud, aura pour thème le pardon, à partir des écrits et réflexions de Vladimir Jankélévitch. Tables rondes avec Joëlle Hansel, Roger PolDroit, Françoise Schwab, le Père Luc-Thomas Somme et les modératrices Monique Atlan et Paule-Henriette Lévy. Le 19 juin dès 19h. Librairie le Poivre d’Âne – 04 92 72 45 08 Rencontre-débat avec Claudie Gallay autour de son livre Les déferlantes (Rouergue). Le 18 juin à 18h30. Avignon Centre Européen de la poésie d’Avignon – 04 90 82 90 66 Exposition Poësimage : estampes de peintres et de graveurs, livres d’artistes. Jusqu’au 28 juin. Jeudis des lectures libres : lectures de poésie suivies de discussions, les 19 et 26 juin à 18h30. Manosque Marseille CIPM – 04 91 91 26 45 Les Archipéliens : lecture avec Anne Parian, Jean-François Bory, Jean-Marc Baillieu, Eric Audinet. Le 27 juin. Good night mister Monte-Cristo de Véronique Bourgouin et Juli Susin. Jusqu’au 5 juillet. Bouchon Marseillais – 04 91 42 47 33 Les Jeudis du comptoir accueillent Anne-Marie Garat pour une rencontre-débat, le 19 juin à 18h. Librairie Regards – 04 91 90 55 34 Rencontre avec Boualem Sansal pour son livre Le Village de l’Allemand (Gallimard), le 26 juin à 18h30. À l’air livre : tous les deuxièmes mercredis de chaque mois, le journaliste littéraire Pascal Jourdana anime une émission sur Radio Grenouille à 11h. Durant le Festival International du Documentaire, il propose tous les jours à 13h, du 2 au 7 juillet, des entretiens enregistrés au FID ou sur le Vieux-Port avec les invités du Festival. Pertuis Bibliothèque municipale – 04 90 79 40 45 L’Imaginaire d’Alan Mets : Exposition de travaux réalisés toute l’année par des élèves de l’école maternelle du Clos Fleuri sur les albums de l’auteur et illustrateur Alan Mets ; jusqu’au 28 juin. Dédicaces de l’auteur le 17 juin dès 17h30. Port-de-Bouc Médiathèque municipale Boris Vian – 04 42 06 65 54 Cié-art : de l’esthétique à la citoyenneté : rencontre avec Pierre Guéry sur la question de la place de l’art dans la cité entre esthétique et politique. Le 19 juin à 14h. BMVR Alcazar – 04 91 55 56 34 Remise du Prix du livre jeunesse, en présence des classes lauréates et des partenaires institutionnels. Le 20 juin 2008 à 9h. Jean-Henri Fabre, poète et entomologiste : conférence animée par François Clarac, le 25 juin à 17h30. Sainte-Cecile-les-Vignes Sisteron La Ciotat Espaceculture – 04 96 11 04 60 Les peuples des solitudes himalayennes : récit de voyage par Andrée Donadieu. Le 26 juin à 16h15. Faisons l’humour avec les femmes : lectures de pièces de Sacha Guitry et Georges Courteline par Les Poètes du Soleil & Les Très-Tôt de Marseille. Le 30 juin à 17h. Librairie le Poivre d’Âne – 04 42 71 96 93 Rencontres : - avec Anne-Marie Garat, animée par Emmanuelle Chemsi, autour de son livre L’Enfant des ténèbres. Le 20 juin à 18h30. - avec Claude Ballard, et son éditeur Claude Ballaré, autour des livres d’artistes, le 26 juin à 16h. Librairie Histoire de l’œil – 04 91 48 29 92 Rencontres : avec Anne-Marie Garat pour son livre L’Enfant des ténèbres (Actes Sud) à 12h30, et avec Emmanuel Chirache à l’occasion de la parution de son livre Covers, une histoire de la reprise dans le rock aux éditions Le Mot et le Reste à 19h. Carpentras Librairie de l’Horloge – 04 90 63 18 32 Rencontre avec Boualem Sansal pour son livre Le Village de l’Allemand (Gallimard). Le 24 juin à 19h. Forcalquier Librairie La Carline – 04 92 75 01 25 Exposition de Karine Girault : dans le cadre des Journées jeunesse de Croq’ livres, sur le thème Une faim de loup. Jusqu’au 28 juin. Librairie Feuilles de vignes – 04 90 60 67 95 Lire entre les vignes : manifestation littéraire qui réunit éditeurs, auteurs, producteurs de vin, musiciens, acteurs qui proposent des lectures, conférences, ateliers d’écriture… Le 22 juin dès 10h. Bibliothèque municipale – 04 92 61 54 50 Festival international de la bande dessinée : expositions, rencontres, animations… Les 5 et 6 juillet 62 LIVRES LITTÉRATURE | ARCHITECTURE La vie la plus belle est celle que l’on s’invente Le titre évoque un roman d’espionnage, la guerre froide ou quelque obscure intrigue politique… Les histoires, elles, ressemblent à la vie. À des fragments de vie ou à des vies entières dont on ne retiendrait que des moments, parfois les plus intenses, souvent insignifiants. En fait tous les romans sont par nature fragmentaires : choix des instants, du quotidien, des temps morts, de l’infini vague qui sépare deux moments forts. Voilà ce que répondrait l’auteure questionnée, pour la énième fois, sur la structure de son texte. Elle aurait tendance à mettre l’accent sur une continuité que le lecteur cherche, un peu dérouté par la succession de ces petits textes (100 au total, dûment numérotés, ce qui n’aide en rien…) qui chacun développe un morceau, un temps. Parfois le narrateur dit «je» –mais est-ce le même ?-, parfois une troisième personne prend en charge la narration. De grandes lignes se dessinent ; des histoires de femmes, de départ, d’abandon et de retrouvailles fantasmées ; des figures se construisent. Celle d’un ancien espion qui souffre de confusion d’identités, celle d’une jeune femme, Sylvette, bien décidée à brouiller les pistes, celle d’une noble polonaise, celles d’enfants… La trame romanesque est lacunaire, de quoi donner à Not for over Une des vocations de la collection verte de L’Ecailler, dédiée à l’overlittérature, est de «publier l’impubliable bon» (voir page 56). Les Chroniques d’un gardien de phares d’André Not, recueil de textes d’humeur aujourd’hui accessibles aux lecteurs, ont leur place à ce titre dans une collection ouverte à l’écriture et à la pensée buissonnières. Sur la couverture de Melchior Ascaride, on voit s’abîmer dans la mer la tour de la fac des Lettres d’Aix. Le ton est donné. André Not, professeur de littérature française à l’Université de Provence, jette un pavé dans la mare universitaire. La préface de Gilles Ascaride le confirme ; l’opus tient du pamphlet. Du coup de gueule salutaire, qui crie là où ça fait mal, et a le mérite de dénoncer un ordre des choses inadmissible dans le monde de l’enseignement supérieur. Nizan, dès l’épigraphe, étend sur le recueil son ombre d’éternel «chien de garde» ; c’est de lui et de son refus des lauriers hypocrites de Normale Sup’ que Not se réclame. Lui, le «gardien de phares» entend faire autre chose que de les garder, ces phares, justement. Foin de la conservation élitiste des «chefsd’œuvre» ; faudrait voir à les faire connaître à tous, à les partager solidairement. Ce que ne fait pas l’université, qui exclut tant d’étudiants d’origine modeste dès le premier semestre de cours, surtout la fac de lettres, la fac «des enfants de pauvres». rêver au lecteur. C’est lui qui reconstruit les récits, à partir des éléments dispersés. Histoires en forme de puzzles, mosaïques en partie détruites par le temps. La mission du lecteur, s’il l’accepte, est stimulante. C’est lui le véritable Agent de liaison de ce texte, et la vérité a de nombreux visages. SYLVIA GOURION L’Agent de liaison Hélène Frappat Editions Allia 9 euros Pour ce petit-fils d’«hommes de lettres» -un grandpère facteur, l’autre typographe-, qui a grandi dans un quartier défavorisé de Toulouse, l’école a joué son rôle d’ascenseur social. Las, aujourd’hui, ce type de promotion est terminé, et c’est ce qu’à juste titre il ne supporte pas. Alors, entre deux textes de souvenirs d’enfance nostalgico-comiques, il l’écrit haut et fort. Au risque (assumé) de paraître cracher dans la soupe. Pour qu’on entende sa colère et que peut-être les choses changent… Itinéraire azuréen Un très beau livre sur l’Architecture des années 20 et 30 sur la Côte d’Azur donne des envies de week-ends prolongés. Il s’agit de l’actualisation d’une publication de 1999 qui concerne le bâti de l’entre-deux-guerres et permet la réappropriation d’une part négligée de notre patrimoine architectural. Finie la Riviera rococo et décadente des princes russes ou des anglaises éthérées ! La Côte d’Azur se démocratise avec les congés payés, la mode vestimentaire libère le corps et ce corps doit se sublimer par la nage, le sport et le soleil. Désormais c’est l’été que l’on fréquente le bord de mer ! À travers les pages, vous irez d’Hyères avec la villa Noailles de Mallet-Steven (1924-1930) au domaine du Rayol de Guillaume Tronchet (1927), vous admirerez le «paquebot» de Georges-Henri Pingusson à Saint-Tropez (1932), grand hôtel revendu en appartements en 1948. Vous retrouverez le même Pingusson à Cannes avec la villa Romée (1929) sauvée de la ruine par des architectes cannois qui en ont fait la Maison de l’Architecture de leur ville. Vous découvrirez les deux maisons d’Eileen Grey, celle appelée E-1027 à Roquebrune (1926-1929) et la villa Tempe a Pailla, plus modeste, véritable maison de poupée, à Castellar à quelques centaines de mètres de l’Italie (1932)... Vous aurez ainsi effectué un tour passionnant sur la Côte, assurés de ne pas bronzer idiot ! CHRIS BOURGUE FRED ROBERT Côte d’Azur : Architecture des années 20 et 30 Charles Bilas et Lucien Rosso photographies de Thomas Bilanges Les éditions de l’Amateur, 35 euros Chroniques d’un gardien de phares André Not Editions de L’Ecailler, collection overlittérature, 5 euros 63 Permis d’exhumer C’est à une exhumation que se livre Marie Cosnay, au cours de ce récit singulier où la narratrice tente de tirer André des Ombres. André, c’est son arrière-grandpère, dont elle ne connaît que quelques dates, quelques scènes relatées par d’autres, quelques fils d’une existence marquée par le secret et le silence. Trois moments cruciaux de la vie de cet aïeul forment les volets du triptyque : 1915, la guerre et l’horreur des tranchées ; 1919, le départ pour l’Ethiopie où André rejoint un cousin devenu imprimeur du roi ; 1939, l’attente d’une nouvelle mobilisation, à l’imprimerie de l’Atlantique dans la déchéance et l’alcool. Ces points d’ancrage de la mémoire s’entrelacent, se répètent, et résonnent dans d’autres temps, ceux des légendes éthiopiennes, de la reine de Saba et du roi Salomon, mais aussi des époques plus récentes des descendants d’André. «Je trouvais des temps parallèles, souples. De l’un à l’autre des fils élastiques du temps, j’allais.» La narratrice navigue entre ces strates temporelles, comme elle tisse des liens entre les noms. Litanies de prénoms, d’états civils, de généalogies aux allures bibliques. Leitmotiv de scènes récurrentes et d’images frappantes aussi. Le récit progresse par ressassements concentriques, comme pour cerner les silences d’André et des siens, pour trouver le fin mot de l’histoire de celui qui «n’a jamais rien dit». Lui donner une parole posthume, en quelque sorte. Mais la plongée ne va pas sans mal, et la narratrice, telle les héros mythiques, devra descendre jusqu’au «pays des ombres gardé par le chien aux têtes multiples», afin de Écrire : un acte de foi Le sujet du dernier livre de René Frégni ne surprendrait pas ses lecteurs si l’auteur n’était le personnage principal de la dramatique aventure qu’il relate : «comment décide-t-on un beau jour de supprimer un homme ?». Cet homme, objet de la haine de l’écrivain , est le juge «Second» qui, dans l’espoir d’une vaine célébrité médiatique, n’a pas hésité à couvrir l’écrivain d’infamie ; pour avoir ouvert un restaurant avec un ancien détenu rencontré dans l’un des ateliers d’écriture qu’il anime en prison, le romancier s’est vu avec stupeur et effroi accuser d’appartenance au milieu du grand banditisme. Dans le labyrinthe où il se trouve brutalement pris au piège, René Frégni expérimente malgré lui le parcours d’un hors-la-loi, d’une terrifiante garde à vue dans les caves de l’Evêché à Marseille jusqu’à la liberté sous contrôle judiciaire ; déchéance qui l’amène à faire de son récit un témoignage contre la barbarie de conditions de détention voisines des geôles de Midnight express et contre l’arbitraire d’un pouvoir qui l’a injustement séparé de sa fille. Le monde bascule, les paysages provençaux, colorés, lumineux, cèdent la place aux profondeurs souterraines aveugles où remuent vaguement des fantômes sans âme. Face à une mécanique inquiétante, l’écriture apparaît bien comme l’ultime recours : les mots sont glorifiés, rapporter l’histoire perdue. Biographie, roman, enquête, introspection, fable ? On ne sait trop, et pour l’auteure, là n’est pas la question. Ce qu’elle cherche à faire, à l’inverse de la Parque antique, c’est à «ravauder fil à fil les accrocs d’oubli», à suturer la plaie béante de la mémoire qui file. Pour prendre sa place dans la lignée. FRED ROBERT André des Ombres Marie Cosnay éditions Laurence Teper, 14,80 euros véritable fil d’Ariane pour obtenir de haute lutte une pleine réhabilitation, «face à la lumière, au vent, à la mer». Un réquisitoire courageux qui ne peut laisser indifférent. ÉVELYNE BART Tu tomberas avec la nuit René Frégni Editions Denoël, 15 euros Et l’étrangleur à la chaussette inventa le silence… Je vous le dis tout net : la bien nommée Prune Sauvage m’agace. Cette adolescente de presque 15 ans a le don de vous vriller les nerfs au bout de deux pages d’une logorrhée intarissable (pléonasme ?) dans laquelle elle vous balance, pêle-mêle, ses angoisses existentielles, ses problèmes de surcharge pondérale (elle se bourre de sandwichs au camembert, sous prétexte que c’est le seul fromage vivant ; considère que le remède vraiment efficace à la vie est la crêpe à la myrtille et programme de se suicider, telle une héroïne de La Grande Bouffe, avec de la paella refroidie), ses démêlés phantasmatiques avec la gent masculine, sa poitrine «généreuse» jalousée par ses copines aux plats nichons, ses malheureux parents dépassés, excédés mais qui tiennent quand même le coup, son désir éperdu d’absolu… Bref, elle ressemble furieusement à une ado en crise (pléonasme ?) qui aurait un sacré vocabulaire et un débit proche d’un laser à neutrons (à moins que ce ne soit à protons ? -disons un truc capable de bombarder des particules à une vitesse supersonique). Certainement me direz-vous, chère Sylvia (car vous êtes des lecteurs courtois), j’ai la/le même à la maison ; entre 15 et 26 ans, boutonneux, anxieux, casse-c…, paresseux, plein de rêves et de drames… À la différence près que le vôtre, ou la mienne, traverse des phases de dépression mutique qui sont une vraie bénédiction ! La Prune, elle, ne s’arrête jamais ! Car, quand elle ne parle pas, elle écrit. Jugez de mon désarroi… Je vous le dis moins nettement ; j’ai bien aimé le psychopathe (comment avouer un tel penchant ?). Cet homme est attachant ; le pauvret, ivre de vengeance face à un destin qui l’a rendu inodore, incolore mais pas indolore, a trouvé une vieille chaussette avec laquelle, tel un moderne cavalier de l’Apocalypse, il rend justice à tous les mâl(es)-baisant et là, il y a du pain sur la planche. Pour ce faire, il étrangle les jeunes femmes dont le cul lui semble par trop suggestif… Bon, très bien pour la motivation à tuer, si rare de nos jours, mais ce n’est certes pas ce qui me le rend sympathique : il me rappelle un vieil amour de jeunesse, un certain San-Antonio qui remplissait des pages et des pages de ses élucubrations métaphysiques et misanthropes. De mon bien-aimé, il a la verve et le regard désabusé. Sa sombre vision du genre humain me fait rêver à une belle et définitive explosion nucléaire qui nous débarrasserait enfin de nousmêmes. Mais la ressemblance s’arrête là car mon beau commissaire avait trouvé une autre façon de se venger de la vie, nettement plus agréable pour ses victimes… Quel rapport entre ces deux personnages me direzvous, perplexe et vaguement agacé. Pour le savoir, il faudra vous taper, comme je l’ai fait moi-même, les déblatérations de la donzelle aux hormones en folie et les considérations mystico-politico-philosopho-érotico (car rien ne nous sera épargné…) déjantées de notre susceptible tueur. Je vous le dis quand même ; vous pourriez tomber sur pire comme lecture de tram ! Il ne nous reste qu’une chose à espérer ; que l’étrangleur à la chaussette règle enfin son compte à l’insupportable drôlesse. Et je ne crains qu’une chose… que ce ne soit le contraire ! SYLVIA GOURION La théorie de la paella générale Henri-Frédéric Blanc éditions du Rocher, 16 euros 64 LIVRES POÉSIE | HISTOIRE | MUSIQUE Une parole en marche ! Hélène Sanguinetti vient de publier son dernier recueil. Prose poétique, poème, chant, mélopée, prière ? Tout à la fois et autre chose encore Une parole qui semble venir de très loin, des origines, s’est mise en marche à l’âge de 12 ans alors que la petite Hélène écrivait son premier poème pour faire comme ses frères, «un poème pour être lu à voix haute», et ne s’est jamais arrêtée, jamais tue. Et quiconque a entendu Hélène Sanguinetti lire un de ces textes ne l’oubliera pas : elle connaît l’art de rendre présents les mots et les images, les éclairant, les mettant en scène par la seule magie du verbe, comme une incantation. Ses textes nous transportent dans l’univers des contes. Au détour des pages on rencontre des guerriers fatigués par trop de luttes, des berceaux, des fées, des jeunes filles, des mendiants, des nourrices... ; mais aussi on croise des ânes et des agneaux, des abeilles ou des grillons, tout un bestiaire ; on respire la menthe, le fenouil, le basilic ! Car selon le mot qu’elle s’est choisi, son univers est celui de la «concrétude», un monde physique ancré dans le quotidien : «Le réel m’a traversée !». Elle est ainsi happée par les êtres qu’elle croise, toute une foule sur sa route. Le poème s’en fait le témoin, et la poète le médium qui accueille et transmet avec parfois humour et dérision ces presque «riens», selon le mot qui lui est cher. Au fil des pages les mots n’occupent parfois qu’une colonne, et l’espace blanc offre sa respiration ; la syntaxe, bousculée, supprime les déterminants ou les prépositions ; ses livres finissent souvent par des virgules, pont entre les textes pour de futurs rendez-vous ? CHRIS BOURGUE Le héros Hélène Sanguinetti éd. Flammarion, 17 euros Hélène Sanguinetti a proposé une lecture en Arles chez Harmonia Mundi le 6 juin S’approprier l’Histoire Quel est le point commun entre Dreyfus, Guy Môquet, Maurice Barrés, Léon Blum, Jules Ferry, la colonisation, le Général De Gaulle… ? Nicolas Sarkozy ! Dans leur ouvrage Comment Nicolas Sarkozy écrit l’Histoire de France, Laurence de Cock, Fanny Madeline, Nicolas Offenstadt et Sophie Wahnich, membres du CVUH (comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire) nous proposent d’y voir un peu plus clair, sous la forme d’un dictionnaire critique très bien documenté, sur tous ces personnages sans cesse cités, associés, mélangés. En effet, que ce soit en campagne ou bien depuis son élection, il a inlassablement multiplié les références historiques. Certes l’exercice n’est pas nouveau, puisque ses prédécesseurs ont «parsemé leurs interventions de rappels de l’histoire de France». Cependant, ce qui étonne chez Nicolas Sarkozy c’est cette volonté de faire cohabiter de grandes figures historiques, décontextualisées, afin de construire un nouveau rêve national dépolitisé s’adressant à tous les Français. Orchestrée par Max Gallo et Henri Guaino, cette stratégie a pour but de capter les valeurs historiques de la gauche pour semer le doute dans les re- pères mémoriels. Le meilleur exemple sont les références très fréquentes à Jaurès (figure emblématique socialiste du XIXe siècle) : il va même jusqu’à réclamer une filiation. Cette «stratégie historique» vise ensuite à flatter l’orgueil local en citant inlassablement les héros locaux et ainsi réécrire une identité nationale ancrée dans l’histoire locale. De plus elle permet de faire oublier le clivage droite/gauche pour présenter une France consensuelle. Enfin, cette tactique permet de créer une filiation avec ces figures historiques, et de s’inscrire ainsi dans cette marche de l’histoire. Il faut toutefois ne pas se méprendre. Loin de lui l’idée de renier son appartenance politique. Bien au contraire, cette instrumentalisation permet à Nicolas Sarkozy de s’ériger en leader d’une droite républicaine présentée comme progressiste. À la lecture de cet ouvrage, relativement abrupt, on mesure mieux les desseins nationaux de Nicolas Sarkozy. Une question se pose alors : et si Nicolas Sarkozy réécrivait l’histoire ? cette histoire que l’on enseigne à nos enfants résumerait désormais «l’héritage africain à la musique», «le communisme au totalitarisme», «le choc des civilisations au péril de demain», «la liberté au libéralisme», «le soixante-huitard à l’ennemi de la République»… Le terme de vigilance n’a jamais été autant d’actualité ! FABRICE BARTH Comment Nicolas Sarkozy écrit l’histoire de France Laurence De Cock, Pierre Schill et Eric Soriano Ed. Agone, 15 euros Rock’n roll will never died ! La maison d’édition marseillaise Le Mot et Le Reste continue de publier des ouvrages de qualité sur les musiques actuelles, et plus particulièrement sur le rock’n roll. Révolution Musicale du tout jeune professeur de lettres Guillaume Ruffat enseigne qu’il n’est pas nécessaire d’avoir vécu la fin des sixties pour analyser avec pertinence le foisonnement artistique que représentent les années 67, 68, 69 de Penny Lane à Altamont. Du flower power au sex, drugs and rock’n roll, une approche sociologique précieuse nous plonge dans ce monde mythique encore appelé rock and roll, des premières communautés hippies à la guerre du Vietnam, des nouveaux courants musicaux, psychédéliques ou expérimentaux aux prémices du hard rock et autres tentatives électroniques, sans oublier les substances licencieuses et les festivals incontournables. Ou meurtriers, comme le festival d’Altamont qui fit sonner le glas par son effervescence autodestructrice. Quelques 90 albums sont proposés et présentés en regard de cette analyse fort instructive. Chefs-d’œuvre reconnus (Doors, Stones, Beatles…) ou trésors souvent méconnus (Stooges, Grateful Dead, et même… Pierre Henry avec son fameux Psyché Rock), ces 33 tours présentés avec leur pochette originale sont témoins d’un paysage sonore et social en pleine mutation. La révolution musicale du rock se dévore au fil des pages ! FRÉDÉRIC ISOLETTA Révolution Musicale Guillaume Ruffat Ed Le Mot Et Le Reste, Coll. Formes, 23 euros ÉCONOMIE | PHILOSOPHIE LIVRES 65 Foucault l’insupportable Le concept chez Foucault vient bousculer les évidences de l’histoire positive, et la généalogie historique corroder les universaux dont la philosophie se prévaut Ce livre rassemble des articles sur les «gestes, luttes, programmes» du philosophe. Car ce qu’il y a d’insupportable chez Foucault c’est qu’il parle du langage en y introduisant l’évènement, le politique, l’histoire, et ceci à rebours de la philosophie analytique à la mode, en prenant au sérieux le discours des perdants, des fous, des enfermés, des délinquants. Ceci pour construire une théorie du pouvoir contre une posture philosophique qui a fait des concepts juridiques les catégories directrices de toute réflexion sur le politique. En bref, dans Surveiller et punir par exemple, Foucault sort du piège humaniste et re-politise la question de la prison : ce bouleversement radical devait être enterré, tant sa vérité était insupportable, et l’est d’autant plus aujourd’hui où l’on surpeuple les prisons par un emprisonnement de la société comme il le dénonçait déjà 30 ans auparavant. Inadmissible encore cette pensée du libéralisme chez Foucault, qui n’est pas rapportée aux lieux communs de la liberté ou de l’économie, mais à l’aune des transformations précises dans l’art de gouverner. Ce livre parcourt ainsi les rires du philosophe, lieu d’ouverture de la pensée mise en branle dans l’étonnement, mais aussi les risques de l’intellectuel sur le terrain du terrorisme : on se rappelle son engagement sur l’affaire des Fractions Armées Rouges et du cas Croissant, au moment de la brouille avec Deleuze… D’après Foucault Philippe Artières Mathieu PotteBonneville Les prairies ordinaires, 22 euros RÉGIS VLACHOS Organisation Globalement Monstrueuse On essaiera de ne rien dévoiler de la trame narrative, investigatrice et policière de ce documentaire fondamental et terrible. Autre précaution qui est de l’ordre de l’injonction : même si ce film est passé il y a deux mois sur Arte, il faut absolument le donner à voir, à revoir, à tous. C’est une entreprise salutaire que de comprendre et faire partager collectivement ce qui fait le fonctionnement de notre monde. Rien de moins. Son actualité est brûlante : Marie-Monique Robin vient de témoigner il y a quelques jours au procès des OGM ; son enquête est on ne peut plus rigoureuse et approfondie : les OGM sont un danger pour la planète, une véritable hérésie. Les mots ne sont pas assez forts pour qualifier l’insupportable, l‘inadmissible : Monsanto fait son fascisme de chemin qui consiste à s’ap-proprier le vivant en ruinant et exterminant des centaines de milliers d’agriculteurs dans le monde, et en truquant et trompant les enquêtes scientifiques ; insupportable aussi que l’on rencontre des défenseurs de cette technique entièrement soumise à une multinationale ; écœurant que les politiques se fassent acheter, que le sénat français se plie aux intérêts économiques… Face à la clarté de la démonstration et des faits ne peut être ainsi opposé aucun argument comme nous le démontre Duval MC sur un autre sujet, somme toute si proche(page 66) : à certaines vérités ne peuvent être opposées que la dissimulation ou la négation péremptoire. On le redit, c’est 15 euros de clairvoyance. RÉGIS VLACHOS Le monde selon Monsanto DVD, 15 euros Penser la décroissance Il s’agit d’une réflexion aux frontières confondues de la philosophie et de l’économie : que nous faut-il pour être heureux ? Quel est le but de l’humanité ? Être ou avoir ? Ces questions, comme tout questionnement philosophique, sont en fait sous-tendues par une critique préexistante : nous ne pouvons plus continuer à vivre comme cela. C’est tout l’objet du projet global de Serge Latouche que de donner à penser avec des précisions chiffrées. Notre modèle économique et ces objectifs servent les intérêts de minorités dominantes et pas de la population planétaire. Le PIB réel de la France a été multiplié par 12 entre 1900 et 2000 : vivons nous 12 fois mieux ? Même si l’on admet que l’on vit deux fois mieux, où est cette plus value de fois 6 ? Il faut 5 mètres carrés de forêt pour absorber le coût énergétique d’un litre d’essence consommé. L’absurdité écologique est connue mais rien n’y fait : «le capitalisme est un géant déséquilibré qui reste debout grâce à une course perpétuelle qui détruit tout sur son passage.» : bien vu. «L’horreur économique» est toujours d’actualité : nos vaches européennes touchent deux euros de subvention par jour, soit plus que ce que gagnent 2 milliards 700 millions d’humains sur la planète ! La décroissance c’est quoi alors ? C’est bénéficier du progrès technologique en le débarrassant de son pouvoir destructeur, lié à la croissance, c’est-à-dire actuellement à l’accumulation de richesses par des multinationales. Le concept de décroissance a pour trame directrice celle de tout projet intellectuel abouti : il faut savoir, penser, puis lutter. R.V. Le pari de la décroissance Serge Latouche Fayard, 19 euros 66 PHILOSOPHIE Penser la vérité et la mémoire sans référence à l’histoire serait stérile. Mais cette pensée manquerait de force sans le souffle de l’art. Cette force, nous l’avons trouvée dans les sons et les mots aiguisés par le rap électro de Duval MC. Il est très rare d’entendre une telle précision, érudition et virulence du verbe ; et très rare que cela puisse faire danser, balancer. Quand la musique donne à penser, à éprouver et à bouger, cela étonne ! Duval MC © Sigrun Sauerzapfe LA MÉMOIRE ET L’ART Musique, mémoire, histoire,vérité Duval MC sort son album (voir page 34), sortie fêtée par un concert exceptionnel au Balthazar le 16 mai. Le lendemain Zibeline avait quelques questions à poser à l’artiste sur la vérité et la mémoire. Zibeline : Je voudrais partir du début de ce morceau, Mémoire mauvaise ; juste ces mots : «amnésie lâche collective…» Qu’est-ce que ça veut dire ? Duval MC : Ce sont les horreurs commises dans le cadre de la colonisation il y a des dizaines d’années, des siècles. On occulte ça, on fait comme si c’était loin, non pas parce qu’il faut tourner la page, regarder vers l’avenir, mais parce que ça continue. Le morceau mémoire mauvaise c’est justement ça, ça joue avec les mots autour du passé et du présent. Ce qui est mauvais dans notre mémoire c’est notre lecture du présent. Je vais retomber sur les paroles : «jamais nous ne pourrons le réaliser, ni même envisager de cicatriser tant que les mensonges du présent seront enfouis dans notre… mémoire mauvaise.» En fait, on ne peut pas prendre conscience de ce qui se passe en ce moment en Afrique entre les puissances industrielles et les populations, la façon dont on organise le pillage en règle des ressources premières, de la force de travail etc., si on n’a pas conscience de ce qu’étaient la colonisation, l’esclavage et les massacres coloniaux. Au Cameroun par exemple, ce que les Français appelaient les rebelles, les Bassas et les Bamilékés, c’était des civils ; et les Français en ont exterminé plusieurs centaines de milliers ; même les femmes et les enfants. Le prétexte était que les bébés seraient des rebelles quand ils seraient grands, et les mamans enfantaient des gens qui s’opposeraient aux intérêts de la France un jour. Ce raisonnement mène droit à la culture du génocide. C’est une culture qu n’est pas propre à l’Allemagne nazie, mais qui est partagée par l’histoire de France. Les Allemands, ça ne leur a pas pris d’un coup de faire un génocide, ils ont repris les méthodes coloniales d’Afrique : les colons se copiaient dans l’horreur. Pas très longtemps avant l’holocauste de la deuxième guerre mondiale, les Allemands avaient massacré un peuple qui s’appelaient les Hereros, en Namibie ; plusieurs dizaines de milliers de morts ; et ils les avaient massacrés dans des camps de concentration. Donc ils avaient déjà inauguré l’expérience. Certaines affirmations sont étonnantes pour qui n’est pas familiarisé avec l’histoire de la colonisation. Quelles sont tes sources ? Je le sors de gens qui ont passé leur vie à étudier ça : il y a Jean-Pierre Chrétien, Mongo Beti, Verschave, Rosa Plumel Uribe qui a écrit un livre que j’aime beaucoup : La férocité blanche. Beaucoup d’auteurs qui sont spécialistes de l’Afrique des grands lacs. Je me sers de leur travail. Je pense qu’ils avaient très envie que ce soit repris d’une manière ou d’une autre par des enseignants, des artistes, des cinéastes, des gens qui seraient petit à petit capables de vulgariser des choses compliquées. Mes sources sont recoupées : à force de voir traiter ces infos dans différents ouvrages, des documentaires, je suis en mesure de dire qu’à telle époque ça s’est passé comme ça avec tels acteurs. Comment se fait-il que ce ne soit pas la vérité officielle ? Qu’est-ce que qui empêche cette vérité d’émerger ? Rien ne l’empêche ; on n’est pas à un stade où il y a des obstacles, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de négation, pas d’historiens qui aient établi le contraire. Il peut y avoir des différences sur la synthèse ou sur la lecture globale d’une période, mais quand on rentre dans les faits, les témoignages, les analyses, surtout sur une histoire si proche que celle-là, il n’y a pas d’antithèse… 67 …sauf sur la responsabilité française dans le génocide au Rwanda Juste deux mots avant de parler du Rwanda. Je veux préciser ma réponse sur les obstacles : Quand je dis que rien n’empêche la vérité d’éclater, je veux dire qu’elle attend d’être défendue, d’être mise sur le devant de la scène, par moi, par nous, par des gens qui voudraient bien dire aux autres que ça c’est important. Je crois que l’idée que je me fais du militantisme, c’est de s’indigner pour les autres. Parce que les gens dans leur vie quotidienne, leur passion, ne sont pas amenés à s’indigner : on peut leur dire les choses crûment, ils n’auront pas les références pour s’indigner ; ou alors, ça leur viendra trop de nulle part. Ils pourraient aussi se dire que c’est pas vrai, donc on est là pour faire partager notre indignation, par compassion pour les victimes. Rappeler à la mémoire collective qu’il y a eu ça, ça me parait être la moindre des choses. Mais tu es animé par l’idée de compassion envers les victimes, de travail d’indignation, par un pur souci de vérité ? Les deux ! Oui il y a ce plaisir de dire la vérité, c’est vraiment la pure jouissance de mettre en lumière les parties les plus occultes de notre histoire commune. Je demande cela parce les noirs, à cause d’un certain racisme de la société française, peuvent ne susciter aucune compassion… mais ils peuvent éveiller un souci cartésien d’analyse chez certains Mais la compassion c’est l’état normal des choses ! Pour que quelqu’un se dise «c’est pas grave, ils se sont fait massacrés, mais ils sont noirs», c’est qu’il y a eu un long travail d’endoctrinement ! En 2008 l’écho d’un long endoctrinement raciste des consciences reste présent. À une époque, à l’école française on parlait à des minots de race supérieure, de pays colonisés, civilisés. On peut ainsi comprendre pourquoi des gens sont racistes ; il faut comprendre. On a cultivé en eux une représentation du monde. On ne peut pas poser ce problème de l’histoire sans faire l’histoire du racisme, comment il s’est construit. L’histoire du génocide rwandais serait intéressante pour des élèves, pour des adultes aussi bien évidemment. Intéressant de voir comment dans un pays où les mots race, ethnie n’existent pas -il n’y a aucun équivalent de ces mots-là en kinya rwandais , les colons allemands puis belges, très imprégnés de la culture raciste à une époque où c’était la grande mode de mesurer les crânes, la longueur des bras et de dire «ça c’est une race et ça c’est une autre race…» ça peut aller très loin, il peut y avoir 6 milliards de race ! Si on cherche des différences on trouvera toujours des différences entre les individus… Donc des gens ont voulu véhiculer ça dans la société rwandaise, en se servant des différences qu’il y ont vues et ils en ont fait des races : les termes Tutsis et Hutus qualifiaient une appartenance sociale... Et encore… dès qu’on s’approche un peu c’est plus compliqué que ça… Voilà, ils ont fait des Tutsis et des Hutus des races. Ils ont inventé une histoire à ces Tutsis et Hutus parce que les colons n’étaient pas assez nombreux, ils ont du confier l’autorité à certaines personnes ; pour justifier cette autorité, ils ont dit aux Hutus qu’ils étaient supérieurs aux autres et donc plus à même de diriger. Tu es en train de dire que le génocide est impliqué par des concepts occidentaux petit à petit instillés… On peut fabriquer un génocide à partir de catégories occidentales ? À la base le but n’était pas de faire un génocide, mais de diviser pour mieux régner ; mais l’histoire a montré qu’on ne retourne pas comme ça ce qui a fait l’objet d’une propagande raciste industrielle. ENTRETIEN RÉALISÉ PAR RÉGIS VLACHOS PHOTOS: Sigrun Sauerzapfe/www.siggi-s.blogspot.com Album en vente sur le site Duval MC http://pagesperso-orange.fr/duvalmc et à la librairie Jeanne d’Arc, 41 bd Jeanne d’Arc, 5e 04 91 92 52 65 68 HISTOIRE ET PATRIMOINE PONT DU GARD | GROUPE F Dis-moi quelle est ton eau Sous les arches multiliées du plus beau des aqueducs se cache un passionnant Musée de France… © Site du Pont du Gard-photo: J-L Mabit En bas d’une volée de marches, sous les structures de l’accueil, une porte résiste à la poussée du visiteur. Un souffle de vent nous enveloppe un court instant. Aspiration de l’histoire ? Un couloir bordé de longs tissus qu’une respiration invisible anime… Nemausus, Augustus, Diana… clés magiques pour un parcours dont les méandres nous entraînent sur le chemin de l’eau, de sa domestication à ses multiples applications. Mercure, protecteur malicieux des voyageurs… Une fontaine publique, grandeur nature, ouvre la visite, décorée d’une tête de Mercure en bas relief. Mais surtout, le système qui l’alimente est mis en évidence. C’est ainsi que le musée est conçu : par delà les éléments visibles, tout est mis en œuvre pour aider à décrypter, comprendre les mécanismes, invitation intelligente à passer de l’autre côté du miroir. Plus de secrets dorénavant : nous sommes initiés aux arcanes des circuits hydrauliques de la Rome antique, de la captation des sources au robinet de bronze (1er siècle) qui permet de dispenser l’eau dans les maisons les plus fortunées. La paix, condition du progrès De grands panneaux historiques font le point sur la pax romana, condition essentielle du progrès et de la recherche du bien-être. C’est la paix qui permet la fabrication sereine de toutes ces vannes, siphons, robinets, canalisations de différentes tailles, jusqu’au chauffe-eau du IIe siècle ou la pompe aspirante à forte pression qu’employaient les pompiers romains du IIIe siècle. Le nom de l’inventeur a survécu aussi : Ctésibios, savant d’Alexandrie. Mais c’est dans la matérialité des objets et des lieux du quotidien que perdure le génie romain, qui s’exprime par de multiples réalisations : thermes qui ne cessent de s’étendre (13 hectares pour ceux de Dioclétien !), lieux d’aisances publics… leurs reconstitutions, éloquentes par leurs proportions, permettent de s’imaginer physiquement dans ce passé : seule l’électricité semble y manquer ! Le système de chauffage par le sol dévoile ses dessous, et, correspondant à la chaleur des hypocaustes, les socques de bois semblent prêtes pour le caldarium… Les dés à jouer, une délicate épingle à cheveux, des aryballes de verre transparent, au col élancé, attendent, qui, leur élégante propriétaire, qui, des jeunes gens en veine de paris. Récits fondateurs… La vie de tous ces lieux est rendue sensible par la magie de textes lus au gré des visiteurs. Le brouhaha des bains publics que tout Romain fréquentait quotidiennement, nous est raconté, ainsi que diverses anecdotes. Ce sont des extraits du Satiricon de Pétrone qui évoque le jeu de balles, des Lettres à Lucilius de Sénèque, et la description du luxe effréné et de l’animation bruyante des thermes, des Epigrammes de Martial qui brocarde les parasites. Une allée de fauteuils propose même une pause radiophonique au visiteur, avec la reconstitution du dernier entretien (fictif !) de Cnaeus Domitius Afer et de son jeune neveu. Le personnage principal, stoïcien désabusé, évoque la construction de l’immense aqueduc de 34 miles de long (50 Km), les problèmes d’argent, de corruption… Des écrans multimédia jalonnent le parcours, invitent à approfondir, à tester les connaissances exposées, entre les plans précis de la construction et toutes les représentations picturales et photographiques du Pont du Gard… Images fondatrices et récits entretenant les mythes, tel celui tiré du Pantagruel de Rabelais qui s’inscrit dans une tradition toute médiévale des maîtres d’œuvre ; ou l’histoire que rapporte Mistral (1876) : la femme y trompe le diable, seul capable d’édifier le projet titanesque, en jetant dans les bras du démon son tribut d’âme sous la forme d’un lièvre affolé ! …et fondations Si Frontin (curateur des eaux du premier siècle ap. JC) écrivait que les aqueducs étaient «les principaux signes de grandeur de l’empire», les cartes en présentent la preuve évidente. Au même titre que les routes qui sillonnaient l’empire, les aqueducs tissent une fascinante toile. L’eau parcourt tout le monde romain, Rome à elle seule comptait onze aqueducs ! Les constructions drainent une foule de corps de métiers, les géomètres et leur groma, perche d’arpentage, ou leur chorobate, instrument de visée permettant de © Site du pont du Gard-photo: N;Facenza calculer les différences d’altitude ; les tailleurs de pierre, les forgerons, les maçons, les peintres, les préposés à l’extraction de la roche, ceux qui charrient, lèvent les énormes blocs, ceux qui étayent les tunnels, qui creusent, consolident, tous se battent avec la matière la domptent, la modèlent… Quelques noms émergent, traces ultimes sur des stèles funéraires : c’est Amabilis du IIe siècle qui travaille encore sur le bas relief armé de sa massette et de son ciseau, Bellicus, le forgeron, qui manie avec dextérité son marteau, pour l’éternité… Chantier en musée Quel chantier extraordinaire : 2500m² de musée ! Les étapes de la construction nous sont dévoilées, grandeur nature, peuplées des silhouettes des ouvriers, des maîtres d’œuvre. Et c’est la carrière, la levée des blocs pour les conduire au sommet de l’édifice, les travaux de soutènement, le percement de tunnels, le tout animé par les bruits du chantier qui se mêlent à ceux de la garrigue… Les paysages traversés par l’aqueduc défilent sur un large écran, parmi les pierres sauvages hérissant les herbes folles et les buissons, s’accoudant aux oliviers paisibles. Comment se douter que dans l’ombre fraîche des canalisations les 250 couches successives accumulées entre le Ier et le IIIe siècle constituent une véritable mémoire solide de l’eau ! Car le pont ne constitue qu’une infime partie de l’aqueduc… 90 % de la construction circule sous terre ! L’eau arrive enfin dans le castellum de Nîmes, suffisant important pour contenir l’équivalent de 25 mètres de canalisation… et le visiteur parvient au terme d’un parcours multiple : spécialisée dans l’étude d’un site particulier, cette exposition s’échappe vers d’autres horizons, et donne à voir la civilisation romaine. Car toute recherche poussée dans un domaine se lie aux autres pour laisser voir l’essence même des peuples disparus… MARYVONNE COLOMBANI 69 Le Pont s’embrase… Vous avez dit ludique ? Littéralement, la Ludothèque, c’est le lieu où sont rangés les jeux. Tout naturellement, le pont du Au Pont du Gard les enfants y apprennent en s’amusant, selon le Gard inspire. Le groupe F en tire principe du docere ludendo un parti spectaculaire avec La flamme de mes rêves, une saga Jeux On joue à la marchande, avec des sesterces et des as, des hauteurs… Puis ils observent à la loupe les restes d’un dont le premier volet Lux populi deniers si l’on est plus riche ; on pèse des légumes avec repas gallo romain, pour en reconnaître la composition. a rassemblé 6 fois une foule une balance romaine, combien d’onces ? de livres ? Douze La parole est au noyau, à l’arête, au reste rassis ! Bon immense… onces, donc une livre, alors, 27,27g x 12… (gloups !) ; appétit les fossiles ! Vie quotidienne Affamés par vos efforts, vous allez piocher quelques recettes pour le moins étonnantes, tétines de truie farcies aux oursins salés, dattes fourrées aux noix et au poivre puis frites dans du miel… et des plats arrosés de garum, sorte de nuöc mam. Pas très nouvelle cuisine tout ça ! La vie quotidienne est ainsi abordée sous ses aspects les plus variés, coiffure, loisirs, petits métiers, activités sportives, le bonheur des thermes, repas, hygiène… Comment vous lavez-vous les dents ? la poudre de pierre ponce est idéale pour un sourire éclatant ! Et comment avoir une peau douce ? bien sûr en s’enduisant d’une crème de beauté à base de lait d’ânesse (merci Cléopâtre !) et… d’escargots écrasés… ! Et pour empêcher la repousse trop rapide des poils ? le fiel de hérisson mêlé à de la cervelle de chauve souris… Parce que vous le valez bien ! On rencontre dans le savant dédale des cloisons qui portent des jeux des énigmes, des informations, sur la belle et oisive Mila, richesse oblige ! Le jeune Titus qui, du haut de ses neuf ans et de son nom d’empereur, se rend à l’école… Reproduire des mosaïques ? Rien de plus facile ! L’art des tesselles n’a plus de secrets pour les petits visiteurs. Les apprentis archéologues, se retrouvent dans un atelier, pour venir à bout d’un puzzle en trois dimensions, avec un conformateur qui prend la forme des objets, des équerres qui en mesurent la largeur, une toise pour les Les jeux se succèdent, sollicitant sens de l’observation, esprit d’analyse, capacité de déduction. De la grotte préhistorique au bac à sable de fouille, la formation est complète. Et honnête : il y a des questions sans réponses, des avis différents, on accepte de ne pas comprendre, ne pas savoir… Le projet s’étale sur quatre ans, chaque année correspond à un nouvel épisode. Cette tétralogie est conçue comme un opéra qui revisite les mythes fondateurs. Dans Lux Populi on voit Al-Adam et Li-Light, image de feu, se lier et s’affronter. La dualité originelle avec ses réussites et ses déboires se module au cours des siècles, avec les personnages d’Apollo et de Fabulla, femme de l’eau, et leurs amours lunaires, puis Casa Nova et Anima pris dans les vertiges de la séduction, enfin, la Mariée Vive célèbre les amours multicolores d’Anima. Les spectateurs se pressent, les familles se massent, avec leurs pulls, les couvertures de survie, les nattes, les sandwiches, les bouteilles de vin, les canettes, les appareils photos qui testent les distances. Quelques «olas» créent de joyeuses vagues, ambiance de match dans l’impatience du spectacle. La nuit enfin daigne offrir une ombre suffisante. Les lumières s’éteignent, seul subsiste le croissant de lune, une barque porteuse de torches glisse sur les eaux étrangement silencieuses. La magie du feu peut commencer, avec ses effets énormes, ses personnages lumineux, ses marionnettes enflammées, ses êtres de lune qui s’envolent, arpentent le ciel au rythme des compositions électro-baroques de Scott Gibbons. Moments magiques où le pont devient théâtre, habité par des silhouettes qui hantent ses arches, où il s’ombre de bleu, fantomatique au-dessus des eaux, où il se teinte de rouges unissant les éléments contradictoires, feu et eau… L’ensemble constitue un spectacle énorme, à la dimension de son cadre, et même si les différentes histoires restent parfois obscures dans leurs transitions, Lux populi est une remarquable réussite du genre. Fluide, essences et vers Si l’eau coule entre les doigts, on nous présente tout ce qu’il a fallu inventer pour la puiser, la transporter, la stocker, la distribuer. La vis d’Archimède (spécialiste des poussées de bas en haut) tourne et transporte l’eau vers les hauteurs. C’est simple et magique ! Et l’on joue encore à détourner des cours d’eau, à faire bouger les pales de minuscules roues à aube, à jongler entre les écluses qui interrompent la fuite de l’eau. Puis on sort pour découvrir la garrigue, les traces d’animaux, empreintes qui apprennent à pister et surprendre pic-vert, écureuil, blaireau, à reconnaître le scolyte, cette larve de la cigale, qui vit cinq ans sous l’écorce (notre rédactrice en chef refuse que l’on mentionne même la cigale, symbole de la sieste provençale et d’un tourisme par trop commercial… Sous forme de larve, elle stridule un petit peu tout de même pour conjurer les orages, et passer outre les foudres de cette ignoble censure…) Les différentes essences des arbres de la région sont exposées, du genévrier de Phénicie au chêne vert… Nous sommes prêts à partir en balade dans la garrigue, dont les 15 hectares sont consacrés à une approche de la nature domestiquée par la main de l’homme. Des explications claires jalonnent le parcours, évoquent les mûriers et l’industrie de vers à soie, les dix-huit variétés d’olives cultivées au fil des siècles autour du pont du Gard, l’importance vitale de la culture des céréales, les plantes utiles… Une heure et quelque d’une charmante et instructive promenade qui nous ramène au pied du Pont. M.C. Lux Populi a embrasé le Pont du 5 au 13 juin M.C. D’autres découvertes à faire au Pont du Gard Le Languedoc Roussillon occupe son territoire avec des expositions autour des Paroles dégelées de Rabelais (voir page 13). Au Pont du Gard, depuis le 7 juin, des artistes contemporains exposent autour du thème de la Gorge pRofonde de Gargantua… nous y reviendrons dans le prochain Zibeline, ainsi que sur le film Vaisseau du Gardon… © Site du Pont du Gard-photo: S.Barbier on compte en chiffres romains, on s’amuse à s’imaginer en écolier maniant tablettes de cire et stylet, déroulant le livre de papyrus, bien sages pour éviter la cruelle férule du maître qui n’accepte pas les rêveurs… On préfère alors la récréation, avec ses jeux de cachecache, de balle, de cerceau, d’osselets, de poupées en chiffon, de chevaux de bois. Mais il faut retourner en classe, s’appliquer au calcul, avec l’abaque, le boulier aux rainures inégales…. Les adages du tableau invitent au «carpe diem» (profite du jour) et à la prudence du «festina lente» (hâte-toi lentement) : l’écolier romain commençait l’école à sept ans, l’âge de raison… 70 SCIENCES ET TECHNIQUES «Ovni potentis» ou le cave du Vatican Quand la religion entre en science, la science doit-elle entrer en religion ? Le révérend José Gabriel Funès, Directeur de l’observatoire du Vatican donne début mai un fracassant entretien à l’Osservatore Romano. Dans une grande vadrouille théologique fort peu catholique, le Révérant fait révérence à la science, admettant le calcul probabiliste qui conclue à l’existence d’autres formes vivantes dans l’univers. Selon lui, admettre certaines conclusions scientifiques n’est pas contraire à la foi ! Admettre Galilée Les sciences de l’univers intègrent l’universalité divine. Le big-bang est une thèse admissible par la foi en tant que point d’orgue de la création : c’est l’explosion du point de densité absolue et infinie de toute matière, c’est le lieu instant de la volonté divine. La thèse idéaliste du Big Bang autorise la divinisation de l’uni-versalité désormais indéniable de la matière et de ce que les humains en connaissent. Ainsi le Pape Jean-Paul II dans sa grosse bulle de 1992 reconnaît l’erreur de l’église sur les thèses de Galilée et marque ainsi la «réconciliation» entre la science libérale et la foi morale religieuse. Allégeance du religieux à la vérité scientifique, ou allégeance de la science à la loi divine ? De toute façon, le capitalisme mondialisé nécessite la mobilisation de tous les appareils idéologiques d’état dans une grande réconciliation de tous les «idéaux» du libéralisme, qu’ils soient religieux ou scientifiques. Mais si la fiction scientifique est admissible par le religieux, le Révérant, nouvel observateur de l’univers scientifique, impose ses conditions de négociation ! L’univers nouvellement probabilisé par le clergé l’autorise à revendiquer des «Aliens» non touchés par le péché originel. Si l’univers est infini, il y a bien un monde sans Eve ! Hé oui ! D’accord pour une certaine vérité scientifique, si on l’assortit du péché de vanité. Un peu satanique la connaissance ! Donc on accepte le divin Big Bang, nuancé de la honte de l’avoir inventé ; la tentation se mord la queue, le vieux serpent de mer aussi. II au cinéma, ou les expériences politiques sulfureuses du pape actuel durant la dernière guerre mondiale. De la Maison Blanche au Vatican en passant par l’Elysée ou Bruxelles, la religion de l’innovation est l’âme du libre échange, de la création d’emploi (non plus du travail), du pouvoir d’achat (non plus des salaires), de la croissance (non plus de la satis- faction des besoins humains). Toute vérité scientifique n’est pas bonne à admettre. Seule la science fructueuse et payante est bonne, le reste n’est que vanité, la tentation du démon, le fruit de l’arbre de connaissance. Benoîte ascèse Ainsi il existerait au fond du siècle des siècles-lumière de l’univers, un Le péché très original Mais pourquoi donc revenir sur tant d’années de bon et déloyal obscurantisme et accepter soudain une certaine «vérité scientifique» ? L’état du Vatican est entré aussi dans la loi du marché. Ne dit-on pas que la religion catholique «se vend mal» en ce XXIe siècle ? Pour pasticher Sempé dans son album L’information consommation paru en 1968 : «En matière de morale il n’y a qu’un seul impératif… c’est vendre.» Comment nier que le benoît pape se déplace en papamobile à fenêtres blindées, que l’épiscopat déblogue complètement, que le religieux se cybernétise ? Si la religion obéit aux lois scientifiques économiques du marché, elle doit préserver la culpabilité qui est de toute éternité l’opium dont elle a toujours endormi ses brebis. Si le religieux admet les lois économiques pragmatiques de la production, il doit parallèlement culpabiliser tout autre d’en bénéficier. L’humain jouit de la connaissance mais doit se morfondre, se flageller de le faire. Car si l’humanité est une parcelle du divin Big Bang, elle a commis le péché mortel d’en formuler la thèse. C’est à l’homme de Neandertal qu’il faut jeter la première pierre taillée ! C’est sans doute à cause de cette faute première qu’on doit la papamobile et le cortège spectaculaire des fastes du Vatican, peut-être aussi la carrière précoce de Jean-Paul Tonkin Prod. 71 être divin vierge de toute connaissance. Heureux l’alien simple d’esprit, imagine l’abbé Funès ! L’exception qui confirme la règle. Un être pur de toute contradiction, un prolétaire idéal obéissant à toutes les oukases de la production du grand marché intersidéral, sans faire grève, sans salaire, un esclave de la divine croissance, un divin abruti, quoi ! Le rêve ! Car admettre l’Eden extra-terrestre confirme l’immanence de la punition divine sur l’humanité critique. Il s’agit là de faire accroire que l’être unique, harmonieux, infiniment réconcilié avec luimême dans une absolue méconnaissance du grand Autre est objet divin. En contrepoint, la contradiction motrice de toute pratique critique de connaissance est satanique, pécheresse. La contradiction dialectique (en pratique formelle et définition critique de cette pratique) devient dès lors une forme déviante. Nécessité dialectique Or il ne peut y avoir de production scientifique sans que la contradiction dialectique entre pratique et théorie soit questionnée. La quête de l’humanité pour l’amélioration de ses conditions d’existence est motivée par le questionnement des contradictions essentielles entre le monde qui l’entoure et ses pratiques immédiates. L’universalité de la contradiction est l’unique moteur de l’évolution du vivant et de sa conscience. De la pointe de flèche en silex à la machine outil, l’humain pense et critique. De la découverte de la distinction des sexes aux fantasmes de toutes ses représentations, les humains désirent, souffrent et n’ont pas à s’en culpabiliser car c’est l’humanité même. S’il existe d’autres formes de vie dans l’univers sans Big Bang, soyons sûr qu’elles résultent des mêmes contradictions intrinsèques qui nous fondent et qu’elles aussi désirent l’Autre. La distinction des sexes dans l’ordre du vivant nous le prouve, n’en déplaise aux caves du Vatican. Au programme Avant l’histoire ? Heureusement que Monsieur Homo Erectus, notre lointain cousin, ne se doutait pas qu’une branche d’illuminés enluminés de sa descendance le blâmeraient de s’être, en l’an de vache maigre «moins 700.000», creusé les méninges à inventer la pointe de flèche qui allait sérieusement améliorer son ordinaire et par voie de conséquence le nôtre. On peut d’ailleurs se demander si les fameux enluminés auraient pu débiter leurs inepties sur le péché originel de connaissance si les ancêtres blâmés ne l’avaient commis. Quadrature du cercle ou plutôt paradoxe d’un «savoir ne pas savoir». En tout cas si d’aventure estivale vos pas et les bâts de votre âne (compte tenu du prix des carburants) vous poussent vers le magique pays du bas Verdon, n’hésitez pas, entre parties de grimpe ou de pêche, à commettre sans retenue tous les péchés originels. Découvrez ou faites découvrir à vos enfants et amis le Musée de la préhistoire des Gorges du Verdon à Quinson. Dans une architecture exceptionnelle pour sa modernité et sa complète fusion avec la beauté minérale du site, vous cueillerez avec émotion et délice les fruits défendus du verger de la connaissance de l’homme par l’homme. Au travers de salles d’exposition «vivantes» vous vous baladerez sur les chemins d’un million d’année d’édification de l’intelligence industrieuse. L’originalité pédagogique de ce lieu réside dans le parti pris scientifique de ses créateurs de faire comprendre Musée de Préhistoire des Gorges du Verdon © X-D.R «l’humain» en tentant de reconstituer une image de ses pratiques à partir des vestiges, des traces de son industrie, en tant que seule connaissance immédiate d’une intelligence passée. Reconstitutions de village rupestre, animations d’ateliers pratiques… glissez-vous dans les pelisses de l’homme de Neandertal… partez à la redécouverte de la prime gestuelle enfouie en vous et qui est la base de toute vos connaissances. Allez, en famille, aérer vos consciences et cultiver le geste premier cet été à Quinson. Y.B. Musée de Préhistoire des Gorges du Verdon Route de Montmeyan - 04500 QUINSON 04 92 74 09 59 En juillet et août, musée ouvert tous les jours de 10h00 à 20h00 sans interruption. http://www.museeprehistoire.com Candidatez ! Dans Zibeline N°2 nous annoncions la deuxième édition des Rencontres Internationales Sciences Cinémas (RISC) au mois de novembre 2007. L’Association Polly Maggoo organise dès maintenant la 3e édition de ces Rencontres. Zibeline se fait le relais de l’appel à candidature de cette Association auprès des professionnels du cinéma pour la sélection du programme du prochain festival qui se tiendra cette année à Marseille du 13 au 16 novembre 2008. «Tous genres de films (documentaires, expérimentaux, fictions, art vidéo, animation...) dont le sujet est directement ou indirectement lié à des thématiques scientifiques (sciences fondamentales, sciences du vivant, environnement, sciences humaines et sociales...) sont éligibles.» Y.B. YVES BERCHADSKY Informations, règlement et formulaires sur le site http://www.pollymaggoo.org/ doc_polly/risc-2008.html Date limite d’inscription des films : 15 juillet 2008 72 ÉDUCATION PRIX DES LYCÉENS Fête ! Lycéens, apprentis et enseignants, heureux ! © Richard Melka Mercredi 28 mai, au Dock des Sud a été décerné dans une allégresse communicative le 4e Prix Littéraire des lycéens et des apprentis de la Région PACA Cette opération est née de l’initiative de la Région, mise en œuvre par l’Agence Régionale du Livre (ARL) avec le concours de la Régie Culturelle. Environ 1000 lecteurs répartis sur le territoire régional ont lu 6 romans et 6 bandes dessinées, et tout au long de l’année scolaire se sont réunis, documentés, interrogés pour sélectionner et voter pour les 2 livres qui ont recueilli le plus de suffrages dans chacun des 28 établissements concernés. Les 400 participants ont été accueillis en fanfare par les musiciens d’Accoules Sax qui ont ponctué de façon festive les moments forts de la journée. Puis ils se sont rendus dans les différents ateliers et ont déambulé à la découverte des expositions. C’est la faute à Voltaire a proposé un atelier de recyclage des mots : on pouvait se débarrasser d’un mot honni ou agaçant en fabriquant un autre mot avec les mêmes lettres, puis proposer une définition nouvelle ! Deux illustratrices pour la jeunesse de l’atelier Atelier graphique © Richard Melka Venture proposaient des fabriques graphiques à partir de portraits des élèves présents projetés en direct grâce à un dispositif vidéo. Beaucoup de succès ! Au hasard des découvertes on pouvait apprécier un spectacle de marionnettes du lycée Léon Blum de Draguignan, les textes produits au cours d’un atelier d’écriture avec le romancier René Frégni (voir page 63) du lycée Carnot de Cannes, les calligraphies du lycée professionnel Edmond Rostand de Marseille, des vidéos, des dessins, des peintures... Le CFA Industriel d’Avignon a engagé dans l’aventure 15 élèves de BTS de construction et production industrielles. Ils ont travaillé en relation avec le monde de la métallurgie, visité des imprimeries. Des ateliers d’expression dramatique les ont familiarisés avec la lecture à haute voix, puis la prise de parole. Leur professeur de français souligne que cela les a bien préparés pour leur examen ; un élève remarque que cette expérience leur a permis de s’ouvrir à des formes d’expression peu ou pas connues. Ils ont d’ailleurs trouvé un moyen d’allier la technique et la création en créant un livre géant dont la couverture a été réalisée dans un atelier de chaudronnerie. Le lycée professionnel de la Cabucelle a présenté le travail des élèves de la filière bois : partant du constat que ces adolescents étaient démotivés, Nathalie Dallin, leur enseignante, a associé les différents apprentissages (histoire, géographie et français) à un travail artistique de photographie autour de la culture marseillaise. Ils se sont pris au jeu audelà des espérances ! «Ils sont venus au lycée au-delà des heures obligatoires d’enseignement, y compris les week-end ! Même physiquement ils se sont transformés : leur regard et leur maintien se sont affirmés !» Résultat : un livre de textes et photos tiré à 1000 exemplaires par les Editions Images Plurielles, doublé d’une exposition itinérante qui circulera dans des entreprises. L’ambiance était chaleureuse et de nombreux échanges ont eu lieu entre les lycéens rassemblés pour le déjeuner dans la cour autour d’un buffet musical très apprécié ! Les 3 lauréats ! 15h : l’heure attendue des prix ! Le Recteur Jean-Paul de Gaudemard est venu remercier les acteurs de la Région en la personne d’Alain Hayot et ceux de l’ARL. Il a souligné l’impact que ne manquerait pas d’avoir la Palme d’Or du Festival de Cannes avec le film de Laurent Cantet : «Pas d’école sans culture, pas de culture sans école !» De son côté Alain Hayot a déclaré : «Quand on fait confiance aux collégiens et lycéens, ils sont capables d’un énorme enthousiasme, capables du meilleur ! Les livres qu’ils ont choisis sont difficiles, preuve de leur maturité, qui va à l’encontre de l’image que la société véhicule sur ses propres jeunes.» Ce sont des élèves qui ont distribué les prix. Cette année, pour la 1re fois, il y a 2 prix ex-aequo pour le roman car 2 livres ont obtenu strictement le même nombre de voix. Il s’agit de celui de Laurent Graff, Le cri et de Joseph Boyden, Le chemin des âmes. Laurent Graff, toujours très réservé, a tout de même confié : «Quand j’étais dans la cour du lycée, écharpe mauve et cheveux longs, on rêvait de Cannes et Devant les peintures © Richard Melka 73 Fin du monde de son Festival. À 40 ans je suis très heureux d’être ici et de recevoir un prix pour la première fois.». Son livre Voyage voyage (Le dilettante, 2005), sera adapté pour l’écran cet automne par Frédéric Pelle, sur un scénario qu’il est en train de rédiger. Joseph Boyden habite l’Ontario : son grand-père avait fait partie des 4000 indiens qui s’étaient engagés volontairement dans les troupes canadiennes de la guerre de 14-18. Il a donc envoyé un message : «J’aurais aimé être là, comme un pont entre la France et le Canada. Ce prix me va droit au cœur. Tous ces jeunes me paraissent être des messagers de paix, malgré les guerres, les races, les camps !» Le prix de la Bande dessinée est allé à Chaque chose de Julien Neel qui avait déjà obtenu le Prix de la Jeunesse au Festival d’Angoulême en 2005 : «Ça fait bizarre ! Pendant longtemps on est tout seul chez soi et puis des flasches, des saxo... et des applaudissements !» Chaque lauréat a reçu la somme de 3000 euros de la part de la Région. Et après, musique ! C’est Vincent Loiseau surnommé Kwal qui vient présenter son 3e album de chansons et de slam accompagné de musique classique avec violon et violoncelle. Les lycéens apprécient : c’est l’essentiel ! CHRIS BOURGUE Vous retrouverez Le Chemin des âmes de Joseph Boyden dans le numéro 10 de Zibeline Rappelons que la Région a lancé depuis 2003 le dispositif du chéquier lecture et depuis 2005 celui du chéquier cinéma, donnant droit à chaque porteur de 16 à 25 ans à des réductions sur les livres et les films. CHRIS BOURGUE Conseil régional 04 91 57 51 64 www.regionpaca.fr Un mal étrange décime la population mondiale, un bruit, impossible à localiser s’amplifie dans la tête des individus jusqu’à les faire mourir, sans échappatoire. Certains évitent la contagion, ce sont les «êtres de silence». De sa cabine vitrée, «pivot du monde», un péagiste assiste à cette fin du monde, il raconte, les gens, passagers grognons, affables, émouvants, surfaits, prétentieux ; il se raconte, à la première personne, notations emplies d’humour tendre et lucide. Ce monde, il l’a vu défiler sous ses yeux, «l’humanité entière» ; et «qui peut se prévaloir d’un tel aperçu?». L’autoroute constitue un monde en soi, véritable «création métaphorique», raccourci éloquent de l’univers. Des destinées traversent ainsi le champ de vision du narrateur. Mais ce monde se délite emporté par ce bruit inexplicable, les personnages disparaissent comme Calo le collectionneur de panneaux, les collègues de travail qui ne reviennent plus, les utilisateurs de l’autoroute qui se raréfient ; Daniel, le gendarme, abandonne progressivement son radar et se prend pour une rock star. Les herbes folles commencent à envahir l’autoroute. Tous ces évènements seraient-ils liés au vol du tableau de Munch, Le Cri ? L’écriture, simple, limpide, nous conduit aux frontières du fantastique, par les chemins d’un récit dont l’apparente clarté libère une réflexion profonde sur nos angoisses, nos peurs. La fin invite à une relecture, livre les clés, alors que le romancier s’est plu au cours du récit à égarer le lecteur dans de multiples interprétations. Un très beau roman, à lire, à savourer, à relire surtout, absolument ! MARYVONNE COLOMBANI Le Cri Laurent Graff édition Le dilettante, 14 euros Un gros bol d’amour Dédié, entre autres, à son papa, Chaque chose de Julien Neel est une B.D. surprenante. Il ne s’agit pas seulement du récit émouvant sur la relation – autobiographique ?- de Julien Neel avec son père, c’est aussi un formidable travail graphique qui accompagne la lecture et guide de manière très habile le lecteur dans la construction du récit. Entre souvenirs de jeunesse et réalité abrupte, Julien oscille entre deux univers : les jours passés avec son père divorcé, magicien forcé d’accepter d’enfiler un costume grotesque de gros nounours bleu butagaz pour pouvoir emmener son petit bonhomme en vacances, et les allers-retours à l’hôpital où se meurt ce père. La palette graphique alterne les couleurs sombres, les traits épais, hachurés, striés des moments graves (mais parfois très drôles, l’émotion n’empêche pas la légèreté), avec les couleurs vives et les traits plus ronds des jours de vacances. Passé et présent se répondent, chaque chose est une petite chose qui ancre les personnages dans le récit jusqu’à ce que, de transitions en transitions, les deux se mêlent et esquissent une fin surprenante. D.M. Chaque chose Julien Neel Gallimard, collection Bayou, 15 euros 74 ÉDUCATION ARCHITECTURE Bien dans mon École, à l’aise Les écoliers et les collégiens ont participé activement à des activités éducatives et créatrices qui les ont immergés dans l’univers de l’Architecture et de l’Urbanisme ! Disons-le tout net : l’Architecture est mal connue, parfois moquée, elle laisse souvent indifférent ou dubitatif... Aussi le projet d’en faire comprendre les enjeux et mesurer l’impact sociologique est-il hautement louable. Et dans ce cas, le mieux n’est-il pas de commencer jeune ? C’est le projet conjoint du Rectorat d’AixMarseille, du CAUE (Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et d’Environnement) des Bouches-du-Rhône, des Conseils Départemental et Régional de Documentation Pédagogique (CDDP et CRDP) et de la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles) : il s’agit de renseigner les jeunes sur l’organisation de leur ville et celle d’un bâtiment dans leur environnement ; c’est une priorité de l’Académie d’Aix-Marseille qui s’inscrit dans le plan de développement de l’éducation artistique et culturelle avec la participation active des CAUE qui ont une mission de formation, de sensibilisation et d’animation culturelle. Voir ou regarder ? Le mercredi 14 mai, une rencontre a réuni professionnels et représentants de l’éducation, de la culture et de l’architecture donnant la parole aux acteurs des établissements scolaires qui ont fait part de leurs initiatives et de leurs expériences. Marie-Claude Derouet-Besson, maître de conférences, appartenant à l’Institut National de la Recherche Pédagogique (INRP) a présenté l’ouvrage Repères pédagogiques en architecture pour le jeune public (il est édité par les ministère de la Culture et de l’Éducation, vous pouvez vous le procurer au CRDP). Il donne des éléments pour comprendre l’architecture de façon sensorielle, proposant des exercices pour développer la perception, appréhender l’espace, les formes, les matériaux : «Je me situe dans l’espace, je deviens acteur dans mon cadre bâti, je découvre les matériaux et les architectes. Ensuite, je peux imaginer et réaliser la maquette de ma ville rêvée, ou de ma maison ou de mon école !» 4 établissements : 4 démarches originales ! Imaginer puis réaliser ! Les élèves du CM2 de l’école Benoît Franck (quartier de Trinquetaille en Arles) ont travaillé avec leur professeur Françoise Coquet sur le thème : comment vivre au bord de l’eau ? Le Rhône dans ce cas précis. Durant 6 demi-journées de 3 heures, et sur les conseils l’architecte-conseil du CAUE Emmanuel Soulier, les élèves sont partis de l’étude de leur quartier sur les bords du fleuve sujets aux inondations, ont travaillé sur l’œuvre du Corbusier après avoir visité la Cité Radieuse à Marseille, ont réfléchi à la notion de collectivité, ont calculé des volumes et des échelles, pour se consacrer durant Maquette © Emmanuel Soulier 6 heures en demi groupes à la réalisation de l’étonnante maquette de 2 tours sur une île reliée par 2 ponts à la ville proche, avec petit train, passerelle, utilisation de l’énergie solaire… ! Et l’on reste époustouflé devant l’inventivité, la technicité du projet de ces enfants qui ont si bien su réfléchir à leur environnement ! graphie. Il s’agissait d’étudier leur propre bâtiment scolaire dans son environnement, les espaces, le rapport intérieur/extérieur, les perspectives, de comprendre comment le bâti s’adapte aux régions et aux lieux. Ensuite il a fallu verbaliser, réfléchir à la notion de citoyenneté et de socialisation et organiser l’exposition des travaux pour juin. Bâtir et habiter Le projet du nouveau collège de Plan de Cuques a réuni un professeur d’Arts Plastiques, Françoise Kremer, et Christine Belliard du CAUE : 28 élèves de 5e se sont initiés à l’Architecture par l’intermédiaire de la photo- Regarder la ville C’est aussi par la photo que Gérard Verdun, professeur d’Arts Appliqués au lycée professionnel Léonard de Vinci, a décidé d’intéresser les élèves à l’architecture : «La photo est un moyen d’appréhender le monde, et non seulement un résultat, c’est-à-dire un objet-photo.» Avec la participation d’Erick Gudimard des «Ateliers de l’image», il montre aux élèves que «la photo permet de regarder la ville». Sur une semaine bloquée, les élèves partent à la recherche de la ville «invisible», cadrant, coupant, grossissant. Cette année l’étude a porté sur le front de mer à Marseille et le quartier d’Euroméditerranée avec la confrontation des traces du passé, des bâtiments présents et de ceux du futur. Et ils en ont découvert des aspects insoupçonnés. S’approprier son cadre de vie Le lycée Victor Hugo de Marseille, situé entre la Fac St Charles et la gare, subit les désagréments des travaux de restauration et d’aménagement du quartier depuis une dizaine d’années. Partant de ce constat, Nicole Villain, professeur coordinatrice de l’option Histoire des Arts (voir Zibeline n°7), a décidé de retourner la situation et de transformer les élèves en acteurs «éclairés» du changement. Au lieu de subir poussières et bruits, ils sont partis à la découverte de leur environnement immédiat, saisissant l’opportunité d’une situation complexe pour en faire un sujet d’études qui s’ancre dans un des thèmes du programme : villes 75 dans ma ville… ! Un beau pari ! et utopies au XXe siècle ! Avec l’assistance de l’association de médiation culturelle En italique, ils ont effectué des promenades en cercles de plus en plus larges autour du lycée pour étudier les mutations urbaines. Objectif : participer aux journées du Patrimoine en septembre et rédiger des fiches pour Wikimapia, passant ainsi de l’observation à l’étude, la recherche et enfin l’écriture ; ce travail est actuellement en cours de réalisation. Ne vous étonnez donc pas si vous rencontrez des groupes d’adolescents, l’œil dans l’objectif, en équilibre instable sur une marche d’escalier ou rampant sur les quais : ils forment leur regard, ils sont des apprenants actifs ! CAUE 04 96 11 01 20 www.caeu13.org En italique 06 19 25 80 60 www.enitalique.fr Les ateliers de l’image 04 91 90 46 76 www.ateliers.image.free.fr Maquette © Emmanuel Soulier Prix Radieuse L’exposition Quelques architectures dans les Bouches-du-Rhône est la 1re édition d’un concours qui privilégie l’innovation À l’issue des échanges de l’après-midi, le CRDP a inauguré une exposition de photos d’architectures contemporaines qui présentent 22 réalisations architecturales récentes implantées dans notre département : habitat individuel, habitat collectif ou équipement public. Respectueuses de la qualité architecturale, urbaine et paysagère, elles ont été distinguées parmi 66 candidatures pour l’organisation du Grand prix départemental de l’architecture, de l’aménagement urbain et paysager, initié par le CAUE des Bouches-du-Rhône. Chacune des constructions est présentée à travers les photographies d’Olivier Amsellem et accompagnée d’un court texte des architectes. Olivier Amsellem, lauréat du Festival International de Photographies de Hyères en 1998, développe depuis plusieurs années un travail sur le paysage urbain. Il photographie avec soin et précision bâtiments, maisons individuelles, gymnases, bibliothèques : 22 œuvres d’architecture contemporaine de 13 communes. Ses photos captent merveilleusement la lumière sur le béton ou le verre, mettant en valeur les volumes, laissant toutes leur chance aux formes. À voir ! C.B. Jusqu’au 27 juin CRDP – 31 Bd d’Athènes – 13001 04 91 14 13 87 Catalogue de l’exposition disponible au CRDP La librairie Imbernon a lancé un ouvrage sur Le Corbusier en présence de ses auteurs, Robert Dulau et Pascal Mory, le mercredi 21 mai. Ce livre retrace les étapes de la reconstitution en grandeur réelle d’un appartement de la Cité Radieuse de Le Corbusier par des élèves de lycées professionnels de la région Ile de France pour la Cité de l’Architecture et du Patrimoine au Palais de Chaillot. C.B. Maison de retraite de Noves © X-D.R Le Corbusier: expérience et réalisation pédagogique - Echelle 1 Robert Dulau et Pascal Mory Édition bilingue – 2008 (39 euros) Librairie Imbernon 3ème étage de la Cité Radieuse 04 91 22 56 84 www.editionsimbernon.com 76 ÉDUCATION ENSDM | FNTCA Les écoles dansent Classe d’insertion professionnelle © Agnès Mellon Depuis 3 ans, c’est-à-dire depuis l’arrivée de Frédéric Flamand à la direction du Ballet National de Marseille, l’école ouvre largement ses portes au public marseillais. Pour sa plus grande joie ! Frédéric Flamand a lui-même déclaré que la programmation du mois de mai avait la forme d’un «premier bilan». Outre les deux programmes présentés à l’Opéra (voir numéro 8) les démonstrations de l’école permettaient de juger du travail et de la progression pédagogique dans les enseignements. La première partie présentait les danses des plus jeunes aux corps graciles et émouvants dans un ensemble impeccable, les classes de garçons qui bénéficient d’un enseignement spécifique des sauts et des pirouettes ; venaient ensuite les danses traditionnelles et baroques : comme toujours la qualité de l’interprétation fut irréprochable, avec le côté conventionnel et figé de ce type d’exercice... Daphnis et Chloé et surtout les danses d’Isadora Duncan avaient un certain charme, tout en suspension et retenue, une écriture des bras étonnante, et des jeunes femmes aux cheveux lâchés et aux pieds nus. Après le 2e entracte, le public s’est malheureusement fait plus rare : parents et enfants étaient fatigués et beaucoup sont partis. Quel dommage ! Le 3e volet arrivait trop tard, et les créations des danseuses de la Classe d’Insertion Professionnelle (CIP) et de l’Atelier de danse contemporaine étaient vraiment intéressantes par leur liberté, leur sensibilité et une modernité rafraîchissantes ! Exporter l’enseignement... Avec son programme Entrez dans la danse ! le BNM va à la rencontre des scolaires dans les quartiers. Un travail de sensibilisation à la danse a été mené plusieurs fois dans l’année avec le Centre de loisirs Agora (la Busserine). Il ne s’agit pas d’apprendre à danser à ces enfants qui viennent au Centre le mercredi et à leurs heures de liberté, mais de les mettre à l’aise dans leur corps. Agnès Lascombes, magnifique interprète du Pas de Deux de Forsythe, est intervenue pour «faire de ces enfants des acteurs, qu’ils ne soient pas passifs !». Mais le Centre Agora n’a pas de salle spécifique pour la danse et les séances qui ont eu lieu dans les studios du BNM ont été plus productives car les enfants ont apprécié d’évoluer sur des parquets. Des exercices d’étirements, des sauts, des pas chassés sur l’air de Carmen ont eu un franc succès ! D’autres actions destinées au jeune public, aux scolaires se sont multipliées grâce au mécénat et à des liens resserrés avec l’Education Nationale et la DRAC. Le lundi 2 juin a rassemblé les établissements scolaires qui ont travaillé toute l’année en partenariat avec le BNM dans les studios. L’école de Carry le Rouet a présenté un spectacle sur le thème de la vie qui fait passer du stade bébé à celui de vieillard avec des textes écrits et dits par des élèves ; le lycée Perrier a redonné la belle chorégraphie en noir et blanc primée au Printemps des lycéens 2008 ; avec le lycée Daumier on revenait au thème de Narcisse et son miroir avec un beau travail sur les costumes ; enfin le lycée Joliot-Curie d’Aubagne s’est lancé dans une chorégraphie inspirée librement des ballets vus pendant l’année. Parce que les élèves travaillent la danse mais voient aussi des spectacles, dialoguent avec chorégraphes et danseurs. Christophe Mély, chargé de communication, confie volontiers : «Le Ballet donne les mêmes outils et les mêmes moyens à tous les établissements, mais ensuite les projets qui réussissent vraiment sont ceux dans lesquels les enseignants s’investissent à fond !» Il est vrai que si l’ on a vu des élèves ravis et enrichis par l’expérience, on a aussi croisé des enseignants convaincus et militants, fatigués mais heureux ! CHRIS BOURGUE Les auditions pour la CIP auront lieu le 5 juillet 04 91 32 72 72 www.ballet-de-marseille.com L’Amateur finit en beauté et en rires ! La Compagnie Sucrée-Salée d’Istres nous a régalés d’une pièce comique succulente et relevée : La nuit des reines de Michel Heim. Une pièce en alexandrins à notre époque, ça ne court pas les rues. C’est même un peu ringard, non ? Mais lorsqu’il s’agit d’une pièce de Michel Heim, auteur gay de comédies musicales et directeur des Caramels Fous, troupe parisienne travestie talentueuse, ça passe très bien ! L’argument, déjà, est cocasse : la reine Catherine de Médicis veut que son fils Henri III épouse Elisabeth, reine d’Angleterre, surnommée la Reine Vierge. Or Henri III ne connaît rien aux femmes, (à part sa relation incestueuse avec Margot, sa soeur nymphomane) et n’est pas tenté par le projet. Elisabeth décide de venir se rendre compte de la situation, déguisée en homme, en compagnie du Duc de Buckingam, qui est gay. Sur le conseil de sa sœur, le roi va se faire passer pour folle alors qu’Elisabeth semble tentée par Catherine ! Tous se fourvoient dans une langue gourmande, mélangeant les styles, les allusions coquines, les anachronismes, les jeux de mots, sans vulgarité. La mise en scène de Michel Hulot est efficace, les costumes bien vus, les acteurs excellents, tout cela sans décor : il faudra aller voir à Istres, le 3e weekend d’octobre, leur festival de théâtre amateur ! C.B. La Nuit des reines a été joué le 6 juin au Théâtre de Lenche dans le cadre des dixièmes Rencontres de Théâtre Amateur © X-D.R TANGO SOCIÉTÉ 77 Et voilà Marseille capitale du tango pour deux mois : bals, concert, rencontres, exposition photographique, cinéma, pour la plupart gratuits. Comment Marseille prend-elle en été cette couleur argentine ? Grâce à une association fédératrice, La Rue du Tango… Le bonheur de tanguer La Rue du Tango a débuté en 2005 grâce à la réunion des énergies et des volontés des associations de tango de Marseille. Durant les mois de juin et juillet, chaque vendredi de 20h à minuit, la rue du Théâtre Français, devant le Théâtre du Gymnase, est investie par les danseurs. Dès la première édition, la Rue du Tango a été un grand succès populaire. Le public s’installe sur les marches ou à l’une des terrasses de café. Le nombre de danseurs et de spectateurs varie entre 250 et 500 personnes. Chaque soirée est confiée à l’une des associations de tango participante. En milieu de soirée, une ou plusieurs démonstrations sont présentées. Des initiations gratuites sont proposées. Festif et vivant, le tango permet de redynamiser cet espace urbain de l’hypercentre de Marseille, souvent déserté la nuit. Petit à petit, la Rue du Tango a développé ses actions en partenariat avec les institutions culturelles de la ville. Une programmation de cinéma, concert, exposition permet au public de découvrir la culture argentine. La Cité de la Musique ouvre ses portes pour un concert, une exposition photographique et un documentaire, l’Alcazar met sa collection de disques de tango à l’honneur, l’Association Solidarité Provence Amérique du Sud organise la projection d’une belle fiction argentine, la librairie Maupetit fait la part belle aux livres sur le tango, mais aussi aux romans et essais argentins et Sud Américains. On y trouvera le livre de Christophe Apprill, Tango, le couple, le bal et la scène, qui vient de paraître. Ce sociologue, tanguero marseillais fait partie de l’association. Au programme Le jeudi 26 juin à 20h30 à l’Auditorium de la Cité de la Musique un concert exceptionnel d’Emma Milan, De Paris à Buenos Aires, avec le duo Trosman/Maguna (guitare, bandonéon). Cette artiste française s’est © Peter Niebert 2007/2008 vouée au Tango des années 40. Sa voix restitue un lien puissant entre les trottoirs ombragés de Buenos Aires et les pavées mouillés de Paris. Cette chanteuse au timbre épuré se laisse emporter par la beauté des mots, l’épanchement retenu. Elle a obtenu le Grand Prix du Disque Charles Cros en 2002. Et puis venez découvrir un de ces vendredi cette musique magique que chacun interprète à sa guise, selon son humeur, avec son (sa) partenaire dans le désordre organisé de la piste de la «milonga». Car il y a tout cela et plus encore dans le tango ! Vous ne l’entendrez peut-être pas se dire avec des mots, mais observez simplement ces gens qui se lancent, qui s’élancent, qui dansent et peignent sur le sol des motifs improvisés… CATHERINE MANTEL La Rue du Tango du 6 juin au 25 juillet http://laruedutango.fr Tango, le couple, le bal et la scène Christophe Apprill Ed. Autrement, 17 euros Pourquoi tu l’aimes ? couteaux, le regard qui harponne... Pourquoi le tango fascine-t-il tellement ? Serait-ce parce qu’on peut s’enlacer et jouer à être un homme ou une © Peter Niebert 2007/2008 On croit savoir ce qu’est le tango… Pour beaucoup, une musique et une danse surannées quelque part entre le musette de grand-père et la danse de salon en concours numéroté, bustes rigides et sourires figés… Mais non… Ces tangos là ne sont que caricatures et vieilles lunes. À la fin du XIXe siècle naissait sur les rives du Rio de la Plata, dans les quartiers des migrants, une passion brûlante nommée tango. De l’âge d’or des années 1940 à la formidable renaissance actuelle, après la dictature, malgré ou à cause des crises économiques et politiques qui secouent l’Argentine, le tango est tout à la fois musique, danse et poésie populaire. Cambrure, talons hauts, jambes effilées comme des femme, un jeu auquel plus grand monde n’ose se prêter ouvertement ? De l’atmosphère fiévreuse des milongas argentines ou des bals des trottoirs de Rome, Berlin ou Marseille, à la scène avant-gardiste, des tenants de la musique à ceux de la danse, des grands classiques au Tango Nuevo, de Paris à Buenos Aires, de Montevideo à New York, en escarpins ou en baskets, le tango séduit aussi parce qu’il correspond à une sensibilité de notre époque : à la fois chic et populaire, pratique de la rue et de la scène artistique, culture du monde, traditionnel et branché… C.M. 78 TRIBUNE LIBRE Vous avez été nombreux à profiter des offres de nos partenaires, des livres de La Pensée de Midi, des invitations aux spectacles. À ce propos, Pierrette et André Ercolano nous écrivent : «L’accueil dans les lieux est agréable et le fonctionnement rapide s’ajoute au plaisir du spectacle. Ces invitations nous ont permis de passer de bonnes soirées, de faire des découvertes, comme le cycle Bertold Brecht récemment à la Minoterie.» Thierry Thieû Niang, chorégraphe, a réagi à notre édito… et parlé de son travail …une odeur particulière en ce mois de mai... pour une paix civile, dites-vous... en effet ! En réponse à l’édito de mai je voulais dire aussi l’inquiétude et la vigilance face à toutes les protestations, les questions et les peurs de la société tout entière. Dire en qualité de citoyen et d’artiste toutes les paroles possibles pour sauvegarder «l’en commun», la place de tout autre dans notre vie : enfant, femme et homme, personne âgée, handicapée, immigrée mais aussi journalistes, artistes, ouvriers, enseignants, travailleurs sociaux, chercheurs, chômeurs… Être ainsi à l’horizontale, en rhizome pour accueillir et solliciter dans mes propres projets la présence de : CEUX-LÀ... proposer une semaine de travail avec les seniors ; convoquer enfants et enseignants autour des questions d’identité, de territoire et d‘échange ; mettre en relation le geste artistique et celui chaotique de l’autiste ; travailler les postures et les corps à travers les textes de Jelinek, de Duras ou encore à travers l’opéra de Janacek ; rester au présent des présences heureuses des artistes qui travaillent avec moi; ou encore des jeunes chanteurs de l’Académie du festival International d’art lyrique et les enfants des écoles de Martigues, Crépy en Valois ou ici St Jean de Cornies… Travailler avec ceux-là, proches et différents, connus et inconnus... Faire ce grand écart pour nommer le passage, «l’entre» là où l’on fait, nomme et danse. C’est là que porte ma voix et mon désir de danse, en écoute du monde. Car la douceur du proche nous soulève... THIERRY THIEÛ NIANG Nelly Francoul nous a découverts à Aix : «Bonjour ! J’ai assisté en mai au Festival de la Mangrove au Pavillon Noir : magique, un vrai régal ! Cela m’a permis de découvrir votre magazine, particulièrement réussi. C’est le premier magazine que je trouve complet et intelligent dans ses commentaires. Merci pour votre travail et celui de votre équipe. Sincèrement.» ENVOYEZ VOS REMARQUES ET RÉACTIONS À : [email protected] Le Festival du Théâtre Amateur nous a fait part de ses remarques : «C’est avec un grand plaisir que nous avons découvert un article critique relatif à notre festival ! Notre rencontre théâtrale concerne des spectacles amateurs et pour cette (malheureuse ?) raison, les journalistes ne se déplacent pas souvent… amateur n’est pas toujours lié à la notion d’amateurisme, c’est aussi ce que montre le papier… merci, cela nous aidera à continuer à soutenir cette pratique et à l’aider à maintenir une qualité de travail que nous défendons (en complément des professionnels et non en opposition). Chris Bourgue venue à deux reprises (!!) au Théâtre du Gymnase et à la Minoterie démontre que, contrairement à certains autres journaux, Zibeline cherche à couvrir le maximum d’événements et c’est tant mieux !!! Merci !» CHARLOTTE MAUGER POUR LA FNCTA Et une habitante d’Istres (une adhérente ? nous ne savons pas, elle est restée anonyme…) nous a fait part de son mode de lecture… et nous la remercions vraiment d’être aussi fidèle ! «Comment je lis Zibeline ? C’était la question que vous nous posiez il y a quelques mois. Je voulais y répondre plus vite mais en fait ce n’est pas si simple… Comment lit-on Zibeline ? D’abord comme une source d’informations, sur les spectacles qui passent près de chez moi, et plus loin. Trop loin parfois, et on se met à envier les gens de Toulon ! Puis on se venge en allant à Nîmes ! Je suis aussi allée au centre d’art contemporain qui est juste à côté de chez moi, à Istres : je n’y avais jamais mis les pieds ! Mais je me suis mordu les doigts d’avoir raté le Shakespeare qui passait juste à côté, à Martigues, et qu’on avait déjà raté à Avignon cet été. On est content de lire de vraies critiques même quand on ne partage pas vos avis… Parce que je vous ai trouvé très durs avec Ariane Ascaride dans Médée par exemple, et beaucoup trop gentils avec Emanuel Gat… Zibeline m’amène aussi à acheter des livres : j’ai acheté le dernier livre d’Henry Bauchau par exemple. Jusque là on m’avait dit que c’était aride, mais j’ai passé mes préjugés, j’ai acheté… je trouve ça toujours aride, mais j’ai essayé ! En fait Zibeline se lit aussi comme un magazine, surtout les dernières pages. On sort un peu du magazine régional pour entrer dans une revue d’idées. J’adore les pages philo, et tous les articles de fond : sur les écoles, l’histoire, la science… Il manque des pages architecture. Et des grandes enquêtes, comme vous aviez fait sur les festivals dans votre premier numéro. En fait ce journal est double : il vous appâte comme un magazine d’information gratuit, mais vous le gardez chez vous… comme une vraie revue !» 80 FORMULAIRES D’ADHÉSION ANNUELLE ADHÉREZ ! à l’amicale et recevez Zibeline chez vous! Cochez le type d’adhésion souhaité Adhésion individuelle (11N°) 1 exemplaire mensuel, 1 carte de membre nominative : 40€ Adhésion familiale 1 exemplaire mensuel, …cartes de membre nominatives : 60€ (autant de cartes de membres que de personnes vivant sous le même toit) Adhésions collectives 5 exemplaires mensuels, 1 carte de membre nominative : 60€ 10 exemplaires mensuels, 1 carte de membre nominative : 100€ 15 exemplaires mensuels, 1 carte nominative : 125€ Adhésions de groupes 5 exemplaires mensuels, 5 cartes nominatives : 100€ 10 exemplaires mensuels, 10 cartes nominatives : 140€ Nom du groupe ou Nom et Prénom de chaque membre : Adresse postale (1 par groupe) Mail téléphone Chèques à libeller à l’ordre de : L’amicale Zibeline Adhésions à adresser à : L’amicale Zibeline 76 avenue de la Panouse | n°11 13009 Marseille Les cartes de membres vous seront adressées par retour de courrier Mensuel gratuit paraissant le deuxième jeudi du mois Edité par Zibeline SARL 76 avenue de la Panouse | n°11 13009 Marseille Dépôt légal : janvier 2008 Directrice de publication Agnès Freschel Imprimé par Rotimpress 17181 Aiguaviva (Esp.) photo couverture © Agnès Mellon Conception maquette Max Minniti LA RUBRIQUE DES ADHÉRENTS Nos partenaires vous offrent invitations, réductions et avantages… Pour les places gratuites, téléphonez-leur rapidement pour réserver, puis présentez votre carte de membre (1 place par carte nominative). Pour les réductions, présentez simplement votre carte (réduction valable seulement pour l’adhérent) + MANJUL & TAKANA ZION La Minoterie Librairie de Provence (Aix) (Reggae mandingue) 10 invitations 31 cours Mirabeau + DJ SET Afro Music pour Les aventures de Nathalie 5% de réduction au Cabaret aléatoire Nicole, Nicole sur tous les livres propositions de jeu théâtral à partir Friche la Belle de Mai résa au 04 95 04 96 36 du texte de Marion Abert Librairie Au poivre d’Ane par l’atelier de théâtre amateur de (La Ciotat) Librairie Maupetit La Minoterie 12 rue des frères Blanchard (Marseille 1er) les 19, 20 et 21 juin à 20h30 5% de réduction La Canebière résa par mail : sur tous les livres 5% de réduction [email protected] sur tous les livres La Pensée de Midi Montévidéo vous offre Le Greffier de Saint-Yves 5 exemplaires du dernier tarif réduit (Marseille 1er) n° de la revue Le Mépris à toutes les représentations librairie générale et juridique 5 exemplaires de Tanger, 04 91 37 97 35 10 rue Venture ville frontière 5% de réduction 1 exemplaire de Beyrouth, GRIM sur tous les livres XXIe siècle tarif réduit pour tous les concerts par mail : Librairie Regards (10€ au lieu de 12€) [email protected] (Marseille 2e) O4 91 04 69 59 Centre de la Vieille Charité 5% de réduction Le Balthazar sur tous les livres entrée gratuite pour tous les concerts du jeudi Librairie Imbernon 04 91 42 59 57 (Marseille 8e) Le festival Africa Fête Marseille vous offre 2 “pass 2 soirs” vous donnant accès à la soirée hip hop du 27 juin de 20h à 2h création hip hop avec IMHOTEP (du groupe IAM) + DJ REBEL(Marseille) + Mr CATRA (Rio de Janeiro) + DUGGY TEE (Dakar) 1ère partie : Négrissim’ (Slam / Rap de la brousse) ET aux concerts du 28 juin de 20h à 2h, DIHO (Mayotte) spécialisée en architecture contemporaine La Cité Radieuse 280 bd Michelet, 3ème étage 5% de réduction sur tous les livres Librairie Arcadia (Marseille 12e) 5% de réduction sur tous les livres Librairie Vents du Sud (Aix) Si vous souhaitez devenir 7, rue du Maréchal Foch 5% de réduction sur tous les livres partenaires et publier ici vos avantages, écrivez à [email protected] Rédactrice en chef Agnès Freschel [email protected] 06 09 08 30 34 Musique et disques Jacques Freschel [email protected] 06 20 42 40 57 Sciences et techniques Yves Berchadsky [email protected] Secrétaire de rédaction Dominique Marçon [email protected] 06 23 00 65 42 Frédéric Isoletta [email protected] 06 03 99 40 07 Maquettiste Philippe Perotti [email protected] 06 19 62 03 61 Cinéma Annie Gava [email protected] 06 86 94 70 44 Responsable commerciale Véronique Linais [email protected] 06 63 70 64 18 Arts Visuels Claude Lorin [email protected] 06 25 54 42 22 Ont également participé à ce numéro : Evelyne Bart, Sonia Bensaad, Fabrice Barth, Benjamin Claven, Maryvonne Colombani, Marie-Jo Dhô, Sylvia Gourion, Catherine Mantel, Marie Milano, Caroline Rossi, Yamina Tahri, Dan Warzy, Éducation Chris Bourgue [email protected] 06 03 58 65 96 Spectacle vivant Laurence Perez [email protected] 06 15 78 65 21 Livres Fred Robert [email protected] 06 82 84 88 94 Philosophie Régis Vlachos [email protected] Photographes : Agnès Mellon, Juliette Lück, Richard Melka, Sigrun Sauerzapfe
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