ProphylaxieInfos 2012
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ProphylaxieInfos 2012
Numéro 2012 PROPHYLAXIEInfos Informations pratiques sur la prévention en hygiène bucco-dentaire Le phénomène d’hypersensibilité dentinaire Les caries chez les enfants en âge préscolaire Les soins bucco-dentaires dans les maisons de retraite Le lien entre abrasion et érosion Mentions légales/Sommaire/Éditorial Éditorial Éditeur (responsable selon la loi sur la presse): GABA Laboratoires 60 avenue de l’Europe · 92270 Bois-Colombes Affaires Scientifiques: Dr Marianne Le Reste Marketing: Marie-Agnès Richard Chère Consœur, Cher Confrère, Le sujet de l’érosion, constamment couvert depuis maintenant 4 ans dans nos éditions de Prophylaxie Infos, reste un sujet de prédilection dans les congrès scientifiques dentaires et nous avons souhaité à nouveau inclure deux articles: sur érosion et nutrition (Dr Gerta van Oost) d’une part et érosion et abrasion d’autre part (Dr Judith von Hinckeldey). GABA International AG Grabetsmattweg · 4106 Therwil · Suisse Directeur du Department Affaires Scientifiques: Bärbel Kiene PR & Communication: Anna Waninger Conception: eye-con Medienagentur Lechenicher Str. 29 · 50374 Erftstadt · Allemagne Ceci ne doit pas nous faire oublier que la carie et tout particulièrement la carie précoce du jeune enfant ou la situation bucco-dentaire des personnes âgées restent des challenges encore non solutionnés de nos jours. Internet: www.gaba.fr Les avis des auteurs ne correspondent pas toujours à ceux de l’éditeur. La réimpression et la publication d’extrait doivent indiquer la source. Pr Annerose Borutta de Jena (Allemagne) et Dr Gert Stel de Groningen (Pays-Bas) mettent l’accent sur l’importance de la prévention dans la prise en charge du problème de la carie chez le jeune enfant. Dr Luc de Visschere de Gand (Belgique) nous fait partager les résultats de deux grands projets de mise en place de soins bucco-dentaires auprès de personnes âgées en institution dont je vous laisse découvrir les grands enseignements. Arginine-bicarbonate Il est d’ailleurs intéressant de mettre en relation l’article de l’équipe du Dr Eric-Nicolas Bory (Bron-France) sur un sujet similaire chez des personnes âgées en institution en France. (Source: Christian Scheibe) Sommaire Le phénomène d’hypersensibilité dentinaire (DHS) dans la pratique dentaire Partie 1: définition, épidémiologie, étiologie et principes théoriques fondamentaux de la DHS Dr Ulrike Beier, Innsbruck, Autriche; Dr Christian R. Gernhardt, Halle-Wittenberg, Allemagne Epidémiologie des caries – pré-requis pour la détermination de la santé bucco-dentaire et preuves d’efficacité des mesures prophylactiques Prof Annerose Borutta, Jena, Allemagne Comment traiter l’apparition des premières caries chez les enfants en âge préscolaire? Dr Gert Stel, Groningen, Pays-Bas Enfin et ce sera le premier article de cette édition, une mise au point sur l’hypersensibilité dentinaire réalisée par un duo Austro-Allemand de jeunes auteurs passionnés du sujet. 3 7 9 Recommandations en termes de produits de soins bucco-dentaires à destination des personnes âgées dans les maisons de retraite Dr Luc De Visschere et Prof Jacques Vanobbergen, Gent, Belgique 11 Coup de projecteur sur une alimentation saine (pour les dents): les aliments acides! Dr Gerta van Oost, Dormagen, Allemagne 15 Bonne lecture! Lien entre abrasion/brossage des dents et érosion: exigences pour un dentifrice adapté 17 Judith von Hinckeldey, Alexandra Tolle, Dr Nadine Schlüter, Prof Joachim Klimek, Prof Carolina Ganss, Giessen, Allemagne Nouvelle approche de l’érosion dentaire 19 Évènements 20 Impact d’un programme de santé orale sur l’hygiène bucco-dentaire des personnes âgées dépendantes institutionnalisées Dr Gnagna Ndiaye et al., SOHDEV, Bron-France 02 Numéro 2012 Nous vous rappelons que tous nos numéros de Prophylaxie Infos déjà publiés sont disponibles sur notre site www.gaba.fr/prophylaxieinfos dans la rubrique professionnels dentaires/nos publications. Nous vous invitons à les consulter ou les télécharger s’ il vous en manque un numéro. Dr Marianne Le Reste Directeur Affaires Scientifiques GABA France 22 PROPHYLAXIEInfos Hypersensibilité dentinaire Le phénomène d’hypersensibilité dentinaire (DHS) dans la pratique dentaire Partie 1: définition, épidémiologie, étiologie et principes théoriques fondamentaux de la DHS Dr Ulrike Beier, Université de Médecine d’Innsbruck, Autriche; Dr Christian R. Gernhardt, Université Martin Luther de Halle-Wittenberg, Allemagne Introduction L’hypersensibilité dentinaire (DHS) est un trouble courant dans la pratique dentaire. Un quart de nos patients souffrent de douleurs occasionnellement sévères liées à l’hypersensibilité dentinaire. Ces patients se plaignent d’avoir les dents sensibles à la température lorsqu’ils boivent, lorsqu’ils mangent et lorsqu’ils se brossent les dents. Dans certains cas, même le simple fait de respirer peut provoquer des douleurs. Les causes principales sont une perte non-cariogène des tissus dentaires durs, et la perte d’attachement parodontal. Définition La DHS se caractérise par une «douleur brève et aiguë en cas de stimulation thermique, évaporative, tactile ou chimico-osmotique des tubules dentinaires exposés, dont l’apparition ne peut être expliquée par d’autres défauts ou mécanismes pathologiques» (Addy & Dowell 1986; Orchardson & Collins 1987). Par conséquent, les surfaces exposées de la dentine constituent un prérequis de base pour l’apparition d’une hypersensibilité dentinaire. Des symptômes similaires, peuvent cependant être également provoqués par les lésions carieuses, restaurations inadaptées, comme des obturations défectueuses ou fracturées, ou inadéquation des restaurations fabriquées en laboratoire (inlays, couronnes, bridges) (Porto et al. 2009). En outre, les facteurs pathologiques tels que les fractures au niveau de l’émail/de la dentine, la présence de fissures sur des dents massivement restaurées, le «syndrome des dents cassées», l’usure des facettes, l’inconfort post-opératoire à la suite d’une obturation ou le mauvais placement des pivots parapulpaires doivent également être exclus du diagnostic différentiel (voir tableau 1). En général, il est vrai, pour les symptômes de la DHS induits par une stimulation, que la sensation d’inconfort est limitée dans le temps et s’atténue, ce qui les distingue de ceux liés aux affections pulpaires. Epidémiologie Les données concernant la répartition moyenne de la DHS au sein de la population varient considérablement: entre 8 et 57 % selon la littérature (Dababneh et al. 1999). Lorsque les patients parodontaux sont considérés en PROPHYLAXIE Infos Les lésions carieuses Les affections de la pulpe dentaire Les obturations endommagées ou fracturées Les maladies parodontales Le manque d’adéquation des restaurations fabriquées en laboratoire Les fractures au niveau de l’émail/de la dentine La présence de fissures sur des dents massivement restaurées L’usure des facettes Les douleurs post-opératoires à la suite d’un traitement de restauration Un mauvais placement des pivots parapulpaires Toute douleur orofaciale d’origine autre Tableau 1: Différentes causes de diagnostic possibles qui doivent être clarifiées avant de diagnostiquer une hypersensibilité dentinaire isolés, un taux de prévalence de 72,5 à 98 % est cité (Chabanski et al. 1997). La grande différence entre les conditions d’étude pour les investigations associées en sont la cause; les investigations basées sur de simples questionnaires ont été comparées avec des études cliniques détaillées. En outre, certaines études reposent sur des questionnaires simples, sans aucun examen clinique des patients. Dans ce cas, bien entendu, les résultats peuvent être biaisés, étant donné que les réponses des patients peuvent être davantage associées à un diagnostic différentiel (voir tableau 1). Si l’on considère les différentes populations étudiées, plusieurs niveaux de DHS apparaissent, alors qu’un taux de prévalence moyen de 15 % à 25 % est observé avec une étude uniforme (Flynn et al. 1985; Fischer et al. 1992; Graf & von Galasse 1977). Soit environ un adulte sur 3 (Dowell & Addy 1983). Le nombre de patients souffrant d’hypersensibilité dentinaire atteint son apogée entre 20 et 40 ans; selon la littérature, le pic serait atteint vers la fin de la trentaine (Addy & Pearce 1994). Après 40 ans, en raison de la formation physiologique de la dentine secondaire, la perméabilité de la dentine diminue et, par conséquent, la susceptibilité aussi (Brodowski & Imfeld 2003). De plus, la numération cellulaire, l’innervation et l’afflux sanguin de Numéro 2012 30 Hypersensibilité dentinaire la pulpe continuent à diminuer avec l’âge, si bien que la pulpe dentaire devient moins sensible à la douleur (Trowbridge 1986). En général, les femmes sont plus souvent touchées que les hommes, ce qui peut s’expliquer par une plus grande conscience en matière de santé (Addy 1990). Les maxillaires sont plus souvent touchés que les mandibules. Cela est lié à la structure de l’os vestibulaire plus délicate, qui, selon l’étiologie correspondante, provoque plus rapidement des récessions que le mandibule. De plus, le côté gauche de la mâchoire est plus souvent touché que le coté droit. Cela s’explique par l’hypothèse selon laquelle la majorité de nos patients sont droitiers et, par conséquent, exercent davantage de pression sur leur main droite, et passent plus de temps à se brosser les dents du côté gauche. Si l’on considère les dents de manière individuelle, il a été déterminé que les canines étaient le plus souvent touchées, ce qui se justifie par la dominance des surfaces vestibulaires (Orchardson & Collins 1987; Brodowski & Imfeld 2003; Addy & Mostafa 1987). le cas de l’émail dentaire, cela n’est généralement possible qu’avec une combinaison avec des facteurs érosifs (Fig. 1). Généralement, on suppose que, en raison de l’augmentation de la prise de conscience en matière de santé bucco-dentaire et des mesures prophylactiques continues, le nombre de patients souffrant d’hypersensibilité dentinaire devrait continuer d’augmenter dans les années à venir (Dababneh 1999). L’abrasivité des substances abrasives présentes dans les dentifrices est essentielle à leur action, à l’élimination de la pellicule exogène acquise, qui, à son tour, est nécessaire à la fixation des bactéries ou à la coloration, mais aussi à l’apparition d’abrasions (Levitch et al. 1994). Les dentifrices disponibles dans le commerce aujourd’hui présentent généralement des valeurs d’abrasivité inférieures au seuil critique défini par la «British Specification for Toothpastes». Mais une hygiène dentaire trop intensive et la combinaison d’une brosse à dents trop dure associée à un dentifrice abrasif peuvent provoquer une usure de la substance dentaire dans la région cervicale (Hotz 1985; Barbakow et al. 1989). Les mouvements de brossage horizontaux avec une pression de contact excessive peuvent en particulier provoquer des altérations du tissu dentaire dur dans la région cervicale (Gross et al. 1996). L’hypersensibilité dentinaire: entre l’âge de 20 et 40 ans pic de fréquence à la fin de la trentaine femmes > hommes maxillaire > mandibule côté gauche > côté droit de la mâchoire au niveau des canines Tableau 2: Occurrence de l’hypersensibilité dentinaire Etiologie Un ou plusieurs des facteurs étiologiques suivants peut/peuvent jouer un rôle dans le développement de l’exposition non-cariogène de la dentine et, par conséquent, dans l’exposition des tubules dentinaires: W L’attrition W L’abrasion W L’érosion W L’abfraction W La récession gingivale L’attrition est due à une abrasion occlusale, lorsque les dents entrent en contacts répétés, comme par exemple en mâchant et en cas de bruxisme. Les collets dentaires sont souvent dénudés à cause des abrasions dues à l’usure mécanique des substances dentaires dures (dentine) provoquée par l’utilisation de mauvaises techniques de nettoyage et de dentifrices abrasifs. Dans 04 Numéro 2012 Fig. 1: Surfaces dentinaires dénudées à la suite des causes abrasives Les premiers signes sont souvent une récession gingivale au niveau des canines et des prémolaires, qui, en raison de la faible adhésion de la gencive et du revêtement très fin de la lamelle osseuse, sont souvent inévitables (Yaacob & Park 1990). Il en résulte entre autres une perte de la fine couche de cément qui recouvre la surface radiculaire dénudée en un temps assez rapide (Mellberg & Sanchez 1986), et une mise à nu de la surface dentinaire. Les abrasions dans la zone interdentaire, qui se présentent cliniquement comme un creux lisse et concave, peuvent également être provoquées par un usage excessif de brossettes interdentaires, de fil dentaire ou de bâtonnets interdentaires. Les érosions sont provoquées par les acides nutritionnels ou endogènes (ex.: régurgitation d’acide gastrique) (Attin 2006; ten Cate & Imfeld 1996; Attin et al. 2005). Elles se présentent comme des creux peu profonds et blanchâtres, généralement sur les surfaces linguales et vestibulaires des dents. Lorsque la période d’exposition aux facteurs étiologiques est suffisamment longue, il peut en résulter une élimination complète de l’émail dentaire, et, à terme, une mise à nu des surfaces dentinaires (Fig. 2). PROPHYLAXIEInfos Hypersensibilité dentinaire fenestration osseuse, la déhiscence de la lamelle osseuse vestibulaire et la formation des récessions gingivales induites en raison du mouvement orthodontique des dents peuvent également être envisagés. Principes théoriques fondamentaux Structure de la dentine et de la boue dentinaire «smear layer» Fig. 2: Lésions dentaires érosives sévères. Vue palatine. En cas de lésions dues à une mauvaise technique de brossage, un effet sur l’apparence des lésions est également attendu par les aliments et les boissons acides (Eccles & Jenkins 1974). La perte du tissu dentaire dur est plus marquée après une exposition à des acides, et le nombre de tubules mis à nu augmente, comme on peut l’observer dans le cadre d’études au microscope à balayage électronique (Absi et al. 1992). L’abfraction (lésions cunéiformes) est souvent observée dans la région cervicale chez les patients plus âgés (Brady & Woody 1977; Graehn et al. 1991). Cette forme de lésion non cariogène des substances dentaires dures peut également provoquer une mise à nu des surfaces de la dentine et, ainsi, une hypersensibilité. Les facteurs à l’origine de l’apparition de ces lésions, restent cependant encore relativement méconnus. On suppose que ces lésions sont dues à une surcharge occlusale qui provoque des micro-fractures dans la région cervicale, qui, au fur et à mesure qu’elles évoluent, parfois également en raison de l’effet du brossage des dents, entraînent une dislocation du tissu dentaire dur (Brady & Woody 1977; Lee & Eakle 1996). Le taux de prévalence des lésions cunéiformes est estimé entre 5 et 50 %. Une augmentation de ce chiffre devrait être observée avec le vieillissement (Brady & Woody 1977; Graehn et al. 1991). Sur le plan clinique, la lésion cunéiforme est localisée sur les surfaces vestibulaires et se caractérise par ses bords acérés. La mise à nu des surfaces de la dentine peut également être provoquée par la récession gingivale. En raison de la perte rapide de la couche de cément radiculaire mis à nu due à sa faible résistance aux acides, la dentine se retrouve alors découverte, et exposée à des stimulis douloureux. Outre l’inadéquation de l’hygiène orale déjà décrite (mauvais brossage des dents), des causes iatrogènes, comme les traitements parodontaux (détartrage, chirurgies parodontales, etc.), les affections parodontales aigües ou chroniques et les trauma occlusaux peuvent également être des causes potentielles (Dowell & Addy 1983). Les résultats d’études menées sur des patients parodontaux traités ont démontré une corrélation positive entre l’hypersensibilité de la dentine et la réalisation d’un traitement parodontal (Wallace & Bissada 1990). Le taux de prévalence de l’hypersensibilité de la dentine est beaucoup plus élevé chez les patients souffrant de problèmes parodontaux que chez les autres patients (Chabanski et al. 1996). En outre, les appareils dentaires utilisés pour les remplacements dentaires ou les bords des prothèses peuvent provoquer une mise à nu de la surface radiculaire. La PROPHYLAXIE Infos La dentine peut être reproduite tout au long de la vie et, contrairement à l’émail, est un tissu dur vital moins minéralisé. La partie inorganique se compose de 70 % en poids d’hydroxyapatite; la fraction organique représente 20 % en poids, et est principalement composée de fibres de collagène et de prolongements odontoblastiques, le reste étant de l’eau. La pulpe dentaire est entourée par la dentine, avec laquelle elle forme une unité fonctionnelle. La dentine est recouverte coronairement par l’émail et, dans la zone radiculaire, par le cément, qui, selon la position et la structure, est divisé à nouveau de manière coronaire en cément acellulaire et fibrillaire et, de manière apicale et dans la zone de bi- ou tri-furcation, en cément cellulaire/fibrillaire (Schröder 1987). Les tubules radiaux de la dentine, situés entre la pulpe dentaire et la périphérie, sont caractéristiques de la dentine. Sous la jonction dentino-pulpaire se trouvent les corps cellulaires d’odontoblastes, qui, par leurs prolongements, pénètrent dans ces tubules remplis de liquide et partiellement dans la dentine périphérique coronaire dans la zone de jonction amélo-cémentaire. Le tubule dentinaire contient un liquide transparent qui contient des protéines, également appelé fluide dentinaire, et qui est soumis à une légère pression externe d’environ 25 à 30 mmHg (Mitchem & Gronas 1991). Le nombre et le diamètre des tubules de la dentine diminuent au fur et à mesure que l’on passe de la pulpe à la zone de jonction amélo-dentinaire (Mjor & Nordahl 1996; Marshall et al. 1997), tout comme le nombre de tubules, qui diminue de la zone coronaire à la zone apicale. Par conséquent, on en compte environ 45000 à 65000 par mm2 dans la zone située à la jonction pulpo-dentinaire, avec un diamètre de 2 à 4 µm, ce qui correspond à une proportion d’environ 80 % de tubules dans la dentine qui entoure la pulpe (Mjor 1979; Garberoglio & Braennstroem 1976). Jusqu’à la jonction amélo-dentinaire, le diamètre des tubules diminue jusqu’à atteindre environ 1 µm, et leur nombre total diminue jusqu’à 16000 à 20000 par mm2. Par conséquent, la proportion en pourcentage dans cette zone n’est que de 4 % environ (Marshall et al. 1997). La dentine provient des papilles dentaires et est, d’un point de vue embryologique, d’origine ectodermique. Elle se forme tout au long de la durée de vie d’une dent. Les formes suivantes de la dentine se distinguent chronologiquement: W La dentine primaire correspond à la dentine qui se forme jusqu’à la fin de la croissance radiculaire. W La dentine secondaire correspond à la dentine qui s’accumule dans des conditions physiologiques après la fin de la croissance radiculaire. Numéro 2012 50 Hypersensibilité dentinaire W La dentine tertiaire se forme sous l’effet d’influences externes (attrition, caries, préparation coronaire, trauma, érosion) suite à la défense de la pulpe («dentine réactionnelle»). Une dentine hypersensible présente des diamètres de tubules plus ouverts et plus grands (Pashley 1992). En raison de la géométrie, avec le doublement du diamètre des tubules, le fluide tubulaire se déplace 16 fois plus (Garberoglio & Braennstroem 1976). Une boue dentinaire (“smear layer“) se développe après un traitement mécanique de la dentine à l’aide d’instruments manuels ou rotatifs, et se présente sous la forme d’une couche rugueuse/grasse qui contient des cristaux d’hydroxyapatite et du collagène partiellement dénaturé (Pashley 1984; 1992). L’épaisseur de la couche de boue dentinaire se situe entre 1 et 5 µm. La boue dentinaire est si fermement liée à la dentine sous-jacente qu’elle ne peut être décollée à l’aide d’un jet d’eau (Braennstroem 1984; Pashley et al. 1993). De plus, la boue dentinaire pénètrant dans les tubules de la dentine est appelée «bouchon dentinaire» (smear plugs) (longueur moyenne de 1 à 2 µm). Ces bouchons peuvent également pénétrer à plus de 10 µm dans les tubules (Heymann & Bayne 1993; Pashley 1990). Ils fonctionnent comme des pansements biologiques, étant donné qu’ils réduisent le débit du fluide dans les tubules dentinaire, ce qui entraîne une diminution de la perméabilité dentinaire pouvant aller jusqu’à 86 %, et permet de protéger la pulpe contre des stimulations externes (Pashley 1992). Cette protection biologique, malheureusement, ne dure que peu de temps, parce que cette boue dentinaire n’est pas résistante ni aux acides ni à l’hydrolyse (Nakabayashi & Bonding 1996). Théories de conduction de stimuli au sein de la dentine Il existe trois théories reconnues sur la conduction des stimuli au sein de la dentine, qui diffèrent par leur hypothèse de type de récepteur: W Théorie hydrodynamique selon Braennstroem (Braennstroem 1963) W Théorie de la conduction directe (Byers & Dong 1983; La Fleche et al. 1985) W Théorie de la transduction (Byers & Dong 1983) Toutes les théories sur la conduction des stimuli au sein de la dentine reposent sur un flux laminaire au sein des tubules dentinaires dans le cadre d’un mécanisme de transfert. L’excitation résultante des terminaisons nerveuses et la transmission de la sensation de douleur au système nerveux central, cependant, n’ont pas pu être expliquées de manière concluante à ce jour (Addy & West 1994; Gillam 1995). Lorsqu’une sensation de douleur se déclenche, une réaction hyperémique se produit dans la pulpe dentaire (augmentation du flux sanguin jusqu’à 30 %) (Andersen et al. 1994), qui peut se prolonger pendant une demi-heure (Edwall et al. 1987). En guise de mécanisme de protection, déclenché par l’extravasation, le débit sortant du fluide dans les tubules de la dentine est augmenté. 06 Numéro 2012 La théorie la plus connue est la théorie hydrodynamique selon Braennstroem (1963; 1986; Braennstroem & Astrom 1972; Braennstroem et al. 1969). Les stimuli thermiques et osmotiques provoquent un changement de débit du fluide dans les tubules dentinaires et, par conséquent, produisent un hydrodynamisme dans les tubules de la dentine. Cet hydrodynamisme engendre un mouvement des prolongements odontoblastiques et l’excitation des terminaisons nerveuses libres qui les entourent. Dans des conditions physiologiques, un débit sortant ralenti du fluide présent dans les tubules de la dentine doit être observé (Mitchem & Gronas 1991), en raison de la prédominance d’une plus grande pression dans la cavité pulpaire. Le froid contracte le fluide présent dans les tubules et produit par conséquent une augmentation du débit sortant, qui provoque une douleur. La chaleur, à l’inverse, crée un flux de liquide vers la pulpe, et ne déclenche généralement qu’une douleur modérée ou rarement ressentie. La théorie de la conduction directe suppose une stimulation nerveuse directe dans les tubules de la dentine. Les fibres nerveuses sont stimulées par les changements hydrodynamiques eux-mêmes, ou par les irritations mécaniques. Dans ce modèle, les odontoblastes ne sont quasiment pas impliqués. La théorie est soutenue par la détection des fibres nerveuses sous la jonction amélo-dentinaire, à l’aide de fixation souple (Byers & Dong 1983; La Fleche et al. 1985). La théorie de la transduction suppose que l’odontoblaste lui-même fonctionne comme un récepteur et, après le stimulus approprié, transfère l’excitation aux nerfs en aval à proximité de la pulpe. Jusqu’ici, aucune connexion synaptique, aucune nexus ni aucune jonction communicante n’avait pu être trouvée; par conséquent, le trajet de transmission est inconnu jusqu’à ce jour (Byers & Dong 1983). Vue d’ensemble Afin de garantir la réussite du traitement, le diagnostic doit être correct, et doit éliminer tout diagnostic différentiel possible, et il faut maîtriser les facteurs étiologiques et les prédispositions à la DHS. Des options thérapeutiques existent, que ce soit pour un traitement à domicile ou pour un usage professionnel en cabinet dentaire. La partie 2 de cet article – dans la prochaine édition – abordera les différents mécanismes d’action et les indications précises des options thérapeutiques pour chaque patient. Dr Ulrike Stephanie Beier Medizinische Universität Innsbruck Dept. Zahn-, Mund- und Kieferheilkunde und Mund-, Kieferund Gesichtschirurgie, Universitätsklinik für Zahnersatz und Zahnerhaltung, MZA Anichstrasse 35 · 6020 Innsbruck · Autriche Dr Christian R. Gernhardt Martin-Luther-Universität Halle-Wittenberg Dept. Zahn-, Mund- und Kieferheilkunde, Universitätspoliklinik für Zahnerhaltungskunde und Parodontologie Grosse Steinstrasse 19 · 06108 Halle · Allemagne e-mail: [email protected] PROPHYLAXIEInfos Caries Epidémiologie des caries – pré-requis pour la détermination de la santé bucco-dentaire et preuves d’efficacité des mesures prophylactiques Prof Annerose Borutta, Hôpital universitaire de Jena, Allemagne Introduction Tout comme les cas de parodontite, les caries font partie des affections bucco-dentaires les plus courantes. Les études épidémiologiques, surtout si elles sont représentatives d’une région ou d’un pays en particulier, fournissent des informations intéressantes sur le niveau de santé bucco-dentaire de la population et sur les besoins en traitements à extrapoler à partir de ces données. Par la même occasion, les résultats servent également à démontrer l’efficacité des mesures de prévention et de traitement mises en place. Des études épidémiologiques bucco-dentaires représentatives menées auprès d’adultes de 35 à 44 ans, de 65 à 74 ans et auprès de 12/15 ans ont été régulièrement réalisées en Allemagne depuis 1989 dans le cadre du «German Oral Health Studies» (DMS). En outre, le «German Working Party for Adolescent Dental Care» (DAJ) a mené des études représentatives auprès d’écoliers tous les quatre ans depuis 1994/1995, auxquelles les 6/7 et les 12/15 ans ont été inclus depuis 2004. Les méthodes de ces études sont inspirées des «Oral Health Surveys – Basic Methods» (Organisation Mondiale de la Santé (OMS) 1997). Définition des termes épidémiologiques fondamentaux L’indice CAOD constitue la base de l’épidémiologie des caries. Il indique le nombre moyen de caries existantes (CD), de dents Obturées (OD) et de dents absentes après extraction à la suite de caries (AD) auprès de la population étudiée. Les données sont recueilles séparément pour les dents temporaires et pour les dents permanentes, et des minuscules (cd, ad, od) sont utilisées pour les dents temporaires. Dans tous les cas, le processus concerne les caries pour lesquelles les lésions avancées de la dentine n’ont pas encore atteint la pulpe (D3) ou ont déjà atteint la pulpe (D4). Tout comme les données relatives aux dents (recommandées par l’OMS), où chaque dent se voit attribuer un score (le plus bas) minimum, les investigations liées à la surface (caof/CAOF) offrent une description plus précise, étant donné que l’état respectif (carie, dent obturée ou dent absente) est noté ici pour la surface (s/S) de chaque dent. Les études épidémiologiques qui enregistrent le statut initial des caries en termes de lésions (D1, D2) limitées à l’émail sont encore plus précises. PROPHYLAXIE Infos Jusqu’ici, à l’exception des études du DMS menées en Allemagne, les méthodes de détection précoce des lésions carieuses étaient relativement peu reconnues. Même la détection de ces stades précoces est une innovation récente et doit constituer une composante des examens dentaires de prévention au sein du Public Health Service (OeGD), des études DAJ, et en cabinet dentaire. Situation épidémiologique chez les enfants en Allemagne Depuis des décennies, les études épidémiologiques ont permis de réduire le nombre de caries dans les pays industrialisés. Ce fait a été plus particulièrement observé sur la denture permanente des enfants et des adolescents. La comparaison sur 10 ans des études DAJ a révélé que, en Allemagne, le nombre de caries avait diminué, chez les enfants de 12 ans, de 20 % (Basse-Saxe) à 70,4 % (Baden-Wurttemberg) entre 1994 et 2004. Une diminution du nombre de caries a également été observée pour les dents temporaires, bien que dans une mesure tout à fait moindre, avec des valeurs situées entre 10,6 % (Basse-Saxe) et 35,5 % (Mecklenburg-Poméranie Occidentale) (Pieper 2004; German Working Party for Adolescent Dental Care e.V. (DAJ), Bonn 2005). Une concentration prononcée des caries a été observée parallèlement à l’énorme amélioration de la santé bucco-dentaire au cours de ces dix dernières années. Bien que la majorité des enfants et des adolescents ait une denture qui ne présente quasiment aucune carie, 10,2 % des enfants de 12 ans représentent 61,1% du nombre total de caries enregistré. 79,2 % du nombre total de caries ont été observés chez 26,8 % des adolescents de 15 ans (IDZ, Institute of German Dentists (éditeur): Quatrième étude allemande sur la santé buccodentaire (DMS IV), Cologne 2006). Ce sont souvent des facteurs sociaux, comme le manque d’éducation, le milieu socio-économique défavorable et le contexte d’immigration, qui limitent le recours régulier et préventif aux services dentaires. L’équipe de prophylaxie doit bien connaître les facteurs de risque des caries et doit savoir déceler les caries à leur stade précoce. Il s’agit de lésions blanchâtres («white spot») ou brunâtres («brown spot»), localisées principalement au niveau des sillons des molaires, ou au niveau des collets dentaires chez les enfants d’âge préscolaire et d’âge scolaire. Les caries précoces, cependant, apparaissent également chez les jeunes enfants juste après l’éruption des premières dents temporaires (Borutta et al. 2002; 2006). Ces caries sont initialement localisées sur les surfaces Numéro 2012 70 Caries palatines et labiales des incisives supérieures. Si elles ne sont pas traitées, elles peuvent évoluer très rapidement et se développer en caries impliquant d’autres dents (molaires, canines), voire même détruire la dentition temporaire. En raison de leur degré de gravité et de leur diffusion étendue, entre 7 % et 20 % (Splieth et al. 2009) des caries précoces chez les enfants sont devenues un problème de santé publique en Allemagne, nécessitant une solution urgente. Pour les équipes dentaires, cela signifie qu’il est nécessaire d’expliquer les facteurs de risques même aux futures mères, et de les inciter à emmener leurs enfants chez le dentiste pour la première fois au plus tard aux alentours de leur premier anniversaire. L’incitation et la sensibilisation à l’hygiène bucco-dentaire avec un dentifrice pour enfants contenant du fluor et les recommandations en termes d’équilibre alimentaire doivent faire partie des priorités lors de la première visite chez le dentiste. Néanmoins, en cas d’apparition de caries précoces, d’autres mesures de fluoration peuvent aider à enrayer leur progression. Un suivi régulier à titre préventif est nécessaire pour les enfants en âge scolaire, étant donné que les nouvelles dents permanentes, sont particulièrement sujettes aux caries. Le dentiste et l’équipe de soins peuvent le prendre en charge, et intégrer des mesures prophylactiques individuelles (IP I à IP V) pour l’enfant entre ses 6 et ses 18 ans. Les caries précoces peuvent se développer dans toutes les tranches d’âge. Une fois que toutes les dents permanentes sont sorties, les surfaces de contact sont fortement exposées aux risques. C’est pourquoi une attention particulière doit être apportée aux lésions précoces dans la zone proximale chez les adolescents (de 12 à 18 ans) dans le cadre d’examens dentaires de prévention. Les résultats épidémiologiques du DMS IV ont également révélé 2,1 lésions initiales pour un CAOD de 1,8 chez les adolescents de 15 ans. Il s’agit principalement (1,6 lésions) de lésions actives, qui, si elles ne sont pas traitées, peuvent se transformer en caries de la dentine (D3, D4). Ce qui est également alarmant, c’est que, en moyenne, les adolescents de 15 ans présentent deux fois plus de lésions initiales que les enfants de 12 ans (0,9 lésion), avec trois fois plus de lésions actives (1,6 lésions) que de lésions inactives (0,5 lésion) (IDZ: DMS IV, Cologne 2006). Situation épidémiologique chez les adultes Bien que la sensibilité aux caries due à différents facteurs soit très élevée chez les enfants et les adolescents, elle diminue progressivement chez les adultes. Les données des études DMS le démontrent sur le plan épidémiologique (IDZ: DMS IV, Cologne 2006; IDZ: DMS III, Cologne 1999). Une concentration peut également être observée pour cette tranche d’âge. Cependant, celle-ci, comme pour les tranches d’âge plus jeunes, repose sur la classe sociale. Seulement un quart des adultes représente la totalité des dents cariées, le reste présentant une denture dont les caries ont été traitées. En outre, 1,5 caries précoces ont été observées, parmi lesquelles 0,7 a été jugée active ou avait déjà atteint l’émail. 08 Numéro 2012 Les affections parodontales qui se produisent de manière cumulative chez les adultes et dont le degré de gravité s’accentue avec l’âge apparaissent, entre autres, en raison de la récession gingivale, qui entraîne de plus en plus la mise à nu des collets dentaires et des racines. Les surfaces exposées de la dentine ou les zones recouvertes de cément radiculaire, cependant, sont très sensibles aux caries. C’est pourquoi ces patients présentent des risques de caries radiculaires. Selon les résultats actuels du DMS IV (IDZ: Quatrième étude allemande sur la santé bucco-dentaire (DMS IV), Cologne 2006), environ 1 adulte sur 5 âgé de 35 à 44 ans a déjà développé des caries radiculaires avec un indice de carie radiculaire (RCI) (Katz et al. 1982) de 8,8. En huit ans, la fréquence des caries radiculaires a quasiment doublé. A cet égard, la prévention et le traitement sont de plus en plus indispensables. La tranche d’âge la plus fortement désavantagée en termes de santé bucco-dentaire aujourd’hui est celle des personnes âgées (65 à 74 ans). Aujourd’hui, ces personnes présentent un CAOD de 22,1 avec une moyenne de 14,1 dents extraites qui constitue la majeure proportion du CAOD. La fréquence d’extraction des dents est liée au niveau d’éducation. Les personnes âgées qui disposent d’un niveau d’éducation plus élevé présentent moins de dents extraites. Globalement, les personnes âgées (53 %) présentent la plus grande proportion de caries proximales, ce qui, par conséquent, est deux fois plus que chez les enfants de 12 ans (28,6 %) et les adolescents de 15 ans (28,9 %). Avec la diminution du nombre de dents extraites attendue à l’avenir, le risque de caries radiculaires augmente. Quasiment une personne âgée sur deux (45 %) a déjà développé des caries radiculaires. Il a été démontré, cependant, que, en ayant régulièrement recours aux services dentaires, la fréquence des caries radiculaires pouvait être réduite. Résumé L’état de santé bucco-dentaire, mesuré en termes de fréquence et de degré de gravité des caries, s’est considérablement amélioré au cours de ces 10 dernières années, plus particulièrement chez les enfants et les adolescents. Afin de maintenir cette situation, des mesures prophylactiques doivent être prises de manière cohérente. Dans le cadre de l’utilisation régulière des services dentaires, les caries précoces doivent être dans l’esprit de tous les patients, et leur évolution doit être contrôlée à l’aide de mesures efficaces. La répartition des caries chez les adultes est également en train de diminuer. Chez les personnes âgées, on peut observer une plus grande incidence des caries radiculaires, qui est déjà constatée chez les adultes aujourd’hui. Par conséquent, les futures stratégies de prévention devront se concentrer davantage sur la prévention de cette forme de caries. Prof Dr Annerose Borutta Zentrum für Zahn-, Mund- und Kieferheilkunde Universitätsklinikum Jena WHO Kollaborationszentrum «Prävention oraler Erkrankungen» Bachstrasse 18 · 07443 Jena · Allemagne e-mail: annerose.borutta@ med.uni-jena.de PROPHYLAXIEInfos Caries Comment traiter l’apparition des premières caries chez les enfants en âge préscolaire? Dr Gert Stel, Centre médical universitaire de Groningen, Pays-Bas Apparition précoce de la carie dentaire; les caries précoces de l’enfance (ECC) Les caries peuvent commencer à attaquer dès le moment où les dents temporaires font leur éruption dans la cavité orale. Plusieurs théories ont été établies quant à la manière dont les enfants peuvent acquérir une flore orale cariogène, mais celles-ci n’ont pas été concluantes. Un grand nombre de scientifiques et de dentistes s’accordent à dire, cependant, qu’une combinaison défavorable entre une forte absorption de glucides, une mauvaise hygiène bucco-dentaire et l’absence de mesures de prévention adéquates (tant en cabinet dentaire qu’à domicile) contribue à la détérioration rapide de la santé bucco-dentaire. Etant donné que les premiers signes des caries dentaires sur la dentition primaire ne sont pas toujours reconnus par les parents/les enseignants et que les premières visites chez le dentiste ont normalement lieu à un âge tardif, l’apparition précoce de caries chez les enfants est souvent négligée. Grâce à la mise en place de mesures de prévention individuelles et collectives aux Pays-Bas ces dix dernières années, l’état de la denture de la majorité des jeunes parents est satisfaisant, voire bon. Bien entendu, cela ne s’applique pas automatiquement à leurs enfants; de nombreux parents, cependant, ont tendance à considérer que leurs habitudes en matière d’hygiène bucco-dentaire n’ont pas d’effet négatif sur la santé bucco-dentaire de leurs enfants. La première visite chez le dentiste n’a généralement pas lieu tant que les caries ne se voient pas dans la cavité buccale Dans de nombreux pays (comme aux Pays-Bas), la première visite chez le dentiste pour un enfant en âge préscolaire a lieu uniquement si celui-ci se plaint d’inconfort buccal et/ou si les parents remarquent une coloration ou une carie évidente, généralement dans la zone des molaires. On ne peut pas toujours savoir avec certitude si les plaintes de l’enfant sont liées à ses dents, étant donné PROPHYLAXIE Infos que les causes d’inconfort au niveau de la zone orofaciale sont nombreuses chez les jeunes enfants. On peut citer entre autres plusieurs types d’infections dans la zone auditive et/ou les voies aériennes. Les parents et les dentistes doivent réunir les connaissances anamnestiques afin de déterminer si l’enfant présente de graves problèmes dentaires qui doivent être traités, ou si il existe d’autres causes médicales à l’origine de sa douleur et de son inconfort. Les difficultés à mâcher peuvent avoir des causes diverses, comme par exemple une pulpe nécrosée dans une molaire temporaire ou une infection ORL en cours de développement. Un examen approfondi peut révéler le problème sous-jacent. Le «feu tricolore dentaire», qui a été développé et validé par des collègues de la clinique dentaire de l’ACTA aux Pays-Bas, peut être un outil intéressant. Cet outil est basé sur le comportement objectif et validé de l’enfant. Il semblerait qu’un comportement facilement évalué par les parents, comme le fait que l’enfant pleure en mangeant, qu’il mette ses bonbons de côté et qu’il serre ses mains contre ses joues après manger, soit associé à des problèmes dentaires possibles. Ce «feu tricolore» indique que les signes précoces doivent être évalués et, si nécessaire, traités par un dentiste. Le traitement dentaire des caries initiales et des lésions carieuses profondes n’est pas si simple Des travaux de recherche indiquent que de nombreuses «premières visites» chez le dentiste se terminent par des interventions de restauration intensive ou, dans le pire des cas, par l’extraction des molaires temporaires cariées. L’enfant n’a pas d’expérience préalable du dentiste et, par conséquent, peut réagir négativement au traitement initial et/ou ultérieur. Les caries qui touchent la dentition temporaire, et plus particulièrement les zones de contact des molaires temporaires, se développent rapidement, et l’apparition des caries proximales est cliniquement difficile à diagnostiquer. En cas de mauvaises habitudes alimentaires et/ou de mauvaise hygiène bucco-dentaire, on peut supposer que, quand il y a apparition des premiers signes de déminéralisation dans les zones visibles, les zones proximales sont déjà touchées. Etant donné que la meilleure méthode de diagnostic des caries reste l’inspection visuelle confirmée par rayons X, il est nécessaire de disposer de conditions optimales pour identifier les caries, avec un soin particulier à l’examen buccal régulier. Le polissage des dents permet d’obtenir une denture propre, prête à être inspectée. Il est également recommandé d’évaluer par radiographie les caries visibles qui se forment dans la cavité buccale. Numéro 2012 90 Caries Si la lésion est profonde, mais ne provoque aucune douleur spontanée, et si il n’existe aucune indication d’affection inter-radiculaire, une approche plus conservatrice peut être recommandée en termes de traitement dentaire. Le coiffage pulpaire indirect peut être choisi après nettoyage des caries manifestes. Le fait de laisser une dentine infectée dans la zone axiale d’une cavité profonde peut être accepté uniquement en cas de possibilité d’utiliser un bon matériau d’obturation adhésif afin de fermer la cavité préparée. Dans ce cas, le fait de laisser une dentine infectée semble ne pas endommager la pulpe. Ce matériau adhésif peut être un verre ionomère ou un compomère. Le point crucial reste l’étanchéité – par conséquent, une bonne adhérence périphérique sur les bords de la cavité est absolument essentielle. Bien entendu, les dents traitées de cette manière doivent être surveillées avec soin, tant clinique que radiologique. La prévention à l’âge préscolaire Il est généralement reconnu que l’attitude des parents vis-à-vis de l’hygiène bucco-dentaire contribue de manière significative à la santé dentaire de leurs enfants. Les informations sur les affections dentaires et leur prévention sont facilement accessibles; les dentistes, cependant, ne savent pas au cas par cas si les connaissances des parents sont suffisantes pour garantir les soins de restauration ou de prévention. Si les parents disposent de plusieurs sources d’information, cela peut donner lieu à une indécision et à des conflits. Une étude publiée récemment suggérait que les parents, même si ils disposent d’informations de qualité de la part de médecins et/ou de dentistes, semblent les «traduire» en des habitudes dentaires moins bénéfiques. Il est recommandé d’inciter les parents et les enfants, même précocement, à se rendre en cabinet dentaire afin de mettre l’accent sur la nécessité et les effets bénéfiques des mesures de prévention. Bien entendu, des informations écrites, adaptées à la situation et remises à la fin de la visite, sont indispensables. Les aspects nutritionnels doivent être bien entendu expliqués, mais également, l’usage correct des fluorures! L’utilisation de produits contenant du fluor à domicile (dentifrices pour enfants présentant des concentrations adaptées en fluor, soit 500 ppm pour les moins de 6 ans et 1 200 à 1 400 ppm pour les tranches d’âge plus élevées et les patients à risques) et de fluorures à usage professionnel peut contribuer à améliorer l’état de la dentition (primaire) des enfants. Les intervalles de rappel doivent être planifiés individuellement et une attention particulière doit être apportée à la qualité de l’hygiène bucco-dentaire. Si le niveau d’hygiène bucco-dentaire semble diminuer, l’intervalle de rappel doit être ajusté en conséquence. 10 Numéro 2012 Le dentiste doit se focaliser sur la triade «nutrition», «hygiène bucco-dentaire» et «mesures de prévention». Etant donné que chacun de ces facteurs peut contribuer à la prévention des caries, ceux-ci doivent être évalués par le dentiste et, si nécessaire, pris en charge. Et non pas une seule fois, mais de manière régulière et individuelle, selon la situation familiale de l’enfant. Aux Pays-Bas, l’organisation Ivory Cross a récemment publié une nouvelle recommandation à l’attention des dentistes généralistes, qui contient ces trois points et se concentre sur la prévention individualisée. Le principal objectif des dentistes doit être d’évaluer l’état de santé dentaire des bébés et des enfants en âge préscolaire le plus tôt possible, étant donné que les premiers signes des ECC sont souvent négligés ou mal interprétés. En outre, le risque de caries doit être évalué de manière individuelle, et les mesures de prévention doivent comprendre des informations nutritionnelles, des recommandations individuelles en termes de santé bucco-dentaire, et des mesures de prophylaxie adaptées. Ces dernières comprennent l’élimination de la plaque à domicile et l’utilisation d’un dentifrice au fluor. Dans l’éventualité où ces mesures fondamentales s’avèreraient moins efficaces voire inefficaces, une application de fluorure plus intensive devra alors avoir lieu. Cela peut passer par une application professionnelle de vernis fluorés topiques à fortes concentrations en fluor, et/ou de produits spéciaux à plus forte teneur en fluor. Les opinions divergent quant aux concentrations nécessaires en fluor pour ces produits. On peut supposer, cependant, que, à cet égard, le dentiste peut généralement se baser sur les directives nationales de son association professionnelle. La coopération entre les médecins et les dentistes Au sens le plus général, un enfant en âge préscolaire a davantage de contacts avec des médecins qu’avec des dentistes. Afin de garantir que l’augmentation du risque de caries chez un enfant est également perçue par les médecins, l’accent doit être davantage mis sur la reconnaissance des anomalies dentaires et/ou des problèmes potentiels lors de la formation des médecins généralistes. A l’inverse, le programme dentaire peut également prévoir plus de temps pour la médecine pédiatrique. Par conséquent, les dentistes comprendront mieux les effets dentaires potentiels des affections globales et/ou des interventions médicales réalisées par des médecins généralistes ou des pédiatres. Dr Gert Stel University Medical Center Groningen Center for Dentristy and Oral Hygiene Antonius Deusinglaan 1, FB 21 9713 AV Groningen · Pays-Bas e-mail: [email protected] PROPHYLAXIEInfos Santé bucco-dentaire Recommandations en termes de produits de soins bucco-dentaires à destination des personnes âgées dans les maisons de retraite Dr Luc De Visschere et Prof Jacques Vanobbergen, Université de Gand, Belgique Santé bucco-dentaire et personnes agées L’augmentation proportionnelle de la population vieillissante est indubitablement l’un des évènements les plus importants de l’évolution récente de notre société. La qualité de vie, et en particulier la qualité de vie reliée à la santé bucco-dentaire, d’une grande partie des personnes âgées, constitue une véritable préoccupation. Le groupe de population constitué par les personnes âgées se caractérise par une grande diversité. Les adultes plus âgés représentent une combinaison complexe et l’expression des prédispositions génétiques, des modes de vie, de la socialisation, de l’environnement, du bien-être et de l’éducation de chacun. Cette diversité s’observe principalement à travers l’état de santé, y compris l’état de santé bucco-dentaire. Par rapport aux autres tranches d’âge, l’hétérogénéité en termes de dépendance fonctionnelle est indiscutablement plus importante chez les 65 ans et plus. Les principaux facteurs responsables de cette hétérogénéité sont: les antécédents comportementaux de la personne, l’effet cumulatif des facteurs de risque, l’augmentation de la co-morbidité, et la polymédication fortement liée. En raison de l’effet de réciprocité de la santé globale sur la santé bucco-dentaire, il est important que ces deux éléments restent optimaux le plus longtemps possible. Les maladies systémiques affectent la santé bucco-dentaire, et inversement (Seymour et al. 2007; Rautemaa et al. 2007). De nombreux médicaments ont également un effet négatif sur la santé bucco-dentaire, en induisant une xérostomie, une hyposalivation, des lésions des muqueuses, et des troubles de l’hémostase (Ciancio 2004). En outre, plusieurs aspects de la santé bucco-dentaire affectent la qualité de vie et le bien-être général (Tsakos et al. 2006; Kandelman et al. 2008; Marino et al. 2008). La santé bucco-dentaire influence la mastication, le choix des aliments, le poids, la parole, le goût, l’hydratation, l’apparence, et le comportement psycho-social, et est donc préoccupante non seulement pour les personnes âgées elles-mêmes, mais également pour leur entourage et les prestataires de soins (Nordenram et al. 1994; Nitschke & Mueller 2004; Ikebe 2006; 2007). Le principal facteur qui permet d’engendrer et de maintenir une bonne santé bucco-dentaire passe par des soins bucco-dentaires quotidiens, afin d’éliminer la plaque dentaire, principalement composée de germes PROPHYLAXIE Infos pathogènes Gram-négatifs (Hancock & Newell 2000, 2001; Attin & Hornecker 2005). Au cours de ces dernières décennies, l’augmentation significative des soins buccodentaires a permis d’améliorer considérablement la santé bucco-dentaire. Bien qu’un grand nombre de patients constate l’effet positif d’une approche plus préventive, principalement basée sur ses propres soins, des groupes à risques importants ont été identifiés, et pour lesquels une approche plus ciblée est nécessaire. Outre les dentistes et les hygiénistes dentaires, les infirmières jouent également un rôle très important dans l’entretien de la santé bucco-dentaire des personnes âgées, et dans la continuité des soins pour la tranche d’âge la plus dépendante. Les infirmières s’occupent souvent de la coordination, du soutien et de l’exécution des tâches liées aux soins bucco-dentaires (Boyle 1992; Wardh et al. 2000; Brady et al. 2006). Ces compétences impliquent des connaissances précises, une attitude positive et des compétences adaptées. Un grand nombre d’études quantitatives et qualitatives révèlent que le manque de connaissances, l’inadéquation des attitudes et des compétences, le manque de temps, le manque de personnel et le manque de coopération de la part des résidents constituent des obstacles importants à la bonne santé bucco-dentaire chez les personnes âgées placées en institutions, et en particulier chez celles atteintes d’un syndrome de démence. Il existe un fossé entre la volonté des prestataires de soins d’optimiser la santé buccodentaire et l’état de la santé bucco-dentaire observé chez les personnes âgées placées en institutions. Afin d’éliminer ce fossé et d’optimiser les soins bucco-dentaires, il est nécessaire d’étudier plus en détail les aspects liés à la mauvaise hygiène dentaire et aux soins bucco-dentaires inadaptés. Par conséquent, de nouvelles stratégies doivent être développées afin de promouvoir une santé bucco-dentaire optimale. L’introduction de modes de soins innovants est largement reconnue comme un processus complexe (Tannahill 1985). La plupart des experts en amélioration de la santé bucco-dentaire mettent l’accent sur l’importance de la compréhension du problème, du groupe cible, de sa composition, et des obstacles à surmonter afin de développer des stratégies de changement plus efficaces (Grol 1997; Rashidian et al. 2007; Shiffman et al. 2004). Lorsqu’il s’agit de lancer de nouveaux modes de soins, il est important d’étudier les facteurs déterminants qui peuvent faciliter ou entraver le processus de mise en oeuvre (Grol & Wensing 2006). Numéro 2012 11 Santé bucco-dentaire Projets AMOR et ABRIM En Flandre (Belgique), deux projets de promotion des soins bucco-dentaires ont été planifiés et développés: le projet AMOR1 et le projet ABRIM2. Ces deux projets ont été soutenus par GABA International. Ils avaient pour but d’améliorer l’hygiène buccodentaire et d’influencer l’attitude des prestataires de soins vis-à-vis des soins bucco-dentaires. AMOR comprenait la mise en oeuvre non-supervisée d’un guide d’hygiène bucco-dentaire, et le projet ABRIM incluait la mise en oeuvre supervisée d’un «protocole de soins bucco-dentaires», basé sur les consignes développées par l’association hollandaise des infirmières de ville (De Visschere et al. 2010). Différents aspects des deux projets ont été évalués par des méthodes d’évaluation quantitatives des effets, et des méthodes d’évaluation qualitatives des processus (van der Putten et al. 2010; De Visschere et al. 2009; 2010). Dans le cadre du projet AMOR, la mise en oeuvre a été introduite au début de la période de 5 ans prévue, et a été soutenue par une seule visite annuelle à l’occasion de l’évaluation des impacts. Dans le cadre du second essai (ABRIM), la mise en oeuvre a été supervisée pendant une période d’étude de 6 mois. L’intervention du projet AMOR a consisté en: une session de présentation (1 h) avec le directeur de l’institution, qui a expliqué les motifs et la procédure de l’intervention, la nomination des infirmières agréées en tant qu’organisatrices des soins bucco-dentaires, et chargées de la procédure de mise en oeuvre dans leur secteur; une session de formation théorique et pratique d’une demijournée destinée à l’ensemble des coordinateurs de soins nommés, qui ont du à leur tour former les autres infirmières, les infirmières auxiliaires et les assistantes (principe de formation des formateurs); une évaluation orale de l’ensemble des nouveaux arrivants, réalisée par les coordinateurs de soins qualifiés à l’aide de nouveaux formulaires d’évaluation; un «plan d’hygiène bucco-dentaire personnalisé», préparé par les coordinateurs de soins qualifiés, en prenant en compte les besoins en soins bucco-dentaires des résidents indiqués sur l’évaluation orale, et le niveau de dépendance des résidents. Le protocole d’hygiène orale décrivait clairement les instructions de brossage des dents, des tissus mous et des prothèses dentaires, et l’intégration du «plan d’hygiène bucco-dentaire personnalisé» aux soins quotidiens, qui doit être réalisé par l’ensemble des prestataires de soins impliqués dans ces soins quotidiens. Dans le cadre du projet ABRIM, une équipe de soins bucco-dentaires a été créée, composée d’un chef de projet au niveau de l’institution, d’au moins 2 organisateurs de soins (infirmières ou infirmières auxiliaires) par secteur, d’un médecin, et éventuellement d’un ergothérapeute 1 Les soins buccaux chez les personnes âgées en centre d’hébergement et de soins (maisons de soins) 2 Mise en oeuvre supervisée d’un «Guide des soins bucco-dentaires» 12 Numéro 2012 Fig. 1: Investigateur au cours d’une session de formation d’une équipe de soins bucco-dentaires (projet ABRIM) ou d’un orthophoniste. La mise en oeuvre du guide a été supervisée par un investigateur (premier auteur) assisté d’un hygiéniste dentaire, et a compris la même intervention que celle utilisée dans le cadre du projet AMOR. Du matériel et des produits de soins bucco-dentaires ont également été mis à la disposition de chaque résidant gratuitement, et des visites de suivi ont été organisées par l’investigateur toutes les 6 semaines, avec le chef de projet et les organisateurs des soins, afin de suivre le processus de mise en oeuvre et d’étudier les problèmes. Au bout de 5 ans (projet AMOR), les niveaux de plaque dentaire (> 1,5) et les niveaux de plaque sur les prothèses dentaires (> 2) ont révélé qu’un grand nombre de personnes âgées frêles étaient incapables de se brosser correctement les dents ou les prothèses dentaires, et ne recevaient aucune aide. Néanmoins, les raisons pour lesquelles la plupart des infirmières et des infirmières auxiliaires n’ont pas réussi à prodiguer les soins buccodentaires chez les résidents restent sans explication dans le cadre de cette approche quantitative. Des facteurs confondants importants ont été découverts, liés à l’intervention (variable indépendante) et aux niveaux d’hygiène orale (résultat). La capacité du centre d’hébergement et de soins et la présence de dentifrice ont été corrélées avec les niveaux de plaque sur les prothèses dentaires, tandis que le degré de dépendance des résidents et la présence de bains de bouches ont été liés aux niveaux de plaque dentaire. Il semble que, tant que le résident était capable de se brosser correctement les dents, le problème de l’hygiène orale était minime. Mais, dès que le résidents est devenu plus vulnérable et dépendant des soins, l’hygiène orale des dents naturelles a rapidement décliné, et a du être prise en charge par les prestataires de soins. En fait, les prestataires de soins étaient généralement capables de nettoyer les prothèses dentaires des résidents, mais pas leurs dents naturelles, comme cela a été mentionné de manière anecdotique au cours du feedback. Le protocole d’hygiène orale a été mis en oeuvre dans des conditions réelles au sein d’un centre d’hébergement et de soins. Par conséquent, certains facteurs confondants ont été difficiles à contrôler, comme la rotation importante du personnel et la difficulté à contrôler le respect du protocole au sein du centre de soins. Un effet PROPHYLAXIEInfos Santé bucco-dentaire de nouveauté et effet Hawthorne ont été observés, selon lesquels le nouveau protocole de soins a entraîné un avantage initial qui s’est étiolé au fil du temps. A l’inverse, dans le cadre de l’effet Hawthorne, le groupe d’intervention et le groupe de contrôle ont tiré profit, directement ou indirectement, de leur participation à l’étude. Les niveaux de plaque dentaire sur les dents et les prothèses dentaires de référence observés dans le cadre du projet ABRIM ont été moins élevés par rapport à ceux du projet AMOR, ce qui témoigne d’une certaine évolution. Néanmoins, le niveau de plaque dentaire sur prothèse dentaire a été amélioré grâce à la mise en oeuvre supervisée, malgré un avantage inférieur à ce qui était attendu. L’intervention a été plus satisfaisante sur la plaque des prothèses dentaires, puis pour la plaque sur la langue et les dents. Une grande différence a été observée entre les différents centres d’hébergement et de soins pour tous les niveaux de plaque. L’institution a pu justifier la quasi majorité des différences de niveaux d’hygiène au cours de la période expérimentale. En outre, l’effet Hawthorne et/ou l’effet de nouveauté peut avoir eu un impact positif sur les niveaux d’hygiène, en particulier au début. Cela a été expliqué par la tendance à mieux se comporter lors de la participation à une expérience, entraînant une amélioration à court terme du résultat escompté. L’analyse des différences entre les groupes d’intervention et de contrôle a en outre conduit à l’hypothèse que les caractéristiques individuelles des institutions avaient influencé les résultats. La complexité de ces caractéristiques a empêché l’analyse quantitative de leur impact sur les différents niveaux de plaque, d’où l’approche qualitative menée dans le cadre d’autres recherches. Fig. 2: Investigateur proposant une formation aux soins bucco-dentaires sur site (brossage de la langue) Conclusions La mise en oeuvre d’un protocole d’hygiène buccodentaire n’a pas répondu à toutes les attentes. Les niveaux de plaque observés lors du suivi sont restés insatisfaisants dans le cadre des deux études, ce qui démontre la difficulté à obtenir et à maintenir des niveaux d’hygiène bucco-dentaire adéquats chez les personnes âgées placées en institution spécialisée. Les facteurs d’influence au niveau des individus et des institutions ont été étudiés afin de trouver des explications logiques à ces résultats décevants. Des analyses de données quantitatives ont clairement démontré que tous les facteurs d’influence PROPHYLAXIE Infos individuels étaient surpassés par l’institution, en particulier dans le cadre de l’étude ABRIM. Ce phénomène doit être pris en compte lors du développement des stratégies de mise en oeuvre futures. L’analyse de données qualitatives a démontré que le protocole d’hygiène bucco-dentaire lui-même avait été bien accepté par les infirmières. Cela indique que ce protocole peut être diffusé plus largement, en prenant en compte certaines adaptations nécessaires. Des preuves supplémentaires doivent être recueillies à l’aide d’autres recherches de façon à étayer les conseils en matière d’hygiène bucco-dentaire et à étendre leur usage clinique. A l’inverse, il semble que certains éléments de la procédure de mise en oeuvre aient été appliqués de manière insuffisante et inappropriée. Deux inconvénients majeurs ont été observés : l’insuffisance de la formation des infirmières et des infirmières auxiliaires en interne, et la réticence à utiliser l’évaluation périodique des effets en interne, en décrivant les procédures. Recommandations En prenant en compte les résultats des projets AMOR et ABRIM, certaines recommandations peuvent être formulées afin de soutenir les centres d’hébergement et de soins qui souhaitent se lancer dans la mise en oeuvre d’un protocole d’hygiène bucco-dentaire. Avant de lancer un tel protocole, les attitudes et les perceptions des infirmières en terme de santé buccodentaire doivent être évaluées dans chaque service. Cette évaluation peut passer par des entretiens en face à face à l’aide de questions ouvertes basées sur le modèle de classification (Fig. 3) afin de déceler les obstacles et les facteurs favorables. Par conséquent, les résultats obtenus doivent orienter les stratégies de mise en oeuvre, y compris le contenu et la fréquence des sessions de formation théorique et pratique au niveau de l’institution et de chaque service. Les sessions de formation doivent anticiper de manière déterminée les attitudes et les perceptions du personnel impliqué dans les soins quotidiens. La procédure de mise en oeuvre doit être supervisée, orientée de manière active, et suivie en continu par un professionnel des soins bucco-dentaires. Afin de respecter cette recommandation, la participation d’un dentiste, d’un hygiéniste dentaire ou de tout autre auxiliaire est recommandée. Des évaluations internes de l’état de santé buccodentaire des résidents et des processus en cours doivent être effectuées de façon périodique afin de suivre l’évolution de la mise en oeuvre. Un suivi et un feedback externes supplémentaires par un professionnel des soins bucco-dentaires sont également recommandés. Afin de répondre aux besoins des résidents en matière de soins bucco-dentaires, de nouvelles initiatives faisant appel à du matériel dentaire mobile doivent être mises en place afin d’offrir les soins nécessaires, et de soutenir les procédures de mise en oeuvre et les prestataires de soins bucco-dentaires dans les centres d’hébergement et de soins. Numéro 2012 13 Santé bucco-dentaire Organisation Infirmières Résidents Charge de travail Charge de travail importante Prise de conscience en matière de santé bucco-dentaire Importance Degré de dépendance Mobilité Basé sur l’expérience personelle* Palliatif Manque de temps (week-end) Moment de soins bucco-dentaires Prise de conscience Priorité Communication Poste à temps partiel* Vos commentaires Incapacité Cognition Lien social Connaissances et compétences Communication Précision Observance Manque de volonté Humeur Indifférence Conservation des anciennes habitudes Évaluation des effets en interne Education Communication Attitude en matière de santé bucco-dentaire Responsabilité Autodétermination* Volonté Attitude vis-à-vis de la santé bucco-dentaire Négative / positive Scepticisme Résignation Conscience Empathie Actions Brossage des dents/ des prothèses dentaires* Faisabilité Peur Absence de coopération Absence de soins bucco-dentaires délivrés* Gratitude Formation Mise en œuvre Implication de l’étude Santé bucco-dentaire Problèmes Notables* Niveau de gravité des conséquences Dégoût Perte de mémoire Paresse Négligence Tendance à l’acquiescement* Soins bucco-dentaires en fonction des demandes Repos sur les autres Résignation Esprit d’équipe Manque de réflexion * Nouveaux obstacles révélés par le projet ABRIM; l’italique indique une incohérence entre les personnes interrogées. Fig. 3: Modèle de classification des obstacles et des facteurs favorables à l’intégration des soins bucco-dentaires aux soins quotidiens 14 Numéro 2012 Dr Luc De Visschere Université de Gand · Service de Dentisterie communautaire et de Santé dentaire publique De Pintelaan 185 · 9000 Gand · Belgique e-mail: [email protected] PROPHYLAXIEInfos Erosion Coup de projecteur sur une alimentation saine (pour les dents): les aliments acides! Dr Gerta van Oost, Dormagen, Allemagne Une alimentation saine pour des dents saines Une alimentation équilibrée contenant des céréales, des légumes (crus ou cuits), des fruits frais, des produits laitiers, du poisson, de la viande et des œufs, des noix ou des graines, des huiles et des boissons, et surtout de l’eau, est indispensable au maintien d’une bonne condition physique. Les nutriments, comme les hydrates de carbone et les fibres alimentaires, les acides gras, les minéraux, les vitamines et les matières végétales secondaires que l’on trouve dans les aliments, sont indispensables à la croissance physique et une bonne santé. L’eau et les boissons représentent la moitié de l’apport total quotidien et même plus les jours de chaleur en été où les besoins hydriques sont élevés. Il doit être compris entre 1500 et 2000 ml par jour. Parmi les aliments d’origine végétale, les produits complets, les légumes et les fruits jouent un rôle préventif déterminant. Le lait, en particulier les produits laitiers fermentés comme le yaourt, le képhyr et le lait caillé sont parmi les aliments d’origine animale les plus importants pour la santé. La viande, le poisson et les œufs ne représentent que 7 % environ de la consommation journalière. Chez un adulte, l’apport journalier en aliments recommandés peut, par exemple, être constitué des éléments suivants: 150 à 300 g environ de pain / produits à base de céréales, 150 à 250 g de pommes de terre / riz /pâtes, 650 à 800 g de légumes et de fruits, 250 à 300 g de produits laitiers, 100 à 150 g de viande /poisson /œufs, 25 à 45 g d’huile ou de matière grasse, soit au total 1500 à 2000 g, soit la quantité de liquide recommandée. Nous consommons les aliments ci-dessus généralement en trois principaux repas et deux collations. Le nombre de repas dépend de l’âge, du poids corporel, de la profession, des loisirs ou des maladies. Chez un adulte en bonne santé, il est conseillé de faire 3 repas par jour, ce qui est idéal également pour la prophylaxie dentaire. Les enfants ont besoin de deux collations supplémentaires. Un verre d’eau doit être consommé à chaque repas. Les repas principaux et les collations doivent comprendre en priorité un aliment d’origine végétale. Un accompagnement rassasiant, comme le pain, les pommes de terre, le riz ou les pâtes, doit figurer à chaque repas principal. Parmi les collations recommandées, on peut citer les yaourts (aux fruits ou natures), les pommes, les noix ou le pain accompagné de fromage. Les aliments sucrés doivent être consommés de façon exceptionnelle. En revanche, tout ce qui est bon pour l’organisme n’est pas forcément bon pour les dents, en particulier en cas de mauvaises habitudes alimentaires ou d’erreurs nutritionnelles. Il convient d’appliquer quelques «règles de comportement» en matière de prophylaxie buccodentaire. Le facteur de risque acide Une portion quotidienne de fruits et de légumes est indissociable d’un style de vie moderne, performant et actif. Une alimentation légère, riche en vitamines et en Aliments et boissons acides Fruit à noyau et boissons correspondantes Agrumes et boissons correspondantes Exemples Acides aromatisants correspondants Potentiel érosif pomme, poire acide malique oui orange, pamplemousse acide citrique oui Légumes et jus de légumes tomate carotte rhubarbe acide citrique acide malique acide citrique, malique, oxalique oui oui oui oui Légumes marinés cornichons betterave acide acétique oui Légumes fermentés dans l’acide lactique chou saumuré acide lactique oui Vinaigre vinaigre de vin acide acétique oui Produits laitiers fermentés yaourt, képhir, lait caillé acide lactique non (teneur élevée en calcium) Sucreries/Confiseries bonbons acidulés bonbons gélifiés boules de gomme acide citrique vinaigre de vin oui oui acide citrique acide phosphorique oui oui acide citrique oui acide citrique oui acide acétique (malique) acide citrique/ malique acide lactique/ acétique oui acide lactique oui acide acétique oui acide carbonique non (faible capacité tampon) Thé glacé Boisson au cola Limonades Concentré de limonade Boissons énergétiques et bien-être Boissons isotoniques pour sportifs Thés aux fruits Thé kombucha Boissons aux céréales fermentées, kwas Boissons acides aux fruits Eau minérale oui oui Tableau 1: Aliments acides et acides correspondants PROPHYLAXIE Infos Numéro 2012 15 Erosion nutriments contient des fruits et des salades. Il faut éviter de consommer la salade en utilisant systématiquement des sauces toutes prêtes et du vinaigre, qui ne contiennent pas d’huile, élément indispensable d’un point de vue nutritionnel et physiologique, et qui peuvent être préjudiciables à la santé dentaire. Les agrumes, les assaisonnements prêts à l’emploi contenant du vinaigre, les jus et les boissons rafraîchissantes, les boissons allégées (même l’eau minérale aromatisée basses calories) contiennent des acides (voir tableau 1). Le citron et l’acide phosphorique, en particulier, présentent un risque élevé pour les surfaces dentaires (voir tableau 2). Valeurs de pH dans les boissons Les collations ou les confiseries acides, consommées en dehors des repas, attaquent l’émail dentaire et augmentent le risque de caries et d’érosion. Facteur de risque: consommation fréquente d’aliments et de boissons Outre le mauvais choix des aliments, les habitudes de consommation des aliments et des boissons et un comportement alimentaire perturbé jouent un rôle majeur sur les lésions dentaires. W Des collations fréquentes ne permettent pas aux dents de récupérer. W Les personnes qui ont des horaires décalés essaient de rester éveillées en consommant des boissons au cola. Jus de fruits (par ex. pomme, abricot, poire, pamplemousse, cerise, orange, raisin) Jus de citron 3,0 à 3,7 2,7 à 3,0 W Les jeunes ont toujours à portée de main des sodas. Jus de légumes (carotte, tomate) 4,0 à 4,2 Boissons gazeuses 2,5 à 3,5 W On trouve des encas, des barres énergétiques et des sodas partout dans des machines et dans les bureaux. Sodas (par ex. boissons au cola, limonades, également les boissons «allégées») 2,6 à 3,0 Boissons isotoniques (pour sportifs) 3,0 à 3,7 Journal d’un adolescent de 17 ans Eaux aromatisées (par ex., eau minérale citronnée) environ 3,3 07h00 Thé glacé 3,8 à 3,9 Eau minérale gazeuse environ 5,5 07h45 Début des cours Eau potable, selon la législation allemande sur l’eau potable environ 7,0 6,5 à 9,5 10h00 Petit-déjeuner Lait frais 6,6 à 6,8 1 Bounty 1 yaourt aux fruits 1 canette de limonade 1 cigarette Thé noir 6,5 à 7,0 12h30 Déjeuner Café 5,2 à 5,6 1 portion de frites 1 grosse saucisse grillée Ketchup et mayonnaise 1 canette de coca 1 canette de limonade 1 cigarette 14h30 Pause café (et entre temps) 2 cigarettes 2 canettes de coca allégé 16h00 Fin des cours W Les confiseries permettent de remplacer un vrai repas au bureau. Lever 07h15 1 cigarette 1 canette de coca Tableau 2: valeurs de pH de boissons courantes Le potentiel érosif des aliments dépend non seulement des acides qu’ils contiennent, mais également du pH (plus le pH est bas, plus le risque d’érosion est élevé), la capacité tampon (plus la capacité tampon est élevée, plus le risque d’érosion est élevé) et la concentration en ions calcium/phosphate (plus la concentration est élevée, plus le risque d’érosion est faible). Vous trouverez des détails précis sur chaque aliment et médicament dans le document suivant: Lussi et al.: analysis of the erosive effect of different dietary substances and medications Br J Nutr (2001). 16 Numéro 2012 Brossage des dents 16h15 2 sandwiches 2 verres de jus de pomme 19h00 1 grande pizza 2 verres de jus d’orange 1 verre de coca 3 cigarettes 23h00 Bain, brossage des dents, coucher PROPHYLAXIEInfos Erosion Conseil d’un expert en diététique Quelle alternative proposer? Quels aliments sont sains, plaisant et sans inconvénient pour les dents? Repas Le slogan du Plan National Nutrionnel Santé (PNNS) français et de la société allemande de nutrition «5 fruits et légumes par jour» & «5 par jour» pourrait être un objectif pour chacun. 5 portions de fruits et légumes par jour en faisant attention si pris avec des aliments acides, réparties en trois repas ou prises comme collation (fruits frais par exemple). Boissons Règles de base à appliquer: l’eau potable est l’élément le plus important et le plus sain d’un point de vue santé générale et santé dentaire. Le café et le thé (noir ou vert) consommés en modération contribuent de façon similaire à la satisfaction des besoins hydriques. En termes de prophylaxie dentaire, les infusions sont inoffensives mais certains thés aux fruits rouges par exemple sont extrêmement acides. Les boissons pour sportifs destinées aux athlètes sont à réserver aux sportifs en compétition. Si les boissons jouent le rôle principal dans la perte de tissu dentaire par acide, un simple changement des habitudes de consommation liquide est généralement suffisant. A cause de leur pH acide, vous ne devez pas consommer les jus et sodas, par petites gorgées répétées, réparties dans la journée, aussi rafraichissantes semblent-elles, tout particulièrement quand elles contiennent des sucres rajoutés. Cette consommation représente pour vos dents une attaque acide et un risque pour la carie ou l’érosion à chaque prise. Les jus de fruits du commerce peuvent être jusqu’à 5 à 8 fois plus érosifs que le fruit original correspondant. C’est mieux de combiner la consommation d’aliment acide avec un aliment protecteur ou neutralisant comme les produits laitiers par exemple un yaourt ou un morceau de fromage pour terminer le repas. Préférer des aliments qui nécessitent une mastication active Tout ce qui se mâche et stimule la production salivaire est avantageux. Une pomme consommée en collation ne pose aucun problème pour les dents et des légumes crus comme les carottes sont également particulièrement adaptées. Les noix ou le fromage sont du même registre. Choisir des aliments croquants nécessitant une mastication active sont à intégrer dans votre plan diététique au moment des repas mais aussi au moment des collations. Dr Gerta van Oost Ernährungsmedizinische Kommunikation und Beratung Meerbuscher Strasse 45a · 41540 Dormagen · Allemagne Lien entre abrasion /brossage des dents et érosion Exigences pour un dentifrice adapté Judith von Hinckeldey, Alexandra Tolle, Dr Nadine Schlüter, Prof Joachim Klimek, Prof Carolina Ganss, Université Justus Liebig de Giessen, Allemagne Les érosions dentaires sont formées par l’exposition directe des surfaces dentaires aux acides, sans implication de micro-organismes (Fig. 1). Une exposition chronique aux acides provoque une perte minérale, qui évolue de l’extérieur de la surface vers l’intérieur. Lorsqu’il existe des caries initiales, la zone de la perte minérale la plus importante se trouve au-dessous d’une couche superficielle pseudo-intacte. En principe, la reminéralisation de ce type de lésion est possible grâce à ces conditions structurelles. En fait, la précipitation minérale sur la surface dentaire qui a été modifiée par l’érosion est, à l’inverse, inconcevable; les processus de reminéralisation en eux-mêmes, n’ont pas lieu. Seule une couche partiellement déminéralisée subsiste en surface (Fig. 2), avec une micro-dureté réduite (Lussi et al. 1995). Par conséquent, le tissu dentaire dur érodé est moins résistant à la perte de substance mécanique (abrasion) que les tissus dentaires durs qui ont été modifiés sans érosion. Fig. 1: Apparence clinique des érosions. Les lésions sont plus larges que profondes, concaves et plates. L’émail intact le long de la gencive est caractéristique. PROPHYLAXIE Infos Numéro 2012 17 Erosion quent une précipitation de dépôts similaires au CaF2 sur la surface des dents (Nelson et al. 1983; Øgaard 2001). Ces dépôts peuvent se dissoudre relativement facilement dans des acides dans des conditions érosives et n’offrent qu’une protection limitée contre les effets érosifs des acides (Ganss et al. 2007; 2008). Par conséquent, l’une des principales exigences pour un dentifrice anti-érosion efficace serait de créer un revêtement sur la surface des dents, qui serait plus stable que les précipités similaires au CaF2 dans des conditions érosives et abrasives. Cela pourrait être rendu possible par l’utilisation d’autres dépôts minéraux plus résistants aux acides, mais également, par exemple, en ayant recours à des biopolymères. Fig. 2: Image histologique d’un émail érodé. Les changements ultrastructurels sont comparables aux modèles de mordançages classiques et sont associés à une diminution de la dureté superficielle (Meurman & Frank 1991). Le traitement de base des caries à l’aide de fluorures est administré par le biais de dentifrices fluorés. La fluoruration par des dentifrices est considérée comme prophylaxie adéquate de l’érosion dans la plupart des cas, lorsque l’impact acide quotidien est modéré. Néanmoins, malgré ce traitement de base, des érosions cliniquement manifestes apparaissent, par exemple, chez les individus davantage exposés aux acides. On peut donc se demander quelles doivent être les critères des dentifrices destinés à ce groupe d’individus. Entre autres choses, les propriétés des dentifrices se différencient par leur abrasivité et par leurs ingrédients. La valeur REA indique l’abrasivité d’un dentifrice sur l’émail sain; la valeur RDA correspond à une mesure de l’abrasivité d’un dentifrice sur une dentine saine. Cependant, ces valeurs ne se corrèlent pas et leur rapport avec l’abrasivité sur des tissus dentaires durs modifiés par érosion, en laboratoire ou dans des conditions cliniques, n’est pas clair. Une expérience menée en laboratoire a démontré que la perte de substance par érosion/abrasion au sein de l’émail, due à l’ajout d’abrasifs dans les dentifrices, était certainement accrue par principe. Cependant aucune différence évidente entre des dentifrices à valeurs REA moyennes et élevées (Wiegand et al. 2008) et des dentifrices sans fluor présentant une abrasivité différente (Hara et al. 2009) n’a été observée. Globalement, la dentine présente une micro-dureté inférieure à celle de l’émail, et est donc par nature plus sensible à l’abrasion. Ainsi, dans le cadre de diverses études, la dentine a également révélé une corrélation entre l’abrasivité des dentifrices étudiés et le niveau de perte de substance par érosion/abrasion (Hooper et al. 2003; Wiegand et al. 2009). Par conséquent, les patients qui présentent une érosion manifeste et une dentine mise à nu doivent être sensibilisés aux dangers de l’utilisation d’un dentifrice hautement abrasif. En-dehors des abrasifs, les dentifrices contiennent différents ingrédients qui peuvent présenter divers effets. Les dentifrices classiques qui contiennent du fluor provo- 18 Numéro 2012 Les dépôts minéraux riches en étain sous la forme de composés complexes de phosphate d’étain peuvent être détectés à la surface des dents après l’application de produits bucco-dentaires qui contiennent de l’étain (Ganss et al. 2008; Schlüter et al. 2009). Ceux-ci sont beaucoup moins solubles dans les acides que les précipités similaires au CaF2 (Babcock et al. 1978). En outre, une exposition répétée aux acides due aux processus complexes de déminéralisation et de re-précipitation provoque l’incorporation de composants contenant de l’étain difficilement solubles dans les couches supérieures de la substance dure des dents (Schlüter et al. 2009). Les solutions dentaires qui contiennent de l’étain et du fluor se sont donc avérées avoir un effet supérieur à celui des fluorures classiques, en laboratoire comme dans des conditions bucco-dentaires réelles. De la même façon une meilleure efficacité anti-érosion d’un produit test contenant du fluorure d’étain a également été démontrée pour des dentifrices par rapport à un dentifrice fluoré classique (Hooper et al. 2007; Young et al. 2006). Certains dentifrices contiennent des formes nanocristallines d’hydroxyapatite. Celles-ci sont destinées à provoquer des dépôts et des processus de reminéralisation sur la surface érodée des dents, et à réparer le tissu dentaire dur. Les dépôts d’hydroxyapatite, cependant, sont reconnus comme très facilement solubles dans des conditions acides. En outre, il n’est aucunement indiqué que les formes nanocristallines présentent des propriétés différentes à cet égard. C’est pourquoi un effet protectif contre l’érosion est improbable avec les dentifrices qui contiennent ce type d’agent (Klimek et al. 2010). Le potentiel érosif des acides peut être réduit en ajoutant des biopolymères (Barbour et al. 2005; Beyer et al. 2010). Par conséquent, l’utilisation de biopolymères dans les dentifrices peut également constituer une option afin d’accroître l’efficacité de la protection contre l’érosion. Des expériences initiales ont démontré qu’un film protecteur pouvait être formé à la surface des dents et que, par conséquent, la déminéralisation érosive (Barbour et al. 2005) et la réduction de la micro-dureté étaient atténuées (Beyer et al. 2010). Récemment, différents dentifrices ont été mis sur le marché en étant identifiés par leurs fabricants comme étant particulièrement efficaces contre l’érosion/l’abrasion grâce à des ingrédients spéciaux ou une meilleure biodisponibilité du fluor. L’efficacité de certains de ces PROPHYLAXIEInfos Erosion dentifrices, dont certains ne contiennent pas de fluor, a été comparée avec celle de dentifrices classiques qui contiennent du NaF dans le cadre d’une expérience en laboratoire. Il a été démontré que, en se brossant les dents avec les dentifrices qui contiennent du NaF, la perte de substance sur la surface érodée des dents n’augmentait pas. Les dentifrices spéciaux qui contiennent du fluor, ne se sont pas avérés supérieurs aux dentifrices fluorés classiques. En revanche, les produits sans fluor qui contiennent de l’hydroxyapatite nanocristalline ont présenté une perte de substance plus importante. Des produits qui contiennent de l’étain et du fluor ont également été étudiés dans le cadre de cette expérience. Par rapport aux dentifrices qui contiennent du fluor, seuls quelques-uns de ces produits se sont avérés plus efficaces (Neutard et al. 2010; von Hinkeldey et al. 2010). Par conséquent, les dentifrices à effet spécial antiérosion peuvent être utilisés par les personnes qui consomment souvent des boissons ou des aliments éro- sifs, et par celles qui présentent déjà une érosion modérée, essentiellement en guise de mesure de prévention. Globalement, cependant, il est évident que les dentifrices actuellement présents sur le marché et qui revendiquent un effet prophylactique contre l’érosion ne sont pas supérieurs aux dentifrices classiques. Par conséquent, un produit qui allierait les effets protecteurs des dentifrices fluorés à ceux, par exemple, de l’étain, qui est actuellement le meilleur ingrédient anti-érosion, et un biopolymère, par conséquent, présenterait un meilleur effet prophylactique contre l’érosion qui pourrait être prometteur. Judith von Hinckeldey Poliklinik für Zahnerhaltung und Präventive Zahnheilkunde des Medizinischen Zentrums für Zahn-, Mund- und Kieferheilkunde Justus-Liebig-Universität Schlangenzahl 14 · 35392 Giessen · Allemagne Nouvelle approche de l’érosion dentaire Étude: la protection contre l’érosion du dentifrice contenant la technologie ChitoActiveTM Les premiers stades de l’érosion dentaire sont difficiles à percevoir par les patients et à diagnostiquer, une anamnèse dentaire et un diagnostic complets sont donc nécessaires. Un pourcentage croissant de la population est exposé aux risques de l’érosion dentaire. Cette augmentation est due en partie à des facteurs extrinsèques et à des facteurs intrinsèques. Parmi les facteurs extrinsèques, on peut citer la consommation d’aliments, de boissons et de confiseries acides. Certains médicaments et compléments diététiques peuvent également contenir des acides érosifs. Par ailleurs, les effets mécaniques, comme le brossage dentaire, peuvent intensifier la perte d’émail dentaire. Parmi les facteurs intrinsèques, on peut citer l’acide gastrique, qui atteint la cavité buccale en cas de reflux et de vomissements chroniques. De plus, une diminution de la salivation peut favoriser le développement de l’érosion dentaire. Attaques acides récurrentes Les attaques acides récurrentes peuvent ramollir, voire dissoudre, l’émail dentaire. En résulte une perte d’émail dentaire et, à un stade avancé, de dentine. Cette lésion est irréversible. Des produits spéciaux peuvent permettre d’atténuer le risque de perte d’émail dentaire. GABA a mis au point un dentifrice qui forme une couche protectrice à base d’étain sur les surfaces dentaires. Le nouveau dentifrice elmex ® PROTECTION EROSION repose sur la technologie exclusive ChitoActiveTM. Outre le chlorure d’étain et le fluorure d’amines, le dentifrice contient également le biopolymère Chitosan. Lors des attaques acides récurrentes il se produit en bouche des PROPHYLAXIE Infos composés d’étain presque insolubles qui se déposent sur l’émail dentaire ramolli. L’émail devient alors plus résistant aux attaques acides érosives ultérieures. En outre, le dentifrice offre également une protection renforcée contre la perte d’émail dentaire ramolli lors du brossage. Le nouveau dentifrice peut être utilisé tous les jours idéalement avec la solution dentaire elmex ® PROTECTION EROSION. Une étude in situ confirme l’effet protecteur Une étude clinique in situ (randomisée, contrôlée, en double aveugle) a confirmé l’effet du dentifrice. 27 sujets ont participé à cette étude en groupes croisés. Les sujets ont porté des échantillons d’émail dentaire dans la cavité buccale pendant une période de sept jours; les volontaires ont été soumis à six attaques acides par jour (hors cavité buccale) et traités (dans la cavité buccale) avec l’un des trois dentifrices testés deux fois par jour. Résultat: l’utilisation du nouveau produit donne lieu à une réduction de 47 % de la perte d’émail dentaire par rapport à l’utilisation d’un dentifrice contenant du fluorure de sodium. Numéro 2012 19 Évènements Le plus grand évènement du secteur de la parodontologie pulvérise tous les records! Près de 8000 participants présents à Vienne – Focus sur la péri-implantite Un succès grandissant et inégalé pour EuroPerio. Lorsque le premier EuroPerio s’est tenu en 1994, il ne s’agissait que d’une simple réunion de quelques experts à Paris. Depuis, ce congrès est devenu le plus gros évènement du secteur en Europe et bien au-delà de ses frontières. Pour reprendre le discours de clôture du Président du congrès, le Professeur Gernot Wimmer de Vienne/ Graz à la fin de l’évènement, ce sont près de 8000 participants issus de 90 pays qui sont venus assister à tout un panel de présentations scientifiques, de symposiums et de débats. De g.a.d. Prof Sanz, Prof Mariotti, Prof Jepsen, Prof Renvert Même si les organisateurs ont mis l’accent sur la parodontologie, les débats menés sur la péri-implantite ont suscité un vif intérêt pendant toute la durée de l’évènement. Le Président du congrès, le Professeur Gernot Wimmer, a insisté sur le fait que les organisateurs s’étaient fixés comme priorité de choisir les bons sujets. C’est pourquoi les problèmes de parodontologie ont été beaucoup plus mis en avant que l’implantologie, contrairement à ce que de nombreuses personnes auraient pu penser. Le symposium présidé par le Professeur Søren Jepsen de Bonn était sur le thème suivant: «Les 3 choses que chaque dentiste doit savoir au sujet des affections liées aux péri-implantites». Dans le cadre de sa présentation, Mario Sanz de l’Université de Madrid a examiné les facteurs de risque qui peuvent être associés aux périimplantites. Selon lui, l’inflammation est principalement de nature infectieuse, même si des causes locales et les causes liées au patient, peuvent aussi jouer un rôle. Pour le Professeur Angelo Mariotti de l’Université de l’Ohio la prévention est également très importante, et a donc figuré parmi les thèmes principaux. Pour les périimplantites dues à une inflammation d’origine bactérienne impliquant une perte osseuse – contrairement à une inflammation parodontale – aucune solution capable de stopper cette résorption osseuse n’a été trouvée à ce jour. Il est donc établi que toute mesure de prévention est préférable à un traitement. C’est la raison pour laquelle le nettoyage approfondi à intervalles définis joue un rôle essentiel. Le Professeur Stefan Renvert de l’Université de Kristianstad en Suède a conclu en présentant quelques propositions de traitement des péri-implantites. Selon lui, la protection contre les infections et la réinfection est un élément essentiel du traitement, afin d’obtenir des résultats satisfaisants. Dans le cadre de sa contribution à la partie du programme concernant les limitations des méthodes de traitement actuelles, il a présenté quelques mesures de prévention, comme l’élimination régulière du biofilm, en tant que point de départ essentiel des étapes de traitement ultérieures. Selon lui, seule cette mesure peut engendrer les résultats escomptés. A l’inverse, selon lui, le traitement adjuvant à la chlorhexidine n’apporte aucun bénéfice, pas plus que l’administration non-spécifique d’un antibiotique. Cependant, cela n’est vrai que dans une certaine mesure, selon Renvert. Dans les cas les plus avancés, l’approche non chirurgicale s’est avérée inefficace. C’est là que la chirurgie doit être considérée comme une mesure graduée. Selon lui, le traitement au laser YAG à l’erbium permet également d’obtenir de bons résultats. Il a notamment été mis en avant que, après une exposition des zones enflammées, il était courant de découvrir que la cémentite était à l’origine de la péri-implantite. Après une chirurgie, le Professeur recommande un traitement à l’azithromycine pendant 4 jours, et à la chlorhexidine pendant une durée pouvant aller jusqu’à 6 semaines! La dernière présentation menée par le Docteur Frank Schwarz, le samedi après-midi, a concerné le thème suivant: «La péri-implantite – un défi pour tout le monde: What future treatments may work?». En fait, il s’agissait d’un avant-goût du prochain congrès EuroPerio, qui se tiendra à Londres en 2015. Selon un grand nombre de rapports intermédiaires et de commentaires à propos d’études qui sont loin d’être achevées, une chose peut être affirmée: cette spécialité va continuer à susciter de l’intérêt. Inutile d’être devin pour prédire que le prochain congrès EuroPerio s’inscrira également dans cette success story. Visionnez les vidéos du symposium Colgate/GABA à l’ Europerio sur gaba.fr/europerio7 Tobias Bauer · Dentiste Hauptstrasse 42 · 78224 Singen · Allemagne e-mail: [email protected] 20 Numéro 2012 PROPHYLAXIEInfos Évènements Avant la thérapie, la prévention Prise en charge des caries dentaires des jeunes enfants – un franc succès à l’occasion du 11ème congrès de l’Académie Européenne de Dentisterie Pédiatrique (EAPD) qui s’est tenu à Strasbourg C’est sous un ciel bleu et des températures estivales qu’un public très international s’est retrouvé dans le cadre de la session annuelle conjointe de l’Académie Européenne de Dentisterie Pédiatrique, de l’Association européenne des dentistes pédiatriques et de l’organisation partenaire française, la «Société Française d’Odontologie Pédiatrique» dans la ville d’Alsace riche en tradition qu’est Strasbourg. Les sociétés Colgate et GABA, qui se sont toujours impliquées pour ces catégories d’âge, ont saisi cette occasion pour inviter le public spécialisé à participer à un symposium en marge du congrès sur la prise en charge des caries dentaires des jeunes enfants. Sous la direction de Jack Toumba de l’Université de Leeds et du Professeur Jean Jacques Morrier de Lyon, le symposium intitulé «Early Childhood Caries Management» s’est tenu devant un public nombreux et ouvert dans la plus grande salle de conférence du Palais des Congrès. De g.a.d. Prof Toumba, Prof Declerck, Prof Morrier, Dr Innes, Prof Twetman La présentation du Professeur Svante Twetman de l’Université de Copenhague portait sur l’évaluation des risques de caries chez les enfants. L’un de ses objectifs est de déterminer comment la répartition en groupes à risque et la collecte des informations les plus diverses peuvent permettre d’établir des pronostics plus précis. Ces pronostics plus précis du groupe concerné permettraient, entre autres, de fournir une aide ciblée et d’utiliser les ressources (encore) présentes de manière plus efficace. Simultanément, les dentistes traitants auraient la possibilité de garantir un suivi approprié au groupe à risque déterminé en lui prêtant une attention particulière, notamment avec une fréquence plus rapprochée des visites. Le Professeur Twetman recommande ainsi des contrôles réguliers dès le plus jeune âge. La première visite chez le dentiste peut déjà constituer la clé du succès. Les dentistes traitants doivent alors prendre en considération tous les aspects en vue d’identifier et d’évaluer les facteurs de risque. Le Professeur Twetman met l’accent sur la responsabilité du dentiste traitant, sur ses compétences et sa capacité à réévaluer correctement la situation et les besoins de soins. PROPHYLAXIE Infos Le Professeur Dominique Declerck de l’Université de Louvain s’est penchée sur la question de la réflexion critique sur l’organisation, la réalisation et l’évaluation des interventions dentaires chez les jeunes enfants et sur le projet «Smile for Life» soutenu par la société ColgateGABA, mené en Flandres (Belgique). Le travail clinique de Dominique Declerck, en qualité de Professeur en odontologie préventive à l’Université catholique de Louvain et directrice du Département des sciences buccales et de la santé, comprend le suivi dentaire des enfants exigeant des besoins de soins particuliers ainsi que les services dentaires pour les personnes appartenant à des groupes de population spécifiques tels que les personnes handicapées ou les patients ayant de faibles défenses immunitaires. L’objectif en toile de fond du projet était de déterminer quelles seraient les mesures nécessaires pour améliorer la santé buccale des jeunes enfants appartenant aux différents groupes de population. Compte tenu des groupes de personnes sélectionnés, il n’est pas difficile de comprendre qu’il ne s’agissait pas d’une tâche aisée et que les résultats ont été plutôt décevants. Cependant, cela a permis de souligner que la collecte des données dans ce domaine reste un élément très important pour l’avenir car il faudra toujours accorder une grande importance aux groupes à risque ainsi déterminés. Le Docteur Nicola Innes de l’Université de Dundee (Grande-Bretagne) s’est exprimé sur les programmes de promotion du fluor destinés aux enfants. Avec le projet «Childsmile» (www.child-smile.org), elle a donné un exemple de réussite. Grâce à ce programme, le pourcentage d’enfants écossais âgés de 5 ans ne présentant aucune carie est passé de presque 45 % en 2003 à 64 % en 2010. Par ailleurs, ces programmes de fluoration par exemple de l’eau potable ou d’autres mesures ne sont pas sans controverse. Le Docteur Innes est néanmoins convaincu que ses observations parlent clairement en faveur de leur maintien. Là encore, le suivi de certains groupes sociaux qui doivent être caractérisés comme appartenant aux groupes à risque s’avère très difficile pour mettre en œuvre des mesures d’hygiène buccales réussies. Mme Elda Moreno, en qualité de représentante de l’Union européenne et responsable des Droits de l’homme et de l’égalité des chances à Strasbourg a présenté la plateforme proposée par le Conseil de l’Europe pour les droits des enfants: «Construire une Europe pour et avec les enfants» et a démontré ainsi que le suivi et les soins des enfants représentent bien plus que de simples services dentaires. Ces considérations et ces impressions ont sans doute donné matière à réflexion à plus d’un participant sur le chemin du retour. Tobias Bauer · Dentiste · Hauptstrasse 42 · 78224 Singen · Allemagne · e-mail: [email protected] Numéro 2012 21 Santé bucco-dentaire Impact d’un programme de santé orale sur l’hygiène bucco-dentaire des personnes âgées dépendantes institutionnalisées Dr Gnagna Ndiaye et al.*, SOHDEV, Service d’Odontologie, Centre Hospitalier le Vinatier, France Introduction La santé bucco-dentaire constitue une composante essentielle de la santé et du bien-être de la personne âgée dépendante (PAD). Elle reste cependant souvent négligée lors de la planification quotidienne des soins en institution. Or, une mauvaise santé orale, associée aux modifications physiologiques et pathologiques dues au vieillissement, est un facteur de risque pour la survenue ou l’aggravation de maladies générales (respiratoires, cardiaques, diabète, dénutrition ...). Pour prévenir cette détérioration de la santé orale dans les Etablissements d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes (EHPAD), un Programme de Santé Orale (PSO) a été expérimenté dans 12 EHPAD inclus dans la cohorte ESOPAD (Etude sur la Santé orale des Personnes Agées Dépendantes en Rhône-Alpes). La présente étude vise à évaluer l’impact du PSO sur l’hygiène bucco-dentaire des participants. cohorte ESOPAD. Le PSO comprenait la sensibilisation des résidants et/ou leurs familles à l’hygiène orale, la formation du personnel soignant sur les techniques d’hygiène orale chez les PAD, la mise en place d’un protocole d’hygiène orale personnalisé avec le matériel d’hygiène orale fourni (utilisation du système méridol ® comprenant une brosse à dents extra souple, un dentifrice et un bain de bouche contenant l’association fluorure d’étain/fluorure d’amines), l’accès à des soins spécifiques par l’intermédiaire du Réseau Santé BuccoDentaire & Handicap Rhône-Alpes (Réseau SBDH-RA) et le recueil de la satisfaction des résidents. L’impact du PSO a été évalué après vingt quatre mois de suivi (1er janvier 2009 – 31 décembre 2010). A l’inclusion, l’étude a collecté les caractéristiques socio-démographiques (âge, sexe, score de dépendance AGGIR, autonomie à l’hygiène orale, fréquence du brossage des dents ou du nettoyage des prothèses dentaires) et les antécédents pathologiques. Matériels et méthode Il s’agit d’une étude de cohorte fixe et expérimentale portant sur 263 résidants institutionnalisés (fig. 1) de la Inclusion 455 Caractéristique Age Moyenne ± SD (Années) 82,7 ± 9,2 Extrêmes (années) [52,8–92,9] AGGIR* moyen ± SD 24* 1er BSO 431 1ère Période de traitement (T1) 1er BFS 2 ème BSO Sexe féminin 2,7 ± 1,3 203 (77,2 %) Antécédent médical 113* 1ère Période de suivi (P1) Valeur 318 Psychiatrique 162 (61,6 %) Cardiologique 156 (59,3 %) Neurologique 106 (40,3 %) Rhumatologique 104 (39,5 %) Diabétique 36 (13,7 %) Hygiène orale 2 ème Période de traitement (T2) 2 ème BFS 55* 2ème Période de suivi (P2) Non autonome 185 (70,3 %) Brossage 1 fois/jour ou plus 185 (70,3 %) Tableau: Caractéristiques démographiques et pathologiques des résidents à l’inclusion *AGGIR: score de dépendance 3ème BSO 263 * Décès, Changement d’établissement, refus d’examen Fig. 1: Inclusion et étapes de suivi des PAD dans la cohorte BSO: bilan de santé orale · BFS: bilan de fin de soins 22 Numéro 2012 Le suivi dans la cohorte (présentée sur la figure 1) comprenait trois Bilans de Santé Orale (BSO), deux périodes de soins (T1 et T2), deux Bilans de Fin de Soins (BFS1 et BFS2) et deux périodes de suivi (P1 et P2). Les données permettant d’évaluer l’impact du PSO ont été PROPHYLAXIEInfos Santé bucco-dentaire collectées au cours de chaque BSO; il s’agissait de l’OHI-S, du GI et de la prévalence de la plaque/tartre sur la prothèse amovible. Les indices ont été relevés sur les dents 16, 11, 26, 31, 36 et 46; à défaut, sur les dents suivantes. (GI: Gingival Index · OHI-S: Oral Health Index Simplified) Analyse statistique Le logiciel STATA11 (College Station, Texas, USA) a été utilisé et tous les tests ont été réalisés au seuil de 5 %. Le test de Wilcoxon apparié a été utilisé pour comparer la valeur d’indice (OHI-S ou GI) entre les BSO. La comparaison de la prévalence de la plaque/tartre sur la prothèse amovible a été faite par un test du Khi-2 de Mac Nemar. Résultats Discussion Bien qu’elle présente les mêmes caractéristiques que la plupart des cohortes de personnes âgées institutionnalisées, la cohorte ESOPAD reste particulière par la pertinence du dispositif d’accès aux soins bucco-dentaires proposé aux résidents à travers le PSO (formation des professionnels, dépistages, soins, suivi …). Le mauvais état d’hygiène bucco-dentaire constaté à l’inclusion des patients rappelle les constats de Ribeiro. D’autres études menées en France ont montré des résultats similaires. La présence d’une hygiène passable (OHI-S compris entre 1,3 et 3) et d’une gingivite modérée montrent une insuffisance de prise en charge de l’hygiène pour plus des deux tiers des résidents. A l’inclusion, les indices OHI-S et GI étaient médiocres: hygiène orale jugée faible (OHI-S = 2,5) et indice gingival (GI = 1,4) témoignant de nombreuses gingivites légères à modérées. Le nombre moyen de dents absentes était de 19,6. 47,5 % des personnes avaient une prothèse amovible, la prévalence de la plaque/tartre sur la prothèse était de 65,6 %. Le matériel d‘hygiène dont vous avez disposé est: 0,79 % 16,54 % 4,72 % 14,96 % Entre l’inclusion et la fin de suivi (fig. 2), les indices ont significativement baissé de 32,0 % pour OHI-S et de 21,4 % pour l’indice gingival (GI). 62,99 % La prévalence de la plaque / tartre sur la prothèse est passée à 52,3 % au 3ème BSO soit une baisse totale de 20,2 % entre BSO-1 et BSO-3 (p = 0,02). Concernant la satisfaction des PAD et/ou des familles, recueillie à l’aide d’un questionnaire, 53 % des résidents ont trouvé que le protocole d’hygiène orale mis en œuvre dans le cadre du PSO était adapté à leurs besoins. 77 % ont trouvé le matériel d’hygiène orale satisfaisant ou très satisfaisant (fig. 3) et que l’utilisation combinée de la brosse à dents, du dentifrice et/ou du bain de bouche méridol ® était efficace. Pas du tout satisfaisant Peu satisfaisant Satisfaisant Très satisfaisant Non répondu Fig. 3: Satisfaction des résidents recueillie par questionnaire sur le matériel d’hygiène mis à disposition A: Score OHI-S moyen B: Score GI moyen 1,6 2,5 1,4 1,4 1,2 1,7 1,1 1 0,8 0,6 0,4 0,2 0 BSO -1 BSO -1 BSO - 3 p = 0,001 • Réduction statistiquement significative de 32 % de l’OHI-S moyen BSO - 3 p = 0,001 • Réduction statistiquement significative de 21% du GI moyen Fig. 2: Evolution de la valeur moyenne de l’OHI-S (A) et de la valeur moyenne de l’Indice Gingival (B) entre le bilan initial et le troisième bilan PROPHYLAXIE Infos Numéro 2012 23 Santé bucco-dentaire ESOPAD a permis la mise en place d’un protocole d’hygiène orale personnalisé permettant ainsi un suivi quotidien et à long terme de l’état d’hygiène des PAD en institution. Son impact sur l’hygiène est positif: il montre une nette amélioration des indicateurs d’hygiène orale. *Auteurs: G NDIAYE 2, 3, A KOIVOGUI 1, 2, A MICHELET 1, 2, 3, F HOUACHINE 3, B MBEYE 3, R TRA 3, S MIRANDA 1, 2, EN BORY 1, 2 , 3 1 Réseau Santé Bucco-Dentaire & Handicap Rhône-Alpes (Réseau SBDH-RA) 2 Santé Orale, Handicap, Dépendance Et Vulnérabilité (SOHDEV) 3 Conclusion Le programme de santé orale développé au sein d’une cohorte de personnes âgées dépendantes a montré qu’il était possible d’améliorer significativement leur hygiène bucco-dentaire. Service d’Odontologie, Centre Hospitalier le Vinatier Dr Gnagna Ndiaye Service d’Odontologie Centre Hospitalier le Vinatier Bâtiment 505 bis · 95 boulevard Pinel 69677 Bron cedex e-mail: [email protected] Demandes de tirés à part et bibliographie: Docteur Eric Nicolas Bory e-mail: [email protected] Remerciements Groupe ACPPA – Groupe APICIL – Réseau SBDH-RA – Centre Hospitalier le Vinatier – Laboratoires GABA – Conseil Général du Rhône – ARS Rhône-Alpes – CRAM Rhône-Alpes – Groupe APRI – Groupe D&O – Groupe MORNAY – IRSACM – PREMALIANCE – REUNICA – VAUBAN HUMANIS Les produits d’hygiène bucco-dentaire ont été fourmis gracieusement aux résidents par les laboratoires GABA. 24 Numéro 2012 PROPHYLAXIEInfos