investissement a fort impact – cas du senegal
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INVESTISSEMENT A FORT IMPACT – CAS DU SENEGAL DECEMBRE 2012 AVEC L’APPUI DE LA FONDATION ROCKEFELLER Tabledesmatières Liste des acronymes ..................................................................................................................................... 2 Résumé analytique ...................................................................................................................................... 4 1 2 3 4 5 Introduction ...................................................................................................................................... 10 1.1. Justification et contexte ...................................................................................................................... 10 1.2. Le rôle de l’Etat dans les investissements à fort impact ...................................................................... 13 1.3. Portée de cette étude .......................................................................................................................... 16 Les besoins en investissement à fort impact au Sénégal ..................................................................... 17 2.1. Identifier les problèmes sociaux du Sénégal ........................................................................................ 17 2.2. Parmi ces problèmes sociaux lesquels se prêtent à un investissement à fort impact? ....................... 20 Demande: Renforcer les entreprises à fort impact .............................................................................. 21 3.1. Définir les entreprises à fort impact .................................................................................................... 21 3.2. L'activité entrepreneuriale au Sénégal ................................................................................................ 26 3.3. Les entreprises à fort impact du Sénégal ............................................................................................ 31 3.4. Politiques de promotion des entreprises à fort impact ....................................................................... 35 Offre: Canaliser les capitaux privés vers l’impact ................................................................................ 39 4.1. Sources de capitaux au Sénégal .......................................................................................................... 39 4.2. Les investisseurs à fort impact au Sénégal .......................................................................................... 42 4.3. Politiques visant à accroître l'offre de capitaux pour les sociétés à fort impact ................................. 45 4.4. Politiques visant à orienter les capitaux vers les domaines à fort impact ........................................... 47 Obstacles au développement de l’investissement à fort impact .......................................................... 50 5.1. Problèmes liés à la demande ............................................................................................................... 51 5.2. Problèmes liés à l’offre ........................................................................................................................ 54 5.3. Problèmes liés à l’orientation des capitaux vers l’investissement à fort impact ................................. 56 6 Recommandations sur les initiatives de l’Etat pour configurer et développer le marché de l'investissement à fort impact .................................................................................................................... 58 6.1. Accroître la sensibilisation sur l’investissement à fort impact ............................................................ 59 6.2. Stimuler l'environnement des activités d'investissement à fort impact .............................................. 63 6.3. Conclusion ........................................................................................................................................... 71 Annexe A: Intervenants interrogés dans le cadre de l’étude ........................................................................ 73 Annexe B: Informations complémentaires .................................................................................................. 75 1 Listedesacronymes ADEPME AFIG APIX ASEPEX BAD BICIS BNDE BOAD BRVM CNCAS CP CPI CR DASP DEF DGID DPES ESG FDEA FNPJ FONDEF FPE GIIN GOANA I&P IDE IDH IFD IMF IRIS IRR ISR LOASP OHADA OMD ONG PERACOD Agence de Développement et d'Encadrement des Petites et Moyennes Entreprises Advanced Finance and Investment Group Agence de Promotion des Investissements et Grands Travaux Agence Sénégalaise de Promotion des Exportations Banque Africaine de Développement Banque Internationale pour le Commerce et l'Industrie du Sénégal Banque Nationale de Développement Economique Banque Ouest Africaine de Développement Bourse Régionale des Valeurs Mobilières Caisse Nationale du Crédit Agricole Sénégalais Capitaux Privés Conseil Présidentiel de l’Investissement Capital‐risque Direction de l'Appui au Secteur Privé Direction de l'Entreprenariat Féminin Direction Générale des Impôts et des Domaines Document de Politique Economique et Sociale (Document Stratégique pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté) Environnement, Social et Gouvernance Femme Développement Entreprise en Afrique Fonds National de Promotion de la Jeunesse Fonds de Développement de l'Enseignement technique et de la Formation professionnelle Fonds de Promotion Economique Global Impact Investing Network Grande Offensive Agricole pour la Nourriture et l'Abondance Investisseurs & Partenaires Investissements Directs Etrangers Indice de Développement Humain Institution de Financement du Développement Institutions de Micro finance Impact Reporting and Investment Standards (Rapport d'Impact et Normes d'Investissement) Indice de Répartition des Richesses Investissement Socialement Responsable Loi d'Orientation Agro Sylvo‐Pastorale Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires Objectifs du Millénaire pour le Développement Organisation Non Gouvernementale Programme Promotion des Energies Renouvelables, de l'Electrification Rurale et de l’Approvisionnement en Combustibles Domestiques 2 PIB PME REVA RSE RU SCA SENELEC SPEC TIC TVA UEMOA Produit Intérieur Brut Petites et Moyennes Entreprises Retour vers l'Agriculture Responsabilité Sociale des Entreprises Royaume Uni Stratégie de Croissance Accélérée Société Nationale d'Electricité du Sénégal Sustainable Power Electric Company Technologie de l’Information et de la Communication Taxe sur la Valeur Ajoutée Union Economique et Monétaire Ouest Africaine 3 Résuméanalytique Contextedestravaux L’Etat du Sénégal a clairement manifesté sa volonté de prioriser la lutte contre les inégalités, et de renforcer la production locale ainsi que la création d’emplois. Cependant, les ressources publiques ne seront pas en mesure d’atteindre ces objectifs à elles seules. Il leur est donc essentiel de mobiliser des investissements privés pouvant également générer des impacts sociaux positifs. Dalberg Global Development Advisors et l’APIX (Agence de Promotion des Investissements et Grands Travaux) avec l’appui de la Fondation Rockefeller ont élaboré ce rapport afin de démontrer qu’en recourant à des mesures politiques en faveur des investissements à fort impact,1 l’Etat du Sénégal peut canaliser les capitaux privés pour qu’ils participent à la recherche de solutions aux principaux problèmes sociaux. Demande:Construiredesentreprisesàfortimpact Il est généralement admis que, dans une économie comme celle du Sénégal, l'entreprenariat et les entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises (PME), sont les moteurs de la création de richesse et de la croissance économique. Cependant, outre le soutien aux activités des PME, il est essentiel que les entreprises cherchent également à créer un impact social direct croissant à travers leurs modèles économiques. Ce sont les entreprises que nous désignerons sous l’appellation « à fort impact ». Les entreprises à fort impact – qui comprennent des sociétés évoluant dans tous les secteurs, depuis les coopératives jusqu’aux entreprises sociales ainsi que celles inclusives à but lucratif ‐ sont différentes des entreprises ordinaires en ce que leur modèle d’affaires cherche à résoudre des problèmes sociaux à travers une ou plusieurs des quatre voies suivantes: Développer ou adapter les chaînes d'approvisionnement et de distribution existantes de manière à améliorer la participation des producteurs et des fournisseurs locaux; Produire et/ou fournir des biens et services indispensables aux groupes à faible revenu à travers des moyens financièrement viables et évolutifs; Elaborer des modèles économiques menant à la préservation de l'environnement et/ ou la gestion durable des ressources naturelles; et Assurer l’accès durable à l'emploi de qualité, à la formation et aux opportunités de développement pour les jeunes et/ou les populations défavorisées. Pour renforcer l’essor de l'investissement à fort impact, il est impératif d'avoir une activité entrepreneuriale soutenue. La comparaison du nombre de nouvelles entreprises pour 1000 habitants du Sénégal (0,14 en 2009) avec celui du Kenya (0,45 en 2008) et du Nigéria (0,42 en 2009) renseigne sur la faiblesse du niveau d'entreprenariat du pays.2 1 L'investissement à fort impact se définit comme un investissement visant à créer un impact social et/ou environnemental positif au‐delà de la rentabilité financière néanmoins nécessaire à la durabilité de l’entreprise. 2 Données de la Banque mondiale (data.worldbank.org) 4 Malgré des taux d'investissements fixes bruts élevés ces dernières années (27,9% du PIB en 2009 contre 11,2% en Côte d'Ivoire et 19,6% au Ghana)3, le Sénégal a enregistré une faible croissance économique, d’environ 4%4, principalement parce qu’une grande partie de ces investissements ont été réalisés dans des activités non directement productives5. Les transferts de fonds, qui ont atteint entre 4 et 17 fois l’investissement direct étranger au cours des dix dernières années6, ne sont pas non plus encore utilisés pour leur grande majorité dans des activités directement productives7. En outre, l'accès au financement a été identifié par le secteur privé comme le défi le plus important à relever pour encourager les affaires au Sénégal, suivi de la fiscalité et des règlementations, de la corruption et d’une offre inadéquate d’infrastructures8. Les entreprises à fort impact sont non seulement confrontées aux défis typiques auxquels font face presque toutes les entreprises au Sénégal, mais elles se heurtent en plus à des obstacles supplémentaires en raison de la nature de leurs modèles économiques. Sans le cadre nécessaire pour surmonter ces obstacles et permettre aux particuliers de transformer leurs idées en de véritables opportunités d'investissement, l'investissement à fort impact ne peut pas se développer pleinement. L’Etat du Sénégal a mis en œuvre une série d’initiatives et d'interventions pour promouvoir le développement des entreprises et canaliser les investissements dans des secteurs spécifiques. Même si ces initiatives ne sont pas spécifiquement destinées à l'investissement à fort impact, une mesure générale en faveur des PME contribuerait à créer un environnement dans lequel l'investissement à fort impact prospérerait davantage et à plus grande échelle. Quelques exemples d'interventions de l’Etat allant dans ce sens sont: l’ADEPME9 ; le FONDEF10; la Direction de l’Entreprenariat Féminin (DEF) ; le FNPJ11 ; et le statut de l’“entreprenant” de l’Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA). De plus, en 2006, l’Etat sénégalais a également élaboré la Stratégie Nationale pour les Bioénergies afin d’aider à la diversification du secteur énergétique dans le pays. Du point de vue de l'investissement à fort impact, cette dernière initiative vise à canaliser l'investissement privé national et étranger dans la production de biocarburants afin de réduire les importations de pétrole, de protéger l'environnement et de créer des emplois. Offre:Canaliserlescapitauxprivéspourassurerunimpactmaximal Pour favoriser l’essor des entreprises à fort impact et le développement substantiel de leurs activités, l'accès à des financements partageant la philosophie de l’investissement à fort impact est essentiel. L'élaboration de modèles économiques qui génèrent un impact social significatif requière 3 Données de la Banque Mondiale (data.worldbank.org) Evolutions récentes et perspectives du Sénégal (www.africaneconomicoutlook.org) 5 Par exemple, entre 2000 et 2009, 73% de la formation brute de capital fixe était en construction (Rapport sur la compétitivité nationale du Sénégal 2011) 6 Données de la Banque Mondiale (data.worldbank.org) 7 Les données de la Banque Africaine de Développement (2007) indiquent que juste 5% des transferts de fonds du Sénégal vont au secteur des investissements productifs, tandis que 34% vont au secteur immobilier et 61% aux dépenses familiales 8 Forum Economique Mondial, Rapport sur la compétitivité globale (2010‐11) 9 Agence de Développement et d'Encadrement des Petites et Moyennes Entreprises 10 Fonds de Développement de l'Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle 11 Fonds National de Promotion de la Jeunesse 4 5 parfois que les investisseurs s’intéressent à un profil de risque/rendement qui serait inacceptable pour des financiers traditionnels. Il est toutefois important de noter que l'investissement à fort impact ne signifie pas de manière intrinsèque un risque plus élevé ou un rendement moins important. Dans certains cas, au contraire, un besoin social créera des opportunités commerciales d’autant plus importantes (par exemple, l'énergie propre ou l'agro‐industrie), avec la possibilité de générer des effets positifs parallèlement à des retours sur investissement égaux ou même supérieurs à ceux du marché. Les investisseurs à fort impact peuvent être définis selon les critères suivants: a) générer un impact social et/ou environnemental positif fait partie de leur stratégie d'investissement assumée et déclarée, et b) l'impact social et/ou environnemental est mesuré dans le cadre de la réussite de l'investissement. Au Sénégal, les investisseurs à fort impact comprennent : les Institutions de Financement du Développement (IFD), les Institutions de Micro finance (IMF), les fonds d'investissement publics et les investisseurs internationaux actifs œuvrant dans l’investissement à fort impact avec des portefeuilles au Sénégal, tels que Root Capital, Etimos et E+Co. L’Etat du Sénégal a mis en œuvre un ensemble d’initiatives et d'interventions visant à réguler et à accroître l'offre de capitaux privés à destination des opportunités à fort impact. A titre d’exemple, la loi sur la micro‐finance (élaborée en 2004) et la loi régissant les IMF (2008‐47) encouragent l’accès durable aux services de micro‐finance des communautés marginalisées et micro‐entreprises. Lorsque l’on considère l'investissement à fort impact, les services de micro‐finance sont considérés comme un instrument très puissant, notamment en termes de lutte contre la pauvreté. Le Code des investissements (datant de 2004 et révisé en 2006) recense les incitations mises en œuvre par l’Etat du Sénégal pour promouvoir certains types d'investissements productifs. Il vise également à encourager/promouvoir: a) la création d’entreprises et leur développement, b) la création d'emplois et c) l’émergence d’entreprises en dehors de Dakar, pour un développement davantage harmonisé à l’échelle du pays. Obstaclesaudéveloppementdel'investissementàfortimpact Le manque de sensibilisation autour du concept d'investissement à fort impact au Sénégal et de sa réelle signification constitue un obstacle majeur à l’essor de ce secteur. Les autres obstacles identifiés ont été regroupés en fonction des problématiques suivantes : la demande de financement, l'orientation des capitaux et l'offre de financement. Problèmesliésàlademandedefinancement: Le manque de sources de financement adéquates pour développer les entreprises prêtes se lancer dans l’investissement à fort impact: La recherche souligne un déficit de financement pour les besoins compris entre 1 000 et 100 000 dollars américains qui affecte tant les PME en général que les entreprises à fort impact en particulier, en raison de leur taille et de la nature, qui semble risquée en apparence, de leurs modèles économiques. Possibilités de renforcement des capacités limitées: Les entreprises à fort impact sont souvent les pionniers de nouveaux modèles économiques adaptés aux besoins et aux contraintes spécifiques à leur secteur. Ainsi, l'appui au développement de ces modèles économiques est essentiel. En dépit 6 des efforts de l’Etat pour fournir des services de renforcement des capacités, les programmes sont encore considérés comme inaccessibles par de nombreuses entreprises. La non reconnaissance des besoins particuliers des entreprises à fort impact social: Les entreprises dont les modèles économiques visent à résoudre un problème social font souvent face à des défis supplémentaires. Ces contraintes particulières de même que les possibilités d'impact social ne sont pas reconnues par l’Etat et il serait indispensable que les entreprises à fort impact reçoivent des incitations ou abattements afin de réduire leurs charges fiscales ou de se voir accordé un appui subventionné. Le manque d'infrastructures et de services de soutien en dehors de Dakar: Bon nombre de problèmes sociaux du pays sont plus durement ressentis en dehors de Dakar, moins bien desservi. La concentration des activités économiques dans la région de Dakar signifie que la plupart des programmes de soutien aux entreprises sont essentiellement accessibles et à destination de la capitale. Les entrepreneurs basés dans les départements les plus éloignés font face à des difficultés supplémentaires en termes d’accès aux infrastructures et services de soutien. Les problèmes spécifiques au secteur: Les entretiens menés dans le cadre de cette étude illustrent des problèmes spécifiques aux activités des entreprises à fort impact. Par exemple, dans le secteur des énergies renouvelables, le régulateur national traite à la fois les projets à grande échelle et les microprojets conduisant à des problèmes d’efficacité et retards. Dans le secteur de la santé, seules les personnes disposant d'une licence médicale peuvent agir en tant que représentants d'une entreprise. Problèmesliésàl’offredefinancement: Le manque de moyens d'investissement: Les fonds d'investissement à fort impact œuvrent à rassembler des capitaux privés pour les placer sur les opportunités d'investissement des entreprises à fort impact. Malheureusement, le manque de fonds d'investissement au Sénégal (les fonds orientés sur des projets à fort impact ainsi que les fonds commerciaux traditionnels) limite le volume des capitaux tant nationaux que mondiaux qu’il serait possible de consacrer à ces entreprises. Flux d'opérations limité: Aucune base de données des entreprises à fort impact n'est disponible et donc consultable pour les investisseurs à fort impact, la rencontre entre les besoins financiers des entreprises et l'offre de capitaux à fort impact s’effectue notamment par le biais du «bouche à oreille» et des réseaux informels. L'absence de connexions locales constitue une barrière à l'entrée dans le secteur. Options de sortie limitées: Les marchés de capitaux sénégalais restent encore embryonnaires, et caractérisés par une liquidité limitée. Une seule entreprise sénégalaise est cotée à la bourse régionale. Cela a pour conséquence de décourager les fonds d'investissement qui espèrent retirer une rentabilité de leurs investissements arrivés à maturité. 7 Problèmesliésàl’orientationdescapitauxversl’investissementàfortimpact: Incitations à double tranchant: Les incitations visant à produire un impact positif dans un domaine génèrent parfois un impact négatif pour un autre secteur. A titre d’exemple, la suspension des droits de douane et des surtaxes sur certains produits importés tels que le riz et le lait en poudre, bien que nécessaire à la sécurité alimentaire, décourage en retour la production agricole locale. Absence de clarté dans le domaine fiscal: Certaines exonérations ont créé la confusion auprès des entrepreneurs et des investisseurs. Par exemple, il est prévu que les entreprises puissent bénéficier de la suspension de la TVA pendant trois ans. Cependant, il n’est pas précisé si ces dernières seront obligées de rembourser la totalité de la TVA accumulée au cours de cette période. Recommandationssurlesinitiativespourconfigureretdévelopperlemarchéde l'investissementàfortimpact Les recommandations sont organisées selon deux axes de manière à faire face aux obstacles identifiés, on distingue ainsi : (i) Les actions prioritaires : Accroître la sensibilisation sur l'investissement à fort impact, et (ii) Les actions à court et moyen termes : Stimuler l'environnement des affaires afin de favoriser l’essor des activités d'investissement à fort impact. Actionsprioritaires: Accroître la sensibilisation sur l’investissement à fort impact Adopter une définition « sénégalaise » pertinente de l'investissement à fort impact: Définir l’investissement à fort impact et l’insérer dans le programme public de l’Etat constitue un moyen efficace de prouver l’engagement du Gouvernement aux investisseurs et aux entreprises à fort impact. La réflexion autour de cette définition constitue une étape primordiale dans l’élaboration d’un cadre juridique pour l’investissement à fort impact et la garantie de la transparence dans le secteur. Diffuser et promouvoir le concept d’investissement à fort impact: Les universités peuvent être impliquées dans la sensibilisation sur le sujet auprès des professeurs et des étudiants. La diaspora peut également être sollicitée en sa qualité de source potentielle de capital. Les programmes étatiques et organismes directement liés aux entreprises peuvent de même être mis à profit pour accroître la sensibilisation sur l’investissement à fort impact. Activitésàcourtetmoyentermes:Stimulerl'environnementdesactivités d'investissementàfortimpact Soutenir les incubateurs d'entreprises: La plupart des problèmes identifiés peuvent être résolus en utilisant un programme bien conçu de soutien étatique aux incubateurs privés. Les résultats attendus de cette initiative sont la promotion du concept d’entreprises à fort impact, l’appui technique aux jeunes entrepreneurs, le renforcement de la concurrence dans les différents secteurs d’activité et des incitations pour la création d’entreprises dans le secteur formel. Soutenir les concours de business plan: Les concours de business plan constituent un moyen d’impliquer les communautés et les entrepreneurs dans la recherche de solutions aux problèmes sociaux. Les collectivités locales peuvent sélectionner un problème social particulier et prioritaire affectant une communauté ou une région puis demander aux entrepreneurs locaux et d’ailleurs de réfléchir à des solutions durables à ce problème. 8 Miser sur les programmes étatiques existants: Des mécanismes de soutien à l’entreprenariat existent déjà et sont assurés par des initiatives étatiques telles que: l’ADEPME, le FONDEF et l’ASEPEX. A l’heure actuelle, l’objectif de ces initiatives est de renforcer l’essor de la croissance économique, mais elles peuvent également être mises à profit pour augmenter le flux d’investissements à fort impact en fixant des objectifs d’impact social à leurs programmes de soutien économique. Élaborer un mécanisme incitatif pour les entreprises à fort impact: Une fois que l’Etat a défini le concept d’entreprise à fort impact dans le contexte du Sénégal, il peut utiliser ces critères pour identifier les entreprises éligibles à un soutien spécifique. Ce soutien peut inclure des exonérations fiscales ou l’accès à des bourses de formations ou encore à des services d’assistance techniques subventionnés. Mettre en place un fonds fiduciaire d'investissement à fort impact: En s’inspirant de l’expérience du Venture Capital Trust Fund mis en place au Ghana ou encore de l’Inclusive Innovation Fund de l’Inde, le Sénégal peut chercher à créer un fonds fiduciaire d’investissement à fort impact. Ce fonds national servirait à financer divers autres fonds de plus petite ampleur mais permettrait de rassembler sous sa notoriété les capitaux d’investisseurs privés nationaux institutionnels et individuels. Appuyer la création d’une bourse régionale des PME: L’un des principaux problèmes identifiés pour les investisseurs est le manque d’options de sortie du capital. La création d’une bourse des PME constitue un moyen de résoudre ce problème. Cette option est actuellement à l’étude au niveau de l’UEMOA. Procéder à des analyses au cas par cas des problèmes spécifiques du cadre financier et du secteur: Outre les recommandations générales formulées ci‐dessus, il est nécessaire de procéder à une analyse sectorielle approfondie afin d’identifier les politiques et règlementations fiscales qui freinent les activités des investisseurs et entrepreneurs. Pour que l’investissement à fort impact recueille un large soutien, l’État peut également chercher, à l’aide de mesures politiques, à encourager les entreprises traditionnelles existantes à générer un plus grand impact social. Par exemple, l’Etat, au niveau national et local, peut davantage cibler le choix de ses prestataires de services et afficher sa préférence pour les entreprises qui ont prouvé qu’elles ont un d’impact social. En encourageant ainsi les entreprises à générer un impact social, l’Etat sera mieux placé pour plaider en faveur de l’investissement à fort impact sans pour autant exclure les activités traditionnelles, essentielles à la croissance et au développement du Sénégal. 9 1 Introduction 1.1. Justificationetcontexte L’Etat du Sénégal a clairement manifesté sa volonté de prioriser la lutte contre les inégalités, et de renforcer la production locale ainsi que la création d’emplois12. Cependant, les ressources publiques ne seront pas en mesure d’atteindre ces objectifs à elles seules. Il leur est donc essentiel de mobiliser des investissements privés pouvant également générer des impacts sociaux positifs. Telle est la finalité de l’investissement à fort impact. Tout investissement qui générerait de manière efficace un impact social positif13 gagnerait à bénéficier d’un solide appui de la part de l’Etat. Dalberg Global Development Advisors en partenariat avec l’APIX14 a élaboré ce rapport afin de démontrer qu’en recourant à des mesures politiques en faveur des investissements à fort impact, l’Etat du Sénégal peut canaliser les capitaux privés pour qu’ils participent à la recherche de solutions aux principaux problèmes sociaux. Cette étude, financée par la Fondation Rockefeller, s’intégrera à un rapport panafricain plus vaste qui inclut les résultats du Ghana, du Kenya, du Nigeria et de l'Afrique du Sud. Qu’est‐cequidéfinitetdifférencielesinvestissementsàfortimpact? L'investissement à fort impact est défini comme un investissement devant créer un impact social et/ou environnemental positif tout en générant une rentabilité financière15. Le concept d’investissement à fort impact social et environnemental n'est certes pas nouveau, mais l’essor des efforts déployés par les investisseurs, les fondations, les entrepreneurs sociaux et les autres intervenants vers cette stratégie a conduit à la reconnaissance de l'investissement à fort impact comme une classe d'actifs en pleine croissance16. Les acteurs de la micro‐finance, du financement du développement et de l’énergie propre œuvrent d’ailleurs dans ce sens depuis plusieurs décennies. Toutefois, il apparait depuis peu que l’innovation est disparate et non coordonnée, à travers toutes les gammes, secteurs et régions œuvrant pour la création d’une nouvelle industrie mondiale. En parallèle des flux de capitaux croissants sont drainés vers des initiatives similaires qui partagent des défis communs17. Encadré 1.1: Exemple d’investissement à fort impact au Sénégal L'appui de la Fondation Durabilis et de Root Capital à Terral constitue un bon exemple d’investissement à fort impact au Sénégal. Compte tenu de l'augmentation du prix du riz sur les marchés internationaux, la Fondation Durabilis (un investisseur à fort impact belge) a choisi de soutenir la vente et distribution du riz produit localement. L'activité de Terral vise ainsi à combler une lacune dans la chaîne d'approvisionnement de production et de consommation du riz local. Terral achète du riz auprès des transformateurs primaires de la "Vallée du fleuve Sénégal" dans le nord du pays. Puis, l’entreprise conditionne ce riz grâce à de petites unités et le distribue aux grossistes et distributeurs qui le vendront aux consommateurs de Dakar. Les activités de Terral sont de fait intégrées dans la chaîne d'approvisionnement en riz. L’entreprise s'associe aux transformateurs primaires locaux pour élaborer des entrepôts de riz et fournit une assistance technique aux 12 Yoonu Yokkute 2012 ‘Programme Présidentiel Macky Sall’ Dans ce rapport, nous utilisons le terme «social» pour désigner «social et/ou environnemental» 14 Promotion des Investissemenst et Grands Travaux 15 Définition utilisée par le Global Impact Investing Network (GIIN) 16 JP Morgan (2011), ‘Impact Investments ‐ An Emerging Asset Class’ 17 Monitor Institute (2009) ‘Investing for Social and Environmental Impact’ 13 10 agriculteurs pour stimuler la production et améliorer la qualité des semis. Les fonds de roulement du projet sont fournis par deux investisseurs : la Fondation Durabilis et Root Capital. L'impact économique potentiel de cette entreprise est considérable. Non seulement les producteurs locaux de riz disposent d’un nouveau moyen de commercialisation de leurs produits, mais la promotion du riz local sur le marché national, si elle est réussie, pourrait rendre le Sénégal moins dépendant d’importations onéreuses. Au‐ delà de la création d'emplois et la génération de revenus et de recettes fiscales, le projet contribuera également à résoudre les problèmes de sécurité alimentaire du pays. (Source: Fondation Durabilis) Pour mieux comprendre l'investissement à fort impact, on peut également caractériser ce qu'il n'est pas. L’investissement à fort impact se distingue ainsi des autres types d'investissement tels que la responsabilité sociale des entreprises (RSE), l'investissement socialement responsable (ISR) et l'investissement classique du secteur privé au Sénégal de la manière suivante: La RSE n'a pas de définition unique et communément acceptée. Elle peut varier d’actions occasionnelles motivées par les relations publiques comme une société offrant des livres à une école locale, à un ensemble complet de politiques, de pratiques et de programmes intégrés dans les activités commerciales et les processus décisionnels relatifs au respect des valeurs éthiques, des personnes, des communautés et de l'environnement. L'investissement à fort impact cherche à aller plus loin et se fonde sur le fait que le modèle d’affaires lui‐ même, où le capital est déployé, cherche à résoudre un problème social, au lieu d'être une activité secondaire de l'entreprise. Encadré 1.2: Exemple de Responsabilité Sociale d'Entreprise Le programme "Jigueen Ni Tamit" financé par la Sonatel via PlaNet Finance (une institution de micro‐ finance présente au Sénégal) constitue un exemple de RSE au Sénégal. Ce programme cherche à promouvoir l'entreprenariat féminin en aidant les femmes à accéder aux services financiers (crédit et épargne) et à leur fournir les outils nécessaires pour améliorer la gestion de leurs micro‐entreprises. Même si ce programme a eu un impact social considérable (par exemple, en 2007, 500 micro‐ entrepreneurs ont bénéficié d'une formation et 3000 femmes ont reçu une formation sur la gestion des micro‐entreprises et du crédit), la Sonatel n'est pas considérée comme un investisseur à fort impact car elle octroie des fonds dans le cadre des activités de RSE et n'attend pas un rendement financier. (Source: www.rsesenegal.com) Les ISR peuvent être considérés comme des investisseurs encourageant les entreprises à améliorer leurs pratiques sur les questions environnementales, sociales et de gouvernance18. Au lieu de se limiter à minimiser l'impact négatif, l'investissement à fort impact va au‐delà de l'ISR et porte sur l’amélioration proactive des conditions sociales ou/et environnementales19. Dans cette perspective, les investisseurs gèrent rigoureusement les performances sociales de leurs investissements en plus du risque financier et du rendement attendu. 18 US Forum for Sustainable and Responsible Investment (http://ussif.org/resources/sriguide/srifacts.cfm) InSight at Pacific Community Ventures and the Initiative for Responsible Investment at Harvard University (2011), ‘Impact investing – A framework for policy design and analysis’ 19 11 Encadré 1.3: Exemple d'Investissement Socialement Responsable La SOCOCIM, une cimenterie de Bargny, qui a été acquise par la société Vicat (la 3ème plus grande cimenterie de France) en 1999, approvisionne le marché sénégalais depuis les années 1950. Elle exporte également son ciment dans les pays voisins. L'exploitation des carrières, de par leur nature, a un impact négatif sur l'environnement. Le groupe Vicat s'efforce de réduire cet impact tout en développant et en testant une série de pratiques respectueuses de l'environnement, allant de l'amélioration des méthodes d'extraction à l'efficacité du traitement et du transport des matériaux. Ainsi, au Sénégal, la SOCOCIM a mis en œuvre un programme "corridor vert" à l’emplacement de la carrière de ciment afin de compenser son impact négatif sur l'environnement. En collaboration avec la municipalité de Bargny, la SOCOCIM tente désormais de préserver la biodiversité de la région malgré la présence de la carrière, et plante des espèces végétales adaptées à la conception de biocarburants dans les zones non cultivées. Même si cette initiative génère un impact positif du point de vue environnemental et communautaire, il ne s'agit pas d'un investissement à fort impact étant entendu que le modèle d’affaires de Vicat / SOCOCIM n'est pas axé sur la création proactive d'avantages sociaux ou environnementaux, mais plutôt sur la minimisation de leur impact négatif inévitable (Source: www.vicat.com; www.rsesenegal.com) Le principal objectif des investissements issus du secteur privé sénégalais (mandatés par les entreprises « traditionnelles » à but lucratif) est de croître et d'apporter un rendement aux actionnaires. Même si ces entreprises paient des impôts, créent des emplois, contribuent à la construction d'infrastructures ou génèrent indirectement d'autres impacts sociaux ou environnementaux précieux, leur objectif principal n'est pas d'atteindre ces résultats. L'investissement à fort impact inclut uniquement les investissements réalisés dans le but explicite d'avoir un impact social positif, comme la préservation de l'environnement, la création d'emplois de qualité pour les groupes marginalisés ou la prestation de soins de santé abordables de façon financièrement viable et évolutive. Le simple fait que l'investissement soit réalisé dans un pays en développement comme le Sénégal ne suffit pas à le qualifier d’investissement à fort impact. Encadré 1.4: Exemple d’investissement général du secteur privé L'investissement d'Emerging Capital Partners (ECP) dans la Teranga Gold Corporation représente un exemple typique d'investissement du secteur privé au Sénégal. ECP est un fonds d’investissement privé ayant de parts dans des entreprises du continent africain. Teranga Gold Corporation est une société aurifère qui a été créée pour l'acquisition de la mine d'or de Sabodala ainsi qu’un droit régional à l’exploration des sous‐sols dont la majorité se trouve au Sénégal, auparavant détenus par la Mineral Deposits Limited. Il ne s'agit ici pas d'un investissement à fort impact car ce dernier ne cherche pas à résoudre fondamentalement un problème social. Même si cet investissement génèrera des effets annexes positifs en créant des emplois et des recettes fiscales, son objectif principal n'est pas d'atteindre ces résultats. L'objectif principal est d'accroître les réserves et la production de minerais, qui augmenteront à leur tour les revenus et la valeur actionnariale. (Source: www.ecpinvestments.com; www.terangagold.com) La distinction présentée ci‐dessus, entre investissement à fort impact et les autres formes d'investissement, ne vise pas à classer certains investissements comme étant "bons" et d'autres "mauvais". Les auteurs de ce rapport reconnaissent l’importance d’attirer l’investissement au Sénégal en général, mais cherchent également à démontrer que certains types d'entreprises 12 doivent être soutenus en raison des problèmes sociaux qu'ils cherchent à résoudre, et ainsi l’investissement pour soutenir ces entreprises doit être davantage encouragé. Quelleestl’importancedesinvestissementsàfortimpact? Parce que ce nouveau style d'investissement prend des formes assez variées et se trouve à un stade de développement naissant, il est impossible d’en déterminer exactement l’envergure. Mais le foisonnement d'activités et d'innovation dans certains segments et zones géographiques où des données sont disponibles indiquent que l'industrie est vouée à une croissance20. Un récent rapport de JP Morgan (2010) révèle que l'investissement à fort impact apparaît comme une classe d'actifs alternatifs au potentiel d'investissement de 400 milliards – 1 000 milliard de dollars américains de capital au cours des 10 prochaines années21. Un rapport de Dalberg Global Development Advisors rédigé en 2011 estime qu'au moins 3,2 milliards de dollars américains sont investis ou destinés à être investis chaque année en Afrique dans des projet d'investissement à fort impact22. Quisontlesacteursdumarché? A l'instar de n'importe quel marché financier, l'investissement à fort impact possède une offre, une demande et un marché où se rencontrent les acteurs, et où des règles régissent les termes de l'échange pour que les acheteurs et les vendeurs fixent les prix (voir Tableau 1.1)23. Concernant l'offre, les fournisseurs de capitaux sont les Etats, les particuliers, les fondations, les banques et les fonds d'investissement et fonds de retraite. La demande est constituée par les entreprises, les coopératives, les projets et tout autre organisme nécessitant des capitaux. Tableau 1.1: Présentation du marché de l‘investissement à fort impact Offre : Investisseurs comprenant l’Etat, les investisseurs individuels, les fondations, les banques d’investissement , les fonds de pensions Marché: un marché dans lequel se font les échanges, où les règles sont fixées par les termes de l’échange et où acheteurs et vendeurs fixent les prix Demande: Entreprises, coopératives, projets et autres activités nécessitant un investissement 1.2. Lerôledel’Etatdanslesinvestissementsàfortimpact L’Etat peut participer directement au marché ou influencer l'investissement à fort impact à travers des mesures politiques ou la réglementation. Il peut chercher à augmenter le montant du capital disponible pour l'investissement (développement de l’offre d’investissement); à augmenter la 20 21 JP Morgan (2011), ‘Impact Investments ‐ An Emerging Asset Class’ JP Morgan (2011), ‘Impact Investments ‐ An Emerging Asset Class’. NB: JP Morgan n’a pas essayé de mesurer le marché de l’investissement à fort impact dans sa globalité mais présente un canevas permettant de mesurer le potentiel de croissance du capital investi et son profit. En appliquant cette méthodologie, consistant à sélectionner des entreprises selon cinq secteurs – habitat, accès à l’eau potable pour les populations rurales, santé maternelle, accès à l’éducation primaire et accès aux services financiers – pour la portion globale de la population qui gagne moins de 3 000 dollars US par an, il a été découvert que pour ce segment de l’offre de marché le potentiel d’investissement pour les dix prochaines années était de 400 milliards de dollars US ‐ 1000 milliards et 183 milliards de profit ‐ 667 milliards de dollars US. 22 Dalberg (2011) ‘l’investissement à fort impact en Afrique de l’Ouest 23 InSight at Pacific Community Ventures and the Initiative for Responsible Investment at Harvard University (2011), ‘Impact investing – Un canevas pour la définition des initiatives et leur analyse.’ 13 disponibilité ou renforcer la capacité des bénéficiaires de capitaux (développement de la demande d’investissement); ou ajuster les termes de l'échange, les normes du marché, ou les prix (orienter les capitaux)24. De manière générale, on pourrait recenser des milliers d’initiatives de l’Etat qui influencent les investisseurs à fort impact d'une manière ou d’une autre. Il est important de noter que ces initiatives ne sont pas conçues et créées comme des "initiatives spécifiques pour l’investissement à fort impact", mais visent plutôt à corriger les dysfonctionnements du marché ou à stimuler de nouvelles activités du secteur privé dans des zones mal desservies ou des secteurs innovants. En Inde, la Banque Centrale a par exemple demandé à toutes les banques publiques et privées de destiner un pourcentage fixe des prêts accordés aux "secteurs prioritaires" qu'elle définit comme les zones mal desservies ou prioritaires en termes de croissance économique. Un autre exemple de mesures de politique publique soutenant l’investissement à fort impact est celui du Ghana. Le Venture Capital Trust Fund Act de 2004 a donné naissance au Ghana Venture Capital Trust Fund afin de fournir des ressources financières pour le développement et la promotion du financement du capital‐risque pour les petites et moyennes entreprises (PME) ghanéennes, les PME étant considérées comme le moteur de la croissance de l'économie. Par conséquent, en soutenant le financement des PME, l’Etat ghanéen entend créer des emplois et de la richesse au Ghana. Le Sénégal dispose également d'un ensemble d’initiatives pouvant être bénéfiques à l'investissement à fort impact. Le Code des investissements de 2004, par exemple, prévoit des incitations aux investisseurs qui créent de nouvelles entreprises, des emplois ou installent des entreprises dans les régions du pays les moins favorisées. En outre, dans le cadre des réformes de l'OHADA, l'introduction d'un nouveau statut pour les petits entrepreneurs ("entreprenant") qui leur octroie un régime juridique plus "souple" permet aux entrepreneurs d'enregistrer et d'exploiter une entreprise plus facilement, ce qui crée les conditions nécessaire à l’identification plus aisée des opportunités d’investissements des financeurs intéressés par le fort impact ‐ de même que les autres. Introductiond'uncadrepourlaconceptionetl'analysedelapolitiqued'investissementà fortimpact Ce rapport fonde ses analyses sur un cadre élaboré par InSight at Pacific Community Ventures et l'Initiative pour l'Investissement Responsable de l'Université de Harvard25 qui ont ouvert des pistes dans la conception et l'analyse de la politique de l’investissement à fort impact (voir Tableau 1.2). L’Etat peut en effet décider d’intervenir à deux niveaux : (i) en intervenant directement sur le marché en apportant du capital, comme n'importe quel autre investisseur ou consommateur, ou (ii) en influant sur le marché à travers la règlementation ou en construisant les infrastructures nécessaires aux investissements à fort impact et à la croissance des marchés. Les Etats disposent d'une vaste gamme d'outils et peuvent jouer un rôle déterminant dans l'élaboration et l'expansion du marché pour l'investissement à fort impact.26 24 Ibid. Ibid. 26 Ibid. 25 14 Tableau 1.2: Cadre pour l'élaboration d’initiatives et l'analyse des investissements à fort impact DEVELOPPEMENT DE INVESTISSEMENT DIRECT L’OFFRE Cadre légal et réglementaire pour l’investissement Partenariat Public - privé DEVELOPPEMENT DE LA DEMANDE Taxes, subventions exemptions et intermédiations Facilitation pour la mise en oeuvre Autorisations et obligations Renforcement de capacité Influence de l’Etat Initiative directe de l’Etat Outre la classification des initiatives de l’Etat, il est également utile d’évaluer ces dernières en fonction des caractéristiques qui impactent l'activité de marché souhaitée. InSight at Pacific Community Ventures et l'Initiative pour l'Investissement Responsable de l'Université Harvard27 ont élaboré des critères précis (voir Encadré 1.5) pour élaborer et évaluer les initiatives gouvernementales. Ces critères sont utilisés dans ce rapport afin d’analyser des exemples d’initiatives existantes et sont pris en compte dans la formulation de recommandations générales destinées à l’Etat du Sénégal. Encadré 1.5: Les six critères de conception et d’évaluation de la politique potentielle Cibler : l’initiative de l’Etat doit se concentrer sur l’atteinte des objectifs liés à la résolution du problème Compréhension et transparence: les investisseurs devraient disposer de toute l’information disponible relative à l’initiative de l’Etat Synergie avec les autres initiatives: l’initiative devrait être menée en synergie avec les autres initiatives concernées pouvant la rendre plus efficace Coordination des acteurs : il devrait exister une coordination des acteurs concernés par cette initiative de sorte à clarifier les besoins et les actions à mener Engagement de l’Etat : l’initiative de l’Etat devrait être accompagnée des ressources nécessaires à sa réussite Mise en œuvre : Les moyens institutionnels ou/et infrastructures nécessaires à la mise en œuvre de l’initiative sont absolument nécessaires Source: InSight at Pacific Community Ventures and the Initiative for Responsible Investment at Harvard University (2011), ‘Impact investing – A framework for policy design and analysis’ 27 Ibid. 15 1.3. Portéedecetteétude La compréhension des interactions entre les mesures politiques et les marchés de capitaux privés pour accroitre l'offre, la demande ou orienter les fonds est essentielle aux investisseurs à fort impact présents sur le marché sénégalais ainsi qu’aux concepteurs de politiques et autres intervenants. Cette étude vise à sensibiliser les décideurs politiques du Sénégal sur le rôle que l'investissement à fort impact peut jouer dans la lutte contre les différents problèmes sociaux auxquels le pays fait face et à formuler des recommandations sur la façon dont l'intervention de l’Etat peut accroître ce type d'investissement. L'objectif de cette étude ne porte pas sur l’intervention générale de l’Etat d’appui aux marchés, comme la construction d'infrastructures de base et l'amélioration de l'environnement général des affaires mais plutôt sur les efforts spécifiques pour encourager les investissements procurant des impacts sociaux délibérés et substantiels. Les résultats qui sous‐tendent cette étude sont basés sur des entretiens approfondis avec les principaux acteurs au sein de l’Etat, les institutions financières, les entreprises et organisations d'appui aux entreprises et une analyse de l'environnement politique du Sénégal. Cette étude a également tiré profit des idées et discussions du Groupe de Travail du Conseil Présidentiel de l'Investissement tenu en 2012: "Comment accroître l'impact social de l'investissement privé". L'étude ne cherche pas non plus à déterminer l'importance du marché de l'investissement à fort impact ou à fournir une cartographie exhaustive des activités en cours dans l'environnement des investissements. Au contraire, elle propose une approche introductive à l’investissement à fort impact et aux mesure d'appui à disposition du Gouvernement du Sénégal. L'étude formule ainsi des recommandations sur les points pertinents devant être pris en compte par l’Etat. Le rapport fournit le socle nécessaire à un examen plus approfondi d’autant que la prochaine étape fixée par l'APIX, le Conseil Présidentiel pour l'Investissement et l’Etat est d'identifier quand et quelle politique d'investissement à fort impact peut être justifiée. Structuredurapport La suite de ce rapport est organisée de la façon suivante: Le chapitre 2 cherche à mieux comprendre le rôle que peut jouer l'investissement à fort impact au Sénégal en identifiant d'abord les problèmes sociaux du pays; Le chapitre 3 étudie la demande en investissement à fort impact et le concept d' "entreprises à fort impact" avant d'aborder les interventions politiques existantes pour accroître cette demande au Sénégal; Le chapitre 4 examine l'offre de capitaux d'investissement à fort impact au Sénégal et évalue les interventions étatiques existantes dans ces domaines; Le chapitre 5 présente les obstacles à l'investissement à fort impact identifiés dans le cadre de cette étude, et; Le chapitre 6 formule des recommandations sur les interventions que l’Etat peut envisager pour augmenter le flux d'investissement à fort impact dans le pays. 16 2 LesbesoinseninvestissementàfortimpactauSénégal L’investissement à fort impact repose sur l'utilisation de l'investissement productif pour apporter une solution (potentielle) à un problème social. Le point de départ pour évaluer le potentiel de l’investissement à fort impact consiste donc à identifier les principaux problèmes sociaux existants. C’est à cela qu’est consacrée cette section afin de fournir le contexte à prendre en compte dans la suite du rapport. 2.1. IdentifierlesproblèmessociauxduSénégal Le Sénégal, membre de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) est officiellement classé par la Banque mondiale comme un pays à revenu intermédiaire inférieur, avec environ 51% de sa population vivant en dessous du seuil de pauvreté28. Avec une population de 12 millions d'habitants et un PIB de 13 milliards de dollars américains, le pays a enregistré un taux de croissance annuel moyen de 4% entre 2000 et 2010 malgré les crises énergétique, alimentaire et financière qui ont frappé durant cette période29 . Même si la distribution des richesses du Sénégal est meilleure que dans la plupart des pays de référence, l'un de ses plus grands défis reste de parvenir à une croissance économique soutenue qui profite à tous les citoyens. Le taux d’inégalité au Sénégal, telle que mesurée par le coefficient de Gini,30 était de 39,2 entre 1992 et 2007, selon les chiffres de l'indice de développement humain, plaçant ainsi le Sénégal au 65ème rang au cours de cette période parmi les 142 pays dont les données étaient disponibles31. Les derniers chiffres publiés et issus des Indicateurs de développement mondial (2005) montrent que les 20% de la population les plus aisés possèdent près de 46% de l'ensemble de la richesse du pays, tandis que les 20% les moins privilégiés n’en disposent que de 6% (Tableau 2.1)32. Tableau 2.1: Répartition des richesses au Sénégal (%) Source: Indicateurs du développement mondial 2005 (dernières données disponibles). Calculé comme le ratio du revenu total perçu par les 20% de la population avec le revenu le plus élevé (quintile supérieur à celui perçu par les 20% de la population ayant le plus faible revenu (quintile inférieur). 28 Données de la Banque Mondiale (data.worldbank.org/country/senegal) 'Rapport sur la compétitivité nationale' de 2011 Sénégal 30 Mesure de l'écart de la distribution des revenus entre les individus ou les ménages d'un pays avec une répartition parfaitement égale. La valeur 0 représente une égalité absolue la valeur 100 l'inégalité absolue 31 Données de la Banque Mondiale (data.worldbank.org/country/senegal) A titre de comparaison sur la même période le coefficient de Gini, au Togo était de 34,4 au Ghana de 42,8 en Côte d'Ivoire de 46 et au Kenya de 47,7. 32 Ibid. 29 17 L’Etat du Sénégal a clairement défini les priorités de développement du pays et les stratégies pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) dans son 3ème Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté – Document de Politique Economique et Sociale (DPES) 2011‐ 2015. Le Tableau 2.2 ci‐dessous se sert de ces données pour synthétiser les problèmes sociaux, économiques et environnementaux du pays. Tableau 2.2: Principaux défis à relever par le Sénégal Habitat et cadre de vie Faible accès au logement et faible qualité de vie Santé Faible accès à la nourriture de qualité Accès limité aux services de santé de base Education Faible taux de scolarisation secondaire et fort taux d’abandon de la scolarité Déficit d’infrastructures éducatives Eau est assainissement Accès limité à l’eau potable, l’assainissement et l’hygiène Emploi Déficit de création d’emplois dans le secteur formel Manque d’opportunité d’emplois pour les jeunes, les artLack of emisans et les femmes dans les zones urbaines et rurales Insécurité du travail dans le secteur informel Protection sociale Faible protection sociale et support des populations vulnérables Environnemental Agriculture Faible productivité de l’agriculture, de la pêche et de l’élevage (faible accès au financement, à l’information sur le marché et aux intrants) Forte dépendance de l’importation pour les produits alimentaires Production insuffisante de denrée de première nécessité Infrastructure Coût élevé et faible qualité de la fourniture l’électricité Faible qualité des infrastructures et des services de transport Services financiers Faible disponibilité et coût élevé du crédit et des services financiers destinés au secteur privé, particulièrement les PME Faible niveau d’épargne des ménages Productivité Faiblesse de l’investissement dans les secteurs productifs Faible intensité d’innovation technologique Faible qualité de la main d’oeuvre Faible niveau de compétitivité des produits d’exportation Faible diversification de l’économie Environnement Faible système de support de prévention et de prise en charge des risques de catastrophes Pression sur l’environnement et la gestion durable des ressources natuelles Source: Etat du Sénégal, DPES 2011‐2015; Analyse de Dalberg Même si le Sénégal a réalisé des progrès ces dernières années concernant la réalisation des OMD, il apparaît que seul l'objectif 3 (égalité des sexes), l'objectif 4 (réduire le taux de mortalité des moins de cinq ans), l'objectif 6 (Combattre le VIH / SIDA et les autres maladies) et l'objectif 7a (l'accès à l'eau) seront atteints en 2015. La santé maternelle, l'éducation et l'emploi constituent encore des obstacles au développement social et plus généralement à celui de la nation. 18 Tableau 2.3: Performance du Sénégal par rapport à une série d’indicateurs des OMD MDG 1 – Population en‐dessous du seuil de pauvreté(%) MDG 2 – Taux de d’achèvement du cycle primaire(%) MDG 3 – taux d’inscription des garçons et des filles à l’école primaire(%) 68 24 72 51 51 53 60 97 106 34 Bas 90 Bas 100 Moyen 131 121 85 MDG 4 – Mortalité des enfants de mois de 5 ans(Per 1000) 510 MDG 5 – Taux de mortalité maternel (Per 100,000) 401 MDG 7a – Accès à l’eau(%) 56 77 MDG 7b – Accès à l’assainissement(%) 26 41 44 Elevé 127 Bas 370 85 90 Elevé 44 70 Bas Source: Données OMD du Sénégal (UNDG); Analyse de Dalberg *Certaines données de 2009 **Les probabilités de réalisation sont tirées du rapport 2007 des OMD et mises à jour en utilisant le rapport de 2010 et l'analyse des récentes tendances; aucune donnée sur l'OMD 6 ‐ Combattre le VIH/sida et les autres maladies Au Sénégal, il s’avère que peu de personnes ont accès aux services de santé et le taux de mortalité maternelle demeure élevé. En outre, seule la moitié de la population dispose d'une assurance maladie33. C’est d’ailleurs dans les catégories santé et enseignement primaire du rapport de compétitivité mondiale de 2010‐2011 que le Sénégal a réalisé son pire classement (118ème sur 139 pays)34. Sur le plan économique, les défis relatifs à l'accès au financement, à l'agriculture, aux infrastructures et à la productivité restent également des charges importantes pour le pays. Il est difficile de mesurer les niveaux de création d'emplois et du chômage en raison de l'absence de données fiables et récentes mais d'après la dernière enquête nationale sur l'emploi menée en 2005, le taux d'emploi formel est de 38,7%, ce qui signifie que sur 100 personnes en âge de travailler moins de 40 ont un travail déclaré35. Plus de 3 millions de personnes, soit environ 25% de la population totale, souffrent de famine saisonnière ou annuelle36 sous l'effet combiné du sous‐investissement de longue date dans l'agriculture et de la grande vulnérabilité aux chocs alimentaires et autres facteurs exogènes. La faible compétitivité du secteur agricole (51% de la population active, mais seulement 16% du PIB) 33 'Rapport sur la compétitivité nationale' de 2011 Sénégal Ibid 35 Ibid 36 USAID, 2010, Feed The Future Strategic Review 34 19 entrave la sécurité alimentaire et met en péril la croissance économique37. Néanmoins, il faut reconnaître que la croissance des investissements de l’Etat dans l'agriculture (de plus de 10% par an) a permis aux progrès en matière de sécurité alimentaire de s’améliorer38 . Le taux d’électrification urbaine atteint 77% et est inférieur à la moyenne mondiale (93%), il reste cependant supérieur à celle d’Afrique (67%). Le taux d’électrification rurale est de 16% et est par contre en‐deçà de la moyenne en Afrique, 23%39. Pour ce qui est de la disponibilité de l’électricité, le Sénégal compte une moyenne de 6,8 heures de pannes d’électricité par mois, supérieure aux 5,3 heures en moyenne en Afrique sub‐saharienne40. Le coût et la disponibilité de l’électricité ont une grande incidence sur la productivité et la compétitivité des entreprises. En ce qui concerne l’environnement, en raison de sa position géographique dans le Sahel, le Sénégal est exposé aux effets néfastes des changements climatiques combinés à une démographie galopante très mal répartie qui accentue la vulnérabilité des populations à la sècheresse, aux inondations et aux risques de catastrophes. 2.2. Parmicesproblèmessociauxlesquelsseprêtentàuninvestissement àfortimpact? En constatant cette série d’obstacles, il convient de se poser la question suivante: lesquels de ces problèmes peuvent être résorbés par l’intermédiaire de l’investissement à fort impact, c’est‐à‐dire en faire supporter la charge aux investissements des entreprises privées plutôt que de dépendre des investissements publiques ou donations diverses? Il est important de se rendre bien compte que même si l’investissement à fort impact représente une solution potentielle à certains problèmes sociaux du Sénégal, ce n’est pas une panacée qui a pour but de se substituer à l’État ou à ses donateurs. Certains problèmes sont si complexes qu’il est difficile à l’investissement à fort impact d’avoir une incidence significative. Ainsi, parfois les problèmes sociaux ne peuvent simplement pas être résolus grâce à une opportunité d’affaires durables et évolutives. Le chapitre 3 analyse la demande en investissement à fort impact et l’importance des entreprises impliquées sur ce segment. 37 'Rapport sur la compétitivité nationale' de 2011 Sénégal USAID, 2010, Feed The Future Strategic Review; En 2009, le pays a finalisé le plan d'investissement du Programme Détaillé pour le Développement de l'Agriculture Africaine (PDDAA), qui a une vision à long terme du développement agricole comme le principal moteur de la croissance économique. La coordination du plan d'investissement est logée au sein du Bureau du Premier Ministre soulignant en outre l’importance accordée par le Sénégal à l'agriculture en matière de sécurité économique et alimentaire. 39 'Rapport sur la compétitivité nationale' de 2011 Sénégal; Perspectives énergétiques mondiales, Base de données d'accès à l'électricité 2011 40 Données de la Banque Mondiale (data.worldbank.org) 38 20 3 Demande:Renforcerlesentreprisesàfortimpact On s’accorde à reconnaitre que dans une économie comme le Sénégal, l’entreprenariat et les entreprises (surtout les PME41) sont le moteur de la création de richesse et de la croissance économique. Les entreprises, formelles et informelles, investissent, créent des emplois, produisent, exportent et distribuent de la valeur ajoutée. Reste un débat pour savoir si l’investissement dans les PME, en soi, constitue un investissement à fort impact. Même si le financement de celles‐ci est absolument nécessaire et essentiel à la croissance économique du Sénégal, il faut admettre que toutes les PME ne créent pas des impacts sociaux positifs dans les mêmes proportions. Ceci est particulièrement avéré dans le cas du Sénégal où de nombreuses PME se focalisent sur les activités commerciales42. Par conséquent, en plus du soutien aux activités des PME, il est essentiel que les entreprises (petites, moyennes et/ou grandes) cherchent à créer un impact social croissant à travers leurs modèles économiques. Ce chapitre introduit le concept d’“entreprise à fort impact”, analyse l’environnement général dans lequel les entreprises opèrent au Sénégal et étudie les initiatives mises en œuvre par l’Etat pour appuyer la demande d’investissement à fort impact. 3.1. Définirlesentreprisesàfortimpact Pour que les investisseurs à fort impact aient un impact social et un rendement financier, ils doivent être en mesure de trouver des “entreprises à fort impact” dont le modèle d’affaires est évolutif43. Ces entreprises – pouvant opérer dans tous les secteurs, depuis les coopératives jusqu’aux entreprises sociales en passant par les entreprises inclusives à but lucratif – sont différentes des entreprises ordinaires dans la mesure où leur modèle d’affaires cherche à répondre à des problématiques sociales en suivant une ou plusieurs voies définies (voir à cet effet le Tableau 3.1). La définition de ces voies repose sur la liste des modèles économiques axés sur le social – et l’environnement‐ dressée par le GIIRS (Global Impact Investing Rating System), qui synthétise les différents modèles en quatre principaux secteurs à fort impact44. 41 Au Sénégal les petites entreprises comprennent les micro‐entreprises et les très petites entreprises qui répondent aux critères et seuils suivants: entre un et vingt salariés; système de comptabilité de base en vigueur, chiffre d'affaires annuel hors taxes inférieur à 50 millions de FCFA. Les moyennes entreprises répondent aux critères et seuils suivants: moins de deux cents cinquante (250) employés; comptes certifiés par un membre enregistré de l'Ordre National des Experts Comptables, recettes hors taxes par an comprises entre 50 millions de FCFA et 15 milliards de FCFA, investissement net inférieur ou égal à un milliard de FCFA. 42 Activités de revente, dans leur état actuel de produits achetés à l'extérieur de l'entreprise 43 Le terme "entreprise à fort impact" est utilisé par la Fondation Rockefeller. Les termes "entreprise inclusive" et "solution basée sur le marché" sont également utilisés dans la littérature pour désigner les entreprises qui s'engagent de façon bénéfique à la base de la pyramide (BdP). Une différence essentielle entre ces derniers et l'"entreprise à fort impact" utilisé dans le présent rapport est l'inclusion de l'aspect environnemental qui ne s'applique pas nécessairement à la BdP et qui fait partie intégrante de l'investissement à fort impact. En outre, le terme "entreprise sociale" est souvent utilisé pour désigner les entreprises ayant un impact social. Ce rapport a renoncé à utiliser ce terme car il est souvent associé à celles à but non lucratif qui utilisent des modèles économiques et des stratégies de revenu pour poursuivre leur mission. Le terme "entreprise à fort impact" prend mieux en compte les entreprises sociales ainsi que les autres entreprises à but lucratif qui créent des avantages sociaux. 44 Global Impact Investing Rating System (www.giirs.org) 21 Tableau 3.1: Les différentes façons dont une entreprise peut avoir un impact social 3 1 Développer ou adapter des chaines de distribution afin de renforcer la participation des acteurs locaux (producteurs, commerçants et fournisseurs) Développer des modèles d’affaires qui visent à préserver l’environnement et/ou à une gestion durable des ressources naturelles Entreprise Assurer l’accès durable à l’emploi de qualité, à la formation et au développement des opportunités pour les jeunes et/ou les populations défavorisées Fournir des denrées et services de première nécessité en demande pour les ménages défavorisés à travers des mécanismes durables et d’échelle 2 4 En utilisant les modèles économiques axés sur le social (et l’environnement) du GIIRS, chaque voie qui en découle se comprend comme suit : Voie 1: Développer ou adapter les chaines d’approvisionnement et de distribution existantes afin d’accroître la participation des producteurs et fournisseurs locaux. Cela inclut l’approvisionnement auprès de fournisseurs certifiés équitablement rémunérés et le soutien aux petits fournisseurs en leur fournissant une assistance technique ou un programme de renforcement des capacités, la conclusion de futurs contrats ou l’achat d’articles auprès d’artisans locaux. Autre cas de figure, l’entreprise elle‐même est une coopérative de producteurs où les propriétaires sont des membres fournisseurs qui organisent la production. Voie 2: Fournir des denrées et services de première nécessité en réponse à un besoin des ménages défavorisés et à travers des mécanismes durables. Le produit ou le service fournit par l’entreprise est destiné aux consommateurs à faible revenu ou des régions enclavées à travers les possibilités suivantes: accès aux services de base, aux soins de santé et produits de première nécessité, amélioration des opportunités économiques pour les utilisateurs des produits, meilleur accès au marché grâce au développement d’infrastructures physiques et technologiques, ou encore l’accès à l’éducation. Cette voie comprend également la production de denrées (ou produits) destinées à la consommation locale, mais qui était disponible uniquement par le canal des importations auparavant. Voie 3: Développer des modèles d’affaires qui visent à préserver l’environnement et/ou une gestion durable des ressources naturelles. Le produit ou le service contribue à la préservation de l’environnement à travers l’un des éléments suivants: Fournir ou être approvisionné en énergies renouvelables ou combustibles plus propres que les solutions alternatives ou en place, réduire la consommation d’énergie ou d’eau, réduire les déchets, promouvoir les centres de conservation de la biodiversité, réduire les substances et intrants 22 toxiques/dangereux, prévenir la pollution, ou encore éduquer, évaluer, rechercher ou fournir des informations pour résoudre les problèmes environnementaux. Voie 4: Assurer l’accès durable à l’emploi de qualité, à la formation et au développement des opportunités pour les jeunes et/ou les populations défavorisées. A travers cette voie, l’entreprise peut investir dans un modèle de micro‐franchise ou de micro‐distribution qui met l’accent sur l’emploi des travailleurs appartenant à une couche de population sévèrement sous‐employée (dont entre autre les populations à faibles revenus, pauvre ou très pauvre) et/ou sur la formation approfondie. Afin de mieux comprendre le concept d’“Enterprise à fort impact” il est également utile de recourir aux conclusions de l’Impact Reporting and Investment Standards (IRIS), qui présente les objectifs de l’impact social et de l’impact environnemental (Tableau 3.2)45. Si la mission d’une entreprise consiste à poursuivre un ou plusieurs des objectifs suivants, elle peut alors être, en général, considérée comme une “entreprise à fort impact”. Tableau 3.2: Objectifs d’impacts sociaux et environnementaux visés par l’IRIS Objectifs de l’impact social • • • • • • • • • • • Accès à l’eau potable Accès à l’énergie Accès aux services financiers Accès à l’éducation Accès à l’information Accès à un logement abordable Productivité agricole Renforcement de capacités Développement de la communauté Résolution de conflits • • • • • • • Réduction et prévention contre les maladies spécifiques Promotion de l’emploi Egalité et responsabilisation Sécurité alimentaire Production de fonds pour les dons caritatifs Promotion de la santé Protection ou expansion du respect des droits de l’homme Croissance des Revenus/productivité Objectifs de l’impact environnemental • • • • • • • Conservation de la biodiversité Efficience de l’énergie et des hydrocarbures Conservation des ressources naturelles Lutte contre la pollution et gestion des déchets Énergie durable Utilisation durable des terres Gestion des ressources en eau Source: www.iris.thegiin.org Le tableau 3.1 fournit des exemples de la manière dont les entrepreneurs et les investisseurs à fort impact utilisent des approches entrepreneuriales pour chercher à résoudre les problèmes sociaux. Le Sénégal peut s’en inspirer et l’adapter à son contexte local. Il faut néanmoins garder à l’esprit que le volume des investissements peut varier de quelques milliers à plusieurs millions de dollars américains en fonction de la taille de l’entreprise. 45 Impact Reporting and Investment Standards (http://iris.thegiin.org/indicator/environmental‐impact‐objectives‐od4108) 23 Tableau 3.1: Exemples internationaux d'entreprises à fort impact et d'investisseurs à fort impact résolvant des problèmes sociaux 46 Problème social Accès aux énergies renouvelables Accès à l'eau potable Accès à l'assainissement Gestion des déchets Améliorer les moyens de subsistance en milieu rural Création d’emploi Education sanitaire Accès aux soins de santé Nutrition Accès aux médicaments Exemple de modèles économiques d’‘entreprise d’impact’ Pays Investisseur à fort impact Enersa: Producteurs haïtiens de lampadaires solaires et autres produits Toyola: Fourneaux à haut rendement énergétique limitant la quantité de bois nécessaire Husk Power System: Centrale électrique produisant de la biomasse en utilisant les déchets agricoles et sous‐produits Il existe plusieurs modèles d'utilisation de la technologie d'osmose inverse pour purifier l'eau et approvisionner les sites communautaires à un faible coût de l'achat du litre Ecotat: Augmentation des installations sanitaires dans les dans les zones urbaines pauvres CASCAF: Collecte, tri et recyclage des déchets en produits manufacturés Sagex: Production de soja et de maïs pour la consommation locale Fruiteq: Achat de mangues biologiques et équitables fraîches auprès de plus de 500 petits producteurs Altea, Finapack: Production d'emballages spécialisés pour l'approvisionnement des entreprises locales Trainis: Services de renforcement des capacités et de formation Books of Hope: Production et fourniture de livres audio dans la langue locale pour sensibiliser les gens sur les problèmes de santé fréquents Il existe plusieurs modèles de dispensaires et d'hôpitaux ruraux qui offrent des services ciblés à des prix abordables pour les problèmes de santé fréquents Vue et Vision: Vente de verres correcteurs à des prix abordables pour les populations marginalisées Insta Products: Production locale de bouillie enrichie pour l'approvisionnement de l'UNICEF, du PAM, de l'USAID, etc. Drishtee: Accès au dernier kilomètre aux produits pharmaceutiques et autres produits de consommation dans les kiosques communautaires Genemark: Production de médicaments génériques Haïti Ghana AIDG E+CO Inde Acumen Fund Plusieurs Acumen & Aavishkaar Venture Management Kenya AcumenFund Haïti Cameroun Projet financé par les Nations Unies Investisseur & Partenaire Burkina Faso Root Capital Afrique du Nord Mali Mondial (US) AfricInvest Investisseur & Partenaire Acumen Fund Plusieurs Acumen Fund & Aavishkaar Venture Management Côte d’Ivoire Investisseur & Partenaire Kenya Acumen Fund Inde Acumen Fund Cameroun Investisseur & Partenaire 46 Informations tirées des sites web des différents investisseurs à fort impact 24 Problème social Education Accès au financement Exemple de modèles économiques d’‘entreprise d’impact’ Bridge International Academy: Chaîne à faible coût, pour les écoles à but lucratif qui offrent une éducation de qualité aux communautés pauvres à un peu moins de 4 dollars US par mois Sinergi: Société d'investissement de soutien aux PME Afrique Émergence & Initiative: Institution de micro‐finance Pays Investisseur à fort impact Kenya LGT Venture Philanthropy Niger Investisseur & Partenaire Côte d’Ivoire Investisseur & Partenaire 25 3.2. L'activitéentrepreneurialeauSénégal Tous les investissements à fort impact commencent avec un entrepreneur et une idée. Pour que l'investissement à fort impact prenne son essor, il doit exister une véritable ruée vers les activités entrepreneuriales visant à résoudre les problèmes sociaux de manière financièrement viable. Mais afin d'encourager l’engouement pour les entreprises à fort impact, il est d'abord nécessaire de comprendre l'environnement général dans lequel les entrepreneurs du Sénégal opèrent et de connaitre leurs besoins financiers. LesecteurprivéauSénégal Le Global Entrepreneurship Monitor (GEM) est le cadre le plus largement utilisé pour évaluer l'état de l'entrepreneuriat d'un pays. Le Sénégal ne fait pas actuellement partie de l'enquête GEM, mais la comparaison du nombre de nouvelles entreprises pour 1000 personnes au Sénégal (0,14 en 2009) avec celui du Kenya (0,45 en 2008) et du Nigeria (0,42 en 2009) renseigne sur ses faibles performances du pays en termes d'entrepreneuriat47. Même s'il existe une grande variabilité d'une année à l'autre dans la création de nouvelles entreprises au Sénégal, la densité globale des entreprises est restée relativement stable entre 2000 et 2009 en raison du nombre inversement proportionnel de fermetures d'entreprises48. Les aspects juridiques et règlementaires liés aux affaires (par exemple, les charges fiscales administratives et la durée et le coût d'enregistrement d'une propriété) contribuent à décourager l'entrepreneuriat et la création de nouvelles entreprises tout en entrainant le développement d’entreprises informelles aux niveaux de productivité représentant entre 7 et 10% des résultats constatés auprès des entreprises formelles49. Le secteur privé du Sénégal présente un profil atypique avec une économie largement dominée par les secteurs manufacturiers et de services. Entre 2000 et 2009, en moyenne, ces secteurs employaient moins de la moitié de la population active du Sénégal, mais contribuaient pour 84% au PIB national, alors que les 51% d’employés du secteur de l'agriculture ne produisaient que 16% du PIB (voir Tableau 3.3)50. Les faibles niveaux de productivité agricole peuvent s'expliquer d’abord par la place importante de l’informel dans le secteur (voir Tableau 3.4), puis par un faible taux de mécanisation et enfin par une forte dépendance aux conditions météorologiques, connues pour l'irrégularité des pluies. La structure de l'économie montre donc une grande disparité entre secteurs en termes de contribution au PIB total et d'importance de la création d'emplois dans le pays. Elle est composée d'une trentaine de grandes entreprises qui fournissent la majeure partie des recettes fiscales et de 250 000 petites et moyennes entreprises (PME), parmi lesquelles environ 33 000 sont enregistrées, le reste opérant dans le secteur informel51. Sur le montant total de l'impôt sur les sociétés, 75% sont payés par environ 15 grandes entreprises, dont près des 40% sont acquittés par les entreprises de télécommunications52. Les PME représentent ainsi plus de 90% des entreprises sénégalaises, mais ne concentrent que 30% des emplois et seulement 20% de la valeur ajoutée53. La proportion 47 Données de la Banque Mondiale (data.worldbank.org) 'Rapport sur la compétitivité nationale' de 2011 Sénégal 49 Ibid. 50 Ibid. 51 BAD Document de Stratégie Nationale du Sénégal 2010 ‐ 2015 52 'Rapport sur la compétitivité nationale' de 2011 Sénégal 53 Ibid 48 26 importante du secteur informel est l'une des principales raisons identifiées par l’Etat pour expliquer la faible productivité du pays, qui se traduit par un niveau de production jugé encore insuffisant pour pouvoir réduire de manière significative le niveau de pauvreté54. Tableau 3.3: Production et composition de l'emploi, 55 % d'emploi total,% du PIB Tableau 3.4: Contribution des secteurs formel et informel à la valeur ajoutée totale, 2005 ‐ 2009 56 Source: Rapport National sur la Compétitivité du Sénégal, 2011 La productivité de l'ensemble des secteurs de l'économie du Sénégal apparait donc entravée par l’importance du secteur informel. Dans l'agriculture, la productivité du travail du secteur informel ‐ comprenant 98% des producteurs ‐ représente 10% de celle du secteur formel. Par ailleurs, entre 2000 et 2009, la productivité du travail du secteur agricole formel a augmenté 10 fois plus vite que la productivité du secteur agricole informel57. Une faible productivité implique moins de ressources pour les entrepreneurs et les petits agriculteurs dans une perspective de création de richesses et d'emplois. Les marchés restent, de la sorte, sous‐développés offrant encore moins d'incitations à la croissance. Les taux d'imposition, la bureaucratie et les coûts d'enregistrement jugés élevés sont les causes possibles de la nette prépondérance du secteur informel. Cependant, le manque de sensibilisation aux avantages potentiels de la reconversion dans le secteur formel constitue également un point essentiel auquel une réponse doit être apportée. Par exemple, la formalisation et l'organisation des entreprises en coopératives responsabilisent les entrepreneurs, les petits agriculteurs, les pêcheurs et les autres catégories de travailleurs en leur offrant un pouvoir de négociation plus important, la possibilité de coordonner leurs intérêts de classe et un accès plus facile au financement, autant d’arguments peu connus ou méconnus de ces exploitants. Le Sénégal dispose d'une position géographique stratégique et d'un cadre relativement compétitif pour les exportations, avec notamment l'absence de taxes sur les exportations, la faiblesse des coûts de transport, des marchés relativement ouverts et un appareil logistique favorable. Malgré cela, depuis 2005, ce sont les services qui ont été le principal moteur de l'exportation, avec une croissance 54 Ibid Ibid 56 Ibid 57 Ibid 55 27 cinq fois plus rapide que celle des produits manufacturés58. En tant que membre de la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO), le Sénégal utilise le franc CFA (FCFA), qui est ancré au cours de l'euro. Bien que ce mécanisme offre une stabilité des prix (et donc une faible inflation)59 un euro fort se traduit habituellement par une perte de la compétitivité des prix des produits d'exportation. Malgré le niveau élevé de l'investissement fixe brut ces dernières années (27,9% du PIB en 2009 contre 11,2 % en Côte d'Ivoire et 19,6% au Ghana),60 le Sénégal a enregistré une faible croissance économique atteignant seulement 4%61. La cause avancée s’appuie sur le fait qu’une grande partie des investissements réalisés l’ont été dans des activités non directement productives. Entre 2005 et 2009, 73% des investissements étaient ainsi destinés à la construction62. Les transferts de fonds, qui étaient 4 à 17 fois plus importants que les flux d'IDE sur la période 2000‐2009, ne sont pas encore investis, pour l'essentiel, dans des activités génératrices de valeur et revenus63. Les données de la Banque Africaine de Développement (2007) montrent que seulement 5% des transferts de fonds à destination du Sénégal sont utilisés dans des investissements productifs, tandis que 34% sont utilisés dans l'immobilier, et 61% dans les dépenses familiales64. Appuifinanciersdesbailleursdefonds Dans le cadre de leur programme de Coopération avec le Sénégal, plusieurs bailleurs de fonds interviennent pour soutenir le développement du secteur privé. Par exemple : Agence Française de Développement (AFD). L’AFD a mis en place auprès de plusieurs institutions financières sénégalaises (SGBS, BICIS, BOA, Alios Finance) un fonds de garantie dénommée ARIZ qui facilite l’accès au crédit des PME. Des entreprises à fort impact social telles que la SPEC et la Laiterie du Berger ont par exemple bénéficié de ce fonds. Par ailleurs, l’AFD a soutenu des initiatives nationales visant à accompagner le développement de PME, à travers notamment du financement du Bureau de Mise à Niveau, organisme chargé d’aider les entreprises à se développer et croître, moyennant le respect de certains critères prédéfinis. D’autres partenaires ont soutenu le programme de Mise à Niveau comme l’Union Européenne, le Centre de Développement de l’Entreprise et l’ONUDI. PROPARCO est une filiale de l’AFD destinée au financement direct du secteur privé, et en particulier à accompagner le développement des PME. Son activité de financement intègre la volonté de préservation de l’environnement et d’amélioration des conditions de vie des populations des sociétés financées. PROPARCO a notamment soutenu des initiatives de type « Social Business », dont les critères de sélection reposent sur : des aspects environnementaux, des aspects sociaux et des aspects sociétaux (c'est‐à‐dire que les aspects liés à la bonne gouvernance de l’entreprise doivent figurer dans les statuts de celle‐ci). 58 Ibid Au cours de la dernière décennie, le taux d'inflation annuel du Sénégal est demeuré relativement faible, avec une moyenne d'environ 2,1% par an 60 Données de la Banque Mondiale (data.worldbank.org) 61 Développements récents et perspectives du Sénégal www.africaneconomicoutlook.org 62 ‘Rapport sur la compétitivité nationale’ de 2011 Sénégal 63 Ibid. 64 “Transferts de fonds des migrants: un enjeu de développement,” Banque Africaine de Développement, 2007. Les données précises de cette étude datent de 2005. 59 28 Coopération Allemande. Dans le cadre de la coopération bilatérale avec l’Allemagne, le Sénégal a pu bénéficier d’un appui financier et technique, qui a permis la mise en place du programme PERACOD (Programme pour la Promotion de l’Energie Renouvelable, de l’Electrification Rurale et de la Fourniture Durable d’Energie aux Populations Défavorisées), dont l’objectif est essentiellement l’accès des populations rurales à des services énergétiques modernes. Ce programme a également été soutenu par le GIZ (Société Allemande de Développement), qui intervient également dans des initiatives telles que le Programme Sénégalo‐Allemand d’Appui à la Compétitivité et à la Croissance des PME (PACC/PME/PMF). Ce dernier vise la promotion d’un environnement favorable pour les PME, qui permette l’émergence d’un secteur de la microfinance performant et des services non financiers efficaces pour davantage de compétitivité et de croissance65. Centre de Développement de l’Entreprise (CDE). Le CDE est une initiative de l’Union Européenne créée pour soutenir le développement des entreprises dans les pays pauvres. Au Sénégal le CDE appuie les entreprises dans l’identification et la mobilisation de ressources destinées à leurs investissements. Il apporte également un soutien technique aux entreprises sous différentes formes : définition de projet, étude de préfaisabilité, assistance au montage juridique et financier, aide à la recherche de financement, étude qualité environnement, etc.66. Coopération technique Belge. Dans le cadre de la coopération Sénégalo‐Belge, le Royaume de Belgique a mis en place des initiatives visant pour renforcer le secteur de la micro finance, notamment avec le Programme d’appui à la microfinance, dont l’objectif est de réduire le niveau de pauvreté des populations rurales dans les régions de Diourbel, Fatick, Kaolack et Kaffrine. Ce programme vise à améliorer l’accès au microcrédit des populations de ces régions situées dans le bassin arachidier, par le renforcement des capacités de la direction de la microfinance et d’autres structures étatiques œuvrant dans ce même but. Le budget de ce programme est de 2 042 318 euros. Il en est prévu un second disposant de 4 416 031 euros67. USAID. L’USAID a lancé le projet Croissance économique qui se donne pour objectif d’assurer la croissance, la productivité, et la compétitivité de l’agriculture. Ce projet a pour but de stimuler les investissements dans le secteur agricole et d’augmenter sensiblement la contribution de l’agriculture à l’économie nationale. L’USAID cherche à travers ce projet à renforcer les capacités dans les chaînes de valeur agricoles afin de favoriser la création d’entreprises au niveau de chaque maillon et afin de renforcer les initiatives concurrentes à l’importation de produits agricoles68. Lesbesoinsenfinancementdesentreprises Les différents aspects du développement et de l'exploitation d'une entreprise impliquent différents types et besoins de financement. Ainsi, le "Capital d'amorçage", le "capital de croissance" et les 65 Source : site web d’ADEPME Source : site web de CDE 67 Source : site web d’Agence Belge de Développement 68 Site web d’USAID 66 29 "fonds de roulement" relèvent de besoins différents en termes de durée, de tolérance au risque, d’instruments utilisés et de provenance, comme le définit le tableau 3.2 ci‐dessous. Tableau 3.2: Résumé des besoins en financement des entreprises Capital d’amorçage Capital de croissance Fonds de roulement Description Démarrage de l'activité jusqu'à ce que les fonds provenant de ses Expansion ou propres activités soient restructuration des suffisantes pour soutenir activités l'entreprise Opérations quotidiennes Durée Long terme Long terme Court à Moyen terme Tolérance au risque Elevée Elevée Moyenne à faible Instruments les plus communs ‐ Dette ‐ Capitaux propres ‐ Dette ‐ Capitaux propres ‐ Quasi‐fonds propres ‐ Dette Fournisseurs typiques de capital ‐ Capitaux propres ‐ Institutions de micro‐finance (IMF) ‐ Fonds de capital‐risque ‐ Investisseurs providentiels ‐ Amis et famille ‐ Capitaux propres ‐ Banques commerciales ‐ Fonds de capital investissement ‐ Capitaux propres ‐ Banques commerciales Source: Entretiens avec les intervenants et recherche; analyse de Dalberg L'accès au financement a été identifié par le secteur privé comme étant le facteur le plus problématique pour faire des affaires au Sénégal, suivi par des taux d'imposition et la réglementation inadaptée, la corruption et une offre insuffisante en infrastructures (voir Tableau 3.3)69. Tableau 3.3: Les facteurs les plus problématiques pour faire des affaires au Sénégal, Rapport sur la compétitivité en Afrique 2011 2008 ‐ 2009 25% 12% 12% 3% 12% 32% 2% 2% 2009 ‐ 2010 2010 ‐ 2011 23% 19% 12% 15% Accès au financement Réglement fiscal Corruption Taux d’imposition 9% 12% 11% 11% 9% 7% 6% 10% 4% 5% 23% 25% Fourniture innadéquate d’infrastructures 100% Main d'oeuvre aux qualifications non adéquates Reglémentation du travail trop restrictive Autres 69 Forum Economique Mondial, Rapport sur la compétitivité en Afrique (2011) 30 Même si la taille et la portée du système bancaire et financier du Sénégal se sont considérablement améliorées au cours de la dernière décennie, le Rapport sur la Compétitivité du Sénégal daté de 2011 indique que le secteur est toujours caractérisé par son manque relatif de sophistication, l'accès limité à l'information concernant le crédit, et des niveaux élevés des prêts non performants. Ces facteurs ont entraîné une disponibilité limitée et un coût élevé du crédit à destination du secteur privé, qui frappe en particulier les PME. 3.3. LesentreprisesàfortimpactduSénégal Les entreprises à fort impact, font non seulement face aux défis typiques auxquels sont confrontés presque toutes les entreprises du Sénégal ‐ comme la difficulté d'accès au financement, exporter en restant compétitif, attirer et retenir le capital humain, la réalisation d'économies d'échelle, la création de marques de confiance ‐ mais elles en rencontrent également d’autres. Elles doivent par exemple vendre leurs marchandises à ces clients plus difficiles d’accès avec des ressources très limitées. Elles sont également obligées de collaborer avec des fournisseurs ayant des capacités limitées et une grande production volatile. Ces entreprises doivent souvent tester des modèles économiques qui n’ont pas d’équivalent et donc de source d’expérience70. L’investissement à fort impact ne peut donc pas se développer sans l’imagination et le cadre nécessaires pour surmonter ces difficultés et permettre aux entrepreneurs de concrétiser leurs idées. De nombreuses entreprises à fort impact exercent déjà au Sénégal, elles apportent leurs solutions aux problèmes sociaux et environnementaux en intervenant dans des secteurs comme l'agriculture, la santé, l'environnement et les infrastructures. Les entreprises à fort impact identifiées au Sénégal évoluent sous diverses formes organisationnelles et ont bénéficié d'investissements provenant de sources variées, mais elles conservent comme point commun leur objectif de générer des impacts sociaux et/ou environnementaux dans le pays. Voici six exemples de la façon dont les entreprises à fort impact génèrent un impact à travers une ou plusieurs des voies introduites dans le Tableau 3,1. AgricolaInternational71(génèreunimpactà traverslesvoies1,2et4) Agricola International, entreprise hybride évoluant entre les organisations à but lucratif et à but non lucratif, transforme des terres arides en périmètres irrigués rentables à travers un système innovant de "franchises". Dans ce système, la propriété de l'entreprise est transférée du propriétaire foncier à divers agriculteurs en signant des contrats bail tandis que les actifs productifs sont regroupés au sein d’une entreprise productive. Les différentes façons dont une entreprise peut avoir un impact social 1) Développer ou adapter des chaînes existantes d'approvisionnement et de distribution de manière à accroître la participation des producteurs et des fournisseurs locaux; 2) Produire et/ou fournir des biens et services indispensables aux groupes à faible revenu d'une manière financièrement viable et évolutive; 3) Elaborer des modèles économiques menant à la préservation de l'environnement et/ou la gestion durable des ressources naturelles; 4) Soutenir la fourniture durable d'emplois de qualité, la formation et les opportunités de développement pour les jeunes et/ou des groupes marginalisés. 70 71 Acumen and Monitor 2012 ‘From Blueprint to Scale’ www.agricolainternational.org et entretien avec le fondateur et PDG d'Agricola 31 La formation, le coaching et le soutien technologique, financier et matériel sont également prévus pour garantir la productivité et la viabilité du modèle. La vision d'Agricola est de lutter contre la pauvreté de masse par l'autonomisation des personnes pauvres, en leur donnant les ressources nécessaires pour s'engager dans des activités agricoles. Cependant, Agricola est limitée par les lois territoriales qui ne permettent pas la division des terres en petites parcelles et contrats de location. Les incitations à l'importation représentent également un défi majeur pour Agricola étant donné que la production agricole locale entre en concurrence avec les produits importés subventionnés. Sans un cadre règlementaire approprié, le modèle d’affaires d'Agricola ne pourra pas se développer et évoluer convenablement. INENSUS72(génèreunimpactàtraverslesvoies2et3) INENSUS est une société allemande spécialisée dans les systèmes énergétiques décentralisés et les produits et services rattachés, qui a conclu un partenariat public‐privé avec le programme gouvernemental du Sénégal pour promouvoir l'électrification rurale (PERACOD) en 2009. Son modèle d’affaires consiste à fournir de l'électricité aux villages non reliés au réseau du Sénégal en combinant l’énergie éolienne et l'énergie solaire avec un groupe électrogène diésel. Afin de garantir la viabilité du projet, les habitants du village doivent utiliser l'électricité à des fins d’activités productives afin d'accroître les sources de revenus du village. L’INENSUS s'associe aux institutions de micro‐finance pour octroyer des micro‐prêts aux nouvelles entreprises telles que meuniers pour le riz ou encore décortiqueuses d'arachide. L'entreprise a toujours été confrontée à un certain nombre de difficultés depuis sa création. La lourdeur des procédures étatiques, le retard dans l'octroi de licences et l'approbation d'un modèle tarifaire unique entravent la croissance de l'entreprise et le démarrage des projets dans de nouveaux villages. LaVivrière73(génèreunimpactàtraverslesvoies1,2et4) La Vivrière est l’aboutissement d’un projet personnel de la directrice consistant à la création d’une entreprise de transformation de céréales locales. L’aventure entrepreneuriale a débuté par un exercice à réaliser dans le cadre de la formation financée par la Banque Mondiale, qui consistait à monter un projet. Le projet de la Vivrière a démarré avec un budget modeste (35 000 FCFA) et a su se développer de manière progressive, grâce à l’amélioration continue des techniques de production. L’entreprise compte désormais plus de cinquante salariés (90% de femmes) qui viennent, pour la grande majorité du milieu rural. Elle offre deux types de produits : des produits roulés (thiéré, araw, thiakhry) et des produits non roulés (soungouf, sankhal). La distribution des produits de la Vivrière est assurée par des distributeurs locaux et étrangers et leur commercialisation par des détaillants, supermarchés, stations‐services, etc. Au niveau international, les produits sont vendus en Europe, et principalement en France, aux Etats‐Unis et au Canada. La production était réalisée de manière totalement manuelle pendant les premières années d’existence de l’entreprise. Puis, avec un financement du CDE (Centre de Développement des entreprises), la Vivrière a mis en place une unité de production et a mécanisé la production de farine de mil depuis le décorticage jusqu’à la mouture. Un financement de l’ADF (African Development 72 www.inensus.com et entretien avec le directeur général d'INENSUS Entretien avec la directrice de la Vivrière 73 32 Fondation) a ensuite permis à l’entreprise de se doter d’une unité mécanique de production de sankhal. Cependant, la production de céréales roulées, qui constitue le marché principal de la Vivrière (1,2 tonnes par jour, contre 800 kg pour les produits non roulés), demeure encore artisanale. Au‐delà de la pénibilité de la tâche, la non mécanisation de cette ligne de production explique que l’entreprise éprouve, par moment, beaucoup de difficultés à répondre à la demande de produits roulés aussi bien au niveau local, qu’au niveau international. Ainsi, faute d’accompagnement pour disposer des équipements nécessaires à la mécanisation de la production de produits roulés, l’entreprise seule ne parvient pas à trouver les financements. De plus, malgré la volonté de l’Etat de favoriser le « consommer local », de favoriser les exportations de produits transformés et d’encourager la transformation de produits locaux pour créer davantage de valeur sur place, les entreprises locales évoluant dans le secteur de la transformation de céréales sont assujetties à une TVA à 18% tandis qu’en contrepartie il n’existe pas de prix préférentiels ni pour l’acquisition de matière première, ni pour rendre les produits finis plus accessibles aux populations. En plus de cela, il se pose pour la Vivrière un véritable problème d’accès à la matière première, aussi bien en termes de disponibilité du mil, qu’en termes de qualité, de sorte que les unités de la Vivrière sont obligées de s’acquitter d’une tâche supplémentaire de nettoyage du mil avant usage, ce qui constitue des charges additionnelles pour l’entreprise. Malgré le caractère socialement rentable de la Vivrière, la Directrice ne se considère pas comme étant une entreprise à fort impact social. Son objectif premier reste de rendre son entreprise rentable. Ceci étant dit, reste que l’entreprise sous sa forme actuelle permet à une cinquantaine de familles issues de milieux défavorisés de disposer d’un emploi stable et de revenus décents. Proplast74(génèreunimpactàtraverslesvoies3et4) Créée en 2010, Proplast est une SARL basée à Thiès majoritairement détenue par des femmes dans une logique de social business. L’entreprise a été soutenue lors de sa création par une ONG italienne et est appuyée par le Cabinet Espère qui joue le rôle d’investisseur Social Business. L’entreprise a pour objectifs le nettoyage du territoire sénégalais pour un environnement propre et sans pollution, l’instauration d’une nouvelle filière économique viable et durable, et la création d’emplois stables par la récupération et la valorisation des déchets plastiques. Ainsi, Proplast poursuit trois missions : une mission environnementale avec plus de 150 tonnes de déchets plastiques traités par an et plus de 273 tonnes de CO² éliminés, une mission sociale avec plus de 600 personnes (collecteurs) employés pour animer la collecte et la vente des déchets plastiques, et une mission économique avec comme résultat plus de 150 tonnes de produits vendus et un chiffre d’affaires de 40 millions de FCFA. L’activité de Proplast consiste à collecter les déchets plastiques dans le cadre des éco‐boutiques de quartiers, implantant ainsi une activité commerciale générant un revenu pour les jeunes de ces quartiers qui en ont la charge (principalement des femmes); recycler et transformer les déchets plastiques à travers la société Proplast Industrie qui dispose d’unités industrielles de recyclage, de nettoyage, de brouillage et de conditionnement des granulés provenant des déchets plastiques, ensuite destinés au secteur industriel. 74 Présentation par le directeur général de Proplast 33 L’entreprise fait face à plusieurs contraintes majeures entravant son développement : (i) la quantité encore relativement faible de déchets plastiques collectés ; (ii) la faible capacité de transformation du centre Proplast ; (iii) le secteur du recyclage de déchets plastiques encore méconnu au Sénégal ; (iv) le déficit de formation encore important. L’entreprise a identifié deux opportunités majeures qui lui permettraient de poursuivre son rythme de développement. Le renforcement du réseau de collecte : en favorisant la vulgarisation du concept de recyclage de déchets plastiques, en mettant en place des « éco‐boutiques » un peu partout (il en existe actuellement 15 à Thiès et 10 à Dakar), en encourageant la collecte auprès des entreprises. Le renforcement de la capacité de production de Proplast : en recherchant de nouveaux capitaux, en mettant en place des centres de prétraitement à Dakar, en accroissant les investissements avec l’achat de nouveaux équipements et en formant le personnel. SPEC75(génèreunimpactàtraverslesvoies2,3et4) SPEC est le premier et le seul fabricant de panneaux solaires en Afrique de l'Ouest. Les actionnaires de SPEC, un groupe d'ingénieurs sénégalais, ont vu l’opportunité que représentait la promotion du secteur des panneaux solaires au Sénégal et en Afrique par le transfert de technologie et la mise en place d'une production locale, pour se substituer à l'importation de panneaux solaires. Son modèle d’affaires comprend également le développement d'un réseau de fournisseurs de services locaux, l’incitation des petites entreprises locales dans la distribution et installation des produits de SPEC auprès des particuliers. La société collabore également avec des banques commerciales et des compagnies d'assurance pour fournir aux utilisateurs les lignes de crédit nécessaires à l’achat des panneaux solaires. SPEC a pour objectif de réduire la dépendance des sénégalais aux importations de pétrole et de promouvoir l'innovation technologique dans un secteur essentiel pour le Sénégal puisque le déficit énergétique chronique et le coût élevé de la fourniture d'électricité sont considérés comme des questions prioritaires par l’Etat. L'accès au financement et les incitations fiscales en faveur des panneaux solaires importés sont identifiés comme les principaux obstacles à la croissance du SPEC. Le secteur est encore peu développé au Sénégal et l'appui de l’Etat est jugé essentiel pour promouvoir la croissance du SPEC et des entreprises reposant sur des modèles économiques en faveur de la préservation de l'environnement et de la gestion durable des ressources naturelles. NestforAll76(génèreunimpactàtraverslavoie2) Le modèle d’affaires de Nest for All est basé sur le développement d'un réseau de centres médicaux spécialisés dans les soins maternels et infantiles. Les patients ciblés sont les populations marginalisées qui ne disposent pas de ressources financières pour payer des soins de santé privés, mais qui reconnaissent la qualité des services que l'on ne trouve pas toujours dans le réseau de santé publique. Avant de devenir une entreprise, les fondateurs de Nest for All ont participé à différents concours de business plan et ont bénéficié d’un processus d'incubation. La participation aux concours et les retours sur le concept de l'entreprise ont permis aux entrepreneurs d'affiner progressivement l'idée. Le processus d'incubation leur a permis de disposer d'un appui à 75 76 www.solar.sn et entretien avec le directeur général de SPEC Entretien avec le Directeur de Nest for All et Directeur d'Investissement d'Investisseur & Partenaire 34 l'élaboration du business plan et les a mis en réseau avec les investisseurs. Nest for All a aussi reçu une récompense financière qui a permis aux propriétaires de limiter les besoins financiers, ce qui réduit le recours à la dette. De nombreux obstacles ont retardé le démarrage des activités de Nest for All. Le premier rencontré était la difficulté d'accéder aux informations relatives au cadre juridique d'une nouvelle entreprise. Même lorsque les entités étatiques étaient sollicitées, les informations reçues sur les avantages et les différences entre chaque structure d'entreprise possible différaient d'un représentant à un autre. Ensuite, l'un des actionnaires de l'entreprise eut l’idée d'échanger un actif immobilier contre des actions. Hors, les taxes imposées étaient très élevées et empêchaient presque la transaction. Même sans argent investi dans cette capitalisation, de lourdes taxes devaient être payées par l'entreprise et les particuliers. En outre, l'enregistrement de l'entreprise au niveau du ministère de la Santé a occasionné des freins supplémentaires très complexes. Le cadre juridique des cliniques privées date de 197777 et il n'autorise pas des personnes ne disposant pas de diplôme de médecine à établir des entreprises dans le secteur sanitaire. En résumé, les études de cas décrites ci‐dessus montrent que, pour accroître l'impact social des entreprises, la politique étatique a un rôle clé à jouer dans le soutien aux sociétés à fort impact existantes et dans l'offre de cadres juridiques et règlementaires adaptés pour canaliser les ressources en faveur de la croissance du secteur des entreprises à fort impact en général. 3.4. Politiquesdepromotiondesentreprisesàfortimpact Les politiques qui renforcent la demande sont celles qui contribuent au renforcement des capacités institutionnelles, à la création de structures facilitatrices et qui ainsi favorisent généralement le développement des entreprises à fort impact, des projets et des bénéficiaires de capitaux78. L’Etat du Sénégal a développé et mis en place une série de mesures et organismes visant à favoriser le développement des entreprises et canaliser les ressources financières et investissements vers des secteurs spécifiques. Même si ces initiatives ne sont pas par définition spécifiquement destinées à l’investissement à fort impact, toute politique ciblant les PME pourra par extension contribuer à créer un environnement dans lequel l’investissement à fort impact peut se développer plus facilement et à plus grande échelle79. Par exemple: L’APIX est chargée d’assurer la promotion de l’investissement au Sénégal. En plus d’œuvre pour améliorer l’environnement des affaires, pour attirer l’investissement privé local et étranger, l’APIX s’est résolument engagée dans une dynamique visant à faire du développement du secteur privé une priorité. Cela se matérialise par exemple par la mise en place du guichet unique qui permet la création d’une entreprise en 48 heures. 77 Réseau sénégalais “Droit, Éthique, Santé” ‐ http://rds.refer.sn/ InSight at Pacific Community Ventures and the Initiative for Responsible Investment at Harvard University (2011), ‘Impact investing – A framework for policy design and analysis’ 79 Ibid. 78 35 L’ADEPME80 a été créée pour accompagner le développement des PME sénégalaises. Son rôle est de conseiller les entrepreneurs ayant un projet d’entreprise sur les procédures administratives, la compréhension du marché, la gouvernance et la gestion financière. Le FONDEF81 fournit aux entreprises un appui au renforcement de leurs capacités. Le FONDEF finance des projets de formation pour les PME et leur fournit une expertise technique appropriée. Le FONDEF finance jusqu'à 75% du budget total de la formation, la PME bénéficiaire couvrant le reste des coûts. La Direction de l’Entreprenariat Féminin (DEF) cherche à améliorer l'accès des femmes aux informations économiques, au crédit et aux marchés par le renforcement de leurs capacités techniques et de gestion. La DEF gère ainsi : un Fonds pour la promotion des femmes entrepreneures servant au refinancement des institutions financières (banques et institutions de micro‐finance) soutenant des projets dirigés par des femmes, un fonds de garantie pour les prêts accordés aux femmes, ainsi qu’un fonds d'assistance technique et de soutien aux projets de développement dirigés par des femmes (appui institutionnel). Le FNPJ82 est conçu pour financer des microprojets dirigés par des jeunes, pour un budget compris entre 1 et 5 millions de francs CFA. Le FNPJ intervient sous la forme de lignes de crédit offertes aux jeunes par le biais des institutions de micro‐finance. L’initiative a ainsi pour objectif de lutter contre le chômage des jeunes. Le statut de l’entreprenant de l’Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique (OHADA): En Décembre 2010, le Sénégal (en tant que membre de l'OHADA) a adopté une première série de modifications aux lois OHADA existantes, comprenant l'introduction d'un nouveau statut pour les petits entrepreneurs ("Entreprenant") avec un régime juridique "plus souple" et simplifié, leur permettant d'enregistrer et d'exploiter une entreprise plus facilement. L'objectif est d'encourager des milliers d'entrepreneurs informels à rejoindre l'économie formelle, ce qui leur permettrait d'accéder à un financement et aux diverses initiatives de soutien technique et institutionnel. Mettre l'accent sur le renforcement des entreprises productives et évoluant dans le secteur formel est un moyen de stimuler l'entreprenariat et de créer un vivier d'entreprises prêtes à recevoir des investissements. Pour ensuite s'assurer que ces entreprises engendrent l'impact souhaité, l’Etat a également mis en place des initiatives pour orienter les investissements et la création d'entreprises vers des secteurs spécifiques qui contribuent à la résolution de problèmes sociaux et/ou environnementaux. La stratégie de Croissance Accélérée (SCA) du Sénégal, par exemple, agit dans cinq secteurs prioritaires ‐ l'agriculture et l'agro‐industrie, les produits de la pêche et de l'aquaculture, les textiles et l'habillement, les TIC et le tourisme, les industries culturelles et l'artisanat. Chaque secteur est divisé en grappes de compétitivité. La SCA sert de facilitatrice technique au dialogue entre les acteurs de chaque grappe et accompagne le développement des chaînes de valeur. 80 Agence de Développement et d'Encadrement des Petites et Moyennes Entreprises Fonds de Développement de l'Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle 82 Fonds National de Promotion de la Jeunesse 81 36 L'étude de cas de l’initiative décrite dans l'Encadré 3.1 ci‐dessous porte un regard plus approfondi sur les interventions de l’Etat œuvrant à la création d’opportunités d'investissement dans le secteur des énergies renouvelables. Chacun des éléments des six critères83 est utilisé pour mettre en évidence les principaux enseignements qui peuvent être tirés dans une perspective d'investissement à fort impact. Encadré 3.1: Etude de cas sur une initiative de l’Etat: La Stratégie Nationale des Bioénergie En 2006 l’Etat du Sénégal a mis en place la Stratégie Nationale des Bioénergies pour diversifier le secteur énergétique au Sénégal. L'objectif de la Stratégie est de produire 1,1 milliard de litres de biodiésel à partir du Jatropha. Chacune des 321 communautés rurales du Sénégal devraient ainsi planter 1000 ha de plants de Jatropha fournis par l’Etat. Dans une perspective d'investissement à fort impact cette initiative vise à canaliser l'investissement intérieur et étranger privé vers la production de biocarburants et réduire ainsi l'argent dépensé en importations pétrolières, à protéger l'environnement et à créer des emplois dans des zones moins favorisées. Problèmes sociaux que la Stratégie Nationale des Bioénergies vise à traiter directement et indirectement La dépendance aux importations pétrolières ‐ une énorme source d'instabilité financière et énergétique La préservation de l'environnement avec la réduction des émissions de carbone liées à l'utilisation de combustibles fossiles La création d'emplois dans les zones rurales grâce à la production de masse de jatropha Domaines de réussite L’engouement se traduit par d'importants nouveaux investissements pour augmenter la culture du jatropha à travers le pays. Voici quelques exemples de terres allouées aux investisseurs de biocarburants entre 2008 et 2010:84 o Afrique Energie a obtenu 11 000 ha de terres dans le bassin fluvial de l'Anambé (Sud Est du Sénégal); o Plantations Vertes, une entreprise espagnole a obtenu 20 000 ha de terres dans la communauté rurale de Mbane (nord du Sénégal) o Senethanol/Senhuile, une société italienne a reçu 20 000 ha de terres dans la communauté rurale de Fanaye (nord du Sénégal). 3,3 millions de plants de jatropha ont été plantés entre 2007 et 200985 La constitution de la société d’exploitation de carburants SOPREEF en 2012 renforce les capacités de production de l'huile de Jatropha 86 Leçons à retenir Concentration sur l’objectif: Étant donné que cette politique est très largement ciblée et propose des incitations à l'ensemble du secteur d'activités, une large gamme d'acteurs peut chercher à en bénéficier. A cet égard, la participation d’investisseurs étrangers, par opposition aux producteurs locaux, a soulevé des inquiétudes concernant sur les effets potentiellement pervers de l'initiative pour les agriculteurs locaux. Synergie avec les autres initiatives: En mettant l'accent sur l'utilisation des terres pour la production de biocarburants, cette politique entre potentiellement en conflit avec des initiatives telles que la GOANA (Grande Offensive Agricole pour la nourriture et l'abondance) axée sur la sécurité alimentaire. Il est possible 83 Critères introduits dans le premier chapitre; Encadré 1.1 Wilson Center 2012 'énergie et sécurité alimentaire en Afrique sub‐saharienne 85 Etat du Sénégal, Direction de l’Agriculture 86 Réseau International d’Accès aux Energies Durables 84 37 que la présence accrue d'investisseurs privés sur ce segment puisse augmenter la probabilité de conflits sur l'utilisation des terres, entre celles qui seraient consacrées à la production de nourriture, et celles réservées à l’exploitation d’huile pour les biocarburants, et provoque dès lors davantage d’effets négatifs que d’effets positifs. En 2011, de violents affrontements entre villageois ont été signalés, ceux‐ci étaient en colère après l’annonce que des milliers d'hectares de terres avaient été donnés à un investisseur italien pour des cultures de biocarburants. Les villageois craignaient que cela entraîne la perte de zones de pâturages et les force à l’exode87. Mise en œuvre: L’Etat souhaitait fournir le cadre institutionnel approprié ainsi qu’un organisme efficace pour assurer la mise en œuvre réussi de sa politique. Ainsi le Sénégal a‐t‐il signé des conventions qui contribuent directement à la capacité du pays à intensifier les activités du secteur des biocarburants. En 2006, le Brésil, l'Inde et le Sénégal ont ratifié un accord de coopération pour promouvoir le développement des capacités du Sénégal en production de biocarburants. Le Brésil fournit des informations scientifiques et technologiques alors que l'Inde procure le capital réservé à des initiatives de biocarburants. Le Sénégal fournit de son côté la main‐d'œuvre et les ressources terrestres. Pour la mise en œuvre du programme de biocarburants, un comité technique composé des différents intervenants est mis en place sous la tutelle du Ministère de l'Agriculture. L'Institut sénégalais de recherche agricole (ISRA) est ensuite chargé de la production des plants nécessaires. 87 September 2011 ‘Senegal: Biofuels Boost Land‐Grab Conflict in Country’ (ww.allafrica.com) 38 4 Offre:Canaliserlescapitauxprivésversl’impact Pour que les entreprises à fort impact se développent et accroissent leurs activités au Sénégal, l'accès au bon type de capitaux est essentiel. Le renforcement des modèles économiques générant un impact social requiert souvent que les investisseurs s’intéressent à un profil de risque/rendement impensable pour les financiers classiques. Les investisseurs à fort impact sont en effet prêts à accepter ce profil de rendement/risque que ne pourrait concevoir un investisseur traditionnel. Il est toutefois important de souligner que l’investissement à fort impact ne signifie pas par définition de faibles taux de rendement. Au contraire, il existe des situations où un problème social crée une opportunité importante de croissance commerciale (par exemple, l'énergie propre ou l'agro‐ industrie), avec le potentiel d'offrir des effets positifs parallèlement à des retours sur investissement égaux ou même supérieurs à ceux du marché dans d’autres secteurs. Ce chapitre examine d'abord les sources de financement disponibles au Sénégal et propose une classification des investisseurs à fort impact. Il procède ensuite à une analyse approfondie des investisseurs à fort impact actifs dans le pays avant d'évaluer les initiatives de l’Etat en œuvre pour canaliser la provision de capitaux à destination de l’investissement à fort impact et les orienter vers les entreprises de ce segment. 4.1. SourcesdecapitauxauSénégal Au Sénégal, les entreprises peuvent en théorie, accéder au financement en ayant recours à diverses sources. Il s'agit en premier lieu du système bancaire commercial classique, puis des institutions de micro‐finance (IMF), d’une poignée de fonds de capital investissement (CI) et de fonds de capital‐ risque (CR), viennent ensuite les institutions financières de développement (IFD) et les fonds publics tels que le Fonds de Promotion Economique, qui a récemment été transformé en banque destinée aux PME88. Le tableau 4.1 qui suit présente les différentes caractéristiques de chacune de ces sources de financement. Comme il permet de le visualiser, ces différents acteurs investissent soit directement dans des entreprises soit indirectement à travers les fonds CP/CR et les IMF par exemple. Tableau 4.1: Caractéristiques des différentes sources de financement actuelles du Sénégal 89 Taille typique d'investissement (dollars US) Instruments utilisés Services supplémentaires fournis Sources de financement < 20 000 Dette et autres produits de micro‐ finance, dont l’assurance Minimaux IFD investisseurs institutionnels Investisseurs providentiels < 50 000 Capitaux propres, dette Services de développement des entreprises Capitaux propres Amis et Famille < 50 000 Capitaux propres, dette Minimaux Capitaux propres Institutions de micro‐finance (IMF) 88 89 Bientôt la Banque Nationale de Développement Économique (BNDE) Dalberg (2011), ‘Impact Investing in West Africa’ 39 Banques Commerciales Institutions financières de développement (IFD) Fonds de capital‐risque Fonds Publics Fonds de capital investissement Taille typique d'investissement (dollars US) Instruments utilisés Services supplémentaires fournis Sources de financement > 500 000 Dette Minimaux Dépôts > 500000 Fonds propres, dette, quasi‐fonds propres, garanties, financement du commerce Assistance technique / services consultatifs de gestion Ressources étatiques 500 000 – 2 000 000 Fonds propres, dette, quasi‐fonds propres Services de développement des entreprises Investisseurs institutionnels IFD particuliers 500 000 – 2 000 000 Dette, garanties Assistance technique / services consultatifs de gestion Ressources étatiques > 2 000 000 Fonds propres, dette, quasi‐fonds propres, garanties, financement du commerce Services de développement des entreprises Investisseurs institutionnels IFD particuliers Source: Entretiens avec les intervenants; Analyse de Dalberg Au sein de ce groupe d'acteurs, les investisseurs à fort impact peuvent être définis en utilisant les critères suivants: a) l'impact social et/ou environnemental positif est la raison de leur stratégie d'investissement déclarée, et b) l'impact social et/ou environnemental est mesuré dans le cadre de la réussite de l'investissement. Ce dernier critère a montré que l'impact social et/ou environnemental est au centre de leur approche d'investissement. Le Tableau 4.1 fournit une typologie de classification des investisseurs à fort impact sur la base de leur intention d'impact et l'attente d'un rendement financier. Les investisseurs traditionnels recherchent uniquement la maximisation du profit, les investisseurs du second type d’entreprise optimisent le rendement financier avec un plancher d'impact ou optimisent l'impact social avec un plancher financier tandis que les philanthropes ne visent aucun rendement financier. 40 Tableau 4.1: Segmentation des différentes sources de financement dans une perspective d'investissement à fort impact INVESTISSEURS TRADITIONNELS INVESTISSEURS A FORT IMPACT p.ex. Banques Commerciales, Fonds d’Investissement en Fonds Propres p.ex. Root Capital, IFD PLANCHER FINANCIER PLANCHER D’IMPACT Volonté d’avoir un retour financier ELEVE FAIBLE DONATIONS/ PHILANTHROPIE p.ex. Bailleurs, ONG ELEVE FAIBLE Volonté d’avoir un impact social et/ou environnemental Source: Monitor Institute (2009); Analyse de Dalberg Investisseurstraditionnels Au Sénégal, les banques commerciales et les fonds de capitaux propres sont classés comme des investisseurs classiques. Ces acteurs mettent tous l'accent sur la maximisation des rendements financiers. Même s'ils peuvent tenir compte des principes environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans leurs activités, leur intention première n’est pas de générer un impact social. Les PME ne représentent encore qu'un faible pourcentage des portefeuilles de prêts des banques commerciales car leur financement est perçu comme trop risqué. En 2008, les grandes entreprises ont ainsi accaparé 88,1% des encours de crédit alors que les PME n'en captaient que 6,7%90. Les Fonds de capital investissement sont peu présents au Sénégal. Au moment de la rédaction du présent rapport, un seul fonds de capital d'investissement privé – AFIG – disposait d’un siège social au Sénégal. La présence de fonds d’insciemment internationaux en Afrique – et en Afrique de l'Ouest‐ commence à s’intensifier au point d’être une tendance reconnue91, mais le Sénégal présente un flux d'investissements très faible comparé aux autres pays de la région tels que le Nigeria et le Ghana. Philanthropie Les donateurs et les ONG au Sénégal sont généralement classés comme philanthropes en raison de l'absence d'attente de rendement financier. Ces intervenants, bien que visant exclusivement l'impact social/environnemental, ont aussi tendance à accorder des subventions aux entreprises, aux agences d'exécution ou autres. Il est important de noter que ces différents intervenants peuvent se 90 91 ‘Rapport sur la compétitivité nationale’ de 2011 Sénégal Par exemple Aureos qui a des investissements au Sénégal est maintenant basé au Ghana 41 positionner à différents emplacement au sein de la matrice en fonction de l’évolution de leurs activités. Par exemple, si une ONG commençait à accorder des prêts pour poursuivre son objectif d'impact ou si une banque commerciale établit une ligne de crédit concessionnelle pour les écoles à faible coût, par exemple, elles seraient classées comme des investisseurs à fort impact. 4.2. LesinvestisseursàfortimpactauSénégal En général, les investisseurs à fort impact cherchent à combiner la rentabilité financière d’un projet avec la réalisation d’un impact social et/ou environnemental en offrant un financement par emprunt et/ou de prise de participation au capital92, à une entreprise privée à fort potentiel, susceptible de générer des effets sociaux ou environnementaux positifs et mesurables. Compte tenu de la nature des entreprises dans lesquelles ils investissent, et afin de diminuer une partie du risque, les investisseurs à fort impact proposent généralement des services supplémentaires de conseil de gestion et de soutien au renforcement des capacités des entreprises et de leurs effectifs. Fort du succès de la micro‐finance dans la démonstration de la viabilité commerciale d'une classe d'actifs négligés, les investisseurs à fort impact croient qu’il est possible d’obtenir une rentabilité commerciale ou quasi commerciale et un énorme impact social en misant sur les entrepreneurs innovants qui s'orientent vers les marchés mal desservis. Au Sénégal, les investisseurs à fort impact comprennent les IFD (Institut de Financement du Développement), les fonds de capital‐risque dont les IMF (Institutions de Micro‐Finance), ainsi que les fonds publics d'investissement. Plusieurs IFD possèdent des portefeuilles actifs au Sénégal93. La SFI, par exemple, a investi dans quatre projets différents en 2011, dont un prêt de 22,5 millions € pour la construction de l'autoroute à péage de Diamniadio94. La Banque Africaine de Développement (BAD) dispose actuellement d'un portefeuille de quelques onze projets axés sur des secteurs tels que la santé, l'assainissement et l'énergie95. Les IFD agissent non seulement à travers les investissements directs effectués dans les entreprises, mais également en investissant dans des fonds qui placent à leur tour le capital dans les entreprises ou des institutions de micro‐finance96. L'objectif de ces placements vise l'amélioration de l'environnement des investissements et affaires, le soutien aux PME et la promotion du développement durable des secteurs de l'économie97. Les IMF sont également très présentes au Sénégal98, et desservent 13% de la population99. Au total, il existe plus de 400 millions de dollars américains de prêts en cours, et par rapport aux autres pays de l'UEMOA, le Sénégal présente la meilleure optimisation des dépenses comparées à leur rentabilité financière, ainsi que les seules institutions autonomes en Afrique de l'Ouest pour l’année 2009100. 92 Ce sont les instruments financiers les plus communément utilisés, mais l'investissement à fort impact peut impliquer l'utilisation de plusieurs autres instruments tels que les quasi‐fonds propres ou le financement mezzanine 93 Notamment Proparco (France); BIO (Belgique); Banque Africaine de Développement (BAD); International Finance Corporation (IFC); FMO (Pays‐Bas); DEG/KfW (Allemagne) entre autres 94 International Finance Corporation (www.ifc.org) 95 Banque Africaine de Développement (www.afdb.org) 96 Dalberg (2011), ‘Impact Investing in West Africa’ 97 www.proparco.fr, www.afdb.org, www.ifc.org, www.kfw.de 98 Dalberg et RDMA (2012), 'Etude sur l’accompagnement des ressortissant sénégalais établis en France dans la réalisation d’investissements productifs collectifs au Sénégal’ 99 Ministère de la femme, de l'enfance, de l'entreprenariat féminin et de la micro‐finance ‐ www.micro‐finance.sn 100 Ibid. 42 Même si le vaste réseau des IMF du Sénégal est destiné aux micro‐entreprises, leur taille typique d'investissement n'est pas assez critique pour répondre aux besoins des PME. Afin de résoudre le problème spécifique de l'accès au financement des PME, l’Etat du Sénégal a mis en place des fonds publics d'investissement et de co‐investissement tels que le Fonds de Promotion Economique (FPE)101. Parmi les instruments et services fournis par ces fonds se trouvent les prêts, directement accordés aux entreprises, les offres de garanties de crédit, afin de couvrir les risques commerciaux des banques, et des conseils financiers, afin de pouvoir se conformer aux exigences des institutions financières. Il existe un petit nombre d'investisseurs internationaux de capital risques actifs au Sénégal. Les fonds de capital‐risque ne sont pas intrinsèquement des investisseurs à fort impact, mais, dans le cas du Sénégal, parce qu’ils se concentrent sur des PME et jeunes entreprises perçues comme plus risquées, ces investisseurs acceptent un compromis au profit de l'impact social. Trois exemples d’investisseurs à fort impact actifs au Sénégal sont présentés ci‐dessous. RootCapital102 Root Capital offre des prêts et des services de conseil financier aux petites entreprises rurales en pleine croissance, et en particulier à celles qui n’ont pas accès aux prêteurs commerciaux. Root Capital s'est établi en Afrique de l'Ouest en 2010, reproduisant le modèle d’affaires utilisé ailleurs pour le financement, la prestation de formation financière et le renforcement des liens commerciaux des petites entreprises agricole à potentiel. Root Capital aide les petits producteurs à s’organiser en coopératives pour formaliser leurs entreprises, les prépare à recevoir le financement nécessaire, et assure leur formation et le renforcement de leurs capacités. Terral est l'une de ces entreprises qu’assiste Root Capital. Elle achète du riz auprès des agriculteurs locaux de la Vallée du Fleuve Sénégal et se charge du conditionnement puis de la distribution auprès des consommateurs de Dakar. Pour accroître sa présence au Sénégal avec des projets tels que Terral, Root Capital se trouve confronté à plusieurs obstacles. Tout d'abord, l’investisseur a besoin d'informations financières fiables, notamment en ce qui concerne les données de production et de vente ainsi que les tableaux des flux de trésorerie par exemple. Lorsque les producteurs s'organisent sous la forme coopérative, le suivi de ce type d'information est bien plus aisé en raison des exigences juridiques qui les gouvernent. Toutefois, les producteurs au Sénégal sont connus pour leur aversion envers cette forme juridique d'association, ce qui freine les investissements de Root Capital. Il existe également un manque de sensibilisation des bénéficiaires de prêts sur la manière dont fonctionne le financement de l'investissement à fort impact. Les conditions de prêt de Root Capital sont moins rigoureuses en matière de nantissements et de garanties que celles des prêts des banques commerciales, et, assez souvent, les producteurs agricoles des zones rurales confondent aussi les prêts accordés par Root Capital avec les capitaux philanthropiques et se trouvent donc moins rigoureux dans les remboursements à effectuer. 101 102 Désormais devenu la Banque Nationale de Développement Economique ‐ BNDE www.rootcapital.org et entretien avec le responsable du crédit de Root Capital pour l'Afrique occidentale francophone 43 EtimosAfrica103 Etimos Afrique est un consortium financier international qui finance les institutions de micro‐ finance, les coopératives de producteurs liés aux marchés du commerce équitable, et les entreprises à fort impact social. En 2009, Etimos a décidé d’ouvrir une filiale au Sénégal afin de consolider sa présence en Afrique. Etimos cherche à financer des projets financièrement viables et à fort impact social. Le fonds propose un large éventail de produits pour financer les organisations évoluant dans le domaine du développement et sur les marchés émergents et propose des prêts, des lignes de crédit pour l'exportation (avance sur contrats) de même que des fonds propres. Pour assurer sa pérennité et contribuer à l'amélioration de l'environnement de la micro‐finance, Etimos fournit également une assistance technique aux IMF partenaires, en particulier les plus petites, en termes de processus d'évaluation des clients, de suivi des prêts, de comptabilité et de gestion générale. L'accroissement de ses investissements en Afrique fait partie intégrante du plan stratégique d'Etimos. Mais au Sénégal en particulier, Etimos a été confronté à des obstacles à sa croissance dans le financement des institutions de micro‐finance et des organisations de producteurs. Le secteur de la micro‐finance au Sénégal bénéficie en effet de plusieurs programmes de soutien. Ces programmes comprennent l'accès à des prêts publics à travers les IMF ainsi que des programmes de renforcement des capacités104. Les efforts de l’Etat se sont avérés très importants pour le développement du secteur et par extension les activités d'Etimos. Cependant, le manque de suivi systématique de l’Etat sur ses emprunts crée un réseau d'IMF fortement endettées qui ne sont en conséquent pas en mesure de gérer leurs portefeuilles de créances. Ainsi, Etimos doit adapter ses propres instruments de prêt pour rendre possible le remboursement de ces IMF fortement endettées. En ce qui concerne le financement des organisations de producteurs, la difficulté principale pour développer ses activités selon Etimos est l’identification des opportunités d'investissement au Sénégal. Investisseur&Partenaire105 Investisseur & Partenaire (I&P) est une société d'investissement privée présente en Afrique depuis 2002. Sa mission est de contribuer à l'émergence d'un secteur privé durable en Afrique, et notamment en Afrique francophone. Le modèle d’affaires d'I&P est de développer un partenariat à long terme avec les PME et les IMF à travers l'investissement et des services d’assistance technique. Cette assistance inclut un appui dans les domaines de la comptabilité, de la gouvernance, des ventes et du marketing, de la qualité, des ressources humaines mais aussi des systèmes d'information. L'accès à une formation en gestion de qualité et l'analyse des marchés cibles ainsi que de la chaîne de valeur du secteur sont reconnus comme de précieux outils et informations qu'I&P fournit aux entreprises telles que la Laiterie du Berger et Nest for All au Sénégal. Les instruments financiers utilisés sont l’emprunt et l’investissement en fonds propres, que l’on considère les premiers stades de développement de l’entreprise, sa phase de développement ou encore un redressement éventuel. En prenant part au capital des sociétés, I&P veille à rester 103 www.etimos.it et entretien avec le Coordonnateur régional et directeur des investissements d'Etimos Africa www.micro‐finance.sn 105 www.ip‐dev.com entretien avec le Directeur des investissements d'I&P 104 44 actionnaire minoritaire ‐ en moyenne, 61% des actions de sociétés auxquelles I&P participe sont détenues par des partenaires locaux106. Le principal obstacle auquel fait face I&P au Sénégal est la difficulté à identifier puis obtenir des opportunités d'investissement. En huit ans d'activités, seuls sept investissements ont été réalisés et des centaines d'autres opportunités ont été examinées et rejetées. Même avec sept entreprises sélectionnées uniquement, un suivi et une formation initiale importants furent nécessaires pour garantir la réussite de l'investissement. Les études de cas précédentes soulignent la nécessité d'une intervention de l’Etat pour favoriser les opérations des investisseurs à fort impact. En outre, il semble que, même si à l'échelle mondiale il existe une importante activité d'investissement à fort impact, cette part demeure proportionnellement très limitée au Sénégal. Afin d'augmenter le volume des activités d'investissement à fort impact dans le pays, l’Etat a donc un rôle essentiel à jouer pour créer un environnement où la demande de capital à fort impact est en croissance et où l'offre de capitaux est orientée vers les entreprises à fort impact. 4.3. Politiquesvisantàaccroîtrel'offredecapitauxpourlessociétésà fortimpact Les mesures politiques relatives aux règles ou exigences d'investissement et les politiques qui garantissent un co‐investissement augmentent l'offre d'investissement à fort impact, que cela soit de manière coercitive ou bien en incitant les investisseurs en permettant le partage des risques avec l’Etat107. Le Gouvernement du Sénégal a ainsi mis en place une série d’initiatives et d'interventions pour réguler et augmenter l'offre de capitaux privés pour l'impact. En guise d’illustration, le FPE (désormais devenu la Banque Nationale de Développement Economique ‐ BNDE) fournit des financements à long terme aux PME que les banques commerciales considèreraient comme des placements trop risqués. Le FPE a été créé par l’Etat avec le concours financier des bailleurs de fonds, pour rendre le crédit accessible aux entrepreneurs et pour soutenir leur création et leur croissance. Cette initiative vise à développer tant la demande (le renforcement des entreprises) que l'offre (à travers l'octroi de prêts). Le FPE a par exemple servi à refinancer des prêts accordés par les banques aux PME. Entre 2000 et 2006 il a financé au total 4 294 projets pour un montant de 25 milliards de FCFA (environ 50 millions de dollars américains)108. Cependant, en dépit de l'expertise développée par le FPE dans la fourniture de lignes de crédit pour les petites entreprises, ses activités ont été entravées par les pertes liées au taux de change sur le financement qu’il reçoit de la Banque africaine de développement (son principal bailleur de fonds) ainsi que l'épuisement de ses ressources109. Dans ce contexte, l’Etat a pris la décision de transformer le FPE en une banque de développement des PME – BNDE – pour leur accorder des prêts. 106 Rapport d’activités I&P 2009 ‐ 2010 InSight at Pacific Community Ventures et Initiative for Responsible Investment at Harvard University (2011), ‘Impact investing – A framework for policy design and analysis’ 108 Site web FPE 109 Source FPE – La BAD a financé une ligne de crédit de 47 milliards de FCFA en 1991 107 45 La BNDE est une institution publique détenue majoritairement par l'Etat, mais qui cherche néanmoins à puiser dans la manne de l’investissement privé pour composer ses actifs (jusqu'à 40%). A cet égard, la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) a par exemple fourni 1 milliard de FCFA (environ 2 millions de dollars américains). L’objectif de la BNDE est, outre le financement des PME, de soutenir les activités de renforcement des capacités des PME, en partenariat avec l'ADEPME. Reconnaissant l'importance du micro‐financement dans la sphère de l'investissement à fort impact, l'étude de cas ci‐dessous (Encadré 4.1) se penche davantage sur les interventions de l’Etat pour réglementer l'offre de capitaux. Encadré 4.1: Initiative de l’Etat pour le secteur de la micro‐finance La Lettre de Politique Sectorielle de la Micro‐finance (2004) et la Loi régissant les IMF (2008‐47) promeuvent l'accès durable aux services de micro‐finance dans les communautés et micro entreprises marginalisées. Elles organisent et coordonnent les différents intervenants du secteur qui visent à accroître l'offre de capitaux. Dans une perspective d'investissement à fort impact, les services de micro‐finance sont considérés comme un instrument puissant de lutte contre la pauvreté et englobent le microcrédit, l'épargne, et l'assurance. Les problèmes sociaux que la loi cherche à traiter directement et indirectement Faible disponibilité du crédit et des autres services financiers à destination du secteur privé Manque d'investissement dans les secteurs productifs Taux de chômage Domaines de réussite 13% de la population inscrits comme clients des IMF Plus de 400 millions de dollars américains de prêts en cours 36% du montant total des prêts sont destinés aux femmes 86% du plan d'action qui accompagne cette politique ont été financés par les donateurs Comparé aux autres pays de l'UEMOA, le Sénégal présente la meilleure optimisation des dépenses et de rentabilité financière. En 2009, il était le seul pays à atteindre l’autonomie financière Les innovations dans le secteur sont l'introduction récente de la micro‐assurance et les programmes d'éducation financière pour la population. Leçons à retenir Concentration sur l’objectif: Ces deux lois s'adressent à un type très spécifique de capitaux d'investissement à fort impact et à des résultats sociaux également très précis. Néanmoins, des critiques ont été adressées aux politiques (en particulier la révision de 2008), notamment en ce qui concerne la mise en œuvre de ces réglementations rigoureuses, qui font que les petites IMF qui ne peuvent pas répondre à ces exigences ont été contraintes de fermer. Ces IMF en difficulté pour s’adapter aux nouvelles lois offrent plutôt leurs services dans les zones rurales les plus difficiles d’accès, où le potentiel d'impact est important (NB: 60% de l'ensemble des IMF sont situées dans les zones urbaines, d’où le très faible accès des zones rurales aux services de micro‐finance)110. Il existe ainsi un besoin réel d’utiliser les outils politiques pour fournir des incitations spécifiques ou des conditions plus favorables afin d’encourager les activités de micro‐finance dans les zones les plus reculées. 110 Ministère de la femme, de l'enfance, de l'entreprenariat féminin et de la Micro‐finance ‐ www.microfinance.sn 46 Engagement: Les risques et les défis du secteur de la micro‐finance, ainsi que leur potentiel d'impact nécessitent un engagement particulier de la part de l’Etat. A cet égard ce dernier et ses partenaires au développement se sont révélés à l’écoute. L'Etat a fourni 130 millions de francs CFA (environ 250.000 dollars américains) pour le renforcement des capacités des acteurs de la micro‐finance, la Coopération Belge au développement a fourni 3,9 milliards de FCFA (environ 7 millions de dollars américains) pour appuyer les mesures et 1,77 milliards de FCFA (environ 3,2 millions de dollars américains) pour améliorer les services de micro‐finance111. 4.4. Politiquesvisantàorienterlescapitauxverslesdomainesàfort impact Conscient de l’importance d’orienter les investissements réalisés au Sénégal vers plus d’impact social/environnemental, le Gouvernement a initié en 2011 le Conseil Présidentiel de l’Investissement avec pour thème « l’investissement à fort impact social ». A l’issu de ce Conseil, l’une des grandes recommandations fut d’accompagner les réformes structurelles à mettre en œuvre pour favoriser le développement de l’investissement à fort impact social. Ces réformes portent d’une part sur l’amélioration de l’environnement des affaires pour attirer plus d’investissements privés à fort impact social, et d’autre part la mise en place d’incitations visant à favoriser la création d’entreprises à fort impact social. Le CPI, dans le cadre de ses réflexions s’est organisé en groupes de travail, dont l’un est chargé de définir pour le Gouvernement du Sénégal les actions à mettre en œuvre pour favoriser l’investissement à fort impact social. Des réflexions et des travaux pratiques sont présentement menés par le groupe et aboutiront sur des recommandations structurantes. L’APIX, en sa qualité de société d’Etat en charge de la promotion des investissements assure le Secrétariat permanent des différents groupes de travail du CPI. Les initiatives visant à canaliser les capitaux modifient la façon dont les investissements actuels sont réalisés sur les marchés, en accentuant l’intérêt des opportunités d'impact. Les politiques actuelles pour orienter ces capitaux changent la perception du risque et les caractéristiques des rendements des investissements à fort impact en ajustant les prix et les coûts du marché et en améliorant l'efficacité des transactions et les informations disponibles112 . L’Etat a manifesté l’intention de réformer le régime fiscal afin d'améliorer l'intermédiation financière et d’envisager des modifications à la législation réglementant le capital‐risque et le crédit‐bail entre autres113. Cette approche s'appuie sur les éléments clés de la législation, comme le Code des investissements (présenté dans l'étude de cas de l'Encadré 4.2 ci‐dessous), qui vise à inciter les investisseurs à orienter les capitaux vers les opportunités d'impact. 111 Ibid InSight at Pacific Community Ventures et Initiative for Responsible Investment at Harvard University (2011), ‘Impact investing – A framework for policy design and analysis’ 113 Direction générale des impôts et des domaines (2012), ‘Note de stratégie de la réforme fiscale’ 112 47 Encadré 4.2: Code des investissements Le Code des investissements (2004 révisé en 2006) définit les incitations mises en œuvre par l’Etat du Sénégal pour promouvoir certains types d'investissements productifs. Dans une perspective d'investissement à fort impact, le Code vise à promouvoir l'investissement dans des secteurs spécifiques, notamment: l'agriculture, l'industrie, la santé, l'éducation et la formation. Il vise également à encourager/promouvoir: a) les entreprises nouvelles, b) la création d'emplois et c) l'emplacement des entreprises à l'extérieur de Dakar. Les problèmes sociaux que le Code des investissements cherche à traiter directement et indirectement Manque d'investissement dans les secteurs productifs et sociaux Manque d'investissement dans l'intérieur du pays mal desservi Taux de chômage et pauvreté Domaines de réussite Les données actuelles indiquent que des progrès ont été réalisés en vue de faire face aux défis du chômage. En 2009, 2010 et 2011, le nombre moyen d'employés permanents par entreprise prévu par les investisseurs directs étrangers était de 36, 49 et 32 respectivement114. Ou bien sur un total de 304 entreprises au cours des trois dernières années, 11 521 emplois permanents étaient planifiés. Mais, compte tenu du taux d'emploi formel (38,7%de la population), de nombreux efforts supplémentaires de création d'entreprises et d'emplois sont nécessaires. Leçons à retenir Concentration sur l’objectif: Une politique à visée large comme celle‐ci met l'accent sur la croissance économique globale et est moins susceptible de provoquer des résultats sociaux et/ou environnementaux. Bien que les secteurs tels que l'agriculture, la fabrication, la santé, l'éducation et la formation soient favorisés, les investissements dans les infrastructures constituent l'essentiel de l'activité d'investissement. En 2011 les investissements d'infrastructure représentaient 62% des 650 milliards de FCFA investis à travers l'APIX115. Les investissements d'infrastructure peuvent potentiellement conduire à un impact social/environnemental indirect, mais leurs contributions directes à la résolution de problèmes sociaux sont moins perceptibles. Dans certains cas, ils peuvent même finir par avoir un impact social négatif. En outre, le Code précise que le montant de l'investissement proposé doit être égal ou supérieur à 100 millions de F CFA. Ce palier signifie que les investissements de plus petite taille, et notamment la catégorie des nouvelles entreprises d'impact, ne bénéficient pas de soutien. Transparence: La transparence au sein du mécanisme réglementaire est importante pour les investisseurs. Elle peut être un facteur important dans la décision d’investir. Dans le cadre du Code des investissements même si les incitations spécifiques et les modalités de prestation des avantages et des procédures d'application sont clairement énoncées, il existe un domaine particulier qui prête à confusion chez les investisseurs. L'article 18 fait référence à une "suspension" de la TVA sur une période de trois ans. Etant donné qu'il ne s'agit manifestement pas d’une exonération, il est difficile de savoir comment elle peut représenter un avantage pour les investisseurs et au contraire est susceptible d’être considérée comme un handicap majeur. Synergie avec les autres initiatives: Le Code des investissements travaille en coordination avec d'autres initiatives déjà en place ‐ notamment le Code Général des Impôts. Afin de s'assurer qu'il n'existe pas de conflit ou de chevauchement entre les incitations, le Code des investissements indique clairement que «les activités éligibles aux codes spécifiques ou au Statut de l'entreprise franche d’exportation sont exclues du champ 114 115 Données APIX Données APIX Juin 2012 48 d'application du présent code ainsi que des matériels admis à d’autres régimes spécifiques». Mise en œuvre: Même si l’Etat a fourni le support institutionnel et construit des infrastructures (à travers l'APIX) qui appuient la mise en œuvre efficace du Code, le manque de système d’évaluation exhaustif pour en mesurer précisément l'impact constitue une lacune majeure ‐ notamment l'impact social sur la population. Les investisseurs interrogés dans le cadre de cette étude ont dénoncé le fait que l'APIX pourrait faire plus pour promouvoir les avantages du Code et ses activités à un plus grand public. Les exemples précédents montrent que l’Etat du Sénégal a développé des politiques pour règlementer les capitaux, guider et accroître l'offre de fonds vers les activités génératrices d’avantages sociaux. Même si ces politiques ne sont pas spécifiques aux investissements à fort impact, par définition, elles cherchent à atteindre des objectifs similaires. Mais malgré les interventions de l’Etat, l'utilisation des capitaux privés pour générer des avantages sociaux et/ou environnementaux dans le pays reste encore faible. Les obstacles à la croissance de cette activité sont détaillés dans le chapitre suivant. 49 5 Obstaclesaudéveloppementdel’investissementàfortimpact Sur la base des analyses précédentes, il est évident qu'il existe des activités d'investissement à fort impact en cours tant du côté de la demande que du côté de l'offre, et les principales interventions de l’Etat mises en œuvre servent à créer un environnement général dans lequel l’investissement à fort impact peut se réaliser plus facilement. Il est également évident que ces activités sont peu nombreuses et émiettées. Ce chapitre présente les principaux obstacles à la croissance de l'investissement à fort impact identifiées au cours de cette étude en termes de mesures réglementaires. Ces problèmes sont organisés en termes d'offre et de demande et résumés dans le Tableau 5.1 ci‐dessous. Tableau 5.1: Aperçu des défis d'investissement à fort impact du Sénégal Barrières entravant l’investissement à fort impact au Sénégal Barrières à l’offre d’investissement • Manque de moyens diversifiés pour affecter le capital • Manque d’opportunités d’investissement • Possibilités limitées de vente de participation Orientation de l’investissement • Incitations à la concurrence • Manque de clarté du cadre fiscal Barrières à la demande d’investissement • Manque de sources adéquates de financement • Offre de services de renforcement de capacité encore insuffisante • Manque de connaissance du fonctionnement d’une entreprise à fort impact • Faible appui aux entreprises basées en dehors de Dakar • Barrières sectorielles Manque de connaissance du concept d’investissement à fort impact Même si les obstacles à la croissance de l’investissement à fort impact au Sénégal peuvent être regroupés en fonction de la demande, de l'offre et de leur mise en relation, le manque de sensibilisation au concept de l’investissement à fort impact au Sénégal et à sa signification réelle demeure un sujet récurrent. Les entrepreneurs pouvant générer des avantages sociaux ne connaissent pas les investisseurs à fort impact en tant que source potentielle de capital de croissance. Les investisseurs traditionnels et philanthropes du Sénégal n'ont pas conscience qu'ils peuvent à la fois avoir un impact social durable et générer une rentabilité financière. Il existe encore une confusion sur la différence entre l’investissement à fort impact et la responsabilité sociale d’entreprises (RSE). En outre, il existe une perception, chez beaucoup de personnes, selon laquelle tous les investissements dans un pays en développement comme le Sénégal sont un investissement à fort impact. En outre, il n'existe pas de communication ou de diffusion des activités d’investissement à fort impact et de ses réalisations réussies. Afin de développer convenablement le secteur, il est impératif, au niveau de l’État et des diverses parties prenantes, d'avoir une bonne connaissance de l’investissement à fort impact, de ce que son action peut signifier pour résoudre les problèmes les plus urgents du pays. 50 5.1. Problèmesliésàlademande Le développement des entreprises à fort impact à travers le pays est essentiel pour utiliser les investissements à fort impact comme un outil durable de création d'avantages sociaux et/ou environnementaux. Cependant, une série d'obstacles entrave cette croissance. Manquedesourcesdefinancementadéquatespourdévelopperlesentreprisesquandelles sontdemandeusesd’investissementsàfortimpact En dépit des différentes sources de financement présentées dans le chapitre 3, le paysage financier actuel du Sénégal ne suffit pas à couvrir les besoins financiers des entreprises. Le Tableau 5.2 schématise les sources de financement des entreprises sur la base de l'estimation de leur tolérance au risque et de la taille de l'investissement, et fait la distinction entre les investisseurs traditionnels et ceux à fort impact en utilisant le cadre présenté dans le chapitre 4116. Le Tableau 5.2 met en évidence un gap financier qui affecte les PME en général et en particulier les entreprises à fort impact, en raison de leur taille et du caractère perçu comme très risqué de leurs modèles économiques. Tableau 5.2: Cartographie des sources de financement du Sénégal par la tolérance au risque et la taille de l'investissement Investisseurs à fort impact IFD Montant du Capital (US$) Investisseurs traditionnels 2 000 000 Banques Commerciales Gap financier Fonds d’investissement sur capitaux propres Fonds Publics* Fonds de Capital Risque** 100 000 1 000 IMF*** Faible Tolérance Risque Elevé *Par exemple le FPE (actuelle BNDE) **Par exemple Investisseur et Partenaire, ETIMOS et Root Capital *** En utilisant les données MIX Market pour huit IMF le montant moyen des prêts par emprunteur en 2011 était de 1090 dollars US Source: Recherche documentaire et entretien avec les intervenants; www.mixmarket.com; Analyse de Dalberg Les investisseurs à fort impact prêtent de petits montants (micro‐finance) ou font de plus grands investissements de capitaux (100 000 dollars américains et plus). En revanche, les coûts de transaction et les risques entre ces deux montants sont dissuasifs pour les investisseurs traditionnels et les investisseurs à fort impact. C’est pourtant ce gap qui représente cependant le besoin essentiel en financement des jeunes entreprises à fort impact. Pour l’essor du secteur, les entreprises en effet doivent être soutenues pour atteindre un poids tel qu’il soit intéressant pour un investisseur de 116 Il est important de noter que la taille de chaque bulle ne représente pas le volume de l'investissement ou du nombre d'intervenants mais plutôt les paramètres en termes de taille de l'opération et de la tolérance au risque dans lesquels chaque groupe d'intervenants opèrent généralement 51 prendre des parts ou tel que l’État pourrait prendre en charge une partie des risques/coûts afin qu’ils soit intéressant pour les investisseurs traditionnels ou les investisseurs à fort impact d’investir de plus petits montants. Même si l’Etat a pris des mesures dans ce sens à travers des garanties de crédit et des programmes de soutien aux entreprises, leur réussite reste mitigée. Faiblessedelafournituredeservicesderenforcementdescapacités Tel qu’énoncé dans le Chapitre 3 de ce rapport, les entreprises à fort impact sont confrontées à des difficultés spécifiques du fait qu’elles travaillent avec les populations les plus difficiles d’accès et disposant de ressources très limitées. Elles doivent également collaborer avec des fournisseurs aux capacités limitées et caractérisés par une grande volatilité de production. Ces entreprises doivent souvent mettre sur pied et tester de nouveaux modèles économiques qui sont adaptés aux besoins et contraintes de leur marché, ainsi l’appui au développement de ces modèles économiques est essentiel. Des particuliers et des organisations ont réagi en tentant de se positionner sur ce créneau en offrant un ensemble de services. Cependant, ces initiatives se sont heurtées à l’importante fragmentation du marché, avec différents niveaux de qualité dans la prestation des services et peu d’informations sur la valeur de ces services. Dans la continuité, malgré les efforts de l’Etat pour fournir des services de renforcement des capacités, certaines initiatives telles que l’ADEPME et le FONDEF sont toujours considérées comme inaccessibles pour de nombreuses entreprises. Les principales causes identifiées sont le manque de connaissance de ces initiatives par les entreprises et la grande complexité de l’application du processus de demande et le temps nécessaire à leur approbation. En outre, il n’existe aucun contrôle de qualité ou normes nationales et très peu de données sont disponibles. Il en est de même pour la transparence sur les résultats de la fourniture des services de renforcement des capacités à cause de la faiblesse des systèmes de suivi et évaluation. Les services d’appui au développement des entreprises dont celles à fort impact ont besoin d’aide dans l’élaboration de plans d’affaires, dans la formation en comptabilité et en finance ainsi que dans le développement des capacités managériales. Les décisions d’investissement sont étroitement liées à la gestion de l’organisation, de la transparence et de la fiabilité des informations sur les entreprises. L’efficacité des opérations est également un aspect important pris en compte par les investisseurs. Malheureusement, de nombreuses entreprises débutent leurs activités sans prendre connaissance de la chaine de valeur du secteur, de ses contraintes et de sa future évolution. Dans certains cas, ces analyses sont trop complexes pour être menées par de jeunes entrepreneurs. Mais elles demeurent importantes pour déterminer le montant, la durée et l’instrument à utiliser par l’investisseur. Aucunereconnaissancedesbesoinsparticuliersdesentreprisesàfortimpact Les entreprises dont les modèles économiques visent à résoudre un problème social sont souvent confrontées à de plus grandes difficultés comparées aux entreprises traditionnelles. Les exemples de ces difficultés peuvent être analysés dans le cadre du Tableau 3.1. La Voie 1 du cadre présente les entreprises dont les modèles d’entreprises dépendent des chaines d’approvisionnement et de distribution impliquant les intervenants locaux. Dans de nombreux cas, ces chaines sont inexistantes ou pas suffisamment matures et la société devra investir dans leur développement. La Voie 2 décrit la fourniture de biens et de services aux clients avec un faible pouvoir d’achat. Ces activités sont très limitées en termes de chiffre d’affaires en raison des particularités des clients ciblés. La Voie 3 52 nécessite souvent de nouvelles technologies ainsi que de l’innovation pour mettre en place des modèles économiques visant la préservation de l’environnement et la gestion durable des ressources naturelles. Enfin, la Voie 4 demande un investissement important dans la formation et le développement des groupes marginalisés pour en faire une main d’œuvre qualifiée et instruite. Compte tenu de ces contraintes particulières et du potentiel d’impact social des entreprises étudiées, il serait utile que ces entreprises bénéficient de mesures incitatives ou de concessions afin de réduire leurs charges fiscales et de leur fournir un appui subventionné. Manqued'infrastructuresetdeservicesdesoutienendehorsdeDakar Dakar est la capitale et le centre industriel, financier et de services du Sénégal. La ville génère 68% du PIB du Sénégal et 80% des industries du pays sont situées dans la région métropolitaine117. Malgré une ferme volonté de décentralisation, les autorités locales ne conservent que peu de responsabilités administratives et de pouvoirs fiscaux ou commerciaux118. En outre, dans une perspective d’investissement à fort impact, les problèmes sociaux du pays sont plus importants en dehors de Dakar. Ainsi, Dakar compte plus de 60% des médecins du pays, bien que la ville ne représente que 23% de la population totale du Sénégal119. La concentration des activités économiques dans la région de Dakar signifie que la plupart des programmes de soutien y sont principalement destinés. Les entrepreneurs installés dans les régions les plus reculées sont donc confrontés à plus de difficultés comparés à ceux de la capitale en termes d’infrastructure et de services d’appui. En particulier, le déficit en infrastructures affecte la viabilité des entreprises ; les routes non goudronnées, par exemple, compromettent les circuits de distribution et le mauvais approvisionnement en électricité augmente les coûts et réduit l’efficacité. Les services de soutien privés et publics destinés aux entreprises sont de même concentrés dans la région de Dakar. Sur la base des entretiens réalisés dans le cadre de cette étude, un nombre limité d’avocats, de comptables et d’autres prestataires de services expérimentés ont été recensés dans les régions provinciales. Les entreprises situées en dehors de la capitale dénoncent donc également un accès limité aux programmes étatiques destinés au soutien des PME. Problèmesspécifiquesdusecteur Les entretiens réalisés dans le cadre de cette étude fournissent des informations sur des problèmes spécifiques qui représentent un frein au développement des entreprises à fort impact. Ces exemples ne sont pas exhaustifs. Par exemple: Dans le secteur de l’énergie, l’Etat a mis en œuvre un programme, PERACOD, pour fournir de l’électricité aux villages qui en sont dépourvus, à travers des partenariats public‐privé. Le programme a attiré des entreprises à fort impact telles que l’INENSUS présentée au Chapitre 3. Cependant, aucun cadre juridique spécifique n’a été élaboré ou adapté pour de tels fournisseurs d’énergie à petite échelle. A l’heure actuelle, le régulateur de la SENELEC, la Société Nationale d’Électricité du Sénégal est le même que celui de petits fournisseurs d’énergie tels que l’INENSUS. Le manque de distinction entre les différents besoins de ces deux types de sociétés conduit à l’inefficacité et aux retards en termes d’élaboration de 117 Global Development Research Center Organisation Mondiale du Commerce (2009) 119 OMS (2010) "Comment recruter et retenir des agents sanitaires dans les zones mal desservies: l'expérience du Sénégal" 118 53 modèles tarifaires appropriés et l’obtention des approbations nécessaires, ce qui a pour conséquence d’affecter la viabilité de l’entreprise et par extension de son impact espéré. 5.2. Dans le secteur sanitaire, malgré un premier enregistrement auprès de l’APIX, toutes les entreprises doivent également posséder une accréditation auprès du Ministère de la Santé. Cependant, tel que décrit dans le Chapitre 3, seules les personnes disposant d’une licence médicale peuvent faire office de représentants de ces entreprises conformément à la règlementation du Ministère de la Santé. Ainsi, la première contrainte que cette norme implique est la nécessité d’avoir un médecin comme représentant de l’entreprise, même s’il/elle n’est pas l’un des investisseurs ou cadre de l’entreprise. La seconde contrainte est que dans les écoles de médecine, les diplômés ne sont pas formés en administration des affaires afin de diriger des cliniques privées ou des hôpitaux. Au Sénégal, de tels cours sont dispensés dans les écoles de commerce et de gestion aux élèves qui, en vertu de la norme citée, ne peuvent pas être inscrits comme propriétaires de ces entités. Problèmesliésàl’offre Afin que l’Etat puisse tirer profit du secteur privé dans la résolution des problèmes sociaux du pays, il est important qu’il y ait une augmentation conséquente de l’offre de capitaux d’investissement à fort impact. Cependant, les obstacles suivants limitent l’offre de capitaux disponibles. Manqued’intermédiairesd'investissement Les fonds d’investissements à fort impact regroupent des capitaux privés et les canalisent vers des opportunités d’investissement à fort impact. Le manque de fonds d’investissement au Sénégal (à la fois en ce qui concerne ces fonds canalisés vers l’impact ainsi que les fonds commerciaux traditionnels) limite le volume de capitaux pouvant être exploité au niveau mondial et national puis dirigé vers les entreprises. Plusieurs facteurs expliquent le manque de moyens d’investissement. D’une part la gestion d’un fonds demande des compétences spéciales qui ne sont pas forcément disponibles au niveau national. Du point de vue linguistique et culturel, il est plus facile pour les gestionnaires de fonds internationaux des principaux marchés financiers, comme les Etats Unis ou le Royaume Uni, de démarrer leurs activités dans les pays Anglophones d’Afrique que dans les pays francophones tel que le Sénégal. Le Sénégal n’est de ce point de vue pas considéré comme un pays très attrayant par les investisseurs. L’indice d’attractivité nationale de capital‐risque et de capitaux privés (voir Tableau 5.3) place en effet le Sénégal au 99ème rang sur 116. 54 Tableau 5.3: Indice d’attractivité de capitaux privés Source: IESE (2012) The Global Venture Capital and Private Equity Country Attractiveness Index; Dalberg analysis Ceci étant, les rares fonds d’investissements actifs en Afrique occidentale francophone valorisent les avantages d’opérer au niveau régional et de bénéficier de la règlementation harmonisée et des droits des affaires de l’OHADA et de l’UEMOA. Faiblessedufluxd’investissements Le manque de flux d’investissements constitue une autre raison qui explique pourquoi les activités relatives aux fonds d’investissement sont limitées dans le pays. Les investisseurs à fort impact ont noté que peu d’entreprises sont prêtes à investir dans un pays avec d’aussi nombreuses contraintes de croissance que le Sénégal. Idéalement, les investisseurs à fort impact élaborent d’abord un solide portefeuille d’opportunités à analyser, puis, sur cette base, les meilleures opportunités d’investissement sont choisies. Mais l’identification des investissements à fort impact au Sénégal pose problème. Il n’existe pas de bases de données des entreprises à fort impact disponibles pour les investisseurs. Par conséquent, la réponse aux besoins financiers des entreprises avec l’offre de capitaux d’impact disponibles se fait principalement à travers les réseaux informels et le « bouche à oreille ». A cet effet, les contacts locaux deviennent fondamentaux pour débuter un fonds d’investissement au Sénégal et son absence constitue une barrière à l’entrée dans le secteur. Peu d’entreprises sont prêtes à recevoir des investissements au Sénégal, ce qui peut s’expliquer par les difficultés d’accès au financement et aux services de renforcement des capacités énoncées ci‐ dessus, ainsi que par le faible niveau de formalisation des entreprises. Pour avoir un aperçu, le représentant d’un fonds d’investissement à fort impact interrogé dans le cadre de cette étude a expliqué que sa société n’a été en mesure de réaliser que sept investissements au Sénégal en huit ans d’activités. Optionsdesortielimitées Pour que les investisseurs à fort impact ayant pris une participation au capital d’une société bénéficient d’un retour sur investissement, ils doivent disposer d’une option de sortie. En d’autres 55 termes, une alternative pour vendre leurs actions une fois que l’entreprise financée a atteint le niveau souhaité de capitalisation et de maturité. Les marchés de capitaux propres du Sénégal en sont encore à leurs débuts avec une liquidité limitée et une seule entreprise sénégalaise cotée à la BRVM. La vente des actions à l’entreprise elle‐même constitue une autre option de sortie appliquée ailleurs, une fois que l’équipe de gestion dispose de ressources financières et capacités suffisantes. Pour que les ventes publiques et le rachat d’actions par les entreprises deviennent des options de sorties possibles, des aménagements aux règlementations et marchés du Sénégal doivent être effectués en parallèle de la rapide évolution du marché et des besoins des investisseurs. Par exemple, les exigences de capitalisation actuelles pour être coté à la BRVM sont trop excessives pour la plupart des PME. 5.3. Problèmesliésàl’orientationdescapitauxversl’investissementà fortimpact Le Code des Investissements et la Stratégie de Croissance Accélérée du Sénégal constituent des exemples sur la façon dont l’Etat a utilisé les initiatives destinées à orienter les capitaux vers les secteurs prioritaires et les opportunités d’impact. Cependant, ces initiatives sont peu efficaces en raison du manque de clarté de certaines incitations. Incitationsconcurrentielles Les secteurs prioritaires du Sénégal bénéficient grandement du Code des Investissements et des incitations fiscales. Ces avantages stimulent l’activité de ces secteurs mais ils ont également des conséquences négatives pour certaines entreprises à fort impact. Par exemple, les “activités de production ou de transformation” sont répertoriées comme activités bénéficiant de l’exonération de la TVA sur les produits importés120. Une telle mesure permet aux entreprises de réduire leurs coûts si elles s’approvisionnent dans d’autres pays. Cependant, l’industrie locale du même secteur qui pourrait approvisionner ses produits localement ne bénéficie pas de la même exonération fiscale, ce qui la rend moins compétitive. L’agriculture est identifiée par tous comme étant le moteur de la lutte contre la pauvreté et du développement économique du Sénégal121. La sécurité alimentaire constitue également un problème social majeur auquel doit faire face l’Etat. Compte tenu de la hausse générale des prix des produits consommés massivement au Sénégal, l’Etat a accordé la suspension des droits de douane et des surtaxes sur certains produits importés tel que le riz et le lait en poudre afin d’en assurer l’accessibilité à la population122. Leur effet, même si cela est bénéfique pour la sécurité alimentaire, décourage la production agricole locale étant donné que les entreprises sénégalaises qui produisent du riz, du lait et ses produits dérivés se trouvent lésées par cette politique. Manquedeclartédanslecadredel'exercice L’environnement financier du Sénégal est considéré comme difficile par les investisseurs à fort impact et les entreprises similaires. Le manque de prévisibilité des coûts fiscaux freine les investissements, car influençant la projection des flux de trésoreries et, par conséquent, le taux de rendement prévu de ces investissements. Un exemple est la suspension de la taxe sur la valeur 120 Code des Investissements du Sénégal Stratégie de Croissance Accélérée (www.sca.sn) 122 Organisation Mondiale du Commerce (2009) 121 56 ajoutée (TVA), régi par le Code des Investissements. Selon la disposition légale, les investisseurs bénéficient de la suspension de la TVA pour une durée de trois ans. Cependant, il demeure difficile de savoir si les entreprises doivent payer la totalité de la TVA accumulée après cette période. D’une part, il n’existe aucune disposition légale d’exemption de ladite somme par les entreprises. D’autre part, dans la plupart des cas, le montant total de la TVA au bout de trois ans aboutit à un coût prohibitif pour l’entreprise, qui pourrait compromettre ses activités si cette TVA était entièrement due. Nous attendons de voir si la version révisée du Code Général des Impôts de 2013 trouve une solution à ce problème. Les défis présentés ci‐dessus mettent l’accent sur les obstacles spécifiques à la croissance de l’investissement à fort impact plutôt que sur les grands défis de l’environnement des affaires qui entravent et découragent les entreprises et les investisseurs similaires. Les défis peuvent être regroupés en trois catégories affectant la capacité du marché de l’investissement à fort impact à atteindre une échelle et une viabilité suffisante. Ce sont: a) sa méconnaissance, b) un manque de soutien à l’activité entrepreneuriale, et c) un manque d’activité d’investissement de capital‐risque. Ces trois caractéristiques représentent la plupart des défis mentionnés dans ce rapport. L’Etat a un rôle important à jouer dans la recherche de solutions pour surmonter les défis identifiés et les recommandations sur la manière de procéder sont présentées dans le chapitre suivant. 57 6 Recommandationssurlesinitiativesdel’Etatpourconfigurer etdévelopperlemarchédel'investissementàfortimpact Sur la base des problèmes exposés auparavant, ce Chapitre présente les recommandations spécifiques sur les mesures que l’Etat doit prendre pour configurer et développer le marché de l’investissement à fort impact. En tant que marché encore naissant, l’environnement de l’investissement à fort impact n’est pas encore clairement ni défini ni promu. Les nombreux problèmes et lacunes identifiés en sont la preuve. En outre, les recherches effectuées dans le cadre de ce rapport montrent que l’insuffisance d’appui de l’Etat aux activités entrepreneuriales entrave l’accroissement de la demande pour les activités d’investissement à fort impact. Pour finir, étant donné le manque d’activité d’investissement en général, le marché de l’investissement à fort impact (comme sous‐ensemble) est dépourvu des éléments clés suivants, nécessaires à sa viabilité et à sa croissance : Actions prioritaires: Accroître la sensibilisation sur l’investissement à fort impact Actions à moyen et court terme: Stimuler l’environnement des activités d’investissement à fort impact Tableau 6.1: Aperçu des défis et recommandations Recommandations Problèmes identifés Actions prioritaires : vulgariser la connaissance relative à l’investissement à fort impact • Méconnaissance de l’investissement à fort impact i. ii. Adopter une définition officielle de l’investissement à fort impact social Communiquer sur le concept de l’investissement à fort impact Actions à court et moyen termes : améliorer l’environnement pour stimuler les activités liées à l’investissement à fort impact • Flux des opérations limité • Faiblesse de l’offre de renforcement de capacité • Faiblesse des sources de financement adaptées • Faiblesse des services d’accompagnement en dehors de Dakar iii. Favoriser la création d’incubateurs d’entreprises iv. Favoriser l’organisation de Business Competitions v. Renforcer les programmes existents du gouvernement • Manque de reconnaissance des besoins particuliers des entreprises à fort impact social vi. • Faiblesse d’un cadre propice à l’investissement • Faiblesse des options alternatives vii. Établir un fond de placement pour l’investissement à fort impact viii. Encourager l’adoption d’un marché financier pour les PME • Incitations concurrentes ix. • Manque de clarté du système fiscal Mettre en place un cadre incitatif pour le développement d’entreprises à fort impact Entreprendre, d’une part les analyses sur le cadre fiscal et d’autre part sur les défis sectoriels spécifiques à relever Ces recommandations sont formulées à l’attention de l’Etat dans l’espoir que des interventions ultérieures contribuent à renforcer les bases d’un grand marché d’investissement à fort impact au Sénégal. En tant que membre de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine, toutes les activités que l’Etat du Sénégal entreprend pour développer un domaine particulier peuvent facilement être adoptées par les autres Etats membres, en améliorant ainsi la diffusion de l’investissement à fort impact en Afrique de l’Ouest. Pour chaque recommandation, les auteurs proposent l’institution qu’ils jugent la mieux placée pour promouvoir l’action. 58 6.1. Accroîtrelasensibilisationsurl’investissementàfortimpact Du fait de son statut de secteur encore jeune, l’investissement à fort impact au Sénégal, souffre d’un manque de reconnaissance de la part de l’Etat, des investisseurs et des entrepreneurs qui n’ont pas tous forcément conscience de la possibilité d'utiliser durablement les capitaux privés pour créer des impacts sociaux. Par conséquent, très peu d'activités s'effectuent dans l'environnement des investissements à fort impact. Il existe même au contraire un peu de scepticisme et de défiance via à vis de la manière dont l’investissement à fort impact (et les besoins des différents intervenants) diffère du financement du secteur privé en général. Pour promouvoir la croissance de l'investissement à fort impact, l’Etat doit se positionner comme porte étendard du concept. Une communication efficaces et des directives très claires constituent l’étape primordiale pour sensibiliser davantage d'intervenants. Recommandation(i):Adopterunedéfinitionpertinentedel’investissementàfortimpact auSénégal La contribution de l’Etat commence par devoir définir ce qu'est l'investissement à fort impact, et ce qu'il n'est pas. Définir l'investissement à fort impact et l’inclure dans le programme public du Gouvernement constitue un moyen efficace de prouver son engagement à accompagner les investisseurs et les entreprises à fort impact. La définition constitue dès lors la première étape dans l'élaboration d'un cadre juridique pour l’investissement à fort impact afin de s’assurer de la transparence du secteur. Les ambigüités autour de ce qui est ou de ce qui n'est pas un investissement à fort impact aboutiront rapidement à une notion diluée du concept et toute mesure incitative mises en œuvre pourrait être sujette à des abus. En outre, une définition claire de l’investissement à fort impact ainsi que la connaissance des intervenants dans un tel contexte permet à l’Etat d'élaborer des politiques plus ciblées. En ce sens, l’ensemble du secteur et de ses corollaires pourront être plus facilement stimulés à travers les actions de l’Etat. La possibilité d'orienter les capitaux de l’investissement privé vers une réponse aux besoins sociaux du pays constitue un outil puissant. A titre d’exemple, on peut imaginer que l’Etat serait à même d’orienter les investissements à fort impact tantôt vers certains secteurs et types d'entreprises prioritaires, tantôt d’encourager les activités à fort impact dans certaines régions défavorisées du pays. Même si aucun pays n'a encore défini l’investissement à fort impact dans ses politiques, les Etats‐ Unis et le Royaume‐Uni ont pris plusieurs mesures pour mettre en œuvre une législation destinée à donner aux entreprises une plus grande liberté d'application des stratégies qui, selon eux, profitent à la société dans son ensemble au lieu d'être axées sur la maximisation des profits (voir Encadré 6.1). Encadré 6.1: Certification des entreprises à fort impact aux USA et au Royaume‐Uni123 Pour être considérée comme une « Benefit Corporation » aux Etats‐Unis, une entreprise doit avoir une mission sociale ou environnementale explicite et une responsabilité fiduciaire juridiquement contraignante de prise en compte des intérêts des travailleurs, de la communauté et de l'environnement ainsi que de ses actionnaires. Elle doit également publier des rapports vérifiés de façon indépendante sur l'impact social et environnemental parallèlement à ses résultats financiers. La low‐profit limited‐liability company (LC3) constitue une autre option existant aux Etats‐Unis, elle peut collecter des fonds à des fins socialement 123 www.bcorporation.net; www.cicregulator.gov.uk 59 bénéfiques tout en faisant peu ou pas de bénéfices. L'idée d'un cadre juridique pour les entreprises qui placent les profits en second lieu ne se limite d’ailleurs pas qu'aux Etats‐Unis. La Grande‐Bretagne a, par exemple, depuis 2005, autorisé les personnes à fonder des entreprises d'intérêt communautaire. Les investisseurs sont alors dotés d'incitations d'allègements fiscaux pour investir dans les entreprises d'intérêt communautaire à travers les institutions financières dédiées au secteur. En ce qui concerne le Sénégal, au lieu de mettre en place une nouvelle structure bureaucratique et juridique très couteuse, l’Etat pourrait simplement envisager de fournir une certification aux entreprises à fort impact qui remplissent certains critères prédéfinis. La certification donnerait une plus grande visibilité aux entreprises d'investissement à fort impact tout en leur fournissant un réseau et une plateforme pour se faire connaître. Sur la base de cette certification, les entreprises pourraient alors bénéficier d'un soutien supplémentaire et de nouvelles concessions (voir recommandation (vi) ci‐dessous). En s’inspirant d’autres expériences au niveau mondial, le Tableau 6.2 présente un aperçu des critères de certification que l’Etat pourrait envisager. Parmi ces critères, l’Etat devra par exemple prendre des décisions plus spécifiques sur la manière de définir les groupes à faible revenu. En règle générale, la base de la pyramide est définie comme les personnes vivant avec moins de 2 dollars américains par jour124. Tableau 6.2: Critères proposés pour la certification des entreprises d'impact Le Objectifs sociaux et environnementaux spécifiques sont insérés dans les statuts de l’entreprise Critères de certification des entreprises à fort Les entreprises impact social Les entreprises mesurent et rendent compte annuellement de leur impact et les rapports sont plubliés génèrent des impacts sociaux et environnementaux à travers les quatre critères * 1)Élaborer ou adapter les chaînes d'approvisionnement et de distribution existantes de manière à renforcer la participation des producteurs et fournisseurs locaux; 2) Produire et/ou fournir des biens et services indispensables aux groupes à faible revenu de manière financièrement viable et évolutive, 3) Développer des modèles économiques qui conduisent à la préservation de l'environnement et/ou la gestion durable des ressources naturelles; 4) Soutenir la fourniture durable d'emplois de qualité, la formation et les opportunités de développement pour les jeunes et/ou les groupes marginalisés. L'objectif de la certification proposée n'est certainement pas d'encombrer les jeunes entreprises avec des procédures administratives supplémentaire et autres obligations de déclaration. Bien au contraire, pour qu'une entreprise détermine si elle a ou non effectivement un impact, il est 124 Banque Mondiale (www.worldbank.org) 60 important qu'elle évalue et déclare ses activités. Ces critères ont été intentionnellement conçus de la manière la plus simple possible afin de refléter la nature encore embryonnaire du marché et le nombre encore limité d'entreprises d'investissement à fort impact actuellement en activité. Les critères reconnaissent également que les entreprises à fort impact ne sont pas spécifiques à un secteur particulier, en ce sens, ils ne cherchent pas à identifier les entreprises à fort impact selon le domaine d’intervention au sein duquel elles évoluent. En outre, étant donné que le Sénégal cherche à augmenter globalement le montant des investissements nationaux, les notions d’immobilisations d'actifs, de limites de rémunération et de réinvestissement des revenus ont été exclus car il existe un risque que des exigences aussi strictes aient un effet néfaste sur les motivations des entrepreneurs novices. Une autre possibilité à envisager par l’Etat consiste à acheter et adopter des droits d'utilisateur pour les outils d'investissement à fort impact utilisés actuellement dans le monde, tels que le Global Impact Investment Rating System (GIIRS)125. En utilisant le GIIRS, n'importe quelle entreprise peut se soumettre à une évaluation qui détermine une note correspondant à son impact. L’Etat du Sénégal pourrait adopter un seuil de note certifiant toute entreprise répondant au score requis comme entreprise à fort impact. En adoptant et en s'alignant sur les systèmes existants, le Sénégal peut s'ouvrir au marché mondial d'investissements à fort impact et ne pas être tenu d'investir du temps et des ressources dans l'élaboration de nouveaux systèmes. Encadré 6.2: Global Impact Investment Rating System (GIIRS) Le GIIRS, un projet du laboratoire indépendant à but non lucratif B Lab, est un système complet et transparent d'évaluation de l'impact social et environnemental des entreprises et des fonds d’investissement utilisant une approche de notation similaire à celle servant à évaluer le risque de crédit de Morningstar. L'évaluation de l'impact du GIIRS comprend un ensemble exhaustif de points de revue obligatoires couvrant une série de critères liés aux fonctions de l'organisation qui sont spécifiques à la taille de l'organisation, son secteur ainsi que sa région. L'approche GIIRS attribue une pondération aux différents indicateurs de performance afin de permettre des comparaisons. Les principales caractéristiques du GIIRS comprennent : son intégration aux rapports sur l'impact et les normes d'investissement (IRIS), la taxonomie reconnue du secteur et la norme de reporting co‐développée par B Lab, sa méthodologie de notation, qui est élaborée et régie par un conseil de normalisation indépendant, et ses évaluations qui sont soumises à la procédure de vérification GIIRS, exécuté avec l'appui d'une revue par une personne tiers. (Source: www.giirs.org) Recommandation(ii):Communiquerleconceptd’investissementàfortimpact Le manque de sensibilisation sur l’investissement à fort impact et sur ce qu'il implique est un problème répandu chez les intervenants. Il appartient à l’Etat de faire la lumière sur les avantages de l’investissement à fort impact et d'en démontrer l’intérêt et les résultats. Impliquer un plus grand nombre d'intervenants. Un plan de communication sur la «définition sénégalaise» de l’investissement à fort impact est le point de départ d’un débat sur le secteur. Un débat ouvert entre les autorités publiques, les représentants du secteur privé et les investisseurs conduit à l'engagement de toutes les différentes parties et pas uniquement des quelques entreprises et investisseurs actuellement présents dans le secteur. 125 Il convient de noter que ce système de notation est actuellement disponible en version française 61 Afin d'accélérer l'essor des activités, l’Etat peut avoir recours à de nouveaux moyens et outils de communication ou s'appuyer sur ceux qui existent déjà. Par exemple, les universités peuvent être impliquées pour accroître la sensibilisation sur le sujet chez les professeurs et étudiants. Les professeurs bien informés peuvent inciter les étudiants à devenir de jeunes entrepreneurs intéressés par la résolution des problèmes sociaux du pays. Une fois les universités impliquées dans le débat sur l'investissement à fort impact, elles ont le potentiel d’en devenir les nouveaux centres d'innovation. De plus, la diaspora constitue un autre groupe d'intervenants important que l’Etat pourrait sensibiliser. Les transferts de fonds des Sénégalais résidant à l'étranger sont sensiblement plus élevés que les entrées d'IDE entre 2000 à 2009. Mais des études ont démontré que la plupart des transferts de fonds sont utilisés pour la consommation plutôt que pour l'investissement, seuls 5% des transferts de fonds vers le Sénégal sont investis dans une activité productive126. En comparaison, par exemple, avec les 18% du Mali et les14% du Maroc127. L’Etat a un rôle à jouer dans la mobilisation de la diaspora sur l’investissement à fort impact et la promotion des activités et vocations dans ce domaine. Il existe de même des programmes étatiques et des organes d’ores et déjà en contact direct avec les entreprises, comme l'APIX, le FONDEF et l’ADEPME. Ils constituent des canaux de communication entre l’Etat et le secteur privé et peuvent être mis à profit pour transmettre la sensibilisation sur l'investissement à fort impact. Ces organes jouent déjà un rôle important dans l'appui aux entreprises et l’investissement à fort impact pourrait être inclus comme partie intégrante de leur programme lorsqu'ils communiquent avec le secteur privé. Les entreprises gagneraient à mieux comprendre les instruments utilisés par les investisseurs à fort impact ‐ Instruments de fonds propres et prise de participation, prêts… et les avantages liés à chacun d'eux ‐ et de commencer à considérer l’investissement à fort impact comme une source alternative de financement. Utiliser les indicateurs de mesure pour démontrer les résultats. Pour que l’investissement à fort impact soit reconnu comme un outil majeur pour relever les défis de développement, l’Etat doit veiller à ce que les investisseurs à fort impact et les entrepreneurs puissent prouver concrètement leur impact social ou environnemental. Ils devront abandonner les études de cas individuels et anecdotes sur l'impact social et, à la place, produire des rapports sur les opérations d'investissement qui ont été réalisées concrètement dans la région et les avantages sociaux et environnementaux réels créés. Pour ce faire, les intervenants doivent adopter des systèmes de mesure cohérents et complets permettant aux investissements de saisir et comparer facilement les rendements financiers et sociaux. Des outils comme le GIIRS et IRIS, mentionnés plus haut, peuvent être utilisés par les entreprises, les investisseurs et les gestionnaires de fonds pour signaler, repérer et mesurer l'impact social et environnemental des investissements. L’Etat peut encourager les intervenants à adopter ces outils (ou ceux similaires adaptés) et utiliser les résultats pour suivre, évaluer et communiquer les progrès du secteur. Il est suggéré que les recommandations (i) et (ii) ci‐dessus soient discutées et débattues par le Groupe de travail du Conseil Présidentiel pour l'Investissement sur "Comment accroître l'impact 126 127 ‘Rapport sur la compétitivité nationale’ de 2011 Sénégal Ibid. 62 social de l'investissement privé" avant que les propositions concrètes ne soient soumises à l'approbation et l'adoption de l’Etat. Une fois adoptées, le Ministère de l'Économie et des Finances sera chargé de communiquer le concept d'investissement à fort impact à travers les structures étatiques compétentes comme l'APIX et ADEPME ainsi que des structures privées comme les universités et les incubateurs d'entreprises. 6.2. Stimulerl'environnementdesactivitésd'investissementàfort impact Il existe un certain nombre de mesures visant à inciter la demande d’investissement à fort impact et à accroître son flux de capitaux. Tout d'abord, il doit y avoir une augmentation du nombre d'idées de solutions aux les problèmes sociaux. Ces idées doivent être mûries, leur impact social doit être défini puis affiné, puis elles doivent prendre la forme d’un plan d’affaires. Deuxièmement, les entreprises doivent présenter les conditions requises à la réception d’investissements, comme expliqué dans le chapitre Cinq. Enfin, il faut créer un environnement approprié à l’entrepreneuriat, avec un cadre juridique adéquat et des incitations efficaces. Cette section présente les recommandations visant les actions de l’Etat destinées à appuyer les différentes étapes du développement des entreprises afin d'augmenter le flux d'investissement à fort impact. Recommandation(iii):Soutenirlesincubateursd'entreprises Les incubateurs transforment les idées en activités d'investissement. Ils détectent les talents et leur donnent les ressources nécessaires pour devenir des entrepreneurs prospères. Les incubateurs axés sur les idées qui peuvent devenir des entreprises à fort impact peuvent jouer un rôle important dans l'élaboration du paysage entrepreneurial du Sénégal vers un modèle avec plus d'impact. Le Sénégal ne dispose actuellement que de quelques incubateurs d'entreprises (voir l'annexe B pour la liste indicative). Ces incubateurs sont confrontés à des contraintes de ressources et sont souvent dépendants des subventions des donateurs ou des fondations. L'appui technique et la formation en gestion sont quelques‐uns des principaux avantages pour les entrepreneurs de participer aux initiatives des incubateurs. Les entrepreneurs reçoivent une formation sur l'élaboration du business plan, la gouvernance d'entreprise, la comptabilité et la finance ainsi que sur la manière de présenter leur entreprise aux investisseurs. L'incubateur sert de centre de connaissances et peut assurer également l'appui aux avocats, aux comptables et autres professionnels. En outre, les entrepreneurs ont accès à un réseau de conseillers, d’investisseurs et de clients potentiels. Les conseillers sont des entrepreneurs expérimentés et des femmes qui peuvent fournir des conseils aux entrepreneurs, les inspirer et être le premier maillon du développement d’un réseau. Les investisseurs peuvent voir l'incubateur comme une source d'investissement car il crée un portefeuille d'entreprises prêtes pour l'investissement. Le modèle d’affaires amélioré et le lien avec les incubateurs facilite l'accès des entrepreneurs au financement. Les incubateurs peuvent également ouvrir les marchés aux nouvelles entreprises. Les connexions avec les circuits de distribution et les clients potentiels favorisent le lancement du démarrage. Plusieurs des défis mentionnés dans le chapitre Cinq peuvent être abordés à travers un programme bien conçu de soutien aux incubateurs privés par l’Etat. Les résultats attendus de cette initiative sont 63 la promotion du concept d'entreprises à fort impact, le soutien aux jeunes entrepreneurs, l''augmentation de la concurrence dans les différents secteurs et les incitations pour la création d’entreprises dans le secteur formel. Voici les mesures précises que l’Etat peut prendre pour atteindre ces résultats. Encourager les incubateurs privés. L’Etat peut stimuler l'émergence de telles initiatives par la création d'un programme national visant à appuyer les incubateurs privés. Ce soutien pourrait s'exercer à travers des subventions annuelles comme c'est le cas au Brésil (voir Encadré 6.3). L’Etat peut rendre les incubateurs imputables des résultats en fixant des indicateurs de performance tels que le nombre d'entreprises parvenant à l’issue du programme de l'incubateur. Les incubateurs mis en place par le secteur privé peuvent présenter davantage de flexibilité, une meilleure expertise et efficacité par rapport à une initiative publique. L’Etat peut confier la gestion de ces incubateurs au secteur privé, accorder des subventions pour renforcer les services fournis et suivre de près les résultats et les sorties. 128 Encadré 6.3: Programme de soutien aux incubateurs du Brésil PRONINC est une initiative de l’Etat fédéral brésilien de financement et de soutien aux activités des incubateurs ayant le potentiel de générer un impact social. Les incubateurs admissibles pour participer à ce programme national sont gérés par les universités et les municipalités. Depuis 2003, PRONINC a invité les incubateurs à soumettre des propositions pour des subventions allant jusqu'à 75 000 dollars américains. L'importance de l’évaluation des résultats est un grand débat actuellement en Afrique du Sud. JP Morgan avec l'appui de Dalberg est le fer de lance d'un programme efficace pour améliorer la prestation de services de développement des entreprises par l'investissement dans des prestataires de services de qualité pour les aider à accroître leur part du marché des PME. Une attention particulière a été accordée à l'élaboration d'un contrôle et cadre d’évaluation rigoureux avec des indicateurs clairement définis pour en mesurer la réussite. Le programme vise également à construire une plate‐forme publique de partage des résultats pour fournir une comparaison entre les différents prestataires d'appui au développement des entreprises du pays pour aider les investisseurs et les entreprises à se positionner judicieusement dans le secteur. L’Etat du Sénégal pourrait envisager de mettre en œuvre une initiative similaire dans le cadre du programme de soutien aux incubateurs. Fournir un financement de démarrage très tôt. Les idées développées au sein de ces incubateurs ont besoin de fonds de démarrage pour se transformer en entreprise. Tel que mentionné dans le chapitre cinq, il existe ici un déficit de financement essentiel à la croissance des entreprises à une étape où elles peuvent prendre le tournant de l'investissement à fort impact. Les investisseurs providentiels (business angels) cherchent généralement à combler cette lacune. Ils fonctionnent selon un profil de risque/rendement différent de celui des bailleurs de fonds traditionnels et sont prêts à faire des investissements à long terme pour appuyer les plus petites entreprises à travers les différentes étapes de leur développement. Ils offrent non seulement aux entreprises le financement de leur projet et besoins, mais également une assistance technique et des services consultatifs de développement des affaires. Afin de soutenir la réalisation de ces incubateurs, l’Etat à travers une 128 www.finep.gov.br et www.mte.gov.br 64 institution telle que la BNDE peut chercher à fournir, à petite échelle, des financements concessionnels. L’Etat peut également chercher à faciliter le développement de l'activité des investisseurs providentiels, à travers des incitations fiscales. Comme c'est le cas actuellement au Ghana (voir Encadré 6.4). Encadré 6.4: Ghana Angel Investor Network129 Le Ghana Angel Investor Network (GAIN) a été créé par le Ghana Venture Capital Trust Fund. Il s’agit d’un réseau d'investisseurs providentiels qui cherche à investir dans les activités d’amorce des entreprises avec d'importantes perspectives de croissance et la possibilité de générer des rendements importants. GAIN est une personne morale limitée par garantie et constituée en vertu des lois du Ghana. En tant que réseau, GAIN n'est pas destiné à générer du profit. Toutefois, les membres et les bénéficiaires cherchent à tirer des rendements importants sur leurs investissements. Le Secrétariat GAIN est responsable de la coordination des affaires providentielles et joue le rôle d'agent de liaison entre les entrepreneurs et les investisseurs providentiels. Outre les investissements à long terme, les entrepreneurs bénéficiaires disposent également de l'expertise et de l'expérience d'un groupe d'investisseurs hautement qualifiés qui orientent les entrepreneurs respectifs et ont accès à un réseau de cadres avec une vaste gamme de compétences fonctionnelles. En outre, être en relation avec un réseau d'investisseurs plutôt que d’investisseurs individuels, permet aux entrepreneurs d’économiser des efforts considérables dans le processus d'obtention du capital dont ils ont besoin. Les investisseurs providentiels qui s'engagent à devenir membres du GAIN bénéficient d’un accès privilégié aux investissements présélectionnés dans divers secteurs industriels, ainsi que de l'expertise des autres membres du groupe et des possibilités de réseautage avec d'autres chefs d'entreprises. L'investissement réalisé par un investisseur providentiel peut être déduit des impôts sur les sociétés et individuels et des exonérations sont possibles sur les revenus générés par le capital investi. Décentralisation des activités. Il est urgent que l'activité entrepreneuriale vise à résoudre les problèmes sociaux dans l'ensemble des régions du Sénégal. Afin de stimuler l'activité économique à fort impact un programme national de soutien aux incubateurs doit être conçu pour stimuler également les incubateurs situés en dehors de Dakar. En effet, les problèmes sociaux rencontrés et les obstacles au développement des entreprises sont parfois spécifiques à chaque région. Une approche ciblée pour résoudre ces problèmes a tendance à être plus fructueuse qu’une initiative globale. En outre, les aspects d'encadrement et de mentorat du processus d'incubation seront plus efficaces s'ils sont spécialisés dans le traitement des contraintes spécifiques à l'environnement des affaires d'une région particulière. 129 www.gain.com.gh; www.mybusinessweekafrica.com/topheadlines_detail.php?ID=902 “Venture Capital’s New Frontier’ Septembre 2011 65 Impulsion du secteur par la promotion de modèles d’affaires ayant fait leur preuve. Afin de renforcer l’appui aux incubateurs, l’Etat du Sénégal peut avoir un rôle davantage proactif en cherchant à exposer les exemples d’entrepreneurs à travers le monde qui ont réussi par leur approche novatrice ou la pertinence de leur idée. Les entreprises à fort impact (comme le montre la liste du Tableau 3.1) sont désormais en activité dans beaucoup de pays en développement. Plutôt que l’APIX ou les incubateurs attendent passivement que les entrepreneurs arrivent avec une idée viable, ils peuvent apporter à ces entrepreneurs un accès aux informations sur ces modèles d’affaires à fort impact existants et leur proposer un appui pour la concrétisation de l’idée retenue (assistance technique, capital d’amorçage) au pilotage de leurs initiatives. Cette connaissance des meilleures pratiques permettra ainsi aux entrepreneurs de s’en inspirer et de les adapter au contexte du Sénégal. L’approche, présentée ci‐dessus, et dont le Sénégal peut s’inspirer a été mise en pratique au Pakistan. Une base de données présentant les meilleurs exemples d’entreprises à fort impact (en termes d’adaptation, durabilité et impact), dans les secteurs prioritaires a été créée et une analyse des facteurs clés de succès qu’il sera pertinent de dupliquer a été entreprise. A partir de cette base de données, les experts locaux ont sélectionnés les modèles d’affaires qu’ils jugeaient les meilleurs et les plus susceptibles de réussie dans le contexte local. Ainsi les entrepreneurs locaux les plus prometteurs ont été identifiés en vue d’adapter les modèles retenus au contexte local, en vue de développer un plan d’affaires et de piloter cette initiative avec le support des partenaires au développement. Il est suggéré que la recommandation iii) "Appui aux incubateurs d'entreprises" soit mise en œuvre par le Ministère du Commerce, de l'Industrie et de l'Artisanat en collaboration avec l'ADEPME et les institutions d'enseignement supérieur. Les autorités locales devront également être impliquées afin de faciliter le développement d'initiatives d'incubateurs à travers les régions du Sénégal. Recommandation(iv):Soutenirlesconcoursdebusinessplan Les concours de business plans sont un moyen d'impliquer les communautés et les entrepreneurs dans la recherche de solutions aux problèmes sociaux. Les collectivités locales peuvent exposer un problème social particulier affectant une communauté ou une région et demander aux entrepreneurs de trouver des solutions commerciales et durables au problème. Le vainqueur du concours pourra non seulement développer son activité en ayant accès à un programme d'incubateur mais également bénéficier de communication et d’une bourse financière. Les avantages de l'approche par concours sont: Donner aux entrepreneurs l'opportunité de recevoir des commentaires et d'affiner leurs idées avant le démarrage Favoriser l'innovation et la recherche et développement Démontrer l'engagement de l’Etat à régler les problèmes les plus urgents (choisis comme thèmes du concours) dans la mobilisation de ressources publiques et privées Etablir une base de données de jeunes entreprises Inciter les entreprises à se formaliser Crédibiliser les participants primés. 66 Ces concours peuvent avoir lieu chaque année au niveau national et local pour promouvoir l'entreprenariat, présenter les idées efficaces pour inspirer les autres, encourager la concurrence et faciliter l'accès au capital. Cette initiative peut être menée par les incubateurs en partenariat avec les autorités locales, et parrainée par les investisseurs. L'Afrique du Sud constitue un exemple de la manière dont l’Etat peut collaborer avec les compétences privées pour effectuer un concours de business plan (voir Encadré 6.5). Encadré 6.5: Le concours annuel de business plan de Technoserve en Afrique du Sud Technoserve organise un concours annuel de business plan en Afrique du Sud dans le cadre du programme "Believe Begin Become". Le programme est financé par le ministère sud‐africain du Commerce et l'agence de Développement de la petite industrie. La compétition prépare les entrepreneurs à transformer leurs idées en business plans viables et le programme postopératoire assure l'encadrement, les opportunités de réseautage et de soutien continu130. Il est suggéré que la recommandation (iv) "Appui aux concours de Business Plans" soit mise en œuvre par le Ministère du Commerce, de l'Industrie et de l'Artisanat, en collaboration avec l'ADEPME. L'Agence Sénégalaise pour la Propriété Industrielle et l'Innovation Technologique qui est chargée d'assurer la protection de la propriété intellectuelle pour la promotion de l'innovation doit également être associée à cette initiative. Pour s'assurer que les concours ne sont pas uniquement axés sur les centres urbains, la participation de toutes les autorités locales décentralisées est également nécessaire. Recommandation(v):Misersurlesprogrammesétatiquesexistants Le développement de l'entreprenariat fait déjà l'objet d'initiatives étatiques telles que l'ADEPME, le FONDEF et l'ASEPEX131. Actuellement, l’objectif de ces initiatives est simplement de participer à l’accélération de la croissance économique. Mais, elles peuvent être mises à profit pour augmenter le flux d’investissements en intégrant l’impact social dans leurs programmes (comme c'est le cas avec le FNPJ qui est axé sur la jeunesse) parallèlement à la croissance économique. Conseiller des entrepreneurs sur la manière de générer plus d'impact se traduira par une augmentation du vivier d'entreprises que les investisseurs à fort impact peuvent appuyer. Les programmes étatiques actuels sont bien placés pour identifier les obstacles à l'émergence d'entreprises à fort impact. Cette étude reconnaît les avantages de la création de nouvelles initiatives étatiques axées sur l'investissement à fort impact. Cependant, s'appuyer sur les programmes existants en les orientant vers l'impact social peut également être efficace et produire des résultats plus rapidement. La Recommandation (v) "S'appuyer sur les programmes étatiques existants" doit être élaborée par la discussion et le débat au sein du groupe de travail du Conseil Présidentiel pour l'Investissement sur "l'impact social de l'investissement privé" avant des suggestions concrètes sur les étapes futures ne soient proposées aux services étatiques concernés. 130 131 www.technoserve.org Agence de Promotion des Exportations du Sénégal 67 Recommandation(vi):Élaborerlesmesuresincitativespourlesentreprisesàfortimpact Comme souligné dans ce rapport, les entreprises dont les modèles économiques tentent de résoudre un problème social sont souvent confrontées à des difficultés supplémentaires par comparaison aux entreprises traditionnelles. Compte tenu de ces contraintes particulières et des opportunités d’impacts sociaux engendrés, il serait utile que ces entreprises bénéficient d'incitations afin de réduire leur charge fiscale ou que leur soit fourni un soutien subventionné. Une fois que l’Etat du Sénégal a défini le concept d'entreprise à fort impact et d'investisseurs à fort impact, il peut utiliser ces critères pour déterminer quelles entreprises peuvent bénéficier d'un soutien ciblé. Ce soutien pourrait inclure les exonérations fiscales ou l'accès aux bourses de formation ou services d'assistance technique subventionnés. En Chine par exemple, l’Etat a réussi à fournir des incitations aux entreprises opérant dans le secteur des énergies renouvelables afin de stimuler le secteur (voir Encadré 6.6) Encadré 6.6: Promotion du secteur des énergies renouvelables en Chine En 2008, l’Etat chinois a annoncé un programme 46 milliards de dollars américains pour stimuler le secteur des énergies renouvelables132. Il incluait des réductions d’impôt sur les sociétés, des réductions significatives de la taxe sur la valeur ajoutée, diverses autres incitations fiscales, des tarifs de rachat, des incitations de recherche et développement ainsi que des subventions pour la mise à niveau des technologies d'économies d'énergie. Ces incitations attirent désormais d'importantes sommes d'investissements dans le secteur de l'énergie verte en Chine, jusqu'à 49 milliards de dollars américains en 2010. Dans la même année, plus du tiers du total des investissements mondiaux en énergies renouvelables a été fait en Chine. Le pays est aujourd'hui le principal fabricant des panneaux photovoltaïques133. Il est suggéré que la recommandation (vi) "Élaborer une structure d'incitation aux entreprises" soit mise en œuvre par le Ministère de l'Économie et des Finances et parallèlement déterminer quelles entreprises sont admissibles. La Direction des impôts peut ensuite analyse le rapport coût/bénéfice des incitations fiscales spécifiques ou exonérations. Recommandation(vii):Mettreenplaceunfondsfiduciairepourl'investissementàfort impact Le chapitre Cinq a expliqué comment le manque d’intermédiaires d'investissement au Sénégal entrave le volume de capitaux pouvant être exploités au niveau national, puis orientés vers les entreprises ainsi que ses raisons. Afin d'encourager la création de fonds d’investissement, l’Etat a un rôle à jouer dans le renforcement du secteur du capital risque au Sénégal, mais surtout pour le façonner de sorte qu’il soit axé sur l'impact social. Fort de l'expérience du Ghana avec son Venture Capital Trust Fund (voir Encadré 6.7) ou de l’Inclusive Innovation Fund en Inde (voir Encadré 6.8), le Sénégal pourrait pousser le concept encore plus loin en créant un fonds pour l'investissement à fort impact. Ce fonds servirait de financement à des fonds d'investissement nationaux de plus petite taille afin d’appuyer le capital‐ risque pour les entreprises. Ce fonds permettrait non seulement d'augmenter le montant de capital global disponible, mais également servir à encourager les investisseurs institutionnels nationaux (fonds de pension et compagnies d'assurance) à s’y associer. 132 133 KPMG (2012), “Taxes and incentives for renewable energy” KPMG (2012), “Taxes and incentives for renewable energy” 68 Encadré 6.7: Ghana Venture Capital Trust Fund134 Le VCTF a été créé par l’Etat du Ghana pour fournir des ressources financières aux PME via les sociétés de financement de capital‐risque. Sa vision est de "créer un secteur de capital‐risque dynamique et bien structuré avec des investissements dans divers secteurs, conduisant à la réduction de la pauvreté grâce à la création d'emplois et de richesse avec une croissance des recettes de l’Etat". Le VCTF a débuté avec un financement initial d'environ 15 millions de dollars américains (22.4million GH ¢) de la part de l’Etat ghanéen. En partenariat avec les investisseurs locaux et étrangers, le VCTF a créé un fonds global d'environ 55 millions de dollars américains (83 millions GH¢) pour soutenir les PME. Pour ce faire, le Fonds a mis en place cinq fonds de capital‐risque et y a investi l'équivalent de 17 millions de dollars américains. Dès le début de l'année 2011 plus de 1 000 emplois directs ont été créés par 39 sociétés en portefeuille. En outre, les recettes fiscales de l’Etat découlant des 39 sociétés ont augmenté à un taux moyen de 264,5% par an à la suite de ce financement et certaines entreprises en portefeuille ont enregistré une augmentation du chiffre d'affaires de plus de 100%. Le VCTF souhaite augmenter le nombre total des fonds disponibles afin de dépasser 100 millions de dollars pour soutenir les investissements dans les PME. Afin de transformer davantage les PME en de grandes entreprises et inviter également le public à s’impliquer dans la création de PME rentables, les gestionnaires du fonds seront encouragés à s'inscrire à la Bourse du Ghana. Le VCTF intensifiera également sa campagne de sensibilisation du public pour informer les PME sur les avantages des placements en actions et attirer davantage de fonds auprès des institutions financières locales. 135 Encadré 6.8: India Inclusive Innovation Fund En Inde, l’Etat a engagé 100 millions de dollars de capital de départ pour la mise en place d'un Fonds d'innovation inclusive d'un milliard de dollars. Le fonds vise la création d'un écosystème d'entreprises, le soutien de l'entrepreneuriat et l’augmentation des ressources de capital‐risque. Il sera axé sur la fourniture de capital‐risque aux entreprises qui créent et fournissent des technologies et des solutions visant à améliorer la qualité de vie des personnes « à la base de la pyramide ». Reconnaissant les besoins spécifiques de ces entreprises, le Fonds prévoit également des services d'incubation pour aider les entrepreneurs à renforcer les capacités des entrepreneurs de la base de la pyramide. Le fonds lui‐même doit être géré par un gestionnaire de fonds privé en association avec l’Etat qui fera office d’investisseur minoritaire. Cela garantirait un respect des meilleures pratiques de financement du capital‐risque soient et que l'expertise technique dans la gestion de fonds peut être transmise aux sous‐fonds. L’Etat peut également contribuer à diminuer les risques et mobiliser des financements en fournissant une première tranche de perte aux investisseurs. L'utilisation d'une première tranche de perte dans des fonds signifie qu'un pourcentage convenu à l'avance de pertes d'investissement sera endossé par l’Etat. Les investisseurs du secteur privé (n'investissant pas dans cette première tranche de perte) partagent donc des profits tout en profitant du fait que l’Etat fasse tampon si le fonds perd de l'argent. Il est suggéré que la recommandation (vii) "Élaborer un fonds fiduciaire d'investissement à fort impact" soit mise en œuvre par le Ministère de l'Économie et des Finances en étroite collaboration avec la BNDE et/ou d'autres fonds publics pour les PME136. Il est possible d'héberger le fonds 134 www.venturecapitalghana.com.gh www.innovationcouncil.gov.in 136 Une liste des fonds est présentée à l'annexe B 135 69 fiduciaire au sein de la structure existante de la BNDE, c'est à dire une ligne de financement gérée séparément pour les fonds d'investissement de capital‐risque nationaux/d'investissement à fort impact en conformité avec les recommandations précédentes. Recommandation(viii):Appuyerlacréationd’unebourserégionaledesPME L'un des principaux défis identifiés par les investisseurs est l'absence d'options de sortie du capital. Tel qu'indiqué au chapitre 5, les marchés de capitaux propres au Sénégal en sont encore à leurs débuts, avec une liquidité limitée et une seule entreprise sénégalaise cotée à la bourse régionale des valeurs. La création d’une bourse des PME est un moyen de résoudre ce problème. Cette solution est actuellement à l'étude au sein de l'UEMOA137. Le marché boursier de l'UEMOA (BRVM) a récemment présenté son projet d'ouverture du marché financier aux PME au sein de l'union. Les conditions actuelles d'entrée à la BRVM ne permettent en effet pas aux PME d'obtenir des fonds principalement en raison de la capitalisation requise jugée trop élevée pour ce type d'entreprises. Le nouveau marché sera ouvert aux entreprises dès qu'elles se seront constituées en SA (société anonyme), mais sans aucune autre condition liée au capital ou marge nette. En fonction du projet, ces entreprises peuvent vendre des actions pour une valeur de 50 milliards de FCFA à un maximum de 100 souscripteurs, sans aucune exigence relative au pourcentage minimal du capital138. Les PME ne devront également pas suivre le processus d'appel public ou obtenir un visa de l'autorité de la règlementation et de surveillance139. L’Etat du Sénégal doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour veiller à ce que cette initiative soit adoptée. Il est suggéré que la recommandation (viii) "Encourager l'adoption de la bourse régionale pour les PME" soit mise en œuvre par le ministère de l'Économie et des Finances et la Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO), qui régit le secteur financier. Recommandation(ix):Procéderàdesanalysesaucasparcasdesproblèmesspécifiquesdu cadrefinancieretdusecteur En plus des recommandations générales formulées ci‐dessus il est également nécessaire de procéder à une analyse sectorielle plus détaillée afin d'identifier les conséquences spécifiques des politiques et des règlementations fiscales qui entravent les activités des investisseurs et des entrepreneurs. Cet aspect va chercher au‐delà de la portée de cette étude, mais les exemples déjà identifiés fournissent un bon point de départ. Dans la recommandation (ix) "Procéder à des analyses au cas par cas du cadre financier et des défis spécifiques du secteur" des études supplémentaires devront être entreprises. L'APIX pourrait les confier à des institutions de recherche ou des cabinets d’étude. En plus des recommandations spécifiques formulées ci‐dessus pour développer le secteur de l'investissement à fort impact, l’Etat peut également chercher à encourager les entreprises traditionnelles à générer davantage d'impact social. Pour ce faire, l'un des principaux outils à sa disposition est la politique d'approvisionnement. Par exemple, l’Etat, aux niveaux national et local, peut davantage cibler le choix de ses prestataires de services en démontrant une préférence pour les 137 Making markets work for the poor (www.mfw4a.org) Ibid. 139 Ibid. 138 70 entreprises qui font preuve d’impact social et/ou environnemental (par exemple à travers l'emploi axé sur les jeunes sans qualification ou marginalisés). En encourageant le recours à l'impact à l'ensemble des entreprises, l’Etat sera à même de plaider en faveur de l’investissement à fort impact sans exclure les entreprises traditionnelles qui sont également essentielles à la croissance et au développement du Sénégal. Ce point est important en vue de renforcer le soutien au secteur de l'investissement à fort impact et de veiller à ce que les décideurs clefs des secteurs public et privé adhèrent au concept et à l'objectif général de l'impact social. 6.3. Conclusion Ce rapport a pour vocation de sensibiliser les lecteurs aux activités d'investissement à fort impact en cours au Sénégal et aux défis à relever, et de démontrer l'importance du rôle de l’Etat comme levier pour accroître l'offre, la demande, ou orienter les capitaux vers l'investissement à fort impact. Sachant la nature embryonnaire du secteur de l’investissement à fort impact au Sénégal, l’Etat sera décisif pour fournir un environnement juridique et règlementaire favorable et adapté à l'essor du secteur. Ce rapport ne s'est pas concentré sur le rôle de facilitateur général de l’Etat quand il intervient sur les marchés, comme à travers la fourniture d'infrastructures de base et l'amélioration de l'environnement économique général, mais plutôt sur les efforts spécifiques de canalisation des opportunités d'investissement qui génèrent des impacts sociaux délibérés et substantiels. A cet égard, les recommandations formulées dans le présent rapport mettent à profit les six critères introduits dans le premier chapitre pour concevoir et analyser la politique: Tout d'abord, chaque recommandation est spécifiquement destinée au secteur de l'investissement à fort impact et ne cherche pas à aborder la croissance économique en général Deuxièmement, l'établissement d'une définition claire et acceptée de l’investissement à fort impact permettra d'accroître la transparence du secteur et servira de base à toutes les politiques d'appui supplémentaires Troisièmement, une politique est probablement plus efficace si elle tire parti des mesures en place et conditions du marché. A cet égard, il est préférable que l’Etat utilise et adapte ses programmes et institutions existantes pour accompagner le programme d'investissement à fort impact plutôt que de créer de nouveaux organismes dont les responsabilités risquent de se chevaucher Quatrièmement, l'engagement dès le début et en permanence des investisseurs à fort impact est primordial pour clarifier les besoins et construire un soutien pertinent. Ce rapport et l'atelier dédié à sa restitution constituent un point de départ à partir duquel l’Etat peut continuer à mener ses réflexions Cinquièmement, l’Etat doit démontrer son engagement dans le secteur dans le temps et en y dédiant un maximum de ressources. La création d'un fonds fiduciaire d’investissement à fort impact et un soutien précis aux incubateurs et entreprises ciblées vont dans le sens de cet engagement fort des autorités. 71 En dernier lieu, la réussite des initiatives dépend de leur mise en œuvre. A cet égard, chaque initiative spécifique devra être défendue par un organisme précis qui sera responsable de sa réussite. Ce rapport sert de base à un examen plus approfondi et la prochaine étape essentielle pour l’Etat consistera à savoir quand ce dernier devra se tenir et lesquelles de ces recommandations ci‐dessus sont justifiées. 72 AnnexeA:Intervenantsinterrogésdanslecadredel’étude Type Organisation Nom Investisseur AFIG Patrice Backer Investisseur BICIS Mouhamadou Ndiaye Investisseur CNCAS Arfang Daffé & Fatma Dièye Investisseur Etimos Daniela Lafortezza & Guy‐Lionel Cakpo Investisseur Investisseur & Partenaire Jérémy Hadjenburg & Patrice Gomis Investisseur LGTVP Marindame Kombate Investisseur Root Capital Diaka Sall Investisseur Sen Finances Denise Ndour Entreprise AGRICOLA Francis Nuwame Entreprise AMERGER Fatou Niang Ndiaye Entreprise AYWA Saidou Ba Entreprise Delta Irrigation Bruno Demulder INENSUS Jakob Schmidt‐Reindahl Entreprise Laiterie du Berger Bagoré Bathily Entreprise Nest for All Khadidiatou Nakoulima Entreprise Prima Planta Souleymane Doucoure Entreprise Proplast Industrie Macoumba Diagne Entreprise Safe Nutrition Bernard Giroud Entreprise SECOSEN Kevin Torck Entreprise SODEFITEX Ahmed Bachir Diop Entreprise SPEC Mamadou Saliou Sow Autre GAIN Philippe Guinot Autre Synapse Ciré Kane Etat ADEPME Mabousso Thiam DG Etat APIX Mamadou Lamine Ba Etat CPI Mamadou Lamine Ba Etat Bureau de Mise à Niveau Amadou Ndiaye & Magaye Ndiaye & Mohammadou Dia Etat DASP Saliou Seck & Ibrahima Fall Etat DGID Babou Ngom El Hadji Diop & Ismaëla Diallo Etat Direction de l’Agriculture Mamadou Diallo Entreprise 73 Type Organisation Nom Etat Direction de l’Appui au Secteur Privé Saliou Seck & Ibrahima Fall & Moussa Seck Etat Direction de la Monnaie et du Crédit Oulimata Diop & Oumar Diallo Etat Direction de la Pêche Camille Manel Etat Direction Générale des Impôts et des Domaines Boubou Ngom & El Hadji Diop Etat FDEA (Femme Développement Entreprise en Afrique) Soukeyna Ndiaye Ba Etat FPE Alioune Aïdara Sall Etat Ministère de la Pêche et des Affaires maritimes Babacar Banda Diop Etat SCA Aminata Dia 74 AnnexeB:Informationscomplémentaires Tableau 1: Incubateurs du Sénégal Nom Lieu Fondateurs Marché Cible Secteurs Dakar 5 universités sénégalaises et d'autres instituts, comme l'Institut Sénégalais de Recherche Professeurs d'université, Agricole la (ISRA) l'Institut de Technologie Alimentaire (ITA) l'Institut de Recherche pour chercheurs et étudiants le Développement (IRD) et l'ambassade de France Agro‐industrie, aquaculture, biotechnologies, énergies renouvelables, environnement, sciences sociales, santé et TIC Dakar Un large éventail du Secteur privé, l’Etat, les organisations internationales et les universités Entrepreneurs TIC TIC et services mobiles Synapse Center Dakar (www.synapsecenter.org) Secteur privé, avec le soutien d’International Youth Foundation (IYF) et l'USAID Entrepreneurs Divers (axés sur l'impact social) Fabricants Tous (met l'accent sur le soutien aux fabricants dans les technologies propres, les bonnes pratiques environnementales, le contrôle de la pollution et le recyclage) Incubateur Innodev (www.innodev.sn) CTIC Dakar (www.cticdakar.com) Programme de production plus propre du Sénégal (www.unido.org) Dakar Etat avec l'appui financier et technique de l'ONUDI Source: Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Innodev, CTIC‐Dakar, Synapse, UNIDO 75 Tableau 3: Fonds Etatiques de soutien à l’entrepreneuriat au Sénégal Nom du fonds Budget en million CFA Fonds national pour la promotion de l'entreprenariat féminin 140 Donateurs 1 000 Etat Bénéficiaires Mécanismes de financement Femmes Prêts accordés aux femmes entrepreneures des zones rurales et urbaines à des taux de 5 à 7% Fonds national de promotion de la jeunesse 141 6 379 Etat Coopératives ou des entreprises gérées par des jeunes (18 à 35 ans) Fonds de garantie: maximum 5 000 000 FCFA (50% du crédit total) Fonds financier: maximum de 5 000 000 FCFA d'investissement (50 % du fonds de roulement, 50% des investissements) Fonds de prêt : maximum de 5 000 000 FCFA ‐ montant maximal du prêt de 20 % du coût du projet Fond de Développement de l'Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle 142 620 Etat Toutes les entreprises qui répondent aux critères 75% des coûts de financement de la formation Toutes les entreprises qui répondent aux critères les entreprises payent elles‐mêmes des services de conseil stratégique. Le programme de mise à niveau rembourse ensuite une partie du prix du conseil jusqu'à un seuil maximal de 20 000 euros Programme de mise à niveau des entreprises143 28 000 AFD ‐ Etat FAGACE144 100 000 12 Etats membres Toutes les entreprises dont le Sénégal Fournit des garanties (minimum 50 millions de FCFA taux de 5%, au maximum 80% du montant du crédit) 140 Fonds National de Promotion de l'Entreprenariat Féminin Fonds National de Promotion de la Jeunesses 142 Fond de Développement de l'Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle 143 Programme de mise à niveau 144 Le Fonds Africain de Garantie et de Coopération Économique 141 76