Francophonie 19
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Francophonie 19
N°19 septembre 2013 “ re p o r p C’est unesse je a l er r à a p m de co ise à un la br billon tour ” er Coop d n u Edm édito 7ème éDITION DES JEUX DE LA FRANCOPHONIE Sommaire N°19 SEPTEMBRE 2013 PLACE AUX JEUNES TALENTS SPORTIFS ET CULTURELS ! P.2 ABDOU DIOUF Place aux jeunes talents P.4 MIGUEL BONNEFOY Ecrire un pays P.5 MAGATTE WADE Trois cultures P.6 ANNIE GASNIER Pierre-Emerick Aubameyang P.7 DAME CLEMENCE Une « parfumeuse » P.8 ALIMOU SOW Un blog francophone 11 9 NICOLAS FRAISSINET Chanter français GRAND CORPS MALADE « Ta famille » 10 MAHAMAN LAWAN SERIBA Les Jeux 2013 L a VIIème édition des Jeux de la Francophonie, événement rassembleur de la jeunesse francophone, se tiendra en France, à Nice, du 7 au 15 septembre 2013. Les valeurs qu’elle professe - solidarité, diversité et dialogue sont celles de la Francophonie toute entière, bannière sous laquelle se signale l’humanisme qui est le nôtre, réponse offerte à notre époque troublée. Au travers de compétitions sportives et de concours culturels en épreuves individuelles ou par équipes, ces Jeux placés sous l'égide de l'Organisation internationale de la Francophonie rapprochent, tous les 4 ans, 3000 jeunes qui sont la promesse de notre avenir. 2 Francophonie /septembre 2013 La solidarité internationale est l’énoncé mobilisateur de ce grand événement. Au sein des pays membres de la Francophonie, ces jeux offrent l’opportunité d’une mobilisation dont l’impulsion s’appelle l’enthousiasme, l’inspiration, le talent, l’ambition et l’excellence. Aussi, j’invite les professionnels du monde des arts à venir rencontrer, à Nice, les jeunes talents artistiques sélectionnés, dans le cadre des Jeux, car nous voulons fortement encourager leur émergence sur la scène artistique internationale. Il s’agit aussi pour nous de contribuer à la préparation de la relève sportive francophone afin qu’elle accède à des évènements sportifs qui consacrent un succès, une carrière. Nice, dont les magnifiques infrastructures nous accueillent, contribuera fortement au renom des Jeux de la Francophonie dont les résultats des compétitions sont enregistrés et publiés et les épreuves sportives, régies par les règlements des fédérations internationales, intégrées à leurs calendriers. Les Jeux, c’est aussi l’occasion de renforcer les liens entre les pays de la francophonie et le pays hôte. La France leur a légué, avec sa langue et sa culture, une certaine idée d’elle-même qui fonde en citoyenneté l’identité francophone. Cette année, les Jeux de la Francophonie ont une marraine et un parrain, c’est une première : Madame Adèle Safi Kagarabi, présidente de la Coordination nationale de la marche mondiale des femmes, qui lutte contre les viols, les persécutions sur les femmes et la terreur menée par les groupes armés au Congo et Monsieur Christophe Lemaître, champion d’Europe et de France de sprint. A la fois culturels et sportifs, les Jeux de la Francophonie, c’est aussi une façon toute conviviale de donner sa mesure à cette langue française revivifiée à chacune de nos retrouvailles. En choisissant Nice pour cette VIIème édition qui s’annonce, la Francophonie a renforcé ses priorités, fondées sur le respect de la parité hommes-femmes et de l’équité des chances entre les participants. L’intérêt de nos pays pour le sport paralympique pourra être aussi démontré. Pour la première fois, une compétition d’athlétisme handisport figurera, stade Charles Ehrmann, à Nice, au programme officiel des jeux. Abdou DIOUF Secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie. P.12 ISMAEL NZOUETOM I-Dispo P.13 NICOLAS SERRES FrancsJeux P.14 MATHIEU LIPPE Conteur au Québec P.15 KENZA BENNIS L’E-commerce 16 CAROLINE HATEM Parler français 17 JOHANN-CHRISTOF LAUBISCH Un rappeur berlinois P.18 KARIM SY Vision d’entrepreneur P.19 ADELINE ROCHE Marathonienne P.20 BRèVES DE BAC septembre 2013 / Francophonie 3 « JE SUIS ISSUE DE TROIS CULTURES … » leur temps à des initiatives linguistiques et littéraires dans les forums et les foires, portant, au-delà des conventions, un discours fraternel et accueillant. Les professeurs expatriés se permettent des digressions dans leurs salles de classe pour exposer à de jeunes Français qui n’ont jamais vécu en France les valeurs d’un pays dont ils ne gardent aucun souvenir. En résulte alors un phénomène : la francophonie se laisse doucement conquérir par une francophilie secrète et brûlante, où l’on séduit davantage par l’imaginaire collectif français que par sa langue. UN VéNéZUELIEN FRANCOPHONE I l n’est pas rare qu’on puisse confondre francophonie et francophilie dans un pays où le français est le privilège de certains. Au Vénézuela, ceux qui ont accès au rayonnement de la langue française ne sont pas ceux qui vivent dans l’ombre, abandonnés dans les bidonvilles et dans les quartiers populaires, et qui ne connaissent de la France que le nom. L’Alliance française, l’Institut Ruge, le lycée Colegio Francia et l’Ambassade de France offrent un éventail large pour une petite partie de la population. Toutefois, ils essayent encore d’opposer certaines politiques face à cet élitisme. Les directeurs d’Alliances françaises se battent sans cesse pour rendre à la langue cette universalité qui devrait lui revenir, en concédant des bourses ou en constituant des ateliers en dehors des centres d’apprentissage. Les diplomates en poste donnent de 4 Francophonie /septembre 2013 Les langues évoluent comme les hommes : par la découverte des frontières de soi-même. Aussi loin qu’on puisse chercher, le français a été à la fois butin de guerre et outil diplomatique, il a servi la poésie comme il a servi les révolutions, il a défendu l’alexandrin et le pamphlet avec la même véhémence, en somme, il a su être l’instrument des expressions les plus hautes mais aussi des plus petites folies. Voilà pourquoi il n’est pas étrange de voir comment, dans les pays non francophones où la langue française n’est pas apprise à l’école, elle doit se parer d’une idée de la France, à l’image de sa culture, de ses racines et de ses héritages. On me demande souvent : « Si votre langue maternelle est l’espagnol, pourquoi écrivez-vous en français ?». Je ne parviens jamais à répondre avec la franchise qu’on attend. Je ne le sais pas moi-même. Mais je peux dire qu’on n’écrit pas seulement avec une langue, on écrit avec un pays tout entier. Et c’est parce que je suis un francophile que je peux alors, dedans comme dehors, me permettre la liberté d’être également un francophone. Miguel BONNEFOY Premier prix du Prix du Jeune Ecrivain 2013, lauréat du Grand Prix des Dix Mots, lauréat du concours de la Sorbonne Nouvelle, avant de publier "Quand on enferma le labyrinthe dans le Minotaure" (edizione del Giano, Rome, 2009) et "Naufrages" (éditions Quespire, Paris, 2011). C hacune a joué un rôle essentiel dans la formation de mon identité, en tant que personne et en tant qu'entrepreneure. J’ai passé mon enfance au Sénégal, j'ai été éduquée en France et j'ai lancé ma carrière professionnelle aux EtatsUnis. Je conduis mes affaires en wolof, français et anglais. Peu de temps après ma naissance, mes parents sont partis travailler en Europe. Moi je suis restée auprès de ma grand-mère qui m’a élevée dans notre petite communauté villageoise traditionnelle. D’aussi loin que je me souvienne, je me réveillais chaque matin pour trouver mon “clan”, un groupe de petits garçons qui m’attendaient dans la cour pour que je les conduise. Nous partions le matin et passions toute la journée à jouer, chasser et pêcher aux alentours. J'ai découvert que j'étais une dirigeante naturelle, qui menait toujours l'activité du groupe, trouvant toujours de nouvelles aventures dans lesquelles embarquer tout le monde. Mes parents m’ont incité à les rejoindre en Europe, en Allemagne à l'époque, mais deux ans après mon arrivée, nous avons déménagé en France. J'ai fréquenté le Lycée de Chartres, à l’ombre de la vieille Cathédrale qui dominait notre école. Je me suis retrouvée plongée dans la grandeur de la culture française. Mes parents dans le secteur de l'hôtellerie de luxe et le fait de fréquenter une école dans une ville aussi bourgeoise m’ont beaucoup appris sur la culture française, sa cuisine et ses mœurs. Lors de mes études en école de commerce, j’ai eu l'occasion de me rendre aux États-Unis dans le cadre d’un programme d'échange qui m'a menée à Columbus, dans l'Indiana. Autant j'avais adoré découvrir la culture française, autant je fus éblouie par l'abondance et la variété de la culture américaine. Je pouvais à peine croire que les adolescents américains, toutes classes sociales confondues, étaient propriétaires de leur voiture, à l’âge de 16 ans, les enfants des classes ouvrières conduisaient leur propre voiture pour se rendre au McDonald’s ou au cinéma. Chacun avait sa propre chambre et bien que la culture n'était pas très sophistiquée, elle avait son propre charme dans sa non-prétention. Mais après avoir passé un an dans l'Indiana, je suis tombée amoureuse d’un entrepreneur français qui venait de démarrer une société. J'ai quitté l’Indiana pour le rejoindre et nous marier. C’est ainsi que je suis aussi tombée amoureuse de San Francisco. Pendant quelques années nous avons vécu là tout en travaillant dans la Silicon Valley, ce qui nous a permis de profiter de la sophistication cosmopolite de San Francisco en même temps que de l'atmosphère intense de la Silicon Valley. J'ai travaillé comme chasseuse de tête dans une société de recrutement specialisée dans la finance, avec pour principaux clients les startup des technologies nouvelles comme Google et Netflix, quand elles n’ étaient encore que de jeunes entreprises avec juste une poignée d'employés. J'ai attrapé le virus entrepreneurial au fur et à mesure que je voyais ces petites structures croître, devenant progressivement des forces majeures dans leur domaine et dans le monde. De retour au Sénégal avec mon mari pour de petites vacances, j’ai constaté que la boisson de l'hospitalité traditionnelle, le Bissap (faite à partir de fleurs d'hibiscus), avait été remplacée par Coca-Cola et Fanta. J'étais outrée par cette attitude et je me suis rendue compte que les élites sénégalaises ne respecteraient leur propre culture qu’une fois qu'elle serait respectée dans des endroits comme les USA. J'ai donc décidé de créer une entreprise pour produire et fabriquer des boissons à base de recettes traditionnelles. Ce projet a été une expérience d'apprentissage fantastique. A un moment, nos produits Adina ont été portés au niveau national par Whole Foods Market, Wegmans et d'autres grands distributeurs. Nous avons recueilli plus de 30 millions de dollars de capital sur une période de 6 ans et notre conseil d'administration incluait l’ancien Directeur du Directoire de PepsiCo, le fondateur de SoBe, un ancien dirigeant de Peet’s Coffee et le fondateur d’Odwalla. Mais en même temps que le succès, les origines culturelles du projet ont commencé à se diluer - la marque dérivait peu à peu loin de mon concept original, car j’avais perdu le contrôle de ma société. Il y a 5 ans, j'ai quitté Adina pour démarrer Tiossan afin de créer une représentation plus authentique de mes racines car je suis le produit de trois cultures : sénégalaise, française et américaine. J'ai utilisé des recettes autochtones inspirées par les soins du corps élaborés par les tradipraticiens au cours des siècles et faits à partir d'ingrédients locaux. Pour parfumer nos produits, j'ai cherché auprès des parfumeurs de Grasse et j’ai découvert un «nez» artisanal qui s'est spécialisé dans la création de parfums sur mesure. Enfin, j'ai identifié l’un des chimistes “verts” les plus avancés des Etats-Unis qui m’a aidée à développer des produits sûrs, stables et aux textures des plus onctueuses, réalisés strictement à base d’ingrédients sains et naturels. Le résultat est une gamme de produits qui représente un parfait mélange de mes trois cultures: la sagesse et le savoir-faire ancestral du Sénégal, l'artisanat traditionnel de la France et l'innovation de pointe des États-Unis. Mais ceci n’est que le début car je prévois toute une marque de style de vie pour les femmes cosmopolites (et les hommes plus tard). Et tout comme lorsque j’étais petite, j’emmènerai alors ma nouvelle "tribu" avec moi pour lui faire découvrir les plus beaux hôtels, la cuisine la plus exquise, et les sites culturels les plus pittoresques de Dakar, Paris et San Francisco. Magatte WADE septembre 2013 / Francophonie 5 DAME CLéMENCE* Remise du Prix du meilleur joueur africain de Ligue1 par Marie-Christine Saragosse, PDG de France Médias Monde et Leslye Foé. PIERRE-EMERICK AUBAMEYANG : L'AVENIR LUI SOURIT ... S a coupe de cheveux est presque aussi célèbre que ses buts... Pierre-Emerick Aubameyang s'amusait de son statut de star du championnat de France. Il pouvait porter le masque de Spiderman pour fêter un but, danser au vestiaire pour commémorer une victoire avec ses coéquipiers, et poser fièrement devant son Aston Martin verte… comme les couleurs de son club. Sa dernière saison à Saint-Etienne a permis au franco-gabonais "PEA" de peaufiner son talent, et de se vendre cher à un club allemand. Il a terminé deuxième au classement des buteurs de la Ligue 1, derrière un « certain » Zlatan Ibrahimovic. Bien plus jeune, ce buteur doué et facétieux peut donc rêver de hisser encore plus le niveau de son jeu ces prochaines saisons. En cette année 2013, il a logiquement remporté le Prix Marc-Vivien Foé RFI-F24, qui distingue le meilleur joueur africain de la Ligue 1. Sa carrière a pour cadre l'Europe : formé au Milan AC, avant de progresser comme professionnel dans plusieurs clubs de France, Dijon, Lille, Monaco et « Sainté ». 6 Francophonie /septembre 2013 Mais son coeur l’a lié au continent africain. Pierre Emerick est né à Laval en 1989, au hasard des choix de son papa... le footballeur gabonais Pierre Aubame, dont trois de ses fils ont suivi son sillage. Et PEA, après avoir joué en équipe de France Espoirs, a choisi de porter le maillot jaune de la sélection à Libreville. "Un choix qui m'a paru logique, et que je ne regretterais jamais, car mon père était international gabonais et mes fréres, Willy et Catilina, aussi". Le public du contient africain a eu le plaisir de l’admirer durant la Coupe d'Afrique des Nations 2012, disputée entre le Gabon et la Guinée Equatoriale. A la mi-juin, il a inscrit un triplé, trois fois sur penalty, contre le Niger. Et il est devenu la vedette des Panthères du Gabon. Les jeunes Gabonais aiment copier ses coiffures et ses vêtements ou ses tennis faits sur mesure et où ne manquent ni strass, ni couleurs fluo… Et que Pierre Emerick porte avec une décontraction toute étudiée ! RFI- Annie GASNIER Clémence Barbier, vous êtes Française et au départ professeure de maths/physique. Votre parcours vous a conduit de Lyon à Bombay, puis au Laos et enfin au Vietnam. Qu'est-ce qui vous a amené à opter pour une carrière loin de votre pays d'origine ? A l’origine, je suis ingénieure-chimiste et je suis devenue professeure de math/physique/chimie par défaut parce qu’au bout d’un moment, il faut manger. Quand j'ai trouvé une opportunité pour partir et sortir de l’Education nationale, sclérosante pour moi, j’ai sauté sur l’occasion. Je pense qu’il y avait une double motivation pour cette fuite : d’une part la frustration de ne pas trouver ma place professionnellement en France et d’autre part, j’étais insatisfaite de ma vie d’enseignante en collège et j’éprouvais des difficultés à intégrer le milieu professionnel que je souhaitais. Enfin, j’étais attirée par l'ailleurs, en particulier l'Asie : une promesse d'une vie riche en émotions, une curiosité pour d'autres possibles. C'est en Inde que vous avez découvert l'aromathérapie et vous ` ne l'avez plus quittée jusqu'à en faire votre métier. Comment devient-on entrepreneure dans un pays étranger ? En Inde, j’ai effectivement découvert l’aromathérapie et le bonheur de travailler avec des essences naturelles. Mais je rêvais déjà de faire des parfums depuis longtemps, d‘où ma formation de chimiste. Ce n'est que quelques années plus tard, au Vietnam, que j'ai décidé de devenir entrepreneure pour m'offrir le métier que personne ne voulait me donner. Au Vietnam, c’était possible d'avoir cette folie d'entreprendre. En France, c’etait impossible. Je ne dis pas qu'au Vietnam, c’était facile, mais c’était possible. Comment percevez-vous l'Asie, vous y travaillez et en même temps vous enseignez le français à l'école internationale d’Hanoï. Etrangère toujours ou intégrée localement ? étrangère toujours et j’aime ça. Etre étrangère vous donne la liberté d'être vous-même. Vous n’avez à subir ni les pressions sociales et familiales de votre propre pays, ni celles de votre pays d'accueil, parce que vous êtes « l’éTRANGèRE ». Je ne cherche pas particulièrement à être intégrée, même si je suis heureuse de développer de belles relations d'amitiés, de travail, de voisinage, d'échanges culturels avec les Vietnamiens ou même avec d’autres expatriés de la communauté internationale. En Asie, je me sens en sécurité, je peux vaquer à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit sans être physiquement inquiétée. A plusieurs reprises, mes collaborateurs, mes voisins m’ont montré qu’ils se souciaient de moi. J’aime l’Asie pour les expériences qu’elle m’offre, ses histoires, ses bruits, ses couleurs, ses saveurs, ses odeurs... Je suis tour à tour surprise, incrédule, horrifiée, fascinée, séduite. Que ce soit en Inde, au Laos ou au Vietnam, la vie est dans la rue. Les gens mangent, jouent, travaillent, parlent, se lavent, dorment dans la rue. Avec toute cette vie autour de moi, je me sens vivante. J‘aime cette jeunesse pleine d’énergie qui croit en son futur. J’aime l’Asie pour la liberté, les possibilités, la sécurité et l’enchantement qu’elle m’offre. Entretien Vicky SOMMET *www.dameclemence.com Radio foot internationale septembre 2013 / Francophonie 7 « POURQUOI CHANTEZ-VOUS EN FRANÇAIS ? » «E st-ce que cela ne serait pas plus facile de faire connaître votre musique dans le monde si vous écriviez en anglais ? » Voilà une question que l’on me pose fréquemment comme s’il s’agissait d’une étonnante singularité. Cela m’est pourtant toujours apparu comme une évidence. UN GUINéEN, LAURéAT DU PRIX DU « MEILLEUR BLOG FRANCOPHONE » J e m’appelle Alimou Sow, je suis blogueur guinéen de 32 ans et chargé de communication de mon état. Mon blog, Ma Guinée Plurielle, appartient au réseau Mondoblog de Radio France Internationale. Le 7 mai 2013, j’ai remporté le Prix du Meilleur blog francophone des Best of Blogs (Bobs) de la radio internationale allemande Deutsche Welle. Le 18 juin dernier, j’ai reçu mon certificat à Bonn en, Allemagne, en marge du Global Media Forum. J’ai créé Ma Guinée Plurielle en octobre 2010 à Conakry, la capitale guinéenne où je vis. C’était à la faveur de la première édition du concours Mondoblog de l’émission l’Atelier des médias de RFI. La plateforme réunit aujourd’hui plus de 230 jeunes blogueurs francophones qui ont réussi à former une communauté très dynamique et particulièrement audible sur Internet. Sur mon blog, dont la devise est : « Un clic sur les réalités socioculturelles de la Guinée dans sa diversité », je traite justement, et quasi exclusivement, des sujets sociaux sous un angle décalé. J’aborde des problématiques sociales avec un regard personnel que j’essaie d’élargir. L’un des traits caractéristiques de mes posts, c’est qu’ils sont toujours trempés dans une forte dose d’humour et parfois d’autodérision. J’aime sourire et faire sourire. Mes lecteurs y ont trouvé un « style » qui plait à lire, d’après les nombreux retours que je reçois. J’aime aussi la langue française que j’ai apprise à l’école et qui constitue pour moi une passerelle pour atteindre d’autres univers. Je trouve qu’elle est très proche du Poular, ma langue maternelle. Remporter ce Prix dans cette langue et, grâce à elle, est un grand motif de satisfaction et de fierté pour moi qui suis né et ai grandi au village. C’est pour moi une chance de vivre dans un pays, la Guinée, faisant partie de ce grand espace qu’est la francophonie dont le socle est le français en partage. Je suis né francophone. Mon enfance en Suisse fut pourtant baignée de plusieurs langues. Leurs mélodies devinrent pour moi rapidement reconnaissables et passionnantes. Des musiques aux accents singuliers, avec pour chacune, des règles et solfèges différents. Mon goût pour l’étranger a toujours été d’autant plus grand que ma langue maternelle restait un réel point d’ancrage, un repère, comme un parasol familial planté dans le sable d’une plage. Les enfants osent s’en éloigner aussi loin que possible, tant qu’ils ne perdent pas de vue le chemin du retour. Les textes de mes chansons sont des besoins d’expression, des urgences de dire. Depuis mes premières scènes, j’ai ressenti l’envie d’assumer pleinement ce que je proposais au public ; jouer de la musique, mais ne pas jouer des émotions sans les vivre avec sincérité. Ma langue maternelle reste pour moi un moyen authentique de revivre une chanson, à chaque interprétation, sans me cacher derrière une forme confortable, qui pourrait m’éloigner de son sens. J’explorerai peut-être un jour d’autres langues en musique, mais le français reste invariablement l’une de mes plus profondes raisons de chanter. Participer aux Jeux de la Francophonie fut pour moi une expérience d’une richesse exceptionnelle, et une belle ouverture sur le monde. Mes concerts m’ont par la suite permis de faire voyager mon piano à travers plusieurs pays du monde - Suisse, France, Belgique, Italie, Espagne, Grèce, Liban, Québec, Canada, Sénégal, Chine – et de partager ma culture d’origine avec celles que je découvrais, mélanger ma langue à celles que l’on me traduisait. Vivre également parfois d’étranges retrouvailles au bout du monde avec des inconnus dont le seul lien avec moi était la Francophonie, un amour partagé pour cette racine commune. Comme si au beau milieu de Babel et ses mille langages, certains heureux avaient malgré tout gardé l’envie de célébrer leur ressemblance de cœur. Nicolas FRAISSINET Alimou SOW “ Mondoblog” sur rfi.fr 8 Francophonie /septembre 2013 septembre 2013 / Francophonie 9 « Ta famille » JEUX DE LA FRANCOPHONIE 2013 Mahaman Lawan Seriba, vous êtes Directeur du Comité international d’organisation des Jeux. Après le Maroc, Madagascar, le Canada, le Niger et le Liban, cette 7ème édition proposera des disciplines nouvelles. Lesquelles ? Nous restons sur le concept original, un équilibre sport et culture. Nous avons supprimé la boxe, rajouté la lutte libre et la lutte africaine et Nice a proposé le cyclisme sur route pour aller à la découverte de son arrière-pays. Pour la culture, nous avons mis en place les marionnettes géantes, le hip-hop et la jonglerie. Nous avons aussi abordé le volet nouvelles technologies avec un concours de création numérique. Nous avons enfin modifié les limites d’âge pour que ces Jeux restent un tremplin pour les jeunes, 18-35 ans pour la culture et 18-25 ans pour les disciplines sportives. Une grande place est laissée à la présence de sports féminins, là aussi est-ce une volonté affichée ? Nous avons prôné un équilibre hommes-femmes avec par exemple cette année le basket féminin ou la lutte africaine pour les femmes. En Afrique, ce sport est très prisé car il porte une identité culturelle, une symbolique qui s’exprime par la danse et la chanson. Je l’ai moi-même beaucoup pratiqué : pour l’épreuve du CAPES, j’avais choisi la lutte africaine et j’ai écrit et réalisé des films documentaires sur ce sport. A Niamey, lors des Jeux de 2005, le Niger avait présenté la lutte en animation et elle avait remporté un grand succès. 10 Francophonie /septembre 2013 Cette rencontre accueillera des candidats de l’espace francophone dans sa totalité ? Nous attendons les représentants de 56 pays et il y a bien entendu plus de candidats sportifs que culturels. Ce seront des Jeux modernes et écologiques avec une cérémonie d’ouverture sur la Promenade des Anglais, face à la Méditerranée, retransmise par les télévisions des 5 continents. Cette rencontre est consacrée à la jeunesse, est-ce l’avenir de la Francophonie ? Ce sera la fête de la langue française et surtout la possibilité d’exprimer une solidarité et une diversité qui caractérise la francophonie. Dorénavant, l’OIF accompagnera ces jeunes et suivra, avec l’aide des Etats concernés, le développement de leurs carrières. Beaucoup de sportifs et d’artistes ont été révélés grâce aux Jeux et nous voulons amplifier ce mouvement pour qu’ils soient accueillis par tous les festivals francophones ou les grandes réunions. Il reste encore des progrès à faire, en particulier pour la détection de jeunes talents dans leur pays d’origine, une question que nous renvoyons aux différents ministères car ce sont des Jeux intergouvernementaux et le site de l’OIF seul ne suffit pas toujours à faire passer l’information car c’est bien l’élite que nous souhaitons atteindre dans toutes les disciplines représentées. Entretien Vicky SOMMET Il était une fois une famille très ancienne/Si tu comprends ces mots, cette famille est la tienne Laisse-moi te présenter tous tes frères et sœurs/ Ton livret de famille est d’une belle épaisseur. Ta famille est présente aux quatre coins de la terre/Au-delà des nations, sans trouble identitaire/ Sur tous les continents, son chemin s’est tracé/Tu es de cette famille si tu parles en français. Ce n’sont pas les liens du sang qui nous réunissent/Mais cette langue commune qui nous rend si complice/Elle enjambe les mers et rapproche les êtres/Elle fait de nous des frères et se fout du paraître. Quand le jour se retire, quel que soit l’horizon/A Oran, à Québec, à Dakar ou Marseille / Cet instant qui s’étire porte alors le même nom/ Notre famille l’appelle ‘le coucher du soleil’. Et puis lorsqu’un enfant a besoin de sa mère/A Tunis, à Bruxelles, Bamako ou Tanger/Quel que soit son pays il a les mêmes repères/ C’est quand il dit ‘maman’ qu’il éloigne le danger. Ce sont bien tous ces mots et toutes ces expressions/Qui font partie de nous, qu’on défend, qu’on partage/Ce patrimoine commun qu’on chante à l’unisson/Notre famille possède un bien bel héritage. Il était une fois une famille très moderne/Outrepassant les normes, elle ne cesse d’évoluer/Argot, patois, verlan, populaire ou mondaine/Notre langue se sent libre, on la laisse s’envoler. Car cette langue est plus belle quand elle prend des couleurs Qu’elle prend des libertés sur la prononciation/Un accent qui fredonne, c’est un bouquet de fleurs Le Français est plus riche de toutes ses variations. Dans tel ou tel accent, on entend le soleil/Ou au contraire le vent et le froid d’une saison/On sent même les épices, les odeurs se réveillent Les accents par eux-mêmes nous racontent leur région. Notre langue est vivante, les inventions fourmillent/Elle peut se transformer selon les directions/Si notre langue commune est notre nom de famille/Chacun de nos accents est alors un prénom. Notre langue est actrice de l’Histoire de la terre/Elle suit les mutations et les révolutions/Lors du Printemps arabe, personne ne l’a fait taire Elle servira l’Afrique dans sa douce ascension. Il était une fois une famille très ancienne/Si tu comprends ces mots, cette famille est la tienne Laisse-moi te présenter tous tes frères et tes sœurs/Ton livret de famille est d’une belle épaisseur. Si tu gueules en français quand tu es en colère/Si tu parles en français pour séduire une fille /Si tu rêves en français quand ton cœur s’accélère Viens vite m’embrasser je te présente ta famille. Je te présente ta famille, je te présente ta famille, je te présente ta famille … Grand Corps Malade Avec l'aimable autorisation d'Anouche Productions Si tu gueules en français quand tu es en colère/Si tu parles en français pour séduire une fille/Si tu rêves en français quand ton cœur s’accélère/Viens vite m’embrasser je te présente ta famille. Je te présente ta famille, je te présente ta famille, je te présente ta famille... septembre 2013 / Francophonie 11 QU’EST-CE QUE I-DISPO ? I-DISPO est une entreprise internationale née à Paris en juillet 2010. Nous avons développé une plateforme innovante qui met dans la poche de tous, une assistante personnelle virtuelle qui réalise vos souhaits et vos envies d’une simple demande. Organiser un voyage, prendre rendez-vous avec un médecin en urgence, dénicher une promo pour un article que vous souhaitez acheter, se faire recommander puis réserver un restaurant… Vous demandez, et votre assistante personnelle baptisée Sara s’occupe de tout. Sara est joignable 24h/24, 7j/7 en mode « chat ». Vous formulez votre demande par écrit, via mail, Facebook ou application mobile. Son rôle est de vous aider à gérer votre quotidien en lui déléguant toutes vos tâches chronophages et rébarbatives. J’ai quitté le Cameroun en 2002 après un DUT. J’ai obtenu une bourse d’excellence de la Francophonie pour intégrer une École d’Ingénieur en France. J’ai ensuite travaillé dans différentes entreprises de conseil et édition de logiciels, dont 3 ans chez Microsoft de 2007 à 2010. En 2009, je suis lauréat du Prix National de la Stratégie et décide de trouver une idée pour être à mon propre compte. En Octobre 2010, je quitte Microsoft pour créer I-DISPO accompagné de 4 associés d’origine et de profils divers et complémentaires. Notre start-up I-DISPO a reçu un investissement d’1 million de dollars fin 2012 pour accélérer son développement ! Nous comptons parmi nos investisseurs quelques grands noms de l’Internet français : Xavier Niel (fondateur de Free), Jacques-Antoine Granjon (fondateur de vente-privée.com), ainsi que quelques grandes figures africaines telles qu’Albert Kouinche (Président fondateur d’Express Union) ou Georges Wega (Directeur général d’UBA Cameroun). Cette levée de fonds va nous permettre d’accélérer la commercialisation et l’internationalisation du service et d’autre part de recruter de nouveaux ingénieurs. Nous avons choisi de donner la priorité au marché américain et africain en plus de l’Europe de l’Ouest qui est notre marché d’origine. Sara est déployée en Europe de l’Ouest (France, Belgique, Luxembourg, Suisse, Angleterre) ainsi qu’en Afrique de l’Ouest où nous avons une véritable pertinence, en raison du faible taux d’accès à Internet. C’est aussi pour cette raison qu’en Afrique, Sara est joignable par téléphone. Un homme d’affaires sera ainsi capable de commander un billet d’avion, réserver un hôtel, un taxi à l’arrivée, un restaurant pour le soir en un seul SMS ou coup de fil à Sara. Aux jeunes entrepreneurs qui voudraient se lancer dans l’entrepreneuriat, je leur dirais qu’il ne faut pas se mettre de limites, de barrières. Et voici des mots à garder en tête : travail, ambition, audace et persévérance. Sachez que sur 98 portes qui se ferment, les 2 qui s’ouvrent pourront mener à la réussite de votre projet. Ismaël NZOUETOM FRANCSJEUX, PREMIER MEDIA FRANCOPHONE SUR LE MOUVEMENT SPORTIF L ’idée de créer le site Internet FrancsJeux.com est née d’un constat : l’information sportive dite « institutionnelle », consacrée aux Fédérations, aux candidatures et à l’organisation des grands évènements internationaux, est dominée par les médias anglo-saxons. La francophonie y était peu traitée, l’actualité toujours couverte en anglais. Un comble dans un domaine, le sport, où certaines des compétitions les plus illustres (Jeux olympiques, Coupe du Monde de football, Tour de France…) ont été imaginées et inventées par des francophones. Cette lacune, FrancsJeux s’est employé à la combler depuis sa création, en février 2013. Un journaliste, Alain Mercier, et deux spécialistes de la communication sportive institutionnelle, Vanessa Verron et Nicolas Serres, ont mis en commun leurs connaissances du mouvement sportif, leur passion pour l’olympisme et leur énergie. Le résultat : un site Internet où se côtoient sujets de fond et brèves, analyses et décryptages, interviews et infos. Avec un découpage en trois rubriques : institutions, candidatures et évènements. Dénominateur commun à l’ensemble des sujets traités : le français. A la différence des autres sites présents sur le secteur (Insidethegames, Aroundtherings, GamesBids…), FrancsJeux.com est exclusivement francophone. Dans la forme, puisqu’il est écrit seulement en version française, mais également sur le fond. Sans négliger la moindre institution ou évènement, nous accordons un traitement plus large aux acteurs du mouvement francophone, qu’ils soient africains, canadiens, belges, suisses ou français. En huit mois de présence sur la toile, FrancsJeux a notamment couvert les candidatures pour les Jeux olympiques de 2020 et la présidence du CIO, l’actualité des Jeux de Sotchi, l’Assemblée générale de l’ACNOA, la préparation du Mondial de tennis de table en France et des Jeux de la Francophonie, le Tour de France, la FIFA, les Mondiaux d’athlétisme à Moscou… Le site fêtera en février 2014, à l’occasion des Jeux d’hiver, son premier anniversaire. Un moment que son équipe a choisi pour lui faire franchir un nouveau palier, avec un contenu encore plus riche et plus fourni. Alain MERCIER Rédacteur en chef www.FrancsJeux.com Vanessa Verron et Nicolas Serres 12 Francophonie /septembre 2013 septembre 2013 / Francophonie 13 « …ET LA LANGUE FRANçAISE DISPARAÎTRA… » 0 …Voilà ce que me dit cet homme avec un sourire moqueur. Il est assis à la table d’à côté. Je suis au café Temporel à Québec. Devant moi s’étale mes documents sur la langue française car je prépare une conférence sur la Défense de la langue française en Amérique que je vais offrir le lendemain. Sa phrase quelque peu provocatrice me choque quand même un peu. Il faut dire que depuis une dizaine d’années, j’ai l’honneur de parcourir la belle francophonie pour offrir des spectacles de chansons, de contes et de poésies. Et ce qui fait ma particularité d’artiste, c’est une certaine aptitude à jouer avec les mots et à tortiller la langue pour en révéler ses charmes. Évidemment, la matière brute de mon entreprise, c’est la langue française. Si elle disparaît, ma vie, telle qu’elle est, disparait aussi… « N’est-ce pas légèrement pessimiste comme constat ? » lançai-je donc curieux de sa réponse. Voilà ce qu’il m’a répondu : « Évidemment, je dis ça un peu pour attirer ton attention… Mais dans l’absolu, c’est la nature des choses d’apparaître et de disparaître constamment ; les nuages se modifient sans cesse, la nuit succède au jour, pour chaque instant qui naît il y en a un qui meurt … ce n’est pas pessimiste, c’est la réalité… on prévoit même la disparition du soleil d’ici 9 milliard d’années… Je ne dis pas que la langue française va disparaître d’ici 40-50-100 ans, en fait je n’en ai aucune idée ! Mais dans vingt mille ans qu’en sera-t-il ? J’observe qu’il n’y a pas beaucoup de monde qui parle le latin, le grec ancien, le sanskrit, le sumérien, l’araméen. Je te dis ça le Poète, seulement pour te dire que lorsqu’on a pleinement conscience que les choses que l’on aime vont se dissoudre dans le temps, il n’y a qu’une seule solution pour leur donner de l’éternité : les SAVOURER ! ». DONNER VIE à UNE OASIS SUR UN TERRAIN ARIDE J ’ai quitté mon Maroc natal pour une nouvelle vie en France à 11 ans, un âge charnière où on se pose beaucoup de questions sur soi mais où j’ai aussi dû m’en poser sur mon environnement qui avait changé du tout au tout. Je voulais comprendre le retard économique et de développement du Maroc et j'aimais à réfléchir à des leviers pour le rattraper. Je me suis donc prise de passion pour l’économie et la politique. Au cours de mes études en école de commerce, je me suis essayée à la diplomatie puis au financement de projets public privé. Mon échange universitaire à Shanghai a achevé de me convaincre que l'entrepreneuriat était ma voie pour avoir un impact. en démissionnant et en créant une structure sans savoir ce que j'allais en faire. En 2011, alors que l'e-commerce était quasi inexistant, avec 91 000 dirhams en poche, le virage de l'internet était tout tracé. J'ai pensé que je pouvais pallier l'intensité capitalistique d'un projet innovant en me positionnant en tant que pionnier dans l'ecommerce et dans une niche à fort potentiel que le projet même pouvait littéralement transformer. Face au manque d'expérience des professionnels des nouvelles technologies et à une industrie cosmétique locale peu structurée et inerte dans un contexte de morosité économique, il m'a fallu plus d'un an pour trouver enfin les clefs pour adapter le projet innovant aux spécificités locales et aller de l'avant. Pendant cette longue période, j'ai vécu bien des traversées du désert où je me disais que je n’étais pas en phase avec mon époque et ces parties du monde où on laisse en plan 95% de sa population. Cependant, mon histoire et les chiffres du marché, démontrant la pertinence et l'efficacité de mon projet, me donnent la force de croire qu'il est de mon devoir de trouver des ponts entre mon rêve et la réalité. Bien que je continue de trouver ces propos quelque peu audacieux, je suis d’accord que la meilleure manière de défendre la langue française, c’est de la savourer ! De la savourer et de la rendre vivante en la parlant avec les couleurs et la diversité des sonorités dont elle s’est teintée au fil des pays où elle se fait adopter. Pour moi savourer la langue, c’est la lire, la dire, la chanter, la poétiser, l’écouter et par-dessus tout la marcher ! Oui la marcher ! Je crois que la langue, peu importe celle que l’on parle, est un chemin qui mène par-delà les mots. Là où se trouve le langage universel du silence. Et si la langue s’enracine dans ce silence du cœur alors les idées se déploieront dans le ramage du temps sans contrainte. Voilà pourquoi j’aime cette Francophonie qui met en avant des valeurs éternelles de paix et d’unité dans la diversité. Car si elle porte, célèbre, révèle et même devient ces valeurs éternelles, la langue française en quelque sorte ne disparaîtra pas… Kenza BENNIS Mathieu LIPPE 14 Francophonie 14 Francophonie /septembre /septembre 2013 2013 J'ai donc déposé mes valises à Casablanca. J'y ai d'abord travaillé en capital investissement pour découvrir la qualité du tissu entrepreneurial et identifier des opportunités, puis en finance immobilière à la suite d'une première tentative avortée. Au bout d'une année, j'ai récidivé www.bloomingbox.net septembre 2013 / Francophonie 15 “SHALOM, SALAM, SALUT !” L PARLER FRANçAIS Q ue le mot francophone est faible, qu’il ne dit rien ! Il ne dit rien de ma langue. La langue de France est ma langue. Elle est un territoire, une histoire, des peuples, elle est Europe, chevriers suisses, Chamanes, Croisés, elle a voyagé jusqu'au Liban, apprise par des moines, des écoliers, des domestiques. Par mes ancêtres. Je l’ai apprise. A présent, elle est ma pensée, comme l’arabe, l'anglais, ou l'arménien, j’ai des pensées, une vie. Et la vie est poésie, faite de mots, souvent français. Mais quand je les lis, quand je lis Jaccottet, Aragon, « et quand nous sommes remontés vers l'aube crue, /c'est un spectre que tu guidais de rue en rue, / (...) On ne sait pas ce que l'on trouvera là-bas pour vous étreindre”1, quand chaque syllabe taille un lieu neuf, quand chaque image me prend vers un lieu, un temps, ceux d'un voyage incessant, « Comment vous regarder sans voir vos destinées/ Fiancés de la terre et promis des douleurs/ La veilleuse vous fait de la couleur des pleurs, / Vous bougez vaguement vos jambes condamnées »2, quand la musique de ma terre qui s’étend de Aqaba, au Mont-Carmel, à Mossoul, quand la mer implacable nous recouvre et revient encore, sans mesure avec le pire de nos peines, quand terre et mer sont l’onde même, le souffle et la voix de ces mots, ils ne sont plus langue, contagion, insémination, mais l’ombre même qui donne à voir, « La pluie les a soudés semble-t-il l’un à l’autre »3, c’est avec tous les mots, les vents de Wadi el Karm, des Hautes-Alpes, avec toutes les musiques, du Cap-Vert, du Pakistan, avec toutes mes grand-mères, toutes les rues, d’Alep à Istanbul, que je parle cette langue, qui n’est pas française, je ne suis pas franco16 Francophonie /septembre 2013 phone, ces mots sont yeux, bouche, ces mots, comme le corps, sont les étoiles qui montrent un ciel – c’est à dire qu’ils révèlent – ils sont poésie propre, ils sont moi-même. Quand nous créons, au Liban, nous décidons: "Et je le ferai en arabe - ou en français, une version bilingue, sur-titrages, pour que tout le monde comprenne- il est douloureux de se dire, si on écrit en français, que ceux qui ne connaissent pas cette langue ne sauront rien de notre œuvre. J'ai écrit en français en insistant sur une édition bilingue. Notre cinéma parle libanais. Sur scène, j'ai joué en français, une pièce de Koulsy Lamko4, et sur scène j'ai dansé sur un texte libanais, et nous pensons à nos publics, qui viendra ? Et l'affiche, en quelle langue? Mais on n'oublie pas la musique sous-jacente, les sonorités, l'histoire, c'est ce délai, cette inconscience, l'espace entre un corps, un regard et les mots, c'est la signature d'un peuple, c'est par là que l'on se comprend réellement, nous comprenons d'abord la musique : sous chaque langue, notre musique - et tous les mots lui appartiennent. Caroline HATEM Comédienne, danseuse et auteure. 1 Philippe Jaccottet, L’Effraie et autres poésies, Gallimard, Paris, 1953. 2 Louis Aragon, Le Roman inachevé, Gallimard, Paris, 1956. es rappeurs allemands qui riment dans une autre langue ne sont pas nombreux. Avec une mère allemande et un père francais, je suis né avec le multiculturalisme dans le sang. Rappeur et comédien. “J‘ai des amis italiens, polonais ou africains, toujours entre russes, israelis et palestiniens/ Respect ce qui définit toute religion/ peu importe d‘où tu viens si tu te comportes comme un homme/ Je te passe le salam, mon frère ma soeur ...” est l‘extrait de mon titre “Shalom, Salam, Salut”, un des morceaux de mon premier album “Le produit de Berlin”. C‘est le rappeur français le moins politique qui m‘a poussé à écrire un morceau sur mes origines et Berlin, ma ville de naissance. Booba, fils d’une mère française et d’un père sénégalais, dans “Rats des villes” qui tourne surtout autour de l‘égotripe, prononce une phrase simple qui décrit toute une philosophie et un mode de vie : “On dit bonjour à tout le monde, shalom, salam, salut”. Dans les années 70, le mouvement hip-hop est devenu le représentant de la musique urbaine, un témoin de l’injustice sociale des Noirs américains. Il vient des banlieues composées d’immigrés qui forment une nouvelle société multiculturelle. La seule manière pour eux d‘exprimer une opinion ou de recevoir le respect qu’ils méritent, c‘est à travers le rap. Tout en restant inspiré par les rappeurs des Etats-Unis, le rap français élabore sa propre personnalité, oscillant entre revendications sociopolitiques, messages positifs ou festifs et tentation commerciale. Le rap francais est unique au monde : très poétique au travers de la langue et très engagé politiquement avec le verlan, l‘argot ou les codes mixtes. Des rappeurs comme Médine, Youssoupha, Sinik ou Kery James essaient de combattre, par la musique, les préjugés dont ils font l’objet. d‘expression. Toutes les cultures se côtoyaient, allemande, française, turque, arabe, anglaise, ce qui comptait, c’était la personnalité de chacun et pas ses origines. “... je me définis par mon caractère/ Trop exceptionnel pour faire un boulot de merde/J’ai tout donné, tout sacrifié pour mon mic et mon stylo/ J’étais mauvais à l‘école sauf les cours de théâtre et philo/ ”.(extrait de « Qui suis-je »). Le stylo a remplacé la bombe de peinture, l‘écriture en français était non seulement plus facile et, comparée à l‘allemand, plus poétique. Mon nouvel opus me tient à cœur car il reflète en 13 titres toute ma vie et mon chemin en tant qu‘artiste. Beaucoup d‘Allemands écoutent et aiment le rap français, ça les incite même à apprendre la langue. “Être Allemand“ ou “être Français” n‘a rien avoir avec la défense des valeurs d‘un pays mais c’est être ouvert au monde, aux autres cultures pour pouvoir mieux les comprendre. Comme Médine chantait dans “Made-In” : “Au-delà des règles qui définissent les normes /Par-delà les frontières dessinées par les Hommes/Ce n'sont pas les lois qui dictent ce que nous sommes/ Refuse les ordres d'être à l'image qu'on te donne: Le Monde est en toi, le monde est en toi”. Johann-Christof LAUBISCH «Le First» C’est au lycée francais de Berlin en 2006 que «j‘ai passé» mon Bac L et l‘Abitur allemand. Mon beau-père, ancien attaché culturel de la RDA et de la France, me faisait écouter des chanteurs tels que Jacques Brel et découvrir la littérature francaise avec Jean-Paul Sartre et Albert Camus. J‘ai connu le monde du hip-hop plus tard, après les cours, grâce au graffiti, mon premier moyen 3 Jacques Brel, Orly, in Les Marquises, Barclay, Paris, 1977. 4 Koulsy Lamko, Tout bas...Si bas, Mise en scène Joanna Andraos et Wissam Koteit, Théâtre Shams, Beyrouth, Décembre 2012. septembre 2013 / Francophonie 17 FRANCOPHONE ET SPORTIVE DE NAISSANCE N VISION D’UN ENTREPRENEUR POUR LA FRANCOPHONIE S enghor ne se trompait pas en disant que « le métissage est l’avenir de l’Homme ». Né en 1971 à Sarcelles d’une mère chrétienne libanaise et d’un père musulman, malien d’origine sénégalaise, mon ADN est fondamentalement universel. Avec des parents travaillant dans des organismes internationaux, notre vie s’est partagée entre l’Afrique (Mali, Côte d’Ivoire et Ethiopie, notamment) et la France, ce qui fera de moi un membre de la « civilisation de l’universel ». Ma culture francophone verra véritablement le jour lorsqu’à 16 ans, je suis allé poursuivre mes études au Québec en sciences pures et appliquées au Petit Séminaire de Québec puis en génie logiciel à l’Ecole Polytechnique de Montréal. J’ai découvert une francophonie plurielle et militante, un pays de brassage linguistique et culturel, à la frontière du géant américain. A Polytechnique, j’ai pris goût à l’entrepreneuriat lors d’un cours « Entrepreneuriat et l’ingénieur » délivré par Roger Blais, connu pour sa contribution exceptionnelle pour l’avancée de l’innovation et l’entrepreneuriat au Québec. Jokkolabs, c’est la synthèse de 20 ans d’entrepreneuriat entre l’Afrique de l’Ouest, l’Europe, le Moyen-Orient et le Canada. C’est une initiative privée à but non lucratif, un écosystème de l’innovation ouvert pour la transformation sociale basée sur une communauté organique d’entrepreneurs en ligne et un réseau d’espace de travail collaboratif. Le premier a ouvert en 2010 à Dakar et on en compte aujourd’hui 5 qui sont autogérés : au Sénégal mais aussi en France, au Mali et au Burkina Faso. Dans un monde en crise, il est important de recentrer l’Homme au centre de l’économie, transformer l’économie mondiale face aux défis démographiques et écologiques en faisant appel à l’innovation et à une rupture dans nos manières de penser, d’entreprendre, de travailler et de vivre ensemble ! La crise financière de 2008 est clairement un rappel à l’ordre et il devient urgent de prendre la mesure de l’enjeu. Cette communauté de destin peut faire de la francophonie un espace d’opportunité 18 Francophonie /septembre 2013 et d’innovation pour le futur. En effet, le partage d’une langue commune est un vecteur important de cohésion, un lien entre les pays propice aux échanges d’affaires comme j’ai pu le constater tout au long de mon parcours professionnel de Dakar à Brasov, en passant par Beyrouth, Tunis ou Moncton. La francophonie des institutions doit faire sa mue et devenir celle d’une communauté plurielle, un nouveau modèle de « croissance inclusive et écologique». Il importe de s’inspirer des travaux de Dany Rodrick (Harvard) pour « tout à la fois mettre en place des états développementalistes et non prédateurs, et garantir une stabilité de l’environnement économique permettant l’émergence d’une classe d’entrepreneurs ». La francophonie dispose d’une riche expérience de la mise en pratique de ces principes coopératifs qui ne cessent de se réinventer pour un bien-être économique et social : que ce soit les Caisses Desjardins (depuis 1900), les premières organisations de microcrédit en Afrique, les SCOP en France ou encore la monnaie complémentaire inter-entreprises WIR (depuis 1934) en Suisse. Jokkolabs se veut être un nouvel espace coopératif pour partager les connaissances et stimuler la créativité et l’innovation dans tous les domaines par l’usage des technologies. Notre plateforme en ligne et physique sert de pépinière à l’incubation de nouvelles entreprises avec de nouveaux modèles économiques, parfois hybrides, de l’entreprise sociale ; certaines restent en ligne et d’autres migreront vers le marché ou vers des secteurs à but non lucratif. Senghor ne se trompait pas quand il disait que " l'avenir du monde n'est pas ce qui doit arriver, il n'est même pas ce qui doit inévitablement se produire, il est ce que l'ensemble des hommes veulent faire ». La question est : qu’est ce nous voulons faire de la francophonie ? Karim SY Fondateur de Jokkolabs, Ashoka Fellow 2012 Membre des «Climate Reality leadership corps». ée en 1984 à Roanne (Loire), g y m n a s t e depuis mon plus jeune âge, je découvre la course à pied à l’âge de 10 ans et décide rapidement de me consacrer pleinement à cette passion, notamment en intégrant l’AS Roanne (devenu le Club Athlétique du Roannais). A partir de la catégorie cadette, j’obtiens plusieurs titres de championne de France ainsi que des podiums sur 3000, 5000 m, 10 kms, semi-marathon, marathon et en crosscountry, ce qui m’a permis d’intégrer l’Equipe de France à plusieurs reprises (13 sélections). J’ai alors eu la chance de découvrir plusieurs pays et de rencontrer des personnes extraordinaires. Une fierté de porter les couleurs de son pays et de le représenter dans des championnats ! En 2009, j’ai la chance d’être qualifiée pour participer au marathon des Jeux de la Francophonie à Beyrouth. Un moment fort de ma carrière athlétique et de ma vie car ce fut synonyme d’une expérience inoubliable, de rencontres sublimes, de convivialité, de partages, de joie. En résumé, une grande fête magique et mémorable ! Tous les participants des différents sports et concours culturels partagent des valeurs communes et la même langue, le français, comme moyen d’expression. Que ce soit notre langue maternelle, langue officielle, langue d’usage, ou langue d’enseignement, le français est à l’honneur. Une langue et une passion pour fédérer. Ma passion pour ce sport « l’Athlétisme », école de la vie à mes yeux, de par les valeurs qu’il véhicule telles que le dépassement de soi, la combativité, le courage, le respect…, demeure à jamais et fait partie intégrante de ma vie. Pour l’avenir, j’aimerai, les baskets aux pieds et les yeux grands ouverts, découvrir encore une multitude de belles choses à travers le monde. Et j’espère à nouveau représenter la France lors d’un évènement international, sur ma discipline de prédilection, le marathon. Vive le Sport, vive le français et que Nice 2013 soit une belle fête ! Adeline ROCHE Direction DE LA Communication OIF-Isabelle Finkelstein F2M-Françoise Hollman Rédaction en chef Vicky Sommet CRéDITS-PHOTO Donna Patrick Lazic/ OIF/ Tiossan/ RFI/ Clémence/ A.Thanassekos/ Corinne Gilliéron/ DR/ Laurence Labats/ 39 seconds/ Ali Peker/ Jokkolabs/ Zazoosh Media/ Photodisc/ Fotolia. CONTACT [email protected] RéALISATION Didier Gustin IMPRESSION éOLE La Station graphique - 93165 Noisy-le-Grand cedex septembre 2013 / Francophonie 19 BRèVES DE BAC * Le sommet des montagnes réunionnaises se nomme le Python des neiges, car y vit un énorme serpent. Le kougelhof est le plus haut sommet autrichien avec ses 3742 mètres. Les Zastèques et les Zincas vivaient en Amérique du Sud. La décolonisation qui veut dire la fin des colonies a surtout fait plaisir aux enfants qui n’aiment pas trop y aller pendant les vacances. La Corée est une dictature avec son cruel président King Kong. La bave de l’escargot est utilisée comme crème de beauté par certains peuples au Chili, mais comme les Chiliens sont moches ce n’est pas certain que c’est efficace. Les gardes du Vatican sont Suisses car le pape a des comptes secrets suisses et c’est plus facile pour les payer. Les grands océans ont pour noms : Atlantique, Pacifique, Article. Grâce à Gorbatchev on put commencer la désalinisation de l’Union soviétique. Le Sahara est plein d’essence et de diesel. Les avions ont largué les bombes atomiques sur Hirochima et Mangasaki. A l’époque ça se bataillait ferme entre l’Orient musulman et l’oxydant chrétien. L’espace Schengen est une région de la Chine où on fabrique des tee-shirts. La marine suisse est spécialisée dans les bateaux-mouches. Les Japonais exportent de plus en plus leurs fast-foods où on peut déguster des tsunamis. Les habitants des pôles sont les Inouis. On distingue plusieurs territoires d’outremer. Les Dom, domaines d’outremer, les Tom, territoires d’outremer, les Pom, possessions d’outremer. Et …. Le monument de Paris le plus ancien est la tour Eiffel qui servait à voir les ennemis de loin. * Extraits de Brèves de copies de Bac paru aux éd. Chiflet & Cie.