chapitre 1 - Student Positive Awards

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chapitre 1 - Student Positive Awards
Haute Ecole Groupe ICHEC - ISC St-Louis - ISFSC
Enseignement supérieur de type long de niveau universitaire
Potentiel de développement d’Aj Quen, une
fédération d’artisans guatémaltèques partenaire
d’Oxfam-en-Belgique.
Vers un commerce équitable Sud-Sud ?
Mémoire présenté par :
Laurie EDELBERG
Pour l'obtention du diplôme de
Master en Gestion d’Entreprises
Année académique 2010 - 2011
Promoteur :
Madame Françoise FONTEYNE
Boulevard Brand Whitlock 2 - 1150 Bruxelles
Tout d’abord, je voudrais adresser mes sincères remerciements à ma promotrice, Madame
Françoise Fonteyne, pour m’avoir suivie depuis le début de ce projet et qui m’a soutenue tout
au long de sa réalisation. Ses conseils judicieux, son aide précieuse, son écoute attentive et sa
sympathie m’ont permis d’évoluer dans ma démarche et de l’améliorer grandement.
Je tiens également à remercier mon maître de stage, Monsieur Thomas Vercruysse,
Gestionnaire de programme Guatemala-Nicaragua d’Oxfam-Solidarité, qui m’a permis
d’effectuer un stage très enrichissant et concret à l’étranger. Je lui exprime ma gratitude pour
sa confiance, sa disponibilité, sa gentillesse et son énergie déployée afin que mon séjour au
Guatemala soit le plus satisfaisant possible.
Tous mes remerciements s’adressent également à Patricia Vergara, Valérie Vandervecken,
François Graas, Marie Dekeuleneer et toute l’équipe d’Oxfam-Magasins du monde pour leur
accueil au sein de l’organisation et pour leur intérêt dans mon travail.
Je tiens également à témoigner ma reconnaissance à Monsieur José Victor Pop Bol,
Coordinateur exécutif d’Aj Quen, ainsi qu’à tous les membres du personnel de l’association
pour m’avoir accueillie chaleureusement au Guatemala et pour leurs conseils afin de mieux
comprendre la culture du pays.
Merci aussi au corps enseignant de l’ICHEC, et plus particulièrement à Monsieur Laurent
Lahaye pour son accompagnement, à Madame Gauthy et à Monsieur Pirard pour le savoir
qu’ils m’ont permis d’acquérir quant aux études de marché.
Je formule également mes remerciements à toutes les personnes interviewées au Guatemala
pour le temps qu’elles ont passé à répondre à mes questions, et plus spécialement à Ivette, qui
a également relu mon résumé en espagnol, Ivan et Elmer.
Je suis profondément reconnaissante envers les relecteurs de ce mémoire : Stéphanie,
Béatrice, Laurent et Christian, ainsi qu’envers Jean, Julien et Delphine pour leurs
encouragements et leur aide précieuse.
Enfin, je remercie chaleureusement ma famille et mes amis qui m’ont encouragée et entourée
tout au long de mes études.
À tous, Merci beaucoup !
Présentation synthétique
L’objectif général de ce mémoire est d’examiner dans quelle mesure le commerce
équitable Sud-Sud contribuerait au développement local d’une fédération d’artisans basée
au Guatemala. Je tenterai de détecter si un commerce équitable, sans intermédiaires du
Nord, serait réalisable et utile pour les producteurs d’un pays en développement du Sud.
Mon mémoire consiste donc à étudier la possibilité et la pertinence de développer le
commerce équitable Sud-Sud, et de vérifier les conditions d’une plus grande
« indépendance » des acteurs du Sud, ainsi que de l’avenir d’une application plus ou moins
large d’un modèle équitable et durable du commerce. Mon projet est réalisé en
collaboration avec Oxfam-en-Belgique.
Le partenaire guatémaltèque d’Oxfam étudié, Aj Quen, est situé au Guatemala et plus
précisément à Chimaltenango. Cette fédération d’artisans regroupe essentiellement des
femmes qui réalisent tout type d’accessoires en tissu. Les produits conçus dans des
conditions « fair trade » sont ensuite vendus par Aj Quen, soit localement (environ 20 % de
ses ventes s’écoulent sur le marché local), soit en exportant dans les pays du Nord. Ce
groupe possède déjà un récent magasin à Chimaltenango et aimerait en ouvrir d’autres à
Antigua, Quetzaltenango et Panajachel, trois villes touristiques. C’est la pertinence de cette
extension que j’ai notamment étudiée lors de mon stage au siège d’Aj Quen.
Étant donné la crise économique que nous traversons, la demande d’artisanat équitable, en
particulier, connait un recul dans les pays du Nord. Afin d’écouler l’offre dans ce domaine,
quelques acteurs du commerce équitable semblent s’intéresser à une nouvelle solution :
ouvrir le commerce équitable venant du Sud au Sud.
Ma question de départ est donc la suivante : « Potentiel de développement d’Aj Quen, une
fédération d’artisans guatémaltèques partenaire d’Oxfam-en-Belgique. Vers un commerce
équitable Sud-Sud ? »
Afin d’y répondre, je me suis rendue sur place dans le but d’étudier le marché local d’Aj
Quen. J’y ai sondé un segment de la population, à savoir, un public aisé et des touristes,
i
afin d’observer leur réactivité au commerce équitable. Je me suis également entretenue
avec différents acteurs du commerce équitable et avec des concurrents directs d’Aj Quen
afin de discerner l’offre dans le domaine de l’artisanat équitable guatémaltèque.
J’ai fait le choix d’un projet dans un pays du Sud, car je voulais acquérir une autre vision
du monde de la gestion et du commerce équitable. En effet, je suis en faveur de cette
alternative commerciale qui pourrait assurer un mieux-être dans nos sociétés du Nord —
plus sensibles aux problèmes de l’autre hémisphère — comme du Sud. Cependant, dans un
monde de plus en plus globalisé, où la domination du Nord oblige certains pays du Sud à
se soumettre à des règles qui ne leur sont pas toujours adaptées, échanger entre pays du
Sud pourrait s’avérer bénéfique au développement de ces nations plutôt que de négocier
avec le Nord.
Ce travail se construira à la fois sur des développements théoriques et des faits empiriques
afin de répondre à la question initiale. Le projet comprend une étude de marché, de filière
et de faisabilité ; l’observation (en Belgique et au Guatemala) ; la constitution de tableaux ;
la réflexion ; l’analyse critique et la prise de recul, etc. Les principales démarches sur
lesquelles porte mon projet seront de comprendre l’entreprise Aj Quen et le secteur dans
lequel l’association opère ; d’analyser la filière de cette association, des matières premières
à la vente ; d’identifier les partenaires du projet d’Aj Quen ; d’effectuer une étude de
marché afin de sonder l’opinion d’une partie de la population ; d’analyser les
caractéristiques du marché en termes d’offre et de demande ; de mettre en avant les
impacts que le commerce équitable aurait sur la population locale ; et enfin, d’analyser les
enjeux et obstacles d’une activité artisanale et de ses produits transformés de manière
artisanale par des coopératives d’Amérique latine dans le secteur du commerce équitable.
Tout ce parcours satisfait à la fois des objectifs personnels et ceux de deux entreprises
particulières à savoir Oxfam-en-Belgique et Aj Quen au Guatemala. Cette thématique suit
une logique dans mon parcours académique et prend également ses sources dans la réalité
actuelle des relations internationales et du poids des acteurs.
ii
TABLE DES MATIÈRES
Présentation synthétique........................................................................................... i
Table des illustrations.............................................................................................. vi
Liste des principaux sigles utilisés ........................................................................... vii
Introduction générale ............................................................................................... 1
1.
Question de départ.................................................................................................. 1
2.
Pourquoi avoir choisi ce sujet ? ................................................................................ 2
3.
Méthodologie.......................................................................................................... 4
Chapitre 1 : L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango ................................................... 7
1.
Création .................................................................................................................. 7
2.
Objectifs et fonctionnement .................................................................................... 9
2.1.
Les groupes d’artisans ........................................................................................................ 10
2.2.
Modèle de gouvernance ..................................................................................................... 12
3.
Filière de l’artisanat et rôle d’Aj Quen .................................................................... 18
4.
Marchés actuels .................................................................................................... 25
4.1.
Ventes sur les marchés internationaux .............................................................................. 25
4.2.
Ventes sur les marchés locaux ............................................................................................ 27
5.
Le financement et les revenus d’Aj Quen ................................................................ 29
6.
Conclusion : Stratégie de développement............................................................... 34
Chapitre 2 : Environnement général au Guatemala ................................................. 37
1.
Indice de développement humain (IDH) et modèle économique ............................. 37
2.
Système politique .................................................................................................. 39
3.
Exclusion sociale .................................................................................................... 41
4.
Religion ................................................................................................................. 43
iii
5.
Langues ................................................................................................................. 43
6.
Migration .............................................................................................................. 44
7.
Les secteurs d’emplois ........................................................................................... 44
8.
Commerce extérieur .............................................................................................. 45
8.1.
Exportations........................................................................................................................ 45
8.2.
Importations ....................................................................................................................... 46
8.3.
Répartition géographique des échanges ............................................................................ 47
8.4.
Balance commerciale .......................................................................................................... 47
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque ................. 48
1.
Artisanat et « artisanat équitable» ......................................................................... 48
2.
Analyse des caractéristiques du marché artisanal textile équitable ......................... 52
2.1.
Profil du marché guatémaltèque artisanal et équitable ..................................................... 53
2.1.1.
Chaîne de valeur et caractéristiques de l’artisanat textile équitable et conventionnel 53
2.1.2.
Quelques chiffres sur l’artisanat textile et l’artisanat équitable ................................... 62
2.1.3.
Législation pour les associations similaires à Aj Quen ................................................... 65
2.1.4.
Initiatives et réseaux locaux et internationaux de commerce équitable en artisanat
textile ............................................................................................................................. 67
2.1.5.
2.2.
Caractéristiques d’Aj Quen sur ce marché ..................................................................... 70
Offre.................................................................................................................................... 72
2.2.1.
Méthodologie : entretiens structurés et observations .................................................. 72
2.2.2.
La concurrence dans le secteur de l’artisanat équitable ............................................... 75
2.2.3.
Positionnement d’Aj Quen par rapport à la concurrence dans le secteur de l’artisanat
textile équitable ............................................................................................................. 82
2.3.
2.3.1.
Demande ............................................................................................................................ 84
Méthodologie : étude des perceptions et comportements d’achat de produits
équitables ....................................................................................................................... 84
2.3.1.
2.4.
Le marché potentiel et les caractéristiques de cette demande..................................... 88
Mise en perspective de ces données par rapport à la consommation locale et l’offre dans
d’autres pays ...................................................................................................................... 95
3. Conclusion : Place de l’artisanat équitable et d’Aj Quen sur le marché guatémaltèque 99
iv
Chapitre 4 : Vers un commerce équitable Sud-Sud ................................................. 102
1.
Les échanges commerciaux Sud-Sud ..................................................................... 102
2.
Pourquoi un commerce équitable Sud-Sud ? ........................................................ 104
3.
Développement local et théorie du site ................................................................ 106
4.
Principaux impacts économiques et sociaux d’un commerce équitable et recentré 108
5.
6.
4.1.
Emploi et conditions de travail ......................................................................................... 108
4.2.
Investissements et contribution à la croissance ............................................................... 109
4.3.
Infrastructures collectives ................................................................................................ 109
4.4.
Émancipation des femmes ............................................................................................... 110
4.5.
Développement des communautés rurales ..................................................................... 111
4.6.
Indépendance des petits producteurs .............................................................................. 112
4.7.
Perpétuation de l’identité culturelle ................................................................................ 112
4.8.
La promotion du changement et le renforcement des capacités .................................... 112
4.9.
Éducation .......................................................................................................................... 113
Les initiatives actuelles ........................................................................................ 114
5.1.
Amérique latine ................................................................................................................ 114
5.2.
Afrique .............................................................................................................................. 120
5.3.
Asie ................................................................................................................................... 123
Conclusion........................................................................................................... 127
Chapitre 5 : Recommandations pour un commerce équitable Sud-Sud et une plus
grande indépendance de ses acteurs..................................................................... 129
1.
Au Sud ................................................................................................................ 130
2.
Au Guatemala ..................................................................................................... 131
3.
Aj Quen ............................................................................................................... 134
4.
Une nouvelle dénomination pour le commerce équitable au Guatemala et au Sud ?142
Conclusion générale ............................................................................................. 143
Bibliographie ........................................................................................................ 146
v
TABLE DES ILLUSTRATIONS
Chapitre 1
Figure 1.1 Organigramme d’Aj Quen:
p.13
Figure 1.2  Filière de l’artisanat d’Aj Quen:
p.19
Figure 1.3  Revenus d’Aj Quen :
p.31
Figure 1.4  Ventes d’artisanat d’Aj Quen :
p.32
Tableau 1.1 – Liste des clients internationaux d’Aj Quen par pays :
p.26
Chapitre 3
Figure 3.1  Chaîne de valeur de l’artisanat textile au Guatemala :
p.55
Figure 3.2  Traitement des questionnaires :
p.93
Tableau 3.1  Prix des produits d’Aj Quen par rapport au marché conventionnel : p.72
Tableau 3.2  Acteurs de l’artisanat conventionnel et équitable interviewés :
vi
p.75
LISTE DES PRINCIPAUX SIGLES UTILISÉS
Agexport : Agence d’exportation guatémaltèque
APESA : Association de la Plate-forme Stratégique du Secteur artisanale de l’Altiplano
ASBL : Association sans But Lucratif
CCI : Centre de Commerce International
CICJS : Commission Interinstitutionnelle de Commerce Équitable
CJM : Comercio Justo México
CLAC : Coordination latino-américaine des Caraïbes de petits producteurs du
commerce équitable
CNUCED : Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement
COCODES : Conseil Communautaire de Développement
COMUDES : Conseil Municipal de Développement
CRECER : Association pour la promotion du commerce équitable en Amérique
centrale, au Mexique et aux Caraïbes
DGD : Direction Générale de la Coopération au Développement
DR-CAFTA: Dominican Republic – Central America Free Trade Agreement
EFTA: European Fair Trade Association
FINE: Fair Trade Labelling Organization- International Federation for Alternative
Trade- Network European Worldshops- European Fair Trade Association
FLO INTERNATIONAL: Fair Trade Labelling Organization
FTF : Fédération du commerce équitable
IDH : Indicateur de Développement Humain
IFAT: International Federation for Alternative Trade
INGUAT : Institut Guatémaltèque du Tourisme
MSE : Micro et Petites Entreprises.
NEWS: Network European Worldshops
OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Économique
OIT : Organisation Internationale du Travail
OMC : Organisation Mondiale du Commerce
vii
ONG : Organisation Non Gouvernementale
PIB : Produit Intérieur Brut
PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement
RAIS : Réseau Alternatif d’Echange Solidaire
RELAT : Réseau Latino-Américain de Magasins d’Économie Solidaire
SNCJS : Commission Nationale du Commerce Éthique et Solidaire
USAID: United States Agency for International Development
WFTO: World Fair Trade Organization
viii
Introduction générale
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Le commerce équitable… Joli nom pour effectuer nos achats en bonne conscience.
Mais les clients de ce type de commerce savent-ils réellement ce qui se cache derrière
ce terme ? Si dans les pays développés du Nord1, les valeurs du commerce équitable
commencent à être connues d’un nombre de plus en plus élevé de personnes, peut-on
en dire autant du Sud ? Ont-ils jamais entendu parler de ce terme ? Les populations des
pays moins développés seraient-elles capables de déployer leur propre commerce
équitable, sans plus passer par le Nord ? Et, faudra-t-il encore désigner ce type de
commerce « équitable » ? C’est ce que je tenterai de vous faire découvrir tout au long
de cette étude. En effet, bien qu’au départ, le commerce équitable Nord-Sud semble
être une bonne alternative au commerce traditionnel, il connait également certaines
dérives. Développer un commerce équitable Sud-Sud, apporterait peut-être une solution
à ces problèmes. Mais pourquoi les pays développés du Nord s’intéressent-ils au
commerce équitable Sud-Sud, que cela pourrait-il apporter aux Organisations Non
Gouvernementales (ONG) du Nord collaborant actuellement avec le Sud ? Encore une
interrogation que je tenterai d’élucider.
Étant donné la crise économique que nous traversons, la demande d’artisanat équitable
connait un recul dans les pays du Nord. Afin d’écouler l’offre dans ce domaine,
quelques acteurs du commerce équitable semblent s’intéresser à une nouvelle solution :
ouvrir le commerce équitable venant du Sud au Sud.
1
Lorsque j’évoque le « Nord », je me réfère aux « pays occidentaux, au sens géopolitique et non
géographique (USA-Canada, Europe de l’Ouest, Australie, Nouvelle-Zélande, Japon), ainsi que des pays
émergents comme la Corée du Sud ou Taïwan (…). Les pays en développement (…) forment le tiersmonde (…) composé de la grande majorité des pays de la planète, la plupart sous les tropiques et au sud
des pays riches. » Source : BRASSEUL, J., Introduction à l’économie du développement, 3e éd., Paris,
Armand Colin, 2010, p.1.
1
Introduction générale
Ma question de départ est donc la suivante : « Potentiel de développement d’Aj Quen,
une fédération d’artisans guatémaltèques partenaire d’Oxfam-en-Belgique. Vers un
commerce équitable Sud-Sud ? »
Pour y répondre, je me baserai sur le cas particulier d’Aj Quen, un partenaire
guatémaltèque d’Oxfam-Solidarité et Oxfam-Magasins du monde que j’ai pu étudier
lors de mon stage au Guatemala. Cette fédération d’artisans travaille en collaboration
étroite avec Oxfam-en-Belgique depuis plus de 20 ans et a toujours pratiqué le
commerce équitable. Aj Quen est maintenant désireux de se développer plus
localement, cependant l’association dépend encore fortement d’une aide étrangère, et
ce processus doit se réaliser progressivement.
L’objectif de ce mémoire sera donc d’étudier les moyens dont disposent les pays du
Sud pour développer un commerce équitable Sud-Sud et découvrir si ce type de négoce
sans intermédiaire du Nord serait réalisable et intéressant pour eux. Ce travail de fin
d’études consiste donc d’une part, à démontrer la possibilité et la pertinence de
développer le commerce équitable Sud-Sud, et d’autre part, de vérifier les conditions
d’une plus grande « indépendance » des acteurs du Sud. Il vise aussi à examiner
l’avenir d’une application plus ou moins large d’un modèle équitable et durable du
commerce.
Le parcours suivi durant mes études à l’ICHEC a éveillé mon intérêt pour les pays en
développement. En deuxième année de Baccalauréat, j’ai eu l’opportunité de devenir
membre de l’association Oikos2 sensible aux questions de développement durable et de
commerce équitable. Durant la même année, j’ai eu la chance de participer au Housing
Project3 en Inde. Par la suite, j’ai voulu approfondir davantage ce champ
2
Oikos est une organisation internationale d’étudiants prônant l’économie et la gestion durables.
L’organisation est représentée en Belgique par Oikos Brussels sur le campus de l’ICHEC.
3
Le Housing Project est un projet humanitaire de construction de maisons. Il est proposé par l’ICHEC et
a notamment pour but d’offrir un toit à des familles défavorisées vivant dans un pays en développement.
2
Introduction générale
« international ». C’est pourquoi j’ai suivi l’option Management International. Enfin,
grâce à la mineure des « Pays en Développement », j’ai pu acquérir et développer des
savoirs spécifiques à ces pays. Tout cela m’a fourni une ouverture sur l’actualité et la
complexité internationales au niveau commercial, culturel, organisationnel et financier
des pays développés et émergents. J’en retire également une première approche
théorique quant à la gestion au-delà des frontières, et ce, tant au niveau des opérations
commerciales qu’au niveau de l’analyse des comportements des agents internationaux
et à la façon de les aborder.
Dans un monde de plus en plus globalisé où la domination du Nord oblige certains pays
du Sud à se soumettre à des règles qui ne leur sont pas toujours adaptées, des échanges
entre pays du Sud pourraient s’avérer bénéfiques au développement de ces nations.
Comme mentionné précédemment, la crise économique affecte beaucoup les ventes en
biens accessoires, comme l’artisanat textile. De plus, ces dernières années, différentes
catastrophes naturelles ont endommagé les plantations de coton, les habitations des
artisans, les routes… Ces phénomènes naturels rendent les populations des pays en
développement plus vulnérables. D’un point de vue personnel, je ne peux rester
indifférente à ces situations. Bien qu’on ne puisse changer le monde, je tenais à profiter
de mon investigation de fin d’études pour me concentrer sur un des sujets qui me tient à
cœur et qui est le commerce équitable. En effet, face à la surconsommation actuelle de
notre société capitaliste, j’essaye d’agir de façon responsable pour tenter de combler, à
mon niveau, les lacunes économiques, sociales et environnementales de notre mode de
vie. Lorsque consommer local n’est pas possible ou peu éthique, je me tourne alors vers
les produits équitables, découverts surtout lors d’un événement organisé par Oikos,
l’association de développement durable dont je fais partie.
Dans un document de travail rédigé en 2009, S. Poos4 reprend la définition du
commerce équitable selon la formulation de FINE5 : « Le Commerce équitable est un
4
POOS, S., Le commerce équitable en 2009, in Trade for Development Centre, Site de la Coopération
Technique Belge, 2009, p.7, adresse URL : http://www.befair.be/fr/articles/www-befair-be/2ressources/ressources.cfm (page consultée le 24 octobre 2010).
3
Introduction générale
partenariat commercial, fondé sur le dialogue, la transparence et le respect, dont
l’objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial. Il
contribue au développement durable en offrant de meilleures conditions commerciales
et en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs marginalisés, tout
particulièrement au Sud de la planète. Les organisations du Commerce équitable
(soutenues par les consommateurs) s’engagent activement à soutenir les producteurs, à
sensibiliser l’opinion et à mener campagne en faveur de changements dans les règles et
pratiques du commerce international conventionnel.»
L’achat de ces denrées équitables issues essentiellement du Sud et qui rentre de plus en
plus dans nos mœurs, a suscité un questionnement personnel : «dans quelle mesure
acheter équitable signifie participer à l’augmentation des revenus pour les producteurs
du Sud? Comment puis-je vraiment contribuer à augmenter les revenus des producteurs
au Sud ? » Cependant jusqu’à ce travail de fin d’études, je ne me basais que sur ce qui
est véhiculé dans la presse et dans les entreprises de type Oxfam ou Max Havelaar.
D’où mon envie de vérifier sur le terrain si les principes du commerce équitable sont
bien ceux diffusés au Nord et de constater si, réellement, le commerce équitable
contribue au développement des petits producteurs. C’est pourquoi j’ai décidé
d’effectuer un stage au Guatemala. Mon objectif personnel est d’arriver à faire des
choix appropriés qui prennent en compte la société et les générations futures. De plus,
une aventure de ce genre dans un pays du Sud est une expérience humaine qui vaut la
peine d’être vécue, selon moi.
En juillet 2010, j’ai effectué un stage d’un mois au sein d’Oxfam-en-Belgique. C’est
ainsi que j’ai appris à connaitre Aj Quen au travers d’Oxfam-Solidarité et OxfamMagasins du monde. Après cette première expérience dans une ONG, je me suis
davantage documentée sur le commerce équitable. Pour ma deuxième période de stage,
5
FINE regroupe les organisations faîtières suivantes du commerce équitable : FLO INTERNATIONAL
(Fair Trade Labelling Organization, Max Havelaar International), IFAT (International Federation for
Alternative Trade), NEWS (Network European Worldshops), EFTA (European Fair Trade Association).
4
Introduction générale
je me suis rendue au Guatemala chez Aj Quen, le partenaire d’Oxfam étudié. Sur place,
j’ai réalisé une étude de marché à l’aide de sondages. J’ai ainsi questionné 263
nationaux et étrangers. J’ai limité mon champ d’action à Chimaltenango, la ville du
siège et du magasin actuel de l’association, ainsi qu’à trois villes touristiques où Aj
Quen désirerait s’implanter : Antigua, Panajachel et Quetzaltenango6. J’ai également
interrogé un maximum d’acteurs du commerce équitable dans la région centrale du
Guatemala. Ce faisant, j’ai pu rassembler et documenter les informations nécessaires
afin de répondre à la question de départ de mon mémoire.
Celui-ci renferme cinq parties. Tout d’abord, il s’agira d’observer et de comprendre le
fonctionnement de l’entreprise Aj Quen. Dans ce premier chapitre, je passerai
notamment en revue la filière choisie par l’organisation, des matières premières à la
vente.
Ensuite, le deuxième chapitre plantera le décor général du Guatemala afin de prendre
connaissance du contexte dans lequel l’association évolue. Cela permettra de mieux
comprendre les réalités auxquelles est confrontée Aj Quen.
Dans le troisième chapitre, j’analyserai les caractéristiques générales du marché de
l’artisanat équitable dans le pays étudié. C’est notamment au travers des études de
marché que l’offre et la demande de ce secteur seront étudiées et que le positionnement
d’Aj Quen sur ce marché sera défini. Un des objectifs fondamentaux de cette étude sera
de cadrer la place de l’artisanat équitable sur le marché guatémaltèque, ses défis et ses
enjeux.
Ces trois premiers chapitres mèneront à s’interroger quant au potentiel d’un commerce
équitable recentré dans le secteur de l’artisanat textile dans le Sud. Je verrai dans
quelles mesures ce commerce équitable contribue au développement des populations du
Sud.
6
Cf. Annexe A : Cartes du Guatemala.
5
Introduction générale
L’aboutissement de ce travail sera de déterminer sous quelles conditions et sous quels
modèles l’artisanat équitable pourrait se développer localement, régionalement et dans
le Sud. Également, je tenterai de discerner si le marché local contribue à un
développement durable d’Aj Quen. Dans ce dernier chapitre, je tenterai de fonder les
choix stratégiques que l’association devrait opérer afin de conquérir les marchés visés
et de s’y développer à long terme. Cette prise de recul lancera des pistes de réflexion
pour l’avenir et me sera utile dans la détermination des enjeux et obstacles d’un tel
commerce.
6
Chapitre 1: L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango
CHAPITRE 1 : L’ENTREPRISE AJ QUEN À CHIMALTENANGO
Je débuterai cette étude par situer l’association Aj Quen dans son environnement
microéconomique. Tout d’abord, je décrirai les grandes étapes de sa création. Ensuite,
j’aborderai les objectifs qu’elle poursuit ainsi que la manière dont elle fonctionne.
Après cela, je me concentrerai sur la filière adoptée par l’association des matières
premières à la vente, ainsi que sur le rôle qu’elle y tient. J’analyserai par la suite les
marchés actuels sur lesquels elle écoule ses produits et aborderai ultérieurement les
revenus qui lui permettent de fonctionner. Finalement, je listerai ses actions actuelles et
futures qui contribueraient à un développement plus recentré de l’association.
Cela fait maintenant 22 ans que l’association d’artisans Aj Quen a vu le jour. Elle fut
créée en février 1989 par des petits groupes organisés d’artisans et artisanes de
différentes régions du Guatemala. Cette population a été très affectée par le conflit
armé qu’a connu le pays de 1960 à 19968. Suite à cette terrible guerre civile, les
femmes se sont retrouvées veuves. Pour satisfaire leurs besoins et ceux de leurs
enfants, elles ont eu l’idée de commercialiser leurs produits artisanaux sur le marché
extérieur. Aujourd’hui, ces différents groupes d’artisans membres d’Aj Quen ont réussi
à se développer, tant au niveau familial que communautaire, grâce au soutien productif,
technique, éducatif, financier et logistique de l’organisation. C’est ainsi que
l’association contribue à ce que ces artisans deviennent protagonistes de leur propre
développement, afin que les producteurs atteignent un niveau d’indépendance à long
terme.
7
Le contenu de cette section est notamment inspiré du rapport d’AJ QUEN, Memoria de Labores,
Chimaltenango, AJ QUEN, document interne, 2010, p.1-8.
8
Durant ces 36 années, des groupes civils armés se sont organisés afin de renverser le gouvernement
militaire et dictatorial du pays. Source : Entretien avec Madame Ivette ALDANA, Gérante, CASA DE
CERVANTES, le 5 mars 2011.
7
Chapitre 1: L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango
Avant de s’associer à Aj Quen, différents groupes d’artisans indigènes des
départements de Chimaltenango, Sololá, Quezaltenango, Totonicapán et Alta Verapaz9
consacraient la majeure partie de leurs activités au travail domestique et à l’agriculture.
Durant leurs temps libres, les femmes mayas tissaient des produits comme le
traditionnel « huipil10 », des ceintures ou des sets de table pour leur usage
personnel ou parfois, pour leurs voisins. Ces derniers les chargeaient de tisser
certains produits en échange d’une rémunération. Cependant, cette activité
restait à petite échelle et les artisanes ne s’organisaient pas en groupes. Elles
avaient peur de s’aventurer en dehors de leur village et éprouvaient des difficultés à
communiquer, par timidité et par méconnaissance de l’espagnol11.
Durant ses 22 années, Aj Quen, qui signifie « Tisser ensemble » en Cakchiquel
(dialecte maya), a été dirigé par différents représentants communautaires qui ont
présidé le conseil d’administration. Ceux-ci ont conduit les activités de production et de
commercialisation des produits artisanaux sur les marchés locaux et extérieurs. En
outre, ils ont contribué au développement des différents groupes d’artisans au niveau
social, politique et économique. Tout au long de son histoire, Aj Quen a connu
différentes phases de développement. Tout d’abord, l’association a acquis la
personnalité juridique d’Association Sans But Lucratif (ASBL) comprenant une entité
commerciale afin de pouvoir effectuer ses activités en toute légalité 12. Elle a ensuite
découvert les marchés européens et collaboré avec Oxfam-Solidarité en Belgique pour
un projet d’éducation notamment. Un centre de formation constitué de différentes salles
de réunion, d’une cantine et de chambres a également été construit au siège de
l’association grâce au soutien de l’ambassade du Canada, de l’organisation italienne
Cooperazione Terzo Mondo Altromercato (CTM Altromercato) et d’Oxfam-Solidarité.
Dernièrement, un magasin local et une cafétéria ont été inaugurés…
9
Cf. Annexe A : Cartes du Guatemala.
Blouse maya (souvent en coton, brodée et tissée à la main) portée par les femmes indigènes dont les
dessins représentés varient en fonction des régions.
11
La majorité des artisans parle un dialecte maya, cf. chapitre 2.5. Langues.
12
Je reviendrai sur ce point au chapitre 3, au point 2.1.3. Législation pour les associations similaires à Aj
Quen.
10
8
Chapitre 1: L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango
Aj Quen est aujourd’hui une association d’artisans vendant
ses produits sur le marché international et local. Elle propose
également des services de logement et de repas dans son
centre de formation ouvert au public depuis 200713. Aussi,
depuis 2009, l’entreprise accueille ses clients dans un
magasin-cafétéria culturel14.
Comme je l’ai explicité précédemment, l’objectif de l’association est
de coopérer au développement des groupes d’artisans en les
soutenant
principalement
dans
des
activités
commerciales
d’artisanat et dans la diffusion de leur expression ethnique et
culturelle. Les artisans attachent une grande importance à la
promotion et à la diffusion de leur expression culturelle au travers de
l’art textile. Celui-ci évoque en effet l’identité des communautés qu’il représente, et ce,
grâce aux dessins et au savoir-faire à valeur symbolique.
Pour Aj Quen, la culture du pays est un actif difficilement reproductible par d’autres.
En pratique, dans tous les produits élaborés, on peut distinguer la culture maya
exprimée au travers des motifs et dans les techniques d’élaboration. Aj Quen adhère
également aux principes du commerce équitable15.
La vision d’Aj Quen est d’« être une institution reconnue pour sa capacité à
développer la production artisanale de qualité au moyen de stratégies solides. Ces
stratégies définissent également les mécanismes de commercialisation, de participation
13
Aj Quen ne donne pas les formations, mais se charge de louer les locaux.
Une pièce du magasin a pris la forme d’un petit musée retraçant l’histoire des tisserands
guatémaltèques.
15
Les principes suivis par l’association sont ceux de la World Fair Trade Organisation (WFTO) et sont
repris dans l’Annexe B : Les 10 standards du commerce équitable.
14
9
Chapitre 1: L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango
citoyenne de ses membres ainsi que leur accès aux sources de financement, aux
ressources techniques et aux marchés »16.
Sa mission est « qu’au moyen de la promotion de ventes des produits, de formations et
d’assistance, les membres connaissent une amélioration au niveau technique,
productif, socioéconomique et culturel »17.
Actuellement, Aj Quen regroupe 25 communautés d’artisans. Cela représente 800
travailleurs dont 770 sont des femmes (soit 96 %). Ces 25 groupes se répartissent trois
types d’activité : le tissage (13 groupes), la couture (5 groupes) et le crochet19 (7
groupes). Chaque communauté se dédie à l’un de ces trois secteurs et se spécialise.
Grâce au soutien d’autres organisations, Aj Quen a pu leur fournir des machines à
coudre domestiques ainsi que des métiers à tisser (appelés également « métiers à
cadres »), indispensables à la production20.
Plusieurs membres sont analphabètes. Cependant, cela n’a pas empêché les
communautés de se développer. En effet, divers éléments les font aller de l’avant. Tout
d’abord, la solidarité entre les affiliés est importante pour assurer leur développement.
Ensuite, les membres participent activement aux différentes formations données par Aj
Quen. Les groupes acceptent les conseils qui leur sont délivrés ainsi que
l’accompagnement technique qui leur est proposé. Enfin, la volonté des femmes
cherchant à acquérir davantage de connaissances intellectuelles et techniques est
cruciale dans ce processus. Aujourd’hui, ce développement peut se vérifier par divers
16
Rapport d’AJ QUEN, 2010, op. cit., p.20. La traduction est de l’auteur.
Ibid., p.20. La traduction est de l’auteur.
18
Le contenu de cette section est inspiré du rapport d’AJ QUEN, 2010, op. cit., p.11-14.
19
Le crochet est une technique requérant simplement une grosse aiguille possédant une encoche pour y
passer le fil. Grâce à cette technique, les artisanes réalisent des balles antistress. Cf. Annexe C : Quelques
produits d’Aj Quen.
20
Artexco de Quetzaltenango a fourni six machines à coudre à l’association ; Idex des États-Unis leur en
a acheté 12 ; le Fonds de Développement Indigène Guatémaltèque (FODIGUA) a aidé financièrement
l’association dans le but d’acquérir des machines supplémentaires ; après la tempête Stan de 2005 qui
détruisit plusieurs métiers à tisser, Oxfam-Solidarité a financé l’achat de six nouveaux métiers à cadres.
17
10
Chapitre 1: L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango
aspects : les femmes achètent des terrains destinés à l’installation de métiers à tisser ;
elles gèrent leurs propres revenus qui complètent ceux de leur époux pour payer
l’éducation des enfants ; elles s’intègrent dans la société, dans la vie de leur
communauté et parfois, dirigent un groupe d’artisanes ; elles osent participer
activement à la reconnaissance des femmes au sein de leur département, etc. Cela
signifie que la marginalisation et l’exclusion qui les affectaient auparavant ne sont bien
souvent plus d’actualité. Elles se sont émancipées. Elles ont également développé une
certaine culture d’entreprise, comme le fait de remettre les produits à temps, de fournir
des articles de qualité, de les vendre sur le marché local avec une certaine assurance en
établissant elles-mêmes les prix de vente, etc. Dans certains groupes, pendant qu’elles
travaillent, les femmes peuvent laisser leurs enfants dans une garderie où l’on
s’occupera d’eux (nourriture, surveillance, etc). En plus de travailler avec Aj Quen
pour exporter leurs produits, certains groupes se sont associés, de leur propre initiative,
à des organisations similaires afin d’augmenter leurs ventes. Quelques groupes
deviennent indépendants, comme celui de Sololá, par exemple, qui s’est converti en
2009 en « Association intégrale de femmes artisanes », une association reconnue
juridiquement.21
« Pour devenir membre », le Coordinateur exécutif insiste sur les « quelques conditions
« éthiques à remplir »22. Citons les principales, comme le fait de suivre des principes
solidaires, de travailler en groupe de minimum huit personnes, d’être le producteur
direct et non pas un intermédiaire commercial... De plus, un processus spécifique est à
suivre : les candidats postulants doivent se montrer actifs et participer aux réunions,
formations, assemblées qui leur sont proposées par Aj Quen. Ensuite, ils doivent payer
une cotisation symbolique annuelle de Q20 par personne23. Après, la demande
d’adhésion est examinée en réunion du conseil d’administration. Une visite est
21
Les impacts économiques et sociaux seront abordés plus en détail dans le chapitre 4.3. Principaux
impacts économiques et sociaux d’un commerce équitable recentré.
22
Entretien avec Monsieur José Victor POP BOL, Coordinateur exécutif, AJ QUEN, le 2 mars 2011.
23
Un euro = 10,7860 Quetzales : Moyenne des six derniers mois datant du 13 avril 2010 (du 15 octobre
2010 au 12 avril 2011). Source: EXCHANGE-RATES. ORG, Site d’Exchange-rates.org : world
currency exchange rate and currency exchange rate history, adresse URL : http://fr.exchangerates.org/history/GTQ/EUR/G (page consultée le 13 avril 2011).
11
Chapitre 1: L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango
organisée auprès du groupe candidat afin de s’assurer de la qualité de son travail. Il est
observé durant un an avant de devenir membre, pour s’assurer que tous les critères
soient remplis. Après cette année d’essai, le conseil d’administration se réunit à
nouveau avec le Coordinateur exécutif qui rendra sa décision finale.
Toutes ces communautés d’artisans sont parties prenantes au sein de la fédération et les
contacts sont permanents avec le siège.
L’association Aj Quen est actuellement composée de 25 communautés d’artisans.
Chaque groupe doit se doter de deux représentants. Ceux-ci sont toujours convoqués
aux réunions trimestrielles des représentants afin de notamment faire le point sur la
production. Aussi, chaque année en mars, tous ces représentants sont conviés à
l’assemblée générale afin de prendre des décisions telles que l’approbation des
comptes, du plan d’action, etc. 25
24
Cette section est inspirée des divers entretiens réalisés avec le personnel technique d’AJ QUEN à
Chimaltenango entre le 31 janvier 2011 et le 2 février 2011.
25
Quelques groupes (les plus autonomes) ont constitué un conseil d’administration au sein de leur
communauté.
12
Chapitre 1: L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango
Figure1.1 Organigramme d’Aj Quen
Source : réalisation personnelle sur base du rapport Memoría de Labores
Actuellement, 12 personnes composent le personnel technique (cinq femmes et sept
hommes). Elles sont engagées par le conseil d’administration et par le Coordinateur
exécutif. Le personnel technique participe à la prise de décision dans les réunions
hebdomadaires. Lorsque les sujets sont de plus grande importance, le conseil
d’administration se regroupe afin de débattre sur ceux-ci. En tous les cas, deux fois
par mois au siège, les sept femmes qui le composent se réunissent dans le but de
discuter des sujets divers (l’administration, la situation financière, les projets de
production, la situation des groupes d’artisans, etc.). Le fait d’être membre de cette
équipe confère une certaine valeur aux artisanes qui se sentent davantage impliquées.
13
Chapitre 1: L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango
Le Coordinateur exécutif (José Victor POP BOL) dirige et gère les actions de la
fédération au quotidien. Il coordonne la gestion interne, externe (les relations avec les
entreprises, la société civile, l’État) et les ressources afin que les artisans jouissent de
l’infrastructure nécessaire pour atteindre les objectifs de production. Il définit des
stratégies, notamment pour la promotion de l’image d’Aj Quen et du commerce
équitable.
Le département administratif est composé du Comptable et de la Secrétaire. Le
premier, Adolfo Simon SIRIN, est responsable du contrôle financier et de toutes les
ressources de l’organisation. Pour le contrôle des revenus et des dépenses, il met en
pratique un système de comptabilité complète, autorisé selon la loi en vigueur au
Guatemala. Le comptable centralise aussi l’information financière. Il gère le compte en
banque, la caisse, les inventaires et les journaux comptables. Il conseille les autres
départements sur le budget, les prix de vente et les coûts d’achat. En plus de son rôle de
comptable, le responsable de cette section assiste le coordinateur exécutif dans ses
diverses tâches. Étant détenteur d’un permis de conduire, il assure également les divers
déplacements et l’achat de matériels. Quant à la Secrétaire (Brenda Elizabeth
ROMERO), elle se charge de réceptionner les appels, le courrier, de traduire certains
documents en anglais, d’envoyer les factures aux clients internationaux et de dresser la
liste des empaquetages.
Le département de production est constitué d’un Responsable (Carlos Manuel
GARCIA), de son assistante (Nancy Mariana SALAZAR), et de Victor Ramon
ORDOÑEZ. Ce dernier se charge de concevoir les tissus servant d’échantillons pour
les nouveaux modèles. Le Responsable de ce département et son assistante exécutent le
contrôle qualité des produits artisanaux pour les marchés internes et externes. Ils se
chargent aussi de la conception26 et de la finition des produits. Ils mettent tout en œuvre
pour que les artisans augmentent leur rendement productif. Ils supervisent aussi le bon
26
20 % des nouveaux modèles sont conçus par ce département. Les 80 % restants proviennent en général
des clients dont, majoritairement, de CTM Altromercato en Italie.
14
Chapitre 1: L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango
fonctionnement du processus productif dans les communautés. Enfin, ils se chargent de
la réception et de l’envoi des commandes.
Le département éducation est formé par Lorenzo MUXTAY AJCIVINAC et son
assistante Miriam Leticia MUX. Ensemble, ils promeuvent, coordonnent et organisent
la formation des groupes d’artisans (au niveau politique, culturel, social et économique)
en fonction des finances de l’entreprise. Ils prévoient des séminaires pour la production
(utilisation des machines par exemple), la commercialisation et la formation citoyenne.
Ces formations sont données par des spécialistes extérieurs à l’entreprise, sachant
parler le Cakchiquel (langage prédominant dans les groupes d’artisans). Chaque équipe
d’artisans reçoit approximativement 10 formations par an. Environ trois personnes de
chaque groupe sont invitées à participer à une formation. Lors de la suivante, ce seront
trois autres personnes du groupe qui y participeront et ainsi de suite. De plus, les
responsables de ce département offrent un accompagnement aux communautés afin
d’aider les membres à faire face à leurs problèmes. Les deux personnes en charge de
l’éducation des artisans définissent également des stratégies pour soutenir l’éducation
des enfants des familles membres. Enfin, ils se chargent de rédiger les rapports
d’évaluation destinés à Oxfam-Solidarité. Le problème actuel est que Lorenzo, le
Responsable de ce département, doit également s’occuper de l’administration du centre
de formation. Cette fonction lui prend beaucoup de temps sur son activité première.
Le Consultant en commercialisation (Marví HERNANDEZ) est engagé pour cinq
mois, de février à juin 2011. Durant son mandat, il est chargé de trouver des pistes pour
favoriser la commercialisation de la production artisanale. De plus, il encourage Aj
Quen à prendre part à des événements nationaux et internationaux (expositions, salons,
etc.). Le Consultant identifie également les acheteurs et fournisseurs potentiels et scrute
les prix des matières premières et les prix de vente. Il établit un système de promotion
des ventes, notamment au travers de catalogues et d’Internet. Il recherche également à
créer un département commercial au sein d’Aj Quen, pour continuer dans cette voie
une fois son mandat terminé.
Le centre de formation comporte 11 chambres (soit 35 lits) pour les clients qui restent
loger le temps de leur formation. Nicolas TACAXOY, le Concierge, se charge de la
15
Chapitre 1: L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango
réception des utilisateurs de ces services, mais aussi de la maintenance du centre et des
chambres. Une cantine (dont la Responsable est Mayra Candelaria QUIEJ CANU) est
également mise à leur disposition (moyennant payement). À l’heure actuelle, ce centre
constitue une importante source de revenus pour l’entreprise.
Le magasin-cafétéria culturel est tenu par la Vendeuse (Lorena Amarilis ORREGO
BATRES) qui se charge de recevoir les clients. Elle collecte l’argent du magasin et de
la cafétéria et gère le stock de ceux-ci. Elle s’occupe également de la commercialisation
locale : elle appelle les clients, leur montre les échantillons de produits et réceptionne
leurs commandes.
Dans certains cas, lorsque les employés sont surchargés, l’entreprise fait appel à sa
réserve de personnel temporaire représentée par des personnes extérieures à
l’entreprise. C’est le cas notamment en cuisine, lorsqu’un grand nombre de personnes
réserve un repas, ou encore, dans l’atelier de confection, lorsqu’il y a trop de
commandes à gérer.
Plusieurs stagiaires et volontaires étrangers travaillent également dans les différents
départements d’Aj Quen afin d’y acquérir une expérience professionnelle. Leur
expertise et investigation, ainsi que certains audits internes et externes, permettent à
l’entreprise de bénéficier de conseils sur des sujets spécifiques.
Étant donné qu’il n’existe pas de description des différents postes au sein de la
fédération, la répartition de certaines tâches n’est pas claire et l’organisation paraît
parfois chaotique. En raison de la taille réduite de l’équipe, les membres du personnel
doivent parfois assumer des responsabilités qui vont au-delà de leur fonction. Ainsi, il
n’est pas rare de voir la vendeuse rester tard le soir pour préparer les commandes à
l’envoi, alors que le département production en serait responsable. La principale
limitation de l’organisation est le manque de ressources pour embaucher du personnel
(et pour payer les employés actuels). Qui plus est, aucun d’entre eux ne sait parler
l’anglais couramment, ce qui limite les négociations avec les clients internationaux. Cet
ensemble de facteurs allonge le temps de réaction en cas d’imprévus et empêche
16
Chapitre 1: L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango
parfois les membres du personnel de déterminer la direction que doit prendre
l’association et les objectifs qu’elle doit se fixer.
Au niveau du personnel, la culture de l’entreprise instaure un climat agréable et
correspond aux principes promus par la WFTO. Depuis peu, les réunions entre le
personnel technique permettent à chacun de s’exprimer et d’avoir la parole lors de la
prise de décision. Cependant, la relation de pouvoir et la culture machiste sont
également bien présentes. En conséquence, certains n’osent pas marquer leur
opposition sur divers sujets et se plient à l’autorité exercée principalement par le
Coordinateur exécutif, le Comptable et le Responsable du département éducation.
Les heures de travail promues par l’Organisation Internationale du Travail (OIT) ne
sont pas respectées27. En effet, le Concierge et la Cuisinière par exemple, sont souvent
amenés à travailler dès cinq heures du matin jusqu’à neuf heures du soir (et durant la
nuit pour le concierge afin d’ouvrir la porte aux personnes logeant sur place). De plus,
l’OIT prévoit une pause de travail d’au moins 24 heures ininterrompues par semaine, ce
qui n’est parfois pas le cas (surtout entre mars et septembre lorsque le centre est fort
visité). Par ailleurs, le salaire mensuel pour les employés devrait s’élever à au moins
Q1937,5428 (179,63 €), ce qui n’est pas le cas pour certains d’entre eux.
Aussi, l’information véhiculée dans l’entreprise par rapport au commerce équitable
n’est pas toujours optimale et certains membres du personnel ne savent pas vraiment
dans quels mouvements l’association s’inscrit.
Quant aux artisans, leur avis est toujours pris en compte. Dès qu’ils éprouvent des
difficultés au sein de leur communauté, ils n’hésitent pas à en parler à un membre du
personnel d’Aj Quen qui fera son possible pour y remédier au plus vite. La relation
27
OFICINA REGIONAL AMÉRICA LATINA Y EL CARIBE, C106 Convenio sobre el descanso
semanal (comercio y oficinas), 1957, in Organización Internacional del Trabajo, Site de l’Organisation
internationale du Travail, adresse URL: http://www.ilo.org/ilolex/cgi-lex/convds.pl?C106 (page
consultée le 12 mai 2011).
28
POLITICA DE GUATEMALA, Salario Minimo 2011 Acuerdo Gubernativo No. 388-2010, In Politica
de Guatemala, Site des politiques du Guatemala, adresse URL: http://www.politicagt.com/salariominimo-2011-acuerdo-gubernativo-no-388-2010/ (page consultée le 4 février 2011).
17
Chapitre 1: L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango
entre les artisans et l’association est une relation de confiance, d’écoute et de respect.
Néanmoins, la communication est parfois plus difficile avec les communautés vivant à
de longues distances du siège de la fédération29.
La filière « permet de décrire, de l’amont vers l’aval, l’enchaînement des opérations de
production, de transformation et de commercialisation qui valorisent les ressources
d’un pays et d’identifier l’ensemble des agents économiques impliqués dans
l’élaboration d’un bien30.»
29
Aujourd’hui, cette communication est facilitée grâce aux téléphones portables que pratiquement tous
les artisans utilisent.
30
FONTEYNE, F., Introduction aux relations Nord/Sud, Bruxelles, syllabus, ICHEC, 2007-2008, p.25.
18
Chapitre 1: L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango
Figure1.2  Filière de l’artisanat d’Aj Quen
19
Source : réalisation personnelle
Chapitre 1: L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango
Afin d’établir une description concrète de la filière et du rôle d’Aj Quen dans celle-ci,
je décris également le processus des commandes ainsi que les phases de transition entre
les procédures de production et de distribution
L’organisation travaille à partir de commandes sûres, selon le processus ci-après. Tout
d’abord, le client envoie une demande écrite sous forme de document commercial
reprenant la photo du produit qu’il désire, accompagnée d’une brève description de
l’article, de son code de couleurs, de la quantité souhaitée ainsi que du délai de
réception souhaité. La Vendeuse du magasin, Lorena A. ORREGO, réceptionne la
commande, l’analyse et l’adresse à la personne adéquate, en général, le Responsable de
la production (Carlos M. GARCIA). Plus de la moitié (62 %) des clients internationaux
actuels d’Aj Quen travaillent avec celle-ci depuis plus de 20 ans. Ils savent donc les
types de produits que la fédération est capable de fabriquer. La question est de savoir
comment concilier mode et culture ancestrale maya. Les clients discutent donc des
nouveaux produits avec le Responsable de la production. D’un côté, les clients
apportent leur connaissance sur la mode et les tendances dans leurs pays ; de l’autre, Aj
Quen connait les éléments de la culture ethnique à conserver. Après cette négociation,
Carlos, le chargé de production, vérifie la possibilité de production dans les délais
impartis avec les couleurs désirées et selon le modèle dessiné. Une fois la commande
acceptée, ce responsable transmet la liste des coûts qui serviront à couvrir les besoins
en matières premières, en matériel et en capacité productive au Comptable. Ce dernier
élabore une facture pro forma au partenaire qui confirmera l’acceptation de sa
commande en envoyant un acompte de 50 % à Aj Quen. Le comptable, Adolfo S.
SIRIN, se charge alors de l’achat de tout le matériel nécessaire à l’élaboration de la
commande en fonction des stocks disponibles. Ces arrhes permettront notamment à
l’entreprise de payer les fournisseurs de matériaux nécessaires à l’élaboration de la
commande.
À ce propos, il est important de souligner le problème que rencontre Aj Quen dans son
approvisionnement en coton actuellement. L’association se procure des fils de coton
teints chez Rio Blanco. Ce fournisseur guatémaltèque, situé à proximité de la capitale
20
Chapitre 1: L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango
du pays, est le seul au Guatemala qui possède une certification pour les teintures sans
métaux lourds (« AZO free »). Les marchés d’exportation, et plus particulièrement
l’Europe, sont des marchés stricts en matière de qualité. Rio Blanco est donc l’unique
fournisseur d’Aj Quen possédant la certification lui permettant d’exporter. Cette
dernière est extrêmement couteuse. C’est pourquoi Artexco et Mish, deux autres
fournisseurs guatémaltèques de fils de coton teints, ne possèdent pas cette certification,
bien qu’ils utilisent également des teintures sans métaux lourds. Cependant, la qualité
de leurs produits est moyenne, alors que Rio Blanco fournit des produits de qualité
élevée. Le monopole de ce dernier lui permet donc de fixer sa propre politique et des
prix élevés sur ses produits de qualité. Parfois, Aj Quen éprouve des difficultés à
collecter en une fois toutes les variantes de couleurs nécessaires à sa production. Cela
retarde évidemment le processus. De plus, Aj Quen ne fait pas le poids face aux
grandes entreprises qui ont une marge de négociation plus importante31.
À l’heure actuelle, une pénurie de coton se fait ressentir au niveau mondial et affecte la
commercialisation de l’artisanat textile, tant sur le marché guatémaltèque qu’à
l’étranger. En effet, l’offre de coton a diminué suite aux inondations qui ont eu lieu en
Asie. Les spéculateurs de la banque de New York se sont alors emparés de cet or blanc.
Ces derniers mois, le prix du coton a connu une hausse de 40 %32. Cette hausse de prix
touche davantage les pays moins développés que les puissances mondiales qui
bénéficient d’aides étatiques. En ce qui concerne le Guatemala, l’État ne manifeste
aucune volonté politique de soutenir son secteur artisanal. Pourtant, ce dernier
emploierait plus d’un million de Guatémaltèques33.
31
Le contenu de ce paragraphe est inspiré de l’entretien avec Adolfo Simon SIRIN, Comptable, AJ
QUEN, le 3 février 2011.
32
Entretien avec Mirian OTZÍN, Gérante, MAYA WORKS GUATEMALA, le 25 février 2011.
33
Cette donnée est difficile à chiffrer étant donné que la majorité des artisans n’est pas contrôlée ni
enregistrée au Registre du commerce et des sociétés. Source : OPORTUNIDADES DE NEGOCIOS,
Artesanías Textiles, In Red de Cajas de Herramientas MIPYME, Site du réseau des boîtes à outils des
Petites et Moyennes entreprises du Gouvernement guatémaltèque,
adresse URL :
http://www.negociosgt.com/main.php?id=201&show_item=1&id_area=144 (page consultée le 5 mai
2011).
21
Chapitre 1: L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango
Face à ces coûts élevés, Aj Quen recherche d’autres fournisseurs possédant la
certification « AZO free ». L’idéal serait d’en trouver un (ou des) autre (s) au niveau
national. En effet, cela éviterait les coûts liés à l’importation. L’association pourrait
penser aussi à chercher un fournisseur dans les pays voisins de la région centreaméricaine en profitant des traités de libre commerce. Les États-Unis par exemple sont
producteurs de coton. Le DR-CAFTA (Dominican Republic – Central America Free
Trade Agreement) est un accord34 de libre-échange permettant, entre autres, une
ouverture vers des marchés étrangers. Néanmoins, Oxfam International évoquait dans
un de ses rapports le fait que ce traité pourrait favoriser les intérêts des grandes
compagnies35. En effet, sans politique de régulation de la concurrence, les producteurs
à petite échelle (dont les moyens de vie dépendent de l’agriculture et qui vivent en
conditions de pauvreté) courent un risque en voyant leurs prix tirés à la baisse face aux
produits subsidiés des États-Unis. De plus, les avantages de ce genre d’accords ne se
font pas ressentir à cause de l’importante bureaucratie que les exportateurs ne gèrent
pas toujours. En outre, il n’existe actuellement pas de traité avec la majorité des pays
producteurs de fils teints en Amérique latine36. D’autres fournisseurs de coton se
situent en Asie ou Afrique, mais le prix après importation s’avèrerait trop élevé, et la
logistique difficile à gérer.
Une autre solution serait d’acheter le coton brut et de le teindre au sein même de
l’association. Cependant, cela signifierait un investissement important en équipement,
en formations, en teintures, en temps... La situation est d’autant plus critique qu’Aj
Quen ne peut stocker beaucoup de produits, vu les changements rapides dans la mode
34
Accord entre le Costa Rica, le Nicaragua, le Guatemala, le Honduras, le Salvador, la République
Dominicaine et les Etats-Unis (en vigueur depuis 2006 pour la plupart de ces pays). Source : OFFICE OF
THE UNITED STATES REPRESENTATIVE, CAFTA-DR (Dominican Republic-Central America
FTA), in Executive Office of the President of the United States, The United States Trade Representative,
adresse URL: http://www.ustr.gov/trade-agreements/free-trade-agreements/cafta-dr-dominican-republiccentral-america-fta (page consultée le 20 avril 2011).
35
AMAT, P., et al., Make Trade Fair for the Americas, in Oxfam International, Site d’Oxfam
International, adresse URL: http://www.oxfam.org/fr/node/766 (page consultée le 5 novembre 2010).
36
En plus du DR-CAFTA, le Guatemala a conclu des traités commerciaux avec le Mexique, le Chili, la
Colombie et l’Équateur. Par contre, le Guatemala n’a pas d’accord avec le Brésil ni avec l’Argentine,
deux pays producteurs de coton.
22
Chapitre 1: L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango
et les couleurs. En effet, les articles fabriqués sont généralement adaptés à la vie
quotidienne des étrangers étant donné notamment que ce sont les partenaires
internationaux qui conçoivent les designs pour 80% des nouveaux modèles. Aussi,
« dans une optique commerciale, les couleurs et les motifs typiques des communautés
guatémaltèques ont été adaptés à toute sorte de produits destinés aux … occidentaux :
porte-monnaie, hamacs, sacs à dos… »37. Pour les améliorer, des changements sont
opérés dans les couleurs, les textures (l’espace entre les fils) et les modèles en réponse
aux nouvelles tendances dans les goûts et la mode. En outre, d’autres changements
peuvent également avoir lieu au moment de l’assemblage du produit fini comme par
exemple, pour les sacs pour les femmes en combinant divers accessoires comme les
boutons, tirettes, etc. Cependant, tous les produits sont élaborés à
partir de la technique ancestrale de tissage maya et le
même type de fils est utilisé. Aj Quen doit donc concilier
les nouvelles tendances dans la mode avec la tradition
maya. La fédération produit par exemple : des housses d’ordinateurs portables
ou d’appareils photo noires mais qui sont élaborées à la main et qui possède le
sigle Ajpu du calendrier maya ; des chemins de table tissés à la main affichant
l’arbre sacré maya (la ceiba) ; des sacs à bandoulière élaborés selon le savoirfaire de tissage du pays possédant une ligne caractéristique des tissus guatémaltèques.
De plus, Aj Quen propose une gamme de produits (« Second Life ») fabriqués à partir
d’anciens huipils de femmes mayas provenant de différentes régions du pays.
Revenons à présent à la filière d’Aj Quen. Le Comptable s’est chargé de l’achat du
matériel grâce, notamment, au préfinancement du client. Une fois en possession de
l’équipement nécessaire à l’élaboration de la commande, le département de production
confectionnera alors quelques échantillons qui serviront de modèles. Le Responsable
de ce département prépare ensuite la feuille des commandes à distribuer aux groupes et
transmet les commandes aux artisans en leur expliquant la manière de procéder. Les
37
AUZIAS, D., LABOURDETTE, J-P., Le petit futé Guatemala 2008, 4e édition, France, Nouvelles
éditions de l’université, 2008, p. 45.
23
Chapitre 1: L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango
groupes de tisserandes transforment les fils en tissu. Cela prend environ deux semaines
pour tisser les fils et superviser la fabrication. Ensuite, le Responsable du département
de production et son assistante réceptionnent les tissus au siège, en estiment la qualité,
les comparent avec le modèle, évaluent leur texture, leur découpe, etc. Les produits
simples (comme les foulards) sont alors directement exportés. Pour les produits plus
élaborés (les sacs par exemple), une fois que la coupe a été effectuée au siège de
l’entreprise, le département de la production livre les commandes aux couturières.
Préalablement, le Responsable aura préparé la feuille des commandes ainsi que les
matériaux (étiquettes, boutons…). Ces couturières utilisent des machines à coudre. Une
supervision est assurée par le département de production d’Aj Quen afin de s’assurer de
la bonne confection des produits. Si la tâche s’avère compliquée pour ces femmes, elles
pourront bénéficier d’une formation. Avec le temps, la fédération connait la spécialité
de chaque groupe et envoie ses commandes en fonction de ce critère. Ce processus
requiert deux semaines de travail supplémentaires. Après cela, les produits passent une
nouvelle fois par le siège afin que leur qualité soit contrôlée une dernière fois.
Finalement, l’article sera envoyé au client international selon un prix FOB38.
L’entreprise recevra les 50 % manquant sur la commande une fois que le client l’aura
réceptionnée. Aj Quen est donc le lien entre toutes ces phases. En cas de retard, la
priorité est de le communiquer au client, car dans certains cas, il exigera une ristourne,
si le délai de retard dépasse un mois. Ce n’est donc évidemment pas dans l’intérêt de
l’association d’être en retard, car les conséquences peuvent s’avérer importantes39.
Le processus, depuis la commande jusqu’à l’envoi de celle-ci, dure généralement trois
mois : un mois pour recevoir le fil avec les couleurs demandées, deux semaines pour
38
Les Incoterms (International Commercial Terms) sont des standards commerciaux utilisés dans les
contrats de ventes internationales. Ils déterminent les responsabilités des parties contractantes pour le
transport, la douane, les risques et les coûts. Les initiales FOB signifient Free On Board, c’est-à-dire que
le vendeur est responsable de sa marchandise jusqu’au chargement de celles-ci sur le moyen de transport
principal. En d’autres termes, Aj Quen se décharge de sa responsabilité une fois la marchandise à bord
du bateau. Source: GOBBER, A., RINNEN, A., Financial Aspects of International Operations,
Bruxelles, ICHEC, syllabus, 2009-2010, p.17-18.
39
Le marketing et les canaux de distribution sont expliqués infra chapitre1.4. Marchés actuels.
24
Chapitre 1: L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango
les tisser, deux semaines pour les coudre, et environ un mois pour la supervision, la
formation si nécessaire et l’envoi.
De cette chaîne de valeur ressortent des produits variés et de bonne qualité aussi bien
en accessoires textiles (bracelets, ceintures, bonnets, sacs, foulards, portefeuilles, portedocuments, sacs à dos, porte CD, sacs d’ordinateurs, etc.) qu’en décoration
d’intérieur (rideaux, couvre-lits, coussins, tapisseries, cadres photos, etc.), ou encore en
vêtements (chemises, blouses, cravates, robes, jupes, bermudas, foulards, etc.)40.
L’association d’artisans opère sur le marché international et sur le marché local.
Bien qu’elles aient fortement diminué en 2009, les ventes extérieures en artisanat
textile constituent plus de la moitié des ventes totales de l’association (52%).
Au total, Aj Quen compte 16 clients étrangers provenant du Nord dont 15 sont des
organisations de commerce équitable et une (Overstock) est une organisation faisant
partie du commerce conventionnel41. Le client principal de l’association est CTM
Altromercato.
40
41
Cf. Annexe C : Quelques produits Aj Quen.
POP BOL, J. V., 2011, op. cit., p.7.
25
Chapitre 1: L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango
Tableau 1.1 – Liste des clients internationaux d’Aj Quen par pays
Pays
Organisations
Début du
partenariat
GEPA- The Fair Trade Company
1989
Asociación VAMOS
1998
Oxfam Trading PTY LTD
1992
EZA Fair Handel GmbH
2010
Oxfam-Magasins du Monde
1989
Ten Thousand Villages
1989
Kalalin Poor
2009
Solidaridad Internacional de
Galicia
2009
Ten Thousand Villages
1989
Peacecraft
1992
Global Goods Partners New York
2010
Overstock
2010
Finlande
Turun
1989
Italie
CTM Altromercato
1989
Suède
House of Fair Trade
1989
Suisse
CLARO Fair Trade
1989
Allemagne
Australie
Belgique
Canada
Espagne
États-Unis
Source : réalisation personnelle à partir des données EFTA
Depuis presque 20 ans, la majorité de ces clients promeuvent l’amélioration de la
situation politique, économique, sociale et culturelle des différents groupes d’artisans
en commercialisant les produits d’Aj Quen dans leur pays. Ces organisations sont donc
devenues des partenaires importants pour l’association. Qui plus est, connaissant les
objectifs et pratiques de l’association, ces organismes sont disposés à payer un prix plus
élevé que dans le marché conventionnel.
Le directeur d’Aj Quen insiste42 tout de même sur la longue collaboration avec OxfamSolidarité, Oxfam-Magasins du monde et CTM Altromercato. Ces trois organisations
42
Entretien avec Monsieur José Victor POP BOL, Coordinateur exécutif, AJ QUEN, 2 mars 2011.
26
Chapitre 1: L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango
ont toujours cru en Aj Quen et leur relation est devenue une relation de confiance dont
chaque partenaire tire une égale satisfaction. Par exemple, Oxfam-Solidarité a aidé Aj
Quen à construire l’identité de l’association, à définir des stratégies (sociale et
économique), à établir des mécanismes et instruments de travail afin que l’association
soit plus opérationnelle… L’accompagnement technique récurrent d’Oxfam-Solidarité
permet aussi à l’ONG belge de s’assurer de l’investissement approprié des fonds reçus
(en formation, en création d’emplois, etc.).
Au niveau local, l’association fait face à quatre types de clients : des organisations de
développement à caractère social, des entreprises conventionnelles, des particuliers et
des chaînes de magasins.
Les principaux clients de la fédération sont des associations locales de développement
avec lesquelles Aj Quen collabore. Par exemple, l’association fait partie d’un Réseau
Alternatif d’Echange Solidaire (RAIS) dont les membres s’échangent leurs produits.
Ainsi, Aj Quen vend des articles d’autres organisations appartenant à ce mouvement, et
en échange, les produits de l’association sont exposés dans les points de vente des
autres membres (après que ceux-ci les aient achetés à Aj Quen). Ces points de vente
sont toutefois encore peu nombreux dans le pays.
Certaines entreprises conventionnelles, des hôtels et des restaurants achètent également
des produits d’Aj Quen. Comme les partenaires internationaux, les clients locaux
connaissent les objectifs de l’association et payent donc un prix équitable sans
négocier. Cependant, en général, leurs commandes sont sporadiques : ces organisations
exigent des produits exclusifs pour des événements spécifiques.
Aj Quen possède aussi un point de vente propre depuis 2009. Encore peu achalandé, ce
magasin ne génère pas encore beaucoup de recettes.
Enfin, l’association paye une cotisation trimestrielle de 100 € à l’Agence d’exportation
guatémaltèque, Agexport. Le but premier de cette agence est de mettre ses membres en
rapport avec de nouveaux clients internationaux, mais aussi nationaux. Ainsi, deux fois
27
Chapitre 1: L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango
par an, en juin et en septembre, les produits de l’association sont exposés dans les
rayons des hypermarchés de Cemaco43 et de Walmart44 de la région lors de leurs foires
artisanales. Ces deux grandes chaînes de distribution sont importantes et populaires au
Guatemala. En retour de cette cotisation, Aj Quen bénéficie aussi de formations, de
mise à disposition de consultants45, de créateurs de page web, de conseils pour trouver
de nouveaux clients, d’inscriptions à des salons internationaux, etc. Bien que cette
association soit plus orientée sur la vente internationale que sur l’aspect équitable, et
qu’elle n’hésite pas à toucher des commissions sur certaines ventes de l’association 46.
Agexport constitue indéniablement, grâce aux services qu’elle fournit un soutien non
négligeable et elle permet un renforcement d’Aj Qen sur le marché local.
Le système de vente le plus courant au Guatemala est la vente en consignation, appelé
plus communément le dépôt-vente. Les produits sont alors proposés dans les magasins
partenaires. Le vendeur fixe ses propres prix de vente et ne payera l’association qu’une
fois les produits réellement vendus. Les invendus seront repris par l’association. Cela
pose parfois problème lorsque le client (la grande distribution par exemple) a vu grand
dans ses commandes. Aj Quen se retrouve alors avec un large stock à entreposer.
Afin de trouver de nouveaux clients et dans le but de promouvoir ses ventes,
l’association prend part à différents salons, à des fêtes locales, à des échanges de
produits au sein de réseaux d’économie solidaire47 comme RAIS, etc. Son site Internet
43
Cemaco est une entreprise guatémaltèque de meubles principalement. Elle opère sous différentes
formes: Cemaco Home Center (mobilier et articles ménagers), Cemaco Express (plus petits magasins de
meubles et d’articles ménagers), Construcentro (centre de matériaux de construction) y Juguetón
(magasin de jouets). Source : CEMACO, Nuestra Empresa, in Cemaco, Site de Cemaco, adresse URL :
http://www.cemaco.com/seg.asp?id=1&tp=11 (page consultée le 20 mai 2011).
44
Walmart est une société américaine spécialisée dans la grande distribution. Aujourd’hui, elle possède
9029 points de vente dans 15 pays différents, employant 2,1 millions de personnes. Cela fait de cette
multinationale la plus grande au niveau mondial. Source : WALMART CORPORATE, About us, in
Walmart Corporate, Site de la société Walmart, adresse URL: http://walmartstores.com/AboutUs/ (page
consultée le 20 mai 2011).
45
Le consultant actuel, Marví HERNANDEZ, a été engagé par l’Agexport.
46
Aj Quen doit remettre une commission de 2,5% sur les ventes opérées avec les clients mis en relation
avec l’association grâce à l’Agexport.
47
Le commerce équitable est perçu au Guatemala comme une stratégie de ventes à l’extérieur du pays au
travers de magasins dont l’objectif, en plus de la vente, est d’augmenter le revenu du petit producteur.
L’économie solidaire est un concept plus étendu, se rapportant à l’échange local dépassant autant que
28
Chapitre 1: L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango
et des catalogues permettent à l’entreprise de présenter ses produits. La promotion des
ventes sur place, dans le magasin de l’association ne semble pas faire l’objet d’une
attention suffisante. Ceci est peut-être dû au manque de temps, d’argent et de
personnel.
De plus, le commerce équitable n’est pas un atout mis en avant par l’association. Les
explications ne rendent pas le magasin voyant qui pourrait attirer davantage de
personnes si le public se sentait invité, attiré. Par ailleurs, le centre de formation
accueille pratiquement tous les jours des organisations de différents horizons, dont des
organisations de développement. Celles-ci louent les salles de réunion et y passent au
minimum une journée. Fréquemment, les groupes restent loger sur place. Cela
représente donc un potentiel important en nouveaux clients pour Aj Quen. Une
réflexion est pour moi à mener sur la promotion des ventes en magasin, à partir par
exemple des initiatives des volontaires étrangers (annonce à la radio, dépliants…).
L’association Aj Quen génère des revenus grâce à la vente d’artisanat et grâce au centre
de formation. Cependant, les comptes de l’organisation ont toujours été en équilibre,
sans perte ni bénéfice, et cela pour deux raisons. La première est que les profits
engendrés par les ventes des produits sont directement intégrés aux revenus des
artisans48. En effet, après avoir déduit les coûts liés à l’achat des matériaux nécessaires
à l’élaboration du produit (environ 30 % du prix de vente), Aj Quen utilise 25 à 30 %
pour couvrir les charges opérationnelles (les frais administratifs, les ristournes
accordées aux clients en cas de retard dans les délais, le transport, etc.), et le reste
possible l’intervention financière. Il aspire à une consommation responsable des petits producteurs afin
qu’ils consomment ce qui est produit localement. Source: ALVARADO CANO, E., Evaluación Externa
del Paternariado de Oxfam-Solidaridad con Aj Quen, Guatemala, Oxfam-Solidarité, document interne,
2010, p.13.
48
Selon un consultant en commerce équitable, les artisans recevraient un salaire 4,5 fois plus élevé que
dans le commerce conventionnel. Source : Entretien avec Monsieur Elmer ALVARADO CANO,
Économiste, Consultant indépendant pour le DÉVELOPEMENT COMMUNAUTAIRE ET
PATRONAL, 19 mars 2011.
29
Chapitre 1: L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango
(environ 45 %) est destiné aux producteurs49. La deuxième raison de cet équilibre est
qu’Aj Quen a toujours reçu des aides financières provenant de la coopération étrangère,
et principalement de CTM Altromercato et d’Oxfam-Solidarité. Actuellement, la
fédération génère 55 % des revenus nécessaires à sa durabilité économique50.
Dans le cas de l’ONG belge, Aj Quen reçoit chaque année un subside d’environ
55.000 € répartis en tranches trimestrielles51. Cette somme est destinée à couvrir une
partie des frais structurels de l’association, comme les salaires du personnel technique,
ou les formations pour les artisans par exemple. Grâce à cet apport, Oxfam-Solidarité
permet à l’association d’être en équilibre financièrement.
Le Guatemala ne fait pas partie de la liste des pays bénéficiant directement de la
coopération gouvernementale belge. Cependant, au travers du soutien d’OxfamSolidarité, ce pays peut profiter d’une aide bilatérale indirecte. En effet, l’ONG
bénéficie notamment de cofinancements52 publics provenant de bailleurs de fonds
institutionnels. Ce système de cofinancement permet, entre autres via la Direction
Générale de la Coopération au Développement (DGD)53 et l’Union européenne, de
multiplier le montant des ressources d’Oxfam-Solidarité. D’une manière indirecte, la
49
POP BOL, J. V., Formulario de información de EFTA, Guatemala, Aj Quen, document interne, 2011,
p.13.
50
ALVARADO CANO, E., Evaluación Externa del Partenariado de Oxfam-Solidaridad con Aj Quen,
Guatemala, Oxfam-Solidarité, document interne, 2010, p.16.
51
OXFAM-SOLIDARITÉ, Rapport financier - Modèle 7c - Relevé des transferts par Objectif spécifique
et par partenaire, Bruxelles, Oxfam-Solidarité, document interne, 2010, p.2.
52
Les besoins des pays en développement sont considérables. Afin d’accroitre les flux de capitaux vers
ces pays, le financement de l’ONG par plusieurs parties permet une forme d'aides non négligeables et
surtout, non remboursables. Cependant, afin de l’obtenir, certaines conditions sont à remplir : « Toute
action bénéficiant du cofinancement… doit être durable, avoir une définition précise, assurer un suivi
des objectifs, prévoir des indicateurs de réalisation des projets et être cohérente avec d'autres actions
dans le domaine ». Source : EUROPA, Cofinancement avec les organisations non gouvernementales de
développement, In Europa : Synthèses de la législation de l’UE, Site du portail de l’Union Européenne,
adresse URL : http://europa.eu/legislation_summaries/other/r12500_fr.htm (page consultée le 6 janvier
2010).
53
La DGD (coopération fédérale belge) était anciennement désignée par l’abréviation DGCI (Direction
Générale de la Coopération Internationale) puis DGCD (Direction Générale de la Coopération au
Développement). Source : SERVICE PUBLIC FEDERAL AFFAIRES ETRANGERES, Direction
Générale de la Coopération au Développement, In SPF Affaires Etrangères, Site des Affaires Etrangères,
Commerce
Extérieur
et
Coopération
au
Développement,
adresse
URL :
http://diplomatie.belgium.be/fr/sur_lorganisation/organigramme_et_structure/dgd/ (page consultée le 6
janvier 2010).
30
Chapitre 1: L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango
Belgique aide donc le Guatemala à lutter contre la pauvreté et contribue au
développement de ce pays.
Actuellement, la dépendance d’Aj Quen par rapport à cette aide internationale diminue
grâce au succès rencontré par le centre de formation. Ce dernier, comme évoqué
précédemment, met notamment à la disposition du public (entreprises, ONG, etc.), des
salles de réunion à louer. Depuis la fin de la construction de ce centre en 2007, Aj Quen
augmente son chiffre d’affaires d’année en année grâce à ce centre. C’est surtout entre
2009 et 2010 qu’il a connu une forte croissance (130 %, soit Q.683.076,90 en 2010).
En 2008, il procurait 19 % du total des rentrées, alors qu’en 2010, cette contribution
s’élevait à 38 %54.
Figure 1.3  Revenus d’Aj Quen
Source : Réalisation personnelle sur base des comptes financiers d’Aj Quen
En ce qui concerne l’artisanat textile, il représente la plus grande source de revenus
pour Aj Quen. Toutefois, au fil des années, sa contribution aux revenus totaux a
diminué : en 2008, l’artisanat représentait 81 % des ventes totales alors qu’en 2010, il
54
Cf. Annexe D: Informations comptables d’Aj Quen en 2010. Je n’ai pu obtenir les chiffres des revenus
totaux d’Aj Quen avant 2008. En conséquence, je ne peux tirer des conclusions pertinentes quant à la
viabilité de l’association.
31
Chapitre 1: L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango
constituait 62 %. De ce pourcentage, 16 % se sont écoulés localement en 2010, soit
Q.175.412,53. Ce chiffre est en baisse par rapport à l’année 2009 : les ventes locales
ont chuté de 7 % entre 2009 et 2010 et ne représentaient que 16 % des ventes totales en
2010, alors que le magasin local d’Aj Quen a été inauguré à la fin de l’année 2009.
C’est en 2003 que le rapport des ventes locales par rapport aux ventes totales a atteint
un sommet : 28 % des ventes d’artisanat étaient vendus sur le marché interne. Il semble
que cette année ait été la plus favorable aux ventes locales de textiles pour Aj Quen, car
depuis lors, le rapport des ventes locales par rapport aux ventes totales était compris
entre 9 % et 16 %. Il n’y a qu’en 2009 que celui-ci est monté jusqu’à 19 %. Sur les 7
dernières années (entre 2003 et 2010), les ventes locales dans le secteur textile ont
fluctué, ne dépassant pas toutefois Q.280.870,67, le chiffre le plus important, enregistré
en 2007.
Figure 1.4  Ventes d’artisanat d’Aj Quen
Source : Réalisation personnelle sur base des comptes financiers d’Aj Quen
À cause de la crise financière mondiale, les ventes extérieures dans le secteur de
l’artisanat textile équitable ont diminué. Cette tendance se remarque sur le graphique.
Les chiffres de 2010 se sont redressés de 18 % par rapport à 2009, mais malgré cela,
32
Chapitre 1: L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango
l’association n’a pu récupérer les ventes perdues depuis l’année 2008 (- 39% par
rapport à 2007), et encore moins depuis 2005 où les ventes extérieures s’élevaient à
Q.1.605.918,04.
Étant donné que l’offre d’Aj Quen se limite à la capacité productive des groupes, il est
logique d’observer qu’entre 2003 et 2007, lorsque les ventes extérieures augmentaient,
les ventes locales se réduisaient et vice versa. Aujourd’hui, le nombre de membres au
sein des groupes a augmenté, mais, les artisans ont également d’autres partenaires
qu’Aj Quen pour écouler leurs produits
Il faut cependant faire la distinction entre les ventes effectuées directement par les
artisans, et les ventes réalisées par l’association Aj Quen. En effet, les ventes directes
des artisans sont en augmentation et ce, notamment, grâce au projet d’ « accès aux
marchés locaux » d’Oxfam-Solidarité. Ce programme stimule la commercialisation
directe au Guatemala par un soutien économique et social (formations…). Ainsi, en
2010, les 25 groupes d’artisans ont écoulé directement 40 % de leurs ventes totales sur
le marché national (magasins touristiques, restaurants, communautés...) ce qui équivaut
à au moins 65.000 €55.
L’entreprise se rend compte des nombreux avantages à exporter vers les pays
développés, mais réalise également les inconvénients que cela comporte en temps de
crise. Pour cette raison, l’association compte renforcer les ventes sur les marchés
locaux, régionaux et chercher de nouvelles stratégies qui se déclinent en différents
projets56.
55
Étant donné que 2010 est la première année au cours de laquelle ont été comptabilisées les ventes
locales des artisans, je ne peux comparer ce chiffre avec les années antérieures. Néanmoins, d’après T.
VERCRUYSSE, ce pourcentage est en augmentation. Source : OXFAM-SOLIDARITÉ, Tablas de
bitácora – para el monitoreo de actividades, resultados y objetivos, Bruxelles, Oxfam-Solidarité,
document interne, 2010, p.1 ; entretien avec Monsieur Thomas VERCRUYSSE, Gestionnaire de
programme Guatemala-Nicaragua, OXFAM-SOLIDARITÉ, 10 mai 2011.
56
Ses projets au niveau local sont exposés dans le point suivant. Quant aux stratégies régionales, elles
seront abordées au chapitre 5.
33
Chapitre 1: L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango
À partir du modèle de gouvernance d’Aj Quen, de sa filière, de ses marchés et de ses
ressources, j’analyserai ci-dessous les stratégies de l’association, orientées vers le
marché interne.
Comme il a été analysé, Aj Quen dépend principalement du Nord pour la
commercialisation de ses produits. En ce qui concerne son approvisionnement en fils
de coton teints, l’association est sous la dépendance de son fournisseur actuel, Rio
Blanco. C’est pourquoi aujourd’hui, Aj Quen recherche les moyens les plus efficaces
afin d’être moins tributaire de ces partenaires et dans le but de se renforcer sur le
marché interne. Son plan d’action s’opère en collaboration avec différents organismes
locaux, afin de construire ensemble un projet équitable plus recentré.
En juillet 2010, la fédération a organisé en son siège le premier « salon national de
commerce équitable ». Cet événement a été réalisé grâce à la collaboration entre la
fédération, la CICJS, la Casa de Cervantes, Oxfam-Solidarité, etc. L’objectif de cet
événement était de faire connaître le commerce équitable au public, et en particulier le
magasin d’Aj Quen qu’elle a lancé elle-même, ainsi que son initiative auprès des
producteursquant à leur éducation et leur formation. En plus, les participants ont
bénéficié notamment de conférences et de débats sur le commerce équitable. Au total,
46 stands exposant des produits issus du commerce équitable (certifiés ou non) étaient
présents, mais malheureusement, les visiteurs étaient peu nombreux.
Par ailleurs, Aj Quen participe à différents événements institutionnels au travers des
réseaux dont l’organisation fait partie : l’Association de la Plate-forme Stratégique du
Secteur artisanale de l’Altiplano57 (APESA), Agexport, le Réseau alternatif d’échange
solidaire (RAIS)58, etc. Ces relations ont montré des résultats satisfaisants. Par
exemple, l’association participe aux foires locales d’économie solidaire organisées par
RAIS dans différentes régions du pays.
57
58
Région occidentale du Guatemala.
Nous reviendrons plus tard sur ces institutions.
34
Chapitre 1: L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango
À côté des ventes, Aj Quen réalise également d’autres activités avec les artisans telles
que l’accompagnement dans la production et la commercialisation, des formations
sociales et techniques, d’autres présentant les avantages et enjeux à vendre sur le
marché local, etc. Cela permet aux artisans de se rendre compte des réalités et des défis
qu’ils doivent affronter sur ce marché. D’ailleurs, ces formations ont porté leurs fruits
car certains groupes écoulent actuellement leurs produits de leur propre initiative et
avec leurs propres moyens sur les marchés locaux, et ne dépendent plus uniquement
des exportations d’Aj Quen. D’autres groupes d’artisans ont également obtenu le
soutien de leurs autorités municipales pour distribuer leurs produits. En outre, ces
communautés de producteurs font commerce avec les magasins d’articles typiques à
Panajachel, Sololá et dans d’autres villages circonvoisins. Aussi, ils vendent
directement aux touristes dans des endroits stratégiques comme le lac Atitlán
(Panajachel). D’autres encore écoulent leurs produits auprès d’ONG nationales. Ainsi,
les partenaires producteurs d’Aj Quen deviennent de plus en plus indépendants59.
Quant aux projets futurs qu’Aj Quen aimerait mettre en place pour stimuler ses ventes
dans son environnement immédiat, ils sont nombreux60. Premièrement, la fédération a
l’intention d’ouvrir un deuxième magasin. Celui-ci serait situé à Antigua, ville
beaucoup plus touristique que Chimaltenango. Cependant, les baux commerciaux dans
cette agglomération sont élevés et Aj Quen ne possède pas cet argent. CTM leur a donc
envoyé des fonds pour cette ouverture, mais l’argent serait bloqué à la banque pour des
problèmes administratifs. Après cela, Aj Quen a l’intention de rechercher davantage de
financements afin d’ouvrir de nouveaux magasins à Panajachel, Quetzaltenango,
Chichicastenango, etc. Toutefois, l’entreprise n’a encore effectué aucune étude de
marché à ce sujet afin de voir si ces points de vente seraient rentables.
Un autre projet est de développer le tourisme responsable dans les communautés.
D’ailleurs, une stagiaire y consacre en ce moment une étude. Aussi, Aj Quen aimerait
collaborer avec des agences de voyages afin que, sur leur chemin vers Panajachel, les
59
60
Le contenu de cette section est inspiré du rapport d’AJ QUEN, 2010, op. cit., p.10 et p.19.
Ils seront plus détaillés au chapitre 5.
35
Chapitre 1: L’entreprise Aj Quen à Chimaltenango
touristes s’arrêtent au magasin de Chimaltenango. Ainsi, l’association exposerait
l’histoire des artisans, en mettant l’accent sur leur apport culturel et économique.
Par ailleurs, le Coordinateur exécutif a émis l’idée d’organiser un séminaire de trois
jours avec les artisans, pour pouvoir notamment aborder le problème de la pénurie de
coton auquel ils sont actuellement confrontés. Cet événement devrait s’organiser en
partenariat avec APESA.
Aujourd’hui, les représentants de cette plate-forme stratégique du secteur artisanal
tentent d’améliorer et de réviser les politiques liées au développement de l’artisanat du
pays en collaborant notamment avec Aj Quen. Une Loi sur la Protection et le
Développement artisanal au Guatemala existe, mais elle n’est pas appliquée61. La lutte
actuelle du secteur de l’artisanat est donc d’élaborer une nouvelle loi qui protègerait
réellement le secteur artisanal et qui l’encouragerait à se développer (par exemple, au
moyen de réelles exonérations d’impôts).
En ce qui concerne le salon national du commerce équitable, la deuxième édition cette
année aura lieu à Antigua, au mois d’août 2011. Cette location stratégiquedans une
ville touristiqueapporte l’espoir d’attirer davantage de monde.
Enfin, demander des espaces de ventes dans des hôtels et restaurants, trouver des
distributeurs au niveau national, organiser un petit déjeuner équitable en même temps
qu’Oxfam-en-Belgique, vendre par catalogues, acheter un ancien bus, le peindre et
l’amener dans des endroits stratégiques, etc., l’association ne manque pas d’idées, et
c’est un bon signe, même si toutes ne peuvent être mises à exécution.
61
Cf. infra, chapitre 3.2. Législation.
36
Chapitre 2 : Environnement général au Guatemala
CHAPITRE 2 : ENVIRONNEMENT GÉNÉRAL AU GUATEMALA
Je citerai ici les quelques caractéristiques principales du Guatemala d’un point de vue
économique, social, politique et culturel qui nous aideront à comprendre la situation
des artisans dans ce pays62.
Le développement humain « suppose l’expression de la liberté des personnes de vivre
une vie saine, prolongée et créative ; de poursuivre des objectifs qu’elles considèrent
importants ; et de participer activement au développement durable et équitable de la
planète qu’elles partagent. Ces personnes sont les bénéficiaires et stimulatrices du
développement humain, que ce soit en tant qu’individu ou groupe. »63 Pour mesurer le
niveau de développement humain des pays, le Programme des Nations Unies pour le
Développement (PNUD) a créé un indice de développement humain composé de trois
dimensions : la santé, l’éducation et le niveau de vie d’un pays.
Durant les dernières décennies, le Guatemala a vu son IDH s’élever graduellement,
passant de 0,55 en 1990 à 0,634 en 2000 pour atteindre 0,704 en 2010 64. C’est surtout
en ce qui concerne l’éducation que l’avancée a été significative à partir de la fin du
conflit armé en 1996. En effet, l’indice mesurant le niveau d’éducation au Guatemala
s’élevait à 0,45 en 1990 et à 0,723 en 2010. Une telle augmentation de l’IDH nous aide
à positiver quant à la situation du pays. Toutefois, cette évolution est encore
insuffisante pour améliorer la position du pays par rapport au reste du monde. En effet,
selon les dernières estimations du PNUD, le Guatemala se classerait dans les pays au
développement humain moyen, placé 122e sur 182 pays évalués65.
62
Le contenu de cette section est inspiré du PNUD GUATEMALA, Guatemala : hacia un Estado para
el desarrollo humano: Informe nacional de desarrollo humano 2009-2010, Guatemala, Éditions du
PNUD, 2010, p.45-48. La traduction est de l’auteur
63
PNUD GUATEMALA, 2010, op. cit., p.45. La traduction est de l’auteur.
64
Cf. Annexe E : IDH au Guatemala.
65
Le Guatemala se place dans la catégorie de l’IDH moyen tout comme le Honduras, le Nicaragua, le
Congo, l’Inde, le Vietnam… La région de l’Amérique latine et des Caraïbes est aussi répertoriée dans
37
Chapitre 2 : Environnement général au Guatemala
Le modèle économique adopté dans les années 1980, basé sur la dérégulation du
marché, l’ouverture commerciale et la réduction de la participation de l’État dans
l’économie a permis une certaine stabilité macroéconomique. Malheureusement, il
n’est pas parvenu à élever la croissance à des niveaux espérés, ni à résoudre la situation
de profonde pauvreté et d’inégalité. En effet, le coefficient de Gini équivaut à 0,53766
selon le PNUD, ce qui fait du Guatemala un des pays les plus inégaux du monde avec
une classe moyenne très petite. Le modèle économique néolibéral en vigueur au
Guatemala est basé sur l’exportation de biens du secteur primaire, sur la concentration
des terres (8 % des propriétaires possèdent 57 % des terres) et sur l’inégale répartition
des revenus (le quintile des plus pauvres reçoit 2.9 % des revenus ; le quintile des plus
riches en reçoivent 60.2 %)67. La vision économique de ce modèle néolibéral est
également basée sur la concurrence dans le marché international à l’aide d’une maind’œuvre peu couteuse (maquila68), sur le tourisme et sur l’exploitation des biens
naturels (monoculture).
La paupérisation croissante du secteur de l’artisanat est en partie due à ce modèle de
croissance figé par une élite d’entreprises agraires et financières qui exclut les petits
producteurs, les femmes et les peuples indigènes. En 2006, 51 % de la population
guatémaltèque vivait sous le seuil de pauvreté et 15,2 % en situation d’extrême
pauvreté69. Enfin, la malnutrition chronique affecte 50 % de la population70.
cette catégorie. Source: KLUGMAN J., La verdadera riqueza de las naciones: Caminos al desarrollo
humano, Mexique, Mundi-Prensa, 2010, p.170.
66
Ce coefficient mesure les inégalités dans les revenus au sein d’une nation. Plus il est proche de 1 et
plus la société est inégalitaire. D’autres pays sont encore plus inégalitaires que le Guatemala, c’est le cas
notamment du Brésil, de l’Équateur, de la Bolivie, du Belize, de la Colombie, du Paraguay, de l’Afrique
du Sud, d’Haïti, de l’Union des Comores et de la Namibie, le pays le plus inégalitaire au monde (0,743).
Source: KLUGMAN, J., 2010, op. cit., p. 172-175.
67
OXFAM INTERNATIONAL, Propuesta Estratégica para Guatemala, Guatemala, Oxfam
International, document interne, 2010, p. 5.
68
Entreprises sud-coréennes ou nord-américaines de sous-traitance qui exportent 90 % de leur
production vers les États-Unis et qui bénéficient de faveurs des autorités nationales. La main-d’œuvre y
est bon marché, exploitée, peu qualifiée.
69
PNUD GUATEMALA, 2010, op. cit., p.163 et 317.
70
MCBAIN-HAAS, B., La crisis alimentaria y el Derecho a la Alimentación en Guatemala, in Tierra
Nueva, 2010, numéro 22, p.49-53.
38
Chapitre 2 : Environnement général au Guatemala
Le Guatemala est une république présidentielle multipartite de 14 400 000 habitants,
indépendante depuis le 15 septembre 1821. Le chef de l'État est le socialiste Álvaro
Colom Caballeros (Unité nationale de l’espoir), élu par suffrage universel pour 4 ans
(2007-2011). Les prochaines élections auront donc lieu cette année, en août.
En 1985, la nouvelle constitution politique de la république a vu le jour. Celle-ci a
permis un retour à la démocratie ainsi que des changements socioéconomiques et
politiques profonds. En 1996, les accords de paix mettant fin au long conflit armé ont
été signés. À cela s’ajoutent la création d’institutions, la promulgation de lois,
l’implémentation et la réorientation des politiques publiques, etc., qui ont favorisé les
développements économiques et humains. Toutefois, la globalisation et la crise
mondiale ont affaibli ces efforts. Pour promouvoir le développement humain, le peuple
a besoin d’un État fort se caractérisant comme un État de droit, efficace, légitime,
transparent, indépendant des intérêts corporatistes et possédant une capacité financière.
C’est loin d’être le cas de l’État guatémaltèque qui est influencé par quelques familles
qui détiennent le pouvoir économique et, qui favorisent souvent leurs intérêts au
détriment de l’intérêt public. Certes, l’État guatémaltèque a augmenté ses services de
santé et d’éducation, mais leur qualité laisse à désirer. Bien qu’il y ait eu des efforts
institutionnels, toute la population ne jouit pas encore des services de base. Malgré une
réforme sectorielle, la justice est lente et opère avec peu d’efficacité. Les personnes qui
travaillent pour l’État devraient normalement constituer la garantie de sa force.
Cependant, la corruption est plus que présente au sein de l’État. Par exemple, pour
maintenir l’ordre public (fonction principale de l’État), la sanction devrait être de
rigueur. Cependant, l’impunité règne sur ce pays et conséquemment, encourage à
l’irrespect de la loi et aux règlements de compte personnels.
71
Cette partie est inspirée de BANGUAT, Guatemala, in Politica de Guatemala : Noticias, Leyes,
Eventos
de
Guatemala,
Site
de
la
Politique
du
Guatemala,
adresse
URL:
http://www.politicagt.com/guatemala/ (page consultée le 21 avril 2011).
39
Chapitre 2 : Environnement général au Guatemala
L’État se dit « démocratique » et promet des tas de choses comme l’aide aux plus
pauvres par exemple. Dans son programme présidentiel, Álvaro Colom Caballeros a
lancé différentes stratégies. Mi Familia Progresa, par exemple, est un programme qui
consiste à transférer un peu d’argent aux familles vivant dans la pauvreté ou dans
l’extrême pauvreté pour permettre ainsi aux enfants d’avoir accès à la scolarité ou aux
soins de santé. Cependant, dans bien des familles, l’argent ne sert pas à cette fin. Les
« sacs solidaires » sont destinés à ces mêmes familles et sont composés d’aliments de
base destinés à nourrir les enfants et les mères enceintes ou allaitant72. La stratégie
utilisée est de donner un peu aux pauvres (via certains programmes sociaux), de telle
sorte qu’ils soient reconnaissants envers le Président, tout en s’assurant de limiter le
pouvoir de cette population. L’État providence n’a, de fait, jamais existé au Guatemala.
Le développement humain ne peut s’exercer dans une société qui se veut libre, mais où
les espaces de liberté sont réduits. Qui plus est, les élites jouissent d’une force telle
qu’elles empêchent la population d’exercer ses droits.
Pour être légitime, la démocratie devrait organiser une participation populaire, et pour
ce faire, il faudrait changer le système de prise de décisions qui est actuellement entre
les mains de peu d’acteurs. À ce sujet, récemment, des systèmes de représentation
locale ont été mis au point afin d’offrir un service public plus direct. Trois nouvelles
lois ont été promulguées en 2002. Elles définissent des espaces de participation
communautaire (COCODES : Conseil Communautaire de Développement), municipale
(COMUDES : Conseil Municipal de Développement), et départementale (COCODES :
Conseil Départemental de Développement) à partir de commissions en établissant les
responsabilités dans différents thèmes. À la différence des partis politiques de
dimension nationale, ces comités sont les moteurs de la participation locale et
communautaire.
72
HERRERA SANTOS, K., BOLAÑOS, S., Tercer año cumpliendo, Guatemala, Secretaría de
Planificación
y
Programación
de
la
Presidencia,
2011,
adresse
URL:
http://www.guatemala.gob.gt/docs/1265.pdf (page consultée le 15 mars 2011).
40
Chapitre 2 : Environnement général au Guatemala
Afin d’augmenter davantage le niveau de développement humain au Guatemala, il
faudrait aussi réduire l’écart entre les différentes couches de la population. L’État
devrait également stimuler des politiques qui confèreraient des chances égales aux
citoyens. Cela bénéficierait surtout aux peuples indigènes discriminés, subordonnées et
exploités depuis l’époque coloniale.
Les artisans vivent essentiellement dans les campagnes. En 1991, la population rurale
s’élevait à 59 % de la population totale. En 2010, elle était d’environ 54 %74. L’exode
rural a donc augmenté ces dernières années. Parmi cette population de pauvres (75 %
des ruraux sont pauvres), la population indigène maya est largement représentée
(surtout dans la région nord-occidentale), et est exclue du partage des richesses. Selon
l’Institut national des Statistiques75, la population indigène constitue 40 % de la
population totale (bien que d’après certaines organisations indigènes, ce pourcentage
dépasse 60%76).
Les peuples indigènes doivent affronter la discrimination, l’exclusion et la
marginalisation. La discrimination est quadruple : entre les hommes et les femmes ;
entre les Indigènes et les Ladinos ; entre les riches et les pauvres ; entre les urbains et
les ruraux. Être une femme pauvre indigène et rurale est la pire situation qu’un
Guatémaltèque puisse vivre.
La discrimination au niveau du genre prend ses racines dans le système traditionnel de
pouvoir de la société guatémaltèque qui est machiste et patriarcal. La femme est vue
73
Cette section est notamment inspirée d’OXFAM INTERNATIONAL, 2010, op. cit., p.3,5, 8.
LEON, C., Guatemala: Country Brief, in The World Bank, Site de la Banque Mondiale, adresse URL:
http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/COUNTRIES/LACEXT/GUATEMALAEXTN/ (page
consultée le 21 avril 2011).
75
Cité par PNUD GUATEMALA, 2010, op. cit., p.121.
76
Cité par OFICINA TÉCNICA DE COOPERACIÓN DE GUATEMALA, Proyecto de Pueblos
Indígenas, in Agencia Española de Cooperación Internacional para el Desarrollo (AECID), Site de la
Agence espagnole de coopération internationale pour le développement, adresse URL:
http://www.aecid.org.gt/aecid/index.php?option=com_content&view=article&id=21&Itemid=37 (page
consultée le 5 mai 2011).
74
41
Chapitre 2 : Environnement général au Guatemala
comme un être inintelligent, sans éducation, qui sert uniquement aux tâches
reproductives et ménagères. Son rôle est de servir l’homme qui bien souvent, bat sa
femme. En outre, la plupart des femmes indigènes sont analphabètes. Elles n’ont pas de
travail formel et dépendent d’activités informelles pour survivre, ce qui les rend
d’autant plus dépendantes de leur époux. Quant à la discrimination de classe et celle
que les citadins expriment envers les ruraux, elles se ressentent dans la vie quotidienne,
dans la rue, dans le bus, etc., par des regards qui en disent long. Cette discrimination
qui considère les populations les plus démunies et les petits paysans comme des êtres
inférieurs, accélère malheureusement le processus de disparition de l’identité culturelle
de ceux-ci. Enfin, la discrimination sur laquelle nous nous attarderons le plus est celle
qui existe entre les peuples indigènes et les Ladinos.
Le racisme est un problème historique qui prend sa source dans le colonialisme et
l’esclavagisme et qui engendre toujours actuellement de la violence dans le pays. Ce
phénomène menace les peuples indigènes dans tous les aspects de leur vie individuelle
et collective, dans leur manière d’interpréter le monde, dans leur forme d’organisation
et dans leurs valeurs culturelles, spirituelles et traditionnelles.
Il existe une énorme brèche économique générée par le racisme entre la population
indigène (qui se distingue par son uniforme typique) et non indigène. La liste des
exemples de discrimination envers les Indigènes est longue. Nous n’en reprendrons ici
que quelques-uns. Tout d’abord, les travailleurs indigènes touchent un salaire jusqu’à
50 % moins élevé que les employés non indigènes (cela favorise également le secteur
informel). Ensuite, en 2008, seulement 5 % de la population indigène avait accès à
l’éducation universitaire, et 62 % des enfants indigènes étaient exclus du système
primaire. La discrimination envers les Indigènes se manifeste à travers des actes de
génocide, d’ethnocide et d’écocide. La non-reconnaissance de leurs droits sur leurs
ressources naturelles, économiques, sociales, politiques et culturelles se traduit par des
pratiques de dépossession, d’expropriation, de confiscation, d’usurpation et de
domination de leurs ressources. Par exemple, en mars dernier, 2500 paysans indigènes
se sont retrouvés sans abris après avoir été violemment expulsés de leurs terres par les
autorités nationales suite à un litige concernant la propriété des terres.
42
Chapitre 2 : Environnement général au Guatemala
Dans les écoles, les enfants n’apprennent pas à être fiers de leur culture pourtant si
riche. On leur apprend plutôt à suivre l’exemple américain et à « s’occidentaliser ».
C’est aussi une forme de dévalorisation de leurs pratiques culturelles qui favorise la
discrimination des peuples indigènes. Citons aussi le manque d’accès aux services de
base (santé, éducation et logement). En bref, l’exclusion est politique, économique et
culturelle.
Aujourd’hui, de plus en plus de mouvements sociaux s’insurgent contre cette situation.
Mais il est fréquent que leurs leaders se fassent assassiner s’ils sont trop virulents.
L’État se rend tout de même compte de la nécessité d’agir contre cette discrimination.
Par exemple, une commission présidentielle contre la discrimination et le racisme a été
créée en 2000 pour tenter d’insérer davantage la population indigène à la société
guatémaltèque. Cette commission a pour but de développer des politiques publiques
visant à éradiquer la discrimination raciale. Son programme de 2006 pour l’élimination
du racisme et de la discrimination raciale tarde cependant à porter ses fruits77.
Dans le pays, le mélange des croyances ancestrales mayas et du catholicisme importé
est omniprésent. Aujourd’hui, les protestants se sont également implantés dans le pays.
Au Guatemala, la religion est très populaire (il suffit de voir le nombre important de
pratiquants dans les églises).
Au Guatemala, on compte 25 langues différentes au total : 22 langues mayas, le xinca,
garifona et l’espagnol. Ce dernier est la langue officielle du pays et est parlé par
77
Cette politique envisage 120 actions (légalisation et reconnaissance des terres et des ressources
communautaires, le respect des cultures, l’harmonisation de la législation du travail éliminant la
discrimination salariale, etc.) réparties en six axes : socioéconomique, environnemental, culturel,
politique et juridique, formation citoyenne, égalité dans l’accès aux servies de l’État.
43
Chapitre 2 : Environnement général au Guatemala
environ 60 % de la population. Les 24 autres dialectes sont également reconnus
officiellement. Ils sont surtout parlés par les Indigènes.
Dans les années 1980, les flux migratoires étaient la conséquence des problèmes
politiques générés par le conflit armé. La spirale de violence qu’a connue le pays a
obligé des milliers de Guatémaltèques à migrer vers le Mexique et les États-Unis (dont
des artisans). À partir des années 1990, les Guatémaltèques ont migré afin de rejoindre
leur famille et de trouver un emploi. Les catastrophes naturelles amplifient ce
phénomène. Cependant, il est difficile d’en mesurer exactement les proportions.
Par ailleurs, le Guatemala n’est pas un grand pays récepteur de migrants. Étant donné
sa situation géographique, il est plutôt un pays de transit pour les personnes qui tentent
d’entrer aux États-Unis.
L’emploi dans le secteur de l’agriculture a chuté. En effet, il s’élevait à 49,9 % du total
de l’emploi au Guatemala en 1989, et a baissé à 39,4 % en 2000 et jusqu’à 33,2 % en
2010. Le phénomène inverse s’est produit pour les services qui représentaient 32 % du
total des emplois en 1989 et 43,8 % en 2010. En ce qui concerne l’industrie, le
pourcentage se maintient à 23 % sur les 20 dernières années.
Par ailleurs, le secteur informel est assez important dans l’économie du Guatemala ce
qui pose un problème de ressources pour l’État. En 2000, ce secteur fournissait environ
75 % des emplois au Guatemala. En 2006, ce chiffre aurait diminué à 71,3 %. Un des
grands problèmes du pays est l’incapacité à générer suffisamment d’emplois pour les
nouveaux travailleurs. Bien que ces derniers cherchent à avoir un emploi formel, et
78
Cette section est inspirée de LEON, C., Guatemala: Country Brief, In The World Bank, Site de la
Banque Mondiale, adresse URL:
http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/COUNTRIES/LACEXT/GUATEMALAEXTN/(page
consultée le 21 avril 2011).
44
Chapitre 2 : Environnement général au Guatemala
ainsi accéder aux bénéfices de sécurité sociale et à d’autres prestations, le manque
d’opportunités les en empêche. En conséquence, sur les cinq millions de travailleurs de
la population active, au moins 3,75 millions de Guatémaltèques font partie du secteur
informel. Ce type d’économie représenterait 51,4 % du Produit Intérieur Brut (PIB)79.
Cela fait du Guatemala le pays au secteur informel le plus important d’Amérique
Centrale.
L’économie du Guatemala est considérée par l’Organisation Mondiale du Commerce
(OMC)81 comme étant ouverte et surtout tournée vers les exportations. En 2009, le
commerce extérieur du pays représentait 56,5 % de son PIB. Les importations et
exportations se sont considérablement développées au cours de la période 2003-2008
avant de chuter en 200982. « La stratégie commerciale du Guatemala s'inscrit dans un
programme de développement économique dont l'objet est de renforcer tous les
mécanismes du marché et de stimuler la compétitivité» 83.
Les exportations de biens et services représentaient 23,4 % du PIB en 2009, soit 8,620
milliards de dollars. Elles ont connu une augmentation constante jusqu’en 2008, avant
de baisser de 6% en 2009. Les produits primaires représentent un peu plus de la moitié
de ces exportations. Dans cette catégorie, les biens alimentaires prédominent, avec en
particulier le café (représentant 8,1 % des exportations totales), le sucre (7 %) et la
79
Le PIB du Guatemala en 2009 s’élevait à 37,66 milliards de dollars. En 20 ans, il a quadruplé.
Cependant, la crise économique a fait baisser ce dernier de 3% en 2008 et en 2009.
80
Cf. Annexe F : Commerce extérieur du Guatemala.
81
Le contenu de cette section est inspiré du Moniteur du Commerce international, Fiche Pays :
Guatemala, in LEMOCI, Site du Moniteur du Commerce International, adresse URL :
http://www.lemoci.com/Guatemala/14-Indicateurs-economiques.htm (page consultée le 18 mai 2011) et
d’ORGANE D’EXAMEN DES POLITIQUES COMMERCIALES, Examen des politiques
commerciales : Rapport du Secrétariat Guatemala, 2e éd., Guatemala, Organisation mondiale du
Commerce, 2009, p.10-17,18, 22. Cette étude est la dernière en date effectuée par l’OMC.
82
La période considérée pour cette section s’étend de 2003 à 2009.
83
ORGANE D’EXAMEN DES POLITIQUES COMMERCIALES, 2009, op. cit., p.18.
45
Chapitre 2 : Environnement général au Guatemala
banane (6,1 %). En 2007, le Guatemala était le sixième producteur mondial de café.
Cette activité constitue l’un des piliers fondamentaux de son économie. Cependant, en
2000-2001, la surproduction mondiale de cette denrée a fait chuter les prix. À cela
s’ajoutent les sécheresses successives et les catastrophes naturelles qui n’aident pas le
pays à sortir de ce marasme.
Une autre catégorie importante dans les exportations du Guatemala est celle des
vêtements. En 2009, les chemisiers, blouses, etc. représentaient 6,5 % du total des
exportations. Par contre, le secteur textile ne représente que 3 % du total des
exportations, envoyé principalement vers les États-Unis.
Les importations de biens et services représentaient 33,1 % du PIB en 2009, soit 13,388
milliards de dollars. Elles étaient également en croissance jusqu’en 2008 puis elles ont
chuté de près de 10 % en 2009. Au cours de la période considérée, la composition
totale des importations est restée relativement stable. Cependant, dans les produits
primaires, la part des biens alimentaires a reculé alors que le phénomène inverse s’est
produit pour les combustibles, en raison principalement de la hausse des prix du
pétrole. Par ailleurs, le pays concentre majoritairement ses importations sur les huiles
de pétrole qui affichent un pourcentage de 17,3 sur le total des importations en 2009.
En ce qui concerne les médicaments, ils sont importés à mesure de 3 % de ce total.
Les fils de coton étaient en 2009 le cinquième produit le plus importé du pays avec
1,6 % des importations totales. Les régions côtières du Guatemala produisaient
auparavant ce produit, mais sa culture a été substituée par celle des fruits et légumes
destinés à l’exportation. Par conséquent, le Guatemala doit maintenant importer cette
matière dont il a besoin pour sa production textile. Le coton a donc été victime de la
stratégie commerciale du pays.
46
Chapitre 2 : Environnement général au Guatemala
La majeure partie des échanges du Guatemala se déroule avec des pays
géographiquement proches, et également partenaires des accords de libre-échange84.
Les États-Unis restent le principal débouché des exportations guatémaltèques avec
41 % du total en 2009. Son deuxième marché est l'Amérique centrale qui, dans son
ensemble, est intervenue pour 27,5 % sur la même année. Les clients principaux des
exportations guatémaltèques dans cette région sont le Salvador (11,3 %) et le Honduras
(8,4 %).
Les pays géographiquement proches du Guatemala sont également ses principaux
fournisseurs. Les États-Unis ont contribué pour 36,2 % dans ses importations totales en
2009, et le Mexique pour 10,4 %. De plus, les produits asiatiques envahissent
actuellement le marché guatémaltèque (9 % des importations proviennent de la Chine
et 2,9 % de la Corée du Sud).
En raison du déséquilibre de ces échanges, la balance commerciale du Guatemala est
constamment déficitaire. En 2009, ce déficit s’est tout de même réduit, passant de 5,575 milliards de dollars en 2008 à -3,301 milliards de dollars l’année suivante85.
84
« En 2007, les exportations vers les partenaires avec lesquels le Guatemala a des accords préférentiels
en vigueur représentaient 77,2 % de ses exportations totales; la part était de 61,7 % [pour les]
importations ». Source : ORGANE D’EXAMEN DES POLITIQUES COMMERCIALES, 2009, op. cit.,
p.22.
85
« Le grave déficit de la balance commerciale a été compensé en grande partie par l'importance des
transferts. Ceux-ci sont essentiellement constitués des envois de fonds, qui, en 2007, se sont chiffrés à 4
112 millions de dollars, soit 12,3 pour cent du PIB guatémaltèque ». Source : d’ORGANE D’EXAMEN
DES POLITIQUES COMMERCIALES, 2009, op. cit., p.10.
47
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
CHAPITRE 3 : ANALYSE DU MARCHÉ DE L’ARTISANAT
ÉQUITABLE GUATÉMALTÈQUE
Maintenant que les environnements microéconomique et macroéconomique généraux
dans lesquels évolue Aj Quen ont été étudiés, il s’avère intéressant de s’arrêter sur le
secteur d’activités de l’association. Un des objectifs fondamentaux de ce chapitre sera
de cerner la place de l’artisanat textile équitable sur le marché guatémaltèque, ses défis
et ses enjeux. Dans ce chapitre, je clarifierai tout d’abord les concepts d’ « artisanat » et
d’ « équitable ». En effet, cette distinction nous aidera par la suite à mieux comprendre
la situation du commerce équitable au Guatemala. J’examinerai ensuite les
caractéristiques de ce marché artisanal. Grâce aux enquêtes effectuées sur le terrain,
enrichies d’informations bibliographiques, je dresserai le panorama général du marché
de l’artisanat équitable guatémaltèque, tant du côté de l’offre que de la demande.
Ensuite, je mettrai ces informations en perspective avec d’autres pays producteurs
d’artisanat textile.
86
Ces deux concepts ne sont pas inconnus, mais serait-il aisé de clairement les définir ?
Selon le Petit Larousse87, l’artisanat est un «métier, [une] technique de l’artisan » et
l’artisan est un « professionnel qui exerce à son compte un métier manuel, souvent à
caractère traditionnel ». Le Centre de Commerce International des Nations Unies
(CCI)88 définit l’artisanat comme « un groupe de produits élaborés avec les matériaux
86
Le contenu de cette section est en partie inspiré de FUNDACIÓN ESPAÑOLA PARA LA
INNOVAVACIÓN DE LA ARTESANÍA, Guía de Comercio Justo para artesanos y artesanas de
América Latina, Madrid, Cooperación española, 2007, p. 19, 21-22, 25-26, 43.
87
JEUGE-MAYNART, I., Dictionnaire Le Petit Larousse 2008, France, Éditions Le Petit Larousse
Illustré, 2007, p.70.
88
Dans le but de réglementer le commerce dans le monde, l’Organisation des Nations unies a créé le CCI
en 1964. L’objectif de cet organisme est d’ « œuvrer au développement du commerce pour les économies
en développement et en transition ». Concrètement, le CCI leur apporte une assistance technique en
matière commerciale. « Conformément au mandat qui nous est donné par l’Organisation mondiale du
commerce et les Nations Unies par le biais de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le
48
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
suivants : cuir, métal, céramique, textile, bois, vannerie, verre, cire et fibres
végétales »89. Aj Quen centre ses objectifs sur un artisanat de type textile. L’organisme
des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture (UNESCO) insère quant à
lui l’artisanat dans une perspective plus globale90 : « Les produits artisanaux sont
produits par les artisans, totalement à la main ou avec l’aide d’outils manuels ou
mécaniques, mais la contribution manuelle directe de l’artisan reste le composant le
plus important du produit fini... La nature spéciale des produits artisanaux se base sur
ses caractéristiques distinctes, qui peuvent être utilitaires, esthétiques, artistiques,
créatives, liées à la culture, décoratives, fonctionnelles, traditionnelles, symboliques et
significatives d’un point de vue social ou religieux.»
De par sa nature (à faible technologie, travail traditionnel), l’artisanat est, dans les pays
du Sud, un secteur d’activité principalement occupé par les classes sociales les plus
défavorisées. Dans ces communautés pauvres, les producteurs manquent des capacités
entrepreneuriales nécessaires pour initier ou amplifier une activité formelle. Les
besoins en formation et en personnes ressources sont criants. C’est ici que la dimension
équitable entre en jeu.
Apparu vers les années 1950, la raison d’être du commerce équitable est de venir en
aide à ces producteurs en situation de vulnérabilité. Dans un document de travail rédigé
en 2009, S. Poos91 reprend la définition du commerce équitable selon la formulation de
développement (CNUCED), nous appuyons les stratégies réglementaires, de recherche et de politique
générale de nos organisations mères ». La CNUCED quant à elle, « vise à intégrer les pays en
développement dans l´économie mondiale de façon à favoriser leur essor. Elle est devenue
progressivement une institution compétente, fondée sur le savoir, dont les travaux visent à orienter le
débat et la réflexion actuels sur la politique générale du développement, en s´attachant tout
particulièrement à faire en sorte que les politiques nationales et l´action internationale concourent
ensemble à faire naître le développement durable ». Source : CENTRE DU COMMERCE
INTERNATIONAL, Rôle de l’ITC au sein de l’ONU et de l’OMC, in CCI, Site du Centre de Commerce
international, adresse URL : http://www.intracen.org/a-propos/role-de-l-itc-au-sein-de-l-onu-et-de-lomc/ (page consultée le 20 mai 2011).
89
Cité par INFOARTESANIAS, Site de infoartesanias.com du Ministère de l’Économie guatémaltèque,
adresse URL : http://infoartesanias.com/ (page consultée le 26 avril 2011). La traduction est de l’auteur.
90
Cité par FUNDACIÓN ESPAÑOLA PARA LA INNOVAVACIÓN DE LA ARTESANÍA, 2007,
op.cit., p.19. La traduction est de l’auteur.
91
Cité par POOS, S., Le commerce équitable en 2009, in Trade for Development Center, Site de la
coopération technique belge, 2009, p.7, adresse URL : http://www.befair.be/fr/articles/www-befair-be/2-
49
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
FINE : «Le commerce équitable est un partenariat commercial, fondé sur le dialogue,
la transparence et le respect, dont l’objectif est de parvenir à une plus grande équité
dans le commerce mondial. Il contribue au développement durable en offrant de
meilleures conditions commerciales et en garantissant les droits des producteurs et des
travailleurs marginalisés, tout particulièrement au Sud de la planète. Les organisations
du Commerce équitable (soutenues par les consommateurs) s’engagent activement à
soutenir les producteurs, à sensibiliser l’opinion et à mener campagne en faveur de
changements dans les règles et pratiques du commerce international conventionnel.
L’essence du Commerce équitable est de : travailler délibérément avec des producteurs
et des travailleurs marginalisés afin de les aider à passer d’une position de
vulnérabilité à la sécurité et à l’autosuffisance économique ; donner plus de poids aux
producteurs et aux travailleurs en tant que parties prenantes de leurs organisations ;
jouer activement un plus grand rôle dans l’arène mondiale pour parvenir à une plus
grande équité dans le commerce mondial.» Ainsi, le commerce équitable est un
mouvement international formé par des organisations du Sud et du Nord, avec le
double objectif d’améliorer l’accès au marché des producteurs défavorisés et de
changer les règles injustes du commerce international. Grâce au commerce équitable,
les producteurs des pays en développement peuvent accéder aux marchés du Nord en
établissant des relations commerciales stables et transparentes, dans lesquelles sont
réduits au maximum les intermédiaires inutiles et où les producteurs ont la garantie
d’un salaire décent. Par ailleurs, le modèle équitable envisage ces relations comme un
processus à long terme où les aspects sociaux et environnementaux sont pris en compte
(au même titre que les critères économiques).
Dans les années 1960-1970, deux types de marchés se sont développés : le marché des
produits alimentaires et de l’artisanat. Les producteurs du Sud ont alors été sollicités
par les importateurs du Nord ainsi que par les organisations de solidarité internationale.
ressources/ressources.cfm (page consultée le 24 octobre 2010).
50
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
Traditionnellement, le marché du commerce équitable se structure en filières
intégrées92 où les producteurs sont en relation directe avec des importateurs spécialisés.
Les communautés de producteurs, comme par exemple des artisans, représentent le
premier maillon du commerce équitable, et le fruit de leur travail résulte en un grand
nombre de produits artisanaux pour lesquels les travailleurs reçoivent un salaire décent.
Notons tout de même que par rapport au marché mondial, le commerce équitable reste
marginal : il représentait moins de 1 % du commerce mondial en 2010 selon
l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE)93, soit un
montant d’un peu plus de 4 milliards d’euros. Chaque année, ce chiffre est en
augmentation94.
Produire de l’artisanat équitable implique de se conformer à des principes. La WFTO
les a formalisés en une série de standards vérifiables. À la lecture de ces critères, il
semble évident que le commerce équitable défend des valeurs qui vont bien au-delà du
seul objectif lucratif. Il s’agit de développer le potentiel humain des communautés
(renforcement des capacités techniques), d’établir un climat de collaboration entre les
producteurs et les acheteurs (par le préfinancement par exemple), et de manière
92
« La filière intégrée ou spécialisée est la forme historique du commerce équitable. Elle est constituée
de réseaux de PME, de coopératives et d’associations assurant ensemble ou séparément de multiples
fonctions : importation des produits, distribution, sensibilisation, plaidoyer. Proche des principes de
l’économie solidaire, la fonction d’éducation au développement, le contact humain, l’approche
institutionnelle priment sur la performance commerciale. Le modèle de la filière labellisée… est fondé
sur le respect de termes de référence (reprenant les critères du CE) par un opérateur conventionnel…
que ce soit un importateur ou un transformateur.» Source : HABBARD, P., Le commerce équitable :
filière intégrée, filière labellisée, in RURALINFOS : Le service d’informations rurales, Site de
Ruralinfos, adresse URL : http://www.ruralinfos.org/ (page consultée le 12 décembre 2010). En d’autres
mots, « la filière intégrée, plus adaptée à des modes de productions artisanaux, se préoccupe de la
garantie des modes de production sur l'ensemble de la filière du producteur au consommateur... La
filière labellisée concerne essentiellement les produits agricoles …c’est en effet la matière première qui
est ici garantie, achetée selon les critères de commerce équitable ». Source : PFCE, Les filières et
produits, in Plate-forme pour commerce équitable, Site de la plate-forme pour le commerce équitable,
adresse URL : http://www.commercequitable.org/lecommerceequitable/les-filieres-et-produits.html
(page consultée le 18 mai 2011).
93
Cité lors de mon entretien avec Madame Christine ENGLEBERT, Responsable du marché des
boissons chaudes et international, MAX HAVELAAR, le 5 avril 2011.
94
Ce chiffre ne reprend que les ventes des produits labellisés de la Fairtrade Labelling Organization
(FLO), l’organisation qui coordonne la labellisation du commerce équitable surtout les aliments au
niveau international.
51
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
générale, de leur assurer un développement durable toujours dans le respect de
l’environnement. Les thèmes abordés sont les suivants : créer des opportunités pour les
travailleurs défavorisés ; la transparence et la responsabilité ; les pratiques
commerciales équitables ; le payement d’un prix juste ; le travail des enfants et le
travail forcé ; la non-discrimination, l’égalité des sexes et la liberté d’association ; les
conditions de travail ; le développement des compétences ; la promotion du commerce
équitable ; l’environnement95.
Au contraire de l’artisanat conventionnel, l’artisanat équitable répond à ces
caractéristiques du commerce équitable. Bien entendu, ce dernier n’est pas sans
lacune : un des principaux inconvénients de l’artisanat équitable est que, pour être
certifiées, les organisations doivent s’acquitter chaque année d’une somme
considérable pour la cotisation et les frais de suivi.96
Après avoir défini le commerce équitable, je vais à présent m’attacher à définir les
caractéristiques du marché artisanal textile équitable. Pour cela, je dresserai d’abord le
profil du dit marché. Ensuite, j’en analyserai l’offre et la demande. Enfin, je mettrai ces
données en perspective avec d’autres pays produisant de l’artisanat textile équitable
afin de déterminer la place de cette activité sur le marché guatémaltèque.
95
Cf. Annexe B : Les 10 standards du commerce équitable. Source : OXFAM-MAGASINS DU
MONDE, WFTO – Les 10 Standards du Commerce Equitable, approuvés par l’Assemblée générale,
Blanckenberge, Oxfam-Magasins du monde, document interne, mai 2007, 5p.
96
La cotisation annuelle est fonction du chiffre d’affaires et du type d’adhésion (organisations de
commerce équitable, réseaux de commerce équitable, etc.). Celle-ci s’élève à minimum 250 € et
maximum 1500 € pour les membres d’Amérique latine. Les frais de suivi varient entre 25 € et 1000 € en
fonction du chiffre d’affaires. Source : World Fair Trade Organization, Cotisations à partir de janvier
2008, in World Fair Trade Organization, Site de l’Organisation mondiale du Commerce équitable,
adresse URL : http://www.wfto.com/index.php?option=com_content&task=view&id=155&Itemid=187
(page consultée le 13 mai 2011).
52
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
Dans cette partie, j’étudierai la réalité et les défis de l’artisanat équitable à partir de
l’application à la filière d’Aj Quen.
Chaîne de valeur
En général, les produits d’artisanat textile, qu’ils soient équitables ou conventionnels,
suivent ce schéma.
97
Cette section est notamment inspirée de DUNN, E., et al., Research Protocol for the Guatemala
Country Study AMAP BDS Component A: Clients and Markets Accelerated Micro Enterprise
Advancement Project, in United States Agency International Development (USAID), Site de l’Agence
des
États-Unis
pour
le
Développement
International,
p.3-6,
adresse
URL:
http://pdf.usaid.gov/pdf_docs/PNADI914.pdf (page consultée le 14 mai 2011). L’objectif poursuivi par
cet organisme est d’améliorer les conditions de vie dans les pays en développement au travers de la
démocratie et du libre marché. USAID procure notamment une assistance technique au Guatemala. Pour
décrire la chaîne de valeur, USAID a réalisé une étude impliquant 390 répondants pour les quatre
niveaux de la chaîne, dans les départements de Sacatepéquez, Chimaltenango et Sololá.
53
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
Figure3.1 : Chaîne de valeur de l’artisanat textile au Guatemala
Source : United States Agency for International Development (USAID)
Cette chaîne de valeur indique quatre niveaux de base: l’approvisionnement en intrants,
la production, la vente en gros et la vente au détail.
La chaîne débute avec l’approvisionnement en matières premières telles que les
accessoires servant à la confection, les métiers à tisser, le matériel nécessaire à
l’emballage ainsi que les fils de coton teints ou à teindre. En effet, certains producteurs
achètent du coton brut et se procurent eux-mêmes les colorants désirés : naturels (à
base de substances végétales et animales), sans métaux lourds, etc.
Dans le secteur de l’artisanat, les producteurs sont généralement des femmes
indigènes tisserandes vivant dans le milieu rural (bien que certains hommes tissent
également). Elles s’organisent couramment en « micro et petites entreprises » (MSE).
Celles-ci désignent les firmes comportant moins de 25 employés à temps plein ou
partiel.98
98
USAID estime qu’entre 700 000 et 900 000 producteurs s’organisant en micro et petites entreprises.
Les cases bleues du schéma représentent la prédominance de ce type d’organisations au Guatemala. Pour
la plupart des producteurs, des intermédiaires ainsi que beaucoup de revendeurs sur les marchés
54
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
Afin de commercialiser les produits au niveau du commerce de détail, la chaîne de
valeur présente les trois canaux de distribution principaux: les magasins exclusifs
d’artisanat (concentrés surtout à Antigua), les marchés touristiques et populaires ainsi
que l’artisanat exporté et revendu au détail dans des marchés internationaux. Les deux
premières catégories se concentrent surtout dans les zones principales de transit
touristique, dans des centres commerciaux, et dans les marchés les plus importants du
pays (comme le marché central et le marché d’artisanat de la capitale, à Antigua, à
Panajachel, à Quetzaltenanago, à Chichicastenago, etc.).
Les magasins exclusifs offrent des produits de qualité, souvent basés sur des modèles
créés personnellement par le propriétaire du magasin. Les principaux clients de ces
boutiques font partie des classes moyennes et élevées de la population guatémaltèque,
mais aussi d’Amérique centrale, des États-Unis, d’Europe et du Japon.
La catégorie des marchés touristiques et populaires inclut les marchés traditionnels,
mais aussi les petites échoppes d’artisanat et les vendeurs ambulants. Ces milliers de
points de vente sont généralement rassemblés sur des marchés d’artisanat (non
équitable). Dans certains cas, les artisans vendent exclusivement leurs produits, dans
d’autres cas, ils vendent des articles achetés à différents producteurs en plus de leurs
produits afin de proposer un plus large choix aux clients. Toutefois, bien souvent, des
revendeurs se fournissent des produits achetés sur les marchés d’artisanat de la capitale
et se font passer pour les producteurs afin de duper les touristes. Ces marchés
populaires sont aussi le lieu où les autochtones se procurent leur tenue traditionnelle.
Ces endroits véhiculent l’image du pays et de son artisanat coloré. Cependant, les prix
sont marchandés, souvent très bas, et la qualité est médiocre. De plus, la concurrence
est agressive et on peut retrouver de l’artisanat venant d’Asie (se faisant passer pour de
l’artisanat guatémaltèque). Enfin, l’offre est massive, et il est parfois difficile de s’y
retrouver.
populaires et touristiques se dotent d’une pareille structure. Elle peut prendre la forme d'ateliers
familiaux, d’organisations collectives de production ou d’ateliers intégrés aux organisations
d’exportation par exemple.
55
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
Dans le troisième canal de distribution de la vente au détail, l’artisanat textile est
exporté et vendu au travers de points de vente internationaux. Il existe deux types
d’exportateurs. D’une part, ceux qui se dédient à plein temps à cette activité, résident
au Guatemala et vendent leurs produits à des importateurs étrangers. D’autre part, le
second type est représenté par l’ « exportateur-voyageur ». Celui-ci vit en dehors du
pays et s’y rend une ou plusieurs fois par an afin d’acquérir des produits de l’artisanat
textile et les ramener dans son pays. Il les revend alors dans son propre magasin ou à
d’autres points de vente. Le flux d’informations est plus important dans ce canal de
distribution. Les importateurs communiquent à leur exportateur exactement ce qu’ils
veulent, parfois en envoyant leurs propres modèles comme je l’ai décrit précédemment
pour la filière d’Aj Quen. En effet, la plupart des organisations exportatrices suivent le
même modèle que la fédération (contrôles de qualité, élaborations de patrons, achat des
matières premières à répartir dans les groupes, acompte de 50% sur la valeur de la
commande, etc.).
Afin de réduire le nombre d’intermédiaires entre les niveaux de la production et ceux
de la vente au détail, certains exportateurs et commerçants domestiques achètent
directement les produits aux artisans. Cependant, lorsque de grands volumes sont
impliqués, ces exportateurs et commerçants préfèrent généralement travailler avec des
intermédiaires de la vente en gros, soit des organismes extérieurs à la production
d’artisanat qui rassemblent les produits de différents groupes d’artisans (c’est le cas
d’Aj Quen) 99, soit les leaders d’un groupe de producteurs représentant leurs membres.
Beaucoup de producteurs ne suivent pas qu’un seul canal de distribution, mais bien
plusieurs afin de tirer le plus d’avantages possibles de chaque canal. Par exemple, le
prix à l’unité est plus élevé et plus prévisible dans la chaîne populaire, mais le volume
des ventes peut être plus élevé à l’exportation.
99
Les « Artisan-Broker » dans le schéma représentent ces intermédiaires qui opèrent au niveau de la
vente en gros de la chaîne de l’artisanat textile. Souvent, l’intermédiaire est propriétaire d’une très petite
ou petite entreprise et possède des connaissances techniques de tissage. Il coordonne le travail de
différents tisserands afin de satisfaire les commandes d’une personne ou organisation tierce. Cet
intermédiaire peut également gérer un magasin ou une échoppe sur les marchés populaires et
touristiques.
56
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
L’artisanat équitable peut se trouver à chaque étape de la chaîne de valeur, excepté
sur les marchés populaires et touristiques, mais il n’est pas encore très fréquent.
Artisanat textile général
Au Guatemala, l’artisanat constitue une partie fondamentale de la culture, et ce, depuis
des siècles. Les artisans attachent une grande importance à la promotion et à la
diffusion de l’expression culturelle via l’art textile. À l’étranger, c’est surtout cet
artisanat textile qui est connu. Il évoque l’identité des communautés grâce aux dessins
et aux couleurs possédant une valeur symbolique. Cependant, ces dernières années, les
produits ont dû s’adapter à la mode afin de se vendre comme je l’ai préalablement
évoqué.
Dans de nombreux guides touristiques comme le Routard 100 ou ceux disponibles à
l’ambassade du Guatemala, les textiles sont recommandés dans les achats. « Le
Guatemala est le pays des tissus colorés, des étoffes brodées à la main, des cotonnades
à rayures multicolores, des merveilleux tissages aux motifs mayas. Les Indiennes
guatémaltèques excellent en ce domaine. Il suffit d’observer leurs vêtements pour s’en
convaincre… Les Indiens débordent d’imagination même si les motifs que l’on trouve
sur les marchés touristiques tendent à se standardiser. Vous trouverez ces textiles
traditionnels sur les marchés de l’Altiplano et dans les villages du lac Atitlán
[Panajachel], ainsi que sur les marchés d’artisanat d’Antigua et de Ciudad de
Guatemala. »
100
JOSSE, P., et al., Le Guide du Routard : Guatemala, Yucután, Belize, France, Editions Hachette,
2007, p.39-40.
57
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
La production artisanale se développe dans pratiquement toutes les régions du pays.
En ce qui concerne les textiles, la production se concentre dans la partie Ouest du
Guatemala, où les Indigènes conservent une grande partie de leur
savoir-faire préhispanique. Dans la plupart des cas, les méthodes de
fabrication préhispaniques utilisent le métier à tisser « à la
ceinture » et le métier à tisser à pédales ou « à cadres »101. Le
premier s’attache d’un côté à un support fixe (comme à un arbre
par exemple) et de l’autre, à la taille grâce à une ceinture en tissus.
La largeur du métier à tisser peut varier allant de
quelques centimètres jusqu’à un mètre. Au Guatemala,
cet outil est utilisé par les femmes. Cependant, il requiert
un travail plus long que pour le métier à tisser à cadres.
Celui-ci est composé d’une structure en bois (parfois en
métal) d’environ deux mètres de large, et de pédales
utilisées afin de monter et descendre mécaniquement les
fils. Cette machine est utilisée autant par les hommes que par les femmes. Le métier « à
cadres » permet de tisser plus rapidement des tissus plus larges, mais ne permet pas de
travailler des motifs aussi élaborés qu’avec la technique à la ceinture. De plus, ce
métier à tisser représente un investissement assez important et un outil encombrant,
difficile à déplacer.
Au Guatemala, l’artisanat est généralement une affaire de femmes, car il représente leur
seul moyen pour sortir de la pauvreté, ou du moins pour obtenir des revenus
complémentaires102. En effet, en plus de leurs tâches domestiques, les femmes
(principales productrices) s’adonnent au tissage. L’artisanat se présente donc comme
une activité complémentaire. En outre, la production artisanale guatémaltèque est très
souvent réalisée dans des ateliers familiaux où toute la famille est impliquée dans ce
101
Cf. Annexe G : Métiers à tisser.
Ce paragraphe et les suivants sont en partie inspirés de VALENCIA SÁNCHEZ, C. S.,
Comercialización de productos artesanales, Guatemala, Universidad de San Carlos de Guatemala,
mémoire, 2005, p.4-9 ; et de AJ QUEN, Analisis de la situación de las artesanías en Guatemala,
Chimaltenango, Aj Quen, rapport général de l’assemblée ordinaire, 2011, p.7-8.
102
58
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
travail manuel. Cependant, l’occupation principale de ces familles est l’agriculture.
Durant les mois de récoltes, les artisans émigrent un certain temps vers les exploitations
agricoles, abandonnant temporairement leurs activités de tissage. En vue de cela, bien
que temporaire et complémentaire, l’artisanat reste, d’un point de vue économique, une
activité à maintenir.
Malheureusement, l’actuel processus de globalisation, poussant à la mécanisation
notamment, porte préjudice à l’activité artisanale. D’autres difficultés sont également
observées.
Tout d’abord, jusqu’ici, ce champ d’activités ne bénéficie pas d’appui de l’État ni de la
capacité d’influencer dans les politiques. De plus, ce marché doit faire face à la
concurrence agressive des pays asiatiques qui, au contraire des artisans guatémaltèques,
bénéficient d’une grande capacité productive qui leur permet une économie d’échelle.
En outre, ces pays possèdent des matières premières et de la main-d’œuvre bon marché.
Une contrainte importante à la compétitivité guatémaltèque dans ce secteur est le taux
faible de production par personne étant donné que le processus requiert beaucoup de
main-d’œuvre. Pour l’augmenter, les artisans peuvent passer du métier à tisser à la
ceinture au métier à pédales, ou ils peuvent diminuer la complexité du tissage.
De plus, le marché est irrégulier, la demande n’est pas constante, donc la production
variable. Les artisans ne peuvent se permettre de produire de nouvelles commandes tant
que la majorité de leurs produits n’est pas vendue. Bien évidemment, cela ralentit
davantage le processus. Les catastrophes naturelles constituent également un frein à
l’artisanat. Non seulement, les routes sont dégradées et rendent les déplacements
difficiles, mais en plus, les ateliers de tissage et les maisons sont détruits, ainsi que tout
le matériel nécessaire à l’élaboration de l’artisanat textile.
Un autre problème remarqué est la peur des artisans de sortir de leur communauté face
à l’insécurité nationale. Il n’est pas rare que sur son chemin, l’artisan livrant ses
marchandises se fasse agresser et piller. Cela peut contraindre le producteur à vendre
son artisanat uniquement dans sa communauté, où la demande est faible.
59
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
Artisanat textile équitable
Par rapport à l’artisanat textile conventionnel, l’artisanat équitable présente trois
avantages principaux. Tout d’abord, dans le commerce conventionnel, bien que les
textiles guatémaltèques soient attrayants, les finitions ne sont pas toujours très soignées
et la durabilité n’est pas garantie. De plus, les matières premières utilisées sont de
qualité médiocre étant donné leur coût élevé. Ainsi, généralement, les couleurs
déteignent et les fils se décousent. Les produits du marché interne ne sont en effet pas
soumis à un contrôle qualité aussi exigeant que celui appliqué aux produits destinés à
l’exportation. Ensuite, les artisans en commerce équitable accèdent à des formations
qui les aident à s’émanciper grâce au soutien d’institutions (gouvernementales, de
coopération, etc.). En outre, ils sont amenés à adopter des pratiques éthiques qui les
guident vers un développement intégral. Un autre avantage de l’artisanat équitable est
la relation plus directe entre les artisans et les vendeurs. En général, dans l’artisanat
textile conventionnel, la chaîne est plus longue vu les «bandes» de revendeurs qui
s’octroient la grande partie des gains.
Toutefois, l’artisanat équitable doit faire face à quelques obstacles (en plus de ceux
évoqués pour l’artisanat en général): l’approvisionnement en fils de coton teints sans
métaux lourds, un manque de connaissance et un manque de confiance.
Premièrement, en respectant les critères équitables, l’artisanat équitable prend
notamment en considération l’environnement. Ainsi, il est important de travailler avec
des fils de coton teints qui ne contiennent pas de métaux lourds. Cependant,
l’approvisionnement actuel de ces fils met les artisans en situation de pénurie.
Deuxièmement, les artisans ne possèdent pas les connaissances suffisantes pour
pénétrer un marché et ils éprouvent de nombreuses difficultés organisationnelles. Ce
phénomène est en partie dû au manque de scolarisation des artisans. Cela les empêche
souvent de penser de meilleures méthodes de travail, de faire des études de rentabilité,
etc. De plus, sans aide extérieure, il est complexe pour les artisans guatémaltèques de
créer des designs novateurs (surtout ceux qui répondent à la demande touristique).
60
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
Une troisième difficulté est la méfiance des artisans qui les rend hésitants lorsqu’il
s’agit de rejoindre un groupe. Celle-ci prend ses sources dans diverses raisons. Tout
d’abord, il est très fréquent que les producteurs se copient entre eux, et donc, ils
préfèrent rester isolés. Ensuite, cet isolement ferait partie de leur culture. Enfin, la
méfiance est aussi le résultat de mauvaises expériences qui leur ont fait perdre leur
confiance aux structures collectives. Par exemple, certains leaders de groupes cachent
l’information sur les commandes aux autres membres et engagent des tisserands
d’autres communautés. De cette manière, ils perçoivent les gains financiers en jouant le
rôle d’intermédiaire. D’autres représentants de groupes reçoivent par exemple le
payement de la commande en dollars, et gardent la différence du taux de change sans le
dire aux autres. Ou encore, certains leaders empochent les fonds normalement destinés
aux investissements communautaires. Tous ces éléments expliquent le manque de
confiance des artisans dans les structures collectives. Pourtant, l’appartenance à un
groupement de producteurs renferme de multiples avantages, comme le fait d’être
représenté par un leader possédant des compétences en terme d’alphabétisation, de
calculs et de langues (sachant s’exprimer en espagnol et pas seulement dans un dialecte
maya). Qui plus est, un groupe peut plus facilement répondre aux grandes commandes.
Cela permet donc de collaborer avec des exportateurs qui ne travailleraient pas avec des
producteurs isolés. Enfin, en faisant partie d’une communauté, l’artisan peut bénéficier
de formations, de conseils techniques et d’autres services offerts par des ONG qui
soutiennent le secteur artisanal.
Le peu de ventes sur les marchés locaux est un aspect typique de cette activité
équitable. D’ailleurs, à l’heure actuelle, 70 % des produits de commerce équitable sont
exportés103. En conséquence, le commerce équitable n’est pas connu au Guatemala et
ne vise qu’une petite niche de la population. Cela étant, le manque de contrôle et de
certification visible encourage des organisations à communiquer qu’elles sont
103
PICADO, C. L., Oferta disponible por parte de las asociaciones productoras guatemaltecas en áreas
geográficas determinadas para productos seleccionados con el propósito de determinar su potencial en el
mercado del Comercio Justo y Solidario en Guatemala, Guatemala, Everlife, 2008, p. 83.
61
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
équitables alors qu’elles ne le sont pas. Cela peut porter préjudice à l’image qu’essaye
de se forger l’artisanat équitable au Guatemala.
Dans son plan stratégique, la Commission interinstitutionnelle de Commerce équitable
et solidaire104 nous dresse un panorama de la situation de l’artisanat équitable au
Guatemala à l’aide d’une grille SWOT105. Ce tableau reprend les forces, faiblesses,
menaces et opportunités de cette activité dans le pays et résume ces informations106.
Vu le manque d’informations statistiques, il est difficile d’obtenir des données claires
sur l’évolution du volume d’achat de l’artisanat textile sur le marché local. Les uniques
informations récentes que j’ai pu obtenir concernent l’artisanat en général et les textiles
d’exportation
(conventionnels
et
équitables
mélangés).
D’après
les
codes
d’exportations utilisés pour les produits d’Aj Quen107, la catégorie d’artisanat à laquelle
il faut se référer est celle des textiles, car il n’existe pas de catégorie spécifique pour
leurs produits.
À l’égard de l’artisanat en général108, entre 2006 et 2010, ses exportations sont passées
de 10,9 millions de dollars à 26,8 millions de dollars. Ce secteur a donc plus que
104
COMISION INTERINSTITUCIONAL DE COMERCIO JUSTO Y SOLIDARIO, Plan Estratégico
2009-2013 para impulsar el Comercio Justo y la Economía Solidaria, Guatemala, Eva Sazo de Méndez,
2009, p.51.
105
«L'analyse SWOT (Strengths - Weaknesses - Opportunities - Threats) est un outil d'analyse
stratégique. Il combine l’étude des forces et des faiblesses d'une organisation, d'un territoire, d'un secteur,
etc. avec celle des opportunités et des menaces de son environnement, afin d'aider à la définition d'une
stratégie de développement. Le but de l'approche est de prendre en compte dans la stratégie, à la fois les
facteurs internes et externes, en maximisant les potentiels des forces et des opportunités et en minimisant
les effets des faiblesses et des menaces.» Source : EUROPAID, Qu’est-ce qu’une analyse SWOT , in
EuropeAid, Site de EuropAid, adresse URL :
http://ec.europa.eu/europeaid/evaluation/methodology/tools/too_swo_def_fr.htm (page consultée le 12
décembre 2010).
106
Cf. Annexe H : Grille SWOT.
107
Sacs: 42022900, écharpes: 62149000, petites pochettes : 95030021, cadres photos : 42021200…
108
MINECO, Guatemala: Comercio exterior, In MINECO, Site du Ministère de l’Économie au
Guatemala, adresse URL : http://www.mineco.gob.gt/Presentacion/Estadisticas.aspx (page consultée le
18 mai 2011).
62
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
doublé en 4 ans. Selon l’Agexport, une hausse jusqu’à 31 millions de dollars est
attendue pour 2011.109
Quant aux exportations des textiles guatémaltèques globales, elles ont augmenté de
près de 40 %, passant de 132.793.200 $ en 2006 à 182.898.600 $ en 2010. Cependant,
l’année 2009 a été marquée par une baisse dans ce secteur, comme Aj Quen l’a ressenti
d’ailleurs. Ces données sont très générales. Si l’on analyse les catégories plus
spécifiques pour les foulards et les accessoires vêtements110, on peut retrouver cette
même tendance.
Quant à l’artisanat équitable, les chiffres les plus récents que nous pouvons exploiter
proviennent d’une étude réalisée pour le Ministère de l’Économie au Guatemala111.
Ces données montrent qu’une fois que les organisations d’artisans ont adopté le schéma
du commerce équitable, leurs ventes à l’extérieur du pays ont augmenté. Selon
certaines données collectées, la moyenne des ventes en artisanat par association était de
Q100.000 (9.271 €) par an avant de s’inscrire en tant qu’association équitable, et fin
2008 de Q1,10 millions (101.984 €) représentant une augmentation des ventes à
l’étranger de plus de 10 fois supérieure112. Le fait de commercialiser selon ce schéma
leur a donc été bénéfique. Les États-Unis représentent le principal marché
d’exportation pour l’artisanat équitable.
Dans l’ensemble, entre 2006 et 2009, les exportations guatémaltèques en commerce
équitable et solidaire ont augmenté, mais l’artisanat ne représentait que 3 % de ces
ventes (92 % concernaient le café et 5 % concernaient le miel).
109
Cité par OPORTUNIDADES DE NEGOCIOS, Artesanías Textiles, In Red de Cajas de Herramientas
MIPYME, Site du réseau des boîtes à outils des Petites et Moyennes entreprises du Gouvernement
guatémaltèque, adresse URL :
http://www.negociosgt.com/main.php?id=201&show_item=1&id_area=144 (page consultée le 5 mai
2011). Cf. Annexe I : Exportations d’artisanat.
110
Cette catégorie concerne les produits au code d’exportation débutant par 42, la seule que j’ai pu
trouver.
111
LINARES GARCIA, H. E., Elaboración de un diagnostico y capacitaciones dirigidas a las
asociaciones certificadas bajo el esquema de comercio justo, Guatemala, Ministère de l’Économie du
Guatemala, 2009, rapport, p.32-33.
112
Cf. Annexe J: Moyennes des ventes annuelles d’artisanat équitable par association.
63
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
La crise économique mondiale n’a pas épargné les activités commerciales des
associations équitables d’artisans. Selon un sondage113, 40 % des associations affirment
avoir surtout été affectées par l’augmentation des coûts de transport ; 35 % par la
diminution des commandes des clients internationaux ; 15 % par la diminution du
nombre d’employés ; 10 % par la diminution du nombre d’artisans membres de
l’organisation.
Ces dernières années, le marché interne de l’artisanat s’est limité pratiquement à la
demande touristique internationale. Le riche patrimoine culturel et le cadre naturel du
Guatemala constituent des atouts pour attirer les touristes dans le pays. Cependant,
l’insécurité, le narcotrafic, les catastrophes naturelles114 et la criminalité freinent ces
derniers au moment de choisir leur destination. En 2009, cet ensemble de facteurs a eu
un impact négatif sur l’apport de devises touristiques qui enregistraient alors une baisse
de 9,6 %115. Malgré ces éléments adverses, et malgré la crise économique mondiale, le
flux de voyageurs se rendant au Guatemala n’a pas cessé d’augmenter ces 7 dernières
années. Selon l’Institut Guatémaltèque du Tourisme (INGUAT)116, le pays a attiré
1.875.777 visiteurs étrangers en 2010, soit 5,6 % de plus qu’en 2009. Une
augmentation du même ordre a été observée pour les dépenses touristes (6,2 %),
affichant un total de 1,378 millions $. Cette augmentation constante dans le flux
touristique laisse supposer un potentiel de croissance pour les produits destinés aux
touristes, comme l’artisanat textile par exemple. À dire vrai, lors de leur premier
voyage au Guatemala, les visiteurs aiment revenir avec de petits souvenirs tels que des
produits de l’artisanat équitable. Cependant, ils ne sont pas toujours éduqués à
113
LINARES GARCIA, H. E., 2009, op. cit., p. 33.
Rien qu’en 2010, le pays a subi l’éruption du volcan Pacaya, quelques jours plus tard, la tempête
Agatha ainsi que d’abondantes pluies diluviennes.
115
DE BONILLA, M. A ., et al., Guatemala en Cifras, in MINECO, Site du Ministère de l’Économie au
Guatemala, p.74-75, adresse URL :
http://www.mineco.gob.gt/Presentacion/AnalisisEconomico.aspx?indice=Documentos%20de%20Inter%
E9s (page consultée le 18 mais 2011).
116
INGUAT, Flash Report Diciembre 2010, in INGUAT, Site de l’Institut guatémaltèque du Tourisme,
adresse URL :
http://www.visitguatemala.com/web/documentos/estadisticas/FLASH_REPORT_DICIEMBRE_2010.pd
f (page consultée le 18 mai 2011).
114
64
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
distinguer les produits faits à la main et ceux fabriqués industriellement en série. De
plus, il leur est difficile de faire la différence entre les produits guatémaltèques et ceux
importés.
La population nationale, quant à elle, n’estime pas toujours la valeur des produits
artisanaux, qui sont de plus en plus substitués par les produits synthétiques. De plus, la
capacité d’achat limitée de beaucoup de Guatémaltèques ne leur permet pas de s’offrir
des produits de l’artisanat équitable.
Ce peu de visibilité de l’artisanat dans les statistiques commerciales ne correspond pas
à la réalité et à l’importance que représente ce secteur pour des milliers de producteurs
guatémaltèques, ni à sa signification dans la conservation des cultures et traditions
ancestrales transmises de génération en génération.
Comme je l’ai mentionné précédemment, Aj Quen est une ASBL. La fédération y
concentre toutes ses activités de soutien aux membres telles que la formation sociale,
culturelle, économique et politique. Cependant, une ASBL ne peut exercer d’activité
économique au Guatemala. Pour cette raison, Aj Quen a créé une entité commerciale
dénommée ―projet éducatif de production pour la commercialisation d’artisanat
textile‖. Cette partie est considérée comme une entreprise privée devant la loi. Ainsi, Aj
Quen est soumise aux mêmes règles que toute entreprise privée (administration,
payement des taxes, brevet commercial, déclaration fiscale, etc.) 117. En plus de ces
obligations, Aj Quen, pour pouvoir exporter, doit certifier que les matières premières
utilisées ne contiennent pas de métaux lourds. La personne qui représente cette
entreprise est l’ancien président du conseil d’administration, Leonzo PILO HOM qui, à
l’aide d’un acte sous sein privé, transfère tous ses droits à l’ASBL. Au travers de cette
entreprise privée, Aj Quen peut opérer toutes les activités commerciales tant au niveau
117
Pour davantage de détails sur ces aspects, cf. Annexe K : Législation commerciale au Guatemala.
65
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
local qu’international. Au final, tout se réalise au travers d’Aj Quen. Ce n’est que d’un
point de vue administratif et fiscal que la division s’opère.118
En ce qui concerne le secteur de l’artisanat, une loi existe sur la Protection et le
développement artisanal au Guatemala119. Elle promet notamment des exonérations de
taxes à l’exportation aux artisans ayant un statut défini par la loi, mais elle n’est pas
appliquée. À ce sujet, le Coordinateur exécutif d’Aj Quen120 évoque l’importance que
pourrait avoir une loi effective dans le secteur artisanal. En effet, elle pourrait orienter
les pratiques et processus de production et de commercialisation.
Enfin, notons que le salaire minimum approuvé pour 2011 est de Q63,70 par jour, soit
5,905 €. Aj Quen respecte ce critère pour ses producteurs qui sont payés jusqu’à quatre
fois plus que dans le marché conventionnel121. Par contre, le salaire mensuel pour ses
employés devrait s’élever à au moins Q1.937,54122 (179,63 €), ce qui n’est pas le cas
pour certains d’entre eux.
Quant à la concurrence, « le Guatemala ne dispose encore d'aucune loi générale sur la
politique en matière de concurrence… Les autorités reconnaissent que le marché
intérieur comporte des monopoles, des oligopoles et des cartels en raison de la taille
modeste de l'économie et des nombreuses réglementations existantes. Le renforcement
de la concurrence constitue par conséquent l'un des plus grands défis de la politique
économique du Guatemala »123. Au niveau du marché extérieur, des dispositions
118
Entretien avec Monsieur José Victor POP BOL, Coordinateur exécutif, AJ QUEN, le 18 mai 2011.
Il s’agit du ―Decreto No. 141-96 DECRETO NUMERO 141-96‖. Source : INFOARTESANIAS, Site
de infoartesanias.com du Ministère de l’Économie guatémaltèque, adresse URL :
http://infoartesanias.com/ (page consultée le 26 avril 2011).
120
Entretien avec Monsieur José Victor POP BOL, Coordinateur exécutif, AJ QUEN, le 2 mars 2011.
121
Entretien avec Monsieur Alvarado Cano Elmer, Économiste, Consultant indépendant pour le
DÉVELOPEMENT COMMUNAUTAIRE ET PATRONAL, le 19 mars 2011.
122
POLITICA DE GUATEMALA, Salario Minimo 2011 Acuerdo Gubernativo No. 388-2010, In
Politica
de
Guatemala,
Site
des
politiques
du
Guatemala,
adresse
URL:
http://www.politicagt.com/salario-minimo-2011-acuerdo-gubernativo-no-388-2010/ (page consultée le 4
février 2011).
123
ORGANE D’EXAMEN DES POLITIQUES COMMERCIALES, 2009, op. cit., p.27.
119
66
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
juridiques relatives à l’antidumping sont reprises dans les accords de libre-échange que
le pays a conclus avec certaines nations124.
En sus de la législation à laquelle doit répondre Aj Quen, l’association se conforme, sur
base volontaire, aux valeurs propres à celles du commerce équitable. De cette manière,
elle étend ses responsabilités purement légales au respect de l’être humain et de son
environnement.
De plus en plus de magasins spécialisés dans la vente de produits issus du commerce
équitable émergent dans différentes villes du pays. C’est le cas de la Casa de Cervantes,
Chikach, Sueños de café y más, Al Natur, etc. qui rassemblent les produits de
différentes organisations du commerce équitable réparties dans différentes régions du
Guatemala. Ces initiatives de commerce équitable domestique se développent
parallèlement à des réseaux ou plates-formes nationaux de commerce équitable et
d’économie solidaire.
Cependant, au Guatemala, le commerce équitable reste encore peu connu. Quelques
initiatives surgissent tout de même, que ce soit au niveau gouvernemental ou non
gouvernemental. C’est notamment le cas de la Commission interinstitutionnelle de
Commerce équitable et solidaire au sein du Ministère de l’Économie du gouvernement
guatémaltèque. En 2009, cette commission a lancé un plan stratégique quinquennal
couvrant la période de 2009 à 2013. La mission de ce plan stratégique est de
développer une économie équitable, solidaire et durable où les petits producteurs
occupent le rôle principal. Son but est de les intégrer dans une plate forme regroupant
différents acteurs qui génèrent ce type d’économie. Soulignons tout de même que cette
commission est en stand-by pour le moment. Juste après avoir élaboré le plan
124
Cf. annexe K : Législation commerciale au Guatemala.
Nous ne verrons que les organisations principales. Cf. Annexe L : Liste des institutions qui
soutiennent le commerce équitable au Guatemala.
125
67
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
stratégique, le Ministère de l’Économie est entré dans un processus de restructuration.
En conséquence, certains départements ont disparu, d’autres ont été consolidés et,
depuis lors, la Commission ne sait pas si elle sera rattachée à l’un ou l’autre
département. Pour le moment, elle fait partie du département du commerce extérieur,
mais elle se verra peut-être rattachée au département des petites et moyennes
entreprises. Selon son dirigeant126, ce flou institutionnel bloque les opérations de la
Commission.
Par ailleurs, une autre initiative, non gouvernementale cette fois, est née en 2004 à
l’instigation de deux bénévoles américaines de Rights Action127. Elles ont invité des
groupes de petits producteurs provenant de différentes régions du Guatemala à réfléchir
sur les conditions d’amélioration de la production et de la commercialisation de leurs
produits. Ils ont ensemble comparé les apports du commerce équitable d’exportation et
d’un échange solidaire au niveau local. Ils en ont conclu qu’il était nécessaire de
conscientiser les consommateurs à l’achat des produits locaux dans le but de soutenir
les petits producteurs de leur pays et ont créé RAIS. Depuis lors, ils organisent une
« foire d’économie solidaire » une fois par an. Durant cet événement, les 28 membres
de RAIS exposent leurs produits biologiques et artisanaux (cela va du savon au
chocolat en passant par le textile). En outre, ils échangent leurs biens entre eux. Ainsi,
les affiliés peuvent vendre et faire la promotion d’autres articles dans leur magasin.
La Coordination latino-américaine des Caraïbes de petits Producteurs du Commerce
équitable (CLAC) a également vu le jour en 2004. Elle réunit environ 300 petits
producteurs de 21 pays de la région, offrant ainsi une large gamme de
produits alimentaires comme du café, du miel, des bananes, du cacao, des fruits… Des
bureaux régionaux sont implantés dans différents pays du continent128.
126
Entretien avec Monsieur Iván García, Conseiller en promotion commerciale, MINECO (Ministère de
l’Économie du Guatemala), le 25 février 2011.
127
Rights Action est une association sans but lucratif installée au Canada et aux États-Unis. Elle finance
divers projets de développement au Guatemala, au Honduras et au Mexique.
128
COORDINADORA LATINOAMERICANA Y DEL CARIBE DE PEQUEÑOS PRODUCTORES
DE COMERCIO JUSTO (CLAC), Quiénes somos ?, In CLAC-Comercio Justo, Site de la Coordination
latino-américaine des Caraïbes de petits producteurs du commerce équitable, adresse URL: http://clac-
68
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
Enfin, l’Association pour la Promotion du Commerce équitable en Amérique centrale,
au Mexique et aux Caraïbes129 (CRECER) est une association civile qui vise à
contribuer à l’amélioration de la situation économique et sociale des petits producteurs
organisés, en les soutenant de manière durable dans le renforcement de leur capacité
économique et entrepreneuriale. CRECER a été créée en 1997. Cette organisation a
pour but principal d’augmenter la compétitivité des petits producteurs et des
organisations locales situées en Amérique centrale et au Mexique en faveur d’une
distribution plus juste des revenus. Pour ce faire, elle envoie des consultants chez ces
petits producteurs.
Au niveau international, l’Organisation Mondiale du Commerce Équitable (WFTO,
dont nous avons préalablement cité les standards) est un réseau mondial regroupant 400
organisations de commerce équitable de 73 pays différents (surtout au Sud de la
planète). Depuis 20 ans, elle offre des conseils en développement de produits, en
commercialisation, en accès au financement et à la formation technique. Son but est
notamment d’éradiquer la pauvreté au travers d’un développement économique durable
des artisans, fermiers, et producteurs des communautés les plus marginalisées130.
Dans les pays européens, l’Association européenne de Commerce équitable (EFTA) est
une association de 10 importateurs de commerce équitable (CTM Altromercato,
Oxfam-Magasins du Monde, Gepa, Claro…) répartis dans neuf pays. EFTA a été établi
en 1987 par des importateurs. Son but est de soutenir les membres dans leur travail et
de les encourager à coopérer. EFTA facilite l’échange d’informations, élabore des
conditions pour la division du travail, identifie et développe des projets communs, etc.,
en organisant par exemple, des réunions thématiques de membres, en leur fournissant
de l’information sur les fournisseurs et leurs produits, etc.
comerciojusto.org/quienes-somos (page consultée le 3 mai 2011).
129
CRECER, Acerca de CRECER, In CRECER, Site de CRECER, adresse URL:
http://www.crecer.org.gt/index.php?showPage=6&cache=1 (page consultée le 3 mai 2011).
130
The World Fair Trade Organization, Who we are ?, In World Fair Trade Organization, Site de
l’organisation
mondiale
de
commerce
equitable,
adresse
URL:
http://www.wfto.com/index.php?option=com_content&task=view&id=890&Itemid=292 (page consultée
le 3 mai 2011).
69
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
En ce qui concerne l’Amérique du Nord, la Fédération du Commerce équitable (FTF)
renforce et promeut les entreprises nord-américaines équitables. Elle existe depuis la
fin des années 1970, mais est connue sous son nom actuel depuis 1994. Cette fédération
est un membre actif de la WFTO.
Il est intéressant d’observer les caractéristiques propres à Aj Quen au travers de ce qui
vient d’être développé dans ce profil du marché guatémaltèque.
Tout d’abord, en ce qui concerne la chaîne de valeur, le schéma décrit correspond en
grande partie aux opérations d’Aj Quen comme il a été démontré dans la filière de
l’association. Cependant, le schéma ne renseigne pas la logistique interne développée
pour obtenir les intrants nécessaires. De plus, les groupes de producteurs ne sont pas
uniquement des communautés de tisserands, mais également des groupes de confection
et de crochet. Enfin, le schéma ne montre pas les flux concernant la confection du
produit (les designs, le marketing) ainsi que la logistique interne de marketing au
moment des ventes.
Par ailleurs, la relation directe entre l’association et l’importateur n’est pas non plus
reprise dans le schéma. Cette dernière joue le rôle d’interface entre les producteurs
d’une part, et les importateurs et commerçants d’autre part. Elle facilite la
communication et renforce les relations commerciales entre des personnes issues de
différentes classes sociales, de différents milieux, aux cultures, langages et niveaux
d’éducation différents.
Aj Quen écoule des produits dans la grande distribution au travers de Cemaco et de
Walmart, comme il a été mentionné précédemment. Parfois aussi, l’association
participe à des salons commerciaux d’artisanat ou de commerce équitable,
internationaux ou nationaux. Cela peut également lui ouvrir de nombreuses portes.
Enfin, les groupes d’artisans vendent également leurs produits directement sur les
marchés populaires et touristiques.
70
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
Dans le tableau d’ensemble des caractéristiques de l’artisanat textile, Aj Quen bénéficie
de quelques avantages : étant donné que l’organisation est dirigée par des Indigènes, ils
sont valorisés et entendus. En outre, sa structure d’organisation au niveau interne (avec
l’assemblée générale et le conseil d’administration) lui confère une certaine stabilité, où
les artisans membres sont représentés. De plus, Aj Quen bénéficie d’une certaine
expérience en commercialisation au travers de circuits de commerce équitable au Nord,
et au travers de la vente directe aux touristes et aux consommateurs guatémaltèques
plus riches au Sud. Aussi, la capacité productive de l’association est honorable vu
qu’elle travaille avec 25 groupes d’artisans. Cependant, le partage des commandes
n’est pas toujours très équilibré entre les groupes et cela crée des tensions.
Sur son marché local, Aj Quen propose des produits de qualité par rapport à l’artisanat
conventionnel qui a souvent recours à des intrants de qualité moindre et fait intervenir
beaucoup d’intermédiaires. Le tableau suivant compare cinq produits principaux d’Aj
Quen avec la concurrence locale.
Tableau3.1. : Prix des produits d’Aj Quen par rapport au marché conventionnel
Lieux
Produits
Prix en Q.
Panajachel
Set de table de 6 Pièces
Q
120,00
Chemin de table
Q
280,00
Coussins
Q
95,00
Sacs
Q
150,00
Châles
Q
75,00
Set de table de 6 Pièces
Q
50,00
Chemin de table
Q
125,00
Coussins
Q
75,00
Sacs
Q
60,00
Châles
Q
113,00
Set de table de 6 Pièces
Q
130,00
Chemin de table
Q
150,00
Coussins
Q
80,00
Sacs
Q
75,00
Châles
Q
90,00
Set de table de 6 Pièces
Q
150,00
Chemin de table
Q
130,00
Coussins
Q
125,00
Sacs
Q
125,00
Châles
Q
85,00
Quetzaltenango
Antigua
Aj Quen
Source : Marví Hernandez, consultant pour Aj Quen
71
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
Ces données montrent que même en utilisant des matières premières de meilleure
qualité, Aj Quen n’est pas forcément la plus chère. En effet, certains revendeurs
conventionnels n’hésitent pas à gonfler leurs prix lorsqu’ils se trouvent dans des
endroits touristiques.
Enfin, Aj Quen offre des produits travaillés et parfois selon des modèles exclusifs, ce
qui les différencie des produits importés chinois.
Il s’agira ici de discerner les acteurs principaux du marché de l’artisanat
textile et textile équitable. Avant d’entrer dans le vif du sujet, je commencerai par
définir la méthodologie utilisée pour cette analyse.
Pour analyser le système concurrentiel, je me suis d’abord intéressée à l’entreprise Aj
Quen afin de bien comprendre les enjeux de son environnement. Ensuite, sur le terrain,
j’ai pris contact avec les différents concurrents de la fédération et me suis entretenue
avec la plupart d’entre eux. Seuls quelques-uns n’ont pas accepté de coopérer. Les
guides d’entretien utilisés ont été préparés durant mon premier stage132 chez OxfamMagasins du monde. À mon arrivée au Guatemala, je les ai revus et complétés avec le
Coordinateur exécutif d’Aj Quen. Une fois mes guides d’entretien finalisés, j’ai tenté
d’identifier les concurrents en interviewant les membres du personnel d’Aj Quen et ce,
dans le but de connaitre les règles, les difficultés et les potentialités de ce marché. Lors
de chacune de mes interviews, je suivais ce guide d’entretien afin d’obtenir
l’information la plus structurée et rigoureuse possible.
Dans la plupart des cas, j’envoyais mes questionnaires à l’avance afin que
l’interlocuteur puisse se préparer. Avant de débuter l’entretien, je ne manquais pas de
131
HAUZEUR, S., Séminaire d’initiation à la démarche scientifique, Bruxelles, ICHEC, syllabus, 20062007, p.9-10.
132
Cf. Annexe M : Guide d’entretiens.
72
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
me présenter, d’exposer les objectifs de l’étude ainsi que mes attentes par rapport à
celle-ci, et de garantir un traitement confidentiel des données reçues133.
Je m’arrangeais pour que mon entretien ne paraisse pas comme un interrogatoire, mais
plutôt comme une discussion. De plus, la plupart des questions étaient ouvertes. Ainsi,
au fur et à mesure de l’entretien, j’évaluais les questions qu’il s’avérait encore utile de
poser par rapport à ce qui avait déjà été révélé au préalable. Cela, dans le but de ne pas
poser des questions qui auraient déjà trouvé réponse, ou pour ne pas sortir d’un
contexte et y revenir par la suite. J’essayais d’être la plus claire possible. Toutefois,
lorsque cela s’avérait nécessaire, j’approfondissais certains points afin de bien me faire
comprendre et pour que la personne interrogée puisse « exprimer sa réalité avec son
langage et ses concepts »134. De même, si un point restait flou pour moi, je n’hésitais
pas à demander des explications à la personne interrogée.
J’essayais d’être à l’écoute et attentive durant toute la durée de l’entretien. Parfois, je
devais recentrer l’interview lorsque l’interlocuteur se révélait trop bavard.
Enfin, je prenais congé de l’interviewé en demandant sa carte de visite et en lui
proposant de rester en contact afin de donner suite à l’entretien si nécessaire. De cette
manière, j’ai pu réclamer des documents qui n’avaient pas encore été envoyés et
transmettre un courriel de remerciements à toutes les personnes ayant participé à ces
entretiens.
Au total, j’ai pu interroger cinq associations d’artisanat équitable certifiées pour
l’exportation ; six associations d’artisanat textile qui, selon moi, respectent des critères
éthiques, mais qui ne possèdent aucune certification ; plusieurs marchands d’artisanat
conventionnel sur les marchés typiques ; quatre magasins d’artisanat textile
conventionnel ; deux magasins proposant de l’artisanat textile conventionnel et
équitable ; et enfin, six magasins équitables proposant des aliments et de l’artisanat.
133
134
Parfois, étant donné les longues distances, nous communiquions par courriel, et non en face à face.
HAUZEUR, S., 2006-2007, op. cit., p.9.
73
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
J’ai concentré ces entretiens dans les villes de Chimaltenango, Antigua, Ciudad de
Guatemala, Panajachel et Quetzaltenango.
Tableau 3.2 : Acteurs de l’artisanat conventionnel et équitable interviewés
Chimaltenango
Associations
d’artisanat
équitable certifiées
pour l’exportation
(5)
Associations
d’artisanat
respectant les
critères éthiques
mais sans
certification (6)
Magasins
équitables (6)
Magasins
d’artisanat textile
conventionnel et
équitable (2)
Magasins
d’artisanat textile
conventionnel (4)
Marchands
d’artisanat
conventionnel sur
des marchés
typiques (+/- 15)
Total (38)
Antigua
Panajachel
Aj Quen
Maya Works
Mujeres en
acción
Quetzaltenango
Trece hilos
De la Selva
Ajachel
Novedades
Marlena
Ciudad de
Guatemala
UPAVIM
Courriel
Cojolya
Trama Textiles
Yabal
Al-Natur
Kuchubal
Centro de comercio
alternativo
Sueños de
café y más
Casa de
Cervantes
Chikach
N’MPOT
La Casa de los
Gigantes
Novedades
Milena
4
Momosteca
7
8
14
9
Tipica San
Juanerita
Mayan
Pacific
6
4
1
Source : réalisation personnelle
De manière générale, le contact est très bien passé avec toutes ces personnes. Elles m’accueillaient à bras
ouverts et se montraient compréhensives et coopératives.
74
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
L’analyse de la concurrence sera structurée en fonction des trois types de compétiteurs
présents sur le marché guatémaltèque.
Selon le recensement du commerce équitable et solidaire au Guatemala135, cinq
associations de petits producteurs d’artisanat textile équitable certifiées
commercialisent leurs produits en Amérique du Nord en tant que membre de la FTF, et
une seule adhère à la WFTO. Cependant, l’acronyme de ces organisations ne signifie
presque rien sur le marché local : ils sont essentiellement reconnus dans les pays
importateurs.
Pour les producteurs, il y a de nombreux avantages à être certifiés : prix de vente plus
élevés que dans le commerce conventionnel, accès à de nouveaux marchés et
anticipation financière sur la commande. Ces associations exportent une grande partie
de leur production, mais il arrive que des clients du marché conventionnel passent
également commande. Ces commandes se font aux mêmes conditions (préfinancement)
même si les produits ne sont pas vendus sous le label équitable par la suite.
Il est intéressant aussi d’analyser les associations locales appliquant des critères
éthiques proches de ceux du commerce équitable, mais ne possédant pas de labels.
Celles-ci sont beaucoup plus nombreuses que les associations certifiées. En effet, au
cours de mes interviews, je me suis rendu compte que plusieurs organisations,
similaires à Aj Quen, manquaient d’opportunités ou d’argent pour obtenir une
certification « équitable » reconnue. Souvent, ces associations s’organisent de la même
façon qu’Aj Quen : elles travaillent essentiellement avec des femmes rurales affectées
par le conflit armé ou par les catastrophes naturelles successives, et proposent des
services supplémentaires comme des formations dans leur centre, ou la construction
d’infrastructures communautaires. Bien entendu, je n’ai pu effectuer un audit pour
135
Il s’agit des associations suivantes : FTF: Mayan Hands, Mayaworks, UPAVIM, Samajel B’atz’,
Asociación Cojolya; WFTO: CRECER. Source: ANONYME, Mapeo del Comercio Justo y Solidario,
Guatemala, MINECO, document interne, 2008, p. 25.
75
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
m’assurer du respect des critères équitables, mais les projets sociaux qu’elles mènent
pour améliorer la situation des femmes les distinguent des vendeurs d’artisanat textile
conventionnel.
Ces deux premiers types d’organisations offrent des produits qui se différencient de
l’artisanat textile typique. Généralement, à l’aide de bénévoles étrangers, elles adaptent
leurs produits à la demande internationale en modifiant peu à peu les modèles, mais
tout en conservant les caractéristiques intrinsèques de l’artisanat traditionnel. Chacune
d’elles essaye de lancer de nouveaux produits au moins une fois par an afin de
satisfaire principalement la clientèle étrangère. Dans les endroits touristiques, les
produits sont plus adaptés à l’utilisation quotidienne pour les populations des pays
développés, comme des pochettes pour téléphones portables, des porte-documents, des
sacs à dos, etc., sans toutefois perdre les caractéristiques du tissage et les symboles de
la culture maya. Aujourd’hui, ces organisations cherchent à se différencier également
au travers d’activités parallèles comme en proposant des cours de tissage aux touristes,
ou encore, en organisant des visites dans les communautés. 90 % de ces entreprises
dépendent donc de la vente aux touristes (qui proviennent majoritairement des pays
développés du Nord). Ce qui, à terme, pourrait s’avérer dangereux si les catastrophes
naturelles et l’insécurité du pays augmentent. En outre, 90 % de ces entreprises
également reçoivent de l’aide extérieure, tout comme Aj Quen.
En ce qui concerne la qualité de la production, plus de la moitié de ces organisations
éthiques (De la Selva, Ajachel, Novedades Marlena et Yabal) se procurent les matières
premières auprès de Rio Blanco et utilisent donc des fils de qualité. Par contre, Trama
Textiles et Mujeres en Acción se procurent des fils de moindre qualité chez des
fournisseurs moins chers (Artexco et Mish).
Les produits d’artisanat textile équitable les plus vendus sont les foulards, les sets de
table, les sacs, les châles et les chemins de table. Toutefois, la production s’opère à
petite échelle et par conséquent, ces entreprises ne savent pas toujours répondre aux
commandes plus conséquentes dans des délais courts.
76
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
J’ajouterai également que toutes ces organisations interrogées sont membre de
l’Agexport afin d’obtenir un numéro d’exportateur, et ainsi s’assurer un volume
considérable de commandes. Actuellement, leurs activités d’exportation sont plus
importantes que leurs ventes locales. Toutefois, 90 % de ces acteurs ont vu leurs ventes
diminuer avec la crise économique mondiale. Certains se rendent compte de la
nécessité de proposer leurs produits sur le marché local. D’autres essayent tant bien que
mal de se tourner vers des produits recyclés ou d’utiliser des colorants naturels, car
c’est la tendance aux États-Unis, et parce qu’ils ne visent qu’à exporter. En effet, 30 %
des personnes admettent avoir peur de tenter les copieurs en vendant localement.
Toutefois, vendre sur le marché local n’est pas simple. 64 % des associations
interrogées possèdent une boutique ouverte depuis peu au Guatemala et 55 % mettent
leurs produits en vente dans d’autres magasins, selon le système de la vente en
consignation. À ce sujet, il est important de vendre dans un magasin et non sur un
marché car les prix y sont fixes et empêchent les clients de marchander. En effet, dès
leur arrivée au Guatemala, les touristes sont avertis des prix élevés qui vont leur être
demandés lors de leurs achats sur les échoppes des marchés guatémaltèques (par
rapport aux prix pour les locaux). Si bien que ces voyageurs marchandent plus que les
autochtones et exigent des prix indécents. Cependant, que ce soit sur les marchés ou en
magasins, les gens recherchent le moins cher (même ceux qui en ont la capacité
économique). D’où, l’importance de conscientiser la population afin de différencier
l’équitable du conventionnel.
Une autre de mes questions également était de savoir si ces organisations travaillaient
avec des bénévoles, afin d’analyser si le modèle d’Oxfam pouvait se transposer à ces
organisations guatémaltèques. Il s’avère que ce n’est pas dans la culture guatémaltèque
de donner son temps libre comme volontaire. La majorité des bénévoles sont étrangers
mais, il arrive que des stagiaires guatémaltèques viennent apporter leurs connaissances
(gratuitement) afin d’obtenir leur diplôme.
77
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
Je n’ai pu m’entretenir avec Chilam-Balám, le deuxième partenaire guatémaltèque
d’Oxfam-Magasins du monde car il semblerait qu’ils soient en cours de faillite136. Leur
site internet ne fonctionne pas. Quant enfin, j’ai eu une réponse par courriel me
promettant une rencontre, je me suis empressée d’y répondre, mais depuis, plus rien, ni
par courriel, ni par téléphone. Je me suis alors rendue au siège de l’association lors de
mon passage à Quetzaltenango, mais il n’y avait aucune trace de celle-ci. Nous
baserons donc nos informations sur un document interne d’Oxfam-Magasins du
monde137.
Chilam-Balám était une fédération d’artisans comme Aj Quen dont la spécialité était le
textile tissé à la main. Chilam gérait la production au Guatemala et Balám se chargeait
de l’exportation et de la commercialisation en Belgique. Tout comme Aj Quen,
l’association a formé ses artisans à produire des articles de qualité et avait pour but
d’augmenter le niveau de vie des plus marginalisés. À ce titre, elle bénéficiait d'aide
financière étrangère. Par contre, à la différence d’Aj Quen, Chilam achetait son coton
brut venant d’Inde à un distributeur guatémaltèque, et la teinture en Europe.
Aujourd’hui, cette organisation est en faillite. D’après P. Vergara138, Oxfam-Magasins
du monde était son seul client étranger. Ces derniers mois, la Coordinatrice de Chilam
ne donnait plus de nouvelles. Oxfam-Magasins du monde tentait d’entrer en contact
avec elle, en vain. Jusqu’au jour où la Coordinatrice demanda à l’entreprise belge de
racheter une partie de son stock car Chilam-Balám était en cours de faillite. Après avoir
répondu positivement à cette demande, Oxfam-Magasins du monde n’a plus jamais
entendu parler de cette association… Les causes de cette faillite sont inconnues. Seraitce le fait d’avoir utilisé une filière plus intégrée que celle d’Aj Quen ? Ou serait-ce dû à
un manque de transparence vis-à-vis d’Oxfam-Magasins du monde qui aurait pu
soutenir l’organisation ?
136
Entretien avec Madame Valérie VANDERVECKEN, Responsable partenariat Sud, OXFAMMAGASINS DU MONDE, le 5 mai 2011.
137
POROT, V., Chilam-Balám Guatemala 2008, Wavre, Oxfam-Magasins du Monde, document interne,
2008, p.1-2.
138
Entretien avec Madame Patricia VERGARA, Responsable produits, OXFAM-MAGASINS DU
MONDE, le 18 mai 2011.
78
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
En conclusion, la concurrence en artisanat textile équitable augmente d’année en année.
De plus en plus d’organisations de ce type de produits et de commerces voient le jour.
Cela signifie qu’il y a une certaine demande. Cependant, ces organisations ont
conscience que ce marché reste encore fort méconnu de la population locale et que les
endroits stratégiques pour écouler leurs ventes sont les lieux touristiques. Bien que je le
considère comme un marché équitable, aucune certification ne confirme que les
principes soient respectés. Cependant, les membres de la FTF ne sont pas toujours
soumis à des contrôles très stricts… En conséquence, les organisations éthiques non
certifiées sont peut-être aussi équitables, voire plus.
En tous les cas, les concurrents interrogés reconnaissent qu’un label pourrait faciliter,
voire augmenter leurs ventes à certaines entreprises et à l’exportation. Les labels
existants sur les marchés internationaux sont trop coûteux et trop contraignants. À ce
sujet, un des interlocuteurs préfère investir la même somme d’argent (1300 €) dans des
projets sociaux plutôt que de payer une cotisation à une organisation de commerce
équitable139. Un éventuel label national pourrait remédier à cela.
Afin d’investiguer l’artisanat textile conventionnel, je me suis rendue sur les marchés
de la rue Santander à Panajachel, sur le marché d’artisanat d’Antigua, dans des
magasins à Chimaltenango, à Antigua, et à Quetzaltenango.
Sur les marchés, les vendeurs ne connaissent pas le commerce équitable. Ils sont tous
d’accord avec le fait que le commerce a besoin de plus d’équité, surtout face aux
produits chinois bon marché. Toutefois, ils évoquent trois obstacles qui les rendent
réticents à s’intégrer dans un groupe. Tout d’abord, ils craignent de perdre le contrôle
en incluant davantage d’intermédiaires. Ensuite, une des vendeuses sur un marché
d’artisanat m’a également fait part de sa mauvaise expérience avec des coopératives et
ne désire donc plus collaborer. En effet, le manque de transparence de certains associés
s’emparant des bénéfices à l’insu des autres ne l’encourage pas à coopérer. Enfin, deux
139
En plus, de cette manière, il est certain que l’argent de la vente est investi pour la communauté et qu’il
ne sert pas l’intérêt des représentants des groupes, ou des chefs de famille qui, au lieu de payer
l’éducation de leurs enfants, remboursent des dettes ou s’achètent de l’alcool, etc.
79
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
gérants de magasins d’artisanat m’ont fait savoir qu’ils s’insèreraient bien dans le
commerce équitable, mais qu’ils n’en connaissent pas les possibilités. Ils manquent
d’opportunités.
J’ai pu observer cinq caractéristiques générales de ce secteur conventionnel.
Premièrement, le vendeur en magasin ou sur les marchés n’est pas la personne qui
fabrique le produit ou qui les achète directement au producteur. En conséquence, le
vendeur ne sait pas toujours très bien expliquer ce qu’il a en magasin à ses clients. En
outre, pour appâter le touriste, beaucoup disent que toute leur production est familiale,
alors que leur approvisionnement principal se fait sur le marché d’artisanat de la
capitale.
Deuxièmement, les vendeurs travaillent généralement avec des artisans ou des
intermédiaires qui se déplacent jusqu’à leur échoppe. Les producteurs ou les
intermédiaires leur déposent la marchandise en consignation et reçoivent l’argent une
fois la vente réalisée. Parfois même, les revendeurs leur demandent de leur faire crédit
et remboursent ultérieurement. La situation est donc difficile pour ces artisans (et
intermédiaires), qui n’ont aucune garantie de vente. De plus, lors de ces livraisons, les
pillages sont fréquents.
Il est aussi fréquent d’avoir affaire à des bandes organisées de revendeurs qui
monopolisent les marchés populaires et touristiques. Sur ceux-ci, certains commerçants
possèdent plusieurs échoppes et se mettent d’accord sur les prix de vente.
Un autre fait marquant de l’artisanat textile est la vente ambulante. Il est d’ailleurs
fréquent de se faire aborder par ces marchands dans les endroits touristiques. Ceux-ci
sont de tout âge : des enfants, des adolescents, des adultes, des personnes âgées. La
police ne semble pas concernée par cette activité illégale.
Finalement, ce marché est caractérisé par des produits très semblables dans lequel les
modèles sont calqués sur ceux des concurrents. En effet, comme peu de produits sont
brevetés (brevets coûteux, nombreuses démarches administratives complexes et ne
garantissant pas réellement de protection) rien n’empêche de les copier. De plus, le
80
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
bagout de certains vendeurs rajoute au fait qu’il est difficile de distinguer les différents
produits équitables des autres. On se laisserait facilement duper.
Ces trois types de concurrents ont la caractéristique commune de ne pouvoir rivaliser
face aux tonnes de produits importés et moins chers provenant d’Inde et de Chine. Ces
pays possèdent des matières premières et de la main-d’œuvre bon marché ainsi qu’une
grande capacité productive qui leur permet une économie d’échelle. Ainsi, un foulard
chinois coûtera Q30 et une écharpe tissée à la main au Guatemala se vend à Q60.
Cependant, le textile guatémaltèque est caractérisé par des pièces plus élaborées que
celles des Asiatiques. C'est pourquoi il est nécessaire de mettre en avant cet avantage
compétitif de taille.
La stratégie des Chinois en particulier, est d’acheter un article anonymement et peu de
temps après, des milliers de produits semblables se vendent sur le marché
guatémaltèque. Les touristes croient acheter localement et directement aux producteurs,
alors qu’ils achètent des produits asiatiques sans le savoir. La distinction n’est pas
évidente à opérer. Certains revendeurs justifient que la présence de produits chinois
leur permet de proposer une offre diversifiée car, selon eux, « il faut avoir un peu de
tout ».
Cette concurrence agressive oblige les artisans à chercher de nouvelles tendances dans
la mode, de nouvelles techniques de promotion et de vente, et veiller à la qualité des
produits finis.
En somme, nous constatons que l’artisanat textile au Guatemala est un secteur très
concurrentiel. Ce phénomène est renforcé par les produits importés bon marché qui se
vendent bien dans un pays où la population recherche le moins cher. À l’heure actuelle,
il n’existe pas beaucoup d’organisations proposant ces produits en version
« équitable ». Toutefois, nous pouvons ressentir une certaine volonté d’aspirer vers plus
d’équité commerciale dans le pays, au travers d’organisations militantes qui ne se
dédiaient auparavant qu’aux marchés étrangers et qui, aujourd’hui, se tournent vers les
marchés locaux.
81
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
Afin de positionner Aj Quen par rapport à ses concurrents, je me concentrerai sur cinq
variables concurrentielles : le prix, les matières premières, les produits, les alliances
stratégiques et les standards équitables.
Les prix des produits d’Aj Quen sont plus ou moins similaires sur le marché local par
rapport aux organisations d’artisanat textile équitables: des sacs entre Q65 et Q95, des
chemins de table entre Q130 et Q250, des sets de table de six pièces entre Q120 et
Q170, des foulards entre Q50 et Q75 et enfin des châles entre Q75 et Q95.
Quant aux fils utilisés par Aj Quen, ils proviennent du même fournisseur que pour la
plupart des organisations de ce secteur. Cependant, certains de ses concurrents achètent
du coton brut et utilisent des colorants naturels pour le teindre. Cela leur confère donc
un argument supplémentaire par rapport à Aj Quen. L’association n’a pas recours à ce
type de colorants parce qu’ils ne permettent pas d’obtenir exactement les mêmes
couleurs à chaque utilisation. Étant donné que l’activité principale de la fédération est
l’exportation, elle doit répondre exactement aux commandes des clients et utiliser les
mêmes couleurs pour des grands volumes. Par contre, les organisations d’artisanat
textile équitable se dédiant uniquement à la vente en magasin et ne fonctionnant pas sur
de grands volumes commandés peuvent exposer les couleurs dont elles disposent et
permettre au client de choisir parmi ces couleurs.140
Tout comme les autres organisations d’artisanat textile équitable, Aj Quen propose des
produits diversifiés allant des foulards au chemin de table en passant par des coussins.
Les magasins et fabriques que j’ai pu visiter présentaient généralement les mêmes types
de produits.
Aj Quen et les organisations similaires concurrentes ont l’avantage de jouir d’alliances
stratégiques à l’extérieur du pays (principalement avec l’Amérique du Nord et
140
Dans le cas d’Aj Quen, le stock du magasin est rempli avec les invendus des exportations.
82
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
l’Europe) afin d’écouler d’importants volumes. Cela leur permet de rester à jour dans
les tendances de mode et des styles de vie des touristes.
Enfin, il est important de souligner que, bien qu’Aj Quen applique les standards de la
WFTO, elle n’en fait plus partie. L’association a décidé de se retirer à cause d’une
incapacité financière à payer les cotisations et frais annuels élevés à la WFTO. Le
Coordinateur exécutif141 témoigne du fait que ces frais portent préjudice aux revenus
des artisans. Il est bien conscient que la WFTO joue un rôle important au niveau
politique dans la défense de ses membres, mais que cet organisme doit aussi revoir ses
tarifs afin d’en proposer de plus équitables. En discutant avec d’autres membres de la
WFTO, José Victor s’est rendu compte que le rapport entre les bénéfices et les frais à
payer n’en valait pas la peine. Par conséquent, afin de contrôler que l’association
applique réellement des pratiques équitables, une fois par an, CTM Altromercato se
rend sur place afin d’effectuer un contrôle. De plus, Oxfam-Magasins du monde est
membre de l’EFTA. Cet organisme doit s’assurer que les fournisseurs des membres
respectent les principes et valeurs du commerce équitable. En conséquence, Aj Quen
doit compléter annuellement un formulaire permettant de vérifier ces derniers.
La filière du commerce équitable ne se limite pas à un partenariat commercial entre les
acteurs de la chaîne. C’est une collaboration dont l’objectif est collectif et qui ne vise
pas seulement les aspects commerciaux. Ce mouvement est animé par des
considérations qui la distinguent de la filière conventionnelle. Il a encore du chemin à
parcourir dans les pays du Sud comme le Guatemala où les intérêts personnels sont
prépondérants.
141
POP BOL, J. V., 2011, op. cit., p.6.
83
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
Maintenant que les caractéristiques principales de l’offre en artisanat textile équitable
ont été analysées, et que l’environnement concurrentiel dans lequel il s’inscrit a été
parcouru, je vais étudier la demande dans ce même secteur. La partie suivante fournira
donc des données plus précises quant à la réactivité de la population ciblée par rapport
à l’artisanat textile équitable. D’abord, je définirai la méthodologie appliquée à cette
étude. Ensuite, j’évaluerai les résultats obtenus quant à l’existence d’un marché
potentiel dans le secteur de l’artisanat équitable.
Afin de confronter l’entreprise Aj Quen avec le marché réel et avec son environnement,
j’ai réalisé des études de marché qualitatives sur le terrain143.
Pour évaluer le potentiel de développement d’un commerce équitable au Guatemala
même, j’ai réalisé diverses études de marché (sur le terrain). Mon étude s’est faite
principalement à l’aide de questionnaires permettant d’évaluer la demande locale en
commerce équitable144. Le but de ceux-ci était de vérifier si ce négoce avait un avenir
prometteur au Guatemala, grâce à une enquête sur les comportements d’achat des
clients actuels et potentiels du commerce équitable. Dans une perspective du
développement du commerce Sud-Sud pour Aj Quen au Guatemala, il était important
de savoir si l’ouverture d’autres magasins dans des villes touristiques s’avérait
pertinente.
Les enquêtes ont été réalisées dans les rues les plus fréquentées d’Antigua, Panajachel,
Quetzaltenango (aussi appelée Xela) et Chimaltenango. En concertation avec le
142
Cf. Annexe O : Traitement des résultats de la demande.
Cette section s’inspire de GAUTHY-SINECHAL, M., VANDERCAMMEN, M., Etudes de Marché:
Méthodes et outils, 2e éd., De Boeck Université, Bruxelles, 2008, et de PIRARD, P., Marketing
Internationally, ICHEC, Bruxelles, 2009-2010.
144
Afin de les construire, je me suis basée sur un modèle d’Oxfam-Magasins du monde. Cf. Annexe P :
Questionnaires.
143
84
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
Coordinateur exécutif d’Aj Quen et Oxfam-Solidarité, je n’avais au départ retenu que
les villes d’Antigua, Panajachel et Chimaltenango. À mon arrivée, le Coordinateur
exécutif d’Aj Quen m’a cependant fait savoir qu’il aimerait ajouter Quetzaltenango à la
liste.
Ces quatre villes ne sont pas choisies au hasard. En effet, c’est à Chimaltenango que se
trouve le siège d’Aj Quen et où la fédération a récemment ouvert un magasin
d’artisanat équitable. Antigua est la prochaine ville visée par l’association pour installer
une boutique. C’est une des villes les plus touristiques du Guatemala qui est réputée
pour son artisanat. Panajachel est un autre lieu touristique, proche des deux autres villes
et où la fédération aimerait être présente afin d’écouler sa production. Enfin,
Quetzaltenango est un peu moins touristique, mais elle constitue le siège de différentes
associations de commerce équitable et d’écoles d’espagnol pour les étrangers.
La cible de mon questionnaire était constituée des clients actuels d’artisanat équitable
et des prospects, âgés de plus de 18 ans. Je visais une population aisée, guatémaltèque
et étrangère, passant dans les rues de ces villes. Je posais moi-même les questions en
« face-to-face » avec les répondants, en anglais, en espagnol et en français.
Chaque questionnaire était constitué de 24 questions. Le libellé des questions a été
vérifié par Pierre Pirard et Martine Gauthytous deux anciens professeurs de Marketing
à l’ICHECafin que chaque thème abordé soit bien compris par la personne interrogée.
Aussi, j’ai testé mon questionnaire auprès de Guatémaltèques 145 afin d’en vérifier la
pertinence et de m’assurer de ne pas poser des questions déplacées.
En règle générale, je parvenais à interroger environ six personnes par heure. Mais
l’entretien pouvait aussi durer davantage de temps lorsque je tombais sur des personnes
plus loquaces (ce qui était également très intéressant).
145
Entretiens avec Messieurs Davila Luis et de León López Javier, Guatémaltèques, le 19 octobre 2010.
85
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
La taille de l’échantillon s’élève à 263 répondants (ce qui se rapproche de la pertinence
statistique qui est de 300 personnes minimum pour une population prise au hasard146).
Le but était d’interroger 75 répondants dans chaque ville. Lorsque je le pouvais, je
sondais les personnes auprès de magasins ou de stands de commerce équitable ou
d’artisanat. C’est la méthodologie qui a été employée à Panajachel et Antigua. À
Chimaltenango, vu l’affluence du centre commercial et du parc central le dimanche,
j’ai préféré ces endroits. J’en ai également profité pour distribuer des flyers
promouvant l’association. Chimaltenango n'étant pas une ville touristique, les
répondants étaient tous Guatémaltèques. Cependant, tout au long de mon stage et dès
que je le pouvais, j’interrogeais les clients du magasin au siège d’Aj Quenmême s’ils
étaient peu nombreux. Quant à la dernière ville, Quetzaltenango, étant donné que je
m’y sentais
moins en sécurité et que je ne parvenais pas à trouver d’endroit
typiquement touristique, j’ai décidé de distribuer mes questionnaires dans six écoles
d’espagnol pour les étrangers (provenant principalement des pays du Nord). L’avantage
de cette formule était que les élèves de ces écoles étaient tous des touristes, donc j’étais
assurée d’atteindre directement mon public cible. Mais d'un autre côté, je ne pouvais
pas perturber les cours (qui ne se donnent pas dans une seule et même classe, mais où
chaque étudiant est assis en face d’un professeur dans différents endroits de l’école).
J’ai donc tenté de distribuer mes questionnaires à l’heure de pause, mais la plupart
n’étaient pas intéresséspréférant profiter de leur pauseet d’autres ne comprenaient
pas toutes les questions. La méthode avait donc clairement ses désavantages. Je n’ai pu
récolter qu’une vingtaine de questionnaires complétés. Cependant, cette ville compte
un nombre assez élevé de magasins et d’associations appartenant au mouvement
« équitable », surtout pour une ville guatémaltèque. Je me suis donc davantage
entretenue avec ces associations.
Le sondage est une pratique qui nécessite des précautions méthodologiques pour établir
un contact de qualité et réaliser une enquête valable. Sur le terrain, j’abordais les
146
Entretien avec Madame Martine Gauthy, Responsable service Communication, ICHEC, 1er décembre
2010.
86
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
personneschoisies de manière aléatoireen me présentant, puis en leur définissant
l’objet de mon enquête. Après cette première prise de contact et une fois que
l’interviewé était un peu plus en confiance, j’abordais les thématiques de l’artisanat et
du commerce équitable. Pour conclure l’entretien, je demandais à l’interviewé de
préciser quelques données sociodémographiques le concernant. Je prenais congé de la
personne en la remerciant chaleureusement pour le temps qu’elle m’avait accordé. Tout
au long de l’entretien, je tentais de faire preuve d’empathie, d’écoute, de neutralité et de
respect.
Étant donné la différence linguistique, je devais davantage prêter attention à la
compréhension des questions par les personnes interrogées. En outre, je devais
m’assurer d’avoir bien compris leurs réponses. Au total, j’ai consacré huit jours de mon
stage à ces sondages.
L’avantage d’une telle enquête est l’échange direct d’informations. Cela me permettait
aussi de voir la réaction des gens, leur langage corporel, et d’éclaircir certains points du
questionnaire qui posaient des problèmes de compréhension. Mais le système comporte
aussi des inconvénients. Comme je choisissais les sondés au hasard, j’interpellais
parfois des personnes ayant des problèmes d’élocution ou de surdité. À certains
moments, je me rendais compte aussi que le concept de commerce équitable n’était pas
bien compris. Certaines personnes le confondaient avec d’autres concepts ou
affirmaient connaître le sujet, mais je réalisais au fil de l’entretien que ce n’était pas le
cas.
Cela m’a fait prendre conscience que tout le monde réfléchit différemment et a suscité
des interrogations, des réflexions auxquelles je n’avais pas songé en préparant le
questionnaire.
Pour conclure, je voudrais préciser que, vu la taille et la sélection de l’échantillon, les
résultats de cette enquête doivent être analysés avec précaution.
87
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
L’étude de marché réalisée fournit les paramètres essentiels du comportement
économique des clients de l’artisanat équitable. Le but est de distinguer le potentiel de
ce type de produits dans le marché national. Cette demande interne concerne toute
vente d’artisanat qui se réalise à l’intérieur du territoire guatémaltèque, que ce soit
l’achat que réalisent les touristes ou l’achat que réalisent les habitants du pays pour leur
usage propre ou pour offrir.
Examinons maintenant les tendances générales que j’ai pu dégager des réponses des
263 personnes interrogées.
72 % des sondés étaient de passage dans la ville où je menais mon enquête. De ce
pourcentage, 29 % étaient des résidents guatémaltèques. Quant aux autres voyageurs,
ils provenaient principalement d’Amérique du Nord (surtout le Canada et les ÉtatsUnis, étant donné la proximité avec le Guatemala) et dans une moindre mesure
d’Europe. On peut donc en déduire que 49 % de l’échantillon est constitué de
personnes originaires du Sud et 51 % de personnes originaires du Nord147. La raison
première de leur séjour est le tourisme. Sur ces 72 % de visiteurs, 60 % sont des
voyageurs plus ou moins réguliers (ils effectuent un à trois voyages par an).
En ce qui concerne le profil des répondants, ce sont en majorité des femmes qui ont
répondu (63 %). En effet, lorsque j’expliquais l’objet de mon enquête, les hommes me
renvoyaient souvent à leur compagne car « c’est elle qui fait les courses et qui connait
ces choses-là ». Les catégories d’âge les plus représentatives de cet échantillon sont
celles entre 18 et 25 ans, entre 26 et 35 ans ainsi que les personnes de plus de 56 ans.
Généralement, les Guatémaltèques étaient des jeunes adultes, et les touristes étaient
souvent âgés de moins de 35 ans ou pensionnés. Le nombre de personnes vivant dans
leur foyer était globalement compris entre deux et cinq.
147
28% de résidents interrogés dans leur ville + 29% Guatémaltèques des 72 % de passage dans une ville
guatémaltèque= 28%+21% = 49%. La population du Sud = 125 Guatémaltèques, 1 Péruvien, 1 Chilien, 1
Nicaraguayen, 1 Salvadorien. C’est pourquoi je les ai regroupés avec les Guatémaltèques.
88
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
En ce qui concerne l’artisanat en général, 45 % des gens affirment en acheter pour
eux-mêmes, 26 % se procurent de l’artisanat pour utiliser dans leur ménage (pour leur
famille), et 29 % en acquièrent dans le but de l’offrir. Un peu plus de la moitié de ces
acheteurs en achète une à trois fois par an, alors qu’un quart font des achats équitables
entre quatre et six fois par an. Les Guatémaltèques achètent plus souvent de l’artisanat
sur une année que les touristes du Nord : 31 % de nationaux acquièrent de l’artisanat
entre quatre et six fois par an ; 13 % se consacrent à cet achat plus de 10 fois par an
(contre respectivement 20 % et 7 % pour le Nord). Cette tendance s’explique sans
doute par l’usage fréquent de l’artisanat dans la vie quotidienne de certains
Guatémaltèques (costumes typiques, larges tissus pour porter les enfants, etc.). Ils en
font l’acquisition principalement au Guatemala tandis que les gens du Nord achètent de
l’artisanat plutôt lors de leurs voyages.
Quant aux montants dépensés pour ce type d’achat, ils varient suivant le profil de
l’acheteur. 62 % des personnes interrogées ne déboursent pas plus de 50 € par an en
produits équitables : c’est le cas pour 72 % de Guatémaltèques et 53 % d’étrangers. La
dépense moyenne des nationaux est de 65 €. Celle des populations du Nord s’élève à
environ 100 € par an. Cependant, certaines personnes interrogées achètent de l’artisanat
pour le revendre, ce qui explique les sommes importantes payées148.
En ce qui concerne la connaissance du concept de commerce équitable, 72 % des
personnes interrogées déclaraient avoir déjà entendu parler de ce concept. Cependant,
je tiens à préciser à nouveau qu’au fur et à mesure de l’enquête, je me rendais compte
que nous ne parlions pas de la même chose. Soit les sondés ne savaient pas ce que
signifiait le terme « équitable », soit ils pensaient aux accords de libre-échange (« free
trade », « libre comercio »). D’autres encore l’assimilaient à l’économie solidaire et
pensaient alors au programme gouvernemental « Temps de solidarité » (au travers
duquel sont distribués les sacs solidaires notamment) ou encore au Secrétariat d’œuvres
C’est le cas aussi bien des étrangers  qui viennent spécialement au Guatemala se procurer de la
marchandise afin de la revendre dans leur pays  que des Guatémaltèques qui jouent le rôle
d’intermédiaires.
148
89
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
sociales de l’ex-épouse du Président (SOSEP)149. Parfois sans doute, certaines
personnes n’osaient pas dire n’avoir jamais entendu parler de commerce équitable, soit
car elles voulaient à tout prix m’aider, soit par peur de se rendre ridicule. Quoi qu’il en
soit, il est clair que c’est dans les pays du Nord que le concept est le plus connu : 95 %
des Occidentaux interrogés avaient entendu parler du commerce équitable alors que
62 % des personnes venant du Sud n’avaient jamais été confrontés à ce terme. C’est
surtout à Quetzaltenango que le commerce équitable est connu (avec 84 % des
personnes sondées affirmant savoir de quoi il s’agissait), suivi par Antigua et
Panajachel (76 %). Par contre, à Chimaltenango, j’ai interrogé 25 personnes dans la rue
et 14 au magasin. Sur les 25 répondants du centre commercial et du parc de
Chimaltenango, une seulement connaissait le commerce équitable, car elle est ellemême une artisane ayant essayé de faire partie de ce mouvement. Pour les 24 autres
répondants, les réponses étaient similaires : les femmes indigènes n’achètent pas de
produits artisanaux car elles en fabriquent elles-mêmes et n’ont jamais entendu parler
du commerce équitable. J’ai donc décidé d’arrêter mes sondages dans cette ville étant
donné que je pouvais tirer des tendances et qu’elle n’était pas touristique. Bien que peu
de personnes connaissent le concept de commerce équitable, certaines connaissaient
cependant Aj Quen, non pour son artisanat équitable, mais pour son centre de
formation et d’hébergement. En outre, j’ai pu interroger 14 personnes au magasin d’Aj
Quen. J’aurais voulu en sonder davantage, mais il ne reçoit pas beaucoup de clientèle et
certains acheteurs manquaient de temps pour prendre part à cette enquête. De plus, je
n’étais pas toujours présente au siège d’Aj Quen .
C’est essentiellement à travers les médias que le commerce équitable est connu des
personnes originaires du Nord (journaux, radio, télévision). Un certain nombre (21 %)
le connaissent également grâce à leur communauté chrétienne, leur école ou université,
leur travail ou un proche œuvrant dans ce domaine. Parfois c’est grâce à leur marque de
149
L’objectif du SOSEP est d’implémenter des programmes à caractère social qui bénéficient aux
familles, aux enfants et aux communautés rurales. Cependant, c’est une aide peu ambitieuse et qui ne
permet pas aux Guatémaltèques d’améliorer significativement leur niveau de vie.
90
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
café et plus spécialement grâce à Starbucks150. Un autre 21 % connait le commerce
équitable grâce aux « magasins du monde » dans leur pays. Quant aux Guatémaltèques
qui déclarent avoir entendu parler du commerce équitable, plusieurs m’affirmaient le
connaitre par l’université, avant que je ne me rende compte que nous ne parlions pas de
la même chose. À Quetzaltenango, un quart de la population interrogée connait le
commerce équitable grâce aux nombreux magasins proposant des produits issus de ce
marché. En effet, diverses boutiques et des cafétérias vendent de l’artisanat ainsi que de
la nourriture équitable et locale.
Les produits équitables les plus achetés par les répondants sont les denrées
alimentaires, surtout le café. En effet, 59 % des personnes achetant des produits issus
du commerce équitable se procurent de la nourriture, alors que l’artisanat est acquis par
28 % de l’échantillon. Néanmoins, la différence est considérable entre les étrangers et
les locaux, dont 56 % achètent de l’artisanat équitable. Aussi, à Quetzaltenango, 56 %
de la population interrogée achètent de l’artisanat au moins une fois par mois, alors que
dans les autres villes, la majorité acquiert ces produits au moins une fois par an. Les
accessoires vestimentaires comme les châles, les sacs, les foulards, etc. sont les plus
appréciés en artisanat. Les populations du Nord se tournent davantage vers la nourriture
équitable (66 %). Cela démontre qu’au Nord, les produits les plus accessibles et les
plus populaires en commerce équitable sont les aliments. Je tiens à mentionner que
certaines personnes interrogées considèrent comme équitables les produits qu’ils
achètent directement au producteur.
J’ai reçu des réponses très variées quant à la différence que les répondants perçoivent
entre l’artisanat équitable par rapport à l’artisanat traditionnel. Majoritairement, 30 %
déclarent qu’une rémunération plus juste caractérise l’équitable, 14 % considèrent qu’il
prend en compte l’aspect social et l’être humain et 13% associent le commerce
150
Starbucks est la plus grande multinationale de coffeeshop avec plus de 17 000 magasins répartis dans
50 pays. En plus de sa propre marque de café, Starbucks vend également du café issu du commerce
équitable. Source : STARBUCKS, Starbucks Company Profile, in Starbucks, Site de Starbucks, adresse
URL: http://assets.starbucks.com/assets/aboutuscompanyprofileq12011final13111.pdf (page consultée le
19 mai 2011).
91
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
92
Source : Réalisation personnelle
Figure 3.2.  Traitement des questionnaires
équitable à la qualité. Cette tendance vaut aussi bien pour les nationaux que les étrangers.
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
Les achats de 42 % de la population interrogée s’effectuent dans des boutiques de
types « magasins du monde » dans leur pays. 32 % des personnes (Guatémaltèques
comme étrangers) qui achètent de l’artisanat équitable déclarent l’acquérir sur les
marchés. Or, sur ces lieux de vente (et spécialement au Guatemala), il n’y a pas de
stand de commerce équitable. En fait, les gens pensent acheter équitable lorsqu’ils se
procurent des articles d’un Indigène, comme je l’ai évoqué précédemment. Toutefois,
très souvent, ces vendeurs indigènes ne sont autres que des revendeurs exploités…
Pour ce qui est de la satisfaction des clients d’artisanat équitable, 78 % s’avèrent très
satisfaits, tout d’abord des coloris et des produits, mais aussi de la qualité et de l’aspect
«symbole de l’identité culturelle de la région ». Certains sont moyennement satisfaits,
par contre, du personnel vendant cet artisanat, de la disposition dans les magasins ainsi
que des prix. En effet, ils connaissent la raison pour laquelle les coûts sont plus élevés,
mais parfois ils trouvent que c’est un peu trop cher. À ce sujet, les répondants
achèteraient davantage de produits d’artisanat équitable si les prix diminuaient et s’il
y avait plus de points de vente où se les procurer. Par ailleurs, les Guatémaltèques
réalisent qu’ils ont besoin d’être mieux informés sur le commerce équitable. Étant
donné que la population recherche plus de garanties, un label pourrait l’aider à
déterminer ses comportements d’achat. Cependant, à l’heure actuelle, ce concept de
label est encore méconnu pour une partie de la population qui ne peut l’associer à un
élément concret.
En conclusion, l’étude de marché réalisée nous permet d’avancer que les acheteurs
d’artisanat sont principalement des femmes touristes venant du Nord, âgées de moins
de 35 ans ou de plus de 56 ans. Le commerce équitable est surtout connu au Nord de la
planète, mais une confusion règne dans cette dénomination, surtout au niveau du
Guatemala. Le produit phare de ce commerce équitable pour la population interrogée
est le café, et de manière générale les produits alimentaires plutôt que l’artisanat.
Cependant, les acheteurs d’artisanat se tournent davantage vers les produits textiles
comme en fabrique Aj Quen (et pas vers la céramique ou le bois, par exemple).
D’ailleurs, ils préfèrent les petites choses faciles à transporter. Selon moi, l’artisanat
textile équitable pourrait donc avoir du potentiel de développement au niveau national.
93
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
Cependant, il est fondamental d’informer les clients sur les caractéristiques du
commerce équitable et d’ouvrir davantage de points de vente afin d’éduquer les gens à
rechercher des valeurs éthiques151 plutôt que des bas prix.
Pour ces raisons, il semble que, dans un premier temps, Aj Quen devrait ouvrir un
magasin à Quetzaltenango. Bien que l’échantillon soit très petit, j’ai senti dans cette
ville, en parlant avec différents acteurs du commerce équitable, un esprit ouvert aux
questions de développement. De plus, elle est le siège de plusieurs ONG et associations
de commerce équitable (qui pourraient éventuellement s’allier pour organiser des
événements en commun ou des campagnes de sensibilisation). Des foires de commerce
équitable ou sur la consommation locale y sont parfois organisées. Au contraire de
Chimaltenango, 84 % de la population de Quetzaltenango connaissent le commerce
équitable et 56 % achètent de l’artisanat équitable au moins une fois par mois. Divers
facteurs expliquent ce phénomène. Premièrement, Quetzaltenango est la deuxième plus
grande ville du Guatemala, après la capitale. Ensuite, elle possède un bagage historique
différent des autres qui a donné lieu à un développement particulier 152. De plus, le
département de Quetzaltenango, constitué de plusieurs municipalités, accueille de
nombreuses communautés mayas. Celles-ci sont appréciées des touristes qui, entre
deux visites culturelles de sites mayas, séjournent à Quetzaltenango. En effet, étant la
capitale du département, Quetzaltenango constitue un point central entre ces différentes
151
Valeurs de responsabilité et de durabilité, tant dans leurs dimensions humaines et sociales
qu’environnementales.
152
Durant une courte durée, la ville a été la capitale de l’ancien État de Los Altos, le sixième État qui
jadis, intégrait les Provinces unies d’Amérique centrale. Une fois que cette République fédérale a été
morcelée, Quetzaltenango a été rattachée au Guatemala. S’en suivit une lutte contre la capitale du pays
afin de revendiquer une autonomie régionale pour la municipalité de Quetzaltenango, tant sur le plan
politique qu’administratif. Au 18e siècle, la région s’est développée économiquement (trains, banque,
café…), démographiquement et politiquement et est devenue un centre important. Beaucoup de familles
nanties et éduquées y résidaient. Cela explique aussi son développement culturel différent. En
conséquence, la ville a développé un sentiment d’appartenance régionale, bien que son action séparatiste
n’ait pas fonctionné. Source : TARACENA ARRIOLA, A., Invención criolla, sueño ladino, pesadilla
indígena. Los Altos de Guatemala: de región a estado, 1740-1850., in Asociación para el Fomento de los
Estudios Históricos en Centroamérica, Site de l’Association pour le Eéveloppement des Études
historiques
en
Amérique
centrale,
adresse
URL:
http://afehc-historiacentroamericana.org/index.php?action=fi_aff&id=1248 (page consultée le 19 mai 2011).
94
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
communautés. Par ailleurs, depuis trois décennies, beaucoup de jeunes s’y rendent afin
d’y étudier car Quetzaltenango est la deuxième ville guatémaltèque offrant le plus large
choix de formations. À l’université, les jeunes bénéficient d’une formation culturelle et
académique qui les initie au commerce équitable. Enfin, un bon mélange entre la
population locale et touristique (venant principalement pour y apprendre l’espagnol)
caractérise la ville. Tous ces éléments me permettent d’affirmer que cette ville serait un
environnement favorable pour qu’Aj Quen fasse ses débuts en commerce équitable
Sud-Sud. Cependant, l’association devra trouver un moyen de différencier ses produits
par rapport à la concurrence et devra aussi veiller à ne pas se placer à côté de
concurrents directs d’artisanat équitable. Je reviendrai sur ce point dans le chapitre 5.
D’une manière générale, le commerce d’artisanat textile en coton est localisé à
proximité des lieux de culture du coton. C’est le cas du sud de l’Amérique latine, de
l’Asie et de l’Afrique. Cependant, sur ce dernier continent, les symboles et designs sont
assez différents de ce qui est produit au sein d’Aj Quen. Par contre, des articles
similaires à ceux de la fédération étudiée sont fabriqués dans certains autres endroits
d’Asie et d’Amérique latine. C’est pourquoi nous analyserons l’artisanat sur ces deux
continents.
En Amérique latine, dans l’ensemble, le secteur artisanal se caractérise par une
production à petite échelle réalisée au sein des cercles familiaux ou dans de petites
entreprises. Celle-ci ne requiert pas de grands investissements de capitaux ou de maind’œuvre intensive. Sa commercialisation se réalise au travers des petits producteurs ou
d’intermédiaires. Cette activité est aussi très souvent effectuée à temps partiel dans le
secteur informel, l’autre partie du temps étant consacrée à l’agriculture. Les
connaissances techniques sont basiques, traditionnelles et souvent transmises de
génération
en
génération.
Comme
au
Guatemala,
l’activité
artisanale
est
essentiellement importante pour la femme car elle trouve dans ce secteur une source de
95
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
revenus propres, élément fondamental pour sortir de la pauvreté mais aussi pour
améliorer l’estime de soi et gagner plus d’indépendance. 153
Ce secteur artisanal latino-américain est tout de même fragmenté et varie de pays en
pays. En effet, certains se spécialisent dans le textile en laine, en nylon, en fibres
synthétiques, en fibres végétales, etc. D’autres utilisent le coton comme Aj Quen. C’est
donc sur ces derniers que nous nous concentrerons.
En Amérique latine, l’artisanat textile de coton est réputé154 principalement en
Colombie, au Mexique, au Panama, en Équateur, en Bolivie, au Nicaragua et au
Salvador155.
Dans ces pays, les femmes indigènes conçoivent des tissus selon des techniques
anciennes de tissage utilisant le métier à cadres. L’artisanat y est une pratique culturelle
ancestrale et les produits qui en résultent sont constitués de motifs colorés.
Actuellement, les artisans ont développé et professionnalisé des techniques et des
formes afin de s’adapter à la demande internationale, tout en conservant les
caractéristiques intrinsèques des régions. Ainsi, les tissus témoignent toujours d’un
symbole de tradition et d’enracinement culturel. Les tissus ne sont pas seulement
destinés aux touristes mais sont aussi utilisés par les autochtones afin d’honorer leur
culte, pour les tâches ménagères, ou encore en décoration.
153
Ce paragraphe est inspiré de FUNDACIÓN ESPAÑOLA PARA LA INNOVAVACIÓN DE LA
ARTESANÍA, op. cit., p.20-21. La traduction est de l’auteur.
154
Cette section est inspirée de VALENCIA SÁNCHEZ, C. S., op. cit., p.58-65 ; ainsi que des guides
touristiques suivants :
EASYVOYAGE, Tout savoir pour mieux voyager, adresse URL :
http://www.easyvoyage.com/ (page consultée le 4 mai 2011) ; LE ROUTARD, Tout pour préparer son
voyage, adresse URL : http://www.routard.com/ (page consultée le 4 avril 2011) ; COLOMBIA
TRAVEL, L’Artisanat Colombien, In Colombie Travel, Site officiel du tourisme en Colombie, adresse
URL : http://www.colombia.travel/fr/touriste/circuit-et-voyage-quoi-faire/histoire-et-tradition/lartisanat
(page consultée le 4 mai 2011) ; TERRA ANDINA BOLIVIE, Atisanat, In Terra Andina Bolivie, Site de
l’agence de voyage Terra Andina en Bolivie, adresse URL : http://www.voyage-bolivie.com/infos (page
consultée le 4 mai2011) ; ARTESANÍAS DE COLOMBIA, Algodón,In Artesanías de Colombia, Site de
l’artisanat
de
Colombie,
adresse
URL :
http://www.artesaniasdecolombia.com.co/PortalAC/General/sectorPublicacion.jsf?publicacion=181
(page consultée le 4 mai 2011).
155
Cf. Annexe Q : Artisanat textile concurrent.
96
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
D’ailleurs, au Mexique, les femmes indigènes portent le « huipil ». En outre, tout
comme au Guatemala, les Indigènes utilisent de grands tissus afin de porter leur enfant
sur le dos et afin de transporter leurs objets personnels (téléphone portable,
argent…).156
Au Panama, le costume traditionnel est fabriqué en coton, comme c’est le cas au
Guatemala. De plus, le souvenir que les voyageurs aiment ramener de leur séjour dans
ce pays est la « mola ». C’est une blouse représentant un important symbole des
Indigènes du pays. Celle-ci mélange leur culture et les influences modernes. Afin de
l’élaborer, plusieurs heures de travail manuel sont nécessaires. Les motifs de cette
blouse se déclinent aujourd’hui sous différentes formes (couvre-lit, décoration murale,
etc.). 157
Dans tous ces pays existent également des magasins de commerce équitable et solidaire
proposant de l’artisanat textile. En outre, certains magasins organisent aussi des
événements culturels ou possèdent une cafétéria. C’est le cas de Camari et Sinchi Sacha
en Équateur, Pro-Ecosol au Pérou, etc. En outre, des salons commerciaux spécifiques à
l’artisanat ou au commerce équitable sont organisés.158
D’autres pays, en Asie, sont également développés dans la commercialisation
d’artisanat textile de coton : le Vietnam, le Népal, l’Inde, le Sri Lanka, la Thaïlande.
Leur artisanat est varié, de bonne qualité et requérant des coûts très bas. Ils utilisent les
mêmes techniques de tissage qu’au Guatemala. Dans ces pays, l’artisanat varie aussi en
fonction des régions et les techniques de fabrication se transmettent de génération en
génération159.
156
Ce paragraphe est inspiré de RÊVE MEXICAIN, Art et Artisanat, In Rêve mexicain, Site du rêve
mexicain, adresse URL : http://www.revemexicain.com/art_et_artisanat_mexique.php (page consultée le
4 mai 2011).
157
PANART, About Molas, In Indegenous Art from Panamá, Site de l’artisanat indigene au Panama,
adresse URL: http://www.panart.com/molainfo.htm (page consultée le 4 mai 2011).
158
Ce paragraphe est inspiré de GUERRA, P., Abriendo puertas: sistematización, Paraguay, Red de
tiendas de economía solidaria y de comercio justo en latinoamérica, compte-rendu de la première
rencontre, 2008, p.7-12.
159
JOHNSON, P.W., Investigación y propuesta sobre formas de mercados solidarios en
Guatemala,Guatemala, PNUD, p. 47.
97
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
À présent je vais m’intéresser à la concurrence d’Aj Quen sur le marché international.
Je me baserai sur les importations d’artisanat provenant du Sud que réalisent d’OxfamMagasins du monde160 en Belgique, CTM Altromercato en Italie et d’Artisans du
Monde en France161, deux autres grands importateurs de ces produits.
Je commencerai par aborder le cas de l’Asie. L’artisanat est une source considérable de
revenus pour l’Inde. Il existe différentes organisations d’artisans de commerce
équitable faisant partie de la WFTO. C’est le cas de Sasha162, EMA163, Pushpanjali164 et
Co-optex165. Ces organisations exportent beaucoup, mais sont également impliquées
localement : en plus de la vente, elles militent au niveau national et régional afin de
promouvoir le commerce équitable et sensibilisent la population locale à ce commerce
via divers événements dans les écoles, les universités,…166 Au Vietnam, Craft Link
aussi vend 21 % de ses produits artisanaux sur le marché local.
Au Sri Lanka, les tisserands de Selyn travaillent le coton et tentent de faire face aux
importations massives de produits industriels bon marché d’Inde en exportant leurs
produits, de même que ACP au Népal.167 Artisans du Monde travaille également avec
la TTcraft en Thaïlande168 (mais son coton tissé à la main est mélangé avec des fibres
synthétiques).
160
OXFAM-MAGASINS DU MONDE, Produits, In Oxfam-Magasins du Monde, Site d’OxfamMagasins du Monde, adresse URL : http://www.oxfammagasinsdumonde.be/produits/ (page consultée le
4 mai 2011).
161
ARTISANS DU MONDE, Artisanat, In Artisans du Monde, Site d’Artisans du Monde, adresse URL :
http://www.artisansdumonde.org/produits-commerce-equitable.html (page consultée le 5 mai 2011).
162
SACHA, Site de Sacha, adresse URL: http://www.sashaworld.com/ (page consultée le 4 mai 2011).
163
EQUITABLE MARKETING ASSOCIATION, Site de EMA : l’association de marketing équitable,
adresse URL : http://www.emaindia.org/ (page consultée le 4 mai 2011).
164
PUSHPANJALI, Site de Pushpanjali : une organisation de commerce équitable, adresse URL :
http://www.pushpanjali.in (page consultée le 5 mai 2011).
165
CO-OPTEX, Site de Co-optex, adresse URL: http://www.cooptex.com/cot.html (page consultée le 4
mai 2011).
166
OXFAM-MAGASINS DU MONDE, Producteurs : Pushpanjali, In Oxfam-Magasins du Monde, Site
d’Oxfam-Magasins
du
Monde,
adresse
URL :
http://www.oxfammagasinsdumonde.be/2010/09/pushpanjali/ (page consultée le 4 mai 2011).
167
OXFAM-MAGASINS DU MONDE, Producteurs : Pushpanjali, In Oxfam-Magasins du Monde, Site
d’Oxfam-Magasins
du
Monde,
adresse
URL :
http://www.oxfammagasinsdumonde.be/2010/09/pushpanjali/ (page consultée le 4 mai 2011).
168
THAI TRIBAL CRAFT FAIR TRADE, Site de Thai Tribal Craft Fair Trade, adresse URL:
98
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
Nous pouvons donc constater que globalement, les pays du Sud utilisent les mêmes
techniques en artisanat textile. Celui-ci représente la culture de ces pays, qui
développent le commerce équitable à des degrés divers.
Cette analyse nous permet de tirer diverses conclusions. D’une part, les articles tissés à
la main, 100 % coton et similaires à ceux que fabrique Aj Quen, peuvent s’acheter en
Asie et en Amérique latine principalement. Cependant, ces produits sont de plus en
plus substitués par des matières synthétiques. Parmi les pays reconnus pour leur
artisanat textile de coton, le Guatemala détient un beau titre au niveau
mondial. Néanmoins, l’Asie, et en particulier l’Inde, utilisant des techniques de
production semblables, lui fait directement concurrence en fixant des prix de vente
moins élevés. D’ailleurs, Oxfam et Artisans du Monde s’approvisionnent
principalement en Inde. Mais la réputation de l’artisanat guatémaltèque est propre aux
tissus de coton, alors qu’en Inde, d’autres matériaux sont recommandés (céramique,
bois, soie, etc.). Cela confère à Aj Quen une opportunité dans la promotion de ses
produits représentant un bien culturel national. De plus, comme ses articles sont
commercialisés sous la dénomination « équitable », Aj Quen se différencie de la
concurrence du commerce conventionnel par sa qualité.
D’autre part, au niveau du commerce équitable local, les deux continents voient de
nouvelles dynamiques se mettre en place. Cependant les organisations indiennes
semblent déjà bien ancrées dans ce système alors qu’en Amérique du Sud, le
phénomène est plus récent169. En dépit de cela, la position du Guatemala et sa capacité
productive en Amérique centrale donnent au pays un potentiel de développement
important pour un commerce interrégional respectant les valeurs, principes et critères
d’un commerce équitable et solidaire.
http://www.ttcrafts.co.th/ (page consultée le 5 mai 2011).
169
Je reviendrai sur ce point dans le chapitre suivant.
99
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
Malgré cette notoriété dont bénéficie l’artisanat textile équitable au Guatemala, ils
restent des défis à relever. En effet, les obstacles rencontrés par le commerce équitable
local paraissent plus importants que pour le commerce équitable d’exportation en
dehors de la région d’Amérique centrale. En effet, au Guatemala, l’offre de cet artisanat
textile équitable (bien qu’elle ne soit pas élevée sur le marché national) est supérieure à
la demande, ce qui peut s’expliquer par différents facteurs. Tout d’abord, les prix des
produits d’artisanat équitable sont plus élevés par rapport aux prix du marché
conventionnel, principalement parce que les coûts de production sont plus élevés
(main-d’œuvre, matières premières, etc.). Plusieurs vendeurs de produits équitables
témoignent aussi que certains clients entrent dans leur magasin et en ressortent séduits
par cette alternative éthique, mais ne peuvent se permettre financièrement de s’en
procurer, leur pouvoir d’achat étant limité. C'est pourquoi il est nécessaire de
conscientiser la population disposant d’un pouvoir d’achat plus grand (résidant ou
visitant le Guatemala) à faire la différence entre ces produits, à ne pas seulement
regarder les prix, et à effectuer des achats plus solidaires.
Il s’avère que mener une campagne de sensibilisation sans l’aide de l’État n’est pas
simple. En effet, comme je l’ai évoqué précédemment, ce secteur manque cruellement
de soutien étatique, et la commission mise en place au niveau national pour le
commerce équitable ne prend pas beaucoup d’initiatives. De plus, celle-ci est limitée
financièrement. Les gérants des magasins de commerce équitable interrogés évoquent
donc la nécessité et les avantages d’une union entre eux pour mener une campagne.
Toutefois, la peur du copiage des concurrents sur leurs propres produits ou celle de
devoir répartir les bénéfices ralentit certaines associations dans leurs démarches de
coopération. Cette campagne serait pourtant utile face au manque d’information de la
population sur ce thème. Ajoutons que cette sensibilisation devrait à la fois viser les
producteurs et les consommateurs.
Ensuite, les associations d’artisanat équitable doivent commercer sur un marché
dominé par quelques grands producteurs, exportateurs ou distributeurs. A ce propos, la
Chine se présente comme concurrente du Guatemala, non pour son artisanat à valeur
culturelle, ni pour son savoir-faire technique comme en Inde, mais par sa grande
100
Chapitre 3 : Analyse du marché de l’artisanat équitable guatémaltèque
capacité à copier en un temps record. Conséquemment, des produits massivement
importés de Chine envahissent le marché artisanal guatémaltèque à bas prix.
Par ailleurs, les ventes d’artisanat équitable au Guatemala dépendent fortement des
saisons touristiques (des vacances, des événements culturels et politiques, de
l’insécurité, du gouvernement, de la crise mondiale, etc.).
Également, les démarches dans ce secteur restent ardues étant donné la compréhension
floue de ce terme «équitable». En effet, de manière générale, les vendeurs dans le
marché conventionnel pensent qu’ils obtiendront un meilleur prix s’ils se réclament du
commerce équitable. Du côté des consommateurs, nous avons remarqué qu’ils
assimilent le terme « commerce équitable » à bien d’autres concepts sans lien avec ce
dernier. Je pense donc que pour qu’un commerce plus juste puisse se développer au
Guatemala, il est impératif d’adapter sa dénomination à la culture locale170.
En conclusion, l’artisanat équitable jouit d’une bonne réputation au Guatemala ainsi
que dans le monde. La concurrence de l’Asie est cependant considérable, car à moindre
coût. Une mise en valeur de l’artisanat équitable est nécessaire pour assurer son avenir.
Cela ne pourra se faire qu’avec une coopération entre les associations civiles
nationales, ainsi qu’avec le soutien de l’État. Malgré les problèmes structurels du pays
(violence, insécurité, catastrophes naturelles, etc.), les gérants des magasins affirment
que leurs ventes générales en commerce équitable ont légèrement augmenté. De plus,
un projet pour renforcer le commerce équitable au niveau des politiques
gouvernementales est en cours. Cela nous permet d’espérer de meilleures conditions
commerciales dans l’avenir du Guatemala.
170
Je reviendrai sur ce point dans le chapitre 5.4. Nouvelle dénomination du commerce équitable.
101
Chapitre 4 : Vers un commerce équitable Sud-Sud
CHAPITRE 4 : VERS UN COMMERCE ÉQUITABLE SUD-SUD
L’analyse de l’artisanat équitable au Guatemala nous a permis de le situer dans le
contexte socio-économique national et par rapport à ses concurrents dans le monde.
Bien que chaque pays possède ses propres caractéristiques et que certains soient plus
avancés que d’autres en termes de commerce équitable, la situation de ce secteur peut
être généralisée, sur base de ce qui a été développé précédemment. Je décrirai ci-après
sous quelles conditions et sous quels modèles un marché équitable domestique et entre
les pays sud-américains pourrait fonctionner. Je m’intéresserai d'abord aux échanges
commerciaux entre le Sud de manière générale. J’aborderai ensuite les raisons de
l’émergence d’un commerce équitable Sud-Sud, avant de me concentrer sur la théorie
du site et le concept de développement local. Les impacts économiques et sociaux
seront abordés par la suite. Enfin, je dresserai une liste non exhaustive des initiatives de
commerce équitable dans différents pays du Sud.
Dans le marché conventionnel, les échanges entre pays du Sud sont en progression. En
ce qui concerne les marchandises, la CNUCED171 affirme que les échanges dans ce
domaine ont « plus que triplé en à peine plus de dix ans, passant de 577 milliards de
dollars en 1995 à plus de 2 000 milliards de dollars en 2006. En 2006, les échanges
Sud-Sud représentaient 17 % du commerce mondial et 46 % du commerce total de
marchandises des pays en développement ».
À la source de ces échanges, la CNUCED observe un Sud dynamique représenté par la
Chine172, Hong Kong (Chine), la République de Corée, le Mexique, la province
chinoise de Taiwan, Singapour, la Malaisie, la Thaïlande, l’Indonésie, le Brésil173,
171
CNUCED, Émergence d’un nouveau Sud et rôle des échanges Sud-Sud comme moyen d’intégration
régionale et interrégionale en vue du développement, Ghana, United Nations Conference on Trade and
Development, note du secrétariat de la CNUCED, 2008, p. 2.
172
La Chine est le centre d’activité dans le secteur manufacturier.
173
Le Brésil est le centre d’activité dans les secteurs de l’agriculture et de la transformation des produits
102
Chapitre 4 : Vers un commerce équitable Sud-Sud
l’Inde174, les Philippines et l’Afrique du Sud. « La part des exportations en provenance
des pays en développement les plus dynamiques est passée de 13 % des échanges
mondiaux en 1985 à 20 % en 1995 et à 26 % en 2006, avec un taux moyen annuel de
croissance de 3,5 % entre 1990 et 2006 ».175
Selon ce rapport, l’Asie représente le centre de gravité de ces échanges commerciaux.
En effet, en 2006, ce continent exportait 86 % du total des échanges Sud-Sud, dont
78 % s’effectuait à l’intérieur du continent. « Par ailleurs…, l’Asie absorbe plus de la
moitié des exportations Sud-Sud en provenance d’Afrique et environ un tiers des
exportations en provenance des pays en développement d’Amérique »176. D’autre part,
ces dernières années ont été marquées par davantage d’importations asiatiques
provenant d’Afrique, dues essentiellement à une augmentation de la demande d’énergie
et de matières premières industrielles. En ce qui concerne les échanges ente l’Afrique et
l’Amérique, ils sont également en croissance, mais sont plus limités qu’avec le
continent asiatique.177
En plus de ce commerce Sud-Sud intercontinental, il existe d’autres types d’échanges
entre pays du Sud. Tout d’abord, ces échanges peuvent se produire entre les pays à
l’intérieur d’un continent. Ensuite, les ventes Sud-Sud concernent aussi celles
effectuées entre pays voisins. Enfin, la vente aux touristes provenant du Sud sur le
marché local est aussi une forme d’échanges dans ce secteur. Cependant, les
organisations n’ont aucune prise sur ce facteur et dépendent cruellement du flux
touristique.178
agricoles.
174
L’Inde est le centre d’activité dans le secteur des services.
175
CNUCED, 2008, op. cit., p.6.
176
Ibid, p.6.
177
Ibid, p.4.
178
GRAAS, F., Vendre des produits issus du commerce équitable dans le Sud : étude du cas d’Aj Quen,
au Guatemala, Wavre, Oxfam-Magasins du monde, 2011, p. 13.
103
Chapitre 4 : Vers un commerce équitable Sud-Sud
En économie, la théorie néo-classique suppose une situation de concurrence parfaite.
Or, celle-ci n’existe pas, car l’économie mondiale actuelle est régie par des rapports de
force où les prix sont imposés aux acteurs dominés. C'est pourquoi le commerce
équitable est apparu, proposant une alternative à cette économie mondiale inégale.
Cependant, il n’est pas un modèle parfait. Il ne peut régler les injustices du commerce
conventionnel à lui seul. « Comme toute activité sociale ou économique confrontée au
système capitaliste, le Commerce Equitable rencontre des obstacles, connaît des
limites, et souffre de contradictions. Comme tout phénomène qui gagne du terrain, il a
ses détracteurs et ses débats internes. Certains tentent de se l’approprier quitte à se
dévoyer… Cette économie alternative peut abandonner ses valeurs et ses principes
initiaux dans le dur rapport de force qui l’oppose et l’attire vers le monde
capitaliste »180. Le commerce équitable développe des contradictions (une répartition
inégale des revenus subsiste toujours entre le Nord et le Sud) et se heurte à des
obstacles (comme le fait que le Sud ne possède pas toujours de capacité de
transformation et dépend donc du Nord).
Quant aux critiques adressées au commerce équitable Nord-Sud, elles sont nombreuses.
C'est pourquoi je ne reprendrai ici que les principales. Tout d’abord, le transport sur de
longues distances est contraire aux principes du développement durable. Ensuite, ce
commerce encourage les produits d’exportation (aux goûts du Nord) au détriment de
l’agriculture vivrière ou de la production locale. Nous pouvons encore citer les taxes à
l’importation qui gonflent les prix. Bref, en ne citant que ces quelques inconvénients au
commerce équitable, une solution pour les populations du Sud (afin qu’elles deviennent
davantage indépendantes) serait de se développer localement et de générer leurs
propres revenus sans s'adresser à des clients du Nord. Un exemple concret à tout cela
est celui d’Aj Quen, dépendant financièrement d’Oxfam-en-Belgique, mais qui, suite à
179
Cf. Annexe Q : Article sur le commerce équitable Sud-Sud.
MAYER, S., CALDIER, J-P., Le guide de l’économie équitable, France, Fondation Gabriel Peri,
2007, p. 25 et 315.
180
104
Chapitre 4 : Vers un commerce équitable Sud-Sud
la chute des ventes d’artisanat au Nord, aimerait accroître son volume de ventes
locales.
Dans ce sens, un commerce équitable Sud-Sud en circuit court, permettrait de limiter
les exportations lointaines, les relations de pouvoir Nord-Sud, et ferait apparaître une
catégorie de consommateurs responsables dans la classe moyenne des grandes villes et
qui valoriseraient la production locale.
«Devant un marché limité par l’exportation de produits équitables vers le Nord, il y a
une émergence de réflexions sur le commerce équitable régional entre les pays du Sud
et l’idée d’appliquer ses principes à la commercialisation locale, devenue le commerce
équitable domestique» 181. C’est pourquoi, dans le point suivant, je m’attarderai sur le
développement local.
C’est entre autres dans cette démarche que s’inscrivait le Forum Social Mondial qui
s’est tenu cette annéeen févrierà Dakar. Il avait pour thématique ce commerce
équitable Sud-Sud justement. Lors de celui-ci, les participants se sont accordés sur la
définition suivante : « Le Commerce Equitable Sud/Sud consiste à : développer des
filières complètes au Sud (par des partenariats Sud/Sud, des modes de labellisation
adaptés) afin de développer l'emploi et l'économie locale tout en proposant des
produits à la portée des populations du sud (en complément à l'exportation); informer
les citoyens et les pouvoirs publics aux enjeux et défis de cette économie alternative et
solidaire au service des populations du Sud et qui respecte l'environnement et les
ressources naturelles; faire pression collectivement sur les instances internationales
pour stopper les dégâts issus de l'organisation actuelle du commerce basée sur une
économie « libérale » destructrice; imposer le paradigme du bien vivre par l'exemple,
démontrant que d'autres pratiques économiques existent aujourd'hui, assurant un
développement respectueux de l'humain tout en préservant les générations futures.»182
181
LEMAY, J-F., FAVREAU, L., MALDIDIER, C., Commerce équitable: les défis de la solidarité dans
les échanges internationaux, Canada, Presses de l’Université du Québec, Collection Initiatives, 2010,
p.92.
182
SERVAIRE, C., Rapport du séminaire et de l’atelier sur le Commerce Equitable Sud/Sud, Dakar,
Cofta, 2011, p.7.
105
Chapitre 4 : Vers un commerce équitable Sud-Sud
Bien entendu, les contextes sont différents d’un continent à l’autre, et même d’un pays
à l’autre. Cependant, une réflexion générale est nécessaire sur un modèle économique
plus équitable, basé sur des échanges recentrés localement et puis, régionalement. Il ne
s’agit pas de transposer les mêmes modèles appliqués au Nord pour les implanter à tous
les pays du Sud, mais bien de voir comment chaque pays du Sud peut contribuer à son
propre développement par le biais de ce commerce recentré, adapté aux situations
locales.
Dans son cahier de recherche, P. Prévost183 nous dit qu’« il n’y a pas de modèle unique
de développement local ». Selon lui, le « développement local comporte une dimension
territoriale… s’appuie sur une force endogène… fait appel à une volonté de
concertation et la mise en place de mécanismes de partenariat et de réseaux… intègre
des dimensions sociales aussi bien qu’économiques, implique aussi une stratégie
participative et une responsabilisation des citoyens envers la collectivité ». Tandis que
l’OCDE [Organisation de coopération et de développement économiques] définit le
niveau local en ces termes : « Le niveau local est l'environnement immédiat dans lequel
la plupart des entreprises - et en particulier les petites - se créent et se développent,
trouvent des services et des ressources, dont dépend leur dynamisme et dans lequel
elles se raccordent à des réseaux d'échange d'information et de relations techniques ou
commerciales... Le niveau local, c'est-à-dire une communauté d'acteurs publics et
privés, offre un potentiel de ressources humaines, financières et physiques,
d'infrastructures éducatives et institutionnelles dont la mobilisation et la valorisation
engendrent des idées et des projets de développement.»
En effet, « le développement ne se décrète pas » comme le mentionne Zaoual H.184
dans son syllabus d’Économie du Développement. Il est nécessaire d’adopter un regard
183
PREVOST, P., Le développement local : Contexte et définition, Québec, Institut de recherche et
d’enseignement pour les coopératives de l'Université de Sherbrooke (IRECUS), cahiers de recherche,
2003, p. 15-18.
184
Ce paragraphe et les suivants sont inspirés de ZAOUAL, H., Économie du développement, Bruxelles,
106
Chapitre 4 : Vers un commerce équitable Sud-Sud
nouveau en raison de la variété d’espaces d’application, il faut relire en fonction du
contexte. Ce regard est rendu possible par la théorie des sites.
Les sites sont des univers à la fois singuliers et ouverts sur l’évolution de
l’environnement local, national et international. En somme, ce sont des mondes à la
fois singuliers et imbriqués dans des environnements globaux et dynamiques, donc
indéterminés quant à leur évolution. Les sites sont hybrides et caractérisés par une
hétérogénéité de valeurs et de pratiques. Chaque site a ses valeurs et ses règles locales
de comportements. Ces dernières portent à la fois l’empreinte du passé et du
changement.
Les sites sont également
caractérisés par l’interculturalité et
l’interdisciplinarité afin de fuir le réductionnisme scientifique. Ils sont entachés
d’influences extérieures et tendent à reproduire leur identité en s’adaptant à de
nouvelles contingences introduites sous la pression de l’environnement.
L’homo situs se reporte à plusieurs références et son site est un espace riche,
irréductible, éthique, qui incite les acteurs à se coordonner au-delà du marché. L’homo
situs possède une rationalité située. Son appréhension du contexte est plus large et plus
souple que celle de l’homo œconomicus, car il vise à appréhender l’homme concret
dans sa diversité et ses singularités. « L’homo situs est varié (diversité dans l’espace),
variable (diversité dans le temps) et doué d’une autonomie relative dans ses formes
d’existence »185. Il s’autoreproduit autour d’un sens que lui confère momentanément le
site car « l’homme a besoin de sens et de direction »186, c’est une donnée capitale en
termes de développement économique. À partir de ce site, il prend ses décisions.
Toute initiative occidentale de commerce équitable au Sud semble donc outrepasser
cette exigence de respecter les propriétés des sites. Chacun d’eux connaît des situations
qui lui sont propres et, pour que son développement soit optimal, un projet économique
doit venir de sa population. C’est dans cette perspective que se profile la question d’un
commerce équitable, domestique, régional, Sud-Sud.
ICHEC, syllabus, 2010-2011, p. 54-56.
185
ZAOUAL, H., 2010-2011, op. cit., p. 55.
186
Ibid., p.55.
107
Chapitre 4 : Vers un commerce équitable Sud-Sud
Cette section clarifiera les impacts économiques et sociaux qu’un commerce recentré
peut apporter aux petits producteurs, à leur communauté et au-delà. Ainsi, je verrai
dans quelles mesures l'activité des producteurs dans le marché local leur est bénéfique,
en me basant sur le cas d’Aj Quen.
Aj Quen travaille avec 25 groupes d’artisans. Cela équivaut à environ 800 personnes.
En vendant leurs produits sur le marché local, ces 800 artisans peuvent toucher une
rémunération et en faire profiter leur famille. De plus, certains groupes ont commencé
avec 8 personnes et actuellement, 25 femmes indigènes le composent. Cela prouve que,
de plus en plus, les artisans recherchent à travailler en groupe et collaborent.
En outre, au Guatemala, l’offre de main-d’œuvre est plus grande que la demande.
Grâce au secteur artisanal, une partie de cette main-d’œuvre est absorbée et son niveau
de vie est amélioré au moyen des revenus engendrés par cette activité.
Qui plus est, le commerce équitable offre à ces artisans une opportunité d’emplois
mieux rémunérés que dans le commerce conventionnel.
Enfin, lorsque les artisans parviennent à vendre directement sur le marché local, non
seulement le consommateur y gagne en payant moins cher que le prix de vente à
l’étranger, mais le producteur reçoit plus également.
Cependant, bien qu’ils se rendent compte de la diminution des commandes
internationales, les artisans préfèrent fabriquer des produits destinés à l’exportation,
187
Le contenu de cette section est inspiré du rapport d’AJ QUEN, op. cit., 2010, p.9-18 ; de celui
d’ALVARADO CANO, E., 2010, op. cit., p.13-17.; et de l’entretien avec Monsieur José Victor POP
BOL, Coordinateur exécutif, AJ QUEN, le 2 mars 2011.
108
Chapitre 4 : Vers un commerce équitable Sud-Sud
plutôt qu’au marché local car, selon eux, le marché international offre plus d’argent
pour leurs achats.
En ce qui concerne les conditions de travail, les membres de l’association bénéficient
de meilleures situations que dans des groupes non organisés. Les bénéfices leur
permettent d’investir dans des infrastructures communautaires et Aj Quen leur fournit
(grâce aux donations étrangères) l’équipement nécessaire pour produire. Aussi, la
formation technique donnée par Aj Quen permet aux artisans de trouver des
opportunités d’emploi mieux rémunéré.
Grâce aux bénéfices engendrés, les groupes peuvent investir dans des ressources
locales et contribuer ainsi à la prospérité du pays. Qui plus est, les formations ont
notamment permis aux femmes d’ouvrir de nouveaux espaces dans la dynamique
économique locale et régionale (par exemple, en ouvrant une petite échoppe servant de
magasin communautaire). Ces espaces leur permettent d’augmenter leurs revenus et
donc, d’améliorer le niveau de leur consommation, leur santé et l’éducation de la
famille.
Aussi, en se renforçant économiquement sur le marché local, et en tentant de réactiver
l’économie après la crise188, les producteurs sont amenés à se distinguer des autres
concurrents vendant sur le même marché, et notamment face à la concurrence chinoise.
Les bénéfices sont utilisés dans des investissements collectifs répondant à des besoins
fondamentaux (alimentation, alphabétisation, formation). Ainsi, des écoles sont
construites dans les communautés afin d’éduquer les enfants, mais aussi des garderies
afin de pouvoir les occuper lorsque les artisans travaillent, des centres de formation à
188
Les chiffres qui témoignent de la baisse d’activités ont été analysés au chapitre 1.5. Le financement et
les revenus d’Aj Quen.
109
Chapitre 4 : Vers un commerce équitable Sud-Sud
l’intérieur des communautés, des habitats plus adaptés aux conditions climatiques du
pays pour les artisans, des ateliers de production… Tout cela permet de produire des
articles de qualité dans de meilleures conditions et, surtout, instaure les bases d'une
société plus agréable.
Aj Quen offre diverses formations aux tisserands tant au niveau technique, que social,
environnemental, politique et dans le domaine de la santé. D’un point de vue social, les
formations portent sur l’équité du genre, le pouvoir local, la participation citoyenne, la
culture démocratique, l’alphabétisation, les bourses d’études pour les enfants, etc. Tout
cela aide surtout les femmes à s’émanciper, à s’intégrer dans la société et dans la vie
politique.
Nicolasa Raxtun, une Indigène maya de 30 ans raconte : «Avant de faire partie de la
fédération, nous étions enfermées dans nos maisons. Maintenant, nous avons réussi à
vaincre la peur de sortir de chez nous. Les femmes assistent aussi aux activités sociales
proposées par Aj Quen. De plus, nous rapportons de l’argent à la maison.»189
Une femme indigène de plus de 30 ans déclare ne jamais être sortie de son petit village
avant de prendre l’autobus pour la première fois de sa vie dans le but de livrer des
marchandises au siège d’Aj Quen à Chimaltenango.190
Aj Quen crée les conditions socio-économiques qui permettent une émancipation
décisionnelle des femmes. D’ailleurs, 96 % des artisans de la fédération sont des
femmes. En outre, elles dirigent le conseil d’administration, ce qui leur confère un
pouvoir de décision. Elles se sentent ainsi valorisées.
189
EDELBERG, L., Aj Quen : fiche d’information partenaire, Wavre, Oxfam-Magasins du Monde,
document interne, 2010, p.4. Cf. Annexe R : Fiche d’information Aj Quen.
190
Ibid., p.4.
110
Chapitre 4 : Vers un commerce équitable Sud-Sud
Chaque communauté d’artisans possède deux représentants à l'assemblée générale d'Aj
Quen. Cette mise en place de la démocratie interne leur permet d’apprendre à
s’organiser.
Un des objectifs de l’association est d'aider les femmes mayas à atteindre un
développement personnel et communautaire. On constate aujourd’hui que les artisanes
assistent aux réunions et elles comprennent mieux leur rôle dans la société.
Grâce aux formations dispensées par Aj Quen, les artisanes comprennent notamment
les réalités nationales. Elles peuvent ainsi revendiquer leurs droits et connaître les
obligations qu’elles se doivent de remplir vis-à-vis de l’État. Bien que le panorama
sociopolitique au Guatemala ne favorise pas la participation politique des groupes,
certains artisans (surtout les femmes) ont rejoint des réseaux et d’autres expressions
sociales de leur communauté. Beaucoup d’entre eux participent au Conseil
Communautaire de Développement (COCODES). Au travers de ces organisations, les
artisans présentent leurs demandes aux autorités locales et aux Conseils de
développement. Par exemple, les femmes cakchiquels de Sololá intègrent désormais la
Commission de la Femme du Conseil municipal de Développement (COMUDE).
Cette participation est un long processus qui requiert d’abord une formation théorique,
et une fois que les groupes se la sont appropriée, ils la mettent en pratique. Cela leur est
bien entendu bénéfique. À Sololá toujours, la municipalité leur a fourni un lieu
d'exposition pour leurs produits.
Qui plus est, chaque communauté jouit d’un conseil et apprend à concevoir des
modèles seule. Les femmes ont donc acquis une certaine rigueur de travail et
d’organisation. En outre, lorsqu’elles participent à des formations dispensées par Aj
Quen, elles les partagent avec les autres membres de la communauté. Et, petit à petit,
elles améliorent leur lieu de travail ainsi que leurs conditions d’existence.
111
Chapitre 4 : Vers un commerce équitable Sud-Sud
On observe une autonomie grandissante des groupes vis-à-vis de la fédération Aj Quen.
En effet, certains groupes cherchent du soutien au travers d'autres organisations. Par
exemple, pour leur gestion quotidienne, les groupes reçoivent un appui technique et des
équipements au travers d’Aj Quen, mais également au travers d’autres programmes du
gouvernement ou d’initiatives privées. Actuellement, certaines communautés
contractent des emprunts, fixent leurs prix, tiennent un stand au salon international
organisé par l’Agexport, aux foires artisanales de Quetzaltenango, de Chimaltenango,
de Panajachel et de Sololá, au marché local de leur municipalité, etc. L’objectif d’Aj
Quen est alors atteint. Leur autonomie se traduit également par la construction
spontanée de centres de formation et de production, par exemple, au sein de leur
communauté. En bref, elles sont maintenant capables de produire, commercialiser et
vendre leurs articles de leur propre initiative et estimer les risques, alors qu’auparavant,
elles ne savaient même pas fixer un prix de vente leur permettant de réaliser un profit.
Les artisans attachent une grande importance à la promotion et à la diffusion d’une
expression culturelle via l’art textile évoquant l’identité des communautés qu’ils
représentent grâce aux techniques et aux couleurs à valeur symbolique. Aj Quen
encourage la valorisation des savoir-faire locaux, particulièrement le tissage à la main,
mis en péril par la concurrence des produits chinois importés. De cette manière, les
artisans participent activement à la diffusion de cette identité culturelle.
Le commerce équitable constitue une base fondamentale à la promotion du changement
vers un système de distribution des revenus plus juste et dans le renforcement des
connaissances des artisans sur les axes politiques, économiques et culturels. Cette
alternative commerciale se traduit aujourd’hui par un développement personnel et
communautaire pour les artisans. Oxfam-Solidarité organise pour Aj Quen de
nombreuses formations et discussions afin que ses membres se rendent compte de
112
Chapitre 4 : Vers un commerce équitable Sud-Sud
l’importance de faire partie d’une organisation de commerce équitable. Ils
s’approprient au fur et à mesure les concepts de commerce équitable, de marché
solidaire, de consommation responsable, de marchés alternatifs, etc.
Le commerce équitable permet aussi aux artisans de se professionnaliser.
Dans certaines régions, les gens s’étonnaient de constater le succès de l’organisation et
se sont intéressés à leur travail, au commerce équitable, à l’association, ce qui leur a
permis, aujourd’hui, d’écouler leurs produits sur le marché local.
Ce type de marché a démontré, de nombreuses fois, être une alternative capable de
rendre des producteurs et entrepreneurs mieux organisés et plus efficaces. En déployant
des initiatives indépendantes qui génèrent des revenus et élèvent le faible niveau de la
qualité de vie, cette alternative commerciale pourrait être à la source d’une réinsertion
sociale et de progrès.
En bref, cette forme d’organisation économique juste et humaine permet aux petits
producteurs, aux femmes et aux familles de relever de nouveaux défis, de participer
davantage dans les décisions, de contribuer à l’équité des genres, de faire évoluer la
société.
Auparavant, les enfants participaient à la production de l’artisanat. Aujourd’hui, ils
vont à l’école grâce aux revenus générés par les ventes locales à un meilleur prix. Cela
influe de manière directe sur l’éducation des enfants, leur habillement, leur
alimentation et la santé de la famille en général. Tout ceci est bénéfique au
renforcement et à l’enrichissement du secteur artisanal au Guatemala.
Ajoutons que 60 % des artisans savent lire et écrire. Parmi eux, 70 % ont obtenu le
diplôme du niveau primaire et 20 % du niveau secondaire.
Il est important que les artisans se rendent compte du rôle que peuvent jouer les
institutions publiques dans l’artisanat, du soutien potentiel important des autorités
politiques locales dans l’entrepreneuriat, dans la promotion de l’équité et dans la
113
Chapitre 4 : Vers un commerce équitable Sud-Sud
participation civique. Le travail de l’association avec les groupes locaux, via
l’encadrement, les formations et la participation directe au fonctionnement de
l’organisation, va dans ce sens.
Au sein de l’association, il n’y a pas de discrimination, mais parfois, de la jalousie entre
les groupes. En effet, étant donné que la demande a diminué, certaines communautés se
voient attribuer moins de commandes que d’autres. Cela crée des petites tensions entre
les groupes que, comme dans toute organisation humaine, chacun doit apprendre à
dépasser.
Plusieurs initiatives en faveur de ce commerce équitable Sud-Sud existent dans les trois
continents visés (Amérique latine, Afrique et Asie). Bien qu’elles ne soient pas encore
majoritaires par rapport au commerce conventionnel, elles sont déjà nombreuses. C'est
pourquoi je ne pourrai toutes les aborder. J’ai donc décidé de me concentrer sur les
initiatives principales dans les différents continents du Sud.
L’Amérique latine est bien avancée dans les initiatives de commerce équitable SudSud, et en particulier le Brésil et le Mexique. D’autres pays également ont réussi à
développer un marché interne contribuant à améliorer les conditions de vie de leurs
petits producteurs. Aussi, le fait d’avoir effectué mon stage dans cette région m’a
ouvert les yeux sur plusieurs actions dans ce domaine.
Brésil191
La fédération Faces do Brasil est apparue en 2001 dans ce pays grâce à
l’initiative de la société civile. Il regroupe des ONG, plus de mille
organisations de producteurs, des syndicats ainsi que des organisations de commerce
191
Le contenu de cette section est inspiré de FACES DO BRASIL, Site de Faces do Brasil, adresse
URL : http://www.facesdobrasil.org.br/ (page consultée le 15 mai 2011).
114
Chapitre 4 : Vers un commerce équitable Sud-Sud
équitable. Tous ces groupements ont montré un intérêt dans la construction commune
de principes et procédures garantissant un commerce équitable, en particulier dans une
perspective de développement des marchés locaux. Le commerce équitable brésilien se
développe autour de trois dimensions : l'économie, l'éducation et la politique. D’un
point de vue économique, le but du commerce équitable est de fournir un salaire décent
aux producteurs marginalisés. Au regard de l’éducation, ce type de négoce cible des
actions de promotion et de sensibilisation au concept de commerce équitable, aussi bien
du côté des producteurs que des consommateurs et des commerçants. Quant au niveau
politique, il a pour but de promouvoir la justice sociale et l'équité.
À partir de cette charte créée par la société civile, la Commission Nationale du
Commerce Éthique et Solidaire (SNCJS) a vu le jour et a rédigé un document de
référence sur le commerce équitable au Brésil. Depuis 2008, celui-ci est diffusé par le
Comité juridique du Ministère du Travail qui l’a adopté. Grâce à l’engagement de
partenaires gouvernementaux (le Ministère de la Solidarité nationale de l’Économie du
Travail et de l’Emploi, le Secrétariat pour l’Agriculture familiale du Ministère du
Développement agraire, etc.), le commerce équitable est devenu une réalité connue au
Brésil. En outre, cette initiative a porté ses fruits car elle a donné lieu à un décret
présidentiel signé en 2010 par le Président Luiz Inacio da Silva 192. Ce décret institue et
reconnaît le système brésilien de commerce équitable et solidaire.
La SNCJS délivre notamment la qualification d’ « Organisation Seal » permettant aux
entreprises de production et de commercialisation d’utiliser ce cachet sur tous leurs
supports. Celui-ci garantit que l’entreprise respecte les critères du commerce équitable
brésilien (comme la démocratie, le respect dans les relations au travail, la transparence,
etc.). De plus, cette commission a mis au point un label pour les produits et services
certifiant le respect des critères équitables. Avant d’apposer ce label sur les étiquettes et
sur les emballages, les entreprises sont soumises à des contrôles annuels par des
organismes indépendants et externes à la SNCJS, à toutes les étapes de la chaîne de
production.
192
GRAAS, F., 2011, op. cit., p.13.
115
Chapitre 4 : Vers un commerce équitable Sud-Sud
Suite à la marginalisation que subissent les producteurs face au système néolibéral, les
Brésiliens ont décidé de se baser sur le modèle du commerce équitable Nord-Sud et de
l’adapter à leur commerce domestique. Ce système de développement du commerce
équitable contribue notamment à rendre des produits locaux accessibles aux
autochtones. Cette initiative n’est pas négligeable, surtout pour une des puissances
économiques importantes du Sud dans lequel la population totale s’élève à 203 429 773
habitants193 dont 47 % sont pauvres.194
Par ailleurs, le Programme pour l’Acquisition d’Aliments (PAA) vise à garantir des
conditions de vente équitables pour les agriculteurs familiaux et à contribuer à la
sécurité alimentaire du peuple brésilien. Par exemple, les écoles doivent acheter au
moins 30 % de leur consommation alimentaire à de petits exploitants. Le bénéfice de ce
programme est double : le petit producteur est soutenu et le peuple brésilien améliore
son apport nutritionnel.
Mexique195
Déjà en 1998, l’association Comercio Justo México (CJM) débutait son
processus de labellisation nationale de commerce équitable. Cette
association civile mexicaine régit et promeut les produits équitables des
petits producteurs. CJM est un organisme qui construit un modèle
différent de développement en impulsant un marché basé sur la justice, la
solidarité, et la durabilité et dans lequel les producteurs bénéficient d’un
épanouissement social et économique.
Les principales motivations à l’origine de cette action étaient de créer un marché
domestique pour les petits producteurs organisés du pays, notamment suite aux failles
193
CIA, The World Factbook : Brazil, in Central Intelligence Agency, Site de la CIA, adresse URL:
https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/br.html (page consultée le 15 mai
2011).
194
Source : SERVAIRE, C., 2011, op. cit., p. 8.
195
Cette section est inspirée de COMERCIO JUSTO MÉXICO, Site du commerce équitable au Mexique,
adresse URL : http://www.comerciojusto.com.mx/ (page consultée le 16 mai 2011).
116
Chapitre 4 : Vers un commerce équitable Sud-Sud
de l’Accord de Libre-Échange de l’Espace Nord-Américain (ALENA)196. En ce sens,
CJM a voulu fonder un marché de commerce équitable au Mexique, ressemblant aux
marchés de commerce équitable dans les autres pays.
CJM agit sur plusieurs fronts : il fournit un accompagnement aux organisations de
petits producteurs dans leur intégration au commerce équitable ; il respecte les
processus internes, démocratiques et autogérés des organisations ; il participe aux
campagnes, événements et forums de diffusion et de sensibilisation ; il collabore aux
activités éducatives et promeut des actions qui sont en relation directe avec le
commerce équitable. Qui plus est, CJM entreprend des actions qui informent le
consommateur des avantages à acheter des produits équitables possédant le label de
garantie afin de construire un Mexique meilleur. Le logo de CJM apparaît sur
l’emballage des produits certifiés qui remplissent les conditions de commerce équitable
et proviennent des petits producteurs organisés. Il garantit la qualité, la justice (le petit
producteur reçoit un revenu décent et stable qui favorise son propre développement
social, économique et culturel) et le respect de l’environnement.
CJM est donc responsable de créer une norme nationale relative au commerce
équitable. La certification de ces normes est réalisée par Certimex, une agence de
certification biologique à la base, mais qui prend maintenant en charge les inspections
et certifications des organisations équitables de producteurs. Agromercados est une
coopérative de distribution gérée par des petits producteurs depuis 2000 et qui leur
permet de commercialiser leurs produits197.
Avec un système adapté aux spécificités locales, prenant en compte l’opinion des
producteurs mexicains, CJM participe à un développement recentré sur le marché local.
196
Le Mexique a été intégré à l’espace nord-américain de l’ALENA en 1994. Depuis lors, le secteur rural
subit un exode de sa population car les cultures vivrières sont remplacées par des cultures destinées à
l’exportation.
197
GUERRA, D., LAPOINTE, A., OTERO, A.I., Les pratiques du commerce équitable : le cas du
Mexique, in Gestion, 2008, vol. 33, n°1, p. 70.
117
Chapitre 4 : Vers un commerce équitable Sud-Sud
Autres initiatives198
En Argentine, Otro Mercado del sur est une association civile sans but lucratif fondée
en 2004 qui a notamment pour but de promouvoir et sensibiliser au commerce
équitable en Argentine et en Amérique latine. Elle recherche l’élimination des
déséquilibres engendrés par les modèles socio-économiques dominants. Son travail se
centre sur le développement du projet Cadena Textil Solidaria en coordonnant le
développement, la formation et la production à toutes les étapes de la chaîne. Cette
filière textile intégrée produit du coton biologique avec des petits producteurs,
transforme (tissage, teinture, coupe et confection) le coton avec des coopératives
urbaines et se charge de la promotion des consommateurs à la consommation
responsable.199
REDES est un programme de coopération qui vise à lutter contre la pauvreté et les
inégalités dans les revenus en Amérique latine en renforçant les 40 micros, petites et
moyennes entreprises de producteurs marginalisés qui participent à ce programme. Les
coordinateurs de ce projet (CTM Altromercato) cherchent à développer un réseau SudSud d’économie solidaire et de commerce équitable en diffusant de l’information sur ce
sujet. Conjointement, les différentes organisations de commerce équitable peuvent
contribuer au développement de ce réseau en partageant leurs expériences et leurs
bonnes pratiques. Cette initiative n’en est qu’à ses débuts. Elle a fixé des conditions
préalables pour les bénéficiaires des activités du programme : posséder une structure
productive, formelle et légale, respecter les critères de commerce équitable reconnus
par la WFTO, prendre part aux activités proposées, décrire ses expériences aux autres
dans un esprit d’amélioration mutuelle.200
198
La CLAC a déjà été présentée cf. supra chapitre 3.2 : Initiatives et réseaux locaux et internationaux de
commerce équitable en artisanat textile.
199
Ce paragraphe est inspiré de OTRO MERCADO, Site de Otro Mercado, adresse URL:
http://www.otromercado.org.ar/ (page consultée le 16 mai 2011).
200
Ce paragraphe est inspiré de BOCCAGNI, L., Programma de cooperación : REDES de Economía
Solidaria en América Latina, Bolzano, CTM Altromercato, document interne, 2008, p.1-3 et de GRAAS,
F., op. cit., 2011, p. 25.
118
Chapitre 4 : Vers un commerce équitable Sud-Sud
Espacio MERCOSUR Solidario est une plate-forme d’organisations de la société civile
actuellement composée de 17 ONG d’Argentine, du Brésil, du Chili et du Paraguay.
Elle concentre ses actions de sensibilisation à plus de 150 organisations et mouvements
sociaux de base (de jeunes, de femmes, de paysans, de villageois) de la région du
MERCOSUR201. Depuis 2003, cette plate-forme développe des stratégies à trois
niveaux (local, national et régional) afin de revendiquer les droits politiques,
économiques et sociaux des secteurs exclus par le MERCOSUR. Cet espace réunit
également les réseaux d’économie solidaire du Sud de l’Amérique latine. Il a pour but
de coordonner les actions de ces pays dans ce secteur, mais aussi de commencer un
échange de biens sous les conditions du commerce équitable.202
RELAT (Réseau Latino-américain de Magasins d’Économie Solidaire) permet de
commercialiser les produits issus du commerce équitable et solidaire en Amérique
latine. Ces boutiques ont pour but d’initier les échanges entre les différents pays du
continent, mais en plus, de participer aux campagnes de sensibilisation pour le
commerce équitable et la consommation locale. Ces magasins sont encore peu
nombreux aujourd’hui (17).203
RELACC
(Réseau
Latino-américain
de
Commercialisation
Communautaire)
d’Amérique Centrale Unie et Solidaire (CAUSA) est une association d’organisations de
petits producteurs. Elle cherche à contribuer au renforcement de l’économie
communautaire au travers de canaux de distribution équitables entre consommateurs et
producteurs. Pour ce faire, ils stimulent l’intégration centre-américaine en tentant de
transformer les politiques publiques existantes afin qu’elles bénéficient davantage aux
communautés de producteurs. Ce réseau est actuellement composé de cinq entités
privées dans cinq pays d’Amérique centrale : Guatemala, Honduras, El Salvador,
Nicaragua et Panama. Le Réseau Maya de Commercialisation Communautaire
201
Les pays membres de ce marché commun du Sud (MERCOSUR) sont l’Argentine, le Brésil, le
Paraguay et l’Uruguay.
202
Ce paragraphe est inspiré de MERCOSUR SOLIDARIO, Site du Programme MERCOSUR Social et
Solidaire, adresse URL : http://mercosursocialsolidario.org/ (page consultée le 16 mai 2011).
203
Ce paragraphe est inspiré de SOSA, C., El papel de una tienda de Comercio Justo en países de
América Latina, in Mercado Justo, 2008, vol. 3, n°6, p. 7-8.
119
Chapitre 4 : Vers un commerce équitable Sud-Sud
(REMACC) est le réseau national au Guatemala. Les organisations affiliées au
REMACC participent à des salons pour les petits producteurs et à des échanges
d’expériences.
INTER-REDES est un nouvel espace (datant de 2009) qui cherche à renforcer
l’économie solidaire et le commerce équitable en Amérique latine en articulant les
mouvements sociaux dans ce secteur. C’est un mécanisme de coordination de la
WFTO-LA, la branche latino-américaine de la WFTO qui réunit RELACC, Espacio
Mercosur Solidario, RELAT, CLAC. C’est donc un espace de dialogue entre ces
différents réseaux afin de contribuer à la lutte contre la pauvreté et les meilleures
conditions de vie.204
Les artisans africains luttent pour protéger leur part du marché face à la concurrence
des autres régions du Sud et face à l’économie globalisée. Les petits producteurs moins
organisés, basés dans les zones rurales et marginalisés, opèrent souvent dans
l'économie informelle où les salaires et les revenus sont bas et où les conditions de
travail sont difficiles. Les mouvements de commerce équitable tentent de renverser
cette situation.
La Coopération pour le Commerce Équitable en Afrique (COFTA)
est un réseau d’organisations impliquées dans le commerce équitable et
qui collaborent avec les producteurs africains défavorisés afin
d’éliminer la pauvreté à l’aide du commerce équitable. Sa mission est
d’améliorer les conditions de vie des producteurs africains au travers des
associations qui défendent le commerce équitable.205
En 2004, COFTA a vu le jour grâce à l’initiative des producteurs africains.
Concrètement, COFTA les aide à renforcer leurs capacités afin que les plus
204
Ce paragraphe est inspiré de FRERS, G., INTER-REDES: Promoción del Comercio Justo en y desde
América Latina Propuesta de Estrategia Regional(draft), Quito, WFTO, document interne, 2010, p. 1.
205
Ce projet est financé par la Coopération Technique Belge (CTB).
120
Chapitre 4 : Vers un commerce équitable Sud-Sud
marginalisés puissent accéder aux marchés en les assistant dans la commercialisation
de leurs produits et en leur apprenant à devenir organisés, actifs et autonomes.
COFTA est aussi la branche régionale de la WFTO et constitue le réseau des
Organisations du Commerce Équitable (FTO) africaines. Aujourd’hui, COFTA est
formé de 70 organisations membres réparties dans 20 pays du continent. Celles-ci
fabriquent principalement des objets artisanaux, mais aussi du thé, du café, de la
vanille, du miel, des fruits séchés, du jus, etc.
Les Africains se rendent compte que les produits portant un label se vendent mieux.
C'est pourquoi COFTA vise à en développer un pour ses organisations membres. En
2007, la WFTO a lancé une nouvelle certification appelée le « Sustainable Fair Trade
Management System » (SFTMS). Celle-ci intéresserait COFTA. Par conséquent, afin
d’aider ses organisations membres, COFTA a développé un projet de «certification et
SFTMS», mais il n’y a encore rien de concret.206
Kenya207
La Fédération Kenyane pour le Commerce Alternatif (KEFAT) est un réseau
d’organisations de commerce équitable. Elle a commencé ses activités en 2000 afin
d’établir une plate-forme nationale dans laquelle les parties prenantes du commerce
équitable peuvent collectivement échanger leurs expériences.
Son principal objectif est d’améliorer les conditions de vie et le bien-être des
producteurs marginalisés en liant et en renforçant les pratiques de commerce équitable,
ainsi que de renforcer la position du pays au niveau régional et international sur les
marchés de commerce équitable. KEFAT fournit des points de vente locaux aux
artisans et paysans marginalisés au travers du développement des marchés locaux, mais
aussi au travers d’associations stratégiques.
206
Le contenu des paragraphes ci-dessus est inspiré de COFTA, Site de la Coopération pour le
Commerce équitable en Afrique, adresse URL : http://www.cofta.org/ (page consultée le 16 mai 2011).
207
Le contenu de cette section est inspiré de COFTA, Site de la Coopération pour le Commerce
équitable en Afrique, adresse URL :
http://www.cofta.org/en/en/countrynetworks.asp?countrynetworkid=1 (page consultée le 16 mai 2011).
121
Chapitre 4 : Vers un commerce équitable Sud-Sud
KEFAT est le plus grand sous-réseau de la Coopération pour le Commerce Équitable
en Afrique (COFTA) et compte 34 groupes de petits producteurs. Au sein de KEFAT
on retrouve des organisations civiles qui sont surtout impliquées dans la promotion et la
sensibilisation au commerce équitable.
D’autres plates-formes de ce type existent dans différents pays africains : Association
of Fair Trade in Zimbabwe, COFTA South Africa, Rwanda Forum for Alternative
Trade, Swaziland International Fair Trade Association, Tanzania Network for Fair
Trade, Uganda Federation for Alternative Trade.
Sénégal208
Environnement et Développement du Tiers Monde (ENDA-TM) est une association
sénégalaise qui a été créée en 1972 conjointement par le Programme des Nations unies
pour l'Environnement, l'Institut africain de Développement économique et de
planification et l'Organisation suédoise pour le Développement international.
ENDA s'investit avec les groupes de producteurs dans la recherche et la mise en œuvre
d'un développement alternatif local. Cet engagement se traduit notamment par leur
prise en considération au moment des décisions. L’objectif principal est la lutte contre
la pauvreté.
D'une manière générale, ENDA cherche à valoriser les connaissances et les instruments
du développement local en travaillant avec des initiatives populaires individuelles et
collectives et avec des mouvements associatifs ruraux et urbains.
Les activités d'ENDA sont aussi bien des actions directes sur le terrain (santé,
agriculture, assainissement, éducation alternative, soutien aux jeunes travailleurs, etc.)
que des recherches, des conseils, des formations, des publications, etc.
208
Le contenu de cette section est inspiré de BAILLY, O., POOS, S., Le Commerce équitable Sud-Sud,
Bruxelles, CTB Agence Belge de Développement, 2010, p.19.
122
Chapitre 4 : Vers un commerce équitable Sud-Sud
Aujourd’hui, ENDA est en train d’élaborer un système local de certification. À
l’avenir, elle aimerait développer une plate-forme similaire au Burkina Faso, au Mali,
au Togo et au Bénin.
Ndem, une association de villageois artisans a été créée en 1985 d’une initiative locale
afin de lutter contre l’exode rural en se basant sur le développement communautaire
durable. En partenariat avec une organisation de commerce équitable italienne (Chico
Mendes), Ndem a créé un espace de commerce équitable à Dakar. Son but est de
développer la commercialisation locale, afin de diminuer la dépendance à l’exportation
de l’association. Dans ce lieu, les Sénégalais retrouvent des produits artisanaux et
maraîchers de Ndem ainsi que d’autres organisations sénégalaises. En outre, cet espace
permet de sensibiliser les consommateurs au commerce équitable. Ce projet intègre les
questions économiques, sociales et environnementales et répond aux problématiques
locales de création de richesse.209
Inde210
Depuis presque 40 ans, l’Inde exporte des produits équitables vers le Nord. Cependant,
les perspectives de vente de ces produits sur le marché national sont considérables vu
l’énorme population de consommateurs (1 189 172 906 habitants211). Le potentiel pour
le marché du commerce équitable est donc grand, surtout que la classe moyenne
s’agrandit et que la conscientisation face aux problèmes nationaux212 et à l’apparition
du commerce équitable augmente.
209
Ce paragraphe est inspiré de SERVAIRE, C., 2011, op. cit ., p. 21.
Le contenu de cette section est inspiré de BAILLY, O., POOS, S., 2010, p.19 et de SHOP FOR
CHANGE,
Site
de
Shop
for
Change
Fair
Trade,
adresse
URL :
http://www.shopforchange.in/Aboutus_3.htm (page consultée le 16 mai 2011).
211
CIA, The World Factbook : India, in Central Intelligence Agency, Site de la CIA, adresse URL:
https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/in.html (page consultée le 15 mai
2011).
212
La situation des producteurs marginalisés qui se suicident est de plus en plus alarmante.
210
123
Chapitre 4 : Vers un commerce équitable Sud-Sud
Le projet IRFT (International Resources for Fairer Trade) mis en œuvre en 1995, tente
de réduire la pauvreté en proposant des débouchés équitables aux petits producteurs sur
le marché national. Ceci permet de créer de nouveaux emplois pour la population
indienne, et d’améliorer les conditions des petits producteurs. En outre, ce projet vise à
augmenter la notoriété et la compréhension du commerce équitable pour la population
indienne, mais aussi à développer des règles adaptées au contexte local, ainsi qu’un
système de certification du commerce équitable (Shop for Change) propre au marché
indien.
Son projet Promoting Fair Trade in India (PROFIT) promeut le concept de commerce
équitable auprès des consommateurs et des décideurs du pays afin de développer des
règles et des critères pour le commerce équitable adaptés au contexte local, ainsi qu’un
système de certification et de suivi.
Shop for Change Fair Trade est la branche de IRFT qui se charge de
cette certification. Shop for Change établit des standards sociaux et
environnementaux et visent surtout les petits paysans. C’est une
marque qui assure un accès aux marchés équitables à ces producteurs
marginalisés. Elle les aide notamment en leur garantissant un salaire décent, en leur
proposant des formations basées sur les pratiques de culture plus écologiques, en leur
assurant des environnements de travail sains, non discriminatoires et sans danger.
Actuellement, Shop for Change travaille avec 5 300 petits producteurs dans différentes
régions de l’Inde.
Shop for Change a quatre fonctions principales : la certification, le service aux
entreprises, le service aux producteurs et la sensibilisation.
Le label Shop for Change certifie que les produits achetés aident directement les
producteurs indiens à augmenter leurs revenus tout en prenant soin de l’environnement.
Pour obtenir ce label, les organisations doivent respecter les standards équitables établis
par Shop for Change en collaboration avec des entreprises, des organisations de
fermiers et d’artisans et des consommateurs. L'objectif est de mettre au point des
standards adaptés aux défis des petits producteurs. Afin de vérifier que les paysans, les
124
Chapitre 4 : Vers un commerce équitable Sud-Sud
artisans et les entreprises respectent ces standards, des audits sont effectués
annuellement par des organismes extérieurs.
En 2010, Shop for Change Fair Trade a lancé le coton certifié équitable afin de soutenir
les fermiers dans ce secteur. Bientôt, Shop for Change espère lancer de nouvelles
gammes de produits certifiés et inclure plus de fermiers marginalisés dans le système.
Ils travaillent également sur les standards pour l’artisanat afin d’inclure davantage de
producteurs pauvres.
Philippines213
L’Association of Partners for Fairer Trade (APFTI) ou «Advocate of Philippine Fair
Trade Inc» a été créée en 2001. Cette association est membre de la WFTO. Elle
sensibilise les producteurs et les consommateurs au commerce équitable et cherche à
ouvrir le marché local aux produits équitables philippins.
En 2009, le premier Fair Trade Shop a été ouvert dans le pays, suivi d’un deuxième en
octobre. Ces magasins offrent les créations de 32 producteurs locaux (pâtisseries, thé,
café, confiture, accessoires de mode, décoration d’intérieur, produits de beauté, etc.).
Dans un futur proche, l’organisation a l’intention de promulguer des indicateurs et
standards de certifications spécifiques au commerce équitable philippin pour lancer un
label propre sur le marché local. Avec l’aide de la Commission européenne, elle a lancé
l'initiative MaDe for Fair Trade (Marketing Development for Fair Trade).
Autres initiatives
International Market Development and Investment (MDI) est une entreprise
vietnamienne spécialisée dans le commerce équitable et la consultance en agriculture et
en artisanat. Elle vise à développer le secteur rural vietnamien. Elle a lancé Betterday,
la première marque certifiée équitable au Vietnam et dans d’autres pays asiatiques qui
213
Le contenu de cette section est inspiré de Advocate of Philippine Fair Trade Inc, Site des défenseurs
du commerce équitable aux Philippines,adresse URL : http://www.apfti.org.ph/ (page consultée le 16
mai 2011).
125
Chapitre 4 : Vers un commerce équitable Sud-Sud
veut montrer que les consommateurs de produits équitables ne se situent pas seulement
au Nord de la planète.
Sasha en Inde (partenaire d’Oxfam-Magasins du monde) a été créé en 1978 dans le but
de soutenir le développement des tisserands. À l’heure actuelle, l’organisation compte
plus de 5000 artisans, dont au moins 70 % sont des femmes. Dans les années 1980,
Sasha ouvrait sa première boutique sur le marché local, à Calcutta. Aujourd’hui, en
plus de commercialiser ses produits sur le territoire national, le magasin propose
d’autres produits de commerce équitable venant d’Asie (Bangladesh, Vietnam,
Thaïlande, Indonésie) et d’Afrique (Ghana, Kenya et Tanzanie). Ce résultat est le fruit
de nombreux événements de promotion du commerce équitable organisés par Sasha
afin de sensibiliser les consommateurs indiens comme je l’ai mentionné
précédemment214. Ces événements prenaient la forme d’expositions thématiques dans
le magasin, de partage d’informations sur Internet et sur des dépliants, des sessions de
sensibilisation dans les écoles et les universités, la participation à des foires locales, etc.
En somme, l’Amérique latine dispose de beaucoup d’initiatives dans le développement
d’un commerce équitable intracontinental et intrarégional. Ce commerce équitable est
davantage perçu comme un plaidoyer : il est une source de revenus pour les Indigènes,
mais aussi un argument de défense de ces peuples. Ce qu’il manque est le soutien
d’autres États afin de renforcer et de reconnaître le commerce équitable comme moteur
de changement. En ce sens, le cas du Brésil constitue un bon exemple pour le reste du
monde : la participation des entités publiques et privées ; une meilleure concertation
entre production, consommation et commercialisation, tant au niveau local que
national ; une préoccupation pour les producteurs ; etc.
En Afrique, le commerce équitable Sud-Sud commence à gagner du terrain, mais
manque encore de dynamisme. Cependant, lentement, les énergies se rassemblent et la
volonté de créer des garanties locales est bien présente.
214
Cf. supra chapitre 3.2: Mise en perspective de ces données par rapport à la consommation locale et
l’offre dans d’autres pays.
126
Chapitre 4 : Vers un commerce équitable Sud-Sud
En Asie, le commerce équitable local recherche surtout à améliorer les conditions de
vie des petits producteurs. En outre, de plus en plus d’entreprises prennent les aspects
sociaux en considération. Le commerce équitable est un moyen d’octroyer plus de
place aux producteurs dans le marché local.215
À l’heure actuelle, les échanges en commerce équitable Sud-Sud se concentrent
cependant à l’intérieur d’un même continent plutôt qu’entre ceux-ci.
Quatre caractéristiques sont communes aux initiatives locales du Sud. En premier lieu,
toutes poursuivent les mêmes objectifs économiques, sociaux et humains, politiques et
environnementaux au travers d’un développement plus recentré. Ensuite, les acteurs de
ces initiatives expriment leur volonté de créer des partenariats, d’établir des réseaux
afin de consolider ce commerce recentré et d’accroître les débouchés locaux. Par
ailleurs, ces initiatives développent un label qui se veut local, propre à leur marché
spécifique, au contraire des certifications initiées au Nord. Enfin, bien qu’en Inde et en
Afrique quelques initiatives datent des années 1970-1980, la poussée et le dynamisme
du commerce équitable recentré est relativement jeune, car la majorité des mouvements
a été initiée récemment.
Ce commerce équitable domestique est une forme de réappropriation par les acteurs du
Sud d’une pratique qui s’est généralement définie au Nord. Cette demande constitue
tout à la fois une stratégie pour contourner le problème de la demande insuffisante au
Nord et une manière de faire évoluer les filières de production et de commercialisation
sectorielles traditionnelles vers le remplacement des acteurs les plus faibles et vers un
meilleur équilibre des relations internes et internationales entre acteurs.
Avec ce modèle de commerce recentré, on pourrait dépasser les limites du commerce
équitable Nord-Sud en améliorant le cadre de vie d’une population au niveau local,
grâce à ses retombées économiques et sociales positives. En effet, un commerce plus
215
BAILLY, O., POOS, S., 2010, op. cit., p.33.
127
Chapitre 4 : Vers un commerce équitable Sud-Sud
recentré s’avère pertinent afin de mobiliser et d’influencer les instances ou les
décideurs politiques, d’améliorer les capacités, l’autonomie et le niveau de vie des
membres, qui jouissent d’un développement social et culturel.
En privilégiant le local, on répond également à l’appel d’un développement plus
durable.
128
Chapitre 5 : Recommandations pour un commerce équitable Sud-Sud et une plus
grande indépendance de ses acteurs
CHAPITRE 5 : RECOMMANDATIONS POUR UN COMMERCE
ÉQUITABLE SUD-SUD ET UNE PLUS GRANDE INDÉPENDANCE DE
SES ACTEURS
Bien que les produits du commerce équitable aient toujours été originaires du Sud, la
population du Sud est la moins conscientisée à ce concept. En illustrant ses principes,
son fonctionnement et ses impacts de manière simple et concrète, la sensibilisation au
commerce équitable pourrait avoir des retombées positives. Elle doit viser : les
producteurs qui font face à un manque d’information sur ce type de commerce ; les
consommateurs qui doivent savoir comment agir de façon responsable ; les
commerçants qui pourraient proposer davantage de produits équitables sur leurs
étagères tout en sachant vanter les vertus de ceux-ci ; les entrepreneurs, les autorités
publiques, etc. Ce ne sera que lorsque le commerce équitable et ses avantages seront
ancrés dans les mentalités que l’on pourra observer un changement dans les
comportements. L'éducation est donc incontournable.
Pour le moment, le manque de capacités de transformation et donc de valorisation des
produits au Sud est un frein au développement des populations du Sud, qui dépendent
alors du Nord. Un véritable commerce équitable sera possible lorsque l’essentiel de la
valeur ajoutée d’un produit fini sera créé au Sud. Dans certains pays, le développement
de filières intégrées voit le jour. Cependant, cela reste très complexe pour d’autres, par
exemple pour le textile, car la filière de transformation est longue. Pour y parvenir, il
faudrait ici aussi poursuivre un important effort de formations pour faciliter aux
producteurs du Sud l’accès aux technologies.
Afin d’accorder plus de poids au commerce équitable et pour que les populations
puissent défendre leurs intérêts, il serait bon de cadrer et réglementer ce type de
commerce. Ces efforts en faveur de la promotion du commerce équitable et d’une plus
grande indépendance des acteurs du Sud ne pourraient se développer efficacement que
s’ils sont soutenus, voire stimulés, par des politiques publiques. De plus, les États sont
en mesure de prendre des dispositions simples pour le développement d’un commerce
local équitable. Par exemple en approvisionnant les administrations publiques en
129
Chapitre 5 : Recommandations pour un commerce équitable Sud-Sud et une plus
grande indépendance de ses acteurs
produits équitables, comme le démontre le cas du Brésil. Cela permettrait de vendre
davantage de produits au niveau local. Par conséquent, plus d’emplois pourraient être
créés, et les producteurs augmenteraient leurs revenus et leurs conditions de vie.
Davantage de personnes pourraient bénéficier d’une meilleure scolarité, donc, à terme,
cela pourrait augmenter les niveaux de productivité du pays qui aurait plus de
ressources pour effectuer des investissements publics. Et le cercle vertueux serait peutêtre enclenché.
Voyons maintenant, au service de ces dynamiques essentielles, quelques accents plus
spécifiques à déployer dans les pays du Sud, au Guatemala en particulier, et au sein
d’Aj Quen.
Au Sud, l’intérêt des citoyens pour la consommation locale et responsable ou encore
pour les produits biologiques et naturels émerge, particulièrement au sein de la classe
moyenne grandissante. Ces niches de marché, composées de consommateurs nantis et
désireux d’adopter une alternative économique, constituent un potentiel important pour
le développement du commerce équitable.
Les différents réseaux équitables actuels répartis dans les trois continents analysés
témoignent de cet intérêt croissant. Certaines alliances ont d’ailleurs déjà été créées et
ouvrent la voie vers la coopération entre les pays du Sud.
Les critères, principes et exigences du commerce équitable doivent être repensés et
assumés par un maximum d’acteurs afin, notamment, de garantir une logique dans les
actions des organisations équitables. Ils doivent être adaptés à leurs réalités. Dans ce
sens, le partage d’expériences est utile au développement de partenariats et dans la
mise en place de projets communs216. Les réalités sont différentes dans chaque pays.
C’est pourquoi, les quelques initiatives sont toutes marquées par des spécificités
locales. Cependant, leur objectif est commun : recentrer le commerce équitable.
216
Un exemple récent qui s’inscrit dans cette démarche est le Forum Social de Dakar qui avait pour
thème, en février dernier, le commerce équitable Sud-Sud.
130
Chapitre 5 : Recommandations pour un commerce équitable Sud-Sud et une plus
grande indépendance de ses acteurs
Comme le soulignent les initiatives analysées plus haut, le modèle économique
dominant, basé sur le capitalisme et la globalisation, exclut des milliers de personnes
du système. Paradoxalement, les crises financières et économiques se présentent donc
comme de grandes opportunités pour le développement d’un commerce équitable SudSud. En effet, elles mettent en question le système néolibéral. Elles amènent à un retour
aux principes d’échanges et de solidarité. Certains gouvernements sont ainsi amenés à
questionner leur modèle économique.
À l’aide d’une relocalisation du commerce équitable, où les échanges locaux et
régionaux ont la priorité sur les exportations vers le Nord, la parole est donnée aux
populations du Sud qui détiennent le rôle principal pour contribuer à leur propre
développement.
Au Guatemala, les acteurs du commerce équitable sont essentiellement sous l’influence
des expériences brésilienne et mexicaine217. D’ailleurs, la CICJS a trouvé son
inspiration dans son équivalent brésilien et l’expérience mexicaine a fait l’objet d’une
étude pour le Guatemala218. Aujourd’hui, le sort de la CICJS est encore incertain. Elle
tarde à concrétiser des actions en faveur du commerce équitable. Cependant, la société
civile est motivée pour prendre les choses en main, avec ou sans agent étatique. Bien
sûr, la présence de l’autorité publique est précieuse dans un processus de
reconnaissance du commerce équitable, mais la société civile veut voir des
changements plus rapides et plus efficaces.
La pression qu’elle exerce est importante afin d’assurer la pérennité du projet de
commerce équitable au Guatemala et d’éviter de le faire dépendre exclusivement du
gouvernement en place. En effet, pour les associations d’artisanat du commerce
équitable comme pour les artisans traditionnels, le changement de Président et les
mutations de personnel au sein des ministères rendent difficile l’implémentation de
217
GRAAS, F., 2011, op. cit., p. 27.
Entretien avec Madame Ana Verónica AGUIRRE, Coordinatrice nationale de Développement
économique, VISIÓN MUNDIAL, le 18 mars 2011.
218
131
Chapitre 5 : Recommandations pour un commerce équitable Sud-Sud et une plus
grande indépendance de ses acteurs
politiques stables et continues. Dans ce contexte, des membres actifs du commerce
équitable au Guatemala envisagent de créer une association de la société civile.
De plus, un membre du gouvernement que j’ai interrogé219 déclare que cette association
civile pourrait être soutenue par le Secrétariat pour la Sécurité alimentaire, à condition
de se réunir pour établir clairement les principes et critères du commerce équitable et
mettre au point un plan d’action des engagements futurs qu’elle souhaite réaliser. En
plus de cette stratégie, cette association de la société civile devrait monter son projet
avec des produits de qualité représentant l’image du commerce équitable qu’elle veut
véhiculer. En outre, elle devrait définir exactement le type de soutien qu’elle attend afin
d’adresser ses attentes aux personnes adéquates. Cela pourrait l’aider à trouver un
appui étatique plus réel que celui de la CICJS. Aujourd’hui, le responsable de la CICJS
a plusieurs casquettes et, dans les faits, il se consacre davantage aux activités de
commerce extérieur que de commerce équitable. L’idéal serait de bénéficier d’un
fonctionnaire salarié se dédiant exclusivement à cette activité.
En plus de personnes convaincues par le commerce équitable, le Guatemala a besoin de
soutien financier (fonds publics ou privés). Dans un premier temps, l’aide étrangère
sera toujours utile, surtout tant que l’État ne se décidera pas à apporter un soutien plus
concret. L’idéal cependant serait de se baser sur des ressources nationales. S’il est
intégré au secteur de la sécurité alimentaire, le commerce équitable pourrait bénéficier
d’une partie du budget de l’État. Le problème est que les ressources financières de
l’État guatémaltèque sont utilisées pour servir d’autres intérêts.
Plusieurs réseaux de commerce équitable existent, que ce soit au niveau national,
régional ou international. Un travail sérieux au niveau du pays devrait être entamé avec
ces réseaux et la peur de s’associer devrait être dépassée. Cette collaboration pourrait
mener des actions qui auraient un impact plus grand au moment de sensibiliser la
population.
219
Entretien avec Monsieur Elmer ALVARADO CANO, Économiste, SECRÉTARIAT POUR LA
SECURITÉ ALIMENTAIRE, 19 mars 2011.
132
Chapitre 5 : Recommandations pour un commerce équitable Sud-Sud et une plus
grande indépendance de ses acteurs
Ensuite, une étude des possibilités de développer un label national comme au Mexique
pourrait mettre en avant les avantages et les inconvénients d’une telle reconnaissance.
Cette garantie pourrait donner plus de visibilité au commerce équitable et les
consommateurs seraient guidés dans leurs choix responsables. À l’heure actuelle, les
certifications internationales (de la WFTO par exemple) représentent un coût trop élevé
pour les petits producteurs marginalisés et pour les associations comme Aj Quen.
Pourtant, plusieurs organisations, non certifiées mais appliquant des principes
équitables, mériteraient une reconnaissance. Peut-être serait-il intéressant de créer un
label sur base de fonds (publics ou privés, locaux ou internationaux) qui permettraient
de rendre le label accessible à tous, tout en demandant une cotisation symbolique aux
membres ainsi que d’autres engagements non financiers (participation à des
événements par exemple)220? Quelques symboles commencent à apparaître au niveau
national, mais ils n’ont rien d’officiel et se concentrent sur des petits volumes. C’est le
cas, par exemple, du réseau de petits producteurs Kuchubal ou de la marque Chikach,
membre de RAIS. Les Coordinateurs de ces organisations équitables déclarent que les
consommateurs commencent à associer leur logo au commerce équitable.221
Comme je l’ai développé précédemment, l’intérêt pour des produits équitables existe au
Guatemala, même s’il reste marginal. S’il était plus connu, le commerce équitable
pourrait profiter d’un plus large succès. Certes, beaucoup de Guatémaltèques, au
pouvoir d’achat limité, ne peuvent acquérir des produits issus de ce commerce, mais
220
Un label pour les petits producteurs a fait son apparition. Celui-ci, désigné el ―Símbolo de Pequeños
Productores‖ (le symbole des petits producteurs) a été lancé en 2006 par la CLAC. Afin de garantir
l’usage approprié de ce symbole, la Fondation des Petits Producteurs Organisés (FUNDEPPO) travaille
avec des organismes externes (comme pour le cas de Comercio Justo México). Ce symbole n’est pas
encore très connu et certifie principalement les produits alimentaires. Il est ouvert aux pays d’Amérique
latine, des Caraïbes, et depuis peu, aux pays en voie de développement d’Asie et d’Afrique. Toutefois, à
l’heure actuelle, seulement 10 organisations possèdent ce symbole. Elles proviennent du Guatemala, du
Pérou, du Mexique, du Honduras et de la République dominicaine. L’inscription coûte au minimum $300
et les évaluations annuelles également. Ce symbole aurait pu être une ouverture vers un label national,
mais en fait, il vise surtout de « grandes organisations » de petits producteurs. Source : TÚ SÍMBOLO,
Site de Tú Símbolo Pequeños Productores, adresse URL : http://www.tusimbolo.org/ (page consultée le
17 mai 2011).
221
Entretien avec Madame Harriet GOTTLOB, Gérante, CHIKACH, le 18 mars 2011 et avec Monsieur
José Luis AGUILAR, Coordinateur, RED KUCHUBAL, le 14 février 2011.
133
Chapitre 5 : Recommandations pour un commerce équitable Sud-Sud et une plus
grande indépendance de ses acteurs
une minorité, essentiellement urbaine, dispose des moyens nécessaires et constitue la
cible première du système.
Quant à l’offre sur le marché du commerce équitable, elle existe également. D’ailleurs,
de plus en plus d’organisations de ce type apparaissent.
Aussi, j’ai été étonnée par la variété des produits qu’offre le Guatemala, autant au
niveau alimentaire qu’artisanal. Selon moi, ce pays jouit d’opportunités qu’il faudrait
saisir pour favoriser le développement local. Le Guatemala est ainsi réputé
mondialement pour ses produits textiles colorés, mais tous les Guatémaltèques n’en
sont pas conscients. La culture et la manière d’interpréter le monde dans la vision maya
constituent également des atouts de ce pays. Ils devraient être mis en avant, notamment
auprès des touristes, mais aussi auprès de la population locale. Cela aiderait les
producteurs à affronter la concurrence des produits semblables qui laissent la part belle
aux intermédiaires et aux fournisseurs de matières premières.
Bien que le marché intérieur soit relativement petit et que le pouvoir d’achat local
faible, le commerce équitable s’inscrit comme étant une alternative au système de
production caractérisé par de mauvaises conditions de travail.
Le premier chapitre de cette étude a permis de prendre notamment connaissance du
modèle de gouvernance d’Aj Quen, de sa filière, de ses marchés et de ses ressources. À
partir de cette analyse, le bilan des actions concrètes qu’elle réalise au niveau local a pu
être dressé. Mais, la motivation de la fédération et de ses membres d’étendre leurs
activités ne s’arrête pas au marché local : ils visent également les marchés qui leur sont
plus
proches
géographiquement
et
culturellement
au
niveau
régional
et
intracontinental.222
222
Bien que le commerce équitable Sud-Sud pour Aj Quen se limite actuellement à l’Amérique latine, et
de manière relativement marginale du point de vue de ses ventes. Ses projets ne s’étendent pas à
l’Afrique ni à l’Asie.
134
Chapitre 5 : Recommandations pour un commerce équitable Sud-Sud et une plus
grande indépendance de ses acteurs
Dans ce contexte, Aj Quen a participé à un salon au Mexique ainsi qu’à un séminaire
sur la propriété intellectuelle dans le secteur de l’artisanat et en a profité pour observer
les marchés d’artisanat locaux et les magasins. De plus, la fédération a participé à des
salons et à des réunions au Honduras et au Nicaragua portant sur la promotion et la
diffusion de l’économie solidaire. Qui plus est, grâce à Oxfam-Solidarité, un échange
d’expériences a eu lieu avec les producteurs agricoles du Nicaragua.
Aj Quen prend également part au Réseau Latino-américain de Commercialisation
Communautaire223 au travers de la REMACC, le réseau national au Guatemala. Même
si ce dernier est resté inactif ces derniers temps, Aj Quen cherche à y créer des alliances
avec les producteurs d’Amérique centrale pour commercialiser ses produits.224
Au travers de REDES, Aj Quen a la possibilité d’échanger ses expériences avec
différentes organisations équitables d’autres pays sud-américains. Le but poursuivi est
de constituer un système de commercialisation plus important au niveau du continent.
En effet, au-delà de l’Amérique centrale, Aj Quen aimerait introduire ses produits dans
les marchés des pays du Sud (Chili, Équateur, Pérou, Argentine, Bolivie et Colombie).
C’est par le biais de tous ces réseaux225 qu’Aj Quen voudrait développer sa
connaissance et son accès aux pays d’Amérique du Sud.
Ces échanges d’expériences et de bonnes pratiques au travers de réseaux collaboratifs
montrent que, au-delà de l’homo œconomicus, c’est une vision globale de l’individu
dans son milieu et dans ses dimensions culturelle, sociale, et pas seulement
économique, qui est mise au centre des préoccupations du commerce équitable. Toute
importante que soit cette vision de la société et des échanges, il faut aussi s’assurer que
ces lieux de rencontre soient porteurs de résultats concrets, et que les organisations
soient viables dans la durée.
223
Cf. supra chapitre 4.5. Les initiatives actuelles.
Ce paragraphe est inspiré de CAUSA RELACC, Site du Réseau latino-américain de
commercialisation communautaire d’Amérique centrale unie et solidaire, adresse URL :
http://www.causarelacc.org/index.html (page consultée le 8 mai 2011).
225
Cf. supra, chapitre 4.5. Les initiatives actuelles.
224
135
Chapitre 5 : Recommandations pour un commerce équitable Sud-Sud et une plus
grande indépendance de ses acteurs
Après avoir analysé le contexte dans lequel Aj Quen évolue et après avoir collecté
toutes ces informations sur le terrain, je suggèrerais à Aj Quen de suivre plusieurs
pistes, quelles que soient la réalité et la rapidité des progrès qui doivent prendre place
au niveau national.
Avant de conquérir de nouveaux marchés, un effort promotionnel est à fournir pour
attirer les visiteurs de son centre de formation jusqu’à son magasin, situé à côté. Cela
pourrait simplement se réaliser par un écriteau en espagnol apposé sur la façade du
magasin, ou par des affiches publicitaires collées aux portes des salles de réunion, des
sanitaires, des chambres, etc. Cette action ne requiert pas d’investissements coûteux.
Ensuite, l’avantage compétitif de l’association est qu’elle applique des principes
équitables. Néanmoins, au niveau local, ce sont ceux qu’elle omet de présenter. Par
exemple, dans son magasin, les clients ne reçoivent pas d’informations sur l’histoire
que renferment les produits. C’est une lacune qui ne serait pas difficile à combler.
Par ailleurs, je lui conseillerais de profiter de ce qui existe déjà. En effet, au cours de
mes recherches, j’ai plusieurs fois retrouvé des documents intéressants, des études, des
rapports, qui, une fois terminés, ne sont pas exploités. Ils pourraient pourtant servir de
base pour démarrer des négociations ou des initiatives communes.
Afin de se faire connaitre et de faire connaitre le commerce équitable, Aj Quen (en
partenariat avec d’autres organisations) devrait mener une importante campagne de
sensibilisation, comme expliqué précédemment. Cependant, celle-ci, pour informer les
gens, pourrait se réaliser également au travers d’activités plus « sociabilisantes »
qu’une simple vente. Comme évoqué plus haut, Aj Quen a le projet d’organiser un
déjeuner équitable en même temps qu’Oxfam en exposant ses produits ainsi que ceux
d’organisations membres de RAIS. Bien sûr, les initiatives du Nord peuvent servir de
base au développement d’un commerce recentré, mais il ne faut pas oublier de les
adapter au contexte local avant de les lancer.
Aj Quen devrait centrer ses actions de sensibilisation dans les endroits stratégiques,
populaires, rassemblant un grand nombre de personnes (les locaux comme les
touristes) : les marchés, les centres commerciaux, etc.
136
Chapitre 5 : Recommandations pour un commerce équitable Sud-Sud et une plus
grande indépendance de ses acteurs
Selon moi, elle devrait aussi profiter des journées internationales de commerce
équitable pour organiser des événements en commun avec d’autres associations. Cela
parait simple, mais le fait de se grouper n’est pas courant au Guatemala et les
organisations agissent souvent de manière isolée, alors qu’elles revendiquent les
mêmes choses et qu’elles pourraient avoir plus de poids ensemble.
En outre, j’ai constaté que de plus en plus de foires locales (d’artisanat, de tourisme
responsable, de consommation responsable, etc.) s’organisent dans différentes régions
du pays. Ces événements sont une occasion pour Aj Quen de défendre sa cause et de
gagner de la notoriété.
Ensuite, Aj Quen ne doit pas hésiter à frapper à la porte des autorités locales, comme le
bourgmestre de la ville de Chimaltenango, par exemple. Celui-ci m’a reçue avec
enthousiasme et semble prêt à collaborer226. Bien sûr, ce n’est pas après un bref
entretien que je peux dire qu’il tiendra parole, mais au moins, je n’ai pas reçu de
réponse négative. Cela constitue donc une piste à exploiter, comme pour bénéficier
d’espaces publics par exemple. De plus, de nouvelles structures locales (COCODES)
permettent aux populations de se faire entendre. Certains groupes d’artisans utilisent
déjà ce canal. Il faudrait encourager davantage les autres membres à s’impliquer dans
ces institutions. Cela pourrait les aider à bénéficier d’infrastructures locales, d’espaces
de vente, etc.
J’ai également pu remarquer que les églises au Guatemala étaient généralement
bondées. Selon moi, cela représente un potentiel non négligeable. C’est pourquoi, je me
suis entretenue avec le curé de la paroisse de Chimaltenango227. Selon lui, les
rassemblements de jeunes, les réunions de catéchisme, les communautés d’adultes
notamment pourraient être un public ouvert au message du commerce équitable. En
plus, cela représente un nombre important de clients potentiels pour Aj Quen. À titre
d’illustration, tous les samedis, environ 200 adultes se réunissent pour débattre de
sujets divers en rapport avec le catholicisme. Je ne prétends pas lier le commerce
226
Entretien avec Monsieur Belarmino MONTUFAR, Bourgmestre, ville de CHIMALTENANGO, le 11
mars 2011.
227
Entretien avec Monsieur X, Curé, paroisse de CHIMALTENANGO, le 11 mars 2011.
137
Chapitre 5 : Recommandations pour un commerce équitable Sud-Sud et une plus
grande indépendance de ses acteurs
équitable à la religion. Mais, selon moi, cette population serait encline à recevoir le
message du commerce équitable local, car elle partage les valeurs éthiques, de
solidarité, etc. De plus, la journée diocésaine de la jeunesse rassemble 5000 jeunes dans
un même endroit du pays, une fois par an. Cette journée, en plus d’un service religieux,
propose des activités diverses comme des concerts par exemple. D’après le prêtre de la
paroisse, un stand de sensibilisation au commerce équitable cadrerait bien dans ce type
d’événements.
Avant de développer un commerce intracontinental, les efforts se concentrent sur la
région centre-américaine. Pour Aj Quen, cela se traduit par des échanges d’expériences,
par la participation à des salons commerciaux, à des réseaux régionaux, etc. Le but
poursuivi est de conquérir de nouveaux points de vente et de proposer de nouvelles
gammes de produits de cette région dans leur magasin. En établissant un premier
contact avec des acteurs du commerce équitable dans les pays voisins, Aj Quen réalise
que ceux-ci sont également désireux de s’ouvrir davantage au niveau régional. Par
exemple, bien que les pays soient proches, ils ne possèdent pas tous les mêmes
ressources. Un des projets d’Aj Quen consiste à échanger de l’artisanat textile contre
des produits alimentaires du Nicaragua ou du Honduras. Toutefois, le passage de
frontières implique des contrôles et de la bureaucratie. Dans ce sens, des formations
seront certainement nécessaires afin que l’entreprise sache comment aborder ces
problèmes.
En ce qui concerne l’opportunité d’ouvrir un magasin, projet qui devrait augmenter
quasi automatiquement les ventes et la couverture locale d’Aj Quen, voilà comment se
présentent les choses.
Chimaltenango, là où se situe le premier et unique magasin d’Aj Quen, n’est pas une
ville touristique. L’association se trouve sur le bord de la route principale (la
Panaméricaine), qui est le chemin de passage des touristes se rendant à la capitale ou à
Panajachel. Cependant, rien ne les invite à s’arrêter. D’où le besoin de collaborer avec
des agences de voyages qui conseilleraient à leurs touristes de s’arrêter au magasin de
l’association. Un membre du personnel pourrait alors leur exposer les caractéristiques
principales que possèdent les produits Aj Quen.
138
Chapitre 5 : Recommandations pour un commerce équitable Sud-Sud et une plus
grande indépendance de ses acteurs
La prochaine boutique qu’Aj Quen comptait ouvrir était prévue à Antigua pour la fin
du mois de mars 2011. Cet événement a été déplacé au mois de juin de cette même
année pour des raisons administratives et bancaires. Selon moi, Aj Quen, avant de
s’installer dans une ville, devrait effectuer une phase préparatoire à ce projet au travers
d’une étude de marché approfondie, afin de s’informer sur la concurrence, sur
l’emplacement, sur le budget nécessaire, sur les ventes minimales à réaliser, etc. Car,
posséder un local à Antigua représente un coût considérable (environ 1500 € par mois).
De plus, certaines restrictions sont d’application dans cette ville classée au patrimoine
mondial de l’UNESCO. Aj Quen devrait s’en informer également. Cela concerne par
exemple les plaques affichant le nom du magasin : elles ne peuvent être
perpendiculaires à la façade. Les sanctions sont assez lourdes en cas de non-respect de
ces mesures. Enfin, la concurrence y est très forte au niveau de l’artisanat : les produits
proposés sont pratiquement tous similaires d’une échoppe à l’autre. Non seulement
cette petite ville renferme des marchés permanents et de nombreux magasins
d’artisanat, mais en plus, une nouvelle boutique d’artisanat équitable a été inauguré en
février dernier. Les produits qui y sont proposés à la vente sont élaborés selon les
mêmes techniques que celles pratiquées par les groupes d’Aj Quen, mais en utilisant
des colorants naturels, ce qui constitue un atout supplémentaire. Selon moi, les touristes
dans cette ville sont disposés à acheter de l’artisanat équitable, car ils savent plus ou
moins ce que cela représente. Cependant, si Aj Quen ne fait pas clairement valoir que
les produits qu’elle propose sont issus du commerce équitable, les touristes ne feront
pas la différence avec l’artisanat conventionnel.
Durant mon stage sur le terrain, j’ai frappé à la porte de l’Institut Guatémaltèque de
Tourisme (INGUAT), promoteur du tourisme au Guatemala. Lors d’une réunion entre
les comités d’autogestion touristique des municipalités de Sacatepéquez, Escuintla et
Chimaltenango à laquelle j’ai pu participer, le tourisme responsable était à l’ordre du
jour. La volonté de développer cette activité est commune. À ce niveau, des alliances
pourraient se créer avec Aj Quen.
Par exemple, l’INGUAT de Sacatepéquez, à Antigua, offre la possibilité aux artisans et
aux organisations d’artisans d’exposer gratuitement leurs produits durant une période
de minimum 15 jours et de maximum un mois. L’endroit proposé se situe à Antigua,
139
Chapitre 5 : Recommandations pour un commerce équitable Sud-Sud et une plus
grande indépendance de ses acteurs
non loin du centre, dans la cour intérieure d’un charmant bâtiment. De plus, l’INGUAT
prend en charge la promotion (à la radio, sur des dépliants, etc.) 228. Cela permettrait à
Aj Quen de tester ses ventes dans la ville avant de s’y implanter. J’ai relayé
l’information au Coordinateur exécutif, José Victor. Les cartes sont donc maintenant
dans leurs mains.
Quant à Panajachel, la ville est également un endroit où les produits d’artisanat textile
sont similaires et vendus les uns à côté des autres. Une seule grande rue est touristique
et déjà deux magasins de commerce équitable s’y sont établis. Je conseillerai donc à
l’association de plutôt viser les hôtels et les restaurants populaires de la ville. Il serait
utile de négocier avec leurs exploitants pour obtenir une vitrine d’exposition.
Enfin, selon moi, Quetzaltenango est la ville la plus propice à l’ouverture du prochain
magasin Aj Quen. L’impression que j’ai ressentie en quittant cette ville était que les
autochtones étaient plus ouverts aux questions de développement et de consommation
locale que dans les populations touristiques de Panajachel et Antigua. Comme je l’ai
évoqué précédemment229, la ville possède différents atouts : elle est la deuxième plus
grande ville du pays ; son bagage historique différent des autres villes a donné lieu à un
développement particulier ; elle est située au cœur de nombreuses communautés
mayas ; elle rassemble un bon mélange d’étrangers et de locaux ; les universités initient
les jeunes au commerce équitable. Plusieurs magasins de commerce équitable y sont
localisés, mais ce sont surtout des cafétérias vendant des produits alimentaires. En
conséquence, l’artisanat d’Aj Quen pourrait entrer sur le marché de la ville, bien que
Yabal, un concurrent direct de la fédération, et Trama Textiles écoulent déjà leurs
produits sur ce marché. Au moment d’organiser des campagnes de sensibilisation, ces
associations équitables pourraient sans doute collaborer.
En ce qui concerne l’ouverture de nouvelles surfaces de vente comme moyen d’accéder
à une plus grande indépendance vis-à-vis du Nord, je proposerais donc un scénario plus
228
Entretien avec Madame Cindy PADILLA, Assistante, Bureau régional INGUAT Sacatepéquez, le 23
mars 2011.
229
Cf. supra chapitre 3.2. Le marché potentiel et les caractéristiques de cette demande.
140
Chapitre 5 : Recommandations pour un commerce équitable Sud-Sud et une plus
grande indépendance de ses acteurs
progressif, qui donnerait par ailleurs, davantage de temps à la fédération pour étudier
les différentes options et évaluer les risques d’un tel investissement. L’avantage des
pistes proposées est qu’elles sont moins gourmandes en ressources financières et
humaines, deux des enjeux importants des acteurs micro-économiques du marché
équitable.
Un problème dans le financement de la production au Sud subsiste, en effet. Les petits
producteurs en particulier, manquent de capital économique et n’ont pas facilement
accès aux crédits. À ce niveau, ils dépendent beaucoup de l’aide financière locale ou
extérieure, de même que les associations. Ensuite, les producteurs devront adapter leurs
produits équitables aux attentes des consommateurs locaux et d’autres marchés du Sud.
Ils devront identifier les endroits les plus stratégiques pour viser la population des
classes moyennes et élevées, et ainsi développer de nouveaux points de distribution.
Ces démarches nécessitent un renforcement des capacités en gestion.
En bref, le potentiel pour encourager le commerce équitable Sud-Sud pour Aj Quen
existe. Il est important de rester ouvert à ces opportunités, de se baser sur les échecs et
les réussites pour s’en inspirer et aller de l’avant. En profitant du travail déjà accompli
au niveau du commerce équitable au Guatemala, Aj Quen pourrait mettre en place des
actions réfléchies et sensées sans tout recommencer à zéro. Les échanges commerciaux
avec le Sud ne deviendront pas équitables du jour au lendemain, mais avec de la
volonté et des actions ciblées, la population guatémaltèque et les groupes d’artisans
membres d’Aj Quen en particulier, pourraient se développer et aller de l’avant. Après
tout : « Si vous avez l'impression d’être trop petit pour pouvoir changer quelque chose,
essayez donc de dormir avec un moustique… et vous verrez lequel des deux empêche
l'autre de dormir. » (Le Dalaï Lama).
141
Chapitre 5 : Recommandations pour un commerce équitable Sud-Sud et une plus
grande indépendance de ses acteurs
Économie solidaire, économie populaire, économie populaire solidaire, commerce de
justice, marché alternatif, marché solidaire… Le commerce équitable est mis à toutes
les sauces. Il est source d’incompréhension et de confusion (avec les programmes
étatiques, avec les accords de libre-échange, avec le commerce équitable Nord-Sud,
etc.). C’est pourquoi, je pense que le commerce équitable ne doit pas se dénommer de
la sorte au Guatemala. Afin qu’un mouvement basé sur les mêmes principes et valeurs
que le commerce équitable se répande dans le pays, il est important de trouver un terme
qui « parle » aux autochtones. Les Guatémaltèques devraient directement comprendre
ce dont il est question. Cette nouvelle dénomination, seuls les nationaux peuvent la
trouver. Connaissant le contexte local, ils sont les mieux placés pour savoir qu’elle
pourrait être l’appellation la plus adaptée et la mieux comprise par tous. Selon moi, elle
doit mettre davantage l’accent sur « petits producteurs » que sur « commerce
équitable ». Seules les populations du Sud sont en mesure de nous le dire…
142
Conclusion générale
CONCLUSION GÉNÉRALE
Le commerce équitable trouve sa raison d'être dans un système commercial
conventionnel inégalitaire et il serait souhaitable de réformer ce dernier. Au contraire
du système capitaliste, les objectifs du commerce équitable Sud-Sud apportent une
dimension de collaboration, de partage des objectifs vers une cible commune : une
relation équilibrée et enrichissante entre un producteur et un consommateur.
En partant du cas d’Aj Quen, en étudiant ses objectifs, les marchés sur lesquels elle
évolue, les ressources dont elle dispose, ses actuelles et futures actions concrètes au
niveau local, nous avons pu voir comment une initiative locale du Sud traduit
concrètement des valeurs d’équité et de solidarité au-delà de la dimension purement
économique. Cependant, ne pas uniquement penser à vendre mais bien à valoriser la
main-d'œuvre, la culture, la participation des producteurs et leur accompagnement, peut
aussi entrainer une dépendance à des subsides extérieurs. Le cas étudié indique de
nombreux bénéfices sociaux, mais d’un point de vue économique, il y a une crainte que
le modèle ne soit pas viable. En effet, les avantages soulignés semblent logés dans
d'autres sphères d'activité que l'économique: l'accès des enfants à l'éducation, le
traitement équitable des sexes, etc. Le commerce équitable témoigne du fait qu’un
paradigme du mieux-vivre peut être poursuivi, démontrant que d'autres pratiques
économiques existent aujourd'hui, assurant un développement respectueux de l'humain
tout en préservant les générations futures.
Cette étude nous apprend que le dynamisme de certains acteurs sur les différents
continents du Sud promet des jours heureux au commerce équitable Sud-Sud. Certes,
ce concept de commerce équitable est moins connu qu’au Nord de la planète, mais de
plus en plus d’acteurs du Sud commencent à s’y intéresser.
Les échanges en commerce équitable Sud-Sud se limitent cependant pour l’instant aux
niveaux local et intrarégional. Les initiatives en faveur d’un commerce équitable
ciblant les pays moins développés permettent aux populations du Sud d’être
responsables de leur propre développement. Toutefois, une collaboration avec le Nord
143
Conclusion générale
est encore nécessaire car le modèle actuel ne permet pas aux organisations équitables
du Sud d’être viables.
Par ailleurs, si l’on adapte le commerce équitable aux niveaux local et intrarégional, il
faudra sans doute en changer l’appellation pour s’assurer de la compréhension du
nouveau concept par les acteurs locaux. Cette étude semble indiquer qu'il faut laisser le
local, le Sud, gérer lui-même ses projets de production. Mais, cette notion de
"commerce équitable Sud-Sud" n'est-elle pas appelée à disparaître au profit d'une
activité locale alignée sur la demande locale comme cela fonctionnait auparavant...?
Ce serait, entre autres, un moyen de lutter contre la mondialisation, comprise comme
un nivellement à l’échelle mondiale des modes de vie, de production et de
consommation.
En collaborant avec Aj Quen pour développer un commerce équitable plus recentré,
Oxfam-en-Belgique rencontre ces objectifs, à savoir, rendre les partenaires plus
autonomes et maîtres de leur développement.
Tout cela ne nécessiterait-il pas un changement dans les mentalités, pour s’écarter du
« tout-économique » tant au niveau du Sud que du monde en général ?
Les études de marché révèlent que l’offre et la demande dans le secteur de l’artisanat
textile équitable présentent un potentiel et des opportunités grandissantes pour une
association d’artisans telle Aj Quen. Pour positionner sa marque, l’ouverture de
magasins est un bon moyen, mais il faut également profiter des espaces stratégiques
gratuits et des réseaux, comme en apparaissent dans plusieurs pays du Sud.
Cette façon d’agir pourrait changer certains aspects du commerce équitable Nord-Sud
actuel, et amener les populations à initier des actions collectivement. Au sein des
filières intégrées, les acteurs du Sud doivent devenir des agents de développement dans
leur société. Cela leur permettrait d’assurer une fonction de gouvernance locale et un
développement communautaire.
Aj Quen, le partenaire étudié, a déjà mis sur pieds différentes initiatives renforçant son
développement local. Cela se concrétise par ses parts de marché au niveau interne, mais
144
Conclusion générale
aussi par les actions initiées par les groupes d’artisans eux-mêmes. Une approche
rigoureuse de la gestion, dans ce contexte sociétal propre du commerce respectueux de
l’homme, reste d’application : qualité, respect des produits, des délais, innovations,
diversification, doivent être abordés avec méthode et professionnalisme.
Dans ce sens, tout comme le prône l’économiste indien Amartya Sen 230, les logiques
développées dans ce mémoire s’orientent vers un système économique plus attentif au
développement humain durable, dans lequel les « capabilités » des individus et des
communautés sont mises en valeur et renforcées, afin qu’eux-mêmes deviennent les
acteurs de leur propre développement. C’est justement de tout cela dont ce mémoire
témoigne, le développement de coopération à tout point de vue : des réseaux, du
soutien micro-économique d’une entreprise, d’une fédération d’artisans, … En
relocalisant les échanges, les capacités et les choix de vie des producteurs sont
durablement augmentés.
Comme le disait Cristina, une artisane d’Aj Quen: « faire partie d’une association nous
motive et nous encourage à nous mobiliser ensemble… pour notre propre
cause… Nous sommes enfin entendues et osons prendre des initiatives.»
230
Prix Nobel d’économie en 1998.
145
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