Éducation à l`image VALEURS AJOUTÉES
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Éducation à l`image VALEURS AJOUTÉES
projections actions cinéma / audiovisuel n° 34 Éducation à l'image VALEURS AJOUTÉES Enjeux et évolutions Moteur... actions ! S'exprimer, se révéler : les publics Programme des 10e Rencontres Passeurs d'images ISSN 1636-5593 - annuel - décembre 2012 - gratuit Revue sur l’éducation à l’image et l’action culturelle cinématographique 10e Rencontres Passeurs d’images LETTE 14 & 15 décembre 2012 au Parc de la VILis-V illette Grande Halle de la Villette, salle Boris Vian / WIP Par 211 avenue Jean Jaurès, 75019 Paris Les Rencontres Passeurs d’images sont organisées par KYRNÉA International / Passeurs d’images Tarifications spécifiques pour François CAMPANA, Directeur l’accès aux salles de Michèle BOURGADE, Communication et chargée de projet Parcours de cinéma en festivals cinéma Séances spéciales en salle en Pierre BARES, Régie technique Cécilia GIRARD, Chargée de mission vidéothèque-formation présence des réalisateurs Cécile GIRAUD, Chargée de mission Plein air Projections en Alice GROHEUX, Assistante communication plein air gratuites au cœur des quartiers Ateliers de pratique Sophie NEVIÈRE, Webmaster maquettiste Thomas STOLL, Chargé de mission rédacteur Lénaig ZANITTI, Régie projections artistique audiovisuelle ou cinématographique Rencontres avec les professionnels du cinéma Projections et Patrice LHUILLIER, Chef de projet " Des cinés, la vie ! " rencontres autour des films d’ateliers · REMERCIEMENTS · Marie-France PONCZNER et toute l’équipe du WIP-Villette / Jessica VILLANI (FUAJ Cité des Sciences) Les coordinateurs régionaux et locaux du dispositif Passeurs d’images / Les Pôles régionaux d’éducation artistique et de formation au cinéma et à l’audiovisuel / Toutes les personnes qui interviennent pendant les Rencontres Passeurs d’images Ateliers de programmation Déplacement à des festivals ou participation à des manifestations cinématographiques PROJECTIONS - actions cinéma / audiovisuel n° 34 ou audiovisuelles Projets innovants en matière d’éducation au cinéma, à l’audiovisuel et aux nouvelles technologies Formations, sensibilisations des relais de public et rencontres, etc. KYRNÉA International (association loi 1901) · Coordination nationale Passeurs d’images Bureaux et siège : 80 rue du Faubourg Saint-Denis, 75010 Paris · tél. 01 47 70 71 71 · fax. 01 47 70 02 10 [email protected] · www.passeursdimages.fr Directeur de la publication Christian Genevier · Rédacteur en chef François Campana · Rédacteur en chef adjoint Thomas Stoll · Secrétariat de rédaction Cécile Giraud · Rédaction Romuald Beugnon, Michèle Bourgade, Olivier Broudeur, Isabelle Cambou, Alice Chaput, Annie Chevrefils-Desbiolles, Léa Colin, Natacha Cyrulnik, Laurence Dabosville, Mathilde Derôme, Emmanuelle Devos, Adil Essolh, Pierre Forni, Jean-Marc Génuite, Cécilia Girard, Cécile Giraud, Jean-Christophe Houde, Claudie Le Bissonnais, Pierre Lemarchand, Laurent Letrillard, Pierre Martin, Colin Péguillan, Marlène Perraud, Amaury Piotin, Thierry Rousseau, Chantal Sacarabany-Perro, Cécile Sénamaud, Thomas Stoll et Fabien Varlet · Maquette & conception graphique Corinne Leconte · Imprimeur Imprimerie de Champagne – Langres. ISSN 1636 – 5593 · Gratuit · Les textes sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs. Toute reproduction, même partielle, des textes et sur n’importe quel support est interdite. ÉDUCATION À L’IMAGE : VALEURS AJOUTÉES ? .../... 3 projections actions cinéma / audiovisuel ÉDiTO L e concept d’éducation à l’image est jeune. 20 ans de politiques, d’actions, de propositions, 20 ans de développement de techniques, de matériel, d’informatique, de formations, de projections, d’ateliers, de créativité… Malgré cette jeunesse (relative si l’on prend en compte les actions des ciné-clubs et les fédérations d’éducation populaire avant les années 1990), les réseaux, en temps scolaire ou hors temps scolaire, sont forts, très divers et extrêmement nombreux. Ils irriguent tout le territoire français. Dans chaque ville de France, avec le soutien des salles de cinéma, des structures culturelles ou sociales, des associations, chaque personne a la possibilité d’accéder à une certaine éducation à l’image. Pendant ces 20 ans d’actions et d’évolutions technologiques, les propositions se sont développées, que ce soit les ateliers de pratiques, les projections en slle ou en plein air, les séances spéciales en lien avec les tissus sociaux, les formations, les rencontres, etc. La nécessité d’engager de véritables processus d’éducation à l’image est apparue. Les associations, institutions ou collectivités s’impliquent de plus en plus suivant des axes de travail, posés de manière similaire à la création d’ Un été au ciné : partenariats, qualité des propositions, réflexions sur les images, apprentissage de la construction, proximité des publics, etc. Que ce soit avec ou sans Passeurs d’images, les actions d’éducation à l’image sont désormais ancrées fortement dans le paysage. Le concept d’éducation à l’image en France est aussi exemplaire. En 2012, près de 2 000 établissements scolaires et 50 000 enseignants, 2 000 structures partenaires cinématographiques et audiovisuelles participent aux dispositifs d’éducation à l’image École et cinéma, Collège au cinéma, Lycéens et apprentis au cinéma, Passeurs d’images, et d’autres. Tous ces partenaires ont acquis au fil du temps une compétence certaine que beaucoup nous envient. Être à la pointe de l’action n’est cependant pas suffisant. Par une réflexion collective sur les pratiques d’éducation mises en œuvre, sur les nouveaux usages des natifs numériques, mais aussi sur les apports de l’éducation à l’image, nous avons les capacités d’améliorer nos actions. Depuis sa création, Passeurs d’images a une double vocation, culturelle et sociale, mais n’est-ce pas la même réalité pour de nombreuses autres actions d’éducation à l’image ? Pour chaque participant, notre travail est une source de richesses multiples. Par l’expérience, nous pouvons souligner quelques évidences : • Acquérir des connaissances, sur les images comme sur les sujets traités, permet d’engager de vrais processus d’éducation. • Favoriser l’expression des jeunes et participer activement au montage d’un projet est bien synonyme d’apprentissage de l’autonomie et de la construction du point de vue. • Se raconter, prendre la responsabilité de raconter son histoire ou son quartier, relèvent bien de l’ordre de la construction de la personnalité. • Écrire, raconter des histoires, avoir des points de vue, analyser les images que l’on voit, apprendre le langage des images que l’on construit, c’est apprendre à se situer dans ce nouveau monde où la profusion des images nous envahit. ÉDiTO • Aller interviewer les personnes de son quartier, les résidants d’une maison de retraite, montrer les images des films d’ateliers en les partageant avec ses amis et ses parents, assister en famille aux séances de cinéma en plein air, tout ceci participe pleinement des relations intergénérationnelles. • Convaincre les personnes que l’on interviewe de répondre aux questions, trouver les autorisations nécessaires pour filmer des lieux publics ou privés, respecter le droit à l’image et les droits d’auteurs, sont aussi des actes citoyens. • Casser les ghettos en mélangeant les différents types de participants permet de favoriser le dialogue social. • S’ouvrir sur le monde extérieur en participant à des échanges internationaux relève de l’apprentissage nécessaire de l’altérité, d’une meilleure connaissance de notre environnement social ou politique. • Apprendre à construire des images permet de mieux percevoir ce que l’on regarde. Comprendre le langage des images offre le plaisir d’utiliser les outils que nous côtoyons au quotidien : ordinateur, téléphone portable, caméra vidéo, télévision, etc. • Approcher les métiers et les professionnels du cinéma et de l’audiovisuel permet aussi de s’engager dans une voie pré-professionnelle, même si ce n’est pas la vocation première de la majorité des actions d’éducation à l’image. • Participer à un projet collectif, le mener au bout, projeter le film réalisé sont des actes forts de valorisation. Depuis 2002 (après deux ans d’édition sous le nom de Cinéville), Projections est la revue de Passeurs d’images. Cette publication a évolué en permanence. Elle est maintenant un outil de communication et d’informations. Nous souhaitons toujours rendre compte de la diversité, des idées et des forces du réseau. C’est la raison pour laquelle nous avons donné la parole à tous ceux qui ont souhaité s’exprimer. Chacun évolue dans des sphères différentes, vit des expériences ponctuelles ou sur le long terme, mais tous analysent avec pertinence le travail effectué. Le sens de ce numéro de Projections est de tenter de regrouper toutes ces réflexions de fond sur l’impact des actions ou des dispositifs, sur les effets produits sur les participants par toutes ces activités d’éducation à l’image engagées, sur les apports des rencontres, débats, formations, ateliers… Qu’est-ce que l’éducation au cinéma, à l’image, aux images, apporte aux participants, aux publics, en termes de connaissance, de découverte du monde, de construction de la personnalité, d’affirmation de soi, de réflexions, d’approche des arts de l’image, etc. ? Qu’apprend-on avec l’image ? À distinguer le vrai du faux ? Le réel de la fiction ? Quelles images permettent de développer un regard critique ou participent de la formation des individus ? En quoi les actions d’éducation à l’image contribuent-elles à l’éducation du citoyen de demain ? Quels impacts et quels effets l’éducation à l’image produit-elle sur l’éducation, sur la construction de la personnalité, sur la société, sur le regard des spectateurs ? Quelle est la véritable valeur ajoutée de l’éducation à l’image pour les publics qui participent à nos actions ? François CAMPANA KYRNÉA / Passeurs d’images actions cinéma / audiovisuel projections 4 p. 3 page 6 · p. 8 p. 10 p. 14 p. 18 p. 20 p. 24 p. 26 p. 28 p. 30 Édito L’ÉDUCATION À L’IMAGE : enjeux et évolutions À quoi sert l’éducation à l’image ? Dévoiler les ombres Les enjeux de l’éducation aux images Passeurs d’images à l’ère du numérique L’écran magique. De l’éducation au cinéma L’amateur dans le domaine des arts plastiques. Nouvelles pratiques à l’heure du Web 2.0 La culture n’est pas un luxe Populaire, non sans raison Avec le cinéma, le monde nous appartient Pour en finir avec l’éducation à l’image page 32 · p. 34 p. 36 p. 38 p. 40 p. 42 p. 44 p. 46 p. 49 p. 52 Moteur... ACTIONS ! À quoi sert l’éducation à l’image ? Apprendre à aimer Le film, pour les jeunes… c’est « sexy » Agiter les sens critiques De l’animation dans les images L’éducation à l’image à la Martinique : une volonté à toutes épreuves ! La pédagogie par l’image L’image ressentie. À quoi ça sert d’analyser des films avec des jeunes ? Des rencontres singulières MashUp Cooker : le montage décomplexé page 54 · p. 56 p. 58 p. 6 0 p. 62 p. 63 p. 6 4 p. 6 6 p. 6 8 p. 70 p. 72 p. 74 p. 76 S'exprimer, se révéler : LES PUBLICS À quoi sert l’éducation à l’image ? Exister et résister Ce chemin de cinéma Faire entendre des voix Vers la professionnalisation ? Réaliser pour se réaliser Des images pour (se) libérer La création en partage. Entretien avec Anne Toussaint Permis de rêver (un autre monde) Les multiples visages de l’éducation à l’image Mêler cinéma et découverte des cultures. Entretien avec Shashi Passeur d’expériences. Entretien avec Nicolas Wagner Parcours festivalier… et social page 80 · p. 8 2 p. 8 4 p. 8 8 p. 9 0 p. 9 3 p. 9 4 p. 9 5 PROGRAMME DES RENCONTRES PASSEURS D’IMAGES À quoi sert l’éducation à l’image ? S’enrichir en racontant des histoires Vendredi 14 décembre : Tables rondes sur les enjeux de l’éducation à l’image Les films projetés lors des tables rondes Biographies des intervenants Exposition « Le 35, de l’invisible au visible » Atelier MashUp Cooker Samedi 15 décembre : À vous les jeunes ! p. 1 04 p. 1 10 Revue de presse (extraits) Contacts Passeurs d’images 5 projections actions cinéma / audiovisuel SOMMAiRE © Carole Fonfria actions cinéma / audiovisuel projections 6 Dossier / exploration L'éducation à l'image enjeux et évolutions Depuis la création de la première image animée, « cinématographe » va de pair avec « éducation à l’image ». Le lien pédagogique a cependant évolué, passant de la dynamique des Cinés club à la mise en place des dispositifs institutionnels des années 90, jusqu’aux nouveaux développements individualisés des pratiques et usages de l’image. Alors que les pratiques culturelles évoluent avec le numérique, les actions culturelles cinématographiques et audiovisuelles ne doivent-elles pas être repensées ? Transmission, médiation, légitimité : autant de notions à interroger dans un contexte culturel et social en pleine ébullition. Quel avenir pour l’éducation à l’image ? Dossier / exploration À QUOI SERT L'ÉDUCATION À L'IMAGE ? Développer son moi créatif « Les images sont omniprésentes aujourd’hui. Afin d’empêcher que l’on devienne des êtres passifs, de simples gobeurs de signes, il me paraît tout aussi important d’enseigner le langage des images que celui des mots et celui des chiffres. Mon objectif en atelier est avant tout que chaque participant puisse développer son moi créatif, se forger et exprimer ses propres opinions. Se construire une bonne image de soi et comprendre celle de l’autre. » L’image-monde « L’image a envahi nos vies. Elle est partout, tout le temps accessible. Elle nous connecte au monde et, grâce à la numérisation, aux mondes qui nous étaient inconnus ou invisibles. A contrario, une image chasse l’autre. Leur profusion les dévalorise, les déhiérarchise. Ce qui n’est pas mis en image n’existe plus. Elle devient la preuve absolue, la vérité vraie. L’image nous est immédiate. Elle est universelle et ne demande pas de pré-apprentissage pour être perçue. Nous dit-elle tout ? Sûrement pas ! Brute, l’image peut faire l’objet de toutes les manipulations. Or, sans regard, c’est-à-dire sans capacité à voir de manière critique, nous perdons notre libre arbitre et par là même notre identité de citoyen. Il y a plus d’un siècle, l’enseignement de la lecture et de l’écriture est devenu une nécessité pour la démocratie naissante. L’éducation à l’image est maintenant une nécessité pour que perdure la citoyenneté. » Julien LAHMI · Réalisateur Comprendre les représentations de notre monde « Se poser la question sur la pertinence de l’éducation à l’image reviendrait à se poser la même question sur l’éducation tout court alors que les écrans sont multiples et omniprésents. L’écriture et la lecture font partie des apprentissages fondamentaux. L’éducation à l’image est, elle, périphérique, elle reste assujettie à l’engagement des enseignants qui peuvent participer aux dispositifs nationaux ou aux propositions destinées au jeune public de salles ou de festivals. Et pourtant, apprendre à voir et à comprendre ce que les images insufflent, appréhender leur élaboration permet de devenir un spectateur actif et vigilant. Un regard critique ne peut se construire qu’au prix d’un réel travail. Les images animées sont la représentation permanente de notre monde, en connaître la grammaire c’est saisir un peu le monde mais surtout discerner les interprétations de ceux qui les fabriquent. » Jean-Christophe HOUDE · Réalisateur et intervenant à l’Atelier Tipi (Rhône-Alpes) Décoder, apprendre, imaginer « L’éducation à l’image sert au décodage des images, à la construction d’une pensée critique, à l’apprentissage des outils de la mise en scène et de la narration pour laisser le champ libre à l’imagination et à la création, la spontanéité et la réflexion, l’échange et le travail en commun (liste non exhaustive) ». Eric GENDRAU · Animateur éducation à l’image à la MJC de Dole (Franche-Comté) Catherine AUGÉ · Festival Itinérances (Alès, Languedoc-Roussillon) DÉVOILER LES OMBRES actions cinéma / audiovisuel projections 8 L' éducation à l' image : enjeux et évolutions Accompagner ces ombres Pouvoir des images « Une petite misère de notre nerf optique, un choc, vingt-quatre images lumineuses par seconde. Entre ces images, le noir, mais notre nerf optique n’enregistre pas le noir. Qu’elles se taisent ou qu’elles parlent, ces ombres s’adressent directement à la chambre qui est en moi la plus secrète. » Ingmar Bergman, in Laterna Magica Ed. Gallimard. L’éducation à l’image, cela pourrait juste déjà être une manière de contribuer modestement à dévoiler ces ombres, à les offrir au regard et les accompagner... » « Ce que j’essaie de montrer et de faire comprendre plus particulièrement dans mon travail d’éducation à l’image, c’est que les images (de différents supports) ne viennent pas de nulle part, qu’elles ont une histoire (sociale, esthétique) et qu’il peut être stimulant de les comparer avec d’autres images. » Thierry LAURENT · Intervenant de De la suite dans les images (Lille, Nord-Pas de Calais) David SIMON · Responsable éducation à Ciclic (Château-Renault, Centre) Éduquer le regard « Nous vivons dans un monde d’images. Les formats sont divers ainsi que la composition des images, de la plus réaliste à la plus baroque. L’éducation à l’image implique d’éduquer le regard sur le sens et la forme des images qui nous entourent. Le cinéma met en images la vie réelle et rêvée ; il amène le spectateur de la réalité au fantastique et interpelle l’imaginaire. Savoir regarder l’ensemble des images qui compose le film amène le spectateur à être en harmonie ou non avec le propos développé. Éduquer le regard, critiquer l’image, faire connaître l’histoire du cinéma, former le goût est un objectif de la Cinémathèque, partenaire de tout enseignant désireux de développer cette formation auprès des élèves et étudiants. » Sage comme une image « Dans le temps, on disait souvent aux enfants qu’ils devaient être « sages comme une image ». On entendait sûrement par là qu’il fallait être posé dans le regard de l’autre, le désir de l’adulte, sans turbulence, comme l’est a priori une photographie, une peinture, ou un simple support. C’était avant, avant que l’image ne soit omniprésente dans nos vies, et qu’elle ne reflète les turbulences du monde à chaque seconde - mais aussi, et toujours, les désirs, les singularités... On entend moins cette expression aujourd’hui ; le sens, nos sens évoluent avec le mouvement. Et, on le sait à présent, rien n’est moins sage qu’une image... Qu’on l’ait choisie pour nous obéissante ou désobéissante / Qu’on la choisisse consciemment : Là est l’enjeu, dans le processus de fabrication, l’enjeu d’un atelier. » Viviane GOTTARDI · Vice Présidente de La Corse et le Cinéma, association gestionnaire de la Cinémathèque Régionale de Corse pour le compte de la Collectivité Territoriale de Corse (Porto-Vecchio) Johanna LAFOSSE · Auteur/Réalisatrice, doctorante en cinéma " Brute, l'image peut faire l'objet de toutes les manipulations. Or, sans regard, c'est-à-dire sans capacité à voir de manière critique, nous perdons notre libre arbitre et par là même notre identité de citoyen. " 9 projections actions cinéma / audiovisuel Dossier / exploration LES ENJEUX DE L’ÉDUCATION AUX IMAGES T ransmission et médiation, démocratisation et démocratie culturelle, légitimité et réception, images et cultures numériques : revenir sur certaines notions fondamentales semble essentiel pour appréhender les nouveaux enjeux auxquels l’éducation aux images sera confrontée. Depuis plus de vingt ans, les propositions, les méthodologies, les acteurs, les actions se sont multipliés. Dans notre monde numérique, quels sont les nouveaux défis qu’il faudra relever ? 1 Xavier Molénat, « ils n’ont qu’à être ce qu’ils sont pour être ce qu’il faut être » 2. C’est ainsi qu’Olivier Donnat en appelle à « faire le deuil du mythe de la révélation » 3. Cette rencontre avec « l’art », permise par la démocratisation culturelle, repose sur la notion de déficit culturel. Bien des actions culturelles se basent sur cette idée que « certaines » populations seraient en manque de (bonne) culture. La constitution de corpus de films à voir et d’œuvres à connaître (« l’éloge de la liste » chère à Alain Bergala), pour essentielle qu’elle est, implique le renforcement des hiérarchies entre les objets culturels dont les degrés de légitimité varient, entretenant un « culte de la culture », séparant « culture cultivée » et « culture populaire ». Le philosophe Alain Brossat, à rebours de l’École de Francfort qui influença les politiques culturelles françaises en dénonçant une déperdition culturelle, affirme qu’au contraire nous sommes gavés de culture, que les objets culturels nous accompagnent partout, que la culture est même « devenue un moyen de gouvernement parmi d’autres » 4. Certaines formes de culture sont simplement moins reconnues que d’autres ; la culture restant avant tout une machine à produire des différences et des hiérarchies. VOUS AVEZ DIT « DÉMOCRATISATION CULTURELLE » ? Au sortir de la Seconde Guerre mondiale et de la période trouble qui a divisé les Français, il s’agit de refonder les bases d’un vivre ensemble notamment par l’entremise de la démocratisation culturelle : construire une culture commune, permettre un égal accès aux œuvres d’art et aux pratiques artistiques (avec la gratuité des musées, l’ouverture des maisons de la culture), combattre les inégalités en termes de capital culturel. Cet idéal cher à Malraux, en survalorisant le pouvoir des œuvres et des artistes, est sévèrement critiqué par Bourdieu qui, en 1979 dans La Distinction 1, dénonce les héritages de classe et le poids inévitable des habitus (ce qui est transmis par la famille et l’éducation). Au final, la démocratisation culturelle ne serait là que pour maintenir l’ordre dominant tel qu’il est, en valorisant les objets culturels « légitimes » sous prétexte que le choc esthétique provoqué par la rencontre du quidam avec l’œuvre serait naturel. À ce jeu-là, les dominants auraient un net avantage puisque comme le souligne 2 Xavier Molénat, « Les nouveaux codes de la distinction », in Sciences humaines n°224, mars 2011. 3 Olivier Donnat, « En finir (vraiment) avec la démocratisation de la culture », publié sur OWNI, 24 avril 2011. 4 Alain Brossat, « La culture est devenue un moyen de gouvernement parmi d'autres », entretien publié sur Article11.info, mai 2012. 1 Pierre Bourdieu, La Distinction. Critique sociale du jugement, éd. de Minuit, 1979. actions cinéma / audiovisuel projections 10 L' éducation à l' image : enjeux et évolutions 2 1 · La Nuit du chasseur, de Charles Laughton 2 · M le Maudit, de Fritz Lang 3 · Scream 4, de Wes Craven 3 VERS LA DÉMOCRATIE CULTURELLE ? que la culture reste plus classante que jamais, que le « goût des uns est d’abord le dégoût du goût des autres ». Pour Philippe Coulangeon, le pire serait d’enfermer les dominés dans leur culture de dominés. Si la question n’est pas celle du manque de culture, vers quel modèle s’orienter ? Franck Lepage explique avec humour la manière dont, après 1945, le choix de la démocratisation culturelle a été fait aux dépens de l’éducation populaire et des expériences de démocratie culturelle 5. Contrairement à une idée reçue, la culture ne serait en rien un garant contre la violence et le fascisme - de Goebbels à Céline, les contre-exemples de « la culture qui civilise » ne manquent pas. Au lieu de défendre les « grandes œuvres de l’esprit », l’éducation populaire se propose de fournir à tout individu une éducation politique à même de favoriser l’émancipation, loin de toute tentation hiérarchisante entre un « apprenant » et un « ignorant ». Mais le débat reste houleux. Le sociologue Philippe Coulangeon revisite les thèses de Bourdieu en analysant les nouvelles formes de distinction et les nouveaux territoires de domination symbolique. Pour lui, si la démocratisation culturelle n’est pas parfaite, elle n’en demeure pas moins essentielle pour réduire les fossés culturels entre classes sociales. Baisser les bras ne ferait qu’apporter de l’eau au moulin des réactionnaires qui ne veulent pas « donner de la confiture aux cochons ». La démocratie culturelle porterait en elle le danger du relativisme culturel, prétendant de façon hypocrite que toutes les formes de culture se vaudraient, alors LA LÉGITIMITÉ CULTURELLE TRANSFORMÉE ? Avec l’émergence des industries culturelles s’est développée l’idée d’une standardisation des goûts culturels (culture élitiste et culture populaire se confondent). À l’heure numérique, les produits culturels sont pléthore et il est devenu compliqué de décréter ce qui fait « œuvre ». Les instances de labellisation des biens culturels sont nombreuses et inassignables, tandis que les institutions (école, structures culturelles) voient leur pouvoir de désignation sévèrement tronqué. Là encore, Philippe Coulangeon réfute ces thèses, estimant que les inégalités culturelles restent prégnantes. Il note qu’à présent la légitimité culturelle et la distinction ne se jouent plus tant par la maîtrise de quelques objets culturels issus de la culture cultivée que par l’éclectisme des goûts et des pratiques qu’un individu est capable de manifester. Ce qui importerait ne serait donc plus de simplement connaître sur le bout des doigts La Nuit du chasseur et M le Maudit, mais également de s’intéresser aux nanars américains des années 80, aux films à grand spectacle et aux séries télévisées… sans pour autant perdre de vue les hiérarchies entre tous ces objets et la distance qui accompagne le regard. 5 Voir la « conférence gesticulée » de Franck Lepage intitulée Incultures, l’éducation populaire, monsieur, ils n’en ont pas voulu… (2008). 11 projections actions cinéma / audiovisuel Dossier / exploration 4 · Les chiens de paille, de Sam Peckinpah 5 · Mulholland Drive, de David Lynch 6 · Alt-Minds, de Eric Viennot, une expérience transmédia 4 5 TRANSMETTRE… LA PEUR DES IMAGES À cette profusion de produits culturels et de goûts s’ajouterait un brouillage des frontières entre professionnels et amateurs (Patrice Flichy parle des « pro-am » 6 ), entre production et réception, induisant une remise à plat de la médiation - c’est-à-dire du lien entre les œuvres et les publics. Envisager la réception dans ses dimensions actives, en s’intéressant à la « culture du fan » (qui a fait l’objet de nombreux travaux depuis 20 ans), est devenu une nécessité première. Loin de l’image du spectateur aliéné à qui il faudrait donner des clés pour « décrypter » la réalité, il s’agirait de véritablement prendre en compte les usages de chacun qui sont en plein essor à l’ère numérique : remix, détournements, commentaires, parodies, recommandations… Médiation et légitimité ne pourraient dès lors plus être entendues comme elles l’étaient. Avoir conscience de ces changements est essentiel quant à l’évolution des actions d’éducation à l’image. Plus que jamais, la culture participe de la construction identitaire de chacun et des jeunes en particulier qui signalent leur appartenance à tel groupe en fonction de leurs goûts. La distinction entre art majeur et art mineur perd de sa pertinence au profit d’une culture médiatique (Éric Macé et Éric Maigret parlent de « médiacultures » 7 ) ne pouvant certainement pas se réduire à quelques grands succès populaires ou à TF1, pour reprendre les propos d’Olivier Donnat. Dès lors, quel rôle assigner à l’éducation à l’image ? Le mythe de la caverne de Platon est au fondement de bien des actions culturelles cinématographiques, avec cette idée que l’image nous sépare du monde et nous trompe. Dans le sillage de la démocratisation culturelle, il s’agirait d’éduquer le peuple en le soumettant à une « bonne » manière de voir les images, et ce faisant le protéger du réel. La vulgate de l’image violente entraînant un comportement violent est si ancrée dans l’opinion qu’elle refait surface à chaque fait divers sordide où les criminels en appellent à Scream, Batman ou Tueurs nés. Au rang des accusés : cinéma, télévision, internet, mondes virtuels, jeux vidéo, photographie… Marie-José Mondzain rétorque que « l’image de la vertu ne rend pas vertueux tout comme celle du crime ne rend pas criminelle » 8. L’image sert-elle de stimuli, déclenche-t-elle le passage à l’acte ? Ou a contrario se pare-t-elle de vertus cathartiques ? Les recherches à ce sujet ne manquent pas (ce qui par ailleurs en dit long sur une certaine névrose sociale) et se contredisent sans cesse. Les films de Sam Peckinpah - parmi d’autres - sondent crûment la violence de l’âme humaine et laissent le spectateur libre face aux images et ses contradictions. Par-delà la représentation de la violence (qui n’est pas la violence de la représentation), nombreux sont ceux s’inquiétant de ces flux d’images envahissant 6 Lire à ce sujet l’essai de Patrice Flichy, Le sacre de l’amateur, Seuil, 2010. 7 Éric Macé et Éric Maigret, Penser les médiacultures, Armand Colin, 2005. actions cinéma / audiovisuel projections 8 Marie-José Mondzain, L’image peut-elle tuer ?, Bayard, 2002. 12 L' éducation à l' image : enjeux et évolutions 6 notre monde qui nous feraient perdre tout repère et nous empêcheraient de penser et d’agir. Selon Jacques Rancière, voir ne comporte pourtant aucune infirmité. L’homme aliéné par l’image ne serait qu’un archétype entretenu par l’ordre dominant qui réaffirmerait ainsi les bonnes manières de voir et de penser. À l’inverse, l’auteur du Spectateur émancipé et du Maître ignorant propose de réhabiliter la pensée de chacun, à rebours de l’opposition traditionnelle entre experts et profanes, entre « ceux qui savent » et « ceux qui ignorent ». L’émancipation du spectateur devrait forcément passer par l’affirmation de sa capacité à voir, c’est-à-dire par le refus des injonctions de ceux prétendant savoir ce qu’il faut penser des images. On le sent bien, l’éducation à l’image gagnerait à repenser son rapport aux publics et aux images, notamment en se plongeant de plain-pied dans les enjeux propres aux cultures numériques. David Lynch, invite à penser la porosité entre réel et virtuel, ce dernier faisant tout autant partie du réel que le réel lui-même ! Les pratiques sociales et les usages numériques sont à présent intimement liés, entremêlés : impossible de penser l’un sans l’autre. Devenues valeur d’échange, les images remplissent de nouvelles fonctions en favorisant l’immersion du spectateur dans la narration. Webdocumentaires, transmédia, Serious Games : les nouvelles formes de récit incitent à repenser notre rapport aux images selon des logiques de parcours et font voler en éclat l’assignation des images à un lieu donné. Avec le transmédia, les récits se déploient sur de multiples supports, du cinéma à l’écran d’ordinateur en passant par la télévision, internet, la presse papier, les réseaux sociaux ou encore les jeux vidéo. De ces récits déterritorialisés découle un autre rapport au temps de la narration, pouvant s’étaler sur plusieurs mois – l’ensemble de l’histoire n’étant perceptible qu’une fois tous les éléments rassemblés. Pour être en phase avec les pratiques des jeunes, l’éducation aux images (et non plus « à l’image ») ne doit-elle pas évoluer et penser ses actions selon ces usages émergents ? Quels en seraient les paradigmes ? Comment encourager ce type de créativité ? Les incertitudes restent nombreuses à ce sujet, mais les logiques de transmission, médiation et légitimité culturelle sont soudainement confrontées à une stimulante remise à plat. Thomas STOLL DES IMAGES ET DES LIENS À l’ère du Web 2.0, l’image n’a-t-elle pas acquis un nouveau statut 9 ? Partagée, commentée, détournée, elle développe de nouvelles formes de sociabilités et serait devenue une « propriété commune » (André Gunthert). Les « liaisons numériques » dont parle Antonio A. Casilli battent en brèche l’idée d’un internet désocialisant et coupant les individus du monde réel au profit de dangereux mondes virtuels. Le cinéma, de Alain Resnais à KYRNÉA / Passeurs d'images 9 Cf. texte de Jean-Marc Génuite, “Passeurs d’images à l’ère du numérique”, dans ce même numéro. 13 projections actions cinéma / audiovisuel ■ Dossier / exploration PASSEURS D’IMAGES À L’ÈRE DU NUMÉRIQUE F aire évoluer les perspectives de l’éducation à l’image face à l’émergence et au développement des cultures numériques audiovisuelles, l’enjeu est de taille. Il ne s’agit pas d’énoncer un « discours de vérité » sur les actions et expériences pédagogiques généralement regroupées sous l’appellation générique d’éducation à l’image, mais plutôt d’interroger la place, le rôle et les conditions d’existence d’une démarche éducative confrontée aux productions visuelles et audiovisuelles émergentes dont l’essor accompagne le développement de ce que l’on nomme le Web collaboratif, Web social ou Web 2.0. Manifeste 1. Survenant à une époque où la philosophie du Web 2.0 s’affirme comme un paradigme dominant au sein de la Galaxie numérique, un tel événement culturel semble postuler que nous sommes parvenus à l’aube d’une ère nouvelle où les rapports anthropologiques à la fabrique des images connaîtraient une situation inédite. Cette hypothèse rencontre la réflexion initiée par un André Gunthert autour des « cultures visuelles » lorsqu’il rappelle par exemple qu’à « l’heure numérique » se réalise l’utopie clairvoyante imaginée dès 1928 par le poète Paul Valéry. Dans un court texte tourné vers « La conquête de l’Ubiquité », l’académicien prophétisait effectivement l’avènement d’une révolution sociétale semblable à celle que nous vivons actuellement : « Comme l’eau, comme le gaz, comme le courant électrique viennent de loin dans nos demeures répondre à nos besoins moyennant un effort quasi nul, ainsi serons-nous alimentés d’images visuelles ou auditives, naissant et s’évanouissant au moindre geste, presque à un signe » 2. Engendrant un véritable « tournant culturel », le Web 2.0 a significativement affecté l’ordre des pratiques et des usages et favorisé l’avènement de nouveaux moyens d’expression et de nouvelles formes de « récits » audiovisuels. En offrant à chaque citoyen ordinaire la possibilité de s’investir dans un « devenir média » (Olivier Blondeau) par la production et la diffusion de ses propres informations, images et autres « réalisations » audiovisuelles, le Web collaboratif participe également de ce que le chercheur Milad Doueihi pourrait nommer une « grande conversion numérique ». Le contexte socioculturel qui s’est imposé à l’ère numérique provoque ainsi un phénomène d’extension des domaines de consommation, de production et de diffusion d’images, phénomène de prolifération qui ne peut évidemment rester sans incidences sur le statut, la fonction, les perspectives pour ne pas dire la légitimité de l’éducation à l’image et de ses acteurs. Comme l’incarnation d’un signe des temps, les Rencontres d’Arles de l'été 2011 proposèrent au sein de l’Atelier de mécanique une singulière exposition photographique au titre énigmatique de From Here On (« À partir de maintenant... ») que les cinq commissaires avaient tenu à accompagner d’un court actions cinéma / audiovisuel projections 1 « Maintenant, nous sommes une espèce d’éditeurs. Tous, nous recyclons, nous faisons des copier-coller, nous téléchargeons et remixons. Nous pouvons tout faire faire aux images. Tout ce dont nous avons besoin, c’est d’un œil, un cerveau, un appareil photo, un téléphone, un ordinateur, un scanner, un point de vue. Et, lorsque nous n’éditons pas, nous créons. Nous créons plus que jamais, parce que nos ressources sont illimitées et les possibilités infinies. L’Internet est plein d’inspirations, du profond, du beau, du dérangeant, du ridicule, du trivial, du vernaculaire et de l’intime. Nos petits appareils de rien du tout capturent la lumière la plus vive comme l’obscurité la plus opaque. Ce potentiel technologique a des répercussions esthétiques. Il change l’idée que nous nous faisons de la création, il en résulte des travaux qui ressemblent à des jeux, qui transforment l’ancien en nouveau, réévaluent le banal. Des travaux qui ont une histoire, mais s’inscrivent pleinement dans le présent. Nous voulons donner à ces travaux un nouveau statut. Car les choses seront différentes, à partir de maintenant... » 2 Paul Valéry cité par André Gunthert dans « L’image partagée. Comment Internet a changé l’économie des images », in Études photographiques n°24, novembre 2009. 14 © Marie Leroux L' éducation à l' image : enjeux et évolutions 1 · From Here On aux Rencontres d’Arles 2011 15 projections actions cinéma / audiovisuel © Gaël Clariana Dossier / exploration 3 2 2 · Machinima « Je suis un gamer » de Rod Pulsar 3 · Atelier en Picardie 4 · Atelier pocketfilm avec Benoît Labourdette en Aquitaine Avec Internet, le Web 2.0 et l’émergence d’une « culture des usages », l’image est indéniablement devenue un bien de consommation courante comme l’imaginait Paul Valéry en son temps et le geste qui consiste à « faire » une image, voire « à faire » image compte parmi les us et coutumes et habitus de l’homme des sociétés modernes. En donnant corps à la prophétie lancée par le poète Sétois, la manifestation photographique « À partir de maintenant... » exposait et interprétait en le détournant l’environnement du « tout à l’image » (Serge Daney) au sein duquel nous évoluons quotidiennement. Une trentaine d’artistes avaient en effet été conviés à réaliser des œuvres et des installations photographiques, en s’appropriant un magma « primordial » hétérogène constitué d’images puisées dans les bases de données offertes par des sites de partage comme Flickr ou le moteur de recherche Google Images. De l’anonymat de ces bases de données, les artistes invités en Arles avaient extrait de multiples clichés photographiques privés d’identités propres, chacun d’entre eux pouvant d’ailleurs parfaitement se définir à l’aide du célèbre aphorisme Godardien : « Ce n’est pas une image juste, juste une image ». L’exposition mettait ainsi en scène les gestes d’appropriation au cœur des usages culturels de l’ère numérique, elle offrait une mise en abyme de ces pratiques de détournement, interrogeait le statut même des images qui composent la Galaxie numérique et problématisait la notion et le statut d’auteur. Elle exposait au sens littéral, différentes manières de continuer à actions cinéma / audiovisuel projections penser l’acte de création photographique face à la profusion des images disponibles, et elle le faisait dans une conjoncture culturelle qui résonne de plus en plus d’un « Tous photographes ! » pour reprendre le titre d’une exposition donnée en 2007 au musée de l’Élysée de Lausanne 1. Comme en témoignent la manifestation « From Here On» et le Manifeste qui lui est associé, le développement du Web 2.0 s’accompagne d’une prolifération effrénée et incontrôlable d’images produites et mises en circulation qui informent, voire gouvernent nos comportements culturels et sociaux. Nous vivons effectivement au sein de sociétés en réseaux où chacun est susceptible d’être multiplement « connecté » et où le tissu des relations interindividuelles et collectives semble de plus en plus se tramer au sein de ce que le philosophe Vilém Flusser appellerait un « scénario planétaire d’images » 2. Mouvement caractéristique de la société des technologies de l’information et de la communication, l’inflation exponentielle des images produites à l’ère des cultures numériques et de la globalisation culturelle incarne une rupture d’ordre anthropologique, un basculement de civilisation et nous contraint à repenser les enjeux, les perspectives, sinon la fonction de l’éducation à l’image. En effet, depuis une décennie et l’avènement du Web 2.0, la « révolution culturelle » numérique et son mouvement inexorable ont engendré de nouvelles 1 « Tous photographes ! la mutation de la photographie amateur à l’ère numérique ». 2 Vilém Flusser in Pour une philosophie de la photographie, éd. Circé, 2004. 16 L' éducation à l' image : enjeux et évolutions 4 formes d’expressions audiovisuelles voire de nouvelles perspectives d’écritures fictionnelles dont les acteurs de l’éducation à l’image ne peuvent ignorer l’importance. Composant la vaste scène des cultures numériques audiovisuelles, les mondes virtuels, les jeux de rôle en ligne multijoueurs (MMORPG), les Webdocumentaires, les Web séries et autres Machinimas témoignent d’une profonde mutation des pratiques et des usages culturels que ces territoires émergents provoquent, accompagnent et dont ils découlent également. « Phénomène » social particulièrement prégnant chez les adolescents « immergés » depuis leur naissance au sein d’un environnement numérique, une telle évolution nous oblige à reconsidérer la place et la fonction des pédagogues et autres médiateurs culturels impliqués dans le domaine de l’éducation à l’image. Pour éviter d’être totalement « court-circuité » par les pratiques audiovisuelles de la « génération numérique » et d’adopter la position de l’« observateur lointain » face aux usages culturels qui ont cours, il est indispensable d’en explorer les diverses incarnations. Afin d’y parvenir, le dispositif Passeurs d’images doit nécessairement s’interroger sur les formes à donner à son évolution et notamment repenser et développer le cadre des formations destinées à ses divers acteurs culturels et sociaux (éducateurs, formateurs, coordinateurs). Dans le contexte numérique contemporain, il est devenu primordial pour notre réseau d’ouvrir et d’imaginer collectivement de nouvelles perspectives de formation régionale voire interrégionale afin de favoriser l’acquisition de connaissances et de compétences culturelles consubstantielles aux univers numériques. Ce genre de synergie collective permettrait d’éviter que le fossé ne se creuse davantage entre la « réalité » des pratiques culturelles adolescentes et les activités pédagogiques qui sont parfois proposées aux « jeunes ». En offrant aux différents acteurs du réseau la possibilité de découvrir de nouveaux territoires audiovisuels et de renouveler leurs perspectives éducatives, les formations portant sur les cultures numériques pourraient ainsi favoriser une meilleure compréhension entre ceux que le chercheur américain Marc Prensky nomme les « natifs numériques » ou « autochtones numériques » et les « immigrants numériques » qui les accompagnent. Elles faciliteraient l’émergence de politiques de la transmission mieux adaptées à l’environnement culturel au sein duquel nous évoluons quotidiennement. Enfin, ces formations permettraient aux médiateurs culturels de notre réseau de plus facilement répondre à ce que le sociologue Olivier Donnat a mis en évidence dans l’enquête qu’il a menée sur « les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique » (2008) et qui réside dans la nécessité de passer d’une « politique des publics » à une « politique des usages » pour penser la complexité des pratiques culturelles contemporaines. Jean-Marc GÉNUITE Conseiller d'éducation à l'image ■ 17 projections actions cinéma / audiovisuel Dossier / exploration L’ÉCRAN MAGIQUE De l’éducation au cinéma À quoi servent les actions d’éducation au cinéma ? Par un rapide retour sur l’histoire de l’éducation artistique, Pierre Forni rappelle que l’existence d’une médiation entre les films et les publics s’est construite dans le temps. « L’écran est un support magique. Il a tellement de force qu’il peut retenir l’attention en transmettant des émotions et des humeurs telles qu’aucune autre forme d’art ne puisse lutter. » Stanley Kubrick Depuis la signature du protocole d’accord du 25 avril 1983 entre les Ministères de l’éducation nationale et de la culture, l’éducation artistique fait régulièrement l’objet d’une attention plus ou moins grande des ministres qui ont occupé depuis trois décennies le fauteuil d’André Malraux. Chargé « de rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand nombre possible de Français », le grand homme avait peu de goût pour les dispositifs pédagogiques considérant du haut de son Olympe qu’une œuvre d’art avait suffisamment de force en elle-même pour émouvoir tout un chacun sans qu’il soit nécessaire de placer entre elle et lui le moindre intercesseur. Si chaque être, mis en présence d’une œuvre d’art, a effectivement la capacité d’éprouver un choc artistique, encore faut-il que quelque chose ou quelqu’un provoque cette rencontre. Fidèles aux injonctions gaulliennes du décret de 1959, les dispositifs nationaux d’éducation au cinéma se sont efforcés de faire découvrir aux plus jeunes la richesse et la diversité du septième art mais en y ajoutant, depuis le début des années 80, une dimension pédagogique et un zest de plaisir : celui que procure la manipulation créative des images et des sons, celui, collectif, de la salle obscure et de la projection sur grand écran. Le tout construit sur trois principes : la médiation, le partenariat et la formation sans lesquels nos opérations s’effondreraient comme des châteaux de cartes. actions cinéma / audiovisuel projections S’il est légitime de se poser la question de l’utilité et de l’impact de telles actions, il n’est toutefois possible de le faire qu’en prenant en compte la totalité des acteurs qu’elles impliquent : les élèves bien sûr pour qui elles ont été conçues, mais également les passeurs, les enseignants, les animateurs culturels et les éducateurs. Une étude réalisée il y a quelques années à la demande du Département des études et de la prospective du Ministère de la culture sur l’impact des dispositifs sur la culture et les pratiques des jeunes constatait au moins trois effets importants : l’acquisition d’éléments de culture cinématographique, la perception de ce qu’est le cinéma, une ouverture plus ou moins grande aux œuvres proposées très différentes des films qu’ils avaient l’habitude de voir en salle. Car les films des dispositifs appartiennent majoritairement aux œuvres classées art et essai (à 65 % dans Passeurs d’images, à plus de 95 % pour les 200 titres des dispositifs scolaires). 18 © Pôle Image Haute-Normandie © Pôle Image Haute-Normandie L' éducation à l' image : enjeux et évolutions Pour le reste, bien malin qui saura mesurer les effets à long terme d’une rencontre, d’une émotion, d’une expérience sensible. L’histoire au demeurant ne nous enseigne-t-elle pas que l’éducation fait reculer partout le fanatisme et l’ignorance et que l’art, comme le dit Picasso, « lave notre être de la poussière du quotidien ». Voir des films venus de tous les horizons, travailler sur ces films pour en percevoir les richesses, échanger avec des créateurs, réaliser soi-même un film ne saurait qu’apporter des connaissances et du bonheur. Mais l’impact des dispositifs s’est aussi traduit par la création d’un réseau d’acteurs de l’éducation à l’image composé de plusieurs milliers de partenaires : enseignants, salles de cinéma, éducateurs, associations culturelles, festivals… et animé dans treize régions par des pôles régionaux d’éducation artistique et de formation au cinéma et à l’audiovisuel, véritables laboratoires d’actions innovantes et observatoires des pratiques et des expériences. Les dispositifs ont également favorisé la création de nouveaux métiers notamment dans le domaine de la médiation culturelle (création d’un BEATEP de médiateur du cinéma par exemple) et la création de plusieurs dizaines d’emplois pérennes dans ce secteur (coordinateurs régionaux et départementaux, responsables des publics auprès des salles de cinéma…). Pour les exploitants et les distributeurs, ces actions dont le financement est estimé à vingt-et-un millions d’euros (sur la base de quinze euros annuel par élève) participent à l’économie du secteur. Enfin, elles offrent régulièrement du travail à des centaines d’intermittents (scénaristes, réalisateurs mais aussi cadreurs, preneurs de son, éclairagistes, etc.) Par leur ampleur et leur qualité les dispositifs nationaux participent à l’aménagement culturel du territoire. Présents sur la totalité du territoire métropolitain (grâce notamment à la participation des circuits itinérants ruraux) et outre marin (à Mayotte ils constituent l’une des seules propositions culturelles), ils contribuent en outre à maintenir un réseau de salles de cinéma qui dans beaucoup d’endroits constituent (avec les médiathèques) les seuls outils culturels. Selon l’étude d’impact de 2010, pour « 51 % des exploitants de salles de cinéma, les dispositifs scolaires permettent de renouveler la génération des cinéphiles ». En dépit du contexte économique difficile, la parenthèse qui s’ouvre aujourd’hui est porteuse d’espoir puisque les ministres de la culture et de l’éducation nationale placent à nouveau l’éducation artistique au cœur de leur action. La révolution numérique qui l’accompagne avec toutes les possibilités nouvelles qu’elle propose en termes de ressources, d’organisation et d’échange devrait permettre de construire un nouveau projet en s’appuyant sur les acquis, les réseaux et l’expérience accumulés depuis plus de vingt ans. Pierre FORNI Chef du département de l’éducation artistique, Service de la diffusion culturelle, Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) 19 projections actions cinéma / audiovisuel ■ Dossier / exploration NOUVELLES PRATIQUES À L’HEURE DU WEB 2.0 L’amateur dans le domaine des arts plastiques Introduction au rapport rédigé par Annie CHEVREFILS-DESBIOLLES L’ objectif de ce rapport a été défini avec Alain Brunsvick, chef du département des publics et de la diffusion de la Direction générale de la création artistique (Ministère de la culture et de la communication) : poser un diagnostic sur les pratiques créatives en amateur et les pratiques culturelles de l’amateur dans le domaine des arts plastiques en prenant en compte les questions nouvelles posées par l’environnement numérique contemporain. Les principaux éléments de diagnostic présentés ici soulignent les enjeux en termes de transmission, médiation et formation. L’AMATEUR, DESTINATAIRE DES POLITIQUES PUBLIQUES Au nom de la démocratisation pour le Ministère de la culture et de la communication et de l’émancipation du citoyen pour le mouvement d’éducation populaire, il s’agit pour les politiques culturelles de créer des points de contact entre les œuvres et les publics. Avec les technologies numériques, de nouvelles modalités de relation sont possibles faisant de chaque personne un acteur culture. L’Internet, les terminaux mobiles et demain la télévision connectée sont des technologies relationnelles qui permettent à tout un chacun d’opérer des choix (de moins en moins contraints dans le temps et l’espace) et de les partager en s’engageant dans des échanges à la fois individualisés, simultanés et en réseau nourris par une culture de l’écran disponible au bout des doigts. Chacun n’est plus seulement un récepteur comme il put l’être avec le Web linéaire des années 90, mais devient également, avec le Web 2.0 apparu dans les années 2000, un émetteur. En ce sens, les usages numériques, qui privilégient la communication de pair à pair, rendent solidaires les liens entre production et réception, idée rendue par le néologisme : spectacteur. Ces nouvelles formes d’expression, de communication et de créativité constituent également de nouvelles formes « d’être ensemble » éminemment culturelles dont les communautés d’intérêt qui se forment sur le Web représentent la forme 2.0. Les technologies relationnelles liées au Web social architecturent de nouvelles formes de sociabilité au cœur de ce qui fait culture. actions cinéma / audiovisuel projections En ce sens, l’amateur en tant que récepteur et producteur de contenus socialement partagés, pourrait être défini comme le destinataire privilégié des politiques publiques, grâce au développement, au sein des équipements de création et de diffusion artistiques « d’espaces-forum » de co-working permettant d’associer amateurs et professionnels. Il s’agit d’imaginer avec les artistes, scénographes, graphistes, webmasters, commissaires d’exposition des processus de médiation ouverts associant les publics et plus largement les internautes. UNE ESTHÉTIQUE DE LA CONTRIBUTION QUI DOIT ÊTRE LE FAIT DE TOUS Éclectique, omnivore, l’amateur peut être défini comme celui qui transforme l’abondance des signes de la culture pour lui-même, mais aussi au profit de ses groupes d’appartenance : les communautés de pratique. Les jeunes sont aux avant-gardes de ces pratiques ; ce sont les natifs digitaux (digital natives) qui ont aujourd’hui jusqu’à 30 ans et qui privilégient la transmission entre pairs. Mais au-delà de la culture expressive des jeunes qui nourrit la blogosphère, se renouvellent en profondeur les formes de production, de diffusion, de transmission comprises comme activité sociale contributive. Si l’amateur 2.0 est en ce sens au cœur de ce qui fait culture, il ne faut néanmoins pas perdre de vue que des inégalités 20 L' éducation à l' image : enjeux et évolutions 2 1 · Affiche MashUp, Forum des images 2012 2 · CNAP de Pierre Giner 1 sociales perdurent et se traduisent par des inégalités d’usage du numérique. Nombre de jeunes n’ont que des échanges conversationnels et des pratiques de jeu sur Internet et les réseaux sociaux. Lutter contre ces inégalités des usages doit rester une priorité partagée des politiques publiques à l’heure où la compétence numérique est l’une des compétences-clés définies en France et au niveau européen. tablettes digitales, audioguides participatifs, forums, blogs et wikis conçus comme des ateliers ouverts au crowdsourcing (élaboration collective et en réseau de contenus enrichis par les visiteurs) sont ainsi mis au cœur de nouvelles formes de médiation sous le signe du partage et du collaboratif. Dans ce contexte, le jeu vidéo n’est pas seulement devenu un loisir de masse mais une pratique pivot qui modèle les pratiques de transmission (Serious Game) comme par exemple le projet CNAP 1 de l’artiste Pierre Giner (en collaboration avec l’architecte Pierre Bouchain), sorte de jeu vidéo multimédia permettant de fabriquer une exposition à partir d’œuvres du Fonds national d’art contemporain 2. UNE ÉCONOMIE DE LA CONTRIBUTION Les pratiques numériques de l’image et du multimédia - tags, blogs, pocketfilms, machinimas, mods et autres mashups -, sont constitutives de la dimension sociale des pratiques créatives et culturelles. Les objets culturels qui ne procurent aucun profit de sociabilité sont de moins en moins acceptés par les jeunes et par les publics en général. Les équipements culturels sont donc amenés à promouvoir le visiteur « en amateur » en proposant des services lui permettant de co-construire et de partager sa relation aux œuvres et aux démarches artistiques présentées. Le visiteur-internaute est ainsi invité à inventer - sous une forme plaisante et souvent ludique - son parcours de visite. Cela passe pour l’institution par l’autorisation de photographier les œuvres exposées et d’en proposer des modes de partage, mais aussi par la création d’objets de médiation innovants permettant une visite interactive et participative de l’exposition in situ et à distance. Cartels « intelligents » avec QR Codes, AU-DELÀ DU PRO-AM, L’AMATEUR COMME AUTEUR DE SA RÉCEPTION Avec le développement et la démocratisation des nouveaux médias, l’amateur peut déployer ses goûts, partager ses attachements, compléter au contact de ses pairs sa pratique et ses connaissances à travers l’auto-production, l’auto-édition, l’auto-formation. Ainsi se dessine une nouvelle figure de l’amateur post-médiatique comme créateur de sa relation à un objet lui-même de plus en plus relationnel. 1 Soutenu par la procédure de la commande publique et dans le cadre de l’appel à projet du secrétariat général du MCC : « Projets culturels numériques innovants » 2 Ce ne sont que quelques exemples, un travail systématique de repérage est effectué par le service des arts plastiques grâce à une base de données partagée avec les structures artistiques et les Directions régionales d’affaires culturelles intitulée OMEGA. 21 projections actions cinéma / audiovisuel © Ed Isaacs Dossier / exploration Les supports de partage de créations que sont les plateformes et les réseaux sociaux sont les mêmes que ceux des professionnels. Se côtoient ainsi sur les plateformes des productions amateurs et professionnelles sans aucune hiérarchie autre que celle imposée par l’audience calculée en nombre de clics. Le mode viral d’utilisation des contenus - que chacun s’approprie et transforme - fait trop souvent fi du code de la propriété intellectuelle et plus largement de la notion même d’auteur. Il appartient donc aux institutions artistiques et culturelles d’être de nouveaux espaces dialogiques et collaboratifs ou l’engagement professionnel rencontre celui du curieux ou du passionné en mettant également en débat, à travers les questions liées aux droits d’auteur, ce que recouvre l’engagement propre à l’acte artistique. représentations des mondes réels comme imaginaires. Il s’agirait en matière de politique culturelle de passer d’une culture active à une culture de l’activité. LA RÉCIPROCITÉ AU CŒUR DE NOUVEAUX DISPOSITIFS DE MÉDIATION ET DE FORMATION On doit pour cela non seulement numériser massivement des contenus pour les mettre à disposition sur la Toile, mais également et surtout « penser numérique » en créant un service public de la culture qui tienne compte des technologies Web 2.0 d’individuation et de trans-individuation. En d’autres mots, il s’agit de concourir à la transformation des publics anonymes en communautés actives d’amateurs. Cette nouvelle esthétique relationnelle doit trouver des réponses originales et innovantes dans les espaces de création, de diffusion, d’enseignement et de recherche - là où se rencontrent amateurs et professionnels - qui doivent être aussi les lieux de leur invention et de leur expérimentation. LES INSTITUTIONS D’ART CONTEMPORAIN : ESPACES DE CETTE DÉMOCRATISATION DES COMPÉTENCES LA MÉDIATION 2.0 : UNE RELATION ENTRE « CULTURE » ET « SELFCULTURE » La particularité des lieux d’art contemporain est de pouvoir expérimenter de nouveaux protocoles ou dispositifs de mise en relation entre les propositions auctoriales et les pratiques amateuriales pour les activer et les questionner à la fois. Une nouvelle dynamique relationnelle doit donc être mise en place qui interroge l’auteur et l’amateur dans le processus commun de mise à l’épreuve des interprétations et actions cinéma / audiovisuel projections Il appartient aux institutions, dans le cadre de leur activité de transmission, d’instaurer une relation individualisée avec leurs publics en proposant sur le Web notamment des espaces qui sont des forums de débats et d’échanges entre pairs - mais également de mise en relation avec les professionnels de plus en plus producteurs eux-mêmes de contenus en ligne à 22 © Radu Razvan Gheorghe L' éducation à l' image : enjeux et évolutions travers leurs sites Internet et blogs. De telles pratiques contribueraient à la fabrication d’un écosystème collaboratif mettant en valeur les œuvres et leurs savoirs associés. Il faut repenser la « fonction de médiation » en s’appuyant sur des collaborations et des savoirfaire présents sur le territoire et des structures en lien avec des publics « éloignés » comme les Espaces publics numériques, les associations d’éducation populaire ou encore des initiatives éducatives hors-temps scolaire en territoires prioritaires comme celles de Passeurs d’images. partagée. Il n’y aurait plus d’un côté une culture populaire expressive et de l’autre une culture savante silencieuse, mais une culture active, produite par ces nouveaux amateurs dont les pratiques relèvent massivement de la postproduction et du mixage. Un nouveau modèle s’impose qui, en renouvelant la définition de l’amateur à l’heure du Web 2.0, permet de repenser les modalités de la transmission au cœur des politiques culturelles. Des expériences novatrices et collaboratives naissent sur l’ensemble du territoire qu’il faut davantage connaître et développer afin de lutter contre les inégalités sociales que la fracture numérique risque d’accentuer et de promouvoir au-delà de nos frontières un modèle innovant d’action culturelle à la française à l’heure du Web 2.0. UNE NOUVELLE ÈRE DE DÉMOCRATISATION : LE « TERRITOIRE APPRENANT » La culture du « Do it yourself » est de plus en plus partagée par les artistes, les élèves et les amateurs fréquentant les écoles d’art. Des espaces physiques de rencontre et de collaboration peuvent être mis en place permettant la fabrication de savoirs, d’objets et d’œuvres. Au-delà du fablab où se rencontrent professionnels et amateurs, il s’agit de réfléchir à des modes de production coopératifs sur le modèle des BarCamps qui permettent d’expérimenter à la fois objets et usages en mettant en contribution les ressources d’un territoire (laboratoires de recherche, cantines numériques, équipements culturels, entreprises…). Annie CHEVREFILS-DESBIOLLES Inspectrice de la création, des enseignements artistiques et de l’action culturelle, Ministère de la culture et de la communication - Direction générale de la création artistique ■ Rapport disponible sur le site Internet du Ministère de la culture et de la communication : http://www.culturecommunication.gouv.fr/Disciplines-et-secteurs/ Arts-plastiques/Documentationarts-plastiques L’EXCEPTION CULTURELLE À L’HEURE DU WEB 2.0 : UN MODÈLE INNOVANT D’ACTION CULTURELLE Ce texte, dans sa première version, a été diffusé sur Internet à l’occasion des Rencontres numériques des 30 et 31 octobre 2012 dans le cadre desquelles l’auteure est intervenue. Le numérique transforme le caractère actif de toute réception en une activité socialement http://www.rencontres-numeriques.org/2012/ mediation/?action=programme 23 projections actions cinéma / audiovisuel Dossier / exploration LA CULTURE N’EST PAS UN LUXE L a crise remet en cause la nécessité de l’accès à la culture. Rappelons qu’il s’agit pourtant d’un enjeu central pour les publics en difficulté, au même titre que se loger et se nourrir, et que le cinéma peut en être la porte d’entrée idéale. 1 1 & 2 · Journée " A la rencontre du cinéma ", Secours Populaire - avec Jean Carl Feldis L’ÉDUCATION À L’IMAGE, MAIS PAS SEULEMENT À son origine, Passeurs d’images (à l’époque Un été au ciné - Cinéville) se concentre sur le public des jeunes habitants des quartiers populaires, l’été, afin de lutter contre le désespoir de ceux-ci tout en leur offrant les outils de voir autrement le monde. Aujourd’hui, Passeurs d’images se destine à un public bien plus large : jeunes de la protection de l’enfance, familles en situation de pauvreté, personnes en situation de handicap, personnes âgées dépendantes, détenu(e)s, résidants de la périphérie des villes comme en zones rurales isolées. On peut les appeler publics en difficulté, vulnérables, fragiles… Ils sont surtout des personnes pour qui accéder à une salle de cinéma, et a fortiori se confronter aux pratiques artistiques, reste une gageure tant les freins semblent nombreux : financiers, mais aussi culturels, psychologiques, géographiques, physiques, etc. À cet égard, le cinéma est une porte d’accès idéale vers d’autres formes culturelles jugées plus intimidantes (le musée et le théâtre, notamment). Les publics, quels qu’ils soient, ont gardé l’envie d’aller au cinéma. Une fois le seuil de la salle franchi, on peut tenter de faire des liens entre le cinéma et d’autres pratiques culturelles ou artistiques - d’autant que le cinéma convoque de multiples formes artistiques, de la musique à la peinture en passant par l’architecture, l’écriture ou la sculpture. Il joue le rôle de passerelle, de lieu passeur vers un accès à la culture au sens large. Rapidement, en travaillant avec ces publics spécifiques, on se rend compte que l’enjeu d’un projet Passeurs d’images rayonnera plus largement que la seule éducation à l’image. Permettre à une maman et ses enfants d’aller au cinéma, c’est déjà investir le champ de la lutte contre l’exclusion. Proposer à des personnes handicapées de s’exprimer à travers l’outil audiovisuel, c’est déjà œuvrer contre les discriminations. Porter une attention particulière aux citoyens exclus des pratiques artistiques, c’est déjà réfléchir à la démocratisation culturelle. S’exprimant très rarement, un enfant de 9 ans placé en foyer s’est véritablement découvert lors d’un atelier en IDEFHI1 en se saisissant d’un espace d’expression qui ne lui avait jusque-là pas été offert. Si l’objectif de l’atelier n’était absolument pas thérapeutique, l’impact sur ce garçon était manifeste. Il venait tout simplement de crever l’écran. Un autre jeune, âgé de 13 ans et à qui on a demandé de s’exprimer sur ce qui le touche, a pour la première fois accepté de parler de son père au travers d’une lettre. L’émotion était palpable. Par l’image, ces deux jeunes ont pu dire des choses enfouies en eux et par là même se découvrir, se révéler. Donner la parole, c’est aussi travailler pour les publics handicapés, en l’occurrence des enfants sourds et malentendants à qui on ne propose jamais de faire 1 Institut départemental de l’enfance, de la famille et du handicap pour l’insertion actions cinéma / audiovisuel projections 24 L' éducation à l' image : enjeux et évolutions 2 des films et sur qui l’on porte constamment un regard dramatisé. L’atelier était l’occasion de combattre la « norme », de ne plus les voir comme des individus « diminués ». Nous avons réalisé un parcours d’éducation à l’image, en se focalisant sur l’histoire du cinéma et cette idée qu’à ses débuts, le cinéma n’était pas sonore, qu’il est possible de s’exprimer par d’autres langages que celui des mots. En réalisant un film à la manière de Buster Keaton, ils ont pu produire du beau et du drôle, et être fiers de leur création. Le langage cinématographique permet de belles aventures et est un vecteur idéal d’émotion et d’expression. la rampe. Les personnes en difficulté ont pourtant un énorme besoin de voir des belles choses. Dans une vie rythmée par le stress et les privations, ces moments d’évasion et d’enrichissement sont indispensables. Cela leur donne du courage et ils peuvent se sentir légitimes d’aimer des objets culturels leur semblant jusquelà « interdits ». S’extraire d’une démarche caritative pour aller vers la solidarité : voilà le seul moyen de créer de l’égalité. Il faut savoir se méfier des bons sentiments, plus proches de la charité que de la prise en compte de l’autre comme d’une individualité à part entière. En organisant, avec le Secours Populaire, la journée « À la rencontre du cinéma » le même jour que la Journée Mondiale du refus de la misère (le 17 octobre), nous affirmons qu’il n’y a pas de hiérarchisation possible entre des besoins primaires d’une part et secondaires d’autre part. Impossible d’envisager l’autre dans une humanité diminuée. Bref, s’engager dans le dispositif Passeurs d’images, c’est proposer une autre vision du monde : celle d’un accès de tous à la culture qui, s’il fut enfin inscrit dans la loi française en 1998 à l’occasion de la Loi de Lutte contre les Exclusions, demeure un idéal qu’il convient d’incarner en actes. Pire, ce qui semblait évident il y a une quinzaine d’années est largement remis en cause en ces temps de crise. La paupérisation renvoie dans l’utopie et le rêve social des idées qu’on pensait pourtant admises. Il est essentiel, pour la cohésion d’une société, d’affirmer encore et toujours l’impérieuse nécessité de nos actions. Pierre LEMARCHAND LA CULTURE : UN OUTIL DE LUTTE CONTRE LES INÉGALITÉS Pour les personnes devant faire face à de graves difficultés, aussi bien sociales qu’économiques, la première chose à laquelle on renonce est toujours la culture. Se loger, se nourrir et se vêtir d’abord, se soigner ensuite, les vacances et la culture en cinquième roue du carrosse. Passeurs d’images c’est aussi une manière de déconstruire cette hiérarchie plus politique qu’il n’y paraît, de faire de la culture un enjeu de première nécessité. Il en va de la condition de citoyen, de l’égalité d’accès aux richesses qui nous entourent, de la nécessité de ne pas se limiter à ce qui est monnayable et quantifiable. La culture n’est pas un luxe. Elle est un outil de lutte contre les inégalités, et il est pour cela nécessaire de changer les mentalités des publics en difficulté, mais aussi des personnes leur venant en aide. Pour beaucoup, faire d’une sortie au cinéma ou d’un atelier de pratique artistique un enjeu central, au même titre que la nourriture et le logement, passe difficilement Pôle Image Haute-Normandie, coordination régionale Passeurs d’images 25 projections actions cinéma / audiovisuel ■ Dossier / exploration © UDMJC POPULAIRE, NON SANS RAISON E ntre éducation populaire et éducation à l’image, quelles convergences, quels clivages ? Inciter les publics à se déplacer dans les lieux culturels n’est pas suffisant. L’éducation populaire se nourrit de patience et complète l’éducation artistique par une éducation critique. Depuis plus de dix ans, l’Union départementale des MJC de Côte d’Or coordonne en Bourgogne le dispositif d’éducation à l’image Passeurs d’images. Depuis plus de vingt ans, elle gère et anime un circuit de cinéma itinérant en Côte d’Or, labellisé Art et Essai et jeune public. Depuis 2005, elle est chargée de la coordination du dispositif École et cinéma. Répondre à la question « à quoi sert l’éducation à l’image », c’est raconter et analyser le travail que nous faisons tous les jours pour les populations éloignées de l’offre cinématographique, que ce soit en ville (dans les quartiers populaires) ou à la campagne (dans les villages). Répondre à cette question, c’est également mettre en relation éducation populaire, éducation artistique (éducation à l’image), action culturelle (action par la culture) et public (population). Il existe de nombreuses définitions de l’éducation populaire : éducation permanente pour tous les âges (selon Condorcet), outil pour élever la conscience critique du monde en se basant sur des expériences personnelles, rendre lisible au plus grand nombre les rapports de domination et les antagonismes sociaux, apprendre la démocratie, apprendre à devenir citoyen 1. Pour reprendre les propos de Christian Maurel 2, le « besoin d’éducation populaire » est aujourd’hui d’une actualité urgente. La MJC des Grésilles, située dans un quartier politique de la ville de Dijon, participe depuis 2006 à Passeurs d’images. À travers des séances de cinéma, « ciné quartier », « ciné plein air », des ateliers audiovisuels, de programmation, ou de pratique de la photographie, les animateurs ont pour objectif de rapprocher l’image cinématographique de ceux qui en sont culturellement et financièrement éloignés. Ils proposent une offre cinématographique différente de celle qui peut être vue ou consommée en d’autres lieux - à la télévision, avec les DVD, avec le home cinéma. Partager la projection avec d’autres, faire la démarche d’aller au cinéma, aller au-devant de l’image, sont des moyens d’utiliser l’image dans une dimension éducative et artistique afin de dépasser le rapport passif à l’image. Les projections s’adressent aux familles. Les ateliers audiovisuels et de programmation s’adressent aux adolescents. La diffusion restreinte et localisée des images est devenue une diffusion aléatoire, accessible au plus grand nombre et la plupart du temps non maîtrisée. Pour autant, demeure un déséquilibre entre les jeunes qui sont à la pointe de ces nouveaux outils et ceux qui sont laissés pour compte. La nécessité d’apprendre à garder de la distance par rapport à toutes ces images non cinématographiques, à développer ou acquérir un esprit critique, est absolument essentielle pour les jeunes des quartiers populaires. 1 « Cinq contributions autour de l’éducation populaire », par Jean-Claude Richez (coordonnateur de la mission observation et évaluation), INJEP, octobre 2010. 2 Christian Maurel, « Un immense besoin d’éducation populaire », in Le Monde du 2 février 2011. actions cinéma / audiovisuel projections 26 © UDMJC L' éducation à l' image : enjeux et évolutions Aujourd’hui, chacun est en capacité de produire des images, de les poster sur le net ou sur les réseaux sociaux. Cependant, peut-on qualifier ces actes de prise de parole dans l’espace public ? Quelles sont ces images ? À travers Passeurs d’images, l’éducation populaire, au moyen de la rencontre avec des professionnels de l’image, favorise une démarche réfléchie des jeunes. Apprendre à mettre en image une histoire imaginaire ou personnelle, connaître les règles juridiques, apprendre à analyser la composition d’une image, découvrir l’écriture cinématographique, se confronter aux différentes techniques, sont les démarches pédagogiques sur lesquelles s’appuie l’éducation populaire. L’éducation artistique poursuit une démarche similaire. Le plus de l’éducation populaire réside dans le fait que celle-ci vise l’apprentissage de l’autonomie, de la responsabilité individuelle et collective par l’expérimentation active. Passer de spectateurs consommateurs à citoyens. © UDMJC Pour la MJC, toutes ces activités du dispositif Passeurs d’images sont conçues comme des éléments de compréhension, d’appréhension du monde dans lequel vit la population de ce quartier dijonnais. Le temps de l’éducation ne saurait être réduit à celui de l’école. L’éducation artistique est l’affaire de l’école. Il s’agit, dans une démarche pédagogique qui vise à cultiver, de présenter des œuvres en les plaçant dans leur contexte historique, dans leur courant artistique. L’objet de l’éducation populaire n’est pas celuilà. L’éducation populaire est le temps de l’éducation informelle ; il s’agit de retrouver dans une société de l’individualisation les processus de socialisation et d’expérimentation collective. Par l’action, par la culture qui n’est pas tout à fait la même chose que « l’action culturelle », l’éducation populaire ne cherche pas à transmettre ou à établir une culture partagée, au sens de culture légitime. Elle cherche à valoriser les pratiques de chacun. L’éducation populaire s’adresse à l’individu dans sa globalité. Elle refuse de définir les jeunes, les familles qui vivent dans les quartiers, par les difficultés qu’ils rencontrent et les politiques publiques mises en place. Marlène PERRAUD Directrice de l’Union Départementale des MJC de Côte d’Or, coordination Passeurs d'images en Bourgogne 27 projections actions cinéma / audiovisuel ■ Dossier / exploration AVEC LE CINÉMA, LE MONDE NOUS APPARTIENT À 1 travers quelques souvenirs et idées fortes qui l’animent, Thierry Rousseau s’interroge sur les enjeux de la transmission et esquisse des voies à tracer pour l’avenir des actions d’éducation à l’image. ÉDUQUER OU TRANSMETTRE ? ce qu’ils disent de la solitude. Je pense aussi à ceux de Larry Clark. Les compteurs s’affolent pour un jeune vivant en Franche-Comté découvrant cet univers-là tant éloigné du sien. Le cinéma est à la fois une ouverture sur le monde et un brouillage de la réalité. À partir de l’expérience de son quotidien, le spectateur s’interroge sur d’autres vies ailleurs. Sensibiliser les jeunes aux images et au cinéma, c’est les accompagner dans les manières de s’approprier les images, voire de les rejeter, de les instrumentaliser, voire de se laisser manipuler par elles. Pendant de nombreuses années, j’ai été fasciné par l’univers baroque de Orson Welles. Depuis je m’interroge. D’où me venait cette fascination pour un univers aussi éloigné du mien ? Citizen Kane, La Splendeur des Amberson, La Soif du mal : ce n’était absolument pas ma vie, mais leur impact sur moi était pourtant très profond. Comment les jeunes se projettent-ils dans les films qu’ils découvrent ? De quelle manière les films qu’ils s’approprient sont-ils des armes pour eux ? De là découle toute une série de questions. Qu’apprend-on avec l’image ? Quel sens lui donne-t-on ? Une partie des adolescents interroge le statut de l’image avec perplexité. Ils se ré-approprient l’image à travers leurs téléphones portables. Les images de leurs proches apparaissent et disparaissent. Elles leur sont familières et possèdent un minimum de périmètre de reconnaissance. Ce rapport intime entre l’image et le spectateur est essentiel. J’ai en tête les quelques ateliers encadrés lors À travers le dispositif Passeurs d’images, des milliers de jeunes enfants et adolescents ont appréhendé l’image-cinéma. Les souvenirs de films en plein air se mêlent aux directives de l’animateur de l’atelier, la voix d’une réalisatrice, lors d’une séance spéciale, résonne en écho lointain. Les étés passent, les visages défilent, mais que reste-t-il ? Je n’aime pas beaucoup le mot éducation, sûrement quelques réminiscences lointaines dans mon enfance. Il marque trop la rigidité et l’orientation. Je lui préfère d’autres termes : susciter le désir, apprivoiser un territoire inconnu, explorer sa propre sensibilité. Le cinéma se découvre d’abord grâce à l’émotion. C’est elle qui permet une ouverture au monde, un premier passage vers un ailleurs. Ce n’est donc pas d’éducation dont j’ai envie de parler, mais plutôt de transmission et de partage. DE LA DÉCOUVERTE DE L’AUTRE À LA DÉCOUVERTE DE SOI Pourquoi s’investir dans la transmission cinématographique ? La découverte du monde de l’image permet aux jeunes de découvrir d’autres mondes possibles et impossibles, paradisiaques et infernaux. Elle est une entrée en matière vers l’âge adulte. Les films ouvrent les portes de la perception, ils nous aiguillent, nous avertissent sur le monde qui nous attend. Tout cela compte beaucoup, surtout quand on est jeune. Je prends pour exemple les films de Hayao Miyazaki et actions cinéma / audiovisuel projections 28 L' éducation à l' image : enjeux et évolutions 2 3 1 · Citizen Kane, de Orson Welles 2 · La Soif du mal, de Orson Welles 3 · La Splendeur des Amberson, de Orson Welles de l’opération « Des cinés, la vie ! ». Les jeunes commencent souvent en exprimant leur désintérêt profond quant aux films qui leur sont présentés. Il faut alors trouver un point d’accroche, un univers de référence sur lequel partager et échanger avec eux. Ce peut être le football, la boxe… qu’importe. L’essentiel est d’engager un dialogue qui certes les mènera au film, mais surtout permettra de les révéler. Notre responsabilité est aussi de penser à l’avenir de nos actions. En ces temps incertains où la crispation budgétaire devient un mode de vie, une question s’impose : quelle destinée pour cette jeunesse ? Quel avenir pour nos structures ? J’avoue être interrogatif. En septembre 2012, dans Libération, un groupe de producteurs audiovisuels a signé un article sur l’urgence de l’acte trois de la décentralisation. Il y était dit que « la production audiovisuelle et cinématographique en régions est un « territoire oublié » de la décentralisation. L’enjeu central de la diversité et de la création culturelle se joue actuellement ; le potentiel régional est considérable : documentaires, films et séries d’animation, captation de spectacle, courts et longs métrages, fiction télé se tournent tous les jours sur l’ensemble des territoires. Il est donc temps de passer à un autre modèle qui s’enrichisse de la créativité et du savoir-faire de tous ». J’adhère à cette revendication et je pense que le développement du savoir-faire de la création audiovisuelle en région serait une formidable locomotive pour nos actions « d’explorations d’univers ». L’énergie de la découverte l’emportera toujours sur le pessimisme. Avec la révolution numérique, les films (« Ces rubans de rêve » chers à Orson Welles) peuvent voir le jour plus facilement. La passion et la débrouille l’emporteront sur les résistances de l’ordre établi. DE LA RESPONSABILITÉ DES ACTEURS DE LA TRANSMISSION L’empreinte des premières visions laisse des marqueurs pour l’esprit. Dès lors, quelle est notre responsabilité en tant qu’acteurs de l’éducation à l’image ? « Le monde vous appartient », dixit un panneau dans un film mythique de l’âge d’or du cinéma hollywoodien. Derrière cette promesse et les découvertes que permettent les images (d’un ailleurs, de soi) se cache, nécessairement, un certain nombre de déconvenues. Il est de notre devoir que de ne pas exposer les jeunes à de trop fortes désillusions. Tous les espoirs engendrés par la puissance de l’image passeront au tamis du réel. Le monde du cinéma peut être violent pour les jeunes qui se permettent de rêver d’y évoluer un jour. Par la simple réalisation d’un film en atelier, les espoirs créés sont souvent immenses. Puis se pose alors la question de la suite. Sans réseau, sans un cursus donné (avoir un bac scientifique pour intégrer l’Ecole Louis Lumière, par exemple), le retour au réel peut s’avérer très dur. Thierry ROUSSEAU IRIMM, Pôle d'éducation à l'image, coordination Passeurs d'images en Franche-Comté 29 projections actions cinéma / audiovisuel ■ Dossier / exploration POUR EN FINIR AVEC « L’ÉDUCATION À L’IMAGE » E t qu’entendons-nous par éducation à l’image ? Tour d’horizon de cette notion moins consensuelle qu’il n’y paraît. 1 L’ÉDUCATION À L’IMAGE, C’EST QUOI ? Après trois années en charge de la coordination régionale de Passeurs d’images en région RhôneAlpes, j’éprouve toujours quelques difficultés à définir très clairement le concept d’éducation à l’image, ne serait-ce que pour parvenir à expliquer simplement mon métier à des amis intéressés. Ce qui peut être trompeur au premier abord, c’est la manière avec laquelle chacun acquiesce, d’un air grave et entendu, lorsqu’on évoque cette notion. Pour tous, cela paraît évident, alors qu’en y regardant de plus près, pour chacun, les enjeux et les objectifs se révèlent assez différents. Ces différentes représentations de ce qu’est, ou doit être, l’éducation à l’image, se retrouvent dans les actions menées par les acteurs liés au dispositif Passeurs d’images. À travers ma fonction de coordinateur régional, au carrefour de ces actions, je suis le témoin privilégié, tout au long de l’année, des différentes acceptions de cette notion. Au gré des séances, ateliers, réunions et autres débats, on entend de multiples points de vue quant à cette notion. Petit tour d’horizon. actions cinéma / audiovisuel projections L’éducation à l’image, c’est aller à la rencontre des publics les plus éloignés de certaines pratiques culturelles et donner la chance au plus grand nombre de découvrir des œuvres singulières venues du monde entier. L’éducation à l’image, c’est mettre en place un atelier de réalisation avec un groupe d’adolescents et tenter avec eux de filmer le vent, des odeurs, un esprit. L’éducation à l’image, c’est avant tout les séances en plein air, notamment dans les quartiers ; des séances qui fédèrent une population plutôt éloignée des pratiques culturelles dans un même élan citoyen. L’éducation à l’image, c’est promouvoir le cinéma dans toute sa diversité, dans toutes ses composantes et auprès de tous les publics. L’éducation à l’image, c’est donner la possibilité de s’ouvrir au langage, d’exprimer ses idées, ses sentiments, ses pensées, de verbaliser ce qui relève du sensible. L’éducation à l’image, c’est donner la parole aux jeunes, en leur offrant les moyens de réaliser leur film, de proposer leur vision des choses à travers une œuvre de cinéma. 30 L' éducation à l' image : enjeux et évolutions 2 1 · Atelier Passeurs d’images en Rhône-Alpes 2 · Découverte d’un zootrope DE LA DIVERSITÉ D’UNE NOTION L’éducation à l’image, c’est sensibiliser les jeunes, les former pour leur donner le goût du cinéma et des métiers du cinéma. L’éducation à l’image, c’est (re)donner le goût à la salle de cinéma, à la pratique de la salle par les plus jeunes, jusqu’à les amener à s’approprier la salle de cinéma et son actualité. L’éducation à l’image, c’est donner à découvrir le cinéma depuis ses origines, en expliquant qu’il y a un intérêt à explorer ce patrimoine, à le faire vivre. L’éducation à l’image, c’est permettre de mieux comprendre les étapes qui conditionnent la réalisation d’un film, de « passer derrière la caméra » pour mieux mesurer le décalage entre le réel et une production audiovisuelle. L’éducation à l’image, c’est prendre en considération les contenus plébiscités par les jeunes sur tous les supports, leur demander ce qu’ils regardent, ce qu’ils aiment ; c’est échanger autour de ces images. L’éducation à l’image, c’est aussi s’intéresser aux images produites par les jeunes, pour en discuter, pour les accompagner, pour les aider à les mettre en perspective et à trouver les mots pour en parler. Arrêtons nous ici, même si cette liste n’est évidemment pas exhaustive. Certains acteurs du dispositif pourraient d’ailleurs compléter sans mal cette énumération. D’autres, par contre, trouveraient certainement à redire et ne cautionneraient pas toutes ces visions de l’éducation à l’image. Sans parler de la hiérarchisation de ces actions, des possibilités offertes par les dispositifs développés en milieu scolaire… Toutefois, à travers les multiples actions proposées chaque année dans le cadre de Passeurs d’images, on comprend à quel point il est difficile d’expliquer simplement ce qui se cache derrière ce concept. Des séances en plein air, considérées aujourd’hui comme le canal historique du dispositif, jusqu’à l’émergence ces dernières années de productions « maison » réalisées par des jeunes hors des dispositifs ; il est bien difficile de définir une seule de ces actions comme emblématique de ce qu’est véritablement l’éducation à l’image. Le mot « éducation » est d’ailleurs très souvent remis en question. Certains parlent de sensibiliser, d’autres d’orienter, d’accompagner, ou bien d’initier… Là encore, il n’y a finalement pas de mot qui convienne pour définir tout ce que recouvre le concept d’éducation à l’image, tout ce que nous entendons, et plus encore, ce que nous attendons de l’éducation à l’image. Voilà pourquoi il est difficile de savoir à quoi sert l’éducation à l’image : encore faudrait-il que nous soyons bien sûr de parler de la même chose… Quant aux amis intéressés évoqués plus haut dans cet article, j’ai appris depuis trois ans qu’il me fallait être certain que leur temps n’était pas compté avant de me lancer dans une réponse. Amaury PIOTIN AcrirA, coordination Passeurs d’images en Rhône-Alpes 31 projections actions cinéma / audiovisuel ■ YEFF 2007 à Tours actions cinéma / audiovisuel projections 32 Dossier / exploration Moteur... actions ! Tout en balayant le large spectre allant du voir au faire, quels types d’actions l’éducation à l’image doit-elle développer à l’aune d’un contexte social et culturel évoluant constamment ? S’emparer des outils de pratique filmique serait devenu une évidence pour les « Digital Natives », cette génération ayant grandi dans un environnement numérique. Se réapproprier les images grâce à l’analyse et ainsi partir à la découverte de l’altérité serait un paradigme incontournable à l’ère du Web 2.0 ou collaboratif. Les intervenants pédagogiques et artistiques joueraient un rôle toujours plus essentiel dans les nouveaux processus de médiation. Les actions culturelles seraient même indispensables quant au développement des territoires et à la densification du maillage culturel. Les articles regroupés dans ce dossier tentent de répondre à une seule et même question : quels sens donner aux actions d’éducation à l’image ? Dossier / exploration À QUOI SERT L'ÉDUCATION À L'IMAGE ? Faire bouger les lignes Un dialogue « Le cinéma est affaire de regard, de point de vue et de parti pris. Avoir une pratique cinématographique et éduquer à l’image, c’est faire bouger un peu ces points de vue, ces partis pris et les regards des différents acteurs d’une même réalité sociale pour que chacun perçoive la différence de l’autre comme une richesse. C’est aussi être curieux et critique face au flot d’images incessant qui nous traverse. » « Le principe de l’éducation à l’image est de transmettre des repères analytiques et culturels sur l’expression audiovisuelle d’hier et aujourd’hui dans le cadre d’activités de théorie et de pratique. L’avenir de cette démarche dépend de la faculté de ceux qui la portent à encourager la créativité et la réflexion que son public exprime depuis sa propre expérience des images. Il s’agit donc d’un dialogue. » Mona ABDEL HADI · Chargée de projet, Collectif Tribudom (Paris, Île-de-France) Joël DANET · Programmateur, intervenant à Vidéo Les Beaux Jours (Strasbourg, Alsace) Rencontre « L’éducation à l’image, c’est quoi ? Apprendre à voir. Susciter un désir de cinéma. Découvrir d’autres mondes, d’autres vies ; d’autres perceptions, d’autres regards. Avoir le droit d’aimer ou de ne pas aimer une œuvre mais faire en sorte que la rencontre entre le film et le spectateur ait bien lieu... » Appréhender notre monde « L’éducation à l’image c’est ne plus voir les images, mais apprendre à les regarder. Elles ne sont plus que formes et couleurs, mais deviennent sentiment, pensée, envie. » « Oui, montrer de beaux films aux enfants dans une salle de cinéma en accompagnant cette projection d’un travail pédagogique me semble une tâche nécessaire et essentielle de l’École de la République. Oui, comprendre et donc aimer davantage le cinéma, c’est aussi comprendre et aimer davantage toutes les formes d’art. Oui, découvrir d’autres cultures à travers des films du monde entier, c’est comprendre et aimer mieux l’humanité. Oui, l’éducation à l’image à travers le cinéma, permet de mieux appréhender notre monde et ses représentations. Oui, montrer le chemin des salles de cinéma aux enfants, c’est leur apprendre que les lieux culturels sont ouverts à tous, sans discrimination aucune, et qu’ils sont des lieux de partage et d’échange. » Stéphanie LEGRAND · Association Autour du 1er mai (Tulle, Limousin) Olivier DUCASTEL · Cinéaste, administrateur des Enfants de cinéma, coordination Camille MARÉCHAL · Déléguée générale de Cinéma Public, directrice du festival Ciné Junior (Paris, Île-de-France) Pensée d’École et cinéma APPRENDRE À AIMER actions cinéma / audiovisuel projections 34 Moteur... actions ! Une lutte contre la barbarie ambiante « Je m’efforce de sensibiliser le regard, de développer l’écoute, d’accompagner la construction de la sensibilité, de la réflexion et de la capacité d’expression. Tout cela prend du temps. C’est à rebours de l’époque et c’est une lutte contre la barbarie ambiante. C’est une discipline, le cinéma, mais les enjeux vont au-delà, au cœur de la vie même et de la citoyenneté. » Faire trembler mes propres images « À quoi sert l’éducation à l’image ? Cela recouvre, je crois, exactement les mêmes enjeux que la question du «À quoi ça sert d’aller au cinéma ? ». C’est pour moi une manière de se donner du temps d’abord. Du temps pour faire attention à ce qui me fait face, à ce qui me fait signe. Et puis ce temps, qui est un temps sculpté pour moi par un autre, un auteur diront certains, un temps que je ne maîtrise pas donc, c’est aussi une occasion de me glisser dans le regard d’un étranger (et il n’y a rencontre qu’avec de l’étranger) pour faire trembler mes propres images, pour éprouver de manière sensible que ce qu’on appelle la réalité n’est jamais qu’une manière de voir. Et qu’elle est toujours en attente de nos propres mots, de nos propres gestes, pour trouver une forme et, ainsi, advenir. Ou, beaucoup plus simplement, c’est une manière d’apprendre à aimer. Parce que cela s’apprend et que ce n’est pas rien.» Delphine CAMOLLI · Productrice et réalisatrice, Tilt-Marseille (Paca) Voir ensemble « Des visages d’enfants éclairés par la seule lumière de l’écran. La joie, l’étonnement, la peur, la surprise se lisant dans leurs yeux. Les photos de Meyer, réunies en une très belle exposition de l’Alhambra de Marseille Dans le cinéma, l’enfant-spectateur, disent pour moi tout le sens de notre action. Outre le fait que le photographe a créé lui-même des œuvres d’art, propres à suggérer de nouvelles lectures d’images, il me semble que l’essentiel est dans ce qu’on y lit. Les enfants sont cueillis par l’image ; leur émotion, palpable, dit à elle seule tout ce que le « voir » met en mouvement. De surcroît, il est ici question de « voir ensemble », et l’on touche à ce qui se joue dans l’expérience collective suscitée par les dispositifs d’éducation à l’image : à travers la rencontre avec des propositions sensibles, artistiques, sans cesse retravailler le lien - avec l’œuvre, avec l’autre. » Bartlomiej WOZNICA · Responsable pédagogique à l’Agence du court métrage (Paris, Île-de-France) Anne-Claire GASCOIN · Chargée de l’éducation au cinéma et du jeune public Cinéma Jean Eustache (Pessac, Aquitaine) " Faire trembler mes propres images pour éprouver de manière sensible que ce qu'on appelle la réalité n'est jamais qu'une manière de voir " 35 projections actions cinéma / audiovisuel Dossier / exploration LE FILM, POUR LES JEUNES… C’EST " SEXY " « Éduquer à l’image », nécessairement, c’est aussi « faire des images ». Une fois l’envie énoncée, les structures porteuses du projet doivent s’entendre sur un langage commun et la définition d’objectifs transversaux. Cécile Sénamaud fait le point sur les enjeux pédagogiques et ludiques qui se déploient avec le « faire » et propose une cartographie des possibilités offertes par la réalisation d’un film en atelier. Association d’éducation à l’image, nous sommes sollicités par des structures éducatives et sociales pour bâtir des projets d’ateliers de réalisation. Nous avons constaté qu’il est souvent difficile, pour nous comme pour les médiateurs, d’exprimer les enjeux pédagogiques de l’action à venir. Parce que nous sommes issus de cultures différentes, nous avons parfois du mal à nous comprendre. La carte proposée ici est volontairement générale dans sa formulation. Elle ne respecte pas les nomenclatures et acceptions propres à chaque secteur (éducation nationale, animation et éducation populaire, éducation spécialisée) qui a son référentiel et son langage spécifiques. L’atelier s’inscrit, comme action, dans le projet éducatif de la structure et dans des objectifs pédagogiques définis. Cette cartographie tente de détailler les différents aspects pédagogiques et culturels que l’on peut développer au cours d’une activité de réalisation audiovisuelle. La définition et le partage des objectifs pédagogiques, créatifs et opérationnels fondent la relation entre l’animateur (ici au sens large de « adulte en relation éducative avec des jeunes ») et le professionnel de l’image qui va accompagner l’action de création dans ses aspects artistiques, culturels et techniques. Les motivations qui déclenchent le projet de réalisation de film sont souvent extérieures aux enjeux pédagogiques. Le film, pour les jeunes, pour les animateurs ou pour leurs tutelles, c’est « sexy ». Le caractère durable, reproductible et diffusable des productions audiovisuelles peut convaincre financeurs et tutelles, souvent demandeurs de « visibilité » quant aux actions menées. Mais comme toute action éducative, l’atelier vidéo ne peut avoir pour principal actions cinéma / audiovisuel projections enjeu la réponse à la commande (réelle ou supposée) de l’institution. La part de risque qu’implique la création en atelier se combine difficilement avec le film de communication, dont les exigences en tant que produit fini escamotent les enjeux du processus pédagogique et les contredisent souvent. Faire un film de communication en atelier, c’est prendre le risque de rater l’atelier (et accessoirement de faire un mauvais film de communication). Cela ne signifie pas que l’animateur doit refuser la commande de son institution, ce qu’il n’est souvent pas en mesure de faire. Il peut saisir cette occasion (et les moyens qui l’accompagnent) pour développer ses propres objectifs de travail avec les jeunes. Les goûts personnels de l’animateur, sa cinéphilie, sa pratique amateur de l’image, du son ou de la vidéo sont souvent décisifs dans le choix de l’audiovisuel. Le désir des adultes et celui des jeunes sont le moteur de la réalisation du film. Mais comme pour la « commande », ces désirs doivent être nourris d’intentions pédagogiques. Chaque projet mené par des adultes avec des jeunes, dans un cadre socialisé formel, est conditionné par un point de vue et répond à des objectifs, qu’ils soient explicites ou non. L’animateur et le professionnel de l’image ont tout à gagner à formuler clairement les objectifs qu’ils se fixent pour élaborer leur projet conjointement. C’est donc au regard des objectifs éducatifs et pédagogiques que doit se définir le projet d’atelier. Cécile SÉNAMAUD Association La Trame, coordination Passeurs d’images en Midi-Pyrénées 36 ■ Moteur... actions ! 37 projections actions cinéma / audiovisuel Dossier / exploration AGITER LES SENS CRITIQUES Q © Gaël Clariana ui pour encadrer les actions d’éducation à l’image ? L’Acap - Pôle Image Picardie cherche à favoriser une médiation assurée par les professionnels de l’image. Des cinéastes, créateurs et techniciens de l’image et des sons, s’engagent dans les actions d’éducation à l’image. Armés de leur sensibilité, de leur amour du cinéma et de leur désir de partage, ils arpentent les régions à la rencontre des publics, dans des salles de classes, des maisons de quartier, des centres socioculturels, des prisons, pour insuffler un esprit créatif et curieux. Convaincus qu’il est indispensable d’accompagner les regards sur les images du quotidien, d’ouvrir les possibles de la création et d’agiter les sens critiques, ces professionnels de l’image consacrent de leur temps à cette activité de transmission que la plupart juge indissociable de leur métier de cinéaste. À l’heure où les possibilités d’interventions d’artistes au sein des structures d’éducation et de loisirs se réduisent et où l’on demande aux enseignants, animateurs et éducateurs, pour pallier cette disparition, de porter seuls de plus en plus de fonctions, il nous a paru nécessaire de rappeler ici le remarquable travail que portent les cinéastes qui s’impliquent dans des actions de transmission et de rappeler les bénéfices, à la fois pour les publics, pour les relais culturels et pour la santé du cinéma lui-même, que crée la collaboration entre artistes et relais pédagogiques. S’il nous paraît indispensable de penser les actions d’éducation à l’image en lien direct avec ceux qui fabriquent le cinéma et plus généralement les œuvres audiovisuelles, c’est d’abord parce que nous avons la conviction que ce qui se joue dans ces projets, au- actions cinéma / audiovisuel projections delà de l’apprentissage des techniques et du langage, c’est bien la rencontre avec une subjectivité singulière. De par leur position même d’intervenants extérieurs, les professionnels de l’image se démarquent d’un enseignant ou d’un animateur et peuvent plus facilement exprimer leur point de vue, questionner les schémas établis, briser les formatages et faire entrer le sensible au cœur des discussions. Il ne suffit pas pour autant d’être artiste pour savoir comment et quoi transmettre. Une action auprès des publics se prépare et se pense en amont. L’engagement des intervenants porte aussi sur la réflexion qu’ils mènent sur leurs publics, sur leur mission de “passeurs” et sur les moyens d’agir. Travailler avec des cinéastes aux univers variés, aux sensibilités diverses, avec des approches différentes de la création et de la transmission crée une véritable dynamique qui nous oblige, et les oblige, à rester sans cesse attentifs aux objectifs et à ne pas se laisser aller à des modalités d’actions “ prêtes à l’emploi ” qui ont tendance à recréer de nouveaux formatages. La collaboration avec des artistes et des techniciens du cinéma et de l’audiovisuel apporte donc énormément aux publics qui se retrouvent en position de création et d’échange sensible, loin des hiérarchies de sachant à apprenant ; elle induit également un questionnement permanent sur les contenus des actions et contribue à la réflexion collective ; et elle est aussi source de création cinématographique. Il arrive en effet que les expériences vécues au sein 38 © Gaël Clariana © Gaël Clariana Moteur... actions ! des ateliers soient source d’inspiration pour les cinéastes. Certains expliquent que les conditions très contraignantes de création au sein d’un atelier obligent à être particulièrement inventifs et permettent de transformer ces expériences en véritables laboratoires de création. D’autres rappellent que ces actions sont aussi une continuité dans leur travail de cinéaste qui leur permettent de poursuivre une activité durant leur temps d’écriture de projets. De ces engagements et de ces convictions, ce sont encore les professionnels de l’image qui en parlent le mieux. Laissons-les conclure à travers quelques réflexions regroupées sur le portail ressources de l’Acap 1 ou dans l’ouvrage Manifeste 2. “ Il m’apparaît de plus en plus nécessaire de nous (ré)approprier les représentations de notre réel et de notre monde. Étant donné que les images qu’on nous montre nous disent comment voir le monde, il me semble important de sensibiliser le public à une prise de distance face à celles-ci. C’est pour moi un véritable enjeu citoyen et de partage du monde. ” Samuel Aubin “ Une fois, une élève de BEP m’ a interrompu : « Monsieur, je comprends pas ce que vous faites là. Moi je veux faire coiffeuse et je vois pas le rapport avec le cinéma ». Sur le coup, je n’ai pas su quoi lui répondre. J’aurais peut-être pu m’en sortir avec une pirouette, lui expliquer qu’au cinéma, il y a aussi des coiffeuses et qu’elles gagnent bien leur vie. Comment lui dire que j’ai juste envie qu’elle apprenne à développer un regard critique sur le monde et la manière dont il est représenté à travers les médias dominants ? Comment lui expliquer que je souhaite que dans sa vie future, elle ne soit pas seulement une coiffeuse ? ” Namir Abdel Messeeh “ Les ateliers permettent de se confronter à des réalités différentes de notre quotidien. Dans ma propre création, c’est très enrichissant. J’ai réalisé trois courtsmétrages. Le premier, je l’ai réalisé alors que je ne faisais pas encore d’atelier et je pense que ça se sent ; pour moi, il est un peu plus anecdotique. Le second, je l’ai réalisé en Picardie, suite à des actions d’éducation à l’image menées dans cette région, dans un rapport à un espace, à une géographie, des envies de briques et de verdure. Le troisième film est une histoire d’adolescent et mon envie de travailler avec des jeunes est venue des ateliers de création artistique que j’ai pu encadrer. (...) J’ai fait un film qui s’appelle Margarita, qui a pour personnages principaux des adolescents. Et pour la petite histoire, la comédienne principale du film est une jeune fille que j’ai rencontrée quand elle avait 14 ans dans un atelier vidéo. ” Erika Haglund Mathilde DERÔME ACAP Pôle Image Picardie, 1 http://ressources.acap-cinema.com 2 coordination Passeurs d’images en Picardie Manifeste, édition de l’Acap, collection Traces, 2009 39 projections actions cinéma / audiovisuel ■ Dossier / exploration DE L’ANIMATION DANS LES IMAGES D eux passions animent Jean-Christophe Houde : le cinéma d’animation et le partage des images avec les jeunes publics. De par son expérience en tant qu’intervenant artistique sur des ateliers de pratique filmique, il explique que oui, réaliser des films d’animation avec des jeunes, c’est utile – voire nécessaire. 1 Quand j’ai commencé à animer des ateliers de réalisation - il y a plus de vingt ans de cela - souvent on me demandait ce que j’apportais aux enfants, si possible en répondant en deux mots (il faut toujours être concis et simple avec les journalistes !). J’étais bien en peine de donner une réponse satisfaisante tant je plaçais sur mes ateliers des objectifs ambitieux d’Éducation avec un grand E et de Culture avec un grand C. Avec le temps, j’ai appris à être moins prétentieux ! Mais je n’ai pour autant pas abandonné tout espoir d’apporter ma pierre à l’édifice éducatif. Plus va le monde, plus j’ai le sentiment qu’il ne faut pas laisser les enfants (mais aussi les plus grands ?) sans billes devant l’avalanche d’images qui les assaille de partout 1. Je fais des ateliers en cinéma d’animation. Au départ, parce que je croyais que ces techniques étaient plus parlantes pour eux - les enfants - car plus connectées à leur univers. Maintenant, je fais ce choix du cinéma d’animation à raison, car il me semble qu’outre la création graphique et l’activité manuelle induite (devenue rare, mais c’est un autre sujet !), l’animation leur permet d’entrer en douceur dans l’univers illusionniste des images. En animation, l’image se crée de A à Z. On la construit non pas pour elle-même mais parce qu’elle doit faire sens, avec d’autres, dans un ordre donné, choisi, assumé. L’image ne vient pas d’abord, mais ensuite, après l’imagination et la parole, pour en traduire le sens et l’émotion qu’on veut communiquer à d’autres, les spectateurs. Puisqu’on va mettre du temps à la construire, on la choisit soigneusement. On ne l’improvise pas, mais on la peaufine, on la compose et on la rectifie. Fabrication des décors, conception des personnages, construction du cadrage et de la lumière, décomposition des mouvements : lentement, étape par étape, les enfants se rendent vraiment compte que les images sont le fruit d’une volonté et de choix. Ils comprennent aussi qu’elles sont souvent trompeuses : les décors ne sont jamais complets mais en kit, chaque élément pouvant resservir plusieurs fois pour créer des images aux sens différents. Les enfants perçoivent par ailleurs que les images en mouvement sont le fruit d’une manipulation optique complexe qui trompe notre perception visuelle. Si une part de la magie des images animées s’envole avec cette démythification, les enfants la compensent pleinement par la magie des possibles qui s’ouvrent à eux. Il est ainsi plaisant d’entendre un petit de cours préparatoire expliquer à des plus grands, avec ses mots mais comme une évidence, la décomposition d’un mouvement en images fixes qui sera restitué ensuite à la projection. 1 Selon Régis Debray (Vie et mort de l’image, Gallimard, 1992), la société occidentale serait passée de la graphosphère à la vidéosphère au tournant de ce siècle, avec comme corollaire un chamboulement social qui placerait l’individu seul face au monde, avec le danger d’en perdre le sens que seule la médiation culturelle permet. actions cinéma / audiovisuel projections 40 Moteur... actions ! 2 1, 2, 3, 4 · Atelier avec Jean-Christophe Houde Un autre intérêt du cinéma d’animation est qu’il est facile - voire nécessaire - de lier les projets des enfants à des références artistiques prises dans le cinéma ou dans les arts plastiques (peinture, sculpture, photographie, etc.). En amont de l’atelier, une appropriation visuelle d’œuvres artistiques est la bienvenue afin d’en comprendre le contexte culturel et aussi d’en cerner les techniques. Bref, sans l’air d’y toucher, un atelier de cinéma d’animation est un espace d’éducation à l’image qui dépasse largement son propre contexte et ses propres objectifs. De par son rythme et la nécessité qu’il impose d’allier le geste à l’imagination et à la parole, ce type d’atelier permet aux enfants de rentrer en douceur, à leur rythme, dans l’univers des images. Ils en perçoivent la complexité, en touchent les limites et surtout sentent que, derrière ces images, il y a des discours et des messages, pas forcément transparents et immédiats. Ainsi, il arrive régulièrement que, suite à l’atelier, des enfants disent avoir regardé d’un autre œil, souvent plus critique, leurs émissions préférées à la télévision. Mine de rien, ils sont passés du stade de consommateur d’images à celui de spectateur. N’est-ce pas l’un des buts de l’éducation à l’image ? 3 Jean-Christophe HOUDE Réalisateur et intervenant ■ 4 41 projections actions cinéma / audiovisuel Dossier / exploration L’éducation à l’image à la Martinique : UNE VOLONTÉ À TOUTES ÉPREUVES ! L © Cinewoule es dispositifs d’éducation à l’image n’ont jamais autant d’importance que sur des territoires difficiles. Malgré le peu de salles de cinéma dans l’île, l'association Cadice / Ciné Woulé Company fait preuve d’un dynamisme exemplaire en mettant en œuvre des dispositifs hors et sur le temps scolaire, devenant par là même un acteur déterminant pour l’aménagement du territoire. 1 Dans une île où il manque des lieux de cinéma (trois salles pour 34 communes sur une superficie de 1080 km2, une population d’environ 382 000 habitants), mettre en place les dispositifs d’éducation à l’image semble compliqué. La ville capitale, Fort-De-France, n’a pas de salle de cinéma. Le seul complexe cinématographique, Madiana, est à Schoelcher, ville limitrophe du cheflieu. Elle possède dix salles et ne participe pas aux dispositifs scolaires. Et, pourtant, depuis dix ans, je coordonne le dispositif Passeurs d’images. J’ai pu ensuite développer École et cinéma, ce fut le tour de Collège au cinéma en 2009 et, depuis 2011, de Lycéens et apprentis au cinéma. L’association CADICE/Ciné Woulé Company peut ainsi avoir une vue d’ensemble des dispositifs. Passeurs d’images est le plus ancien dispositif de la région. L’association a dû s’équiper en matériel 35 mm et en écran pour assurer les projections en plein air. Mais il ne s’agit pas uniquement de coordination. Les salariés de la structure sont des acteurs de terrain qui œuvrent au développement de l’ensemble des dispositifs. Passeurs d’images comble le déficit d’écrans en Martinique. Dix-sept communes participent à la mise en place des projections en plein air, opération de longue haleine. À nos débuts, cinq communes y participaient. La route a été parsemée d’embûches pour finalement couvrir plus de la moitié des villes. actions cinéma / audiovisuel projections Les communes ont encore du mal à planifier les actions dans le temps. Dès le mois de mars, nous essayons de mettre en route la programmation des vacances, mais nous parvenons difficilement à sortir les outils de communication à la mi-juin sans erreurs, des communes bloquant souvent des dates pour ensuite annuler leur programmation. Nous n’avons pas les moyens d’exiger quoi que ce soit de leur part, on doit jouer la diplomatie dans une île si petite où tout le monde se connait et se côtoie. Les six semaines de projections qui vont de la dernière semaine de juin à la première semaine d’août sont un vrai temps fort. C’est souvent trente projections programmées et vingt-cinq effectivement réalisées, car nous opérons en période de pluie, et nous devons faire de la météo un allié, ce qui n’est pas évident avec le temps capricieux. L’équipe de Ciné Woulé Company doit souvent supporter la pluie pendant ou en fin de séance. Eh oui, faire de la projection en plein air c’est aussi s’adapter aux conditions techniques qui varient d’une commune à l’autre. Malgré un cahier des charges précis, des demandes techniques claires, des visites techniques en amont des projections, des échanges réguliers avec les équipes, nous avons souvent l’impression que nous ne sommes pas attendus, il faut sans cesse harceler les services techniques pour : • être certain d’avoir un courant aux normes, 42 © Cinewoule © Cinewoule Moteur... actions ! 2 3 1 · Fourgon cabine de projection 2 & 3 · Ateliers vidéo en Martinique • avoir un éclairage en berne le temps de la diffusion du film, • avoir des barrières Vauban pour sécuriser l’espace de diffusion, • avoir un référent de la commune sur place. de scénario, patrimoine, etc. Nous produisons donc des courts métrages. Dans le cadre des dispositifs scolaires, il faut travailler en osmose avec la DAAC (Délégation Académique aux Arts et à la Culture). Il faut non seulement assurer la coordination cinéma, en faisant venir le film, la documentation pédagogique, mais il faut également gérer les inscriptions et la partie pédagogique en amont et en aval des films. À cela, il faut ajouter des séances de cinéma le plus souvent gratuites, car les établissements ne sont plus en capacité de payer à la fois le transport des élèves et l’entrée en salle de 2,50 e par élève. Nous traitons les difficultés au cas par cas. Cependant, il me semble important de continuer à mettre en place l’ensemble des dispositifs sur notre territoire pour permettre à chaque Martiniquais d’avoir les mêmes choix, les mêmes informations et formations que les autres jeunes de l’Hexagone. À l’heure où le numérique va de nouveau bouleverser notre engagement (car il ne faut pas oublier que faute de TSA 1 dans les DOM-TOM nous ne sommes pas éligibles aux aides du CNC), comment les coordinateurs-opérateurs que nous sommes dans les Départements français d'Amérique vont-ils pouvoir financer cette mutation technique ? Sans une aide spécifique et dérogatoire les dispositifs d'éducation à l'image y sont menacés de disparition. La caravane Ciné Woulé Company c’est une équipe de quatre personnes : • La coordinatrice du dispositif qui négocie, organise, planifie, gère les équipes, valide et communique sur les dispositifs. • Un projectionniste qui conduit le fourgon qui sert de cabine de projection, valide les lieux de projections, monte et démonte le film 35 mm, met en place les outils de projection, réalise la projection à l’aide des ses deux assistants. • Deux assistants projectionnistes qui aident à la manutention sur les sites de projections (mise en place de la sonorisation, ouverture de l’écran gonflable, organisation des barrières Vauban). C’est aussi une amplitude horaire qui varie de 8 h à 10 h, et un rythme de travail soutenu durant la période estivale. Les communes dont les projections ont été annulées et celles qui n’ont pas eu de place en juin, juillet et août peuvent chaque année bénéficier de projections d’octobre à décembre. Passeurs d’images, ce sont aussi les ateliers, les réductions cinéma, les séances spéciales et les formations. D’une année à l’autre, en fonction des financements, nous mettons en place en alternance les séances spéciales et les formations. Chaque année, nous proposons entre deux et quatre ateliers, sur des thématiques variées : atelier vidéo, radio, musique, animation, tournage, écriture Chantal SACARABANY-PERRO Directrice de C.A.D.I.C.E, Coordinatrice Passeurs d’images, École au Cinéma, Collège au cinéma et Lycéens et apprentis au cinéma ■ 1 TSA : Taxe spéciale additionnelle qui correspond au taux prélevé sur chaque ticket de cinéma acheté. 43 projections actions cinéma / audiovisuel Dossier / exploration LA PÉDAGOGIE PAR L’IMAGE 1 1 · Atelier au cœur des archives (2010) 2 · Visite de la cinémathèque Robert-Lynen (1990) 3 · Atelier Les Pionniers du cinéma (2009) L e cinéma comme support pédagogique est né avec le 7e art. De 1910 à aujourd’hui, Emmanuelle Devos en dresse l’historique. du tableau noir ni à l’école, ni au lycée, ni à l’amphithéâtre » et observent que « (…) la plupart des maisons de productions françaises, notamment l’Eclair, Gaumont avec la collaboration du Dr Legendre et Pathé avec celle du Dr Comandon, avaient réalisé de nombreux films dont l’intérêt était considérable, mais qui étaient demeurés trop peu connus, car ils ne pouvaient trouver place dans les programmes ordinaires des salles de projections publiques ». Presque quarante ans plus tard, l’analyse se détourne du thème du « cinéma à l’école » pour privilégier celui de la constitution des premières Archives de films. Ainsi en 1983, Raymond Borde, dans son ouvrage Les Cinémathèques, aborde la question de la Cinémathèque de la Ville de Paris et conclut : « la création d’une cinémathèque destinée à diffuser en milieu scolaire des films d’enseignement ne sera finalement que l’ombre d’un rêve ». On comprendra l’orientation critique de ces propos si on rappelle qu’ils se situent dans le contexte d’une démarche historique négligeant le terrain d’étude du cinéma de non-fiction. L’accompagnement cinématographique des jeunes publics participe non seulement au délicat travail de la formation des publics encore fragiles et malléables, mais aussi à l’éducation plus générale des enfants, d’une initiation à notre culture commune. Si, dès les années 1910, on note une forte volonté au sein du corps enseignant d’exploiter le médium cinéma comme auxiliaire de l’enseignement, la pertinence de cet enjeu se trouve dans la concertation mise en œuvre autour des moyens à employer pour l’utiliser et, surtout, dans la réflexion sur l’accompagnement à apporter. De cette problématique est créée, en 1925, la cinémathèque de la Ville de Paris : lieu dédié à la pédagogie par l’image, ayant pour missions de faire du cinéma un support pédagogique, un spectacle récréatif, mais aussi un objet de culture auprès des jeunes Parisiens. Cette institution a su constituer une archive tout a fait originale, reflet de l’évolution de ses pratiques. En 1925, les auteurs de l’ouvrage Histoire du cinématographe soulignent avec intérêt la volonté de développer un projet de transmission autour du cinéma, mais Georges Michel Coissac et Léon Moussinac constatent combien les contraintes économiques constituent un frein à l’essor d’une telle entreprise. En 1947, René Jeanne et Charles Ford, dans Histoire encyclopédique du cinéma, indiquent que « (…) l’écran n’avait trouvé sa place à côté actions cinéma / audiovisuel projections Aujourd’hui, s’arrêter sur une telle conclusion serait oublier la constance de cette institution auprès des publics scolaires depuis 1926. S’il est vrai que le cinéma pédagogique a peu intéressé les historiens jusqu’à ces dernières décennies, il n’en reste pas moins que cet effort de la part des pédagogues 44 Moteur... actions ! 3 2 d’autrefois a vu émerger la mise en place de réflexions fondamentales sur les approches spécifiques à établir dans cette relation entre cinéma et jeunes publics. Il va de soi que ces orientations ont évolué aussi bien au regard des principes éducatifs que du statut de l’image dans notre environnement. Alors qu’ont émergé de nouvelles approches pédagogiques au début des années 90 – grâce aux possibilités techniques vidéos puis numériques –, la cinémathèque Robert-Lynen renforce son rôle pédagogique en mettant en place des ateliers sur le temps scolaire et périscolaire. Elle s’appuie notamment sur son service des archives qui dispose d’un solide fonds de films, tout particulièrement des courts métrages en 16mm, ainsi que d’une riche collection de films fixes (images impressionnées sur de la pellicule) et d’autochromes (premier procédé de photographie en couleur). Cette spécificité permet aux enfants d’entamer un véritable travail sur les archives visuelles et sonores. Citons pour exemple l'atelier basé sur les clichés autochromes de Jules GervaisCourtellemont, un photographe français né en 1863 qui fut l’un des premiers à utiliser la technique de l’autochrome inventée par les Lumière et dont la plus grande partie de la collection est conservée à la cinémathèque Robert-Lynen. Lors de cet atelier, les enfants ont abordé des notions photographiques et se sont appropriés ces archives pour aboutir à un acte créatif mêlant images et textes. Outre ces ateliers de réappropriation d’images d’archives (par la sonorisation ou le montage), la cinémathèque propose de nombreuses activités permettant d’envisager la multiplicité des axes d’apprentissage en jeu à travers l’éducation à l’image (exercices de réalisation, approches sensibles de la perception des images, retours sur l’histoire du cinéma et de la photographie, etc.). En cette période charnière de dématérialisation du support film et de multiplicité des réseaux de diffusion, revenir sur les principes de base de l’image en mouvement et permettre aux enfants d’appréhender de manière pratique les techniques diverses de traitement de l’image semble fondamental. La compréhension des dispositifs visuels et sonores auxquels ils sont confrontés leur donne les moyens de maîtriser les principes du langage des images. Emmanuelle DEVOS Directrice de la Cinémathèque Robert-Lynen (Ville de Paris) ■ 45 projections actions cinéma / audiovisuel Dossier / exploration L’IMAGE RESSENTIE À quoi ça sert d’analyser des films avec des jeunes ? C omment dépasser les réticences souvent énoncées quant au fait de montrer des films à des publics jeunes, notamment auteurs de délits, et d’en débattre avec eux ? Adil Essolh estime que pour enclencher le dialogue et l’échange, il faut partir de l’émotion et du ressenti de chacun. « À quoi ça sert ? » J’ai souvent entendu cette question dans le cadre de ma pratique d’éducateur à la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) lorsque je propose de convier des jeunes à ce qu’on pourrait nommer, en première approche, un échange en groupe à partir de tout ou partie d’un film, court ou long métrage, le plus souvent de fiction. Au fond, il s’agit de proposer à des adolescents une expérience nouvelle à partir d’un support des plus familiers, en l’occurrence se réunir autour d’un film, avec pour objectif d’en parler après le visionnage. Mais je pense, à la suite et avec beaucoup d’autres - dois-je le préciser ? - que cette expérience est loin d’être gratuite au sens où, la plupart du temps, il va s’ensuivre quelques effets. J’ai choisi ici de mettre en lumière certains de ces effets parmi les plus significatifs pour en montrer la diversité et peut-être l’intérêt. Tout d’abord, je souhaite insister sur cette activité en tant qu’expérience, que je pourrais définir d’une manière très générale comme « un vécu » que l’on éprouve, dans son corps et sa tête, dans l’interaction avec d’autres à partir d’un support-fiction commun et avec le concours facilitant d’un animateur qui garantit avant tout un cadre sécurisé pour chacun. Partant de ce point de départ – le film comme expérience –, essayons d’en distinguer quelques contours. émotionnelle. Le film est vecteur d’émotions, le sujet spectateur éprouve des ressentis en rapport avec tout ce qui constitue le film. Nettes ou floues, précises ou vagues, confuses ou distinctes, plaisantes, neutres ou désagréables, ces impressions émotives forment déjà une première réception du film, à partir de laquelle un échange est possible. Ici, le jeune est invité à se vivre comme sujet affectif. Ma démarche est d’entamer le parcours dans le film par le canal émotif et non cognitif. Je pense à une séquence de La Haine de Mathieu Kassovitz (1995) où l’on voit des jeunes malmenés au cours d’un interrogatoire par des policiers manifestement plus enclins à se défouler qu’à faire avancer leur enquête. Les jeunes à qui je présentais le film éprouvaient alors des sentiments profonds d’injustice, de colère, voire de dégoût. On s’est appuyé sur ce ressenti pour aller vers l’élaboration d’un point de vue, en travaillant un rapport de distanciation avec le film. L’émotion pourrait ici, a priori, être considérée comme un frein, une entrave à l’analyse. Au contraire, elle est un appui au développement de l’expression. La notion de groupe prend tout son sens, puisque c’est en débattant et en échangeant que les jeunes s’enrichissent et cheminent de l’émotion à la verbalisation. C’est à l’animateur de savoir se rendre disponible et à l’écoute, et de s’écarter de toute posture « cultivée » du maître à l’élève. Nous ne sommes pas dans une démarche scolaire avec un savoir donné à transmettre. L’enjeu central est plutôt de savoir rebondir, de s’adapter à ce qu’expriment les jeunes aussi bien par S’OUVRIR À SOI ET À L’AUTRE : ÉVOQUER LES ÉMOTIONS RESSENTIES Il s’agit d’abord d’une expérience affective ou actions cinéma / audiovisuel projections 46 CC j-fin Moteur... actions ! leur discours que par leurs gestes. Un thème ne les intéressant a priori aucunement pourra ainsi mobiliser tout un groupe. permet toujours de le mettre à distance. Les jeunes découvrent d’autres aspects de ce qu’ils connaissent et en profitent pour réinterroger ce qui leur semblait jusque-là familier. L’effet miroir est donc une question vide. La seule concession que je fais concerne les cas « pathologiques » - des précautions sont, bien entendu, nécessaires quant au fait, par exemple, de montrer des images évoquant des violences à caractères sexuels à un jeune qui a été victime de tels abus, hors de tout cadre thérapeutique. À partir de là, un travail de réflexion en groupe devient possible et chacun va pouvoir contribuer à construire une compréhension commune plus complexe, plus contrastée, en somme une expérience réflexive. De prime abord, certains films ne semblent pas évidents pour les jeunes. La leçon de guitare de Martin Rit (2006 - programmé en 2011/2012 dans le cadre de « Des cinés, la vie ! »), n’avait pas suscité un grand intérêt chez les jeunes à qui je l’ai présenté. Leur fibre émotionnelle n’ayant pas le moins du monde été touchée, nous avons donc commencé par simplement décrire le film. Ils avaient repéré que cet apprenti guitariste, interprété par Serge Riaboukine, était amoureux de la jeune femme présente lors des leçons de guitare et qu’il ne s’y rendait que pour la revoir. On a alors pu interroger leurs propres motivations d’élèves : quel est l’objet de leur désir ? La question du désir dans les phénomènes d’apprentissage, pourtant fondamentale, est trop souvent négligée. L’espace de la classe ne peut se réduire à celui de l’apprentissage, il faut y introduire du plaisir. STIMULER LA RÉFLEXION Si le film donne à ressentir, il donne également à penser, les personnages de fiction – tout comme leurs pendants réels – se confrontent à des choix difficiles, pour ne pas dire à des dilemmes moraux ou éthiques dans le cours de leur existence. Ainsi les actions ou réactions des personnages, leurs comportements, peuvent être sujets à identification ou contre identification et en ce sens constituer un point de départ pour la discussion. En outre, les thématiques traitées dans le film peuvent faire écho chez le jeune, susciter des réactions, un questionnement. Qu’en est-il alors de ce fameux « effet miroir » dont on parle souvent, cette idée qu’il faudrait éviter de montrer à des jeunes en difficulté des images les renvoyant à leur propre réalité ? Ma première réponse à cette thèse que je critique est qu’il y a autant de films que de spectateurs. La réception d’un film concerne un sujet singulier, doté d’un imaginaire, de références qui sont les siennes. Partant de ce constat, on comprend qu’aucun film ne correspond à une réalité, que le « miroir » ne sera jamais complètement net – même si on accrédite cette thèse de l’effet miroir. Ma seconde critique, je la puise dans mon expérience. Le travail élaboré lors des séances avec les jeunes révèle que le traitement qu’on fait du film 47 projections actions cinéma / audiovisuel © D.R. Dossier / exploration La leçon de guitare de Martin Rit En regardant le film une seconde fois (c’est aussi l’un des intérêts du court métrage), et à partir de la réflexion collective développée, leur intérêt a été revigoré. L’ animateur, qui n’est ni un fervent cinéphile ni un critique de cinéma, est là pour recycler en mots les émotions et le film sert de support à cela. Cette aptitude à recycler, les jeunes s’en servent par la suite dans leur quotidien. En présentant un film où le protagoniste est homosexuel, certains jeunes vont ricaner, d’autres condamneront ses préférences. Mais on parle là de réactions émotives ! C’est à partir de ces réactions que l’on va pouvoir travailler leur point de vue, en évitant à tout prix le moindre discours moralisateur qui resterait superficiel. Je préfère permettre aux jeunes d’aller au bout de leur discours homophobe ou raciste. Ils se rendent compte par eux-mêmes de l’ inanité de certains de leurs propos, on réfléchit aussi à ce qui les amène à penser de cette manière – sans verser dans une logique thérapeutique. Simplement, la parole sert de médiateur, et la confrontation des points de vue est en cela essentielle. Le groupe éprouve ainsi la diversité des points de vue qui émergent au fil des échanges. D’autres points de vue que le mien étant légitimes, cet ensemble tisse la trame d’un surcroît de sens et de significations bénéfiques à chacun. NOURRIR L’IMAGINAIRE Par-delà l’aspect réflexif induit par l’analyse de film en groupe, le cinéma ouvre à un « ailleurs », à un nouveau regard sur ce que l’on croyait connu parce que familier. La fiction découvre des possibles, des manières d’être au monde qui fécondent nos imaginaires. L’ imaginaire, loin d’être uniquement cette zone de retrait du réel comme on le présente parfois, nous aide à enrichir notre réalité, en même temps qu’il constitue un lieu où se ressourcer, puiser son inspiration pour exister. Ainsi, la fiction, cette fois envisagée comme œuvre d’art, se trouve apparentée à une véritable - osons le mot - nourriture de l’ âme. ASSUMER SON POINT DE VUE, ACCEPTER LE POINT DE VUE DE L’AUTRE Au cours de l’ échange en groupe, chacun est invité librement à exprimer un point de vue personnel, il s’agit là d’une expérience de sujet qui prend le risque d’assumer, le cas échéant même de défendre une position, un sentiment, un regard sur le film. En contrepoint, le jeune fait l’expérience d’une écoute accordée à l’autre, dans cet espace où chacun est autorisé à devenir auteur d’une parole. actions cinéma / audiovisuel projections Adil ESSOLH Éducateur PJJ - STEMO de Strasbourg ■ 48 Moteur... actions ! DES RENCONTRES SINGULIÈRES L ors des Rencontres Passeurs d'images, une journée est consacrée aux jeunes et donne une vue d’ensemble de la très vaste production de films d’ateliers du dispositif. Cet aperçu permet, malgré son aspect parcellaire, de relever quelques orientations des projets de l’année, et de souligner que l’impact des ateliers dépasse de loin le cadre de l’éducation à l’image. Je frotte, tu frottes, il ou elle frotte ? Les ateliers d’éducation à l’image jouent souvent double jeu. Derrière l’ambition d’apprendre le cinéma, ils cachent des objectifs très variés : aider l’insertion professionnelle des jeunes, inclure les habitants dans les projets urbains, révéler les capacités des participants. La forme même de l’atelier filmique, qui doit se faire en groupe et souvent aller vers l’inconnu, entraîne de nombreux autres enjeux. Avec la multiplication des moyens de diffusion, le film réalisé, dont l’intérêt pédagogique a tendance à s’effacer derrière l’atelier en lui-même, acquiert aussi un rôle nouveau. Il entre au cœur du projet d’éducation à l’image, ouvrant encore d’autres perspectives. abordables, et pourtant essentiels. Des sujets tellement proches des participants qu’ils deviennent souvent euxmêmes le centre de leurs films. Pour l’atelier Les sons d’en face, réalisé à Annecy, les jeunes se sont exercés pendant six mois à filmer et à écouter les récits des habitants, pour reconstituer l’histoire de leur quartier. Mais le film révèle surtout leur positionnement dans cette histoire, leur place au sein du quartier. De même lors du projet Je frotte, tu frottes, il ou elle frotte ?, réalisé en Haute-Normandie, les enfants sont partis d’images d’archives sur la journée d’une femme des années 60 pour interroger leurs propres habitudes, imaginer leur place dans l’organisation de leur foyer, et plus largement de la société. De façon différente, la réalisation de fictions permet aussi d’atteindre des territoires inédits. En mettant en scène l’histoire d’une jeune fille liant une relation épistolaire avec un détenu, les deux jeunes réalisatrices de La Lettre s’interrogent sur leurs réactions face à l’inconnu, et questionnent les représentations sociales établies. L’ATELIER COMME ESPACE DE RENCONTRE Si le film de cinéma est parfois décrit comme une fenêtre sur le monde, l’atelier peut s’imaginer comme une porte entrebâillée, qui fait communiquer des espaces a priori étanches, voire hostiles. Pourtant, l’envie de la rencontre existe, c’est l’atelier qui la rend possible. Pendant le projet Ce qui m’intéresse, réalisé à Noyon en Picardie, les stagiaires, laissés libres sur le sujet de leur film, ont fait le choix de tourner dans une maison de retraite. Le film témoigne de la rencontre singulière entre les deux reporters en herbe et une femme hors du commun, âgée de 90 ans, ancienne championne internationale de course à pied. L’atelier donne aux jeunes la légitimité nécessaire pour explorer des sujets ou des lieux difficilement LE FILM MIROIR Dans ces films, il s’agit autant de rencontrer l’autre que de se confronter à soi-même. Le film Hip Hop Non Stop en donne une jolie illustration, en mettant en scène un battle de danse entre le jeune participant et son double dans un miroir, traitant à la fois des questions d’identité et de la représentation de soi. 49 projections actions cinéma / audiovisuel © Maison de l’Europe des Yvelines Dossier / exploration 1 2 3 J’ose m’exprimer, atelier mené en ChampagneArdenne, a fait de cette confrontation son point central. Proposé dans le cadre d’un accompagnement à la vie active et professionnelle pour des personnes en situation de handicap, l’atelier s’organise de façon collective, mais incite chaque participant à trouver sa place et à défendre son identité. Les portraits vidéo jouent comme des miroirs, devant lesquels on s’exerce à trouver une juste posture à présenter au monde. Le travail de groupe, la reconnaissance des autres, l’inscription de l’image de soi sur l’écran, permettent aux participants de saisir leurs potentialités. du cinéma. Dans le film Un train peut en cacher un autre, les archives et les interviews, très sérieuses, sont manipulées pour créer une histoire frôlant la sciencefiction, prouvant que les jeunes ne sont pas dupes des images qu’on leur montre. Les réalisateurs du film Au fil des médias ont aussi attesté de leurs capacités de discernement en raillant les discours catastrophés des journaux télévisés sur la violence des images. Les entretiens qu’ils réalisent dans la seconde partie de leur film montrent que leur rapport aux images est fait de liberté et d’enthousiasme. DE NOUVELLES FORMES POUR TISSER D’AUTRES LIENS REGARDER PAR SOI-MÊME Plusieurs projets présentés aux Rencontres, comme J’ose m’exprimer, prennent leurs distances avec la narration linéaire qui constitue aujourd’hui encore l’essentiel des productions de cinéma. Les jeunes tentent de regarder au-delà du film, comme les stagiaires qui se sont prêtés à l’exercice du PARCOURS DE CINEMA en festivals, ou encore les jeunes de Thiron-Gardais qui ont recréé une scène de Harry Potter pour mieux mettre en relief les illusions actions cinéma / audiovisuel projections S’appuyant sur les formes de communication et de projection renouvelées par internet et les téléphones portables, certains ateliers s’essaient à d’autres modes de réception des images. Avec les Chroniques de Fos-sur-Mer, le Centre Social Fosséen décline son projet audiovisuel en épisodes, proches du webdocumentaire. Les stages réalisés par les jeunes auprès des professionnels de leur ville constituent une véritable initiation à la vie 50 © Misteur Mad Moteur... actions ! 4 5 1 · La lettre 2 · Bonheur rouge, film issu du projet Chacun ses racines et l’Europe pour tous. 3 · Harry Potter suédé 4 · Nicolas le pêcheur, film issu du projet Chroniques de Fos-sur-Mer. 5 · Archipel 6 · Un train peut en cacher un autre. 6 active et à l’audiovisuel. Mais le résultat de leur travail prend une dimension particulière lorsque tous les films issus de ce projet sont regroupés sur un site internet, et rendus accessibles à tous, en particulier aux habitants de la ville. Le projet Chacun ses racines et l’Europe pour tous met aussi à profit les possibilités d’échanges dématérialisés. L’image transportable et facilement manipulable comble les fossés culturels et spatiaux et permet à des groupes de France, de Turquie, d’Allemagne et d’Angleterre d’inventer des histoires fictives à partir d’images d’archives communes. Des liens réels se créent aussi, notamment lors du dernier volet du projet qui a fait travailler ensemble des participants des quatre pays. Le film devient une construction, faite de morceaux épars, toujours sur le point d’être réinventée et partagée. L’idée de partage nourrit aussi l’atelier Archipel, réalisé en Pays de la Loire. Pour accompagner le projet de rénovation urbaine de la ville de Saint-Herblain, Passeurs d’images s’est associé à une expérience de parcours artistique numérique menée avec les habitants. Les films qui ont été réalisés dans différents lieux de la ville sont visibles sur téléphones portables, à partir de QR codes installés sur des bornes, dans ces mêmes lieux, rompant totalement avec la projection traditionnelle des films. Ces expériences investissent des espaces de création qui correspondent aux divers enjeux des ateliers : la redécouverte d’une ville au travers d’une multitude de lieux de projection, le renforcement du lien social par l’implication possible de tous les habitants, l’invention de nouvelles façons de partager un espace, qu’il soit à l’échelle d’un quartier ou à celle de l’Europe. En réinventant ses formes, les ateliers poursuivent à la fois leurs objectifs d’éducation à l’image et d’initiation au monde. Cécilia GIRARD KYRNÉA / Passeurs d’images ■ 51 projections actions cinéma / audiovisuel Dossier / exploration MashUp Cooker Le montage décomplexé © H. Abram & R. Beugnon R omuald Beugnon est l’inventeur de la Table MashUp, un outil pédagogique permettant de faire du montage sans aucune connaissance technique préalable. Il nous en révèle le fonctionnement et ses premières expériences. 1 Je travaille sur la table MashUp depuis plus d’un an, et j’ai eu l’occasion d’en présenter la première version au Forum des Images, lors du MashUp Film Festival, en juin 2012. Les participants pouvaient tout à fait ignorer qu’ils utilisent un logiciel, car le couple clavier-souris est banni au profit de la manipulation d’objets tangibles. Mon envie de créer cet outil est née de plusieurs constats tirés de mon expérience d’intervenant : • L’étape du montage est souvent négligée lors des ateliers de réalisation « traditionnels ». Bien souvent, l’intervenant manipule seul l’ordinateur ou, pire, monte le film « hors champ », après coup. • Même quand le montage est bien intégré dans le déroulement de l’atelier, il se retrouve souvent, de fait, confié à « l’as de la souris » local, c’est-à-dire le jeune du groupe le plus doué en informatique (ou disposant d’un ordinateur personnel). • Dans la plupart des cas, le montage est perçu comme une « étape technique » nécessitant l’usage d’un ordinateur, et non comme un élément structurant du langage cinématographique. • Le recours systématique, et aujourd’hui obligatoire, au virtuel, nuit à l’apprentissage du montage, notamment pour les plus jeunes qui ont besoin d’un support physique pour appréhender les notions abstraites. • Il est très difficile d’animer pour un groupe ou une classe entière des ateliers courts d’initiation au montage auxquels chaque jeune puisse participer. actions cinéma / audiovisuel projections Par le passé, j’ai tenté de casser cette barrière de la technique au profit d’un rapport plus direct aux images. Au cours d’un atelier autour de l’archive, j’avais proposé aux participants d’imprimer un photogramme de chaque plan pour réaliser, avant de monter, un scénarimage sur de grandes feuilles de papier. Dans une classe de 4ème qui disposait d’une salle informatique, j’ai animé un atelier « playlist » : les élèves enchaînaient les plans dans le logiciel le plus simple qui soit (VLC). Charge à moi, par la suite, de reproduire leur montage dans le logiciel Premiere. Malgré le succès de ces deux approches, elles restaient pour moi une forme de bricolage : l’agencement des plans ne donnait pas immédiatement un résultat visible et nécessitait une traduction ultérieure dans un logiciel de montage. L’invention de la Table MashUp est une solution technique à ces deux problèmes. QU’EST-CE QUE LA TABLE MASHUP ? Du point de vue des participants, il s’agit d’une table ou d’un plan de travail, au centre duquel se trouve une plaque de verre. Sur la table se trouvent également trois sortes de cartes : des cartes « image », où sont imprimés des photogrammes, des cartes « musique » et des cartes « outil ». Lorsqu’un participant pose une carte « image » sur la plaque de verre, le plan correspondant est diffusé sur grand écran. Il est ensuite possible, avec les outils « couper le début » et « couper la fin » d’ajuster la longueur du plan. 52 Moteur... actions ! © H. Abram & R. Beugnon © H. Abram & R. Beugnon 1 à 3 · Atelier MashUp Cooker 2 3 Quand plusieurs cartes sont posées en même temps, des vignettes, correspondant aux différents plans, s’affichent. Elles sont numérotées dans l’ordre de lecture choisi par l’utilisateur. Il suffit alors de poser la carte « monter le film » pour diffuser le montage. Par la suite, les participants peuvent ajouter une musique, enregistrer une voix-off en direct et récupérer le film monté sur clef USB. Elle ne vise pas, d’ailleurs, à remplacer un logiciel de montage classique. Pour fonctionner, elle nécessite une installation relativement lourde, un temps de préparation pour l’intervenant et un corpus d’images prédéfini. Toutefois, au cours du MashUp Film Festival où elle a été présentée (à l’aide d’une métaphore culinaire : le MashUp Cooker), j’ai pu faire quelques constats intéressants : • La prise en main de l’outil est immédiate, et même les personnes qui ont du mal à saisir le concept lorsqu’on leur explique verbalement se prennent très vite au jeu dès qu’elles manipulent elles-mêmes. • Les enfants, particulièrement, saisissent très vite le potentiel ludique et créatif de l’outil. J’ai vu deux enfants de six ans réaliser leurs « MashUp » sans aucune aide. Ma plus jeune utilisatrice avait trois ans et a réussi, avec l’aide de sa mère, à inventer une histoire en combinant des images. • La plupart des films réalisés furent non narratifs, la majorité des participants ayant choisi une approche sensualiste et musicale. La Table MashUp me semble être un excellent outil d’initiation qui permet aux jeunes participants d’appréhender le montage de manière ludique et décomplexée. En offrant un rapport tactile et immédiat à la matière, c’est potentiellement aussi, et c’est ainsi que je compte maintenant la déployer, une façon complètement nouvelle de se réapproprier des images et de créer en toute liberté. Romuald BEUGNON Réalisateur, VJ, intervenant ■ COMMENT ÇA MARCHE ? La Table MashUp s’appuie sur une technologie de reconnaissance visuelle apparentée aux QR codes : le fiducials tracking. Au dos de chaque carte est imprimé un fiducial, une sorte de logo ayant la particularité d’être facilement identifiable pour un ordinateur. Sous la table sont dissimulés une webcam infrarouge, des éclairages infrarouges et un ordinateur (l’infrarouge n’est pas nécessaire au fonctionnement de base, mais il permet à l’outil d’être opérationnel quelles que soient les conditions d’éclairage de la pièce). Quand les objets sont disposés sur la plaque, la webcam, qui les filme par en dessous, envoie à l’ordinateur l’image des fiducials et leur disposition. Grâce à un logiciel de reconnaissance visuelle (Reactivision), l’ordinateur est en mesure de décoder cette image et de la convertir en informations (liste des plans, position relative…) qui sont transmises à un logiciel de montage que j’ai développé avec MaxMsp. USAGES, LIMITES ET PERSPECTIVES Évidemment, la Table MashUp n’est pas un outil universel qui peut être déployé dans tout type d’atelier. 53 projections actions cinéma / audiovisuel actions cinéma / audiovisuel projections 54 Dossier / exploration S'exprimer, se révéler Les publics La notion d’éducation à l’image est souvent entendue de manière restrictive comme ne s’adressant qu’aux publics scolaires ou ne faisant que proposer des films à des spectateurs. Des dispositifs tels que Passeurs d’images mélangent le voir et le faire, et développent des actions pour d’autres publics : habitants des zones dites sensibles, détenus, personnes âgées ou issues du champ social, patients en milieu hospitalier, etc. Au gré des actions, des liens se créent, des parcours de vie se dessinent, de nouvelles perspectives s’ouvrent et incitent les publics, parfois, à aller au-delà d’eux mêmes. La parole est ici donnée à celles et ceux qui développent des actions pour des publics spécifiques ainsi qu’aux participants eux-mêmes qui témoignent de l’impact de l’éducation à l’image sur leur vie. Dossier / exploration À QUOI SERT L'ÉDUCATION À L'IMAGE ? aux yeux du monde, mais aussi (et surtout) pour que le monde existe à nos yeux, qu’il cesse de n’être que du chaos. Le fil rouge de mes interventions c’est moins éduquer (au sens strict du terme) qu’encourager. C’est mettre en place les conditions qui peuvent donner envie de cesser de subir les images. Si ce désir se déploie, le reste vient tout seul, l’appétit pour regarder des films, les analyser, se documenter, rencontrer, filmer, monter, montrer… Démonter pour tout remonter autrement, à sa façon, pour être soi avec les autres. » Une éducation sentimentale à l’image « Je me souviens qu’à l’école, le cinéma était loin d’être un jour enseigné. Je me souviens quand, cinéphage buissonnier, j’ouvrais grand les yeux sur les écrans du Vauban ou de l’Amiral. Je me souviens que, père cinéphile, je souhaitais transmettre ma passion. Aujourd’hui, l’exigence de mes enfants est ma récompense : James Gray en VO, sinon rien ! C’est cela l’éducation à l’image : ouvrir le passage d’un âge à l’autre, d’un statut à l’autre, et creuser la brèche de l’apathie et du conformisme. Depuis, l’aubaine professionnelle m’aura permis de partager avec le plus grand nombre : écoliers, collégiens, lycéens, enfants hospitalisés, mineurs incarcérés. Parfois peu, quelques images révélées. Ou davantage, une interrogation, une curiosité. Je me souviens de cette collégienne, privée de salle de cinéma mais pas d’internet, qui soudain partageait, avec ses camarades étonnés mais séduits, sa passion pour Bruce Lee à la projection du Petit dragon de Bruno Collet. Le cinéma, parmi tous les arts, fait grandir et socialise : une éducation sentimentale à l’image.» Emmanuel PARRAUD · Réalisateur et intervenant à l’ACAP (Amiens, Picardie) Nous sommes tous devenus producteurs et diffuseurs « De la créativité à la citoyenneté... Depuis 2005, une révolution majeure de l’espace médiatique se déploie, au travers des sites de vidéo communautaire et des caméras partout dans les poches de chacun. Nous sommes tous devenus les producteurs et diffuseurs des images que nous « consommons », pilotés malgré nous dans nos usages et nos représentations culturelles par des industries nouvelles aux revenus faramineux. Il n’y a plus de professionnels, il n’y a plus d’amateurs, nous sommes tous devenus des usagers, acteurs soumis aux nouveaux modèles économiques dont les performances publicitaires extraordinaires s’appuient sur la disparition totale de la vie privée. Pour se libérer de ce joug nouveau, il faut rééduquer les regards à l’esprit critique, maîtriser le langage des images, dans notre nouvelle place de créateurs. L’éducation à l’image, c’est un acte politique au sens fort. » Jacques FROGER · Responsable de l’action éducative à Clair Obscur / Festival Travelling (Rennes, Bretagne) Moins éduquer qu’encourager « À 22 ans, j’étais illettré. Je connais l’angoisse d’avoir les mots qui dansent sous les yeux sans arriver à former des phrases et la solitude et la déconsidération qui viennent lorsqu’on est incapable de donner une forme à nos sentiments, nos sensations, nos arguments. Et puis un jour, je me suis sauvé par le cinéma. Alors oui les images peuvent servir à trouver un chemin pour exister Benoît LABOURDETTE · Délégué général du Festival Caméras Mobiles, réali-ateur, producteur EXISTER ET RÉSISTER actions cinéma / audiovisuel projections 56 S' exprimer, se révéler : les publics Défis En chaque enfant sommeille Len Lye « L’éducation à l’image, c’est le défi de transmettre et de partager une création pour éveiller et échanger des sensibilités. C’est accoucher d'une pensée sur soi et sur le monde qui nous entoure à travers toutes les formes d’expression (parole, écriture, arts plastiques, vidéo...). Et c’est enfin le défi d’ouvrir une forme de résistance à certaines images imposées (visuelles ou mentales). L’éducation à l’image sert à sortir de soi, à exister mais aussi à résister. » « L’éducation à l’image sert à donner du plaisir au programmateur qui écoute une petite fille raconter et expliquer le cinéma de Stan Brakhage après avoir participé à un atelier de grattage et de peinture sur pellicule en compagnie de Sébastien Ronceray et Adrien Heudier de l’association Braquage… Mais aussi à accueillir, en salle, un jeune public prêt à l’expérience cinématographique, sans réticence, en toute confiance… Et enfin à transmettre le goût de l’aventure cinématographique, tant par le regard que par sa fabrication. » Solenn ABJEAN · Coordinatrice Éducation à l’image de l’Association Sceni Qua Non (Nevers, Bourgogne) Agnès RABATÉ · Programmatrice jeune public du cinéma l’Apollo Maison de l’image (Châteauroux, Centre) Vers les lueurs « Au milieu d’images permanentes jaillissant de sources multiples, l’éducation à l’image est une lumière indispensable aux enfants pour se diriger sur les chemins clairs-obscurs de leur vie, leur permettre de formuler de nouvelles questions pour que l’essentiel demeure invisible pour les yeux… (merci à Antoine de St Exupéry) ». Je ne suis pas très image « Je ne suis pas très image, peut-être même pas du tout (du moins " imago ", c'est à dire « contour et moulage du monde »). Me lâche-t-elle si tôt m’introduit-elle dans l’atrium de la vie ? Elle ne sera jamais que son décor – son décalque – quand je m’agite du tourbillon des jours et surnage aux marées de mon sort. Quel truchement pour le reprendre, le reconsidérer ? Énergie, émotion : un film d’ordinaire. Il convie ma nature qu’il éclaire en profondeur. N’ayant pas été moi-même sage comme une image me devais-je sans doute de consacrer mon métier à des enfants qui ne le furent pas non plus. Nous pûmes échanger en nous réfléchissant. L’image qu’ils avaient d’eux-mêmes – on s’était chargé de beaucoup piquer le miroir de leur âme, on … – ne pouvait leur complaire. Ce renvoi délabré de leur moi nous porte à nous re-voir en des sphères cohérentes. Soutenues d’un sens retrouvé. Ai-je cru (ferme) en des lumières irradiant nos destinées ? Oui aux capacités anthropologiques d’œuvres filmées. L’homme recouvre sa force d’homme. Sa folie même, mais nous voilà réinventés. » Benoît CESSELIN · Directeur de l’ITEP La Houssaye (Haute-Normandie) Découvrir sa subjectivité « L’éducation à l’image ? C’est d’abord une expérience qui amène chacun à construire son regard. Un regard qui devient outil critique, esthétique et qui permet un autre rapport au monde que celui de la parole. D’autant qu’auprès des publics chez qui nous intervenons, la parole est souvent inaudible, oubliée, ou blessée. C’est donc une expérience d’autonomisation. Je mets toujours au cœur des ateliers que je dirige la question du point de vue. Notre rôle est de passer ce quelque chose qui amène l’autre à la découverte de sa subjectivité. Et je suis toujours touchée, lorsque l’objet film est réalisé, de constater que c’est ça qui s’est opéré. » Pierre GABASTON · Ancien professeur des écoles dans une Classe d’inclusion Cécile PATINGRE · Réalisatrice et intervenante scolaire rattachée à une école élémentaire " Il faut maîtriser le langage des images dans notre nouvelle place de créateurs. L'éducation à l'image, c'est un acte politique fort. " 57 projections actions cinéma / audiovisuel Dossier / exploration « CE CHEMIN DE CINÉMA » D ounouia, la vie a remporté le prix « Des cinés, la vie ! » lors de la sixième édition de cette opération nationale (2011-2012). Le réalisateur Olivier Broudeur nous parle de la manière dont les jeunes sous protection judiciaire ont perçu ce film. Dans une lettre adressée à Virginie Mespoulet de l’agence ECLA (Aquitaine), il décrit la façon dont il a vécu cette rencontre et cet échange riche et fructueux pour les uns et pour les autres. Si le documentaire consiste à filmer le réel, et à le rendre mot pour mot, la fiction, quant à elle, aspire au vrai. Celui-ci ne se laisse pas facilement décrire. On ne l’atteint, en effet, que par un effort aigu qui consiste à tenter de se mettre à la place de la personne qui aurait réellement vécu la situation que l’on prétend décrire. Quelle est cette personne ? Qu’a-t-elle vécu ? Comment a-t-elle réagi ? Quand un réalisateur traite de situations contemporaines, la vérité qu’il prétend défendre peut être sérieusement mise à mal par les témoins et acteurs réels de l’histoire, de la situation racontée. Dounouia, la vie, le film que j’ai écrit et réalisé avec Anthony Quéré, était une histoire que je destinais à Modibo, le jeune héros et acteur du film. Elle était écrite à cause de, par et pour lui. Mais l’histoire que Dounouia raconte n’a jamais été vécue par le vrai Modibo. Car ce dernier, dans sa tentative clandestine, n’est jamais parvenu à entrer en France. Nous avons donc imaginé une situation où Modibo se trouverait déjà en France et serait confronté à l’altérité radicale. Nous avons imaginé des gestes, des regards, des situations qui pourraient rendre un mal être, une difficulté à envisager une possibilité de bonheur. Une fois le film fini, il a été vu par beaucoup de monde – des téléspectateurs, des festivaliers – habitués à ce format du court-métrage. L’accueil a été très positif, le film a remporté des prix. Mais dans cet entre-soi culturel, il manquait une confrontation qui nous aurait permis de savoir si ce film sonnait vraiment juste et si nous étions dans le vrai. Cette confrontation nous a été offerte par l’opération « Des cinés, la vie ! ». Nous avons été contactés pour une rencontre, à Pessac, avec des jeunes hommes suivis actions cinéma / audiovisuel projections par la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Comme Anthony ne pouvait pas se libérer, je suis venu seul. Je dois dire que cette rencontre fut pour moi une récompense à tout ce travail que j’ai accompli pour écrire et réaliser ce film. Les participants n’étaient pas très nombreux, certes, mais les échanges que nous avons eus ont été d’une richesse déterminante. Dans cette affaire, si j’étais le réalisateur et les jeunes les spectateurs, ce rapport s’est rapidement modifié pour devenir un échange où je recevais la parole bienveillante de personnes qui connaissaient parfaitement les situations que j’avais modestement tenté de décrire. Ils avaient vécu tout cela – les difficultés d’acclimatation à une autre culture que la sienne, la nostalgie d’un pays idéal, les problèmes de communication et d’utilisation des codes et du langage – et m’expliquaient en quoi mon film était juste. J’avais imaginé un contexte et une histoire, ils m’expliquaient l’acuité des thèmes qui y étaient développés et leur pertinence. Dounouia est le film de ces jeunes plus que le mien parce qu’ils connaissent intimement tous les mécanismes qui y sont décrits. J’ai été séduit par l’intelligence des remarques de ces personnes, par la vivacité de leurs réactions, par leur enthousiasme et par leur énergie considérable. Énergie dont on a le sentiment qu’elle pourrait déplacer des montagnes. Je suis très reconnaissant à ces jeunes de m’avoir ouvert la porte ainsi. Ce qu’ils m’ont apporté m’est essentiel et tient en une parole : « je peux continuer sur ce chemin de cinéma. » Olivier BROUDEUR Réalisateur ■ 58 © D.R. 2 © D.R. 1 © D.R. S' exprimer, se révéler : les publics 3 1 à 3 · Dounouia, la vie de Olivier Broudeur et Anthony Quéré 59 projections actions cinéma / audiovisuel Dossier / exploration FAIRE ENTENDRE DES VOIX 1 E n 1999, Natacha Cyrulnik a entamé un travail avec les habitants de la Cité Berthe de La Seyne-sur-Mer. Alors qu’elle vient d’achever le second volet de son triptyque « Habiter le territoire », elle explique en quoi tourner des films avec les habitants des quartiers s’avère essentiel. 2 1 à 7 · Un monde meilleur est possible, de Natacha Cyrulnik Quand on est jeune réalisateur et que l’on nous propose d’aller faire des ateliers audiovisuels dans des quartiers dits « sensibles », au début, on se dit juste que ça peut être intéressant… Moi, cela faisait de nombreuses années que je me demandais ce qu’il se passait dans cette cité Berthe de La Seyne-sur-Mer qui représente presque un tiers de la population de la ville. C’était en 1999. Je savais que, deux ans auparavant, des images de la cité Berthe avaient fait l’ouverture du JT d’Antenne 2 parce que des voitures brûlaient. Je ne savais pas qu’un ami réalisateur avait tenté en 1998 de réaliser un atelier audiovisuel avec les jeunes de la cité, et que ça n’avait pas marché. Ça ne marche pas toujours… Je l’ai su dix ans plus tard. Dix ans au cours desquels je suis allée dans les rues de la cité Berthe avec ma caméra à la main pour proposer aux habitants de faire des films. C’était donc un travail de rue, pour être au contact de tous. Cela a duré dix ans, au moins… On en est à dix-sept films aujourd’hui. Les habitants se sont emparés de la caméra pour se raconter et représenter leur environnement à leur manière. Au début, c’étaient plutôt des fictions - c’est plus facile de faire dire des choses à des personnages… mais elles sont dites ! Petit à petit, on est allé vers le documentaire, justement pour les revendiquer plus directement, ces choses. Ça aura au moins servi à ça, ces années dans les rues de la cité Berthe, à faire entendre des voix ! Aussi actions cinéma / audiovisuel projections à ce qu’elles se formulent ces revendications ! À ce que des personnes osent prendre la parole face à la caméra, face à tous ceux qui sont autour, et face au futur spectateur qui sera dans la salle plus tard... Ils témoignaient de choses ensemble. Ils se composaient des récits inspirés de leur quotidien, confrontaient leurs idées, leurs visions, et construisaient ensemble des films qui en disaient longs sur eux-mêmes et sur ce groupe qui était en train de se fédérer. Les histoires racontées constituaient une représentation de leur monde et d’eux-mêmes, à titre individuel comme à titre collectif. DE FAIRE DES FILMS, ÇA AURA SERVI À SE CONSTRUIRE… ENSEMBLE. Ça a servi aussi à s’exprimer, pour eux, les habitants, comme pour moi d’ailleurs. Ils ont pu formuler leurs intentions, leurs rêves ou leurs peines, et leur volonté de savoir bien parler pour mieux aller en dehors de la cité. Savoir s’exprimer… Ça a servi à lire les images et les sons que l’on consomme si facilement au quotidien. Quand un jeune est descendu de sa tour, à l’époque où Le Pen était retenu pour le deuxième tour des élections présidentielles, et qu’il était fâché parce qu’ « au JT de TF1 un mec du FN paraissait vachement grand et vachement fort parce que la caméra était en bas », c’était le début d’une victoire : ce jeune avait eu un 60 S' exprimer, se révéler : les publics 3 5 4 6 regard critique sur les images du JT de TF1 jusque là prises pour des paroles de vérité, et il avait remarqué la position de la caméra pour faire dire des choses autrement. L’esprit critique, l’analyse des images, l’expression de soi, l’expression des autres aussi. Parce qu’ils étaient d’accord, les autres, pour se moquer aussi de ces images caricaturales. C’est vrai que quand ils voient une caméra, ils croient d’abord que « c’est les condés » (la police), et ils mettent leurs cagoules sur la tête pour faire « racaille ». Ils jouent avec l’image qu’on leur assigne si facilement. Ils s’aperçoivent vite, quand on prend le temps de parler avec eux, qu’ils s’enferment eux-mêmes dans cette image dans laquelle on les enferme. Alors ils baissent la cagoule, tentent de demander de l’argent pour être filmé (depuis l’avènement de la télé-réalité la caméra évoque facilement la fortune et la gloire facile d’accès), et sont finalement ravis de pouvoir exposer leur point de vue, leur parole, leur expression, leur vie au quotidien pour que les autres sachent. Finalement, ça a surtout servi à ça, ces ateliers… à ce qu’ils formulent des choses et à les faire entendre ! Cela fait maintenant treize ans que je vais dans les rues de la cité Berthe de La Seyne-sur-Mer. J’y vais autrement ! Je fais entendre leurs voix, leurs vies au quotidien, leurs rêves, leurs inquiétudes, leurs projections. Je vais aussi sur d’autres territoires, pour 7 tenter de les mettre en lien. Je fais des films basés essentiellement sur notre relation afin de témoigner aux yeux de tous d’une vie trop facilement stigmatisée. L’expression, la représentation de soi et de son environnement, une réflexion sur ce qui se joue sur ces territoires particuliers, pour eux, pour nous… C’est une manière de prolonger, autrement, comme une nécessité, ce que l’on a expérimenté pendant les dix premières années lors de ces ateliers. Ça sert aussi à ça ! Ça sert quand même à beaucoup de choses l’éducation artistique au cinéma, non ? Natacha CYRULNIK Réalisatrice de documentaires, La Compagnie des Embruns ■ 61 projections actions cinéma / audiovisuel Dossier / exploration VERS LA PROFESSIONNALISATION ? Ermiyas Alem A priori, l’action culturelle cinématographique ne se donne pas comme objectif de former de futurs « professionnels de la profession ». Mais en fournissant un cadre et des outils pour s’exprimer, des expériences singulières peuvent émerger. Laurent Letrillard raconte l’aventure d’Ermiyas Alem. J’ai rencontré Ermiyas Alem en octobre 2010. Cela faisait quatre ans qu’il était arrivé en France en totale clandestinité. Âgé de 16 ans, il avait rapidement été pris en charge par une structure d’accueil pour mineurs. Étant d’origine éthiopienne, Ermiyas ne parlait pas un mot de français. Il l’a donc appris à marche forcée pour s'intégrer et obtenir un Brevet professionnel en génie climatique. Pourtant, une idée ne l’a jamais quitté : faire du cinéma pour raconter son histoire. Aussi, lorsque je lui ai proposé de participer à un concours de scénarii, « Le Goût des autres », organisé par le Festival de cinéma de Gindou sur trois régions (Aquitaine, Midi-Pyrénées et Limousin), Ermiyas s’est immédiatement investi dans le projet. À l’unanimité, son synopsis a été sélectionné pour participer à la phase finale du concours. Pour l’accompagner dans l’écriture de son scénario, je lui ai proposé de travailler avec le réalisateur Renaud Fély. Ils ont beaucoup échangé, visionné des images, parlé écriture, modifié ici ou là des situations ou des dialogues avant de remettre une version finale aux membres du jury. Finalement, ce n’est pas Déjené qui a remporté le premier prix, ce qui aurait permis à Ermiyas de tourner son court métrage avec des moyens professionnels. Qu’importe, l’envie était là et nous avons décidé de tout mettre en œuvre pour que son film existe. Renaud a contacté Andolfi, une société de production dirigée par Arnaud Dommerc et Nathalie Eybrard. Ils ont d’emblée été enthousiastes et se sont mobilisés pour monter la production. Le projet a été présenté à la commission d’aide à la production au court métrage du Limousin. C’est à l’unanimité que la commission a décidé d’attribuer son soutien au film. En complément, des fonds Passeurs d’images ont été actions cinéma / audiovisuel projections mobilisés ainsi que le soutien de différents partenaires, dont le Centre Dramatique National du Limousin. Tout s’est ensuite enchaîné très vite. Le tournage a eu lieu cet été et le montage a débuté en novembre. Bien sûr et comme à chaque fois, cette histoire est avant tout celle d’une rencontre forte et rare. J’en ai vécu d’autres très belles durant mon parcours de coordinateur, mais celle-ci revêt une importance toute particulière à mes yeux car elle symbolise ce que l’apport d’une opération comme Passeurs d’images peut avoir de déterminant. Mais, plus que mon ressenti, c’est celui d’Ermiyas qu’il importe ici d’entendre. Lorsque je lui ai demandé ce que la possibilité de faire son film avait changé pour lui, il m’a fait la réponse suivante : « Ça m’a ouvert le monde du cinéma. J’ai pu faire mon film dans des conditions professionnelles et c’est quelque chose que je n’aurais jamais imaginé. En juin dernier, ça a fait six ans que je suis arrivé en France. Je ne m’attendais pas à vivre tout ça et à réaliser un film en langue française. C’était un rêve. C’était une chance. C’est une passion. Tout est allé très vite. Ce film raconte mon arrivée en France et certaines choses qui me sont arrivées. C’est semi autobiographique. Ça raconte ma découverte de l’Europe, de la France. J’avais 16 ans et je ne parlais pas français. Je savais juste dire un mot : merci ! J’aimerais aujourd’hui écrire la suite ou ce qui s’est passé avant cette histoire, en m’inspirant de ma vie, car je n’aime pas trop les films autobiographiques. Si je pouvais faire un long métrage, j’aimerais raconter en tant que réalisateur professionnel, dans mon pays d’origine, avec ma langue d’origine, toutes ces histoires qui se sont croisées ». Laurent LETRILLARD Les Yeux verts, coordination Passeurs d’images en Limousin ■ 62 S' exprimer, se révéler : les publics © Richard Deulceux RÉALISER POUR SE RÉALISER Q uelles sont les spécificités d’un atelier de réalisation pour les publics en situation de handicap et quels en sont les bénéfices ? Dans les ateliers que je dirige, l’éducation à l’image s’effectue à travers la réalisation d’un film. Les participants sont amenés à comprendre le processus de « fabrication » du film dans ses différentes étapes (écriture, tournage, montage, diffusion). À la fin de l’atelier, ils ont pris conscience que la réalisation nécessite un temps démesurément plus grand que le temps de diffusion, une cohésion du groupe et beaucoup de patience. Ainsi est démythifiée l’idée qu’un film est tourné en temps réel. Cela relativise aussi la supposée réalité qu’une fiction semble nous offrir. La pratique permet la distanciation. Mon approche reste la même dans le cadre de mes interventions auprès des publics spécifiques : Sections d’Enseignement Général et Professionnel Adapté (SEGPA), Classes d’Intégration Scolaire (CLIS) dont certains élèves présentent des troubles du comportement et/ou un léger handicap mental, adolescents aux multiples pathologies en Institut Médico-Éducatif (IME). J’utilise d’ailleurs les mêmes supports. Je note que ma singularité (surdité) et le vécu qui y est associé est un atout pour ces publics qui ont plus de difficultés que les autres jeunes de leur âge à se projeter dans la vie d’adulte. Je note aussi que la personne encadrante a un rôle primordial dans la réussite de l’atelier. Sa connaissance du groupe et sa gestion facilitent énormément l’intervention. Il s’agit bien d’un binôme qui est à l’œuvre. Certes, dans ce cadre, nous avançons à un rythme différent et sommes plus directifs. Est-ce que toutes les notions liées à la réalisation d’un film sont acquises à l’issue de l’atelier ? Non, mais l’expérience aura marqué ses participants, comme je peux le constater à l’IME de Boutancourt où je me rends depuis plusieurs années. S’il est souvent nécessaire de revoir les aspects théoriques, les notions de responsabilité et d’équipe nécessaires au tournage sont la plupart du temps restées ancrées. Au-delà de l’éducation à l’image, c’est aussi la valorisation de ces jeunes personnes qui est en jeu. Il est souvent difficile de se confronter avec son image, c’est encore plus vrai avec les jeunes de l’IME, du moins une bonne partie d’entre eux, conscients notamment de ne pas aller à la même école que les autres et donc d’être dans une certaine marginalité. À tel point que certains sont dans le déni de leur handicap. Chaque année, la projection du film en fin d’atelier devant leurs camarades est un moment important, ils y sont radieux. Plus encore quand cette projection se déroule dans le cadre d’une manifestation telle que les Rencontres Nationales Passeurs d’images à Paris où leur film est mis à pied d’égalité avec les autres. Se réconcilient-ils avec leur image ? Ce travail y participe. Réaliser un film pour se réaliser... Fabien VARLET ■ Vidéaste et plasticien, intervenant pour le Spokoïno Théâtre Remerciements : Fred Voulyzé de Télé Centre Bernon, Richard Deulceux et Mireille Montout de l’IME de Boutancourt 63 projections actions cinéma / audiovisuel Dossier / exploration DES IMAGES POUR Z © D. R. (SE) LIBÉRER 1 argano, coordination Passeurs d’images à La Réunion, concentre une partie de ses actions en milieu pénitentiaire ou pour les jeunes sous protection judiciaire. L’éducation à l’image et au cinéma est pour moi une façon de militer en faveur des personnes détenues et des jeunes sous Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ), encore trop souvent considérés de l’extérieur comme des personnes dénuées de sensibilité artistique et de créativité. Il est fréquent d’entendre dire « en prison, on ne peut diffuser que des films d’action, ils ne comprennent que ça ! ». Cette idée reçue est pourtant constamment démentie, quand Le cirque de Chaplin remporte le prix du jury des détenus ou quand le Directeur des Affaires culturelles de La Réunion, présent lors d’une restitution d’atelier light painting et poésie, s’extasie devant les photos créées par les détenus. Militer pour ne pas oublier que chacun d’entre nous pourrait un jour se retrouver derrière les barreaux, lutter contre l’esprit réactionnaire de certains qui accusent les jeunes de tous les maux de la société en évitant de se poser les bonnes questions : oui, nos actions ont aussi une portée politique. David Boileau, artiste et intervenant en milieu carcéral, précise cet enjeu : « C’est un public comme les autres, avec le même besoin de compréhension, voire de démythification de l’audiovisuel, au moins d’en comprendre les mécanismes et les recettes de base ». Tenter d’offrir la possibilité à ces publics spécifiques de sortir de la violence, de l’enfermement physique ou mental, motiver leur imaginaire, leur donner l’opportunité de s’exprimer, de redorer leur image et de mieux comprendre toutes celles qui leur sont données à voir. Malgré les difficultés spécifiques liées aux Centres pénitentiaires et aux structures PJJ - contraintes juridiques et administratives, droit à l’image, enfermement, difficulté d’implication des mineurs sous main actions cinéma / audiovisuel projections de justice -, le travail que nous menons auprès de ces publics est extrêmement stimulant à plusieurs titres. IMPACT SUR LES PUBLICS TOUCHÉS Que ce soit à travers les ateliers de pratique ou les rencontres avec des professionnels du cinéma, les détenus ont ainsi l’opportunité d’ouvrir une fenêtre sur le monde. Ils en retirent une certaine confiance en eux, mais aussi en l’autre. Grégory Lucilly, jeune réalisateur et intervenant en milieu carcéral, en parle : « Quand il y a une dynamique de groupe, que l’on prend part ensemble à un processus de création, on découvre que l’on peut éprouver de l’empathie et de l’attachement pour des personnes qui ont fait du mal. Cela met en jeu la morale personnelle ». Surtout, les détenus et les jeunes sous main de justice sont amenés à s’exprimer, à créer leurs propres images, à donner leur avis. Dimitri, 17 ans, évoque sa participation à l’opération « Des cinés, la vie ! » à l’UEAJ (Unité éducative d’activité de jour) de Saint-Pierre : « C’est la première fois que je participe à un truc comme ça, c’est déjà bien qu’on nous donne le droit de voter pour des films, parce que le gagnant va recevoir un prix, sûrement ». Grégory Lucilly précise que « les jeunes avaient très envie de prendre part à un projet collectif et surtout de se sentir responsabilisés ». Ils sont reconnus en tant qu’individus et (re)trouvent leur place au sein du groupe. Un atelier de pratique donne aussi l’occasion de composer avec les contraintes, inévitables sur tout tournage, particulièrement pesantes en milieu carcéral. « L’administration pénitentiaire nous a imposé un certain nombre de contraintes, indique Grégory Lucilly. Les visages des personnes qui ne participaient pas à l’atelier, mais apparaissaient en tant que figurants, 64 S' exprimer, se révéler : les publics 2 1 · Le petit dragon de Bruno Collet, lauréat du prix « Des cinés, la vie » 2010-2011. 2 · « Des cinés, la vie » à la Cinémathèque française devaient être floutés en post-production. De même, nous n’avions pas le droit de filmer les installations de sécurité. Ces contraintes ont finalement été positives car elles nous ont obligés à trouver d’autres façons de filmer ». Le mouvement amorcé par Passeurs d’images (ateliers, séances, partenariats avec des festivals) se déploie à présent sous d’autres formes. Le SPIP organise lui-même des séances de cinéma au Centre Pénitentiaire de Domenjod à Saint-Denis, ainsi qu’un nouveau partenariat avec un autre festival au Centre Pénitentiaire du Port. Ces initiatives viennent conforter Passeurs d’images et prouvent l’appropriation des outils par les équipes elles-mêmes. Les surveillants qui étaient un peu réticents aux ateliers et aux séances sont de plus en plus présents et intéressés, voire partie prenante, consolidant par là même le lien entre eux et les détenus. Les actions Passeurs d’images ont par ailleurs stimulé le projet de (re)mise en service du canal interne, en prouvant la pertinence de diffuser les réalisations des détenus, donnant l’envie de former du personnel attaché particulièrement à sa maintenance. Il devrait, à terme, devenir un véritable outil de valorisation des créations cinématographiques en interne. Les structures PJJ s’approprient elles aussi ces outils. Les éducateurs sont de plus en plus actifs dans la mise en place des ateliers. Partant du constat que les jeunes sont beaucoup plus impliqués et assidus pendant les ateliers d’éducation à l’image et au cinéma que sur d’autres formes d’actions proposées par ailleurs, les éducateurs proposent des contenus et utilisent ces outils dans leur propre démarche éducative. IMPACT SUR LES ÉQUIPES ENCADRANTES Au fil des années, les équipes encadrantes ont pris conscience de l’importance de l’éducation à l’image et de son impact positif sur les détenus et les jeunes. Thomas Class, coordinateur des activités culturelles au Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) de La Réunion et à la Ligue de L’Enseignement, s’explique : « En maison d’arrêt, on peut estimer que la télé est allumée en moyenne dix-neuf heures sur vingtquatre dans les cellules. L’éducation à l’image et le développement de l’esprit critique sont primordiaux en milieu carcéral pour permettre une réflexion menant les personnes détenues à devenir des téléspectateurs ne subissant pas le flot incessant des images ». Le cinéma a beau être un référent commun à beaucoup d’éducateurs, s’en emparer à des fins pédagogiques et de transmission ne relève pourtant pas de l’évidence. Organiser des formations s’avère indispensable pour favoriser les rencontres, échanger sur les problématiques, s’approprier le formidable outil qu’est « Des cinés, la vie ! ». C’est un réel plaisir de voir évoluer ces éducateurs qui, au départ, étaient très « timides » quant à la mise en place de cette opération et qui, maintenant, se l’approprient de plus en plus, créant un lien fort entre les équipes éducatives des structures PJJ. Les éducateurs prennent conscience de l’importance de donner la possibilité aux jeunes d’être les créateurs de leurs propres images, et non plus de rester passifs devant un écran, quel qu’il soit, de les guider dans leur analyse de ces images. Isabelle CAMBOU Directrice de Zargano, coordination Passeurs d’images à La Réunion 65 projections actions cinéma / audiovisuel ■ Dossier / exploration LA CRÉATION EN PARTAGE Entretien avec Anne Toussaint A nne Toussaint est cinéaste et membre fondateur de l’association Les Yeux de l’Ouïe. Elle développe une démarche de production de regards en création partagée depuis 1998. recherche tout ce qui évoquait pour eux l’absence : des sons, des photos… Au moment de la mise en commun, tous les matériaux étaient différents (films de familles, écriture fictionnelle…). À partir de là, on a travaillé ensemble pour élaborer une séquence - et donc un langage - au plus près de ce qu’ils voulaient raconter. Pendant les moments collectifs, les discussions sont allées tellement loin que j’ai éprouvé le besoin d’aller rencontrer des femmes à l’extérieur. Ces images que j’ai tournées ont permis d’assembler toutes les séquences à l’intérieur d’un même film, en mettant en relation le vécu des hommes avec la parole des femmes. Finalement, c’est ce qui a fait la cohérence du film parce qu’ils n’étaient pas en capacité de penser le film dans sa globalité. Ils ont néanmoins un statut de co-auteurs dans le film parce qu’ils ont créé des séquences que je n’aurais pas du tout réalisé de cette manière-là, mais la construction finale du film est de ma propre responsabilité. Ce serait peut-être ça ma définition de la création partagée : le fait, pour un cinéaste, de s’impliquer dans un processus de construction d’un film où vont se réunir des matériaux très hétérogènes les uns par rapport aux autres, qui ne sont pas de sa production propre. La part du cinéaste est de recréer du sens à partir de cette hétérogénéité de matériaux sensibles. Qu’est-ce qui t’a amenée, dans tes activités au sein de l’association Les Yeux de l’Ouïe, à te pencher sur la question de la création partagée ? Anne Toussaint - J’ai longtemps travaillé sur un même territoire, celui de la prison. Je me suis vite rendu compte que les réalisations provenant d’ateliers centrés sur la biographie, le vécu, le témoignage, répétaient toujours les mêmes histoires. Je me suis alors posé la question suivante : où la création pouvait-elle se situer entre eux et moi ? Il m’a semblé intéressant de travailler sur l’approche du sensible : la perception d’un vécu, d’un environnement, d’une situation. Cela permettait d’accéder à la singularité de chacun car les ressentis sont vraiment différents d’une personne à l’autre dans son rapport au temps et à l’espace… Et là, on touche à des questions de cinéma. Avec le premier film réalisé, Sans elles, on a travaillé sur la question de l’absence de la femme. Le sujet est venu des détenus. Le film est né de deux impossibilités : la première, de faire un film de témoignages avec une succession de paroles qui laisserait de côté la sensibilité de chacun ; la deuxième, de faire une écriture collective en commençant par se mettre autour de la table et se demander quel film on allait faire. Je leur ai donc proposé à chacun de faire un court métrage. À ce stade, je ne savais pas du tout si ça allait donner sept courts métrages ou un film. J’ai mis en place un cadre de travail avec des temps collectifs qui permettaient de lancer des discussions autour de thèmes qu’ils avaient choisi ; et des temps plus individuels, où chacun réfléchissait sur la mise en forme de sa séquence. Ce travail s’accompagnait d’une récolte de matériaux : pendant trois mois, ils ont noté dans un carnet de actions cinéma / audiovisuel projections Dans quelle mesure la création partagée participe d’une éducation à l’image selon toi ? La création partagée implique de travailler la question des représentations, et notamment de se libérer des modes de représentation habituels. Dans 66 S' exprimer, se révéler : les publics Fragments d’une rencontre, de Anne Toussaint un premier temps, les participants ont tendance à proposer des mises en scène habituelles. Par la suite, au visionnement des rushes et nourris du travail de réflexion autour de films que je leur montre, ils se rendent compte que ces images-là sont « déjà vues ». Lors des projections de certains films réalisés à la prison au MK2 Beaubourg, les spectateurs se demandent si ce sont bien les participants qui ont réalisé les films parce qu’ils ne sont pas du tout représentés tels qu’on les attend. Ces derniers n’apparaissent pas à l’écran, ils ne racontent par leur histoire… Ils produisent de l’intérieur, c’est un cinéma très subjectif, et du coup ça déplace le point de vue du spectateur. Peux-tu nous parler des conditions de production et de diffusion de ces films ? Concernant la diffusion de ces objets filmiques, on est toujours dans la catégorie « film d’ateliers », c’est énervant ! Les modes de production de tels objets sont complexes, surtout au regard des financements cinéma et audiovisuel. C’est dommage parce qu’on pourrait vraiment réunir des budgets suffisants avec à la fois une part de fonds publics, et une part de financements cinéma. Or, pour accéder à des « guichets cinéma », qui demandent des notes d’intention précises pour pouvoir « visualiser le film », une question se pose : comment écrit-on un film dont le processus même est au cœur de l’œuvre ? Que penses-tu des réactions de certains qui parlent d’ « instrumentalisation » des participants ? On ne se pose jamais cette question dans le documentaire. La chose est assumée. Dans un processus de création partagée, les choses doivent être définies clairement dès le départ. Le cinéaste doit être aussi en travail. On n’est pas dans le « faire faire », où les participants ou co-auteurs non professionnels vont être au service de l’œuvre (le sociologue Philippe Henry parle de création participative). Dans ce cas, il peut éventuellement y avoir une forme d’instrumentalisation en ce sens où l’œuvre échappe complètement aux participants qui interviennent à un moment donné pour faire une chose précise prévue dans le dispositif du film. Dans la création partagée telle que je l’entends, le film n’est pas défini dans la tête du cinéaste au départ, la conception de l’œuvre provient du processus de travail avec les participants. Quelles fenêtres de diffusion pourraient être envisagées ? Avec Les écrans documentaires (festival de cinéma qui se déroule chaque année à Arcueil dans le Val-deMarne), ça fait un moment que j’essaye d’introduire l’idée d’un observatoire des pratiques. En 2007, deux jours étaient consacrés en partenariat avec Arcadi à la thématique de la lettre filmée. Il s’agit à présent d’ouvrir un chantier de réflexion autour de travaux en cours ou finis, pour montrer toute la diversité des expériences, en prenant le temps de s’arrêter sur chaque projet. Intégrer cette réflexion au sein d’un festival dédié au cinéma documentaire est important : la question du réel est centrale dans le processus de la création partagée telle que je la pratique, on part vraiment du vécu de chacun. Entretien réalisé par Claudie LE BISSONNAIS et Léa COLIN Arcadi, coordination Passeurs d’images en Île-de-France ■ 67 projections actions cinéma / audiovisuel Dossier / exploration PERMIS DE RÊVER (UN AUTRE MONDE) C OUP2POUCE est un collectif belge permettant aux jeunes qui ont un désir de cinéma de s’initier aux techniques du 7e art et de réaliser leurs propres courts métrages. En plein tournage dans un atelier de films d’animation, l’un des participants m’interpelle sur notre activité : « Pourquoi les jeunes viennent-ils ici pour filmer ? » Une explication et quinze jours plus tard, ce même Gerlando débarque sans prévenir dans mon bureau encombré, comme toujours, de papiers et de films. « J’ai un scénario ! » : l’histoire d’un adolescent au bord du suicide. Pas évident. Je lui explique que Coup2pouce est une émission télé faite par un collectif de jeunes, et qu’il devrait se présenter à la prochaine réunion. C’est dans ces réunions de rédaction que les jeunes choisissent un sujet à traiter et forment les équipes de réalisation. Notre philosophie est axée sur la participation et l’expérimentation, chacun est donc invité à s’exprimer sur un sujet qui l’interpelle et qui, par sa dimension universelle, serait susceptible de questionner le monde et d’intéresser un public. Je lui explique que sa démarche et le traitement qu’il souhaite faire de son sujet sont intéressants. J’aimerais qu’il intègre Coup2pouce plus durablement. Nous avons l’habitude du terrain et de confronter ces jeunes cinéastes et journalistes amateurs à la réalité, dans une approche qui s’inscrit davantage dans des démarches documentaires mais sans pour autant exclure la fiction. Coup2pouce, c’est surtout ce que les participants en font. L’équipe de tournage se constitue. Après un travail de réécriture, tout est sur papier : lieu, dialogues, ton. Coup2pouce, c’est s’engager complètement dans un processus de création autonome, les participants feront tout eux-mêmes. Ils partent de leur point de vue, de leurs idées, ils articulent la conception et la fabrication et mènent ensemble un projet vers sa réalisation. Passionné par mon travail d’encadrement, je m’interroge sur l’impact que le processus de création vidéo peut avoir sur le participant, mais également sur le message qu’il transmet. Se rend-il compte de actions cinéma / audiovisuel projections la limite entre la fiction et la (sa ?) réalité ? Je dois avoir le recul nécessaire pour comprendre le sens de sa démarche. Deux mois plus tard, Gerlando est en Slovénie pour YEFF 1. Avec son cadreur Sofian, il présente son film (diffusé sur TéléBruxelles quelques mois auparavant) dans le cadre d’un festival de jeunes réalisateurs issus d’ateliers vidéo. Être animateur-cinéaste à Coup2pouce, avec ma collègue Gypsy Haes, c’est imaginer un cadre et un accompagnement qui permettent à ces jeunes d’exprimer leurs attentes et leurs désirs de cinéma. D’une idée de départ jusqu’au montage et à la diffusion d’un projet, c’est une véritable dynamique de travail collective qui se met en place et qui nécessite de l’engagement, du temps, des objectifs et un cadre philosophique et pratique. Un travail de responsabilisation à la fois humain (gestion interpersonnelle, logistique…) et cinématographique (questions de sens, de points de vue, de regard…). Le terme collectif est important, il est le dénominateur commun du projet Coup2pouce et des réalisations vidéo. Il reflète aussi une volonté d’ouverture. Aucun casting ni compétence préalable ne sont exigés. Seule l’envie de s’exprimer, de participer à un projet collectif ou d’apprendre la réalisation vidéo anime les participants. Et cette envie suffit. Si la rencontre fonctionne, c’est parce que les jeunes se sentent engagés dans ce processus collectif, c’est parce qu’ils se sentent responsables et nécessaires à la réalisation. C’est parce qu’ils ne se sentent plus seulement écoutés ou accompagnés, mais surtout acteurs et créateurs. Pierre MARTIN Coordinateur de Coup2pouce ■ 1 Youth European Film Forum for cultural diversity (réseau européen d'éducation à l'image) 68 © Coup2pouce © Coup2pouce © Coup2pouce S' exprimer, se révéler : les publics 69 projections actions cinéma / audiovisuel Dossier / exploration LES MULTIPLES VISAGES 1 DE L'ÉDUCATION À L'IMAGE L a région Bretagne fourmille de projets liant la population au cinéma, déclinant l’éducation à l’image sous toutes ses formes. Portraits d’initiatives foisonnantes qui ne doivent pas nous faire oublier de les questionner. Les porteurs de projets de la Région Bretagne sont invités depuis trois ans à se rencontrer au mois de juin à Mellionnec, un petit village du centre Bretagne qui résiste à l’appauvrissement culturel du milieu rural. Là, des habitants de tous horizons et tous métiers se retrouvent tout au long de l’année pour visionner des films documentaires et établir ainsi la programmation des Rencontres Documentaires, proposée à un public nombreux, et matière à échanges et débats. On peut dire, à chaque niveau, qu’il s’agit là d’éducation à l’image. L’association Côte Ouest à Brest proposait en 2011 un atelier de réalisation d’un diaporama, à partir d’un fonds d’archives sur l’histoire des théâtres locaux. Les enfants ont exploré les fonds iconographiques, argumenté des choix, pris en main les outils pour monter les photos les unes aux autres, cherché et enregistré des sons. Éducation à l’image. Au-delà, ils ont visité des théâtres, une artothèque, ont arpenté les rues de Brest à la recherche de traces du passé et ont porté un regard différent sur le quotidien de leur ville. Éducation à l’image, toujours. À Brest également, l’association Canal Ti Zef diffuse cette année Star Wars Uncut, remake collectif fait par des amateurs et passionnés du monde entier. Les scènes y sont refaites au détail près, mais avec les moyens du bord. Éducation à l’image, encore. À Lorient des collectifs d’artistes, d’habitants et de professionnels de l’animation se regroupent en UVM (Unités Vidéo Mobiles) dans une logique de réflexion et de création commune, sans que l’un ou l’autre s’arroge le privilège de la parole. Éducation à l’image... actions cinéma / audiovisuel projections Dans le pays de Questembert, des habitants du milieu rural réalisent des portraits documentaires, accompagnés par l’association « Les passeurs d’images et de sons ». Petit à petit, immersion en festivals, rencontre de documentaristes (Denis Gheerbrant en 2012), projections régulières et diffusion de films d’ateliers autour du projet « Ensemble en campagne » ont façonné leur envie, tissé un noyau d’adultes de tous horizons et tous milieux qui échangent et pratiquent autour de l’image, contribuant à animer (et c’est bien là l’essence du cinéma) le tissu rural. Quimper, Douarnenez, Le Vieux-Marché, Bazougessous-Hédé... autant de noms et de territoires que de projets qui expérimentent une diversité formidable de formes, de contenus, où toutes les générations se mêlent. Les exemples sont donc nombreux et tendent à montrer que l’éducation à l’image n’est pas tant un outil qu’il faudrait inculquer ou apprivoiser qu’une manière de créer du lien humain, du sens, et de développer des regards. En 2011 était sélectionné à Mellionnec le film de Nathalie Joyeux, Parures pour dames. Le film suit l’évolution d’un atelier de stylisme mené par la créatrice Sakina M’sa avec des femmes sans emploi de quartiers urbains. Les productions de ces femmes doivent donner lieu à une exposition et un défilé au Petit Palais à Paris, en écho aux peintures qui y sont exposées, et sous forme d’invitation à se « rebeller contre le convenu ». Le film accompagne avec sensibilité les liens qui se tissent 70 © Les Films d'ici 2 3 © Les Films d'ici S' exprimer, se révéler : les publics 4 UFFEJ Bretagne, coordination régionale de Passeurs d’images ■ 5 © Les Films d'ici entre ces femmes de toutes cultures, qui apprennent à se connaître, trouvent aussi une valorisation et un regard de soi dans ce travail original de couture / recyclage / re-création. Parmi elles, une femme prend l’atelier au pied de la lettre et, effectivement, se rebelle : elle dénonce en substance l’instrumentalisation de leur statut (femmes de banlieue sans emploi) au service d’un projet dont elles ressortiront, de son point de vue, inchangées : femmes de banlieue sans emploi. Cette femme, prénommée Adriana, questionne au cœur les mécanismes des actions socioculturelles. Comment s’y croisent les attentes, les objectifs si différents des uns et des autres, entre participants, artistes, associations, collectivités, institutions ? L’atelier de stylisme n’a certes pas redonné de travail à ces femmes. Quoi d’autre alors ? Une plus-value sociale au travail d’une artiste ? Une raison d’exister pour telle structure de quartier, telle association ? Une étape de plus vers la démocratisation culturelle, le lien social, l’aménagement du territoire ? Derrière ces mots il y a pourtant bel et bien des rencontres, où les chocs des images et des regards produisent des avancées, même minimes, au-delà des étiquettes et des regards prisonniers de conventions sociales ou culturelles... C’est une histoire à plusieurs voix qui se raconte là, au milieu de laquelle les interpellations et révoltes d’Adriana sonnent comme un appel à la vigilance, une invitation à la recherche constante de l’articulation entre territoires, personnes et contenus. Laurence DABOSVILLE © Les Films d'ici 1 · Affiche des Passeurs d'images et de sons dans le Pays de Questembert 2 · Le réalisateur Denis Gheerbrant 3 à 6 · Parures pour dames de Nathalie Joyeux 71 6 projections actions cinéma / audiovisuel Dossier / exploration MÊLER CINÉMA ET DÉCOUVERTE DES CULTURES Entretien avec Shashi À Poitiers, la MJC Aliénor d’Aquitaine, en collaboration avec des associations du quartier, propose aux habitants des Couronneries de participer à l’organisation d’une soirée sur le thème d’un pays, autour d’un film et d’un repas. Ce projet nommé « Ciné Métis » est né de l’initiative d’habitants et compte une trentaine de bénévoles. Ce sont eux qui programment le film, grâce aux visionnements proposés par le médiateur cinéma de la MJC et aident à la préparation du repas. Il y a une dizaine d’année, Shashi a participé à la programmation d’une séance de cinéma sur l’Inde, puis a rejoint le groupe Ciné Métis. Rencontre avec un bénévole assidu et de plus en plus cinéphile. Depuis que tu participes à Ciné Métis, as-tu l’impression que la façon dont tu regardes les films a évolué ? Oui, absolument. Je n’étais pas très sensible aux films lents, contemplatifs et je suis d’ailleurs toujours allergique à des films trop intellectuels. J’ai vu un seul film de Godard, Le Mépris, et je ne connais pas les autres car je suis incapable de l’apprécier. Par contre, participer aux visionnages m’a donné l’occasion de voir des films intéressants de divers pays. Par exemple, nous avons vu le film iranien Au travers des oliviers de Abbas Kiarostami, un film différent, qui nécessite une vraie réflexion. Au premier regard, c’était un film ennuyeux, mais une fois que j’ai compris ce que voulait dire le metteur en scène, j’y ai pris goût. Je dois rendre hommage à Colin, médiateur à la MJC, pour les films qu’il nous proposait. Grâce à lui, on était invité à voir non seulement des films d’auteur faciles à comprendre, linéaires, mais aussi des films d’approche difficile que l’on a commencé à apprécier petit à petit. Qu’est-ce qui t’a poussé à participer à Ciné Métis ? Shashi - Je suis de Puné 1 en Inde où il y a une école de cinéma très connue. J’allais assez souvent voir des films dans un ciné-club, essentiellement ceux que l’on voit dans des festivals. Lorsque j’apprenais le français, je faisais partie d’une association des élèves et des professeurs, grâce à laquelle j’ai eu l’occasion de voir des films français, notamment de la Nouvelle Vague. J’ai toujours aimé le cinéma et participer à Ciné Métis était une occasion de poursuivre ma passion. Depuis combien de temps participes-tu à Ciné Métis ? J’y suis depuis le début et je suis très content de dire que le film Devdas de Sanjay Leela Bhansali avait été programmé lors de la première séance. J’avais contacté Christine Payen à la MJC pour lui demander si on pouvait projeter un film indien, et ça tombait bien, car le thème choisi était Bollywood. Fais-tu plus attention à l’aspect artistique et technique des films (rythme du film, bande son, musique, montage…) maintenant ? Le montage, non, car c’est quelque chose de trop technique que je n’arrive pas à apprécier. La musique, oui car j’y suis très sensible et j’ai parfois envie de connaître le sens des chants, comme dans Abouna (de Mahamat Saleh Haroun) lorsque la mère et le fils chantent ensemble ou dans Un homme qui crie (du même réalisateur), lorsque la jeune fille chante. 1 Anciennement « Poona », ville qui se trouve à environ 200 km au sud-ouest de « Mumbaï » (anciennement « Bombay ») actions cinéma / audiovisuel projections 72 © D. R. S' exprimer, se révéler : les publics 1 2 1 · Shashi et Mahamat Saleh Haroun 2 · Devdas de Sanjay Leela Bhansali J’essaie aussi de repérer les jalons que le réalisateur intègre à sa mise en scène pour la compréhension du film, ce qui n’est pas toujours facile lorsqu’on voit un film sous-titré pour la première fois. Alors je le regarde une seconde fois, pour les chercher. Je fais attention à ce que le metteur en scène a voulu nous faire comprendre par des symboles ou par des techniques comme les gros plans, les travellings, dans la mesure de mes connaissances. leur avis personnel. Cela m’a toujours intéressé et parfois certains apportent des précisions auxquelles on n’avait pas pensé. Par exemple, dans le film chinois Beijing Bicycle de Wang Xiaoshuai, des personnages assis sur le seuil d’une maison ne réagissent pas à la vue d’une poursuite violente. Une étudiante chinoise nous a expliqué que les gens pensent encore à la période où l’on ne pouvait rien dire, donc l’explication était sociologique et politique, mais nous n’y avions pas pensé, on se demandait pourquoi ces personnes étaient impassibles, si elles n’avaient pas de sentiments. Dans Ciné Métis, il y a la découverte de films, mais aussi la découverte d’autres cultures par le biais du cinéma. As-tu l’impression que cela ait changé ton regard sur des cultures que tu ne connaissais pas ? Ce serait une question à poser à un « Français de souche ». Parce que je suis sensible à toutes les cultures et davantage à des films qui viennent du tiers-monde et de l’Afrique. Je suppose que si on doit vivre ensemble, il faut se faire connaître, et la meilleure façon de se faire connaître et faire connaître son pays c’est par la culture. C’est très important, cet aspect de notre Ciné-Métis. Pour clore l’entretien, pourrais-tu citer un ou deux films qui t’ont particulièrement marqué ? J’aime les films qui m’accompagnent une fois que j’ai quitté la salle, comme le film iranien À propos d’Elly (de Asghar Farhadi) et le film vietnamien L’odeur de la papaye verte (de Tran Anh Hung). A contrario, deux des films libanais que nous avons vus, Une chanson dans la tête (de Hany Tamba) et Falafel (de Michel Kammoun) sont des films que j’ai complètement oubliés. Comment réagis-tu aux réactions des spectateurs face à un film programmé ? Lors du débat, nous n’essayons pas de faire un cours magistral sur le film. Un soir, nous avions invité un intervenant, mais c’était trop académique, universitaire. Je pense qu’il est préférable que les personnes présentes discutent entre elles et donnent Entretien réalisé par Colin PÉGUILLAN et Alice CHAPUT MJC Aliénor d’Aquitaine, coordination Passeurs d’images en Poitou-Charentes ■ Merci à Shashi pour son témoignage 73 projections actions cinéma / audiovisuel Dossier / exploration PASSEUR D’EXPÉRIENCES Entretien avec Nicolas Wagner P artenaire des Rencontres Passeurs d’images, le WIP Villette est un lieu dédié au dialogue entre art et société, plaçant les publics et les cultures populaires au cœur du projet. Entretien avec Nicolas Wagner, responsable de la médiation culturelle de la structure. On lit sur le site du WIP que « les publics sont au cœur de la politique culturelle du Parc de la Villette ». Qu’est-ce que cela signifie d’après vous ? Nicolas Wagner - La Villette s’est engagée dès sa création à faire venir les publics n’étant pas informés de nos activités et n’étant pas familiers avec les pratiques que nous développons. Les études montrent que les personnes accueillies par les structures du champ social ne se sentent pas légitimes pour fréquenter les grandes institutions culturelles car elles se trouvent en situation d’exclusion ou de vulnérabilité sociale et économique. En 2002, le Service de la médiation culturelle a donc été créé, avec des équipes travaillant en relation directe avec ces relais de publics, mais aussi avec les scolaires qui sont les publics de demain. Cet axe est un engagement très clair de l’établissement. Avant, la logique était celle du « premier arrivé premier servi ». Les personnes issues du champ social n’avaient, pour ainsi dire, pas accès aux spectacles les plus populaires puisque ces derniers étaient pris d’assaut par ceux ayant l’information et les moyens de s’acheter les places. Ils ne découvraient donc « que » les spectacles marchant moins bien, ceux fédérant moins de monde, pour lesquels il fallait se démener pour remplir la salle… Ce système posait bien sûr problème et on a décidé de favoriser l’accès aux spectacles pour tous. actions cinéma / audiovisuel projections De quelle manière ? Nous avons mis en place une politique tarifaire spécifique, avec des places entre 6 € et 8 € par personne. On a aussi réservé un certain nombre de places dans les salles pour ces publics, y compris pour les spectacles à forte notoriété (Cirque Plume, Philippe Decouflé, Sidi Larbi Cherkaoui,…). Enfin on prend mieux en compte le temps de préparation pour une sortie en groupe, qui n’est pas du tout le même que pour une sortie individuelle. Le Service de médiation culturelle met en place des dispositifs d’accompagnement pour sensibiliser à la programmation de la Villette. On organise des formations gratuites, des ateliers de pratique au cours desquels les groupes réalisent des créations en amont du spectacle qu’ils vont voir, des rencontres avec les artistes. Nous nous déplaçons aussi dans les structures pour y expliquer notre démarche. Des moyens humains sont mis en œuvre. Pour ma part je m’occupe des structures du champ social et du public en situation de handicap. Je passe le tiers de mon temps sur le terrain avec des associations pour échanger sur nos pratiques. Je sais ainsi très rapidement avec qui La Villette peut s’associer, quels groupes faire venir. Une connaissance très fine du réseau associatif est indispensable. Parfois un projet peut tomber à l’eau simplement parce que les horaires n’étaient pas adaptés aux spécificités des structures invitées. 74 © William Beaucardet S' exprimer, se révéler : les publics 1 Quelle est la spécificité du WIP en termes de médiation culturelle ? Le WIP place la médiation culturelle au cœur de son projet. Il est demandé aux artistes invités en résidence d’associer, dès la conception de leur projet, les publics du champ social. Une ou deux associations développent ainsi un véritable projet artistique avec les artistes, et leur travail est valorisé à l’issue du stage lors d’une présentation publique sur la scène du WIP. On propose également des parcours qui permettent de croiser plusieurs disciplines - le cirque, le slam, la vidéo, le hip hop… Un tel projet s’inscrit en général dans la durée, de quelques semaines selon la disponibilité des associations, à une année scolaire, quand il s’agit d’un public « captif ». © William Beaucardet 1 · Spectacle au WIP Villette 2 · WIP Villette 2 Notre objectif n’est pas de créer des artistes en herbe… C’est un projet avant tout collectif qui laisse une très large part à la convivialité, très loin de « l’art pour l’art ». On veut absolument éviter d’intimider les publics. Le WIP est un espace propice à cela : ni trop grand ni trop petit, il permet une proximité entre l’artiste et le public impossible à obtenir ailleurs. Les expériences qui s’y développent donnent la parole à chacun. Le terme « médiation culturelle » est souvent critiqué, pour son côté flou voire légitimiste. Comment vous y prendriez-vous pour le défendre ? Effectivement le choix de ce terme a été très discuté en interne quand il fallait nommer le Service. Au fond tout le monde fait de la médiation culturelle, du lien entre un lieu et des publics ! Je n’ai pas d’avis tranché là-dessus. Je me définis d’abord comme un passeur, quelqu’un faisant le lien entre le public et la programmation, un facilitateur en somme. Qu’est-ce qui vous anime dans le développement d’actions de médiation ? Le plus stimulant est l’échange qui s’instaure entre les artistes d’une part et les publics d’autre part. Ce ne sont pas juste les publics qui « apprennent » auprès des artistes. Ces derniers se nourrissent aussi de l’échange qui se crée. Leurs retours sont toujours très positifs quant à l’élan créatif engendré par ces rencontres. On lit aussi que le WIP favorise les « initiatives de démocratie culturelle ». Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet ? Thomas STOLL KYRNÉA / Passeurs d'images ■ Entretien réalisé par 75 projections actions cinéma / audiovisuel Dossier / exploration PARCOURS FESTIVALIER… ET SOCIAL P ARCOURS DE CINÉMA en festivals propose aux personnes éloignées de certaines pratiques culturelles un déplacement sur un festival de cinéma, pour des rencontres avec des professionnels et des projections de films. Après avoir suivi une initiation aux techniques d’interview, le groupe interroge sur sa pratique une personnalité du festival, par exemple un(e) réalisateur(trice) dont le film a été programmé. Cette rencontre est filmée et la vidéo produite est diffusée sur le site des partenaires. Démarrée en 2011, cette action hors temps scolaire, construite par trois partenaires au minimum (le festival, une ou plusieurs structures sociales et un relais Passeurs d’images) permet d’imaginer avec les participants des parcours sur mesure qui correspondent à chacun des groupes, en fonction du contexte. Le public touché, résidant principalement dans les quartiers politique de la ville, rencontre au quotidien des difficultés d’ordre social ou géographique. Ces personnes sont accompagnées par les MJC, les Maisons Pour Tous, les Sauvegardes de l’Enfance, les Centres d’Initiation au Travail et aux Loisirs, les Ateliers de Savoirs Sociolinguistiques, les associations d’Appartements de Coordination Thérapeutique, etc. La dimension « déplacement du groupe sur un festival » est primordiale, car cette ouverture sur un événement prestigieux oblige les participants autant que les structures sociales à une certaine dynamique. En fonction de la situation locale, certains groupes parcourent de plus ou moins longues distances (de Quimper à Brest pour le Festival Européen du Film Court, ou d’Angers à la Rochelle pour le Festival International du Film), d’autres de très courtes (de quartier à quartier, à Créteil, pour le Festival International de Films de Femmes) mais le déplacement n’en est pas moins épique. À pied ou en fauteuil roulant, par bus, train ou même voiture particulière, tous les moyens de locomotion sont mis à contribution pour arriver à bon port. Le voyage en lui-même est déjà un effort de socialisation. Un PARCOURS a ainsi été actions cinéma / audiovisuel projections imaginé avec une visite de la côte dieppoise et une balade en bateau en parallèle du festival L’Ouvre-Boite. Une solidarité se crée parmi les membres ; une femme est partie plus tôt de chez elle pour passer chercher une autre participante, moins matinale, afin d’assurer à tout le groupe un départ à l’heure du centre social. Sortir de son environnement géographique (rural ou urbain), de son univers mental ou familial, rencontrer sur le chemin et au festival d’autres personnes, d’autres horizons, d’autres façons de penser, permet une ouverture qui, à terme, favorise une meilleure insertion sociale. Le positionnement individuel et l’acceptation de l’autre débutent au sein même du groupe, dans lequel générations, genres et classes sociales se mélangent. Les participants sont âgés de 7 à 71 ans. Pour la plupart des groupes, la fourchette n’est pas si étendue, mais il y a des festivals où des enfants ont côtoyé des personnes plus mûres, et ils ont réussi ensemble à modérer les méfiances réciproques ressenties au premier abord afin de mener à terme ce projet commun. Lors du PARCOURS, où toutes les étapes doivent être suivies (voir des films, rencontrer des professionnels, mener une interview), il est demandé à chacun une participation active, suivant ses possibilités. Le degré de participation peut alors prendre différentes formes, le minimum étant une présence (chaleureuse si possible) : en prime peuvent surgir une écoute attentive aux autres, une traduction spontanée, la prise en charge de la gestion du temps ou des déplacements, de la caméra 76 © Léa Colin - 2012 © Carolyn Laplanche - 2012 S' exprimer, se révéler : les publics 1 2 1 · Festival Image par Image, à Sarcelles 2 · Panorama des cinémas du Maghreb, avec le réalisateur Mourad Ben Cheikh dans l’avenir. Ainsi lors du PARCOURS sur le festival Filmer la Musique à Paris, un jeune a trouvé l’audace qui lui manquait jusqu’ici pour demander au directeur artistique un stage lors de la prochaine édition. Ailleurs, des jeunes venus filmer le déroulement d’un PARCOURS ont préféré tourner des images des participants plutôt que la personnalité interviewée, visiblement inspirés par les tenues vestimentaires du groupe. Aucune parole n’a été échangée, seules des images subsistent de cet engouement. Des plans de coupe ont permis de sauver heureusement la vidéo finale. Les jeunes participants au PARCOURS ont ensuite été interviewés pour Festimage, la télévision du festival de Créteil, une expérience valorisante. Si une interaction se met en place entre les individus, une rencontre avec soi-même se met aussi parfois en œuvre. Par exemple, pour des personnes atteintes de maladies chroniques, le rapport au corps et à la représentation physique peut être appréhendé négativement. Des personnes n’ont pas souhaité être filmées en raison de la gêne ressentie face à leur visage gonflé à cause des médicaments. Une autre, ex-miss régionale, a confié ne plus reconnaître son corps, et elle a réfléchi à comment se placer avantageusement face à la caméra. Sur le PARCOURS au festival Ciné Junior du Val-de-Marne, ce sont les familles de personnes présentant des handicaps mentaux qui ont participé à une réflexion commune sur la meilleure façon de mettre en valeur la participation de leurs proches à ce dispositif. Au festival Cinéma du Réel, ou du micro, la mise en scène des autres personnes pour l’interview, la volonté de participer au montage… Une responsabilisation et une valorisation des compétences individuelles s’opèrent au sein du groupe. Tout le monde écoute soudain les conseils d’une personne âgée qui, bien que timide, apporte des propositions pour le choix du lieu de l’interview. Un groupe d’enfants scolarisés et maîtrisant l’écriture prend en note les questions des adultes qui deviennent à cet instant leurs obligés, reconnaissant leur savoir dans ce domaine. Un homme seul au milieu d’un groupe de femmes, bien qu’il précise que « le monde est à l’envers », les écoute parler. Pour sauvegarder les apparences, il approuve les questions qui seront posées ou pas suivant le vent qu’il sent tourner parmi les participantes, qui engagent par ailleurs des discussions à ce propos. Les repères habituellement en place dans le quotidien des participants sont bousculés. Dans cette dynamique de groupe, ils prennent conscience de leur altérité mais aussi de leur valeur, de leur potentiel intellectuel. Mener une réflexion commune lors de la préparation de l’interview et être écoutés à la fois par le groupe et des personnalités reconnues du milieu cinématographique, leur permet de reprendre confiance en eux. Par ailleurs, le fait de côtoyer des professionnels dans l’exercice de leur métier, d’assister à des projections de films ou que leur curiosité soit sollicitée permet également aux participants de se projeter 77 projections actions cinéma / audiovisuel © Jeanne Thimonier - 2011 Dossier / exploration 3 actions cinéma / audiovisuel projections 78 © Rajesh Khatiwada - 2012 S' exprimer, se révéler : les publics 4 3 · Festival international du film de la Rochelle 4 · Festival International de Films de Femmes, à Créteil un réfugié politique qui ne voulait pas risquer d’être reconnu à l’image s’est placé près de la caméra afin de tout de même poser les questions qui lui tenaient à cœur. Des interrogations sont soulevées en groupe et des réponses sont adoptées individuellement. Travailler sur l’éducation à l’image avec ces personnes à travers des pratiques cinématographiques permet d’ouvrir le champ de la réflexion sur des thèmes tels que l’apparence extérieure, l’identité, la migration… et permet d’envisager pour le futur des ateliers de réflexion sur les traces d’un traumatisme vécu ou sur l’image de soi. La représentation d’ellesmêmes qu’ont ces personnes, mais aussi celle que se fait d’elles la société justifie ce genre d’actions, tant il est primordial que chacun à l’intérieur d’un groupe trouve sa place, soit représenté et se sente en phase avec son image. Le fait de réaliser une vidéo permet, qu’à leur tour, les participants puissent aussi être force de proposition pour des projections auprès d’autres publics, dans d’autres cadres. En effet, le point d’orgue d’un PARCOURS est la mise en ligne d’une vidéo, prolongement d’un moment intense vécu en commun mais délimité dans le temps. Certains PARCOURS vont bien au-delà : une vidéo a été projetée en séance de clôture du festival Image par Image dans le Val d’Oise par exemple. D’autres PARCOURS ne sont pas menés jusqu’au bout ; cependant même dans ce cas où la vidéo n’est pas réalisée, ils enrichissent individuellement les personnes et contribuent à la cohésion sociale. Depuis le démarrage du dispositif, 35 PARCOURS ont déjà été construits, impliquant 274 participants actifs, et 24 festivals différents sur le territoire national. Des sensibilisations ont été menées avec 3 autres festivals. Les liens tissés entre les personnes se prolongent lors d’autres activités ; par exemple en atelier sociolinguistique un compte-rendu sous forme de lettre a été imaginé. Des personnes logées ensemble en hébergement thérapeutique se sont déplacées sans accompagnateur dans un Centre Emmaüs pour des projections. Des réalisatrices ont répondu par mail à des participants sur de nouvelles questions soulevées après le festival. Suite à cette activité menée à l’extérieur de leurs locaux, ces structures sociales nouent d’autres relations avec leurs publics. En outre, les associations qui se sont connues par ce biais peuvent envisager aussi des partenariats, initier des actions conjointes ou mutualiser leurs moyens. Des vœux sont prononcés, par exemple la réalisation d’un film documentaire sur tout le processus des PARCOURS DE CINEMA en festivals, mis en œuvre par d’anciens participants. Pour l’instant, ce désir reste un projet, mais cela démontre qu’un PARCOURS peut inciter des personnes fragilisées à prendre la parole et envisager l’avenir, non seulement de façon individuelle, mais aussi dans une action en commun. Michèle BOURGADE ■ KYRNÉA / Passeurs d'images 79 projections actions cinéma / audiovisuel 10e Rencontres Passeurs d'images Archipel © Misteur Mad actions cinéma / audiovisuel projections 80 14 & 15 décembre 2012 Les enjeux de l' éducation à l' image n t o r es Pa c n e R sse 10 urs e En 20 ans, le contexte de transmission et de réception des images s’est transformé, les cultures et usages numériques obligent à repenser les actions. Le rapport aux images et le cinéma ont évolué. Les acteurs de l’éducation à l’image, scolaires et hors temps solaires, sont nombreux, compétents et efficaces. Quelles sont leurs places dans les politiques publiques et dans ce formidable élan de créativité artistique qui se développe ? Alors que le numérique bouleverse bien des pratiques et des manières de voir, l’éducation à l’image est à un tournant historique dont elle doit savoir saisir les enjeux, entre défense de ses valeurs et nécessaire adaptation et redéfinition. Ces Rencontres débutent le vendredi 14 décembre avec des tables rondes baptisées " les Enjeux de l'éducation à l'image ". Elles ont pour objectif de réfléchir collectivement autour de quatre thèmes aux nouveaux enjeux politiques, artistiques, pédagogiques, sociaux, de l’éducation au cinéma, à l’image, aux images : MÉDIATION ET LÉGITIMITÉ, TRANSMISSION ET ÉMANCIPATION, RAPPORT AUX IMAGES et TERRITOIRES ÉMERGENTS ET CULTURES NUMÉRIQUES. Ces Rencontres se prolongent le samedi 15 décembre avec la " Journée des jeunes " consacrée à une sélection de films d'ateliers et de courts métrages professionnels. 81 projections actions cinéma / audiovisuel a g es m d'i MME O R P GRA 10e Rencontres Passeurs d'images À QUOI SERT L'ÉDUCATION À L'IMAGE ? Bien faire pour l’inconnu « L’éducation à l’image est une approche qui est à l’opposé de la pratique audiovisuelle des jeunes. Elle est complémentaire et participe à la construction individuelle de l’ado. La réalisation est fondée sur des contraintes techniques qui encadrent et stimulent l’imagination. La pratique des ados s’en affranchit. C’est ensuite un travail collectif, qui prend en compte la diversité des personnes et tend à développer l’expression de chacun. Les images de téléphone portable tournées au quotidien ne sortent guère de l’environnement social du jeune. L’éducation à l’image permet d’expérimenter la construction d’une histoire faite pour les autres. Le film devient un cadeau que nous construisons ensemble pour le spectateur. Il implique un engagement personnel et l’envie de bien faire pour l’inconnu. L’éducation à l’image implique d’adopter un positionnement citoyen et surtout d’en tirer du plaisir. » histoires, tu es touché, ému, étonné et plein d’autres choses encore. Raconter des histoires, en écouter, en inventer, se les partager, ça doit être un peu ça l’éducation à l’image.» Malik BENGHALI · Directeur du centre social Fosséen (Fos-sur-Mer, PACA) Citoyenneté et sens critique « Du Grain à Démoudre permet aux jeunes de 12 à 25 ans de réfléchir sur les sons et les images, de mettre en place un festival de cinéma de qualité, d’être impliqués et actifs dans une association loi 1901 dans une démarche citoyenne. Proposer dès le plus jeune âge des œuvres cinématographiques dans leur diversité (courts et longs métrages d’origines culturelles et géographiques diverses, documentaires, films d’animation, expérimentaux, films du patrimoine) accompagnées de discussions, de rencontres, est une véritable ouverture sur le monde. La mise en place « d’ateliers d’éducation à l’image » adaptés selon les âges (ludiques et attractifs, les jeunes réalisent eux aussi des films au sein de l’association, encadrés par des professionnels de l’image) permet aux jeunes de développer leur capacité d’analyse, d’aiguiser leur sens critique, et plus largement d’enrichir leur culture générale. » Florent LABRE · Directeur de Label Vie d’Ange et intervenant (Thônes, Rhône-Alpes) Inventer « Quand tu embarques sur un bateau à 6 h du matin, que tu suis Rita, cuisinière, à la criée de Martigues, que tu vois le boulanger pétrir sa pâte, le tout par le bout de l’objectif de la caméra ou de ton appareil photo, et bien tu commences à raconter des histoires. Et ces histoires, tu les racontes à des gens et tu en tires du plaisir, de la satisfaction. Et quand tu vas en écouter au cinéma des William TASSE · Responsable coordination de l’association Du Grain à Démoudre (Gonfreville l’Orcher, Haute-Normandie) S’ENRICHIR EN RACONTANT DES HISTOIRES Propos recueillis par Thomas STOLL, avec l’aide de Cécilia GIRARD actions cinéma / audiovisuel projections 82 Invitation au voyage « Fermez les yeux et laissez surgir une image du film qui vous reste en mémoire » est notre invitation à voyager au pays des images et du son à partir d’un film court. Il s’agit de prendre le temps de poser son regard, de laisser vivre ses émotions, de les identifier puis de les mettre en mots. Garder la spontanéité des premières paroles données pour aller, grâce à un second visionnement, à la rencontre des regards des auteurs et les faire dialoguer, résonner. Accompagner pour aller au-delà des œuvres largement diffusées et accroître ainsi la curiosité pour un ailleurs : ailleurs géographique, ailleurs culturel, ailleurs artistique. En se confrontant aux regards des créateurs d’images, affûter le sien, affiner son sens artistique, son sens critique. Constituer sa propre culture en multipliant les rencontres d’œuvres très différentes dans la forme, le genre, comme dans les sujets abordés.» cipants et intervenants artistiques que les idées et les rêves naissent, puis évoluent, se tordent, s’unissent et/ou se confrontent. Un moment où la personnalité du participant, loin du consumérisme quotidien, transparaît par la construction d’un imaginaire.» David VERLET · Metteur en scène et intervenant (Lorraine) Parents, encore un effort… « - Papa ? - Oui… - On va être en retard au ciné ! Tu fais quoi ? - J’essaie de répondre à un mail pour mon travail… On me pose une question difficile et… - C’est quoi la question ? - "À quoi sert l'éducation à l'image ?" - Et puis ? - Et puis je n’y arrive pas. - Bah c’est fastoche, éduquer c’est apprendre… pis l’image, bah t’es pas neuneu non plus ! Tu vois bien ce que c’est ? - Euh… d’abord ma fille, éduquer ça ne veut pas dire uniquement « apprendre » ! Ça veut dire guider ! - Ah ouais, tu te prends pour un guide ! Ein Führer ! - Je savais que c’était pas une bonne idée que tu fasses allemand première langue ! Bah non justement ! Éduquer ça veut dire « Conduire hors » madame l’impertinente. - Hors de quoi ? - Bah justement, c’est bien là le problème ! » La Petite École du Film Court de l’association AYE AYE V.O : ateliers de sensibilisation et de programmation et Festival Jeune Public (Nancy, Lorraine) Images rêvées « Par essence, l’éducation à l’image sert à guider l’individu hors de son rapport ordinaire à l’image. Dans nos sociétés, le flot matériel et immatériel des images uniformisées préfabrique le rêve et formalise la pensée, tarissant ainsi le processus imaginatif de l’individu. C’est lors de ces moments d’échanges entre parti- Jean-Marie CHÂTELIER · Réalisateur, intervenant « En se confrontant aux regards des créateurs d'images, affûter le sien, affiner son sens artistique, son sens critique. » 83 projections actions cinéma / audiovisuel VE ND RE DI 14 .12 .20 12 10e Rencontres Passeurs d'images • 9 h 30 · 11 h • 14.12.2012 MÉDIATION ET LÉGITIMITÉ TABLE RONDE 1 Table ronde animée par Denis DARROY, Directeur du Pôle Image Haute-Normandie L’éducation à l’image doit-elle repenser ses actions et sa légitimité alors que les pratiques culturelles se transforment à l’ère numérique ? Où se situe alors la médiation entre l’œuvre et les publics ? GRANDS TÉMOINS William BENEDETTO, Directeur de l’Alhambra Cinémarseille – Pôle Régional d’Éducation au Cinéma La légitimité culturelle prétend désigner ce qui a de la valeur et ce qui n’en a pas. Faut-il privilégier l’idée selon laquelle ce n’est pas tant l’objet en soi qui a de la valeur que les réceptions qui en sont faites par les publics ? À l’ère du numérique et de la « culture de masse », les instances de légitimation se sont multipliées. Les institutions ont-elles encore une légitimité reconnue pour impulser des politiques ? Comment se définit la « labellisation » des contenus et des œuvres ? L’enjeu à présent n’est-il pas plutôt la diversité des goûts qu’il faut revendiquer, l’aptitude à concilier culture savante et culture populaire ? Critiquer la notion de « légitimité culturelle » n’oblige-t-il pas à repenser celle de « médiation » dans la mesure où elle fait le lien entre les contenus et les publics ? Pourquoi la frontière entre producteur et récepteur est-elle définitivement brouillée à l’ère numérique ? Pourquoi les réappropriations, les remix, les détournements et les pratiques collaboratives ont-ils transformé la manière de penser la médiation ? Annie CHEVREFILS-DESBIOLLES, Inspectrice au Ministère de la culture et de la communication Jean-Louis FABIANI, Sociologue et Directeur d’études à l’EHESS Frédéric HOCQUARD, Directeur d’Arcadi, Action régionale pour la création artistique et la diffusion en Île-de-France Marianne TOMI, Chargée d’études au bureau de la formation à la Direction générale de l’enseignement scolaire du Ministère de l’éducation nationale En présence des étudiants du Master Didactiques de l'image de l'Université Paris 3 - Sorbonne Nouvelle PROJECTIONS L’ŒIL ACIDULÉ de Yro Yto Images de la performance audiovisuelle en forme de cinéma d’objet / 2012 / France RÉSEAU DE NEURONES & COMMISSION DU CNC, issus du projet Underline / Borderline de Hervé Bezet 4' et 6' / Vidéos documentaires d’installations / Couleur / Stéréo / 2008 / France actions cinéma / audiovisuel projections 84 14.12.2012 Les enjeux de l' éducation à l' image • 11 h 15 · 12 h 45 • TRANSMISSION ET ÉMANCIPATION TABLE RONDE 2 Table ronde animée par Marc LE GLATIN, Directeur du Théâtre de Chelles, auteur de Internet : un séisme dans la culture ? Derrière les consensus apparents quant à la nécessité des « actions culturelles » se perçoivent des pratiques et des conceptions de l’éducation à l’image contradictoires. Quelles sont-elles ? GRANDS TÉMOINS Quelle articulation entre éducation populaire et éducation artistique, entre démocratisation culturelle et démocratie culturelle ? L’éducation à l’image serait-elle là pour combler, s’il existe, un « déficit culturel » de certains publics ? Y auraitil des cultures plus « nobles » que d’autres ? La démocratisation culturelle renforcerait-elle (involontairement) les discriminations, en construisant des hiérarchies, en excluant des goûts et des pratiques ? Dans ce contexte, quelle place accorder à la démocratie culturelle qui dénonce la supériorité d’une forme de culture sur une autre ? Quels en seraient les écueils là aussi ? Se pose alors la question des images à transmettre, entre la constitution de corpus d’œuvres et le flot d’images qui nous entoure. Quels médias analyser ? Quelles images participeraient à la formation des individus ? Y aurait-il des images « référentes » à transmettre ? Eugène ANDRÉANSZKY, Délégué général des Enfants de cinéma, coordination nationale de École et cinéma Perrine BOUTIN, Maître de conférences à l’Université Paris 3 Sorbonne-Nouvelle Christian MAUREL, Sociologue, cofondateur du collectif national Éducation populaire et transformation sociale Olivier MENEUX, Directeur de Ciclic - Agence régionale du Centre pour le livre, l’image et la culture numérique Olivier SÉROR, Auteur, réalisateur En présence des étudiants du Master Didactiques de l'image de l'Université Paris 3 - Sorbonne Nouvelle PROJECTION PANEXLAB de Olivier Séror 32’ (extrait - performance live) / Expérimental / Téléphone portable / Couleur / Stéréo / 2011 / France 85 projections actions cinéma / audiovisuel VE ND RE DI 14 .12 .20 12 10e Rencontres Passeurs d'images • 14 h · 15 h 30 • 14.12.2012 14.12.2012 RAPPORT AUX IMAGES TABLE RONDE 3 Table ronde animée par Carole DESBARATS, Directrice de la communication de l’École normale supérieure Comment travailler et repenser le rapport aux images à l’ère numérique ? Comment expliquer la « peur » que suscitent les images ? Quel en est l’impact sur les actions d’éducation à l’image ? GRANDS TÉMOINS Platon déjà dénonçait le pouvoir délétère des images qui sépareraient l’individu du réel. De la figure du philosophe aux actions culturelles, il s’agirait de guider les spectateurs pour les mener vers la connaissance, au-delà des images. D’où vient cette « peur des images », cette conception de l’image comme règne de la manipulation des esprits et des « masses » ? Bouc émissaires récurrents, les images sont-elles une cause ou un symptôme de certaines dérives de notre société ? Ne faut-il pas au contraire déconstruire le cliché de l’individu aliéné par un excès d’images ? Pour quelles raisons ? Hervé BEZET, Artiste plasticien, vidéaste Jean-Gabriel PÉRIOT, Vidéaste expérimental, scénariste, monteur Caroline SÉVIN, Directrice de l’ACAP - Pôle Image Picardie Emmanuel SIETY, Maître de conférences en études cinématographiques et audiovisuelles à l’Université Paris 3 Sorbonne-Nouvelle Dans ce cadre, quel rôle l’éducation à l’image peut-elle investir ? En quoi la réception des publics est-elle un enjeu central ? À l’ère du numérique, l’image n’aurait-elle pas acquis un nouveau statut ? Partagée, commentée, détournée, l’image développet-elle de nouvelles formes de sociabilités ? En présence des étudiants du Master Didactiques de l'image de l'Université Paris 3 - Sorbonne Nouvelle PROJECTION ÊUT-ELLE ÉTÉ CRIMINELLE... de Jean-Gabriel Périot 9’30 / Expérimental / 2006 / France actions cinéma / audiovisuel projections 86 14.12.2012 TERRITOIRES ÉMERGENTS ET CULTURES NUMÉRIQUES Les enjeux de l' éducation à l' image • 15 h 45 · 17 h 15 • TABLE RONDE 4 Table ronde animée par Emmanuel VERGÈS, Directeur de L’Office, Agence coopérative d’ingénierie culturelle Alors que de nouveaux usages ont émergé, quelles sont les nouvelles manières de raconter des histoires (webdoc, machinima, jeux vidéo) ? Comment intégrer ces évolutions fondamentales dans des processus pédagogiques ? GRANDS TÉMOINS En quoi les cultures numériques induisent-elles de nouvelles formes de sociabilités ? Comment réinterpréter les notions de transmission, médiation et légitimité culturelles alors que les usages numériques sont notamment constitués d’échanges, de partages et de ré-appropriations ? Laurence ALLARD, Maîtresse de conférences en Sciences de la Communication Cécile CROS, Co-fondatrice de Narrative, société de production dédiée aux nouveaux médias Quel en est l’impact sur les modalités de narration ? Qu’apportent les nouveaux formats (transmedia, serious games,…) en termes de créativité, de perception des images, de brouillage des frontières ? Nicolas HUGUENIN, Directeur de l’association Hors Cadre (Nord-Pas-de-Calais) Benjamin NUEL, Artiste vidéo Comment adapter les méthodologies et les pédagogies à l’émergence des cultures numériques et stimuler la dynamique de l’éducation aux images ? Compte tenu des bouleversements induits par les territoires émergents, y aurait-il des lieux « centraux » pour ces nouveaux usages ? Les acteurs de l’éducation à l’image doivent-ils changer leurs méthodologies ? Catherine ROSSI-BATÔT, Directrice du LUX - Scène nationale de Valence En présence des étudiants du Master Didactiques de l'image de l'Université Paris 3 - Sorbonne Nouvelle PROJECTIONS UN ÉTÉ À ALGER (extraits) d’Aurélie Charon et Caroline Gillet Webdocumentaire transmédia / 2012 / France HOTEL (extraits) de Benjamin Nuel Web-Série / 2012 / France 87 projections actions cinéma / audiovisuel VE ND RE DI 14 .12 .20 12 10e Rencontres Passeurs d'images FILMS PROJETÉS / TABLES RONDES 1 & 2 L’ŒIL ACIDULÉ de Yro Yto Images de la performance audiovisuelle en forme de cinéma d’objet / 2012 / France Dans le cadre de ses dispositifs d’aide à l’action artistique, Arcadi a soutenu durant un an une résidence de création au Centre de la Gabrielle - MFPass (Claye-Souilly) : ces établissements et services médico-sociaux disposent d’une unité d’accueil de jour, Couleurs et Création, dédiée à la pratique artistique de personnes en situation de handicap mental. Yro Yto a travaillé avec un groupe d’usagers autour d’un projet de performance audiovisuelle en favorisant avant tout la pratique humaine et expérientielle. Performance d’objets, certes, mais surtout magie, accessible et fascinante pour tous. PANEXLAB de Olivier Séror 32’ (extrait - performance live) / Expérimental / Téléphone portable / Couleur / Stéréo / 2011 / France Scénario, image, montage : Olivier Séror / Musique et effets sonores : Sébastien Noiré / Interprétation : Isabelle Catalan, Marianne Kennedy, Arthur Harari, Philip Kennedy, Olivier Séror / Production : Azar & Compagnie Panexlab se présente comme une compilation de sept " rêves " censés être enregistrés par une équipe de chercheurs en neurosciences grâce à une machine baptisée " Cérébroscope ". C‘est en vérité un objet hybride, à la croisée de l‘expérimental, de la fiction et de la performance, que le réalisateur modifie et altère en direct avec des techniques issues du VJing. Ces effets ne sont pas les mêmes à chaque projection. RÉSEAU DE NEURONES & COMMISSION DU CNC, issus du projet Underline / Borderline de Hervé Bezet 4' et 6' / Vidéos documentaires d’installations / Couleur / Stéréo / 2008 / France Dans Réseau de neurones, un « Hub », volume noir, vibre au centre de la pièce : source mystérieuse de toute technique, réplique du monolithe créateur de 2001 l’Odyssée de l’espace ? Le signifiant est informatique et artistique. Ce qui fait langage c’est leur articulation dans un discours, un murmure, qui fait voir ce que la technique ignore. Avec Commission du CNC, Hervé Bezet propose une installation foudroyante de violence institutionnelle. Personne n’est là, mais la disposition des objets suffit : épures d’ordinateurs portables, aucune image, mais des barres de progressions peintes sur ces surfaces repliables. Cristallisation de l’attente dans le silence glacé d’un espace réduit au blanc des chaises et de la table. Seule la toute puissance de la décision s’y concentre. actions cinéma / audiovisuel projections 88 Les enjeux de l' éducation à l' image FILMS PROJETÉS / TABLES RONDES 3 & 4 ÊUT-ELLE ÉTÉ CRIMINELLE... de Jean-Gabriel Périot 9’30 / Expérimental / 2006 / France Réalisation, montage, son : Jean-Gabriel Périot / Production : Envie de Tempête Productions France, été 1944. Les femmes accusées d'avoir entretenu des relations avec des soldats allemands durant la guerre sont publiquement châtiées. Par un travail de montage et de recadrage d’images d’archives, Jean-Gabriel Périot propose une relecture personnelle d’un événement historique à la violence inouïe. Déroulées au son de la Marseillaise, ces images impriment en nous tristesse et révolte. Essai précis et tendu comme un fil, ce film sans didactisme nous rappelle donc de façon radicale que la barbarie de la guerre n’est pas que le fait du vaincu. Affrontant l’histoire en face plus de soixante ans après les faits, Eût-elle été criminelle… sonne terriblement juste et se montre plus que nécessaire. L’agence du court métrage UN ÉTÉ À ALGER (extraits) d’Aurélie Charon et Caroline Gillet Webdocumentaire transmédia / 2012 / France Avec Lamine Ammar-Khodja, Hassen Ferhani, Yanis Koussim et Amina Zoubir / Production : Narrative et Une Chambre à Soi Productions (Alger) / www.un-ete-a-alger.com Réalisé à Alger pendant l’été 2012, Un été à Alger invite quatre jeunes réalisateurs algériens à porter un regard sur leur ville, le temps d’un été, celui des 50 ans de l’indépendance de leur pays. Durant six semaines, l’expérience est live, chacun raconte une histoire en six épisodes. Un été à Alger est aussi un documentaire 52’ diffusé sur TV5 Monde et une installation immersive et multi-écrans au Théâtre Liberté à Toulon. HOTEL (extraits) de Benjamin Nuel Web-Série / 2012 / France Réalisation, scénario : Benjamin Nuel / Directeur technique : Raphaël Kuntz / Production : Lardux Films, Les Films du Nord, CRRAV, avec la participation d’Arte France - Pôle web / www.hotel.arte.tv C’est la paix entre les Terroristes et les Policiers échappés d’un jeu vidéo, mis en retraite dans un étrange hôtel gardé par une poule. Pour la première fois inutiles, ils se battent contre l’ennui - ils jouent, bavardent, philosophent - alors que le monde autour d’eux s’effrite peu à peu, comme aspiré par une zone meurtrière, le Void. Et si cette fatalité leur donnait l’occasion de devenir autre chose que des clones ? 89 projections actions cinéma / audiovisuel VE ND RE DI 14 .12 .20 12 10e Rencontres Passeurs d'images [ Invités des tables rondes ] Laurence ALLARD est maîtresse de conférences en Sciences de la Communication, enseignante à l’Université Lille 3, et chercheuse à l’Université Paris 3, IRCAV. Elle travaille sur les pratiques expressives digitales (web 2.0, remix, internet mobile), les thèmes « mobile et société », « politique technique et art/culture » ou la « culture des data ». Perrine BOUTIN est maître de conférences à l’Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle au département Cinéma de l’UFR Arts et Médias. Elle est co-responsable du Master professionnel « Didactique de l’image : création d’outils pédagogiques et art de la transmission ». Elle a soutenu une thèse sur l’éducation au cinéma : elle étudie les discours à ce sujet, les pratiques et l’institutionnalisation des actions de médiation. Elle est par ailleurs membre du conseil d’administration des Enfants de cinéma, et participe au Comité de lecture de Zéro de conduite. Elle intervient dans différentes associations pour présenter des films et animer des ateliers de cinéma avec les enfants. Après s’être orienté vers le professorat, Eugène ANDRÉANSZKY devient directeur de plusieurs salles de cinéma indépendantes spécialisées en art et essai. Il se préoccupe de la formation des publics et en particulier de la sensibilisation du jeune public au cinéma comme art. En 2000, il prend la direction des Enfants de cinéma, association nationale missionnée par les Ministères de la culture et de l’éducation pour la mise en œuvre et le suivi du projet École et cinéma qui a connu une extension considérable sur l’ensemble du territoire et suscité l’engouement des enseignants et des élèves. Un Groupe de Réflexion accompagne le projet École et cinéma. Après un DESS Management Culturel en Europe à Paris 8, William BENEDETTO a exercé dans plusieurs structures en banlieue parisienne. Installé à Marseille depuis 1998, il rejoint très vite l’Alhambra (Pôle régional d’éducation au cinéma), un équipement cinématographique installé dans les Quartiers Nord qui développe notamment un important travail d’éducation au cinéma. Après avoir assumé plusieurs responsabilités dont la coordination des dispositifs et la programmation, il prend la direction du cinéma en 2010. Hervé BEZET, alias RVB, est un artiste pluridisciplinaire. Il questionne le cinéma, ses rouages et ses pratiques autour de l’image, d’internet, de la mise en scène, du jeu de l’acteur, réalisant des formes plastiques et filmiques. Sa formation va du DNSEP, obtenu à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Bourges, à deux licences en arts du spectacle en cinéma et en théâtre à l’Université Paris 3, ainsi qu’une licence et une maîtrise en arts plastiques à l’Université Paris 8. En parallèle à son travail d’artiste, Hervé Bezet propose une approche pédagogique et artistique autour de l’image vidéo auprès d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes dans le cadre d’ateliers de création artistique en milieu scolaire et périscolaire. actions cinéma / audiovisuel projections 90 Annie CHEVREFILS-DESBIOLLES est inspectrice de la création, des enseignements artistiques et de l’action culturelle, chargée de mission au Département des publics et de la diffusion, Direction générale de la création artistique - Ministère de la culture et de la communication. Membre de l’Association internationale des critiques d’art, elle a notamment collaboré à la revue d’art contemporain « Art press » et a lancé la revue « Esse ». Elle est l’auteur du rapport « L’amateur dans le domaine des arts plastiques. Nouvelles pratiques à l’heure du web 2.0 » (2012). Cécile CROS a travaillé pendant douze ans sur l’offre nouveaux médias des entreprises et des marques. D’abord productrice multimédia, elle co-fonde l’agence La Mine en 1997. Elle a été Directrice générale de Textuel La Mine (TBWA) jusqu’en 2008. Elle a fondé Narrative, société de production dédiée aux nouveaux médias, avec Laurence Bagot en 2008. www.narrative.info Après avoir été coordinateur départemental de Collège au cinéma et École et cinéma, ainsi que programmateur de salles art et essai et de festivals de cinéma, Denis DARROY a effectué un long parcours à la FOL 57 où il coordonnait Un été au ciné (devenu Passeurs d’images) pour la Lorraine. De 2001 à 2009, il fut conseiller cinéma auprès des DRAC d’Alsace et Lorraine. Depuis 2009, il est Directeur du Pôle Image Haute-Normandie. Les enjeux de l' éducation à l' image [ Invités des tables rondes ] Ancienne Directrice des études de la Fémis, Carole DESBARATS est à présent Directrice de la communication à l’École Normale supérieure. Elle est également critique et historienne du cinéma et anime le Groupe de Réflexion Les Enfants de cinéma. Elle est l’auteur d’essais sur Éric Rohmer, Jean-Luc Godard, Atom Egoyan. Comédien, metteur en scène, Marc LE GLATIN dirige le Théâtre de Chelles (77) depuis 2000. Diplômé de sciences économiques et de l’Institut d’études politiques de Paris, il a la coresponsabilité d’un Master sur les politiques et la gestion de la culture en Europe, en tant que professeur associé à l’Institut d’études européennes de l’Université Paris 8-Saint-Denis. Il est l’auteur de Internet : un séisme dans la culture ? (L’Attribut, 2007). Jean-Louis FABIANI est sociologue et directeur d’études à l’EHESS (École des Hautes Études en Sciences Sociales). Ses recherches portent notamment sur les configurations du savoir (manières dont les disciplines et les institutions savantes se construisent et se modifient) et sur les publics de la culture. Il est l’auteur, entre autres, de Après la culture légitime. Objets, publics, autorités (L’Harmattan, 2007). Christian MAUREL a été le délégué de la Fédération Française des MJC auprès de la région « Méditerranée » et a mis en place notamment les Rencontres Aixoises du cinéma et de la vidéo, connues aujourd’hui sous le nom du « Festival tous courts ». Il soutient ensuite une thèse de sociologie intitulée « Les Maisons des Jeunes et de la culture en France depuis la Libération. Genèse et enjeux », et co-fonde le collectif national « Éducation populaire et transformation sociale ». Il est l’auteur de nombreux articles et livres dont Éducation Populaire et Puissance d’agir. Les processus culturels de l’émancipation, paru chez L’Harmattan. Ancien Directeur de Confluences, lieu pluridisciplinaire à Paris, et à la tête d’un réseau de lieux franciliens alternatifs, Frédéric HOCQUARD a pris la direction d’ARCADI (Agence Régionale pour la Création Artistique et la Diffusion en Île-de-France), établissement public qui informe, conseille et aide à la création et la diffusion les acteurs de la vie artistique francilienne. Olivier MENEUX travaille depuis plus de quinze ans dans les champs publics de l’action culturelle et artistique. Fondateur d’une agence régionale dédiée à l’image en Picardie (l’ACAP), il a également exercé au sein de services déconcentrés de l’État (DRAC) et de collectivités territoriales (Direction de la culture, du patrimoine, du sport et des loisirs du Conseil Général de Seine-Saint-Denis). Depuis 2011, il est le Directeur de Ciclic, EPCC en Région Centre, consacré au cinéma, au livre et aux cultures numériques. Directeur de l’association Hors Cadre depuis 2003, Nicolas HUGUENIN est spécialisé en développement de projets culturels participatifs. Il a été responsable du jeune public, puis programmateur et responsable d’une salle de cinéma associative à Lille (L’Univers). Chargé d’études à la DRAC du Nord-Pas-de-Calais, il a mis en œuvre l’organisation régionale du dispositif Un été au ciné devenu Passeurs d’images en relation étroite avec les acteurs de l’audiovisuel et du secteur social. Diplômé des Arts déco de Strasbourg et du Fresnoy, Benjamin NUEL a développé son travail artistique dans le champ de la vidéo et du cinéma. Sa réflexion s’oriente aujourd’hui vers des formes de narration non-linéaires, utilisant la 3D en temps réel et les codes du jeu vidéo. 91 projections actions cinéma / audiovisuel VE ND RE DI 14 .12 .20 12 10e Rencontres Passeurs d'images [ Invités des tables rondes ] Jean-Gabriel PÉRIOT a réalisé plusieurs courts métrages à la frontière du documentaire, de l’animation et de l’expérimental. Il développe son propre style de montage qui interroge la violence et l’histoire à partir d’archives filmiques et photographiques. Ses derniers films ont été récompensés dans de très nombreux festivals à travers le monde. À travers ses installations et ses vidéos, il joue de la manipulation d’images, affectionnant les montages syncopés, quitte l’esthétique pour travailler le discours, forcément politique, sort de l’image pour s’attaquer à l’espace. Il aime brouiller les pistes et multiplier les fonctions et les supports en se plaçant là où on ne l’attend pas. Catherine ROSSI-BATÔT est la Directrice du Lux-Scène nationale de Valence et anime la commission cinéma du réseau des Scènes nationales. Elle a dirigé le cinéma Star à Strasbourg et assuré la direction de la communication de Pôle Sud, scène dédiée à la danse et aux musiques à Strasbourg. Entre 1998 et 2008, Olivier SÉROR a réalisé plusieurs courts métrages primés dans les festivals et diffusés à la télévision, ainsi que le long métrage autoproduit Dans un coin de la tête. Depuis quelque temps, ses études de médecine lui sont revenues en mémoire et l’ont fait s’intéresser aux neurosciences. De cette curiosité est né Panexlab en 2011, un projet hybride, à la croisée de l’expérimental, de la fiction et de la performance. Puis Crossover un moyen métrage de fiction en 2012. Il développe actuellement Les Rêveurs debout, un long métrage se déroulant dans ce même univers interrogeant notre rapport à la réalité. Il est également acteur, scénariste et intervenant pédagogique. Investie durant une dizaine d’années sur le champ de l’action culturelle théâtrale, notamment dans le cadre de la politique de la ville, Caroline SÉVIN rejoint l’Acap-Pôle Image Picardie en 2002, puis en devient Directrice en 2008. Lieu de recherche, d’accompagnement et de coordination en matière d’action culturelle cinématographique, l’Acap développe au sein de son département éducation à l’image un ensemble de projets qui mettent en relation les publics, les artistes et les œuvres et privilégient dans les rencontres proposées subjectivité et singularité des démarches. actions cinéma / audiovisuel projections Emmanuel SIETY est maître de conférences en esthétique du cinéma à l’Université Paris 3 - Sorbonne Nouvelle. Il a conçu et animé de nombreux ateliers pédagogiques à destination du jeune public au sein du service pédagogique de la Cinémathèque française, et il a étroitement collaboré à la collection «Ateliers cinéma» (Cinémathèque française/Actes Sud Junior). Outre La Peur au cinéma (2006), il est l’auteur de l’ouvrage pédagogique Le Plan, au commencement du cinéma (Cahiers du cinéma / SCEREN 2001) et de Fictions d’images (Presses Universitaires de Rennes, 2009). Marianne TOMI est actuellement chargée d’études au bureau de la formation à la direction générale de l’enseignement scolaire du Ministère de l’éducation nationale et chargée de cours à Paris II. Agrégée de lettres, ancienne élève de l’École normale supérieure, son itinéraire l’a amenée à tisser des liens souples entre l’enseignement et la formation, la traduction littéraire, la lexicographie et la coopération éducative et culturelle en Europe. Dans les pays où elle a été en poste, elle a chaque fois développé des projets d’éducation artistique participatifs, empreints d’une forte dimension interculturelle et intergénérationnelle. Emmanuel VERGÈS est Directeur de l’Office - Agence coopérative d’ingénierie culturelle - et docteur en information/ communication. Après avoir été Directeur de ZINC à la Friche Belle de Mai pendant 14 ans, il développe l’Office pour construire de nouvelles réponses économiques dans le secteur des cultures numériques à travers la coopération au sein d’écosystèmes créatifs, la coordination de projets innovants, et la mise en œuvre de produits et de services vers les collectivités et les publics. 92 ES VE RT EXPOSITION & D ÉC REN CO NTR ES LE 35, DE L’INVISIBLE AU VISIBLE Les enjeux de l' éducation à l' image OU 14.12.2012 Photographies de Gaël Clariana © Gaël Clariana © Gaël Clariana Pôle régional dédié au cinéma et à l’audiovisuel missionné par l’Etat et la Région, l’Acap - Pôle Image Picardie a demandé à Gaël Clariana, artiste associé de la structure, de parcourir les trois départements de Picardie à la rencontre des projectionnistes de cinéma, entre octobre 2011 et février 2012. À l’heure d’une profonde révolution technologique, mais aussi humaine, due au passage du support argentique au support numérique, ce travail photographique propose un portrait sensible de ces hommes et ces femmes de l’ombre et tente de rendre compte d’un métier, d’un univers. Un hommage à ces artisans du 7ème art et un témoignage de la mutation de cette profession en termes de savoir faire, de gestes et de matières. L’exposition créée à cette occasion et intitulée Le 35, de l’invisible au visible est proposée cette année dans le Hall de la salle Boris Vian pendant les Rencontres Passeurs d’images. © Gaël Clariana Hall de la salle Boris Vian – Parc de la Villette 93 projections actions cinéma / audiovisuel 15.12.2012 MashUp Cooker ! OU ES & D ÉC REN CO NTR ES VE RT SA ME DI 15.12 .20 12 10e Rencontres Passeurs d'images ATELIER Ouvert aux jeunes participants des Rencontres. Choisir des images, les découper, ajouter des sons, et bien mélanger ! Romuald BEUGNON, cinéaste et intervenant, est le « grand chef » du MashUp Cooker, atelier ludique et insolite pour composer ses propres films. actions cinéma / audiovisuel projections 94 SAM 15.12.2012 À VOUS LES JEUNES ! Journée des jeunes Des jeunes de toute la France viendront présenter et défendre leurs films, réalisés lors des ateliers Passeurs d’images. Après les projections, des temps de rencontre permettront aux réalisateurs en herbe d’échanger avec les participants, avec les cinéastes venus présenter leurs films, et avec le public. PROJECTIONS & DÉBATS ¬ JEUX D’IMAGES Céline GHEZAIEL travaille d’abord à Ciclic, pôle Éducation, pour de courtes missions dès la fin de ses études en Métiers de la culture. Elle a travaillé trois ans sur la coordination des ateliers de pratiques artistiques en temps scolaire et coordonne, depuis 2010, Passeurs d’images en Région Centre. 9 h 15 · 11 h séance animée par Céline GHEZAIEL ¬ RESISTANCES Après des études de sociologie et de tourisme culturel, Hélène CHABIRON travaille ponctuellement dans différents domaines artistiques : cinéma, théâtre, musiques actuelles,... avec des missions d’actions culturelles auprès des publics, de communication, de diffusion… En 2010, elle rejoint l’équipe de l’association Premiers Plans en tant que coordinatrice de Passeurs d’images en Pays de la Loire. 11 h 15 · 13 h ADOLESCENTES séance animée par Hélène CHABIRON ¬ (RE) DÉCOUVRIR Après avoir fait des études de cinéma et enchaîné une formation professionnelle de technicien audiovisuel et multimédia, Thomas SENK est rentré au Pôle Régional d’Éducation à l’Image en Basse-Normandie en 2002 afin d’alimenter le site internet et d’accompagner les actions du Pôle. Il a ensuite pris en charge la coordination du dispositif Passeurs d’images. Aujourd’hui il développe et accompagne une quinzaine de projets par an dans le cadre du dispositif, au sein de la Maison de l’Image Basse-Normandie 14 h · 15 h 30 LA VILLE séance animée par Thomas SENK ¬ ARRÊTE TON CINÉMA ! 15 h 45 · 17 h 15 Après des études de sociologie et de médiation culturelle, Alice CHAPUT part au Cameroun et participe à l’organisation du festival « Écrans Noirs », consacré au cinéma francophone. De retour en France, elle travaille pour le festival Jean Carmet et intègre ensuite la coordination régionale Passeurs d’images en Poitou-Charentes. séance animée par Alice CHAPUT ¬MASHUP COOKER Réalisateur issu de la Fémis, Romuald BEUGNON a notamment réalisé Vous êtes de la police ? Il est également VJ et bloggeur vidéo. Il a découvert les films en téléphones portables en 2006, en participant au festival Pocket Films. En tant qu'intervenant, il a encadré de nombreux ateliers avec Passeurs d'images ou en temps scolaire. 17 h 15 · 17 h 45 séance animée par Romuald BEUGNON Restitution des films réalisés lors de l'atelier MashUp Cooker 95 projections actions cinéma / audiovisuel • 9 h 15 · 11 h • CE Née en 1986, Angèle CHIODO a étudié le graphisme à l’ÉSAA Duperré et le cinéma d’animation aux Arts Décoratifs de Paris. Elle a enseigné les arts plastiques au collège Saint-Gabriel de Bagneux. Elle fait partie du collectif de création Babouchka et travaille aujourd’hui sur des projets entre l’animation et le documentaire. Dans les films présentés dans ce premier module, les participants prennent leurs distances avec les images : ils les interrogent, les réinterprètent, les font mentir... Séance animée par Céline GHEZAIEL Ciclic, coordinatrice Passeurs d’images en région Centre TROIS QUESTIONS À ANGÈLE CHIODO PROJECTIONS - Jusqu’où peut-on s’affranchir des règles esthétiques et techniques en faisant un film ? Angèle CHIODO - Pour La Sole, j’avais voulu me moquer de différents styles sérieux – documentaire animalier, texte scientifique, journal intime... Ensuite je me suis éloignée du pastiche pour retrouver le premier degré, et m’approcher plus sincèrement d’un vrai émerveillement – pour les animaux, la science, ma grand-mère. On peut être irrévérencieux envers le genre et la technique, parce que les spectateurs n’ont pas besoin d’une catégorie pour comprendre une histoire, ni de « jolies images ». En revanche il faut être sincère et assumer de parler sérieusement de choses personnelles ou de sentiments. Vous faites partie d’un collectif de création filmique. Quels sont les avantages à travailler en groupe ? En travaillant en groupe, on a immédiatement un point de vue extérieur, on doit vite faire des concessions. D’ailleurs quand je travaille sur un projet toute seule, je demande toujours l’avis du collectif. Mais en partant à plusieurs dès le début, c’est plus rapide. Nous faisons en sorte que chacun s’approprie individuellement le travail commun. Il y a toujours une posture solitaire dans le processus créatif, et c’est positif, c’est là que naissent les sentiments personnels, l’irrévérence malpolie. On puise le courage de travailler dans un élan anti-social, mais ensuite il faut savoir partager, sinon on part facilement dans l’ego-trip. Quand soudain je ne vois plus l’intérêt de mon travail individuel, l’émulation du collectif m’empêche de laisser tomber. Vous semblez avoir un lien fort avec les jeunes. Quand je donnais des cours, il fallait aussi que je sois sincère. Les élèves comme les spectateurs sont loin d’être idiots. Quand je parlais de quelque chose qui me touchait, ils écoutaient tout. Je crois que si l’on ne croit pas en son sujet, face aux spectateurs, comme face aux élèves, on ferait mieux de ne pas monter sur scène. Et l’avantage avec les élèves c’est qu’ils sont toujours sincères, s’ils n’aiment pas, ils le disent. J’ai les mêmes références que mes élèves, je regarde South Park et les clips de Lady Gaga. J’admire le fait qu’ils ne reconnaissent pas forcément « l’auteurité » de tel ou tel grand homme sous prétexte qu’il est dans un livre, et n’acceptent pas l’autorité d’un prof sous prétexte qu’il porte le titre de prof. En cela ils sont beaucoup plus forts que moi, car en grandissant on devient poli. LA SOLE, ENTRE L’EAU ET LE SABLE 15’ / Documentaire / 2011 / France Réalisation, scénario, voix, image, montage animation : Angèle Chiodo / Monteur son : Fabrice Gerardi / Auteurs de la musique : Julien Carton, Maurice Ravel / Mixeur : Christian Phaure / Production : ENSAD La sole est asymétrique. Elle a les deux yeux du même côté. Son cheminement évolutif est sujet à débat. La métamorphose s’est-elle opérée sur plusieurs générations ? Une telle évolution, dite progressive, sous-entend que la sole aurait eu des ancêtres à moitié asymétriques, donc peu visibles. Ou alors, comme le soutiennent les partisans de l’évolution par paliers, des milliers de poissons seraient nés difformes, au même moment, par hasard, et se seraient avérés être mieux adaptés à leur milieu que les poissons classiques. actions cinéma / audiovisuel 15.12.2012 JEUX D’IMAGES IL É G IÉ E P RI V I ECTA TR .201212 .12.20 MEDIDI1515.12 SASAME SP 10e Rencontres Passeurs d'images projections 96 Journée des jeunes COURTS MÉTRAGES D'ATELIERS UN TRAIN PEUT EN CACHER UN AUTRE 12’45 / Fiction / 2012 / Thury-Harcourt (Basse-Normandie) Réalisé par Steven Buot, Charlène Coispel, Aurélie Colin, Patricia Desdoits, Sandy Duval, Michael Raguenet, Adrien Vatinel / Intervenant : Benjamin Serero Des reporters mènent l’enquête sur un prototype de train à grande vitesse, testé secrètement sur la ligne ferroviaire Caen-Flers. Avec des images d’archives et des témoignages de journalistes, de chercheurs et d’habitants, le film invente l’histoire du train, du minerai découvert pour alimenter son moteur et de l’arrêt des essais pour laisser place au TGV. Le centre de formation AIILES de Thury-Harcourt, dans le cadre du projet ELAN’S, utilise la vidéo dans ses programmes de formation et d’insertion professionnelle. Cet atelier a été entrepris par une dizaine de jeunes en formation. En plus de leur apprentissage des techniques du cinéma, ils ont réalisé un vrai travail d’enquête, pour réunir les images d’archives et prendre contact avec les nombreux protagonistes du film. ¬ BONHEUR ROUGE 09’32 / Fiction / 2012 / Les Mureaux (Île de France), en partenariat avec l’Angleterre la Turquie et l’Allemagne Réalisé par Gulcan Açik Tunay, Mehmet Ali Beydat, Cigdem Canbey, Ernestine Cissé, Marguerite Da Costa, Alexander Dimitrischin, Claudia Dombrowski, Filiz Emre, Carina Engenheiro, Belgin Eraydin, Hüseyin Erdogan, Ilkay Ertekin, Irina Hermann, Yulia Levina, Angelina Paraskevopulo, Olena Perlich, Irfan Sahin, Michael Schied, Hakan Ulusman / Intervenant : Julien Lahmi À partir d’images issues d’archives familiales, les participants réécrivent l’histoire d’un homme exilé et de sa famille. « Chacun ses racines et l’Europe pour tous » est un projet intergénérationnel porté par la Maison de l’Europe des Yvelines. Quatre groupes issus de différents pays (la France, l’Allemagne, la Turquie, l’Angleterre) ont réalisé des films lors d’ateliers de « cinéma de recyclage », à partir d’archives familiales mises en commun. Ensuite, quelques participants des quatre pays se sont retrouvés à Londres pour réaliser un film ensemble, à partir des mêmes images. Bonheur rouge est le résultat de ce dernier atelier. ¬ JE FROTTE, TU FROTTES, IL OU ELLE FROTTE ? 17’04 / Documentaire / 2012 / Barneville-sur-Seine (Haute-Normandie) Réalisé par Yaniss Patron, Lenny Langevin, Diego Poret, Aymeric Porrot-Huguerre, Pierre Dietlin, Arthur Joguet, Bryan Van-Damme, Yohan Barat, Alexandre Puissant, Florian Biering, Jason Paris, Thomas Walter, Frédéric Denise, Cédric Collay, Xavier Mouillard, Guillaume Coupé / Intervenante : Cécile Patingre À partir d’images d’archives retraçant les nombreuses corvées d’une mère en 1960, des garçons se sont interrogés sur leur propre rapport aux tâches ménagères. Ils filment leur quotidien à l’institution de la Houssaye, mettent en scène leurs corvées, questionnent le personnel du lieu... Les garçons de l’ITEP de La Houssaye ont pris pour point de départ un film amateur, Une journée de maman, datant de 1960, issu du Fonds d’archives du Pôle Image Haute-Normandie. Ils ont imaginé un film qui serait comme une suite à ce document d’archive, et constituerait un témoignage sur une époque, celle de jeunes garçons vivant en Normandie en 2012, qui s’interrogent sur le partage des tâches et du rôle des femmes et des hommes dans cette organisation du « vivre ensemble ». ¬ 97 projections actions cinéma / audiovisuel ECTA T EU .20 12 SA ME DI 15.12 SP 10e Rencontres Passeurs d'images • 11 h 15 · 13 h • R IL É G IÉ P RI V 15.12.2012 RÉSISTANCES ADOLESCENTES Les ateliers Passeurs d’images sont parfois des prétextes pour exprimer ses différences, pour dénoncer les malentendus. Dans les films de ce second module, les jeunes affirment leurs points de vue. Ils expérimentent des façons nouvelles de parler d’eux, de vivre avec les autres, loin des préjugés. Le collectif belge COUP2POUCE produit la seule émission télé entièrement faite par des jeunes. Tous les jeunes sont invités à s’y exprimer et s’y reconnaître, quel que soit leur milieu culturel ou social. Séance animée par Hélène CHABIRON Premiers Plans, coordinatrice Passeurs d'images Pays de la Loire TÉMOIGNAGES COLLECTIF COUP2POUCE SIHAME, DU COLLECTIF COUP2POUCE « J’ai rejoint le collectif Coup2pouce parce que j’avais soif d’engagement et d’expression. Grâce au groupe, les jeunes ont plus de visibilité médiatique. J’ai voulu aborder le sujet des centres fermés pour sensibiliser les gens sur la question. En tant que citoyenne belge et européenne, je ne pouvais pas comprendre qu’on puisse enfermer « légalement » des personnes innocentes au seul prétexte d’être « sans-papiers ». Pendant le tournage, je me suis rendu compte que les conditions de vie dans ces centres étaient déplorables. » SANAH, DU COLLECTIF COUP2POUCE « Coup2pouce ? Un moyen de s’exprimer à travers l’audiovisuel. Pour moi, la possibilité de jeter un pavé dans la mare. Dans mon monde, j’ai besoin d’être subversive et c’est pour cela que j’ai ouvert ma tête et mon cœur à Coup2pouce. À travers des émissions comme « L’enfer c’est les centres », « JT démont(r)é » ou encore « Violences policières », nous avons constaté l’injustice, nous voulions savoir et nous avons osé dire à notre manière. Nous sommes un collectif de jeunes venant de tous horizons avec des modes de pensées et d’expressions variés et différents. Un point commun : celui de vouloir faire passer un message, une émotion, un ressenti à travers cette technique qu’est la vidéo. Nos émissions ne sont peut-être pas parfaites mais elles sont le résultat d’une réflexion sur le monde et sur nous-même. Nous y mettons une part sincère de ce qu’on est et pour cela je suis fière de faire partie de cette aventure. » L’ENFER C’EST LES CENTRES 26' / Documentaire / 2012 / Bruxelles (Belgique) Réalisation : Coup2pouce Un documentaire des jeunes du collectif Coup2pouce sur les conditions de détention des immigrés illégaux, entrelaçant les impressions subjectives des participants et des témoignages d’immigrés. actions cinéma / audiovisuel projections 98 Journée des jeunes COURTS MÉTRAGES D'ATELIERS LA LETTRE 07’05 / Fiction / 2012 / Toulouse (Midi-Pyrénées) Réalisé par Louise Brunelle et Louise Egidio / Intervenante : Natacha Sautereau Lucie trouve par hasard un poème qui s’est envolé de la fenêtre d’une prison, et décide de répondre à l’auteur. La jeune femme et le détenu, tous les deux solitaires, débutent alors une relation épistolaire qui leur redonne espoir. «Le tournage du court-métrage s’est déroulé en trois jours, pendant les vacances de Noël. L’acteur prêtant sa voix au personnage de Victor nous a gracieusement prêté son appartement. Le début du tournage par le plan où la lettre tombe aux pieds de Lucie fut plutôt laborieux. Ensuite, pour continuer sur le même registre plutôt comique, nous avons tourné le premier plan du court métrage, où la lettre s’envole de la fenêtre grâce à un fil de pêche qui la tirait et à un sèche-cheveux qui la poussait. Le nombre de prises n’a pas été compté.» Louise Brunelle et Louise Egidio Le film a été réalisé dans le cadre du festival « La Parole est à la jeunesse » ¬ J’OSE M’EXPRIMER 15’49 / Documentaire / 2012 / Epernay (Champagne-Ardenne) Réalisé par Reina Dia, Johnny Fortin, Jason Foucher, Cyril Gonzague, Agathe Lacorne, Patrice Perin, Alexandre Pinot / Intervenant : Philippe Manceau Au travers d’autoportraits filmés, les participants tentent de faire reconnaître leurs individualités et de reconquérir la place qui leur revient, dans la sphère sociale comme dans le monde professionnel. Le film est issu de l’action « J’ose m’exprimer », qui fait partie d’un projet d’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap, mis en place par la Permanence du Jard. Cet accompagnement permet à chaque participant, en fonction de ses besoins, de développer ses potentialités, de prendre confiance en soi, de libérer la parole, en éveillant un regard neuf sur le monde et sur soi-même. ¬ AU FIL DES MÉDIAS 11’55 / Fiction / 2012 / Lussac les Châteaux (Poitou-Charentes) Réalisé par Axel Begnatborde, Julien Gautier, Nicolas Gautier, Paul Hénault, Valentin Jandraud, Valentine Jeay, Johan Morat, Dorian Nobletz, Christophe Randoux / Intervenante : Camille Fougère En réaction à un reportage de France 2 qui lie les faits divers violents à la pratique par les jeunes des jeux vidéo, un cadreur du JT s’insurge. Il dénonce les conclusions hâtives, les accusations sans preuve, le climat de peur qu’instaurent les journaux. Réalisé en cinq jours, cet atelier a regroupé neuf jeunes de 12 à 16 ans. L’atelier a commencé par des échanges et des réflexions autour des médias et de leur impact, puis des exercices d’écriture et de réalisation ont permis aux jeunes de mesurer et d’expérimenter la portée de l’image médiatique. ¬ HIP HOP NON STOP 05’58 / Documentaire / 2012 / Belfort (Franche Comté) Réalisé par Sonia Hamza, Rayane Mebarki, Leila Benssi, Hasibe Apaydin, Nabila Matrouh, Samia Ketfi-Charif / Intervenant : Sacha Marjanovic Deux jeunes danseurs parlent des danses qu’ils pratiquent et s’engagent dans des démonstrations de Hip Hop et de claquettes. Le groupe souhaitait réaliser une comédie musicale, avant de s’orienter vers un projet plus intime de portraits. Le film, réalisé en une semaine, a permis la rencontre entre deux danseurs : une débutante passionnée et un jeune danseur expérimenté, qui mène des projets de danse en parallèle de ses études, notamment avec le Centre Chorégraphique de Belfort. ¬ 99 projections actions cinéma / audiovisuel • 14 h · 15 h 30 • ECTA T EU .201212 .12.20 MEDIDI1515.12 SASAME SP 10e Rencontres Passeurs d'images R IL É G IÉ P RI V Diplômé de l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris, Guillaume DELAPERRIÈRE réunit dans ses créations ses deux pôles d’expression artistique : la musique et l’image. Son travail comprend des collaborations avec des musiciens comme le duo Air, le groupe Phoenix, ou encore l’artiste Xavier Veilhan. Il crée en 2004 un nouveau concept musical, Giovanni Sample, qui compose une musique originale à partir d’images filmées. En 2008, il décide de tourner ses propres images pour composer une musique visuelle, et réalise en 2012, Lisboa Orchestra. TROIS QUESTIONS À GUILLAUME DELAPERRIÈRE PROJECTIONS - Comment avez-vous imaginé le film Lisboa Orchestra ? Guillaume DELAPERRIÈRE - Je voulais que la trame narrative du film soit une journée dans la ville, qu’on en ressente les pulsations. C’est en me promenant à Lisbonne, au fil des rencontres fortuites, que j’ai enregistré les sons et les images du film. J’avais envie de filmer les accords baroques d’un joueur d’orgue, des ouvriers au travail, le bruit des rails des tramways jaunes, le claquement d’une partie de dominos dans un café. Les protagonistes peuvent être des Lisboètes inconnus ou des personnes emblématiques comme le rappeur Valete. Ces chemins de vies, qui d’habitude ne se côtoient pas, se rencontrent dans le film par le prisme de la musique. 15.12.2012 (RE)DÉCOUVRIR LA VILLE Des films et des projets qui permettent aux jeunes d’investir leur ville autrement, de la regarder autrement, de découvrir et de faire découvrir des aspects qu’on ne soupçonnait pas. Séance animée par Thomas SENK, Maison de l’image, coordinateur Passeurs d'images Basse-Normandie Pourquoi avez-vous choisi de créer ce film à partir de vos propres images, et non plus à partir d’images déjà existantes ? Travailler avec mes propres images m’a permis de construire une narration, de mettre des histoires sonores en relation. Les sons permettent de dire des choses plus abstraites, qui ne sont pas liées à l’expression classique du cinéma qui passe par le dialogue. On retrouve cette façon de raconter des histoires dans le mouvement cinématographique des « City Symphony » dont est issu, par exemple, L’Homme à la caméra de Dziga Vertov. Avez-vous d’autres projets autour de ce film ? Lisboa Orchestra est le premier film d’un projet, « City Orchestra ». L’idée est de réaliser dix films dans différentes villes du monde. J’avais développé cette idée de connexion entre les cultures dans Mondovision, en utilisant des images issues de documentaires musicaux. Il s’agit de mettre en lumière les coïncidences entre les cultures. Je tente de conserver, par ma manière de filmer, l’intégrité culturelle des lieux où je vais et des personnes que je rencontre. LISBOA ORCHESTRA Lisboa Orchestra est une ballade musicale dans la ville aux sept collines. Au fil des rythmes urbains quotidiens, une musique originale et hypnotique est composée à partir de samples visuels et sonores récoltés à travers la capitale portugaise, avec la pulsation de la ville en guise de métronome. actions cinéma / audiovisuel projections 100 © Guillaume Delaperrière 12' / Documentaire / 2012 / France Réalisation, scénario, montage : Guillaume Delaperrière / Avec : Sergio Silva, Pedro Moutinho, Fred Ferreira, Sam The Kid, Valete, Gonçalo Gonçalves, Oscar Cardoso / Son : Bertrand Defossé / Étalonnage : Jean-Marie Fremont / Mixage : Bruce Keen Journée des jeunes COURTS MÉTRAGES D'ATELIERS NICOLAS LE PÊCHEUR 10’ / Documentaire / 2011 / Fos-sur-Mer (Provence-Alpes-Côte d’Azur) Réalisé par David Tessier, Hakim Laimeche / Intervenants : Delphine Camolli, Rémi Dumas, Julie Desbiolles Les jeunes participants embarquent avec Nicolas, un des derniers pêcheurs indépendants de Fos-sur-Mer, pour sa pêche matinale. Le film fait partie des « Chroniques de Fos-sur-Mer », un des projets que met en place le Centre social Fosséen dans le cadre de son Pôle Image et Multimédia. À travers ce projet, des jeunes s’engagent dans des stages d’une semaine, au cours desquels ils réalisent des films sur le monde professionnel de leur ville. Les films sont réunis sur le site « Chroniques de Fos-sur-Mer », géré par deux jeunes en insertion socio-professionnelle. ¬ LES SONS D’EN FACE 15’ / Documentaire / 2012 / Annecy (Rhône-Alpes) Réalisé par Marion Simon, Julie Rayer, Dalton Ouramdam / Intervenant : Florent Labre Un quartier d’Annecy raconté d’hier à aujourd’hui, à travers ses bruits, ses rythmes. Les récits des habitants sur l’histoire du quartier croisent les images des plus jeunes, dans des séquences où les sons ont été modifiés. L’atelier s’est déroulé sur 6 mois entre la toussaint 2011 et les vacances de printemps 2012, d’abord en séances hebdomadaires pour travailler l’approche technique puis sur une semaine complète pour le tournage et le montage. Un groupe de 6 jeunes a constitué le noyau dur, mais plus de 25 ont participé au projet. Deux contraintes étaient posées dès le départ : travailler sur l’histoire du quartier de Rulland à Annecy et créer le film en partant de prises de sons représentant les lieux. ¬ ARCHIPEL 06’ / Parcours artistique numérique / 2012 / Saint-Herblain (Pays de la Loire) – 3 films Réalisé par les habitants du quartier de Bellevue de Saint-Herblain / Intervenants : Amélie Labourdette et Wilfried Nail Ensemble de dix films courts, écrits et réalisés entre avril et juin 2012, avec les habitants et les associations du quartier Bellevue, accompagnés par Amélie Labourdette, artiste plasticienne et mis en sons par Wilfried Nail. Ce projet, porté par l’association Lolab à l’invitation de la Ville de Saint-Herblain, intervient dans le cadre de l’accompagnement culturel du Projet de Rénovation Urbaine. 101 projections actions cinéma / audiovisuel ECTA T EU .201212 .12.20 MEDIDI1515.12 SASAME SP 10e Rencontres Passeurs d'images • 15 h 45 · 17 h 15 • R P RI V ARRÊTE TON CINÉMA ! IL É G IÉ Après avoir obtenu une licence de cinéma, Benjamin PARENT se lance dans la production de clips et de films publicitaires, et se tourne rapidement vers l’écriture. Il co-écrit le spectacle comique En Rock & en Roll ainsi que sa suite Presque Célèbre, puis co-écrit avec Riad Sattouf les deux saisons de la série on line Mes Colocs. En 2012, son premier court métrage, Ce n’est pas un film de cow-boys, est sélectionné à la Semaine de la Critique à Cannes puis dans une quarantaine de festivals. Il vient de réaliser, pour le compte de l’INPES, une série web à destination des ados : Puceaux (sortie novembre 2012). Dans les films présentés, les participants explorent la création cinématographique, et font du cinéma le sujet même de leurs expérimentations. Séance animée par Alice CHAPUT, MJC Aliénor d’Aquitaine, coordinatrice Passeurs d'images Poitou-Charentes TROIS QUESTIONS À BENJAMIN PARENT PROJECTIONS - Diriez-vous que Ce n’est pas un film de cowboys est un film sur l’imagination et l’imaginaire ? Benjamin PARENT - J’ai voulu parler de cette tradition orale de raconter des histoires. Lorsque j’étais adolescent, on se racontait ainsi les films, en détail, pour permettre à l’autre de partager ce que l’on avait ressenti. En fait la base est la transmission de la passion. J’ai rapidement appris à rendre captivant un récit étant plus jeune, et c’est de ça dont il s’agit dans le film. Plus le personnage sera précis dans sa narration, plus l’autre pourra comprendre le film. C’est la problématique du personnage de Vincent face à la vague d’émotion qu’il a ressentie en regardant Brokeback Mountain. Des parallèles sont faits entre l’univers de Brokeback Mountain et celui des adolescents, on y retrouve des thèmes communs, comme l’intolérance, la quête d’une identité. Le cinéma sert-il à mieux comprendre notre vie ? Je pense que le cinéma ne sert pas à mieux comprendre notre vie, mais une vision de la vie, en l’occurrence la mienne ou celle d’un autre réalisateur. Le cinéma est une série d’images qui, par essence, ne sont que de pâles reflets de la réalité. Il faut donc essayer de mettre toutes les chances de son côté pour recréer cette vie et délivrer un message, une émotion, une sensation. Les spectateurs de mon film comprendront mieux ma vision de la vie (en tant qu’adolescent) et donc, par extension, une vision de la vie, qui a de fortes chances d’être proche, si ce n’est identique à la leur. Nous avons tous, à peu près, le même sens moral et CE N’EST PAS UN FILM DE COW-BOYS 12’ / Fiction / 2012 / France Réalisation et scénario : Benjamin Parent / Image : Nicolas Loir / Montage : Béatrice Herminie / Avec : Finnegan Oldfield, Malivaï Yakou, Leïla Choukri, Garance Marillier / Production : Synecdoche Le Secret de Brokeback Mountain est passé hier soir à la télé. Vincent l’a regardé et ça l’a bouleversé. Il profite de la récréation pour raconter de manière touchante et naïve le film à Moussa… actions cinéma / audiovisuel 15.12.2012 projections 102 des bases communes. Dans le film, Vincent découvre qu’il est touché par l’histoire d’amour entre deux cow-boys américains dans les années 50... C’est très éloigné de lui et, pourtant, il a été ému. Il vient d’assister à la vision de la vie par Ang Lee et ça rejoint, malgré lui, ce qu’il pense aussi. La question du genre est-elle au centre de vos préoccupations de cinéaste ? Aujourd’hui, le genre est au centre de mon travail. Je ne le savais pas avant de réaliser ce film. J’avais des idées, des envies de cinéma mais sans trop savoir quel était mon «truc», mon environnement, mon message... et puis un mélange entre mon travail et des histoires familiales improbables m’ont apporté la réponse. Être un homme aujourd’hui n’est pas quelque chose de dur mais de simplement perturbant. Tous les anciens codes s’effondrent et j’en suis ravi. La masculinité et la virilité sont des préoccupations pour les jeunes adolescents. Par extension, le genre regroupe aussi la notion d’image, d’apparence etc... J’aime beaucoup parler des rôles que nous prenons dans la vie, ce qui dépasse le genre sexuel. Journée des jeunes COURTS MÉTRAGES D'ATELIERS PARCOURS DE CINEMA en festivals 05’59 / Documentaire / 2011 / Strasbourg (Alsace) Réalisé par Bilal Touahria, Majed Touahria, Yliesse Ahmamouti, Bilel Nejjari, Naïma Aamara, Kamilya Aamara, Yassin Boras / Intervenantes : Virginie Combet, Anne Chabert Lors du festival européen du film fantastique de Strasbourg, un groupe de jeunes adeptes du cinéma d'horreur a filmé sa rencontre avec des cinéastes, des critiques de cinéma et la Zombie Walk. Les PARCOURS DE CINÉMA en festivals reposent sur trois actions complémentaires : la visite d’un festival, le visionnage de films, et l’interview d’un professionnel. Les jeunes ont dépassé les attentes du PARCOURS, en suivant le festival dans ses multiples facettes. Très intéressé par le cinéma fantastique, le groupe a poursuivi l’expérience du PARCOURS en réalisant un court métrage d’horreur, et en retournant filmer les coulisses du festival l’année suivante. ¬ CE QUI M’INTÉRESSE 11’15 / Documentaire / 2012 / Noyon (Picardie) Réalisé par Amandine Eloy, Elisa Cartelle, Ophélie Jean, Morgane Rodriguez, Jérémy Ferreira / Intervenant : Emmanuel Parraud Le film suit les jeunes d’une MJC dans leur approche du cinéma documentaire, et dans leur première interview. Ce projet autour du point de vue documentaire mené à Noyon s’est déroulé en deux temps. Lors du premier atelier, en avril 2012, l’intervenant a imposé le thème «C’est quoi une fille ?». Pour l’atelier « Ce qui m’intéresse », le second volet du projet, les réalisateurs ont choisi eux-mêmes leurs sujets. Ils ont réfléchi ensemble à la manière de le filmer, avant de passer à la pratique. ¬ HARRY POTTER SUÉDÉ 04’36 / Fiction / 2011 / Thiron-Gardais (Centre) Réalisé par Paul Bulot, Quentin Bulot, Charline Besnard, Hélène Puron, Alexia Blum, Marion Allezy, Elodie Viette, Yann Puron, Nicolas Legros / Intervenant : Romuald Beugnon Les participants «suèdent» une scène du film Harry Potter à l’école des sorciers, grâce à toutes sortes d’effets spéciaux «faits mains». À la suite de la projection du film Soyez Sympa Rembobinez de Michel Gondry, la ville de Thiron-Gardais a proposé un atelier sur le thème du remake. Comme dans le film de Gondry, le remake a été réalisé avec un minimum de moyens, en 4 jours. La scène de la leçon de balai a été sélectionnée avec le réalisateur Romuald Beugnon notamment pour les trucages très intéressants à réaliser. Ce film a remporté le prix du jury au festival du court-métrage ado du Theilsur-Huisne (61). ¬ 103 projections actions cinéma / audiovisuel Revue de presse (extraits) Courrier français, 29 juin 2012 actions cinéma / audiovisuel projections Courrier Picard, 17 juillet 2012 104 Revue de presse (extraits) Écrans, 11 octobre 2012 105 projections actions cinéma / audiovisuel Revue de presse (extraits) Info Haute-Vienne, 25 juin 2012 Le Progrès, 6 mars 2012 actions cinéma / audiovisuel projections 106 Revue de presse (extraits) L'Écho du Berry, 16-22 février 2012 La Montagne, 17 août 2012 107 projections actions cinéma / audiovisuel Revue de presse (extraits) Télérama, 24 octobre 2012 actions cinéma / audiovisuel projections Libération.fr, 25 juin 2012 108 Revue de presse (extraits) LES FILMS Panexlab de Olivier Séror Comment faire un film de nos rêves, quand le rêve est lui-même un lieu de production d’images, voire – c’est le parti pris de ce film libre, vivant et mouvant qu’est Panexlab – de montages souvent plus audacieux que ceux que nous pouvons produire, les yeux grands ouverts, aux commandes d’un ordinateur ? Nos rêves en effet ignorent le plus souvent l’unité de lieu et de temps, et nous gagnent pourtant à leur logique, au point que les cauchemars qu’ils véhiculent peuvent nous prendre à la gorge et secouer notre éveil dans un cri angoissé. Panexlab, qui se situe au cœur des plus récentes et plus légères possibilités de prises de vues, se veut un parfait scan de l’imagerie terrifiante qui peut s’emparer de l’esprit humain abandonné à ses propres songes. Outre une facture formelle tout à fait singulière, obtenue notamment par un travail d’accentuation des contrastes et des rapports de couleurs qui nous éloigne de l’habituelle texture des images numériques, le(s) film(s) d’Olivier Séror sont proposés comme l’enregistrement de sept rêves dont les images sont corrigées en temps réels, lors de projections live, selon des procédés qui se rapprochent du VJing (mot dérivé de l’anglicisme video-jockey). Panexlab ouvre ici un chemin tout à fait inouï. Il ne s’agit pas tant, pour ce projet qui fonctionne sur un parasitage constant des plans et des situations, de raconter le contenu des rêves et le lot d’énigmes qu’il y aurait à déchiffrer, que de nous faire toucher, par une voie sensitive et immédiate, le mal-être dans lequel ils nous plongent parfois. L’inventivité narrative est alors inséparable d’une exploration formelle recommencée à chaque projection. Olivier Séror s’est appuyé sur les conseils de Guillaume Dumas (chercheur au CNRS, il fait une thèse à l’institut du cerveau et de la moëlle épinière et par ailleurs, il est vidéojockey) pour rendre l’image capable de défauts, de carences et de manques cohérents avec le propos du film et que les technologies actuelles s’efforcent d’écarter, quitte à engendrer, pour nos possibilités de vision, une perte plus grande encore. Car le regard s’aiguise aussi à achopper sur les failles, stries et craquelures que toute image porte en elle. Rodolphe Olcèse Panexlab, 2011, numérique, couleur, entre 20 et 32 mn. Réalisation, scénario, image, son et voix off : Olivier Séror. Montage : Olivier Séror et François Quiqueré. Musique : Sébastien Noiré. Effets spéciaux : Olivier Séror et Guillaume Dumas. Conseiller technique et scientifique : Guillaume Dumas. Interprétation : Isabelle Catalan, Marianne et Philip Kennedy, Arthur Harari et Olivier Séror. Production : Azar&Cie. Bref n°99, septembre-octobre 2011 109 projections actions cinéma / audiovisuel Contacts des coordinations régionales - Octobre 2012 Passeurs d’images ALSACE Etienne WEHRLIN / Stéphanie DALFEUR ALSACE CINÉMAS Maison de l'image 31, rue Kageneck - 67000 STRASBOURG tél : 03 88 10 82 77 fax : 03 88 74 58 14 [email protected] www.alsace-cinemas.org GUYANE Marie-Patrice BENOIT CICA Mont Lucas, 1 - Bat K, Appt 206 97300 CAYENNE tél : 05 94 38 37 86 fax : 06 94 41 36 86 [email protected] [email protected] www.cica-guyane.com AQUITAINE Virginie MESPOULET ECLA Bat. 36-37 rue des Terres Neuves - 33130 BEGLES tél : 05 47 50 10 27 [email protected] www.ecla.aquitaine.fr AUVERGNE Christian DENIER / Jérôme TERS / Sébastien DUCLOCHER SAUVE QUI PEUT LE COURT MÉTRAGE La Jetée - 6, place Michel de l’Hospital 63058 CLERMONT-FERRAND Cedex 1 tél : 04 73 14 73 17 (Christian) - 73 13 (Jérôme) fax : 04 73 92 11 93 [email protected] [email protected] [email protected] www.clermont-filmfest.com ILE-DE-FRANCE Claudie LE BISSONNAIS / Léa COLIN ARCADI 51, rue du faubourg Saint-Denis CS 10106 75468 PARIS cedex 10 tél : 01 55 79 00 00 fax : 01 55 79 92 91 [email protected] [email protected] www.arcadi.fr LANGUEDOC-ROUSSILLON Nathalie DEGOUZON LANGUEDOC ROUSSILLON CINEMA 6, rue Embouque d’Or 34000 MONTPELLIER tél : 04 67 64 07 05 [email protected] www.languedoc-roussillon-cinema.fr BOURGOGNE Karine FEUILLET / Laura DUFOUR UD-MJC BP 62163 - 2, rue de Bourges 21021 DIJON Cedex tél : 03 80 43 60 42 / fax : 03 80 76 92 47 [email protected] / laura.dufour@ frmjc.org http://www.frmjc-bourgogne.org/ LIMOUSIN Laurent LETRILLARD Les Yeux Verts 31, av. Jean Jaurès 19100 BRIVE LA GAILLARDE tél : 06 03 69 76 15 - 05 55 74 20 51 [email protected] passeursdimages.lesyeuxverts.com BRETAGNE Laurence DABOSVILLE UFFEJ Bretagne 18, rue Abbé Vallée - 22000 SAINT-BRIEUC tél. / fax : 02 96 61 11 76 [email protected] www.uffejbretagne.net LORRAINE Mahjouba GALFOUT Ligue de l’enseignement - FOL Moselle 3, rue Gambetta - 57000 METZ tél : 03 87 66 10 49 / fax : 03 87 66 10 62 [email protected] www.fol57.org CENTRE Céline GHEZAIEL CICLIC 24, rue Renan - 37110 CHATEAU-RENAULT tél : 02 47 56 26 79 fax : 02 47 56 07 77 [email protected] www.centreimages.fr - www.ciclic.fr CHAMPAGNE-ARDENNE Frédéric VOULYZE / Philippe MANCEAU TELE CENTRE BERNON 1, square Offenbach - 51200 EPERNAY tél / fax : 03 26 54 25 95 [email protected] http://tcb51.blogspot.com FRANCHE-COMTE Thierry ROUSSEAU Institut Regional de l’Image et du Multimedia 38, route nationale de St Ylie - BP 203 39100 DOLE tél : 03 84 82 46 97 / fax : 03 84 72 03 56 [email protected] www.irimm.com GUADELOUPE Jean-Marc CESAIRE CINE WOULE 72D Zone d’activité le Pérou Petit Pérou 97139 ABYMES tél : 05 90 21 37 99 / fax : 05 90 21 42 73 [email protected] MARTINIQUE Chantal SACARABANY-PERRO CADICE - BP 997 97247 FORT DE FRANCE tél : 05 96 71 96 16 / fax : 05 96 71 60 21 [email protected] www.cinewoule.fr MIDI-PYRENEES Cécile SENAMAUD Association La Trame 19, rue Déodora - 31400 TOULOUSE tél : 05 61 25 22 55 [email protected] www.la-trame.org NORD-PAS DE CALAIS Nicolas HUGUENIN / Bruno DURIEZ Association HORS CADRE 72, rue Gutemberg - 59000 LILLE tél : 03 20 33 06 66 / fax : 03 20 33 06 77 [email protected] / [email protected] www.horscadre.eu NORMANDIE (BASSE) Thomas SENK MAISON DE L’IMAGE BASSE-NORMANDIE Pôle régional d’éducation à l’image Immeuble Odyssée - 4, av de Cambridge 14204 HEROUVILLE SAINT-CLAIR cedex tél : 02 31 06 23 23 / fax : 02 31 06 23 20 [email protected] www.maisondelimage-bn.fr NORMANDIE (HAUTE) Pierre LEMARCHAND POLE IMAGE HAUTE-NORMANDIE Pôle Régional des Savoirs - 115, Bd de l’Europe 76100 ROUEN tél : 02 35 89 12 43 / fax : 02 35 70 35 71 [email protected] www.poleimagehn.com NOUVELLE CALEDONIE Christine AÏTA PROVINCE SUD Immeuble le XVI - 16, rue Galliéni BP 2365 - 98846 NOUMEA cedex tél : +687 24 63 21 / fax : +687 24 60 91 [email protected] www.province-sud.nc (assistée de) : Sandra Maillot Win Nemou [email protected] PAYS DE LA LOIRE Hélène CHABIRON PREMIERS PLANS 9, rue Claveau - 49100 ANGERS tél : 02 41 88 42 94 fax : 02 41 87 65 83 [email protected] http://passeursdimages.premiersplans.org PICARDIE Mathilde DEROME A.C.A.P. POLE IMAGE REGION PICARDIE 19, rue des Augustins - BP 90322 80003 AMIENS cedex 1 tél : 03 22 72 68 30 / fax : 03 22 72 68 26 [email protected] www.acap-cinema.com POITOU-CHARENTES Christine PAYEN / Alice CHAPUT FRMJC / MJC Aliénor d’Aquitaine 37, rue Pierre de Coubertin - BP 453 86011 POITIERS cedex tél : 05 49 44 53 52 (Christine) / 53 58 (Alice) fax : 05 49 44 53 53 [email protected] www.passeursdimages-poitoucharentes.fr PROVENCE ALPES COTE D’AZUR Sabine PUTORTI / Emilie ALLAIS INSTITUT DE L’IMAGE Cité du livre - 8-10, rue des Allumettes 13090 AIX-EN-PROVENCE tél : 04 42 26 81 82 / fax : 04 42 26 81 73 [email protected] [email protected] www.institut-image.org LA REUNION Isabelle CAMBOU ZARGANO, la culture aux enfants 89, route des Goyaviers 97417 LA MONTAGNE tél. : 02 62 23 63 66 / [email protected] www.passeursdimages.re RHONE-ALPES Amaury PIOTIN ACRIRA 2, square des Fusillés / 159, cours Berriat 38000 GRENOBLE tél : 04 76 21 61 93 / fax : 04 76 21 06 54 [email protected] www.acrira.org BELGIQUE Michail BAKOLAS / Céline HUPE CINEMA LE PARC 58, rue de Montigny 6000 CHARLEROI tél : 00 32 71 317 147 / fax : 00 32 71 306 404 [email protected] / [email protected] www.cineleparc.be KYRNÉA - coordination nationale 01.47.70.71.71 / www.passeursdimages.fr / [email protected] actions cinéma / audiovisuel projections 110 UN LIEU DE VISIBILITÉ pour soutenir et diffuser les pratiques émergentes. Chaque accueil en résidence se clôture par une présentation publique. Des temps forts sont organisés pour diffuser les créations achevées qui se sont en partie préparées au WIP. Ces temps de convivialité proposent toujours une rencontre inédite entre artistes et publics. Le dernier temps fort (Made in WIP) d’octobre a proposé des créations soutenues par le WIP, en danse et en théâtre, sur le thème de la démocratie. UN LIEU DE CROISEMENT UN LIEU D’ÉMERGENCES UN LIEU DE RÉSIDENCES ET DE LABORATOIRES pour les artistes avec un espace équipé, un lieu de workshops pour une mise en réseau et la construction d’échanges et de partenariats entre les artistes et d’autres interlocuteurs. UN LIEU DE SOUTIEN À LA JEUNE CRÉATION, le WIP met à la disposition des compagnies des moyens qui leur permettent de créer dans les meilleures conditions : moyens humains et matériels, prise en charge des coûts de résidence, coproductions… UN LIEU DE RESSOURCES ET DE RÉSEAU national et international, pour le brassage artistique. Le WIP intensifie des partenariats avec des structures et événements extérieurs afin de favoriser la création d’œuvres solides et leur circulation. UN LIEU DE FORMATIONS artistiques, culturelles et intellectuelles, à l’occasion de master class, d’ateliers, de débats. UN LIEU DE MÉDIATION PARTICIPATIVE ET DE CROISEMENT DES PUBLICS dans le prolongement des politiques de démocratisation en lien avec l’équipe de la médiation. UN LIEU PASSERELLE avec la programmation du Parc de la Villette et avec la mission Initiatives d’Artistes en Danses Urbaines. Le WIP est soutenu par la Caisse des Dépôts, l’Acsé, La Fondation de France et le Ministère de la Justice et des Libertés. Info / Résa [email protected] www.wip-villette.com AU SEIN DU PARC DE LA VILLETTE UN LIEU D’ÉMERGENCES ET DE CROISEMENT Lieu permanent consacré aux cultures urbaines et au lien art /société, le WIP Villette permet dans un cadre pérenne, d’accompagner, de valoriser, et de croiser les propositions artistiques (cultures hip hop, expression des diversités, théâtre social…) UN SITE, CINQ RUBRIQUES POUR TOUT SAVOIR SUR LE DISPOSITIF, LES ACTIONS BLOC CONTACTS COORDINATIONS RÉGIONALES AGENDA calendrier des opérations NOTES F O R M AT I O N S TARIFS RÉDUITS RESTITUTIONS DE FILMS D’ATELIERS FILMS PROJECTIONS Rencontres FESTIVALS actualités des régions ATELIERS Séances spéciales des cinés, C A L E N D R I E R F I L M S livret de l a v i e ! paroles réalisateurs pédagogique C O NTA C TS documents paroles de jeunes RÉFÉRENTS PROGRAMME appels à films dvd webdocs films à voir FOCUS d’expérience ENJEUX récits INTERNET JEUX VIDÉO TELEPHONES financements Réflexion débats N U M É R I Q U E Education REVUE PROJECTIONS à l’image ACTEURS grands biographies bibliographies films d’atelier REGLEMENTATION en ligne V O D MONDES VIRTUELS NOUVEAUX MEDIAS POINTS DE VUE orientations ARTICLES Cr éati on d i gi tal e CONTENUS MACHI NI MA S CHRO NI Q UE S ci n ép h i l i e U sage s 2.0 PU B L IC S appelsàprojets dossiers pédagogiques CROSS MEDIA RESSOURCES fiches pratiques partenariats ANNUAIRE str uctures SITES rencontres interviews filmées PUBLICS COLLECTION ACTUALITÉS PARCOURS DE CINÉMA EN FESTIVALS TRANSMISSION w w w. p a s s e u r s d i m a g e s . f r ACTUALITÉS plein air ET L’ACTUALITÉ DE L’ÉDUCATION À L’IMAGE. 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