Untitled - Dr. John

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Untitled - Dr. John
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DR.
JOHN
LITANIE DES SAINTS
ET BAS-CÔTÉS
DES AMÉRIQUES
16 SOUL BAG_N°207
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EN COUV’
Par Éric Doidy
À l’occasion de la sortie de son
nouvel album “Locked Down”, Mac
NEW ORLEANS
Rebennack alias Dr. John nous a
reçus pour évoquer La Nouvelle-Orléans, ses aînés, ses pairs et cette
nouvelle génération de musiciens pour lesquels il fait figure d’affectueux
grand-père. En écho aux paroles du vieux sage insoumis et malicieux, on
a aussi demandé ses impressions au producteur du disque, Dan Auerbach
des Black Keys.
DOSSIER
U
“On a une tradition
à La NouvelleOrléans : si tu es
dans une église
tu dois remuer
ton cul.”
© Michael Wilson
ne froide journée de mars à Paris et le cadre
aseptisé d’un grand hôtel discret aux abords des
Champs-Élysées. Nulle vibration vaudou, nulle
effluve de gumbo ne semblent émaner des murs
de la suite moderne dans laquelle on pénètre.
À bien y regarder pourtant, le septuagénaire
prévenant qui nous accueille, vêtu d’un costume
impeccable et coiffé d’un feutre, a des airs de root doctor.
La longue canne de bois sur laquelle il prend appui, au
pommeau savamment orné de décorations personnelles et
de colifichets organiques (plumes, os et dent d’alligator),
ressemble à un ancien sceptre : autant que le chemin à
parcourir, elle indique le chemin déjà accompli. Plus qu’au
simple déplacement physique, l’accessoire semble inviter
au voyage spirituel. Notre hôte s’exprime lentement, mais
son regard est perçant, comme s’il sondait l’âme de son
visiteur. On bredouille des présentations, en rappelant à
son souvenir une première rencontre une quinzaine d’années
auparavant, et on lui tend un exemplaire du magazine. Il le
feuillette avec gourmandise, apprécie la plastique de la
chanteuse Jill Scott mais s’arrête sur la photo d’une artiste
emblématique de La Nouvelle-Orléans. Sa ville, son pays.
« Mahalia Jackson, dit-il de son accent traînant, en se fendant
d’un large sourire… J’adore sa musique. Elle était originaire
d’un de mes vieux quartiers. Avec son pianiste, elle m’a
raconté une fois que, quand elle est partie à Chicago, elle a
arrêté de remuer son cul et de faire tous les trucs qu’elle
faisait à La Nouvelle-Orléans. C’est à son départ de la ville
que Mahalia a commencé à se tenir droite lorsqu’elle chantait.
On a une tradition à La Nouvelle-Orléans : si tu es dans une
église tu dois remuer ton cul. C’était quelqu’un de marrant. »
Le ton de l’entretien est donné. On parlera de New Orleans
et de ses rythmes second line : le “fonk” qui fait remuer
les hanches de ceux qui ont tout perdu. On célébrera la
vie, et quelques ombres bienveillantes nous aideront à
évoquer la mort. De préférence de manière un peu décousue
et en laissant au fond de la poche la longue liste des questions
prévues, car comme le Good Doctor en fait la remarque à
un point de la discussion : « J’aime bien dériver. Parfois, il
m’arrive de jouer d’une manière que je n’avais pas prévue.
Non pas que j’aie l’habitude de tout planifier, mais disons
que, généralement, j’ai une idée à l’avance. Mais cela m’arrive
fréquemment d’en changer en cours de route et de partir
dans quelque chose de différent. Un bon moment passé à
bavarder avec quelqu’un, c’est pareil. » Alors laissons la
conversation suivre son flot, en compagnie de Malcolm
“Mac” Rebennack, dit Dr. John, celui qui voyage avec la
nuit…
Dans votre autobiographie, vous insistez sur
l’importance de la batterie dans la musique de La
Nouvelle-Orléans. Votre fidèle batteur Herman Ernest III
nous a quittés il y a un an de cela. Comment était
votre relation musicale ?
Herman et moi, ça remonte à loin… Il a commencé à
bosser avec moi, je crois, au moment de l’album “City
Lights” (1) et de la tournée qui a suivi – et il est resté à
mes côtés jusqu’à sa mort. Avant ça, il avait bossé avec
Richie Havens. Il y a un truc marrant à propos de notre
rencontre. À une époque, je traînais souvent avec Mr. Google
Eyes (2) et, dans ces occasions, c’était lui notre chauffeur.
Mais je ne m’étais pas rendu compte qu’il s’agissait ✦✦✦
N°207_SOUL
BAG 17
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EN COUV’ DR. JOHN
GRIS-GRIS, POUDRE DE SERPENT ET
MÉDECINES DE L’ÂME
Qui est le personnage
de Dr. John ? Dans son
autobiographie Under
a hoodoo moon (St Martin’s
Press, 1994), Mac Rebennack
lève le voile sur ce nom
de scène adopté en 1967.
son percussionniste cubain.
Si ses concerts sont
aujourd’hui visuellement bien
plus sages, Rebennack reste
pour l’éternité associé à Dr. John,
le sorcier et chef spirituel.
Du 16 au 20 avril 2012, on
pouvait le trouver à Mandeville et
à La Nouvelle-Orléans dirigeant
“Dr. John” (aussi appelé John
Montaigne ou Montenet, John
Montreux, 1973
Creaux ou Croix, ou encore Bayou
© Monique Périn
John) était un sorcier vaudou du
milieu du XIXe siècle. Originaire
du Sénégal où on raconte qu’il
était un prince, il fut capturé et
conduit comme esclave à Cuba.
Émancipé, il devint marin avant
de se fixer à La Nouvelle-Orléans
et de devenir l’homme-médecine
renommé de Congo Square,
craint et respecté, puis une figure
légendaire de l’imaginaire
collectif populaire local. Il aurait
notamment enseigné les arts du
vaudou et de la divination à
Marie Laveau elle-même… Initié Ann Arbor, Michigan, 1972
© Emmanuel Choisnel
au vaudou dès l’adolescence par
sa sœur aînée Bobbie et par le
musicien David Lastie, Mac finit
par apprendre (en lisant une
nécrologie rédigée par Lafcadio
Hearn) que ce Dr. John qui le
fascine alors était lié à une
certaine Pauline Rebennack, avec
qui il gérait un temple vaudou et
une maison close. Une parente ?
En revendiquant à son propre
compte le patronyme évocateur,
Mac Rebennack crée autour de
lui une mythologie et un
spectacle scénique hors norme,
même pour les sixities
psychédéliques. Sur scène à
l’époque, il fait son apparition
dans des volutes de fumée, paré
d’un costume traditionnel
d’Indiens de Louisiane et
d’accessoires de cérémonie, aux
côtés de Kalinda dansant avec
un serpent. S’il poursuit son
travail de session-man en tant
que Mac Rebennack, il devient
progressivement Dr. John,
encouragé sur cette voie par
Walter “Didimus” Washington,
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la cérémonie SoulFire4TheGulf,
un rassemblement spirituel de
communautés indiennes de
Louisiane. Les incantations et les
rythmes martelés sur des peaux
y avaient pour objectif de
contribuer à panser les plaies
des habitants (humains ou non)
des bayous du golfe du Mexique,
après le désastre écologique et
économique causé en 2010 par
la marée noire due à l’explosion
de la plate-forme pétrolière
Deepwater Horizon de la
compagnie British Petroleum…
Gris-gris pour la vie.
ED
À écouter :
Gris-gris gumbo ya-ya et I walk on
gilded splinters sur l’album “GrisGris” de Dr. John The Night Tripper
(compositions de Mac Rebennack
signées Dr. John Creaux).
✦✦✦
du même type, que le gars qui nous conduisait était
aussi batteur ! Jusqu’à ce qu’un jour je me rende à un concert
de Google Eyes et que je le vois assis derrière les fûts…
Je lui ai dit que je ne savais pas qu’il était aussi batteur et
il m’a dit : « Bien sûr que si, on s’est rencontrés sur une
tournée où j’accompagnais Richie Havens. » « Ah, c’était toi
ce mec ! Merde, mais tu ne te ressembles même pas, tu
as perdu tous tes cheveux ! » [Rires.] On a été de vrais amis.
Dans le groupe, c’était lui le straw boss (3). J’aimais bien
avoir un gars comme ça – avant lui, c’était mon guitariste
Alvin “Shine” Robinson qui tenait ce rôle. Mais Herman fut
probablement le dernier : aujourd’hui ce n’est plus pareil.
Il avait un sacré bon sens du temps. Il était si funky avec la
batterie ! Il me manque beaucoup. À l’heure actuelle, on a
bien un batteur, mais il ne connaît pas encore les 230
morceaux et quelques qui figurent dans notre répertoire,
ceux que Herman avait appris au fil des années. C’est un
sacré défi pour lui, d’apprendre tous ces titres en plus des
nouveaux qui viennent s’y rajouter. Ça rend aussi les choses
plus difficiles pour moi, parce que j’ai l’habitude d’écrire
un show différent d’un soir à l’autre – j’ai toujours beaucoup
fonctionné comme cela et j’essaye de continuer ; d’une part,
parce que j’aime ça et, d’autre part, parce que c’est un
moyen de garder mon groupe sur la brèche. Mais quand je
fais ça, je dois penser à ce pauvre Raymond Weber et au
travail que ça va lui demander… Ce n’est pas si facile pour
un batteur d’apprendre tous ces morceaux, parce qu’ils
viennent tous de différentes zones de la musique… Alors
il vient parfois me visiter dans mes rêves et me lance :
« Tu as une personnalité dictatoriale… Ce sont des
cigares que tu devrais fumer, au lieu de toutes ces
cigarettes ! » [Rires.] Et dans mon rêve, il n’entend rien de
ce que je lui dis, alors c’est OK…
Sur quelques dates de la tournée européenne
(Strasbourg, Montreux, Nice) vous accueillez en première
partie un musicien de Tremé qui commence à avoir pas
mal de succès : Trombone Shorty. Vous avez beaucoup
enregistré ensemble. Qu’est-ce qui fait que vous soyez
si complice avec la nouvelle génération de La NouvelleOrléans ?
Trombone Shorty et son frère… Leur grand-père
Jessie Hill et moi avons longtemps été partenaires de
travail. Avec Alvin “Shine” Robinson on écrivait des
chansons. Il y avait aussi Dave Dixon, nous étions quatre.
Mais nous trois avions créé une petite affaire à Los Angeles,
un label qu’on avait fait l’erreur d’appeler Free Records
– un nom hélas prédestiné, parce qu’avec ce qu’on en a
tiré, c’est comme si on les avait distribués gratuitement
[rires]. Bah, c’est des choses qui arrivent quand tu bosses
dans la musique… Pour en revenir à ta question, la
musique se transmet d’elle-même : les chansons qu’on
a écrites sont reprises par d’autres gens. La musique
est une bonne chose. À l’heure actuelle, nous nous
apprêtons à enregistrer un disque en hommage à Louis
Armstrong (4). Ce jour-là, je veux que soient réunis des
gens comme Lionel Ferbos, un centenaire (5) ; Dave
Bartholomew qui a dans les 90 ans ; et ainsi de suite
jusqu’à des gens beaucoup plus jeunes que moi-même,
comme Kermit Ruffins et Trombone Shorty aux cuivres.
Je veux que tous ces gars-là, tous ces musiciens de
générations différentes, soient réunis pour livrer leur
hommage personnel à Louis Armstrong. J’espère que
ça va pouvoir se faire… Tu vois, la musique, c’est une
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© Michael Wilson
“Apprendre de la bouche des enfants, et
en tirer des restes que je pourrai
recycler, c’est quelque
chose d’important pour moi.”
chose que nous devons faire, à laquelle nous nous
consacrons entièrement. Si on ne fait pas ça, qu’est-ce
qu’on peut bien foutre ? Qu’est-ce qu’on fiche ici ? On
n’a rien d’autre, on n’a pas d’autre but dans la vie. Les
musiciens n’ont pas de plan de retraite. Tu te dois de
jouer, jusqu’à ce qu’un jour arrive où la meilleure chose
que tu puisses faire soit de t’étendre puis de mourir. Au
dernier morceau d’un concert. De cette manière, ton
groupe touche sa paye et on ne te demande même pas
de faire des rappels ! [Grands rires.]
Vous avez des nouvelles de Fats Domino ?
Eh bien, il n’est pas en très bonne santé… Les trois
dernières fois où je lui ai parlé, il m’a passé au téléphone
Antoine Junior [III], comme s’il ne voulait pas entendre ce
que je lui disais. Je l’appelais pour lui parler, à lui, et il me
passait son fils. Ce que j’essayais de dire à Antoine,
c’était qu’il fallait qu’il donne sa maison du Lower 9th à
quelqu’un de sa famille. « Bon sang, tu n’iras jamais te
réinstaller là-bas, alors s’il te plaît donne cette maison à
quelqu’un qui a besoin d’un endroit. » C’est un des derniers
lits qui restent encore debout là-bas… Je reste en contact
avec ceux qui ont fait partie de son entourage. Herbert
Hardesty, qui a fait partie de son groupe, travaille toujours
pour nous. Il m’arrive régulièrement de faire des trucs avec
Dave Bartholomew. J’ai côtoyé ses anciens guitaristes :
Papoose [Nelson], qui m’a appris la guitare, ou encore
Ernest McLean, qui l’avait précédé dans son groupe. Ernest
vient de quitter ce monde. Il a entre autres joué sur notre
album “Gris-Gris”. Quand je l’ai entendu avec Edgar
Blanchard & the Gondoliers, j’ai été soufflé. Je n’ai jamais
entendu un groupe jouer comme cela – ni avant, ni après.
Ils étaient d’une grande originalité. Deux guitaristes, des
sax baryton, ténor et alto et ils jouaient une musique
complètement différente de ce que tous les autres jouaient
habituellement. Blanchard jouait des harmoniques sur sa
guitare, et ça sonnait comme une section de cordes pardessus les saxophones. Très, très beau. Et Ernest faisait
de beaux accords aussi : le résultat était très, très spécial.
Ils étaient extraordinaires. Mais beaucoup de ces musiques
qui faisaient auparavant partie de La Nouvelle-Orléans se
sont, disons, évaporées de la ville.
Comment cela ?
Une des raisons est que lorsqu’on a commencé cet
embargo sur Cuba, on n’a plus eu tous ces fabuleux
musiciens cubains qui s’arrêtaient à La Nouvelle-Orléans
sur le chemin de New York ou d’ailleurs. Ces gens, ce
passage, ça manque à la ville. L’histoire de cette ville
est aussi une histoire de perte : avec l’ouragan Katrina,
avec la marée noire, ça ne fait que continuer. On doit
rassembler les morceaux sans jamais faiblir et mon cœur
s’emplit de joie quand je vois les gamins qui, aujourd’hui,
font ce boulot-là. Des gens comme Derrick Tabb du Rebirth
Brass Band, qui enseigne aux plus jeunes enfants comment
jouer de la bonne musique. C’est quelque chose de bon.
Des gens comme Don Vappie aussi font cela. Don est
extraordinaire avec une guitare, avec une basse et avec
bien d’autres instruments encore. Des gens comme
eux, sont ceux qui permettent aux choses de tenir. À mes
yeux, il est primordial que nos traditions puissent vivre,
circuler…
Vos albums précédents, comme “The City That Care
Forgot” (2008) ont beaucoup traité de Katrina, de votre
colère envers les autorités américaines. Une colère
qui s’exprime aussi sur le nouvel album, avec des
titres comme Revolution ?
Eh bien, je suis toujours resté, jusqu’à cet instant même,
de l’autre côté de la frontière. Je ne fais absolument pas
confiance aux politiciens, ni aux prêcheurs de tout poil.
Je me méfie comme de la peste des gens de la lettre P.
Autre exemple, la police [rires]. Ça fait du monde…
Mais même si on a l’habitude d’appeler certaines
personnes des “prostituées”, elles je leur fais confiance.
Je préfère les appeler des entraîneuses, elles ne méritent
pas cette lettre P. Ma première femme et moi avions
une maison de passes et beaucoup de filles qui travaillaient
pour nous étaient d’un niveau bien au-dessus de beaucoup
de gens “respectables”. Par rapport à la police et aux
politicards, les putes relèvent le niveau [rires]. Disons
qu’au moins elles te parlent avec franchise. Et parlent
vrai. Je vais te dire : les politiciens sont des gens qui
aimeraient bien maîtriser l’art de la magie, mais qui n’ont
que le mensonge pour t’embobiner. Ils “mentent alors
que la vérité sonne mieux” – comme le dit une autre
chanson du nouvel album. S’ils disaient la vérité, un certain
nombre de gens s’en porteraient mieux. Mais ils ne le font
pas, parce qu’il se sont fait acheter. Cette situation, selon
moi, va en s’aggravant et je n’ai aucun respect pour ces
gens-là.
Alors, revenons à la musique… Parmi les grands
artistes qui nous ont quittés récemment, vous étiez
particulièrement proche d’Etta James. Pouvez-vous
nous raconter votre première rencontre ?
Notre première rencontre a eu lieu en prison. C’était
il y a bien longtemps. Elle était venue chanter gratuitement
dans le pénitencier où j’avais été condamné. Son ✦✦✦
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BAG 19
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EN COUV’ DR. JOHN
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cousin et son oncle y étaient aussi enfermés. Elle
et son groupe sont arrivés et, avec ce concert pour
nous, ils nous ont offert le plus beau moment que nous
avons passé là-bas, j’étais totalement captivé. J’ai pu la
rencontrer cette nuit-là, et peu de temps après j’ai participé
à une de ses sessions d’enregistrement pour je ne sais
plus quel label, avec lequel elle était sous contrat à
l’époque. Cela a scellé notre amitié pour le reste de nos
jours. Bon, je ne vais pas te mentir, je la dépannais en
narcotiques, je l’aidais à s’injecter sa dose. Je la piquais
au sommet du crâne, ou encore dans la veine jugulaire
– dans tout un tas d’endroits inhabituels pour la plupart
des gens… Mais elle était ouverte à ça. Comme tu le sais,
j’ai longtemps abusé de toutes ces merdes moi aussi. Il
y a longtemps de ça, en Louisiane, quand Kermit Ruffins
“J’ai l’habitude d’écrire un show
différent d’un soir à l’autre,
c’est un moyen de garder mon groupe
sur la brèche.”
était encore un gamin, je me souviens d’un jour où il est
venu me demander de faire un truc. Mais à ce momentlà, j’étais occupé à fumer du crack ou je ne sais quelle
autre saloperie. Je lui ai répondu que faire ce qu’il me
demandait n’était sans doute pas une très bonne idée…
Il m’a alors regardé et m’a dit cette phrase :« Tu n’écoutes
même pas tes propres conseils ! » Là, il m’a appris quelque
chose. Il avait parfaitement raison. Les enfants sont
capables de mots d’une grande sagesse… Bref, avec Etta
BONUS TRACKS
AVEC DAN AUERBACH
Quand avez-vous entendu
Dr. John pour la première fois ?
Mon père avait une grande
collection de disques,
notamment plein de rock des
années 1960, et c’est sans doute
avec ces disques-là que j’ai fait
sa connaissance : Mac était
forcément là-dedans. Plus j’y
pense, plus je me dis que Mac
devait être à la guitare ou au
piano sur quantité de faces que
j’entendais à la maison étant
plus jeune. J’ai probablement
connu sa musique bien avant de
savoir que c’était lui que
j’écoutais ! Comme nous tous,
non ?
Où vous êtes-vous rencontrés ?
À La Nouvelle-Orléans, quand
je m’y suis rendu en avion pour
discuter de l’album. J’en avais
discuté avec son manager mais
pas avec lui directement. Je l’ai
rejoint dans son antre et nous
avons passé l’après-midi
ensemble. Nous avons fait
connaissance, écouté de la
musique, parlé de choses et
d’autres – nos femmes, nos
familles, la façon de faire des
disques… On s’est bien
entendus. On a passé deux jours
ensemble après ça, et comme il
avait un piano, on a commencé
à jeter des idées en vrac, à
bosser quelques trucs, pour
mieux se connaître et se jeter un
Dan Auerbach et Dr. John
© Alysse Gafkjen
peu à l’eau. Ce fut fantastique.
Avait-il déjà des idées de
morceaux ?
Le truc avec Mac, c’est qu’il
est capable de créer quelque
chose sur le moment. Là où les
gens normaux vont passer de
longues heures en studio à
accoucher d’une création, lui
peut te sortir un truc parfait
comme si tu claquais des doigts.
C’est sans doute dû au fait qu’il
devait travailler comme cela au
temps où il était musicien de
studio dans les années 1960. Tu
as l’impression que ça ne lui
demande aucun effort.
Comment s’est passée la prise
de contact entre les musiciens
et lui ?
Il se trouve que les gens du
Bonnaroo Festival avaient
entendu des rumeurs
concernant l’album. Ils nous ont
donc invités. Moi, je me suis dit
que c’était une belle opportunité
pour réunir les musiciens que
j’avais en tête pour l’album – et
ça permettait que les frais soient
pris en charge par quelqu’un
d’autre ! [Rires.] Ce fut une belle
fête.
on a partagé pas mal de bon temps pendant toutes ces
années. Sa disparition, avec aussi celle de Johnny Otis
à la même période, est quelque chose qui me laisse un
drôle de sentiment. La santé de Johnny était chancelante
et je savais qu’Etta était elle aussi en mauvaise posture.
Je l’ai appelée un jour où nous étions à Riverside en
Californie pour un gig, c’était là où elle vivait. Au téléphone,
son fils – pas celui dont je suis le plus proche, mais
Sametto – m’a dit des mots terribles : « Je ne crois pas
Mac a l’habitude d’enregistrer
des démos avant d’entrer en
studio faire un album…
Pas cette fois. On n’avait ni
démos ni rien. Pas de répétitions
préalables. Rien que ça, ça te
donne une idée de la manière
dont ça s’est passé : sans effort,
en douceur. Les sessions de
studio n’auraient pas pu se
dérouler de manière plus
plaisante. On a fait 13 morceaux
en 9 jours. Tous les musiciens
ont été très complices, très
relax. Quand tu es jeune et
stupide et que tu vois Mac
marcher avec sa canne, à son
train de sénateur, tu peux te
faire du souci… Je reconnais
qu’au début j’étais un peu
inquiet et je me demandais ce
qu’on allait bien pouvoir en tirer.
Mais je ne pouvais pas être plus
loin de la vérité que ça. Mac est
totalement incroyable. Non
seulement il s’est pointé avec
des parties absolument
géniales, mais il nous les a aussi
jouées de la manière la plus
parfaite qui soit, parfaitement
derrière le beat, dès la première
fois. Exactement comme elles
devaient être jouées. Comme s’il
avait passé un million d’années
à les jouer. Ces sessions furent
un moment immense, une
grande source d’inspiration.
Chacun de nous, qui étions
présents à ses côtés, avons
énormément appris.
Comment prenait-il les idées
que vous lui présentiez ?
Il était très ouvert à toutes
sortes d’idées. Sa réplique
favorite pendant les sessions a
été : « Pas de problème. » Tu lui
demandes s’il peut essayer le
Farfisa pour le solo et il te
répond : « Pas de problème » !
En studio, il a placé toute sa
confiance en moi. Je lui en suis
très reconnaissant.
Pourra-t-on vous voir ensemble
sur scène ?
Très bientôt nous allons jouer
à Brooklyn*. On aura une
journée et demie de répétitions.
Avec un peu de chance, chaque
musicien aura réécouté l’album
et sera capable de retrouver
comment faire sa partie ! Mais
on ne fera pas de tournée
ensemble, j’ai un calendrier trop
chargé avec les Black Keys.
Quoi qu’il en soit, faire cet
album fut une expérience
totalement fabuleuse pour moi,
un des tout meilleurs moments
de ma vie professionnelle.
* Cette série de concerts eut lieu du 5
au 7 avril 2012, lors de la résidence de
Dr. John à la Brooklyn Academy of Music.
“Mac s’est pointé avec des parties absolument
géniales et nous les a jouées de la manière la plus
parfaite qui soit, dès la première fois.”
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© DR
qu’elle va ne serait-ce que se rendre compte de qui lui
parle. » Et c’était vrai. J’avais beau lui dire ce que je voulais,
elle n’avait pas la moindre idée de qui pouvait lui parler.
En raccrochant je me suis senti si triste : « Mon Dieu,
elle est dans une sale situation. » Elle nous a quittés à
peu près deux semaines après ça et c’est une personne
de plus qui me manque terriblement. J’avais aussi
beaucoup d’estime pour Johnny Otis. Je me souviens
d’une fois, il avait viré son trompettiste et je lui ai suggéré
de reconsidérer sa décision et de rappeler le gars. Saistu ce qu’il a fait ? Il a réfléchi, il m’a dit qu’il allait essayer,
et il a rappelé. Il était ouvert d’esprit, capable de réviser
son jugement. Et j’adore les gens comme ça.
Il est entré dans l’histoire américaine.
S’il n’avait pas enregistré Willie Mae Thornton en train
de chanter Hound dog, Elvis Presley n’aurait peut-être
pas eu la carrière qu’il a eu, et de nombreux autres non
plus. Mais quoi qu’il en soit, il a fait tellement de bons
disques, comme ceux avec Johnny Ace… J’adorais
écouter le groupe avec Little Esther Phillips, tous ces
disques des débuts sont absolument fantastiques. Bien
qu’Esther soit devenue un cauchemar pour mon épouse
une fois que nous avons fait connaissance ! [Rires.]
Bah, la vie, c’est la vie…
On parlait tout à l’heure de l’importance de passer
cet héritage aux jeunes générations. “Locked Down”,
enregistré avec des gens qui pourraient être vos petitsenfants, a-t-il été fait dans cet esprit ?
Oh, non, en fait les choses se sont imbriquées un peu
toutes seules de manière assez spirituelle… Un jour,
ma petite-fille me fait écouter un disque de Dan et des
Black Keys, et puis dans la foulée j’apprends par quelqu’un
d’autre qu’un festival nous a engagés pour participer à
une jam session avec eux. Et puis très vite après ça, on
m’annonce qu’on va faire un disque ! Tout cela s’est
enchaîné comme si de bons esprits y avaient veillé… Dan
est capable de bien garder certaines choses en mémoire
– mais c’est normal, il est jeune. Par exemple, je lui avais
raconté qu'un des fondateurs de mon groupe, Didimus,
était originaire d'Ethiopie : et quand on s'est retrouvés en
studio, Dan avait fait venir un batteur allemand qui avait
vécu quelques années en Ethiopie ! C’est un bon guitariste,
que j’ai aimé dès la minute où ma petite-fille m’a passé
ce disque. J’aime les gens comme lui, qui jouent une
musique honnête et vraie. Il n’y en a plus tellement de
nos jours, hélas : c’est triste, mais c’est bien vrai. Surtout,
il a eu des idées très cool pendant l’enregistrement au
studio. Il me faisait des suggestions pertinentes, par
exemple : « Si tu modifies ce vers que tu chantes ou si
tu le dis de telle autre manière, les chœurs derrière vont
sonner beaucoup mieux. » Il avait de bonnes suggestions
sur les mélodies. Il ne perdait pas de vue le projet dans
son ensemble, et il l’envisageait depuis une perspective
totalement différente de celle d’où je viens. J’aime ça.
Apprendre de la bouche des enfants, et en tirer des restes
que je pourrai recycler, c’est quelque chose d’important
pour moi. ◆
Propos recueillis par Éric Doidy à Paris le 2 mars 2012
1. C’est Steve Gadd qui tient la batterie sur “City Lights” (1978),
mais Herman Ernest apparaît sur l’album suivant “Tango Palace”
(1979).
2. Joe Augustus (1931-1992) alias “Mr. Google Eyes” était un
blues shouter de La Nouvelle-Orléans qui, comme Dr. John,
avait vécu un temps à Los Angeles. Il a enregistré pour des
labels comme OKeh et Duke.
3. En argot de musicien (notamment en jazz), le straw boss
est l’instrumentiste qui fait l’intermédiaire entre le patron ou
leader et le groupe : homme de confiance de l’artiste, il veille
que l’emploi du temps soit bien respecté, transmet les consignes
et fait parfois office de directeur musical.
4. Dans le cadre d’une résidence de Dr. John à la Brooklyn
Academy of Music, les concerts du 29 au 31 mars ont été
consacrés à ce “Louis Armstrong Tribute”.
5. Trompettiste de jazz de La Nouvelle-Orléans, Lionel
Ferbos est né en 1911 et se produit toujours.
À ÉCOUTER
• “Locked Down” (Nonesuch, 2012)
★★★★ (chronique p. 60)
INTERNET
nitetripper.com
CONCERTS
Dr. John & the Lower 911 feat. Jon Cleary
30 juin : Festival Django Reinhardt, Samois-surSeine (77)
4 juillet : La Cigale, Paris 18e
5 juillet : Strasbourg Jazz Festival (67)
6 juillet : Lugano Estival (Suisse)
9 juillet : Montreux Jazz Festival (Suisse)
10 juillet : Nice Jazz Festival (06)
15 juillet : Cahors Blues Festival (46)
JEU CONCOURS
5 x 2 places à gagner pour le concert
de Dr. John à la Cigale !
Voir modalités dans l’agenda p. 88
N°207_SOUL
BAG 21
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EN COUV’
Par Stéphane Colin
P
ar ce jeu du balancier publicitaire qui
dévalorise le passé pour mieux monnayer
le présent, il semblerait que la sortie du
nouveau – et fort recommandable – Dr. John
soit l’occasion de nous resservir le couplet
de l’artiste déchu renaissant de ses cendres
après une décade de disette discographique.
Retour donc sur cette période de soi-disant panne
créative où l’on verra que si un Black Keys peut nourrir
l’actuel printemps, les couleurs de l’automne
discographique du Good Doctor engendrent quelques
reflets chatoyants, parfaits miroirs de la personnalité
hors norme de l’artiste. 2000-2010, ou l’histoire de sept
albums présentant des géométries variables et des
points communs indéniables.
DR. JOHN
Hommage fidèle et iconoclaste à la musique
ellingtonienne paru début 2000, “ Duke Elegant ”
marque ce resserrement autour du groupe de scène qui
constituera le dénominateur commun des années à venir.
Le Lower 9-11 sera dès lors souvent associé à la
coproduction. Les guitaristes changent, mais Herman
Ernest à la batterie, David Barard à la basse fournissent
les indispensables bases du “skank”, du “fonk”, ce
groove à la chaloupe bigarrée propre à la Cité du
© Michael Wilson
2000-2010
TOUT FONKTIONNE
Qui a dit que Dr. John n’avait rien enregistré de notable depuis longtemps ?
Ses sept albums des années 2000 sont autant
DOSSIER
de preuves du contraire. Cap sur une
NEW ORLEANS
décennie propice à l’épanchement “fonk”.
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croissant. Mac Rebennack peut laisser libre cours à cette
créativité particulière qui l’anime. Il prend là un malin
plaisir à tordre les Perdido, Mood indigo et autres Caravan
pour mieux leur rendre hommage. Les parties d’orgue
Hammond feraient
cligner l’œil de James
Booker. It don’t mean
a thing if it ain’t got that
swing devient dès lors
la profession de foi
vibrante d’un musicien
qui fait ce que bon lui
semble.
• “Duke Elegant” (Parlophone, 2000)
★★★★ (SB 158)
Un an plus tard, “Creole Moon” enfonce le concept.
Baron Samedi et Marie Laveau sur la pochette comme
pour mieux conjurer les esprits caribéens. Le boléro du
titre éponyme fait la part belle au saxophone de Fathead
Newman, l’arrangement cuivré de Fred Wesley et Charlie
Miller sur Litenin’ afro-cubanise les funky horns et la slide
de Sonny Landreth glisse sur le bayou cajun deGeorgianna.
Plus que tout, les quatre morceaux coécrits avec un Doc
Pomus récemment disparu concluent brillamment une
collaboration superlative. Il y a dans la reprise ralentie et
désenchantée d’Imitation
of love une impression
de contrepoint à la
version flamboyante
produite par Dr. John
pour Johnny Adams en
1991 (“The Real Me:
Johnny Adams Sings
Doc Pomus”, Rounder).
• “Creole Moon” (Parlophone, 2001) ★★★★
(SB 165)
En 2004, “N’Awlinz Dis Dat Or D’Udda” élargit le
chant d’action à l’ensemble de la Cité du croissant et à
quelques-uns de ses plus chauds partisans : B.B. King, Randy
Newman, Willie Nelson… Snooks Eaglin habite de son grain
de guitare une ode à Cousin Joe du meilleur aloi. Earl Palmer
prend régulièrement la place d’Herman Ernest derrière les
fûts. Le tambourin de Smokey Johnson amène sa pincée
de Big Chief. Tour à tour, Cyril Neville, Dave Bartholomew,
Nicholas Payton, Leroy Jones, Eddie Bo, Walter Washington
et le Dirty Dozen Brass Band amènent leur contribution à
ce travail de mémoire arrangée chère au docteur. Les cordes
des Quatre Parishe de Wardell Quezergue semblent prolonger
la Litanie des Saints du “Going Back To New Orleans” de
1992 à la façon du compositeur louisianais du XIXe Louis
Moreau Gottschalk. When the Saints chanté en duo avec
Mavis Staples régénère la rengaine d’une manière
tout aussi détournée et
originale que la version
solo du “Dr. John pay Mac
Rebennack” de 1981
ou celle enregistrée avec
Art Blakey et Fathead
Newman dans le cadre du
“Bluesiana Triangle” de
1990.
• “N’Awlinz Dis Dat Or D’Udda” (Parlophone,
2004)
PIED (SB 176)
Avec le Lower 9-11 : David Barard,
John Fohl, Dr. John, Herman Ernest III
© DR
Changement de décor et de climat en 2005 avec ce
“Sippiana Hericane” bâti dans l’urgence de l’après
Katrina. Inaugurant une impressionnante série d’hommages
à la ville meurtrie, cette courte suite construite autour du
traditionnel Wade in the water ravive la gravité du moment.
Les Lower 9-11 se resserrent dans un studio de Woodstock
autour du projet qui s’ouvre et se ferme sur Clean water,
composition du vieil ami Bobby Charles. Paradoxalement,
c’est dans la troisième partie instrumentale de la suite
intitulée Calm in the storm
que le piano tangue à
l’extrême. Calme dans la
tempête ou l’apparence
d’un paradoxe pour
mettre en exergue le feu
et le ressentiment de
toute une communauté
musicale.
• “Sippiana Hericane” (Parlophone, 2005)
★★★★ (SB 182)
Après une telle urgence, “Mercernary”, l’hommage
à Johnny Mercer de 2006 ferait presque décoratif.
Quelques vieilles histoires d’os d’un répertoire suranné
semblant sorti de derrière une tenture fanée ne donnent
pas forcément prise à une accroche immédiate. Sous la
conduite de son leader, le Lower 9-11 transcende le
genre, redorant les tentures de Lazy bones et Come
rain or come shine avec cette grâce intemporelle qui
régénère les vieux pastels pour en faire des opus
funky apaisés. Save the
last bones for Henry
Jones en miroir tout
aussi déformé que
respectueux de la
version de Nat King Cole
et de son trio. Qui pour
battre le Good Doctor
sur ce terrain-là ?
• “Mercernary” (Parlophone, 2006) ★★★✩
(SB 183)
Le dénominateur
des années 2000 :
le Lower 9-11,
indispensable
pourvoyeur de fonk
STUDIO
TRIPPER
Les participations
de Dr. John
À la guitare derrière Professor Longhair, au clavier
chez Ringo Starr, en duo avec B.B. King… En près de
60 ans de carrière, le Night Tripper a sévi sur un
nombre impressionnant de séances en tant
qu’accompagnateur ou invité de marque. Impossible
à pister ? Notre collaborateur Danny Garçon a relevé
le défi ! Une liste conséquente que nous vous
proposons au format pdf sur simple demande à
[email protected]
“City That Care Forgot” ou le complément à froid
de “Sippiana Hericane”. La colère n’a rien perdu de son
intensité. Le sentiment d’abandon est toujours aussi fort :
« Promises, promises / empty words / the road to White House
paved with lies », est chanté en duo avec le “country outlaw”
Willie Nelson. Eric Clapton habite ses trois interventions. Les
arrangements cuivrés de Wardell Quezergue, Charlie
Miller, Jason Mingledorff et Alonzo Bowen claquent dans le
vent et le contrechant vocal “à la Neville” de Terrance Simien
bonifie la composition de Bobby Charles, Save our wetland.
Mais, plus que tout, c’est une fois encore le cœur de la
rythmique du Lower 9-11 qui permet à Mac de s’épancher
en toute confiance. My people need a second line, vibrant
appel à la pérennisation
d’une culture locale
ballottée et négligée, en
est encore une fois une
preuve indéniable. Un
Grammy Award 2008 du
meilleur disque de blues
traditionnel on ne peut
plus mérité.
• “City That Care Forgot” (429, 2008)
(SB 192)
PIED
« Doctorate your bones » : évidence intraduisible du Feel
good music qui ouvre “Tribal” et pourrait résumer les
cinquante ans de carrière de l’artiste. Un album de fin de
décade où la nostalgie latente – dédié à Bobby Charles
récemment disparu, coproduit avec Herman Ernest qui va
décéder l’année suivante – est transcendée par la créativité
des compositions. Le morceau qui donne son nom à l’album
semble embrasser l’ensemble de l’œuvre enregistrée du
docteur, plongeant dans la musique “native” pour mieux
rebondir chez les Mardi Gras Indians et s’épancher dans des
univers aussi variés que le voodoo rock des années “GrisGris” ou le jazz débridé
confectionné avec le
saxophoniste Donald
Harisson. Une histoire
du skank où chaque note
semble tester son poids
d’histoire pour mieux s’en
affranchir. Only in New
Orleans.
• “Tribal” (429, 2010)
PIED (SB 200)
Stéphane Colin
N°207_SOUL
BAG 23