Pour les réfugiés syriens qui attendent le départ, l`Allemagne est le

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Pour les réfugiés syriens qui attendent le départ, l`Allemagne est le
Liban
lundi 28 avril 2014
Pour les réfugiés syriens qui
attendent le départ, l’Allemagne
est le nouvel eldorado
Exil Depuis le mois de septembre, deux fois par mois, des charters transportant des
réfugiés syriens quittent Beyrouth pour Hanovre ou d’autres villes allemandes. Ils
font partie d’un programme conjoint de l’UNHCR et du gouvernement allemand.
Patricia KHODER
Une salle qui compte une
vingtaine de réfugiés syriens :
des hommes, quelques enfants
et une seule femme, voilée. Il
y a aussi une animatrice allemande et sa traductrice libanaise. De nombreux posters
de l’Allemagne sont accrochés
sur les murs : la carte du pays
avec ses seize Länder, des
images de la porte de Brandebourg, de Potsdamerplatz, de
la Hamburger Bahnhof, musée d’art contemporain de la
capitale allemande, et d’autres
lieux emblématiques de la République fédérale d’Allemagne.
Sur un tableau, derrière
l’animatrice, on peut lire
en majuscules « les frères
Grimm », deux illustres Allemands, qui ont – parmi tant
d’autres – forgé la culture du
pays et l’esprit de ses habitants.
Bienvenue à l’une des sessions dispensées aux réfugiés
syriens, choisis par l’Agence
des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) pour émigrer en Allemagne. Les cours
se tiennent à Jnah, dans les locaux de l’Organisation internationale pour les migrations
(OIM).
Depuis septembre dernier,
des sessions intensives de
trois jours sont données par
une animatrice allemande aux
réfugiés syriens qui seront accueillis en Allemagne. En tout
5 000 personnes, hommes,
femmes et enfants, devraient
bénéficier de ce programme.
Arrivés dans la République
fédérale allemande, ils seront
placés dans des maisons d’accueil destinées aux demandeurs d’asile, ils commenceront à apprendre la langue et
pourront plus tard travailler.
Ils devraient avant tout
s’adapter à la vie en Allemagne. C’est dans cette optique
que le cours de trois jours a été
conçu.
On leur demande par
exemple de joindre des images, comme de petites fiches,
ensemble.
Un costume traditionnel bavarois et une choppe de bière,
deux enfants dans la forêt – à
savoir Hänsel et Gretel – et le
portrait de Jacob et Wilhelm
Grimm, la Mannschaft et une
balle de football, le mur de
Berlin et une image récente de
la porte de Brandebourg, des
cadeaux et un sapin de Noël,
des œufs colorés et un lapin...
Commentant cet exercice,
Suzanne, l’animatrice allemande, et Zeinab, sa traductrice libanaise, notent que
nombre de réfugiés n’ont jamais entendu parler d’Adolf
Hilter ou de la guerre froide.
Certains ne connaissent pas
Noël. Personne, à moins qu’il
y ait des chrétiens dans la salle,
ne connaît la fête de Pâques et
quand on essaie de les aider,
en leur disant que c’est une célébration, ils s’exclament pour
dire que cela doit être une fête
pour les animaux.
Ils quittent le Moyen-Orient à cause de la guerre. Ici, atterrissage
dans un aéroport allemand.
Le fait de ne pas être un
familier des frères Grimm, de
Goethe ou de Schiller, présents également sur les fiches,
ne constitue donc pas vraiment un problème...
Tous les trains de la
Deutsche Bahn
Lors des sessions, on parle aussi de la scolarisation
des enfants, du travail, des
contrats qui devraient être signés, des rapports médicaux
qu’il faut envoyer à l’entreprise si l’on est malade. Certains posent des questions sur
la possibilité de travailler au
noir ou cherchent des détails
sur les aides sociales si l’on est
au chômage.
On évoque aussi le travail
des femmes et leur rôle dans
la société. Le travail de la
femme en Syrie, toutes classes
sociales confondues, n’est pas
vraiment dans les mœurs.
L’animatrice
allemande
consacre aussi beaucoup de
temps aux moyens de transport en Allemagne. On se
perd entre U-Bahn, S-Bahn,
M pour Tramway et non
Métro, et Bus. Et l’on fait
connaissance aussi avec tous
les trains de la Deutsche
Bahn : le RB, le RE, le IC et
le ICE. Devant une carte de
métro d’une ville de la Basse-Saxe, des cours pratiques
pour les correspondances
sont entamés... et d’autres
itinéraires en train sont imaginés. À titre d’exemple, une
promenade d’une journée
pour une famille de neuf personnes avec deux billets à 22
euros l’un, permettant l’accès
au train à dix personnes dans
le Niedersachsen, entre Leer,
Hanovre et Göttingen...
Les exercices sont difficiles
et certains demandent si l’on
peut acheter une voiture ou se
déplacer à mobylette. Il leur
est alors expliqué que les Allemands privilégient les vélos
et que si un réfugié achète une
voiture, cela sera mal interprété par les autorités qui penseront qu’il est riche et qu’il a
les moyens de subvenir à ses
propres besoins.
Vient ensuite le tour des
loyers et des règlements qui
régissent la vie dans les immeubles : il faut faire attention au bruit, ne pas fumer si
le bâtiment est non fumeur,
oublier le brasero à charbon et
privilégier le barbecue électrique pour rôtir les brochettes
de viande, ne pas bricoler s’il y
a une fuite d’eau ou une panne
électrique... Le tri des ordures
est également évoqué, l’Allemagne étant probablement le
pays européen où l’on compte
le plus grand nombre de bennes par produit : poubelles
pour les chaussures usées, les
vêtements anciens, les produits électroniques, le papier
et le carton, le compost, les
emballages en plastique, le
verre transparent, le verre vert,
le verre brun... sans oublier les
bouteilles en plastique que l’on
recharge dans les distributeurs
des supermarchés.
L’assistance ne cache pas sa
surprise et reste silencieuse.
Une blague fuse : « Ne peuton pas vivre seuls dans une
montagne et faire ce qu’on
veut ? »
Suzanne, l’animatrice, et
Zeinab, la traductrice, sont
habituées à ce genre de questions. « Nous essayons de leur
donner un minimum d’informations avant qu’ils partent et cela même s’ils seront
directement pris en charge
par le gouvernement une fois
sur place », indique Suzanne.
Zeinab renchérit : « Nous
croisons toutes sortes de personnes qui viennent pour la
session, il y a des juges, des
médecins, des agriculteurs,
de simples journaliers... Il y a
des familles, certes, mais aussi
quelques célibataires. La quasi-totalité n’a jamais pris un
avion ou encore n’avait jamais
quitté la Syrie avant de venir
se réfugier au Liban ».
Nombre de ces familles
viennent de milieux traditionnels où les femmes n’ont pas
de rôle à jouer ou leur mot à
dire. À l’instar de leurs pères,
maris, frères et fils, elles devraient s’adapter à une autre
vie en Allemagne.
« Les hommes sélectionnés posent des questions sur
le racisme, demandent si les
Allemands seront encouragés
à les embaucher même s’ils
ne maîtrisent pas la langue et
sont des étrangers », indique
Suzanne qui tente de les rassurer en mettant l’accent sur
leur savoir-faire que les Alle-
Le soir, devant son ordinateur, le petit Rida
imagine l’Allemagne
Rida a dix ans. Il a les cheveux
en brosse, de grosses lunettes
et les oreilles décollées. Rida
est le plus jeune d’un groupe
d’une vingtaine de réfugiés
syriens qui suivent durant
trois jours des cours de culture
générale allemande. Originaire de Deraa, il devrait partir
prochainement avec ses deux
frères, sa sœur et ses parents,
en Allemagne. La famille bénéficie d’un programme allemand destiné aux réfugiés
syriens du Liban.
Rida a un physique de premier de classe. D’ailleurs, il
était premier de classe dans
son pays natal. Au Liban, ses
parents ont réussi à l’inscrire
dans une école privée, mais il
a eu du mal à suivre, les cours
de mathématiques et de sciences étant enseignés en langue
française alors qu’en Syrie
l’enseignement est exclusivement en langue arabe.
Depuis qu’il a su qu’il partait
en Allemagne, le petit garçon
a commencé à apprendre des
mots allemands. Il sait dire
Guten Morgen (Bonjour),
Guten Abend (Bonsoir), il
sait compter jusqu’à dix et
c’est fièrement qu’il montre
à Suzanne, l’animatrice allemande en charge du cours, la
liste qu’il a écrite en arabe et
en allemand, celle des fruits
et légumes : Apfel (pomme),
Kartoffel (pomme de terre) et
Zwiebel (oignon)... Rida ne
sait pas encore qu’il s’agit là
de quelques produits qui forment la base de la nourriture
traditionnelle allemande.
« Je vais deux fois par semaine à un café Internet avec
Le petit Rida entouré de sa famille originaire de Deraa.
mon père. Nous téléchargeons
un programme allemand sur
notre laptop et nous rentrons
à la maison. J’apprends à prononcer, à écrire... C’est facile
et intéressant », dit-il.
Rida regarde aussi sur Internet des images de l’Allemagne, « où il y a des forêts
et des fleuves grands comme
la mer », indique-t-il. Il rêve
d’habiter Berlin « parce que
c’est la capitale du pays et
parce que les images m’ont
plu », explique-t-il.
Tout comme son fils, Ahmad, 48 ans, le père de Rida,
rêve du jour où il arrivera en
Allemagne. Ahmad est chef
cuisinier. Il n’a jamais vécu
loin de Daraa... que pour venir trouver refuge au Liban il
y a un an et huit mois.
« Rien ne se fait par hasard. Je suis arrivé à Siddikine
(village du Liban-Sud) qui
compte beaucoup d’émigrés
libanais en Allemagne. À Siddikine, tout le monde me dit
que l’Allemagne c’est le para-
dis, et moi je veux aller dans
ce paradis », dit-il.
Ahmad ne sait pas que
90 % des Libanais d’Allemagne, notamment ceux qui sont
originaires du Liban-Sud et
de la Békaa, vivent des aides
sociales, travaillent au noir et
habitent des ghettos.
Il ignore aussi qu’ils cachent la vérité à leur famille
quand ils rentrent au Liban,
prétendant qu’ils vivent comme des rois en Europe, alors
qu’ils font de petits métiers
et ne parviennent pas à s’intégrer.
Le quadragénaire est prêt à
apprendre une nouvelle langue
et à repartir à zéro, même s’il
ne parle que l’arabe et même
s’il n’a pas achevé ses études
scolaires.
« Si les Allemands n’avaient
pas besoin de nous, s’il n’y
avait pas du travail pour nous,
ils ne nous accueilleraient
pas », indique-t-il.
Ahmad évoque aussi un vague cousin qui était parti en
Allemagne il y a 25 ans. « Je
n’ai même pas son adresse. Je
sais qu’il habite Berlin et qu’il
travaille dans le commerce des
voiture. S’il ne s’était pas plu
en Allemagne, il serait rentré
en Syrie depuis longtemps »,
souligne-t-il
L’épouse d’Ahmad, Abir,
âgée de 40 ans, ne partage
pas l’enthousiasme de son
mari et de son fils benjamin.
Elle appréhende ce départ.
« Nous avons quitté la Syrie parce que nous sommes
chiites et parce que mon fils
aîné, qui a actuellement 21
ans, aurait été obligé d’effectuer son service militaire »,
raconte-t-elle. « Je sais que
ça va être difficile. Nous ne
connaissons pas la langue et
nous ne sommes pas familiers
de la culture allemande », ditelle. J’ai peur de partir, de ne
pas m’adapter, de ne pas être
acceptée, de ne pas pouvoir
communiquer avec les Allemands », indique cette femme voilée qui a quitté l’école
très tôt et qui n’a jamais travaillé. « J’aurais aimé rester
ici », relève-t-elle. « Malgré
toutes nos difficultés actuelles, au Liban, je suis plus
proche
géographiquement
de la Syrie. De plus, les gens
parlent ma langue et ont des
habitudes proches des miennes. Mes fils aînés trouveront
du travail, le benjamin ira à
l’école. C’est le meilleur scénario, mais les choses peuvent être pires », indique-telle encore, caressant un rêve
qu’elle considère désormais
impossible : celui de rentrer
chez elle, en Syrie.
mands n’ont peut-être pas.
« Une fois parti, pas
question de rentrer
en Syrie »
Pour nombre d’entre eux,
l’Allemagne est un nouvel
eldorado, une terre promise
où tout ira pour le mieux, où
toutes les portes leurs seront
ouvertes.
L’enthousiasme de certains
est surdimensionné, extraordinaire.
Amer, 26 ans, Hicham,
35 ans, et Ahmad, 43 ans,
sont tous les trois originaires
d’Edleb. Amer a suivi des études en informatique, Hicham
est agriculteur et Ahmad était
propriétaire d’un restaurant
avant la guerre en Syrie.
Tous les trois sont mariés et
pères de famille. Ils rêvent de
l’Allemagne, « le pays le plus
riche d’Europe et qui possède
la meilleur industrie du monde ». Ils évoquent aussi « les
droits de l’homme, les libertés politiques et religieuses, la
démocratie ». Les trois hommes qualifient l’Allemagne,
un pays où ils n’ont jamais
mis les pieds, de « paradis ».
Ils n’appréhendent pas leur
séjour à venir, même pas l’apprentissage de la langue. Ils
croient dur comme fer qu’ils
se débrouilleront, même s’ils
n’ont jamais appris une langue étrangère. Même si tous
les trois n’ont jamais travaillé
dans des entreprises en Syrie
et ne se sont donc pas pliés à
des règlementations, ils sont
sûrs que tout marchera comme sur des roulettes et que
rien ne leur sera difficile.
« Les Allemands sont des
5
Dans les locaux de l’OIM, cours pratiques destinés aux réfugiés qui partent pour l’Allemagne.
travailleurs et il y aura de
l’emploi pour nous », martèle
Ahmad, père de neuf enfants.
Tous les trois disent qu’une
fois établis en Allemagne, ils
ne remettront plus jamais les
pieds en Syrie. « Une fois parti, il n’est pas question que je
rentre ; tout va se passer pour
le mieux et je profiterai de ce
que l’Europe m’offrira », indique de son côté Hicham.
Mohammad a 22 ans, il est
originaire de Damas. Il partira
seul en Allemagne. Le jeune
homme, qui a suivi des études
de marketing dans son pays, est
calme et réfléchi. Mohammad
n’a jamais travaillé. Du fait de
la guerre il a été contrait de fuir
pour le Liban alors qu’il venait
d’achever ses études. « Une
fois en Allemagne, je me recyclerai, il faut penser au quotidien. Peut-être qu’il me sera
plus facile de devenir coiffeur,
je pourrai ainsi travailler, et si
des opportunités se présentent,
je poursuivrai mes études pour
avoir le niveau des Allemands
au travail. Peut-être que je
pourrai ainsi trouver un emploi
dans ma spécialisation universitaire », espère-t-il.
Deux salles d’attente sont
mitoyennes à la chambre où
la session est donnée. Elles
sont consacrées aux réfugiés
qui viennent effectuer des tests
médicaux, nécessaires avant
leur départ pour l’Allemagne.
L’une d’elles abrite surtout
des enfants en bas âge. Certains sont accompagnés de
leurs mères et d’autres attendent que leurs pères terminent
la session de formation. Parmi
eux figurent Omar, 9 ans, et
Alia, 7 ans. Les deux enfants
font moins que leur âge. Tous
les deux sont scolarisés à Saïda
et sont contents d’apprendre le
français, les études étant dispensées uniquement en langue
arabe en Syrie. Ils sont aussi
contents de partir en Allemagne. « Ce pays est sans doute
très important... Mon oncle qui
s’est réfugié en Turquie compte
partir avec sa famille. Il nous
a dit au téléphone qu’il faut
payer beaucoup d’argent pour y
arriver », raconte Alia. L’oncle
des deux enfants devra probablement passer par une filière
de trafiquants pour pouvoir se
rendre en Allemagne, comme
c’est le cas de nombreux Syriens
qui veulent fuir vers l’Europe,
notamment vers la République
fédérale allemande.
Omar indique de son côté
qu’il a déjà une tante qui vit
en Allemagne. « J’ignore dans
quelle ville elle habite, mais
elle nous envoie des photos
prises à partir de sa maison.
C’est très différent de la Syrie, la rue est immense, il y a
des arbres et tout le monde est
blond », dit-il.
Parmi la dizaine de femmes
présentes avec leurs enfants,
seule Fatima, 24 ans, détient
un diplôme universitaire.
Les autres, mères de familles
nombreuses, n’ont pas achevé
leurs études primaires.
Une femme fatiguée est
étendue sur un canapé. Elle
s’appelle Janna, elle a 70 ans
et elle porte des tatouages au
visage. Originaire de Homs,
elle est bédouine. Sa famille
n’a jamais été sédentaire. Les
Bédouins suivent les pluies et
les saisons pour travailler.
Janna est dure d’oreille. Elle
est diabétique et souffre d’ostéoporose. Elle ne peut pas
marcher et se déplace sur une
chaise roulante. Ce départ en
Allemagne semble surréaliste
pour elle ; elle n’y croit pas
vraiment. « Je pars avec mes
deux filles, l’une d’elles a une
famille et l’autre est célibataire. Mes fils n’ont pas a été
sélectionnés pour venir avec
nous. Je ne veux pas partir,
mais il semble que l’Allemagne est un pays riche. Je pourrai donc profiter de toutes les
aides médicales. »
Janna ne veut pas imaginer
l’Allemagne, encore moins
la vie loin de ses fils. « Mais
tout le monde me dit que c’est
une chance, que le gouvernement allemand s’occupera de
moi... » note-t-elle, préférant
parler de ses tatouages, « qui
n’ont aucun sens mais que
nous portons comme des bijoux et des ornements », explique-t-elle, fière, ajoutant que
ses filles aussi sont tatouées.
Elle préfère également parler de la vie qu’elle a menée
depuis sa naissance dans les
plaines de la Syrie, suivant des
troupeaux ou travaillant dans
les champs.
Janna, Fatima, Alia, Omar,
Mohammad, Hicham, Ahmad, Amer et des milliers
d’autres bénéficieront du programme du gouvernement allemand. Même s’ils ne le réalisent pas encore, il leur faudra
du temps pour s’adapter à leur
terre d’accueil. Et quand l’Allemagne ne sera plus pour eux
l’eldorado, lors des longues
nuits d’exil, ils se souviendront de leur pays comme on
rêve d’un paradis perdu.
Le plus grand nombre de réfugiés syriens en Europe
Le nombre de Syriens ayant
trouvé refuge jusqu’à présent
en Allemagne se chiffre à bien
plus de 30 000 personnes.
Depuis le début du conflit en
Syrie, le pays reçoit mensuellement en moyenne un millier
de demandes d’exil de ressortissants syriens qui se trouvent
sur son territoire. L’Allemagne
est ainsi le pays européen qui
accueille le plus grand nombre
de réfugiés syriens.
Grâce à un travail effectué
à Beyrouth entre l’ambassade
d’Allemagne, l’Agence des
Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), l’Organisation internationale pour les
migrations (OIM) et d’autres
partenaires locaux, des réfugiés syriens arrivent régulièrement dans les fédérations
allemandes par le biais de vols
gratuits mis à leur disposition.
Ainsi, deux vols par mois sont
organisés de la capitale libanaise vers Hanovre.
L’Allemagne privilégie dans
ce cadre les familles, les blessés, les femmes en situation
précaire et les minorités religieuses à condition que ces
minorités ne soient pas partie
prenante dans la guerre en Syrie, souligne un communiqué
du ministère allemand des Affaires étrangères.
Parmi ces personnes devraient aussi figurer des
hommes et des femmes qui
pourraient contribuer à la reconstruction et au développement de leur pays, le jour où la
stabilité y sera réinstaurée.
Ce sont presque uniquement les réfugiés syriens du
Liban qui bénéficient de ce
programme, les autres pays
ayant reçu des déplacés syriens,
à savoir la Jordanie et la Turquie, refusant la coopération
dans ce sens avec le gouvernement allemand et cela pour ne
pas encourager un plus grand
nombre de Syriens à trouver
refuge chez eux dans l’espoir
de partir en Allemagne.
Pour le Liban, le problème
ne se pose plus. Selon un rapport de l’UNHCR publié la
semaine dernière, le pays du
Cèdre accueille le plus important ratio de réfugiés par habitant dans l’histoire mondiale
moderne.
Parmi le lot de réfugiés qui
sont pris en charge par l’OIM
pour quitter le Liban, figurent
également des déplacés syriens
ayant des proches en Allemagne. Dans ce cas de figure, ce
sont les parents établis dans la
République fédérale qui effectuent la demande à condition
que la personne se trouvant au
Liban soit inscrite auprès de
l’UNHCR.
L’Allemagne a adopté également une politique souple
vis-à-vis des citoyens syriens
qui se trouvent sur son territoire.
Dans ce cadre, le pays a pris
deux autres mesures. Il est désormais possible aux Syriens
qui vivent depuis longtemps
en Allemagne d’accueillir
leurs proches venus de Syrie.
Ils doivent remplir cependant
certaines conditions. De plus,
la famille d’accueil devrait
avoir un certain niveau de re-
venus pour soutenir ses proches. Ce chiffre change selon
les fédérations allemandes.
La seconde mesure est un
assouplissement de la politique d’octroi de permis de séjour et d’exil politique et humanitaire.
Ainsi, chaque Syrien venu
en visite dans l’espace Schengen, mais dont la limite de
validité du visa a été dépassée,
n’est pas expulsé. Il peut déposer une demande d’exil auprès
des autorités allemandes.
Mais il y a aussi certains
Syriens qui sont prêts à tout
pour arriver en Allemagne et
effectuer les démarches nécessaires pour l’octroi d’un asile
humanitaire et politique. Ils
n’ont pas peur d’entrer illégalement en Europe. Ainsi, ils
n’hésitent pas à aller jusqu’à
la côte africaine pour arriver à
Lampedusa. D’autres viennent
dans des camions de transport
de marchandises à partir de la
Turquie. Ils rejoignent l’espace
européen et se rendent ensuite
en Allemagne.
Des exilés qui viennent de milieux pauvres et ruraux
La République fédérale allemande avait fait preuve de
générosité durant la guerre du
Liban, recevant des milliers de
Libanais, venus des zones les
plus pauvres du pays.
Même si les statistiques officielles comptent uniquement
35 000 Libanais, le nombre de
personnes d’origine libanaise
ou se sentant libanais est estimé entre 120 000 et 200 000
en Allemagne. Près de 90 %
de ces 200 000 Libanais vivent
des aides sociales. La majorité
travaille au noir et habite les
ghettos des grandes villes allemandes.
Le problème se posera-t-il
avec les réfugiés syriens ?
La République fédérale allemande veut probablement se
protéger : les réfugiés syriens
qui partent du Liban doivent
accepter une clause, celle de
rentrer chez eux si le calme est
instauré dans leur pays deux
ans après leur arrivée en Allemagne.
Mais vu la mauvaise expérience avec les Libanais, qui
refusent de quitter l’Allema-
Zeinab, la traductrice, entourée des hommes qui rêvent d’un
eldorado.
gne après l’instauration de la
paix dans leur pays, réussiront-ils avec les Syriens ?
Quand elles ont voulu accueillir des réfugiés de Syrie,
les autorités allemandes ont
posé des lignes directrices
souhaitant que la priorité
soit accordée aux minorités
religieuses persécutées, aux
blessés de guerre, aux femmes responsables de familles
ainsi qu’aux personnes ayant
des diplômes universitaires.
Elles souhaitaient ainsi faciliter l’intégration de ces exilés,
dans un pays – chargé d’une
lourde histoire – où l’on n’ose
pas parler tout haut des problèmes d’émigration, d’intégration et de racisme et où il
est assez difficile de se faire
une place quand on vient de
l’étranger.
Diverses fédérations allemandes ont pris l’initiative
d’accueillir les proches parents
de Syriens qui se trouvent en
Allemagne comme réfugiés.
Cela facilite bien sûr leur intégration.
Actuellement, nombre de
réfugiés syriens accueillis en
Allemagne viennent de milieux pauvres, ruraux et traditionnels où la femme n’a pas
de rôle à jouer et où ses droits
sont bafoués. Beaucoup n’ont
pas achevé leurs études scolaires et ont dépassé l’âge de
suivre des formations. Ils ont
des familles nombreuses...
alors que la population allemande est en train de vieillir
et fait face à des problèmes
démographiques vis-à-vis des
émigrés qu’elle a commencé
à accueillir il y a plus de cinquante ans.
Pour ces réfugiés syriens,
le problème qui pourrait se
poser en Allemagne ne serait pas d’ordre économique
mais social. Les exilés bénéficieront de toutes les aides
gouvernementales possibles,
mais c’est au niveau de leur vie
quotidienne qu’ils auraient de
forts risques de ne pas pouvoir
s’adapter au rythme allemand.