NH NOUVEAU
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NH NOUVEAU
EDITO 2 L’espoir est permis L es grosses vagues de la mer nous empêchent souvent d!imaginer ou de voir les merveilles qui se cachent dans les profondeurs de l!océan. Aussi, les nombreuses difficultés et défis de la pêche au Sénégal éclipsent-elles bien souvent les initiatives extraordinaires et le travail immense que certains acteurs de la pêche (pêcheurs, femmes transformatrices, communautés, organes de gouvernance locale) abattent pour promouvoir une pêche durable dans ce pays. Le concours sur les bonnes pratiques de pêche et de transformation lancé par le projet USAID/COMFISH au mois de juin dernier a mis en lumière deux de ces communautés hors du commun en matière de pêche durable au Sénégal : Ngaparou et Dionewar-Falia. • PAR CHRISTOPER MATHEWS, DIRECTEUR DU PROJET USAID/COMFISH Au moment oé beaucoup de pêcheurs, du fait de la raréfaction de la ressource et de la conjoncture économique, n!hésitent pas * recourir * des pratiques et techniques de pêche non-durables, ces deux communautés se sont distinguées par leur degré de conscience environnementale, d!organisation, de solidarité, mais aussi par leur capacité * chercher eux-mêmes les solutions aux problèmes liés * la pêche dans leurs communautés. De telles expériences méritent d!être partagées et soutenues * travers le Sénégal. Fort de ces approches originales, USAID/COMFISH estime que le navire pêche au Sénégal n!est pas en péril. Les balises sont en place et les bouées de sauvetage sont en train d!être mises en place et méritent d!être renforcées et disséminées partout * travers le pays. Le projet USAID tient encore * féliciter les communautés de Ngaparou et Dionewar-Falia, mais également * encourager tous ceux et celles qui, au niveau du Ministère de la Pêche et des Affaires maritimes, des organes de gouvernance locale, des ONG, des instituts de recherche et des bailleurs (uvrent pour une pêche durable au Sénégal. L!espoir pour une pêche durable est permis au Sénégal ê t Ce magazine a été réalisé par des journalistes indépendants gr)ce au financement du WWF Pays-Bas mis en (uvre par WWF WAMPO avec la Collaboration technique de l'USAID comfish PENCOO GEJ / PrOJEt USAID/COMFISH (GEStION CONCErtéE POUr UNE PêCHE DUrAblE AU SéNéGAl) 3 L’équipe WWF et US;ID/COMFISH reçue par le CLP de Ngaparou BONNES PRATIQUES DE PECHE Quand Ngaparou donne l’impulsion Située à 85 km de la capitale sénégalaise, la commune de Ngaparou est sous les feux de la rampe depuis que le projet Usaid/Com Fish a attribué le premier prix du concours national sur les bonnes pratiques de pêche à son Comité local des pêcheurs(CLP). Une capacité organisationnelle hors du commun de même qu’un engagement sans failles des acteurs dans le processus de surveillance maritime constituent notamment les fondements de cette gestion durable des ressources halieutiques. Focus sur une initiative innovante qui a fini de faire l’unanimité du côté des acteurs de la pêche artisanale. • PAR MAMADOU LAMINE DIATTA Ngaparou, une commune où vivent sources halieutiques n’a jamais été un « on a lutté contre l’érosion côtière en près de 12 000 âmes, la gestion vain mot. Comme le souligne d’emblée le interdisant formellement l’extraction du durable et responsable des res Président du CLP, Issa Sagne, au départ sable marin ». A PENCOO GEJ / PrOJEt USAID/COMFISH (GEStION CONCErtéE POUr UNE PêCHE DUrAblE AU SéNéGAl) 4 Une approche concertée en matière de surveillance Les acteurs ont tous mis la main à la pâte en initiant des activités hardies de sur veillance de la zone de pêche pour, entres autres objectifs, assurer une meilleure gestion des stocks de langoustes, une espèce à haute valeur commerciale qui était en voie de disparition sur le site. Ici, on a très tôt adopté l’approche systé mique avec, à la clé, une meilleure ges tion de la langouste et des espèces asso ciées. L’accent est particulièrement mis sur la protection des zones de reproduc tion et le strict respect des techniques de pêche autorisées informe le secrétaire général du CLP, Abdoulaye Ndiaye. En réalité, Ngaparou a réussi à monter sa propre police de surveillance avec trois zones de pêche protégées nuit et jour. La première est la zone de pêche réglemen tée. Là, les pêcheurs venus d’horizons divers sont autorisés à s’adonner à leur métier. Sur ce périmètre délimité par des bouées, les pêcheurs n’ont pas le droit d’utiliser des filets de mailles inférieurs à 60 mm même si les techniques de pêche à la ligne et à la traîne y sont autorisées. C’est la zone qui part de la première Une des bouées délimitant les différentes zones de pêche bouée (située à 400m de la plage) à la Somone, une localité distante de près de trois kilomètres. La deuxième zone de pêche représente la zone tampon, située entre la zone réglementée et la zone fer mée. Ici, les pêcheurs de Ngaparou ont immergé près de 100 récifs artificiels avec l’appui du projet Girmac. C’est la zone fermée à la pêche et beaucoup d’es pèces comme les langoustes, les mérous, les dorades et les courbines viennent s’y réfugier. Selon Babacar Diop membre du comité directeur du CLP, cette zone tampon ne sera jamais ouverte à la pêche car c’est la zone de reproduc tion. Des équipes de surveillance se relaient nuit et jour pour assurer sa sur veillance, à l’aide de deux GPS et de deux vedettes de surveillance. Enfin la troisième zone de pêche est complète ment fermée même si les acteurs pré voient de l’ouvrir à la pêche de novembre à mai prochain pour profiter pleinement de cette période propice à la commercia lisation de la langouste. C’est dire qu’à Ngaparou le repos biologique est bel et bien une réalité pour une gestion ration nelle de la langouste et des nombreuses espèces de poissons nobles et de péla giques. t Un des bateaux de surveillance du CLP de Ngaparou PENCOO GEJ / PrOJEt USAID/COMFISH (GEStION CONCErtéE POUr UNE PêCHE DUrAblE AU SéNéGAl) 5 Impacts positifs des bonnes pratiques de pêche Des pêcheurs en dehors de la zone interdite matérialisée par cette bouée ’est le Président du CLP de Ngaparou, Issa Sagne qui donne la nouvelle : « Des poissons qui avaient disparu depuis près de 30 ans sont revenus dans la zone » s’exclame til. Le relais communautaire de Com Fish auprès du CLP, Mame Ousmane Diop se veut plus précis en informant qu’au jourd’hui, on assiste à un retour massif de langoustes, de courbines, de mulets, de cigales de mer, de carans, d’autolites, de « wolidors », bref une belle brochette de poissons nobles. Les spécialistes expliquent cette nouvelle donne par le fait que désormais, l’écosystème marin local est doté de planctons et de phytoplanctons en abondance grâce à l’approche novatrice privilégiée par les pêcheurs de Ngaparou en matière de sur veillance maritime. Témoignage du pêcheur Mbaye Diop, membre du comité directeur du CLP : « Avant qu’on ne sur veille efficacement nos eaux, on pêchait des langoustes de moins de 20 cm, non réglementaires. Aujourd’hui, ce n’est plus qu’un mauvais souvenir car on arrive à pêcher des lan goustes de plus d’un kilo et plusieurs pêcheurs s’en sortent C souvent avec une moyenne d’un à 10 kg de langoustes par sortie. » Ce témoignage prend tout son sens car en décembre, le kilo de langouste est cédé sur le marché à près de 18 000 F Cfa. La prise en charge des pêcheurs et familles de pêcheurs démunis est réelle surtout dans les volets sensibles de l’édu cation et de la santé. Le pêcheur Abdoulaye Gueye confirme et informe que son fils âgé de deux ans a récemment bénéficié, de la part du CLP, d’une prise en charge médicale à l’Hôpital Fann de Dakar pour l’opération d’une hernie. La facture de près de 200 000 F CFA ayant été honorée par le CLP. Mieux, la structure qui regroupe les pêcheurs de Ngaparou a aussi décaissé 22 millions Cfa pour l’acquisition d’un camion frigo rifique au profit du GIE des femmes mareyeuses qui s’acquit te convenablement du remboursement en versant mensuelle ment 450 000 F Cfa. Toujours au chapitre des acquis, le CLP a mobilisé en cette année 2012 pas moins de 2.962.000 f CFA en termes d’amendes collectées au cours des verbalisations de pêcheurs indélicats. t Le coup de main de la gendarmerie en matière de surveillance PENCOO GEJ / PrOJEt USAID/COMFISH (GEStION CONCErtéE POUr UNE PêCHE DUrAblE AU SéNéGAl) 6 Une forte capacité organisationnelle ort de 600 membres actifs, le comité local des pêcheurs (CLP) de Ngaparou est composé de pêcheurs, mareyeurs, charpentiers et femmes transformatrices. Fait rarissime au sein des organisations professionnelles, il tient son assemblée générale tous les ans avec un respect scru puleux de la règle du tiers sortant qui concerne le comité directeur de 21 membres. Selon une récente enquête menée par l’Adepa et commanditée par la commis sion sousrégionale des pêches (CSRP), le CLP de Ngaparou est la seule organisation de pêcheurs à renouveler annuellement ses ins tances. « C’est l’une des principales forces de ce CLP en ce qu’elle règle en même temps la ques tion de la transparence et de la bonne gouvernance » analy se le relais communautaire de Com Fish, Mame Ousmane Diop. Autre parti cularité du CLP de Ngaparou, ses membres (hommes et femmes) sont les seuls à renoncer personnelle F ment aux perdiems glanés au cours de leurs représentations dans les différents séminaires et autres rencontres au profit exclusif de la structure faîtière. Une manne financière non négligeable. Ngaparou est aussi l’un des rares sites de pêche artisanale où les acteurs se sont acquittés du paie ment de leurs permis de pêche à hauteur de 75%. Mieux, 100% des pirogues ont payé les frais d’immatriculation, ce qui représente une première dans le dépar tement de Mbour, une des plus grandes zones de pêche du pays. Après avoir prouvé sa forte capacité organisa tionnelle, Ngaparou en appelle à la mise en place d’un réseau natio nal des CLPA au Sénégal, pour une maté rialisation effective de l’unité des pêcheurs. Seule ombre au tableau, les pêcheurs ne sont pas encore dotés de cartes pro fessionnelles. Une doléance que Ngaparou ne cesse de poser devant la puissance publique. t Le siège du CLP de Ngaparou PENCOO GEJ / PrOJEt USAID/COMFISH (GEStION CONCErtéE POUr UNE PêCHE DUrAblE AU SéNéGAl) 7 PORTRAIT ABDOULAYE NDIAYE, SG DU CLP DE NGAPAROU Du secourisme au Grand Bleu… La belle histoire d’Abdoulaye Ndiaye, secretaire général du CLP de Ngaparou est celle d’un diplômé des soins infirmiers qui a finalement avec succès le milieu de la pêche artisanale. Perpétuant ainsi les valeurs séculaires de courage et de générosité dans l’effort des gens de son terroir. aille moyenne, fines lunettes d’intello, regard espiègle et sourire aux lèvres, Abdoulaye Ndiaye dégage la sérénité des gens qui se plaisent bien dans leur milieu profes sionnel. Né en 1966 à Pikine de parents Ngaparois de souche, le secrétaire général n’a pourtant rien d’un banlieusard qui ronge son frein à longueur de journée. Au contraire, il passe son temps à prêcher la bonne parole et à organiser les pro fessionnels du secteur pour une gestion durable et respon sable de la pêche artisanale au Sénégal. Au début pourtant, rien ne le prédestinait à une telle trajectoire. Etudes primaires et secondaires à Pikine puis arrêt brutal en classe de troisiè me secondaire. Place ensuite à une formation en secourisme pour notre bonhomme qui décroche sur cette lancée une attes tation en soins infirmiers. Muni de ce sésame et loin des vagues déferlantes du Grand Bleu, Abdoulaye Ndiaye émarge alors à l’ONG Médecins du monde avec Podor comme lieu d’affectation. Survint en 1990 le fameux conflit sénégalo mauritanien. L’homme se donne à fond dans l’humanitaire pour soulager les populations désemparées situées des deux côtés du fleuve Sénégal. 1990, c’est aussi l’année du déclic pour Abdoulaye Ndiaye qui revient s’installer définitivement dans le Ngaparou de ses aïeuls. « J’ai commencé à aller en mer régulièrement et mis à part la senne tournante et la senne de plage, j’ai pu maîtriser toutes les autres techniques de pêche à savoir la pêche à la ligne, au filet dormant, à la palangre, au filet maillant dérivant… Sa passion pour la pêche est connue de tous à Ngaparou où l’activité occupe 25% de la population active. Sa fine connaissance du milieu l’amène à dire ce qui sonne comme une sentence : « Aujourd’hui, les zones de pêche sont devenues plus éloignées. Adolescent, on pêchait à moins de 20 km contre 50 à 70 km de nos jours, sans trouver le produit ». Secrétaire Général du CLP de T PENCOO GEJ / PrOJEt USAID/COMFISH (GEStION Ngaparou et mareyeur de son état, Abdoulaye Ndiaye est d’avis qu’il faut laisser quelque chose aux générations futures. Outre l’initiative Com Fish visant à récompenser les pêcheurs méritants, il suggère le lancement d’un Grand Prix du Chef de l’Etat sur les bonnes pratiques de pêche. Marié et père de plu sieurs bouts de bois de Dieu, Abdoulaye Ndiaye est décrit par ses pairs comme quelqu’un de très engagé et très métho dique. Bref un leader doublé d’un visionnaire. En somme la cheville ouvrière du CLP de Ngaparou. t CONCErtéE POUr UNE PêCHE DUrAblE AU SéNéGAl) 8 TRANSFORMATION DES PRODUITS DE PECHE Les leçons du GIE Niasse Mané de Dionewar-Falia Dionewar, l’une des plus importantes iles du Saloum située au sud-est de Djifère, est encore sous les feux de l’actualité. Pour cause, l’un de ses illustres ambassadeurs, le Gie Niasse Mané vient d’être désigné lauréat du concours sur les Bonnes pratiques de pêche organisé par le Projet USAID/COMFISH. Quels sont les secrets de cette réussite ? Voyage à Dionewar. PAR MANDIAYE THIOBANE ne trentaine de minutes en pirogue nous a permis de rallier l’île de Dionewar à partir de la pointe de Djifère. A partir du quai de débarque ment, se dessine déjà les contours d’une société organisée, fortement hiérarchisée. De là, est parti le succès du GIE Niasse Mané de DionewarFalia. Rien de surprenant quand on apprend que Niasse Mané est partie intégran te d’une Fédération qui regroupe en son sein quelque 19 Gie de femmes et qui capitalise 20 ans d’existence. Niasse Mané qui en est une composante essentielle et qui est présidée par U Mame Khady Thiaré, totalise 18 années d’existence. C’est dire que DionewarFalia rime avec capital expériences en matière de transformation des produits halieutiques. Comme l’ont souligné en chœur Khady Thiaré et Fatou Sarr qu’elle appelle affectueusement présidente de la fédération, le secret qui a valu aujourd’hui cette distinction au Gie Niasse Mané est à rechercher dans l’organi sation des femmes de DionewarFalia. Le maîtremot, un triptyque : organisation, parti cipation et solidarité. D’ailleurs, un petit fla shback dans l’histoire des groupements de PENCOO GEJ / PrOJEt USAID/COMFISH (GEStION Dionewar permet de savoir qu’avec ce tro phée, Niasse Mané n’a fait que s’inscrire en droite ligne du chemin tracé par la fédération qui le coiffe. Cette fédération a remporté le deuxième prix du chef de l’Etat sous Abdou Diouf et le grand prix du chef de l’Etat sous Abdoulaye Wade. A en croire la présidente Khady Thiaré, tradi tionnellement les technologies utilisées par les femmes transformatrices pour le traite ment des mollusques tournaient autour de la fermentation pour le cymbium(Yet) et le murex (touffa), la cuisson pour les huîtres et CONCErtéE POUr UNE PêCHE DUrAblE AU SéNéGAl) 9 Facteurs clés de la réussite Site de transformation des produits halieutiques de Dionewar-Falia les coques, avant le séchage de tous ces pro duits. « L’insuffisance des équipements, l’hy giène environnementale, la qualité des pro duits finis, les problèmes d’emballage et de conditionnement font que ces produits trans formés sont le plus souvent de moindre qua lité et consommés au niveau national », sou ligne Mme Thiaré. Il s’agit maintenant, ajou teelle, d’innover dans le secteur par la mise au point de nouveaux produits qui répondent au goût et besoin des populations locales, mais aussi qui peuvent être exportés au profit des consommateurs dans les marchés inter nationaux. Ainsi, le processus qui a été choi si par les acteurs est celui du marinage. De l’avis de Khady Thiaré, « le marinage est une opération qui consiste à immerger des ani maux marins dans une marinade chauffée ou non, pendant un temps suffisant pour substi tuer une partie de leur eau de constitution par du vinaigre ou par un acide organique ». En outre, l’ouverture offerte par la fédération leur a permis d’être en contact avec la Chambre des métiers de Fatick, l’Institut de technologie alimentaire (ITA) et, de là, avec des partenaires extérieurs comme les Coréens du Sud. « Chemin faisant, explique la présidente Khady Thiaré, l’ITA par le biais de M. Momar Yathinte Diop, très satisfait de nos produits et ayant eu vent du concours organisé par le Projet Usaid/Comfish, m’a informé du dépôt de notre dossier, avant de nous demander à venir le défendre devant un jury ». Pour dire donc que la machine qui est lancée. PENCOO GEJ / PrOJEt USAID/COMFISH (GEStION Cette nouvelle technologie bien maîtrisée aujourd’hui par les femmes du Gie Niasse Mané de DionewarFalia a l’avantage d’être très rentable dans l’ensemble. Pour preuve et pour reprendre les termes de Mme Thiaré, « avec la méthode artisanale, le rendement est faible à cause de la perte de poids et, che min faisant, le prix de vente mensuel très bas. Pour la même quantité de matière pre mière, avec le marinage le prix de vente men suel est assez intéressant. D’où l’existence d’une certaine valeur ajoutée. La technique du marinage permet de présenter d’excellents produits prêts à être consommés sans aucune autre préparation. Par ailleurs, la date limite d’utilisation optimale (DLUO) est souvent de quatre mois et plus, ce qui laisse ainsi une marge intéressante au réseau de dis tribution pour en assurer la vente. Mais, avant d’arriver à la vente, le mode de préparation des huîtres et aussi des pagnes en conserve est tout aussi déterminant. Les bouteilles sont lavées à l’eau de javel puis stérilisées par cuisson. Les femmes laissent les huîtres dans des bassines remplies d’eau javellisée, non cuites, non décortiquées pen dant une journée. Après, les huîtres sont lavées avec de l’eau sans javel, cuite puis décortiquées. Suivent trois nouvelles étapes de lavage, deux à l’eau simple et la dernière à l’eau javellisée. Après le dernier lavage, les femmes transformatrices pèsent les produits (3,5 kg / bassine d’huîtres non décortiquées CONCErtéE POUr UNE PêCHE DUrAblE AU SéNéGAl) 10 d’environ 35 kg) puis procèdent à une cuis son à la vapeur. Parallèlement, elles stérili sent les bocaux et cuillères. Pendant toutes ces étapes, elles portent des blouses bleues. Après la cuisson à la vapeur, elles portent des blouses blanches, masques, bonnets et retirent leurs bijoux pour ne pas contaminer le produit. Elles mettent le produit dans un linge très propre, pour l’égoutter et le laisser refroidir totalement. Puis elles remplissent les bocaux. Pour un bocal de 500g (vide) elles mettent les coquillages, un demilitre de vinaigre et une cuillerée de sel. Le produit est ensuite pesé à nouveau et doit arriver à un poids total d’un kilo. Puis, elles ferment le bocal, le stérilisent en le mettant à bouillir dans une marmite avec de l’eau jusqu’à mi hauteur du bocal. Elles notent la date de fabrication du produit et calculent la date de péremption : six mois plus tard. Si c’est mal fait, deux jours après des moisissures appa raissent. Elles ne l’ont jamais constaté par elles mêmes mais ont été informées du phé nomène lors des différentes séances de for mation. Elles mettent une étiquette indiquant le nom du Gie ou de la fédération qui est FELOGIE, le numéro de téléphone, la photo du produit concerné, les dates de péremption et de fabrication à l’heure près. La marinade et le séchage des fruits de mer, techniques bien assimilées par le Gie Niasse Mané Pour les touffas, ils doivent être écrasés à l’état frais, dès qu’ils arrivent. Puis on bouilli l’eau qui va servir à rincer le touffa pour en retirer le mucus. Le reste du processus est identique aux pagnes et huîtres. Que dire du processus de fabrication pour l’huître et le pagne en sachet ? Mme Thiaré décrit : Cuisson directement, puis décortica ge, puis deux lavages le second à l’eau de javel, cuisson à la vapeur, puis séchage sur les clefs de séchage. Le temps de séchage est de 3 jours pour les huîtres et les pagnes ; un mois pour le yeet et 3 semaines pour le touffa. Enfin, mise en sachet et pesée. Il exis te trois grandeurs de sachet : 250g, 500g et 1 kg. Pour ce cas précis, les femmes de Niasse Mané n’utilisent pas de masques, ni de gants mais mettent en sachet dans une grande salle (type hangar) pour éviter la poussière. Les sachets sont fermés par ther mocollage. La durée de péremption pour les pagnes, huîtres et crevettes séchées est de trois mois ; pour le yeet et le touffa la durée de péremption est normalement de 1 an mais elles indiquent 7 mois pour être sûres. Tout pour dire que si le Gie Niasse Mané a aujourd’hui pénétré le marché coréen, c’est parce que les femmes ont intégré dans tout le processus de fabrication les notions de pro preté et de qualité, gages de compétitivité. t Le processus de transformation des produits�: l’hygiène en première ligne PENCOO GEJ / PrOJEt USAID/COMFISH (GEStION CONCErtéE POUr UNE PêCHE DUrAblE AU SéNéGAl) 11 PORTRAIT MAME KHADY THIARE L’exemple d u leader a cinquantaine dépassée, Mame en vigueur dans son terroir est plus que Khady Thiaré, présidente du Gie jamais scotchée à la logique de groupe Niasse Mané de DionewarFalia, a donc de la fédération. Pour illustrer encore fière allure. Elle est le prototy cela, dès notre arrivée à Dionewar, elle pe même d’une insulaire, bien protéi nous a presque suppliés de ne rien faire née. Du haut de son mètre soixante avant d’aller rencontrer les sages du vil cinq environ, cette mère de famille lage, les « maîtres du village » comme devenue grandmère, dirige avec elle les appelle affectueusement, pour maestria le Gie Niasse Mané. Son recueillir leurs bénédictions. Avant de compagnonnage avec la très réseauté Mame Khady Thiaré, présidente du Gie Niassé Manné procéder aussi à une visite de sites, elle Fatou Sarr, présidente de la FELOGIE a tenu vaille que vaille à ce que la pré lui a beaucoup servi en termes de management de groupe. sidente de la FELOGIE, le chef du village et ses consœurs de D’ailleurs, comme il est permis à tout Gie membre de la FELO la fédération soient présentes. Cerise sur le gâteau, Khady GIE d’aller à la recherche de financements et de partenariat tout Thiaré a décidé, au nom de son Gie Niasse Mané, de verser en ayant à l’esprit qu’il y a un bien commun, la fédération, qu’il 75 000 des 200 000 FCFA dans la caisse de la fédération. Un faut à tout préserver, Khady Thiaré n’a pas, un seul instant bon exemple d’altruisme. hésité à franchir le rubicond. Résultat des courses, un premier Avec ce trophée, Khady Thiaré et ses collègues pensent que trophée pour son Gie d’un montant de 200 000 F CFA, en plus leur responsabilité est plus accrue. « Cette distinction nous d’une tribune qui lui est offerte pour la promotion de ses acti engage davantage à persévérer dans l’excellence pour la pro vités. motion du label des iles du Saloum et partant du Sénégal dans Il faut dire que Khady Thiaré, très attachée aux us et coutumes les marchés du monde », révèle Mme Thiaré. t L Les femmes transformatrices de Dionewar-Falia. En médaillon, la présidente de la fédération Fatou Sarr PENCOO GEJ / PrOJEt USAID/COMFISH (GEStION CONCErtéE POUr UNE PêCHE DUrAblE AU SéNéGAl) 12 IBRAHIMA NIAMADIO, RESPONSABLE PROGRAMME PECHE DURABLE AU WWF « La sensibilisation par voie de concours pour mieux gérer les ressources, une approche pertinente » Comment avez-vous organisé ce concours ? L’idée de l’organisation de ce concours est née des échanges que nous avons eus avec Mme Kathy CASTRO spécialis te des questions de développement de la pêche à l’université de Rhode Island (USA). Nous avons estimé qu’il était bien possible d’initier une sensibilisation des acteurs de la pêche en valorisant ce qui se fait de mieux en matière de gestion durable des ressources et l’organisation d’un concours nous a paru pertinent comme approche. Pour traduire l’idée en acte, dans un premier temps, nous avons mis en place un Comité technique com posé d’experts issus de plusieurs struc tures (FENAGIE Pêche, COPEM, l’USAID COMFISH et du WWF) pour approfondir la réflexion et proposer un format qui permettra de recueillir les informations relatives aux bonnes pratiques. Ce format de rédaction des initiatives locales a été adopté en mars 2012 et a fait l’objet d’un PENCOO GEJ / PrOJEt USAID/COMFISH (GEStION large partage lors de l’atelier national sur le renforcement des capacités des CLPA tenu à Dakar en fin mars 2012. Chaque initiative ou porteur d’initiative devait rédiger et soumettre sa proposition au secrétariat institué à cet effet au sein du WWF. Nous avons informé tous les acteurs lors de l’atelier en remettant une copie du format de rédaction. Puis, nous avons envoyé par courriel aux acteurs et aux agents de l’administration des pêches (Services régionaux et départe CONCErtéE POUr UNE PêCHE DUrAblE AU SéNéGAl) 13 mentaux et aux chefs de poste) pour une large diffusion auprès des acteurs à la base, pêcheurs et femmes transforma trices. Le deadline des soumissions initialement fixé au 5 avril 2012 a été prorogé au 15 avril en mettant à profit cette période pour recueillir plus de candidatures. Un jury constitué d’experts indépendants avait pour mission d’examiner et de classer les cabinet FORACTION et par la même occasion à se constituer en jury pour examiner et classer les initiatives. Pour permettre aux postulants de défendre et présenter leurs initiatives devant le jury et les invités, nous avons organisé un atelier national où tous les acteurs de la pêche, rédacteurs de chaque initiative à raison de trois participants par site (un homme, une femme et l’agent d’encadrement) ont été invités. Cette ren contre a eu lieu les 6 et 7 juin 2012 au siège du Comité Local des pêcheurs de Ouakam. Le jury était composé de six experts issus des structures du comité technique élargi. Quels ont été les critères retenus pour départager les organisations qui ont participé au concours ? Le Jury a fait ses délibérations sur la base de critères bien précis en se posant les questions suivantes : Comment est venue l’initiative ? Quelles sont les forces de l’initiative ?, quels sont les clés de succès de cette initiative et quelle est sa durabilité en termes de gestion locale et par les acteurs ?, quelles sont les possi bilités de pérennisation de l’initiative ?, Quelle est la possibilité de répliquer cette initiative ailleurs ?, Est ce que les acteurs locaux et les populations se sont appro priés cette initiative ? …, etc. Un critère additionnel a été rajouté, il s’agit de la présentation du document soumis, de la présentation Powerpoint et des éléments de réponses apportées par initiatives selon une grille pondérée de les acteurs en séance plénière. notation. Auparavant cette grille avait fait Qu’est ce qui a été détermil’objet d’échange et de validation au sein nant dans le choix des laudu Comité technique. réats Ngaparou et En raison de l’indisponibilité des person Dionewar-Falia ? nalités indépendantes, cooptées comme ce qui concerne le choix de Pour membres du jury, le Comité technique après échange avec le projet USAID Ngaparou, les facteurs déterminants ont COMFISH a pris la responsabilité d’élar été surtout l’engagement citoyen des gir le Comité technique à la DPM, l’IUPA, acteurs de la pêche dans cette localité. En l’Alliance pour une pêche durable et au effet, ils conduisent annuellement plus de PENCOO GEJ / PrOJEt USAID/COMFISH (GEStION 150 patrouilles en mer de nuit comme de jour sur une base bénévole (PV arraison nement des pirogues), le reversement de leur perdiem lorsque les responsables du CLP vont en mission, l’obligation de disposer de cartes de membres pour tous les pêcheurs et les autres acteurs et même pour les simples citoyens, la démocratie interne de l’association (chaque année 1/3 du membres sont renouvelés au sein du Comité directeur composé de 21 personnes) et la tenue à date régulière des instances du CLP (pro cès verbaux de réunion, Compte rendu d’activités du Bureau exécutif et des com missions). Pour le Gie DIASSEMANE de Dionewar et de Falia, le facteur déterminant réside dans leur innovation technologique en terme de valorisation des produits de la pêche. Ainsi, huitres et pagnes sont conservés à l’état frais en bocaux avec des additifs et vendus sur des marchés porteurs de Dakar. La durée de conserva tion de ces produits peut atteindre six mois, ce qui est exceptionnel dans les conditions naturelles ambiantes. Cela a pour conséquence, un gain de poids de produit vendu et un prix plus élevé com paré aux produits séchés. Sur le plan de l’hygiène, on a observé que le travail est conduit par ces femmes dans le respect du concept de la marche en avant et du HACCP (terminologie anglaise voulant dire : Hazard Analysis Critical Control Point (Analyse des Dangers et Maitrise des Points Critiques), avec une qualité exceptionnelle de l’environnement du site de transformation et des locaux si on les compare aux sites d’autres localités du Sénégal. A cela s’ajoute, que le système de mise en défens des vasières pendant certaines périodes de l’année : fermeture des sites de cueillette des huitres et arches durant trois mois pendant l’hiver nage au sein de la communauté des femmes de Dionewar et Falia et la rota tion des aires de cueillette permet une reconstitution des stocks et des individus de grandes tailles. t CONCErtéE POUr UNE PêCHE DUrAblE AU SéNéGAl) 14 BONNES PRATIQUES DE PECHE Des initiatives à encourager a compétition sur les bonnes pratiques a vu la partici pation de plusieurs localités, certes Ngaparou (pour les pratiques de pêche durable) et Dionewar Falia (pour la transformation des produits de la pêche) sont sor tis du lot, Il n’en demeure pas moins les autres localités qui ont présenté leurs initiatives n’ont pas démérité. Elles ont le mérite de s’inscrire dans une dynamique fort appréciée de gestion durable de la ressource et des pêcheries. Il s’agit : L CAYAR Initiative de Bonne Pratique: Conciliation entre bonnes pra tiques de transformation et gestion durable des ressources dans la production du keccax Organisation : Comité Restreint de Gestion de l’aire de transformation à Cayar, Groupement associant les 2 GIEs de l’aire de transformation de Cayar et ayant en charge la gestion des infrastructures FOUNDIOUGNE Initiative de Bonne Pratique : 2 Repos biologique pour la crevette et remplacement des filets non réglementaires dans toute l’étendue du CLPA de Organisation : CLP ET CLPA des 20 villages du CLPA de Foundiougne JOALFADIOUTH Initiative de Bonne Pratique : Repeuplement de la pêcherie de yet (Cymbium cymbium et Cymbium pepo) par le relâ chement des bébés yet Organisation : CLPA de JoalFadiouth, COGEPAS, Poste de Contrôle des pêches de JoalFadiouth MBOUR Initiative de Bonne Pratique : La gestion du Poulpe et du cymbium (yet) dans le département de Mbour Organisation : CLPA Mbour L’équipe de Pencoo Gej en pleine visite de terrain à Dionewar et Ngaparou Plage de débarquement de Ngaparou PENCOO GEJ / PrOJEt USAID/COMFISH (GEStION CONCErtéE POUr UNE PêCHE DUrAblE AU SéNéGAl) 15 KATHY CASTRO, PROFESSEUR A L’UNIVERSITE DE RHODE ISLAND « Il y a des gens qui travaillent discrètement pour trouver des solutions » Pourquoi un concours sur les bonnes pratiques de pêche au Sénégal ? Nous avons organisé un concours sur les bonnes pratiques de pêche au Sénégal parce que nous parlons tout le temps des problèmes. Les problèmes ne finissent pas. Nous n’avons jamais assez d’argent, de temps ou de ressources humaines pour résoudre tous les problèmes. La situation parait sans espoir, mais il y a des gens qui travaillent discrètement pour trouver des solutions. Il faut seule ment une personne, une communauté, une pêcherie pour montrer que des avan cées positives peuvent être faites. Mettons en relief les bonnes choses qui se font pour montrer que des progrès ont été accomplis et continueront d’être accomplis. Nous partageons le même but : la pêche durable, des écosystèmes qui fonctionnent et la sécurité alimentaire! Sénégal et à terme à toute l’Afrique. Rassemblons d’abord les lauréats et par tageons les connaissances. C’est mer veilleux de voir que tout le monde est content. Les réunions sur la pêche sont d’habitude empreintes de tristesse. C’est formidable de voir que tout le monde tra vaille en équipe pour aller de l’avant ! Quelle appréciation faitesQuelle suite réservée à ce vous du déroulement de ce concours ? concours ? Nous espérons organiser le même Cette première édition est une phase concours l’année prochaine avec plus de pilote. Nous comptons l’élargir à tout le sponsors et de participants. t PENCOO GEJ / PrOJEt USAID/COMFISH (GEStION CONCErtéE POUr UNE PêCHE DUrAblE AU SéNéGAl)