Bulletin de prévention N°23
Transcription
Bulletin de prévention N°23
BULLETIN DE PRÉVENTION PUBLICATION DE L’ORDRE DES BARREAUX FRANCOPHONES ET GERMANOPHONE DE BELGIQUE SUPPLÉMENT DE LA TRIBUNE DÉCEMBRE 2013 N° 23 Mes chers confrères, Avec l’entame de la nouvelle année judiciaire, l’équipe des rédactrices et rédacteurs, toujours plus nombreux, vous souhaite une excellente année, malgré le sombre nuage de la TVA qui rendra notre vie encore plus complexe, et aussi de ne pas être confrontés à une responsabilité professionnelle qui, pour des raisons multiples, et sans doute toutes explicables, ne sont hélas pas toutes justifiables au regard des principes de la responsabilité contractuelle ou édictés par le non moins fameux article 1382 du Code civil, tellement bien rédigé par Portalis que, depuis plus deux siècles, aucun législateur ne peut faire mieux. passionnant. Et pourtant le plus beau, notamment par son indépendance. L’avocat est et reste l’ultime rempart face aux décisions politiciennes mettant parfois en péril les piliers mêmes de son indépendance et ceux d’une justice souvent malmenée. Son indépendance a un prix et l’erreur est humaine. Personne ne tire sur l’ambulance. Nous vous informons, dans le présent bulletin exceptionnellement plus dense, d’une série de sujets d’actualité, aussi essentiels que pratiques. Comme l’écrit notre président dans la tribune flash du 17 septembre 2013 «l’exigence de formation permanente n’est ni un gadget, ni une de ces obligations qui nous vient d’on-on-nesait-où-pour-nous compliquer-la vie–plusencore…C’est une exigence que nous devons avoir pour nous-mêmes». Que d’eau coula, coule et coulera encore sous les ponts charriant une jurisprudence adaptée à l’ère du temps : parmi les innovations récentes, le principe de précaution qui, somme toute, n’est guère éloigné de la prévention générale dont doivent faire preuve les pouvoirs publics et les métiers à forte densité de res- La précaution nourrit la prévention. ponsabilité, le commandant de bord, les mé- La prévention entraîne la formation. La formation renforce la prévention. decins, les avocats… Nous attirons votre attention sur quelques pièges fréquents que l’avocat ne voit plus, tellement absorbé par les méandres de son dossier et la complexité accaparante d’un métier Hubert de Stexhe ADMINISTRATEUR [email protected] Editorial .................................................................................................................................. p.1 Par Hubert de Stexhe TABLE DES MATIÈRES La prescription de l’action en responsabilité et de l’action directe ................................. p.2 Par Guillaume David Le code de déontologie de l’avocat : un bouclier et une arme (à double tranchant) .... p.4 Par Daniel Pricken Un délai supplémentaire d’appel parfois oublié ou dont les contours exacts ne sont pas toujours bien précis .............................................................................................. p.15 Par Olivier Dubois L’acte d’avocat pour plus de sécurité juridique .............................................................. p.17 Par Yves Kevers La prescription du lien d’instance : la fin d’une angoisse .............................................. p.20 Par Pierre-Jean Richard Rédaction d’une convention de divorce et diligences en vue de la transcription ...... p.22 Par Bénédicte Van Den Daele 1 LA PRESCRIPTION DE L’ACTION EN RESPONSABILITÉ ET DE L’ACTION DIRECTE L’action en responsabilité civile professionnelle contre l’avocat et l’action directe contre l’assureur obéissent à des règles différentes. La première est régie par l’article 2276bis du Code civil tandis que c’est l’article 34, §2 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre qui organise la seconde. dispose, en son premier alinéa que « sous réserve de dispositions légales particulières, l’action résultant du droit propre que la personne lésée possède contre l’assureur en vertu de l’article 86 se prescrit par cinq ans à compter du fait générateur du dommage ou, s’il y a infraction pénale à compter du jour où celle-ci a été commise ». Le point de départ du délai est donc, en principe, le fait générateur du dommage. La loi prévoit toutefois un tempérament en faveur de la victime ignorante de son droit envers l’assureur puisqu’un second alinéa précise que « lorsque la personne lésée prouve qu’elle n’a eu connaissance de son droit envers l’assureur qu’à une date ultérieure, le délai ne commence à courir qu’à cette date, sans pouvoir excéder dix ans à compter du fait générateur du dommage ou, s’il y a infraction pénale, du jour où celle-ci a été commise ». D’après la Cour de Cassation, « la personne lésée a connaissance de son droit envers l'assureur au sens de la disposition précitée si elle a connaissance non seulement du fait que la personne responsable est assurée mais aussi de l'identité de l'assureur. La personne lésée satisfait à la charge de la preuve qui lui est imposée par ladite disposition lorsqu'elle prouve qu'elle n'a eu connaissance de l'identité de l'assureur qu'à un moment ultérieur » (Cass., 16 février 2007, NjW 2007, liv. 159, 267, note JOCQUE, G.; Pas. 2007, liv. 2, 359 ; R.D.C. 2007, liv. 8, 794 ; Liège, 20 juillet 2007, J.L.M.B., 2008, p. 976). Selon la doctrine, « cette jurisprudence est très soucieuse des intérêts de la victime, qui mérite une protection si elle a été empêchée d’agir en raison de la mauvaise foi de l’assureur. Le rapport annuel de la Cour de Cassation indique qu’il faut la protéger lorsque l’assureur ne veut pas révéler son identité (…). Hormis l’hypothèse du refus de collaboration de l’assureur concerné, la victime doit se soucier de ses propres intérêts » (C. PARIS et J.L. FAGNART, « Actualités législatives et jurisprudentielles dans les assurances en général », in Actualités en droit des assurances, CUP, 2008, p. 110). D’après l’article 2276bis du Code civil, les avocats sont déchargés de leur responsabilité professionnelle et de la conservation des pièces cinq ans après l’achèvement de leur mission. En ce qui concerne cette notion d’achèvement de la mission, il a été précisé, lors des travaux préparatoires, qu’il appartiendrait aux tribunaux d’appliquer cette notion au cas par cas (P. DEPUYDT, La responsabilité de l’avocat, Kluwer, 1994, p. 116, n° 79). La jurisprudence considère que la mission prend fin lorsque soit l’avocat, soit le client mettent fin au mandat de façon non équivoque (Cass., 20 mars 2003, Arr. Cass., 2005, 968 ; Mons, 16 mars 2010, J.L.M.B., 2010, liv. 30, 1429 ; Liège, 7 février 2011, Bull. Ass., 2012, liv. 2, 275). Il convient évidemment que la révocation du mandat soit portée à la connaissance de l’autre partie (Bruxelles, 18 octobre 2007, J.L.M.B., 2008, liv. 6, 239). Il se peut qu’après la fin de la mission, certains actes soient encore posés en conséquence ; ils n’ont toutefois pas d’influence sur la prescription (Cass., 29 avril 2005, Pas., 2005, I, 968). Peu importent donc la date de la restitution du dossier (Gand, 27 octobre 2000, T.G.R. 2001, 7 ; Civ. Bruxelles (72e ch.), 3 novembre 2004, R.G.A.R., 2006, liv. 5, n° 14121), celle de l’envoi de l’état de frais et honoraires (Liège, 21 octobre 2010, J.T., 2011, liv. 6427, 168), celle de la dernière correspondance (Bruxelles, 24 février 2003, RABG, 2005, liv. 1, 34, note SPRIET, H) ou encore celle de la survenance du dommage (Anvers, 4 juin 2007, NjW, 2008, liv. 176, 124, note JOCQUE, G). Par arrêt du 30 octobre 2001, la Cour d’arbitrage a considéré que l’article 2276bis du Code civil ne violait pas les règles constitutionnelles Si les délais de prescription sont identiques, le d’égalité et de non-discrimination (C.A. n° point de départ n’est donc pas le même. Il 137/2001, 30 octobre 2001, J.T. 2002, 152). convient évidemment d’y être attentif, puisque l’action directe peut se prescrire beauPour l’action directe, l’article 34 de la loi du 25 coup plus rapidement que l’action contre le juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre responsable. A titre d’exemple, imaginons 2 qu’un avocat ne soit pas attentif à un délai de prescription qui vient à échéance en 2005. Il lance tout de même la procédure, qui se clôture en 2012 par une décision défavorable à son client. L’avocat met un terme à son intervention à la suite de cette décision. Sa responsabilité est mise en cause, pour avoir laissé s’écouler le délai de prescription. L’action directe contre l’assureur, si l’on ne tient pas compte du tempérament de l’article 34, §2, alinéa 2 de la loi du 25 juin 1992, commence à se prescrire en 2005 ; la prescription de l’action contre l’avocat responsable ne débute, quant à elle qu’en 2012. La prescription de l’action directe est donc acquise avant même le début de la prescription de l’action contre l’avocat responsable ! Pour ce dernier, la distorsion entre les délais de prescription n’est pas préjudiciable : même si l’action directe est prescrite, il peut appeler son assureur en garantie dans un délai de trois ans (article 34, § 1 er de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre) s’il est actionné par la victime (voyez B. DUBUISSON et V. CALLEWAERT, « La prescription en droit des assurances », R.G.A.R., 2011, n°14702). Pour la victime, par contre, le risque est bien réel : si elle agit contre l’assureur plutôt que contre le responsable, la prescription lui sera opposée… La différence entre les points de départ des délais de prescription est-elle conforme aux principes constitutionnels d’égalité et de non discrimination ? A deux reprises, la Cour constitutionnelle a été interrogée sur la compatibilité de l’article 34, §2 de la loi du 25 juin 1992 avec les articles 10 et 11 de la Constitution. La Cour a estimé que s’il est vrai que l’article 34, §2 précité peut avoir pour conséquence que la situation d’une personne ayant subi un dommage résultant d’une faute soit, en termes de délais de prescription, moins favorable lorsque cette personne met en œuvre le droit propre qu’elle peut exercer contre l’assureur que lorsqu’elle exerce l’action en responsabilité contre l’auteur du dommage, il ne s’ensuit pas que la disposition en cause soit contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution (C.A. n°99/2006, 14 juin 2006, R.G.A.R., 2007, n°14247 ; C.C. n°33/2008, 28 février 2008, Bull. Ass., 2008, p. 238 ; pour un commentaire de ces arrêts, voyez M. REGOUT, « Quelques arrêts récents en matière de prescription de l’action directe de la personne lésée contre l’assureur de la responsabilité », in Liber amicorum Jean-Luc FAGNART, Anthemis, 2008, pp. 240 et ss.). La prescription de l’action en responsabilité contre l’avocat est suspendue conformément au droit commun. Ces causes de suspension sont énumérées aux articles 2252 à 2259 du Code civil : la prescription ne court pas contre les mineurs et les personnes protégées en ce qui concerne les actes pour lesquels ils ont été déclarés incapables (article 2252 nouveau du Code civil, en vigueur le 1er juin 2014), à l'égard d'une créance qui dépend d'une condition, jusqu'à ce que la condition arrive (article 2257 du Code civil)… Quant à l’action directe, sa prescription ne court pas non plus contre les mineurs, interdits et autres incapables (article 35, §1 de la loi du 25 juin 1992). Elle est par ailleurs suspendue lorsque la victime se trouve, par force majeure, dans l’impossibilité d’agir dans les délais prescrits (article 35, §2 de la loi du 25 juin 1992). L’interruption de la prescription de l’action en responsabilité contre l’avocat obéit également au droit commun. Conformément à l’article 2244, §1, alinéa 1 du Code civil, « une citation en justice, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, forment l'interruption civile ». Ne perdons pas de vue le nouvel article 2444, §2 du Code civil, qui permet, sous certaines conditions, à la mise en demeure de l’avocat ou de l’huissier de justice envoyée par courrier recommandé avec accusé de réception, d’interrompre la prescription et de faire courir un nouveau délai d’un an, sans toutefois que la prescription puisse être acquise avant l'échéance du délai de prescription initial. L’article 2248 du Code civil énonce, de son côté, que « la prescription est interrompue par la reconnaissance que le débiteur ou le possesseur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait ». L’article 35, §4 de la loi du 25 juin 1992 ajoute une cause spécifique d’interruption de la prescription de l’action directe : « la prescription de l'action visée à l'article 34, § 2, est interrompue dès que l'assureur est informé de la volonté de la personne lésée d'obtenir l'indemnisation de son préjudice. Cette interruption cesse au moment où l'assureur fait connaître par écrit, à la personne lésée, sa décision d'indemnisation ou son refus ». Il suffit donc que la personne lésée manifeste à l’assureur son intention d’être indemnisée pour que la prescription de l’action directe soit interrompue ; il n’est pas nécessaire d’ex3 primer précisément la volonté d’exercer l’ac- ruption ou la suspension de la prescription de l'action directe (Cass., 7 octobre 2005, R.D.C., tion de la personne lésée contre l'assureur entraîne l'interruption ou la suspension de la prescription 2006, p. 752). de son action contre l'assuré ». Ne crée-t-on pas La loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assu- là une discrimination entre responsables assurance terrestre est donc cette fois plus favo- rés et responsables non-assurés (J.-L. FArable que le droit commun pour ce qui con- GNART, « La victime face à la prescription », cerne les causes de suspension ou d’interrup- in La victime, ses droits, ses juges, Conférence tion de la prescription. L’article 35, §3bis de la du jeune barreau de Bruxelles, Larcier, 2009, loi du 25 juin 1992 aligne toutefois action di- p. 273) ? recte et action en responsabilité. Il énonce que « l'interruption ou la suspension de la prescription Guillaume David de l'action de la personne lésée contre un assuré AVOCAT AU BARREAU DE BRUXELLES entraîne l'interruption ou la suspension de la [email protected] cription de son action contre l'assureur. L'inter- DOSSIER LE CODE DE DÉONTOLOGIE DE L’AVOCAT : UN BOUCLIER ET UNE ARME (À DOUBLE TRANCHANT) Des rapports entre l’éthique, la déontologie et la loi, on a souvent débattu1. A leur sujet, on a aussi beaucoup écrit, parfois de très belle manière, en menant la réflexion jusqu’aux confins de la philosophie et du droit2. Ainsi, s’est-on longtemps demandé si les normes déontologiques étaient de véritables normes juridiques et si elles pouvaient produire un effet en dehors du domaine disciplinaire3. Mais ces questions ont reçu depuis longtemps réponse affirmative et nul ne conteste plus – ni la doctrine, ni les juges – que non seulement les règles déontologiques, en plus de contraindre les professionnels qu’elles concer- nent, sont, dans une certaine mesure, « opposables aux tiers », mais qu’en outre, les tiers peuvent s’en prévaloir contre ces professionnels4. C’est sans nul doute le droit de la responsabilité civile qui offre l’illustration la plus éloquente de la complète « insertion des règles déontologiques dans l’ordre juridique national »5. S’agissant des avocats, J. CRUYPLANTS écrivait en 2006 : « Il semble difficilement contestable que l’avocat qui enfreint la déontologie ne se comporte pas comme un avocat normalement prudent et diligent et que cette infraction, si elle cause un préjudice à un tiers, peut donc engager sa responsabilité civile professionnelle »6 et la jurispru- On en débat d’ailleurs encore comme en témoigne le thème du colloque organisé par le Barreau de Liège le 15 novembre 2013 : « L’éthique de l’avocat, outil de marketing ou d’engagement ? » 1 En particulier : P. HENRY, La déontologie contre le droit ? in Cahiers de déontologie (évolutions récentes et applications pratiques), vol.2, Ordres des Avocats des Barreaux de Liège et de Verviers, 2004, pp. 9 à 29 ; J.P. BOURS, Le devoir de conseil de l’avocat, in Déontologie, Les honoraires, le devoir de conseil, Ed. du Jeune Barreau de Liège 2005, pp.105 à 117 ; J. CRUYPLANTS, Les risques liés au non-respect des règles professionnelles, in Les risques du métier (actes de la journée d’études organisée par l’OBFG le 19 octobre 2006), Bruylant et Larcier 2008, pp. 15 à 79. 2 3 P. HENRY, op. cit., p. 11. P. HENRY, op. cit., p. 19 ainsi que Y. HANNEQUART & P. HENRY, Les rapports entre la déontologie et la responsabilité civile, in Liber Amicorum Jozef van den Heuvel, Kluwer 1999, pp. 41 à 46. 4 5 Selon les mots de P. HENRY, op. cit. p. 19. J. CRUYPLANTS, op. cit., p. 25 qui lui-même cite P. LAMBERT, L’aspect déontologique et disciplinaire de la responsabilité civile de l’avocat, in La responsabilité des avocats, éd. du Jeune Barreau de Bruxelles, 1992, p. 35. J. CRUYPLANTS souligne par ailleurs que dans nombre de cas, règles déontologiques, civiles et pénales se recoupent (op. cit., p.18) : il donne comme exemple le maniement indélicat des fonds de tiers qui constitue à la fois un manquement au devoir de probité, donc une entorse à la déontologie et une infraction pénale pouvant donner lieu à des réparations civiles. 6 4 dence abondante confirme que toute personne victime d’une faute commise par un avocat, client ou tiers, peut invoquer un manquement déontologique à l’appui de son action en responsabilité7. contribution à une bonne administration de la justice, dignité, probité et délicatesse « qui font la base de la profession et en garantissent un exercice adéquat » : tous ces « devoirs généraux » (autant de valeurs et de vertus) sont à la fois le fer de lance de la déontologie et le bouclier qui Bon nombre de décisions font d’ailleurs réfé- protège la profession d’éventuelles dérives, rence aux « devoirs généraux de l’avo- mais en même temps une arme redoutable à cat » (loyauté, probité, diligence, etc.) pour disposition des tiers et des clients. caractériser les manquements qui lui sont reprochés8, comme si ces « devoirs » exprimaient A. Quelques principes relatifs à la mieux la faute que les concepts usuels de la mise en œuvre d’une action en responresponsabilité contractuelle ou quasi- sabilité fondée sur un manquement délictuelle, ou permettaient de les renforcer. déontologique Ainsi, le devoir de « loyauté » a-t-il parfois été invoqué à l’appui d’un manquement au de- 1. voir de conseil9 ; il pourrait l’être aussi bien en cas de dépassement de mandat ou de défaut Une faute déontologique est « seulement susd’information préjudiciable à des tiers. ceptible de constituer une faute civile car le Juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation à cet Notre article a d’abord pour objet de rappeler, égard. Il n’y a pas d’automatisme » et tous « les à des fins de prévention, que l’avocat qui en- principes généraux du droit civil relatifs à l’interfreint la déontologie court un risque réel tant à prétation de la faute s’appliquent bien entendu à l’égard de ses clients qu’à l’égard des tiers, l’appréciation d’un manquement déontologique »11. puis de mettre l’accent sur certains principes qui régissent la mise en œuvre de sa responsa- 2. bilité en cas de manquement à ses « devoirs » et, enfin, de recenser dans le Code de Déonto- Le critère d’appréciation de la faute est celui logie de l’Avocat (CDA), encore récent, les de l’avocat « prudent et diligent » ou encore de principales « zones à risques », i.e. les règles l’avocat « consciencieux et prévoyant »12. dont l’ignorance ou la violation délibérée sont susceptibles de fonder cette mise en œuvre. 3. Ce recensement se justifie d’autant plus que les « devoirs généraux » de l’avocat, hier cités dans des textes épars, voire tacites, se trouvent à présent gravés dans l’airain du titre 1 du CDA, ce qui assurément leur donne plus de visibilité, de légitimité et de poids10, mais en même temps fournit à qui voudrait rechercher la responsabilité d’un avocat, les outils qu’il faut pour mieux préparer son action. En d’autres mots, indépendance et liberté, secret professionnel, discrétion et confidentialité relative aux affaires, prévention des conflits d’intérêt, loyauté (tant à l’égard du client qu’à l’égard de l’adversaire, des tribunaux et des tiers !), diligence et compétence ; confraternité, Ce n’est pas en fonction du résultat final que l’on doit juger si un avocat a agi comme l’aurait fait un avocat prudent et diligent. Il faut l’apprécier a priori, se placer au moment où la décision a été prise pour déterminer si, compte tenu des éléments connus à ce moment là, elle devait nécessairement sembler raisonnable ou comporter des risques excessifs13. 4. Bien entendu, il incombe à la personne qui se prétend lésée en raison d’une faute commise par un avocat de prouver cette faute, son Ainsi, en matière quasi-délictuelle : Liège, 20ème chambre, 24 janvier 2002, JLMB 2003, liv.8, p. 338 et note J.-P. BUYLE ; en matière contractuelle : Liège, 24 juin 1999, JLMB 2001, p. 419 et note J.-P. BUYLE. 7 8 J. CRUYPLANTS, op. cit., pp. 19 et 48. 9 Ibidem Selon J. CRUYPLANTS (op. cit. pp. 21 et 22), la « juridicisation » de la déontologie (et notamment sa « formalisation » dans des codes) constitue un « levier de l’émergence de la responsabilité fondée sur un manquement déontologique ». 10 11 J. CRUYPLANTS, op. cit., pp. 25 et 31. Anvers, 1ère ch., 15 septembre 2008, R.G.D.C. 2011, liv.5, p. 220 et note L. VAN VALCKENBERGH ; Liège, 24 juin 1999, déjà cité ; Civ. Liège, 4ème ch., 14 octobre 2009, JLMB 2010, liv.30, p. 1434 et note J.-P. BUYLE. 12 En ce sens, J. CRUYPLANTS, op. cit., p. 31 ; Anvers, 15 septembre 2008 déjà cité ; Civ. Liège, 14 octobre 2009 déjà cité ; Bruxelles, 2ème ch., 16 mai 2002, JLMB 2003, liv.38, p. 1673 et note J.P. BUYLE. 13 5 dommage et le lien de causalité qui les unit ; par contre, il résulte d’une décision du Tribunal de 1ère instance de Huy du 8 novembre 200114 qu’il incombe à l’avocat, conformément à l’article 1315 alinéa 2 du Code civil, de rapporter la preuve qu’il s’est acquitté envers son client de son obligation particulière d’information et de conseil. Mais il s’agit d’une décision isolée et contraire à la doctrine et à la jurisprudence majoritaires. La preuve de l’inexécution de l’obligation d’information appartient donc bien à celui qui réclame la réparation du dommage subi par la faute, même s’il s’agi de rapporter la preuve d’un fait négatif (le défaut d’information). La jurisprudence de la Cour de Cassation, fixée dans un arrêt du 16 décembre 2004 en matière de responsabilité médicale (Cass., 16 décembre 2004, Pas., 2004, 2022), s’applique aux autres responsabilités dans le cadre de professions libérales (B. DUBUISSON, V. CALLEWAERT, B. DE CONINCK, G. GATHEM, La responsabilité civile, Dossier du JT, n°829, p. 705) 5. règles s’inspirent desdits devoirs et/ou en constituent une application spécifique. Il nous paraît cependant qu’un examen spécifique et thématique des règles particulières, brièvement commentées à la lumière de la doctrine et de la jurisprudence disponibles, procurera au lecteur une plus grande utilité pratique. Chaque règle sera par ailleurs reliée au « devoir général » qui la justifie. Toutefois, parmi ces « devoirs généraux », il en est un qu’il faut, de manière impérative, traiter isolément, car il est l’épicentre de la responsabilité civile des avocats : c’est le devoir de diligence (§ 1 ci-après). 1. Le devoir de diligence : zone de risque majeure Au sens strict, être « diligent » c’est être prompt et efficace dans l’exécution d’une tâche, si on en croit les dictionnaires. D’ailleurs, dans une acception plus large, le « devoir de diligence » dépasse la problématique de la gestion du temps et trouve à s’appliquer à tous les comportements de l’avocat dans ses rapports avec ses clients, ses confrères et les tiers. Dans cette acception (conforme non seulement à la diligence telle qu’elle se décline à travers les règles particulières du CDA, mais B. Recensement, dans le CDA17, des aussi à la façon dont la jurisprudence l’aprègles dont la violation peut fonder plique), « être diligent », c’est pouvoir répondre une action en responsabilité systématiquement « non » à la question « suisje certain de n’avoir rien oublié dont l’omission Ce recensement n’est pas exhaustif, car, d’une pourrait être, pour ces personnes, source de préjupart, il fait abstraction des normes qui, à notre dice et, pour moi, source d’une action en responsaestime, ne peuvent que trop rarement ou de bilité ? ». manière trop théorique être invoquées à l’appui d’une action civile, tandis que d’autre part Or, comme chacun sait, les statistiques de siet à l’inverse, il ne peut être exclu que l’imagi- nistralité de l’assureur RC des avocats révènation sans limite d’un plaideur lui permette lent, depuis plusieurs années, avec une consde trouver dans le Code un improbable fonde- tance inquiétante, qu’environ 70 % des siment pour lancer pareille action. nistres ont pour origine, soit un dépassement de délai (45 %), soit une omission d’agir (25 %) Ce recensement, par ailleurs, pourrait se limi- c'est-à-dire, dans tous les cas, une entorse au ter à l’examen des « devoirs généraux » énumé- devoir de diligence. rés à l’article 1.2 CDA car ces derniers sont, à l’égard de toutes les règles particulières du A cet égard, la jurisprudence ne manque pas Code, « distributifs », en ce sens où toutes ces et a été souvent commentée dans le Bulletin Dans la plupart des cas, les personnes susceptibles de se plaindre, sur le plan civil, d’un manquement déontologique seront : soit le client de l’avocat15, soit (le plus fréquemment) la partie adverse dans l’affaire qui donne lieu à la mise en cause de l’avocat16. 14 Civ. Huy, 3ème ch. 8 novembre 2001, JLMB 2003, liv. 38 p. 1659 et note J.-P. BUYLE La jurisprudence révèle cependant qu’il est rare que les actions en responsabilité intentées par les clients d’avocats soient exclusivement fondées sur la violation d’une règle professionnelle (J. CRUYPLANTS, op. cit., pp. 27 et 28). 15 D’autres personnes que le client et l’adversaire sont susceptibles d’agir, mais de manière plus rare, voire théorique. A ce sujet, voyez J. CRUYPLANTS, ibidem et les développements sous § 3, ci-après. 16 Le Code de Déontologie des Avocats européens adopté par le CCBE qui a force obligatoire (dans les limites de ses champs d’application ratione personae et ratione materiae) n’est donc pas appréhendé par le présent article. Or, certains manquements à ses règles pourraient fonder eux aussi la mise en cause de la responsabilité d’un avocat. 17 6 de Prévention notamment. Nous pouvons donc y renvoyer18 tout en rappelant, de façon synthétique, quelles obligations le devoir de diligence induit (et à l’inverse quels comportements il proscrit) selon cette jurisprudence et ces commentaires. éventuel de l’huissier24. f L’avocat doit connaître et respecter les délais25 et point n’est besoin de rappeler qu’il s’agit-là d’une obligation de résultat. a 2. Compatibilités et incompatibilités avec d’autres Comme le rappelle opportunément P.-J. RI- professions CHARD dans le présent Bulletin19, l’avocat doit veiller à faire progresser les dossiers de a. Autres activités rémunérées en général son client et les procédures dont il a la charge. Article 2.2. : l’avocat qui exerce une autre actib vité professionnelle doit organiser son cabinet L’avocat ne peut se disculper (totalement en de telle manière qu’il reste en mesure d’assutout cas) en invoquant la propre négligence de rer la défense des intérêts de ses clients ses clients qui eux-mêmes, par exemple, tar- (application des devoirs de loyauté et de diligence). dent à fournir des renseignements ou s’abstiennent de payer les provisions réclamées20. L’avocat doit donc toujours demeurer disponible pour accomplir les tâches que son client c lui a confiées. Dans le même esprit, l’avocat ne peut attendre passivement les instructions que son client lui Dans le cas contraire, le client peut évidemdonnera éventuellement : il doit prendre l’ini- ment s’en plaindre. Mais fondera-t-il son tiative de rendre celui-ci attentif aux obliga- éventuelle action sur la violation de cette règle tions légales à respecter et aux formalités à déontologique ? Selon J. CRUYPLANTS, c’est accomplir, ainsi qu’aux embûches qui peuvent peu probable car une telle faute déontologique jalonner certaines réglementations21. Ainsi implique, d’une part, que l’avocat ait manqué l’avocat doit-il avertir son client de la nécessité aussi à ses obligations d’ordre contractuel de demander le renouvellement d’un bail (sinon, quel serait le préjudice encouru ?) et est, commercial, même si ce n’est pas l’objet de la d’autre part, plus malaisée à établir que le consultation originaire22. manquement contractuel lui-même26. d Ce devoir de diligence induit une obligation de vérification : ainsi, avant de préparer un acte introductif d’instance, l’avocat a l’obligation de vérifier l’identité exacte de la partie à citer23. e Il induit aussi une obligation de contrôle : les instructions données à un huissier de justice doivent être claires et précises quant à l’échéance d’un éventuel délai, l’avocat se devant par ailleurs de s’inquiéter du silence b. Activités spécifiques D’une part, en vertu de ses devoirs de prévention des conflits d’intérêts et d’indépendance, un avocat ne peut ni exercer un mandat de curateur de faillite, de liquidateur ou un autre mandat judiciaire (articles 2.8, 2.9 et 2.10), ni accepter une mission de médiateur (article 2.14), ni défendre un mineur (article 2.22), ni exercer la fonction de syndic d’une copropriété (article 2.28) ou celle d’administrateur d’une société publique ou privée (article 2.34.1), si ces activités risquent de générer une Voyez notamment G. DAVID, L’avocat et les délais, Bull. Prév. n° 13, septembre 2008, pp. 1 et 2 ; J.-L. LIBERT, Les risques liés au non-respect des délais et au devoir de diligence, in Les risques du métier (actes de la journée d’étude organisée par l’OBFG le 19 octobre 2006), Bruylant & Larcier 2008, pp. 5 à 14. 18 19 La prescription du lien d’instance, la fin d’une angoisse. 20 Civ. Bruxelles, 5 mai 1995, JLMB 1995, p. 1014. Bruxelles, 9e ch., 10 novembre 2006, JLMB 2008, liv.6, p. 229 et note J.-P. BUYLE ; Liège, 20e ch., 15 mars 2012, RGAR 2013, n° 14953 et note N.E. 21 22 Bruxelles, 10 novembre 2006 déjà cité. 23 Liège, 3e ch., 30 novembre 2010, JLMB 2013, liv.34, p.1736. J. LINSMEAU, La responsabilité de l’avocat dans la mise en œuvre du droit judiciaire, in La responsabilité des avocats, éd. Jeune Barreau de Bruxelles 1992, p. 133. 24 25 Liège, 13ème ch., 22 janvier 2013, JLMB 2013, liv.34, p.1756. 26 J. CRUYPLANTS, op.cit. p. 56. 7 opposition d’intérêts, quelle qu’elle soit et/ou l’égard de la partie adverse, on peut alors consi l’avocat ne peut agir en toute impartialité27. cevoir, en théorie en tout cas, que le client invoque le devoir d’indépendance à l’appui d’une D’autre part, en vertu des mêmes devoirs, mais action civile, dans deux occurrences : aussi en raison du secret professionnel, il se peut que l’avocat qui exerce ou a exercé une de ces S’il est démontré que ce manque d’indéactivités spécifiques, doive s’abstenir de plaipendance a empêché sciemment ou inder pour ou contre la personne ou l’entité au consciemment l’avocat d’accomplir sa profit de laquelle il les a exercées : ainsi l’avomission dans l’intérêt du client et que ce cat ne peut plaider pour la copropriété dont il dernier, par conséquent, subit un préjuest le syndic (article 2.30) et, une fois ce mandice ; dat expiré, il ne peut non plus intervenir pour ou contre l’association ou un ou plusieurs des Si ce défaut d’indépendance, une fois décopropriétaires sauf s’il n’existe aucun conflit noncé, a conduit l’avocat à se décharger d’intérêts avec son précédent mandat ni aude sa mission ou en a été déchargé et cune suspicion d’atteinte à son secret profesque le client, par conséquent, a dû resionnel (article 2.31). courir aux services d’un nouvel avocat auquel il a dû payer des honoraires en Pareillement, l’exercice d’un mandat d’admicontrepartie de prestations déjà accomnistration au sein d’une personne morale est plies par son prédécesseur29. incompatible avec l’accomplissement d’une mission consistant à consulter en qualité D’autre part, dans l’hypothèse d’un conflit d’avocat ou à comparaître ou plaider pour d’intérêts sensu stricto, J. CRUYPLANTS recette personne morale (article 2.35.1). lève que ce sera la plupart du temps l’adversaire qui trouvera à s’en plaindre, mais qu’il Si ces règles déontologiques et ces devoirs sera rare qu’un préjudice spécifique en résont ignorés, qui peut s’en plaindre et dans sulte ; en effet « pour prendre l’exemple le plus quelle mesure cette ignorance peut-elle fonder évident de ce type de conflit, si un justiciable se une action en responsabilité contre l’avocat ? plaint de ce que son avocat d’hier intervienne pour son adversaire d’aujourd’hui et révèle ses confi S’agissant du secret professionnel, qu’on dences de l’époque à celui-ci, c’est essentiellement l’appréhende isolément ou dans le con- la violation du secret qui sera en relation causale texte d’un conflit d’intérêts, il ne fait directe avec l’éventuel préjudice qui en résulte »30. pas de doute que sa violation peut en- La problématique du conflit d’intérêts se congager la responsabilité tant pénale que fondra donc la plupart du temps avec celle de civile de l’avocat. Par conséquent, toute la violation du secret. personne que ce secret protège, pourra demander réparation du préjudice qui 3. Stage et formation en résulte, s’il est démontré28. a. Exécution du contrat de stage S’agissant de la prévention des conflits d’intérêts et de l’indépendance, l’impact Article 3.7 : Un maître de stage doit veiller de d’un manquement à ces devoirs sur la manière régulière et attentive à la formation responsabilité civile est plus malaisé à du stagiaire et lui offrir, à cette fin, la disponiévaluer. bilité nécessaire. En effet, d’une part, si l’on peut imaginer qu’un adversaire se plaigne du manque d’indépendance d’un avocat vis-à-vis de son client, on conçoit mal quel préjudice pourrait en résulter. Il ne se conçoit pas qu’un avocat, tenu par un devoir de probité et de loyauté à l’égard de ses clients et des tiers, n’en assure pas le respect dans ses rapports avec son stagiaire. On ne peut exclure qu’un stagiaire dont la A l’inverse, si c’est le client qui reproche à son formation aurait été négligée intente une acavocat de ne pas avoir l’indépendance requise à tion en responsabilité contractuelle contre son S’agissant des mandats d’administrateur dans une société publique ou privée, le texte de l’article 2.34.1 fait en outre référence aux devoirs de dignité, probité et délicatesse. 27 A propos des informations couvertes par le secret et des personnes qui en bénéficient, voyez J. CRUYPLANTS, op.cit., pp. 42 et 43. 28 29 En ce sens, voyez J. CRUYPLANTS, op.cit., p. 56. 30 Ibidem. 8 maître de stage défaillant, afin d’obtenir réparation de son déficit de formation. Dans ce cas, l’article 3.7 pourrait assurément servir sa cause. L’évaluation de son préjudice serait un autre débat… Article 3.12 : Le maître de stage a l’obligation d’offrir à son stagiaire, dès la première année, une rémunération minimale. Il n’est pas douteux que cette disposition, au-delà des règles légales qui régissent le contrat de louage de services, permettrait au stagiaire impayé de parfaire le fondement de l’action en paiement (voire en résolution du contrat de stage) qu’il dirigerait contre son maître indélicat. b. Formation continue Cette obligation de formation, qui résulte des articles 3.26 à 3.35, est une application des devoirs non seulement de compétence, mais aussi de diligence, dont on a vu qu’elle supposait non seulement la promptitude, mais aussi l’efficacité. En théorie, on peut imaginer qu’un client mécontent des services de son avocat le stigmatise en lui opposant son devoir de « compétence » et son obligation de formation continue. Mais en théorie seulement, car il lui sera plus aisé de mettre l’accent sur les faits et sur les actes techniques qu’il juge inadéquats. Et si la faute, par exemple, résulte d’une erreur de droit, c’est cette erreur qui sera mise en exergue plutôt que le manque de compé- tence qui la sous-tend. Beaucoup plus pratique est la manière dont la jurisprudence, de façon implicite ou explicite, fait usage du devoir de compétence (et de diligence) afin de caractériser la faute : 31 Selon la Cour d’appel de Mons, le devoir de conseil de l’avocat comporte des obligations de compétence, d’investigation et d’information. Aussi, lorsqu’une matière est controversée, l’avocat doit en informer son client et lui préciser si et dans quelle mesure la solution proposée est incertaine31. Tenu d’accomplir, dans le respect de règles déontologiques, toutes les dili- gences utiles à la défense des intérêts de son client et investi d’un devoir de compétence, l’avocat (sans que puisse lui être imputé la faute de n’avoir pas anticipé une évolution imprévisible du droit positif), se doit de faire valoir une évolution jurisprudentielle acquise si sa transposition à la cause dont il a la charge a des chances sérieuses de la faire prospérer32. Un avocat normalement diligent et prudent doit, dans la défense efficace des intérêts de ses clients, avoir égard au texte de loi en vigueur au moment où il accomplit un acte et s’assurer de son efficacité. S’il néglige fautivement de faire application d’une règle légale, il ne peut tenter de s’en disculper a posteriori en faisant valoir que la Cour d’arbitrage a ultérieurement déclaré cette règle inconstitutionnelle33. Tout praticien du droit normalement informé doit savoir que les allocations familiales sont majorées lorsque l’enfant concerné est orphelin. Par ailleurs, l’avocat qui ne tire pas les conséquences d’une loi nouvelle en matière de filiation et ne posant pas les actes conservatoires utiles en matière d’allocations familiales et d’assurances-loi, manque à ses devoirs de conseil et de diligence34. Un avocat qui initie une action en responsabilité au nom d’une société contre son administrateur délégué, commet une faute contractuelle lorsqu’il ne se fait pas présenter, au préalable, ou à tout le moins avant la clôture des débats en appel, la décision de l’assemblée générale autorisant l’introduction de cette action (et ce en vertu de l’article 561 du C. soc.)35. L’avocat qui a été choisi par l’assuré pour le défendre devant le Tribunal de police et résister aux réclamations des parties civiles, commet une faute en ne conseillant pas à son client qui le consulte en vue d’assurer sa défense dans le cadre de l’action récursoire, de déclarer ce sinistre à l’assureur protection 7e ch., 14 mai 2009, JLMB 2010, liv.30, p. 1423. Il s’agit d’une décision française mais aisément transposable en Belgique, eu égard à notre devoir de compétence (Cass.fr, 1ère ch. civ., 14 mai 2009, J.T. 2009, liv.6367, p. 631). 32 33 Bruxelles, 2e ch., 7 décembre 2000, J.T. 2001, p. 385. 34 Civ. Liège, 1ère ch., 20 février 2003, JLMB 2003, liv.38, p.1683 et note J.-P. BUYLE. 35 Anvers, 1ère ch., 1er septembre 2009, R.W. 2012-2013, liv. 7, p. 257. 9 juridique dont il connait l’existence (dans la mesure où cet assureur avait déjà couvert les frais de défense pénale)36. maniement des fonds de tiers (inspirées des devoirs de probité et de délicatesse) qui risquent d’engager le plus souvent la responsabilité de l’avocat. Tout avocat doit savoir que la demande de renouvellement d’un bail commercial doit être formulée avec des mentions et des formulations qui sont prescrites à peine de nullité par la loi sur les baux commerciaux. Un avocat qui reçoit de son client un projet de demande de renouvellement et qui omet de vérifier si ce projet comprend les mentions et formulations légalement requises et n’attire pas davantage l’attention sur la nécessité de le vérifier, n’agit pas comme aurait agi un avocat normalement prudent et prévoyant dans les mêmes circonstances concrètes37. Article 4.57 : L’avocat ne peut en aucun cas prélever, au titre de d’honoraires ou de frais, des sommes sur les fonds de tiers qu’il détient sans en aviser simultanément son client par écrit. 4. Exercice de la profession Avec J. CRUYPLANTS, il faut admettre que « l’hypothèse d’un client qui met en cause la responsabilité de son avocat pour un manquement aux conditions générales d’exercice de sa profession, pour avoir par exemple fait une publicité non sincère, inséré une mention prohibée sur son papier à lettre ou fait état d’une spécialité illégitime » paraît par trop théorique38. Il en va de même des mentions erronées qui figureraient sur son site internet39. Article 4.58 : L’avocat doit veiller à transférer à qui de droit les fonds reçus sur son compte de tiers dans les plus brefs délais (diligence…). Article 4.59 : L’avocat appelé à recevoir des fonds appartenant à un client ou à un tiers à titre de cantonnement ou de consignation doit les déposer dans les plus brefs délais (diligence…) sur un compte spécialement ouvert à cet effet auprès d’une institution financière agréée. Conjuguées au devoir de loyauté (qui concerne tant le client que son adversaire et les tiers), la jurisprudence a considéré que la responsabilité de l’avocat était engagée dans les cas suivants : Et si, par exemple, il devait s’avérer qu’un avocat, en marge des articles 4.47 et 4.49, 4°, n’a pas la maitrise d’une matière dont il se dit spécialiste, sa responsabilité ne sera mise en cause que si, en outre, il a commis une faute dans l’exécution de sa mission et que cette faute a causé un préjudice à son client. Dans ce cas, on en revient à l’hypothèse générale de l’entorse au devoir de compétence examiné ciavant au § 3. On peut imaginer, cependant, que si la faute qui a été commise se rattache à la matière qui est l’objet de la spécialisation, la responsabilité sera appréciée avec plus de sévérité. Mais parmi les règles relatives à l’exercice de la profession, ce sont celles qui ont trait au 36 Liège, 3e ch., 28 février 2005, RGAR 2007, liv.10 n° 14332. 37 Bruxelles, 8e ch., 29 avril 2003, R.W. 2006-07,liv.1, p. 15. 38 J. CRUYPLANTS, op.cit., pp. 61 et 62. Lorsqu’un avocat détient un chèque émis en exécution d’une transaction et le remet tardivement au créancier, ce comportement peut être constitutif d’une faute dans le chef de l’avocat du débiteur lorsque, en raison de ce retard, le créancier ne peut plus obtenir le paiement de ce chèque parce que le tireur a, dans l’intervalle, été déclaré en faillite40. L’avocat d’une des parties peut engager sa responsabilité à l’égard des tiers lorsqu’à l’occasion de sa mission, il ne se comporte pas comme un avocat probe et loyal et qu’il trompe les anticipations légitimes de son adversaire. Il en est ainsi lorsque l’avocat, après avoir affirmé que son client avait consigné le montant en litige sur son compte de tiers, selon des modalités convenues, se dessaisit de cette somme sans en avertir préalablement son adversaire, privant Sans préjudice bien entendu de l’application des dispositions de la loi du 2 août 2002 relatives à la publicité trompeuse et à la publicité comparative, aux clauses abusives et aux contrats à distance en ce qui concerne les professions libérales, chapitre 2 ou encore de la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur et les actions qui peuvent être fondées sur ces lois. 39 40 Bruxelles, 15 avril 2002, NjW 2003, liv.17, p. 61 et note E.BREWAEYS. 10 celui-ci d’une chance de prendre en temps utile des mesures permettant de conserver un bénéfice équivalent à celui de la consignation41. en œuvre avec loyauté, dignité, délicatesse, probité et discrétion. Elle est sincère et respectueuse du secret professionnel et de l’indépendance de l’avocat. Elle doit par ailleurs se limiter à des éléments objectifs susceptibles d’être L’avocat qui maintient son client dans appréciés et vérifiés. Elle ne peut être ni troml’ignorance des implications prévisibles peuse ni dénigrante, ni contenir des mentions des conseils donnés et des choix procé- comparatives. duraux opérés, qui ne lui livre que des informations parcimonieuses, voire A cet égard, le lecteur voudra donc bien se inexactes, et qui retient indûment des reporter à ce qui a été dit ci-avant ou sera dit fonds dont le versement est susceptible ci-après à propos des devoirs de loyauté, dignide mettre un terme aux mesures d’exé- té, délicatesse, probité, discrétion, secret professioncution entamées à charge de son client, nel et indépendance de l’avocat ainsi qu’aux engage sa responsabilité. L’avocat qui quelques considérations émises sous section 4 prélève d’office ses honoraires sur les à propos de la publicité, ou encore se référer à fonds dus à son client, sans son accord des ouvrages spécifiques45. préalable, manque au devoir de délicatesse42. b. Aide juridique L’avocat qui, ayant obtenu du client l’autorisation de placer des fonds sur un compte individualisé ouvert au nom du client, en vue de la constitution d’une provision productive d’intérêts bancaires, transfère les fonds sur un compte de tiers non-productif d’intérêts, commet une faute dans le maniement des fonds. Le recours à un compte individualisé s’impose lorsque les sommes sont amenées à devoir être bloquées durant un certain temps43. Lorsqu’un avocat reçoit de son client de l’argent destiné à un tiers et qu’il ne transmet pas le plus rapidement possible cette somme à son bénéficiaire, en exécution d’un jugement exécutoire par provision, ou ne le cantonne pas, commet une faute contractuelle en tant que mandataire de son client. Cette faute peut également engager sa responsabilité extracontractuelle à l’égard du tiers44. Article 5.10 : Lorsque l’avocat constate qu’un client est susceptible de bénéficier de l’aide juridique et/ou de l’assistance judiciaire, il a l’obligation de l’en informer (loyauté, diligence). S’il ignore cette règle, l’avocat peut être purement et simplement privé du droit à la perception de ses honoraires. Cependant, la Cour d’appel d’Anvers considère qu’un avocat ne commet pas de faute lorsque, se basant sur une évaluation de l’endettement de son client et des allocations de chômage auxquelles il aurait droit, il fait une mauvaise appréciation de la possibilité qu’a son client de solliciter l’aide juridique gratuite. Par contre, l’avocat qui sait que son client dispose de très peu de moyens financiers et qui accepte néanmoins des instructions de ce dernier, sans lui fournir au préalable des informations concernant les frais liés à son intervention et ses honoraires, agit fautivement s’il fixe par la suite des honoraires sans tenir compte de la situation financière de son client46. 5. Informations vers le public et relations avec les clients c. Honoraires a. Publicité Article 5.18 : L’avocat interroge son client sur l’intervention possible d’un tiers-payant et Article 5.3 : La publicité personnelle est mise attire son attention sur l’éventualité qu’il 41 Mons, 2e ch., 16 novembre 2004, J.T. 2005, liv.6176, p.254. 42 Mons 15 février 2000, JLMB 2001, p. 422 et note J.-P. BUYLE. 43 Liège, 20e ch., 1er octobre 2004, JLMB 2006, liv.29, p. 1263. 44 Civ. Gand, 2e ch., 7 février 2003, NjW 2003, liv.32, p. 600 et note E. BREWAEYS. Par exemple, L. ORBAN et S. BAR, Publicité, clauses abusives, recouvrement amiable de créances et déontologie, in Cahiers de déontologie, évolutions récentes et application pratique, vol.2, Ordres des Avocats des Barreaux de Liège et de Verviers, 2004, pp.105 à 148. 45 46 Anvers, 7e ch.bis, 8 juin 2009, R.W., 2010-11, liv.32, p. 1356. 11 doive supporter les honoraires dépassant le que des informations en rapport avec l’objet plafond d’intervention de ce tiers. du marché dans les dossiers qu’il traite ou qu’il a traités. Cependant, la communication Article 5.19 : L’avocat informe son client, avec de ces éléments ne peut en aucun cas nuire diligence, de la méthode qu’il utilisera pour aux intérêts des clients et des tiers. calculer ses honoraires, frais et débours afférents aux dossiers dont il est chargé, il fournit La règle est récente (entrée en vigueur le 1er au client toutes les informations utiles sur les août 2013) et nous n’en connaissons pas de cas modalités d’application de la méthode rete- d’application sur le terrain de la responsabilité nue. En outre, sauf accord du client, l’avocat civile. Le risque paraît bien théorique, cepenne change pas de méthode de calcul de ses dant… honoraires pendant le traitement du dossier. 6. Relations avec les confrères Article 5.22 : Pour tenir le client informé du coût de son intervention et éviter le travail à a. Correspondance entre avocats découvert, l’avocat, sauf accord contraire du client, sollicite des provisions adéquates ou Chacun sait que la confidentialité est la règle établit des états intermédiaires réguliers au fur et que la correspondance ne devient officielle et à mesure de son intervention. que dans certains cas limités par le Code (articles 6.1 et 6.2). Probité, délicatesse et loyauté inspirent ces règles, c’est l’évidence. Deux conceptions s’affrontent à propos de la confidentialité des échanges entre avocats : les La jurisprudence les applique comme suit : uns la considèrent comme un prolongement du secret professionnel et les autres estiment Une lettre adressée par un avocat à son qu’il s’agit d’une règle autonome49. futur client, dans laquelle il l’informe de ses honoraires, est contraignante à son Mais que l’on partage la première ou la seégard. En cas de changement de cir- conde conception, la responsabilité civile de constances, l’avocat doit informer son l’avocat qui ne respecte pas la confidentialité client des conséquences du changement de la correspondance ne s’appréciera pas aupar rapport à la lettre adressée aupara- trement que s’il avait enfreint le secret profesvant. A défaut de cette information, les sionnel. Il y a donc lieu de se référer aux conhonoraires demandés ne peuvent être sidérations émises ci-avant au § B.2.b. validés47. En tout cas, il a été jugé que la responsabilité Un avocat spécialisé déjoue les attentes quasi-délictuelle d’un avocat ayant produit normales de son mandant s’il néglige une lettre confidentielle émanant de son adde l’informer au préalable que, vu les versaire pouvait être engagée par référence circonstances, les honoraires à prévoir aux critères de l’avocat normalement prudent dépasseront largement les honoraires et diligent50. habituellement appliqués pour un avis48. b. Comportement dans les procédures La sanction civile de la faute qui résulterait de la méconnaissance de ces règles déontologiques serait la privation de tout ou partie des honoraires en litige. d. Marché public et appel d’offres privé de services juridiques L’article 5.37 autorise l’avocat qui soumissionne à révéler le nom des clients pour lesquels il intervient ou est intervenu, de même D’une part, certaines règles (articles 6.15 et 6.16 alinéa 1er) imposent à l’avocat de collaborer loyalement à la progression des causes en évitant par exemple toute remise injustifiée : elles sont une application des devoirs de contribution et de bonne administration de la justice et de loyauté, mais surtout du devoir de diligence. Les possibles conséquences civiles d’un manquement à ce devoir ont été examinées ci-avant au § 47 Civ., Bruges, 10e ch., 21 mai 2010, PGR-TWVR 2011, liv.1, 9 et note. 48 Gand, 1ère ch., 21 février 2008, RDJP, 2009, liv.4, p. 136. 49 Au sujet de cette « querelle », voyez J. CRUYPLANTS, op.cit., p. 47, qui adhère à la première conception. 50 Civ., Huy, 16 octobre 1986, Annales de droit de Liège, 1987, p. 430 et note P. LAMBERT. 12 B.1. plaide que lorsqu’il tente de concilier les parties. D’autre part, d’autres règles sont destinées à préserver la loyauté des débats et des relations avec les confrères et les tiers : ainsi, l’article 6.8 qui impose à l’avocat de communiquer ses pièces à la partie adverse « sans délai » (diligence) et surtout l’article 6.18 qui énonce l’obligation d’informer « clairement » et à bref délai (diligence…) l’avocat de la partie adverse de toute signification ou mise à exécution d’une décision judiciaire et de tout exercice d’un recours, ce avant ou au plus tard au moment de ceux-ci. Le devoir de loyauté qui régit spécialement les relations d’un avocat avec un adversaire non assisté d’un conseil commande qu’il soit veillé au respect de l’égalité des armes, et que tout risque d’abus, fût-ce d’une suspicion d’abus, soit prudemment évité. Qu’il agisse dans le cadre d’une procédure ou en dehors, l’avocat se doit d’ailleurs de respecter (dans une certaine mesure) ce devoir de loyauté à l’égard de ses adversaires. Comme l’écrit J.-P. BUYLE : Enfin, il n’est pas douteux que l’ensemble des règles relatives au comportement des avocats dans les procédures sont aussi inspirées par le devoir de confraternité. L’avocat, conseil d’une partie qui traite directement avec la partie adverse ou le contractant de son client, a un devoir de loyauté à l’égard de ce tiers. Ce devoir n’inclut pas d’obligation d’information de l’adversaire des conséquences, des avantages ou des dangers de l’acte en cause, et encore moins du devoir de conseil, comme le relève justeEt l’article 6.19 précise que « sans préjudice de ment la Cour d’appel de Liège [dans un arrêt du la mise en cause de sa responsabilité, les frais de la 24 janvier 2002]. signification et de l’exécution peuvent être mis à charge de l’avocat qui y fait procéder si la significa- L’avocat n’est tenu à une obligation de conseil, tion et l’exécution ont été faites sans l’avis préa- d’information et de mise en garde des deux parties lable prescrit à l’article précédent ». que s’il intervient comme conseil des deux parties ou si le client en a ainsi convenu »52. A cet égard, on trouve exprimée dans un arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles du 24 février Et lorsqu’il s’agit d’apprécier si l’avocat a failli 2009, l’idée suivante : la déontologie n’est à sa mission de conseil et d’information à édictée ni dans l’intérêt de la profession, ni l’égard de son client (par exemple en n’attirant davantage dans l’intérêt de celui qui l’exerce, pas son attention sur un délai de prescription, en mais bien dans l’intérêt général. L’avocat qui ne lui donnant pas suffisamment d’informations procède à la signification d’une décision judi- sur les chances de succès d’un procès, ou sur l’uticiaire sans en aviser au préalable l’avocat de la lité d’une procédure), il est courant que la jurispartie adverse commet un manquement déon- prudence se réfère, une fois encore, au devoir tologique. Un règlement édicté par une ins- de loyauté pour caractériser le manquement53. tance ordinale a un caractère normatif dont le caractère obligatoire est consacré par le Code Il faut rappeler cependant que le devoir de judiciaire. Un manquement à un tel règlement conseil et d’information de l’avocat (dont les constitue une faute au sens de l’article 1382 du manifestations et les illustrations sont innomCode civil51. brables) est une obligation de moyen54. A cet égard, l’article 6.17 dispose que l’avocat qui, dans une procédure, néglige ces règles de comportement et contraint par conséquent un confrère dont il connaît l’intervention à un déplacement inutile, est tenu de l’indemniser de ses frais. Il s’agit là d’une hypothèse très particulière d’indemnisation de réparation La loyauté doit se manifester non seulement à la civile conçue par le Code de déontologie luibarre, mais dans tous les actes de la vie profession- même au profit, non pas de la partie, mais de nelle de l’avocat, autant lorsqu’il consulte ou l’avocat lésé. « Cette loyauté doit se manifester aussi bien à l’égard des clients que des magistrats, des confrères, des adversaires et des tiers. Il y va de la crédibilité de l’avocat et, en définitive, de la fiabilité de la justice. 7e ch., 24 février 2009, JLMB 2009, liv.30, p. 1430 ; dans le même sens : Anvers, 1ère ch.bis, 18 décembre 2006, R.W. 2009-10, liv. 17, p. 718. 51 52 Note, sous Liège, 20e ch., 24 janvier 2002, JLMB 2003, liv.8, p. 338. 53 En ce sens, J. CRUYPLANTS, op.cit., pp. 48, 49 et 56. A propos de l’étendue du devoir d’information et de conseil de l’avocat, voyez J.-P. BUYLE, note sous civ. Liège, 1ère ch., 20 février 2003, JLMB 2003, liv. 38, p. 1688. 54 13 c. Succession d’avocat La même règle s’applique en cas d’exécution forcée d’une décision de justice contre un conEn application du devoir général de confrater- frère. nité, l’article 6.28 impose à l’avocat qui succède d’en informer « aussitôt » (diligence…) son On peut supposer que les devoirs de confraterprédécesseur et de s’enquérir des honoraires nité, délicatesse et dignité sous-tendent la règle. qui le cas échéant lui restent dus. Dans un jugement du 8 décembre 2000, le TriPar ailleurs, l’article 6.29 impose à l’avocat bunal de 1ère instance de Bruges a considéré auquel on succède de transmettre que le défaut d’autorisation du bâtonnier « immédiatement » (diligence…) à l’avocat qui avant de procéder à l’exécution forcée d’une prend sa suite le dossier avec tous les docu- décision contre un confrère constituait non ments utiles, en soulignant les délais de procé- seulement une faute déontologique, mais ausdure (loyauté, confraternité, contribution et bonne si une faute civile au sens de l’article 1382 du administration de la justice). Code civil57. Au-delà de ces règles dont on conçoit aisée. Responsabilité financière de l’avocat à ment que la violation peut porter préjudice au l’égard de ses confrères client, épinglons deux décisions qui s’inscrivent dans le contexte d’une succession d’avoDélicatesse, confraternité, probité, dignité comcats : mandent la règle de l’article 6.44 qui rend L’introduction d’un appel en temps l’avocat responsable financièrement des honoutile étant une obligation de résultat raires et frais dus à un confrère auquel il fait pour l’avocat, il doit, même s’il succède appel, sauf s’il est entendu clairement, dès à un confrère, examiner si un délai l’origine de la relation, que c’est le client qui court ou non. On ne peut attendre de assume cette responsabilité. l’avocat à qui il est succédé qu’il informe son successeur de ce que le juge- En cas de défaillance de l’avocat, il est aisé de ment doive être signifié. Lorsque le dos- concevoir que son confrère puisse personnelsier lui est confié, le successeur doit im- lement mettre sa responsabilité en cause afin médiatement examiner si le jugement a d’obtenir paiement. déjà été signifié ou non 5 5 . 7. Relations avec les tiers L’article 6.29 ne dispense donc pas l’avocat successeur de toute diligence … a. Relations avec les médias Si l’avocat, qui a un devoir général de conseil à l’égard de son client, découvre à l’examen du dossier que la négligence d’un tiers – tel l’avocat à qui il succède – est à l’origine du procès dont la direction lui est confiée, il lui appartient d’informer spontanément le client des recours qu’il peut exercer contre l’avocat prédécesseur et, en particulier, du délai de prescription de l’action56. d. Action contre un confrère Les articles 6.35 et 6.37 contraignent l’avocat qui a reçu mandat d’introduire une procédure contre un confrère d’en informer préalablement son bâtonnier, qui a le pouvoir de s’y opposer. Dignité, délicatesse et loyauté imposent à l’avocat, dans ses rapports avec la presse, de tenir des propos modérés, exacts et non-offensants à l’égard des tiers (article 7.7). On peut rapprocher de cette règle l’arrêt rendu le 26 septembre 2012 par la Cour d’appel de Mons, selon lequel l’avocat qui écrit au sujet d’une personne facilement identifiable des propos relatant des faits dont il n’ignore pas qu’ils ont été définitivement jugés non-établis et dont il doit savoir que leur diffusion est de nature à porter une atteinte grave à sa réputation, et ce dans le but de régler des comptes personnels ou de se ménager des revenus (en l’occurrence des droits d’auteur) commet une faute au sens de l’article 1382 du Code civil58. 55 Anvers, 7 octobre 2002, NjW 2003, liv.29, p. 493 et note E. BREWAEYS. 56 Bruxelles, 9e ch., 10 janvier 2003, JLMB 2005, liv.7, p. 286. 57 Civ. Bruges, 10e ch., 8 décembre 2000, Juristenkrant 2001, liv.38, p. 7 et note E. BREWAEYS. 58 Mons, 21e ch., 26 septembre 2012, RGAR 2013, liv.1 n° 14936. 14 b. Responsabilité financière à l’égard des tiers Selon l’article 7.15 l’avocat est financièrement responsable à l’égard des tiers auxquels il fait appel pour les devoirs qu’il leur demande, sauf s’il les a avertis préalablement et par écrit que ces frais devaient être réclamés directement au client. Délicatesse, probité, dignité, une fois encore, commandent cette règle. La Cour de cassation, dans un arrêt du 25 mars 2004 considère que la Cour d’appel de Bruxelles n’a pas violé la loi en jugeant : d’une part, que même si c’est l’avocat qui fait appel aux services de l’huissier, « il naît un lien contractuel direct entre le client et l’huissier de justice de sorte que ce dernier a la possibilité d’intenter contre le client une action directe fondée sur un contrat » et, d’autre part, que l’huissier de justice dispose cependant d’une action contre l’avocat fût-ce « sur la base de la coutume et des normes déontologiques des avocats en vertu desquelles ceux-ci sont tenus de satisfaire aux états des comptes et des salaires restant dus aux huissiers de justice »59. Par ailleurs, la Cour d’appel d’Anvers, dans un arrêt du 25 février 2013, décide que l’avo- cat qui n’a pas été provisionné pour l’huissier de justice par son client et qui ne l’a pas fait savoir à son huissier de justice a créé au détriment de ce dernier une fausse impression de solvabilité. Ce comportement, non conforme à celui d’un avocat normalement prudent, est en lien causal avec le dommage subi par l’huissier de justice, car la possibilité d’obtenir paiement du client lui a été ôtée (article 1382 C. civ.)60. 8. Conclusion A défaut de recul suffisant, nul ne peut dire encore si l’existence d’un Code de déontologie qui consacre les devoirs généraux de l’avocat produira un effet (pervers ?) sur le nombre et la motivation des actions en responsabilité. Il ne fait pas de doute, par contre, que bien connaître la déontologie, telle que l’éclaire la jurisprudence, et ouvrir plus souvent ce nouveau Code d’utilité quotidienne, permettront à l’avocat de mieux se prémunir. Daniel Pricken AVOCAT AU BARREAU DE LIÈGE [email protected] 59 Cass., 1ère ch., R.G. C.02.0029.N, 25 mars 2004 (VG/DA), Pas. 2004, liv. 3, p. 507. 60 Anvers 25 février 2013, NjW 2013, liv.280, p. 313, note H. ULRICHTS. UN DÉLAI SUPPLÉMENTAIRE D’APPEL PARFOIS OUBLIÉ OU DONT LES CONTOURS EXACTS NE SONT PAS TOUJOURS BIEN PERCUS 1. Nous savons tous que, sauf pour le Minis- sé général en matière de délai d’appel à l’entère public près le tribunal ou la Cour qui doit connaître de l'appel, le délai d’appel contre un jugement rendu contradictoirement par une juridiction pénale est de 15 jours après celui où il a été prononcé. (article 203 §1er du CIC) contre d’une décision rendue par une juridiction pénale, mais pour la précision des choses, il faut rappeler d’une part que par jugement contradictoire, on entend celui rendu à la suite d’un débat contradictoire, et pas celui rendu par défaut réputé contradictoire dont il est Cette note n’a pas pour objet de faire un expo- question aux articles 152 § 2 et 185 § 2 du CIC 15 et pour lequel le délai prend cours à compter de la signification (Anvers (7e ch.), 30 avril 2004, R.W., 2004-05, p. 630, obs. Vandeplas1) et d’autre part, que par jugement, on vise la décision d’une juridiction de fond contre laquelle le premier jour du délai de 15 jours est le lendemain du jour de la décision (art. 203 § 1 er du CIC : jugement le lundi 01.12 -> dernier jour pour l’appel le mardi 16.12) et pas l’ordonnance rendue sur le règlement de procédure contre laquelle le délai d’appel court à compter du jour même de son prononcé (art. 135§ 3 du CIC - ordonnance le lundi 01.12 -> dernier jour pour appel le lundi 15.12, sauf détention de l’un des inculpés, entrainant une réduction du délai à 24 heures seulement et toujours à compter du jour où la décision est rendue). 2. Par contre, il est parfois perdu de vue qu’en application de l’article 203 § 3 du CIC, la partie civile dispose, lorsqu’un appel est dirigé contre elle et sans préjudice de son droit de faire appel incident, d’un délai supplémentaire de cinq jours pour interjeter appel contre les prévenus et les personnes civilement responsables (qui n'ont pas interjeté appel contre elle - Cass. 23 octobre 1961, Pas. 1962, p. 213.) et qu'elle entend maintenir à la cause. Sont assimilés aux personnes civilement responsables, l'assureur de la responsabilité civile du prévenu et le Fonds commun de garantie automobile. – Cass. 12 février 1985, Pas., p. 714. La ratio legis de cette disposition est connue : permettre à la partie civile constituée contre plusieurs parties (prévenus, civilement responsables, assureur RC et/ou Fonds commun de garantie Belge), ayant obtenu une condamnation ne frappant pas toutes ces parties et contre qui un appel serait dirigé in extremis par une ou plusieurs des parties condamnées, de maintenir à la cause en appel, les parties non condamnées pour qu’en cas de réforma- tion, n’obtenant plus la condamnation obtenue en instance, elle puisse le cas échéant, en obtenir d’autre(s). Ce maintien à la cause en appel d’un prévenu2 non condamné au profit de la partie civile ne pouvant être assuré que par un appel principal3 à former par une déclaration au greffe, ne pouvant pas l’être par un appel incident qui ne peut être formé que par une partie intimée par un appel principal et que contre l’appelant au principal, c’est la raison pour laquelle le législateur a accordé à la partie civile ce délai supplémentaire de cinq jours (au demeurant que l’appel principal formé contre elle, l’ait été le premier ou le quinzième jour du délai) ayant pour effet de porter son délai d’appel à vingt jours4. Ce délai supplémentaire d’appel peut donc se révéler très utile à la partie civile et ne peut être oublié par son conseil à peine de commettre une faute et d’engager le cas échéant sa responsabilité. L’auteur de ces quelques lignes pense que l’avocat ne peut se fier à l’obligation déontologique que le conseil de l’appelant a de l’informer de l’existence de l’appel qu’il formerait et qu’il doit prendre lui-même l’initiative, entre le 16ième et le 20ième jour du délai, de vérifier au greffe ce qu’il en est, ayant même le droit de demander à consulter le registre des actes d’appel. Il n’en effet pas imprévisible qu’un avocat oublie son obligation de signaler l’existence du recours qu’il a formé, ni que d’initiative et sans même en informer son conseil, un prévenu signe un acte d’appel au greffe correctionnel ou à celui de la prison. 3. Au passage, on ne peut s’empêcher de se demander si une violation des articles 10 et 11 de la Constitution ne pourrait pas être invoquée pour essayer d’obtenir d’autres délais supplémentaires d’appel ? Solution à étendre à la décision réputée contradictoire rendue sur les intérêts civils après une fixation sur base de l’article 4 du titre préliminaire du CIC ? 1 2 ou de son civilement responsable, de son assureur de la responsabilité civile et du Fonds commun 3 et cet appel principal doit en outre être recevable (Bosly, Vandermeersch & Beernaert, Droit de la procédure pénale 6ième éd. p. 1219) 4 s’agissant d’un délai de procédure, on ne voit pas ce qui empêcherait qu’il soit reporté au plus proche jour d’ouverture du greffe s’il prend fin un jour de fermeture dudit greffe. 16 Ainsi, un prévenu condamné avec un autre à indemniser in solidum une partie civile ne pourrait-il pas après avoir considéré que ce jugement lui convenait et n’en avoir pas interjeté appel, se dire surpris par l’appel fait in extremis par le co-prévenu, dont l’appel pourrait le léser en cas d’acquittement du coprévenu et par conséquent de décharge au seul profit de ce co-prévenu de la condamnation civile qui auparavant les frappait tous les deux, et le léser d’autant plus que par l’effet d’un appel que le Parquet aurait formé contre tous les prévenus, par exemple dans le délai supplémentaire de 10 jours dont il dispose en application de l’article 205 du CIC, la juridiction d’appel l’aurait également acquitté. Seule subsisterait ainsi sa condamnation au profit de la partie civile. Bien évidemment, on pourrait lui objecter qu’il n’avait qu’à se trouver au greffe le dernier jour utile à 15h55 et y faire le guet, mais la même objection ne pourrait-elle pas être faite à la partie civile qui, elle, dispose pourtant d’un délai supplémentaire d’appel dans les circonstances décrites ci-avant. Olivier Dubois AVOCAT AU BARREAU DE CHARLEROI [email protected] L’ACTE D’AVOCAT POUR PLUS DE SÉCURITÉ JURIDIQUE Le renforcement de la sécurité des échanges juridiques contractualisés, entre individus ou entre entreprises, et la poursuite du renforcement de l’efficacité (et, par voie de conséquence, de la légitimité) des institutions judiciaires constituent à l’heure actuelle des préoccupations essentielles des autorités nationales et supranationales. parlementaires, a été déposée en 2011 à la Chambre des représentants. La proposition de loi telle que déposée à l’époque rassemblait en réalité deux suggestions distinctes formulées lors du colloque du 28 avril 2005, à savoir, d’une part, la possibilité de conférer une valeur probante accentuée aux actes sous seing privé établis sous le contrôle et avec la participation des avocats des parties et contresignés par ces avocats et, d’autre part, la possibilité de conférer la force exécutoire par une procédure simplifiée non contentieuse aux accords transactionnels conclus avec la participation des avocats des parties. C’est dans ce contexte que, dès 2003, Monsieur le Bâtonnier Didier MATRAY a mis en chantier une réflexion sur le concept d’acte d’avocat destinée à marquer la qualité de l’intervention de l’avocat et permettant de répondre à ces préoccupations de sécurité et d’efficacité juriLors des auditions menées en Commission de dique. la justice de la Chambre des représentants, la Après que les réflexions initiales se soient con- proposition de loi a fait l’objet de nombreuses crétisées lors du colloque du 28 avril 2005 critiques, principalement en ce qu’elle aurait intitulé L’acte d’avocat - de advocatenakte, il a permis à certaines catégories d’actes d’avocat, encore fallu attendre plusieurs années avant identifiées dans le texte, d’être revêtues d’une que les propositions formulées lors de cette force exécutoire plus large que celle accordée manifestation ne trouvent un réel écho auprès à l’heure actuelle aux actes notariés. Ces cride nos représentants parlementaires. tiques n’étant pas totalement dépourvues de fondement (dans la mesure notamment où la C’est ainsi qu’à l’initiative du député Thierry proposition de loi déposée à la Chambre était GIET, une proposition de loi relative à l’acte issue de la confusion de deux mécanismes d’avocat, et contresignée par plusieurs autres distincts possédant chacun une justification 17 propre), des discussions ont été menées, notamment entre les organisations représentatives des ordres d’avocats et les organisations représentatives des notaires. Ces discussions ont abouti à un accord comprenant d’une part la rédaction d’une proposition conjointe permettant de conférer aux actes contresignés par les avocats des parties une valeur probante accentuée et permettant la poursuite de la discussion sur la problématique de l’octroi de la force exécutoire à certaines catégories d’accords. à celui à qui on oppose un tel acte sous seing privé ou à ses héritiers et ayants cause de déclarer ne pas reconnaître la signature ou l’écriture pour priver l’acte sous seing privé de la moindre valeur probante. Cette différence de statut entraîne une conséquence très concrète lorsque l’examen de la contestation laisse planer une incertitude sur la validité de la signature ou de l’écriture : dans ce cas, l’acte authentique conservera sa valeur probante alors que l’acte sous seing privé en sera dépourvu. Le texte conjoint a été adopté en séance plénière de la Chambre des représentants en date du 18 janvier 2013 et en séance plénière du Sénat en date du 18 avril 2013, aboutissant à la loi du 29 avril 2013 publiée au Moniteur belge du 3 juin 2013. En outre, alors qu’en ce qui concerne les contestations portant sur l’acte authentique, le Code civil prévoit que la contestation n’est admise par les parties à celui-ci que dans le seul contexte de la procédure en inscription de faux, les mêmes contestations peuvent être Le principe essentiel de la loi est exprimé au prouvées librement, par toute voie de droit, premier alinéa de l’article 2 qui précise : dès lors qu’il s’agit d’un acte sous seing privé. L’acte sous seing privé contresigné par les avocats conformément aux dispositions de la présente loi fait pleine foi de l’écriture et de la signature des parties à l’acte tant à leur égard qu’à l’égard de leurs héritiers ou ayants cause. Quoique certains aient exprimé que la loi ne présentait plus guère d’intérêt dès lors que la possibilité d’obtenir la force exécutoire des actes par une procédure non contentieuse simplifiée en avait été éliminée, la loi du 29 avril 2013 organise en réalité un renversement complet du principe consacré jusqu’à présent par le Code civil pour les actes sous seing privé et qui fait accéder l’acte d’avocat à un statut équivalent à celui de l’acte authentique relativement à la valeur probante entre parties et visà-vis de leurs héritiers et ayants cause. En effet, dans le système organisé par le Code civil, l’acte authentique constitue par luimême la preuve de l’origine de l’écriture, du fait de la convention que les parties ont déclaré intervenir, des conditions de la convention telle qu’elle a été énoncée et de l’identité des parties. L’acte authentique ne perd sa valeur probante entre parties que moyennant l’aboutissement d’une procédure en inscription de faux. L’acte sous seing privé n’a par contre aucune valeur probante quelconque tant qu’il n’a pas été reconnu, ce qui a été justifié par la circonstance que les conditions de sa confection n’offraient aucune garantie. Il suffit donc A l’heure actuelle, et entre les parties à l’acte leurs héritiers et ayants cause, le régime de l’acte d’avocat est désormais calqué sur celui de l’acte authentique. L’acte d’avocat constitue la preuve de l’origine de l’écriture et de la signature ainsi que celle du fait de la convention déclarée par les parties et des conditions qui y sont énoncées et encore de l’identité du signataire qui est assisté par l’avocat. De la même manière, la contestation de ces éléments n’est permise que dans le cadre de la procédure en faux civil (article 2, alinéa 3 de la loi). Cette modification de statut se justifie dans la mesure où désormais, et contrairement à l’acte sous seing privé classique, les conditions de la confection de l’acte d’avocat présentent les garanties nécessaires à la reconnaissance de cette valeur probante. La jurisprudence aura naturellement à appliquer le texte des nouvelles dispositions légales et constituera l’interprète le plus autorisé du champ d’application exact de celle-ci. On peut néanmoins penser que, par analogie avec la valeur probante de l’acte authentique, l’acte d’avocat permettra de prouver entre parties, leurs héritiers et leurs ayants droit, ainsi qu’évoqué ci-dessus, l’identité des signataires, le fait de l’acte ou de la convention constaté et la conformité de celui-ci et des conditions qui y sont énoncées avec les déclarations des parties (ce qui ne s’étend toutefois pas, pas plus 18 que pour l’acte authentique, à la réalité ou à utilisée tant pour les actes unilatéraux que la sincérité des déclarations faites par les par- pour les conventions et, pour cette dernière, tant pour les contrats unilatéraux que pour les ties à l’acte). contrats synallagmatiques. Questionnée à cet Pour ce qui concerne l’identité des parties, égard lors de l’examen de la proposition de les avocats participants à la rédaction des actes loi, la Ministre de la justice avait répondu que d’avocat veilleront naturellement à contrôler l’acte d’avocat ne pourrait s’envisager que pour par des documents, dont ils conserveront la les conventions bilatérales à l’exclusion des copie, l’identité du ou des signataires et véri- actes unilatéraux. Cette prise de position ne fieront, dans la mesure du possible, les pou- correspond en réalité ni à l’intention des auvoirs de ceux-ci (par exemple les pouvoirs teurs de la proposition ni au contenu du texte d’engager une personne morale), sans toute- de la loi. Si sans doute la loi évoque les parties fois que l’avocat ne se porte garant de la vali- à l’acte (argument retenu par la Ministre de la dité de cette représentation (dont la régularité justice pour justifier sa position), une telle apparente pourrait être anéantie a posteriori). formulation vise exclusivement à décrire une L’avocat sera particulièrement prudent lors- généralité et n’exclut pas les actes unilatéraux qu’il ne sera pas à même de vérifier l’identité qui ne concerneraient qu’une seule partie aset sera bien inspiré alors, en règle, de refuser sistée et conseillée par son avocat. l’élaboration d’un acte d’avocat. Il faut enfin relever que le régime probatoire Pour ce qui concerne le fait de l’acte juridique nouveau conféré par la loi à l’acte d’avocat ne ou de la convention déclarée par la ou les par- modifie pas le statut des actes et conventions ties, l’avocat s’assurera naturellement de la vis-à-vis des tiers lesquels pourront continuer correspondance entre la formulation écrite et à en contester la teneur librement par toute la déclaration des parties. La conformité de voie de droit (tout comme ils peuvent d’aill’écrit aux volontés exprimées sera attestée par leurs le faire vis-à-vis de l’acte authentique). la signature des parties et des avocats concer- En outre, la valeur probante accentuée ne connés. Dès lors que le contreseing des avocats à cernera jamais, ainsi que souligné ci-dessus, la convention a notamment pour objet de con- ni la réalité ni la sincérité de l’acte ou des conférer une garantie de sécurité et d’efficacité ventions (l’avocat n’étant pas plus que le nojuridique renforcée, l’avocat sera particulière- taire à même de sonder l’âme et le cœur de la ment attentif à veiller que les engagements partie qu’il assiste). souscrits ne contreviennent pas à des dispositions d’ordre public ni à des dispositions im- Outre les formalités dont la loi rappelle l’exispératives vis-à-vis desquelles les signataires tence, notamment en matière de contrat synalne pourraient pas librement disposer de leurs lagmatique, qui imposent l’élaboration d’audroits au moment de la signature de l’acte. Il tant d’originaux que de parties ayant un intésera donc ici également bien inspiré de refuser rêt distinct et d’avocats signataires, l’avocat de donner à un acte ou à une convention la ayant participé à la confection d’un acte d’avoforme d’acte d’avocat en cas de doute à cet cat sera particulièrement attentif à la conservation, sinon de l’original destiné à la partie qu’il égard. a assistée, en tout cas de l’original qui lui est Les garanties de sécurité et d’efficacité juri- destiné. diques renforcées sont consacrées par l’article 3 de la loi qui précise que : par son contre- La valeur probante et l’utilité de cet acte pourseing, l’avocat atteste avoir éclairé pleine- ront ne se révéler que bien après qu’il ait été ment la ou les parties qu’il conseille sur les réalisé et, dans l’attente d’un système de conconséquences juridiques de cet acte. Outre le servation uniformisé, il appartiendra à chacun fait que cette mention doit figurer dans l’acte d’assurer un archivage spécifique des actes lui-même, on peut penser que l’avocat pourra d’avocat auxquels il aura contribué. utilement demander à la partie qu’il assiste à l’occasion de cet acte de lui confirmer, par un Si l’acte d’avocat ne constitue certainement pas document séparé, qu’elle estime avoir reçu un acte destiné à être utilisé de manière systématique, en raison notamment des formalités une information suffisante à ce sujet. particulières et des engagements pris par La forme d’acte d’avocat paraît pouvoir être l’avocat à cette occasion, il s’agit néanmoins 19 d’un nouvel outil dont il appartient à tous les en ferons. avocats d’informer leurs clients de l’efficacité au travers de la sécurité juridique complémen- Il n’attend plus que vous ! taire qu’il permet d’offrir. Yves Kevers L’acte d’avocat ne sera jamais que ce que nous AVOCAT AU BARREAU DE LIÈGE [email protected] LA PRESCRIPTION DU LIEN D’INSTANCE : LA FIN D’UNE ANGOISSE Parmi les nombreuses causes de faute, la plus fréquente reste le dépassement d’un délai, qu’il soit de procédure, ou fixé pour poser un acte ayant une portée juridique. Les partisans de la prescription du lien d’instance trouvaient d’ardents défenseurs, et quelques décisions furent publiées et commentées. La doctrine, suivie en cela par une certaine jurisprudence, avait créé un nouveau délai, soit celui pendant lequel les parties dans un procès en cours restaient inactives (au moins procéduralement). - Dans un arrêt du 18 décembre 2009 (JLMB, 2011, p. 462), la cour d'appel de Mons décidait que le lien d'instance relatif à une demande de paiement d'une facture laissée en souffrance pendant onze années en degré d'appel est soumise à la prescription de droit commun de dix Selon cette théorie, un lien d’instance noué se ans. « périmait » ou se « prescrivait » par l’écoulement d’un délai de 10 ans. Ce délai était fixé -Confrontée à une demande, formulée par un en référence à l’article 2262 bis du Code civil assureur contre son assuré, restée en déshéqui traite des prescriptions. C’est à l’occasion rence durant quatorze ans, le tribunal civil de de la modification de cet article (qui faisait Liège confirmait cette thèse dans un jugement passer de 30 ans à 10 ans la prescription des du 9 mars 2011 sur la base d'un argumentaire actions personnelles) que certains ont cru pou- hétéroclite (JLMB, 2011, p. 1767 : depuis l'envoir déduire que l’ancienne théorie (qui répu- trée en vigueur, le 27 juillet 1998, de la loi du tait prescrite une procédure par l’inaction 10 juin 1998, modifiant les délais de prescrippendant trente ans) s’appliquait toujours au tion, le lien d'instance qui unit les parties se lien d’instance et ramenait le délai à dix ans. prescrit par l'écoulement d'un délai de dix ans Trente ans sans qu’une partie ne se soucie sans qu'aucun acte de procédure n'ait été acd’un dossier, le cas était plutôt théorique, et compli par les parties). sans doute la question ne fut elle jamais posée -Face à une récupération de cotisations soau siècle passé1. ciales de l'ONSS restée au point mort durant Mais dix ans, l’affaire devenait moins théo- vingt années, la Cour du travail de Liège entérique. Que l’on songe à la longueur de cer- rinait par arrêt du 28 février 2012 la théorie de taines expertises, à des opérations de liquida- la prescription par dix ans du lien d'instance. tion avec des biens à l’étranger, à des obligations mises en attente jusqu’à retour du débi- -Le Tribunal de commerce de Bruxelles dans teur, bref, à des situations pas si rares où une une décision du 14 mai 2012 (JLMBi 2012/27 procédure ne bouge plus, parfois pour de p. 1306) adoptait le même raisonnement : bonnes raisons, pendant dix ans. Et combien de dossiers dans nos cabinets qui pouvaient se Depuis l'entrée en vigueur, le 27 juillet 1998, trouver dans cette situation ? Autant de de la loi du 10 juin 1998 modifiant les délais de prescription, le délai de prescription du bombes à (très grand) retardement ? 1 La doctrine fait prudemment état de « rares et anciennes décisions » 20 lien d'instance qui unit les parties du fait de l'introduction d'une action a été ramené à dix ans. Si aucun acte de procédure n'a été accompli pendant ce délai, l'action doit donc être déclarée prescrite. La prescription du lien d'instance peut être invoquée par l'appelant même si l'intimé a conclu dans le délai de dix ans prenant cours en 1998 mais n'a pas déposé ses conclusions au greffe. L’échange de conclusions ne constitue pas un acte de procédure. C’est l'absence C’est un arrêt de la Cour du travail de Liège d'acte de procédure posé dans les délais et (Cour du travail Liège -13e chambre-, 28 fé- non la preuve de l'inertie coupable qui permet vrier 2012 JLMBi 2012/13 p. 621) qui allait de retenir la prescription de l'instance. conduire la Cour de cassation à trancher. Comme le soulignait très justement le comLa cour du travail dans son arrêt s’était mon- mentateur (Thierry Delahaye) de la décision trée fort didactique pour expliquer le pour- du Tribunal de Commerce de Bruxelles du 14 quoi (sans doute une louable intention) et les mai 2012: effets de la « prescription du lien d’instance » : La décision annotée crée et applique un délai L'objectif poursuivi en instaurant une pres- de prescription prétorien, c'est-à-dire, en cription du lien d'instance est d'éviter qu'un marge de la loi. Son fondement est contestable plaideur ne rende son droit imprescriptible en en droit comme en fait et ne peut que générer se contentant d'introduire une action en jus- injustice et incertitude juridique. tice. Le pauvre plaideur ne savait plus en effet que Comme l'enseignent Glasson et Tissier , « la faire, et les plus fins spécialistes des délais ne prescription de l'instance étant acquise, le purent qu’attirer l’attention sur ce nouveau droit d'action et le droit lui-même sont atteints danger (Olivier Dubois, dans ce bulletin, juin par la prescription ; l'instance a disparu et 2012). avec elle l'effet interruptif de la demande. Il n'en serait autrement que s'il y avait eu sus- La Cour de cassation fut donc saisie par pourpension du droit ou si le droit n'était pas sus- voi contre l’arrêt du 28 février 2012. ceptible de prescription ». Le motif de cassation était, entre autres que : La Cour poursuivait la leçon en indiquant ce Contrairement à ce qu'affirme l'arrêt, il ne qu’il fallait faire pour éviter la prescription : peut y avoir de prescription ou de péremption Ce sont les actes de procédure qui vont inter- du lien d'instance par suite de l'inaction du rompre le cours de la prescription. Ces actes demandeur. L'alinéa 2 de l'article 2244 du sont visés par le Code judiciaire (quatrième Code civil, inséré par la loi du 25 juillet 2008, a partie qui traite de la procédure civile) et con- confirmé que l'effet interruptif d'une citation cernent notamment la mise au rôle, les pièces en justice ne peut prendre fin avant que l'insdu dossier visées à l'article 721 dont les notifi- tance engagée par la citation ne soit terminée cations, conclusions, procès-verbaux d'au- et ce, sans possibilité pour l'instance ou pour dience, mais aussi le jugement avant dire l'action d'être dans l'entre-temps prescrite. droit, la requête d'appel, bref toutes les pièces (Troisième grief) figurant au dossier de procédure. La Cour a répondu (assez sèchement) aux parBref, dans tout dossier dans lesquels la cita- tisans de cette nouvelle prescription : tion remontait à quelques années et que rien ne fut fait, il fallait s’empresser de « faire Aux termes de l'article 2244, alinéa 1er, du quelque chose », déposer des conclusions, de- Code civil, une citation en justice, un commander une fixation, déposer des pièces, en mandement ou une saisie, signifié à celui quelque sorte n’importe quoi qui manifeste qu'on veut empêcher de prescrire, forment son intérêt pour la cause par un acte de procé- l'interruption civile. dure. Et réveiller son adversaire ne suffisait pas : 2 Lorsqu'une citation en justice interrompt la prescription en vertu de cette disposition, En sorte que même trente ans ne prescrivent pas le lien d’instance… 21 l'interruption, sauf disposition légale dérogatoire qui n'existe pas en l'espèce, se prolonge, comme le précise actuellement le deuxième alinéa dudit article 2244, jusqu'à la prononciation de la décision mettant fin au litige. Cour d'appel Mons (2e chambre), 27 septembre 2011- JLMBi 2012/16 p. 762 L'avocat doit répondre de sa faute la plus légère. Il doit faire progresser les dossiers dans des délais raisonnables. Civ. Bruxelles (8e ch.) En considérant que l'absence d'acte de procé- 5 décembre 2003 R.G.A.R. 2005, liv. 5, n° dure accompli par le demandeur dans le délai 13990. de la prescription de l'action que la citation en justice a eu pour effet d'interrompre entraîne Une décision plus ancienne, mais toujours la prescription du lien d'instance noué entre pertinente, du 5 mai 1995 énonce le même les parties et en disant pour ce motif « la de- principe : mande atteinte par la prescription du lien d'instance », l'arrêt viole l'article 2244 du Code Un avocat a un devoir permanent de dilicivil (Cour de cassation (1ère chambre), 18 gence : il doit veiller à faire progresser les dossiers de son client dans des délais raisonmars 2013. JLMBi 2013/17 p. 922). nables, sans qu’une mise en demeure soit nécessaire. Il ne pourrait se disculper qu’en déOuf, dirons-nous…2 montrant que l’absence de mise en état de la Mais cela signifie-t-il que nous pouvons lais- cause est justifiée par l’attitude de ses clients, ser dormir nos dossiers sous une couche de négligeant de lui fournir les renseignements demandés ou de payer les provisions réclapoussière ? mées. (Bruxelles 5 mai 1995, JLMB 1995, 1014). C’est oublier que parmi nos devoirs, existe évidemment celui de diligenter la procédure. Sans donc qu’il soit besoin de créer une nouvelle prescription, comme l’abandon du lien Il n’est pas question du non-respect des délais, d’instance, nos clients sont assurés que nous mais bien du dommage qui peut être causé au faisons, sous peine d’engager notre responsaclient par l’absence de solution rapide. bilité, progresser leurs dossiers dans de rai(Responsabilités, Traité Théorique et Pratique, sonnables délais. C. Melotte, La responsabilité des avocats, D’ailleurs s’il en est toujours ainsi, notre assu28bis-32) reur peut dormir tranquille pendant trente En voici des exemples : ans, et même plus… JURISIMPRUDENCE L'avocat qui ne veille pas à ce qu'une mutation immobilière consécutive à divorce soit rapidement constatée par acte authentique afin de la rendre opposable aux tiers, avant le paiement de la soulte, commet une faute contractuelle. Pierre-Jean Richard AVOCAT AU BARREAU DE NAMUR [email protected] RÉDACTION D’UNE CONVENTION DE DIVORCE ET DILLIGENCES EN VUE DE LA TRANSCRIPTION A l’occasion de leur divorce, les époux conviennent de la reprise d’un immeuble par Madame, moyennant paiement d’une soulte à Monsieur. La convention de divorce par consentement mutuel est rédigée par un avocat et prévoit la passation de l’acte authentique de licitation à la date de la deuxième comparution en divorce ; toutefois cette formalité, essentielle 22 pour rendre l’acte opposable aux tiers, aura seing privé. lieu à une date ultérieure. La deuxième faute est de n’avoir pas, à tout le Par ailleurs, la soulte est payable deux mois moins, diligenté auprès du notaire la passaaprès la transcription du divorce qui, elle, ne tion de l’acte authentique de licitation et sa connaîtra pas de retard. Cette différence de transcription. date va entraîner de sérieuses difficultés. Et la troisième, de n’avoir pas informé sa En effet, alors que la moitié de la soulte vient cliente des risques qu’elle prenait et de lui d’être payée, l’avocat prend seulement contact avoir laissé payer la soulte alors que la vente avec le notaire pour faire établir l’acte de lici- de l’immeuble n’était pas encore opposable tation-partage et d’autre part, quelques jours aux tiers, d’autant que l’existence de créanaprès le paiement du solde, des créanciers de ciers de l’ex-époux était connue. l’ex-époux font transcrire un commandement préalable à saisie sur l’immeuble vendu à l’ex- La Cour estime encore que le dommage de la épouse, dès lors que cette vente ne leur était cliente est né de fautes contractuelles concurrentes, celle de l’ex-époux qui n’a pas payé ses nullement opposable. dettes au mépris des conventions préalables L’ex-épouse se voit contrainte de payer les qui le prévoyaient expressément, et celles de dettes pour libérer l’immeuble de la saisie, elle l’avocat dans l’accomplissement de sa misen réclame remboursement à son avocat. sion. La Cour d’Appel de Mons rappelle que les conventions de divorce relatives à des biens immeubles doivent être transcrites et donc faire l’objet d’un acte authentique. Ces fautes contractuelles concurrentes créent une responsabilité in solidum, l’avocat est dès lors condamné à rembourser toutes les dettes prises en charge par sa cliente, quitte pour lui à se retourner contre l’ex-époux (Mons Cette transcription peut parfaitement être opé- 27/9/2011, JLMB 2012 pages 762 et suivantes). rée même si les conventions sont établies sous condition suspensive du prononcé du divorce. La première faute de l’avocat est, selon la Cour, de n’avoir pas fait authentifier immédiatement les conventions prévoyant une mutation immobilière, au lieu de les rédiger sous RÉAGISSEZ EN NOUS FAISANT PART DE VOS AVIS, SUGGESTIONS, RÉACTIONS À L’ADRESSE SUIVANTE [email protected] Bénédicte Van den Daele AVOCATE AU BARREAU DE LIÈGE [email protected] LE BULLETIN DE PRÉVENTION EST RÉALISÉ AVEC LE CONCOURS D’ÉTHIAS, ASSUREUR DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE DES AVOCATS MEMBRES DE LA COMMISSION PRÉVENTION Maîtres Hubert de STEXHE, Pascal BOSSER, Vincent CALLEWAERT, Olivier DUBOIS ,Juan LE CLERCQ, Daniel PRICKEN, Pierre-Jean RICHARD, Bénédicte VAN DEN DAELE et Bernard VINCOTTE Mesdames Valérie KRIESCHER et Catherine PARIS (pour ETHIAS). SECRÉTAIRE DE RÉDACTION Fanny CHANTEREAU. COORDINATION DU BULLETIN Maître Guillaume DAVID. ÉDITEUR RESPONSABLE Maître Hubert de STEXHE, Administrateur d’AVOCATS.BE, 65 Av de la Toison d’Or—1060 Bruxelles 23 U NOUVhEéeA Trop 013 DECAVI 2 ® vation o n n I ' l e d 2013 Ethias fait battre le cœur des sportifs. Savez-vous que les accidents cardio-vasculaires et vasculaires-cérébraux ne sont presque jamais couverts par les assurances sportives ? Avec Un Cœur pour le Sport, Ethias est le premier assureur belge à vous couvrir contre ces risques pendant la pratique de votre sport. De quoi faire battre le cœur de plus d’un million de sportifs amateurs assurés chez Ethias ! Pas encore assuré chez Ethias ? Surfez sur www.ethias.be Ethias S.A., rue des Croisiers 24, 4000 Liège, RPM Liège – TVA : BE 0404.484.654 – IBAN : BE72 0910 0078 4416 – BIC : GKCCCBEBB