La sélection des risques de santé en Prévoyance
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La sélection des risques de santé en Prévoyance
Ecole nationale d’assurances l’Enass La sélection des risques de santé en Prévoyance individuelle : Comment concilier le point de vue des assureurs et des consommateurs ? Des innovations sont-elles possibles ? Hélène CLEMENT SALAVERA www.enass.fr REMERCIEMENTS Je tiens avant tout à remercier mon tuteur, Pierre -Yves Le Corre pour le temps qu’il a consacré à mon travail, pour ses indispensables conseils et ses encouragements, et Edouard Bidou, Directeur de l’innovation et du développement du Groupe Prévoir, pour les discussions qui ont permis d’enrichir ma réflexion. Mes remerciements les plus chaleureux vont à ma famille, Eva, Marin et Stéphane pour leur patience (admirable) et leur soutien (indéfectible). Je remercie vivement les personnes qui m’ont accordé un entretien et ont alimenté cette étude : Agnès Canarelli, Roman Durand, Agnès Lassale, Christian Mainguy, Magaly Siméon, Eve-Laure Tascon, Sophie Trilleaud ainsi que le cabinet Euroditas. Merci également à Anne Ramin et Martine Maillard pour leur soutien tout au long de ces 18 mois de MBA. Je remercie enfin le Groupe Prévoir pour m’avoir permis de suivre cette formation. 2 RESUME L’évaluation individuelle des facteurs de risques de santé en prévoyance permet aux assureurs de proposer des garanties de qualité au plus grand nombre et en particulier aux personnes présentant un risque aggravé de santé. Toutefois, en pratique la sélection des risques est mal perçue par les souscripteurs et les forces de vente. Au regard des enjeux pour la profession, le sujet mérite d’être traité avec attention par les assureurs, en tenant compte du point de vue du consommateur. Au-delà du cadre de la convention AERAS, des améliorations peuvent être apportées en termes : • d’équilibre entre les différents outils de sélection des risques de santé, • de clarté dans la rédaction des questionnaires de santé, • et d’accompagnement du prospect dans le processus de sélection. Cela demande de la part des assureurs certains investissements qui seront rentabilisés par : • la réduction des déclarations inexactes, • la diminution des risques de litiges en cas de sinistres, • l’augmentation du nombre de dossiers acceptés, • sans compter les gains en termes de satisfaction client et d’image. L’arrêt Test-Achats ouvre la voie de l’innovation en obligeant les assureurs à revoir leurs méthodes de tarification. Il les incite aussi à utiliser des variables comportementales liées directement aux facteurs de risque. En matière de santé, il s’agit des comportements liés à l’alimentation, à l’activité physique et au tabagisme. Parallèlement, l’apport des nouvelles technologies dans le mode de collecte des données et dans leur traitement peut aussi être un vecteur d’innovations. A partir de ce cadre, la manière dont les assureurs prennent les risques de santé pourrait évoluer dans plusieurs directions. L’hyper-segmentation et la sélection prédictive des risques sont déjà pratiquées aux Etats-Unis mais posent en France des difficultés par rapport aux attentes sociales et aux contraintes réglementaires. L’intégration d’un programme de prévention des risques dans les offres de Prévoyance est à notre avis une opportunité plus porteuse de valeur pour l’assureur et l’assuré. La perspective à terme est de pouvoir accepter les risques de santé en tenant compte de la possibilité de les atténuer pendant la durée du contrat. Pour y parvenir, deux conditions minimum sont requises : 1) Les mesures de prévention doivent effectivement être mises en œuvre par les assurés. La mise en place d’un « bonus santé » peut y contribuer. Il s’agit d’accorder une remise sur la prime d’assurance en cours de contrat sous réserve que des objectifs de prévention soient atteints (sans toutefois que cela soit lié à des résultats effectifs d’amélioration de l’état de santé). 2) L’assureur doit pouvoir disposer de données sur le comportement des assurés. Les nouveaux objets, « intelligents » et connectés, facilitent l’adoption de comportements préventifs, mesurent les progrès et produisent des données. Ils peuvent ainsi jouer un rôle important dans les futures offres de Prévoyance. Mots clés : sélection, risques aggravés, santé, prévoyance, prévention, assurance, innovation, discrimination, questionnaire médical, tarification 3 ABSTRACT The individual assessment of health-related risks in Life insurance allows insurers to offer quality coverage and more particularly to people with serious health risks. However, in practice risk selection is misunderstood by policyholders and sales forces. The subject deserves to be considered with care by insurers, taking into account the point of view of the consumer. Beyond the scope of the convention AERAS, improvements can be made in terms of: • balance between the various underwriting tools of health-related risks, • clarity in the drafting of medical statements, • assisting prospects through the application process. Some investments are required. It should be returned on by: • reducing of non-disclosure, • reducing of claims dispute • increasing the number of rated business and thus the premium take • improving customer experience. The Test-Achats ruling paves the way for innovation by requiring insurers to review their underwriting methods. It also encourages them to use data directly related to behavioral risk factors. Health habits are related to diet, physical activity and smoking. Meanwhile, the contribution of new technologies in terms of gathering and processing data can also be a vector of innovation. From this framework, health-related underwriting may evolve in several directions. Hyper-segmentation and predictive underwriting are already practiced in the United States but, in France, they raise difficulties regarding social expectations and regulatory constraints. From our point of view, integration of health prevention programs in Life insurance offers a more promising opportunity. The long term perspective is to be able to underwrite health-related risks taking into account the possibility of reducing them. To achieve this goal, two conditions at least are required: 1) Preventive measures must be effectively implemented by the insured party. The establishment of a "health bonus" can help. It is a discount on the insurance premium during the contract provided that prevention targets are met (but it mustn’t be related to health condition). 2) The insurer must have access to health habits data. New objects, "smart" and connected, help to adopt healthy ways of life and they produce data. They can play an important role in future Life insurance. Key words : assessment, underwriting, medical statements, risk, health, life insurance, prevention, innovation, discrimination, substandard risks 4 SOMMAIRE Introduction ...........................................................................................................................................................................7 1 Comment l’assureur prend-t-il les risques ? ..............................................................................................................13 1.1 1.1.1 1.1.2 La théorie ...........................................................................................................................................................15 De la mutualisation à la sélection..… ........................................................................................ …15 Les outils de la sélection .............................................................................................................. 18 1.2 1.2.1 1.2.2 1.2.3 1.2.4 La pratique .........................................................................................................................................................21 Risque standard / risque aggravé ................................................................................................ 21 Le choix des formalités de sélection ............................................................................................ 24 Le process de sélection : cas de l’assurance emprunteur ........................................................... 27 Les difficultés et les limites .......................................................................................................... 31 1.3 1.3.1 1.3.2 Enjeux éthiques et cadre juridique ....................................................................................................................37 Enjeux éthiques ........................................................................................................................... 37 Cadre juridique ............................................................................................................................ 40 Conclusion de la première partie.........................................................................................................................................47 2 Une sélection mal vécue et mal vendue : comment améliorer les pratiques ? .......................................................49 2.1 2.1.1 2.1.2 2.1.3 Point de vue des consommateurs et des réseaux de vente ...............................................................................51 Une sélection mal vécue : données quantitatives ....................................................................... 51 Ce que les réseaux sociaux disent de la sélection médicale ........................................................ 54 Une sélection mal vendue ........................................................................................................... 64 2.2 2.2.1 2.2.2 2.2.3 2.2.4 Evolution des pratiques : état des lieux et perspectives ....................................................................................67 Les formalités de déclaration du risque ...................................................................................... 67 L’information des assurés ............................................................................................................ 72 Le rôle des reseaux de vente ....................................................................................................... 75 La Télé-souscription ..................................................................................................................... 77 Conclusion de la seconde partie ..........................................................................................................................................82 3 Innovations et prospective .........................................................................................................................................85 3.1 3.1.1 3.1.2 « Contrats préferentiels » et hyper segmentation .............................................................................................87 Présentation ................................................................................................................................ 87 Evaluation .................................................................................................................................... 88 3.2 3.2.1 3.2.2 3.2.3 Le pilotage des risques : cas du contrat emprunteur de l’Association française des diabétiques .....................91 Présentation ................................................................................................................................ 91 Evaluation .................................................................................................................................... 94 Prospective .................................................................................................................................. 96 3.3 3.3.1 3.3.2 3.3.3 « Predictive underwriting » et ciblage des risques ..........................................................................................103 Présentation .............................................................................................................................. 103 Evaluation .................................................................................................................................. 105 Prospective : big data et assurance ........................................................................................... 108 3.4 3.4.1 3.4.2 «Pay as you live»: programme et bonus santé ................................................................................................113 Présentation .............................................................................................................................. 113 Proposition d’un modèle pour le marché français .............................................................. ……119 3.5 Conclusion de la troisième partie .....................................................................................................................125 Conclusion .........................................................................................................................................................................129 Annexes .............................................................................................................................................................................131 5 6 INTRODUCTION Les assureurs cherchent à recueillir des informations auprès des personnes qui souhaitent s’assurer pour mieux connaitre leur risque et lui appliquer un tarif approprié. Or, « au cours des trois dernières décennies, le nombre de lois limitant la quantité d’informations dont disposent les assureurs de personnes concernant les risques qu’ils assurent n’a cessé d’augmenter » 1. En témoigne l’arrêt rendu le 1er mars 2011 2 par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) mettant fin à la possibilité de différencier les primes ou prestations d’assurance en fonction du genre. En effet, le principe général de non-discrimination entre les hommes et les femmes est inscrit dans la constitution européenne 3 et traduit en matière d’assurance dans une directive datant de 2004 4. C’est par dérogation que les assureurs étaient autorisés à pratiquer une différenciation par genre (dérogation aménagée par la même directive) ; l’arrêt « Test-Achats » y a mis fin. Cette décision a suscité des protestations de la part de certains acteurs de l’assurance qui ont pu y voir une nouvelle atteinte au droit à sélectionner. Cependant, au-delà des polémiques, l’arrêt de la CJUE a donné l’occasion aux assureurs d’expliquer les fondements de leur métier et de s’interroger sur son avenir. Les débats autour de la directive de 2004 puis de la décision de 2011 ont mis en lumière les enjeux qui se cachent derrière la nature des critères utilisés par les assureurs pour évaluer les risques. Dans son article « L’égalité de traitement en droit européen et ses applications à l’assurance » 5, Jean-Marc Binon relève que, lors de l’exposé des motifs qui ont conduit à la directive de 2004, la commission européenne « s’est prévalue d’études montrant qu’un certain nombre de facteurs liés au cadre de vie général de l’individu, tels que la situation familiale, l’environnement socioéconomique, le statut social et la nature de l’activité professionnelle, la région géographique, le tabagisme et les habitudes alimentaires, ont sur l’espérance de vie une influence bien plus décisive que l’identité sexuelle », ce qui a amené la Commission à conclure que « le critère du sexe est en réalité un critère de substitution auquel les assureurs recourent essentiellement par commodité » (Binon, 2005). Différencier les primes entre les assurés selon des critères de comportements, qui ont un lien de causalité avec le risque et sont de surcroit modifiables, 1 Swiss Re. (2011). Assurances de personnes : l'évaluation du risque en toute équité. Connu sous le nom de « Arrêt Test-Achats » : CJUE, 1ermars 2011, aff. C- 236/09, Association belge des consommateurs Test-Achats. 3 Article 3(3) du traité de l’Union Européenne. 4 Directive n°2004/113/CE – art. 5.1 http://eur-lex.europa.eu 5 2005, Journal des tribunaux, pp. 231-237. 2 7 apparaitrait alors plus légitime au législateur et aux associations de consommateurs 6. Les assureurs ont fait valoir que les données comportementales étaient plus difficiles à recueillir et moins stables dans le temps que le genre ; le genre présentant en outre l’avantage de permettre la mutualisation du risque sur un périmètre plus large qu'au sein de catégories comportementales beaucoup plus atomisées. Ils se demandent aussi si les consommateurs sont prêts à dévoiler des informations sur leur mode de vie pour souscrire un contrat d’assurance. Romain Durand 7 insiste sur ce point : la contestation de la causalité entre le genre et la sinistralité implique de trouver des variables explicatives et notamment des variables comportementales. Mais il y a un danger que l’utilisation de ces variables soit également limitée au nom de la protection de la vie privée, aboutissant à terme à une remise en cause du droit de sélectionner. La décision de la CJUE nous amène ainsi à nous interroger sur les enjeux de la sélection des risques en assurances de personnes et plus particulièrement de la sélection des risques liés à la santé. *** De même que le sexe, l’état de santé fait partie des critères de discrimination interdits par le code pénal (art. 225-1) « en particulier en matière de fourniture de biens ou de prestation de service » (art. 225-2). Ces dispositions sont pleinement applicables aux assureurs. Toutefois, une exception expresse est organisée par l’art. 225-3 du même code qui autorise les « discriminations fondées sur l'état de santé, lorsqu'elles consistent en des opérations ayant pour objet la prévention et la couverture du risque décès, des risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou des risques d'incapacité de travail ou d'invalidité ». En nous appuyant sur l’article 225-3, nous résumerons les « risque décès, […] risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne [et] risques d'incapacité de travail ou d'invalidité » par la formule « risques de santé ». Les garanties concernées sont principalement celles des contrats de prévoyance individuelle et des contrats emprunteurs pour lesquels l’acceptation et la tarification des risques tient compte de l’état de santé du proposant. Nous ne traiterons pas des assurances complémentaires santé individuelle car les 6 Il s’agit d’une interprétation partagée par de nombreux commentateurs parmi lesquels Vincent Callewaert – maitre de conférence invité UCL – qui s’est exprimé sur le thème « Egalité de traitement et sélection des risques en assurance : des logiques inconciliables ? » lors de la « Semaine européenne de l’assurance – 20 au 23 mars 2012 » organisée par le MBA de l’Enass et le centre de droit privé de l’Université catholique de Louvain. 7 Romain Durand, CEO, Actuaris International - entretien du 6 novembre 2012. 8 assureurs ont renoncé à pratiquer une sélection médicale à la souscription. Rappelons cependant qu’il n’y a pas en la matière interdiction mais incitation fiscale. Du fait de la loi Evin, les assurances de prévoyance collective à adhésion obligatoire ne sont pas concernées : la sélection des risques est globale et l’assureur a le choix entre assurer le groupe ou ne pas contracter, mais il ne peut pas exclure un salarié de la couverture ou lui demander une surprime en raison de son état de santé 8. Assurance de groupe à adhésion facultative, l’assurance emprunteur ne relève pas de la loi Evin 9. En raison de la durée des engagements et du montant des capitaux couverts en prêts immobiliers, les candidats doivent remplir une déclaration ou un questionnaire médical. Nous utiliserons par commodité le terme Prévoyance pour désigner les contrats concernés par notre étude même si au cours de celle-ci, nous serons souvent amenés à distinguer les contrats emprunteurs. Nous précisons ci-dessous les cotisations représentées pas les principales garanties concernées en nous référant aux données 2011 de l’association française de l’assurance 10. Soulignons qu’il s’agit d’un marché en croissance, alors que les cotisations de l’ensemble des assurances de personnes (157,2 milliards d’euros) ont connu une baisse de 12,1% entre 2010 et 2011 11 : Garanties concernées par la sélection médicales en assurance de personnes Décès (emprunteur) 12 Incapacité-invalidité (emprunteur)id. Décès 13 Incapacité-invalidité-dépendance- 14 Cotisations 2011 (millions d’euros) 5 573 2 165 2 902 3 981 Variation 11/10 + 4,3% + 2,2% + 3,1% + 5,9% *** Les assureurs sont autorisés à traiter différemment les postulants à l’assurance en raison de leur état de santé. Pourtant, du point de vue de la société et des consommateurs, cette sélection ne va pas de soi et soulève des questions liées à la fois à sa méthode et à son résultat : 8 « Loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques » - http://www.legifrance.gouv.fr/ - Article 2. 9 e Ce point a été confirmé par jurisprudence (2 Civ., 21 décembre 2006, Bull. 2006, II, n° 360, p. 332, pourvoi n° 06-13.525). 10 FFSA - GEMA. (2012). LES ASSURANCES DE PERSONNES - Données clés 2011. 11 Id. p.5. 12 Id. p.38 – Contrats d’assurance emprunteur. 13 Id. p.39 - Contrats à adhésion individuelle, hors garanties des contrats d’assurance emprunteur. 14 Id. p.28 – Les assurances maladie et accidents corporels, hors soins de santé (décès accidentel inclus). 9 • La protection du secret médical, et plus généralement de la vie privée, est-elle compatible avec le recueil et le traitement des données utilisées pour accepter les risques de santé ? • Est-il juste de restreindre, par les effets de la sélection, l'accès des personnes en mauvaise santé à la Prévoyance, et, dans le cas de l’assurance de prêt immobilier, à la propriété ? Plus généralement, la santé est un sujet sensible pour les pouvoirs et l’opinion publics : « Les évolutions de la connaissance des déterminants de santé, audelà même des difficultés éthiques liées à la génétique et à la médecine prédictive, nous renvoient au rôle fondamental des modes de vie, de l'environnement social, de l'éducation. Dès lors, les débats entre causalité et corrélation, les considérations liées aux notions de justice et de responsabilité individuelle, thèmes classiques de la segmentation et de la sélection des risques, s'en trouvent considérablement complexifiés 15 .» Dans ce contexte et sur le sujet de la sélection des risques de santé, comment concilier les attentes de la société avec les intérêts de l’assureur ? Pourquoi la sélection des risques est-elle considérée par les assureurs comme une étape préalable et indispensable à l’acceptation des risques ? Comment prendre en compte les comportements individuels en matière de santé dans l’évaluation des risques ? L’état de santé de la population évolue : grâce aux progrès de la médecine, les personnes vivent plus longtemps. Les maladies qui entrainaient un risque de décès élevé deviennent des maladies chroniques. Les personnes malades demandent un meilleur accès à l’assurance. Peut-on encore améliorer l’assurabilité des risques aggravés de santé ? La réponse à ces questions passe selon nous par une meilleure compréhension des besoins et des attentes des postulants à l’assurance et par la prise en compte d’un environnement qui change, notamment avec le développement des nouvelles technologies et des réseaux sociaux. Si un cadre de plus en plus contraignant semble peser sur l’exercice de la sélection des risques, il peut aussi être source d’opportunités et amener les assureurs à innover dans la façon dont ils acceptent de couvrir les risques liés à la santé des personnes. 15 Davet, J.-L. (2011, Septembre). L'Assurance santé individuelle : des solidarités à l'épreuve de la segmentation. Risques(87). 10 *** Sur le thème de la sélection des risques de santé nous nous poserons les deux questions suivantes : comment concilier les points de vue des assureurs et des consommateurs ? Des innovations sont-elles possibles ? Nous commencerons, dans une première partie, par détailler les aspects fondamentaux des approches utilisées par l’assureur pour prendre les risques de santé, en expliquant les raisons de la sélection et en détaillant les limites techniques, éthiques et juridiques de cette approche. Dans une deuxième partie, nous nous intéresserons à la pratique de la sélection des risques de santé pour constater qu’elle est souvent « mal vécue » par les postulants et « mal vendue » par les réseaux commerciaux. Dès lors, il s’agit de comprendre pourquoi et de se demander quelles solutions pratiques pourraient être mise en œuvre (ou poursuivies) dès maintenant pour y remédier. Enfin, en troisième partie, en prenant le parti que la voie de l’innovation est la plus porteuse de valeur, nous nous demanderons comment les assureurs pourraient à l’avenir partager cette valeur avec les assurés en matière d’acceptation des risques de santé. Le chemin à prendre pourrait-il nous mener à considérer la sélection des risques sous l’angle complémentaire de leur prévention ? 11 12 1 COMMENT L’ASSUREUR PREND-T-IL LES RISQUES ? « Insurance is about the transfer of risk (…). » 16 16 Insurance Europe. (2012). 13 14 1.1 LA THEORIE « La mutualisation, ou compensation stochastique des risques, est à la base de l'assurance. Cela n'empêche pas que l'on doive évaluer séparément chacun des risques composant la mutualité, en particulier dans un contexte de concurrence. » 17 1.1.1 DE LA MUTUALISATION A LA SELECTION Mutualisation V. Mutualité. « Vous versez deux francs par mois, me dit-il, et quand vous mourez, la Mutuelle donne cinq mille francs pour vos funérailles (DUHAM). » 18 Cette citation tirée du dictionnaire a le mérite d’exposer simplement les fondements du contrat d’assurance : le risque, la prime et la prestation tout en évoquant la mutualité qui est la base technique de l’assurance. Dans l’exemple cité, il s’agit du risque de décès ou plutôt du risque que les conséquences financières du décès soient impossibles à assumer pour la famille au moment où il surviendra. En échange d’une prime de deux francs par mois l’assureur s’engage à verser une prestation financière qui est ici forfaitaire. L’assuré a transféré son risque pour protéger financièrement sa famille. Le métier de l’assureur est de prendre des risques isolés et de les placer dans un groupe (la mutualité) où leur répartition est suffisamment diversifiée, pour que les effets du hasard puissent se compenser et être gérés. La technique de cette transformation repose sur la statistique. A partir de l’observation rétrospective d’un ensemble de données, l’assureur peut calculer la probabilité que l’aléa survienne pendant une période donnée. Cette probabilité (la fréquence), multipliée par le montant assuré permet de calculer le coût du risque ou prime pure. La Loi des grands nombres fait que la mutualisation est d’autant plus solide que la population qui la compose est nombreuse. 17 18 Petauton, P. (2011, septembre). ÉTHIQUE, STATISTIQUE ET TARIFICATION. Risques (87). Dictionnaire Petit Robert, article Mutualisation. 15 Antisélection Dès lors, pourquoi l’assureur ne pourrait-il pas prendre tous les risques ? Pourquoi a-t-il besoin de les sélectionner ? Dans un système d’assurance privée, l’assureur peut fixer librement son tarif et l’assuré est libre de choisir son assureur, en assurance individuelle de personnes, il est aussi libre de ne pas s’assurer 19. Reprenons notre exemple d’assurance en cas de décès en supposant que la prime soit identique pour tous. Comme l’assurance n’est pas obligatoire, on peut supposer que les jeunes, en bonne santé et dont les activités ne les exposent pas particulièrement au risque d’accident verront peu d’intérêt à payer une prime en échange du financement de leurs funérailles et ne s’assureront pas. Dès lors, la statistique utilisée pour calculer la prime n’est plus pertinente car la population assurée ne correspond plus à la population observée 20 et présente un risque plus élevé : - les primes perçues ne suffisent plus à financer les prestations versées ; - constatant ce déficit, l’assureur augmente l’année suivante les primes, incitant encore les personnes les moins à risque à renoncer à l’assurance ; - et ainsi de suite dans un engrenage qui conduit à la faillite de la mutualité. Supposons maintenant que le contrat soit obligatoire mais ouvert à la concurrence. Un nouvel acteur sur le marché a l’idée de calculer le cout du risque décès en fonction de l’âge à la souscription. Il propose alors un tarif moins de 60 ans inférieur à celui du premier assureur et un tarif plus de 60 ans qui lui est supérieur : - les plus âgés, sauf s’ils sont particulièrement attirés par la nouveauté, resteront chez le premier assureur où ils paient moins cher ; - une grande partie des moins de 60 ans, sauf s’ils sont particulièrement conservateurs, changeront d’assureur pour faire des économies ; - le premier assureur gardera dans son portefeuille la population la plus à risque avec la même conséquence que précédemment : un déséquilibre croissant entre les primes reçues et les prestations versées. Cet exemple illustre le phénomène de l’antisélection 21. C’est le danger, par les caractéristiques 19 Même si l’assurance emprunteur a un caractère de fait quasi obligatoire. Les données utilisées en assurance sur la vie (tables de mortalité et tables de longévité) sont basées sur l’étude rétrospective d’une population standard. 21 Mis en évidence par les travaux de M. Rothschild et J. Stieglitz. Dans l’article «Risque et asymétrie 20 16 du contrat et de son mode de souscription, d’attirer des assurés présentant un risque élevé sans avoir pu bien cerner ce risque. C’est le cas du premier assureur qui ne demande pas au proposant sa date de naissance et qui a fortiori ne l’utilise pas pour différencier les risques. Segmentation La première étape consiste à établir une classification statistique des risques ou segmentation afin d’affiner sa souscription en la rendant la moins aveugle possible : « Les sociétés d'assurances peuvent, sur la base d'indicateurs statistiques corrélés au risque des individus, établir des catégories de population. Si l'information statistique utilisée est pertinente, cette procédure aboutit à la constitution de différents groupes de clientèle pour lesquels la proportion de hauts risques est différente. Une tarification adaptée aux caractéristiques de chaque catégorie peut alors être mise en place. » 22 La segmentation a pour but de créer des groupes (ou classes) les plus homogènes possible, afin de pouvoir calculer une prime moyenne proche de chacun des risques qui composent la classe. La difficulté de l’exercice consiste à trouver l’équilibre entre la finesse de la segmentation et la taille de la population susceptible de rentrer dans chaque classe de risque : - si les classes couvrent une population trop faible, elles perdent en fiabilité statistique ; - si elles sont trop larges, elles risquent de perdre en homogénéité et le tarif standard peut s’avérer dissuasif pour les populations les moins à risque de ces classes. Au final, elles renonceront à s’assurer ou chercheront un contrat moins cher chez un concurrent. Sélection La sélection consiste à identifier le plus précisément possible le degré de risque présenté par un individu afin de le rattacher à la classe de risque qui lui correspond et de lui proposer le tarif le plus adapté. Non seulement la sélection individuelle du risque n’est pas contraire à la mutualisation mais elle en constitue la condition, dans la mesure où les classes de risques doivent rester homogènes. d'information» publié dans le N°81 de la revue Risques en juin 2010, François Pannequin explique comment l’analyse économique a permis de mieux comprendre le fonctionnement du marché de l’assurance. Nous y ferons plusieurs fois référence. (Pannequin, 2010). 22 Pannequin, F. (2010, Juin). Risque et asymétrie d'information. Risques(81). 17 1.1.2 LES OUTILS DE LA SELECTION Comment opérer cette évaluation du risque individuel ? Tout d’abord en interrogeant le proposant sur son risque ; mais le questionnaire n’est pas la seule méthode de sélection : « Les outils indirects de segmentation et de sélection sont multiples : franchises, délais de carence, limites de garantie et, surtout, construction même de l'offre commerciale, le choix des options tarifaires pouvant révéler le risque auto estimé par l'assuré.» 23 Ces différentes méthodes méritent d’être précisées. La déclaration du risque Il ne s’agit pas pour le proposant de déclarer spontanément les éléments constitutifs de son profil de risque et de remplir une page blanche 24. En application de l’article L. 113-2 du Code des assurances, « l’assuré est obligé de répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge. » Le questionnaire permet de : - vérifier qu’il existe un aléa et que les conditions qui déclenchent la prestation ne sont pas déjà remplies (ex. arrêt de travail en cours, titulaire d’une pension d’invalidité) ; - classer le risque proposé par le demandeur d’assurance dans le groupe dont il partage les caractéristiques pour lui appliquer le tarif standard calculé pour ce groupe ; - recueillir des éléments pour déterminer, le cas échéant, comment un risque qui ne rentre pas dans un groupe standard pourra tout de même être accepté. Les questions portent sur les données qui ont permis à l’assureur d’établir sa segmentation des risques. Certaines figurent déjà sur la proposition d’assurance (âge, sexe, lieu de résidence, situation de famille). D’autres permettent d’identifier des situations qui présentent un risque particulier, comme l’exercice d’une profession ou la pratique d’un sport dangereux. En Prévoyance des informations sur l’état de santé actuel du proposant et sur les facteurs de risque d’une dégradation future de cet état sont recherchées. Comme le précise la Convention AERAS 25 : 23 Davet, J.-L. (2011, Septembre). L'Assurance santé individuelle : des solidarités à l'épreuve de la segmentation. Risques (87). 24 Le système de la déclaration spontanée a été modifié par La loi n° 89-1014 du 31 décembre 1989. 25 (AERAS, 2011, p. 30). 18 « les questionnaires comportent généralement deux types de questions : - des questions portant sur des faits matériels (par exemple : avez-vous eu un arrêt de travail de plus de (x) jours durant la dernière période d’un an ? quels médicaments prenez-vous actuellement ? avez-vous subi des tests médicaux au cours des (y) derniers mois) ; - des questions portant sur des maladies (par exemple : êtes-vous traité pour hypertension ?) ; - Il existe enfin, pour certaines maladies des questionnaires adaptés, que les personnes concernées remplissent généralement avec le concours de leur médecin traitant. » 26 Ces questions font l’objet d’un document séparé de la demande de souscription permettant un traitement confidentiel de ces données dans le respect du secret médical. L’évaluation des facteurs de risques santé ne se limite pas à l’examen de données médicales mais portent aussi sur le mode de vie comme par exemple le fait de fumer. Sanctions des fausses déclarations La sélection des risques est indissociable de la gestion des sinistres puisque c’est en cas de survenance du risque que l’assureur vérifie l’exactitude des réponses au questionnaire : « Dans le système assurantiel, la sanction a posteriori des fraudeurs se substitue largement aux vérifications a priori lors de l’établissement du questionnaire. Lors de la déclaration du sinistre, le questionnaire médical rempli lors de la souscription répond à un objectif ultime : « vérifier qu’il n’y a pas eu fraude lors de la déclaration du risque, sanctionner les fraudeurs ». » 27 La fausse déclaration intentionnelle entraine la nullité du contrat. La charge de la preuve revient à l’assureur mais en matière d’état de santé, le respect du secret médical peut compliquer la démarche. Si l’assuré a fourni des renseignements incomplets ou inexacts de bonne foi, le Code des assurances prévoit que l’indemnisation sera réduite en proportion du taux de prime payé (article L. 113-9). « Sur la plupart de ces questions : la fausseté des déclarations, l’incidence de la déclaration sur l’opinion de l’assureur, la mauvaise foi de l’assuré, la Cour de cassation renvoie à l’appréciation souveraine des juges du fond. » 28 Limitation du risque : franchises et carences Limiter les garanties par les mécanismes de franchises ou de carences permet aussi de distinguer les risques : « le fait de recourir à une période probatoire permet à l'assureur d'obtenir une information supplémentaire quant à la vraisemblance d'avoir affaire à un haut risque plutôt qu'à un bas risque. En effet, à l'instar de la franchise d'assurance, la période probatoire, qui s'inscrit 26 27 28 Voir en annexe des exemples de questionnaires 3-122. Fromenteau, M. (2011). Sélection des risques : où en est-on ? Les tribunes de la santé(31), pp. 63-71. Cour de Cassation - Rapport annuel 2007, consultable sur le site http://www.courdecassation.fr 19 dans le temps, est plus insupportable pour le haut risque que pour le bas risque. L'assureur peut alors jouer là-dessus puisque le haut risque serait prêt à payer plus cher que le bas risque, afin d'éviter d'endurer cette période probatoire. » 29 Auto sélection L’assureur peut chercher à ce que les risques se dévoilent un peu d’eux-mêmes, par le biais des choix que l’assuré effectue parmi les différentes options ou garanties. Voici par exemple comment Les Dossiers de l’Epargne décrivent un contrat de prévoyance individuelle : « Les formalités médicales sont requises seulement à partir de 300.000 €, quel que soit l'âge de l'assuré. Autre atout pour ce produit : ses nombreuses garanties complémentaires, avec le doublement accident sur option, la garantie ‘’Double effet’’ et l'exonération des paiements en inclusion. L'assuré a le choix entre 6 franchises, avec une indemnisation maximale de 1095 jours. 30 » Le prospect choisira a priori le rapport quantité/prix d’assurance qui correspond à son risque tel qu’il l’évalue. De plus cette modularité du contrat a une valeur pour le client qui acceptera de payer une prime totale légèrement supérieure à celle d’un contrat non personnalisable. Exclusions L’assureur peut aussi limiter les risques pris en pratiquant des exclusions au contrat qui sont alors indiquées dans les conditions générales. Il peut aussi refuser de couvrir une pathologie déclarée au questionnaire et le mentionner dans les conditions particulières, par exemple, les affections disco-vertébrales ou neuropsychiatriques. Si une pathologie exclue est la cause du sinistre, les prestations ne seront pas versées. *** Formalités de déclaration du risque et sanctions des fausses déclarations, franchises et carences, auto sélection par l’offre, exclusions sont autant de méthodes que l’assureur combine pour accepter les risques. 29 (Pannequin, 2010). LA MEDICALE - MEDIPRAT : L’avis des Dossiers de l’Epargne http://prevoyance-individuelle.lesdossiers.com/prevoyance-individuelle/la-medicale/mediprat/28#title-1 30 20 1.2 LA PRATIQUE Comment se passe dans la pratique la segmentation et la tarification des risques ? Comment se définit le risque standard et par extension, le risque aggravé ? Pour répondre à ces questions nous nous appuierons en grande partie sur la publication du réassureur Swiss Ré : Assurances de personnes : l’évaluation du risque en toute équité parue en 2011.31 1.2.1 RISQUE STANDARD / RISQUE AGGRAVE La première étape, essentielle, consiste à acquérir la connaissance des risques. Plusieurs sources sont utilisées : - l’observation de la sinistralité des portefeuilles ; - la littérature médicale ; - les données épidémiologiques publiées par les organismes statistiques nationaux et internationaux. Par exemple, pour le risque dépendance, les enquêtes PAQUID (Personnes Agées Quid) menées en partenariat avec le Groupe SCOR et HID (Insee Enquête Handicap, Incapacité, Dépendance), donnent de bonnes indications de la prévalence du risque. » 32 Segmentation des risques « Apres avoir été collectées et analysées, les données doivent être transformées en estimations de taux de risques adaptées pour la classification du risque assurantiel. » (Swiss Re, 2011). Il convient de définir la notion surmortalité 33 : si par exemple à un terme de 10 ans, la population de référence de 100 individus connait 10 décès, ces 10 individus constituent la mortalité attendue, soit 10%. Si pour une population de 100 individus présentant une pathologie donnée cette mortalité est de 15 au lieu de 10, alors la mortalité observée dans ce groupe est de 150% par rapport à la population de référence. La surmortalité liée à cette pathologie est donc de 50%. La tarification est basée sur la sinistralité moyenne attendue au sein du groupe de risques standards. « La limite entre le risque standard et le risque aggrave dépend de la mortalité moyenne au sein du groupe standard et du modèle/de la forme de distribution de la mortalité. » 31 (Swiss Re, 2011). Scor Global Life. (2012, Novembre). Construction de bases biométriques pour l’assurance dépendance. SCOR inFORM. 33 Le raisonnement est identique pour les risques autres que le décès, on parlera alors de sur-morbidité. 32 21 (Swiss Re, 2011) Le groupe de risques standards n’est cependant pas une population médicalement idéale. Dans le graphique présenté ci-dessous, la mortalité moyenne est indiquée par la flèche. On voit clairement qu’il « existe un certain niveau de subvention croisée au sein du groupe de risque standard, les personnes présentant un risque de mortalité plus faible payant le même tarif de base (…) que ceux qui présentent un risque de mortalité plus élève. » (Swiss Re, 2011) Distribution du risque de mortalité parmi les postulants à l’assurance vie (Swiss Re, 2011, p. 35) Un risque normal ou standard, c’est donc un prospect dont la mortalité ou la morbidité n’est pas supérieure à celle utilisée dans le calcul du tarif. « La distribution est telle qu’une surmortalité de 25 % ou même de 50 % par rapport au risque standard moyen peut être incluse dans le groupe de risques standard » Le risque aggravé 34 se situe hors des critères retenus pour la définition d’un risque normal. Tarification des risques aggravés L’actuaire construit la tarification standard du produit. Les risques aggravés doivent être étudiés à part et faire l’objet d’une surprime. La surprime, c’est le montant à ajouter au tarif normal pour couvrir le surcroit de risque. « Les surprimes seront établies à partir de niveaux de sur-risque (par exemple surmortalité), qui sont calibrés à partir d’études effectués par l’assureur (ou le réassureur) qui permettent d’établir des bases de tarification de référence (manuel de sélection et d’appréciation des risques). » (Swiss Re, 2011) Le tarificateur applique le manuel de sélection des risques. L’actuaire peut avoir à intervenir à nouveau pour transformer les sur-risques (surmortalité, ou sur-morbidité) en surprimes, qui 34 Nous nous intéressons ici aux risques aggravés de nature médicale mais ils peuvent être également professionnels, sportifs, géographiques. 22 peuvent être plus ou moins complexes à calculer car elles ne dépendent pas uniquement de l’aggravation du candidat mais aussi de son âge, du type d’assurance et de la durée du contrat. Le dossier Les risques aggravés de santé paru dans L’Argus de l’assurance en Aout 2012 souligne que grâce aux progrès de la médecine, les personnes atteintes du VIH, d’un cancer (« avant on parlait de rémission, maintenant de guérison pour un cancer sur deux » 35) ou d’une pathologie cardio-vasculaire, sont de mieux en mieux assurées ; « à l'inverse, les personnes en fort surpoids ont de plus en plus de difficulté à s'assurer »id. C’est pourquoi il nous parait intéressant de prendre en exemple la tarification de l’obésité qui est présentée par Swiss Ré. Tarification de l’obésité : un exemple concret de tarification fondée sur les preuves « Comme pour les risques liés à de nombreux facteurs de risques continus 36, il n’existe pas de seuil bien défini à partir duquel le risque de mortalité deviendrait excessif pour le groupe standard […]. La question de savoir à quel point le risque se transforme en risque aggrave est déterminée par la forme de la courbe de risques, la mortalité moyenne du groupe de risques standard et la distribution de l’IMC au sein de la population des proposants. » . (Swiss Re, 2011, p. 36) Détermination de la limite pour les risques aggraves « Si l’objectif est d’inclure 95 % des proposants dans le groupe de risques standard, le seuil d’IMC a partir duquel les risques peuvent être considérés comme aggraves sera fixe au-dessus du 95e centile d’IMC de la totalité du groupe. » 35 CATHERINE TCHORELOFF, DIRECTEUR MÉDICAL CHEZ MUNICH RE - Les Risques aggravés de santé. (2012, 08 24). L'Argus de l'assurance(7277). 36 Variables continues : la tension artérielle ou le cholestérol, par exemple. 23 La suite de l’étude explique comment le risque lié à l’obésité est traité dans le manuel de tarification du réassureur. Risque standard (déjà tarifé) Pas d'étude médicale Tarif normal IMC < 30 Prise en compte des variables : IMC + tour de taille + tension IMC = [30-34,9] obésité légère Risque aggravé Etude médicale Surprime Si la tension est normale, un bonus vient diminuer le montat de la surprime si IMC = [30-34,9] (obésité légère ) et tour de taille normal, un bonus vient diminuer le montant de la surprime Après avoir défini et tarifé le risque standard, l’assureur va déterminer les conditions d’éligibilité au tarif standard et les formalités applicables à chaque demande d’assurance. 1.2.2 LE CHOIX DES FORMALITES DE SELECTION Ce choix doit être fait pour chaque contrat. Il relève souvent d’une équipe pluridisciplinaire réunissant actuaire, médecin conseil et tarificateur. Les formalités de déclaration du risque peuvent être plus ou moins détaillées. Le niveau de précisons exigé dépend des risques couverts, du montant assuré, et de l’âge du souscripteur. Pour assurer des montants de garantie élevés, des examens médicaux peuvent être demandés d’emblée au proposant. 24 37 Exemple des formalités médicales appliquées à un contrat individuel d’assurance emprunteur . D’une façon générale, les différents modèles utilisés peuvent se regrouper dans les catégories suivantes : - dans le cas d’une déclaration d’état de santé (DES) ou déclaration de santé (DS) la question est formulée de telle sorte que la réponse ne relève pas du secret médical, ce qui réduit le coût et le délai de la procédure d’acceptation ; (cf. annexe p.131) - le questionnaire simplifié (QS) comporte 5/6 questions demandant une réponse par « oui » ou « non » ; (cf. annexes p.133 ) - le questionnaire médical (QM) ou questionnaire de santé plus est beaucoup plus détaillé. (cf. annexe p.134) Le passage d’un niveau simple à un niveau plus complexe de sélection n’est pas automatique. Un prospect qui ne peut pas signer la déclaration de santé peut être refusé sans avoir accès à une étude plus détaillée de son risque. 37 Contrat « Super Novaterm Crédit » d’AIG Vie France. 25 Le risque d’antisélection est aussi pris en compte pour calibrer l’outil de sélection qu’il convient d’utiliser. Ce risque est moins élevé quand la prévoyance n’est pas l’objet principal du contrat et donc n’est pas la motivation première de l’achat d’assurance. En effet, une garantie de prévoyance en inclusion dans un contrat de complémentaire santé ou d’épargne retraite peut être souscrite sans questionnaire médicale. Il est possible pour l’assureur de prendre un risque santé sans questionnaire médical, surtout quand il s’agit d’une assurance vie entière. Les données non médicales, en premier lieu l’âge et le sexe étant suffisamment prédictives. L’exemple suivant montre comment différents outils de sélection se combinent pour couvrir un risque décès sans sélection médical. Il s’agit d’un produit proposé par la SCOR à ces cédantes sur le marché coréen. « L’objectif de ce produit est de verser un capital en cas de décès afin de couvrir les dépenses engendrées par les frais d’obsèques. » 38 Caractéristiques du produit : • pas de sélection médicale à l’entrée ; • montant maximum assure : 20 millions de Won (environ 10 700 €) ; • âge de souscription : entre 50 et 80 ans ; • type de couverture : vie entière ou temporaire (10 ou 20 ans) ; • réseaux de distribution : télémarketing, courtiers et agents. L’article de la SCOR explique les conditions qui permettent de proposer cette offre : - un délai de carence « Les conditions du produit prévoient un délai de carence de deux ans en cas de décès non-accidentel. » Si le décès survient pendant cette période, les primes déjà versées sont remboursées à l’assuré ; - une tarification qui tient de l’anti sélection. En effet, les contrats avec sélection, même simplifiée, sont moins chers et attirent les bons risques. « De ce fait, il y aura plus d’assurés ayant un risque de mortalité aggrave dans le portefeuille d’un produit sans sélection médicale » ; - une vigilance portée sur le réseau de distribution qui aura tendance à cibler des mauvais risques, plus sensibles à l’intérêt de souscrire le contrat décès. Ainsi, « concernant les agents, leur activité est très encadrée : s’il y a trop de décès recensés dans le portefeuille des agents, ceux-ci doivent rendre une partie ou la totalité des commissions qu’ils ont reçues. » 38 SCOR Global Life. (2009, Février). Une innovation produit sur le marché coréen : l’assurance décès sans sélection médicale. 26 1.2.3 LE PROCESS DE SELECTION : CAS DE L’ASSURANCE EMPRUNTEUR Nous présentons l’exemple de l’assurance emprunteur car le processus de sélection, en partie normé dans le cadre de la convention AERAS 39, est bien documenté 40. De plus c’est à travers ce type de contrat que la plupart des consommateurs sont confrontés à la sélection médicale : au cours de l'année 2011, 3,7 millions de demandes d’assurance de prêts au titre des crédits immobiliers et professionnels ont été instruites par les sociétés d’assurances. 12,6 % des demandes présentaient un risque aggravé de santé. Niveau 1 Risque standard Niveau 2 Risque aggravé de santé (1,7%) Demandes sans suite Demandes en attente Demandes d'assurance de prêt (85,7%) Demandes avec proposition de l'assureur aux conditions standard (12,6%) Demandes avec risque aggravé de santé (3,5%) Demandes sans suite de l'assuré Niveau 3 Risque très aggravé SI : Cumul des prêts < 320 000 € et âge < 70 ans au terme Demandes en attente (93,2%) Propositions d'assurance Demandes en attente ou annulées (1,9%) Présentation au pool des risques très aggravés (20%) Propositions par le pool des risques très aggravés (1,4%) Demandes ne pouvant être transmises au pool des risques très aggravés et sans proposition Refus par le pool des risques très aggravés Si l’on exclut les demandes en cours d’instruction, 93,6 % des demandes présentant un risque aggravé de santé ont reçu une proposition d’assurance couvrant au moins le risque de décès. 39 Cadre qui sera détaillé dans la partie juridique cf. infra p.40 Source schéma et intitulés : Bilan de l’application de la convention AERAS "s’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé" – Commission de suivi pour l’avenir de la convention AERAS – Novembre 2009 Source données : Convention AERAS: statistiques 2011 – FFSA, GEMA – Septembre 2012. 40 27 Il n’existe pas de définition précise des différents niveaux ni de la frontière entre le niveau 1 et le niveau 2, car la notion de risque standard est propre à chaque contrat et à chaque assureur. Dans le cas de l’assurance emprunteur, des courtiers spécialisés en risques aggravés proposent des contrats qui correspondent déjà à une sélection de niveau 2, avec un questionnaire médical détaillé. Pour un emprunteur ayant un problème de santé (par exemple, le diabète) s’adresser directement à ce type de courtier, peut faire gagner du temps. Dans la pratique de l’évaluation du dossier, plusieurs cas peuvent se présenter : - toutes les réponses au questionnaire sont dans la norme et le dossier ne nécessite pas d’étude médicale ; - certaines réponses ne sont pas dans la norme mais le proposant a joint des pièces médicales qui permettent au tarificateur d’évaluer le risque et de prendre une décision ; - certaines réponses ne sont pas dans la norme et le tarificateur ne dispose pas de tous les éléments pour se prononcer. Un courrier signé par le médecin conseil est alors envoyé au proposant pour lui demander des informations médicales ou des examens complémentaires. Dans tous les cas, ce n’est pas parce que le risque présenté nécessite une évaluation plus poussée qu’il ne sera pas pris in fine dans le groupe standard. L’évaluation de niveau 3 est propre au processus défini par la convention AERAS : les dossiers refusés en niveau 2 sont répartis entre différents réassureurs qui participent au pool des risques aggravés pour une dernière évaluation. « [L’obésité] fait partie des [pathologies] les plus fréquentes étudiées au niveau 3 de la convention Aeras avec les tumeurs, les pathologies cardiovasculaires et les polypathologies. » 41 Résultats de la sélection La sélection permet à l’assureur d’accepter les risques normaux au taux de prime standard et de mettre à part pour être tarifés les risques aggravés qui représentent 12,6% des demandes d’assurance emprunteur. A l’issue de l’évaluation d’un dossier, l’assureur peut accepter le proposant aux conditions normales, refuser d’assurer, accepter avec une surprime, diminuer la garantie, ajouter des exclusions ou reporter sa prise de décision. L’ajournement correspond à la période d’attente que la maladie soit stabilisée : « par exemple, pour un infarctus, le dossier est ajourné à six mois après sa survenue. Pour un cancer, la période minimale est la fin du traitement. » 42 41 42 Les Risques aggravés de santé. (2012, 08 24). L'Argus de l'assurance (7277). id. 28 Voici le détail des résultats publiés par la FFSA en 2011 pour les demandes de prêts présentant un risque aggravé. On remarque que la garantie est accordée aux conditions standard dans 60% des cas pour le décès et dans 28% des cas pour l’incapacité-invalidité. Répartition par garantie de la décision de l’assureur par rapport à une demande d’assurance de prêts présentant un risque aggravé de santé ayant fait l’objet d’une proposition d’assurance43 Garantie Garantie décès « incapacitéinvalidité » Répartition des demandes d'assurance de prêts présentant un risque aggravé de santé ayant fait l'objet d'une proposition d'assurance avec surprime Garantie Garantie décès « incapacitéinvalidité » 43 (FFSA - GEMA, 2012, pp. 5-6). 29 Ecrêtement des surprimes La convention de 2007 prévoit un dispositif d’écrêtement des surprimes par lequel les professionnels de l’assurance et de la banque prennent en charge, à la place des emprunteurs disposant de revenus modestes, le surcoût d’assurance pour la partie qui dépasse 1,5 point de taux actuariel effectif global du prêt (TAEG) 44. Depuis la révision de 2011, la prime d’assurance est plafonnée à 1,4 point et les conditions d’éligibilité au dispositif sont élargies. Information du proposant Conformément à la Convention AERAS, le candidat à l’assurance est informé de la décision relative à son dossier et de la possibilité de saisir le médecin conseil pour information complémentaire 45 . « Une enquête a été réalisée auprès des sociétés d’assurances sur le nombre de lettres adressées par les médecins conseils en réponse à une demande d’explication du candidat à l’assurance à la suite d’une demande d’assurance de prêts ayant fait l’objet d’un refus d’assurance, d’un ajournement, d’une surprime ou d’une exclusion de garantie au cours du mois d’avril 2012. » 46 Selon les résultats communiqués par la FFSA, sur 907 lettres envoyées, 73% spécifiaient la pathologie à l’origine de la décision. *** En dépit d’un cadre théorique solide et d’un processus assez normé, la sélection des risques de santé peut poser des difficultés aux assureurs. 44 Exemple : Pour une personne éligible au dispositif d’écrêtement qui emprunte 100.000 € sur 10 ans, le coût de l’assurance ne peut pas dépasser pour l’emprunteur 134 € / mois. Avec les nouvelles dispositions, ce coût ne pourra pas dépasser 124 € / mois, soit un gain sur la durée du prêt de 1 140 €. 45 Convention AERAS révisée suite à l’avenant du 01/02/2011 – (AERAS, 2011) Titre IV, 5) b). 46 (FFSA - GEMA, 2012, p. 16). 30 1.2.4 LES DIFFICULTES ET LES LIMITES La connaissance du risque L’accès aux données médicales Les associations de personnes malades reprochent souvent aux assureurs de ne pas tenir compte des progrès thérapeutiques dans leurs décisions. L’explication tient à la difficulté d’accéder aux données. Les résultats des études menées par les chercheurs sont disponibles mais pas les données elles-mêmes : « En pratique, il est difficile d'obtenir des statistiques de la part des chercheurs, souvent réticents à partager leurs informations avec des assureurs privés », témoigne Mme Catherine Tchoreloff, directeur médical chez Munich Ré. Quand les sources existent, elles ne sont pas toujours de qualité : « Les études épidémiologiques doivent porter sur des volumes importants de populations de malades, avec un suivi dans le temps de plusieurs années » 47, poursuit le directeur médical de Munich Ré. De plus, les données qui ne sont pas collectées à des fins d’étude épidémiologique sont difficiles à traiter car elles ne sont pas historisées. Certaines maladies restent ainsi inassurables du fait du manque d’études, notamment les maladies rares. En 2009, il était précisé dans le Bilan de l'application de la convention AERAS que « la commission des études et recherches 48 est chargée de recueillir et étudier les données disponibles sur la mortalité et la morbidité occasionnées par les principales pathologies, à partir desquelles sont déterminées les surprimes pour risques aggravés de santé ou sont fondés les refus de garantie. Elle engage un programme de recherche en ce domaine, notamment sur l’invalidité associée à ces pathologies, en vue de fournir les éléments statistiques nécessaires à l’amélioration de la tarification des assureurs 49. » Cet objectif est repris dans la Convention de 2011 mais il n’a - à notre connaissance - toujours pas abouti. Il est vrai que l’expertise des assureurs / réassureurs repose justement sur le fait de disposer de données fiables et pertinentes. Cette expertise constitue un avantage commercial et semble difficile à partager dans un contexte concurrentiel. 47 (Les Risques aggravés de santé, 2012). « La Commission des études et recherches est animée par le ministère chargé de la santé, et comporte notamment des représentants de l’INSERM, de l’Institut National de Veille Sanitaire et d’autres organismes de recherche, des représentants d’associations, d’assureurs et de réassureurs, et des personnalités qualifiées. » (AERAS, 2011, pp. 21 Titre VI, II). 49 Bilan de l'application de la convention AERAS – Novembre 2009 p.6. 48 31 L’interprétation des études A titre d’exemple, le graphique ci-dessous compare les résultats de différentes études portant sur le même risque et le commentaire que l’on peut lire dans le rapport de Swiss Ré déjà cité est explicite quant à la difficulté d’utiliser ces études : « Il n’existe pas de méthode unique capable de transformer mathématiquement les ratios de risque, dans un groupe d’études aussi disparate, en une seule estimation du risque ». (Swiss Re, 2011) Ratios de risque de mortalité par IMC déduits d’une multitude d’études ; hommes, 30 a 65 ans Une autre difficulté soulignée par le réassureur concerne la prise en compte de l’interaction entre les différents facteurs de risques : « Il est possible que les effets de biais ne soient pas identifiés ou inclus dans l’analyse. Une tension artérielle trop élevée, par exemple, exercera une influence majeure sur les effets cardiovasculaires négatifs associes a l’obesite; une étude qui n’effectue pas de segmentation en fonction de la tension artérielle peut surestimer le risque lie à l’obésité chez les personnes ayant une tension normale. » (Swiss Re, 2011) Limite des études de sinistralité Les statistiques basées sur l’observation de la sinistralité des portefeuilles présentent aussi des limites « puisqu’elles ne fournissent pas de données de suivi sur les personnes dont les demandes ont été refusées parce que le risque était considère comme trop élevé, ni pour les postulants qui ont décliné l’offre de couverture avec surprime pour risques aggravés. » (Swiss Re, 2011). 32 L’évolution du risque : cas de l’assurance dépendance L’assureur vie s’engage pour de nombreuses années, souvent 20 à 30 ans sans pouvoir résilier le contrat (sous réserve du paiement des cotisations), ni en modifier les termes, ni en majorer la primes (à titre individuel). L’objectif du questionnaire est d’examiner l’évolution possible d’un état de santé déclaré au moment de la souscription. Les probabilités de morbidité et de mortalité sont d’autant plus volatiles que l’âge du proposant est avancé. Ainsi peut-on estimer que sur une assurance souscrite vers 30 ans, le risque peut être assez correctement évalué pour une période d’au moins 10 à 15 ans, la majorité des problèmes de santé apparaissant généralement après 45 / 50 ans. Pour les contrats décès ou dépendance qui peuvent être souscrits jusqu’à 70 voire 75 ans, la sélection opérée aux âges les plus élevés peut avoir une efficacité plus relative. La sélection individuelle en prévoyance est ainsi un exercice rendu plus difficile du fait de la durée des engagements et de la volatilité accrue avec l’âge des risques de santé. C’est en particulier le cas de l’assurance dépendance. Les premiers contrats datent des années 80. L’âge moyen de souscription est de 60 à 65 ans pour les contrats individuels et « l’âge maximum atteint par les assurés sera de 90 à 95 ans » 50. Il s’agit donc d’un risque assez nouveau pour l’assurance qui n’a pas encore couvert des cohortes dans leur entièreté, jusqu’au décès. Or, la modélisation de la dépendance est complexe. Différents paramètres entrent en ligne de compte : âge d’entrée en dépendance, durée de la dépendance, mortalité sans dépendance. Pour modéliser le risque, « la démarche consiste essentiellement à estimer les probabilités de maintien dans un état donné et les probabilités de passage d’un état à un autre. Ces lois de transition sont estimées par âge, par sexe, voire par niveau de dépendance, si le produit en couvre plusieurs. » 51 50 Construction de bases biométriques pour l’assurance dépendance - SCOR inFORM - Novembre 2012 – p.5 (Scor Global Life, 2012). 51 AXA. (2012, Juin). Dépendance. Les Cahiers d'AXA(3). (AXA, 2012, p. 28). 33 Si le risque d’entrée en dépendance n’est pas inéluctable, il augmente fortement avec l’âge. On aboutit ainsi à ce paradoxe qu’une population en bonne santé aura tendance à avoir une longévité accrue et donc une probabilité assez élevée d’entrée en dépendance à un moment ou à un autre de la couverture. A l’inverse, des pathologies entrainant un risque de mortalité précoce sans perte d’autonomie peuvent être acceptées. Comment évaluer alors ces effets contradictoires et distinguer les bons risques des moins bons ? Autre difficulté, la connaissance de la maladie d’Alzheimer ne cesse d’évoluer – cette maladie étant une des premières causes d’entrée en dépendance et de surcroit avec une durée plus longue. Un vaccin pourrait être découvert mais à l’inverse, des facteurs de risque dont la sélection ne tient pas compte aujourd’hui pourraient être identifiés. Comme le souligne AXA : « Les conséquences du vieillissement de la population affectent directement la modélisation de la dépendance. Les incertitudes liées à l’augmentation de l’espérance de vie en bonne santé et à la baisse de la mortalité demeurent importantes. Il n’y a consensus ni sur les tendances de fond ni sur leur modélisation. » (AXA, 2012, p. 28) Face à ces incertitudes, l’assureur a toujours la possibilité de réviser son tarif global si l’équilibre technique de son portefeuille est menacé. Une autre appréhension du risque est possible : « la dépendance doit […] être impérativement considérée sous l’angle de la prévention » (AXA, 2012, p. 30). « La plupart des maladies liées à l’âge présentent des facteurs de risque modifiables et donc, a priori, accessibles à la prévention. […] Elle permet de reculer l’âge d’entrée en dépendance, voire d’éviter certaines survenues de la perte d’autonomie.» (AXA, 2012, p. 26). La prévention pourrait donc faire partie des outils dont dispose l’assureur pour prendre les risques. C’est un point essentiel que nous aborderons dans la suite de notre présentation. Les coûts de la sélection Comme le reconnait Jean-Michel Bélorgey, conseiller d'État à la tête du comité AERAS : « Connaître et chiffrer l'impact des évolutions thérapeutiques sur la survie est en effet très difficile. […] Cela demande des moyens individuels et financiers considérables » 52 . Il faut inclure dans ce coût celui des études menant à la segmentation des risques en amont, et celui de l’évaluation médicale dossiers en aval. En effet, les bilans demandés sont à la charge de l’assureur. De plus, il faut ajouter aux chargements, le coût des examens réalisés pour des affaires qui ne seront pas souscrites. Comme le constate Stéphane Gobel, coordinateur de Santé Info Droits au sein du 52 (Les Risques aggravés de santé, 2012). 34 Collectif Interassociatif sur la santé (CISS) : « Parfois des refus sont opposés trop rapidement pour limiter l'examen individuel du risque, qui coûte très cher. Les assureurs préfèrent souvent perdre un client que faire passer un examen médical au coût élevé !».53 Nous pouvons donner un ordre de grandeur du coût de la sélection médicale pour un contrat emprunteur de l’ordre de 230 € par dossier 54. L’assureur doit donc veiller à ce que le coût de l’évaluation du risque reste proportionné à la prime escomptée pour ne pas dégrader les résultats techniques 55 de son contrat. Appétence au risque Si le fonctionnement des marchés d’assurance repose sur des fondements communs, chaque organisme d’assurance ne prend pas les risques de la même façon. Les méthodes de sélection utilisées et les tarifs appliqués dépendent de la politique commerciale de l’entreprise (type de marché, de cible commerciale, de réseau de distribution) et plus généralement de sa stratégie dont l’appétence au risque est une composante majeure. 53 (Les Risques aggravés de santé, 2012). 54 Coût total de la sélection divisé par le nombre d’affaires nouvelles ayant fait l’objet d’une étude médicale (Source confidentielle). 55 Mesurés par le ratio combiné qui rapporte le montant des prestations versées + les fais de gestions + les frais d’acquisition au montant des primes encaissées. 35 36 1.3 ENJEUX ETHIQUES ET CADRE JURIDIQUE Du point de vue de l’analyse sociétale et des mentalités, la sélection des risques ne va pas de soi car elle s’appuie sur des données sensibles dont le recueil et le traitement peuvent être perçus comme intrusifs et/ou ayant des effets discriminatoires. De plus, la sélection conduit l’assureur à refuser des risques et aussi à exclure indirectement en raison des surprimes demandées. La sélection peut être questionnée sur sa méthode et sur ses résultats. Ces problèmes qui sont de nature éthique, interrogent l’assurance sur la compatibilité entre ses pratiques et les valeurs de la société civile. Ils n’appellent pas une réponse définitive car la prise des risques liés à l’état de santé s’inscrit dans environnement où les pratiques et les attentes évoluent mais invitent à une réflexion permanente. Nous rendrons compte ici des principales normes auxquelles ces débats ont abouti et des réflexions qui sont toujours en cours ou à anticiper. Après avoir mis en avant les enjeux éthiques de la sélection en assurance de personnes, nous en dresserons le cadre juridique actuel, puis nous nous demanderons comment se cadre pourrait évoluer et quels en seraient les conséquences. 1.3.1 ENJEUX ETHIQUES Le rôle social de l’assurance Les assurances de personnes interviennent au cœur même de la société puisqu’elles visent pour la plupart à renforcer la protection sociale des assurés face aux aléas de la vie. Alain Obadia, membre du CORA 56 l’exprime ainsi : « l'assurance est perçue de manière forte comme une entreprise différente des autres, chargée d'une responsabilité sociale, presque d'un rôle de service public » Si l'assurance n'assurait que les bons risques (les jeunes en bonne santé pour les assurances décès, les conductrices expérimentées en assurance auto...), une partie de l'opinion pourrait considérer qu'elle est de moins en moins utile. ‘’Une négation de l'utilité sociale de l'assurance pourrait en découler’’ »57. Ainsi, dans une période de crise économique et de rigueur budgétaire, le sujet du transfert de l’assurance publique vers l’assurance privée est souvent abordé. Dans le cadre de la réforme des systèmes sociaux, il peut s’avérer problématique que certains citoyens n’aient plus le même accès à des garanties qui étaient prises en charge auparavant par le système public. 56 Le Conseil d’Orientation et de réflexion de l’Assurance. Compte-rendu de la réunion du CORA sur le thème « Assurance, accès aux informations personnelles, segmentation et régulation ». Site de la FFSA, Actualité , 20/12/2010. (CORA, 2010). 57 37 Le sens des mots Exclusion La pratique de la sélection des risques peut conduire l’assureur à refuser l’assurance ou bien à en augmenter le coût, aboutissant de fait ainsi une exclusion quand le proposant n’a pas les moyens de payer cette surprime. Or les personnes concernées, qui présentent un risque aggravé, sont justement celles qui ont le plus besoin d’une assurance. « Ce qui est contesté, ce n'est pas véritablement que des risques différents conduisent à des prix différents. […] A l'inverse, le fait qu'une tarification sur la base du risque puisse bloquer l'accès à certains services tenus pour essentiels (la santé ou le logement) est jugé contraire aux principes moraux qu'une société moderne devrait respecter. C'est bien la question de l'exclusion qui est ici en jeu » 58. Les assureurs soulignent cependant que la sélection a pour objectif d’inclure et non d’exclure. D’une part pour des raisons techniques car l’intérêt de l’assureur est de maximiser le nombre d’assurés pour diminuer la volatilité du risque. D’autre part pour des raisons commerciales évidentes liées à leur recherche de nouvelles parts de marché. Ils défendent également l’idée que les surprimes ont pour but d’inclure dans l’assurance, à un prix certes adapté, plutôt que de refuser. En cela il y a eu beaucoup de progrès depuis 20 ans. La convention AERAS prévoit un dispositif d’écrêtement des surprimes qui a été renforcé en 2011 : la cotisation d’assurance ne peut pas dépasser 1,4 point dans le taux effectif global qui intègre l’ensemble des frais liés à l’emprunt (taux d’intérêt, frais de dossier, cotisation d’assurance...). Cependant ce dispositif est soumis à des conditions de ressources et il est également limité par certaines caractéristiques de l’emprunt. Mutualisation et solidarité D’un point de vue technique, mutualiser ne signifie pas compenser les risques élevés par les risques faibles mais répartir les conséquences de l’aléa au sein d’un groupe homogène où le grand nombre des assurés supporte la charge de sinistre survenue à certains d’entre eux. La mutualisation n’est pas synonyme de solidarité, ni d’un point de vue technique, ni du point de vue de la motivation d’assurance 59. On ne souscrit pas une assurance pour contribuer à la protection de ses voisins mais pour sa propre protection et celle de sa famille. La solidarité que réalise de fait l’assurance n’est pas n’est pas volontaire mais aléatoire car au moment de la conclusion du contrat, l’assuré ne sait pas qui sera le bénéficiaire de la mutualisation. Ainsi le mécanisme d’assurance n’est-il pas un mécanisme de solidarité au sens moral du terme 60. Au 58 Picard, P. (2001, Mars). Marchés d'assurance et solidarité. Risques (45). Cela ne s’applique sans doute pas aux adhérents de certaines mutuelles qui mettent justement en avant ces valeurs de solidarité, mais nous ne développerons pas ce sujet. 60 « Egalité de traitement et sélection des risques en assurance : des logiques inconciliables ? » - Vincent Callewaert. cf. supra note 6. 59 38 contraire, selon Marcel Gauchet, philosophe et historien membre du CORA, « les individus veulent également préserver leurs intérêts dans le système et refusent de payer pour des personnes avec lesquelles ils n'ont rien en commun » 61. Selon lui, « les jeunes manifestent une révolte rampante contre une mutualisation s'effectuant à leur détriment. »Id. Sélection et discrimination Sélection n’est pas synonyme de discrimination : « dans l’exercice de leur activité, les assureurs ne discriminent pas, puisque la discrimination est de nature pénale » 62. Dans le langage courant, discrimination a une connotation morale évidente : « Le fait de séparer un groupe social des autres en le traitant plus mal » (Le Robert) ; pourtant, sélectionner signifie aussi « action de discerner, de distinguer les choses les unes des autres avec précision »id. ce qui correspond à l’activité de l’assureur quand il segmente 63 les risques. *** « La sélection des risques, la segmentation des tarifs sont une chose. Cela fait partie des techniques de l’assurance. La question des discriminations, c’est autre chose. C’est un mot qui sert à qualifier la manière dont ces évaluations de risques sont pratiquées » exprime François Ewald 64. C’est pourquoi la pratique de l’évaluation des risques est limitée par un cadre légal dont nous allons répertorier les grandes lignes. 61 (CORA, 2010). Poiget, P. (2010). Mercredi de la HALDE - "Droits aux assurances : un accès pour tous ?". 10 novembre 2010 http://halde.defenseurdesdroits.fr 63 L’origine latine discriminatio signifie d’ailleurs « séparation ». 64 HALDE. (2010). Mercredi de la HALDE - "Droits aux assurances : un accès pour tous ?". 62 39 1.3.2 CADRE JURIDIQUE Nous ne traiterons ici que des textes qui encadrent la sélection des risques en prévoyance individuelle, à l’exclusion de ceux qui se rapportent aux assurances collectives et à l’assurance complémentaire maladie. Nous aborderons le cadre juridique d’un point de vue pratique en recensant les limitations qui accompagnent le processus de sélection des risques de santé. Nous traiterons également des dispositions propres à la Convention AERAS quand elles concernent les formalités de sélection. A - Prohibition générale de la discrimination Rappelons la sélection des risques s’inscrit dans un cadre de prohibition de toute discrimination fondée sur l’état de santé (article 225-1 du Code pénal) et que c’est par exception (article 225-3. 1°) que ce même Code l’autorise aux assureurs. Cependant, même dans ce cadre, il existe deux interdictions absolues qui concernent : a) Les tests génétiques Leur utilisation en assurances est prohibée par l’article L. 133.1 du Code des assurances qui reprend l’article L. 1141-1 du Code de la santé publique qui stipule que les assureurs « qui proposent une garantie des risques d’invalidité ou de décès ne doivent pas tenir compte des résultats de l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne demandant à bénéficier de cette garantie, même si ceux-ci leur sont transmis par la personne concernée ou avec son accord. En outre, ils ne peuvent poser aucune question relative aux tests génétiques et à leurs résultats, ni demander à une personne de se soumettre à des tests génétiques avant que ne soit conclu le contrat et pendant toute la durée de celui-ci ». b) Les conséquences d’un prélèvement d’organe L’interdiction est ici édictée par l’article L. 111-8 du Code des assurances qui précise que « Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la prise en compte d'un don d'organe comme facteur dans le calcul des primes et des prestations ayant pour effet des différences en matière de primes et de prestations est interdite. » 40 B - La couverture d'états pathologiques antérieurs Ce régime est régi par les dispositions de la loi Evin 65 (texte non codifié mais toujours en application). En ce qui concerne les contrats individuels 66, les assureurs demeurent libres d'accepter ou non les risques qui sont attachés à un état pathologique antérieur à la souscription du contrat. Cependant, l'article 3 de la Loi Evin précise que : - « L’organisme qui a accepté une souscription […] doit, sous réserve des sanctions prévues en cas de fausse déclaration, prendre en charge les suites d’états pathologiques survenus antérieurement à […] la souscription du contrat ou de la convention. Toutefois, il peut refuser de prendre en charge les suites d’une maladie contractée antérieurement à […] la souscription du contrat ou de la convention à condition : - a) Que la ou les maladies antérieures dont les suites ne sont pas prises en charge soient clairement mentionnées dans le contrat individuel […]…; - b) Que l’organisme apporte la preuve que la maladie était antérieure à la souscription […] ». C - Le processus de sélection a) Introduction au cadre de la Convention AERAS « s’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé » A l’origine de la convention actuelle, on trouve la Convention Assurance et SIDA de 1991, puis la Convention Belorgey de 2001 qui a élargi le champ du dispositif à l'assurabilité des personnes présentant un risque de santé aggravé, champs à nouveau élargi en 2007 avec la Convention AERAS qui s’applique aussi aux situations de handicap. Une nouvelle convention AERAS a été signée le 1er février 2011. Pris sous la forme d'un contrat (convention à durée déterminée conclue entre l'Etat et les organismes représentatifs des professionnels et des usagers), le mécanisme est toutefois mentionné par le Code de la santé publique (articles L. 1141-2 à L. 1141-4). La convention AERAS a pour objet : - de faciliter l'assurance des prêts demandés par les personnes présentant un risque aggravé en raison de leur état de santé ou d'un handicap ; - d'assurer la prise en compte complète par les établissements de crédit des garanties alternatives à l'assurance ; 65 « Loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques » - http://www.legifrance.gouv.fr/ 66 e Assurance de groupe à adhésion facultative, l’assurance emprunteur ne relève pas de la loi Evin (2 Civ., 21 décembre 2006, Bull. 2006, II, n° 360, p. 332, pourvoi n° 06-13.525). 41 - de définir des modalités particulières d'information des demandeurs, d'instruction de leur dossier et de médiation ; - Toute personne présentant, du fait de son état de santé ou de son handicap, un risque aggravé bénéficie de plein droit de cette convention. Nous ferons à nouveau référence à la convention dans la deuxième partie de notre exposé et nous ne nous intéressons ici qu’aux modalités qui concernent le processus de sélection des risques de santé tel que nous l’avons décrit. b) Les formalités de déclaration du risque • Evaluation du risque lié au SIDA Alors que les compagnies d'assurance sont en principe fondées à demander à ce qu'il soit procédé aux examens médicaux qu'elles estiment nécessaires à leur appréciation du risque, la Convention AERAS, reprenant le dispositif de la Convention Assurance et SIDA de 1991 encadre strictement et limite l'usage des tests de dépistage. - « Dans l’hypothèse d’une question portant sur des tests de dépistage, elle ne porte que sur les sérologies virales, notamment sur les virus des hépatites B et C ou sur celui de l’immunodéficience humaine et sous la forme suivante : « Avez-vous ou non subi un test de dépistage des sérologies, portant en particulier sur les virus des hépatites B et C ou sur celui de l’immunodéficience humaine, dont le résultat a été positif ? A quelle date ? » 67 - En outre, le recours à des tests de dépistage, au moment de la souscription, est limité aux hypothèses où « l'importance des capitaux souscrits ou les informations recueillies à l'occasion du questionnaire de risques, le justifient » 68. Toutefois, le montant des capitaux à partir duquel un test peut être exigé reste à la seule appréciation de l’assureur. La Convention précise également que « les questionnaires de santé ne font aucune référence aux aspects intimes de la vie privée, et notamment à la sexualité ». • Harmonisation des questionnaires Prévue dans le cadre de la révision de 2011, le « travail d’harmonisation de la formulation des questions ayant le même objet pour les questionnaires de santé de 1er niveau 69 » a abouti en mai 2012. La formulation des questions les plus courantes a été harmonisée en concertation avec les 67 AERAS. (2011). Convention AERAS révisée. convention actuelle (AERAS, 2011) Titre II, 3, b. 69 (AERAS, 2011) Titre II, 5. 68 42 associations signataires de la convention 70. A partir du moment où est posée une question relative à l’un de ces sujets : ITT, traitement médical, invalidité et allocation pour adulte handicapé, ALD ; alors la formulation définie dans le cadre d’AERAS doit être adoptée 71, sauf si l’assureur utilise une formulation plus avantageuse pour l’assuré. Voici pour exemple le modèle concernant les « Questions relatives à l'invalidité et à l'allocation pour adulte handicapé (AAH) »id. Etes-vous titulaire d’une pension, rente ou allocation au titre d'une inaptitude au travail ou d'une invalidité ? 0/N Si Oui : Depuis quelle date? Pourquoi ? A quel taux ou quelle catégorie ? Quel est l’organisme qui vous verse la prestation ? Etes-vous titulaire de l'Allocation pour adulte handicapé (AAH) 0/N Si Oui : Depuis quelle date? Pourquoi ? A quel taux ? Pour les questionnaires détaillés par pathologie, les travaux d’harmonisation sont en cours mais ils sont plus complexes. Il faut en effet que les questions soient cohérentes avec les manuels de tarifications propres à chaque assureur / réassureur. • Validité des questionnaires Les deux paragraphes reproduits ci-après suivants stipulent qu’un assureur peut être amené à prendre sa décision sur la base d’un questionnaire qu’il n’a ni établi, ni administré : - « 7) Lorsqu’un candidat à l’emprunt a passé dans le cadre d’une demande d’assurance emprunteur, pour le compte d’un concurrent, des examens médicaux dans les six mois précédents une nouvelle demande d’assurance, les assureurs utilisent les résultats de ces examens, transmis par le candidat à l’emprunt. - 8) A compter du second semestre 2011, les assureurs s’engagent à faire des propositions de tarification pour une assurance emprunteur sur la base d’un questionnaire détaillé par pathologie que le candidat à l’assurance aura rempli pour le compte d’un concurrent xx ». (AERAS, 2011) Titre II 70 FFSA – Mai 2012 - Harmonisation de la formulation des questions des questionnaires de santé de 1er niveau (Convention AERAS rénovée). 71 Ceci depuis mai 2012 et au fur et à mesure de la réimpression des documents. 43 D - Protection des données médicales a) Les engagements déontologiques de la profession Un assureur, un banquier ou un intermédiaire est astreint au secret professionnel dans ses relations avec ses clients sous peine de sanction pénale car « la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit par une fonction ou mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende. » - article 226-13 Code pénal. La sélection des risques de santé implique de recueillir et de traiter des informations médicales, à la souscription du contrat et en cas de demande de prestations. La profession admet ainsi que « la collecte, la circulation, le traitement et la conservation de l’information médicale relative à une personne soulèvent, en raison de la nature de cette information, des risques particuliers auxquels il est impératif d'apporter des solutions selon des procédures de confidentialité strictes et restreintes. » 72 Ces procédures figurent dans le Code de bonne conduite annexé aux différentes Conventions qui ont conduit à la Convention AERAS depuis 1991. Sa portée est cependant plus large et concerne « l’utilisation de données relatives à l’état de santé en vue de la souscription ou l’exécution d’un contrat d’assurance id. ». Nous en citons ci-dessous les points essentiels : • Procédures en matière d’organisation de confidentialité médicale - « Les sociétés d'assurances concernées disposent d'un service médical apte à analyser et conserver les informations médicales. - Dans ce service médical, les dossiers sont placés sous l’autorité d’un médecin collaborateur à temps plein ou partiel auquel doit être garantie l’indépendance technique et morale. Celui-ci est garant de la confidentialité des informations médicales fournies aux sociétés. […] Le personnel est astreint au secret professionnel. - […] - La confidentialité doit être organisée au sein des entreprises, physiquement pour le service, administrativement pour les circuits (courrier, téléphone, informatique, meubles de rangement des dossiers, etc.). - […] - En aucun cas, les services administratifs des sociétés d’assurance ne peuvent connaître les éléments relatifs à l’état de santé qui ont fondé la décision id.». 72 (AERAS, 2011)- Annexes. 44 • - Collecte et transmission des informations « Dans un premier temps, le souscripteur est clairement informé des conditions dans lesquelles les informations qu'il va donner dans la suite du questionnaire seront communiquées à la société d'assurance ; - dans un second temps, il répond seul, s’il le souhaite, aux questions relatives à son état de santé et aux données médicales le concernant. […] » - « Les déclarations et questionnaires médicaux de risques sont transmis au service médical par le candidat à l’assurance, qui déclare dans le formulaire accepter cette communication; transmettre ce questionnaire (sous pli cacheté dans l'enveloppe ci-jointe) (par la procédure de (télé)transmission sécurisée …) au médecin conseil du service médical de la société id.». Soulignons que le respect de la confidentialité impose aux assureurs des contraintes assez lourdes à mettre en place : « Le questionnaire médical, envoyé par l'assuré sous enveloppe cachetée, doit être ouvert dans un bureau sécurisé et dédié uniquement aux personnes habilitées. Cette procédure coûte très cher. Il faut réorganiser les bureaux, mettre des cloisons, former les personnes, mettre les dossiers sous clés, etc. » 73 b) Les enjeux juridiques du secret médical Ils ont fait l’objet de différentes décisions de justice synthétisées par des services de la Cour de cassation et publiée dans son rapport annuel pour 2007. En effet, « s’il ne peut obtenir aucune information médicale, l’assureur peut être mis dans l’impossibilité d’apporter la preuve d’une fausse déclaration du risque. Or, le secret médical constitue l’un des principes fondamentaux de l’éthique médicale et est destiné à protéger le patient. La jurisprudence de la Cour de cassation a bâti en matière d’assurances un équilibre entre le nécessaire respect du secret médical et le souci de ne pas permettre à l’assuré de dissimuler son état de santé. Elle distingue selon que l’assuré a ou non renoncé au bénéfice du secret médical 74». Pour concilier ces antagonismes, elle a encadré l’accès des assureurs aux informations de santé par les médecins conseils ou les experts amiables qui en toutes hypothèses doivent passer par l’intermédiaire du souscripteur pour obtenir de la part du médecin traitant de celui-ci des informations médicales relatives à sa santé. En outre, les médecins conseil et les experts amiables, qui s’appuient le cas échéant sur ces éléments pour émettre leur avis, ont l’interdiction de communiquer directement ces informations médicales aux compagnies. 73 Michelle Fablet, consultante spécialiste des risques aggravés in. Les Risques aggravés de santé. (2012, 08 24). L'Argus de l'assurance (7277), p.30. 74 Cour de cassation - Rapport annuel 2007 - chapitre « Santé et assurance », p.204 http://www.courdecassation.fr 45 Par ailleurs, en cas de litige, le respect du secret de médical ne permet pas à l’assureur d’obtenir des informations médicales en direct. Il devra donc recourir une expertise judiciaire décidée souverainement par le juge en fonction des intérêts légitimes des parties en présence. Enfin, le secret médical peut être levé au profit de l’assureur sur décision expresse et non équivoque de l’assuré ou de ses ayants-droit. *** Il est difficile de savoir si la sélection médicale pourrait être encore plus strictement encadrée qu’aujourd’hui. Il parait cependant que « L’obligation d'assurer une personne malade n'est pas envisagée par l'Europe. En effet, la Commission européenne s'est posé la question à l'occasion d'un projet de directive sur l'accès aux biens et aux services sans prévoir de mettre un terme à cette discrimination. » 75 75 Fabienne Jegu, expert santé et handicap auprès du Défenseur des droits (Les Risques aggravés de santé, 2012). 46 CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE « Les sociétés d’assurance doivent analyser les risques pour, soit les accepter au tarif ordinaire ou à un tarif plus élevé, soit les refuser. Cette technique de sélection des risques est inhérente au système concurrentiel. Mais elle trouve une limite dans le cas particulier des préjudices liés à l’état de santé. La France a développé au fil des années une réglementation qui influence de manière significative les pratiques de marché et qui constitue de fait un compromis entre le principe précédent de sélection et l’enjeu social particulier attaché à des prestations liées à la santé. » 76 Les assureurs mettent en avant le fait que restreindre leur droit à sélectionner peut avoir des conséquences négatives pour les consommateurs que ces mesures sont censés protéger : Une augmentation générale des primes conduirait in fine à exclure de l’assurance une partie des prospects pour des raisons financières. L’offre d’assurance - et donc de protection - pourrait s’appauvrir car les assureurs ne peuvent accepter de nouveaux risques sans le filet de sécurité que représente leur faculté d’évaluer les facteurs de risques du proposant et d’en refuser certains. On aboutirait ainsi à une situation de marché en contradiction avec la demande croissante de Prévoyance individuelle. Pour certains, ces arguments sont à nuancer : « Dans le passé, la profession de l'assurance a dû renoncer, devant les réticences de l'opinion publique, à certains critères de sélection et de tarification, et les redoutables conséquences annoncées ne se sont pas manifestées. Ce fut le cas, par exemple, lorsqu'au moment du développement de l'épidémie du sida l'idée d'exiger des tests de séropositivité pour l'admission à l'assurance décès a été écartée 77. » Si l’assurance a un rôle social, le fait qu’elle l’exerce dans un secteur libre et concurrentiel en limite la portée. Pour autant les problèmes d’accès à l’assurance doivent être traités. 76 77 Fromenteau, M. (2011). Sélection des risques : où en est-on ? Les tribunes de la santé(31), Petauton, P. (2011, septembre). Éthique, statistiques et tarification. Risques (87). 47 Pour résoudre le dilemme entre ce que nous appellerons « deux logiques de justice », justice actuarielle et justice sociale, l’arbitrage de l’Etat est légitime : « (…) on ne peut ignorer le fait que les conditions d'accès à un marché peuvent être elles-mêmes source de discriminations qui ne pourront être acceptées pour des raisons éthiques. Il revient alors à l'État de définir les règles que devront respecter les intervenants sur les marchés pour ne pas contredire de tels principes éthiques. C'est là une question d'une grande importance pour la régulation des marchés 78 d'assurance . » Le rôle de l’Etat étant aussi d’intervenir pour protéger les citoyens les plus fragiles et organiser un système de solidarité nationale qui n’est pas du ressort de l’assurance privée, comme l’indique François Ewald lors de son intervention devant la HALDE : « Vous présentez un risque d’une telle valeur, et le problème de l’assurabilité, c’est que vous n’avez pas la capacité de payer la prime. À ce moment-là, on peut faire jouer des mécanismes de solidarité dans lesquelles l’État va subsidier la charge de l’assurance. C’est le cas de la CMU, par exemple. C’est le cas de la convention AERAS pour certains niveaux 79 ». La réflexion éthique oblige à réévaluer les pratiques et à les faire évoluer. C'est une contrainte mais aussi une source d'innovations. Ainsi un réassureur commentait-il la décision de la Cour de justice sur la différenciation sexuelle : « Quelle que soit l'issue, la décision agira comme un catalyseur d'innovation. Le secteur devra envisager les nouveaux facteurs de risques et les nouvelles approches d'évaluation dans le cadre de la souscription 80 ». D'un point de vue moins technique, l'éthique étant par nature prospective, elle nous fournit un angle intéressant pour étudier l'évolution de notre société et anticiper les besoins de protection futurs. 78 Picard, P. (2001, Mars). Marchés d'assurance et solidarité. Risques (45). HALDE. (2010). Mercredi de la HALDE - "Droits aux assuances : un accès pour tous ?". 80 David O'Sullivan - Responsable mondial (en 2011) en matière de souscription Vie et Santé de Swiss Re www.swissre.com 79 48 2 UNE SELECTION MAL VECUE ET MAL VENDUE : COMMENT AMELIORER LES PRATIQUES ? Après le cadre théorique de la prise des risques santé, nous nous intéresserons aux personnes concernées en pratique, les consommateurs mais aussi les réseaux de vente. Nous aborderons ainsi les enjeux marketing et commerciaux de la sélection médicale. Une sélection mal perçue par les consommateurs présente un risque d’image pour le secteur de l’assurance et constitue un frein à l’achat de contrats de prévoyance individuelle. Souvent mal comprises et insuffisamment expliquées, les questions posées ne permettent pas de recueillir des informations aussi fiables que souhaité. L’enjeu de l’amélioration des pratiques dans la prise des risques de santé est donc aussi technique. Nous examinerons quels leviers simples et opérationnels pourraient être actionnés pour que la sélection en assurance individuelle de personnes soit mieux vendue et mieux acceptée. 49 50 2.1 POINT DE VUE DES CONSOMMATEURS ET DES RESEAUX DE VENTE Pour comprendre ces points de vue, nous nous appuierons sur des données quantitatives et qualitatives. Si la sélection est inhérente à la prise des risques santé, les témoignages recueillis permettent aussi de relever certaines mauvaises pratiques des assureurs. 2.1.1 UNE SELECTION MAL VECUE : DONNEES QUANTITATIVES La sélection médicale ne fait pas l’unanimité chez les consommateurs et tout particulièrement chez les français. Enquête Swiss Ré 2012 En 2012, le réassureur Swiss Ré a publié son nouveau Rapport sur l’assurance en Europe. L’enquête menée auprès de 15.535 consommateurs dans 14 pays avait pour objectif de « mesurer la visibilité du secteur auprès du grand public » en mettant notamment l’accent sur « l’identification des divergences entre l’offre du secteur et les besoins réels du consommateurs» 81. Les questions soulevées par la sélection médicale y figurent en bonne place. 81 Swiss Ré (2012). Rapport sur l’assurance en Europe. p.16. 51 « Considérez-vous qu’il est raisonnable que l’on vous demande des informations médicales ou concernant votre santé au moment de souscrire une assurance décès ? » Entre les indécis et les réponses négatives, une minorité de français (43%) considère la demande d’informations médicales raisonnable situant la France à la dernière place des pays interrogés. La question suivante approfondit la première réponse : « Poursuivriez-vous le processus de souscription si l’on vous demandait de confirmer ces énoncés médicaux ? - Vous n’avez jamais été diagnostiqué diabétique - Vous n’êtes pas actuellement suivi par un médecin ou vous n’avez pas été orienté récemment vers un médecin (autre que votre médecin traitant pour des prescriptions courantes) Je poursuivrais le processus de souscription 60% Je ne poursuivrais pas le processus de souscription parce que je suis incapable de confirmer au moins l’un des énoncés ci-dessus 14% Je ne poursuivrai pas pour une autre raison 6% Je ne sais pas 20% Il est précisé qu’encore une fois la France tient la dernière place : 52% des français poursuivraient le processus contre 60% dans l’ensemble des pays. 82 La seconde question montre que face à un questionnaire simplifié, les consommateurs sont moins réticents à communiquer des informations médicales (gain de 9 points en France par rapport à la première question). En Europe, ceux qui abandonneraient le processus de souscription le feraient en partie parce qu’ils ne remplissent pas les conditions de la déclaration d’état de santé (14%), ce qui laisse quand même 26% d’indécis et de refus pour des raisons autres que médicales. Ce sondage montre à quel point la sélection médicale est un sujet sensible. 82 L’étude précise que « Les catégories sociales les plus élevées et les tranches d’âge les plus jeunes obtiennent des scores supérieurs à 60% ». Malheureusement, le détail des réponses qui suivent n’est pas donné par pays. 52 Données des associations représentant les malades Les publications d’associations intervenant dans les champs de la santé comme La Ligue contre le cancer 83 ou le Collectif inter associatif sur la santé 84 (CISS) soulignent d’autre part les problèmes vécus par les malades ou anciens malades. A travers les appels reçus par leur plateforme téléphonique, les deux Observatoires relèvent que la question de l’accès aux assurances et, en premier lieu à l’assurance emprunteur, constitue une préoccupation importante pour les malades. Selon le CISS elle représente 10% des demandes d’information à quasi égalité avec la thématique « travail » : Répartition des sollicitations par thématiques du service d’information du CISS, « Santé Info Droits ». 85 Données 2011 : 6 619 appels et 763 courriels traités . Les objets d’appels sur le thème accès à l’emprunt et à l’assurance sont ensuite détaillés : 78% des appels relèvent d’une demande d’information en amont de la démarche de demande d’assurance avec des questions sur les chances de succès du projet. Les 22% restant « mettent en évidence des difficultés d’accès à l’assurance ou à l’emprunt » 86. Ces difficultés sont précisées dans le tableau ci-dessous : LES OBSTACLES À L’ACCÈS AU PRÊT IMMOBILIER OU À USAGE PROFESSIONNEL ET À LEUR ASSURANCE : Le baromètre du CISS souligne aussi une méconnaissance du mécanisme de la convention AERAS par les personnes présentant un risque aggravé ainsi qu’un « déficit d’information de la part des 83 Rapport 2011 de l’Observatoire sociétal des cancers. Observatoire 2011 du CISS sur les droits des malades (CISS, 2011). 85 (CISS, 2011, p. 9). 86 (CISS, 2011, p. 66). 84 53 professionnels » 87, notamment sur le principe des garanties alternatives. Il précise enfin : « dans le cadre de litiges les opposant aux organismes d’assurance, nos interlocuteurs font état de fausses déclarations non intentionnelles, résultant de formulations imprécises ou incomplètes des questionnaires de santé ». 88 L’incompréhension des clients face au montant des surprimes n’est peut-être pas sans objet : une enquête de la revue 60 millions de consommateurs 89 montrait qu’une femme de 25 ans atteinte de polyarthrite rhumatoïde se voyait proposer des surprimes allant de 40% à 300% sur la garantie décès « alors que cette maladie n’est pas mortelle ». L’enquête soulignait aussi que des progrès pouvaient être faits en termes de processus et de qualité de services : respect du secret médical, simplicité et facilité de réalisation d’examens complémentaires, rapidité des délais de réponse. 2.1.2 CE QUE LES RESEAUX SOCIAUX DISENT DE LA SELECTION MEDICALE Afin de proposer des améliorations qui répondent aux besoins des consommateurs, il est nécessaire d’approfondir les données de ces différents sondages par une compréhension plus fine de la perception des proposants. A défaut d’étude client complète sur la sélection, nous avons analysé de façon pragmatique des témoignages de consommateurs publiés sur les réseaux sociaux. L’intérêt de cette source est la grande spontanéité de ceux qui s’y expriment 90. Les verbatims qui suivent permettent ainsi de mieux cerner les attitudes 91 des consommateurs d’assurance face à la sélection médicale. Ce que les gens croient, ce qu’ils ressentent et la façon dont ils agissent. Présentation de l’étude L’étude a été réalisée en décembre 2012. Elle porte sur 30 discussions et 187 messages postés entre 2007 et 2012 sur des forums grand public. La méthodologie utilisée est présentée en 87 (CISS, 2011, p. 71) Id. 89 n°438 – mai 2009. 90 L’expression « prendre la parole » ne semble pas abusive car les émotions se traduisent pas des émoticons, des signes de ponctuation des mots en gras ou en majuscule. Nous avons essayé de conserver les citations en l’état, avec des fautes d’orthographes et de grammaires (fréquentes sur les réseaux sociaux, mais qui témoignent aussi de la spontanéité des réactions) mais quand la présentation gênait trop la lecture nous les avons corrigées. 91 « Les attitudes sont des tendances ou des prédispositions relativement stables à évaluer ou à agir face à un objet (message, produit, entreprise, événement, personne, etc…). On distingue 3 composantes d’une attitude : les croyances, les sentiments et tendance à agir. » Définition du Mercator – Théories et nouvelles pratiques du marketing . Edition 2009 88 54 annexe (p. 152). On y trouvera également l’intégralité des questions posées et la source de chaque discussion (auquel le chiffre entre parenthèses fait référence pour chaque citation). Notre étude ne prétend pas à l’exhaustivité mais elle reflète ce que dit Google. En effet, de nombreuses enquêtes confirment qu’en matière de consommation, les français font avant tout confiance à leurs pairs, dans un contexte de défiance générale envers les marques. Le plus souvent l’internaute fait appel à l’expérience de la communauté et dans une moindre mesure au savoir des modérateurs. Les deux forums où la question de la sélection médicale est le plus souvent abordée, « aufeminin.com » et « droit-finances.commentcamarche.net » correspondent aux deux grandes problématiques soulevées par les consommateurs : les questions de santé et les questions d’ordre pratique ou juridique. Parfois, il s’agit de faire part d’une mauvaise expérience et de mettre en garde la communauté sous la forme d’un « coup de gueule ». Bien sur les témoignages négatifs sont surreprésentés, car les clients satisfaits s’expriment rarement. Comme le souligne LOLCHKA qui se présente comme travaillant dans l’assurance : « Les gens se plaignent tjs des assurances, mais le jour où elles fonctionnent et qu'elles vous remboursent le montant de votre emprunt, d'un coup tout le monde est content » (5). Tout en soulignant qu’ils ne sont pas représentatifs de l’ensemble des pratiques, nous utiliserons ces témoignages pour relever les situations problématiques auxquelles les postulants peuvent être confrontés, ce qui nous permettra ensuite de mieux comprendre l’attitude des consommateurs. 1 – Les difficultés rencontrées par les postulants 1.1 Conception des questionnaires Les questionnaires sont difficiles à remplir. Pour les futurs assurés la crainte de faire de bonne foi une déclaration incomplète ou inexacte constitue un fait récurrent. Les problèmes concernent la clarté et la précision des questions. Les proposants ne savent pas jusqu’où il faut remonter dans le temps quand ce n’est pas précisé : « …même en voulant être complet, comment, pour une personne de 65 ans, être sûre de faire état de tous les soucis de santé subis au cours de son existence ? » (4) «… j'ai été quand j'avais..5 ans (!) hospitalisée mais on ne m'a rien fait du tout, je suis sortie au bout d'une semaine, le probleme qu'on pensait que j'aurais pu avoir n'existait pas!! dois je l'écrire si on me demande si j'ai déjà été hospitalisée ? » (29) On notera que ces problèmes sont associés à des questionnaires dits simplifiés qu’un internaute définit ainsi : « … 5-6 premières questions ou si on coche une des croix on se retrouve avec un questionnaire de l'espace... » (2). Les formulaires de déclaration du risque, à vouloir être courts 55 voire réduits à une seule question peuvent poser des problèmes d’interprétation : « …Imaginons quelqu'un qui a bénéficié de l'ALD il y a 2 ou 5 ans mais n'en bénéficie plus car son état de santé s'est amélioré, doit-il le déclarer car là, ce que je ne comprends pas dans la phrase c'est "ou en avez-vous fait la demande ?" est-ce qu'on considère que la demande est en cours ou est-ce qu'on considère : "vous en avez fait la demande dans le passé ?" (Même si ce n'est plus d'actualité). » (22) « […] je n'ai pas signalé ce traitement pour l'hyper tension car on ne me le demandait pas directement. La question était : suivez vous un traitement pour maladie grave ? Ne me considérant pas en maladie grave je n'ai donc signalé aucun traitement. » (24) Les difficultés rencontrées viennent aussi de la compréhension précise des termes utilisés, surtout quand il s’agit d’expressions courantes relatives à la santé. Le proposant pressent qu’être malade ou être en bonne santé n’a pas le même sens pour lui ou pour l’assureur : « qu'est-ce qu'une maladie grave ou chronique pour l'assurance ? quelle est la liste qu'elle a arrêté ? Aucune indication à ce sujet... » (29) « Suis je suffisamment compétent pour répondre à cette question : fais je l'objet d'une surveillance médicale suivie ? pas évident ! » (11) On pourra aussi lire l’intégralité de la discussion suivante : Achat immobilier - questionnaire santé : psychothérapie : que dire ? (11) où les internautes se demandent si la psychothérapie est un traitement médical et si le fait d’être suivi par un psychiatre doit être déclaré. Plusieurs témoignages portent sur la déclaration d’antécédents de dépression dont le diagnostic est sans doute plus difficile à poser et à comprendre : « …Bref, j'ai mis le temps mais je m'en suis sortie! ( …) Je suis encore sous antidépresseur (que je vais arrêter ds les mois qui arrivent). Et le questionnaire pose plusieurs questions à ce sujet: dépression? traitement actuel? avez-vous dejà souffert d'anxiété? OUI! depuis toute petite! j'ai toujours été très anxieuse!!! » (21) 1.2 Administration des questionnaires Ce sont ici les pratiques des conseillers et intermédiaires d’assurance qui sont mises en cause. Quelques plaintes concernent le non-respect de la confidentialité mais elles sont rares sur les forums, nous n’avons trouvé qu’un seul message explicite : « …J'ai déjà dû remplir les cases " taille " et " poids " devant elle [le conseiller bancaire], ce que je ne trouve pas normal. Et là, j'ai pas forcément envie qu'elle sache quels ont été mes soucis de santé, d'autant qu'elle n'est pas médecin… Est-ce que vous pensez que cette pratique est légale ? Ce document ne doit-il pas être confidentiel ? » (1) 56 Le thème du défaut de conseil revient plus souvent. Plusieurs internautes témoignent que l’intermédiaire a orienté leurs réponses, quand il n’a pas rempli le questionnaire à leur place : « …Lui avait été hospitalisé quelque temps auparavant pour un petit souci de santé. Le courtier "zappe" quelque peu le questionnaire et leur conseille : "non pas besoin de déclarer ce petit souci, ça pourrait vous coûter une surprime". ils lui font confiance. quelques années plus tard, gros souci... arrêt de travail sur long terme dû à une longue maladie. l'assurance a refusé de prendre en charge les mensualités car ils ont découvert le petit souci oublié... » (2) 1.3 Les demandes complémentaires Quand le proposant ne rentre pas dans le risque standard, les demandes d’informations ou de démarches complémentaires (certificats, examens médicaux) apparaissent contraignantes et elles peuvent surtout empêcher d’obtenir le prêt dans les délais : « … moi j'ai fais la ... de declaerer une intervention par celioscopie benine que javais subi dans l'année et bien je te raconte pas la galere et le stress que cela ma provoqué, ils m'ont demandé un milliard de paiers et tout ca en un temps record, j'ai failli erdre mon credit avec ses conditons que javais lon,guement negocier. Cela été une course contre la montrer pour rassembler tous ces papiers. Si c'était à refaire je dirai rien. » (11) 1.4 Le résultat de la sélection Certaines pratiques sont particulièrement contestées. L’exclusion d’une pathologie déclarée au questionnaire de la couverture du contrat parait incohérente car elle conduit à refuser d’assurer le risque de santé le plus probable. Si cette pathologie est à l’origine du sinistre, l’indemnisation sera de toute façon refusée alors les malades ne voient pas l’intérêt de déclarer leur état : «... Du coup quitte à pas être assurée j'ai préféré pas payer faut pas exagérer ! (…)Ca m'a vaccinée de dire la vérité à un assureur.» (2) « Je ne vois donc pas l'intérêt de le déclarer si je ne suis de toute façon pas couvert pour un pb en rapport avec ce suivi médical (dépression par ex). » (11) Quand l’assureur associe exclusion et surprime, la décision parait inacceptable : « je trouve tout ça "injuste" quand même.. pour moi, on devrait soit exclure le risque, soit augmenter la prime mais les deux c'est un peu.... de l'arnaque ? » (29) «Au final non seulement ils me proposaient un surcoût très important (…) et cerise sur le gâteau ils me mettaient une close comme quoi je n'étais pas assurée en cas d'invalidité liée à une maladie rhumatismale (même si c'était pas la même !!) » (2) 57 Le montant de la surprime pose deux autres problèmes. Il peut être financièrement insupportable et donc synonyme d’exclusion. D’autre part, quand les proposants ont pris la précaution de déposer plusieurs dossiers, les écarts constatés dans les propositions des assureurs mettent en cause la rationalité de la décision : «…on passe de 99,78 avec la cnp a 568 avec les 3 autres assurances contactés alors on fait quoi dans tout ca????? » (21) 2 – Les attitudes des consommateurs face à la sélection médicale 2.1 Une dimension affective très présente Le stress des candidats au prêt immobilier Les sujets concernent presque toujours l’assurance emprunteur, parfois l’assurance-crédit. Il est presque impossible d’emprunter sans assurance et emprunter, c’est pouvoir mener à bien un projet de vie quand il s’agit de devenir propriétaire. La souscription de l’assurance emprunteur arrive à la fin d’un parcours d’achat déjà stressant. On comprend alors que le sujet suscite autant d’émotions. La crainte est en effet double. Celle d’une part d’être refusé mais aussi celle de ne pas obtenir une réponse de l’assureur dans les délais et de perdre ainsi l’option d’achat. Dans ce cadre, la pédagogie de l’assurance est encore plus difficile : « NOUS SOMMES PRESSES DE CONNAITRE LES RESULTATS CAR LA MAISON VA FINIR PAS NOUS PASSER SOUS LE NEZ !... » (3) « Donc ça va être chaud au niveau des délais, déjà pour avoir les docs de l'hôpital et les transmettre, en plus j'ai peur qu'ils ne se contentent pas de ça et demandent d'autres documents. Dans ce cas, on n'aura jamais obtenu le prêt dans les délais indiqués dans le compromis. » (8) Des questions perçues comme « intrusives» Très souvent, les internautes interviennent pour savoir si les questions posées sont compatibles avec le respect de la vie privée et le secret médical : « Je souhaiterais savoir jusqu'où doit-on remonter sur notre parcours de santé (depuis la naissance?) N'y a t-il pas une loi qui protège cette atteinte à notre vie privée???? » (17) « Mes données médicales, au même titre que tout un chacun, sont confidentielles. Un assureur at-il le droit de demander ce type d'informations et est-on tenu (par la loi) de tout déclarer ? » 19) La colère des malades Nous devrions plutôt parler d’anciens malades car le principal sujet de contestation concerne la 58 notion de rémission. La sélection médicale est une étape difficile pour les anciens malades car elle les ramène à un épisode de leur vie qu’ils essaient d’oublier et de dépasser 92 : « …Maintenant tout cela est bien fini et ma dépression n'est plus qu'un mauvais souvenir mais est-ce que ces données risquent de m'empêcher d'obtenir l'assurance ? »(3) « Je suis sur le point de signer un pret immobilier pour la construction de ma maison... et donc j'arrive au questionnaire de santé!! J'y avais pas pensé...preuve que je me sens en bonne santé! »(27) Les personnes qui ont eu un grave problème de santé sont au minimum soumises à des formalités plus complexes et font parfois l’objet d’une surprime alors qu’elles sont considérées comme guéries par les médecins. Situation qui déclenche l’indignation, avec de nombreux témoignages portant sur le cancer et la dépression : « …105euros/mois pour 90 000euros 1.4% car j'ai eu un cancer en 2004 une chimio de 6 mois donc en pleine santé aujourd'hui [en 2011] mais apparament on voudrait me faire payer cette maladie aujourd'hui c'est honteux !!! » (21) Une perception ambiguë des questions sur les modes de vie Les tarifs fumeurs ne suscitent pas d’indignation. Tout au plus, un internaute trouve cela « …ralant parce que bon même pas une clope par jour je ne pense pas que ça ait d'incidences... » (2). Tabac et alcool sont spontanément considérés comme dangereux pour la santé et c’est au contraire le fait qu’ils soient parfois absents de l’évaluation des risque qui ne semble pas normal : « C 'est pas juste quand on y pense!!!Quand on réponds au questionnaire, on vous demande si vous avez été hospitalisé mais on ne vous demande pas si vous buvez de l’alcool 93 » (17) Pour être plus précis, les personnes en surpoids s’indignent que le poids soit demandé alors que les comportements liés à l’hygiène de vie ne sont pas pris en compte, comme si le poids était plus un facteur de risque que le tabagisme et l’alcoolisme ; ce qui explique qu’elles se sentent « humiliées » ou « discriminées » : « Il y a des gens à risques comme les fumeurs les alcooliques etc... dans notre formulaire aucuune question concernant le tabac. Alors si on fait un poids normal mais qu'on fume comme un pompier ou qu'on boit comme un trou, on sera quand même assuré. Et pourtant les risques sont plus importants ! »(6) Au final, il nous semble que les questionnaires seraient mieux perçus par les personnes en 92 Il faut aussi comprendre que les difficultés à obtenir l’assurance de prêt s’ajoutent à d’autres problèmes rencontrés au quotidien après la maladie (avec les organismes sociaux, les employeurs,…). 93 Dans ce témoignage, la personne a choisi d’être hospitalisée pour être sevrée de l’alcool, elle arrive à cette conclusion paradoxale que si elle n’avait pas arrêté de boire elle aurait passé la sélection médicale sans souci. 59 surpoids si d’autres facteurs de risques et de protection étaient en même temps recherchés : « …Il demande le poids, mais pas le taux de cholestérole, tryglicérides, si on fume, si on prend la pilule ... plein de facteurs agravants. « (6) « Je fais du sport (et oui même quand on est gros on peut faire du sport), je suis en bonne santé » (20). 2.2 Croyances Des pratiques de la sélection parfois contestables associées à une dimension affective forte expliquent la mauvaise réputation attachée aux assureurs. Méfiance sur la mise en jeu des garanties Tout au long de la plupart des discussions un procès d’intention est fait aux assureurs dont le principal objectif serait de ne pas verser les prestations avec in fine l’idée qu’ils ne font pas leur métier : « Les assureurs ne paient rien sans assignations des tribunaux , alors , éxamen médical préalable , ou pas , c ' est du pareil au même » (13) « c'est vrai que même quant tu déclares tout niquel et qu'il arrive quelque chose l'assurance met tout les moyens en oeuvre pour trouver le "petit truc" qui fera qu'ils n'indemniseront pas » (2) « Les compagnies d'assurances par principe ne cherchent pas à vous garantir mais à vous faire payer une prime et soulever n'impoirte quelle exclusions de garantie si c'était possible » (24) Doute sur les compétences médicales des assureurs Ce qui est remis en cause par les proposants, c’est la façon dont les assureurs évaluent les facteurs de risque. C’est manifeste pour le cancer, avec l’idée que les assureurs sont en retard par rapport à la médecine : « Maintenant, ce qui fait râler beaucoup de gens, c'est que les assureurs s'appuient sur des statistiques périmées pour calculer les risques. Prenons le cas du cancer, justement. Pour vous, c'est toujours et systématiquement un risque "aggravé"? C'est parce que vous avez un train de retard. » ; « Certains ont même demandé des surprimes parce que le frère ou la soeur de l'assuré avait eu un cancer, alors que la médecine ne considère pas ces cancers comme génétiques ». 60 2.3 Actions Les témoignages nous montrent que face à la sélection médicale, les proposants peuvent avoir deux types de réaction : dissimuler volontairement leur état de santé ou bien au contraire chercher à répondre du mieux possible. Mais pour cela, ils ont besoin d’informations. Faut-il mentir ? Certains proposants, qui pensent que les pathologies déclarées au questionnaire seront finalement exclues de la couverture et que l’assureur risque de ne pas verser la prestation en cas de sinistre, préfèrent mentir sur leur état de santé. La fausse déclaration est parfois présentée comme légitime au regard des pratiques de l’assurance : « …je te dirai de rien dire c'est malheureux mais le système nous pousse a mentir (…) si c'était à refaire je dirai rien » (11) « C'EST A DESESPERER D'ETRE HONNETE SUR LES QUESTIONNAIRES ! » (3) « Pour moi perso j'ai jugé qu'il valait mieux mentir. » (2) Cette attitude reste minoritaire. Sur l’ensemble des discussions parcourues, il était plus fréquent que les conseils soient en faveur de la sincérité, la mauvaise réputation des assureurs ayant au moins l’avantage d’inciter les assurés à remplir le questionnaire du mieux possible par crainte de ne pas être couverts en cas de sinistre : « n'omettez jamais aucun détail de vos antécédents lors de votre souscription, ils sautteront dessus pour refuser de payer. » (15) « Il vaut mieux être honnête car si par malheur il arrivait que l'on trouve un nouveau kyste, que cela tourne mal avec un arrêt de travail prolongé vous vous rajouteriez une autre galère : celle du refus de l'assurance de prendre en charge les échéances. » (8) Le sondage qui suit, lancé sur un forum par DYSCUS (2), montre que sur les 63 répondants la transparence l’emporte. Recherche d’informations, de conseils Les nombreux sujets traitant de la sélection médicale montrent que les proposants sont avant tout à la recherche d’informations. Les modérateurs des forums, des internautes travaillant dans 61 l’assurance ou des assurés ayant eu une bonne expérience, s’attachent à donner des conseils utiles : remplir le questionnaire avec sincérité, faire jouer la concurrence en cas de problème de santé et s’adresser à des courtiers spécialisés en risques aggravés. A notre étonnement, la convention AERAS est rarement citée alors que sa mise en œuvre résout une grande partie des problèmes soulevés par les personnes présentant un risque aggravé de santé : « Il y a des nouveautés pour la convention aeras en 2011, les critères sont plus souples et permettent à plus de personnes d'accéder à un prêt immo. j'y suis passée cet été et ça a été l'horreur, alors qu'avec ces changements cela aurait été plus rapide (limité à 3 semaines maintenant) et plus souple car on prend en compte l'évolution des traitements médicaux... » (7). Ces discussions ont aussi des vertus pédagogiques. L’intervention d’un assureur sur les forums ne serait pas acceptée car il ne fait pas partie de la communauté. Parfois des habitués ont aussi travaillé dans l’assurance et sont capables d’apporter des réponses de bon sens et qui sonnent justes : « …par contre dès qu on atteint certains montants on peut vous demander des complements d info… cela pour eviter que qqn en mauvaise santé souscrive exprès X assurances en connaissance de cause (et ca peut se comprendre) » (1) « Il faut cependant respecter un principe de base en matière d'assurance des emprunteurs, tout assuré doit répondre aux questions posés, PAS PLUS - PAS MOINS…Certaines compagnies sont plus indulgentes que d'autres, les pathologies x ou y sont parfois mieux traitées et mieux acceptées par certains assureurs et ré assureurs. » (17) « Je ne vois pas quel serait l'intérêt des compagnies de vous faire louper vos dates!! leur but est d'avoir le + de clients possibles!! et sachez qu'elles ne veulent pas que des gens en bonne santé, car les personnes à risque sont majorées, et rapportent donc aussi aux compagnies. » (5) L’idéal pour faire mieux accepter la sélection médicale est que l’assuré lui-même exprime sa satisfaction mais pour les raisons que nous avons indiquées en introduction ces cas sont minoritaires : « j'ai eu un petit soucis de santé, mais sans séquelles à ce jour, je l'ai declaré et ça n'a pas entrainé de surprime, même si on a eu un peu peur ! après ça depend des assurances, pour la même declaration certaines me demandaient une expertise médicale complémentaire (et là c'est niet) et d'autres n'ont rien dit » (2). « Voila, nous avons un devis avec une petite surprime de 3€ par mois, vous me direz sur 25 ans ça représente 3000€, mais bon c'est le prix de la tranquillité. Aucune exclusion, ni restrictions sur Décés, PTIA, ITT/IPP. » (2) 62 Conclusion La sélection médicale est mal vécue parce qu’elle parait injuste aux personnes ayant (eu) des problèmes de santé et reste perçue comme étant intrusive par la plupart de ceux qui y sont confrontés. Nous retenons ainsi à quel point la sélection médicale touche des sujets sensibles : la confidentialité des informations de santé, le respect de la vie privée, mais aussi le souhait des malades de retrouver une vie normale une fois guéris. Même si les questions sur les modes de vie sont encore rares dans les formulaires, nous voyons que le public est partagé car certains se sentent discriminés ou stigmatisés alors que d’autres trouvent justifié de prendre en compte les mauvais ou les bons comportements dans les facteurs de risque. Touchant à l’intimité des personnes et pouvant remettre en cause des projets de vie, la sélection médicale représente un risque d’image non négligeable pour les assureurs. Elle pose également un problème de fiabilité dans l’évaluation des risques. Même si la tentation de la fausse déclaration reste minoritaire, nous supposons, à lire les témoignages, que les réponses inexactes doivent être assez fréquentes. Elles ne sont pas forcément liées à la mauvaise volonté des proposants mais à des formulations qui ne sont pas bien comprises. Ces attitudes ont un point commun : elles montrent que le grand public connait très mal l’assurance et le besoin de pédagogie est flagrant. Comme l’écrit un internaute : « Ce n'est pas être débile comme tu le dis de ne pas s'y connaitre dans les assurances. » (5) A travers ces témoignages nous voyons aussi que dans leurs pratiques de la sélection des risques les assureurs ne sont pas exempts de toute critique. Ici, l’ensemble des métiers est concerné : réseaux de vente (non-respect de la confidentialité, défaut de conseil), gestionnaires et tarificateurs (les proposants se plaignent des délais et de la difficulté à contacter les services). Plus généralement la conception des questionnaires (questions ambigües) et le choix des modalités de sélection (exclusion + surprime) peuvent ne pas inciter les proposants à la transparence. Comme le fait remarquer Pierre-Yves Le Corre : « Un certain nombre de témoignages illustrent le manque de qualité [de la sélection des risques] : questionnaires mal conçus, mal appliqués, réponses mal utilisées, processus mal conduits, expertise de sélection questionnable … Ces déficiences jouent au détriment des assureurs et entretiennent une image négative 94. » Enfin, si le public se pose autant de questions et si de fausses rumeurs courent sur le net, c’est peut-être parce que les assureurs ont encore des efforts de communication à faire. Ainsi, l’ensemble des questions posées et les réponses apportées sur les réseaux sociaux devraientelles inspirer les assureurs dans la création de FAQ (questions/réponses) pertinents et accessibles 94 Entretien. 63 2.1.3 UNE SELECTION MAL VENDUE Dans l’article « Quelles spécificités pour la vente d’assurance sur les risques liés à la vie humaine » publié en 2005 dans la revue Risques, Gérard Méneroud voit « Le respect de la confidentialité sur les données personnelles à caractère médical » comme une « contrainte » qui « ne favorise pas la fluidité et l'efficacité du processus de vente et pèse sur l'efficience des réseaux de distribution d'assurance vie 95». Pour mieux comprendre le point de vue des réseaux de vente sur la sélection, nous nous appuierons sur une enquête qualitative menée auprès des meilleurs vendeurs d’un contrat dépendance 96. Précisons que la vente est réalisée au domicile du client. Les hommes de terrain savent par expérience que la sélection médicale est souvent mal vécue par les proposants : « C’est parfois difficile pour le client d’accepter, c’est délicat même si on a anticipé par rapport au coût de la surprime et l’incompréhension, ce n’est pas évident » ; « quand on a des gens malades, ils veulent à tout prix être assurés ». Le déroulement de la procédure de sélection peut ainsi décourager des prospects qui avaient pourtant rempli une demande de souscription. « …avec les DRC 97, quelques contrats ont sautés, (…) souvent les gens ne veulent pas faire la démarche. » « Les gens n’ont pas forcément envie d’aller voir leur médecin pour qu’il signe des papiers ». Elle peut aussi décourager les commerciaux. L’étape de la sélection médicale a pour effet d’allonger le délai d’acceptation du contrat, décalant ainsi le versement de la commission sur la vente. Si la proposition d’assurance est refusée, la commission n’est pas versée : « les DRC durent dans le temps, c’est pas assez rapide. Ça nous pénalise car le contrat n’est pas acquis de suite. » Le délai est d’autant plus incertain que plusieurs allers-retours peuvent être nécessaires : « Et puis même, si le questionnaire est rempli fin juin, que le client va chez le médecin le lundi d’après, c’est encore en DRC ensuite !». Cet impact direct sur la rémunération décourage certains 95 Méneroud, G. (2005, Septembre). Quelles spécificités pour la vente d'assurance sur les risques liés à la vie humaine ? Risques (63). 96 Enquête menée en interne par une compagnie d’assurance. Les entretiens téléphoniques ont été réalisés en juillet 2010 auprès de 18 conseillers commerciaux pris parmi les meilleurs vendeurs d’un contrat dépendance. Une des questions posées était : « La sélection médicale vous pose-t-elle problème ? Avez-vous souvent des 96 DRC (demandes de renseignements complémentaires) ? » 97 DRC : « Demande de renseignements complémentaires ». 64 conseillers de proposer le contrat dépendance : « Pas mal sont réticents par rapport au questionnaire médical, ça bloque les collègues ». Il arrive aussi que même les conseillers les plus expérimentés hésitent à sensibiliser leurs clients sur le risque dépendance quand ces derniers évoquent spontanément leurs problèmes de santé : « Oui quand il y a des gros soucis de santé, cela pose problème. J’implique tellement les gens qu’après s’ils sont refusés c’est difficile, je ne veux pas donner de faux espoirs ». Comme les consommateurs, les commerciaux ont plutôt une vision pessimiste des résultats de la sélection. Il leur arrive probablement d’écarter des candidats à l’assurance dépendance qui auraient été pris à des conditions acceptables. S’il est difficile à mesurer, l’impact de la sélection médicale sur les résultats commerciaux est réel. Nous ne parlons pas ici des décisions de refus mais des contrats auxquels le prospect renonce en cours de processus, ainsi que des contrats que le commercial renonce à présenter. Il existe dans ce dernier cas une différence entre les contrats emprunteurs qui « s’achètent » car ils sont quasiment obligatoires 98 et les contrats de prévoyance individuelle qui « se vendent ». En effet, la vente, par exemple, d’un contrat dépendance demande une expertise et un effort de sensibilisation qui rendent la démarche commerciale plus difficile et plus longue. Le risque qu’à l’issue de cet effort la demande ne soit pas acceptée ou que le prospect renonce à remplir les formalités médicales ou à payer une surprime est supporté par le réseau de distribution. Les vendeurs vont donc avoir tendance à proposer des assurances où le rapport rémunération/effort est élevé (assurance obsèques sans sélection, contrats accidents, vie épargne). La difficulté consiste à tenir compte des effets de la sélection médicale dans la rémunération des forces de vente. En matière de sélection des risques santé, consommateurs et réseaux de vente ont des attentes communes : simplifier les démarches, raccourcir les délais, augmenter l’assurabilité. Les consommateurs ont aussi des besoins propres : compréhension de la démarche et respect de leur vie privée. Nous nous intéresserons maintenant à différentes pistes qui peuvent répondre à ces attentes, sans oublier les objectifs de l’assureur. 98 Dans le cas des contrats emprunteurs, nous supposons que la plupart des proposants qui abandonnent au cours du processus de sélection ont en fait trouvé de meilleurs conditions chez un concurrent. Les associations de consommateurs conseillent d’ailleurs de faire plusieurs demandes. 65 66 2.2 EVOLUTION DES PRATIQUES : ETAT DES LIEUX ET PERSPECTIVES Les pratiques ne cessent d’évoluer. Nous montrerons qu’il y a des avantages mais aussi des inconvénients à réduire les formalités de déclaration du risque et qu’il est possible d’améliorer l’acceptation de la sélection sans pour autant la dénaturer. L’information des clients et la formation des conseillers commerciaux permettent de lever de nombreux freins à l’achat de contrats avec sélection médicale. Mais jusqu’où les réseaux de vente peuvent-ils être impliqués dans le processus de sélection ? Nous regarderons enfin quels sont les apports de méthodes alternatives comme la télé-souscription. Cette innovation pourrait-elle conduire les assureurs à prendre les risques santé autrement ? 2.2.1 LES FORMALITES DE DECLARATION DU RISQUE Faut-il les réduire ? La déclaration d’état de santé (DES) réduit la sélection à une seule question, formulée de telle sorte qu’elle ne relève pas du secret médical et qu’une réponse conforme permet l’acceptation immédiate. La DES peut constituer la seule formalité de sélection ou bien servir de premier filtre vers un questionnaire médical plus complet. L’allègement des formalités médicales présente des avantages évidents : la sélection est moins intrusive pour le proposant et lui permet d’être assuré sans délai. Elle facilite la démarche de vente et diminue les coûts de la sélection. Elle se justifie quand les risques pris par l’assureur sont réduits (montants garantis, âge du proposant) mais la simplification de la sélection présente aussi des inconvénients pour les deux parties. Comme il existe plusieurs outils de sélection des risques, si l’évaluation par le questionnaire est réduite, il est probable que les restrictions (exclusions, carences) seront plus importantes et que le prix de l'assurance sera plus élevé afin de tenir compte d'un moins bon filtre de sélection à l'entrée. Cela a été souligné en 2011 par l’Observatoire BAO de l’Assurance emprunteur 99 , lors d’une étude sur 37 contrats parmi les plus représentatifs du marché (contrats groupe bancaires ou contrats individuels, alternatifs à l’offre de l’organisme préteur) : - 99 « Une sélection médicale appauvrie se trouve souvent compensée par l'assureur par des délais de carence […] et donc des trous potentiels de couverture. » « Un contrat qui propose un allègement des formalités de sélection pourra opter pour la signature d'une simple Déclaration de Bonne Santé mais compensera très souvent par une BAO. (2011). Observatoire de l'assurance emprunteur - Avril 2011 - Panorama des garanties. (BAO, 2011). 67 - exclusion de toutes les "antériorités" […]. Dans ce type de simplification, l'emprunteur n'a pas à déclarer explicitement un problème de santé passé, mais toutes les suites et conséquences de ce problème sont exclues d'office. » « Les questionnaires de santé doivent permettre à l’emprunteur de déclarer tous ses antécédents dans le but évident d’être couvert. Or, certains contrats fonctionnent à l’inverse, excluant d’office les suites et conséquences des déclarations faites au questionnaire 100 ». Des exemples sont donnés dans l’étude de BAO. Il faudrait idéalement que le prospect puisse choisir en toute connaissance de cause entre - - d'une part les bénéfices immédiats de la simplicité et de la rapidité apportées par des formalités de sélection réduites contrepartie de garanties plus limitées et d'un prix peut-être un peu plus élevé, et d'autre part une entrée dans le contrat un peu plus complexe, mais une couverture plus complète et à un prix plus attractif. Il est cependant vrai que même si elles sont précisées à titre réglementaire dans les conditions générales et particulières du contrat, les limites de garanties ne sont pas spécialement mises en avant par l’assureur et le vendeur pour des raisons commerciales évidentes. Les limites de la couverture d’assurance ressortent malheureusement surtout en cas de sinistre, entrainant alors le mécontentement de l’assuré, voire une situation de litige. On pourrait objecter que les limitations de garantie ne concernent qu’un petit nombre d’assurés et qu’elles permettent à la grande majorité qui est en bonne santé d’accéder à l’assurance plus facilement. C’est oublier que les périodes de carence et les exclusions générales concernent tous les assurés. Un proposant a intérêt à déclarer précisément son état de santé, quel qu’il soit, pour bénéficier d’une protection plus complète et le cas échéant pour que les exclusions lui soient clairement précisées. L’intérêt de l’assureur est de limiter les risques de contestation qui peuvent entrainer une dégradation de son résultat technique et de son image. Encore faut-il que les assureurs proposent une juste combinaison des outils de sélection en associant à des questionnaires médicaux plus complets des exclusions générales et des délais de carence allégés. Dans le respect des contraintes réglementaires, c’est à l’assureur de peser les risques et les avantages commerciaux des « déclaration d’état de santé ». Les avantages peuvent l’emporter comme dans les cas ci-dessous. Le canal de distribution des offres est aussi déterminant dans le choix des formalités de 100 (BAO, 2011). 68 déclaration du risque. Ainsi, la déclaration d’état de santé est bien adaptée en marketing direct : la maitrise du ciblage de la population prospectée et la limitation de l’offre dans le temps réduisant les risques d’antisélection. De plus, le modèle économique repose sur une vente sans intermédiaire, avec le plus souvent des contrats simples à petite prime qui ne sont pas compatibles avec un processus d’examen médical des dossiers. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de sélection, car comme nous avons pu le constater lors d’un test de vente par téléphone d’un contrat maladies redoutées 101, 38% des prospects intéressés par l’offre ne pouvaient remplir les conditions de la DES qui était formulée ainsi : L’exemple suivant est différent car il s’agit des formalités médicales d’un contrat dépendance qui n’est pas a priori un petit risque. Comment l’assureur peut-il prendre le risque dépendance sans questionnaire de santé ? Notons tout d’abord que dans la définition du risque, les exclusions et la période de carence ne sont pas plus strictes que pour les contrats utilisant une sélection classique. Nous formulons alors les hypothèses suivantes : - En ne couvrant que la dépendance totale, l’assureur limite le risque pris en termes de fréquence (l’incidence de la dépendance totale est plus faible) et de prestations (la durée de vie en dépendance totale est plus faible qu’en dépendance partielle) 102. 101 En l’occurrence, versement d’un capital de 5000 € en cas de diagnostic d’une maladie grave : cancer féminin cancer masculin, cardiopathie ischémique, maladie d’Alzheimer, sclérose en plaque. 102 Source : Drees - ÉTUDES et RÉSULTATS n° 724 - avril 2010 - La durée de perception de l’APA: 4 ans en moyenne. 69 - - L’exclusion de la dépendance partielle peut réduire l’antisélection car un assuré à risque a tendance à choisir une couverture complète (dépendance partielle et totale) ; les deux couvertures étant ici proposées. D’un point de vue commercial, l’allègement de la sélection médicale peut constituer un levier de développement de l’assurance dépendance auprès des clients et des forces de vente. Cependant, pour réduire les délais et diminuer les coûts de la sélection, d’autres leviers que l’allègement des formalités existent. Il s’agit notamment de la formation des tarificateurs. Selon Pierre-Yves Le Corre, « un bon tarificateur est celui qui arrive à se prononcer en l’état, avec le manuel de tarification sans demande de pièces supplémentaire. 103 » Toutefois, on pourra regretter que contrairement à la Grande Bretagne, il n’existe pas en France de formation diplômante pour ce métier alors que le rôle joué par le tarificateur dans la qualité du processus de sélection des risques santé est essentiel. Nous ne développerons pas ce sujet qui fait l’objet de la thèse professionnelle 104 de Mme Eve-Laure Tascon, responsable du département Sélection des risques et Sinistres de SCOR Global Life : Activité - Métier - Profession : Quelle place pour les Tarificateurs de Risques Aggravés en (ré)assurance de personnes ? - Identité, reconnaissance et avenir d’un métier sans diplôme. Nous insisterons en revanche sur ce qui constitue à la lecture des témoignages de proposants un axe majeur d’amélioration des pratiques : la qualité des formulaires de déclaration du risque. Comment améliorer les questionnaires L’amélioration des pratiques est un objectif constant de la profession comme la révision de la convention AERAS en 2011 en témoigne. Le dossier de presse des ministères concernés reconnaissait tout de même que : « les questionnaires de santé utilisés par les assureurs pour l’évaluation des risques sont souvent très différents d’un assureur à l’autre, et parfois difficilement compréhensibles 105». La consultation menée par le Conseil de l’Europe sur La Prédictivité, les tests génétiques et l’assurance 106 permet aussi de faire le point sur les expériences européennes. Voici par exemple une des questions abordée : 103 Entretien. MBA Manager d’entreprise majeure Assurance, promotion 2011-2013. 105 Rénovation de la convention AERAS, s’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé - Bercy, 01 février 2011. 106 DH-BIO. (2012). Document de consultation sur la Prédictivité, les Tests Génétiques et l'Assurance. Conseil de l'Europe, Comité de bioéthique (DH-BIO) - http://www.coe.int/ 104 70 « Les questionnaires en tant qu’outil de collecte de données relatives à la santé devraient répondre à certains critères qualitatifs, en particulier afin d’éviter les éventuelles difficultés d’interprétation des questions et prévenir les litiges qui sont susceptibles d’en résulter, et d’amener ainsi à la collecte par l’assureur des seules informations pertinentes pour la sélection des risques. Quels sont les autres critères qualitatifs essentiels auxquels les questionnaires devraient répondre à cette fin ? 107 » A partir des réponses données à la consultation108, nous pouvons préciser les enjeux et proposer des recommandations concernant les formalités de déclaration du risque. La qualité des questionnaires est essentielle à plusieurs titres. - - Elle limite les interrogations des proposants et par voie de conséquence, les moyens parfois couteux à mettre en place par les assureurs pour y répondre Elle conditionne la qualité des réponses et donc de la sélection : « Les candidats ne peuvent donner une réponse correcte qu’aux questions qu’ils comprennent 109» En réduisant les difficultés d’interprétation, elle contribue à limiter les litiges qui peuvent survenir en cas de sinistre. De plus, si une question est ambiguë c’est le sens le plus favorable pour le client qui sera retenu et il est rare que la fausse déclaration intentionnelle soit reconnue. L’imprécision dessert donc l’assureur. Elle permet de satisfaire les attentes légitimes des consommateurs et contribue à améliorer leur relation avec l’assureur. Les recommandations des instances représentatives de la profession de l’assurance vont dans ce sens : « les questions doivent être rédigées de manière claire et précise 110.» Dans leurs réponses à la consultation du Conseil de l’Europe, les assureurs recommandent aussi de préciser la période sur laquelle porte la question. Un autre problème difficile à résoudre concerne l’utilisation du vocabulaire médical. Le réassureur Swiss Re préconise de s’intéresser aux conséquences objectives d’un état pathologique plutôt qu’au diagnostic : « […] les consommateurs considèrent que les listes de diagnostics médicaux ne sont ni simples ni claires, dans la mesure où ils ne connaissent pas certaines maladies assez courantes. Dans ce cas, des questions de type « au cours des X dernières années, vous a-t-on diagnostiqué la maladie suivante :...» peut créer davantage de confusion chez les consommateurs qu’un énoncé plus clair comme, par exemple : « avez-vous eu plus de 107 (DH-BIO, 2012). DH-BIO/INF. (2012). Compilation des réponses à la consultation publique. Conseil de l'Europe, Comité de bioéthique DH-BIO. 109 (DH-BIO/INF, 2012, p. 2a / Achmea). 110 Annexes à la convention AERAS révisée. 108 71 deux semaines d’arrêt dû à une maladie ou un accident au cours des douze derniers mois ? 111.». Une bonne solution selon nous pour s’assurer que les proposants comprennent bien les questions est de le vérifier au préalable auprès d’eux en recourant aux méthodes d’enquêtes qualitatives utilisées en marketing. Etant donné la sensibilité des sujets abordés, des entretiens en face à face menés par un prestataire indépendant sont préférables. Il serait aussi pertinent que des spécialistes en sciences sociales participent à l’élaboration des questionnaires. Dans les faits, il n’est pas nécessaire de mener une étude pour chaque contrat dans la mesure où un référentiel de questions types pourrait être constitué. Si une harmonisation des questionnaires 112 de sélection médicale est prévue dans le cadre d’AERAS 2011, Il est cependant précisé que « l'architecture du questionnaire et la formulation des questions sur l'état de santé et les données médicales du proposant sont du ressort de la société d'assurances 113 ». Il est naturel que l’organisation des questions et leur nombre soit du ressort de l’assureur en fonction de sa propre politique de souscription. Il nous semble cependant que la formulation des questions pourrait être optimisée, au moins pour les plus courantes. Un référentiel commun, pourrait être créé au niveau de la profession par une équipe pluridisciplinaire. Libre ensuite aux assureurs de l’utiliser ou non, mais ils auraient tout à y gagner en termes d’image et de fiabilité de la sélection. 2.2.2 L’INFORMATION DES ASSURES L’information ou plutôt la communication est la clé pour que la sélection médicale soit mieux vécue par les prospects. C’est le message mis en avant par Insurance Europe, la fédération des assureurs européens dans un récent Position paper 114 : « Insurers support efforts to promote transparency and to improve communication with consumers. Therefore, insurers, when requested, will provide information to an applicant where special terms are applied or where it was not possible to provide the cover sought 115 » 111 (DH-BIO/INF, 2012, p. Q2). 112 Cette harmonisation ferait aussi partie du projet de labellisation des contrats dépendance. Annexes à la convention AERAS révisée. 114 Il s’agit de la réponse à la consultation publique sur « la prédictivité, les tests génétiques et l'assurance » lancée par le Comité Bioéthique Conseil de l’Europe. 115 (Insurance Europe, 2012). 113 72 Informer en amont de la sélection En amont du processus, il s’agit de faire preuve de pédagogie pour expliquer les enjeux de la sélection et les bénéfices qu’elle représente pour les clients, tout en insistant sur les droits et les devoirs des assurés. Cette communication peut prendre différentes formes plus ou moins détaillées et interactives : affiches dans les points de vente, brochures remises avec le questionnaire, rubrique « questions/réponses » sur le site des assureurs … Le site www.aeras-info.fr qui a été récemment refondu en est un bon exemple, il est précisé que « la conception [du] site est le résultat d’un travail collectif mené par un comité rédactionnel qui a associé pleinement l’ensemble des signataires ». C’est sans doute cette diversité des points de vue qui a permis d’en faire un outil de communication à notre avis clair et efficace car orienté vers les besoins de l’utilisateur. • L’ergonomie de la page d’accueil permet de répondre à la variété des besoins, que ce soit en termes de nature et de précision de l’information recherchée ou en termes d’habitudes d’utilisation d’internet. • Pour s’en assurer, une enquête en ligne a été menée auprès des visiteurs du site pour recueillir l’avis des internautes, non seulement sur le dispositif AERAS mais aussi sur le site, cette évaluation par les utilisateurs étant indispensable pour vérifier que les informations diffusées sont adaptées aux attentes des consommateurs. 73 Informer à l’issue de la sélection A la fin de la procédure de sélection, les informations demandées par les proposants concernent la décision prise par l’assureur en matière de surprime ou de refus. Cette question était aussi abordée par la consultation DH-BIO. 116 Dans le cadre d’AERAS, le médecin conseil est tenu sur demande du proposant de motiver par écrit sa décision, mais nous avons vu que ce n’était pas toujours fait 117. Sur le fond, expliquer l’issue de la sélection est pour l’assureur un exercice délicat, y compris entre médecins. L’assureur néerlandais Achmea explique que le point de vue du médecin conseil est par nature différent de celui du médecin traitant (cf. tableau ci-dessous) et que « Ces différences donnent lieu à des divergences d’interprétation quant aux motifs justifiant une tarification plus élevée ou un refus. Le problème n’est donc pas que les médecins d’assurance évaluent les risques de manière erronée, mais que les cliniciens ne sont pas formés à la médecine d’assurance 118 » (DH-BIO/INF, 2012, p. Q22) Les cliniciens évaluent : Les médecins d’assurance évaluent : a) les cas ponctuels, a) les cas prévalents, b) les risques absolus avant et après les tests, b) les risques relatifs, c) les effets indésirables liés à une maladie, c) les effets indésirables liés à toutes les causes, d) le taux de survie relatif par rapport à d) la morbidité et la mortalité relatives, e) une population hospitalisée population en général. ou la e) le taux d’invalidité par rapport à la population assurée (pour des tarifs inférieurs à ceux de la population générale). Sans parler de « problème », il faut aussi souligner que la divergence des points de vue s’explique par le fait que le médecin clinicien se trouve face à un malade donné qu’il cherche à soigner, alors qu'un médecin d'assurance travaille sur un plan plus statistique, par rapport à des moyennes. En effet, dans son évaluation du risque, la médecine d’assurance doit tenir compte des engagements à long terme que prend l’assureur, et, pour citer un médecin conseil : « les problèmes de la médecine d’assurance sont tout autant des problèmes d’assurance que des problèmes de médecine ». 116 (DH-BIO, 2012, p. Q20). Cf. supra p.30 118 Nous avons pris la liberté de mettre en forme cette citation de façon à souligner les différences exposées. 117 74 Les signataires de la convention AERAS 2011 précisent que les efforts d’information à l’intention notamment des médecins traitants seront poursuivis « via l’Ordre des médecins pour les inciter à aider leurs patients à remplir les questionnaires de santé détaillés, dans le respect de leur compétence et de leur disponibilité » 119. Cette information devrait aussi permettre que les motivations des décisions soient mieux comprises en dépit des différences dans les méthodes d’évaluation. L’amélioration de l’information des assurés et des parties concernées par la sélection médicale est un objectif clairement affiché par assureurs, en Europe et en France. Elle peut contribuer à compenser la réticence à l’égard des questionnaires médicaux sans résoudre complètement les aspects culturels plus profonds qui apparaissaient dans l’enquête réalisée par Swiss Ré. Cependant, dans le cas particulier d’un prospect qui se pose des questions précises liées à sa situation, un contact humain parait plus adapté. Reste à savoir qui peut lui répondre. Qu’il s’agisse de faire œuvre de pédagogie ou de recevoir les demandes des clients, les réseaux de vente sont en première ligne. Peuvent-ils aussi « vendre » la sélection médicale ? 2.2.3 LE ROLE DES RESEAUX DE VENTE Il faut dans un premier temps « vendre » la sélection médicale aux réseaux. Toutes les solutions permettant de raccourcir les délais de traitement des dossiers médicaux et d’augmenter l’assurabilité seront aussi bien accueillies par les clients que par les forces de vente. Quant aux efforts de pédagogie que font les assureurs, les commerciaux doivent en être les premiers destinataires afin de pouvoir à leur tour convaincre les prospects. Nous n’insisterons pas sur la nécessité de former les réseaux sur le respect du secret médical et l’application de la convention AERAS. En revanche, expliquer les enjeux techniques de la sélection permet de développer des argumentaires de vente où la sélection est présentée au prospect comme un bénéfice plutôt qu’une contrainte. Nous en donnons ici un exemple. Lors de l’enquête citée précédemment 120, les meilleurs vendeurs de contrats dépendance interrogés ont développé des arguments pour lever les freins liés à la sélection : - 119 120 Un questionnaire médical détaillé renforce la protection de l’assuré : « il vaut mieux un QM et moins de risque d’exclusion le jour où il y a dépendance ». Il est présenté comme Dossier de presse p.16. Cf. supra « Une sélection mal vendue » p.51 75 - - nécessaire « pour la bonne acceptation du dossier », avec l’idée que l’acceptation de la souscription par l’assureur en toute connaissance de l’état de santé du proposant permet de faire jouer les garanties plus facilement en cas de sinistre. Bien sûr, cet argument fonctionne si les formalités médicales renforcées ont pour contrepartie des exclusions générales et particulières réduites. Le conseiller peut alors souligner qu’il est de l’intérêt du prospect de souscrire le plus tôt possible, pendant que son état de santé lui permet d’être accepté sans surprime ; Après avoir justifié la sélection, il est indispensable d’expliquer l’ensemble du processus et d’anticiper les éventuelles demandes complémentaires pour encourager le prospect à aller jusqu’au bout de la démarche « Le département médical peut appeler, demander d’autres renseignements ». Le prospect qui a des problèmes de santé fait souvent part de ses craintes au conseiller et a surtout besoin d’informations et de transparence. Le conseiller le prévient alors qu’il devra certainement remplir un questionnaire plus détaillé ou aller peut être chez le médecin pour obtenir un certificat. Cela lui permet ensuite de mieux faire accepter une surprime : « J’ai une bonne nouvelle, votre dossier est passé » et en cas de refus pour raison médicale, de proposer une solution d’épargne ; Certains conseillers, présentent enfin les formalités de sélection comme l’opportunité de faire un point sur sa santé. Il est vrai que les informations demandées par l’assureur peuvent permettre à une personne qui n’est pas régulièrement suivie par son médecin de contrôler ses facteurs de risque (hypertension, diabète, cholestérol). Les réseaux de vente doivent être préparés, d’une part à informer le client dans le respect des règles de déontologie propres à leur profession et d’autre part, à lever les freins à l’achat de contrats de prévoyance individuelle lié à la sélection médicale. Peuvent-ils aller plus loin et jouer un rôle actif dans le processus de sélection des risques ? Sur le site d’un courtier spécialisé en risques aggravés 121, nous pouvons lire : « votre conseiller est votre unique interlocuteur et pour une plus grande confidentialité, il est soumis au secret médical 122 ». Pour les acteurs spécialisés sur le marché des risques aggravés ou plus largement de la prévoyance individuelle, l’implication du conseiller dans toutes les étapes de la sélection peut constituer un élément de différenciation et être perçue comme un avantage par le proposant. Nous avons vu que les personnes présentant un risque se plaignaient de ne pas trouver d’interlocuteur. Le conseiller peut ainsi aider le proposant à constituer un dossier médical complet et faire le lien avec les services médicaux en cas de demandes d’informations complémentaires, à la condition bien entendu que son client l’accepte. A l’inverse, l’implication des réseaux généralistes dans le processus de sélection médical 121 Assurance de prêt solutions – APRIL http://www.april.fr 122 Nous supposons que cette dernière précision a pour objectif de rassurer les clients puisque le respect du secret médical est imposé par le Code pénal, Art. 226-13. 76 présente plutôt des inconvénients : - - cette implication prend du temps, pour aider à remplir les formulaires, suivre la procédure d’acceptation, au détriment du temps consacré à la vente, elle présente un risque de conflit d’intérêt puisqu’un proposant refusé équivaut à une vente annulée, en cas de litige, le client peut prétendre que le conseiller lui a suggéré qu’un élément de ses antécédents médicaux n’avait pas à être divulgué. Nous avons vu que certains internautes présentaient ainsi leur histoire sur les réseaux sociaux, elle implique des investissements en formation et en supports de vente. C’est notamment pour faciliter la démarche commerciale que des méthodes alternatives au processus traditionnel de recueil des informations médicales se sont développées. Des questionnaires médicaux interactifs sont disponibles dans certains points de vente (notamment les banques). Ils permettent aux proposant de remplir la déclaration seul devant un ordinateur. L’enchainement et le nombre de questions est conditionné par les réponses données. Les libellés sont cliquables pour faire apparaitre des explications. Le proposant peut ensuite imprimer et signer sa déclaration. Nous n’avons pas suffisamment d’informations sur ce dispositif pour évaluer ce qu’il apporte en termes de qualité des réponses et de satisfaction client. En revanche, les avantages et les risques de la télé-souscription ont fait l’objet d’une étude détaillée par le réassureur SCOR123 en 2010 (ci-après nommée « étude »). Au-delà de son impact sur la commercialisation des contrats de santé et de prévoyance, elle est présentée dans cette étude comme « la plus importante innovation dans le domaine de la souscription au cours de la précédente décennie ». 2.2.4 LA TELE-SOUSCRIPTION Nous n’aborderons pas dans le détail la question des solutions informatiques disponibles, de leurs performances ou des conditions de leur mise en place. Il s’agit plutôt de comprendre si ce processus de sélection peut apporter des solutions aux limites commerciales et techniques de la sélection médicale traditionnelle d’une part, et s’il peut contribuer à faire évoluer la façon dont l’assureur prend les risques de santé d’autre part. 123 (SCOR Global Life - SelectX, 2010). Le document présentant l’intégralité de l’étude est épuisé. Une synthèse est disponible sur le site du réassureur : (SCOR Global Life, 2010). Nous nous appuierons dans notre analyse sur l’étude précitée publiée par la SCOR. L’enquête, qui comportait plus de 70 questions, a été réalisée auprès des responsables de la tarification et d’autres responsables impliqués dans le processus de tarification appartenant à des compagnies d’assurance basées sur tous les continents. Plus de 360 compagnies ont participé à l’étude. Toutes les citations sont extraites de cette étude. 77 Nous distinguerons tout d’abord le « télé-entretien » de la « télé-souscription » à l’aide des définitions proposées par la SCOR : - Télé-entretien (ou Tele-interview) : « entretien téléphonique enregistré ayant pour but de recueillir des informations relatives au risque, directement auprès du proposant. » Télé-souscription 124 (ou Tele-underwriting) : « processus global utilisé pour prendre une décision de souscription à l’issue du télé-entretien ». Nous distinguerons également leurs apports à la pratique de la sélection des risques. Les apports du télé-entretien Selon l’étude 125, La méthode du télé-entretien peut avoir un impact majeur sur la qualité et la quantité des renseignements obtenus auprès du client pour les raisons suivantes : La situation de communication invite le proposant à s’exprimer plus librement sur des sujets sensibles. Il est le plus souvent chez lui, il ne voit pas son interlocuteur et ne le rencontrera jamais ; Les qualités d’empathies du télé-enquêteur et sa formation aux techniques de gestion de l’entretien téléphonique favorisent les déclarations exhaustives et honnêtes. En cas de doute sur le sens d’une question, le client obtient une explication immédiate ; La construction des scripts permet de « guider le client de manière logique à travers les questions liées aux risques. Une déclaration déclenchera toute une série de questions réflexives de type questionnaires à tiroirs permettant de creuser le sujet et d’obtenir toutes les informations nécessaires sur cette déclaration ». Un script bien conçu permet ainsi de réduire les demandes d’informations complémentaires ; L’intégration de la technique d’entretien appelée conversation management qui a trouvé sa première application en assurances pour évaluer les déclarations de sinistres. Dans le cadre de la déclaration des risques, il s’agit pour le télé-enquêteur « d’encourager [le demandeur] à faire un récit chronologique et narratif des éléments qui ont accompagné une maladie ». Pour mener l’entretien, l’enquêteur utilise « des thèmes prédéfinis plutôt que des questions formatées, (…) à chaque thème correspondent des informations obligatoires (…) un bilan du contenu enregistré est communiqué au client au cours de l’étape suivante ». Une différence significative entre les modalités de mise en œuvre du télé-entretien concerne le profil des enquêteurs qui peuvent être des infirmiers, des tarificateurs ou des opérateurs 124 Il faut distinguer la télé-souscription des opérations de télémarketing ou « vente par enregistrement » qui consistent à vendre des contrats d’assurance par téléphone. 125 (SCOR Global Life - SelectX, 2010). 78 téléphoniques spécialement formés. L’étude a ainsi mis en avant les qualités propres à chaque profil 126 : Amélioration de la relation client (empathie et compétence) Maitrise des techniques de gestion de l’entretien téléphonique Image positive pour le client Aptitude à s’écarter du script Rapidité du processus Personnel infirmier Haut Moyenne/ Grande Haute Grande Moyenne Employés de centres d’appel formés Moyen/Haut Tarificateurs Grande Moyenne Moyenne Faible Moyenne Haute Grande Grande Moyen Les apports de la télé-souscription Dans le cadre de la télé-souscription les informations collectées sont traitées par des systèmes experts qui proposent une décision que l’assureur garde toujours la responsabilité de valider. Le système permet une acceptation plus rapide des risques standards et un gain de temps pour les tarificateurs qui peuvent se concentrer sur l’examen des risques aggravés. L’intérêt de ce procédé est d’augmenter le nombre de dossier acceptés au tarif standard et de diminuer les coûts de la sélection médicale. Le schéma 127 suivant présente les bénéfices constatés en proportions risques standards/aggravés/très aggravés : Teleunderwriting: benefits 126 127 (SCOR Global Life - SelectX, 2010, p. 31) Présentation ENASS 2012 SCOR GlobalLife – Christian Mainguy. 79 Télésouscription : synthèse La télé-souscription peut apporter des réponses aux limites de la sélection classiques. Cependant, l’étude 128 n’omet pas de souligner que les inconvénients peuvent l’emporter sur les bénéfices si les conditions de succès ne sont pas respectées au niveau opérationnel : « il n’y a pas de solution standard et la réussite dépend étroitement de la manière dont le télé-entretien est mis en œuvre par l’assureur ». Nous proposons ainsi la synthèse suivante 129 : Pour le client Avantages Inconvénients Accélération des formalités d’acceptation Le délai entre l’entretien de vente et médicales. la réalisation de l’entretien de sélection peut annuler les gains de temps obtenus dans la suite du processus. Une expérience améliorée pour le client La qualité et la formation des télégrâce à « l’impression (…) d’avoir affaire à enquêteurs est déterminante. Si elle une entreprise professionnelle et efficace, est insuffisante, l’expérience peut qui s’intéresse à lui et à son confort ». s’avérer négative. Pour les conseillers Gain de temps commercial pour les réseaux. Augmentation du nombre d’affaires tarifées et donc commissionnées. Pour l’assureur Des gains sur les coûts d’acquisition grâce la réduction des frais d’examens médicaux et à la diminution des taux de renonciations. Des gains techniques avec la diminution du risque de fausse déclaration : « plus des trois quarts des compagnies [affirment que] la réduction théorique du taux de fausses déclarations se confirme en pratique et notamment pour le tabagisme » Des gains en terme d’image, si les clients acceptent mieux la sélection médicale et si le nombre de litiges en cas de sinistre diminue grâce à une meilleure compréhension des questions. 128 129 Possible réticences des conseillers commerciaux qui peuvent avoir l’impression de « perdre leur client » s’ils ne sont pas impliqués dans la mise en place du télé-entretien. L’étude précise que ces économies doivent être analysées à moyen terme car l’investissement de départ peut être élevé et dépend du type de modèle mis en place et du choix d’externaliser ou non l’ensemble du processus. Les nouvelles informations recueillies seront sous-exploitées si le manuel de tarification utilisé par l’assureur n’est pas adapté. Dans le cas d’un processus automatisé, les gains reposent sur la qualité des systèmes experts. Le télé-entretien n’étant pas encore utilisé en France, nous ne savons pas s’il sera aussi bien accepté que dans des pays où les clients sont moins réticents au principe de la sélection médicale. (SCOR Global Life - SelectX, 2010) Il s’agit ici de notre analyse et non directement de celle de l’étude pré-citée. 80 D’un point de vue opérationnel, la télé-souscription ne représente pas à notre avis une solution miracle et elle repose aussi en grande partie sur la qualité des systèmes experts. En revanche, le télé-entretien peut faire évoluer la façon dont les assureurs prennent les risques de santé en favorisant le recueil d’informations sur les modes de vie, telles que : observance des traitements, activité physique, consommation d’alcool, de tabac, choix alimentaire, habitudes de sommeil. Le schéma suivant 130 montre comment la construction thématique des guides d’entretien permet d’aborder ces différentes questions. Bien entendu les restrictions relatives au respect de la vie privée s’appliquent quel que soit le mode de recueil et les questions relatives aux préférences sexuelles restent exclues. Symptômes (passés) Impact sur le mode de vie Examens Diagnostic Traitement Symptomes (actuels) Impact sur le mode de vie On comprend alors que si le script du télé-entretien reproduit la structure des questionnaires médicaux traditionnels, sa valeur ajoutée s’en trouve diminuée. De même le bénéfice des méthodes de conversation management repose beaucoup sur la formation et l’expérience des enquêteurs. Enfin, les apports sont à nuancer selon les populations ciblées : « La valeur des téléentretiens est plus élevée pour les demandeurs plus âgés, qui ont tendance à avoir des antécédents médicaux plus complexes et donc plus d’éléments à déclarer 131». Au contraire, sur les plus jeunes c’est la possibilité de recueillir des informations sur les modes de vie qui fait la valeur ajoutée de la méthode. Le développement du télé-entretien pourrait ainsi conduire à transformer le rôle du tarificateur et à enrichir la prise en compte des modes de vie dans les manuels de tarification. 130 131 D’après celui présenté dans l’étude (SCOR Global Life - SelectX, 2010, p. X). cf. note 129. 81 CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE Seule une minorité de français considère qu’il est raisonnable de recueillir des informations sur leur santé pour souscrire une assurance en cas de décès. L’étude de témoignages exprimés sur les réseaux sociaux permet de mieux comprendre cette réticence. Pourtant, la pratique des assureurs a évolué vers une meilleure prise en compte des besoins des proposants et de leur information. Dans le cadre de la révision de la convention AERAS en 2011, des efforts ont encore été faits pour repousser les limites de l’assurabilité avec notamment la création d’une garantie invalidité sans exclusion des pathologies déclarées 132. L’enjeu est de parvenir à expliquer au public que la sélection des risques correspond à une exigence du métier d’assureur. En attendant, les questionnaires médicaux représentent un frein à la vente et à l’achat des contrats de prévoyance qui n’ont pas le caractère quasiment obligatoire de l’assurance emprunteur. L’allègement des formalités de sélection des risques serait-elle alors la solution pour favoriser le développement commercial de la prévoyance individuelle ? Les déclarations simplifiées qui évitent le passage par l’étape de l’évaluation des données médicales présentent des avantages immédiats pour le proposant et l’assureur. Mais ce que veulent surtout les consommateurs, c’est être protégés par leur assurance en cas de sinistre. Leur inquiétude sur la façon de « bien répondre » aux questionnaires de santé en témoigne. L’intérêt commun des assureurs et des assurés va dans le sens d’une évaluation précise des risques liés à la santé qui favorise une tarification juste et évite une limitation excessive des garanties. Ce n’est pas pour autant que les questionnaires et le processus de sélection doivent paraîtres compliqués. Pour améliorer à la fois l’expérience du client et la précision de l’évaluation, l’attention des assureurs doit porter sur la conception et l’administration des questionnaires ainsi que sur la capacité d’information à la demande des proposants. L’échange d’informations entre le proposant et l’assureur se fait surtout dans un sens. L’évaluation des risques de santé sera mieux acceptée et plus efficace si la réciprocité est renforcée. Sur ces points, l’implication des tarificateurs et des conseillers commerciaux est essentielle. 132 Cette nouvelle garantie constitue une double avancée pour les personnes malades : le passage d’un niveau d’étude du risque à l’autre est conditionné par le refus de la garantie décès. Avant la révision de 2011, si le décès était couvert en niveau 1 mais pas l’invalidité, le dossier n’était pas réexaminé. Désormais, la garantie incapacité/invalidité AERAS est systématiquement proposée en alternative à la garantie standard de l’assureur dès le niveau 1. De plus, la nouvelle garantie est accordée sans exclusion portant sur la pathologie déclarée au questionnaire. Ses caractéristiques sont détaillées en annexe de la convention AERAS révisée en 2011 p.34. 82 L’intérêt d’actionner ces différents leviers dépend de la stratégie de chaque assureur sur le marché de la prévoyance individuelle. Nous n’avons pas évalué les coûts qu’ils représentent car c’est un exercice que chaque assureur saura faire en fonction de son organisation. En revanche, l’amélioration des pratiques, de l'information et de la compréhension des futurs assurés est source de bénéfices pour les assureurs car elle permet : • de développer les ventes sur le marché de la prévoyance individuelle : une sélection « mieux vécue » étant « mieux vendue », • de diminuer les renonciations au cours du processus de sélection, • de diminuer le risque de litige au moment du sinistre. Elle contribue aussi dans un second temps, grâce à la pédagogie et à l’amélioration de l’image des assureurs, à mieux faire accepter la sélection médicale. Un recueil de données plus précises permettant de mieux tarifer les risques et in fine d’augmenter l’assurabilité. On voit ainsi qu’il est possible de rapprocher dans un cercle vertueux les attentes des consommateurs, les impératifs techniques des assureurs et leurs objectifs commerciaux. Au-delà de l’amélioration des pratiques, l’expérimentation de la télé-souscription montre que des évolutions majeures seront liées à la possibilité de recueillir et de traiter des informations plus nombreuses sur les modes de vie des assurés. Quelles sont les autres méthodes permettant d’obtenir ces données ? Comment peuvent-elles modifier la façon dont l’assureur prend les risques de santé ? Quelles sont les conditions d’amélioration de l’assurabilité ? Nous développerons ces sujets dans la dernière partie de notre exposé. 83 84 3 INNOVATIONS ET PROSPECTIVE Nous avons vu que les pratiques de la sélection pouvaient être améliorées pour mieux répondre aux attentes des consommateurs tout en satisfaisant aux exigences techniques des assureurs. La convention AERAS a permis d’augmenter l’assurabilité par une approche concertée réunissant les parties prenantes (assureurs, réassureurs, banques, pouvoirs publics, associations de consommateurs et de patients). Nous regarderons maintenant quelles sont les méthodes alternatives à la sélection traditionnelle à travers plusieurs cas emblématiques de récentes tendances observées dans l’assurance en France ou à l’étranger. Nous verrons que les innovations majeures sont liées aux nouvelles technologies. Pour évaluer chaque sujet nous adopterons différents points de vue : celui de l’assureur (technique et commercial), celui de la société (éthique et réglementaire) et celui du consommateur (sur l’assurance et sur sa santé). 85 86 3.1 « CONTRATS PREFERENTIELS » ET HYPER SEGMENTATION 3.1.1 PRESENTATION L’exemple Nord-américain Pierre-Yves Le Corre 133 explique comment ces contrats se sont développés aux Etats-Unis. Face aux craintes nées de l’apparition du VIH et de ses possibles ravages selon un processus mal connu, les assureurs américains ont dans les années 80 renforcé la sélection médicale et augmenté le nombre d’informations demandées. Dans les années 90, ils se sont trouvés à la tête d’une masse de données qu’ils ont commencé à analyser et exploiter pour parfaire ou sophistiquer la sélection des risques. Le principe de base consistant à diviser le groupe de risques standard en sous-catégories segmentées. Les contrats preferred que l’on peut traduire par préférentiels ou segmentés sont apparus ; ils consistent à octroyer une réduction de prime aux proposants présentant un risque minoré par rapport au risque standard. Le premier facteur de risque qui a été pris en compte et ce dès les années 70 dans la segmentation était le tabagisme. Ces travaux ont conduit à utiliser des critères plus pointus encore comme les électrocardiogrammes, les antécédents familiaux ou le mode de vie. Les tarifs préférentiels s’appuient donc sur une évaluation du risque précise et sur des questionnaires qui demandent d’emblée plus d’informations que pour une acceptation au tarif standard. L’intérêt d’offrir un tarif préférentiel est avant tout commercial car il permet d'attirer les bons risques et les précurseurs ont ainsi pu gagner des parts de marché. La technique s’est cependant vite développée car les assureurs qui ne suivaient pas voyaient leurs bons risques partir à la concurrence et se retrouvaient avec un portefeuille déséquilibré. Les compagnies se sont ainsi lancées dans une course à l’hyper segmentation. Les classes et les tarifs se sont multipliés, avec des classes preferred et super preferred, croisant aussi avec le statut fumeur ou non-fumeur. Cette technologie a cependant conduit à une certaine atomisation des classes de risques, avec la difficulté corrélative d'en avoir un suivi statistique satisfaisant. Ces évolutions étaient d'autant plus délicates à maîtriser que les tarifs tendaient, par exemple au début des années 2000, à être revus à la baisse sous la pression concurrentielle, à un rythme élevé (tous les 18 à 24 mois), fragilisant ainsi le suivi statistique et la stabilité des données d'expérience. La dérive a souvent été accrue par la pression commerciale qui poussait à rechercher, pour obtenir un meilleur prix pour le client, une classification dans la classe plus préférentielle que celle dans laquelle devait normalement se ranger le risque. 133 Entretien. 87 Les tarifs préférentiels sont le résultat d’une sophistication actuarielle et statistique qui a permis de développer de nouveaux modèles de tarification. La transformation de cette capacité de segmentation en tarif préférentiel pour les personnes en bonne santé est une innovation marketing qui a souffert d’une dérive commerciale. 3.1.2 EVALUATION Vue du consommateur Les contrats qui proposent un « good health discount 134 » s’adressent aux prospects qui sont en bonne santé et ont une bonne hygiène de vie. Ils peuvent attirer vers la prévoyance individuelle des personnes qui ne s’assurent pas car elles considèrent que les primes sont trop élevées par rapport à un risque qu’elles estiment faible 135. Ils peuvent aussi correspondre aux attentes d’une partie du public qui a un comportement individualiste et n’adhère pas au principe de la mutualisation. Ils peuvent enfin contribuer à justifier la sélection médicale présentée alors comme un moyen de payer moins. La perspective d’une réduction est en soi un argument suffisamment puissant pour attirer des consommateurs à la recherche du meilleur prix. Cependant, il peut arriver qu’un prospect connaissant mal son propre risque, se voit appliquer une surprime au lieu du rabais espéré. L’effet est alors inverse à celui recherché car au sentiment d’avoir pu être trompé s’ajoutent les désagréments de la surprime. On peut avancer que les contrats ainsi tarifés ont peu de chance d’être souscrits. Vue de l’assureur L’hyper segmentation présente un intérêt marketing évident mais, en plus des dérives commerciales constatées aux Etats-Unis, elle se heurte à un paradoxe technique. La question était posée dans la revue Risques, en introduction au chapitre « Segmentation et non-discrimination dans l'assurance » : « Quel équilibre trouver pour une entreprise d'assurance entre segmentation et mutualisation ? Le progrès des connaissances, la pression concurrentielle 134 Il serait trompeur de traduire « good health discount » par « bonus santé ». Il s’agit en effet d’un rabais consenti à la souscription et la prime n’évolue pas en fonction du comportement de l’assuré contrairement aux bonus pratiqués en assurance automobile. 135 Dans son mémoire « Assurance dépendance : comment rendre l’assurance individuelle plus attractive pour les clients et les assureurs ? », (M B A E n a s s – 2 0 0 9 - 2 0 1 1). Christelle Delfau envisage le bonus santé comme une des solutions possibles pour rendre l’assurance dépendance plus attractive. 88 et le souhait des assurés de trouver un produit correspondant le mieux possible à leurs besoins (supposés), conduisent à aller vers plus de segmentation » 136. Mais, comme le rappelle Pierre Petauton, c'est la mutualisation qui est à la base de l'assurance : « le zoom est moins utile que le grand angle ». En effet, pour poursuivre avec l’analyse de P. Petauton : « La qualité des statistiques en vue de la calibration d'un modèle et des prévisions s'appelle la robustesse. Elle risque d'être insuffisante si l'on cherche à trop segmenter 137 » D’autre part, si les bons risques bénéficient d’un tarif réduit, le périmètre de la mutualisation est alors restreint et on peut supposer que les personnes qui ont un problème de santé bénéficieront à l’opposé d’un tarif moins intéressant. Finalement, si chacun pouvait payer pour son propre risque, l’assurance serait menacée à terme. En effet, si mon risque est faible, je n’ai aucun intérêt à m’assurer ; s’il est élevé, le montant de la prime peut être dissuasif. Vue de la société Selon Pierre-Yves Le Corre 138, les contrats préférentiels ne se sont pas vraiment développés à grande échelle en France du fait des limites rencontrées face à la demande d'informations médicales. Autre écueil, le moindre enjeu que représente le marché des couvertures décès individuelles dans un marché assez largement structuré par la diffusion de couverture groupes (groupes de salariés, contrat groupe emprunteurs proposés dans les réseaux bancaires) : « On peut avancer tout d’abord que le marché est réticent, notamment pour des questions ou limites de gestion, à proposer des formes de bonus santé qui individualisent à outrance les caractéristiques des couvertures décès. En outre, faire une réduction aux personnes en parfaite santé ne revient-il pas à augmenter le tarif de ceux qui n’ont pas cette « chance », ce qui va quelque peu à l'encontre des orientations d'un marché d'esprit plutôt « mutalisant» ? ». L’hyper segmentation des tarifs augmente aussi le risque d’exclusion économique qui est difficilement acceptable d’un point de vue politique. En France Les tarifs segmentés se sont cependant développés en assurance emprunteur. La loi Murcef mettant fin au monopole des banques en 2001, d’autres acteurs se sont lancés dans la distribution d’assurances individuelles emprunteurs, notamment les courtiers grossistes (April, Solly Azar, Alptis, SPB). Les assureurs individuels ont proposé des tarifs différenciés pour concurrencer les contrats groupe bancaires. Les banques ont réagi et ont également segmenté 136 Arnaud Chneiweiss – Risques N°87, septembre 2011. Pierre Petauton (2011, septembre). Éthique, statistiques et tarification. Risques(87). 138 Entretien. 137 89 leur offre collective, par tranche d’âge pour retrouver une compétitivité sur les jeunes mais également par risque fumeur/non-fumeur. Cette segmentation est devenue un standard du marché, l’astuce étant de transformer une surprime fumeur en avantage réservé aux nonfumeurs. Parmi les facteurs de risques liés au mode de vie, le tabagisme présente l’avantage d’être assez simple à identifier mais le problème de la fiabilité de la déclaration demeure. La question est le plus souvent formulée ainsi 139 : Si au cours de l’emprunt le souscripteur arrête de fumer, il a la possibilité après 24 mois d’abstinence de bénéficier du tarif non-fumeur ; un test nicotinique doit être alors fourni à l’assureur. Les réductions appliquées aux non-fumeurs peuvent aller jusqu’à plus de 40% selon l’âge du prospect. Pour la consommation d’alcool, l’évaluation du risque est plus complexe : l’indication du nombre de verres consommés par jour n’est pas suffisante, il faudrait aussi savoir quelle est la taille du verre et quel est le type d’alcool 140. Ces informations sont trop précises pour pouvoir être recueillies de façon fiable sur un questionnaire de santé. De plus, l’apparition de tarifs pour les non-fumeurs n’a pas été mal perçue par les consommateurs. L’effet nocif du tabac sur la santé ne fait pas polémique, contrairement pas exemple à l’alcool. Par ailleurs des moyens pour accompagner l’arrêt du tabac sont mis en œuvre par les pouvoirs publics mais aussi par les assureurs (prise en charge forfaitaire des substituts nicotiniques par de nombreuses complémentaires santé). Ainsi, si l’hyper segmentation et la création de bonus santé sur le modèle nord-américain est une innovation marketing a priori séduisante, elle trouve ses limites d’un point de vue technique et social. Nous n’avons trouvé sur internet qu’une offre véritablement Préférentielle et Super Préférentielle proche des pratiques anglo-saxonnes. Il s’agit du contrat Select Emprunteur de Swiss Life, distribué en vente directe et par l’intermédiaire de courtiers. 141 Il s’agit plutôt d’une exception qui confirme que ce type d’offre n’est pas développé pas en France. 139 AIG VIE - contrat « Super novaterm crédit » - Proposition d’assurance individuelle emprunteur Ayant assisté au test d’un questionnaire de santé auprès de consommateurs, nous avons entendu une dame s’exclamer « mais le verre de vin je ne l’ai pas compté, le vin ce n’est pas comme de l’alcool ». 141 (cf. annexe p.x). 140 90 3.2 LE PILOTAGE DES RISQUES : CAS DU CONTRAT EMPRUNTEUR DE L’ASSOCIATION FRANÇAISE DES DIABETIQUES 3.2.1 PRESENTATION L’assurabilité des personnes diabétiques Si une personne diabétique est difficile à assurer, notamment pour les garanties incapacité et invalidité, c’est parce qu’un diabète non stabilisé entraine des complications telles que « cécité, atteintes des pieds pouvant conduire à des amputations, infarctus et des accidents vasculaires cérébraux, insuffisance rénale. » 142, déclenchant le versement des prestations garanties en prévoyance. Or, comme le souligne l’AFD, « un diabétique peut être un malade en bonne santé ! ». Quand les patients ont une bonne observance de leur traitement, l’apparition de complications est limitée. « Le but du traitement dans les deux cas [diabète de type 1 et diabète de type 2] est de normaliser la glycémie : les hyperglycémies répétées et prolongées entraînent à long terme une altération des nerfs et des vaisseaux sanguins présents dans tout le corps. Ce sont les complications du diabète.» 143. Le Guide Vivre avec un diabète de type 2 édité par la HAS 144 indique quel est le traitement recommandé : 142 http://www.afd.asso.fr/diabete id. 144 La Haute Autorité de Santé (HAS) est une autorité publique indépendante à caractère scientifique chargée : - de faire de la qualité un élément clé de la régulation du système de santé, - d’améliorer avec les professionnels la qualité et la sécurité des soins, - d’impliquer les patients dans la qualité en santé. http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_5071/grand-public 143 91 La surveillance du diabète implique aussi des contrôles réguliers : Selon Mme Sophie Trilleaud, responsable du service social et juridique de l’AFD : « les assureurs considèrent toujours le diabète comme un risque aggravé, sans forcément tenir compte de l’évolution et de l’amélioration des traitements.» 145 De ce fait, les conditions d’accès à l’assurance emprunteur pour les personnes diabétiques posent toujours problème, de son point de vue : « La convention AERAS ne règle pas complètement le problème d’assurabilité des personnes atteintes de maladies chroniques, elle permet de s’assurer moyennant une surprime, ce qui peut être une contrainte pour des budgets serrés. »id. Le contrat emprunteur de l’AFD Le contrat groupe souscrit par l’AFD pour ses adhérents couvre les personnes diabétiques sans exclusion, ni surprime. Il cible les patients qui suivent leur traitement et qui ont par conséquent les meilleures chances de stabiliser leur diabète et d’éviter les complications. Les garanties et les conditions d’adhésion sont résumées sur le site de l’AFD 146 : L’AFD, en partenariat avec le cabinet de courtage EURODITAS, a négocié un contrat d’assurance emprunteur pour les personnes diabétiques dans lequel le barème nécessaire à l'évaluation médicale a été élaboré en concertation. Les décisions médicales sont personnalisées après étude du dossier médical du demandeur par le médecin conseil de l’assureur. Il permet d’assurer des prêts personnels (durée maximum 25 ans), comme des prêts professionnels (durée maximum 15 ans), des prêts immobiliers ou à la consommation, des prêts relais ou des prêts « in fine ». Il propose au choix deux niveaux de garanties : le premier couvre le décès et la perte totale et irréversible d’autonomie – PTIA (Option 1), le second couvre en plus l’arrêt de travail, y compris lorsqu'il est lié au diabète (option 2). Pour souscrire à ce contrat d’assurance, il faut : être adhérent de l’AFD (et le rester pendant toute la durée du prêt), 145 Interview de Sophie Trilleaud réalisée le 8 janvier 2013 ( (Trilleaud, 2013). AFD. Le contrat d’assurance emprunteur et la convention AERAS. Consulté le 03 02, 2013, sur afd.asso.fr: http://www.afd.asso.fr/diabete-et/assurances/prets (AFD). 146 92 présenter un dossier médical complet lors de la demande d’assurance, s’engager à passer tous les ans un bilan complet pour le diabète (et en fournir la preuve à la demande de l’assureur) L’objectif est atteint car, précise Mme Sophie Trilleaud : « si le contrat ne peut couvrir l’ensemble de la population diabétique, il n’existe pas, à notre connaissance, de contrat qui assure les personnes diabétiques sans surprime, aucun adhérent ne nous a jamais signalé un contrat avec de meilleures conditions ». Le courtier EURODITAS nous a en effet confirmé que « les refus et les surprimes étaient l’exception » 147, d’ailleurs il n’y a jamais eu de questions sur la motivation des majorations car les adhérents « sont contents d’être assurés.» id. Par ailleurs, nous supposons que l’amélioration des conditions d’accès à l’assurance emprunteur permise par le contrat reste compatible avec des critères de rentabilité acceptables pour l'assureur (Allianz) puisque le contrat existe depuis 10 ans. Le contrat présente aussi des résultats commerciaux intéressants puisque le courtier nous a précisé que « les ventes sont stables en dépit d’une baisse du marché immobilier » 148. Nous avons interrogé l’AFD et le courtier EURODITAS pour comprendre les conditions de cette réussite. Deux facteurs se dégagent : La connaissance et le pilotage du risque La condition pour proposer un contrat meilleur que les autres en termes d’assurabilité, c’est la connaissance du risque. « Quand l’assureur connait mal le risque, il augmente sa marge. » 149. En l’occurrence, le contrat a été conçu en collaboration avec un spécialiste du diabète, le le Pr Vexiau 150, l’actualisation des connaissances médicales fait l’objet de rencontres régulières entre le médecin conseil et le clinicien. Les résultats du contrat sont vérifiés et suivis en collaboration avec l’AFD, cette démarche ayant déjà conduit à réviser le contrat depuis sa création. L’originalité du contrat est de tenir compte du respect, dans la durée, des conditions d’acceptation pour souscrire, car l’assuré doit s’engager à passer tous les ans un bilan complet : « Ce qu’on lui demande, c’est d’assurer le bon suivi de son traitement, c’est ce que fait tout diabétique soucieux de sa santé, ce n’est donc pas une contrainte. » 151 Le respect du protocole de suivi de la maladie peut être objectivé de façon simple et efficace. 147 (EURODITAS, 2013). id. 149 id. 150 Pr Patrick Vexiau - Chef du service d’Endocrinologie de l’hôpital Saint-Louis. La Diabétologie représentant 90% de l’activité d’hospitalisation traditionnelle et 60% de l’activité hôpital de jour. http://portail-web.aphp.fr Secrétaire Général de l’AFD, il est décédé en octobre 2012. 151 (Trilleaud, 2013). 148 93 Tous les ans une fiche de suivi est envoyée par l’assureur. Le document reprend les éléments de suivi annuels défini par la HAS 152, le médecin de l’assuré, le plus souvent diabétologue, indique en cochant les cases correspondantes si les examens recommandés ont été passés. L’assuré doit conserver le document et, en cas de sinistre, présenter les 5 dernières attestations à l’assureur. La connaissance des attentes des personnes diabétiques Selon Jean-Michel Menanteau, responsable d’EURODITAS, c’est « la capacité d’écoute et l’empathie » qui font la différence auprès des assurés au-delà des conditions contractuelles. Nous avons vu qu’un projet immobilier était notoirement plus stressant pour les personnes malades qui ont donc un plus grand besoin d’être accompagnées. Mme Annick Delloup chez EURODITAS en témoigne : « on les a tout le temps au téléphone ». Le courtier n’est pas habilité au secret médical et les échanges se font directement avec l’assureur. Les rares cas de demandes de motivation de la décision de l’assureur concernent les refus. Les proposants sont alors orientés vers le médecin conseil de l’assureur et il est arrivé que des dossiers soient revus en concertation avec l’endocrinologue. En revanche, EURODITAS conçoit avec l’AFD tous les documents contractuels et d’information : « L’important c’est la transparence vis-à-vis de l’assuré ». Dans ce cadre, la clarté et la précision des questionnaires est un point de vigilance : « on vérifie qu’on ne leur demande pas 3 fois la même chose ». Avant leur validation, les questionnaires médicaux sont aussi revus avec l’AFD ce qui permet de tenir compte de la capacité de compréhension des personnes diabétiques. Dans le cas du contrat emprunteur AFD, c’est la prise en compte du comportement de l’assuré après la souscription qui constitue une nouveauté par rapport à la sélection traditionnelle et qui permet à l’assureur de piloter le risque. 3.2.2 EVALUATION Vue de l’assureur Plusieurs courtiers sont positionnés sur l’assurance des risques aggravés. MetLife propose sur internet une assurance de prêt « problèmes de santé » 153. Les prospects peuvent télécharger directement sur le site le questionnaire qui correspond à leur pathologie. April procède de la 152 153 Cf. supra p. 92 http://www.metlife.fr/particuliers/assurance-credit-pret/votre-projet/assurance-de-pret-problemes-de-sante 94 même manière avec le contrat Solutions 154. Les documents concernant le diabète comportent quatre pages de questions détaillées et précisent les résultats d’examens qui doivent être fournis (voir le questionnaire d’April en annexe p.136). Le plus souvent, le demandeur remplira le questionnaire avec le médecin qui suit sa maladie limitant ainsi les problèmes d’incompréhension. Les formalités de sélection sont donc plus lourdes mais sont mieux acceptées par les personnes malades qui ont ainsi l’espoir que leur état sera évalué et tarifé avec précision et justesse. De plus, dans le cas de l’assurance emprunteur, une personne qui demande directement une tarification à un assureur spécialisé gagne du temps puisque le niveau de sélection correspond déjà au niveau 2 de la convention AERAS. La connaissance du risque donne à l’assureur un avantage tarifaire par rapport à ses concurrents qui refuseront le risque ou demanderons une surprime dissuasive. Il peut ainsi attirer des clients sans diminuer sa marge technique car les personnes présentant un risque aggravé acceptent de payer une prime plus élevée pour pouvoir accéder l’assurance. L’innovation dans l’acceptation des personnes avec problème de santé présente des avantages en termes de gain technique et de potentiel commercial. La contrepartie réside dans les investissements nécessaires pour acquérir la connaissance épidémiologique des différentes pathologies ; investissement cependant rarement à la portée de la plupart des assureurs du fait de l'étendue des connaissances nécessaires et du travail de construction de bases techniques. Les risques aggravés sont ainsi souvent réassurés car c'est en fait le moyen d'accéder à la technologie et aux connaissances pointues nécessaires à la tarification de ces risques aggravés. Ces savoir-faire ont justement ont été développées la plupart des réassureurs, plus spécialisés sur cette partie de l'activité d'assurance. Les manuels, outils de tarification et la technicité des équipes de sélection des réassureurs (médecins et tarificateurs) illustrent cette spécialisation. Vue de la société Les contrats qui visent à améliorer l’assurabilité vont bien entendu dans le sens de la demande exprimée par les associations de personnes malades et les pouvoirs publics dans le cadre de la convention AERAS. En ce qui concerne le diabète, l’enjeu social est de taille. L’analyse la plus récente de l’Assurance maladie porte sur les personnes en affection de longue durée au 31 décembre 2008 : 1.640.716 personnes étaient en ALD au titre d’un diabète de type 1 ou 2, soit près de 20% de l’ensemble des personnes en ALD (8,3 millions). De plus, « dans un contexte d’augmentation du surpoids et de l’obésité, il est à craindre que la forte augmentation du diabète de type 2 en ALD (+8,4 % par 154 http://www.april.fr/assurance-pret/assurance-de-pret-solutions 95 an et premier rang des maladies en ALD30 […]) continue à un rythme de progression annuel de l’ordre de 8 %, rythme qui intègre la progression de l’incidence 155 mais aussi la baisse de la mortalité. » 156 La fiche de suivi annuelle exigée par le contrat AFD respecte le secret médical et la vie privée car elle ne comporte ni données médicales, ni informations sur l’hygiène de vie. De plus, elle porte sur un élément (la surveillance de la maladie par la réalisation de bilans réguliers) qui présente un lien de causalité évident avec la réduction des risques de complication du diabète. Vue des personnes malades Les conditions d’acceptation réussissent à tenir compte du comportement de la personne diabétique à l’égard de sa maladie sans lui imposer de formalités intrusives. En effet, insiste Mme Sophie Trilleaud : « La vérification se fait sur des informations médicales. Si l’assureur demande l’HbA1c 157, il verra si la personne fait attention ou non. La prise de risque doit se faire sur des critères médicaux ». Les conditions de souscriptions au contrat qui impliquent l’adhésion à l’association peuvent aussi avoir un impact positif sur le risque. Le plus souvent les proposants deviennent adhérents au moment de la souscription ; ils sont peut-être plus motivés par l’accès à l’assurance emprunteur que par les services proposés par l’AFD. Cependant, le fait de devenir membre de l’AFD peut aider les assurés à gérer leur maladie avec plus d’efficacité car l’association « considère les patients comme acteurs de leur santé et développe des programmes patients experts qui proposent aux personnes diabétiques de se former. » 158 3.2.3 PROSPECTIVE Avec la chronicisation croissante d'un certain nombre de maladies et le vieillissement de la population, l’assurabilité des personnes malades est un enjeu majeur pour l’assurance. Si l’espérance de vie s’allonge, c’est aussi parce que les progrès de la médecine permettent de vivre dans de bonnes conditions avec des maladies comme certains cancers ou le VIH. L’exemple du contrat emprunteur de l’AFD peut servir de base à une réflexion sur les pistes 155 Incidence : nombre de nouveaux cas par an. Points de repère – N°27 – décembre 2009. 157 « Etude des rapports entre les maladies et les facteurs susceptibles d’exercer une influence sur leur fréquence, leur distribution, leur évolution » - Dictionnaire Robert. 158 (Trilleaud, 2013). 156 96 d’innovation dans l’acceptation des risques aggravés. Les partenariats entre assureurs, associations de malades et praticiens Cette collaboration présente le double avantage de favoriser la connaissance de la pathologie et la compréhension des besoins et des attentes des malades. Le cabinet EURODITAS envisage d’ailleurs d’étendre son expérience à l’assurance d’autres risques comme la maladie de Crohn ou l’épilepsie. En septembre 2011 l’assureur, MetLife a annoncé son partenariat avec la Ligue contre le cancer pour « faciliter l’accès à l’assurance emprunteur pour les personnes touchées par la maladie..» 159 Si MetLife France « s’est doté d’une Direction spécifique Risques Aggravés » et entend poursuivre le développement « d’offres sur-mesure adaptées aux dossiers « hors normes »id., il n’est pas fait mention de la création d’un contrat groupe sur le modèle de celui de l’AFD. L’accompagnement des malades par l’assureur Au-delà du simple constat du suivi du protocole de soin, les assureurs pourraient-ils jouer un rôle dans l’application de ce protocole ? Le diabète fait partie des problèmes de santé dont les facteurs de risques sont en grande partie liés aux modes de vie 160. L’activité physique et les habitudes alimentaires font aussi partie intégrantes du traitement du diabète de type 2 : des mesures hygiéno-diététiques sont recommandées dans un premier temps puis, si elles ne suffisent pas à stabiliser la glycémie, des médicaments sont prescrits. Les contrats qui assurent les personnes diabétiques pourraient comporter des prestations de coaching pour aider les patients à appliquer les mesures hygiéno-diététiques indispensables à la prévention des complications du diabète. Le besoin existe, car reconnait Mme Sophie Trilleaud, « pour le diabète de type 2, qui touche une population plus âgée que le type 1, les habitudes sont plus difficiles à changer ». Pour la responsable juridique et social de l’AFD, de tels programmes pourraient cependant être mal perçus par les assurés : « Les personnes diabétiques sont souvent pointées du doigt : ‘’ c’est parce que tu as trop mangé, parce que tu n’as pas fait de sport que tu es devenu diabétique ‘’ mais ces questions de sédentarité nous concernent tous finalement. Quelqu’un qui va manger gras toute sa vie ou beaucoup fumer ou boire est-il moins ‘à risque’ qu’une personne diabétique ? » 161. 159 http://www.metlife.fr/groupe-metlife/espace-presse/ L’origine des diabètes est multifactorielle : l’apparition du diabète résulte d’une interaction entre facteurs génétiques et facteurs environnementaux. La survenance du diabète de type 1 qui est une maladie génétique auto immune, n’est en rien liée à une mauvaise hygiène de vie ; et si « le surpoids, l’obésité et le manque d’activité physique sont la cause révélatrice du diabète de type 2 », c’est uniquement « chez des sujets génétiquement prédisposés. » (AFD, 2013). 161 (Trilleaud, 2013). 160 97 En conclusion, même si l’activité physique et l’équilibre alimentaire font partie intégrante du traitement, proposer des prestations qui vont dans ce sens aux personnes déjà malades peut avoir un effet culpabilisateur. L’assureur a un rôle légitime dans la prévention des comportements à risque (tabac, alcool, sédentarité, alimentation) mais ce rôle doit viser tous les assurés. Pour les personnes malades, d’autres prestations peuvent soutenir l’observance du traitement. Les progrès technologiques permettent de simplifier le suivi des maladies chroniques et d’en améliorer l’efficacité, notamment par le développement d’outils d’automesure. Nous nous attarderons sur un dispositif développé à l’intention des personnes diabétiques pour montrer comment de nouveaux modes de prévention secondaire 162 peuvent réduire le risque d’évolution défavorable d’une pathologie et comment l’impact de la prévention peut commencer à être mesuré. C’est le cas par exemple du dispositif diabeo®. Il s’agit d’une solution multi-technologique créée par des experts cliniciens et des spécialistes de l'informatique médicale afin de fournir aux médecins et à leurs patients de nouveaux outils pour aider à un meilleur suivi du diabète. Le dispositif aide les patients à mieux maîtriser leur traitement, à calculer leurs doses d’insuline et à choisir librement leur régime alimentaire. 163 162 163 Cf. p.163 http://www.sanofi-diabete.fr/web/telemedecine/engagement 98 Diabeo® repose sur trois systèmes : - 164 une application smartphone pour aider le patient à définir la juste dose d’insuline 164, un portail web à la disposition du médecin, une plateforme de télésuivi permettant aux infirmiers d’accompagner les patients. " La solution multi-technologique en pratique : Elle calcule et propose aux patients la dose d'insuline adaptée selon le protocole prescrit par leur médecin. Le patient peut accepter ou refuser cette proposition. Il peut également saisir une note dans son carnet visible par son médecin (par exemple la raison d'une hypoglycémie détectée ...). L'algorithme utilise des résultats de glycémie afin de proposer une adaptation automatique et personnalisée des doses d'insuline basale et d'insuline rapide (liée au repas). " Source : http://www.sanofi-diabete.fr/web/telemedecine/engagement/solutions 99 La solution a été évaluée dans une étude de concept (cf. annexe p.131) et « une amélioration importante du contrôle de la glycémie a été obtenue en 6 mois, avec une baisse moyenne de l’HbA1c de 0,9% dans le groupe de la solution multi-technologique avec suivi téléphonique délégué à des infirmiers en télédiabétologie » Un article du quotidien Le Monde publié en janvier 2013 dresse l’état des lieux des « dispositifs intelligents pour diabétiques ». Il cite le Pr Pierre-Yves Benhamou (service d'endocrinologiediabétologie, CHU de Grenoble), pour qui : « il ne fait pas de doute que ces glucomètressmartphones sont l'avenir de la mesure de la glycémie. Ces dispositifs permettront au patient de calculer la bonne dose d'insuline, et vont s'imposer à court terme, même si se pose évidemment la question de leur remboursement » 165. L’objectif pour le système diabeo® est d’être remboursé par l’Assurance maladie. A cet effet, une étude sur deux ans va être lancée au premier trimestre de cette année. Les solutions technologiques existent pour améliorer le traitement du diabète mais elles peinent à trouver un modèle économique. Les assureurs pourraient participer à leur financement en incluant l’accès à ce type de service dans leurs garanties de prévoyance. En effet, ce sont des contrats qui courent sur plusieurs années et pour lesquels la prévention des complications d’une maladie qui peut se déclarer en cours de contrat a un impact sur la survenance des risques couverts (incapacité, invalidité, dépendance). De plus, le fait d’accompagner l’assuré dans la gestion de sa maladie ne peut que renforcer sa fidélité qui a également un impact sur la rentabilité des contrats 166. Conclusion L’acceptation des risques aggravés peut être profitable pour l’assureur à condition qu’il connaisse l’épidémiologie de la maladie et les attentes des patients. Les personnes malades demandent avant tout à l’assureur de savoir évaluer leur risque afin de le tarifer avec justesse et acceptent pour cela de fournir des informations médicales détaillées. La sélection ne devrait donc pas être un obstacle au développement du marché des risques aggravés de santé. La demande en France est tirée par l’assurance emprunteur car le délai de réponse est essentiel et les contrats individuels spécialisés permettent aux emprunteurs de gagner du temps. Certains 165 « Dispositifs intelligents pour diabétiques » - Le Monde – 5 janvier 2013. A l’inverse, l’intérêt du modèle pour les contrats d’assurance maladie complémentaire est limité car ils ne sont pas impactés par les conséquences invalidantes des ALD. En prévention de l’entrée en ALD, la mise à disposition de ce type d’outil n’a pas non plus de conséquences sur l’équilibre des contrats puisque les ALD sont prises en charge à 100% par la Sécurité sociale. Bien entendu si diabéo® était pris en charge par la Sécurité sociale les AMC seraient amenées à rembourser au minimum le ticket modérateur. Cependant, nous doutons que des dépenses supplémentaires puissent être engagées par l’assurance maladie dans un contexte de réduction des déficits. 166 100 acteurs ont ainsi pu transformer les contraintes imposées par la convention AERAS en avantages concurrentiels. La prise en compte de l’observance du traitement après la souscription dans l’acceptation du risque représente un progrès pour toutes les parties prenantes. Cette condition ne parait pas intrusive ou illégitime tant qu’elle se cale sur les recommandations de suivi de la HAS et ne comporte pas d’informations médicales. L’accompagnement du malade relève des professionnels de santé ou des associations de malades. Encore faut-il y avoir accès. C’est pourquoi il parait opportun de proposer aux assurés des services permettant d’une part d’être orientés dans le parcours de soins et d’autre part de faciliter l’observance grâce aux nouvelles technologies. Le coût de ces services peut être compensé et financé par le gain espéré sur la sinistralité. Leur développement à court terme sera donc limité par la possibilité de s’appuyer sur des études qui prouvent leur efficience. 101 102 3.3 « PREDICTIVE UNDERWRITING » ET CIBLAGE DES RISQUES 3.3.1 PRESENTATION « On peut considérer le phénomène du « big data » pour l‘assurance comme le passage d'une relative aridité où peu d'informations sur le client étaient finalement disponibles dans les bases de l'assureur à un véritable déluge de données concernant les individus » 167. Comme en témoigne un responsable de projet marketing clients chez MMA : « Nous sommes innervés de données provenant de sources diverses, en complément de celles que nous utilisons pour tarifer nos risques. Réseaux sociaux, sites web du groupe et demain ceux de nos partenaires affinitaires viendront enrichir ces gisements 168 ». C’est notamment le développement du web 2.0 et de la mobilité numérique qui explique la croissance exponentielle du volume de données que nous produisons : « Selon une observation bien partagée, nous produisons autant de données aujourd'hui qu'en 2.000 ans d'histoire 169. » L’exploitation de ces données est complexe en raison de leur volumétrie mais aussi de la diversité des formats (images, par exemple). Elles ne peuvent pas être exploitées dans des bases de données classiques qui ont des performances insuffisantes et génèrent des coûts de traitement élevés. Les progrès technologiques170 ont permis de lever ces freins. La question qui se pose à l’assurance aujourd’hui est celle de l’utilisation de ces données. Le big data peut-il avoir un impact sur la sélection des risques de santé ? Encore une fois, l’exemple vient des pays anglo-saxons qui expérimentent déjà la méthode du predictive underwriting. Le principe est celui d’une recherche des corrélations statistiques entre une donnée à prédire (l'état de santé que cherche habituellement à cerner la sélection médicale) et des données non médicales (données prédictives). L'étude est conduite en analysant ces données non médicales sur un échantillon d'assurés ayant fait l'objet d'une sélection médicale, afin de faire émerger de telles corrélations. Une fois le modèle construit, il est possible de de calculer quelle part d’une population présente 167 Conférence du LAB. (2013, 02 19). Big Data : Quels usages pour l'Assurance ? Quels impacts et quels enjeux pour les assureurs ? 168 « Etes-vous prêt pour le big data ? » - La Tribune de l'assurance – Janvier 2013. 169 (Etes-vous prêt pour le big data ?, 2013). Il s’agit notamment des « bases NoSQL » et du « Cloud » mais ne rentrerons pas plus dans le détail de ces technologies qui dépassent le cadre de notre sujet. 170 103 un certain niveau de risque à partir des seules données non médicales. Dans l’exemple cidessous qui vient d’un grand réassureur international, les données externes sont issues, entre autres, d’un fichier de transactions bancaires. Le graphique ci-dessous illustre le résultat de la modélisation. La population peut être découpée en segments caractérisés par le degré de risque qu’elle présente. Ainsi, le meilleur segment (5 premiers centiles) correspond à 5% de risques non standards alors que l’ensemble de la population non scorée et non évaluée contient 14% de risques non standards. Percentage of goods/bads Fictional model output 100 95 Declin ed 100+ 90 85 51-99 80 Up to 50 75 70 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95 100 Model Output by 5 percentile All 104 Le modèle permet ainsi d’évaluer le risque sur un groupe sans recourir à des informations médicales. Les données corrélées peuvent avoir un lien de causalité assez indirect avec l’état de santé. En l’occurrence, la fréquence des retraits effectués avec une carte bancaire s’avère être une des données prédictives retenues par le modèle (elle témoigne sans doute du fait que le porteur de la carte est actif donc en assez bonne santé). Le predictive underwrting ne remplace pas la sélection médicale : une déclaration de bonne santé est au moins exigée et l’éventuel refus de l’assureur sera basé sur la déclaration individuelle. Il permet de cibler une population a priori moins à risque et de simplifier les formalités de sélection médicale. Le big data permet d’élargir les sources et la nature des données utilisées par le modèle mais le principe de la modélisation reste le même. Il a apparemment été testé avec succès par l’assureur Aviva aux Etats-Unis : « Une enquête portant sur les conditions d'éligibilité à un contrat d'assurance emprunteur avait considéré les méthodes classiques d'analyse médicales et celle prenant en compte l'approche big data. L'objectif était d'établir un modèle d'analyse prédictive permettant de réduire les coûts de sélection des clients. Pour chacune de ces approches, 30 000 dossiers de candidats ont été passés au crible. A l'arrivée, le même résultat est obtenu, les données publiques de Deloitte (données marketing relatives aux habitudes de consommation, historique des données inhérentes à d'autres demandes de souscription de contrats, etc.) ayant nécessité un investissement très largement inférieur à celui de la méthode traditionnelle. » 171 Comme pour l’hyper segmentation, le point de départ du predictive underwriting est la capacité de construire un modèle statistique à partir d’une grande quantité de données. La différence est que les good health discount s’appuient sur un modèle qui va segmenter les classes de risques en fonction de données médicales et nécessite que le prospect remplisse un questionnaire de santé détaillé. Le predictive underwriting repose sur des modèles probabilistes qui vont scorer le niveau de risque en fonction de données qui proviennent de sources externes diverses et ne sont pas médicales. Le bénéfice attendu étant justement de réduire les formalités de sélection médicale. 3.3.2 EVALUATION Enjeux réglementaires Dans le cas du predictive underwriting une question importante est de savoir quelles sont les 171 Etude conduite par Deloitte pour le compte d'Aviva. (Etes-vous prêt pour le big data ?, 2013). 105 contraintes réglementaires qui s’appliquent en France à un tel traitement des données. Données personnelles Une multitude de données non médicales peuvent, au sens statistique, être prédictives de l’état de santé d’une personne. En voici quelques exemples : les bases de transaction des grandes enseignes du e-commerce (les données de consommation sont révélatrices du mode de vie : alimentation et activité physique), les données de navigation recueillies par des sites web grand public traitant de santé, les données envoyées à une plateforme web par les objets connecté (cardiofréquencemètre, podomètre …). Ces informations ne peuvent être utilisées à des fins de ciblage que si celui qui les produit s’est identifié auprès de l’organisme qui collecte les données. Il s’agit donc de données à caractère personnel 172 protégées par loi Informatique et Liberté. Cela implique que la personne consente 173 au traitement automatisé de ses données lors de leur collecte. D’autre part, la finalité du traitement doit être « déterminé, explicite et légitime » et les données « adéquates, pertinentes et non excessives 174 » au regard de la finalité poursuivie. Dans le cas du predictive underwriting, il est très probable qu’une autorisation ou un nihil obstat de la CNIL soit requise 175. En effet, il n’est pas certain que le predictive underwriting puisse être aisément assimilé à une opération de ciblage marketing. L’intérêt du marketing direct est d’utiliser des critères de ciblage qui permettent d’optimiser les taux de conversion et d’adresser des messages personnalisés en fonction de segments de population prédéfinis. Dans le cas du predicitive underwriting la personnalisation du message concerne les formalités de déclaration d’état de santé. Il nous semble donc que la finalité du traitement ne rentre pas dans le cadre classique d’une opération de prospection. Vue du consommateur Le predictive underwriting, permet de réduire les formalités de sélection médicale. 172 Donnée à caractère personnel : toute information relative à une personne physique identifiée ou susceptible de l’être, directement ou indirectement par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propre – loi n°78-17 du 6 janvier 1978 - art.2 - al.2. 173 L78-17 – art. 7. La DIRECTIVE 95/46/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 24 octobre 1995 précise «consentement de la personne concernée : toute manifestation de volonté, libre, spécifique et informée par laquelle la personne concernée accepte que des données à caractère personnel la concernant fassent l'objet d'un traitement. » art.2 (h). 174 L78-17 – art.6 – al. 2 et 3. 175 Voir les formalités de déclaration d’un traitement à la CNIL en annexe p. x. 106 En matière de sélection médicale, les pays anglo-saxons pratiquent le full underwriting. On voit dans le tableau ci-dessous que le formulaire classique de déclaration du risque comprend plus 20 questions et prend 45 mn à remplir. Ce n’est pas le cas en France où ce type de questionnaire n’est utilisé que pour des capitaux élevés ou pour des personnes présentant un problème de santé. Pour des offres d’assurance simples vendues en direct, les questionnaires simplifiés et les déclarations d’état de santé sont déjà la norme 176. Categories Number of questions Time taken to complete Point of sale acceptance Guaranteed claims payments Number of products offered Advised/Non advised sale Issue of non-disclosure Typical paper application 20+ up to 45 mins up to 40% up to 70% Many Advised High PredictiveUnderwriting proposition 1 – 5 tick-box <1 min 100% of those who confirm good health Up to 100% 1 Non advised Significantly reduced En France, le bénéfice du predicitve underwriting pour le client n’est pas flagrant et parait insuffisant pour qu’il accepte que ses données personnelles soient utilisées à des fins de sélection. Vue de l’assureur Les assureurs ont-il intérêt à utiliser cette méthode en France ? L’avantage est de pouvoir scorer un fichier de prospects pour proposer aux segments les moins à risque des formalités de sélection allégée. L’intérêt est donc limité pour les assureurs dont la vente directe n’est pas un canal de distribution stratégique. Nous avons vu aussi que l’intérêt pour le prospect était limité et que la législation exigeait son consentement. Le rapport entre ce que le consommateur a à gagner (un allègement minime des formalités par rapport à celles qui sont déjà pratiquées) et à perdre (confidentialité de la vie privée) ne penche pas en faveur de l’acceptation de la démarche par les consommateurs. D’autre part, la méthode pose des questions de conformité avec la loi informatique et libertés qui restent à résoudre. Pour ces trois raisons la méthode du predictive underwriting telle que nous l’avons décrite ne nous semble présenter en France à brève échéance une alternative à la sélection traditionnelle des risques de santé en prévoyance individuelle. 176 Cf. supra p.24 Le choix des formalités de sélection. 107 3.3.3 PROSPECTIVE : BIG DATA ET ASSURANCE Big data et connaissance client La principale application de la révolution big data à l’assurance concerne le marketing. « Connaissance client », ce sont les mots qui reviennent le plus souvent dans l’article « Etes-vous prêt pour le big data ?» paru en janvier 2013 dans La Tribune de l'assurance. Comme le souligne Gontran Peubez chez Deloitte 177 , le comportement des assurés est générateur de risques pour l’assureur : risque de sinistralité bien entendu mais aussi risque d’attrition, de fraude, de tarification. Les modèles statistiques prédictifs permettent de les anticiper et de mettre en œuvre des actions pour les prévenir. D’autre part, l’analyse fine des données comportementales permet aussi d’identifier de nouvelles cibles et d’innover dans la création d’offres plus personnalisées. Le schéma suivant réalisé par Deloitte montre comment la connaissance clients amplifiée par le big data contribue à créer de la valeur pour l’assureur tout au long du cycle de vie du client 178 : 177 « Faire parler les données pour maximiser la valeur ». Matinée - conférence – Big Data : quels usages concrets pour l’assurance ? – 19 février 2013 – Deloitte (LAB, 2013). 178 id. 108 Big data et big brother Quand on parle de big data, le thème du big brother dénoncé par George Orwell n’est pas loin. Le Baromètre de la confiance des Français dans le numérique 179 révèle plutôt une défiance des français à l’égard de l’utilisation que peuvent faire les marques de leurs données. L’enquête souligne ainsi que « L’aspect « conservation des données » bien que secondaire, a progressé significativement depuis la dernière vague » 180. La défiance est également forte à l’égard des réseaux sociaux, mais paradoxalement, « cette identification des risques n’empêche pas l’usage »id. et dans 86% des cas, « les utilisateurs de réseaux sociaux se présentent sous leur véritable identité » id.. Le big data représente une opportunité pour les assureurs mais s’ils restent encore frileux quant à l’exploitation de toutes les données qu’ils peuvent collecter sur leur clients. C’est entre autre parce qu’ils sont sensibles aux risques d’image relève 181 Gontran Peubez de Deloitte Le témoignage du responsable marketing réseaux de la MACIF va en ce sens : « Les données de tarification enregistrées sur notre site web sont volontairement inexploitées à des fins commerciales, pour des raisons d'éthique. A des fins marketing, nous exploitons uniquement celles laissées volontairement dans l'espace privé du sociétaire. De la même manière, le parcours du client sur notre site est suivi dans une logique anonyme » 182 Pourtant, souligne Gontran Peubez, ce qu’impose le règlement européen 183 ce n’est pas une interdiction mais la maîtrise des processus et il insiste sur la nécessité de mettre en place dans les entreprise d’assurance une véritable politique de « gouvernance des données ». Elle comprend aussi bien les questions de conformité réglementaire que celles de la gestion de la 179 Acsel/Caisse des dépôts - Baromètre de la confiance des Français dans le numérique - Vague 2 - Conférence du 19 octobre 2011. 180 id. 181 (LAB, 2013). 182 (Etes-vous prêt pour le big data ?, 2013). 183 DIRECTIVE 95/46/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 24 octobre 1995. 109 qualité des données et de la responsabilité de l’entreprise pour « s’assurer que les données sont justes et cohérentes ». Si la gouvernance des données est indispensable, elle n’est pas suffisante pour que les consommateurs autorisent les assureurs à accéder à cette mine d’or que représentent les données sur les styles de vie. Daniel KAPLAN, Délégué Général FING 184 souligne qu’avec le big data, l’entreprise devient plus intelligente mais elle ne le rend pas aux consommateurs. La défiance se manifeste à l’égard des organisations car elles ont « tué le dialogue » : « si on a plein de données, pourquoi parler au client ? » 185. Ainsi est-ce par manque d’information que le consommateur se retranche dans des espaces de communications comme les forums où les marques n’ont pas accès. Daniel Kaplan conclut que « l’usage asymétrique des données casse la confianceid.id. ». Nous retiendrons que l’assuré n’acceptera de partager des informations personnelle que si la relation établie avec l’assureur repose sur : • la confiance, • la transparence, • la réciprocité. Conclusion Le big data appliqué à l’assurance permet de développer des outils de ciblage et de fidélisation. Offre-t-il une alternative à la sélection des risques santé ? Reproduit tel quel, le modèle anglosaxon du predictive underwriting ne semble pas conforme à notre cadre réglementaire et éthique français. Pourtant, la démarche consistant à tenir compte de données comportementales dans l’acceptation des risques santé a un sens. L’épidémiologie montre bien le poids déterminant des modes de vie dans la survenance des risques de morbidité et de mortalité. Elle correspond aussi à la demande du législateur européen d’évaluer les risques à partir de variables explicatives. Comme le remarque Romain Durand, l’arrêt Test-achats du 1er mars 2012 relatif à la nondiscrimination hommes/femmes : « rappelle aux assureurs (qui en étaient évidemment conscients) que la constatation d'une corrélation ne saurait créer un lien de causalité, et qu'en absence de ce lien l'égalité de traitement ne saurait être invoquée. L'opinion qui accompagne l'arrêt suggère un travail fondé sur une approche plus comportementale 186 de la tarification. 184 Fondation internet nouvelle génération « Créée en 2000 par une équipe d’entrepreneurs et d’experts, la Fing est un think tank de référence sur les transformations numériques » - http://fing.org/ 185 (LAB, 2013). 186 « the life expectancy of insured persons, which is of particular interest in the present case, is strongly 110 Mais cette voie est-elle réellement ouverte ? La protection de la vie privée permet-elle vraiment de la suivre ? » 187 . Selon lui, les attendus de l’arrêt expriment quelque chose de profond : les individus n’acceptent plus d’être rangés dans des catégories, d’être rattachés à un groupe dont ils ne partagent pas les caractéristiques 188. La prise en compte des modes de vie dans l’offre de prévoyance individuelle peut ainsi correspondre aux attentes d’une partie du public qui valorise les offres commerciales personnalisées. Il faudrait dans ce cas que le procédé soit complètement transparent et que le consommateur puisse en retirer un avantage qui justifie qu’il partage avec l’assureur des informations sur sa vie privée. Nous verrons que des innovations sont possibles en ce sens. influenced by economic and social conditions as well as by the habits of each individual (for example, the kind and extent of the professional activity carried out, the family and social environment, eating habits, consumption of stimulants (45) and/or drugs, leisure activities and sporting activities).” Case C-236/09 OPINION OF ADVOCATE GENERAL KOKOTT delivered on 30 September 2010. (IV, 63). 187 (Durand & Arnal, 2011). 188 (LAB, 2013). 111 112 3.4 «PAY AS YOU LIVE»: PROGRAMME ET BONUS SANTÉ 3.4.1 PRESENTATION L’expression « Pay as you live » a été employée par Romain Durand 189 par analogie avec les offres apparues en assurance automobile aux États-Unis qui proposent aux assurés de circuler avec un boitier qui transmet à l’assureur des données sur leur conduite 190. Le principe est de pouvoir suivre le comportement des clients grâce aux nouvelles technologies et d’utiliser ces données pour accorder une remise sur la prime d’assurance. L’assurance de personne ne va pas encore aussi loin. Les deux programmes que nous allons présenter, « MyHealthCounts » d’AVIVA UK et « Vitality » de l’assureur Sud-africain DISCOVERY ne sont pas directement liés à la sélection et à l’acceptation des risques, mais peuvent cependant apporter des réponses aux questions que nous avons déjà soulevées : • Comment recueillir des données fiables sur le comportement des assurés ? • Comment tenir compte des modes de vie dans l’acceptation des risques ? • Comment l’assureur peut-il gérer le risque après l’avoir accepté ? « MyHealthCounts » - AVIVA UK Le principe Le mot programme définit une « suite d’actions que l’on se propose d’accomplir pour arriver à un résultat ». Le programme permet à ses adhérents d’évaluer dans un premier temps leurs risques de développer une maladie grave et les aide ensuite à modifier leurs comportements pour protéger leur santé. Au-delà de ce bénéfice, ils peuvent bénéficier d’une réduction sur leur prime d’assurance santé. La présentation du programme « MyHealthCounts » 191 d’AVIVA UK est la suivante : Be as healthy as you can be • Get your roadtohealth Q Score™ to see how your health compares, with 100 people the same age, race and gender as you • Find out your risk of heart disease, diabetes and cancer 189 Source spécifiée non valide. Il s’agit de l’assureur Progressive et du dispositif « Snapshot » : http://www.progressive.com/auto/snapshot.aspx 191 https://www.myhealthcounts.co.uk/ 190 113 • Understand how your lifestyle affects your health • Learn how healthy you could be • Obtain help, guidance and motivation to become as healthy as you can be • Receive a discount off your next years premium • We will only use your health information to calculate your MyHealthCounts discount. We won’t use your data for individual underwriting or claims purposes Pour l’évaluation, il est nécessaire de répondre à une centaine de questions qui portent sur les thèmes suivants : About you, Conditions, Family History, Lifestyle, Biometrics, Diet, Stress. La partie biométrics est originale par rapport aux données qui peuvent être recueillies dans un questionnaire classique. • L’adhérent a accès à un réseau de pharmacies partenaires où il peut faire mesurer son taux de glucose, de cholestérol et sa tension artérielle. S’il le souhaite, l’interface web lui permet de prendre rendez-vous. Le résultat du questionnaire (Q Score) permet au prospect de voir • où il se situe, en termes de niveau de risque, par rapport à un groupe de personnes aux caractéristiques similaires et • où il pourrait se situer en modifiant son mode de vie : Le programme va plus loin et propose des axes d’amélioration (alimentation, activité physique, tabac, alcool …) ; libre à l’adhérent de choisir ses objectifs et de fixer le délai qu’il se donne pour les atteindre. Pour l’aider à atteindre ses objectifs, des e-mails d’informations concernant les comportements ciblés lui sont envoyés régulièrement pendant 3 mois. C’est le volet coaching du programme. Le site MyHealthCounts s’appuie aussi sur un site web de santé publique développé par le NHS 192 : « Change4life ». 192 National Health Service : Le National Health Service (NHS) désigne le système de soins de santé financés par les fonds publics du Royaume-Uni. Le NHS joue un rôle à la fois dans la définition des bonnes pratiques de santé, dans l’organisation des soins et dans la prise en charge sociale du système de santé. http://droit- 114 L’adhérent au programme a accès à son tableau de bord pour enregistrer tous les progrès réalisés et il peut constater immédiatement que son niveau de risque diminue. L’intégration du programme dans les contrats d’assurance L’adhésion au programme est proposé sur le site d’AVIVA 193 dans la rubrique assurance santé avec la promesse suivante : • Find out how healthy you really are. • Save up to 15% off your Healthier Solutions Private Medical Insurance premiums next year and every year. • Benefit from this free health programme medical.com/perspectives/variations/418-national-health-service-nhs#ixzz2N9caZjHb 193 http://www.aviva.co.uk/health-insurance/home-of-health/myhealthcounts/ 115 L’adhésion est gratuite. Pour bénéficier d’une réduction sur sa prime, le client doit calculer au moins une fois son Q score entre 3 et 6 mois avant l’échéance annuelle de son contrat santé. • Le montant de la réduction appliqué varie de 5% à 15% selon le résultat du Q Score. • La réduction est valable 1 an. • Le client doit recalculer son Q score dans les mêmes délais chaque année pour bénéficier de l’offre. • Le montant de la remise peut alors augmenter ou diminuer 194. *** « Vitality » - DISCOVERY Le principe Le programme Vitality proposé par l’assureur Sud-africain DISCOVERY est présenté comme « the wellness programme that rewards you for getting healthier ». Il s’appuie sur une démarche par étapes, similaire au programme MyHealthCounts : connaître, mesurer, améliorer, être récompensé. 194 General MyHealthCounts Terms : https://www.myhealthcounts.co.uk/tandc.php 116 Vitality va plus loin dans la prise en compte des modes de vie que MyHealthCounts car il s’appuie sur un vaste réseau de partenaires. En effet, l’avantage du programme de fidélité est double : • dès l’adhésion, l’accès à des biens et services qui favorisent un mode de vie sain et actif est facilité par des réductions négociées auprès de nombreux partenaires : alimentation bio, parapharmacie, matériel de sport (Adidas or Totalsports stores), clubs de remise en forme (Virgin Active Health Clubs or Planet Fitness). Vitality peut ainsi être couplé avec une carte de paiement Visa et un système de « cash back » 195. • La consommation de ces biens et services rapporte des points qui une fois cumulés ouvrent de nouveaux avantages auprès de compagnies aériennes, chaines hôtelière, opérateur téléphonique … Si les récompenses sont orientées vers l’univers des loisirs, les actions qui permettent de gagner des points sont directement liées à la protection de la santé : Dans la rubrique « know your health », un bilan de santé est proposé (poids, cholestérol, hypertension, glucose). Il peut être réalisé dans le réseau de pharmacies partenaires de Vitality. La réalisation annuelle du bilan rapporte des points et un bonus est accordé quand les mesures se situent dans la norme. Des tests de dépistages (mammographie, test HIV, prostate, glaucome …) sont recommandés en fonction de l’âge et du sexe. Ils rapportent également des points mais, s’il est utile de le préciser, pas de bonus en fonction des résultats. La récompense porte uniquement sur la réalisation de l’acte préventif et sur l’engagement vers 195 Une partie des paiements effectués avec la carte fait l’objet d’une rétrocession sous certaines conditions. 117 un mode de vie plus sain 196. Ainsi, dans la rubrique « Get active », l’utilisation du podomètre « Fitbug » rapporte 150 points tous les 10.000 pas et celle du cardiofréquencemètre « Polar » 150 points par séance d’entrainement. Pour souligner la diversité des actions proposées et récompensées, signalons par exemple que l’adhérent bénéficie de 30% de réduction sur sa cotisation au programme de coaching nutrition de « Weight Watchers ». Pour arrêter de fumer, il est orienté vers programme de coaching payant « Allen Carr’s Easyway » : s’il réussit, il pourra remplir une « déclaration non-fumeur » au bout de 3 mois et gagner 5.OOO points. L’intégration du programme dans les contrats d’assurance L’accès est apparemment réservé aux clients des contrats d’assurance-vie et d’assurance santé de DISCOVERY. L’adhésion est payante, de 3 € à 13 € environ par mois pour un client santé selon le « Health Plan » 197 détenu. Pour les bénéficiaires d’un contrat groupe d’entreprise, il semble que l’adhésion soit financée par l’employeur. Tous les actes de dépistages mentionnés plus haut sont payants mais il est à chaque fois précisé que le coût peut être pris en charge par le contrat d’assurance santé DISCOVERY. Enfin, l’adhésion à Vitality donne des avantages supplémentaires quand elle est couplée à la souscription d’autres produits de DISCOVERY (santé ou vie). Par exemple : « If you are a Vitality member, enjoy an upfront premium reduction of up to 17.5% on your LIFE PLAN with the Vitality Integrator. With a Classic LIFE PLAN and Personal Integrator you can also get up to 25% of your premiums back every five years ». 198 Les deux programmes présentés montrent des pistes d’innovation dans la façon dont l’assureur pourrait accepter autrement les risques de santé : • en s’appuyant sur les nouvelles technologies (et biotechnologies) qui permettent de récolter et d’analyser des données comportementales, • en proposant un programme de gestion des risques engageant l’assuré à prendre des mesures de protection de sa santé, • en récompensant les comportements préventifs par une remise accordée sur la prime d’assurance. Ils préfigurent ainsi ce que pourrait être les conditions d’un « bonus santé » s’inscrivant dans une relation gagnant/gagnant entre l’assureur et l’assuré. 196 Nous traduisons « healthy » par « sain » même s’il nous semble que « sain » a une connotation morale qui n’existe pas pour le terme anglais. 197 « health Plan » : Assurance santé. Le système de soin et l’organisation du marché de l’assurance santé en Afrique de Sud étant très différents, la comparaison avec nos « complémentaires santé » n’est pas pertinente. 198 https://www.discovery.co.za/portal/individual/life-reduce-monthly-premiums 118 3.4.2 PROPOSITION D’UN MODELE POUR LE MARCHE FRANÇAIS Nous proposons de définir quel modèle, inspiré des exemples anglo-saxons et sud-africains, pourrait être développé en France. Principes du programme et bonus santé Ce qu’il n’est pas : • Contrairement au « good health discount », ce bonus santé ne s’applique pas à la souscription du contrat et ne dépend pas de données médicales. • Contrairement au système du bonus/malus en assurance automobile, il fonctionne uniquement dans le sens d’une réduction de la prime d’assurance et en aucun cas d’une augmentation. • Il ne dépend pas des sinistres mais du comportement de l’assuré. Il repose sur deux piliers : La mise à disposition d’un parcours de santé en trois étapes : • Evaluation du niveau de risque (questionnaires en ligne). • Recommandation visant à agir sur les facteurs de risque modifiables (activité physique, alimentation équilibrée, arrêt du tabac, dépistages). • Soutien dans la mise en œuvre de ces recommandations. La récompense de l’engagement du client Comme elle prend la forme d’une réduction de sa prime d’assurance, l’engagement doit pouvoir être mesuré. La remise accordée par AVIVA UK est par exemple calculée en fonction du « score » obtenu. Le programme de fidélité Vitality permet d’acquérir des points en « consommant » des biens et des services témoignant d’un mode de vie sain. En fonction d’un modèle économique qui reste à définir précisément, la remise pourrait dépendre d’une double condition : nombre de points acquis et ancienneté de l’adhésion. Il implique deux conditions contractuelles : A la souscription du contrat d’assurance, l’adhésion au « programme santé » doit rester facultative. Ainsi, le système de bonus santé ne peut pas être considéré comme défavorisant les personnes 119 en mauvaise santé : • il ne remet pas en cause les conditions d’accès à l’assurance, • il repose sur des comportements individuels observables, • il propose des objectifs atteignables par tous, par exemple : faire le test d’évaluation des risques, passer les examens de dépistage et se faire vacciner selon les recommandations des autorités publiques de santé 199. La finalité de l’utilisation par l’assureur des données personnelles doit être claire et explicite : • Les données médicales renseignées dans le questionnaire d’évaluation sont utilisées pour calculer un niveau de risque 200. • Le résultat de l’évaluation est utilisé pour motiver et orienter l’adhérent dans l’atteinte de ses objectifs. • Toute autre utilisation doit être expliquée et soumise à l’accord éclairé de l’adhérent. Point de vue du consommateur Deux questions se posent. Le consommateur accepterait-il d’adhérer à un « programme santé » proposé par son assureur ? Un tel programme pourrait-il le conduire à modifier son mode de vie ? Le programme est attractif pour au moins deux cibles de consommateurs. En premier lieu, ceux qui sont intéressés par leur santé et aspirent à la conserver et l’améliorer. Différents sondage montrent que cette aspiration est croissante mais que les gens ne savent pas comment s’y prendre. Ainsi les services d’orientation et de coaching proposés répondent-ils à un besoin réel. (Cf. annexe p.131) Le programme correspond aussi aux aspirations de la génération qui a grandi avec internet et a aujourd’hui entre 18 et 30 ans. Le cabinet Deloitte a caractérisé le profil et les opportunités que ces jeunes adultes présentent pour les assureurs (cf. annexe p.144). 199 Cette liste est accessible sur le site de l’Assurance maladie : http://www.ameli.fr/assures/offre-deprevention/index.php 200 Ce qui peut se faire en respectant l’anonymat, un identifiant reliant seulement le score obtenu à la personne. 120 Nous présentons ici de manière synthétique les réponses apportées par le programme et bonus santé aux attentes de la génération Y 201 : Caractéristiques Novice avec l'assurance • Juge le produit trop complexe. • Implication encore balbutiante. • Ne comprend pas le risque, encore moins la nécessité de se protéger du risque. Opportunités pour l’assurance • Accentuer l’approche par le besoin, avec une pédagogie forte. • Proposer une interaction avec un émotionnel fort, accrocheur. • Proposer du dynamisme et de la rapidité. Atouts du programme santé • Les outils d’évaluation sensibilisent aux risques de santé et donc indirectement aux besoins de protection. • Le parcours de prévention privilégie l’expérience positive et ludique. Divers et Unique • Culturellement divers. • Issu de différents modèles familiaux. • Avec des expériences professionnelles variées. Pragmatique • Se focalise sur le prix, la valeur et l’utilité • Est exigeant en terme de services Technophile • Se passionne pour Internet et les technologies mobiles. • Intègre la technologie dans sa vie, comme un prolongement de soi. • Offrir une expérience Client adaptée à la diversité de la génération Y et centré sur l’individu. • La relation qui se construit avec l’adhérent est complètement personnalisée. Elle tient aussi compte de l’évolution de son mode de vie. • Renforcer les messages démontrant les 3 clés : valeur, services et utilité. • Le programme offre une réduction de tarif et des services supplémentaires, immédiatement consommables. • Opportunité d’utiliser la technologie pour satisfaire aux modes d’interactions et d’expériences client tels que désirés par la génération Y. • Le programme s’appuie sur les nouvelles technologies : web, objets connectés, applications Smartphone. Il crée aussi des communautés sur les réseaux sociaux 202. Pour ces différentes raisons, la génération Y qui constituera le cœur de cible de l’assurance dans 10 ans pourrait accepter de partager des informations sur son mode de vie avec un assureur qui répondra en retour à ses attentes. Sur le plan des résultats, le programme santé est conçu pour amener ses utilisateurs à modifier leurs comportements, utilisant en cela les techniques du marketing social : « pour favoriser 201 La présentation s’inspire aussi du « Compte Rendu de la Matinée d’échanges professionnels - Réunion du 24 mai 2011 - La Génération Y, au-delà des clichés, quelles réalités ? » réalisé par le LAB. 202 Vitality c’est 82.184 « j’aime » sur Facebook, 7.252 abonnés sur Twitter et 26.656 videos vues sur la chaine You Tube. Chiffres au 18/02/2013. 121 l’adoption d’un comportement, il faut augmenter les avantages et réduire les freins » 203. C’est ce qui est mis en œuvre à travers : • L’accompagnement ou « coaching » personnalisé des adhérents. • Les outils interactifs de mesure des progrès réalisés qui soutiennent la motivation des adhérents. • Les leviers financiers, comme le fait de bénéficier de réductions sur des biens et des services qui ont un effet positif sur la santé. Il est enfin indispensable que les recommandations s’appuient sur les mesures de prévention préconisées par les organismes de santé publique et bénéficient d’une caution scientifique. Point de vue de l’assureur Le développement et la mise à disposition des outils d’évaluation et de coaching représentent un investissement financier pour l’assureur. De plus, le bonus offert sur la prime vient en diminution des revenus de l’assureur. Dans ce cadre, quel modèle économique peut soutenir l’investissement dans un programme santé ? Plusieurs types de bénéfices sont à prendre en compte. Bénéfices techniques L’offre d’un « programme santé » contribue à réduire l’antisélection L’offre va en effet attirer les « bons risques » : les prospects soucieux de préserver leur santé et les prospects jeunes et/ou en bonne santé qui voudront profiter du bonus. Elle donne à l’assureur l’opportunité de développer avec ses clients une relation régulière autour de thématiques liées à la santé Le « programme santé » s’inscrit dans la durée, notamment quand il est couplé avec un programme de fidélisation comme celui de Vitality. Quand l’engagement de l’assureur porte sur du long terme, comme pour les contrats dépendance, cette relation permet de prendre en compte les progrès médicaux dans la prévention. Si des tests de dépistages ou des vaccins nouveaux apparaissent, si de nouveaux facteurs de risque sont mis en lumière, il sera facile et légitime de communiquer avec l’assuré et de l’inciter à en bénéficier. 203 On trouve sur Wikipedia cette définition: « Le marketing social recourt aux principes et aux techniques du marketing dans le but d’amener un public cible à accepter, rejeter, modifier ou délaisser volontairement un comportement dans son intérêt, dans l’intérêt d’un groupe ou dans l’intérêt de l’ensemble de la société ». 122 La prévention effective a un impact sur la sinistralité L’impact de la prévention est indéniable sur les risques incapacité, invalidité et décès 204. Nous avons vu avec le diabète que la modification des modes de vie était essentielle à la prévention des complications invalidantes de la maladie. Nous pouvons également citer le cas emblématique des maladies cardio-vasculaires. Selon l’OMS, 80% des crises cardiaques et des AVC pourraient être évités en agissant en amont sur les facteurs de risque identifiés : « Les travaux de recherche montrent que plusieurs facteurs entraînent un risque plus ou moins élevé de crise cardiaque ou d’AVC. C’est ce qu’on appelle les facteurs de risque. Certains facteurs de risque sont liés à des habitudes de vie, dont les trois plus importantes sont : • l’usage de la cigarette et d’autres formes de tabagisme ; • une mauvaise alimentation ; • le manque d’exercice. De mauvaises habitudes de vie peuvent entraîner trois problèmes physiques sérieux : • tension artérielle élevée (hypertension) ; • taux élevé de glucose sanguin (diabète) ; • taux élevé de lipides sanguins (hyperlipidémie). Ce sont les principaux facteurs de risque de crise cardiaque et d’AVC. » (OMS, 2013) Bénéfices marketing et commerciaux Le « programme santé » est également un outil de conquête et de fidélisation. Nous avons souligné l’attractivité qu’il pouvait représenter pour différentes cibles qui peuvent être incitées à choisir un assureur qui leur proposera ce type de programme. La nouvelle relation à l’assurance ainsi créée devrait aussi contribuer à fidéliser les clients. Une alternative à la sélection traditionnelle des risques ? Une fois la relation établie sur des bases transparentes, l’assureur pourrait proposer à l’adhérent de recevoir des propositions d’assurance personnalisées en fonction des données qu’il a communiquées. La personnalisation pouvant aller jusqu’à une offre pré-acceptée et pré-tarifée, l’assuré n’ayant plus qu’à confirmer la validité des données utilisées par l’assureur. Cette démarche n’est possible que si le client a donné son accord pour que ses informations soient utilisées dans un autre but que celui prévu initialement (la prévention et la participation au programme de fidélité). Nous ne savons pas si AVIVA et DISCOVERY ont inclus cette démarche dans leur programme. 204 Cf. Annexe p.x où sont présentés quelques résultats d’études mesurant les conséquences des modes de vie (alimentation et activité physique) sur la santé. 123 Cependant, il nous semble que les conditions sont réunies pour qu’elle soit acceptée par une partie des clients car en amont, une relation basée sur la transparence, la réciprocité et l’expérience positive aura été mise en place. Conclusion L’analyse des offres « MyHealthCounts » et « Vitality » montre qu’il existe des solutions pour que les clients acceptent de communiquer des informations sur leur mode de vie. Soit directement, en répondant à des questionnaires qui leur permettent d’évaluer leur état de santé et de l’améliorer, soit indirectement par l’intermédiaire d’un programme de fidélité qui récompense les comportements constatés. 124 CONCLUSION DE LA TROISIEME PARTIE Les nouvelles technologies et leurs usages modifient l’environnement de l’assurance. • Elles permettent de collecter des données sur les attitudes et les comportements individuels (réseaux sociaux, objets connectés …). • Elles décuplent les capacités de traitement de ces données. • Elles changent la relation avec l’assuré en créant de la proximité et de l’interactivité. L’innovation d’une plateforme web comme MyHealthCounts réside aussi dans la réciprocité des flux d’informations : l’assuré communique des données médicales et personnelles pour obtenir en retour une évaluation précise de ses facteurs de risque et un accompagnement personnalisé. • Les nouvelles technologies transforment l’approche de la prévention santé. Elles favorisent la modification des comportements par des expériences ludiques (outils de mesure connectés, tableaux de bords …). Elles simplifient et facilitent aussi la prévention secondaire (« diabéo »). Comment ces innovations peuvent-elles faire évoluer la façon dont l’assureur prend les risques liés à la santé des personnes ? Les données personnelles sont précieuses pour la connaissance des consommateurs et leur exploitation trouve de nombreuses applications marketing : ciblage, fidélisation, création de nouvelles offres. Le « big data » permet de développer des modèles prédictifs du comportement des assurés et de gérer certains risques comme l’attrition. Des groupes de prospects présentant statistiquement moins de risques d’être en mauvaise santé peuvent constituer une cible privilégiée de prospection. Cependant, si la méthode du predictive underwriting établit des corrélations entre des données non médicales et une décision de tarificateur, elle ne se substitue pas à l’évaluation individuelle du risque. Les données médicales personnelles restent la base de l’évaluation des risques en prévoyance individuelle, ne serait-ce que pour vérifier l’existence d’un état pathologique antérieur à la souscription. De plus, l’exemple du contrat emprunteur conçu pour les adhérents de l’AFD montre que c’est la connaissance médicale qui permet d’assurer les risques aggravés et de mesurer l’évolution possible d’un état de santé. Le mode de vie étant aussi un déterminant de santé, sa prise en compte dans l’acceptation des risques permet de préciser et d’individualiser l’évaluation. Les nouvelles technologies permettent d’innover en ce sens. Cependant le recueil et le traitement de données 125 comportementales relève d’un cadre juridique strict (Loi informatique et Liberté). La démarche soulève aussi des questions d’ordre éthique. D’un côté, l’évaluation des risques santé à partir de données individuelles et explicatives parait plus objectif et plus juste que l’utilisation d’une variable générique comme le sexe. D’un autre coté interroger les personnes sur leur style de vie peut être perçu comme intrusif voire inquiétant si les nouvelles technologies sont utilisées (effet « big brother »). Enfin, la prise en compte des habitudes liées à l’alimentation, à l’activité physique, au tabac et à l’alcool s’avère stigmatisante pour les personnes à risque, comme si elles étaient considérées responsables de leur état de santé alors que d’autres facteurs sont déterminants comme le patrimoine génétique mais aussi l’environnement social et économique 205. Enfin, quelle que soient la nature (médicales, comportementales) ou la source (directe, indirecte) des nouvelles données dont disposent les assureurs, leur exploitation statistique se heurte aux limites techniques et éthiques de l’hyper segmentation. Jusqu’où peut-on aller en effet dans l’individualisation des tarifs sans remettre en cause la mutualisation et en exclure les risques aggravés ? *** Il nous semble que la voie la plus intéressante pour innover dans l’acceptation des risques soit de créer une passerelle entre la sélection et la prévention des risques, sans que l’une se substitue à l’autre. C’est ce que préfigure le contrat de l’AFD. Tenir compte du comportement d’une personne à l’égard de sa maladie c’est une mesure de prévention essentielle car l’observance du protocole de soins est la première condition pour limiter les risques d’aggravation. Cependant, pour que l’assureur puisse en tenir compte dans les conditions d’accès à l’assurance, la formalité doit être imposée à l’assuré et son non-respect sanctionné. Nous avons vu que dans le cas des personnes diabétiques cette contrainte restait acceptable. Les programmes développés par les assureurs AVIVA en Grande-Bretagne et DISCOVERY en Afrique du Sud visent à engager leurs assurés dans des comportements préventifs. Leur efficacité repose sur le même triptyque : évaluation, accompagnement et récompense. Elle 205 Citons sur ce sujet la réflexion de Brigitte Dormont, professeur à l’université Paris Dauphine : « Les inégalités sont donc attribuables, pour l’essentiel, à des circonstances indépendantes de la responsabilité individuelle. Etre issu d’un milieu défavorisé, avoir des parents peu éduqués, en mauvaise santé ou adoptant des comportements à risque sont autant de facteurs qui contribuent à expliquer une mauvaise santé à l’âge adulte ». La chaire Santé, risques, assurance - Risques n°85 / Mars 2011, p.123. 126 s’appuie sur les nouvelles technologies et l’échange récurrent de données entre l’assureur et l’assuré. L’adhésion aux programmes n’est pas obligatoire et ne rentre pas dans les conditions de souscription. Cependant, AVIVA et DISCOVERY tiennent compte du comportement de leurs clients dans la relation contractuelle puisqu’une réduction de prime peut être accordée en fonction de l’assiduité des adhérents. La mise à disposition de programmes santé change la façon dont l’assureur prend le risque car elle lui donne des moyens de le piloter en collaboration avec les assurés. La notion de pilotage du risque peut ainsi dépasser le suivi de la sinistralité du portefeuille et intégrer la prévention active de la survenance des risques pendant toute la durée du contrat. Elle pourrait à terme modifier les conditions d’accès à l’assurance (formalités de sélection, tarification) et ouvrir dès maintenant la voie de l’innovation. En effet, la création de nouvelles garanties de prévoyance, comme ce fut le cas pour les contrats dépendance il y a 20 ans, devrait être encouragée par des possibilités de pilotage des risques élargies. 127 128 CONCLUSION « Lors de la présentation du deuxième livre blanc de l’innovation dans l’assurance, le 23 janvier [2013], Bernard Spitz, président de la FFSA […] a souhaité que le pôle accompagne dans l’avenir les sujets du digital et de la prévention : > le digital, véritable révolution pour l’assurance, est un vivier d’innovation, avec des implications considérables pour les métiers de l’assurance, les services et garanties offerts aux assurés, la relation client, etc. > la prévention est inscrite dans les gènes des assureurs et fait l’objet d’une demande sociale de plus en plus grande. Sa place dans l’offre aux assurés est appelée à se développer. » 206 Nous nous sommes demandé s’il était possible d’innover dans la sélection des risques de santé en Prévoyance individuelle. Parmi les différentes pistes explorées, celle qui nous semble la plus porteuse de valeur pour l’assureur et l’assuré passe par la voie de la prévention. • La prévention permet de réduire les risques de santé et il est logique que les assureurs l’intègrent à l’avenir dans les méthodes qui leur permettent d’accepter ces risques. • La prévention ne remplace pas la sélection. Au contraire, un questionnaire médical prenant également en compte les modes de vie pourrait constituer le point de départ d’une sensibilisation des assurés à leurs facteurs de risque. • Il serait ainsi légitime d’intégrer dans la solution de prévoyance proposée par l’assureur des mesures de prévention et de protection des risques assurés. Sur le marché de la Prévoyance, le positionnement « assureur-préventeur » est de nature à répondre aux attentes de différents publics : 206 http://www.ffsa.fr/innovation-dans-lassurance-publication-dun-second-livre-blanc 129 • La prévention primaire vise à éduquer sur les risques et à favoriser l’adoption de modes de vie sains. Elle est attractive pour les personnes qui s’intéressent à leur santé ou ont tout simplement envie de d’être « en forme ». • Les personnes présentant un risque aggravé de santé seront intéressées par des services de prévention secondaire visant à favoriser l’observance des protocoles de soins recommandés par les autorités de santé. • Enfin, des prestations financières versées en cas de sinistre peuvent être positionnées comme permettant de financer les aides nécessaires au maintien du meilleur confort de vie possible. Elles sont aussi essentielles à la préservation de la santé des individus au sens où la définit l’OMS : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité. » 207 Les nouvelles technologies et notamment numériques sont de nature à favoriser la mise en œuvre et le suivi des mesures de prévention. Elles permettent aussi de développer une relation différente avec l’assuré en mettant à sa disposition des services qui se « consomment » de façon régulière dès la souscription. Nous en avons souligné les bénéfices en termes d’images et de fidélisation. Dans les années qui viennent, le développement de services numériques sera sans doute une condition indispensable pour intéresser à l’assurance la génération née après 1980. La possibilité d’accompagner efficacement l’assuré dans la préservation de son « capital santé » encouragera dans le même temps la création d’offres de Prévoyance répondant aux futurs besoins de cette génération. 207 http://www.who.int/about/definition/fr/print.html 130 ANNEXES 1. Formalités de déclaration des risques santé…………………………………………………….…….. 132 1.1. Déclaration de santé 1.2. Questionnaire médical simplifié 1.3. Questionnaire medical 1.4. Questionnaire Médical risque aggravé de santé 2. Classe “Super Préférentielle” – Offre Select Emprunteur – Swiss Life…………………..…… 131 3. Diabeo® ……………………………………………………………………………………………………………………..140 4. CNIL………………………………………………………………………………………………………………………….. 141 4.1. Dans quel cas s’applique la loi ? 4.2. Les formalités CNIL 4.3. Contrats d'assurances (Norme simplifiée n° 16) 5. Objets intelligents- Exemple de polar…………………………………………………..…………….…….. 143 6. Génération y…………………………………………………………………………………………………….………. 144 7. Prévention et bénéfices pour la santé………………………………………………………………………. 145 8. Etude Ifop/Groupe Prévoir : Les Français sont-ils maîtres de leur santé ?.................. 151 9. Etude sur les réseaux sociaux : méthodologie et références ……………………………….....…152 131 1. Formalités de déclaration des risques santé 1.1. Déclaration de santé 1. Source : AIG VIE - contrat « Super novaterm crédit » - Proposition d’assurance individuelle emprunteur http://assurance-pret.selfassur.com/docs/BA_AIG.pdf 132 1.2. Questionnaire médical simplifié Source : http://www.novalistaitbout.com 133 1.3. Questionnaire medical 134 Source : http://www.frcourtage.fr/assurance_credit/cardif/cardif_qs.pdf 135 1.4. Questionnaire Médical risque aggravé de santé « Assurance de prêt Solutions » - APRIL –Questionnaire Diabète 1/3 136 Questionnaire Diabète 2/3 137 Questionnaire Diabète 3/3 Source : http://www.april.fr/sites/default/files/questionnaire-medical-15005-diabete.pdf 138 2. Classe “Super Préférentielle” – Offre Select Emprunteur – Swiss Life Source : http://www.credit-assurance.com/moteur/BS/bs_selectemprunteur.pdf, capture d’écran réalisée le 04/03/2013 139 3. Diabeo® Télédiab1 : Les bases du concept La solution multi-technologique a été évaluée dans une première étude menée par le CERITD publiée en 2011 : Source : http://www.sanofi-diabete.fr/web/telemedecine/telediab1 140 4. CNIL 4.1. Dans quel cas s’applique la loi ? Source : Protection des données à caractère personnel - Intervention MBA CNAM, 4 décembre 2012 Aurélie BANCK, Juriste à la Direction des affaires juridiques de la CNIL Pôle Banque – assurances – finances. 141 4.2. Les formalités CNIL 4.3. Contrats d'assurances (Norme simplifiée n° 16) Résumé La norme 16 concerne les traitements relatifs aux contrats mis en œuvre par les organismes d'assurance, de capitalisation, de réassurances et d'assistance et leurs intermédiaires. Elle s'applique à la passation, la gestion et l'exécution des contrats, l'élaboration de statistiques, la sélection de clients afin de réaliser des actions de prospection et de promotion liées aux activités de l'organisme. Les données enregistrées ont trait à l'identité, la situation militaire, économique et financière de l'assuré. Elles évoluent en fonction des garanties souscrites. Est exclue toute donnée sur la vie privée pour apprécier le risque encouru par l'assuré. Lors de la collecte des données, les personnes doivent être informées des droits d'accès, de rectification et d'opposition qui leur sont reconnus par la loi du 6 janvier 1978 modifiée. Source : https://www.decla ra tion.cnil.fr/d eclara tion s/decla ratio n/resumeNorme.a ctio n?n ormeId =NS-016 142 5. Objets intelligents- Exemple de polar Fonctions “Smart coachning” Source : http://www.polarfrance.fr 143 6. Génération y Source : Deloitte Research – 2008- . Insuring the Catalyst-Customer:Generation Y and the Insurance Industry. http://www.deloitte.com 144 7. Prévention et bénéfices pour la santé Activité physique : quels bénéfices sur la santé ? Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), mars 2008. 208 - Extraits du dossier de presse Effets sur la mortalité prématurée Une étude prospective publiée fin 2007 et portant sur 250 000 personnes, montre qu’une pratique à un niveau voisin de celui des recommandations pour l’activité d’intensité modérée (au moins 3 heures par semaine) ou pour l’activité d’intensité élevée (au moins 20 minutes 3 fois par semaine) entraîne une réduction du risque de mortalité de l’ordre de 30 %. Impact sur le bien-être et la qualité de vie De même, l’activité physique régulière est considérée comme un facteur de prévention des troubles cognitifs. L’amélioration de l’oxygénation du cerveau par une pratique régulière a un effet probant chez les personnes âgées au niveau de la capacité de réaction, de la mémoire, du raisonnement. L’activité physique réduit l’anxiété de la population générale adulte. Elle diminue le niveau de dépression de populations très diverses et devrait être proposée dans toute prise en charge de la dépression. Bénéfices sur l’appareil musculo-squelettique L’activité physique par les contraintes mécaniques qu’elle exerce sur le squelette induit la formation du tissu osseux. La pratique physique agit à la fois sur la masse osseuse, sa densité et sur la texture. On observe également des bénéfices sur les propriétés mécaniques de l’os (augmentation de la résistance à la fracture). Le risque de fracture du col du fémur est diminué de 6 % pour chaque augmentation de dépense énergétique équivalente à 1 heure de marche par semaine. Les femmes qui marchent au moins 4 h par semaine ont un risque diminué de 40 % par rapport aux femmes sédentaires marchant moins de 1 h par semaine. Intérêt pour le système cardiovasculaire et la prévention de l’obésité et du Diabète De nombreux travaux ont montré que l’entraînement physique réduisait la morbidité et la mortalité 208 Voir l’étude complète : « Activité physique – Contextes et effets sur la santé » - Éditions Inserm, mars 2008. Collection Expertise collective. 145 cardiaque par une action sur les facteurs de risque tels que le profil lipidique, la pression artérielle, la coagulation et la physiologie de la paroi des vaisseaux (endothélium).Un programme structuré d’activité physique réduit la pression artérielle chez les patients hypertendus, en moyenne de 11 mmHg pour la pression artérielle systolique et de 8 mmHg pour la pression diastolique. Elle réduit dans les mêmes proportions l’hypertension artérielle d’effort. Elle permet de différer, voire de rendre inutile, le traitement médicamenteux d’une hypertension artérielle de diagnostic récent. L’activité physique concourt à l’amélioration du profil lipidique sérique avec une diminution en moyenne de 3,7 % du taux de triglycérides, de 5 % du taux de LDL-cholestérol et une augmentation de 4,6 % du taux de HDL-cholestérol. Elle facilite le sevrage tabagique et permet une réduction du syndrome dépressif, identifié comme un facteur de risque fort et fréquent au cours d’événements cardiovasculaires majeurs et un facteur péjoratif du pronostic. L’activité physique a également un rôle déterminant dans la prévention du diabète de type 2, elle réduit de près de 60 % le risque de survenue de diabète chez les sujets présentant une intolérance au glucose. L’activité physique est, pour cette raison, actuellement considérée comme un objectif prioritaire dans la lutte contre la pandémie de diabète de type 2. L’activité physique, traitement ou complément de traitement des maladies chroniques les plus fréquentes L’activité physique est un traitement à part entière au cours d’affections chroniques invalidantes, telles que la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), les maladies cardiovasculaires ischémiques et les pathologies métaboliques comme le diabète de type 2. Elle réduit en effet les conséquences fonctionnelles de ces maladies en améliorant les capacités physiques des patients. De plus, elle agit directement sur l’évolution de ces pathologies, ce qui se traduit par une diminution spectaculaire de la morbidité et de la mortalité cardiovasculaire. L’activité physique est désormais recommandée dans le domaine des maladies cardiovasculaires, à la fois pour prévenir leur survenue et pour en limiter les conséquences lorsqu’elles sont installées. Les principales affections concernées sont la coronaropathie, l’insuffisance cardiaque chronique et l’artériopathie des membres inférieurs, alors que les preuves expérimentales de l’impact de l’activité physique sur les maladies cérébrovasculaires demeurent insuffisantes. Lorsque le diabète est installé, l’activité physique facilite l’homéostasie glycémique à la fois sur le versant hyper- et hypoglycémique. Elle peut ainsi permettre d’alléger le traitement médicamenteux. Elle retarde l’apparition des complications dégénératives qui font la gravité de la maladie diabétique. La réduction de l’insulino-résistance, l’amélioration du transport et de l’utilisation du glucose musculaire et la diminution de la production hépatique de glucose expliquent, au moins en partie, ces effets. 146 L’activité physique est l’outil thérapeutique le plus performant dans le traitement de la dyspnée et de la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), la maladie respiratoire des fumeurs dont la prévalence est galopante (3e rang mondial des maladies mortelles en 2020). Il semble qu’elle puisse également jouer un rôle dans la prévention de cette maladie ou de ses complications. Par ailleurs, l’activité physique contribue au traitement (comme adjuvant) de nombreuses autres pathologies et en particulier les maladies neurologiques (sclérose en plaques, hémiplégie...) et rhumatismales (maladies inflammatoires, arthrose…). Concernant le cancer du sein, 45 des 64 études scientifiques « Activité Physique et Cancer du Sein » revues par l’INSERM, concluent à une diminution de 30 à 40% du risque de développer la maladie, chez les sujets actifs et 20 études sur 23, consacrées à l’effet dose/réponse, confirment ce résultat. On sait également que pour les personnes ayant contracté la maladie, une activité de type marche à raison de 3 à 5 heures hebdomadaires diminue de 20 à 50% le risque de récidive ou de décès. Alimentation équilibrée Source : INPES (Institut national de prévention et d'éducation pour la santé) – 29/01/2012 http://www.inpes.sante.fr/10000/themes/nutrition/index.asp Le programme National Nutrition Santé (PNNS) La mise en place d’une politique nutritionnelle est apparue, au cours des dernières années, comme une priorité de santé publique. Le rôle joué par la nutrition comme facteur de protection ou de risque des pathologies les plus répandues en France est de mieux en mieux compris, qu’il s’agisse du cancer, des maladies cardiovasculaires de l’obésité, de l’ostéoporose ou du diabète de type 2. L’amélioration de l’état nutritionnel de la population constitue, en ce début de 21è siècle, un enjeu majeur pour les politiques de santé publique menées en France, en Europe et dans le monde. Une nutrition satisfaisante est un facteur de protection de la santé. Les avancées de la recherche ont précisé le rôle que jouent l’inadéquation des apports nutritionnels et l’insuffisance d’activité physique dans le déterminisme de nombreux cancers et maladies cardio-vasculaires, qui représentent plus de 55 % des 550 000 décès annuels en France. Des facteurs nutritionnels sont aussi impliqués dans le risque ou la protection vis-à-vis du diabète, de l’obésité, de l’ostéoporose ou de diverses déficiences. 147 CANCER : PRÉVENTION VIS-À-VIS DES PRINCIPAUX FACTEURS DE RISQUE Source : INCa (Institut national du cancer) - LA SITUATION DU CANCER EN FRANCE EN 2010 (p.99) Tabac En 2010, le tabac constitue la principale cause de décès liés au cancer dans le monde et en France. L’Organisation mondiale de la santé (OMS), rappelle le poids du tabagisme dans la mortalité par cancer à l’échelle mondiale : 80 % des cancers du poumon sont imputables au tabac, qui est également à l’origine d’un risque accru pour d’autres cancers (OMS, 2008). Un des principaux indicateurs des conséquences du tabagisme est la mortalité par cancer du poumon. Mais le tabac favorise de manière significative de nombreux autres cancers : cavité buccale, pharynx, larynx, pancréas, vessie, reins, cavité nasale, sinus, oesophage, estomac, foie, col de l’utérus et leucémie myéloïde (Gandini S, 2008). 148 Alcool Le rapport du Circ (Circ, 2007) estime la part attribuable à l’alcool à 10,8 % de l’incidence et 9,4 % des décès chez les hommes et, à 4,5 % de l’incidence et 3 % des décès chez les femmes. La consommation de boissons alcoolisées est, en France, la deuxième cause de mortalité évitable par cancer après le tabac. 149 L’alimentation Les facteurs nutritionnels pertinents pour la prévention des cancers en France 150 8. Etude Ifop/Groupe Prévoir : Les Français sont-ils maîtres de leur santé ? Source : http://bien-vieillir.net/2012/06/27/grande-etude-ifopgroupe-prevoir-les-francais-sont-ils- maitres-de-leur-sante/#more-4986 27 juin 2012 La deuxième édition de l’étude Ifop/Groupe Prévoir sur le thème “Les Français sont-ils maîtres de leur santé ?” fait un constat contrasté du mode de prise en charge de leur santé par nos concitoyens. • Un Français sur cinq ignore les premiers signes de faiblesse, • 17% avouent ne pas se donner les moyens de rester en bonne santé, • 32% ne pratiquent pas d’activité sportive, • Près de 30% considèrent que leur état va se dégrader à court terme, • Une personne sur deux choisit l’automédication. Si a priori leurs déclarations se montrent très confiantes concernant la santé, les paradoxes ne sont pas loin. En effet, si les Français considèrent certains comportements essentiels pour conserver ou améliorer leur capital santé, dans la pratique ceux-ci ne sont pas pour autant adoptés. Ainsi, si 91 % des Français estiment que la pratique d’un sport est importante pour la santé, en réalité un tiers des Français n’exerce pas d’activité physique ou sportive (32%), notamment les moins de 25 ans (40%), alors que parallèlement ce sont eux qui déclarent plus massivement faire attention à leur santé pour conserver leurs aptitudes physiques ! Pour mesurer leur état de santé, les Français s’appuient avant tout sur des critères subjectifs : l’absence de fatigue (57%) et la capacité à résister à l’effort (49%) constituent les deux principaux critères permettant de déterminer son état de santé. Plus d’un tiers se basent également sur leur moral (39%), la qualité de leur sommeil (39%), leur résistance aux virus et aux microbes (38%) et sur leur poids (33%). 20% lient leur état de santé à leur niveau de stress et enfin 6% à la qualité de leur teint. En réalité, les indicateurs objectifs ne sont que peu connus ou suivis. Seuls 41% des Français ont fait des analyses et des dépistages (cholestérol, diabète, cancers) au cours des six derniers mois. Lorsque leur corps montre des signes de faiblesse, 54% des Français déclarent agir rapidement en trouvant des solutions par eux-mêmes, privilégiant ainsi, pour plus d’une personne sur deux, l’autodiagnostic à la consultation immédiate d’un professionnel. A l’inverse, un Français sur cinq choisit de temporiser (17%). 151 9. Etude sur les réseaux sociaux : méthodologie et références Méthode utilisée : moteur de recherche « Google » : 1er moteur de recherche (source). L’algorithme qui remonte les résultats en première page est un secret bien gardé, mais concernant les forums, la récence des messages et le nombre de fois où ils on été lu sont des critères déterminants. mot clé « questionnaire médical » : les termes « sélection médicale » ou « questionnaire de santé » étant moins utilisés par les internautes filtre utilisé « discussions » examen des liens présents sur les 3 premières pages recherche additionnelle sur les forums des sites les plus riches en discussions sur le sujet recherche additionnelle avec filtre sur les 12 derniers mois. Les forums des associations de malade (CISS ou Ligue contre le cancer) ne sont pas cités car ils ne remontaient pas dans les premières pages google et ne sont pas représentatif de l’opinion du grand public mais des personnes malades. Ils mériteraient cependant une analyse dédiée Référence des discussions Sont indiqués : le titre de la discussion, la date du premier message et l’adresse du site. 1Questionnaire médical. (2007, 09 28). Récupéré sur aufeminin.com: http://forum.aufeminin.com/forum/f545/__f2089_f545-Questionnaire-medical.html 2Déclaration dans votre questionnaire de santé. (2011, 03 26). Récupéré sur forumconstruire.com: http://www.forumconstruire.com/construire/topic-141255.php 3Questionnaire médical prêt immobilier. (2011, 20 01). Récupéré sur http://droitfinances.commentcamarche.net/forum/affich-4149981-questionnaire-medical-pret-immobilier 4Comment bien remplir un questionnaire de santé d'assurance ? (2011, 06 26). Récupéré sur net-iris.f: http://forum-juridique.net-iris.fr/finances-fiscalite-assurance/175101-bien-remplir-questionnaire-desante-dassurance.html 5Assurances et questionnaire de santé abusif ?? (2008, 10 27). Récupéré sur aufeminin.com: http://forum.aufeminin.com/forum/f543/__f934_f543-Assurances-et-questionnaire-de-santeabusif.html 6Questionnaire santé pour prêt : faut-il mentir sur son poids ? (2006, 10 25). Récupéré sur aufeminin.com: http://forum.aufeminin.com/forum/f546/__f3372_f546-Questionnaire-sante-pourpret-faut-il-mentir-sur-son-poids.html 152 7Prêt immobilier et questionnaire de santé (handicap - convention aeras). (09, 03 21). Récupéré sur aufeminin.com: http://forum.aufeminin.com/forum/f546/__f8799_f546-Pret-immobilier-etquestionnaire-de-sante-handicap-convention-aeras.html 8Questionnaire santé banque : je crois qu'avoir été honnête va être source d'emm.... (2007, 06 8). Récupéré sur aufeminin.com: http://forum.aufeminin.com/forum/f546/__f5015_f546-Questionnairesante-banque-je-crois-qu-avoir-ete-honnete-va-etre-source-d-emm.html 9Questionnaire de santé. (2007, 10 2). Récupéré sur aufeminin.com: http://forum.aufeminin.com/forum/f545/__f2100_f545-Questionnaire-de-sante.html 10Assurance emprunteur et questionnaire de santé: une enquête?? (2010, 07 18). Récupéré sur aufeminin.com: http://forum.aufeminin.com/forum/f546/__f10943_f546-Assurance-emprunteur-etquestionnaire-de-sante-une-enquete.html 11Achat immobilier - questionnaire santé : psychothérapie : que dire ? (08, 01 6). Récupéré sur aufeminin.com: http://forum.aufeminin.com/forum/f546/__f6441_f546-Achat-immobilierquestionnaire-sante-psychotherapie-que-dire.html 12Assurance décès inval, questionnaire de santé. (2010, 06 4). Récupéré sur commentcamarche.net: http://droit-finances.commentcamarche.net/forum/affich-4817810-assurance-deces-invalquestionnare-de-sante 13Questionnaire de santé après le versement ... (2009, 08 18). Récupéré sur commentcamarche.net: http://droit-finances.commentcamarche.net/forum/affich-4359948-questionnaire-de-sante-apres-leversement 14Posez votre question Signaler Questionnaire médical. (2008, 07 5). Récupéré sur commentcamarche.net: http://droit-finances.commentcamarche.net/forum/affich-3876943questionnaire-medical 15questionnaire de santé-retour sur expérience... (2012, 06 22). Récupéré sur l-idel.fr: http://www.lidel.fr/forum/viewtopic.php?id=12969 16Questionnaire médical assurance prêt immobilier. (2012, 11 7). Récupéré sur commentcamarche.net: http://droit-finances.commentcamarche.net/forum/affich-5907806questionnaire-medical-assurance-pret-immobilier 17Assurance de pret et questionnaire médical. (2008, 11 4). Récupéré sur commentcamarche.net: http://droit-finances.commentcamarche.net/forum/affich-3984443-assurance-de-pret-etquestionnaire-medical 18Questionnaire médical assurance emprunteur. (2009, 05 23). Récupéré sur commentcamarche.net: http://droit-finances.commentcamarche.net/forum/affich-4234153-questionnaire-medical-assuranceemprunteur 153 19Posez votre question Signaler Questionnaire médical pour une Assurance Auto. (2009, 09 7). Récupéré sur commentcamarche.net: http://droit-finances.commentcamarche.net/forum/affich4389836-questionnaire-medical-pour-une-assurance-auto 20Posez votre question Signaler Assurance prêt,questionnaire de santé abusif. (2011, 12 21). Récupéré sur commentcamarche.net: http://droit-finances.commentcamarche.net/forum/affich-3975351assurance-pret-questionnaire-de-sante-abusif 21Posez votre question Signaler Refus par la CNP de nous assurer pour un prêt. (2011, 02 16). Récupéré sur commentcamarche.net: http://droit-finances.commentcamarche.net/forum/affich-3942431-refuspar-la-cnp-de-nous-assurer-pour-un-pret 22Posez votre question Signaler Assurance dépendance et questionnaire médical. (2012, 11 10). Récupéré sur commentcamarche.net: http://droit-finances.commentcamarche.net/forum/affich5919274-assurance-dependance-et-questionnaire-medical 23Signaler Litige avec une assurance de prêt bancair AON. (2012, 09 22). Récupéré sur commentcamarche.net: http://droit-finances.commentcamarche.net/forum/affich-5301112-litigeavec-une-assurance-de-pret-bancair-aon 24Signaler Questionnaire de santé des assurances. (2010, 12 20). Récupéré sur commentcamarche.net: http://droit-finances.commentcamarche.net/forum/affich-4511883-questionnaire-de-sante-desassurances 25ECO PRET assurance questionnaire de santé. (2010, 03 30). Récupéré sur commentcamarche.net: http://droit-finances.commentcamarche.net/forum/affich-4677552-eco-pret-assurancequestionnaire-de-sante 26Questionnaire santé assurance prêt immobilier. (2011, 03 29). Récupéré sur commentcamarche.net: http://droit-finances.commentcamarche.net/forum/affich-5237287-questionnaire-sante-assurancepret-immobilier 27Assurrance pret immobilier et dépression. (2010, 09 27). Récupéré sur commentcamarche.net: http://droit-finances.commentcamarche.net/forum/affich-3921418-assurrance-pret-immobilier-etdepression 28Peut-on modifier un questionnaire santé réalisé auprès d'une assurance? (2012, 01 7). Récupéré sur yahoo.com: http://fr.answers.yahoo.com/question/index?qid=20120107063036AApjvfv 29questionnaire santé pret immobilier. (2012, 08 9). Récupéré sur net-iris.fr: http://forumjuridique.net-iris.fr/finances-fiscalite-assurance/208704-questionnaire-sante-pret-immobilier.html 30Questionnaire médical et vie privée. (2012, 2 2). Récupéré sur guichetdusavoir.org: http://www.guichetdusavoir.org/viewtopic.php?f=2&t=45139 154 BIBLIOGRAPHIE ET SOURCES Etudes et rapports AFD. (s.d.). Le contrat d’assurance emprunteur et la convention AERAS. Consulté le 03 02, 2013, sur afd.asso.fr: http://www.afd.asso.fr/diabete-et/assurances/prets AERAS. (2011). Convention AERAS révisée. http://www.aeras-infos.fr AXA. (2012, juin). Dépendance. Les Cahiers d'AXA (3). Bercy. (2011, février). Rénovation de la convention AERAS, s’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé. BAO. (2011, avril). Observatoire de l'assurance emprunteur - Panorama des garanties. CISS. (2011). OBSERVATOIRE DU CISS SUR LES DROITS DES MALADES – RAPPORT ANNUEL DE SANTÉ INFO DROITS. Commission de suivi pour l’avenir de la convention AERAS. (2009, Novembre). Bilan de l’application de la convention AERAS "s’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé". CORA. (2010). Assurance, accès aux informations personnelles, segmentation et régulation. Compterendu de la réunion 20/12/2010 - http://www.ffsa.fr Deloitte Research. (2008). Insuring the Catalyst-Customer:Generation Y and the Insurance Industry. http://www.deloitte.com DH-BIO. (2012). 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Vincent Callewaert, maitre de conférence invité UCL. Semaine européenne de l’assurance – 20 au 23 mars 2012, organisée par le MBA de l’Enass et le centre de droit privé de l’Université catholique de Louvain. « Protection des données à caractère personnel ». Aurélie BANCK, Juriste à la Direction des affaires juridiques de la CNIL Pôle Banque – assurances – finances. Intervention MBA CNAM, 4 décembre 2012. 209 Laboratoire Assurance Banque 158 ENTRETIENS Agnès Lassale, Médecin conseil, Swiss Ré. Entretien du 7 septembre 2012 Christian Mainguy, Directeur général, REHALTO. Entretien du 24 octobre 2012 Roman Durand, CEO, Actuaris International. Entretien du 6 novembre 2012 Magaly Siméon, Directeur des Assurances de Personnes, Gras Savoye (2012), fondatrice de Differentiel Conseil (2013). Entretien du 27 novembre 2012 Sophie Trilleaud, responsable du service juridique et social de l'Association Française des Diabétiques (AFD). Entretien du 8 janvier 2013 Agnès Canarelli, Direction des Assurances de Personnes. Fédération Française des Sociétés d'Assurance (FFSA). Entretien du 14 février 2013 Annick Delloup et Jean-Michel Menanteau, du cabinet Euroditas ; Philippe Bernard, actuaire chez ABC. Entretien du 20 février 2013 Eve-Laure Tascon, responsable du département Sélection des risques et Sinistres de SCOR Global Life 159 160 TABLE DES MATIERES Remerciements .................................................................................................................................. 2 Résumé.............................................................................................................................................. 3 Abstract ............................................................................................................................................. 4 Sommaire .......................................................................................................................................... 5 Introduction....................................................................................................................................... 7 1 Comment l’assureur prend-t-il les risques ? .............................................................................. 13 1.1 1.2 1.3 La théorie ........................................................................................................................................................... 15 1.1.1 De la mutualisation à la sélection…......................................................................... 15 1.1.2 Les outils de la sélection.......................................................................................... 18 La pratique ......................................................................................................................................................... 21 1.2.1 Risque standard / risque aggravé ............................................................................ 21 1.2.2 Le choix des formalités de sélection ....................................................................... 24 1.2.3 Le process de sélection : cas de l’assurance emprunteur ....................................... 27 1.2.4 Les difficultés et les limites...................................................................................... 31 Enjeux éthiques et cadre juridique .................................................................................................................... 37 1.3.1 Enjeux éthiques ....................................................................................................... 37 1.3.2 Cadre juridique ........................................................................................................ 40 Conclusion de la première partie ........................................................................................................................................ 47 2 2.1 2.2 Une sélection mal vécue et mal vendue : comment améliorer les pratiques ? .......................... 49 Point de vue des consommateurs et des réseaux de vente .............................................................................. 51 2.1.1 Une sélection mal vécue : données quantitatives .................................................. 51 2.1.2 Ce que les réseaux sociaux disent de la sélection médicale ................................... 54 2.1.3 Une sélection mal vendue ....................................................................................... 64 Evolution des pratiques : état des lieux et perspectives ................................................................................... 67 2.2.1 Les formalités de déclaration du risque .................................................................. 67 2.2.2 L’information des assurés ....................................................................................... 72 2.2.3 Le rôle des reseaux de vente ................................................................................... 75 2.2.4 La Télé-souscription................................................................................................. 77 Conclusion de la seconde partie ......................................................................................................................................... 82 3 3.1 Innovations et prospective ........................................................................................................ 85 « Contrats préferentiels » et hyper segmentation ............................................................................................ 87 3.1.1 Présentation ............................................................................................................ 87 3.1.2 Evaluation ................................................................................................................ 88 161 3.2 3.3 3.4 3.5 Le pilotage des risques : cas du contrat emprunteur de l’Association française des diabétiques .................... 91 3.2.1 Présentation ............................................................................................................ 91 3.2.2 Evaluation ................................................................................................................ 94 3.2.3 Prospective .............................................................................................................. 96 « Predictive underwriting » et ciblage des risques .......................................................................................... 103 3.3.1 Présentation .......................................................................................................... 103 3.3.2 Evaluation .............................................................................................................. 105 3.3.3 Prospective : big data et assurance ....................................................................... 108 «Pay as you live»: programme et bonus santé ................................................................................................ 113 3.4.1 Présentation .......................................................................................................... 113 3.4.2 Proposition d’un modèle pour le marché français ........................................... ……119 Conclusion de la troisième partie .................................................................................................................... 125 Conclusion ..................................................................................................................................... 129 Annexes ......................................................................................................................................... 131 Bibliographie et sources…………………………………………………………………………………………………………..……..155 Entretiens ...................................................................................................................................... 159 162 Banque de données en santé publique – Glossaire http://asp.bdsp.ehesp.fr/Glossaire/ Santé Un état de complet bien-être physique, mental et social et non pas simplement l'absence de maladie ou d'infirmité. La santé est une ressource pour chaque jour de la vie, et n'est pas la finalité de la vie. C'est un concept positif, mettant en avant les ressources sociales et personnelles aussi bien que les capacités physiques. Cette définition de l'OMS exprime un idéal, qui devrait être le but de toutes les activités de développement de la santé. Dans la médecine et dans la recherche, la santé est souvent comprise comme l'absence d'une maladie ou d'un trouble diagnostiqué. Dans le contexte de la promotion de santé, la santé est appréhendée comme une ressource, qui permet à des personnes de mener une vie individuellement, socialement et économiquement productive face à des situations en perpétuelle changement. Prévention primaire Actions visant à réduire la fréquence d’une maladie ou d’un problème de santé dans une population saine, par la diminution des causes et des facteurs de risque. L’incidence correspond à l’apparition de nouveaux cas. Prévention secondaire Actions visant à la détection et au traitement précoces d’une maladie ou d’un problème de santé. La prévention secondaire consiste à identifier la maladie ou le problème de santé à son stade le plus précoce et à appliquer un traitement rapide et efficace pour en circonscrire les conséquences néfastes. Prevention tertiaire Actions visant à réduire la progression et les complications d’une maladie avérée ou d’un problème de santé. Elle consiste en mesures destinées à réduire les incapacités, les invalidités et les inconvénients et à améliorer la qualité de vie. La prévention tertiaire constitue un aspect important des soins médicaux et de la réhabilitation (on pense ici à l’éducation thérapeutique des diabétiques, par exemple). Morbidité Indicateur de mesure de la fréquence des maladies ou des états de mauvaise santé d'une population. La morbidité est mesurée par des taux de prévalence ou d'incidence. Taux d'incidence (Incidence cumulée) Nombre de nouveaux cas d'une maladie ou d'un évènement lié à la santé, dans une population donnée durant une période de temps connue. L'incidence cumulée mesure le risque de devenir malade. Il est calculé en divisant le nombre de nouveaux cas dans une population spécifique, durant une période de temps connue, par la population au début de la période. Prévalence Nombre de cas d'une maladie, ou de tout autre problème de santé, dans une population définie à un moment donné. 163 Thèse professionnelle soutenue en mars 2013 pour l’obtention du MBA Manager d’entreprise majeure Assurance Sous la direction de : Pierre-Yves LE CORRE Président du Jury : François EWALD Une école est un lieu de production et de diffusion de connaissances. L’Ecole nationale d’assurances s’organise pour répondre le mieux possible à cette mission en direction de ses élèves d’abord, mais aussi de la profession de l’assurance et de ses partenaires : • les « séminaires innovation » animés par les auditeurs du Centre des Hautes Etudes d’Assurance (CHEA), permettent aux professionnels de suivre les grandes innovations en assurance telles qu’on peut les observer à l’étranger ; • les « dialogues de l’Enass » éclairent l’actualité par le débat avec une personnalité remarquable ; • « les travaux de l’Enass » sont destinés à faire bénéficier la profession des travaux menés au sein de l’Enass par ses professeurs et ses élèves, à tous les niveaux, dans la mesure où les jurys qui les ont évalués ont noté leur qualité et leur originalité. Ces travaux vous seront adressés par Internet, certains d’entre eux pouvant faire l’objet d’un tirage sur papier ou même, être édités. Nous souhaitons que toutes ces initiatives vous soient profitables. François Ewald Président du Conseil scientifique et pédagogique de l’Université de l’Assurance