SPéCIAL CONSéCRATION DU ZENDO

Transcription

SPéCIAL CONSéCRATION DU ZENDO
spécial consécration
du zendo
35ème année
REVUE DU CENTRE ZEN DE LA FALAISE VERTE − JUIN 2010
1
Couverture | Cover:
Calligraphie de Maître Taïtsu gravée sur panneau de bois
«Le repaire des lions» pour le zendo de La Falaise Verte – 2010
Nom également donné au zendo du monastère de Shofuku-ji.
Calligraphie of Master Taïtsu engraved on wooden pannel
«The den of the lions» for the zendo of the Falaise Verte – 2010
Name also given to the zendo of the monastery of Shofuku-ji.
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SOMMAIRE
contents
07
Avant-propos
Gérard Planchenault
Foreword
Gérard Planchenault
08
Petite histoire de la Falaise Verte
Taïkan Jyoji
The short story of the Falaise Verte
Taïkan Jyoji
10
La cérémonie de consécration
The ceremony of consecration
37
Teisho de Maître Taïtsu
Vendredi 11 juin
Samedi 12 juin
Teisho of Master Taïtsu
Friday 11 june
Saturday 12 june
44
La sesshin en photo
50
Remerciements
Acknowledgements
51
Film 50mn
Extraits des enseignements
de Maître TaÏtsu
Film 50mn
Extracts of the teachings
of Master Taïtsu
The sesshin in photo
5
6
avant-propos
foreword
texte de Gérard Planchenault
text by Gérard Planchenault
Cette année 2010 est marquée par un évènement
exceptionnel pour notre Sangha: la Consécration
de la nouvelle salle de méditation, le zendo. Cela
correspond aussi au trente cinquième anniversaire
de notre bulletin de la Falaise Verte. Au début
du printemps 1976 était édité le numéro 1, j’ai le
privilège de m’en souvenir encore. Aujourd’hui,
c’est l’occasion d’en faire un numéro spécial
qui retrace les principales phases de cette
brillante inauguration honoré par la présence de
Maître Taïtsu* venu tout spécialement du Japon
pour officier la cérémonie de Consécration.
The year 2010 is marked by an exceptional event
for our Sangha: The consecration of the new
meditation-room, the Zendo. This corresponds
also to the 35th anniversary of our report of
«La Falaise Verte«. The first number was edited
at the beginning of Spring 1976, I have the privilege
of still remembering it. Today is the occasion to
bring it out as a special number, which relates
the principal phases of that brilliant inauguration,
honored by the presence of Master Taïtsu*,
who specially came from Japan to officiate the
ceremony of the consecration.
Finis le plancher qui grince à chaque pas, la fournaise en été…qui accompagnaient notre cheminement spirituel à travers ce bon vieux grand dojo!
Une étape importante est franchie.
Désormais, nous entrons dans le «repaire des
lions», selon la belle formule de Maître Taïtsu
qui ornera bientôt, en calligraphie japonaise, le
fronton de la façade d’entrée. Comme le lion,
nous portons tous en nous cette force potentielle
extraordinaire, in-imaginable au vrai sens du terme,
tant l’aspect de calme et de sérénité peut émaner
par ailleurs de notre personnalité. Il suffit pour la
découvrir de se retrouver tous ensemble dans le
«repaire» et d’y mettre une détermination de tous
les instants.
Mais ce numéro spécial est aussi l’occasion de
faire à l’avenir un bulletin plus riche d’informations,
plus ouvert à tous, en parallèle à un nouveau site
Web plus inventif et prêt à entraîner d’autres
«lions».
La Falaise Verte bouge dans un souci de meilleure
information à tous ses lecteurs.
The wooden floor creaking under each step, the
extreme heat during Summers – which accompanied our spiritual progression across the good,
old and large Dojo – all that is over. An important
step has been covered.
From now on, we enter the «lions’ den», according
to the beautiful phrase of Master Taïtsu, who will
soon ornate the facade of the entrance’s pediment
with Japanese calligraphy. Like the lion, we all
carry in ourselves the potential and extraordinary
strength, unimaginable in the true sense of the
word, since, on the other hand so much quietness
and serenity can emanate from our personality.
It is sufficient, in order to discover it, to gather
in the den and to keep a determination of each
moment. But this special number is also the
occasion to write a richer report in the future, with
more information, more open to all, in parallel to a
new, more inventive Website, ready to lead other
«lions».
The «Falaise Verte» is moving with the concern and
care about a better information for all the readers.
* Taïtsu Kohno Roshi,
successeur de Maître Mumon
au monastère de Shofuku-ji
jusqu’en 2005, est Chef de
Myoshin-ji, la plus importante
des maisons mère du Zen
Rinzaï au Japon. Myoshin-ji
rassemblent plus de 3000
temples et 19 monastères au
Japon ainsi que le Centre de
la Falaise Verte, seul temple
résidant à l’étranger.
* Taïtsu Kohno Roshi,
successor of Master Mumon
at the monastery of Shofuku-ji
until 2005, is the Chief of
Myoshin-ji, the most important
of the mother houses of the
Zen Rinzaï in Japan. Myoshin-ji
assembles more than 3000
temples and 19 monasteries
in Japan as the Centre of la
Falaise Verte, only temple
residing abroad.
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petite histoire
de la falaise verte
petite histoire
de la falaise verte
Discours prononcé par Taïkan Jyoji pour
la cérémonie de consécration
Dimanche 13 juin
The short story of the Falaise Verte
Taïkan Jyoji
Sunday 13th of june
Comme je n’ai pas la parole facile, je vais faire bref !
As I don’t speak easily, I will be short!
Tout a commencé en 1985 , dans le jardin du Korakuen à
Okayama avec un groupe d’élèves, nous nous promenions
et je dis à Gérard: «ça serait bien qu’on réalise notre propre
Centre».
Je fais part de ce projet à Taïtsu Roshi et on a toute son
approbation. Le plus dure restait à faire: rassembler les
énergies, l’argent, acquérir un lieu. Taïtsu Roshi, le premier,
a fait un don important à ce moment là.
Le projet contenait la construction de deux bâtiments principaux, un dojo et un zendo, en commençant par le dojo parce
que dans un dojo on peut faire zazen, mais dans un zendo
on ne peut pas avoir d’autres activités, et comme on avait
de l’argent pour un bâtiment on a construit le dojo. C’est
ainsi que fut créé en 1987 le premier Temple Européen
consacré au Zen Rinzaï.
Plusieurs années plus tard, au cours d’une venue de Taïtsu
Roshi, il me fait la remarque suivante: «Et le zendo alors, c’est
pour quand?». Parce qu’il avait donné de l’argent pour un
zendo mais pas pour un dojo! Alors j’ai dit: «Bon D’accord on
va le faire», et me suis demandé: «par quoi commencer?».
On s’est réuni à Paris. Il y avait Gérard, Ivan, Daniel, AnneDauphine, une ou deux autres personnes, et une personne de
Suisse à qui j’avais aussi demandé de venir, tous pratiquants
le Zen à la Falaise Verte. C’est toujours utile d’avoir un Suisse
pour les questions financières. A un moment donné, il a
demandé combien on avait besoin. J’ai répondu: un million
d’euros. Il a annoncé: Je peux vous trouver ça!
Everything started in 1985, in the garden of the Korakuen in
Okayama, with a group of students / pupils, we were having a
walk and I said to Gérard: «It would be nice to create our own
center.»
I announced this project to Taïtsu Roshi and he gave me his
full approval. The hardest was yet to be done: To gather the
energies, the money, to acquire an adapted place. Taïtsu Roshi
was the first one to make at that time an important donation.
The project included the construction of two principal buildings,
a Dojo and a Zendo, starting with the Dojo because in a Dojo
one can practice the Zazen but in a Zendo one can’t have any
other activity and as we had money for a building, we built the
Dojo. That’s how the first European temple, dedicated to Zen
Rinzaï was created in 1987.
Many years later, during one of the comings, Taïtsu Roshi
made the following remark to me: «What about the Zendo,
when will it be?» Because he had given money for a Zendo
and not for a Dojo. So I said: «All right, we will do it and I
asked myself: «With what shall we start?»
We met and gathered in Paris, Gérard, Ivan, Daniel, Anne-Dauphine,
one or two other people and one person from Switzerland,
I had also asked to come, all of them practising the Zen at
‘La Falaise Verte‘. It is always useful to have a Swiss for
financial questions. At a certain moment, he asked how much
we would need.
I answered: «1 Million Euros».
He announced: «I can find this sum for you!»
Dans la réalité il n’a jamais fourni un centime mais il nous a
fourni l’espoir.
Comme vous le savez on ne peut pas faire zazen sans
taku.* Alors on a commencé à confectionner des taku et on
In reality, he never gave us a single «penny» but he gave us
hope.
As you know one cannot practice the Zazen without taku.* So
we started making some takus and we built the Zendo around.
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* Deux pièces de bois
parallélépipédiques que
l’on frappe l’une contre
l’autre pour ponctuer les
séances de zazen.
*Two parallelepipedic
pieces of wood that we
strike the one against the
other one to punctuate
the sessions of zazen.
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a construit le Zendo autour! C’est aussi simple.
Autrement dit, on a mis la charrue avant les bœufs!
Ça m’a toujours réussi de procéder de cette
manière.
Avec Taïtsu Roshi on a une longue histoire puisque,
à la mort de Mumon Roshi j’ai continué à faire
sanzen avec lui.
Avec Mumon Roshi tout se passait bien parce qu’il
parlait l’anglais, mais avec Taïtsu Roshi c’était
plus difficile de communiquer lors des entretiens
individuels parce que mon japonais s’est appauvri et
lui ne parle pas l’anglais.
Non seulement je ressens Taïtsu Roshi comme
mon Maître, mais on a aussi développé une longue
amitié. Je voudrais,
du fond du cœur, le remercier de venir régulièrement à
La Falaise Verte, tout particulièrement cette année
avec une délégation de dix huit membres, maîtres de
temple, adeptes laïcs, amis. C’est un grand honneur.
Et puis, je voudrais remercier les personnes qui
nous ont aidées moralement et matériellement,
surtout les personnes qui nous ont aidées matériellement...
Un évènement tout à fait exceptionnel pour Taïtsu
Roshi s’est produit, le premier avril, ce n’est pas
une farce, il a été nommé Kancho du Myoshin-ji, en
quelque sorte le Cardinal, des plus de trois mille
temples rattachés à la Maison-mère. Entre temps
mon ami Matsui Soeki a aussi cette année accédé
au titre de Secrétaire Général du Myoshin-ji. Nous
avons donc ici présent les numéros un et deux du
Myoshin-ji.
C’était peut être un peu long mais heureusement je
n’ai pas
la parole facile, donc je m’arrête!
Ah! Pendant que j’y suis, je vous prodigue mon
dernier enseignement: Rappelez-vous toujours ce
nouveau proverbe qui annule définitivement l’ancien:
«Pour réussir un projet,
il faut mettre la charrue avant les bœufs!»
It is as simple as that. In other words, we put the
cart before the horse. I always proceeded this way
successfully.
We have had a long story with Taïtsu Roshi, because
since Mumon Roshi’s death I have continued practicing sanzen with him. As Mumon Roshi spoke English,
everything went fine but with Taïtsu Roshi it was more
difficult to communicate during individual discussions
because my Japanese language has empoverished
with the time and he, himself doesn’t speak English.
Not only do I consider Taïtsu Roshi as my Master, but
we have also developped a long-standing friendship. I
would like to thank him warmly and most sincerely for
coming regularly to «La Falaise Verte», especially this
year, with a delegation of eighteen members, temple
masters, secular followers, friends. It is a great honor.
I also would like to thank all the people, who helped
us morally and materially and financially, above all, the
people who helped us financially. A really exceptional
event happened to Taïtsu Roshi the first of April, it is
not a joke, he was named Kancho of the Myshin-ji, the
Cardinal in a way of more than 3000 temples, united
with the mother-house. Meanwhile, my friend Matsui
Soeki has also attained this year the title of General
Secretary of the Myoshin-ji. We have therefore here
N°1 and 2 of the Myoshin-ji.
Maybe the speech was a little too long but fortunately
I don’t speak easily, thus I will finish it!
Oh! And before I forget, I want to «pour out« my last
teaching to you: Always remember this new saying
which definitively annihilates the former one: «In order
to succeed in some plan, one must put the cart before
the horse!»
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la cérémonie
de consécration
text de Ivan Le Garrec
the ceremony
of consecration
text by Ivan Le Garrec
Le 13 juin au petit matin, les roulements du tambour
taiko magistralement joué par Taishin* annoncent
l’arrivée de maître Taïtsu, de maître Taïkan Jyoji et des
maîtres de temples et laïcs venus du Japon pour la
cérémonie de consécration du Zendo.
Dans la lumière de l’aube naissante, devant les
quelques 80 participants à cette cérémonie, se succédent les dédicaces psalmodiés par maître Taïtsu,
le chant des sutras, les discours de remerciement et
de félicitations, la remise des cadeaux de Myoshin-ji
à maître Jyoji: autant de témoignages du raffinement
émanant de la pratique des rituels élaborés au court
des siècles au sein de la culture du bouddhisme Zen.
Les discours tenus par maître Taïtsu et les maîtres de
temples témoignent de l’importance de l’évènement
pour Myoshin-ji tout en rendant hommage à la formidable conviction de maître Jyoji et des pratiquants du
Centre de la Falaise Verte.
On the 13th of June, early in the morning, the rolling of
the taiko drum, masterly played by Taishin*, announced
the arrival of Master Taïtsu, Master Taïkan Jyoji and the
Masters of temples and laypeople, who had specially
arrived from Japan to attend the consecration’s ceremony of the Zendo of the Falaise Verte.
In the light of an arising dawn, in front of several eighty
participants in this ceremony, psalmodized dedicacies
by Master Taïtsu, were followed by the chant of Sutras,
the speeches of gratefulness and Master Jyoji, all
expressions of emanating refinement of rituals’ practice,
elaborated throughout centuries in the core of Zen
Buddhism culture.
The speeches held by Master Taïtsu and temple´s
Masters, show the importance of the event for
Myoshin-Ji as well as the rendering homage to the
formidable conviction of Master Jyoji and the participants of the Centre of “Falaise Verte”.
La cérémonie clôture une sesshin de 3 jours avec
son programme immuable (sutras, zazen samou)
auquel se sont ajoutés les enseignements oraux et
les cours de taï-chi de maître Taïtsu.
La barrière de la langue étant difficilement surmontable, la rencontre entre la délégation japonaise et
les participants occidentaux à la Sesshin ressemble
à la rencontre de deux fleuves qui se rejoignent, se
mélangent sans que leurs eaux ne se confondent sauf
par des sourires échangés et par le flot invisible du
Zazen qui nous emporte tous dans son mouvement
silencieux.
The celebration ended a three-day long session with its
immutable program (sutras, zazen, samu) to which have
been added the oral teaching and the taï-chi courses
of Master Taïtsu. The barriers of the languages couldn’t
be surmounted without any difficulty but the meeting
between the Japanese delegation and the Western
participants at the Sesshin – recalling the encounter
of two rivers joining each other without mingling their
waters – were rich in exchanged smiles and driven by
the invisible flow of zazen, which brought us all into its
silent movement.
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Un repas sous les arbres conclut cette cérémonie, moment convivial où s’échangent des
souvenirs de Shofoku-ji entre Taïkan Jyoji et
ceux qui étaient alors ces condisciples, en
particulier le « prime minister » de Myoshin-ji
qui fait la preuve d’une belle capacité à apprécier les vins français !
Puis tous le monde se disperse : la délégation
japonaise vers la Suisse et les participants à
la Sesshin vers leurs pénates respectives.
Et le Centre retourne au silence bonifié par
de nouvelles énergies spirituelles.
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A meal under the trees concluded this ceremony,
a convivial moment where memories of the
Shofoku-ji monastery were exchanged between
Master Jyoji and those who had been his
fellow-students, especially the “Prime Minister”
of Myoshin-ji, who proved also to enjoy French
wines!
Then everyone dispersed, the Japanese delegation headed for Switzerland and the participants
in the sesshin towards their respective homes
and the Centre returned to its initial silence
enriched by new spiritual energies.
* Taïshin, élève de
Maître Jyoji, entame sa 7ème
année de pratique au monastère de Shofuku-ji à Kobe
au Japon.
* Taïshin is a follower of
Maître Jyoji and has been
practicing since 7 years at
Shofuku-ji monastery to Kobe
in Japan.
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Teisho de
Maitre Taïtsu
Vendredi 11 juin 2010
Depuis notre naissance, nous sommes engagés dans 3 sortes
de relations : les relations avec la nature, les relations avec la
société et les relations entre notre corps et notre mental.
De quelle façon faut-il vivre ces relations? Et une fois que l’on
a compris, comment l’appliquer?
Au Japon, jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale, l’idée
dominante était que le vrai soi était celui que l’on donnait
pour son pays. Après sa défaite, pour la première fois, cela
a changé. L’idée que l’on pouvait vivre chacun pour soi au
Japon est apparue. Pour ma part, très vite, je me suis posé la
question : « est-ce vraiment cela le vrai soi? Qu’est-ce (que)
vraiment le vrai soi?»
Les pensées qui nous occupent à cet instant même, sont-elles
réellement nos vraies pensées? Est-ce qu’il n’y a pas quelque
chose qui nous fait penser ainsi? Tout ce que nous avons
acquis de l’extérieur, par l’étude ou par l’expérience, on ne
peut pas l’appeler notre vrai soi. Quand on a effacé tout ce qui venait de l’extérieur, ce qui
reste une fois débarrassé de tout cela: c’est précisément ce
que l’on peut appeler notre Pur Soi. Donc une fois que l’on
a tout oublié, que l’on a tout effacé, il ne reste plus qu’une
chose qui est vraiment le Pur Soi, et c’est de cet endroit-là
que naissent les pensées variées qui apparaissent en nous.
Et ce vrai soi, c’est ce que j’appelle la nature humaine
originelle.
Cet esprit pur, cet esprit débarrassé de toutes les choses
acquises de l’extérieur, on appelle en japonais Bussho que
l’on peut traduire par nature de Bouddha. Et, à partir de
maintenant, je vais essayer d’expliquer ce qu’est cette nature
de Bouddha.
Le Bouddha Sakyamuni, c’est-à-dire le Bouddha historique,
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Teisho of
Master Taïtsu
Friday 11th of June 2010
Since our birth we are involved in three sorts of relations.
The relation to nature, the relation to society and the relation
between our body and mind. How can we live these relations?
And once understood, how can we apply them?
In Japan, until the Second World War, the dominant idea was
that the True Self was the one given to one’s country. After the
defeat of Japan, things changed for the first time. The idea of
living as an individual, for oneself, appeared. As for me, I’ve
asked myself the question: «Is this really the True Self? What
is really the True Self?»
The thoughts which occupy our mind at the very moment, are
they really our true thoughts? Is there something that makes
us think that way? All we acquire from the outside world,
through studies and experiences, can’t be called our True
Self. Therefore, once we have forgotten everything and freed
ourselves from all those thoughts, there is only one thing left
which is really the Pure Self, and it is only from this point on,
that various thoughts arise and appear inside us. And this True
Self is what I call the original human nature.
This pure mind, this mind free from all the things experienced
from the outside is called in Japanese, BUSSHÔ, which can
be translated «Buddha Nature». And from now on, I will try
to explain what this Buddha nature is. Buddha Sakyamuni,
that means the historic Buddha at the time of his awakening
realised a universal truth which splits up into 3 parts:
1- Every phenomenon is impermanent, which means that
everything, absolutely everything is transitory, nothing lasts
forever. Because everything passes transitorily, it is stupid to
feel attached to anything at all.
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lors de son éveil, a réalisé une vérité universelle qui se
décompose en trois parties:
1- Tout phénomène est impermanent, ce qui veut dire que
tout, absolument tout, passe transitoirement, rien ne perdure
pour toujours: puisque tout passe transitoirement, il est
stupide de s’attacher à quoi que ce soit.
2- Tout entité est dénuée d’ego, rien en ce monde n’existe
isolément, on est tous reliés les uns aux autres: la connaissance de la mutuelle interdépendance de toutes les choses
du monde fait naître en soi un sentiment de gratitude et une
volonté d’amendement.
3- De cette vérité universelle est le nirvana, la sérénité:
plus nos désirs s’apaisent, plus notre cœur s’apaise en
même temps.
Et ces trois vérités auxquelles s’est éveillé le Bouddha Sakyamuni
ne sont pas des vérités extérieures à nous, ce sont des vérités
que nous vivons, ce sont des vérités que nous incarnons.
Et dans mon explication, l’absence de soi, procure la paix.
C’était la première fois qu’un homme réalisait que nous vivons
selon ces trois vérités, et que nous sommes un avec ces trois
vérités. Il n’y a pas de différence entre le Pur Soi et ces trois
vérités: on est ces trois vérités et ces trois vérités sont nous.
L’humanité existe depuis très longtemps et c’était la première
fois que cette réalisation était faite par un homme, le Bouddha
historique.
Le zen, c’est précisément l’esprit qui s’éveille à cette vérité
triple. Le zen, c’est réaliser que ces trois vérités et le Pur Soi
ne font qu’un, donc c’est s’éveiller à ces trois vérités, les réaliser et les voir clairement. Cette vérité de l’esprit se transmet
d’un être à un autre. C’est différent si on la lit dans un livre
ou si on la reçoit oralement de quelqu’un. Pour illustrer cette
transmission d’un être à un autre être, je vais vous raconter
une histoire du Bouddha Sakyamuni:
«Un jour qu’il était assis pour donner un sermon, tous ses
disciples assis autour de lui s’étaient préparés à l’écouter.
Au lieu de commencer son sermon, il prit simplement une fleur
de lotus en pleine floraison et la montra à l’assemblée.
Il ne dit pas un mot, il ne fit que montrer cette fleur.
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2- Every entity is devoid of the Ego, nothing in this world
exists separately, we are all linked to each other: the knowledge of the mutual interdependence of all wordly things makes
a feeling grow in ourselves, a feeling of gratitude and a will of
amendment.
3- From this universal truth comes the Nirvana, the Serenity:
the more our desires appease, the more our heart appeases at
the same time.
The Buddha Sakyamuni awoke to these three truths and these
truths aren’t exterior to us but are truths we live, truths we
incarnate. In my explanation, the absence of oneself procures
peace. It was the first time a man had realised that we only live
according to these three truths and that we are one with these
three truths. There is no difference between the Pure Self and
these three truths: we are these three truths and they are us.
Humanity existed for ages and it was the first time that such a
realisation was done by a man, the historic Buddha.
The Zen is precisely the mind which awakes to this triple truth,
the Zen, is to realise that these three truths and the Pure Self
are one, therefore it means to awaken to these three truths,
to realise them and to visualize them clearly. This truth of the
mind is transmitted from one person to another. It is something
different if one reads it in a book or if it is received orally from
someone. To illustrate this transmission from one being to
another being, I will tell you a story from Buddha Sakyamuni:
«One day, as he was sitting to give a sermon, all his disciples
sitting around him had prepared themselves to listen to him.
Instead of starting his sermon he simply took a lotus flower in
full blossom and showed it to the assembled company.
He didn’t pronounce a single word, he only showed this flower
and all the disciples expecting the habitual sermon are flabbergasted. Only one person, called in Japanese Makokasho
and in sanskrit Mahakashyapa, smiles at him lightly seeing the
flower. Seeing this smile, Buddha Sakyamuni transmitted him
his nature in saying: I transmit my awaken spirit to Makkasho».
He transmitted it to the person who smiled seeing this
splendid flower because this smile was the sign that he had
understood the flower’s nature and understood Buddha
Nature.
Le Bouddha Sakyamuni sans rien dire du tout montre cette
fleur et tous les disciples qui s’attendaient au sermon habituel
en restent bouche bée. Seule une personne que l’on appelle
en japonais Makakasho et en sanscrit Mahakashyapa lui sourit
seulement légèrement en voyant la fleur. En voyant ce sourire,
le Bouddha Sakyamuni transmit sa nature de Bouddha à
son disciple en disant: «mon esprit éveillé, je le transmets à
Makakasho». Il le transmet à la personne qui a souri à la vue
de cette splendide fleur parce que ce sourire est le signe qu’il
avait compris la nature de la fleur et qu’il avait compris
la nature de Bouddha.»
Even without words, if we share someone’s suffering, if we
share someone’s joy, that is because we are both, carriers
of this Buddha Nature which is transmitted without a single
word. This is the characteristic of Zen, of Buddhism in general.
And this Buddha Nature for the Europeans in Europe is still
something new.
We all worry about the past and the future, but in fact the past
is inside ourselves and so is the future. The past as well as the
future are included in the Self as it is now. As the past and the
future are in the Self at the moment, the Zen questions is:
The Self just now, what is it?
Même sans un mot, si nous partageons la souffrance de celui
Le teisho est une
conférence prononcée
par un Maître zen au cours
d’une sesshin sur un
point particulier de
l’enseignement
du zen.
The teisho is a conference
pronunced by a zen Master
during a sesshin on
a special point of the
zen teaching.
Taïshin, traducteur interprete japonais
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qui souffre, si nous partageons la joie de celui qui se réjouit,
c’est parce que nous sommes tous les deux porteurs de cette
nature de Bouddha qui se transmet sans un mot. Ca, c’est le
propre du zen, et du bouddhisme, en général. Et cette nature
de Bouddha, pour des Européens, en Europe, c’est encore
quelque chose de nouveau.
Tous autant que nous sommes, nous nous soucions du passé
et du futur, mais en fait le passé se trouve en nous et le futur
se trouve aussi en nous. Le passé tout autant que le futur se
trouvent dans le Soi tel qu’il est à cet instant même. Puisque
le passé et le futur se trouvent dans le Soi à cet instant même,
le zen nous interroge: «le Soi, à cet instant même, qu’est-ce
que c’est?»
Pour illustrer cette question, voici l’histoire d’un jeune homme
appelé Cukong qui avait l’intention d’aller pratiquer un peu de
zazen et s’apprêtait à sortir pour chercher un endroit calme.
Juste au moment où il sortait, le laïc Yuima , en japonais
Vimalakîrti était de retour. Le jeune Cukong demanda: «où est-ce que vous étiez allé? »et Yuima répond: «je suis
allé au dojo». Le jeune Cukong continua: «et ce dojo, où se
trouve-t-il? »et la réponse de Uima est: «l’esprit juste, c’est cela le
dojo, car là point de désillusion c’est-à-dire l’esprit direct et
honnête, c’est cela même le dojo, car dans cet esprit-là, il
n’y a point de contrefaçon». Même si on est dans des bâtiments, des équipements aussi
bien agencés que possible dans un environnement calme, si la
confusion est présente dans notre cœur, ce n’est pas un dojo.
Le patriarche Eno dit à ce sujet: «en marchant, assis, debout
ou couché, maintenez toujours un cœur droit. Si, durant toute
la journée, à chacun de nos moindres gestes, on est capable
de ne pas perdre cet esprit droit, alors on est dans le plus
précieux des dojos».
Et le même laïc, Yuima, qui était indien, dit aussi: «si l’esprit
est clair, la contrée est pure; si l’esprit de chacun est un
esprit juste, alors le monde entier s’en trouve purifié et ici et
maintenant devient un vrai dojo».
On raconte aussi qu’un révérend chinois de l’ère Tang, qui
s’appelait Ts’ouei-yen (en japonais Zuigan Shigen) se tenait
tous les jours à lui-même le dialogue suivant:
To illustrate this question, here is the story of a young man
called Cukong, who intended to practice the Zazen and was
about to go out in order to find a peaceful spot. Right at this
moment the layman Yuima, in Japanese Vimalakirti, came back.
The young Cukong asked: «Where have you been?» and Yuima
answered: «I went to the Dojo». The young Cukong continued:
«And where is this Dojo to be found?» and Yuima’s answer is:
«The right mind, that is the Dojo, because there, there is no
delusion, that is to say the mind is direct and honest, that is
exactly the Dojo, because in that mind there is no counterfeiting.»
Even if you are in buildings perfectly adapted for practicing
Zazen, surrounded by a calm environment, if confusion is
present in your heart, there is no Dojo. The patriarch Eno says
concerning this subject: “In walking, sitting, standing, lying,
always maintain your heart straight. If during the day, we are
capable – during the slightest movement – of keeping the
mind straight, then we are inside the most precious Dojo.”
And the same layman, Yuima, who was an Indian also says:
«if the mind is clear, the surrounding is pure, if the mind of
each of us is a just and untroubled mind, then the whole world
gets purified and here and now becomes a real Dojo.»
It is also said that a Chinese reverend of the Tang era, whose
name was Ts’ouei-yen (in Japanese Zuigan Shigen) kept
everyday this dialogue in mind:
«Master?» «Yes.»
«Do you keep your eyes open?» «Yes.»
«Don’t get trapped by the people.» «No.»
The most important thing is to place one’s reliance on the
original human nature, here and now and to exclude all the
rest without thinking about the future or the past. The most
important moment is now and the future will develop from this
moment.
Buddhism was imported to China from India and from China
to Japan. In India, the Buddhism was based on the application
of precepts and the meditation in sitting. When this Buddhism
arrived in China, it evolved and was influenced by the practical
mind of the Chinese people, especially during the Tang era,
where it was subjected to a traditional change.
23
«Maître ?», «Oui »
«As-tu les yeux bien ouverts?», «Oui »
«Ne te laisse pas piéger par les gens», «Non».
Se fonder sur la nature humaine originelle ici et maintenant
à l’exclusion de tout le reste, sans penser ni au futur, ni au
passé, c’est cela le plus important. Ici et maintenant, c’est le
moment le plus important. Le futur se développera à partir de
cet ici et maintenant.
Le bouddhisme a été importé en Chine depuis l’Inde et depuis
la Chine au Japon. En Inde, le Bouddhisme était basé sur
l’application des préceptes et la méditation assise. Quand
le Bouddhisme arriva en Chine, il évolua sous l’influence de
l’esprit du peuple chinois qui a un esprit pratique; en particulier, à l’ère Tang, où il subit un grand changement. A cette
époque là, il y eut une répression violente contre le bouddhisme avec la destruction des temples, des statues, l’exécution
des prêtres bouddhistes qui refusaient de quitter le kolomo.
Avec la disparition des temples disparut aussi l’enseignement.
Et c’est à l’intérieur de ces bouleversements que le Bouddhisme zen émergea. Les prêtres et les moines zen fuyèrent la
répression et quittèrent les temples qui étaient situés près des
villes pour aller vivre dans la forêt. Là-bas, il n’y avait pas de
livres de sutras, ni de représentations du Bouddha en statues
ou en peintures. De plus, alors que jusque-là les prêtres et
les moines zen avaient vécu de la mendicité, en pleine forêt,
il leur devenait impossible d’aller mendier. Pour la première
fois, en Chine, les moines bouddhistes ont eu l’obligation de
faire du travail pratique pour survivre.
En vivant dans les montagnes et près des rivières, les moines
zen développèrent, pour la première fois dans le Bouddhisme,
le respect pour la nature. Ils comprirent que les trois vérités
réalisées par le Bouddha s‘appliquaient aussi à ces montagnes et à ces rivières. Ces trois vérités de l’impermanence,
de l’absence du soi et de la sérénité du nirvana se retrouvaient aussi… Par exemple si l’on prend une montagne, si
on la regarde pendant cinq ou dix minutes, on a l’impression
qu’elle ne change pas. Mais si on la regarde pendant une
longue période, elle change comme toute chose. Aussi, si on
regarde une montagne, on comprend qu’elle n’a pas de soi
intrinsèque. Et en écoutant les bruits de la nature, ces moines
24
At that time, Buddhism was violently repressed, temples,
statues were destroyed, Buddhist priests – those who refused
to leave the Kolomo – were executed. The disappearance
of the temples was followed by the disappearance of the
Teaching. The Zen Buddhism emerged during these upheavals. The Zen priests and monks fled from the repression
and left the temples which were located near the cities and
reached the forests. In this new surrounding, no sutras books,
no statues nor paintings of the Buddha were to be found.
Furthermore, in the midst of the forest, the priests and monks
couldn’t go begging anymore as they used to do. For the first
time in China, the Buddhist monks were obliged to accomplish
practical work in order to survive. In living in the mountains
and near the rivers, the Zen monks developed for the first time
in Buddhism the respect for Nature. They understood that the
three realised Truths of Buddha could also be applied to these
mountains and rivers. These three Truths of impermanence,
Self absence of the Nirvana’s Serenity could also be... If we
take a mountain for example, if we look at it during 5 or 10
minutes, we have the impression that it doesn’t change. But if
we look at it during a long period, it undergoes a change like
everything else. So if we look at a mountain, we understand
that it doesn’t possess an intrinsic Self. And in listening to
the Nature’s sounds and noises, the Zen monks understood
that these noises and sounds were also Buddha’s teaching,
regardless of the scriptures and writing.
So, for the first time, at that moment, the Buddhist monks who
had become Zen monks in this practical life where seeds were
sown, where manual work was accomplished, put into practice
Buddha’s teaching. This new way and this way of being is
what you have practiced this morning and the manual work in
the Zen context is called the SAMOU.
While looking at a mountain, we understand that we are
facing Buddha’s teaching, in listening to the sound of a river,
to the wind through the pine trees, we understand that it is
also Buddha’s teaching. Even without a temple containing the
Sutras books or Buddha’s representations, Nature itself is the
temple, that’s what at that time the Zen monks realised. This
way to be in the midst of Nature, to see there the Buddha’s
teaching, that is the Zen Buddhist teaching.
When the Zen was imported to Japan from China at the time
D’un long voyage du Japon
à l a F a l a i s e Ve r t e ,
sous le ciel du pays du Bouddha,
après des années d’efforts,
un magnifique Zendo a pris forme.
Il n’existe rien de supérieur au
zazen assis, pour voir profondément en soi. Lorsque se déroule
une Assemblée du Dharma, les
êtres du monde entier en bénéficient.
Poème de Maître Taïtsu / la Falaise Verte / du 10 au 13 juin 2010
Come all the way from Japan
to the Green Cliff (H E KIGAN)
under the sky of Buddha-Land
A f t e r y e a r ’ s l a b o u r,
The Zendo is splendid.
There is nothing better than
sitting to look deep into the self.
Holding the Dharma-meeting is
beneficial for all people of the world.
Poème by Maître Taïtsu / la Falaise Verte / from 10 to 13 june 2010
zen comprirent que ces bruits de la nature étaient aussi l’enseignement du Bouddha indépendamment des écritures. Ainsi,
pour la première fois, à ce moment-là, les moines bouddhistes
qui étaient devenus des moines zen dans cette vie pratique
où l’on sème des graines, où l’on fait du travail manuel, mirent
en pratique l’enseignement du Bouddha. Cette nouvelle façon
et cette façon d’être, c’est ce que vous avez fait ce matin que
l’on appelle le SAMOU, le travail manuel dans le cadre du zen.
En regardant une montagne, on comprend que c’est aussi
l’enseignement du Bouddha; en écoutant le bruit d’une rivière,
c’est aussi l’enseignement du Bouddha; le bruit du vent dans
les pins, c’est aussi l’enseignement du Bouddha. Même sans
avoir un temple avec des livres de sutras ou des représentations du Bouddha, la nature elle-même est le temple, c’est ce
que réalisèrent les moines zen de cette époque.Cette façon
d’être dans la nature, d’y voir l’enseignement du Bouddha,
c’est l’enseignement bouddhiste du zen.
Quand le zen fut importé au Japon depuis la Chine à l’époque
Kamakura, d’autres domaines de la vie culturelle y furent
importés : la culture, la littérature, les arts… ce fut l’occasion
d’un grand développement de la culture japonaise. Sous l’influence du zen, tous ces domaines de la culture importés ne
restèrent pas seulement des techniques, mais devinrent des
façons de perfectionner son esprit. Par exemple, dans la cérémonie du thé, il n’est pas seulement question de faire du thé
et de le boire, mais de travailler sur son esprit en travaillant
sur la façon d’introduire l’eau chaude, sur la façon d’émulsionner le thé et sur la façon de boire le thé. Et ce travail sur
l’esprit se retrouve dans toutes les voies, ce que l’on appelle
les voies: l’arrangement floral, la calligraphie, la cérémonie
du thé, comme on a dit, et bien d’autres, les arts martiaux, la
peinture, les jardins… Pour revenir sur l’arrangement floral,
ces fleurs vivantes que l’on arrange, c’est son propre esprit
que l’on arrange en suivant cette voie. Donc toutes ces voies
culturelles japonaises ne sont plus simplement que des
techniques, mais des moyens de réaliser cette vraie nature qui
caractérise le zen.
of Kamakura, other fields of cultural life were also imported:
culture, literature and arts ... a large Japanese cultural
development took place. Under the influence of Zen, all the
other imported domains of culture didn’t only stay techniques,
they became ways to improve its mind. In the tea ceremony
for example, it is not only a question of preparing and drinking
tea but of working at one’s mind, working how hot water gets
introduced, how tea gets emulsified, how one drinks the tea,
and this effort on the mind is found in all the so-called ways:
the floral arrangement, the calligraphy, the tea ceremony, as
already mentioned, the martial arts, the painting, the gardens...
Coming back to the floral arrangement, these fresh flowers we
arrange is our own mind we arranged in following this way.
So all these Japanese cultural ways are not simple techniques
anymore but means in order to realise this True Self which
characterizes the Zen. Even today, all these ways are truly
implanted in the Japanese culture: the tea ceremony, the
floral arrangement, the Japanese calligraphy. This Zen culture
anchored in practical life which was developed from the
Buddhism’s importation, is nowadays neither found in India
nor in China, it specifically belongs to Japan.
And why could these ways have been able to develop? It
is because the Zen insists on practical life. There is a Zen
expression which says: «Put on your robe, swallow your rice»,
which means that the only fact to eat, to get dressed, to go
to the washroom are ways to come closer to one’s personal
fulfilment. And this is really the characteristic of the Zen’s
mind even if it is not present in the original Buddhist teaching,
it is however absolutely Zen.
29
30
Même aujourd’hui, toutes ces voies sont bien vivantes dans
la culture japonaise: la cérémonie du thé, l’arrangement floral,
la calligraphie japonaise.
Cette culture zen de la vie pratique qui s’est développé àpartir
de l’importation du bouddhisme, on ne la trouve aujourd’hui ni
en Inde, ni en Chine, elle appartient spécifiquement au Japon.
Et pourquoi ces voies ont-elles pu se développer?
C’est parce que le zen insiste sur la vie pratique. Il y a une expression zen qui dit: «enfile ta robe, avale ton riz», ce qui veut
dire que le fait de manger, le fait de s’habiller, le fait d’aller aux
toilettes, c’est une façon de se rapprocher de sa réalisation
personnelle. Et c’est vraiment ça la caractéristique de l’âme
du zen bien que l’on ne la trouve pas dans l’enseignement
bouddhiste original, mais qui est proprement zen.
31
Samedi 12 juin 2010
La société d’aujourd’hui a vu un grand nombre de progrès
techniques et industriels.
Tous ces progrès techniques ont créé une société qui
facilite grandement notre vie.
Auparavant, pour venir jusqu’à ce Dojo, cela prenait un
temps très long, et cette fois le vol a duré un peu plus
de onze heures et comme nous avons passé une nuit à
Amsterdam, l’ensemble du voyage a pris deux jours. Mais
dans l’ensemble c’est vraiment devenu très rapide pour
venir jusqu’à ce Dojo.
La dernière fois que nous étions venus, il fallait encore faire
attention à la quantité d’eau qu’on utilisait mais cette fois
avec la pompe dans la rivière, avec le puit, on peut utiliser
librement la quantité d’eau que l’on désire et on profite de
ce progrès.Et même la réalisation de ce splendide dojo est
également un fruit de la technologie et des progrès. Tous
ces progrès ont beaucoup d’aspects positifs dont nous profitons, mais pas seulement des aspects positifs. Il y a aussi
des désavantages. Ces derniers temps, nous avons pollué
la nature, pollué l’eau, pollué l’air, et ces désavantages se
retrouvent aussi dans le cœur de l’être humain.
Nous avons tous cinq sens: nous voyons les choses avec
les yeux, nous sentons les odeurs avec le nez, nous goûtons
avec la bouche, nous écoutons avec nos oreilles et nous
pouvons toucher le monde extérieur avec notre sens du
toucher. Le fonctionnement de ces cinq sens constitue
la vie humaine ; et le fait de recevoir les informations de
l’extérieur à travers ces cinq sens constitue le plaisir de la
vie humaine. Les progrès récents permettent de profiter de
ce plaisir des sens de façon de plus en plus rapide et de
plus en plus immédiate.
Avec les progrès récents, quand on a une envie, un désir,
on peut le contenter de façon de plus en plus rapide et
en quantité de plus en plus grande. On peut même dire
que tous les progrès technologiques de notre époque sont
orientés vers la satisfaction de ces envies et de ces désirs.
Auparavant, les gens vivaient dans un monde qui était
proche d’eux, ils se contentaient de peu et ils avaient des
contacts avec les gens autour d’eux. Maintenant, avec les
32
Saturday the 12 th of June 2010
The present society has seen a great number of technical and
industrial progress. All this technical progress has created a
society which deeply facilitates our life. Previously, for coming
to the Dojo, it took a long time and this time, the flight lasted
a little bit more than 11 hours and as we stayed overnight in
Amsterdam, the whole trip took us 2 days. But on the whole it
has become quite easy and fast to reach the Dojo.
The last time we came, we still had to mind the quantity of
water used, but this time, with the pump in the river, with the
well, we can use all the water we need and we welcome this
progress. And also the splendid realisation of this Dojo is
part of the technology and its progress. All this progress has
many positive aspects, of which we take advantage, but they
don’t include only positive aspects. They contain also some
disadvantages. Lately, we have polluted nature, the air, the
water and those shortcomings can also be found in the man’s
heart.
We all have five senses: we see things thanks to the eyes, we
smell odours thanks to the nose, we taste with the mouth, we
listen to sounds with the ears and we can touch the exterior
world with our sense of touching. The functioning of these five
senses constitutes human life and the fact to receive information from outside grace to our five senses constitutes the
pleasure of human life.
Recent progress allows us to take advantage of this pleasure
in an always faster and immediate way. Grace to the recent
progress, when we desire something, we can more rapidly
than ever and as often as possible obtain it.
We can even say, that all technical progress nowadays is
oriented towards the satisfaction of our envies and desires.
In the past, people used to live in a world close to them, they
were satisfied with little and they had contacts with the people
living around them. Nowadays, with the progress, even things
which come from far away are assimilated and become part of
our awareness.
For example, in Japan, I get some information and in the
same time I must assimilate news coming from America and
Europe. This widening of world-wide information concerns
also Nature. I live in Japan, in a region called Kansaï, but
33
progrès, même les choses qui viennent de loin,
on les reçoit et on assimile de l’information. Par
exemple, du Japon, je reçois des informations
et je dois assimiler des nouvelles qui viennent
d’Amérique ou d’Europe. Cet élargissement
du cercle des sources d’information ne se
limite pas seulement à la société humaine
mais concerne aussi la nature. Je vis au Japon
dans une région qui s’appelle le Kansaï, mais
aujourd’hui je ne suis plus soumis seulement à
ce qui se passe dans le Kansaï mais aussi à ce
qui se passe dans le monde entier.
Par exemple, ce voyage qui se passe maintenant
pour faire l’inauguration de ce zendo devait se
dérouler l’an dernier mais il a été annulé à cause
de la grippe porcine qui a été un problème
mondial sévissant le plus sévèrement à Kobé.
Un autre exemple, récemment il y a eu un volcan
qui a fait que les avions ne pouvaient plus décoller et cela aurait pu aussi faire qu’on devait
annuler ce voyage.
Aussi bien en ce qui concerne la société humaine qu’en ce qui concerne la nature, on n’est
soumis à ce qui se passe dans le monde entier
et cela est dû au progrès avec les avions, le TGV
et autres…
Et c’est vraiment notre soi lui-même qui est
influencé par ce qui se passe dans la société
mondiale et dans la nature, dans le monde
entier. Dans ce monde où on est sans arrêt
soumis à des informations de l’extérieur, c’est
très difficile de trouver la paix en soi. Tout le
temps on reçoit des stimulus de l’extérieur, c’est
sans doute pour ça qu’on appelle notre société
‘la société de l’information’. Mais comme on est
constamment soumis à ces stimulations externes, notre être est constamment tourné vers
l’extérieur et on oubli ce qu’est notre vrai soi.
On pourrait appeler notre époque ‘l’époque de
l’oubli du soi».
Je vais maintenant vous parler d’un conte
chinois* qui a plus de 2000 ans d’ancienneté.
34
today I’m not only submitted to what happens in
the Kansaï district, I happen to know what occurs
in the whole world. This trip for example, taking
place now and concerning the inauguration of the
Zendo, had to take place last year in fact but was
cancelled because of the porcine flu, which was
a major world problem, hitting most severely the
city of Kobé. Let’s take another example, more
recently a volcano has cancelled countless flights
and this also could have called off this trip. The
human society as well as nature is subjected to
what happens in the whole world and this is due
to the progress with the airplanes, the High Speed
trains and so on. And it is really our inner Self
which is influenced by what happens in the worldwide society, in nature, throughout the world. In
this world in which we are constantly subdued to
information coming from outside, it is very difficult
to find peace in oneself. We get all the time some
stimuli from the outer world, that’s probably why
we call our Society “the society of information”.
But because we are always submitted to these
external stimulations, our Self and Being are
always turned towards the outside world and we
forget what our true Self is. One could call our
time “the time of the forgetting of the self”.
I will tell you now a Chinese tale* which is over
2000 years old, very old and still very current.
This tale is very famous, so you may have heard it.
A very long time ago three emperors existed.
The first one, called Houen Touen was the Emperor of the Middle. The second one, called Choun,
was the Emperor of the Southern Seas and the
third one, called Hou, was the Emperor of the
Northern Seas. The names themselves are
interesting. The name of the Emperor of the North
is a Chinese character, whose meaning evolved
but which originally meant “rapid”. The name of
the Emperor of the South means “brief”, a word
in which the idea of immediacy and rapidity is
included. As for the Emperor of the Middle, his
name Houen Touen means literally “Chaos”, like
*Extrait d’un ouvrage d’un
philosophe taoïste chinois
du IIIè siècle avant J.-C. qui
porte le même nom que ce
philosophe: Tchouang-tseu.
*Extract of a book of a
chinese taoiste philosopher
during the third century B.C.:
Tchouang-tseu.
35
36
Bien qu’il soit si ancien, il est complètement
actuel. Ce conte est très célèbre et vous le
connaissez peut-être.
En des temps très reculés, il y avait trois empereurs. Le premier, l’empereur du Milieu était
appelé Houen-touen; le deuxième, l’empereur
des mers du Sud était appelé Chou; et le troisième, l’empereur des mers du nord était appelé
Hou. Les noms eux-mêmes sont intéressants.
Celui de l’empereur du Nord est un caractère
chinois dont le sens a évolué mais qui originalement veut dire ‘rapide’. Celui de L’empereur du
Sud signifie ‘bref’, mot dans lequel il y a l’idée
d’intanstanéïté et de rapidité. Quant à L’empereur du Milieu, son nom Houen-touen signifie
littéralement le ‘Chaos’ à l’image de ce qui s’est
passé dans l’Univers juste après le Big Bang où
tout était en désordre.
Un jour ces trois Empereurs se réunissent dans
l’Empire du Milieu. Pourquoi ces trois Empereurs
s’étaient-ils réunis?
Le conte ne le dit pas mais quoiqu’il en soit
quand la réunion fut terminée les deux empereurs en gratitude pour l’empereur du Milieu se
demandent ce qu’ils pourraient lui offrir.
Il se trouve que cet empereur Houen-touen de
l’empire du Milieu n’était pas une personne
normale : il avait un visage complètement lisse
sans les yeux, sans nez, sans bouche et sans
oreilles. Et les deux empereurs se dirent que
sa vie devait être bien inintéressante puisqu’il
n’avait pas accès aux sens et au plaisir de sentir,
de manger, de voir les choses, ce plaisir dont
on parlait précédemment. Ils décidèrent donc
de créer les sept orifices manquant de l’empereur Houen-touen. Ainsi chaque jour, les deux
empereurs se mirent à percer les sept orifices
sur le visage de l’empereur Houen-touen. Et le
septième jour, alors qu’ils par viennent à percer
le septième orifice qui va ouvrir tous les sens sur
son visage, Houen-touen meurt subitement.
Dans le conte, la raison pour laquelle l’empereur
what happened in the Universe right after the Big
Bang where everything was in total disorder.
One day the three Emperors gathered in the Empire
of the Middle. Why did these three Emperors meet?
The tale doesn’t specify it but when the meeting
came to a close, the two Emperors in gratitude
towards the Emperor of the Middle asked themselves what they could offer him.
It must be added that Emperor Houen Touen of the
Empire of the Middle wasn’t a normal person: he
had a totally smooth face, containing no eyes, no
nose, no mouth, nor ears. And the two Emperors
thought that his life was probably unsatisfying,
uninteresting because he had no access to the
senses and to the pleasure of smelling, eating and
seeing things, this pleasure, which I mentioned
further above. So they decided to create the seven
orifices missing to Emperor Houen Touen. Everyday,
the two Emperors drilled one orifice on the Emperor’s face. And the day seventh, while they were
drilling the last orifice, Houen-Touen suddenly died.
In the tale, we don’t know the reason why the
Emperor died. As it is a very ancient tale, numerous
famous thinkers have thought about the signification
of Emperor Houen Touen’s death and we all have
done it, too. What sort of message did the author
want to deliver and transmit to us when seven orifices were chiselled on the face? You have probably
already understood the message.
For myself, this tale relates to what I’ve previously
said: Due to our five senses, we are always connected to the outer world and because of that, we
haven’t got the capacity anymore to know ourselves
in depth, to see our true inner being. We are living
in a time where the true Self is put aside, whereas
in the tale, Houen Touen, who has an «empty» face,
where the eyes, the nose, mouth are missing, has
plenty of occasions to reach his proper inner Self.
All of you do practice the Zazen and the question I
want to ask you is the following: are our five senses
necessary during the Zazen or not?
During the Zazen, we interrupt the activity of the
37
meurt n’est pas dite. Comme c’est un conte
très ancien, dans toute l’histoire de très grands
penseurs ont réfléchi profondément à la signification de la mort de l’empereur Houen-touen et
nous aussi, vous aussi, nous nous demandons ce
que l’auteur a voulu faire passer comme message
avec la mort de ce roi lorsqu’on a créé les sept
orifices de son visage.
Vous avez sans doute déjà compris. Pour moi,
ce conte se rapporte à ce que j’ai dit précédemment: du fait de nos cinq sens, nous sommes
toujours tournés vers l’extérieur et à cause de ça,
nous n’avons plus la capacité de nous connaître
intérieurement et de voir notre vrai être intérieur.
Comme je l’ai dit tout à l’heure, on est à l’époque
de l’oubli de son vrai soi. Alors qu’au contraire
dans le conte, Houen-touen qui avait le visage
sans les yeux, sans le nez, sans la bouche avait
assurément l’occasion de faire son introspection
intérieure et de rechercher son propre soi.
Vous pratiquez tous Zazen et la question que je
veux vous poser est: pendant Zazen, est-ce-que
nos cinq sens sont nécessaires ou pas?
Pendant Zazen, on suspend l’activité des cinq
sens : on n’utilise plus ses oreilles, on voit
toujours avec ses yeux mais on ne fixe plus son
attention sur ce qu’on voit, idem avec les odeurs,
et bien sûr on ne parle pas. Une fois que nous
avons interrompu cette activité des sens, on est
capable de regarder à l’intérieur de soi. Et je
pense que ce regard intérieur est absolument
nécessaire.
Comme je l’ai dit auparavant dans la vie courante, on utilise tous nos cinq sens et cela est
nécessaire pour l’humanité. Mais il n’y a pas que
cela, il y a aussi la vie intérieure et la recherche
de son vrai soi. Or, on est dans une société où
cette recherche est devenue très difficile.
Une humanité qui ne se cherche pas intérieurement, ce n’est pas l’humanité. Et c’est ce que
signifie effectivement la mort de Houen-touen:
la mort de l’humanité, puisque cette recherche
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five senses: we don’t use our ears anymore, we
still see with our eyes but we don’t fix anymore our
attention on what we see, on what we smell and of
course we don’t speak. Once we have interrupted
this activity of the senses, we are capable of looking
inwards. And I think that this inner look is absolutely
necessary. A mankind who doesn’t search itself
inwardly is not a genuine mankind and that is the
significance of Houen-Touen’s death: it signifies
mankind’s death because this inner research can’t
take place anymore.
When Apollo landed on the moon, the whole world
rejoiced because it had been its dearest wish for so
long, the idea of reaching another planet. President
Charles de Gaulle said on this occasion: “During
centuries, man has been gazing at the moon shining
in the sky and has dreamt. It seemed to him that
nothing was further than the moon. Now the moon
has become close to him but what hasn’t come
closer on the other hand and is still distant from
him, is his own heart”. When I heard these words, it
truly motivated me to search for the inner Being and
Truth. If we observe our everyday life, the time used
for introspection is really very short even if this inner
search and look are essential. Houen-Touen dived
100% into introspection, the necessary tool for that,
for us is the Zazen. I’d like to give you some instructions to practice the Zazen in the correct way.
In the Kegon-kyo (avatamsaka-sutra, skrt.-Literature:
Buddha’s sutra of the garland) there is a famous
expression, which is «myojistsujiken» signifying:
»To see in fact what one truly is, to see one’s own
truth». A way to come closer to this interior truth is
to try to remember one’s life since birth. Once born,
what is our first memory? And I would like to ask
you this question «what is the first event you still
remember since you were born?»
What is your first memory?
For most people, the first memory reaches back
to the age of 3, in the kindergarten or at nursery
school, which is late to my mind. So I propose,
during Zazen, once you have switched off the
intérieure ne peut plus avoir lieu.
Lorsqu’Apollo a atterri sur la lune, le monde
entier s’est réjouit parce que cela correspondait
à une envie de l’humanité qui datait de très loin
d’aller sur une autre planète. C’est à cette occasion que le Président Charles De Gaulle a dit la
chose suivante: pendant des siècles, l’homme,
en voyant la lune briller dans le ciel, a rêvé et
bâti des romans, il lui semblait qu’il n’y avait pas
de chose plus lointaine que la lune. Maintenant
la lune est devenue proche, ce qui ne s’est pas
rapproché et qui est toujours aussi loin de nous
mêmes, c’est justement le cœur de l’homme.
Quand j’ai entendu ces paroles, ça m’a vraiment
motivé à chercher ce qu’il y avait à l’intérieur.
Si on regarde notre vie de tous les jours, le
temps passé à cette introspection est vraiment
très court bien que cette recherche intérieure
soit très importante. On ne vit pas à l’image de
Houen-touen qui était à 100 % dans l’introspection alors que ce qu’il faut d’abord faire c’est
justement chercher son soi intérieur, et l’outil à
utiliser pour cela c’est le zazen. J’aimerais vous
donner quelques instructions pour faire zazen de
façon correcte.
Dans le Kegon-kyo (avatamsaka-sutra, skrt. –
Littér. «sutra de la guirlande de Bouddha ») il y a
une expression célèbre qui est «myojistsu jiken»
qui signifie: voir en fait ce qu’on est réellement,
voir sa propre vérité.
Une façon de se rapprocher de cette vérité
intérieure c’est d’essayer de se souvenir de sa
vie depuis la naissance. Une fois qu’on est venu
au monde, quel est notre premier souvenir? Et
j’aimerais vous poser cette question:
«après votre naissance, quelle est la chose la
plus ancienne dont vous vous souvenez? Quel est
votre premier souvenir?»
Pour la plupart des gens, leur premier souvenir
remonte à l’âge de trois ans au jardin d’enfants
ou bien à l’école maternelle ce qui est très tardif
à mon avis. Donc je vous propose, pendant
outside world, once your attention is entirely
turned inwards, to deeply search for your first
memory, well before kindergarten, well before
nursery school.
As far as I’m concerned, my first memory which
comes back to me is when I started standing
upright, clutching at something. I was standing
in my baby-carriage, which brought it out of
balance, turned it over and made me fall on the
floor. I still remember today, the anguish and
terror I felt at that time.
Somebody came to rescue me but who was that
person? I can’t remember it. On the other hand,
I have no remembrance of what happened from
my birth on to that moment. I was around one,
when I started standing in holding something.
I always ask the monks the question of their
first memory at the beginning of their training
period or austerity and I get various answers.
One recurrent answer is the first time when the
person succeeds in getting up while crawling
when someone, probably the mother, claps her
hands in watching him or also the vision of the
mother’s face being in her arms.
Most of the people, as I said previously, only remember things at the age of around three. This
is the most frequent case. Those who remember
an event before the age of three are rather few.
For my part, the first memory goes back to the
age of one year and not before. However since
my birth till this memory I was probably the
whole day long with my mother, she gave me
the basic, constant baby care: breastfeeding
me, washing me, but I don’t remember anything
of that. I’d like to ask some specialists why
generally one doesn’t remember what happens
after birth. At any case, mankind seems rather
ungrateful and oblivious. After this first memory,
I remember the kindergarten, the preparations
for Mother’s Day for example or the time spent
outside school which was possible in the
kindergarten. I also remember the first day
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zazen, une fois que vous avez éteint le monde
extérieur, que votre attention est entièrement
tournée à l’intérieur, de chercher profondément
votre premier souvenir bien avant l’école maternelle, bien avant la garderie, vraiment le plus
ancien possible.
En ce qui me concerne, mon premier souvenir
remonte
juste à l’âge où je commençais à me tenir debout
en me
ndau ce qui le désiquilibra, le fit se retourner
et me fis tomber par terre. Et même aujourd’hui,
je me souviens encore de la terreur que j’avais
éprouvée alors. Quelqu’un vint à la rescousse
mais qui était cette personne? Je ne suis pas
capable de m’en souvenir. Par contre, ce dont
je n’ai aucun souvenir c’est ce qui s’est passé
à partir de la naissance jusqu’à ce moment là.
Je devais avoir à peu près un an parce que je
commençais à me tenir debout en me tenant à
quelque chose.
Cette question du premier souvenir qu’on peut
se remémorer je la pose toujours à mes moines
au début de leur période de formation ou d’austérité et j’ai des réponses
diverses. Une des réponses que j’ai souvent
c’est la première fois où la personne a réussi à
se lever alors qu’elle marchait à quatre pattes et
que quelqu’un, sans doute sa mère, a applaudit
en voyant qu’il s’était levé, ou encore la vision du
visage de sa mère en étant dans ses bras.
La plupart des gens, comme je le disais auparavant, ne parviennent à se souvenir que vers l’âge
de trois ans.
C’est le cas le plus fréquent. Les personnes qui
se souviennent de quelque chose avant l’âge de
trois ans sont plutôt rares. En ce qui me concerne, ce premier souvenir remonte à peu près à
l’âge d’un an, et je ne me souviens pas du tout
de ce qui s’est passé avant. Cependant depuis la
naissance jusqu’à ce souvenir, j’étais sans doute
toute la journée avec ma mère, elle ne me quittait
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of school because my mother took me there
or I remember all she did for me every morning,
preparing my clothes and washing my face. I can
therefore unwind my whole life from that first
memory on until today.
So first, I try to remember all my mother did for me
since the first memory, secondly, I try to remember
all I did for her and we have to be careful here.
In the kindergarten for example, we used to
prepare a gift for Mother’s Day but as every child
used to do it, I can’t consider this gift as something really
prepared for my mother. Or after the meal, doing
the washing up. This is something absolutely
normal to do. Once the meal is over, we wash the
dishes, this daily chore can’t be considered as
something specifically done for my mother.
So if I place side by side these two things:
all my mother did for me with all I did for her,
I realise that my mother did much more for me
than vice versa and the three truths mentioned
yesterday, come back to my mind:
The truth of impermanence – interdependence –
and the Serenity which appears with the absence
of the Self; in fact I’m only the incarnation of these
three truths. With this introspection of all we have
lived till the first memory, a feeling of gratitude
appears inevitably. Gratitude for all that we have
received which is by far more important than what
we have done for others and also a will to rectify
the things we haven’t done well. During Zazen with
the Sussokan technique, it is essential to focus on
the breathing but it is only a tool for the interior
introspection and that is for me very important.
Tomorrow we will part but I would like you to keep
this in mind, to put into practice this Sutra
teaching «Nyojitsu chiken», the interior introspection.
Thanks to all of you.
pas, elle me donnait des soins quotidiennement
et à longueur de journée: la toilette, l’allaitement,
mais de tout ça je n’ai aucun souvenir.
J’aimerais demander à des spécialistes pourquoi
on n’arrive pas à se souvenir de ce qui se passe
juste après la naissance.
En tout cas, la chose à laquelle ça me fait
penser c’est que l’humanité est plutôt ingrate
et oublieuse. Après ce premier souvenir, je suis
capable de me souvenir de ce qui s’est passé à
l’école maternelle, par exemple la préparation de
la fête des mères ou bien les visites à l’extérieur
de l’école qu’on pouvait faire à l’école maternelle.
Je me souviens aussi du premier jour d’école
parce-que ma mère m’accompagnait, ou bien de
tout ce qu’elle faisait tous les matins pour moi:
préparer mes vêtements, me laver le visage.
Et je peux ainsi dérouler toute ma vie depuis ce
premier souvenir jusqu’à aujourd’hui.
Donc dans un premier temps j’essaie de me
souvenir de tout ce que ma mère a fait pour moi
depuis ce premier souvenir, puis dans un deuxième temps j’essaie de me souvenir de tout ce que
j’ai fait pour elle, et là il faut bien faire attention.
Par exemple, à l’école maternelle on préparait un
cadeau pour la fête des mères mais ça en fait,
comme tout le monde le faisait, je ne considère
pas que c’est quelque chose que j’ai réellement
fait pour ma mère. Ou bien après le repas faire la
vaisselle : ça c’est quelque chose qui est absolument normale. Une fois qu’on a mangé, on nettoie
les plats avec lesquels on a mangé, ça non plus
ça ne rentre pas dans le cadre de ce que j’ai fait
pour ma mère.
Donc si je juxtapose ces deux choses: tout
ce que ma mère a fait pour moi et tout ce que
j’ai fait pour elle, je me rends compte que les
choses qu’elle a fait pour moi sont infiniment plus
nombreuses que les choses que j’ai faites pour
elle et je vois aussi que les trois vérités dont on
parlait hier : les vérités d’impermanence, d’interdépendance et la sérénité qui vient de l’absence
de soi, en fait je ne suis que l’incarnation de
ces trois vérités.
Et avec cette introspection sur tout ce
qu’on a vécu depuis son premier souvenir,
immanquablement un sentiment de gratitude
apparaît. Gratitude pour tout ce qu’on a reçu
qui est infiniment plus important que ce qu’on
à fait pour les autres. Et aussi une volonté
d’amendement pour les choses qu’on n’a pas
bien faites. Pendant zazen avec la technique
du sussokan, il est primordial de porter son
attention sur la respiration, mais ce n’est
qu’un outil pour l’introspection intérieure, et
ça pour moi c’est très important.
Demain on va se séparer, mais j’aimerais que
vous gardiez ça en mémoire et que vous mettiez en pratique l’enseignement de ce sutra
«Nyojitsu chiken», l’introspection intérieure.
Merci à tous.
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Remerciements
acknowledgements
A Maître Taïtsu et à ses accompagnateurs
To Master Taïtsu and his followers
Au traducteur-interprète japonais
To the japanese translator interpreter:
Taïshin
Aux architectes de La Falaise Verte
To the architects of the Falaise Verte Center:
Gérard Planchenault et Ivan Le Garrec
A tous ceux qui ont participé à l’élaboration de cette plaquette
To all who have participated at the creation of this booklet:
Céline Bansart, Monique Herellier, Odile-Wynn Meyer, Patrick Palmyre,
Romina Pilloni, Graziella Quéron, Eugènie et Michel Ray, Adam Slowik.
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Directeur de publication
Manager of publication:
Taïkan Jyoji
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Revue du Centre Zen
de la falaise verte
N°58