SPéCIAL CONSéCRATION DU ZENDO
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SPéCIAL CONSéCRATION DU ZENDO
spécial consécration du zendo 35ème année REVUE DU CENTRE ZEN DE LA FALAISE VERTE − JUIN 2010 1 Couverture | Cover: Calligraphie de Maître Taïtsu gravée sur panneau de bois «Le repaire des lions» pour le zendo de La Falaise Verte – 2010 Nom également donné au zendo du monastère de Shofuku-ji. Calligraphie of Master Taïtsu engraved on wooden pannel «The den of the lions» for the zendo of the Falaise Verte – 2010 Name also given to the zendo of the monastery of Shofuku-ji. 3 4 SOMMAIRE contents 07 Avant-propos Gérard Planchenault Foreword Gérard Planchenault 08 Petite histoire de la Falaise Verte Taïkan Jyoji The short story of the Falaise Verte Taïkan Jyoji 10 La cérémonie de consécration The ceremony of consecration 37 Teisho de Maître Taïtsu Vendredi 11 juin Samedi 12 juin Teisho of Master Taïtsu Friday 11 june Saturday 12 june 44 La sesshin en photo 50 Remerciements Acknowledgements 51 Film 50mn Extraits des enseignements de Maître TaÏtsu Film 50mn Extracts of the teachings of Master Taïtsu The sesshin in photo 5 6 avant-propos foreword texte de Gérard Planchenault text by Gérard Planchenault Cette année 2010 est marquée par un évènement exceptionnel pour notre Sangha: la Consécration de la nouvelle salle de méditation, le zendo. Cela correspond aussi au trente cinquième anniversaire de notre bulletin de la Falaise Verte. Au début du printemps 1976 était édité le numéro 1, j’ai le privilège de m’en souvenir encore. Aujourd’hui, c’est l’occasion d’en faire un numéro spécial qui retrace les principales phases de cette brillante inauguration honoré par la présence de Maître Taïtsu* venu tout spécialement du Japon pour officier la cérémonie de Consécration. The year 2010 is marked by an exceptional event for our Sangha: The consecration of the new meditation-room, the Zendo. This corresponds also to the 35th anniversary of our report of «La Falaise Verte«. The first number was edited at the beginning of Spring 1976, I have the privilege of still remembering it. Today is the occasion to bring it out as a special number, which relates the principal phases of that brilliant inauguration, honored by the presence of Master Taïtsu*, who specially came from Japan to officiate the ceremony of the consecration. Finis le plancher qui grince à chaque pas, la fournaise en été…qui accompagnaient notre cheminement spirituel à travers ce bon vieux grand dojo! Une étape importante est franchie. Désormais, nous entrons dans le «repaire des lions», selon la belle formule de Maître Taïtsu qui ornera bientôt, en calligraphie japonaise, le fronton de la façade d’entrée. Comme le lion, nous portons tous en nous cette force potentielle extraordinaire, in-imaginable au vrai sens du terme, tant l’aspect de calme et de sérénité peut émaner par ailleurs de notre personnalité. Il suffit pour la découvrir de se retrouver tous ensemble dans le «repaire» et d’y mettre une détermination de tous les instants. Mais ce numéro spécial est aussi l’occasion de faire à l’avenir un bulletin plus riche d’informations, plus ouvert à tous, en parallèle à un nouveau site Web plus inventif et prêt à entraîner d’autres «lions». La Falaise Verte bouge dans un souci de meilleure information à tous ses lecteurs. The wooden floor creaking under each step, the extreme heat during Summers – which accompanied our spiritual progression across the good, old and large Dojo – all that is over. An important step has been covered. From now on, we enter the «lions’ den», according to the beautiful phrase of Master Taïtsu, who will soon ornate the facade of the entrance’s pediment with Japanese calligraphy. Like the lion, we all carry in ourselves the potential and extraordinary strength, unimaginable in the true sense of the word, since, on the other hand so much quietness and serenity can emanate from our personality. It is sufficient, in order to discover it, to gather in the den and to keep a determination of each moment. But this special number is also the occasion to write a richer report in the future, with more information, more open to all, in parallel to a new, more inventive Website, ready to lead other «lions». The «Falaise Verte» is moving with the concern and care about a better information for all the readers. * Taïtsu Kohno Roshi, successeur de Maître Mumon au monastère de Shofuku-ji jusqu’en 2005, est Chef de Myoshin-ji, la plus importante des maisons mère du Zen Rinzaï au Japon. Myoshin-ji rassemblent plus de 3000 temples et 19 monastères au Japon ainsi que le Centre de la Falaise Verte, seul temple résidant à l’étranger. * Taïtsu Kohno Roshi, successor of Master Mumon at the monastery of Shofuku-ji until 2005, is the Chief of Myoshin-ji, the most important of the mother houses of the Zen Rinzaï in Japan. Myoshin-ji assembles more than 3000 temples and 19 monasteries in Japan as the Centre of la Falaise Verte, only temple residing abroad. 7 8 petite histoire de la falaise verte petite histoire de la falaise verte Discours prononcé par Taïkan Jyoji pour la cérémonie de consécration Dimanche 13 juin The short story of the Falaise Verte Taïkan Jyoji Sunday 13th of june Comme je n’ai pas la parole facile, je vais faire bref ! As I don’t speak easily, I will be short! Tout a commencé en 1985 , dans le jardin du Korakuen à Okayama avec un groupe d’élèves, nous nous promenions et je dis à Gérard: «ça serait bien qu’on réalise notre propre Centre». Je fais part de ce projet à Taïtsu Roshi et on a toute son approbation. Le plus dure restait à faire: rassembler les énergies, l’argent, acquérir un lieu. Taïtsu Roshi, le premier, a fait un don important à ce moment là. Le projet contenait la construction de deux bâtiments principaux, un dojo et un zendo, en commençant par le dojo parce que dans un dojo on peut faire zazen, mais dans un zendo on ne peut pas avoir d’autres activités, et comme on avait de l’argent pour un bâtiment on a construit le dojo. C’est ainsi que fut créé en 1987 le premier Temple Européen consacré au Zen Rinzaï. Plusieurs années plus tard, au cours d’une venue de Taïtsu Roshi, il me fait la remarque suivante: «Et le zendo alors, c’est pour quand?». Parce qu’il avait donné de l’argent pour un zendo mais pas pour un dojo! Alors j’ai dit: «Bon D’accord on va le faire», et me suis demandé: «par quoi commencer?». On s’est réuni à Paris. Il y avait Gérard, Ivan, Daniel, AnneDauphine, une ou deux autres personnes, et une personne de Suisse à qui j’avais aussi demandé de venir, tous pratiquants le Zen à la Falaise Verte. C’est toujours utile d’avoir un Suisse pour les questions financières. A un moment donné, il a demandé combien on avait besoin. J’ai répondu: un million d’euros. Il a annoncé: Je peux vous trouver ça! Everything started in 1985, in the garden of the Korakuen in Okayama, with a group of students / pupils, we were having a walk and I said to Gérard: «It would be nice to create our own center.» I announced this project to Taïtsu Roshi and he gave me his full approval. The hardest was yet to be done: To gather the energies, the money, to acquire an adapted place. Taïtsu Roshi was the first one to make at that time an important donation. The project included the construction of two principal buildings, a Dojo and a Zendo, starting with the Dojo because in a Dojo one can practice the Zazen but in a Zendo one can’t have any other activity and as we had money for a building, we built the Dojo. That’s how the first European temple, dedicated to Zen Rinzaï was created in 1987. Many years later, during one of the comings, Taïtsu Roshi made the following remark to me: «What about the Zendo, when will it be?» Because he had given money for a Zendo and not for a Dojo. So I said: «All right, we will do it and I asked myself: «With what shall we start?» We met and gathered in Paris, Gérard, Ivan, Daniel, Anne-Dauphine, one or two other people and one person from Switzerland, I had also asked to come, all of them practising the Zen at ‘La Falaise Verte‘. It is always useful to have a Swiss for financial questions. At a certain moment, he asked how much we would need. I answered: «1 Million Euros». He announced: «I can find this sum for you!» Dans la réalité il n’a jamais fourni un centime mais il nous a fourni l’espoir. Comme vous le savez on ne peut pas faire zazen sans taku.* Alors on a commencé à confectionner des taku et on In reality, he never gave us a single «penny» but he gave us hope. As you know one cannot practice the Zazen without taku.* So we started making some takus and we built the Zendo around. 9 * Deux pièces de bois parallélépipédiques que l’on frappe l’une contre l’autre pour ponctuer les séances de zazen. *Two parallelepipedic pieces of wood that we strike the one against the other one to punctuate the sessions of zazen. 10 a construit le Zendo autour! C’est aussi simple. Autrement dit, on a mis la charrue avant les bœufs! Ça m’a toujours réussi de procéder de cette manière. Avec Taïtsu Roshi on a une longue histoire puisque, à la mort de Mumon Roshi j’ai continué à faire sanzen avec lui. Avec Mumon Roshi tout se passait bien parce qu’il parlait l’anglais, mais avec Taïtsu Roshi c’était plus difficile de communiquer lors des entretiens individuels parce que mon japonais s’est appauvri et lui ne parle pas l’anglais. Non seulement je ressens Taïtsu Roshi comme mon Maître, mais on a aussi développé une longue amitié. Je voudrais, du fond du cœur, le remercier de venir régulièrement à La Falaise Verte, tout particulièrement cette année avec une délégation de dix huit membres, maîtres de temple, adeptes laïcs, amis. C’est un grand honneur. Et puis, je voudrais remercier les personnes qui nous ont aidées moralement et matériellement, surtout les personnes qui nous ont aidées matériellement... Un évènement tout à fait exceptionnel pour Taïtsu Roshi s’est produit, le premier avril, ce n’est pas une farce, il a été nommé Kancho du Myoshin-ji, en quelque sorte le Cardinal, des plus de trois mille temples rattachés à la Maison-mère. Entre temps mon ami Matsui Soeki a aussi cette année accédé au titre de Secrétaire Général du Myoshin-ji. Nous avons donc ici présent les numéros un et deux du Myoshin-ji. C’était peut être un peu long mais heureusement je n’ai pas la parole facile, donc je m’arrête! Ah! Pendant que j’y suis, je vous prodigue mon dernier enseignement: Rappelez-vous toujours ce nouveau proverbe qui annule définitivement l’ancien: «Pour réussir un projet, il faut mettre la charrue avant les bœufs!» It is as simple as that. In other words, we put the cart before the horse. I always proceeded this way successfully. We have had a long story with Taïtsu Roshi, because since Mumon Roshi’s death I have continued practicing sanzen with him. As Mumon Roshi spoke English, everything went fine but with Taïtsu Roshi it was more difficult to communicate during individual discussions because my Japanese language has empoverished with the time and he, himself doesn’t speak English. Not only do I consider Taïtsu Roshi as my Master, but we have also developped a long-standing friendship. I would like to thank him warmly and most sincerely for coming regularly to «La Falaise Verte», especially this year, with a delegation of eighteen members, temple masters, secular followers, friends. It is a great honor. I also would like to thank all the people, who helped us morally and materially and financially, above all, the people who helped us financially. A really exceptional event happened to Taïtsu Roshi the first of April, it is not a joke, he was named Kancho of the Myshin-ji, the Cardinal in a way of more than 3000 temples, united with the mother-house. Meanwhile, my friend Matsui Soeki has also attained this year the title of General Secretary of the Myoshin-ji. We have therefore here N°1 and 2 of the Myoshin-ji. Maybe the speech was a little too long but fortunately I don’t speak easily, thus I will finish it! Oh! And before I forget, I want to «pour out« my last teaching to you: Always remember this new saying which definitively annihilates the former one: «In order to succeed in some plan, one must put the cart before the horse!» 11 12 la cérémonie de consécration text de Ivan Le Garrec the ceremony of consecration text by Ivan Le Garrec Le 13 juin au petit matin, les roulements du tambour taiko magistralement joué par Taishin* annoncent l’arrivée de maître Taïtsu, de maître Taïkan Jyoji et des maîtres de temples et laïcs venus du Japon pour la cérémonie de consécration du Zendo. Dans la lumière de l’aube naissante, devant les quelques 80 participants à cette cérémonie, se succédent les dédicaces psalmodiés par maître Taïtsu, le chant des sutras, les discours de remerciement et de félicitations, la remise des cadeaux de Myoshin-ji à maître Jyoji: autant de témoignages du raffinement émanant de la pratique des rituels élaborés au court des siècles au sein de la culture du bouddhisme Zen. Les discours tenus par maître Taïtsu et les maîtres de temples témoignent de l’importance de l’évènement pour Myoshin-ji tout en rendant hommage à la formidable conviction de maître Jyoji et des pratiquants du Centre de la Falaise Verte. On the 13th of June, early in the morning, the rolling of the taiko drum, masterly played by Taishin*, announced the arrival of Master Taïtsu, Master Taïkan Jyoji and the Masters of temples and laypeople, who had specially arrived from Japan to attend the consecration’s ceremony of the Zendo of the Falaise Verte. In the light of an arising dawn, in front of several eighty participants in this ceremony, psalmodized dedicacies by Master Taïtsu, were followed by the chant of Sutras, the speeches of gratefulness and Master Jyoji, all expressions of emanating refinement of rituals’ practice, elaborated throughout centuries in the core of Zen Buddhism culture. The speeches held by Master Taïtsu and temple´s Masters, show the importance of the event for Myoshin-Ji as well as the rendering homage to the formidable conviction of Master Jyoji and the participants of the Centre of “Falaise Verte”. La cérémonie clôture une sesshin de 3 jours avec son programme immuable (sutras, zazen samou) auquel se sont ajoutés les enseignements oraux et les cours de taï-chi de maître Taïtsu. La barrière de la langue étant difficilement surmontable, la rencontre entre la délégation japonaise et les participants occidentaux à la Sesshin ressemble à la rencontre de deux fleuves qui se rejoignent, se mélangent sans que leurs eaux ne se confondent sauf par des sourires échangés et par le flot invisible du Zazen qui nous emporte tous dans son mouvement silencieux. The celebration ended a three-day long session with its immutable program (sutras, zazen, samu) to which have been added the oral teaching and the taï-chi courses of Master Taïtsu. The barriers of the languages couldn’t be surmounted without any difficulty but the meeting between the Japanese delegation and the Western participants at the Sesshin – recalling the encounter of two rivers joining each other without mingling their waters – were rich in exchanged smiles and driven by the invisible flow of zazen, which brought us all into its silent movement. 13 14 15 Un repas sous les arbres conclut cette cérémonie, moment convivial où s’échangent des souvenirs de Shofoku-ji entre Taïkan Jyoji et ceux qui étaient alors ces condisciples, en particulier le « prime minister » de Myoshin-ji qui fait la preuve d’une belle capacité à apprécier les vins français ! Puis tous le monde se disperse : la délégation japonaise vers la Suisse et les participants à la Sesshin vers leurs pénates respectives. Et le Centre retourne au silence bonifié par de nouvelles énergies spirituelles. 16 A meal under the trees concluded this ceremony, a convivial moment where memories of the Shofoku-ji monastery were exchanged between Master Jyoji and those who had been his fellow-students, especially the “Prime Minister” of Myoshin-ji, who proved also to enjoy French wines! Then everyone dispersed, the Japanese delegation headed for Switzerland and the participants in the sesshin towards their respective homes and the Centre returned to its initial silence enriched by new spiritual energies. * Taïshin, élève de Maître Jyoji, entame sa 7ème année de pratique au monastère de Shofuku-ji à Kobe au Japon. * Taïshin is a follower of Maître Jyoji and has been practicing since 7 years at Shofuku-ji monastery to Kobe in Japan. 17 Teisho de Maitre Taïtsu Vendredi 11 juin 2010 Depuis notre naissance, nous sommes engagés dans 3 sortes de relations : les relations avec la nature, les relations avec la société et les relations entre notre corps et notre mental. De quelle façon faut-il vivre ces relations? Et une fois que l’on a compris, comment l’appliquer? Au Japon, jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale, l’idée dominante était que le vrai soi était celui que l’on donnait pour son pays. Après sa défaite, pour la première fois, cela a changé. L’idée que l’on pouvait vivre chacun pour soi au Japon est apparue. Pour ma part, très vite, je me suis posé la question : « est-ce vraiment cela le vrai soi? Qu’est-ce (que) vraiment le vrai soi?» Les pensées qui nous occupent à cet instant même, sont-elles réellement nos vraies pensées? Est-ce qu’il n’y a pas quelque chose qui nous fait penser ainsi? Tout ce que nous avons acquis de l’extérieur, par l’étude ou par l’expérience, on ne peut pas l’appeler notre vrai soi. Quand on a effacé tout ce qui venait de l’extérieur, ce qui reste une fois débarrassé de tout cela: c’est précisément ce que l’on peut appeler notre Pur Soi. Donc une fois que l’on a tout oublié, que l’on a tout effacé, il ne reste plus qu’une chose qui est vraiment le Pur Soi, et c’est de cet endroit-là que naissent les pensées variées qui apparaissent en nous. Et ce vrai soi, c’est ce que j’appelle la nature humaine originelle. Cet esprit pur, cet esprit débarrassé de toutes les choses acquises de l’extérieur, on appelle en japonais Bussho que l’on peut traduire par nature de Bouddha. Et, à partir de maintenant, je vais essayer d’expliquer ce qu’est cette nature de Bouddha. Le Bouddha Sakyamuni, c’est-à-dire le Bouddha historique, 18 Teisho of Master Taïtsu Friday 11th of June 2010 Since our birth we are involved in three sorts of relations. The relation to nature, the relation to society and the relation between our body and mind. How can we live these relations? And once understood, how can we apply them? In Japan, until the Second World War, the dominant idea was that the True Self was the one given to one’s country. After the defeat of Japan, things changed for the first time. The idea of living as an individual, for oneself, appeared. As for me, I’ve asked myself the question: «Is this really the True Self? What is really the True Self?» The thoughts which occupy our mind at the very moment, are they really our true thoughts? Is there something that makes us think that way? All we acquire from the outside world, through studies and experiences, can’t be called our True Self. Therefore, once we have forgotten everything and freed ourselves from all those thoughts, there is only one thing left which is really the Pure Self, and it is only from this point on, that various thoughts arise and appear inside us. And this True Self is what I call the original human nature. This pure mind, this mind free from all the things experienced from the outside is called in Japanese, BUSSHÔ, which can be translated «Buddha Nature». And from now on, I will try to explain what this Buddha nature is. Buddha Sakyamuni, that means the historic Buddha at the time of his awakening realised a universal truth which splits up into 3 parts: 1- Every phenomenon is impermanent, which means that everything, absolutely everything is transitory, nothing lasts forever. Because everything passes transitorily, it is stupid to feel attached to anything at all. 19 lors de son éveil, a réalisé une vérité universelle qui se décompose en trois parties: 1- Tout phénomène est impermanent, ce qui veut dire que tout, absolument tout, passe transitoirement, rien ne perdure pour toujours: puisque tout passe transitoirement, il est stupide de s’attacher à quoi que ce soit. 2- Tout entité est dénuée d’ego, rien en ce monde n’existe isolément, on est tous reliés les uns aux autres: la connaissance de la mutuelle interdépendance de toutes les choses du monde fait naître en soi un sentiment de gratitude et une volonté d’amendement. 3- De cette vérité universelle est le nirvana, la sérénité: plus nos désirs s’apaisent, plus notre cœur s’apaise en même temps. Et ces trois vérités auxquelles s’est éveillé le Bouddha Sakyamuni ne sont pas des vérités extérieures à nous, ce sont des vérités que nous vivons, ce sont des vérités que nous incarnons. Et dans mon explication, l’absence de soi, procure la paix. C’était la première fois qu’un homme réalisait que nous vivons selon ces trois vérités, et que nous sommes un avec ces trois vérités. Il n’y a pas de différence entre le Pur Soi et ces trois vérités: on est ces trois vérités et ces trois vérités sont nous. L’humanité existe depuis très longtemps et c’était la première fois que cette réalisation était faite par un homme, le Bouddha historique. Le zen, c’est précisément l’esprit qui s’éveille à cette vérité triple. Le zen, c’est réaliser que ces trois vérités et le Pur Soi ne font qu’un, donc c’est s’éveiller à ces trois vérités, les réaliser et les voir clairement. Cette vérité de l’esprit se transmet d’un être à un autre. C’est différent si on la lit dans un livre ou si on la reçoit oralement de quelqu’un. Pour illustrer cette transmission d’un être à un autre être, je vais vous raconter une histoire du Bouddha Sakyamuni: «Un jour qu’il était assis pour donner un sermon, tous ses disciples assis autour de lui s’étaient préparés à l’écouter. Au lieu de commencer son sermon, il prit simplement une fleur de lotus en pleine floraison et la montra à l’assemblée. Il ne dit pas un mot, il ne fit que montrer cette fleur. 20 2- Every entity is devoid of the Ego, nothing in this world exists separately, we are all linked to each other: the knowledge of the mutual interdependence of all wordly things makes a feeling grow in ourselves, a feeling of gratitude and a will of amendment. 3- From this universal truth comes the Nirvana, the Serenity: the more our desires appease, the more our heart appeases at the same time. The Buddha Sakyamuni awoke to these three truths and these truths aren’t exterior to us but are truths we live, truths we incarnate. In my explanation, the absence of oneself procures peace. It was the first time a man had realised that we only live according to these three truths and that we are one with these three truths. There is no difference between the Pure Self and these three truths: we are these three truths and they are us. Humanity existed for ages and it was the first time that such a realisation was done by a man, the historic Buddha. The Zen is precisely the mind which awakes to this triple truth, the Zen, is to realise that these three truths and the Pure Self are one, therefore it means to awaken to these three truths, to realise them and to visualize them clearly. This truth of the mind is transmitted from one person to another. It is something different if one reads it in a book or if it is received orally from someone. To illustrate this transmission from one being to another being, I will tell you a story from Buddha Sakyamuni: «One day, as he was sitting to give a sermon, all his disciples sitting around him had prepared themselves to listen to him. Instead of starting his sermon he simply took a lotus flower in full blossom and showed it to the assembled company. He didn’t pronounce a single word, he only showed this flower and all the disciples expecting the habitual sermon are flabbergasted. Only one person, called in Japanese Makokasho and in sanskrit Mahakashyapa, smiles at him lightly seeing the flower. Seeing this smile, Buddha Sakyamuni transmitted him his nature in saying: I transmit my awaken spirit to Makkasho». He transmitted it to the person who smiled seeing this splendid flower because this smile was the sign that he had understood the flower’s nature and understood Buddha Nature. Le Bouddha Sakyamuni sans rien dire du tout montre cette fleur et tous les disciples qui s’attendaient au sermon habituel en restent bouche bée. Seule une personne que l’on appelle en japonais Makakasho et en sanscrit Mahakashyapa lui sourit seulement légèrement en voyant la fleur. En voyant ce sourire, le Bouddha Sakyamuni transmit sa nature de Bouddha à son disciple en disant: «mon esprit éveillé, je le transmets à Makakasho». Il le transmet à la personne qui a souri à la vue de cette splendide fleur parce que ce sourire est le signe qu’il avait compris la nature de la fleur et qu’il avait compris la nature de Bouddha.» Even without words, if we share someone’s suffering, if we share someone’s joy, that is because we are both, carriers of this Buddha Nature which is transmitted without a single word. This is the characteristic of Zen, of Buddhism in general. And this Buddha Nature for the Europeans in Europe is still something new. We all worry about the past and the future, but in fact the past is inside ourselves and so is the future. The past as well as the future are included in the Self as it is now. As the past and the future are in the Self at the moment, the Zen questions is: The Self just now, what is it? Même sans un mot, si nous partageons la souffrance de celui Le teisho est une conférence prononcée par un Maître zen au cours d’une sesshin sur un point particulier de l’enseignement du zen. The teisho is a conference pronunced by a zen Master during a sesshin on a special point of the zen teaching. Taïshin, traducteur interprete japonais 21 22 qui souffre, si nous partageons la joie de celui qui se réjouit, c’est parce que nous sommes tous les deux porteurs de cette nature de Bouddha qui se transmet sans un mot. Ca, c’est le propre du zen, et du bouddhisme, en général. Et cette nature de Bouddha, pour des Européens, en Europe, c’est encore quelque chose de nouveau. Tous autant que nous sommes, nous nous soucions du passé et du futur, mais en fait le passé se trouve en nous et le futur se trouve aussi en nous. Le passé tout autant que le futur se trouvent dans le Soi tel qu’il est à cet instant même. Puisque le passé et le futur se trouvent dans le Soi à cet instant même, le zen nous interroge: «le Soi, à cet instant même, qu’est-ce que c’est?» Pour illustrer cette question, voici l’histoire d’un jeune homme appelé Cukong qui avait l’intention d’aller pratiquer un peu de zazen et s’apprêtait à sortir pour chercher un endroit calme. Juste au moment où il sortait, le laïc Yuima , en japonais Vimalakîrti était de retour. Le jeune Cukong demanda: «où est-ce que vous étiez allé? »et Yuima répond: «je suis allé au dojo». Le jeune Cukong continua: «et ce dojo, où se trouve-t-il? »et la réponse de Uima est: «l’esprit juste, c’est cela le dojo, car là point de désillusion c’est-à-dire l’esprit direct et honnête, c’est cela même le dojo, car dans cet esprit-là, il n’y a point de contrefaçon». Même si on est dans des bâtiments, des équipements aussi bien agencés que possible dans un environnement calme, si la confusion est présente dans notre cœur, ce n’est pas un dojo. Le patriarche Eno dit à ce sujet: «en marchant, assis, debout ou couché, maintenez toujours un cœur droit. Si, durant toute la journée, à chacun de nos moindres gestes, on est capable de ne pas perdre cet esprit droit, alors on est dans le plus précieux des dojos». Et le même laïc, Yuima, qui était indien, dit aussi: «si l’esprit est clair, la contrée est pure; si l’esprit de chacun est un esprit juste, alors le monde entier s’en trouve purifié et ici et maintenant devient un vrai dojo». On raconte aussi qu’un révérend chinois de l’ère Tang, qui s’appelait Ts’ouei-yen (en japonais Zuigan Shigen) se tenait tous les jours à lui-même le dialogue suivant: To illustrate this question, here is the story of a young man called Cukong, who intended to practice the Zazen and was about to go out in order to find a peaceful spot. Right at this moment the layman Yuima, in Japanese Vimalakirti, came back. The young Cukong asked: «Where have you been?» and Yuima answered: «I went to the Dojo». The young Cukong continued: «And where is this Dojo to be found?» and Yuima’s answer is: «The right mind, that is the Dojo, because there, there is no delusion, that is to say the mind is direct and honest, that is exactly the Dojo, because in that mind there is no counterfeiting.» Even if you are in buildings perfectly adapted for practicing Zazen, surrounded by a calm environment, if confusion is present in your heart, there is no Dojo. The patriarch Eno says concerning this subject: “In walking, sitting, standing, lying, always maintain your heart straight. If during the day, we are capable – during the slightest movement – of keeping the mind straight, then we are inside the most precious Dojo.” And the same layman, Yuima, who was an Indian also says: «if the mind is clear, the surrounding is pure, if the mind of each of us is a just and untroubled mind, then the whole world gets purified and here and now becomes a real Dojo.» It is also said that a Chinese reverend of the Tang era, whose name was Ts’ouei-yen (in Japanese Zuigan Shigen) kept everyday this dialogue in mind: «Master?» «Yes.» «Do you keep your eyes open?» «Yes.» «Don’t get trapped by the people.» «No.» The most important thing is to place one’s reliance on the original human nature, here and now and to exclude all the rest without thinking about the future or the past. The most important moment is now and the future will develop from this moment. Buddhism was imported to China from India and from China to Japan. In India, the Buddhism was based on the application of precepts and the meditation in sitting. When this Buddhism arrived in China, it evolved and was influenced by the practical mind of the Chinese people, especially during the Tang era, where it was subjected to a traditional change. 23 «Maître ?», «Oui » «As-tu les yeux bien ouverts?», «Oui » «Ne te laisse pas piéger par les gens», «Non». Se fonder sur la nature humaine originelle ici et maintenant à l’exclusion de tout le reste, sans penser ni au futur, ni au passé, c’est cela le plus important. Ici et maintenant, c’est le moment le plus important. Le futur se développera à partir de cet ici et maintenant. Le bouddhisme a été importé en Chine depuis l’Inde et depuis la Chine au Japon. En Inde, le Bouddhisme était basé sur l’application des préceptes et la méditation assise. Quand le Bouddhisme arriva en Chine, il évolua sous l’influence de l’esprit du peuple chinois qui a un esprit pratique; en particulier, à l’ère Tang, où il subit un grand changement. A cette époque là, il y eut une répression violente contre le bouddhisme avec la destruction des temples, des statues, l’exécution des prêtres bouddhistes qui refusaient de quitter le kolomo. Avec la disparition des temples disparut aussi l’enseignement. Et c’est à l’intérieur de ces bouleversements que le Bouddhisme zen émergea. Les prêtres et les moines zen fuyèrent la répression et quittèrent les temples qui étaient situés près des villes pour aller vivre dans la forêt. Là-bas, il n’y avait pas de livres de sutras, ni de représentations du Bouddha en statues ou en peintures. De plus, alors que jusque-là les prêtres et les moines zen avaient vécu de la mendicité, en pleine forêt, il leur devenait impossible d’aller mendier. Pour la première fois, en Chine, les moines bouddhistes ont eu l’obligation de faire du travail pratique pour survivre. En vivant dans les montagnes et près des rivières, les moines zen développèrent, pour la première fois dans le Bouddhisme, le respect pour la nature. Ils comprirent que les trois vérités réalisées par le Bouddha s‘appliquaient aussi à ces montagnes et à ces rivières. Ces trois vérités de l’impermanence, de l’absence du soi et de la sérénité du nirvana se retrouvaient aussi… Par exemple si l’on prend une montagne, si on la regarde pendant cinq ou dix minutes, on a l’impression qu’elle ne change pas. Mais si on la regarde pendant une longue période, elle change comme toute chose. Aussi, si on regarde une montagne, on comprend qu’elle n’a pas de soi intrinsèque. Et en écoutant les bruits de la nature, ces moines 24 At that time, Buddhism was violently repressed, temples, statues were destroyed, Buddhist priests – those who refused to leave the Kolomo – were executed. The disappearance of the temples was followed by the disappearance of the Teaching. The Zen Buddhism emerged during these upheavals. The Zen priests and monks fled from the repression and left the temples which were located near the cities and reached the forests. In this new surrounding, no sutras books, no statues nor paintings of the Buddha were to be found. Furthermore, in the midst of the forest, the priests and monks couldn’t go begging anymore as they used to do. For the first time in China, the Buddhist monks were obliged to accomplish practical work in order to survive. In living in the mountains and near the rivers, the Zen monks developed for the first time in Buddhism the respect for Nature. They understood that the three realised Truths of Buddha could also be applied to these mountains and rivers. These three Truths of impermanence, Self absence of the Nirvana’s Serenity could also be... If we take a mountain for example, if we look at it during 5 or 10 minutes, we have the impression that it doesn’t change. But if we look at it during a long period, it undergoes a change like everything else. So if we look at a mountain, we understand that it doesn’t possess an intrinsic Self. And in listening to the Nature’s sounds and noises, the Zen monks understood that these noises and sounds were also Buddha’s teaching, regardless of the scriptures and writing. So, for the first time, at that moment, the Buddhist monks who had become Zen monks in this practical life where seeds were sown, where manual work was accomplished, put into practice Buddha’s teaching. This new way and this way of being is what you have practiced this morning and the manual work in the Zen context is called the SAMOU. While looking at a mountain, we understand that we are facing Buddha’s teaching, in listening to the sound of a river, to the wind through the pine trees, we understand that it is also Buddha’s teaching. Even without a temple containing the Sutras books or Buddha’s representations, Nature itself is the temple, that’s what at that time the Zen monks realised. This way to be in the midst of Nature, to see there the Buddha’s teaching, that is the Zen Buddhist teaching. When the Zen was imported to Japan from China at the time D’un long voyage du Japon à l a F a l a i s e Ve r t e , sous le ciel du pays du Bouddha, après des années d’efforts, un magnifique Zendo a pris forme. Il n’existe rien de supérieur au zazen assis, pour voir profondément en soi. Lorsque se déroule une Assemblée du Dharma, les êtres du monde entier en bénéficient. Poème de Maître Taïtsu / la Falaise Verte / du 10 au 13 juin 2010 Come all the way from Japan to the Green Cliff (H E KIGAN) under the sky of Buddha-Land A f t e r y e a r ’ s l a b o u r, The Zendo is splendid. There is nothing better than sitting to look deep into the self. Holding the Dharma-meeting is beneficial for all people of the world. Poème by Maître Taïtsu / la Falaise Verte / from 10 to 13 june 2010 zen comprirent que ces bruits de la nature étaient aussi l’enseignement du Bouddha indépendamment des écritures. Ainsi, pour la première fois, à ce moment-là, les moines bouddhistes qui étaient devenus des moines zen dans cette vie pratique où l’on sème des graines, où l’on fait du travail manuel, mirent en pratique l’enseignement du Bouddha. Cette nouvelle façon et cette façon d’être, c’est ce que vous avez fait ce matin que l’on appelle le SAMOU, le travail manuel dans le cadre du zen. En regardant une montagne, on comprend que c’est aussi l’enseignement du Bouddha; en écoutant le bruit d’une rivière, c’est aussi l’enseignement du Bouddha; le bruit du vent dans les pins, c’est aussi l’enseignement du Bouddha. Même sans avoir un temple avec des livres de sutras ou des représentations du Bouddha, la nature elle-même est le temple, c’est ce que réalisèrent les moines zen de cette époque.Cette façon d’être dans la nature, d’y voir l’enseignement du Bouddha, c’est l’enseignement bouddhiste du zen. Quand le zen fut importé au Japon depuis la Chine à l’époque Kamakura, d’autres domaines de la vie culturelle y furent importés : la culture, la littérature, les arts… ce fut l’occasion d’un grand développement de la culture japonaise. Sous l’influence du zen, tous ces domaines de la culture importés ne restèrent pas seulement des techniques, mais devinrent des façons de perfectionner son esprit. Par exemple, dans la cérémonie du thé, il n’est pas seulement question de faire du thé et de le boire, mais de travailler sur son esprit en travaillant sur la façon d’introduire l’eau chaude, sur la façon d’émulsionner le thé et sur la façon de boire le thé. Et ce travail sur l’esprit se retrouve dans toutes les voies, ce que l’on appelle les voies: l’arrangement floral, la calligraphie, la cérémonie du thé, comme on a dit, et bien d’autres, les arts martiaux, la peinture, les jardins… Pour revenir sur l’arrangement floral, ces fleurs vivantes que l’on arrange, c’est son propre esprit que l’on arrange en suivant cette voie. Donc toutes ces voies culturelles japonaises ne sont plus simplement que des techniques, mais des moyens de réaliser cette vraie nature qui caractérise le zen. of Kamakura, other fields of cultural life were also imported: culture, literature and arts ... a large Japanese cultural development took place. Under the influence of Zen, all the other imported domains of culture didn’t only stay techniques, they became ways to improve its mind. In the tea ceremony for example, it is not only a question of preparing and drinking tea but of working at one’s mind, working how hot water gets introduced, how tea gets emulsified, how one drinks the tea, and this effort on the mind is found in all the so-called ways: the floral arrangement, the calligraphy, the tea ceremony, as already mentioned, the martial arts, the painting, the gardens... Coming back to the floral arrangement, these fresh flowers we arrange is our own mind we arranged in following this way. So all these Japanese cultural ways are not simple techniques anymore but means in order to realise this True Self which characterizes the Zen. Even today, all these ways are truly implanted in the Japanese culture: the tea ceremony, the floral arrangement, the Japanese calligraphy. This Zen culture anchored in practical life which was developed from the Buddhism’s importation, is nowadays neither found in India nor in China, it specifically belongs to Japan. And why could these ways have been able to develop? It is because the Zen insists on practical life. There is a Zen expression which says: «Put on your robe, swallow your rice», which means that the only fact to eat, to get dressed, to go to the washroom are ways to come closer to one’s personal fulfilment. And this is really the characteristic of the Zen’s mind even if it is not present in the original Buddhist teaching, it is however absolutely Zen. 29 30 Même aujourd’hui, toutes ces voies sont bien vivantes dans la culture japonaise: la cérémonie du thé, l’arrangement floral, la calligraphie japonaise. Cette culture zen de la vie pratique qui s’est développé àpartir de l’importation du bouddhisme, on ne la trouve aujourd’hui ni en Inde, ni en Chine, elle appartient spécifiquement au Japon. Et pourquoi ces voies ont-elles pu se développer? C’est parce que le zen insiste sur la vie pratique. Il y a une expression zen qui dit: «enfile ta robe, avale ton riz», ce qui veut dire que le fait de manger, le fait de s’habiller, le fait d’aller aux toilettes, c’est une façon de se rapprocher de sa réalisation personnelle. Et c’est vraiment ça la caractéristique de l’âme du zen bien que l’on ne la trouve pas dans l’enseignement bouddhiste original, mais qui est proprement zen. 31 Samedi 12 juin 2010 La société d’aujourd’hui a vu un grand nombre de progrès techniques et industriels. Tous ces progrès techniques ont créé une société qui facilite grandement notre vie. Auparavant, pour venir jusqu’à ce Dojo, cela prenait un temps très long, et cette fois le vol a duré un peu plus de onze heures et comme nous avons passé une nuit à Amsterdam, l’ensemble du voyage a pris deux jours. Mais dans l’ensemble c’est vraiment devenu très rapide pour venir jusqu’à ce Dojo. La dernière fois que nous étions venus, il fallait encore faire attention à la quantité d’eau qu’on utilisait mais cette fois avec la pompe dans la rivière, avec le puit, on peut utiliser librement la quantité d’eau que l’on désire et on profite de ce progrès.Et même la réalisation de ce splendide dojo est également un fruit de la technologie et des progrès. Tous ces progrès ont beaucoup d’aspects positifs dont nous profitons, mais pas seulement des aspects positifs. Il y a aussi des désavantages. Ces derniers temps, nous avons pollué la nature, pollué l’eau, pollué l’air, et ces désavantages se retrouvent aussi dans le cœur de l’être humain. Nous avons tous cinq sens: nous voyons les choses avec les yeux, nous sentons les odeurs avec le nez, nous goûtons avec la bouche, nous écoutons avec nos oreilles et nous pouvons toucher le monde extérieur avec notre sens du toucher. Le fonctionnement de ces cinq sens constitue la vie humaine ; et le fait de recevoir les informations de l’extérieur à travers ces cinq sens constitue le plaisir de la vie humaine. Les progrès récents permettent de profiter de ce plaisir des sens de façon de plus en plus rapide et de plus en plus immédiate. Avec les progrès récents, quand on a une envie, un désir, on peut le contenter de façon de plus en plus rapide et en quantité de plus en plus grande. On peut même dire que tous les progrès technologiques de notre époque sont orientés vers la satisfaction de ces envies et de ces désirs. Auparavant, les gens vivaient dans un monde qui était proche d’eux, ils se contentaient de peu et ils avaient des contacts avec les gens autour d’eux. Maintenant, avec les 32 Saturday the 12 th of June 2010 The present society has seen a great number of technical and industrial progress. All this technical progress has created a society which deeply facilitates our life. Previously, for coming to the Dojo, it took a long time and this time, the flight lasted a little bit more than 11 hours and as we stayed overnight in Amsterdam, the whole trip took us 2 days. But on the whole it has become quite easy and fast to reach the Dojo. The last time we came, we still had to mind the quantity of water used, but this time, with the pump in the river, with the well, we can use all the water we need and we welcome this progress. And also the splendid realisation of this Dojo is part of the technology and its progress. All this progress has many positive aspects, of which we take advantage, but they don’t include only positive aspects. They contain also some disadvantages. Lately, we have polluted nature, the air, the water and those shortcomings can also be found in the man’s heart. We all have five senses: we see things thanks to the eyes, we smell odours thanks to the nose, we taste with the mouth, we listen to sounds with the ears and we can touch the exterior world with our sense of touching. The functioning of these five senses constitutes human life and the fact to receive information from outside grace to our five senses constitutes the pleasure of human life. Recent progress allows us to take advantage of this pleasure in an always faster and immediate way. Grace to the recent progress, when we desire something, we can more rapidly than ever and as often as possible obtain it. We can even say, that all technical progress nowadays is oriented towards the satisfaction of our envies and desires. In the past, people used to live in a world close to them, they were satisfied with little and they had contacts with the people living around them. Nowadays, with the progress, even things which come from far away are assimilated and become part of our awareness. For example, in Japan, I get some information and in the same time I must assimilate news coming from America and Europe. This widening of world-wide information concerns also Nature. I live in Japan, in a region called Kansaï, but 33 progrès, même les choses qui viennent de loin, on les reçoit et on assimile de l’information. Par exemple, du Japon, je reçois des informations et je dois assimiler des nouvelles qui viennent d’Amérique ou d’Europe. Cet élargissement du cercle des sources d’information ne se limite pas seulement à la société humaine mais concerne aussi la nature. Je vis au Japon dans une région qui s’appelle le Kansaï, mais aujourd’hui je ne suis plus soumis seulement à ce qui se passe dans le Kansaï mais aussi à ce qui se passe dans le monde entier. Par exemple, ce voyage qui se passe maintenant pour faire l’inauguration de ce zendo devait se dérouler l’an dernier mais il a été annulé à cause de la grippe porcine qui a été un problème mondial sévissant le plus sévèrement à Kobé. Un autre exemple, récemment il y a eu un volcan qui a fait que les avions ne pouvaient plus décoller et cela aurait pu aussi faire qu’on devait annuler ce voyage. Aussi bien en ce qui concerne la société humaine qu’en ce qui concerne la nature, on n’est soumis à ce qui se passe dans le monde entier et cela est dû au progrès avec les avions, le TGV et autres… Et c’est vraiment notre soi lui-même qui est influencé par ce qui se passe dans la société mondiale et dans la nature, dans le monde entier. Dans ce monde où on est sans arrêt soumis à des informations de l’extérieur, c’est très difficile de trouver la paix en soi. Tout le temps on reçoit des stimulus de l’extérieur, c’est sans doute pour ça qu’on appelle notre société ‘la société de l’information’. Mais comme on est constamment soumis à ces stimulations externes, notre être est constamment tourné vers l’extérieur et on oubli ce qu’est notre vrai soi. On pourrait appeler notre époque ‘l’époque de l’oubli du soi». Je vais maintenant vous parler d’un conte chinois* qui a plus de 2000 ans d’ancienneté. 34 today I’m not only submitted to what happens in the Kansaï district, I happen to know what occurs in the whole world. This trip for example, taking place now and concerning the inauguration of the Zendo, had to take place last year in fact but was cancelled because of the porcine flu, which was a major world problem, hitting most severely the city of Kobé. Let’s take another example, more recently a volcano has cancelled countless flights and this also could have called off this trip. The human society as well as nature is subjected to what happens in the whole world and this is due to the progress with the airplanes, the High Speed trains and so on. And it is really our inner Self which is influenced by what happens in the worldwide society, in nature, throughout the world. In this world in which we are constantly subdued to information coming from outside, it is very difficult to find peace in oneself. We get all the time some stimuli from the outer world, that’s probably why we call our Society “the society of information”. But because we are always submitted to these external stimulations, our Self and Being are always turned towards the outside world and we forget what our true Self is. One could call our time “the time of the forgetting of the self”. I will tell you now a Chinese tale* which is over 2000 years old, very old and still very current. This tale is very famous, so you may have heard it. A very long time ago three emperors existed. The first one, called Houen Touen was the Emperor of the Middle. The second one, called Choun, was the Emperor of the Southern Seas and the third one, called Hou, was the Emperor of the Northern Seas. The names themselves are interesting. The name of the Emperor of the North is a Chinese character, whose meaning evolved but which originally meant “rapid”. The name of the Emperor of the South means “brief”, a word in which the idea of immediacy and rapidity is included. As for the Emperor of the Middle, his name Houen Touen means literally “Chaos”, like *Extrait d’un ouvrage d’un philosophe taoïste chinois du IIIè siècle avant J.-C. qui porte le même nom que ce philosophe: Tchouang-tseu. *Extract of a book of a chinese taoiste philosopher during the third century B.C.: Tchouang-tseu. 35 36 Bien qu’il soit si ancien, il est complètement actuel. Ce conte est très célèbre et vous le connaissez peut-être. En des temps très reculés, il y avait trois empereurs. Le premier, l’empereur du Milieu était appelé Houen-touen; le deuxième, l’empereur des mers du Sud était appelé Chou; et le troisième, l’empereur des mers du nord était appelé Hou. Les noms eux-mêmes sont intéressants. Celui de l’empereur du Nord est un caractère chinois dont le sens a évolué mais qui originalement veut dire ‘rapide’. Celui de L’empereur du Sud signifie ‘bref’, mot dans lequel il y a l’idée d’intanstanéïté et de rapidité. Quant à L’empereur du Milieu, son nom Houen-touen signifie littéralement le ‘Chaos’ à l’image de ce qui s’est passé dans l’Univers juste après le Big Bang où tout était en désordre. Un jour ces trois Empereurs se réunissent dans l’Empire du Milieu. Pourquoi ces trois Empereurs s’étaient-ils réunis? Le conte ne le dit pas mais quoiqu’il en soit quand la réunion fut terminée les deux empereurs en gratitude pour l’empereur du Milieu se demandent ce qu’ils pourraient lui offrir. Il se trouve que cet empereur Houen-touen de l’empire du Milieu n’était pas une personne normale : il avait un visage complètement lisse sans les yeux, sans nez, sans bouche et sans oreilles. Et les deux empereurs se dirent que sa vie devait être bien inintéressante puisqu’il n’avait pas accès aux sens et au plaisir de sentir, de manger, de voir les choses, ce plaisir dont on parlait précédemment. Ils décidèrent donc de créer les sept orifices manquant de l’empereur Houen-touen. Ainsi chaque jour, les deux empereurs se mirent à percer les sept orifices sur le visage de l’empereur Houen-touen. Et le septième jour, alors qu’ils par viennent à percer le septième orifice qui va ouvrir tous les sens sur son visage, Houen-touen meurt subitement. Dans le conte, la raison pour laquelle l’empereur what happened in the Universe right after the Big Bang where everything was in total disorder. One day the three Emperors gathered in the Empire of the Middle. Why did these three Emperors meet? The tale doesn’t specify it but when the meeting came to a close, the two Emperors in gratitude towards the Emperor of the Middle asked themselves what they could offer him. It must be added that Emperor Houen Touen of the Empire of the Middle wasn’t a normal person: he had a totally smooth face, containing no eyes, no nose, no mouth, nor ears. And the two Emperors thought that his life was probably unsatisfying, uninteresting because he had no access to the senses and to the pleasure of smelling, eating and seeing things, this pleasure, which I mentioned further above. So they decided to create the seven orifices missing to Emperor Houen Touen. Everyday, the two Emperors drilled one orifice on the Emperor’s face. And the day seventh, while they were drilling the last orifice, Houen-Touen suddenly died. In the tale, we don’t know the reason why the Emperor died. As it is a very ancient tale, numerous famous thinkers have thought about the signification of Emperor Houen Touen’s death and we all have done it, too. What sort of message did the author want to deliver and transmit to us when seven orifices were chiselled on the face? You have probably already understood the message. For myself, this tale relates to what I’ve previously said: Due to our five senses, we are always connected to the outer world and because of that, we haven’t got the capacity anymore to know ourselves in depth, to see our true inner being. We are living in a time where the true Self is put aside, whereas in the tale, Houen Touen, who has an «empty» face, where the eyes, the nose, mouth are missing, has plenty of occasions to reach his proper inner Self. All of you do practice the Zazen and the question I want to ask you is the following: are our five senses necessary during the Zazen or not? During the Zazen, we interrupt the activity of the 37 meurt n’est pas dite. Comme c’est un conte très ancien, dans toute l’histoire de très grands penseurs ont réfléchi profondément à la signification de la mort de l’empereur Houen-touen et nous aussi, vous aussi, nous nous demandons ce que l’auteur a voulu faire passer comme message avec la mort de ce roi lorsqu’on a créé les sept orifices de son visage. Vous avez sans doute déjà compris. Pour moi, ce conte se rapporte à ce que j’ai dit précédemment: du fait de nos cinq sens, nous sommes toujours tournés vers l’extérieur et à cause de ça, nous n’avons plus la capacité de nous connaître intérieurement et de voir notre vrai être intérieur. Comme je l’ai dit tout à l’heure, on est à l’époque de l’oubli de son vrai soi. Alors qu’au contraire dans le conte, Houen-touen qui avait le visage sans les yeux, sans le nez, sans la bouche avait assurément l’occasion de faire son introspection intérieure et de rechercher son propre soi. Vous pratiquez tous Zazen et la question que je veux vous poser est: pendant Zazen, est-ce-que nos cinq sens sont nécessaires ou pas? Pendant Zazen, on suspend l’activité des cinq sens : on n’utilise plus ses oreilles, on voit toujours avec ses yeux mais on ne fixe plus son attention sur ce qu’on voit, idem avec les odeurs, et bien sûr on ne parle pas. Une fois que nous avons interrompu cette activité des sens, on est capable de regarder à l’intérieur de soi. Et je pense que ce regard intérieur est absolument nécessaire. Comme je l’ai dit auparavant dans la vie courante, on utilise tous nos cinq sens et cela est nécessaire pour l’humanité. Mais il n’y a pas que cela, il y a aussi la vie intérieure et la recherche de son vrai soi. Or, on est dans une société où cette recherche est devenue très difficile. Une humanité qui ne se cherche pas intérieurement, ce n’est pas l’humanité. Et c’est ce que signifie effectivement la mort de Houen-touen: la mort de l’humanité, puisque cette recherche 38 five senses: we don’t use our ears anymore, we still see with our eyes but we don’t fix anymore our attention on what we see, on what we smell and of course we don’t speak. Once we have interrupted this activity of the senses, we are capable of looking inwards. And I think that this inner look is absolutely necessary. A mankind who doesn’t search itself inwardly is not a genuine mankind and that is the significance of Houen-Touen’s death: it signifies mankind’s death because this inner research can’t take place anymore. When Apollo landed on the moon, the whole world rejoiced because it had been its dearest wish for so long, the idea of reaching another planet. President Charles de Gaulle said on this occasion: “During centuries, man has been gazing at the moon shining in the sky and has dreamt. It seemed to him that nothing was further than the moon. Now the moon has become close to him but what hasn’t come closer on the other hand and is still distant from him, is his own heart”. When I heard these words, it truly motivated me to search for the inner Being and Truth. If we observe our everyday life, the time used for introspection is really very short even if this inner search and look are essential. Houen-Touen dived 100% into introspection, the necessary tool for that, for us is the Zazen. I’d like to give you some instructions to practice the Zazen in the correct way. In the Kegon-kyo (avatamsaka-sutra, skrt.-Literature: Buddha’s sutra of the garland) there is a famous expression, which is «myojistsujiken» signifying: »To see in fact what one truly is, to see one’s own truth». A way to come closer to this interior truth is to try to remember one’s life since birth. Once born, what is our first memory? And I would like to ask you this question «what is the first event you still remember since you were born?» What is your first memory? For most people, the first memory reaches back to the age of 3, in the kindergarten or at nursery school, which is late to my mind. So I propose, during Zazen, once you have switched off the intérieure ne peut plus avoir lieu. Lorsqu’Apollo a atterri sur la lune, le monde entier s’est réjouit parce que cela correspondait à une envie de l’humanité qui datait de très loin d’aller sur une autre planète. C’est à cette occasion que le Président Charles De Gaulle a dit la chose suivante: pendant des siècles, l’homme, en voyant la lune briller dans le ciel, a rêvé et bâti des romans, il lui semblait qu’il n’y avait pas de chose plus lointaine que la lune. Maintenant la lune est devenue proche, ce qui ne s’est pas rapproché et qui est toujours aussi loin de nous mêmes, c’est justement le cœur de l’homme. Quand j’ai entendu ces paroles, ça m’a vraiment motivé à chercher ce qu’il y avait à l’intérieur. Si on regarde notre vie de tous les jours, le temps passé à cette introspection est vraiment très court bien que cette recherche intérieure soit très importante. On ne vit pas à l’image de Houen-touen qui était à 100 % dans l’introspection alors que ce qu’il faut d’abord faire c’est justement chercher son soi intérieur, et l’outil à utiliser pour cela c’est le zazen. J’aimerais vous donner quelques instructions pour faire zazen de façon correcte. Dans le Kegon-kyo (avatamsaka-sutra, skrt. – Littér. «sutra de la guirlande de Bouddha ») il y a une expression célèbre qui est «myojistsu jiken» qui signifie: voir en fait ce qu’on est réellement, voir sa propre vérité. Une façon de se rapprocher de cette vérité intérieure c’est d’essayer de se souvenir de sa vie depuis la naissance. Une fois qu’on est venu au monde, quel est notre premier souvenir? Et j’aimerais vous poser cette question: «après votre naissance, quelle est la chose la plus ancienne dont vous vous souvenez? Quel est votre premier souvenir?» Pour la plupart des gens, leur premier souvenir remonte à l’âge de trois ans au jardin d’enfants ou bien à l’école maternelle ce qui est très tardif à mon avis. Donc je vous propose, pendant outside world, once your attention is entirely turned inwards, to deeply search for your first memory, well before kindergarten, well before nursery school. As far as I’m concerned, my first memory which comes back to me is when I started standing upright, clutching at something. I was standing in my baby-carriage, which brought it out of balance, turned it over and made me fall on the floor. I still remember today, the anguish and terror I felt at that time. Somebody came to rescue me but who was that person? I can’t remember it. On the other hand, I have no remembrance of what happened from my birth on to that moment. I was around one, when I started standing in holding something. I always ask the monks the question of their first memory at the beginning of their training period or austerity and I get various answers. One recurrent answer is the first time when the person succeeds in getting up while crawling when someone, probably the mother, claps her hands in watching him or also the vision of the mother’s face being in her arms. Most of the people, as I said previously, only remember things at the age of around three. This is the most frequent case. Those who remember an event before the age of three are rather few. For my part, the first memory goes back to the age of one year and not before. However since my birth till this memory I was probably the whole day long with my mother, she gave me the basic, constant baby care: breastfeeding me, washing me, but I don’t remember anything of that. I’d like to ask some specialists why generally one doesn’t remember what happens after birth. At any case, mankind seems rather ungrateful and oblivious. After this first memory, I remember the kindergarten, the preparations for Mother’s Day for example or the time spent outside school which was possible in the kindergarten. I also remember the first day 39 zazen, une fois que vous avez éteint le monde extérieur, que votre attention est entièrement tournée à l’intérieur, de chercher profondément votre premier souvenir bien avant l’école maternelle, bien avant la garderie, vraiment le plus ancien possible. En ce qui me concerne, mon premier souvenir remonte juste à l’âge où je commençais à me tenir debout en me ndau ce qui le désiquilibra, le fit se retourner et me fis tomber par terre. Et même aujourd’hui, je me souviens encore de la terreur que j’avais éprouvée alors. Quelqu’un vint à la rescousse mais qui était cette personne? Je ne suis pas capable de m’en souvenir. Par contre, ce dont je n’ai aucun souvenir c’est ce qui s’est passé à partir de la naissance jusqu’à ce moment là. Je devais avoir à peu près un an parce que je commençais à me tenir debout en me tenant à quelque chose. Cette question du premier souvenir qu’on peut se remémorer je la pose toujours à mes moines au début de leur période de formation ou d’austérité et j’ai des réponses diverses. Une des réponses que j’ai souvent c’est la première fois où la personne a réussi à se lever alors qu’elle marchait à quatre pattes et que quelqu’un, sans doute sa mère, a applaudit en voyant qu’il s’était levé, ou encore la vision du visage de sa mère en étant dans ses bras. La plupart des gens, comme je le disais auparavant, ne parviennent à se souvenir que vers l’âge de trois ans. C’est le cas le plus fréquent. Les personnes qui se souviennent de quelque chose avant l’âge de trois ans sont plutôt rares. En ce qui me concerne, ce premier souvenir remonte à peu près à l’âge d’un an, et je ne me souviens pas du tout de ce qui s’est passé avant. Cependant depuis la naissance jusqu’à ce souvenir, j’étais sans doute toute la journée avec ma mère, elle ne me quittait 40 of school because my mother took me there or I remember all she did for me every morning, preparing my clothes and washing my face. I can therefore unwind my whole life from that first memory on until today. So first, I try to remember all my mother did for me since the first memory, secondly, I try to remember all I did for her and we have to be careful here. In the kindergarten for example, we used to prepare a gift for Mother’s Day but as every child used to do it, I can’t consider this gift as something really prepared for my mother. Or after the meal, doing the washing up. This is something absolutely normal to do. Once the meal is over, we wash the dishes, this daily chore can’t be considered as something specifically done for my mother. So if I place side by side these two things: all my mother did for me with all I did for her, I realise that my mother did much more for me than vice versa and the three truths mentioned yesterday, come back to my mind: The truth of impermanence – interdependence – and the Serenity which appears with the absence of the Self; in fact I’m only the incarnation of these three truths. With this introspection of all we have lived till the first memory, a feeling of gratitude appears inevitably. Gratitude for all that we have received which is by far more important than what we have done for others and also a will to rectify the things we haven’t done well. During Zazen with the Sussokan technique, it is essential to focus on the breathing but it is only a tool for the interior introspection and that is for me very important. Tomorrow we will part but I would like you to keep this in mind, to put into practice this Sutra teaching «Nyojitsu chiken», the interior introspection. Thanks to all of you. pas, elle me donnait des soins quotidiennement et à longueur de journée: la toilette, l’allaitement, mais de tout ça je n’ai aucun souvenir. J’aimerais demander à des spécialistes pourquoi on n’arrive pas à se souvenir de ce qui se passe juste après la naissance. En tout cas, la chose à laquelle ça me fait penser c’est que l’humanité est plutôt ingrate et oublieuse. Après ce premier souvenir, je suis capable de me souvenir de ce qui s’est passé à l’école maternelle, par exemple la préparation de la fête des mères ou bien les visites à l’extérieur de l’école qu’on pouvait faire à l’école maternelle. Je me souviens aussi du premier jour d’école parce-que ma mère m’accompagnait, ou bien de tout ce qu’elle faisait tous les matins pour moi: préparer mes vêtements, me laver le visage. Et je peux ainsi dérouler toute ma vie depuis ce premier souvenir jusqu’à aujourd’hui. Donc dans un premier temps j’essaie de me souvenir de tout ce que ma mère a fait pour moi depuis ce premier souvenir, puis dans un deuxième temps j’essaie de me souvenir de tout ce que j’ai fait pour elle, et là il faut bien faire attention. Par exemple, à l’école maternelle on préparait un cadeau pour la fête des mères mais ça en fait, comme tout le monde le faisait, je ne considère pas que c’est quelque chose que j’ai réellement fait pour ma mère. Ou bien après le repas faire la vaisselle : ça c’est quelque chose qui est absolument normale. Une fois qu’on a mangé, on nettoie les plats avec lesquels on a mangé, ça non plus ça ne rentre pas dans le cadre de ce que j’ai fait pour ma mère. Donc si je juxtapose ces deux choses: tout ce que ma mère a fait pour moi et tout ce que j’ai fait pour elle, je me rends compte que les choses qu’elle a fait pour moi sont infiniment plus nombreuses que les choses que j’ai faites pour elle et je vois aussi que les trois vérités dont on parlait hier : les vérités d’impermanence, d’interdépendance et la sérénité qui vient de l’absence de soi, en fait je ne suis que l’incarnation de ces trois vérités. Et avec cette introspection sur tout ce qu’on a vécu depuis son premier souvenir, immanquablement un sentiment de gratitude apparaît. Gratitude pour tout ce qu’on a reçu qui est infiniment plus important que ce qu’on à fait pour les autres. Et aussi une volonté d’amendement pour les choses qu’on n’a pas bien faites. Pendant zazen avec la technique du sussokan, il est primordial de porter son attention sur la respiration, mais ce n’est qu’un outil pour l’introspection intérieure, et ça pour moi c’est très important. Demain on va se séparer, mais j’aimerais que vous gardiez ça en mémoire et que vous mettiez en pratique l’enseignement de ce sutra «Nyojitsu chiken», l’introspection intérieure. Merci à tous. 41 42 la sesshin en photo the sesshin in photo 43 44 45 46 47 les | The participants 48 49 Remerciements acknowledgements A Maître Taïtsu et à ses accompagnateurs To Master Taïtsu and his followers Au traducteur-interprète japonais To the japanese translator interpreter: Taïshin Aux architectes de La Falaise Verte To the architects of the Falaise Verte Center: Gérard Planchenault et Ivan Le Garrec A tous ceux qui ont participé à l’élaboration de cette plaquette To all who have participated at the creation of this booklet: Céline Bansart, Monique Herellier, Odile-Wynn Meyer, Patrick Palmyre, Romina Pilloni, Graziella Quéron, Eugènie et Michel Ray, Adam Slowik. +++ Directeur de publication Manager of publication: Taïkan Jyoji 50 Revue du Centre Zen de la falaise verte N°58