Le chlore à piscine
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Le chlore à piscine
veni Sou res 30 anniversaire TEX TE PUBLI É EN MARS 1991, VOL. 7 Nº 2 Un décollage à partir de l’aéroport de Dorval offre un spectacle surprenant. En survolant les innombrables résidences de banlieue, on se demande pourquoi l’on n’a pas choisi d’investir dans la vente des piscines, tellement elles sont omniprésentes. Que dire aussi des quantités de produits dangereux pour leur entretien ? Le chlore à piscine, un produit aux propriétés multiples D ans certains quartiers résidentiels, plus de 80 % des résidences possèdent leur nappe d’eau bleutée ou turquoise, selon la couleur de la toile. Myriam et Pierre font partie des heureux propriétaires d’une piscine. Leur remise regorge de produits dont le rôle consiste à maintenir une eau claire et limpide. C’était un après-midi de juillet. Le couple profitait de ses derniers jours de vacances. Myriam, affairée à tondre la pelouse autour des arbustes décoratifs, n’entendit pas le premier cri lancé par Pierre. C’est la voisine qui attira son attention vers la remise d’où Robert Richards1 1. FORMATEUR ET CONFÉRENCIER. 2 T R AVA I L E T S A N T É JUIN 2014 VOL.30 No 2 provenait un deuxième appel lancé par des cris désespérés. Les deux femmes se précipitèrent vers la remise. Il fallut une fraction de seconde à Myriam pour qu’elle comprenne l’urgence de la situation. Pierre avait le visage et les cheveux trempés. Les yeux fermés, il était visiblement sous l’effet d’une douleur de plus en plus intense. Le contenant de chlore liquide couché à côté du contenant de chlore en poudre indiquait que Pierre avait reçu une projection de chlore à piscine en pleine figure. Heureusement, le boyau d’arrosage était à portée de main. Tandis que la voisine ouvrait le robinet situé près de la résidence, Myriam avertissait Pierre qu’elle allait l’arroser pour rincer le produit. Elle savait qu’elle devait l’avertir pour éviter qu’il panique davantage sous l’effet d’un jet d’eau inattendu. Sous l’effet du jet réglé à basse pression, mais à débit élevé, Pierre commença à ressentir un mieux-être. Il éprouvait cependant toujours de la difficulté à ouvrir les yeux, ce qui est essentiel pour les laver. Myriam dirigeait l’eau pour éviter d’en envoyer dans le contenant à chlore. Toujours arrosé par Myriam, Pierre se dirigea vers la piscine guidé par la voisine. Une fois dans l’eau, le rinçage devenait plus facile. Il parvint enfin à ouvrir les yeux sous l’eau. Tantôt sous l’eau, tantôt arrosé par Myriam, la situation de Pierre s’améliora. Le rinçage dura une vingtaine de minutes, jusqu’à l’arrivée d’un médecin, ami intime de Pierre et de Myriam. L’examen médical démontra qu’il n’y aurait aucune séquelle permanente. Les médicaments aidant, les douleurs oculaires s’atténuèrent en deux jours. Un produit hautement réactif Le chlore à piscine liquide est une solution d’eau de Javel (hypochlorite de sodium) à 12 % tandis que le chlore solide est une poudre concentrée d’hypochlorite de calcium. En comparaison, l’eau de Javel achetée au supermarché pour des fins domestiques SST À LA MAISON contient généralement entre 4,5 % et 5,5 % d’hypochlorite de sodium selon le fabricant. Tel qu’indiqué sur le contenant, on ne doit jamais ajouter d’eau dans le chlore solide. La réaction de dilution de l’hypochlorite de calcium dans l’eau dégage beaucoup de chaleur, ce qui entraîne des projections. Pierre a vidé le chlore liquide dans le chlore solide. C’est comme s’il y avait ajouté de l’eau et il en a résulté des projections de produit corrosif. Lorsqu’on ajoute le chlore à l’eau de la piscine, la chaleur qui résulte de la dilution est absorbée par la très grande masse d’eau répartie dans toute la piscine, ce qui rend le phénomène imperceptible. Mais lorsque l’eau est ajoutée au chlore, la quantité d’eau est trop petite pour absorber la chaleur dégagée. Le chlore liquide est dilué dans l’eau. Pierre a inconsciemment provoqué les projections de chlore au moment où l’eau (disponible) présente dans le chlore liquide est venue en contact avec le chlore solide. Le chlore à piscine solide réagira violemment en présence de certains métaux. Il réagit aussi avec les acides, dont le vinaigre et l’acide chlorhydrique (muriatique) pour libérer du chlore gazeux très corrosif pour les voies respiratoires. Même si l’acide chlorhydrique est utilisé pour faire diminuer le pH de l’eau, il ne faut en aucun temps qu’il y ait contact avec le chlore. Les deux produits doivent être mis dans l’eau de la piscine les uns après les autres. Par exemple, vider en même temps cet acide et le chlore dans l’écumoire entrainerait une réaction vive et dangereuse. Avec l’ammoniaque, l’urée et des amines, la réaction avec le chlore forme des produits gazeux nommés les chloramines dont l’odeur ressemble à celle du chlore et qui sont à la fois réactives, irritantes, corrosives et toxiques. Une matière comburante Les propriétés hautement réactives de l’hypochlorite de calcium en poudre proviennent du fait que c’est un oxydant puissant. Mélangée à certains inflammables, cette substance agira comme matière comburante. C’est ainsi que, mélangé avec un inflammable comme l’essence, un solvant à peinture, de l’alcool méthylique (combustible à fondue ou antigel pour tuyaux d’essence) ou un combustible à camping, le risque d’incendie spontané, voire même d’explosion est très élevé. À noter qu’un mélange pourrait aussi bien exploser dès le contact entre les deux produits, comme exploser au bout de quelques minutes, si ce n’est quelques heures… et parfois ne jamais exploser. Une matière corrosive Une matière corrosive détruit le métal et brûle les cellules. Un contact avec la peau pourrait laisser des séquelles permanentes tandis qu’un contact avec les yeux peut entraîner la cécité si l’on ne procède pas à un rinçage à l’eau courante pendant 15 minutes, et ce, dans les secondes qui suivent le contact. Prévention Toxique Comburant (oxydant) Corrosif Dangereusement réactif Le chlore à piscine est un produit dangereux sous plusieurs aspects. La première mesure consiste donc à lire l’étiquette du fabricant. En aucun temps, on ne le mélangera avec une autre substance. Le produit doit être entreposé dans un local où il n’y a pas d’inflammables, surtout pas aux côtés de l’essence pour la tondeuse ou des combustibles à camping. Le produit doit toujours être conservé dans son contenant original qui, une fois vidé, ne doit pas servir à d’autres fins. Mis dans un autre contenant, l’hypochlorite de calcium pourrait réagir avec le nouveau contenant, notamment un contenant en métal. Tous les membres de la famille doivent savoir quoi faire et comment le faire s’ils sont témoins d’un accident avec ce produit. On devra se rappeler qu’une personne aveuglée par un corrosif est en proie à la panique sous l’effet de la douleur. Il faudra parler à l’accidenté avant de s’en approcher ou de l’arroser pour éviter de faire augmenter l’état de panique en le surprenant. Finalement, si le chlore à piscine est un produit dangereux, on peut toujours contrôler les risques d’accident par des procédures de manipulation et d’entreposage sécuritaire. Entre autres, le chlore doit être placé éloigné de substances inflammables dont l’essence pour la tondeuse. Le port de gans en néoprène et de verres de sécurité devrait faire partie des règles d’usage. Enfin, l’ouverture du contenant doit se faire sous une bonne ventilation, par exemple à l’extérieur, sauf s’il pleut … évidemment. En cas d’accident Les accidents impliquant du chlore à piscine sont surtout reliés à des contacts avec la peau et les yeux. L’eau devient alors le premier remède. Il faut rincer les yeux à l’eau courante pendant 15 à 20 minutes tout en tenant les yeux atteints ouverts. Le débit d’eau ne doit pas être puissant. Si la personne est couchée sur le dos, cela est plus facile. Sur la peau c’est la même chose. Une douche fera très bien l’affaire et, surtout, enlever les vêtements. Idéalement, surtout pour les yeux, il est recommandé de consulter les autorités médicales après le rinçage. En cas d’ingestion, il faut faire boire de l’eau. Si la victime vomit, rincer la bouche et faire boire de l’eau à nouveau. Il est prioritaire de faire appel à des autorités médicales dont le centre anti poison. En cas d’absorption par voie respiratoire il faut amener la victime à l’air libre. La consultation médicale pourrait s’imposer, car le chlore peut bruler chimiquement des structures internes des voies respiratoires. T R AVA I L E T S A N T É JUIN 2014 VOL.30 No 2 3