Rapport Sur le Développement Humain Arabe 2005
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Rapport Sur le Développement Humain Arabe 2005
Rapport Sur le Développement Humain Arabe 2005 Vers La Liberté de la Femme dans le Monde Arabe Le Bureau Régional pour les Etats Arabes © Bureau Régional pour les Etats Arabes – PNUD 2006 One Plaza, New York 10017,USA. 2006 Tous droits réservés. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit du Bureau Régional PNUD, de reproduire, partiellement ou totalement, la présente publication ou de l’enregistrer sur un système de reproduction ou son transfert sous n’importe quelle forme et par n’importe quel moyen, qu’il soit électronique, mécanique, électrique ou tout autre moyen. Disponible à travers: United Nations Publications Room DC2-853 New York, NY 10017 USA Telephone: 212 963 8302 and 800 253 9646 (From the United States) Email: [email protected] Web: www.un.org/Publications Web: www.undp.org/rbas Maquette de la couverture : Chadi Mohamed Awad Mise en page et production: SYNTAX, Amman, Jordan Impression : Imprimerie Nationale, Aman- Royaume Hachémite de Jordanie ISBN: 92-1-626004-1 Imprimé dans le Royaume Hachémite de Jordanie Les analyses et les recommandations relatives aux politiques contenues dans ce rapport n’expriment pas nécessairement les points de vue du Programme des Nations Unies pour le Développement, de son Comité Exécutif ou des pays membres. Le rapport est une publication indépendante, commandée par le Programme des Nations Unies pour le Développement. Il est le fruit du travail commun d’une équipe de consultants et de conseillers de renommée et de l’Equipe du Rapport sur le développement humain arabe chargée par le Bureau Régional pour les Etats Arabes de le préparer. La publication originale de ce travail est en langue arabe. En cas de divergence, c’est la langue originale qui prévaut. Introduction: Le Directeur Général du Programme des Nations Unies pour le Développment(PNUD) Le Rapport sur le développement humain arabe de cette année est le quatrième de la série de rapports qui ont largement contribué au débat en cours sur les défis du développement auxquels fait face le monde arabe. Le premier rapport, paru en 2002, avait défini trois déficits fondamentaux en matière de développement dans les domaines de l’acquisition du savoir, des libertés politiques et des droits des femmes. Ces déficits ont handicapé le processus de développement humain dans toutes les parties de la région arabe, en dépit de ses extraordinaires richesses naturelles et de ses énormes capacités à réaliser le développement économique et social. Le deuxième et le troisième rapports ont été centrés sur les déficits dans les domaines respectivement du savoir et de la liberté. Le Rapport de cette année apporte la preuve irréfutable que l’épanouissement total des capacités des femmes arabes est une exigence cardinale indispensable au développement dans tous les pays arabes. Il soutient également, de manière convaincante, que la « renaissance » arabe, tant attendue, sera de l’ordre de l’irréalisable tant que ne seront pas supprimés ces obstacles qui empêchent les femmes de jouir de leurs droits humains et d’apporter leur totale contribution au développement, et tant qu’ils n’auront pas laissé place à de meilleures voies conduisant aux « outils » du développement, y compris l’instruction et la protection sanitaire. Après avoir placé les femmes arabes au cœur du processus de développement social, culturel, économique et politique dans l’ensemble de la région, le Rapport va plus loin en soulignant que la moitié de la population avait droit à la moitié de la participation. Le Rapport souligne que les femmes arabes, indépendamment des aspects statistiques, ont réussi des avancées substantielles qui ont changé les configurations économiques, politiques, démographiques et sociales dans la région. Tout en saluant ces avancées et en appelant au renforcement de la tendance que représente ce changement positif et fort, le Rapport analyse ce qui persiste comme obstacles et propose de prendre des dispositions précises pour les lever. Les Rapports sur le développement humain arabe ont réussi, de manière qui a dépassé toutes les attentes, à provoquer un débat vivant au sujet des défis, des chances et des dispositions à prendre pour que la bonne gouvernance, le respect des droits humains et le développement humain deviennent des traits propres de l’Etat arabe moderne. Ayant débuté comme une expérience, courageuse en soi, ces rapports constituent dorénavant un point de départ pour d’autres efforts et ouvrent des horizons de créativité et de changement dans toute la région. La réforme, politique ou autre, ne peut advenir, et à plus forte raison réussir, sans un échange actif d’opinions. Ce processus peut parfois être concomitant à la convergence et au rapprochement des points de vue conduisant à l’unanimité. Mais le bilan peut, dans d’autres cas, se réduire à un accord des parties sur leurs désaccords. Et si l’on prend en compte la nature problématique des questions abordées par les Rapports sur le développement humain arabe, on ne sera pas surpris que leur établissement participe de cette dernière catégorie, le rapport de cette année ne faisant pas exception. A ce propos, j’estime qu’il est nécessaire de rappeler la position soulignée par mon prédécesseur Mark Malloch Brown dans l’introduction du rapport de l’année passée : « les Rapports du développement humain ne sont des documents officiels émanant ni du Programme pour le Développement ni des Nations Unies et n’ont pas pour objet de l’être. Ils n’expriment le point de vue officiel d’aucun d’entre eux. Le but de ces rapports est d’apporter un soutien à l’émergence d’un discours nouveau et dynamique dans l’espace public dans toutes les régions du monde arabe et au-delà… J’estime nécessaire de dire que le PNUD et les Nations Unies ne partagent pas certains points de vue des auteurs du Rapport. » Les quatre Rapports sur le développement humain arabe ont été préparés par des auteurs, réunis autour d’une vision commune à laquelle ils sont parvenus en accord avec le Programme des Nations Unies pour le Développement au moment du lancement de cette série en l’an 2002. Les Rapports sur le développement humain arabe, y compris le rapport de cette année, développent des points de vues que ne partage pas le Programme des Nations Unies pour le Développement. Ils utilisent, parfois, un langage agressif qui n’est pas nécessaire. Le PNUD a, depuis 2002, contribué à la mise en place d’une tribune de débat dans et au-delà la région. Toutefois, le langage utilisé dans certaines composantes de ce débat n’a pas toujours été conforme à la problématique de la réforme et au compromis passé sur la nécessité de recourir à une argumentation rationnelle. Le Monde arabe et la région du Moyen Orient ont souffert, durant de longues années, de profondes divisions, de la violence et des conflits, avec aussi la participation de parties étrangères. La Direction du Programme des Nations pour le Développement croit que la mise en œuvre de la liberté et de la bonne gouvernance, l’objectif déclaré des Rapports du développement humain arabe, exige modération, argumentation rationnelle et respect des points de vue de l’ « Autre ». Ce sont là autant de qualités qui ont marqué l’âge d’or de la grandeur arabe. Cet âge a été caractérisé par la prospérité des mondes arabe et musulman, dont l’autorité était telle qu’ils pouvaient fixer les normes et les critères aux autres. En outre, le progrès du monde arabe à l’ère actuelle des puissances économiques planétaires appelle davantage de coopération solide et de complémentarité économique. Un tel processus ne peut advenir sans que les Etats, les gouvernements et les institutions de la société civile unissent leurs rangs, malgré leur diversité. Et comme l’attestent les opérations de coopération dans d’autres parties du monde, le II progrès exige que l’on fasse preuve de prudence et que l’on soit disposé au compromis et, en même temps, que l’on établisse une stratégie solide portant sur le long terme en vue de la réalisation d’une unité plus large. Bien que nous ne partagions pas tous les sentiments et les appréciations contenus dans ce rapport, il n’empêche qu’il nous incite à penser, plus attentivement, les facteurs qui les sous-tendent. Il ne nous échappe guère que les sentiments de colère qui éclatent dans des parties précises de ce Rapport sont partagés par de larges franges de la population dans la région. Ils se sont accentués suite aux derniers évènements et aux lourdes pertes en vies innocentes. Les Rapports sur le développement humain arabe ont été, selon tous les critères, au centre d’un extraordinaire intérêt. Ils ont contribué, de manière à ce jour inégalée, à stimuler le débat sur les voies que la région arabe devrait suivre pour réaliser les objectifs de la bonne gouvernance, du développement équitable et de plus de droits humains. La publication de ces Rapports a été rendue possible grâce aux efforts consentis par de nombreuses personnes. Je voudrais toutefois saisir l’occasion qui m’est donnée ici pour saluer, tout particulièrement, le rôle dirigeant joué par une personnalité, je veux nommer Rima Khalaf Hunaidi. Rima a veillé, depuis le début, à l’orientation de cette « expérience » que sont les Rapports sur le développement humain arabe. Sans sa direction, la publication des quatre rapports n’aurait pas été possible. Rima a pris sa retraite il y a quelque temps, au cours de l’année, après avoir dirigé le Bureau Régional des Etats Arabes, Programme des Nations Unies pour le Développement pendant près de six ans. La préparation de ce rapport a débuté alors qu’elle assurait la direction de ce Bureau. Rima continue d’être cette force motrice qui anime les débats en cours à propos de la réforme dans tous les coins de la région et même au delà de la région. Je voudrais à cette occasion lui souhaiter pleine réussite dans ses nouveaux projets. Kamal Derwich Directeur Général, PNUD Préface Le Directeur Régional–PNUD Bureau Régional pour les Etats Arabes Le quatrième rapport de la série de Rapports sur le développement humain arabe complète, sans détours, l’investigation sur certaines entraves au développement humain arabe commencée par les précédents rapports. Le rapport de l’année 2005 analyse, avec la même indépendance d’esprit qui a caractérisé les rapports précédents, les dimensions dynamiques de l’essor des femmes dans le monde arabe. L’intérêt de ce rapport est centré sur la question de toutes les femmes dans les pays arabes, sans distinction. Il place le caractère problématique de l’égalité des droits, des capacités et des chances dans son contexte historique, culturel, religieux et sociétal, ainsi que dans le cadre économique et politique. Il trace, en outre, les grandes lignes d’une vision au sujet de la réalisation de l’égalité entre les genres qui doit être fondée sur la garantie des droits de la citoyenneté complète pour tous à travers la réforme de la gouvernance arabe. Ce rapport, à l’instar des autres de la série, est authentiquement arabe, dans sa conception, sa préparation et sa propriété. Il ne part pas de simples formules abstraites du changement loin de l’interaction des forces dans la région. Les auteurs et les conseillers appartiennent à divers courants intellectuels, philosophiques et culturels dans le monde arabe ; ils ont, tous, des positions fermes sur les questions traitées, et sont prêts à assumer les risques encourus du fait du traitement d’un tel sujet chargé de sensibilités culturelles, religieuses et sociales. Ces auteurs et conseillers sont conscients que l’idéal serait que les vastes réformes, à la réalisation desquelles ils oeuvrent, soient le fruit d’une unanimité à plusieurs niveaux, basée sur un accord entre toutes les parties, sur le respect du droit à la différence et sur la reconnaissance de points de départ communs. Néanmoins, ils constatent aujourd’hui la dégradation du débat sur la réforme, qui se réduit à des joutes oratoires intempestives d’exclusion, alors que les forces conservatrices montantes tentent de ramener les choix politiques à leur niveau le plus bas. L’intellectuel arabe qui essaie, par les temps qui courent, d’introduire les idées « occidentales » sur l’égalité entre les deux sexes dans l’arène de ces contradictions polarisées est assuré d’être immédiatement mis à l’index. Dans cet environnement et à ce moment précis où l’occupation israélienne des territoires palestiniens, l’agression israélienne contre des pays voisins et l’intervention militaire des puissances étrangères se poursuivent, les défenseurs de l’idée du changement démocratique venant de l’intérieur et visant l’accélération de la promotion des femmes, seront considérés comme des instruments au service d’un modèle discrédité. Alors que l’ingérence étrangère s’ingénie à dévier les positions des modérés arabes de leur objectif et que des forces locales les étouffent, ces modérés se sentent davantage alertés, déprimés et en colère. La colère est de par sa nature même un motif de débat, mais elle peut facilement être mal interprétée dans un contexte conflictuel et être considérée comme une forme d’acharnement. Les échos de la colère reviennent à maintes reprises dans ce rapport, accompagnés parfois d’un appel au combat. Ceci peut être un motif de frayeur pour les uns, et l’expression réelle d’un souci politique, intellectuel et moral des auteurs du rapport, pour les autres. Mais nous continuons de croire que le fait de mettre à la disposition des auteurs une tribune, qui ne s’offre à eux nulle part ailleurs dans la région, facilitera la diffusion d’un ensemble de messages bénéfiques et utiles que le monde doit entendre. Les conditions des femmes dans les pays arabes continuent, la plupart du temps, III de changer au mieux, au fur et à mesure que les jours passent. Les femmes arabes ont signé des contributions nationales et internationales formidables dans les domaines de la littérature, des sciences et de la politique, ainsi que dans d’autres domaines de l’activité humaine. Elles ont ainsi réalisé des avancées équivalentes à celles des hommes, quand elles ne les ont pas surpassés. Pourtant, la majorité d’entre elles continuent de se battre pour recevoir un traitement équitable. Comparées à leurs semblables dans le monde, elles sont créditées du plus bas niveau de participation politique. Des pouvoirs conservateurs, des lois discriminatoires, une sensibilité masculine chauvine et la mentalité traditionaliste continuent de guetter les femmes, de freiner leurs aspirations, activités et comportements. En outre, les employeurs continuent d’imposer des contraintes au développement des revenus et de la liberté des femmes. Dans la plupart des cas, la pauvreté bloque et l’épanouissement des femmes et l’usage de leurs capacités. La conjonction des hauts niveaux d’analphabétisme et le bas niveau de l’emploi des femmes à l’échelle internationale a conduit à « créer des défis graves ». Bien qu’un nombre de plus en plus grand de femmes aient réussi, avec le soutien des hommes, à accéder à un plus grand degré d’égalité au sein de la société et à plus de justice dans leurs rapports familiaux et personnels, nombreuses sont celles qui sont toujours victimes d’une ségrégation légalisée, de la soumission sociale et de la domination masculine, élevée de nos jours au statut de sacré. En plus, rejetée en principe, la violence psychologique et physique démolit la santé de la personne et tout sentiment de sécurité chez les femmes. Pire encore, elle leur enlève leur droit à la vie. Ceci dit, ces atteintes à l’égard des femmes ne concernent pas que le monde arabe, elles font partie intégrante d’un problème mondial. Ce Rapport pose un système complet de priorités visant à accélérer la promotion des femmes. Les femmes ont des exigences qui, dans l’optique du développement humain, ne peuvent pas se ramener au seul accès aux instruments du développement qui leur permettent d’aider la société à progresser ; car en tant qu’êtres humains, elles sont la partie IV qui doit prendre en charge ce processus même de développement. Aussi le Rapport insiste t-il sur le besoin d’éliminer les sources de la ségrégation à l’égard des femmes que charrient les traditions arabes et de faire appel à l’ijtihad et à l’exégèse éclairée en matière religieuse pour pouvoir venir à bout des entraves culturelles. Le Rapport brosse en même temps les traits généraux de modèles de changement en matière de méthodes d’éducation, d’enseignement et d’information, ce qui peut modifier les normes sociales et effacer l’image stéréotypée blessante préétablie et d’introduire un bouleversement fondamental dans les rapports entre les deux sexes dans un cadre culturel où règnent les rapports d’égalité. Le Rapport propose une série de réformes juridiques pour garantir les droits politiques, civiques et économiques des femmes. Les exigences qu’impliquent ces propositions varient entre l’action pour une totale conformité entre les législations nationales, d’une part, la Convention internationale pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEW) et les conventions internationales du travail et, d’autre part, en réservant aux femmes des quotas dans les instances politiques ainsi que l’adoption de lois modernistes en matière de statut personnel. Le Rapport demande également que soient imposées les dispositions qui garantissent la protection des droits civiques et personnels de toutes les femmes, y compris les étrangères dans les pays arabes. Le Rapport invite, dans un cadre plus général, à ouvrir le domaine économique devant les femmes pour leur permettre de trouver une solution à la pauvreté de revenu et à investir dans les domaines de l’enseignement, de la santé et dans les filets de sécurité sociale en vue d’infléchir l’extension de la pauvreté humaine. Les conclusions du rapport dans leur totalité représentent un cadre favorable au déploiement des efforts de développement consentis par la société civile et par les organisations régionales et internationales, y compris le Programme des Nations Unies pour le Développement. Tout le monde ne sera pas d’accord, bien évidemment, avec ce qu’avancent les auteurs du rapport. Nous nous attendons donc à voir s’ouvrir un débat vigoureux autour des analyses qu’ils développent. Mais seule une petite minorité pourra nier que l’amélioration de la situation des femmes dans le monde arabe fait, en dernière analyse, partie intégrante du progrès de la société en direction de formes de pouvoir démocratique et de progrès qui soutiennent le droit de citoyenneté pour tous. Si cette conclusion du rapport venait à provoquer une discussion et à stimuler la production d’idées novatrices à propos des voies à suivre pour atteindre ces deux objectifs concomitants, alors les auteurs sentiront qu’on leur a réservé le respect qu’ils méritent pour les efforts qu’ils ont consentis. Les lecteurs remarqueront que nous avons, une fois de plus, arrêté notre couverture des évènements du monde dans la première partie de ce rapport à la fin du mois de janvier 2006. La publication du rapport a été retardée, plus d’une fois, ce qui nous empêchés, malheureusement, d’aborder des développements importants survenus durant l’année en cours. Je suis toutefois assurée que les prochains rapports accorderont l’attention qu’il faut à ces évolutions. Le Rapport sur le développement humain arabe pour l’année 2005 est le fruit de l’effort conjugué de nombreuses personnes. J’aimerais saluer tous ceux et celles qui ont participé à sa préparation, à son contrôle et à sa rédaction. Je voudrais à cette occasion nommer plus particulièrement ma collègue distinguée Dr Rima Khalaf Hunaidi qui m’a précédée à ce poste. Elle a été l’esprit créatif, l’inspiratrice et la cheville ouvrière de cette collection, et l’ensemble de ces rapports portent la marque de ses orientations. Je voudrais aussi exprimer ma sincère reconnaissance à l’Equipe centrale, notamment aux auteurs principaux parmi lesquels le chercheur et savant Dr Nader Farjani et la Dr Islah Jad, pour leur total engagement et leurs efforts précieux. Je voudrais également exprimer mes sentiments respectueux au Comité des Conseillers pour les conseils et l’appui apportés par ses membres brillants, ce qui a permis aux différentes livraisons du Rapport de se conformer aux principes généraux de base tout en restant étroitement liés à la réalité de la région. Je me dois de remercier le Directeur Général du Programme des Nations Unies pour le Développement, Kamal Derwich pour son soutien courageux à la publication de la dernière livraison de la première partie de cette série inhabituelle, malgré quelques divergences de points de vue et les risques qu’implique une telle posture. Je voudrais tout particulièrement saluer mes collègues de la section des programmes régionaux au sein du Bureau régional pour les Etats arabes, sous la direction de Nada Nashef, pour le soutien constant qu’ils ont apporté à ce très difficile projet. Pour terminer, je voudrais exprimer toute mon estime pour le soutien apporté par deux de nos associés régionaux, le Fonds Arabe de Développement Economique et Social et le Programme du Golfe arabe pour le soutien des organisations des Nations Unies pour le développement, pour leur collaboration et pour le soutien qu’ils ont voulu apporter à ce travail. Dans la mesure où l’idée originelle d’une série de rapports en quatre temps vient d’être bouclée, j’ai le plaisir d’affirmer que d’autres rapports paraîtront successivement prochainement. Amat Al Alim Al Sawsawa Secrétaire Générale Adjointe des Nations Unies, Directrice du Bureau Régional pour les Etats Arabes, Programme des Nations Unies pour le Développement VI Présentation Fonds Arabe de Développement Economique et Social Il ne peut y avoir de développement économique et social loin du développement humain qui constitue l’axe et la finalité du développement global. C’est ce à quoi les trois premières livraisons de la première série de rapports sur le développement humain arabe se sont intéressées, ont confirmé et ce dont elles se sont préoccupées. Ce quatrième rapport vient bien évidemment compléter la série en s’attaquant à un sujet important des questions et problématiques retenues par la série, à savoir la femme arabe et son rôle dans le développement global. Lorsque ce rapport analyse, explique et traite des questions des femmes arabes, qu’il recherche à cerner les obstacles qui entravent l’amélioration de leur situation juridique, économique et sociale et qu’il souligne leur participation aux affaires de la société, il n’apporte rien de nouveau ou d’étranger à la littérature sur le développement, qu’elle soit ancienne ou contemporaine. Une telle littérature souligne l’importance de la participation sociale au développement sans discrimination sur la base de la race ou du sexe. Le rapport participe des efforts théoriques et pratiques qui ont débuté avec le début de la Nahda arabe, au début du vingtième siècle, et qui s’efforçaient de trouver des solutions aux questions et droits des femmes arabes. Ces efforts se sont poursuivis sous forme de thèses et d’écrits avec la participation de nombreux penseurs, chercheurs et réformateurs reconnus et sous forme d’action des mouvements de femmes depuis les années vingt du siècle dernier en vue de promouvoir leur statut. Une telle dynamique a fini par engendrer, vers la fin du siècle, des mouvements sociaux et politiques au sein de la société civile arabe qui oeuvrent à l’élaboration de visions d’ensemble en matière de développement et à la traduction de leurs objectifs sur le terrain. L’un de ces objectifs est d’assurer la totale participation des femmes arabes au sein de l’Etat et de la société. Ce Rapport éclaire le contexte des femmes arabes sous ses différents aspects politiques, économiques, sociaux et juridiques ; il éclaire aussi les évolutions que la condition de ces femmes a connues en positif et en négatif et expose les difficultés auxquelles les femmes sont confrontées pour assurer pleinement leur rôle en matière de développement économique et par rapport au processus de modernisation politique et sociale. Les auteurs du Rapport proposent des orientations politiques et intellectuelles et des exigences juridiques et sociales, sur tous les plans, en vue de la promotion des femmes arabes et pour qu’elles s’acquittent convenablement de leur rôle et de leur responsabilité et pour affirmer leur entière participation au sein de la société arabe. Il n’y a pas de doute que cette évolution est suivie avec intérêt par les institutions de développement, notamment en l’occurrence le Fonds arabe de développement économique et social qui a tenu, dans le cadre de ses orientations et de ses politiques de développement, et à travers ses programmes et projets sociaux, à rendre effective la participation des femmes arabes au développement. Il a en outre tenu, dans les limites de sa contribution au Rapport, à ce que ce dernier, par son style et son contenu, rende compte de la réalité des femmes arabes, de manière objective, fidèle et courageuse. Ce rapport qui s’attaque à une problématique de cette importance, peut bien entendu, comporter des lacunes pour ce qui est des données retenues, quand il ne s’agit pas d’erreurs légères, ce qui est tout à fait normal quand il s’agit de traiter d’un sujet d’une telle complexité et d’une telle sensibilité. Il est possible que certains de ses passages et analyses comportent des digressions et des détails qui VII peuvent être interprétés comme des insertions sans intérêt pour son objet. Il s’agit de cas d’espèce prévisibles eu égard au concept de développement humain que l’on sait lâche, au contenu changeant, dont les axes sont multiples et les problématiques diversifiées et complexes. Ses synthèses et conclusions peuvent comporter des points d’accord nombreux et des points de désaccords, peutêtre beaucoup plus nombreux, ce qui est évidemment tout à fait réaliste et reflète la pluralité des orientations. Il est indispensable, dans tous les cas, de signaler que ce rapport est le fruit du travail de penseurs, de chercheurs et d’experts indépendants qui n’ont aucun statut officiel. Leur contribution à ce Rapport exprime, autant que faire se peut, la diversité culturelle et intellectuelle de la société arabe et reflète dans les limites du possible son ancrage géographique, conformément à la conviction et à la volonté des institutions qui y ont participé et selon laquelle il était nécessaire d’aménager un espace pour tous dans ce rapport, en vue d’élaborer un projet d’émancipation des femmes arabes. Il importe aussi de souligner que ce rapport, eu égard à son contenu, sa méthodologie, ses conclusions et ses visions ne constitue pas la fin du parcours ; il ne représente pas non plus l’unique projet à s’attaquer à la question de la promotion des femmes. Il est tout simplement une tentative supplémentaire, qui ne manque certes pas d’audace, visant à ouvrir un débat, au plan arabe, autour des questions et thèses qu’il a développées. Il s’agit de faire face à ces problématiques et d’aboutir à des solutions économiques, sociales et politiques qui bénéficient de l’adhésion la plus large et qui garantissent la réalisation des objectifs du projet de promotion des femmes arabes. Dans la mesure où ce type de présentation n’est pas le lieu d’une contribution approfondie à ce débat, il nous semble nécessaire de souligner un certain nombre de vérités à l’occasion de la présentation de ce rapport et à la tête desquelles nous pouvons retenir ce qui suit : Premièrement : les femmes arabes ont assumé leur rôle à toutes les étapes de l’évolution de la société arabe à travers l’histoire, malgré des tentatives circonscrites de VIII le marginaliser. Le rôle important joué par les femmes arabes dans l’économie traditionnelle, la structure familiale et sociale ont été ceux de l’associé fondamental indispensable. Les luttes des femmes en vue de confirmer leur participation par le biais des mouvements politiques, de libération et des institutions de la société civile durant les dernières décennies se sont accrues, ont progressé et marqué des avancées importantes, qui sont aujourd’hui appréciées et respectées par tous les courants de la société arabe. Deuxièmement : les femmes arabes ont réalisé une grande performance en matière d’acquisition autonome des capacités. Elles ont ainsi progressé de manière notable dans le domaine de l’enseignement, prouvé leurs mérites et compétences dans les différents domaines du travail et des affaires, confirmé leur capacité à accéder à des postes de direction, augmenté leur participation à l’activité économique et ont vu leur poids peser davantage sur l’action publique nationale dans tous les Etats arabes. C’est pourquoi les efforts de développement arabe doivent s’appuyer sur ces acquis et veiller à en améliorer les indicateurs, tout en travaillant à employer ces capacités pour assurer une plus grande participation des femmes au sein du marché du travail et accroître leur contribution à l’activité économique sur la base de l’équité et l’égalité entre les deux sexes. D’un autre côté, les efforts en matière de réforme politique doivent œuvrer à la consolidation des règles de bonne gouvernance sur le plan général comme au niveau institutionnel et à l’amélioration des systèmes et législations conformément aux principes de liberté, d’égalité et de justice sociale. C’est la condition sine qua non pour qu’aboutissent et la réforme économique et la réforme politique. Celles-ci devant être les deux ailes du développement arabe avec lesquelles il volera en direction des objectifs du projet de renaissance arabe. Troisièmement : les droits des femmes arabes et leur promotion ne constituent ni une forme de luxe théorique, ni un simple appel à la réforme ; ils représentent aujourd’hui une composante essentielle du système des droits de l’homme que la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes est venue confirmer. Les appels au respect des droits des femmes et la revendication de leur essor économique et social participent d’un mouvement mondial que le droit international appuie. L’action visant à les mettre en œuvre a évolué en un mouvement de société appuyé par les forces de la société civile arabe, dans le cadre d’institutions au sein desquelles les femmes arabes occupent des positions importantes et participent activement à la réalisation de leurs objectifs. Ce rapport, avec ses points forts et ses points faibles, est aujourd’hui soumis à l’appréciation du citoyen arabe, quelles qu’en soient la position et la responsabilité. C’est que le citoyen, après tout, représente et la finalité et l’objectif d’un tel rapport. Je souhaite que sa publication soit un début et non une fin ; l’occasion d’un débat civilisé et constructif qui rapproche les uns des autres au lieu de les éloigner, qui unifie au lieu de semer la division, pour la promotion des femmes arabes et l’essor de notre nation. Pour finir, je voudrais exprimer mes sincères remerciements et respects à l’attention de toutes les personnes qui ont contribué à la préparation et à la publication de ce rapport, ainsi qu’au Programme des Nations Unies pour le Développement pour les efforts consentis en matière de suivi et de direction du rapport. Mes remerciements vont également à toutes les institutions et parties qui y ont été associées. Que Dieu nous accorde plein succès ! Abdel Latif Youseff El Hamed Directeur Général / Président du Conseil d’Administration du Fonds Arabe de Développement Économique et Social IX Présentation: Son Altesse le Président du Programme arabe du Golfe pour les organismes de développement des Nations Unies Les femmes arabes et les mécanismes du changement attendu L’observateur de la dynamique sociétale dans le monde arabe note un ensemble de transformations positives produites par le Rapport sur le développement humain arabe depuis sa publication pour la première fois en 2002 sous le titre « Créer des opportunités pour les générations futures», et la campagne de protestation qui a accompagné ce premier rapport ainsi que le traitement réservé à son contenu et aux significations données aux résultats et recommandations auxquels les chercheurs sont arrivés. Le Rapport sur le développement humain pose, en réalité, des questions essentielles qui ont un impact direct et profond sur le développement dans ses trois dimensions, sociale, économique et politique. C’est pourquoi ce rapport, qu’un groupe de spécialistes « préoccupés » par les causes de l’être humain arabe a pris l’initiative de préparer, est – de notre point de vue – parmi les réalisations les plus importantes de la pensée arabe en matière de développement de ce troisième millénaire, avec tout ce qu’il connaît comme changements et transformations favorables au genre humain. La quatrième livraison du Rapport sur le développement humain revêt une importance toute particulière parce qu’il soulève la question du développement des femmes, considérée comme la question centrale dans toutes les sociétés arabes. Poser de manière spécifique la question des entraves au développement des femmes arabes survient, dans l’ordre, après la troisième livraison du Rapport qui a été centrée sur les dialectiques de la liberté dans le monde arabe, la deuxième qui a traité du « sujet du savoir » et la première qui s’est attaqué à la manière de « créer des opportunités pour les générations futures». Pour anticiper la polémique que ne manquera pas de provoquer cette dernière livraison, nous disons que nous croyons que les spécialistes et chercheurs qui se sont attaqués à la question objet du rapport ont éclairé des aspects d’une grande importance de la question des femmes arabes, notamment la vision surannée concernant la femme, son statut et son rôle. Cette vision est – malheureusement – liée à la conception que d’aucuns se font de la religion, alors que l’analyse réaliste la ramène aux us et coutumes. La religion n’a rien à voir avec les comportements erronés à l’égard des femmes, mais nos sociétés font prévaloir la coutume sur le dogme et instituent des présupposés qui n’ont de fondement ni dans le Coran ni dans les vrais Hadith-s (dits du Prophète). Les souffrances et privations des femmes arabes sont dues à l’accumulation des us et coutumes ; c’est la raison pour laquelle la révision de ladite vision est une priorité forte. Ceci exige la mise en place de dispositifs sociétaux, culturels en premier lieu, pour éduquer les générations selon une vision saine des femmes et de leur rôle. Ce rapport, de par ses données statistiques et les informations qu’il véhicule et qui vont au fond des questions, représente une partie de ces dispositifs nécessaires ; c’est pourquoi nous continuerons à soutenir sa publication en coordination avec nos associés du développement. Bien que nous croyions que la réhabilitation des femmes et la sauvegarde de leurs droits relèvent de la responsabilité partagée des sociétés arabes, surtout après que tous les Etats arabes aient signé la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, nous estimons, en même temps, que les femmes sont les plus aptes à défendre leurs droits et à faire connaître leur cause. Tant que les femmes arabes n’auront pas assumé cette XI responsabilité, le traitement de leur affaire sera retardé pour longtemps encore. Néanmoins les indices de l’évolution réelle et le suivi que nous avons de quelques exemples d’activistes femmes arabes suscitent l’espoir. Nous avons la conviction que les femmes arabes (mères, sœurs, épouses et filles) ne sont pas moins capables que les femmes dans les sociétés qui nous ont devancés sur l’échelle du progrès. Les femmes arabes sont créatives et prennent des initiatives quand les moyens leur sont offerts, et c’est ce qui nous a conduit à parrainer une organisation de développement spécialisée dans les questions des femmes, le Centre des femmes arabes pour la formation et la recherche (CAWTR), dont nous avons confié la direction, la gestion et l’établissement des programmes à une élite féminine qui a su s’imposer et réaliser le plus important des objectifs stratégiques qui consiste à rendre CAWTR une référence arabe pour ce qui concerne les questions des femmes et la formation des cadres féminins, contribuer à corriger la fausse image des femmes et faire entendre leurs voix et leurs revendications aux centres de décision. Il n’y a pas d’avenir pour une nation qui bloque les énergies de la moitié de ses habitants, qui ignore leurs revendications et marginalise leurs droits. Nous adoptons la même orientation aux niveaux de l’Université arabe ouverte (AOU) et de la Banque des pauvres, qui vise les franges les plus pauvres de la population. Les femmes ont fait preuve d’une grande capacité à utiliser les petits crédits et les micro–crédits et d’une crédibilité plus grande que les hommes, en matière de respect des engagements pris auprès des institutions de crédit. Tout en soulignant l’importance du fait de légiférer, d’édicter des systèmes et des lois, de faire évoluer les constitutions et de les moderniser pour garantir les droits des femmes, il est indispensable que cela soit précédé par un travail de fondation d’une pensée éclairée. En effet, les législations, fussent-elles contemporaines, évoluées et satisfaisant aux attentes, ne fonctionnent pas dans un vide intellectuel et de valeurs. Notre perception des femmes doit être dominée par les valeurs positives en adéquation avec la religion et les véritables traditions arabes. De telles valeurs doivent être développées d’abord au travers de l’éducation et diffusées par le biais des programmes de l’éducation, en commençant par les crèches et en terminant par l’enseignement supérieur ainsi qu’au travers des médias connus pour leur sérieux dans le traitement des problèmes et des préoccupations de la société. De tels mécanismes sont un outil important du changement escompté au niveau de la configuration culturelle. Il ne peut y avoir de changement tant que nous n’aurions pas développé le fonds de notre culture qui détermine nos jugements et l’idée que nous nous faisons de nous-mêmes. Que Dieu nous accorde plein succès pour le bien de la personne arabe ! Talal Bin Abdul Aziz Président Programme Arabe du Golfe pour les Organismes de Développement des Nations Unies XII Les participants à la préparation de ce rapport (Selon l’ordre alphabétique) L’équipe des conseillers Rima Khalaf Hunaidi (Présidente), Ahmed Kamal Aboulmagd, Haifa Abu Ghazaleh, Fowziyah Abu-Khalid, Nidal Al-Ashkar, Aziz Al-Azmeh, Khadija Ahmed AlHaisami, Nasser Al-Kahtani / Jebrine Al-Jebrine (Programme Arabe du Golfe Pour les Organisations du développement des Nations Unies), Farida Allaghi, Nabil Alnawwab / Fatima Sbaity (Commission Economique et Sociale Pour l’Asie occidentale), Soukaina Bouraoui, Mohamed Charfi, Hani Fahs, Ziad Fariz, Mohammed Fayek, Fahmy Howeidy, Taher H. Kanaan, Clovis Maksoud, Bader Malallah (Arab Fund for Economic and Social Development), Abdelouahab Rezig, Abdulaziz Sager, Leila Sharaf, Haifa Zangana. L’équipe Centrale Nader Fergany (Co-Leader), Islah Jad (Co-Leader), Kamal Abdellatif, Ebtisam Al-Kitbi, Mohamed Nour Farahat, Haytham Manna, Naila Silini. Les auteurs ayant contribué à la préparation Kamal Abdellatif, Rula Abu-Duhou, Fowziyah Abu-Khalid, Lamis Abu Nahleh, Badria Abd Allah Al-Awadhi, Ali Abdel Gadir Ali, Aziz Al-Azmeh, Baqer Alnajjar, Madawi Al-Rasheed, Mustapha K. Al Sayyid, Mohammed Aref, Mohsen Awad, Munir Bashshur, Noha Bayoumi, Rachida Benmessaoud, Azmi Bishara, Mohamed Charfi, Hafidha Chekir, Khadija Cherif, Mouna Cherkaoui, Violette Daguerre, Abdelwahab El-Affendi, Hoda Elsadda, Ikbal El Ameer El Samalouti, Heba Raouf Ezzat, Mohamed Nour Farahat, Samir Farid, Mona Fayad, Hala Fouad, Abdelaziz Guessous, Hassina Hamzaoui, Nadia Hijab, Fahmi Howeidy, Islah Jad, Nadim Jarjoura, Nahawand Kadiri, Elham Kallab, Azza M. Karam, Fadia Kiwan, Eileen Kuttab, Maroun Lahham, Latifa Lakhdar, Mohammed Malki, Haytham Manna, Moncef Marzouki, Zineb Miadi, Emily Nasrallah, Naziha Rjiba, Nader Said, Rafif Sidaoui, Naila Silini, Mustapha Touaiti, Mohsen Tlili, Marie Rose Zalzal. (Anglaise) Leila Ahmed, Sakiko Fukuda-Parr, Ziad Hafez, Rami G. Khouri, Dina Rizk Khoury, Tufan Kolan, Omar Noman, Maureen O’Neil, William Orme, Marina Ottaway, Eugene L. Rogan, Mark Tessler, Richard J. Wilson. UNDP RBAS / UNOPS Amat Al Alim Ali Alsoswa, Nada Al-Nashif, Benjamin Craft, Melissa Esteva, Ghaith Fariz (coodinateur du rapport), Oscar Fernandez-Taranco, Jacqueline Ghazal, Sausan Ghosheh, Randa Jamal, Mary Jreidini, Azza M. Karam (Coordinateur du rapport), Jeremy King, Madi Musa, David Morrison, Julia Niggebrugge, Winmin Nu, William Orme, Ghia Osseiran. Comité d’édition La version arabe: Fayiz Suyyagh La version anglaise: Zahir Jamal (Editeur), Barbara Brewka (Assistance éditoriale) Réalisation de l’enquête de “ la liberté de la femme ” • Middle East Marketing and Research Consultants (MEMRC) / Amman, Jordan (Coordination + Questionnaire Design & Unifying Data Files) • Market Egypt / Cairo, Egypt • Societé d’Etudes de Realisation de Consultants (SEREC) / Casablanca, Morocco. • Statistics Lebanon Ltd. / Beirut, Lebanon. Comité de traduction Humphrey Davies (Coordinateur), Susan Smith AbouSheika, Peter Daniel, Philip Gordon, Hala Halim, Jeff Hayes, Nancy Roberts, Paul Roochnik, Nehad Salem, Yasmine Pauline Salih, Mahmud Suqi, David Wilmsen, Patrick Werr. Comité de lecture (Arabe) Conception de la couverture : Khalid Abdalla, Ghanim Alnajjar, Abdulkarim El-Eryani, Nawal Faouri, Samia Fessi, Najla Hamadeh, Maryam Sultan Lootah, Gamil A. Mattar, Hassan Nafaa, Hassan Rahmouni, Marie Rose Zalzal. Conseillé technique pour le design et l’impression: Shady Mohamed Awad Hassan Shahin XIII Sommaire Introduction: Le Directeur Général du Programme des Nations Unies pour le Développment(PNUD) Préface: Le Directeur Régional–PNUD Bureau Régional pour les Etats Arabes Présentation: Fonds Arabe de Développement Economique et Social Présentation: Son Altesse le Président du Programme arabe du Golfe pour les organismes de développement des Nations Unies RESUME Introduction 1.Les évolutions en matière de développement humain dans le monde arabe depuis la parution du 3e radh 2004 VII XI 1 1 1 Les courants islamistes et le processus de réforme 1 L’amplification du militantisme de la société civile 2 Le discours mensonger sur la réforme 3 Une vague d’élections majoritairement défaillantes 3 L’aggravation des violations des droits de l’homme dans les pays arabes Les violations causées par l’occupation et les conflits armés internes Violation des libertés publiques,(et) des libertés d’opinion et d’expression Les réformateurs et les activistes des droits de l’homme menacés 3 3 4 4 Un environnement régional et international handicapant La question du terrorisme et ses conséquences en matière de liberté dans le monde arabe La guerre au terrorisme L’Occupation continue de faire peser des menaces sur le développement humain 4 5 5 5 Le progrès réalisé pour surmonter les déficits en matière de développement humain II Vers la promotion des femmes dans le monde arabe : concepts et problématiques XIV I III 6 6 Les concepts La question de l’”intErne” et de l’”extErne” Le pouvoir despotique et la promotion des femmes La sous-évaluation de l’apport des femmes à l’activité économique La condition des femmes dans le monde arabe 6 7 7 8 8 L’Acquisition des capacités : on refuse leurs chances aux femmes La Santé L’éducation 8 8 9 L’usage des capacités humaines Les activités économiques Les femmes arabes dans la sphère politique Des réalisations remarquables des femmes ARABES 9 9 10 11 Les niveaux de bien être L’extension de la pauvreté et l’affaiblissement des femmes la liberté personnelle bafouée 11 11 12 Les mouvements arabes des femmes : combats et expériences 12 Valuation des avancees favorables aux femmes 14 Le contexte social de la condition des femmes La culture L’héritage religieux : la différenciation en terme de genre en matière de jurisprudence La femme arabe dans les proverbes populaires 15 15 15 16 Les femmes dans la pensee arabe contemporaine Vers la naissance d’une nouvelle source d’autorite 16 16 Le début du dépassement des limites imposées par une jurisprudence biaisée qui consacre l’infériorité des femmes Les femmes et les médias Les Femmes dans le roman arabe L’image des femmes dans le cinéma D’autres formes de production culturelle 17 17 17 18 18 Les structures sociales Tribalisme et patriarcat La famille et le statut des femmes Socialisation et education 19 19 20 21 Les structures juridiques Les postures a propos de la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes Les situations constitutionnelles L’egalité devant la loi Droits politiques et droits publics des femmes Systèmes des quotas de femmes dans les parlements Incrimination et punition 21 21 22 22 22 22 22 Les codes du statut personnel L’absence de codification dans certains etats La nationalité Loin de la loi officielle L’egalité entre l’homme et la femme dans la conscience des juristes arabes 23 23 23 23 23 L’economie Politique 24 Les Etablissements Publics Et Les Femmes Arabes : La Liberation Et La Marginalisation 25 Les femmes et la société civile 25 Les positions des différentes forces politiques sur la question des femmes arabes 26 Les POSITIONS des mouvements ISLAMISTES SUR LES FEMMES 26 Les PRESSIONS EXTERIEURES VISANT A PROMOUVOIR LES FEMMES DANS LES PAYS ARABES 26 UNE VISION STRATEGIQUE : DEUX AILES POUR LA PROMOTION DES FEMMES TRAITS PRINCIPAUX LA PREMIERE AILE : LA RE FORME DE SOCIETE NECESSAIRE A LA PROMOTION DES FEMMES LA DEUXIEME AILE : UN MOUVEMENT SOCIAL CAPABLE DE MENER A BIEN LE TRAVAIL DE PROMOTION DES FEMMES 1.Mettre fin à la privation des femmes en matière de santé, et en matière d’accès au savoir par l’instruction La protection sanitaire Mettre fin au reniement du droit des filles et des femmes à l’éducation 2. Démonter les obstacles qui empêchent les femmes d’investir leurs capacités comme elles l’entendent 27 27 28 CONCLUSION Première partie : 28 29 29 29 29 29 31 Les évolutions du développement humain dans le monde arabe depuis la publication du troisième rapport Introduction 33 Le contenu du processus de réforme conformément au Rapport sur le développement humain arabe et la place des courants islamistes dans ce processus 33 Le printemps de la réforme arabe n’a pas encore fleuri 36 L’amplification des luttes de la société civile 36 Le discours mensonger sur la réforme Une vague d’élections majoritairement défaillantes 39 39 Conclusion L’aggravation des violations des droits de l’homme dans les pays arabes 33 41 42 XV Les violations causées par l’occupation et les conflits armés internes 42 La violation des libertés publiques et des libertés d’opinion et d’expression 43 Les réformateurs et les activistes des droits de l’homme menacés 44 Les restrictions visant les libertés d’association et de réunion pacifique Un environnement international et régional handicapant 46 47 Une loi américaine de dissuasion de l’antisémitisme 47 Le problème du terrorisme et ses répercussions sur la liberté dans le monde arabe La guerre au terrorisme Les lois antiterroristes dans les pays arabes La justice d’exception Les mesures illégales La dégradation de la situation des femmes La guerre absurde : la guerre à la pensée et à la croyance ;La lutte antiterroriste et le respect des droits de l’homme 47 48 49 49 49 50 50 50 La question palestinienne Un désengagement qui ne met pas fin à la main mise israélienne sur Gaza La colonisation n’a pas cessé de faire échec au développement humain dans les territoires occupés Violation des libertés des individus et des libertés de déplacement Accentuation la violence des colons à l’encontre des civils palestiniens Le mur avale les terres et met en échec le développement La dégradation des conditions de vie Les débuts d’une réforme palestinienne 51 51 52 52 53 53 54 55 Les méfaits de l’occupation de l’Irak mis à découvert Le coût humain de l’occupation : l’usage d’armes prohibées et la torture Le développement de la corruption Le coût global de l’invasion et de l’occupation de l’Irak Le désir populaire de mettre fin à l’occupation 55 56 57 58 58 Conclusion Les avancées entreprises pour surmonter les déficits du développement humain 58 59 L’Elargissement de l’espace de la liberté Renforcement et protection de la culture des droits de l’homme Vers la liquidation de l’héritage des années d’oppression au Maroc A la recherche de la réconciliation nationale en Algérie Une orientation démocratique limitée aux Emirats L’élargissement de la participation populaire en Jordanie 59 59 59 60 60 60 L’acquisition du savoir 60 La promotion des femmes 60 Conclusion Le contenu de la deuxième partie du Rappaort 61 62 Deuxième partie: Vers La Promotion Des Femmes Dans Le Monde Arabe Premièrement : Le Cadre de Référence 63 Chapitre I : Concepts et problématiques 65 Les concepts fondamentaux et l’évolution historique relatifs à la naissance de la discrimination à l’égard des femmes et aux moyens pour la combattre 65 Les concepts 65 La promotion des femmes User des droits de l’homme La garantie de l’égalité totale des chances La garantie de l’intégralité des droits de la citoyenneté3 pour les femmes XVI 65 65 65 66 L’égalité dans le respect de la différence La promotion des femmes et le développement humain dans le monde arabe, une corrélation causale Les moyens de lutte contre la discrimination A l’egard des femmes ; l’évolution des concepts de femmes et de développement Au plan international Evaluation critique de l’application des concepts de femmes et développement dans la région arabe Les problématiques de la promotion des femmes La question de l’interne/externe L’immixtion étrangère dans les affaires de la nation n’augure rien de bon pour la question de la promotion des femmes Le pouvoir despotique et la promotion des femmes La dévalorisation de la participation des femmes à l’activité économique Conclusion 66 68 69 69 70 72 72 73 74 77 78 Deuxiement : La Situation Des Femmes Dans Le Monde Arabe 79 Chapitre II: L’Acquisition des capacités humaines 81 Introduction Les obstacles à l’acquisition des capacités humaines de base 81 82 La santé Les indicateurs de la santé reproductive Perte d’années saines suite à la mauvaise santé Problèmes de santé spéciaux Obésité et diabète Le syndrome de l’immunodéficience acquise (SIDA) 82 82 83 83 83 85 ACQUISITION du savoir au moyen de l’enseignement La diffusion quantitative L’accès aux différents cycles de l’enseignement selon le genre L’éducation préscolaire L’enseignement primaire L’enseignement secondaire, universitaire et professionnel L’enseignement supérieur L’analphabétisme toujours élevé chez les femmes Les filles sont de meilleures apprenantes 86 86 87 87 89 90 91 93 94 Chapitre III: L’utilisation des capacités humaines 99 Introduction L’espace de l’activité économique Caractéristiques de la participation de la femme à l’activité économique et questions y afférentes 99 100 Evolution de la participation des femmes aux niveaux de l’économie et du marché du travail dans les pays arabes. 102 Répartition de la force de travail féminine selon les principaux secteurs d’activité économique 102 La place de la femme d’un point de vue fonctionnel 103 Les causes de la faiblesse de la participation économique des femmes arabes. La culture masculine dominante Rareté des opportunités de travail La discrimination de genre en matière d’emploi et de salaires Augmentation du niveau de fécondité Des lois qui handicapent les femmes, d’autres qui les “ protègent ” Faiblesse des services d’appui L’impact des programmes d’ajustement structurel 105 105 105 105 106 106 106 106 La baisse de la participation économique des femmes conduit à la baisse des revenus Le domaine politique Une participation faiblement diversifiée 99 106 108 111 XVII Les femmes et l’Etat arabe : coopération ou confrontation. 113 Les femmes au sein des partis politiques dans les pays arabes 113 Les femmes dans les mouvements islamistes. 114 Des femmes, des restrictions et des partis Les réalisations des femmes dans les domaines des activités humaines et créatives. Réalisations remarquables de femmes arabes Première génération La création littéraire La création artistique : le cas du cinéma Les réalisations des femmes dans la production du savoir Les sciences sociales Les sciences naturelles et exactes L’astronomie Le sport Des femmes d’affaires : la force économique ascendante dans les pays arabes Conclusion Chapitre IV: Le niveau du bien être humain Introduction Reliefs de la pauvreté et genre Pauvreté et genre du chef de famille Extension de la pauvreté et affaiblissement des femmes la liberté personnelle bafouée 115 116 117 117 118 119 121 121 122 124 126 126 128 129 129 129 129 130 130 Les formes de violence à l’égard Dles femmes dans le monde arabe Les crimes d’honneur La violence domestique L’excision violence contre les femmes sous l’occupation. Les femmes appartenant aux catégories défavorisées dans les pays arabes. 132 132 133; 134;La 135 135 Les femmes dans les zones desertiques et les campagnes marginalisées. Les femmes dans les zones D’habitat anarchique travailleuses immigrées etrangères La situation des travailleuses dans le secteur du travail domestique. 135; 137;Les 138 139 Conclusion Chapitre V: Les expEriences de promotion des femmes dans le monde arabe 140 141 Le mouvement des femmes et leur rôle dans le processus de libération 142 L’enracinement chez les femmes de la conscience des questions qui leur sont spécifiques pendant l’indépendance 145 Le front politique 145 Le front social 146 Le front revendicatif Evaluation des réalisations accomplies au profit des femmes 148 152 L’expérience tunisienne 154 L’expérience marocaine Autres expériences arabes 157 159 Conclusion 160 III: Le Contexte sociEtal de la condition des femmes dans les pays arabes 161 Chapitre Six: Structures culturelles 163 Introduction XVIII 163 l’héritage religieux traditionnel promeut et renforce le principe de hiérarchie sociale Le texte et l’interprétation 163 Les principes universels et les branches: les problèmes d’interprétation 164 La codification en matière jurisprudence islamique légifère en faveur de la suprématie des hommes La femme arabe dans les proverbes courants Du soutien de l’éthique de la discrimination de genre Lesattitudes qui promeuvent l’infériorité des femmes dans les proverbes arabes : Les perceptions positives des femmes Les femmes dans la pensée arabe contemporaine Vers l’émergence d’une nouvelle référence Le moment de la perception de l’écart : l’autre femme dans le miroir de soi Le moment de la prise de conscience de la transformation : premières tentatives de réduire les prétentions de la jurisprudence à consolider l’infériorité. Le moment de la prise de conscience de l’institutionnalisation : vers l’édification du rationalisme pragmatique dans l’approche des questions relatives aux femmes arabes Les aspects de la nouvelle conscience : indicateurs et paradoxes La femme dans le roman arabe 164 168 168 169 170 170 170 171 172 173 174 176 A la recherche d’une nouvelle image des femmes arabes : 176 L’image de femmescroisées dans le roman arabe 176 Le roman féminin : prémices de la conscience individuelle et premiers affrontements avec la culture de l’infériorité L’image des femmes dans le cinéma La femme au cinéma : une image superficielle et typique Amour, Liberté, Violence : La femme dans la culture de l’information 177 179 179 181 182 La bataille pour l’image des femmes dans la phase de tarnsition de la société arabe. 182 Autres messages des médias ne contribuant pas à la promotion des femmes. 183 Conclusion Chapitre VII: Structures sociales 184 185 Introduction Les structures organiques : Les structures organiques entre le renforcement de l’autoritarisme et les préalables de sortie 185 de cet autoritarisme 185 Au début, fut l’agnat 185 La tribu arabe et l’Islam 187 Autoritarisme et esprit de corps L’agnat et les femmes dans les sociétés contemporaines Du foyer à la société 188 189 191 La rébellion produit des formes intermédiaires de liberté 194 La famille et la place des femmes 196 La relation équivoque entre hommes et femmes dans les sociétés arabes : synergie et conflit Une autre image du patriarcat Socialisation et enseignement (Programmes et méthodes pédagogiques et modes d’évaluation) 198 198 200 Conclusion 203 Chapitre viii: Structure juridique 163 205 Introduction L’attitude vis-à-vis de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes 205 205 Situations constitutionnelles 208 Droits politiques et publics des femmes 210 XIX Le système des quotas pour les femmes dans les parlements 210 Les relations de travail 211 Incrimination et punition Codes du statut personnel 214 216 Absence de codification dans certains Etats arabes 216 Codification unifiée du statut personnel dans les pays arabes 217 Caractéristiques générales de la législation arabe sur la famille 218 Une vue comparative 219 Loin de la loi officielle 222 La nationalité La femme arabe dans la conscience des hommes de loi arabes 223 224 Conclusion 228 Chapitre ix: Les structures économico–politiques 229 Introduction Le mode de production dominant, le niveau de performance économique et leurs impacts 229 229 Les Structures Politiques 231 Les institutions du pouvoir et la liberation ou la marginalisation des femmes arabes 231 Les partis politiques et la cause dEs femmes 232 des quotas pour les femmes dans les institutions politiques 234 La société civile arabe et la question de la femme Le rôle des médias 235 236 Attitudes des forces politiques vis-à-vis des femmes arabes 237 Les attitudes des mouvements islamistes vis-à-vis de la femme Le contexte international des conditions des femmes arabes 238 243 Les pressions extérieures en faveur de l’autonomisation des femmes dans les pays arabes Le rôle des organisations internationales et regionales Les principales avancées 243 244 247 1. Institutionnalisation des mecanismes d’autonomisation des femmes 247 2. Apparition des institutions et mecanismesregionaux arabes pour faire avancer le statut des femmes 247 3.Transversalité, reseautage et coordination 247 4. coopération avec les gouvernements et les organisations non gouvernementales 247 Chapitre X: Une vision stratégique : Les deux ailes de la promotion des femmes Introduction Premièrement : Les grandes lignes de la vision de la promotion des femmes dans le monde arabe Deuxièmement : La première aile : Quelques aspects de la réforme sociétale nécessaire a la promotion des femmes 251 251 252 255 Epurer les constructions culturelles des sources de discrimination à l’égard des femmes qui y sont disséminées 1 – Encourager la créativité et la recherche islamique pour contourner les entraves culturelles à la promotion des femmes 2 – L’éducation, l’instruction et les médias : combattre l’image stéréotypée des femmes pour répandre une culture égalitaire 255 255 256 La réforme de la gouvernance La réforme législative 257 257 La lutte contre la pauvreté contribue à la promotion des femmes 258 La lutte contre la restriction des droits personnels des femmes Troisièmement : la deuxième aile de la promotion des femmes : Un mouvement sociétal capable d’assurer la promotion 259 des femmes dans tout le monde arabe 259 Quatrièmement : Programmes prioritaires de la vision de la promotion des femmes dans le monde arabe 261 A – L’élimination de la plus grande privation dont souffrent les femmes en matière de santé et d’acquisition du savoir par l’instruction XX 262 La prise en charge sanitaire Mettre fin au reniement du droit des filles et des femmes à l’éducation Orientations stratégiques pour en finir avec la privation des filles de l’enseignement fondamental Amélioration du cadre sociétal de l’éducation des filles 262 262 263 263 B - Lever les obstacles qui entravent l’usage par les femmes de leurs capacités humaines dans les différents domaines de l’activité humaine en toute liberté264 Conclusion 265 Bibliographie 267 Annexe 1: Liste des documents de base (Nom de l’auteur, titre du document, nombre de pages) 275 ANNEXE II : SONDAGE D’OPINION SUR LA PROMOTION DES FEMMES DANS LE MONDE ARABE 279 ANNEXE 3 : DOCUMENTS 303 Annexe IV: Tableaux de statistique relatifs au développement humain dans les pays arabes 315 Liste des Encadrés Première partie : I-1 Une commission judiciaire qui finit par falsifier la volonté des électeurs. 41 I-2 Le désengagement de Gaza c’est du formol pour geler la paix 51 I-3 Le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme : Gaza reste un territoire occupé 51 I-4 La vie sur les Mahsom (check points) : témoignages israéliens 52 I-5 Défiguration de la première des deux kibla 54 Première partie : 1-1 L’inégalité des sexes dans l’histoire de l’humanité 67 1-2 Faire progresser le statut de la femme est un pas vers la civilité 68 1-3 Passages de la “ Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ” 68 1-4 Résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies 1325 (2000) - Extraits 73 1-5 Haifa Zangana : Les femmes irakiennes et le discours de l’occupation américaine 74 1-6 L’opinion du public arabe, dans quatre pays arabes, exprime son soutien à la promotion des femmes 75 2-1 Fowziyah Abu-Khalid : La diversité des images des femmes arabes dans le miroir de la réalité. 81 2-2 Les Objectifs du millénaire pour le développement 84 2-3 Déclaration du Caire des Leaders Religieux de la région arabeen réponse à l’épidémie de VIH/SIDA 13 décembre 2004 86 2-4 L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005 94 2-5 Les filles surpassent les garçons dans l’enseignement fondamental au Bahreïn 95 2-6 La supériorité des filles dans l’enseignement primaire au Koweït 3-1 L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005 96 101 3-2 L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005 104 3-3 L’Opinion de la jeunesse arabe sur les questions des femmes dans la région arabe 107 3-4 L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005 109 3-5 L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005 112 3-6 Une femme brillante : une arabe qui rejoint en France les Immortels 122 4-1 Kamal Darwich : à l’occasion de la journée mondiale sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes (25 novembre 2005). 131 4-2 L’opinion du public par rapport aux questions de la promotion des femmes, dans quatre pays arabes, 2005 132 XXI 4-3 L’Organisation Mondiale de la Santé : Les femmes n’ont pas de refuge, où se mettre à l’abri de la violence domestique. 4-4 La ségrégation à l’égard des femmes sous l’occupation en Palestine 135 4-5 Des “ bonnes ” asiatiques sont agressées par leurs employeurs 140 133 5-1 Les droits des femmes, entre constitution et lutte politique 148 5-2 L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005 156 6-1 Fahmi Howeidy : L’égalité est au fondement de l’Islam 165 6-2 Mohammed ‘Abdou : De la critique de la polygamie 167 6-3 Abdelhadi Boutaleb : la jurisprudence (fiqh) de commodité 167 6-4 Cheikh Mohammed Al Ghazâli : Le détournement des enseignements de l’Islam au sujet des femmes 170 6-5 La liberté est une femme 171 6-6 Nazira Zayn al-Din: Le temps, la liberté et la libération 173 7-1 L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005 186 7-2 Su’ad Joseph : Patriarcat et développement dans le monde arabe 189 7-3 L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005 192 7-4 L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005 193 7-5 Les femmes bédouines comptent sur elles–mêmes 194 7-6 Un père supporter de sa fille 199 7-7 Mohamed Mahdi Al–Jawahiri : Instruisez-la! 200 8-1 L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005 209 8-2 L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005 212 8-3 Al-Tahir al-Haddad : les femmes dans la magistrature 214 8-4 L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005 Les femmes ont le droit de choisir leurs époux sur un pied d’égalité que les hommes 216 8-5 L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005, Divorce de la femme avec sa volonté unique 220 8-6 224 8-7 L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005 Opinion sur l’attribution de la nationalité de la mère aux enfants L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005, Les femmes ont le droit d’être juges 226 8-8 La crainte que les femmes obtiennent la totalité des sièges au parlement 227 9-1 Shaykh Muhammad Mahdi Shams al-Din : Il n’y a aucune objection pour que les femmes occupent la fonction suprême 239 9-2 Abd Al-Halim abu Shaqqa : Le droit des femmes à élire et à se faire élire 239 9-3 Heba Raouf Ezzat : Le développement du discours islamiste au sujet des femmes 241 9-4 Le rôle des agences des Nations Unies et des organismes régionaux dans le soutien à l’autonomisation des femmes 246 10-1 L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005 Il est d’une importance vitale que se produise une promotion humaine dans le monde arabe au moyen de la promotion des femmes 252 Liste des figures 2-1 Taux de mortalité maternelle (pour 100,000 naissances vivantes), 2000, et pourcentage de naissances assistées par un personnel qualifié, année la plus récente disponible durant la période 1993-2003 82 2-2 Moyenne de la perte d’années saines suite à la mauvaise santé (années), rapport des femelles aux mâles (%), pays arabes et pays de la comparaison, 2002 84 2-3 Taux d’obésité et surpoids (population 15 ans et +) selon le genre, Pays arabes et de la comparaison, 2005 85 2-4 Taux d’instruction féminin comme pourcentage du taux d’instruction masculin (15 ans et +), régions du monde, 2003 87 2-5 Taux brut combiné d’inscription, tous les niveaux de l’enseignement, femelles comme pourcentage des mâles (%),pays arabes, 2002/2003 88 2-6 Taux brut combiné d’inscription, enseignement supérieur, femelles comme pourcentage des mâles, régions du monde, 2002/2003 88 2-7 Taux d’inscription des filles dans l’enseignement primaire (%) et taux des filles comme un pourcentage du taux des garçons, pays arabes, 2002/2003 Taux net d’inscription des filles dans l’enseignement secondaire (%) et inscription des filles en tant que pourcentage de celui des garçons, pays arabes, 2002/2003 89 2-8 XXII 90 2-9 Taux féminin brut d’accès à l’enseignement supérieur, et inscriptions des filles comme (%) des inscriptions des garçons, pays arabes, 2002/2003 2-10 Pourcentage des filles parmi les lauréats de l’enseignement secondaire, cinq pays arabes, 2003-2005 97 3-1 99 LeTaux d’activité économique des femmes (15 ans et plus) et l’activité féminine en % de l’activité masculine, régions du monde, 2003 92 3-2 Taux de chômage féminin en % du taux de chômage masculin Quelques pays arabes, plus récente année disponible 100 3-3 Répartition de la force de travail en fonction du genre et des principaux secteurs d’activité, cinq pays arabes, 1995-2002 103 3-4 L’année à laquelle les femmes ont obtenu le droit de vote sans restrictions et le droit de se présenter aux élections, pays arabes 110 3-5 Les femmes aux parlements, moyennes régionales 110 3-6 Seats in parliament (lower or single house) held by women (% of total), Arab countries, 29 March 2006 111 3-7 Pourcentage des femmes arbes chercheurs par spécialisation 117 Liste des Tableaux 2-1 Les raisons de l’arrêt de l’enseignement après l’enseignement primaire en Palestine, par genre (%) 91 2-2 Pourcentage des étudiantes de l’ensemble des étudiants de certaines spécialités dans les universités arabes, 2002/2003 93 3-1 Femmes arabes médaillées durant les quatre derniers Jeux Olympiques (1984-2000) 125 4-1 Taux d’excision (année 2000 %) 134 4-2 Travailleuses immigrées dans les pays arabes, 2002 139 5-1 Ordre de promulgation des codes de la famille 155 8-1 Ratification par les pays arabes de la CEDAW et déclarations et réserves par rapport à la Convention le 3 juillet 2006 207 (classé par ordre croissant et selon la date de ratification) XXIII XXIV RESUME Introduction “ Vers la promotion des femmes dans le monde arabe ” est la quatrième livraison de la série de Rapports sur le Développement Humain Arabe, soutenus par le PNUD. Cette publication, qui examine les insuffisances en matière de promotion des femmes, clôt une analyse globale des déficits de développement qui affectent la région. Le Rapport commence par un aperçu des tendances que la région a connues en matière de développement tout au long de la période écoulée depuis la publication du troisième Rapport. L’analyse de la problématique centrale du Rapport commence par souligner, à grands traits, les concepts centraux et les questions qui déterminent et situent les dimensions de la promotion des femmes dans les pays arabes en termes de droits de l’homme et de développement humain. Le rapport présente ensuite une analyse de la condition des femmes dans les sociétés arabes en centrant l’intérêt sur l’acquisition et l’usage des capacités essentielles et sur le niveau de bien être qui en découle. Après une évaluation des acquis historiques des mouvements des femmes arabes et des entraves à leur développement, le rapport montre l’interaction existant entre les composantes culturelles, religieuses, économiques, sociales, juridiques et politiques des sociétés arabes, interaction qui influence le statut actuel et le devenir des femmes. Pour conclure, le Rapport propose une vision stratégique, sous forme de lignes directrices, pour la promotion des femmes dans le monde arabe. RESUME i. Les évolutions en matière de développement humain dans le monde arabe depuis la parution du 3 e radh 2004 Comme pour les précédents, le présent Rapport commence par examiner, aux plans nationaux, régional et international, les évènements qui sont censés avoir eu un impact sur l’ensemble du processus de développement humain dans la région, depuis la publication du dernier rapport. Les courants islamistes et le processus de réforme La réforme politique large et profonde conduisant à l’émergence de la société de liberté et de bonne gouvernance est la voie qui permet de créer la société de la liberté au sens global et qui équivaudrait au développement humain.(Rapport sur le Développement Humain Arabe, 2004). Trois conditions cardinales doivent être réunies pour amorcer le processus de réforme et en garantir la réussite. La première condition indispensable est l’absolu respect, de la part de toutes les parties concernées par le processus de réforme, des libertés clés à savoir les libertés d’opinion, d’expression et d’association ; la deuxième condition est d’accepter le principe de participation pour que toutes les forces de la société intègrent le processus politique, notamment celles qui sont créditées d’un fort ancrage populaire ; la troisième condition est le respect des principes des droits de l’homme par toutes les parties. Aucune force politique ne peut faire semblant d’ignorer que la religion, particulièrement l’islam, est un élément crucial du tissu culturel et spirituel du peuple La réforme politique large et profonde conduisant à l’émergence de la société de liberté et de bonne gouvernance est la voie qui permet de créer la société de la liberté au sens global et qui équivaudrait au développement humain. la religion, particulièrement l’islam, est un élément crucial du tissu culturel et spirituel du peuple arabe. L’une des principales problématiques qui risque de ralentir le processus de réforme réside dans les réactions négatives auxquelles peuvent conduire les résultats du processus de réforme politique qui pourraient ne pas être du goût des forces hégémoniques à l’intérieur et à l’extérieur du monde arabe. arabe. Cependant, la réouverture de la porte de la réflexion jurisprudentielle (ijtihad) indépendante, son encouragement et sa consolidation reste une exigence fondamentale si l’on veut que se produise le mariage créatif, nécessaire à la société de liberté et de bonne gouvernance, entre la liberté dans son acception globale contemporaine et les finalités de la loi islamique (sharia). Il importe d’ajouter que les courants islamistes qui en appellent à la renaissance du monde arabe se doivent d’inscrire dans leur agenda, et de considérer comme étant de leur responsabilité, le devoir de jouer un rôle d’avant-garde pour ce qui est de la satisfaction de cette exigence. Les courants islamistes constituent un large éventail avec une extrême diversité interne. La plus grande majorité des courants islamistes dans les pays arabes représentent des forces importantes de la société avec un profond ancrage populaire, lequel est l’aboutissement d’une action sociale et politique menée sur plusieurs années parmi les petites gens. Les positions des courants dominants sur certains problèmes de société tels que le respect des droits de l’homme, la bonne gouvernance ou la démocratie, ont connu une importante évolution pendant les cinq dernières décennies. Ces questions revêtent une extrême importance pour l’avenir, car si ces courants arrivent au pouvoir, ils ne pourront plus prétendre à un pouvoir théocratique. En outre, la plupart de ces courants dominants connaissent l’émergence remarquable en leur sein d’une nouvelle génération de dirigeants, relativement plus jeunes et éclairés, qui sont de plus en plus présents à la tête de leurs structures organisationnelles. En plus, ils sont traversés par une dynamique ascendante en vue de davantage de démocratie interne qui part de la base la plus large. Néanmoins ces développements positifs ne signifient nullement que ces courants dominants ont réussi à lever totalement les craintes que les autres forces de la société dans les pays arabes ont des retombées négatives éventuelles sur la liberté et la bonne gouvernance d’une arrivée de ces courants au pouvoir, notamment pour ce qui touche aux questions des femmes et des minorités. L’une des principales problématiques qui risque de ralentir le processus de réforme dans les pays arabes réside dans les réactions négatives auxquelles peuvent conduire les résultats du processus de réforme politique qui pourraient ne pas être du goût des forces hégémoniques à l’intérieur et à l’extérieur du monde arabe. A titre d’illustration de cette problématique, on peut citer le rejet par certains régimes arabes et certaines puissances internationales de l’écrasant succès du Mouvement de la résistance islamique (Hamas) lors des législatives palestiniennes qui ont été, de l’avis de tous, libres et honnêtes. Des réactions similaires ont été enregistrées à la suite des succès réalisés par le mouvement des “Frères musulmans” en Egypte lors des dernières élections législatives. L’amplification du militantisme de la société civile Les organisations arabes de la société civile ont connu un développement qui ressemble fort à un saut qualitatif en termes de rythme d’activité, d’espace couvert et d’impact. Ces organisations ont apporté un solide soutien aux mouvements politiques et ont fait même preuve de la capacité d’être parfois les initiatrices de la dynamique de changement politique et ce à travers leurs prises de positions constantes, exprimées dans la presse indépendante et sur les chaînes satellitaires, comme au moyen des colloques et des rencontres publiques et privées ou encore par l’entremise du réseau d’information Internet. Ainsi, en Egypte, le mouvement “Kifaya” (ça suffit !) s’est publiquement opposé à la réélection du président de la République et au transfert du pouvoir à son fils, posture qui a obtenu le soutien d’un large mouvement opposé à la prolongation du mandat présidentiel et à l’introduction de la succession par héritage avec la participation des “Frères musulmans”, de “l’Union nationale pour le changement démocratique” et de “l’Alliance nationale pour la Réforme et le changement”. Au Liban, on a assisté à un mouvement de masse où des groupes de la population ont rejoint les courants politiques actifs sur la scène politique Rapport sur le développement humain arabe 2005 pour participer au débat public en vue de réformer l’Etat et les institutions et traduire la citoyenneté en droits à la représentation politique et en matière de liberté d’expression. En Syrie, des forces politiques d’opposition ont publié la “Déclaration de Damas” insistant pour que le parti au pouvoir adopte une modification complète de la Constitution, (et) revoie le référendum présidentiel et organise l’alternance du pouvoir politique. Tout au long de cette période, l’action civile s’est distinguée par un accroissement du pluralisme et par l’usage d’Internet sur une large échelle, ce qui traduit une plus grande confiance en soi de la société civile et le sens qu’elle a de sa mission dans l’espace public. Le discours mensonger sur la réforme Les gouvernements arabes ont annoncé une série de réformes visant à consolider la liberté et la bonne gouvernance, mais la plupart des projets de réformes sont restés lettres mortes. Certains régimes politiques ont rétréci le champ de la réforme qu’ils ont engagée, (;) alors que d’autres ont continué à violer les droits humains et politiques tout en prétendant veiller à garantir le changement avec clairvoyance. Certains observateurs notent d’ailleurs que les réformes paraissent devenir un simple rideau de fumée pour cacher la poursuite du statu quo oppressif. Une vague d’élections majoritairement défaillantes Une vague d’élections, dont plusieurs ont échoué sur des circonstances défavorables ou ont été marquées par des dysfonctionnements, a déferlé sur la région tout au long de la période en question. Des élections considérées comme libres et honnêtes par la plupart des observateurs se sont tenues dans les territoires palestiniens occupés, et ce malgré les dures conditions de l’occupation et les fortes pressions étrangères ; élections qui ont conduit au succès du mouvement Hamas déjouant ainsi tous les pronostics. En janvier 2005, l’Irak a connu l’organisation d’élections pour la constitution RESUME de l’Assemblée Nationale Provisoire dans un contexte marqué par une grande insécurité et une campagne de terreur qui visait les candidats et les électeurs à la fois. Et malgré cela, quelque 70% de l’électorat ont participé en décembre 2005 à l’élection de l’Assemblée Nationale, élections marquées par des fraudes et le vol des urnes. L’Arabie Saoudite a connu, quant à elle, pour la première fois, des élections municipales. Ce pas progressiste a été néanmoins miné par l’exclusion des femmes et la restriction du nombre de membres éligibles au Conseil municipal. En Egypte, l’article 76 de la Constitution a été amendé pour permettre à plusieurs candidats de briguer la présidence de la République. Toutefois l’amendement a été accompagné d’une série de conditions contraignantes qui le réduisent à une simple formalisation du système référendaire en vigueur en matière de choix du Président. Ainsi, des partis de l’opposition légale ont-ils boycotté les élections présidentielles qui s’en sont suivies et qui se sont soldées par une victoire écrasante du président en exercice. Mais l’aspect le plus remarquable de cette élection est que le taux de participation, selon les statistiques officielles, n’a pas dépassé le quart des personnes en droit de voter. Des magistrats, qui avaient en charge le contrôle du déroulement des élections législatives qui ont suivi, ont fait état d’irrégularités en faveur des candidats du parti au pouvoir dans deux circonscriptions importantes. Il est évident que la réforme des élections dans la région a beaucoup de chemin à parcourir avant que celles-ci ne deviennent une composante de la société de la liberté et de la bonne gouvernance. L’aggravation des violations des droits de l’homme dans les pays arabes Certains observateurs notent d’ailleurs que les réformes paraissent devenir un simple rideau de fumée pour cacher la poursuite du statu quo oppressif. Les femmes ont souffert doublement des violations graves sous les occupations étrangères Les violations causées par l’occupation et les conflits armés internes Les violations individuelles et collectives des droits de l’homme ont empiré durant la période couverte par le Rapport. Les femmes ont souffert doublement des violations graves sous les occupations étrangères, dans un contexte de détérioration des conditions humanitaires, Les réformateurs et les défenseurs des droits de l’homme sont devenus, dans la plupart des Etats arabes, des cibles permanentes des actions répressives. marqué à la fois par l’explosion de l’anarchie et par la multiplication des viols et la souffrance subie du fait de l’absence des chefs de famille pour cause du conflit ou d’emprisonnement de longue durée. Les conflits armés internes représentent un autre champ des violations graves des droits de l’homme. Les femmes y sont particulièrement vulnérables au viol et à l’assassinat, non seulement à cause des assauts des militaires, mais également au cours des mouvements d’exode et d’émigration. Des instances internationales des droits de l’homme ont dénoncé les atrocités commises aussi bien par les forces gouvernementales et leurs alliés que par les forces rebelles, atrocités pouvant être qualifiées de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. La Somalie est restée prisonnière des conflits armés et de l’absence de la loi, ce qui s’est traduit par un accroissement du nombre de victimes civiles. Un gouvernement d’un pays arabe a lancé une vaste campagne militaire pour mater une rébellion menée par un leader de l’opposition dans l’une des provinces. D’une manière générale, les conflits politiques ont été une source supplémentaire de violations des droits de l’homme. Dans le même sens, trois gouvernements arabes ont annoncé avoir déjoué des tentatives de coups d’Etat, ce qui s’est traduit par des procès et des sentences très sévères. Violation des libertés publiques,(et) des libertés d’opinion et d’expression Les libertés publiques, plus particulièrement les libertés d’opinion et d’expression, sont soumises à de plus en plus de pression. D’un geste sans précédent, un Etat du Golfe a retiré la nationalité aux membres d’une tribu locale. Le problème a été finalement résolu sous la pression locale et internationale, par la réhabilitation des uns dans leur nationalité et par la naturalisation des autres. Au lieu de mettre en application les engagements pris en vue de la consolidation de la liberté des médias, un autre Etat a rendu encore plus sévères les sanctions et pénalités à l’encontre des journalistes. De même, un troisième Etat a pris l’initiative de proposer des projets de loi visant à limiter la liberté de la presse. La région est restée une place à fort taux de risque pour les journalistes. Parmi les zones de conflits armés dans le monde, le monde arabe est la région qui occupe la première place en terme d’assassinats et d’enlèvements des journalistes et des autres personnels des médias. Les réformateurs et les activistes des droits de l’homme menacés Les réformateurs et les défenseurs des droits de l’homme sont devenus, dans la plupart des Etats arabes, des cibles permanentes des actions répressives officielles, y compris en les poursuites judiciaires et les arrestations ; ils sont même parfois victimes d’assassinats. En outre nombreuses sont les organisations de la société civile qui font face à des défis d’ordre légal qui freinent leurs activités. Tel a été le cas dans trois Etats du Golfe où les demandes de constitution d’associations des droits de l’homme ont été gelées. Les autorités ont fermé un certain nombre d’organisations de la société civile. Dans un autre Etat d’Afrique du Nord, les autorités ont continué à dresser des obstacles devant les entités civiles, les associations professionnelle, les syndicats et les organisations des droits de l’homme. Et parmi les autres pays arabes, ce même Etat d’Afrique du Nord s’est fait remarquer par les restrictions qu’il impose en matière de liberté d’expression, et d’usage de l’Internet en particulier. Un sondage portant sur onze pays arabes montre que la liberté relative d’utilisation d’Internet n’est effective que dans trois seulement d’entre eux, à savoir la Jordanie, le Qatar et les Emirats Arabes Unis. Dans un autre Etat du Golfe, plusieurs organisations de la société civile ont été sujettes au harcèlement officiel, et le gouvernement a refusé de reconnaître un certain nombre d’entre elles. Un environnement régional et international handicapant L’environnement régional et international fait peser une forte hypothèque sur le développement humain et les droits de Rapport sur le développement humain arabe 2005 l’homme en raison notamment de l’occupation étrangère en Palestine et en Irak et de la “guerre au terrorisme”. Le Rapport attire l’attention sur le fait que la poursuite de l’occupation et l’incapacité de réformer la gouvernance mondiale en vue d’assurer la sécurité et de garantir le bien être humain pour tous, peuvent pousser la région vers plus d’extrémisme et de protestations violentes. La question du terrorisme et ses conséquences en matière de liberté dans le monde arabe La guerre au terrorisme La région arabe et plus particulièrement les courants islamistes ont été taxés d’être le terreau du terrorisme. Cette campagne a conduit à une confusion entre, d’une part, ce qui peut être qualifié, à juste titre, d’actes visant à terroriser les innocents, ce que le Rapport dénonce comme étant un affront à la conscience humaine et, d’autre part, la résistance légitime à l’occupation étrangère, reconnue par les conventions de Genève et les résolutions des Nations Unies. Les actes terroristes se sont étendus à plusieurs pays arabes où des milliers de personnes ont été tuées et blessées. En accord avec les tendances dans le monde, des gouvernements arabes ont, au nom de la lutte contre le terrorisme, consolidé les juridictions d’urgence et fait adopter des législations supplémentaires de lutte contre le terrorisme. Des dizaines de personnes poursuivies furent tuées et des milliers de citoyens arrêtés par décisions administratives. Certains d’entre eux ont subi la torture et de mauvais traitements. La plupart des Etats arabes soumettent les affaires de terrorisme à des tribunaux spéciaux tels que les tribunaux militaires, les cours de sûreté de l’Etat ou les tribunaux d’exception. Ce sont des cours qui ne réunissent généralement pas les normes internationales du procès équitable. L’Occupation continue de faire peser des menaces sur le développement humain L’occupation israélienne n’a pas cessé de priver les Arabes de Palestine des droits RESUME fondamentaux politiques, économiques et sociaux et de menacer la sécurité et la stabilité dans toute la région. Le Rapport considère que le retrait israélien de Gaza participe d’un plan de désengagement unilatéral, initié par le Premier ministre israélien Ariel Sharon, dans le but de se débarrasser des coûts sécuritaires de l’occupation et pour éviter de s’engager dans des négociations sérieuses en vue d’un accord. Dans le même temps, Israël s’est réservé le droit d’intervenir militairement dans la Bande de Gaza, d’en contrôler l’espace aérien, les eaux territoriales et la plupart des passages frontaliers. De telles considérations ont amené le Rapporteur Spécial de la Commission des droits de l’homme de l’ONU à tirer la conclusion que Gaza est toujours un territoire occupé. Le Rapport détaille comment la construction du “Mur de séparation” a accéléré la destruction systématique de l’économie palestinienne et a très sévèrement affecté les conditions sanitaires et de vie des Palestiniens, dont des milliers se sont retrouvés séparés de leurs terres agricoles. La présence du Mur et la fermeture des frontières ont entraîné une très grave dégradation des conditions de vie dans tous les territoires palestiniens. En Irak, le coût élevé sur le plan humain de l’occupation est devenu on ne peut plus clair, dans un contexte d’insécurité et de conflit interne croissants. Avec l’élection de l’Assemblée Nationale Permanente et la formation d’un nouveau gouvernement en 2006, le plus grand défi auquel le pouvoir en place doit faire face est d’engager les réformes nécessaires au niveau de la Constitution en vue de garantir l’unité de l’Irak, son intégrité territoriale, la protection des droits de l’homme, de réaliser la réconciliation nationale et mettre un terme à l’anarchie et à la corruption ; bâtir un Irak unifié, débarrassé des forces d’occupation étrangères et des actes terroristes. Les preuves sur l’extension de la pratique de la torture par les forces d’occupation et par le gouvernement irakien précédent continuent de s’accumuler. La destruction matérielle des richesses de l’Irak occasionnée par l’occupation va au-delà de la mainmise sur le pétrole pour englober la richesse symbolique et le patrimoine culturel et civilisationnel, qui En accord avec les tendances dans le monde, des gouvernements arabes ont, au nom de la lutte contre le terrorisme La construction du “Mur de séparation” a accéléré la destruction systématique de l’économie palestinienne. En Irak, le coût élevé sur le plan humain de l’occupation est devenu on ne peut plus clair, dans un contexte d’insécurité est un patrimoine de l’humanité tout entière. Le progrès réalisé pour surmonter les déficits en matière de développement humain La promotion des femmes, en termes de droits de l’homme, est une composante de l’accès de la société à la liberté, dans son acception globale. Les femmes diffèrent des hommes, mais cela ne signifie nullement qu'elles sont déficientes Le principal trait de la période couverte par l’analyse est la multiplication des restrictions des libertés publiques en vue de perpétuer les pouvoirs répressifs en place. Néanmoins des évolutions positives en matière d’élargissement de la marge des libertés dans la région se sont fait jour. Ainsi, en Egypte, le Conseil National pour les Droits de l’Homme a publié son premier rapport annuel (2004-2005). Il y a mis en exergue les violations les plus graves des droits de l’homme dans le pays et a demandé que soit mis un terme à l’état d’urgence. Le Centre National des Droits de l’Homme en Jordanie a également publié son premier rapport annuel. A Bahreïn, décision a été prise d’enseigner la démocratie et les droits de l’homme dans les écoles du pays. Une association des droits de l’homme a été constituée dans les Emirats Arabes Unis. Les efforts se sont poursuivis au Maroc en vue d’apurer une partie de la longue histoire répressive avec la présentation par l’Instance Equité et Réconciliation de son rapport final avec des recommandations en vue d’entreprendre des réformes législatives, institutionnelles et culturelles dans le pays. Le Président algérien annonça une initiative similaire pour la réconciliation nationale dans son pays. En outre, neuf Etats arabes ont connu la nomination des femmes à des postes de responsabilités aux échelles nationale, provinciale et municipale, ce qui permet de consolider le processus de promotion des femmes. II Vers la promotion des femmes dans le monde arabe : concepts et problématiques Les concepts Le Rapport considère que, de par leur simple qualité d’êtres humains, les femmes et les hommes disposent, sur un même pied d’égalité, du droit inné de vivre dignement, matériellement et moralement. Tel est d’ailleurs l’objectif suprême du développement humain. Aussi le Rapport conçoit-il la promotion des femmes dans un cadre qui intègre en même temps les droits humains et le développement humain. En outre, la promotion des femmes, en termes de droits de l’homme, est une composante de l’accès de la société à la liberté, dans son acception globale. La définition de la liberté ne se réduit pas ici à la totale jouissance des libertés civiles et politiques, qui sont le pilier de la citoyenneté ; elle recouvre également le fait de se libérer de l’ignorance, de la maladie, du besoin, de la peur et de toutes les formes de rabaissement de la dignité humaine. En terme de développement humain, la promotion de la femme requiert : • l'égalité complète entre les femmes et les hommes en matière d'accès aux opportunités, d'acquisition des capacités humaines et de leur utilisation ; • la garantie des droits de la citoyenneté à toutes les femmes sur un même pied d'égalité avec les hommes ; • la reconnaissance et le respect des différences entre les deux sexes. Les femmes diffèrent des hommes, mais cela ne signifie nullement qu'elles sont déficientes. Il n’est guère acceptable, sous quelque condition que ce soit, d'utiliser cette différence de genre pour défendre les théories de l'inégalité entre les sexes ou pour soutenir un quelconque principe de ségrégation entre eux. D'un point de vue historique, les différentes organisations non gouvernementales des femmes ont visé des objectifs différents. Certaines d’entre elles se sont concentrées sur la promotion de l'égalité en droits et sur la levée des discriminations enracinées dans les législations arabes, au niveau du statut personnel comme au plan des garanties sociales. D'autres ont ciblé les activités de développement social ou de bienfaisance, en mobilisant des crédits, en soutenant les projets générateurs de revenus pour les femmes ou en offrant des services dans les domaines de la santé, de l’éducation et dans d'autres domaines. Seule une minorité relative de ces organisations s'est attelée principalement à la promotion des femmes, en tant qu’objectif Rapport sur le développement humain arabe 2005 collectif devant être assuré par la société dans son ensemble. La question de l’”intErne” et de l’”extErne” La diffusion du concept de “promotion des femmes” dans la région arabe a été mal perçue par certaines forces sociopolitiques. Elles ont considéré qu’il s’agissait d’un concept “imposé” par l’Occident, qui n’a de fondements ni dans la réalité ni dans les besoins des sociétés arabes, lesquelles s’en remettent au rôle joué par la famille en tant que fondement essentiel de la société. Certains ont ainsi été amenés à opposer une forte résistance aux programmes de développement qui adoptent la perspective genre et à s’opposer aux gouvernements et aux organisations des femmes qui agissent dans ce sens. Cependant, opérer une séparation chirurgicale forcée entre ce qui relève de l’interne et ce qui participe de l’externe n’est plus possible aujourd’hui. Ce que nous qualifions de nos jours de culture “étrangère” vit à l’intérieur même des sociétés arabes, notamment tout ce qui a trait aux valeurs et aux modes de comportement, pour cause de globalisation croissante des sociétés arabes. Cette séparation n’est pas non plus bénéfique au monde arabe qui aspire au progrès ; et c’est une aspiration authentique qui dure depuis les débuts de la Renaissance arabe (Nahda) et qui est positivement influencée par les meilleures réalisations de l’humanité, entreprises sous l’égide de la civilisation occidentale dominante. En termes plus précis, il y a en général une concordance heureuse entre la lutte pour l’émancipation des femmes dans les pays arabes, en ce qu’elle est une tendance émancipatrice au sein de la société, et les mouvements de libération des femmes dans le monde, y compris en Occident. Les efforts des organisations internationales revêtent à cet égard une importance toute particulière, notamment pour ce qui est des conventions, des résolutions, des mécanismes et des activités internationales visant la protection des droits des femmes et leur traitement équitable. Toutefois, l’incitation à la réforme, formulée de l’étranger, et parfois imposée par la force, a RESUME été d’une grossièreté telle qu’elle a provoqué des réactions négatives parmi certaines franges de la société. Ces réactions ont pris pour cible la stratégie de promotion des femmes, telle qu’elle a été imposée par les puissances occidentales dominantes, car considérée comme une atteinte à la fois à la culture arabe et à l’indépendance nationale. Le Rapport maintient que la promotion des femmes doit rester, dans la théorie comme dans la pratique, un axe essentiel de tout projet arabe pour la renaissance humaine. Le progrès des femmes, conçu comme une lutte à la fois contre le despotisme intérieur et contre les ingérences extérieures, fait partie intégrante de la construction d’une renaissance qui apportera la liberté, la dignité et la puissance à tous les Arabes, hommes et femmes à la fois. L’incitation à la réforme, formulée de l’étranger, et parfois imposée par la force, a été d’une grossièreté telle qu’elle a provoqué des réactions négatives parmi certaines franges de la société. Le pouvoir despotique et la promotion des femmes Paradoxalement, des régimes répressifs ont pu, pour des considérations qui leur sont propres, réaliser des avancées importantes en faveur des droits des femmes, avancées qui auraient été impossibles si les choses avaient été laissées au seul soin du développement naturel de la société, lequel reste tributaire des contraintes héritées. Mieux encore, il a fallu parfois recourir aux mécanismes de la répression politique pour accélérer le processus de promotion des femmes. Toutefois, le Rapport note que tout “ progrès ” réalisé par décision d’en haut du pouvoir, fut-il éclairé, finira impérativement par être confronté à une résistance de la base populaire. Aussi soutient-il que la transition vers des systèmes de bonne gouvernance et des sociétés de liberté dans les pays arabes jouera un rôle central dans la mise en place des avancées historiques attendues en matière de promotion des femmes dans le monde arabe, car une telle évolution bénéficiera, du même coup, d’un large soutien de la société, ce qui lui garantira la pérennité et la vigueur du soutien populaire. La promotion des femmes doit rester, dans la théorie comme dans la pratique, un axe essentiel de tout projet arabe pour la renaissance humaine. La sous-évaluation de l’apport des femmes à l’activité économique La société arabe ne reconnaît pas la réelle contribution des femmes à l’activité sociale et économique et à la production des éléments du bien être humain ; elle ne les récompense pas convenablement pour leur contribution. Dans la mesure où la majorité des femmes travaillent au sein de leurs familles sans être rémunérées, leur contribution n’est pas officiellement reconnue comme faisant partie de l’activité économique. Un tel préjudice historique s’est traduit pars la dévaluation de la participation des femmes à tous les genres d’activités humaines en général et à l’activité économique en particulier. L’appréciation à sa juste valeur de la contribution des femmes à la production des éléments du bien être humain nécessite la mise en place d’un cadre théorique créatif, qui dépasse les limites du système de la Compatibilité nationale, lequel se contente de l’échange marchand et de la valeur monétaire des produits et services. Ceci peut se faire en recourant à une définition large du bien être humain, conforme au concept du développement humain. Une telle perspective exige, d’un point de vue procédural, une certaine patience et assiduité dans l’élaboration et l’amélioration des outils statistiques et de recherche devant servir à mesurer avec précision la contribution des femmes à la production du bien être humain et au développement humain. Il s’agit là d’un champ qui reste ouvert à la recherche. La condition des femmes dans le monde arabe La condition des femmes dans les pays arabes est le produit de l’interaction complexe de facteurs culturels, sociaux, économiques et politiques dont certains revêtent un caractère problématique ; ceci implique le besoin de procéder à une étude, à la fois vaste et profonde, des diverses composantes de la société arabe. Le Rapport examine la situation des femmes dans le monde arabe par rapport aux principaux axes de développement humain : l’acquisition et l’utilisation des capacités humaines ainsi que le niveau du bien être humain qui en découle ; il aborde plus particulièrement les volets santé et éducation. Le Rapport évalue également l’expérience en matière de progrès des femmes, en traitant de deux principaux facteurs de succès de la promotion des femmes : l’étendue du désir qu’à la société arabe de voir se réaliser ce progrès ; les actions sociales adoptées pour atteindre cet objectif. L’Acquisition des capacités : on refuse leurs chances aux femmes La Santé Les femmes dans les pays arabes, particulièrement les moins développés, sont exposées à un niveau inadmissible de risques de maladies et de mortalité, liés à la grossesse et aux accouchements. Le taux moyen de mortalité atteint chez les femmes 270 décès pour 100 000 accouchements. Ce taux de mortalité s’élève à 1 000 décès et plus pour 100 000 accouchements dans les pays arabes les plus pauvres (Mauritanie, Somalie) et descend à 7 pour 100 000 accouchements au Qatar. Les maladies font perdre aux femmes un nombre relativement plus important d’années de leur vie, et il semble que cela n’est pas lié au niveau de vie, ni à des facteurs de risque ou à la mortalité résultant de la grossesse et de l’accouchement ; ce qui semble indiquer que cette déperdition en terme de longévité doit être attribuée à des styles généraux de vie caractérisés par la ségrégation à l’égard des femmes. Les pays arabes restent parmi les régions du monde les moins touchées par le virus du Sida. Néanmoins, les femmes et les filles arabes sont de plus en plus infectées par la maladie et représentent aujourd’hui la moitié du nombre de personnes porteuses du virus dans le monde arabe. Les femmes sont de nos jours beaucoup plus exposées au risque d’infection du virus. On estime, en effet, que la probabilité de contamination des jeunes femmes arabes se situant dans la tranche d’âge 15-24 ans est de deux fois celle des jeunes garçons de la même tranche. L’éducation Malgré la grande expansion de la scolarisation des filles dans les pays arabes, les femmes Rapport sur le développement humain arabe 2005 continuent de souffrir, plus que les hommes, de ne pas avoir les chances d’acquérir du savoir. Que les filles excellent dans leurs études et surpassent parfois en cela les garçons ne change rien à cette situation ! Les indicateurs fondamentaux montrent que la région arabe présente l’un des taux les plus élevés d’analphabétisme féminin (le taux d’analphabétisme féminin est de 50%, contre un tiers seulement parmi la population mâle). La région affiche également l’un des taux les plus faibles en matière d’accès des filles aux différents niveaux de l’enseignement, bien que les Etats arabes, notamment les Etats du Golfe, aient réussi à augmenter le taux de scolarisation des filles ; ce qui a permis de réduire le fossé qui séparait les deux sexes en matière d’accès aux trois niveaux de l’enseignement. Cette plus grande privation relative des filles de l’accès à l’instruction contraste avec les tendances relevées au sein de l’opinion publique arabe dans un sondage qui a indiqué que la grande majorité des gens soutiennent que les femmes ont droit à l’éducation sur un même pied d’égalité que les hommes. Bien que le nombre d’étudiantes universitaires augmente sans cesse, celles-ci continuent de se concentrer dans des spécialités telles que la littérature et les sciences humaines et sociales, où elles représentent la majorité des étudiants. Or de telles formations sont les moins valorisantes au niveau du marché du travail. Par contre, le taux de féminisation des branches qui dispensent la formation la plus appréciée par les employeurs, telles que les études d’ingénieur et les sciences, reste remarquablement bas. Ceci contraste avec le résultat de l’enquête d’opinion favorable au droit des étudiantes à choisir la spécialité qu’elles désirent. Les données disponibles montrent que, dans la région arabe, les filles sont plus performantes à l’école que les garçons. Dans tous les pays à propos desquels on dispose de données, le taux d’échec scolaire des filles est plus bas que celui des garçons. Cependant, dans les pays arabes, la ségrégation à l’égard des femmes continue de freiner l’accès du sexe féminin au savoir par le truchement de l’enseignement, malgré l’accumulation des indices qui montrent que RESUME les filles sont les meilleures apprenantes dans ces pays, notamment pendant les premières phases de la scolarisation. Dans l’ensemble des pays arabes à propos desquels les données sont disponibles, les filles représentent, globalement plus de la moitié du nombre de lauréats et lauréates. Comme les filles comptent, en moyenne, moins de la moitié du nombre de personnes qui accèdent à l’enseignement, ceci confirme leur performance scolaire. Il importe de souligner que les filles réalisent une telle performance scolaire bien qu’elles soient confrontées à un environnement social et familial handicapant, qui est, pour certaines d’entre elles, travaillé par un mythe selon lequel le destin de la fille est de rester à la maison, l’éducation et le travail étant prioritairement réservés au genre masculin. Aussi le Rapport souligne-t-il que les pays arabes tireront des bénéfices considérables en donnant aux personnes des deux sexes, sur un même pied d’égalité, leurs chances d’acquérir et d’utiliser le savoir pour faire avancer la société ; ce sont les pratiques discriminatoires et nocives empêchant les femmes d’avancer qui privent la région de ces bénéfices. sexes, sur un même L’usage des capacités humaines dominantes du Les activités économiques La lenteur de la croissance économique implique un faible niveau de la demande sur le travail féminin. De plus, les conceptions traditionnelles dominantes du rôle de la femme, selon lesquelles il revient aux hommes de subvenir aux besoins des familles, découragent tout recours privilégié au travail féminin, contribuant ainsi à un taux de chômage féminin plus important que le taux de chômage masculin. En outre, l’activité des femmes hors du domicile familial rencontre toutes sortes d’entraves qui freinent le développement de leur potentiel. La plus importante en est qu’elles ne sont pas traitées sur un pied d’égalité avec les hommes en termes de conditions de travail et de rémunération, sans parler de l’égalité des chances pour ce qui concerne l’accès aux fonctions supérieures de décision. Malgré le bas niveau de participation des femmes à l’activité économique, la région Les pays arabes tireront des bénéfices considérables en donnant aux personnes des deux pied d’égalité. Les conceptions traditionnelles rôle de la femme, selon lesquelles il revient aux hommes de subvenir aux besoins des familles, découragent tout recours privilégié au travail féminin, contribuant ainsi à un taux de chômage féminin plus important que le taux de chômage masculin. La région arabe a affiché l’accroissement le plus élevé de la participation des femmes à cette activité entre 1990 et 2003 dans le monde. 10 arabe a affiché l’accroissement le plus élevé de la participation des femmes à cette activité entre 1990 et 2003 dans le monde. Il a été de 19% contre 3% seulement au niveau mondial. Et pourtant la participation économique de la femme arabe reste la plus faible du monde, puisque le taux de féminisation ne dépasse pas 33,3% (femmes âgées de 15 ans et plus) alors que la moyenne mondiale est de 55,6%. Plus encore, leur participation ne dépasse pas 42% de celle des hommes. On se retrouve, là encore, avec le taux le plus faible au monde, le taux moyen mondial étant de 69%. l’exception des économies caractérisées par un bas niveau de revenus où les femmes travaillent dans des conditions déplorables, l’activité de celles-ci est concentrée dans le secteur des services, caractérisé dans le monde arabe par une productivité faible et un bas niveau des revenus. Les femmes perçoivent ainsi généralement de bas salaires en contrepartie de leur travail. Nombreuses sont les causes du bas niveau de participation économique des femmes. On peut en citer le machisme dominant, qui fait que certains employeurs préfèrent employer des hommes plutôt que des femmes, la rareté des opportunités de travail offertes en général, la discrimination entre les sexes en matière de conditions de travail et de rémunération et le niveau élevé de procréation. Des législations, en matière de droit du travail et de statut personnel pénalisent les femmes. Certaines censées les “protéger”, restreignent leurs libertés en exigeant d’elles de demander la permission préalable du père ou du mari pour pouvoir travailler, voyager ou déposer une demande de crédit bancaire. La faiblesse des services d’appui et les programmes d’ajustement structurel ont également contribué à amenuiser les chances des femmes de trouver du travail. Le taux de dépendance dans la région arabe reste l’un des plus élevé au monde, puisque chaque travailleur pourvoit aux besoins de plus de deux personnes ne travaillant pas, alors que ce nombre est inférieur à 1 en Asie de l’Est et au Pacifique. Le bas niveau de participation des femmes en est la cause principale. La situation devient même plus grave quand cette participation élevée du travailleur à l’entretien de la famille se conjugue avec une absence de plans de retraite et l’inexistence d’un filet national de sécurité sociale englobant toutes les catégories de travailleurs. Le déploiement croissant du secteur informel que caractérise le faible niveau de couverture sociale des travailleurs, rend exorbitant le poids des frais occasionnés par l’entretien familial pour un nombre de salariés qui reste limité. De même, et faute d’appui social suffisant, la pression devient de plus en plus forte sur les femmes, appelées à s’occuper des enfants, des personnes âgées, des malades, des invalides et des personnes handicapées. Aussi, ne pas réussir à mobiliser le capital humain, notamment les femmes ayant un haut niveau d’éducation, c’est mettre des freins au développement économique et dilapider des énergies et d’importants investissements qui auraient pu contribuer à garantir le développement pour tous. Les femmes arabes dans la sphère politique Lors de l’enquête de terrain entreprise pour les besoins de ce rapport, le public arabe a insisté clairement sur le droit des femmes à participer à l’activité politique et à occuper toutes les hautes fonctions exécutives, lieux précisément desquels les femmes ont été, le plus souvent, exclues. Dans la plupart des pays arabes (à l’exception des Etats du Golfe) les femmes ont obtenu le droit de voter et d’être candidates aux élections parlementaires dans les années cinquante et soixante du siècle dernier. Le Liban a été le premier pays arabe à garantir ces deux droits aux femmes en 1952. Par la suite, le recours aux systèmes de quotas a permis d’étendre la participation des femmes dans les parlements au Maroc et en Jordanie. Mais, en dépit de ces changements positifs, la représentation des femmes arabes dans les parlements est restée inférieure de quelque 10% à la moyenne mondiale. Les femmes arabes participent au pouvoir exécutif dans certains pays arabes depuis le milieu du siècle dernier. La première femme ministre a été nommée en Egypte en 1956 et en Algérie en 1962. Le nombre de pays arabes ayant désigné des femmes ministres a augmenté, surtout pendant les trois dernières années, à tel Rapport sur le développement humain arabe 2005 point que les femmes font partie de tous les gouvernements arabes, à l’exception de celui de l’Arabie Saoudite. Toutefois, que le nombre de femmes augmente ou diminue au sein des ministères, cela ne reflète pas nécessairement une tendance générale à la promotion des femmes. En effet, les femmes au pouvoir sont souvent choisies parmi les élites ou au sein des cercles proches du parti au pouvoir pour améliorer l’image des régimes en place. Des réalisations remarquables des femmes ARABES Certaines femmes arabes ont signé des avancées remarquables dans les différents domaines de l’activité humaine, y compris ceux pour lesquels elles ne sont pas préparées sur un même pied d’égalité avec les hommes, comme l’athlétisme et les sciences naturelles et exactes. La création littéraire : les femmes auteurs ont prouvé leurs capacités dans ce domaine autant que leurs homologues hommes et les ont même, dans certains cas, surpassés. L’art, et le cinéma à titre d’exemple : les femmes arabes ont joué un rôle remarquable dans la constitution effective du cinéma. Les sciences sociales : les travaux de féministes pionnières telles Nawal al-Sa’dawi et Fatima Mernissi, par exemple, communiquent la joie de découvrir dans l’histoire du monde arabe, dans son patrimoine, ses croyances et sa renaissance des “continents” qu’on ignorait. Bien que ces auteures se soient alignées sur un dualisme catégorique et sévère, basé sur l’antagonisme mâle/femelle, les auteures de la génération suivante, sans sacrifier leur orientation féministe, ont dépassé cette question et produit des écrits au caractère scientifique beaucoup plus équilibré. Les sciences naturelles et exactes : malgré les barrières difficiles qui les empêchent d’accéder aux domaines de la science, un groupe de femmes arabes s’est fait remarquer par des contributions sans égal dans les domaines des sciences naturelles et exactes. La vérité, c’est que les femmes scientifiques et techniciennes arabes ont réalisé des exploits quand il leur a été donné de participer à la création et à la concurrence à l’échelle internationale. L’athlétisme : pendant les six derniers RESUME Jeux Olympiques (1984-2004), six femmes des pays arabes, cinq des pays du Maghreb arabe et la sixième de Syrie, ont gagné l’une des trois meilleures médailles, les deux tiers des médailles en or, ce qui représente une performance remarquable quand on sait que seul le quart des médaillés hommes des pays arabes en ont gagné. Le secteur des affaires : la forte tendance vers l’économie de marché qui s’est fait jour dernièrement et la demande croissante de promotion des femmes dans les pays arabes ont contribué à l’accroissement du nombre de femmes chefs d’entreprises, dans les économies arabes et au renforcement de leur participation dans les organisations professionnelles du secteur des affaires et même à la constitution de leurs organisations propres, y compris dans quelques-uns des pays arabes les plus conservateurs par rapport aux questions des femmes. Les niveaux de bien être Il n’existe pas de preuve scientifique claire sur la féminisation de la pauvreté, au sens de l’absence de revenu. Mais les femmes, apparemment, souffrent de niveaux plus élevés de “pauvreté humaine”, mesurés par la privation par rapport aux trois dimensions du critère de développement humain que sont la santé, le savoir et le revenu. Plus particulièrement, les femmes souffrent d’une atteinte visible à leur liberté personnelle. L’extension de la pauvreté et l’affaiblissement des femmes Le Rapport indique que l’extension de la pauvreté de revenu conduit généralement à l’affaiblissement de la position des femmes en matière de représentation parlementaire, d’emplois professionnels et techniques et de contrôle des ressources économiques. la liberté personnelle bafouée Les formes de violence exercées contre les femmes arabes confirment que la législation arabe, les gouvernements arabes, en plus des L’incitation à la réforme, formulée de l’étranger, et parfois imposée par la force, a été d’une grossièreté telle qu’elle a provoqué des réactions négatives parmi certaines franges de la société. Certaines femmes arabes ont signé des avancées remarquables dans les différents domaines de l’activité humaine, y compris ceux pour lesquels elles ne sont pas préparées sur un même pied d’égalité avec les hommes Il n’existe pas de preuve scientifique claire sur la féminisation de la pauvreté, au sens de l’absence de revenu. Mais les femmes, apparemment, souffrent de niveaux plus élevés de “pauvreté humaine” 11 Le pas le plus important à faire en matière de lutte contre la violence à l’égard des femmes dans le monde arabe est de dénoncer et de combattre toute tentative de cacher cette violence ou d’en faire disparaître les traces, en public comme en privé Les femmes étrangères, travaillant comme domestiques dans les pays arabes, sont souvent victimes d’abus. L’opinion publique arabe, dans sa majorité écrasante, condamne toutes les formes de violence à l’encontre les femmes comme le montre l’enquête d’opinion réalisée pour les besoins de ce Rapport 12 mouvements sociaux ont à faire face à la grande tâche d’assurer la sécurité et le développement dans son acception globale. En effet, on oppose une forte résistance dans certains pays arabes à la moindre discussion de la violence à l’égard des femmes. Le pas le plus important à faire en matière de lutte contre la violence à l’égard des femmes dans le monde arabe est de dénoncer et de combattre toute tentative de cacher cette violence ou d’en faire disparaître les traces, en public comme en privé. Continuer à garder le silence sur cette affaire a un coût très élevé pour la société, les individus et même pour les Etats. Les formes de violence et de ségrégation, que les femmes ont pris l’habitude de considérer comme relevant de comportements normaux, doivent également être rangées dans la catégorie des pratiques condamnables. Ces formes de violence vont des crimes d’honneur – la femme est assassinée sous prétexte de sauver l’honneur de la famille – à la violence familiale, répandue et condamnée dans plusieurs régions du monde. En outre, la pratique de la circoncision des filles, très répandue dans certains pays arabes, occasionne de graves complications de santé pour les femmes. Les femmes vivant dans des environnements difficiles, particulièrement ceux des zones de conflits ou sous occupation, font face à des difficultés additionnelles. Les femmes vivant dans les campagnes et dans les régions marginalisées et insalubres ou dans des colonies de peuplements instables ignorent généralement tout de leurs droits et des services mis à leur disposition. Le plus souvent, elles ne possèdent que rarement des papiers d’identification, comme par exemple l’attestation de naissance, qui leur permettent de bénéficier de ces services. En outre, nombreuses sont les femmes qui endurent la violence sous une forme ou sous une autre. Les femmes étrangères, travaillant comme domestiques dans les pays arabes, sont souvent victimes d’abus. Les législations du travail ne les protègent pas, alors qu’elles endurent un travail à durée non déterminée et sont interdites de la liberté de mouvement et de déplacement. En outre, certaines travailleuses de ce secteur sont exposées à des violences physiques et psychologiques de la part de leurs employeurs, y compris l’agression sexuelle. Heureusement, l’opinion publique arabe, dans sa majorité écrasante, condamne toutes les formes de violence à l’encontre les femmes comme le montre l’enquête d’opinion réalisée pour les besoins de ce Rapport. Les mouvements arabes des femmes : combats et expériences Le facteur qui semble avoir le plus grand impact dans l’histoire du mouvement des femmes a été l’implication de celui-ci dans la bataille pour la libération du colonialisme avant de s’engager dans la bataille pour la libération des femmes dans les sociétés arabes. La première génération d’associations de femmes (constituées vers la fin du xixè siècle) avaient centré leur activité sur l’action caritative. C’est pourquoi elles ont émergé au sein des classes aisées des sociétés arabes. Leur étendard a été hissé par des femmes aristocrates ou appartenant aux familles dirigeantes. La période coloniale a eu un fort impact sur le mouvement des femmes à travers la désarticulation de la structure des pays islamiques occupés. Les structures traditionnelles, économiques et sociales, ont été secouées comme l’ont l’été les systèmes culturels et de valeurs. Il devenait donc nécessaire d’investir le sentiment national et de provoquer un état général de conscience en vue de faire de la lutte nationale la priorité des priorités. La conséquence en a été que le développement social, y compris la promotion des femmes, a été relégué au second plan et est resté tributaire de l’aboutissement de la lutte nationale. Les années 1940 et 1950 ont été très riches en travail d’élaboration du discours au féminin. Les partis politiques ont ainsi procédé à la constitution d’associations des femmes qu’ils ont placées sous leur égide, ce qui a permis aux hommes d’intégrer le mouvement des femmes. Ainsi, juste après la fin de la Seconde Guerre mondiale, une nouvelle constellation d’associations féministes se développa, sur toute l’étendue du monde arabe. Le mouvement des femmes arabes est passé par une série de transformations pendant Rapport sur le développement humain arabe 2005 la période coloniale en raison des changements sociaux. Parmi ces transformations, le Rapport cite la diffusion de l’éducation au sein de la population féminine ; l’accès de beaucoup de femmes à des professions valorisantes socialement en devenant médecins, enseignantes d’université, ingénieurs et avocates ; quelques femmes ont occupé des postes de direction à la tête des partis politiques et au sein des gouvernements. Le développement d’une conscience de la situation vécue par les femmes s’est ainsi enraciné, ce qui a fait croître la sympathie au sein de la société pour les questions des femmes. Les gouvernements se sont efforcés de rassembler les associations des femmes dans des “ syndicats ”, pratique commune dans le monde arabe, visant à contenir les femmes dans un cadre contrôlé et dirigé par la structure masculine d’autorité. Certains chercheurs qualifient cette pratique de féminisation du discours au pouvoir. Cette tendance a coïncidé pendant les trois dernières décennies avec un autre développement significatif, la prédominance des mouvements islamiques, d’une part, et la propagation des idées développées par ceux qui prêchent le retour à l’islam des as-Salaf asSalih (les pieux ancêtres ), d’autre part. Ces mouvements ont concentré leur discours sur les femmes, jugées responsables des difficultés de la société. Ils ont basé leurs attaques sur l’idée que l’instauration de l’égalité dans la vie publique réduirait les chances des hommes sur le marché du travail, alors que l’homme est le chef de famille et que la femme elle-même compte sur lui pour l’entretenir. Dès la conférence des Nations Unies tenue en 1975 au Mexique et sous l’influence des organisations internationales oeuvrant à la promotion des femmes, de nouvelles expressions de ce qui est appelé “ féminisation de l’Etat ” ont commencé à émerger. Un certain nombre de régimes arabes ont considéré que les groupes islamistes constituaient un instrument pouvant être utilisé pour affaiblir les forces ouvrières et de gauche. C’est ce qui a conduit au développement du mouvement de la revivification islamique (ihya’ia) qui a étendu son intérêt à tous les aspects de la vie publique et privée et dont le RESUME discours a attiré de larges franges de la jeunesse, particulièrement les jeunes femmes. En réponse à ces évolutions, un appel à contenir l’islam dans la seule sphère de la croyance personnelle et des valeurs spirituelles s’est fait entendre. Certains groupes ont été obligés de modifier leur position et d’en appeler à l’ouverture de la porte de l’effort indépendant d’interprétation au sujet des questions liées aux femmes et d’adopter une démarche éclairée dans l’interprétation des versets coraniques à caractère réglementaire ( ayat al-ahkam) en vue de fonder un nouveau discours sur les femmes se nourrissant de l’héritage islamique. La deuxième moitié des années 70 a connu les premières tentatives de constitution d’organisations de défense des femmes, indépendantes des organisations politiques officielles. Les discussions ont été centrées sur l’incapacité du code du statut personnel à garantir l’égalité et sur les défaillances qui entachent ses articles, en dépit de sa dimension avant-gardiste, comparé avec les législations sur la famille dans de nombreux pays arabes. L’attention s’est également polarisée sur les violences infligées aux femmes et sur leurs retombées sur leur statut social. Le mouvement des femmes a connu un saut qualitatif dans les années 80, en terme de constitution et d’extension de l’impact des associations. Des associations actives politiquement et liées aux partis politiques ont vu le jour. Les années 80 représentent également un moment crucial dans le processus de transformation des mouvements des femmes, particulièrement dans les pays du Maghreb. Ce n’est pas un hasard si les noms des nouvelles associations de femmes comportent des mots tels que “ démocratique, ” “ progressiste ” et “ droits ”. Alors qu’ils devaient avancer dans un chemin plein d’obstacles et qu’ils étaient assiégés et intimidés par les régimes en place, ces mouvements se sont distingués par leur indépendance et leur courage. La nouvelle génération d’associations des femmes s’est distinguée par son approche qualitative du thème de la femme et des questions des femmes, et par son insistance pour que ces questions soient obligatoirement considérées comme aussi importantes et centrales que celles de la démocratie, du 13 Les nouveaux gouvernements nationaux ont feint d’oublier ou d’ignorer certaines ou la plupart de ces revendications, plus particulièrement celles relatives au code du statut personnel. L’expérience tunisienne reste un modèle en matière d’émancipation des femmes dans le monde arabe. Un demi-siècle s’est écoulé depuis la promulgation de son “ Code du statut personnel ” au terme duquel la loi tunisienne a consacré le principe de l’égalité des femmes et des hommes. 14 développement et des droits de l’homme. Le discours international sur les femmes a eu une influence significative sur le mouvement des femmes arabes. Il y a trouvé une force d’entraînement importante qui l’a aidé à reformuler ses demandes et à s’attacher à la lutte pour les satisfaire. Cette nouvelle conscience a été renforcée par l’apport des conférences internationales, principalement celles dans l’organisation desquelles les agences des Nations Unies ont joué un rôle de premier plan. Ces conférences ont visé à secouer les conceptions traditionnelles qui continuent de s’accrocher à la question des femmes. C’est la raison pour laquelle la priorité la plus grande a été accordée aux codes du statut personnel, suivis en cela par la problématique de l’effectivité des législations qui garantissent l’égalité des femmes et des hommes dans la vie politique et économique. Ces rencontres ont également insisté sur l’engagement des associations des femmes à inviter les gouvernements arabes à mettre en application les accords internationaux qu’ils ont approuvés, particulièrement la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW). Les années 90 sont considérées comme des années difficiles pour la société arabe, chargées de contradictions, de difficultés et de déceptions successives et amères. Le Rapport considère qu’une telle situation complexe de la société arabe dépasse le mouvement des femmes ainsi que ses capacités et ressources, ce qui souligne à quel point le combat pour l’émancipation des femmes, dans toutes ses dimensions, reste le combat que doivent mener toutes les sociétés arabes. VALUATION DES AVANCEES FAVORABLES AUX FEMMES La participation des femmes aux mouvements nationaux a aidé la cause des femmes et rendu leurs revendications légitimes aux yeux de la société. Néanmoins, et en dépit de quelques acquis en faveur des femmes, le fait que cellesci aient accepté que le traitement de leurs revendications politiques et sociales soit ajourné jusqu’après l’obtention de l’indépendance a eu des retombées regrettables (l’Algérie en est l’excellente illustration). Car, les nouveaux gouvernements nationaux ont feint d’oublier ou d’ignorer certaines ou la plupart de ces revendications, plus particulièrement celles relatives au code du statut personnel. D’une manière générale, et excepté les amendements apportés à la loi régissant le statut personnel en Tunisie, on a maintenu un rapport de force déséquilibré au sein de la famille. Aussi l’impact des mouvements des femmes dans les pays arabes a-t-il été différent d’un pays à l’autre. Le principal résultat que ces mouvements aient réussi à obtenir et sur lequel on peut s’accorder est que les femmes sont confinées dans un statut de mineures et qu’il est nécessaire d’œuvrer pour le changer. L’intérêt particulier porté à la révision du statut personnel a poussé de nombreux Etats arabes à prendre des mesures concrètes pour améliorer les codes de la famille et les législations relatives au mariage et au divorce en général. L’expérience tunisienne : L’expérience tunisienne reste un modèle en matière d’émancipation des femmes dans le monde arabe. Un demi-siècle s’est écoulé depuis la promulgation de son “ Code du statut personnel ” au terme duquel la loi tunisienne a consacré le principe de l’égalité des femmes et des hommes. Le changement de la loi sur la famille, tel qu’institué par le Président Habib Bourguiba, s’est inspiré des idées du mouvement réformiste qui a estimé que la promotion des femmes aura un effet positif sur les plans sociaux, économiques et politiques. En outre, il est à noter que les lois incorporées dans ce “ Code du statut personnel ” ont été puisées dans le travail élaboré sur l’initiative de deux écoles de jurisprudence islamique, l’école Malékite et l’école Hanafite. Cependant, les changements successifs apportés au droit de la famille ont coïncidé avec des restrictions à la liberté d’action des femmes activistes et la monopolisation et le contrôle par l’Etat du discours sur la promotion des femmes, ne laissant qu’une marge assez faible à l’initiative et aux revendications des femmes. Ceci montre d’une manière on ne peut plus claire que la promotion des femmes est en train de se transformer en un instrument politique visant à édulcorer l’image de l’Etat à l’étranger, bien que cela se fasse aux dépens des femmes. Rapport sur le développement humain arabe 2005 L’expérience marocaine : Le mouvement des femmes marocaines a pris conscience que la modification du Code du statut personnel était la clé qui permettrait aux femmes de se prendre en charge. La lutte de la société civile a été couronnée par la promulgation, en 2004, du nouveau Code de la famille. S’agissant des expériences, à l’heure actuelle, dans les autres pays arabes, les femmes égyptiennes sont parvenues à avoir le droit, accordé en 2000, de prendre l’initiative du divorce (khul’), après avoir abandonné les droits financiers qu’implique le divorce. Elles ont également obtenu le droit de voyager sans autorisation du mari et d’obtenir la nationalité égyptienne pour leurs enfants nés d’un mari étranger. En Jordanie, l’âge légal du mariage a été relevé à dix-huit ans pour les deux conjoints, et les femmes ont pu avoir le droit d’obtenir un passeport sans permission préalable de leurs maris. En Algérie, le Code de la famille demeure toujours en vigueur. Cependant, il a connu des évolutions positives entre le texte de la loi de 1984 et les amendements qui y ont été introduits en 2005. Le Rapport aboutit à la conclusion que la révision de la situation des femmes arabes constitue aujourd’hui la condition sine qua non à la constitution d’une société civile plus forte. Il faut ainsi rejeter le présupposé selon lequel on devrait refuser toutes les formes d’évolution dans ce sens, considérées comme faisant partie intégrante de la civilisation de l’ “ Autre ”. LE CONTEXTE SOCIAL DE LA CONDITION DES FEMMES La Culture Le rapport prend en considération les modèles sociaux qui contribuent à déterminer la position des femmes dans les sociétés arabes aujourd’hui. Il se concentre sur trois sources essentielles d’impact : l’héritage religieux, la culture populaire, la production arabe dans les domaines intellectuel, artistique et des médias. RESUME L’héritage religieux : la différenciation en terme de genre en matière de jurisprudence Dans l’histoire arabo-islamique, la culture religieuse ne réfère pas aux textes consacrés par la mémoire collective des musulmans comme sacrés ; elle renvoie plutôt aux interprétations de ces textes, qui ont été différentes de par leur contenu, leur énonciation et leur formulation dans la mémoire collective de la société. Elle renvoie également aux coutumes et traditions qui ont été consolidées pour préserver un ordre donné de la famille et de la société. Les principes généraux qui se dégagent de ces interprétations permettent de répertorier les grands traits d’un système social qui répond aux objectifs acceptés par la communauté musulmane pour vivre sous le signe de la complémentarité et du consensus, tout en admettant et en reconnaissant le principe de l’égalité de tous les êtres humains, mâles et femelles. Mais d’un autre côté, les interprétations jurisprudentielles, telles qu’elles se présentent dans certaines écoles de la jurisprudence islamique (fiqh), ont contribué à poser un certain nombre de normes approuvant le principe de la discrimination entre les sexes. La sévérité législative de la jurisprudence islamique recouvre d’autres questions qui puisent leur source dans la réalité de la société arabo-musulmane elle-même, surtout que les juristes ont lu les dispositions canoniques dans l’optique de la coutume. Ceci s’explique par le fait qu’ils avaient le sentiment que toute autre lecture introduirait une rupture dans l’ordre social, lequel consolide une cohésion sociale conforme à leurs yeux à “ l’ordre naturel ”. La place des hommes a toujours été privilégiée et prioritaire dans les études jurisprudentielles liées aux femmes. Cette position privilégiée s’est retrouvée consolidée par une lecture du Coran qui prend d’emblée fait et cause pour l’homme. Mais ceci n’a pas empêché des interprétations légales éclairées de voir le jour. Dans la mesure où la dynamique de changement dans les sociétés arabes contemporaines est différente de celle des sociétés arabes au moment de la constitution des écoles de jurisprudence, les efforts d’interprétation des Anciens (as–Salaf) ne sont Le mouvement des femmes marocaines a pris conscience que la modification du Code du statut personnel était la clé qui permettrait aux femmes de se prendre en charge. La révision de la situation des femmes arabes constitue aujourd’hui la condition sine qua non à la constitution d’une société civile plus forte. Il faut ainsi rejeter le présupposé selon lequel on devrait refuser toutes les formes d’évolution dans ce sens, considérées comme faisant partie intégrante de la civilisation de l’ “ Autre ”. 15 Les proverbes ayant trait aux femmes et qui circulent au sein des classes sociales arabes fournissent généralement une bonne illustration de la perception qui tient les femmes dans un statut d’infériorité. Un grand nombre de textes populaires et faisant partie de la tradition montrent d’autres images de la femme : intelligente, maîtrisant l’art de la parole, quelque chose d’une enchanteresse dans le sens positif du terme. 16 plus appropriés à la nature des transformations sociales à l’œuvre, qui se déroulent à des rythmes différents dans la réalité des sociétés. C’est pourquoi, il est important d’œuvrer, à nouveau, pour donner libre cours à l’ijtihad et intérioriser l’esprit du texte coranique afin de produire les textes jurisprudentiels basés sur des valeurs d’égalité. De tels textes élaboreront une jurisprudence sur les femmes qui dépasse l’équivalence linguistique et historique entre de ce qui est féminin et ce qui est naturel (grossesse, accouchement, allaitement au sein, éducation des enfants, cuisine). C’est ce qui contribuera à la promotion des valeurs culturelles féminines et les transformera en attitude publique. La Femme Arabe Dans Les Proverbes Populaires La culture populaire arabe brosse des images contradictoires des femmes, des filles et des épouses aux différentes étapes de leurs vies. Les proverbes ayant trait aux femmes et qui circulent au sein des classes sociales arabes fournissent généralement une bonne illustration de la perception qui tient les femmes dans un statut d’infériorité. Ceci révèle jusqu’à quel point la conscience populaire courante est étrangère à la réalité des transformations fondamentales qui traversent les sociétés arabes. Ces proverbes évoquent les conditions des femmes dans un style fabulateur sans se préoccuper des paradoxes qu’une telle fabulation crée par rapport à l’image réelle des femmes et des filles telle qu’elle se dégage de la réalité sociale. Dans la tradition populaire connue, des centaines de proverbes populaires projettent une attitude proche de celle qui conduisait à enterrer des filles vivantes. Afin de justifier la ségrégation à l’encontre du sexe féminin, ces proverbes emploient des arguments moraux ou recourent à un argumentaire qui mobilise le langage des contes et des fables. Certains puisent des justifications dans le registre de la psychologie. Mais ces proverbes, quel que soit leur mode d’expression, servent à souligner la position sociale et morale inférieure des femmes dans la société. Certains proverbes vont même plus loin en soutenant que la femme n’était qu’à moitié saine d’esprit, qu’à moitié croyante, n’avait droit, en matière d’héritage, qu’à la moitié de la part réservée à l’homme et qu’elle valait même la moitié d’un homme. Ceci conduit à échafauder un profil qui détermine l’existence biologique et domestique des femmes et qui dénigre leur indépendance et leur valeur. Il importe toutefois d’indiquer qu’un grand nombre de textes populaires et faisant partie de la tradition montrent d’autres images de la femme : intelligente, maîtrisant l’art de la parole, quelque chose d’une enchanteresse dans le sens positif du terme. Les FEMMES DANS LA PENSEE ARABE CONTEMPORAINE Vers la naissance d’une nouvelle source d’autorite La réflexion arabe contemporaine sur les femmes et les théories qui la fondent sont étroitement liées au mouvement de la Renaissance arabe et à ses luttes contre toutes les formes d’autorité traditionnelle héritée. Dans les tous débuts de la transformation sociale qui conduira à cette Renaissance, vers la fin du dix-neuvième siècle, les réformateurs et les intellectuels avaient compris que les sociétés européennes avaient des traits spécifiques qui “étaient à la base de la puissance et du progrès de ces sociétés. Le projet de réforme de Shaykh Rifa’a Rafi’ Al Tahtawi est une excellente illustration de ce moment de la pensée arabe. Le début du dépassement des limites imposées par une jurisprudence biaisée qui consacre l’infériorité des femmes Ce qui a caractérisé l’approche de la question des femmes de la part de réformateurs tels que Qasim Amin, Nazira Zayn Al, puis par la suite Al-Tahir Al-Haddad et d’autres, c’est leur conscience aiguë du besoin de changement et de la nécessité de l’introduire. Ils ne pouvaient même pas penser un instant qu’il pouvait y avoir de contradiction significative entre les sociétés européennes, les valeurs et le style de vie qui commencent à s’installer dans la société arabe contemporaine et les principes de la loi islamique. Ils ont été à l’origine d’une vague de Rapport sur le développement humain arabe 2005 polémiques à propos de la réinterprétation de certains versets du Coran afin de démasquer les interprétations biaisées. Leurs efforts représentent des moments forts de l’histoire intellectuelle arabe, parce qu’ils ont réussi à ouvrir très large une porte aux femmes dans le mur épais et solide de la société arabe. La participation des femmes au sein des associations civiles, s’occupant du droit et de l’activité politique, a contribué à la rééducation la société pour l’amener à accepter une présence féminine active. Cette évolution a participé au processus de remplacement de l’image stéréotypée traditionnelle des femmes par celle de femmes s’occupant d’autres activités dans un climat de liberté d’action, de production et de créativité. Aujourd’hui, l’aspect le plus en vue du combat mené par les femmes dans le monde arabe est celui de dépasser la place qui est la leur dans la société, d’occuper des places qui permettent d’agir à une échelle plus globale et de suivre les grandes transformations des sociétés arabes, y compris celles impliquant des questions de promotion, de développement et de progrès. Dorénavant, le projet de la réforme politique, de la réforme économique et l’interaction positive avec le système des droits de l’homme, font partie des objectifs directs poursuivis par les femmes arabes. L’expression de cette évolution en est donnée par la présence croissante des femmes dans les organisations de la société civile et de la société politique. Les femmes et les médias Le Rapport remarque que le mouvement des femmes a tiré profit de l’usage des médias tels que l’Internet, des clubs de discussion, des chaînes de télévision et de leurs programmes spéciaux ; autant d’activités qui ouvrent des perspectives basées sur la force du dialogue. Ces médias ont facilité l’émergence d’un nouveau discours de la libération qui permet aujourd’hui aux femmes d’occuper des espaces publics qu’elles ne pourraient pas atteindre au moyen de la seule lecture des matériaux imprimés sur des livres et des journaux. Ces nouveaux médias ont aidé à promouvoir la conscience en matière de genre dans le sens de RESUME la cohésion et de l’égalité sociales, en se basant sur les principes de l’entraide et de l’équité qui constituent l’alternative appropriée aux principes de la discrimination et de la ségrégation entre les deux sexes. Les stations de télévision et de radio, plus particulièrement les chaînes satellitaires et la presse écrite, ont commencé à recruter de plus en plus de femmes dans quelques pays. Mais, à quelques exceptions près, la propriété des moyens d’information politique reste un monopole du sexe masculin. Les femmes ne jouent aucun rôle dans l’élaboration des politiques ou dans la prise des décisions en matière d’information. Le Rapport s’interroge sur l’ampleur de l’impact positif qu’aura, sur les orientations générales des programmes et sur l’image populaire de la femme, la présence croissante des femmes arabes dans l’espace médiatique. Les femmes dans le roman arabe Le Rapport montre que les romans écrits par des femmes mettent en scène quatre images de femmes : la femme privée de droits, la femme militante, la femme rebelle, et la femme “ multiple ”. Le terme “ multiple ” signifie ici le dédoublement et la fragmentation ; il traduit l’existence d’identités multiples dans la même personne. La plupart des écrits reflètent la présence, de plus en plus grande, de l’image de la femme “ multiple ” dans des espaces jadis occupés par des images stéréotypées qui ont réduit les femmes arabes à un modèle incapable de s’adapter aux transformations dont ces écrits rendent compte. En forgeant de nouvelles sensibilités linguistiques et esthétiques, ces genres d’écriture renforcent les valeurs capables de détruire de tels stéréotypes. Les romans arabes éclairent, d’un autre côté, des aspects de l’oppression des femmes et de leur utilisation comme instruments servant à perpétuer la dominance masculine. La confusion et les contradictions que certains romans révèlent indiquent un état d’éclatement culturel que l’on ne peut expliquer qu’à la lumière du contexte de globalisation et de l’étape historique de transition des sociétés arabes, qui sont aussi le cadre de l’univers de la fiction. 17 L’image des femmes dans le cinéma Les romans arabes éclairent, d’un autre côté, des aspects de l’oppression des femmes et de leur utilisation comme instruments servant à perpétuer la dominance masculine. Le cinéma arabe a joué parfois un rôle important, en faisant prendre conscience au public des questions des femmes et des injustices qui les ont frappées du fait des traditions et des lois injustes. Le cinéma arabe a dévoilé, au moyen de l’image, les mécanismes de la soumission des femmes, ce qui constitue l’une de ses contributions les plus importantes pour faire face aux valeurs de hiérarchisation sociale sur des bases sexuelles. Cependant, le cinéma arabe joue, de par son caractère commercial, et comme tous les autres arts, une double fonction. D’une part, en utilisant la force des images mobiles, il généralise les valeurs de discrimination sexuelle. Et, en même temps, le nouveau genre de cinéma, surtout celui émergeant dans plus d’un pays arabe, envoie des messages de type nouveau qui accompagnent les attentes des nouvelles générations de jeunes femmes à la recherche de liberté et d’affirmation de leur personnalité pour devenir ces êtres humains autonomes. D’autres formes de production culturelle Le cinéma arabe a joué parfois un rôle important, en faisant prendre conscience au public des questions des femmes et des injustices qui les ont frappées du fait des traditions et des lois injustes. 18 Les séries télévisées sont particulièrement influentes en matière de dénonciation de l’image traditionnelle des femmes ainsi que de sa consécration comme le font les spots publicitaires qui présentent des femmes dans des images et des postures contradictoires. Ceci ne concerne pas seulement les chaînes de télévision arabes mais un vaste réseau de chaînes qui interviennent à l’intérieur des familles arabes par l’intermédiaire d’expressions, de langues et d’attitudes qui comportent plus de différences que de similitudes. Les salles de séjour arabes sont devenues un véritable champ de bataille dans le cadre de la guerre de l’information. Comme pour les guerres d’interprétation qui se déroulent sur-lechamp de la jurisprudence islamique, pour les conflits des proverbes populaires et les luttes de la société civile arabe pour consolider les valeurs de liberté et d’égalité, il s’agit là d’un conflit dans lequel les citoyens sont appelés à faire un choix difficile entre des options différentes. La plupart des chaînes satellitaires arabes présentent, par exemple, des programmes religieux qui visent à diffuser une culture islamique. Les docteurs religieux (fuqaha) appelés à émettre des avis conformes à la doctrine (fatawi) veillent à la préservation du système patriarcal dominant dans les sociétés arabes, sans consentir le moindre effort pour moderniser la jurisprudence islamique. Il y a également un nombre croissant de médias conservateurs qui oeuvrent pour la consolidation l’image de femmes situées aux échelons inférieurs de la hiérarchie du genre. En même temps, un nombre croissant de chaînes, qui se réclament de la modernité, donnent de la femme une image dégradante ; des femmes traitées, en premier lieu, en tant que disposant d’un corps et en tant que marchandises. Les médias arabes agissent dans des sociétés dirigées par des forces centralisées puissantes où les mondes de l’argent, de l’autorité et des médias se recoupent, dans le cadre d’une concurrence féroce entre les chaînes satellitaires arabes et étrangères pour un marché publicitaire étroit. C’est ce qui fait que des secteurs importants de ces médias courent après un large public arabe qui dispose, particulièrement parmi les Arabes du Golfe, d’un pouvoir d’achat significatif, et au sujet duquel ils ont des idées préconçues. Les STRUCTURES SOCIALES Tribalisme et patriarcat La société tribale arabe comprend parfaitement bien l’importance structurelle et fonctionnelle des femmes pour son existence. Elle conçoit l’honneur, la dignité et la protection comme faisant partie d’un tout fait de chacun de ses membres et du groupe, et par conséquent entre les femmes et le groupe. Ceci fait que toute question touchant au statut des femmes est considérée comme faisant partie du coeur même de la sécurité et du statut social du groupe lié par la consanguinité. L’Islam a apporté avec lui le concept de umma (communauté musulmane) comme l’expression de l’identité collective en remplacement en cela de la tribu. Cependant, les tribus arabes de Bédouins, mais également Rapport sur le développement humain arabe 2005 dans une large mesure les tribus semi– sédentaires, ont préservé leurs structures autoritaires. Bien que l’Islam ait établi la notion de responsabilité individuelle des hommes et femmes et ait souligné le respect dû pour les deux sexes et pour leurs droits, la formation socioculturelle et économico–politique, née des conquêtes a réduit l’ampleur des vastes perspectives que la nouvelle religion avait ouvertes devant les femmes. L’avènement du système autoritaire moderne a joué un grand rôle dans la réduction du développement des établissements civils. Le capitalisme européen a introduit dans la région de nouvelles valeurs concernant l’Etat, la politique et la société. Ces valeurs n’ont toutefois pas été le produit de processus locaux ; elles n’ont, par conséquent, pas achevé le cycle au moyen duquel auraient été mis en place les fondements des institutions de l’Etat de droit et les expressions d’une société civile qui résiste à l’oppression. Dans un premier temps, l’Etat arabe, qui avait la prétention de tout régenter et tout faire, a contribué à une plus grande participation des femmes à la sphère publique, dans les domaines du travail, de la sécurité sociale, aussi bien qu’à la protection relative de la maternité et de l’enfance. Mais la sclérose bureaucratique, le rejet des différentes initiatives sociales et civiles entreprises ainsi que l’adoption du système du dignitaire local (un homme, naturellement) comme intermédiaire unique entre l’autorité et la société, ont rendu les droits des femmes tributaires de la nature et des vicissitudes de l’autorité. La symbiose entre le pouvoir et le système patriarcal a fait que ces premières réalisations sont devenues autant d’opportunités pour réaliser des bénéfices personnels. La situation des femmes a ainsi continué à se détériorer avec le recul des droits des citoyens et le recours, à nouveau, aux rapports patriarcaux organiques comme moyens finals de défense au sein d’une société dans laquelle les gens se sont vus interdire les diverses formes d’activité civile. Les rapports au sein la famille ont continué à être régis par l’autorité du père sur les enfants et du mari sur l’épouse; une autorité née historiquement à l’ombre de la domination du RESUME système patriarcal. Et on ne peut pas considérer que les changements survenus au niveau du cadre autoritaire de la famille constituent une avancée radicale. On ne peut pas non plus soutenir que ces changements aient affecté sensiblement la nature fonctionnelle du rapport entre les sexes. Et même si de tels changements ont eu quelque effet sur certaines formes de discrimination entre les hommes et les femmes, ils n’ont pas introduit une transformation qualitative de la nature des rapports entre eux, excepté dans des cercles limités. Ainsi l’héritage du système patriarcal fut-il une consécration de la domination masculine aux niveaux économiques, sociaux, culturels, légaux et politiques. La croyance en l’idée de la nécessité de soumettre les femmes au contrôle varie bien évidemment d’un pays à l’autre, d’une classe sociale à l’autre, et en fonction des niveaux de vie et de la conscience publique. Elle est plus manifeste au sein des secteurs sociaux les plus pauvres et les plus marginalisés, du point de vue du rôle et de la place qu’ils occupent dans la société, et qui bénéficient par conséquent le moins de la sécurité juridique et sociale ; ce sont en outre ces secteurs qui sont les plus enclins à être influencés par la culture patriarcale dominante. Mais, malgré l’absence des libertés fondamentales, les femmes ont essayé d’instrumentaliser les conditions sociales, et même les pratiques traditionnelles, pour défendre leurs droits par l’entremise d’instances de bienfaisance, médicales ou littéraires ainsi que par l’intermédiaire de groupes familiaux féminins. Elles ont aussi formé des délégations pour revendiquer leurs droits dans des pays où l’espace social est plus permissif que l’espace idéologique. Il n’est d’ailleurs pas impossible que certaines femmes actives et inventives tirent profit de ces marges étroites de protection pour constituer des groupes de la société civile s’occupant des droits des femmes. L’ironie de l’histoire est que ces groupes ont réussi à provoquer le changement de l’intérieur même des structures qui ont essayé d’empêcher qu’il ne se produise. Dans quelques sociétés, l’accumulation quantitative de petites victoires qualitatives par des femmes a fait reculer l’hégémonie Toute question touchant au statut des femmes est considérée comme faisant partie du coeur même de la sécurité et du statut social du groupe lié par la consanguinité. 19 patriarcale, à degrés variables. Et les femmes ont su faire face aux défis de l’adaptation aux bouleversements difficiles et ont confirmé qu’elles étaient les protectrices de l’existence sociale dans les pires situations. C’est le cas des femmes qui vivent à l’ombre du siège et des exactions en Irak ou qui font face à la violence multiforme au Soudan, au Liban, en Irak et en Palestine. En ce sens, les structures sociales ne pouvaient pas empêcher les femmes d’être présentes, à différents degrés et sous diverses formes, en tant qu’acteur effectif dans le contexte de la transition historique que de nombreux pays arabes connaissent. La famille et le statut des femmes Dans quelques sociétés, l’accumulation quantitative de petites victoires qualitatives par des femmes a fait reculer l’hégémonie patriarcale, à degrés variables. 20 La famille continue d’être la première institution sociale qui reproduit les rapports, valeurs et pressions patriarcaux par le biais de la discrimination entre les deux sexes. De telles pressions sur les femmes deviennent plus violentes encore dans les moments de crise durant lesquels les femmes deviennent sujettes à la surveillance. Le droit que le mâle a de disposer du corps de la femme, de le contrôler, l’utiliser, le dissimuler, l’évacuer ou le punir, n’en devient que plus flagrant. Cette violence est un facteur nouveau qui vient s’ajouter à la féminisation de la pauvreté, de la misère politique, de la dépendance, de la domination et de l’aliénation. Jusqu’au jour d’aujourd’hui, les codes du statut personnel ont constitué la cristallisation la plus emblématique et la plus profonde de ce problème. Le mariage reste la première forme la plus importante du rapport entre les femmes et les hommes, du point de vue du conscient comme de l’inconscient, de la religion comme de la société, en termes de licite ou d’illicite, de sacré ou de profane. Ces lois représentent la cristallisation la plus prononcée du rapport entre le patriarcal et l’illicite et le tabou dans la société arabe. On constate, en effet, que les lois les plus importantes concernant la discrimination de genre trouvent refuge dans ce rapport, à tel point que les lois de la famille sont devenues cette tanière protectrice de la culture, des traditions et des coutumes, religieuses ou populaires. Les éléments de modernité s’interpénètrent dans la culture traditionnelle des sociétés arabes, que ce soit à l’échelle d’un seul ou de plusieurs Etats. Néanmoins, de larges secteurs sociaux demeurent toujours plus près de la tradition que l’innovation. Et la fille paye lourdement le tribut de son indépendance au sein des milieux où l’individuation, au sens juridique et économique, reste faible. Toutefois, la famille arabe est une entité complexe multidimensionnelle que l’on ne peut réduire à un seul trait, absolu et généralisable. La société ne peut pas non plus accepter que la paternité ait uniquement une signification négative. Dans le cas contraire, une telle vision unilatérale de l’autorité encouragerait la démission et accréditerait l’idée selon laquelle il serait illusoire de se soulever contre l’autoritarisme et de changer le statu quo. En plus, insister sur le statut des femmes réprimées enlèverait toute valeur à leurs vies, ce qui réduirait leur existence, en fin de compte, à des années perdues. En fait, quel que soit l’environnement dans lequel elle évolue, auraitil été le plus dur qui soit, une femme a toujours la possibilité de s’arroger la liberté de prendre des décisions, ce qui est source d’un bonheur inespéré. C’est cette liberté qui est la source d’inspiration du changement. Socialisation et education Dans les régimes totalitaires, les systèmes scolaires prodiguent rarement suffisamment d’encouragement à l’initiative et à la recherche, au développement de la création, de la critique ou encore aux aptitudes personnelles. En dépit du fait que les femmes arabes aient investi les domaines politique, social et économique, l’écart entre les avancées réalisées par les femmes dans le monde arabe et les images stéréotypées des femmes dans les programmes scolaires, reste énorme. Ces images confinent invariablement les femmes dans les rôles de mère et de femme au foyer. Au regard de cette vision qui marginalise les femmes, les spécialistes de l’éducation appellent à la révision des programmes scolaires et à l’élaboration de nouveaux fondements pour asseoir le contenu de ces programmes afin de soustraire les filles au cadre superficiel dévalorisant dans lequel elles Rapport sur le développement humain arabe 2005 continuent à être rangées. Ils soutiennent également l’idée de faire participer les femmes arabes à l’élaboration des politiques éducatives dans les Etats arabes dont elles sont presque totalement exclues. La participation féminine à la rédaction des programmes scolaires est, en effet, estimée à moins de 8% sur la base d’un échantillonnage aléatoire des programmes arabes d’enseignement. LES STRUCTURES JURIDIQUES Nombreuses sont les lois qui sont discriminatoires à l’égard des femmes dans les pays arabes. Bien que les dispositions constitutionnelles, dans presque tous ces pays, stipulent que la protection des droits des femmes était garantie, il faut bien constater que ces droits sont souvent bafoués ou contredits par d’autres législations ou encore non appliqués. Le Rapport recense un certain nombre de dispositions et de pratiques qui révèlent le parti pris du législateur arabe contre les femmes. Les postures a propos de la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes La plupart des Etats arabes ont ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) et sont ainsi liés par ses dispositions, à l’exception de celles au sujet desquelles des réserves ont été exprimées. Les réserves des Etats arabes sur les dispositions de la Convention sont d’ailleurs nombreuses, ce qui constitue une source d’inquiétude et met en doute l’existence d’une réelle volonté de respecter les dispositions de ladite convention. La réserve la plus remarquée concerne l’article 2 de la Convention, qui stipule le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes ; la ratification de la Convention perd, pour ainsi dire, toute sa signification. Les Etats arabes justifient leurs réserves à propos du contenu de la Convention en mobilisant deux arguments : les articles concernés contredisent la législation nationale; ils contredisent les dispositions de la Charia islamique. Ce dernier argument peut conduire RESUME à formuler une réserve d’ordre général sur la Convention, et l’Etat concerné s’affranchit de tout engagement à respecter tout article non conforme à la Charia. Il se trouve que l’Etat ne justifie même pas ses réserves parfois. Néanmoins, il y a actuellement un mouvement dans un certain nombre d’Etats arabes, créé sous l’impulsion des organisations de la société civile et des institutions nationales, pour amener les Etats à revoir les réserves formulées afin d’être en phase avec les évolutions législatives à l’intérieur de chaque Etat. Ce mouvement positif mérite d’être encouragé. D’un autre côté, l’Etat et la société civile doivent doubler d’efforts pour faire connaître la Convention à l’opinion publique comme au sein des cercles législatifs et des institutions en charge de l’application de la loi. Les Situations Constitutionnelles L’Egalité devant la loi Les constitutions de la plupart des Etats arabes comportent des dispositions affirmant le principe de l’égalité en général et le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes en particulier. Quelques-unes réservent même des volets spécifiques à l’égalité des femmes et des hommes, comme l’égalité en matière d’accès à la fonction publique, l’égalité en droits politiques et l’égalité en droits et devoirs. Certaines constitutions ont également intégré des dispositions sur l’égalité des chances, sur l’obligation pour l’Etat de préserver la famille, de protéger les mères et les enfants, sur le besoin de trouver l’équilibre approprié entre les obligations des femmes envers leurs familles et leur activité sociale ; ainsi que sur l’interdiction de l’emploi des femmes dans certaines industries ou à des heures déterminées. On doit mettre au crédit des législateurs arabes, et surtout des constitutionnalistes, d’avoir respecté le principe des différences de genre et d’avoir élaboré des textes qui organisent les implications législatives qui en découlent. Mais en même temps, il est reproché au législateur d’avoir, dans plusieurs volets de la loi, beaucoup trop insisté sur les différences de genre et codifié la discrimination de genre, Nombreuses sont les lois qui sont discriminatoires à l’égard des femmes dans les pays arabes. Bien que les dispositions constitutionnelles, dans presque tous ces pays, stipulent que la protection des droits des femmes était garantie, il faut bien constater que ces droits sont souvent bafoués ou contredits par d’autres législations ou encore non appliqués. La réserve la plus remarquée concerne l’article 2 de la Convention, qui stipule le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes ; la ratification de la Convention perd, pour ainsi dire, toute sa signification. 21 violant de ce fait le principe de l’égalité, qui est l’un des fondements sanctifiés par les canons religieux; sans oublier que le respect de ce principe est un engagement international aux termes des traités internationaux. Droits politiques et droits publics des femmes Les constitutions de la plupart des Etats arabes comportent des dispositions affirmant le principe de l’égalité en général et le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes en particulier. 22 Les législations d’un grand nombre d’Etats arabes comportent des dispositions garantissant les droits politiques des femmes et stipulant le principe de l’égalité des hommes et des femmes en matière d’exercice du droit de participer aux processus électoraux et de postuler à des fonctions publiques. Mais malgré la clarté des dispositions constitutionnelles et législatives qui, dans la plupart des cas, garantissent aux femmes le droit à la participation politique, l’ampleur de cette participation est encore insignifiante. Vu le bas niveau de la représentation féminine dans les parlements des pays du Mashreq arabe (partie orientale du monde arabe), il devient nécessaire de penser sérieusement à suivre l’expérience du Maroc et de généraliser le système des quotas à réserver aux femmes dans ces parlements. Systèmes des quotas de femmes dans les parlements Même si les législations arabes ont franchi une étape importante dans l’affirmation de l’égalité formelle de genre en matière de participation politique, une telle avancée a été de peu de secours aux femmes au regard d’un environnement culturel et social hostile à l’acquisition et à l’exercice libre des femmes de leurs droits politiques. Aussi l’intervention du législateur devient-elle nécessaire pour apporter un soutien positif aux femmes et ce en leur réservant une part précise du nombre de sièges du parlement; l’objectif étant d’aider la société à lever l’injustice historique que les femmes ont subie. Une telle action traduirait dans les faits le principe d’égalité des chances, consacré par nombreuses constitutions arabes. Le Rapport déclare son ferme soutien à une telle orientation. Incrimination et punition Des manifestations de ségrégation entre hommes et femmes peuvent être relevées dans les législations pénales de certains Etats arabes. Quelques-unes de ces lois illustrent les formes les plus importantes de ségrégation. Comme dans le cas de crime d’adultère, les hommes sont jugés coupables seulement si l’acte a lieu dans le domicile conjugal, alors que les femmes sont coupables indépendamment du lieu de déroulement de l’acte. Les législateurs arabes ont fait quelques efforts en vue de limiter la ségrégation à l’égard des femmes en matière de législations pénales. Cependant ces efforts restent parcellaires et ad hoc; il importe de les intensifier et de les développer dans le cadre d’une approche globale de la question. Les codes du statut personnel Les codes arabes du statut personnel, concernant les Musulmans et les non-Musulmans, témoignent de la ségrégation légalisée pour cause de genre. Dans la plupart des cas, ceci s’explique par le fait que les règles en matière de statut personnel sont principalement dérivées d’interprétations et d’édits religieux qui remontent très loin dans le temps, quand la culture dominante de la société était celle de la discrimination en matière de genre ; culture qui allait acquérir un caractère sacré et absolu dans un contexte où régna la confusion entre ce qui relevait des principes immuables de la foi religieuse et ce qui appartenait à l’histoire sociale. Néanmoins, les résultats de l’enquête de terrain menée pour les besoins de ce rapport montrent que le public arabe a, sur les questions du statut personnel, une attitude beaucoup plus émancipée, comme quand il affirme le droit de la femme au choix de son conjoint. L’absence de codification dans certains Etats Certains Etats arabes se refusent à établir une codification nationale des questions du Rapport sur le développement humain arabe 2005 statut personnel, et c’est ce qui rend difficile le changement du système légal conservateur en matière de statut personnel. Au lieu d’une telle codification, ces Etats ont laissé le soin de traiter de ces questions à la magistrature, dont l’effort d’interprétation tend le plus souvent à puiser dans le registre des idées conservatrices de la jurisprudence islamique classique. Des pays arabes comme l’Egypte, le Liban, Qatar et Bahrayn ne disposent absolument pas d’une législation unifiée en matière de statut personnel, tandis que d’autres disposent de législations unifiées en matière de statut personnel pour les Musulmans. Pour les non-Musulmans, les règles régissant leur statut personnel sont dérivées des canons communautaires ou religieux respectifs, qui sont d’une manière générale, pour les deux conjoints, très sévères sur les questions de divorce qu’elles interdisent même dans certains cas. D’une manière générale, on peut soutenir que les législations en matière de statut personnel sont beaucoup plus progressistes et plus éloignées des pratiques ségrégationnistes au Maghreb arabe qu’au Mashreq arabe. La nationalité La règle générale qui détermine la nationalité d’origine dans les législations arabes, est celle de la descendance paternelle. Autrement dit, les enfants d’un père portant la nationalité d’un Etat arabe donné acquièrent automatiquement cette nationalité. La nationalité de la mère n’est accordée aux enfants que si l’identité du père est inconnue ou s’il est apatride. Les législateurs arabes ont tout récemment oeuvré pour parer aux conséquences inhumaines du refus d’accorder la nationalité aux enfants des citoyennes mariées à des étrangers (Egypte, Algérie, Liban). Loin de la loi officielle L’environnement social est dans beaucoup de cas un facteur décisif de discrimination à l’encontre des femmes, indépendamment du contenu de la loi officielle. En raison des us et coutumes répandues dans la société à propos de ce qui convient ou non pour une épouse dévouée, décente et vertueuse de faire, RESUME nombreuses sont les femmes qui évitent d’aller devant la magistrature pour exiger leurs droits ou ceux de leurs enfants. En conséquence, les conflits conjugaux sont résolus, dans beaucoup de sociétés arabes, soit dans un cadre familial soit au moyen des canaux officieux de l’arbitrage tribal. Comme ces mécanismes sont le produit de cadres de référence masculins, culturels et de valeurs, il est évident qu’ils sont favorables aux hommes. L’egalité entre l’homme et la femme dans la conscience des juristes arabes La culture tribale arabe, qui consacre la ségrégation à l’égard des femmes, a fortement influencé les interprétations jurisprudentielles, consacrant de leur côté l’idée de l’infériorité des femmes par rapport aux hommes. Autrement dit, la dimension culturelle masculine a été un facteur décisif dans l’orientation qu’allaient prendre de telles interprétations jurisprudentielles et dans le processus qui allait les entourer de la sacralité religieuse. L’analyse des attitudes des législateurs arabes hommes révèle leur hostilité au principe de l’égalité de genre, et ce en dépit des dispositions de leurs constitutions nationales et des conventions internationales auxquelles leurs Etats ont souscrit. Souvent, l’application du principe de l’égalité de genre par l’intermédiaire des membres masculins arabes de la magistrature est confrontée à des réserves, alimentées à l’heure actuelle par le développement des courants religieux fondamentalistes et par leur influence culturelle sur la conscience des magistrats. Dans certains Etats arabes, la vision masculine des hommes de la magistrature arabe est perceptible dans leur opposition à la nomination des magistrats femmes. Il y a des indications générales qui montrent que les juges ont tendance à utiliser leur autorité discrétionnaire pour alléger ou aggraver les sentences quand la femme est concernée comme plaideur ou comme partie dans une affaire. Les échos de cette tendance à la discrimination à l’encontre des femmes se retrouvent chez bon nombre d’interprètes de la loi, une fois confrontés au principe de l’égalité devant la loi. Face à ces postures et visions, il y a un corps de la jurisprudence islamique Le public arabe a, sur les questions du statut personnel, une attitude beaucoup plus émancipée, comme quand il affirme le droit de la femme au choix de son conjoint. Les législations en matière de statut personnel sont beaucoup plus progressistes et plus éloignées des pratiques ségrégationnistes au Maghreb arabe qu’au Mashreq arabe. 23 éclairée qui interprète les textes concernés en les ramenant à leur contexte et qui a tendance à adhérer largement au principe de l’égalité entre les femmes et les hommes. Cependant, c’est la première école de pensée - c’est à dire la conservatrice - qui continue de l’emporter dans la pratique et qui trouve toujours une oreille sympathique chez les gens ordinaires, en raison de l’appui accordé à cette école par les religieux conservateurs. L’ECONOMIE POLITIQUE L’analyse des attitudes des législateurs arabes hommes révèle leur hostilité au principe de l’égalité de genre, et ce en dépit des dispositions de leurs constitutions nationales et des conventions internationales auxquelles leurs Etats ont souscrit. 24 L’économie politique influence énormément le niveau de promotion des femmes dans les pays arabes. Le mode de production ainsi que le fonctionnement économique dans les pays arabes est dominé par les économies de rente et par une croissance économique faible. Ces deux caractéristiques combinées se traduisent par la faiblesse des structures de production et par un bas niveau des taux d’expansion des économies arabes. Ceci prépare le terrain à la diffusion du chômage et de la pauvreté. Le résultat global en est la mise en place d’un type d’activité économique porteur de conséquences désastreuses sur la promotion économique des gens. D’autres conditions sociales viennent amplifier ses retombées les plus graves sur les femmes en raison de leur faiblesse dans le domaine de l’économie formelle. Parmi ces effets négatifs, il faut compter la montée des taux de chômage dans les pays arabes, notamment chez les diplômés de l’enseignement. Le chômage s’accompagne inévitablement de l’aggravation de la pauvreté, d’une plus grande injustice en matière de distribution des revenus et de la richesse, puisque la force de travail représente la ressource économique la plus importante pour la majorité écrasante des gens des économies les moins développées. La conjonction de tous ces facteurs signifie un plus grand rétrécissement du marché du travail dans tout le monde arabe et de bas taux d’expansion par la création de nouvelles opportunités d’emploi. Ce qui amplifie l’impact de ces facteurs sur le niveau du chômage, c’est la baisse du niveau de qualification de la main-d’œuvre dans le monde arabe. Cet état de fait a conduit à son tour les employeurs à faire appel à la main d’œuvre étrangère. Il est bien évident que les groupes sociaux les plus faibles, y compris les femmes, sont les plus touchés par les retombées néfastes de cette évolution. Dans des conditions où se conjuguent un marché du travail étroit, un bas niveau de création d’emplois, une expansion de l’éducation féminine, un mauvais parti pris de la société consistant à s’élever contre le travail des femmes et à donner le travail en priorité aux hommes, le chômage des femmes ne pouvait qu’augmenter, particulièrement parmi les femmes instruites, même dans des pays arabes qui font appel à des travailleurs non arabes. Nous avons assisté, dans le même temps, à un retrait de l’Etat de l’activité économique et des activités de services ainsi qu’à la limitation de l’emploi dans la fonction publique. Or ce dernier avait représenté la forme préférée d’emploi pour les femmes et un lieu de protection de leurs droits. Ainsi la région arabe abrite t-elle un phénomène détestable consistant en une abondance de capital humain féminin qualifié mais qui affiche des niveaux de chômage supérieurs à la moyenne! Les disparités des salaires en défaveur des femmes, notamment dans le secteur privé, est un autre facteur qui a affaibli d’un point de vue économique ces dernières, dans la mesure où il a réduit leurs revenus relatifs quand elles travaillent. LES ETABLISSEMENTS PUBLICS ET LES FEMMES ARABES : LA LIBERATION ET LA MARGINALISATION La nomination d’une femme à un poste ministériel est de règle dans la plupart des gouvernements arabes depuis les années 90 du siècle dernier au moins, et la pratique s’est affirmée depuis. Cependant, la participation des femmes à ces gouvernements a été symbolique (un ou deux ministres féminins dans la plupart des cas), sociale (habituellement des ministères des affaires sociales ou des ministères en rapport avec les questions des femmes), ou circonstancielle (le nombre de ministres féminins varie avec les nombreux remaniements gouvernementaux). Rapport sur le développement humain arabe 2005 Ceci dit, la représentation permanente des femmes dans les instances gouvernementales arabes est indéniablement une réalité, que l’on doit aux pressions internes, externes ou aux deux à la fois. Néanmoins, un tel progrès a des limites. Dans le cadre d’une culture dominée par l’influence masculine, la tendance est que les femmes qui occupent des postes de décision soient mises à l’écart. Alors que le nombre de femmes au parlement a augmenté, et que l’égalité des sexes s’est consolidée dans les principes des constitutions arabes, la promotion des femmes arabes demeure relativement partielle. En outre, certains Etats n’appliquent toujours pas le principe de l’égalité de genre au niveau de leurs lois électorales. D’ailleurs, le nombre de sièges parlementaires tenus par des femmes ne signifie pas nécessairement que des femmes soient démocratiquement représentées ; il se peut que cette présence soit l’expression de concessions faites à un mouvement de femmes, soutenu par l’Etat, contre d’autres femmes qui ont des postures se situant à la marge des forces politiques dominantes. Les partis politiques arabes ont fait de la cause des femmes la leur, mais leurs chemins se sont par la suite séparés. L’échec des politiques centrées sur la réforme et le changement dans la région a engendré de fortes divergences qui se sont soldées par des scissions politiques sévères. Le résultat en a été une balkanisation de la carte des politiques partisanes dans les pays arabes et l’éclatement des positions des partis politiques à propos de la question des femmes. Néanmoins, ceci n’a pas empêché ces partis d’inscrire la question des femmes au premier rang de leurs préoccupations. D’un autre côté, des changements positifs se sont produits en raison des demandes insistantes des mouvements des femmes arabes – et l’acceptation croissante des gouvernements – d’appliquer le principe des quotas comme voie d’accès des femmes aux centres de décision. Le système des quotas a également contribué à amener les femmes au sein des conseils des gouvernements locaux. RESUME Les femmes et la société civile De nombreuses législations dans les pays arabes imposent aux associations civiles à caractère féminin de ne pas intervenir dans la politique ou dans les affaires politiques. C’est là un obstacle légal à la libre expression de l’opinion et signifie qu’il s’agit de séparer la politique des activités de la société civile et de l’action citoyenne et de bienfaisance. En dépit de l’importance du soutien apporté par ces organisations et associations, pour ce qui est des services offerts, dans différents domaines, à des franges de la population féminine qui en ont besoin, les doutes subsistent quant à leur capacité à changer les rapports de forces dominants dans les sociétés arabes, rapports qui ne sont pas favorables aux femmes. Les franges de la population féminine qui subissent les plus grandes privations et qui sont les plus indigentes sont souvent hors de la portée de l’action de ces organisations. En outre, la représentation des femmes dans ces organisations, toutes positions économiques et sociales confondues, reste faible et se limite habituellement aux femmes instruites de la classe moyenne. En plus, le développement de ce type d’organisations sociales ne signifie pas nécessairement une plus grande représentation politique ou sociale des différentes franges de la population féminine. Il semble d’ailleurs que bon nombre de ces organisations ne cherchent pas fondamentalement à organiser les femmes pour défendre leurs droits et intérêts, mais plutôt des droits en général dont la satisfaction répondrait aux intérêts de toutes les femmes. Les disparités des salaires en défaveur des femmes, notamment dans le secteur privé, est un autre facteur qui a affaibli d’un point de vue économique ces dernières, dans la mesure où il a réduit leurs revenus relatifs quand elles travaillent. Alors que le nombre de femmes au parlement a augmenté, et que l’égalité des sexes s’est consolidée Les positions des différentes forces politiques sur la question des femmes arabes Les différentes forces politiques sur la scène arabe ne s’opposent pas à la promotion des femmes arabes et à leur participation politique et sociale. Elles estiment toutes que l’égalité juridique et politique des femmes est acceptable. Le problème est celui de rendre effectives ces visions dans la vie partisane et politique. dans les principes des constitutions arabes, la promotion des femmes arabes demeure relativement partielle. 25 Les POSITIONS des mouvements ISLAMISTES SUR LES FEMMES le défi posé est comment développer une vision islamique alternative des femmes qui soit capable de coexister avec des tendances différentes ou opposées et de promouvoir fortement les femmes dans le discours comme dans la réalité, non pas parce qu’il faut considérer cette promotion comme l’aboutissement de la construction de la société islamique mais en ce qu’elle en est l’une des conditions de cette construction. La position des mouvements salafistes a toujours été claire, à savoir, que la place d’une femme est d’être à la maison et que son rôle est de s’occuper de la famille. Et s’ils ont accepté le droit de vote pour les femmes par analogie avec le principe d’allégeance, ils estiment par contre inacceptable d’accorder aux femmes le droit de se présenter comme candidates aux élections et d’occuper des fonctions publiques “ saddan lil-dhara’i ” (pour éviter les pièges). Ainsi les conceptions du courant Salafiste, dans leur ensemble s’opposaient à l’efficacité et à l’activisme féminin dans la société civile. Ce courant adopte une vision de principe de la division du travail social qui cantonne les femmes aux rôles de la reproduction, de la maternité et de l’éducation des enfants, et qui met en garde contre la mixité. Le maximum que l’on peut attendre des salafistes c’est qu’ils consentent, en matière d’activité sociale des femmes, d’accepter qu’elles assurent une activité indépendante dans les domaines de l’activité civile de bienfaisance. Sur l’autre côté de la scène, le mouvement des Frères musulmans adopte une position de principe favorable à l’obtention de leurs droits politiques par femmes. Il accepte en outre, à cet égard, des interprétations élaborées par des docteurs contemporains en sciences religieuses de l’intérieur du mouvement ou proches de lui, tels que Al-Ghazali et Al-Qaradawi. Aussi, le défi posé aux islamistes à propos des femmes est comment développer une vision islamique alternative des femmes qui soit capable de co-exister avec des tendances différentes ou opposées et de promouvoir fortement les femmes dans le discours comme dans la réalité, non pas parce qu’il faut considérer cette promotion comme l’aboutissement de la construction de la société islamique mais en ce qu’elle en est l’une des conditions de cette construction. depuis le début des années 90. Une importance accrue est accordée à des questions telles que les droits de l’homme, les droits des femmes, les droits des minorités et la transition démocratique. On a ainsi assisté à une demande insistante pour l’introduction de changements dans le statut des femmes ; des pressions de plus en plus fortes se sont exercées sur les Etats arabes pour les amener à réagir positivement à ces demandes. Néanmoins la question des droits politiques des femmes est devenue pour beaucoup de dirigeants arabes une sorte de façade démocratique. Les femmes constituent la meilleure enseigne que les Etats peuvent afficher pour échapper à la critique politique des conditions antidémocratiques prévalant à l’intérieur de ces Etats, à un moment où les rapports sur les droits de l’homme et les rapports concernant la condition des femmes constituent autant de sources de pression pour les amener à engager des changements. Le Rapport observe que la nouvelle vague d’intérêt occidental pour la consolidation de la place des femmes a conduit des donateurs à financer n’importe quel(s) projet(s), pourvu que des institutions de femmes ou des personnalités féminines connues s’en chargent ou à soutenir tous les projets visant à consolider le statut des femmes. Rares sont cependant les études sérieuses entreprises pour évaluer l’impact de ces projets sur la place des femmes arabes dans leur société, au sein de la famille et par rapport à l’Etat. Mais il y a une orientation occidentale claire, et une disposition claire de la part de certains Etats arabes à l’accepter, qui consiste à renforcer la représentation des femmes sur le plan politique comme aux conseils des ministres et au parlement. A cet effet, le Rapport examine une série d’évolutions au niveau de la conscience et de la situation des femmes arabes en rapport avec l’accélération du mouvement des femmes dans le monde depuis la Conférence internationale de Pékin sur les femmes, tenue en l’an 1995. Les PRESSIONS EXTERIEURES VISANT A PROMOUVOIR LES FEMMES DANS LES PAYS ARABES L’agenda international a radicalement changé 26 Rapport sur le développement humain arabe 2005 UNE VISION STRATEGIQUE : DEUX AILES POUR LA PROMOTION DES FEMMES Traits Principaux Le Rapport souligne que la promotion des femmes arabes doit aller au-delà d’un simple embellissement symbolique qui permet à quelques femmes arabes distinguées d’occuper des positions dirigeantes dans les différents domaines de l’activité humaine, notamment dans les institutions de l’Etat. Il s’agit plutôt d’étendre cela à l’ensemble des larges masses des femmes arabes. En termes de développement humain, la promotion des femmes arabes nécessite, premièrement, d’offrir réellement leur chance à toutes les femmes arabes d’acquérir les capacités humaines, en premier lieu et tout particulièrement la santé. L’exigence fondamentale est que toutes les filles et femmes arabes doivent également pouvoir acquérir le savoir sur un pied d’égalité avec les garçons et les hommes. En second lieu, offrir toutes les chances aux femmes de participer activement, sur décision personnelle librement prise, à tous les types d’activités humaines, en dehors du cadre familial sur un pied d’égalité avec leurs homologues de sexe masculin. Il importe également d’accorder une valeur sociale appropriée au rôle que les femmes assurent au sein de la famille, en ce qu’il est une contribution indispensable à l’établissement d’une structure sociale saine capable de porter un projet de Renaissance du monde arabe. Tout ceci demande d’accorder une importance extrême à la réforme du système éducatif dans les pays arabes, afin de garantir à toutes les filles la chance d’acquérir le savoir et de l’utiliser, au sein de la famille et en dehors d’elle. En conformité avec les appels, formulés dans les rapports précédents sur le développement humain arabe, pour une réforme globale de société, basée sur l’ensemble des droits, la promotion des femmes arabes nécessite tout particulièrement : • le total respect des droits de la citoyenneté de toutes les femmes arabes ; • la protection des droits des femmes dans le domaine du statut personnel et des rapport RESUME familiaux ; • la garantie du total respect des droits et libertés personnels des femmes et en particulier leur protection contre toutes les formes de violence physique ou morale, tout au long de leur vie. L'accomplissement de ces droits exige une réforme juridique et institutionnelle profonde et à long terme, visant à mettre la législation nationale en conformité avec la composante du système international des droits de l'homme concernant la protection des droits des femmes, c'est à dire plus précisément la CEDAW. Le Rapport en appelle également à l'adoption, provisoirement, du principe de la ségrégation positive pour élargir la participation des femmes à tous les champs d'activité humaine et selon les circonstances particulières de chaque société. Ceci permettra de démanteler les structures de discrimination à l’égard des femmes constituées au long des siècles. Le Rapport envisage également la réforme de société qui permet de promouvoir le statut des femmes comme l’aile d’un oiseau s’élevant dans les airs et symbolisant l'élévation des femmes dans le monde arabe. La seconde aile, indispensable, consiste en l’existence d'un large mouvement combatif et efficace dans la société civile arabe, dans le cadre duquel se mobiliseront les femmes arabes et les défenseurs masculins de la promotion des femmes en vue d’apporter leur contribution à la réforme de société attendue et de permettre à toutes les femmes de récolter les fruits du changement et de les utiliser au service d’une renaissance des femmes arabes et de la région dans son ensemble. La Premiere Aile : La Re Forme De Societe Necessaire A La Promotion Des Femmes Ceci suppose une évolution dans les postures et la réforme des cadres culturels. Il vise tout particulièrement la modernisation de l’exégèse religieuse et l’interprétation jurisprudentielle par l’adoption, sur une grande échelle, de l’effort éclairé d’interprétation (ijtihad). Cet ijtihad en matière de fiqh, doit se libérer des carcans des institutions religieuses existantes, de leurs personnages, pour devenir un droit et Les femmes constituent la meilleure enseigne que les Etats peuvent afficher pour échapper à la critique politique des conditions antidémocratiques prévalant à l’intérieur de ces Etats, Le Rapport envisage également la réforme de société qui permet de promouvoir le statut des femmes comme l’aile d’un oiseau s’élevant dans les airs et symbolisant l'élévation des femmes dans le monde arabe. 27 un devoir, exercés par tout savant musulman qui a la capacité d’intervenir sur les questions religieuses, qu’il soit femme ou homme. Les efforts visant à surmonter les obstacles inhérents aux différentes attitudes doivent s’étendre à l’élaboration de nouveaux programmes et instruments d’éducation sociale favorables à l’égalité de traitement entre les sexes. Ces efforts doivent s’associer aux médias pour faire connaître les dispositions de la CEDAW au public. Les efforts visant à surmonter les obstacles structurels comporteront des réformes politiques et législatives profondes dans les domaines retenus dans ce rapport. Les dernières concerneront singulièrement les fonctions de la magistrature à tous les niveaux, les fonctions politiques, administratives, locales, académiques et les autres postes de direction. Il est indispensable, tout particulièrement, de veiller à la diffusion de la culture de l’égalité et du respect des droits de l’homme parmi les hommes de la magistrature et tous ceux qui ont en charge l’application de la loi. Cette première aile abordera également la question de la justice sociale, en vue de réduire l’extension du champ de la pauvreté de revenu ; ceci doit se faire à travers le soutien au développement économique et la réalisation d’une plus grande justice en matière de répartition des revenus. Elle cherchera en même temps à faire face au développement de la pauvreté humaine, au sens de privation des capacités humaines et de leur utilisation efficace. Et parmi les mécanismes les plus importants de réalisation simultanée de la justice sociale et de la lutte contre la pauvreté humaine, il y a l’augmentation des dépenses pour l’éducation, la santé et les filets de sécurité sociale. Enfin, l’une des priorités, inscrite sous cette aile, est la lutte contre toute tentative de bafouer la liberté personnelle des femmes. Ceci demande d’approfondir la conscience que la violence contre les femmes quelles qu’en soient les formes est une atteinte à leur humanité. D’où la nécessité d’appliquer les lois qui criminalisent la violence contre les femmes, et que l’Etat et la société civile aménagent des lieux sûrs pour accueillir les femmes victimes de violence. 28 La deuxieme aile : un mouvement social capable de mener a bien le travail de promotion des femmes Le Rapport estime que la promotion des femmes ne peut pas être détachée de l’existence d’un mouvement large et efficace dans la société civile arabe visant à réaliser le développement humain pour tous. Un tel mouvement sera l’instrument qui permettra aux femmes arabes et à leurs appuis masculins d’atteindre la promotion des femmes dans le monde arabe. Ce mouvement sera constitué de deux niveaux. Le premier se situe à l’échelle nationale et implique toutes les composantes de la société, dans chaque pays arabe. Le second est à caractère régional et concerne tout le monde arabe ; il se basera sur les réseaux transfrontières, ce qui permettra de garantir la coordination des efforts nationaux et de les appuyer dans la perspective de l’émergence d’un mouvement arabe général pour la promotion des femmes arabes, en tirant profit dans ce sens des nouvelles technologies d’information et de communication. Le mouvement donnera naissance, dans le monde arabe, à des organisations actives de la société civile, liées aux organisations internationales, politiquement neutres, et aux organisations des Nations Unies oeuvrant dans le domaine du progrès des femmes. Ce mouvement se concentrera, dans un premier temps, sur deux ensembles de priorités: 1.Mettre fin à la privation des femmes en matière de santé, et en matière d’accès au savoir par l’instruction La protection sanitaire Il s’agit de garantir que toutes les femmes bénéficient des services de santé, dans l’acception positive et intégrale du terme. Ainsi, l’orientation générale consistant à assurer la santé positive pour tous, comme partie intégrante du développement humain, englobe automatiquement la nécessité de s’occuper tout spécialement des besoins des personnes indigentes en général et des femmes en particulier. Il est important à cet effet de Rapport sur le développement humain arabe 2005 mettre en application les recommandations du Rapport sur la réduction de la pauvreté et notamment la pauvreté humaine. Mettre fin au reniement du droit des filles et des femmes à l’éducation L’élimination définitive du reniement du droit humain des filles et des femmes à l’éducation, sur une période qui ne dépasse par exemple pas dix ans est un objectif au sujet duquel on doit être intraitable. C’est pourquoi, le mouvement de promotion des femmes, dans ses composantes officielle et civile, nationale et arabe, est appelé à s’engager sur un programme sérieux, avec un agenda qui ne dépasse pas dix ans, pour éradiquer définitivement, dans tous les pays arabes, les manifestations de privation des filles et des femmes de leur droit à l’éducation. On entend par programme précisément l’éradication de l’analphabétisme des femmes et l’accomplissement de toutes les structures de l’instruction de base d’ici l’année 2015. 2. Démonter les obstacles qui empêchent les femmes d’investir leurs capacités comme elles l’entendent Les priorités de cet axe central incluent les points suivants : • Augmenter rapidement les taux de développement économique en créant des opportunités de travail à grande échelle. L'augmentation significative du prix du pétrole au cours des dernières années constitue une source de revenu qui est aussi une chance historique de développement des économies arabes à travers la diversification et l’amélioration de l’infrastructure productive. • S’attaquer aux entraves culturelles à l'emploi des femmes de leurs pleines capacités dans tous les domaines du développement humain, choisis librement par elles. • Garantir l'égalité constitutionnelle, juridique et réglementaire en matière d’accès aux opportunités d’emploi, pour toute personne qui le désire, indépendamment du genre. • Garantir que les femmes bénéficient des conditions de travail appropriées dans le respect de leur dignité humaine, et si RESUME nécessaire, recourir à une discrimination positive, pour sauvegarder les fonctions familiales des femmes, sans toutefois leur faire payer de tels avantages en diminuant les privilèges de travail qu’elles ont vis-à-vis des hommes. • Construire des mécanismes d'un marché du travail efficace et moderne aux niveaux régional et national, ouvert aux femmes et aux hommes sur un même pied d’égalité. CONCLUSION Ce Rapport soutient que la promotion des femmes constitue, en réalité, une condition sine qua non de la Renaissance arabe, qui est indissociable et intimement lié au devenir du monde arabe et à l’accomplissement du développement humain en son sein. En dépit de l’égalité en droits des femmes arabes, en vertu du droit international, de leurs talents prouvés, des réalisations qui ont été les leurs dans différents domaines d’activité humaine et de leurs contributions inestimables au progrès de la famille et de la société, beaucoup de ces femmes ne bénéficient pas des encouragements nécessaires pour développer leurs capacités et les employer sur un même pied d’égalité avec les hommes. Des facteurs culturels, légaux, sociaux, économiques et politiques les empêchent d’avoir les mêmes possibilités d’accès à l’éducation, à la santé, aux opportunités de travail, aux droits de citoyenneté et à la représentation dans la vie publique. Dans la vie privée, les modèles traditionnels d’éducation, les pratiques discriminatoires au sein de la famille et les dispositions des codes du statut personnel se conjuguent pour consolider la perpétuation de l’inégalité et l’oppression qui touchent les femmes. A un moment où le monde arabe a besoin de bâtir les capacités de ses citoyens et de les libérer, la moitié de ses potentialités humaines reste dans la plupart des cas étouffée ou négligée. L’adoption provisoire du principe de ségrégation positive est légitime et impératif, sur le court terme, pour élargir la participation des femmes dans les différents domaines de l’activité humaine et pour lever la ségrégation qui a visé les femmes pendant des siècles. l’orientation générale consistant à assurer la santé positive pour tous, comme partie intégrante du développement humain, englobe automatiquement la nécessité de s’occuper tout spécialement des besoins des personnes indigentes en général et des femmes en particulier. L’élimination définitive du reniement du droit humain des filles et des femmes à l’éducation, sur une période qui ne dépasse par exemple pas dix ans est un objectif au sujet duquel on doit être intraitable. 29 La promotion des femmes constitue, en réalité, une condition sine qua non de la Renaissance arabe, qui est indissociable et intimement lié au devenir du monde arabe et à l’accomplissement du développement humain en son sein. 30 Cependant, une avancée générale des femmes arabes nécessite l’accélération du rythme des réalisations et l’extension des acquis à travers un projet collectif de Renaissance : une grande transformation historique qui mobilise la société arabe tout entière et qui vise à garantir le droit de citoyenneté à tous les Arabes, femmes et hommes à la fois. Les auteurs du Rapport forment le souhait que la transformation qu’ils appellent de leur vœu se réalise conformément à l’alternative pour l’avenir, privilégiée par le Rapport, c’est à dire le “ Processus de la prospérité humaine ” (izdihar), basé dans les sociétés arabes sur un processus pacifique de négociation dans l’optique de la redistribution de la puissance et la construction d’un système de bonne gouvernance qui respecte les libertés clés, d’opinion, d’expression et d’association. Ceci conduira à l’émergence d’une société civile dynamique, efficace et utile qui sera à l’avantgarde du processus pacifique de négociation, évitant ainsi le désastre contre lequel le Rapport a mis en garde et qui se profile à l’horizon, au vu des nuées chargées qui s’accumulent dans le ciel de plus d’un pays arabe occupant une place centrale. Rapport sur le développement humain arabe 2005 Première partie : Les Évolutions Du Développement Humain Dans Le Monde Arabe Depuis La Publication Du Troisième Rapport Première partie : Les évolutions du développement humain dans le monde arabe depuis la publication du troisième rapport Introduction La première partie du quatrième Rapport sur le développement humain arabe (2005) présente une recension et une évaluation des évènements qui se sont déroulés sur les plans nationaux, régional et international, considérés par l’Equipe du Rapport comme ayant eu un impact important sur l’ensemble du processus de développement humain dans le monde arabe depuis la parution du troisième rapport de cette série. La recension des évènements dans le troisième rapport s’est arrêtée au milieu de l’année 2004. Aussi cette recension commencera t-elle ici à partir de cette date et couvrira la période qui s’achève avec le mois de janvier 2006. Cette partie du rapport est dominée par la problématique la plus urgente dans le monde arabe aujourd’hui, et sur laquelle le troisième Rapport sur le développement humain arabe a été centré, il s’agit de la question de la réforme dans le monde arabe. Les rapports successifs sur le développement humain arabe ont provoqué un large débat autour de la problématique de la réforme dans le monde arabe, approfondi la conscience de la question, à telle enseigne qu’il n’y a plus personne à l’intérieur ou à l’extérieur du pouvoir pour oser de nos jours discuter la nécessité d’entreprendre une telle réforme. Le débat s’est déplacé vers la nature de la réforme escomptée. Des initiatives de réforme ont ainsi vu le jour, elles ont été le fait des régimes arabes eux-mêmes ou de puissances internationales, et ce bien qu’elles aient été différentes dans leurs objectifs comme dans leurs contenus. Sur un autre plan, les forces de changement dans tous les pays arabes ont accentué leurs revendications pour la mise en œuvre d’une réforme véritable qui ne consiste pas en de simples dispositifs formels mais qui s’attaque au fond des problèmes des pays arabes que sont l’oppression politique, la marginalisation des gens et l’absence des conditions de la bonne gouvernance. Dans la mesure où les perspectives du développement humain dans le monde arabe et les occasions de sa mise œuvre sont fortement liées à la réalisation de la réforme qui construit une bonne gouvernance fondée sur le respect des droits humains et la garantie des libertés, nous entamerons ce chapitre en observant l’action des principaux acteurs de la scène arabe, plus précisément les forces de la société civile et les gouvernements arabes, pour évaluer l’impact de ladite action sur le processus de changement. Nous exposerons ensuite l’impact des changements survenus dans l’environnement régional et mondial sur les occasions de mise en œuvre du développement humain dans les pays arabes. Nous terminerons par décrire certaines évolutions positives advenues en matière de promotion des femmes, de respect des droits et des libertés et de consolidation des fondements de la société du savoir. Le contenu du processus de réforme conformément au Rapport sur le développement humain arabe et la place des courants islamistes dans ce processus La réforme politique, vaste et profonde, conduisant à l’émergence de la société de la liberté et de la bonne gouvernance est la voie conduisant à la constitution de la société de liberté au sens global qui équivaut au Les évolutions du développement humain dans le monde arabe depuis la publication du troisième rapport 33 L’exclusion de toute force de la société est, par principe, foncièrement contraire aux principes de la démocratie ; de surcroît, l’expérience dans la région arabe montre que l’exclusion d’une force importante de la société peut conduire aux affres de la guerre civile que personne ne peut accepter. Aucune force politique qui se respecte dans le monde arabe ne peut faire semblant d’ignorer que la religion, particulièrement l’islam, est un élément crucial du tissu culturel et spirituel du peuple arabe. 34 développement humain (Troisième Rapport sur le développement humain arabe). La condition indispensable au déclenchement de ce processus de réforme et pour en garantir la réussite est le respect total et catégorique des libertés clés : les libertés d’opinion, d’expression et d’association au sein de la société civile, dans son acception large qui réunit la société civile et la société politique au sens des définitions conventionnelles. La seconde condition d’efficacité du processus de réforme est que la participation constitue l’essence même du processus démocratique ; autrement dit, le processus politique doit associer toutes les forces de la société, notamment celles qui sont créditées d’un fort ancrage populaire. L’exclusion de toute force de la société est, par principe, foncièrement contraire aux principes de la démocratie ; de surcroît, l’expérience dans la région arabe montre que l’exclusion d’une force importante de la société peut conduire aux affres de la guerre civile que personne ne peut accepter. La troisième condition est que la participation au processus de réforme doit être conditionnée par le respect par toutes le parties des principes de liberté et des droits humains. Ceci suppose plus précisément que l’architecture légale et institutionnelle du processus de réforme, et enfin de compte de la société de la liberté et de la bonne gouvernance, garantisse qu’une majorité, quelle qu’elle soit, même si elle est élue démocratiquement, n’impose pas au reste de la société une domination qui contredit les principes de liberté et de bonne gouvernance. Les différences de position par rapport à ces trois conditions semblent représenter le principal clivage entre les réformistes arabes, d’une part, les régimes arabes et les initiatives extérieures de réforme, d’autre part. De telles questions se posent tout particulièrement eu égard à la montée en puissance des courants islamistes sur la scène politique arabe. Malheureusement, le traitement de ces questions est parfois d’un simplisme dommageable. La première vérité à considérer à ce sujet est qu’aucune force politique qui se respecte dans le monde arabe ne peut faire semblant d’ignorer que la religion, particulièrement l’islam, est un élément crucial du tissu culturel et spirituel du peuple arabe. Et toutes les forces qui ont pratiqué la politique dans les pays arabes sans comprendre cet enseignement ont fini à la marge du politique, si ce n’est pire, quand bien même aurait-elles parfois à leur crédit des performances momentanées. Il est utile de rappeler ici l’une des conclusions importantes du troisième Rapport sur le développement humain arabe à propos de la liberté et de la gouvernance. Cette conclusion est qu’il n’y a pas de contradiction fondamentale entre l’existence la société de la liberté et de la bonne gouvernance et les finalités universelles de la shari’a islamique. Mais la mise en place de ce type de société dans le monde arabe nécessite le développement de l’analyse critique dans le domaine de la jurisprudence islamique (ijtihad fiqhi) en vue de poser les règles de concordance entre la liberté au sens général du terme, qui englobe à la fois la liberté de la nation et celle du citoyen, et les finalités universelles de la shari’a islamique, en dépassement de nombreuses interprétations qui se sont multipliées aux époques de la décadence et qui sont venues consacrer l’oppression et le despotisme. La réouverture le plus largement possible de la porte de la réflexion jurisprudentielle (ijtihad) indépendante, son encouragement et sa consolidation est une exigence fondamentale si l’on veut que se produise le mariage créatif entre la liberté dans son acception globale contemporaine et les finalités universelles de la loi islamique (sharia). Il importe d’ajouter que les courants islamistes qui en appellent à la renaissance du monde arabe se doivent d’inscrire dans leur agenda, et de considérer comme étant de leur responsabilité, le devoir de jouer un rôle d’avant-garde par rapport à cette exigence. La deuxième vérité que nous ne devons pas oublier est que les courants islamistes forment un large éventail avec une extrême diversité interne. Il est vrai qu’il existe des groupes d’islamistes d’un radicalisme extrême qui ne s’inscrivent pas dans la logique du changement pacifique, choisissent de recourir à la violence brutale pour atteindre leurs fins et n’hésitent pas à terroriser les innocents. Aussi ces groupes Rapport sur le développement humain arabe 2005 se sont-ils eux-mêmes exclus du camp de la réforme arabe. Toutefois, c’est auprès de ces groupes égarés par rapport aux chemins des réformateurs arabes, qui ne le considèrent d’ailleurs pas comme faisant partie des groupes oeuvrant à la construction de la société de la liberté et de la bonne gouvernance, que certains médias occidentaux et certains cercles officiels puisent leurs stéréotypes qu’ils généralisent à l’ensemble de l’Islam et des musulmans sous l’appellation d’ “ islam jihadiste ” et qu’ils accusent de “ terrorisme ”. Il n’y a pas plus éloigné de la vérité que cette superficialité condamnable. La majorité écrasante des courants islamistes dans les pays arabes représentent de larges forces de la société avec un profond ancrage populaire, lequel est l’aboutissement d’une action sociale et politique menée sur plusieurs années parmi les petites gens. A titre d’exemple on peut citer le mouvement des “ Frères musulmans ” en Jordanie et en Egypte, le Mouvement de la résistance islamique “ Hamas ” et le Parti de la justice et du développement “ PJD ” au Maroc. Parmi ces mouvements, il y en a qui, en raison de leur activité d’opposition, subissent toutes les formes d’oppression et de souffrance, exercées sur eux par les systèmes de pouvoir en place et par l’occupation étrangère comme c’est le cas en Palestine.1 Il faut reconnaître que les positions de ces courants du centre ont connu une évolution importante durant les cinq dernières décennies sur des questions vitales de société comme celles du respect des droits humains et de la bonne gouvernance/démocratie, ce qui fait qu’ils ne peuvent, une fois au pouvoir, prétendre à un pouvoir théocratique. Les cas de la Jordanie et du Maroc et, de la Turquie bien que dans un cadre différent, confirment ce point de vue. Mieux encore, d’aucuns estiment que la participation de ces courants au pouvoir peut conforter leur caractère civil et non religieux. En outre, nombreux sont les courants de cette mouvance du centre qui connaissent en leur sein l’émergence remarquée d’une nouvelle 1 génération de dirigeants éclairés, relativement plus jeunes. Cette génération est de plus en plus présente à la tête de leur structures organisationnelles. De plus on assiste à une dynamique qui s’amplifie au niveau de la base la plus large de ces organisations en faveur de plus de démocratie interne. Néanmoins, cette évolution positive ne signifie pas que ces courants du centre ont levé toutes les craintes des autres forces de la société dans les pays arabes quant à l’impact négatif sur la liberté et la bonne gouvernance que risquerait de produire leur arrivée au pouvoir. En effet des questionnements importants subsistent au sujet de la position de ces courants sur des questions comme la garantie des droits des femmes, notamment en matière de statut personnel, et les droits civiques et politiques des groupes et cultures minoritaires, particulièrement les minorités religieuses. C’est pourquoi se fait ressentir le besoin de l’ijtihad en vue d’aboutir, comme nous l’avons déjà souligné, à une totale concordance entre les finalités universelles de la shari’a islamique et la société de liberté et de bonne gouvernance, ainsi que l’adoption par ces courants des résultats de cet effort d’interprétation. Une telle exigence nous amène à parler d’une autre composante au sein des courants islamistes, qui est elle opposée à l’islam “ jihadiste ”. Il s’agit d’un groupe de ulama qui font preuve d’indépendance d’esprit dans le travail d’interprétation et qui oeuvrent avec patience et détermination à l’établissement de la concordance demandée entre les finalités universelles de la shari’a islamique et la société de la liberté, ce qui les place au cœur même du camp de la réforme arabe. Ils proposent par exemple, dans l’optique de l’interprétation islamique éclairée, de fonder le pouvoir sur la volonté populaire, de garantir et de respecter les droits civiques et politiques des femmes et des groupes minoritaires. Le rapport sur le développement humain arabe a essayé de faire connaître le fruit de cet effort d’interprétation, mais malheureusement, cette composante de l’islamisme et les conclusions de ses travaux Owen Poket , The Guardian (2003) ( La visite a eu lieu le premier mai 2006) http://www.guardian.co.uk/alqaida/story/0,12469,881096,00.htm Human Right Watch (2005) (La visite a eu lieu le premier mai 2006) http://hrw.org/reports/2005/egypt0505/2.htm La majorité écrasante des courants islamistes dans les pays arabes représentent de larges forces de la société avec un profond ancrage populaire, lequel est l’aboutissement d’une action sociale et politique menée sur plusieurs années parmi les petites gens. En effet des questionnements importants subsistent au sujet de la position de ces courants sur des questions comme la garantie des droits des femmes, notamment en matière de statut personnel, et les droits civiques et politiques des groupes et cultures minoritaires, particulièrement les minorités religieuses. Amnesty Intrnational (2001) (La visite a eu lieu le premier mai 2006) http://web.amnesty.org/report2001/webmepcountries/PALESTINIAN+AUTHORI TY?OpenDocument Les évolutions du développement humain dans le monde arabe depuis la publication du troisième rapport 35 La position de principe, adoptée par le troisième Rapport sur le développement humain arabe consiste à respecter les résultats de la volonté populaire exprimée lors d’opérations démocratiques saines, telles que les élections honnêtes. La crise générale a conduit à des processus de démêlement, de renouvellement et de naissance de nouvelles initiatives et formes de faire et de mener une activité. restent peu connues, notamment au niveau des cercles du pouvoir à l’étranger. L’une des problématiques qui risque de ralentir le processus de réforme dans les pays arabes réside dans les réactions négatives auxquelles peuvent conduire les résultats du processus de réforme politique qui pourraient ne pas être du goût des forces hégémoniques à l’intérieur et à l’extérieur du monde arabe. A titre d’illustration de cette problématique, on peut noter le rejet par certains régimes arabes et certaines puissances internationales de l’écrasant succès du Mouvement de la résistance islamique (Hamas) lors des législatives palestiniennes qui ont été, de l’avis de tous, libres et honnêtes. Des réactions similaires ont été enregistrées à la suite des succès réalisés par le mouvement des “Frères musulmans” en Egypte lors des dernières élections législatives, particulièrement lors du premier tour marqué par une marge relativement importante de liberté et d’honnêteté. Le refus de certains défenseurs de la réforme à l’intérieur et à l’extérieur du monde arabe d’admettre les résultats de l’expression libre et honnête de la volonté populaire est devenu l’une des entraves à la réforme. La position de principe, adoptée par le troisième Rapport sur le développement humain arabe à ce sujet consiste à respecter les résultats de la volonté populaire exprimée lors d’opérations démocratiques saines, telles que les élections honnêtes. Le printemps de la réforme arabe n’a pas encore fleuri De nombreux observateurs ont salué quelques évolutions auxquelles a conduit la dynamique sociopolitique dans les pays arabes et qui ont eu lieu après l’achèvement du travail de préparation du Rapport sur le développement humain arabe pour l’année 2004. Ils les ont pris pour l’expression de prémices importantes d’un mouvement de réforme arabe qu’ils ont qualifié, dans un style romantique, de “ printemps arabe ”. Néanmoins, il nous semble difficile, dans une vision de liberté et de bonne gouvernance, telle que proposée par le précédent Rapport sur le développement humain arabe, de pouvoir qualifier les évolutions, que la scène arabe a connues depuis l’achèvement de la préparation dudit Rapport, d’expression d’une large et profonde réforme telle que voulue par le rapport. Ce serait même ignorer la réalité que de considérer ce qui s’est passé comme des prémices solides d’un processus devant aboutir à cette réforme large et profonde. Les nuées de “ l’automne arabe ” n’ont toujours pas disparu, en dépit de l’amplification de la vague de protestation contre le pouvoir et l’accentuation de la revendication d’une réforme radicale de la part des citoyens dans les différents pays arabes. L’amplification des luttes de la société civile2 L’activité des organisations de la société civile a connu une forte poussée durant la période passée ; poussée qui représente presque un saut qualitatif dans la manière de faire de ces organisations, dans leurs champs d’action et de leur impact. En outre, ces organisations se sont associées aux mouvements politiques et ont même, parfois, pris la direction d’actions pour le changement politique. Une telle transformation a été aussi marquée par la confirmation d’une présence dense et courageuse lors de manifestations de rues ainsi que par une action visant à arracher le droit d’expression, à travers la presse indépendante ou au moyen des chaînes satellitaires, des colloques et des rencontres publiques et privées. Plus important encore est l’usage efficace fait par ces organisations des nouvelles technologies de l’information et de la communication pour faire passer leurs opinions et communiquer. La crise générale a conduit à des processus de démêlement, de renouvellement et de naissance de nouvelles initiatives et formes de faire et de mener une activité. Cette grande transformation s’est illustrée de manière éclatante en Egypte où la scène politique a connu des transformations importantes pour ce qui est du mode d’action publique, ce qui a été largement apprécié 2 Nous adoptons ici, comme dans le troisième Rapport sur le développement humain arabe, un concept élargi de la société civile qui intègre les deux concepts conventionnels de société civile et de société politique. 36 Rapport sur le développement humain arabe 2005 par le public. En effet, Les derniers mois de 2004 ont été marqués par la constitution du “ Mouvement égyptien pour le changement ”, connu par son mot d’ordre “ kifaya ”(ça suffit !), devenu une sorte de marque du mouvement, qui traduit sa revendication de ne pas permettre la réélection du Président de la République ou le transfert du pouvoir à son fils. Les mots d’ordre “ Non à la prolongation ” (du mandat présidentiel) “ non à la succession par héritage ” ont gagné le soutien de larges pans de la société égyptienne ; des manifestations de soutien à ces mots d’ordre se sont ainsi répétées dans les villes égyptiennes. Le mouvement a eu dans ses rangs des personnalités de toutes les couleurs politiques et a gagné à lui le soutien de la plupart des principaux partis politiques, des syndicats et des organisations professionnelles. D’autres forces de l’opposition ont rejoint le camp des manifestants. Vient en tête de ces forces la Jamaa des Frères musulmans qui a organisé des manifestations monstres, réprimées par les forces de sécurité ce qui a provoqué le décès d’une personne. Des mouvements revendiquant la réforme ont vu le jour dans les milieux des professeurs universitaires, des avocats, des journalistes, des écrivains et des artistes. Et diverses composantes des forces d’opposition ont tissé d’autres formes d’alliance, dont les plus importantes sont “L’Union nationale pour le changement démocratique” et “L’Alliance nationale pour la Réforme et le changement”. Le Liban a connu, après l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafik Al-Hariri, un souffle populaire avec une participation de la plupart des couleurs politiques, de larges secteurs des organisations de la société civile et des mouvements politiques. La compétition publique directe et pacifique qui s’est produite au Liban entre différents programmes et conceptions politiques a poussé un grand nombre de Libanais à intégrer la vie politique et civique. Malgré le poids de l’héritage politique et confessionnel, les voix qui en appellent à la modernisation des structures de l’Etat et des institutions de la société, sur des bases civiles pour que la citoyenneté occupe la place nécessaire qui lui sied, est aujourd’hui une partie prenante du conflit quotidien et des discussions publiques. Au Bahrayn, des associations politiques et des organisations civiles ont mené une large campagne de protestation en demandant l’accélération du rythme de la réforme politique, et refusant du même coup les amendements constitutionnels de l’année 2002. En avril 2005, plus de 30 associations et organisations politiques et civiles ont signé un communiqué où elles rejettent le projet de loi antiterroriste, considérant qu’il sape largement les libertés publiques et personnelles et menace les acquis obtenus par le peuple du Bahrayn durant les quatre dernières années en matière de liberté d’expression, d’opinion et de mouvement politique et social. Des informations concernant des mouvement similaires à celui de “ kifaya ” sont parvenues d’autres pays arabes comme “ irhalou ! ” (Allez-vous en !) au Yémen et “ Khalas’ ” (y’en a assez ! ) en Libye. En Syrie, des forces politiques importantes de l’opposition ont publié avec des personnalités de premier plan, civiles et de la culture, “ La Déclaration de Damas ” qui se veut un document d’unification de ceux et celles qui revendiquent le changement démocratique, après la tenue du Congrès du parti au pouvoir qui a fixé le plafond du changement à des modifications limitées en évitant d’aborder les questions de fond comme la démocratisation de la Constitution, l’abandon de l’usage du référendum pour le choix du candidat unique à la présidence et l’adoption du principe de l’alternance pacifique au pouvoir. Au Kuweit, un groupe d’islamistes a annoncé en janvier 2005 la formation du “ Parti de la umma ”, comme premier parti politique déclaré au Kuweit. Il tentent ainsi d’arracher le droit de constituer des partis car ils estiment que la constitution le garantit alors que le gouvernement l’interdit. Au Soudan, un grand mouvement des organisations civiles et politiques s’est produit dans le sillage de la tendance à l’application de l’accord de paix et l’adoption d’une nouvelle constitution garantissant les libertés publiques. La plupart des partis politiques qui étaient interdits ont repris leur activité légale, et les organisations de la société civile ont déployé leur activité sur tous les plans. Mais le gouvernement continue de s’efforcer d’étouffer Les évolutions du développement humain dans le monde arabe depuis la publication du troisième rapport 37 l’activité civile d’opposition en ayant recours à de nouveaux instruments, dont le plus en vue consiste à inciter ses soutiens à provoquer leurs adversaires, comme ce fut le cas quand des étudiants soutenant le gouvernement ont mis le feu aux bâtiments de l’Université Oum Darman pour empêcher la tenue des élections de l’Union des étudiants ; le gouvernement craignait alors de voir l’opposition les emporter. En Jordanie, les syndicats ont mené une campagne de protestation contre le nouveau projet de loi sur les syndicats professionnels qui dispose que ces derniers devaient obtenir l’autorisation préalable du ministère de l’Intérieur avant de pouvoir tenir des assemblées générales et des réunions et leur impose de ramener les sujets de discussion, dans toutes leurs réunions professionnelles, leurs conseils et lors des réunions de leurs commissions, aux “ questions strictement professionnelles ”. Les syndicalistes ont estimé que cette loi allait fermer l’une des fenêtres ouvertes sur la libre expression et la liberté de réunion devant les affiliés aux syndicats dont le nombre dépasse les cent cinquante mille membres. S’agissant de l’Arabie Saoudite, plusieurs organisations, arabes et internationales, des droits de l’homme ont demandé la relaxe de détenus qui ont purgé leurs peines.3 De nombreuses organisations ont sollicité l’accord du Roi Abdullah à l’occasion de son accession au trône pour former une commission de suivi de la situation des détenus politiques. Il faut rappeler que le roi a promulgué le 8 août 2005 une grâce spéciale en faveur de quatre initiateurs de la réforme4 et a demandé qu’un certain nombre d’hommes de religion soient chargés d’ouvrir une discussion avec des détenus poursuivis pou incitation à la violence ou pour en avoir fait usage, afin de parvenir par le dialogue et l’amabilité, au rejet de la violence civile. Parmi les traits saillants de la nouvelle dynamique on peut remarquer, en plus de l’émergence de mouvements populaires qui ont pu réunir des personnes de couleurs politiques diverses et différentes, une tendance à la pluralité de l’action civile. Une telle tendance s’est traduite par des tentatives de constitution de syndicats parallèles à ceux qui sont tombés sous la domination officielle, ce qui peut être considéré comme l’expression d’une protestation devant le fait que les syndicats en place soient tombés sous le contrôle officiel ou qu’ils aient perdu de leur efficace, en confirmation de l’idée de la diversité syndicale et civile. On peut également observer, durant cette période, que les activistes de la société civile et de ses organisations ont poursuivi leur action de construction, de mise en œuvre et d’activation des réseaux qui consolident la solidarité et la coopération entre ces organisations dans tout le monde arabe ; que ces structures agissent pour les droits civiques, sociaux, économiques ou environnementaux ou encore pour la lutte contre la corruption. L’action du Centre arabe des sources et de l’information sur la violence contre la femme (AMMAN), ((http://www.amanjordan.org/english/index. htm) en Jordanie s’est ainsi vue renforcée par plusieurs sites d’information et d’analyse qui permettent d’arriver à une intelligence commune des événements et d’établir des ponts pour assurer une meilleure coopération entre les organisations non gouvernementales comme le Réseau arabe d’information sur les droits de l’homme (HRinfo) (http://www. hrinfo.net/en/), le Réseau des sites des organisations humanitaires et de bienfaisance (IBH) (http://www.ibh.fr/english%20index/ english.htm), le site “ Sada ”(écho) de défense des droits et libertés (http://perso.wanadoo.fr/ taysiralony/) et le Réseau euro–méditerranéen des droits de l’homme (REMDH) (http://www. euromedrights.net/). La tendance qui s’affirme au niveau de ces structures est celle de dépasser l’organisation d’activités communes sur le plan arabe pour la constitution de groupes de pression communs, arabes et internationaux. On peut soutenir que la dynamique de la société civile et de ses organisations a commencé, en fin de compte, à s’orienter dans une nouvelle direction que caractérise plus de vitalité et une plus grande confiance en soi, ce qui représente une avancée réelle 3 La commission arabe des droits de l’homme a publié une liste qui n’est pas définitive comprenant 120 détenus qui ont fini par purger leurs peines en mars 2005. 4 38 Matrouk AL-Faleh, Abdallah al-Hamed, Ali Dmini et Abd ar-Rahman al-Lahem. Rapport sur le développement humain arabe 2005 vers l’activation du travail civil et la réalisation d’une des plus importantes conditions de la transition démocratique dans le monde arabe. Le discours mensonger sur la réforme Des régimes arabes ont annoncé le lancement de programmes de réforme politique. Mais la plupart des initiatives de réforme n’ont constitué qu’une infime partie de l’agenda de la réforme, laquelle doit représenter une évolution sérieuse dans le sens de la société de la liberté et de la bonne gouvernance. D’autres aspects de la réforme ont été vidés de leur contenu escompté en raison des entraves et des “ règles ” qui assurent la reproduction du système d’étouffement de la liberté. Les autorités de pays qui prétendent s’inscrire dans la réforme se sont évertuées à poursuivre leurs violations graves des droits des défenseurs de la réforme. D’aucuns considèrent que la prétention réformiste est devenue une sorte de paravent qui sert à couvrir la pérennisation des structures despotiques actuelles. Une vague d’élections majoritairement défaillantes Le modèle de liberté et de bonne gouvernance, retenu par le troisième Rapport sur le développement humain arabe, comporte l’idée du choix populaire de représentants devant siéger dans les institutions du pouvoir, à condition que les élections soient libres et honnêtes et que la citoyenneté pour tous soit assurée, dans le cadre d’une société qui garantisse la liberté du choix rationnel parmi plusieurs alternatives que le citoyen peut étudier à travers le débat de société, public et libre. Aussi faut-il fêter toute élection se tenant dans le monde arabe et réunissant de telles conditions de sincérité. Néanmoins, la bonne gouvernance, telle que définie dans le troisième Rapport, ne se réduit pas à la tenue d’élections, fussent-elles dénuées de faiblesses. En effet des “ dispositifs démocratiques ” peuvent coexister avec diverses Une femme brillante : Hanane Achraoui Diplomate palestinienne, négociatrice et professeur d’université. Elle a réussi sa licence de littérature anglaise à l’Université américaine de Beyrouth et obtenu son doctorat en littérature du Moyen âge à l’Université de Virginie en 1971. Son activité s’est déployée dans un nombre d’institutions palestiniennes, y compris l’Union générale des femmes palestiniennes au Liban (1967-1972), le Centre palestinien d’information dépendant de l’Organisation de libération de la Palestine (1968-1970). Les autorités israéliennes d’occupation lui ont interdit de retourner en Cisjordanie durant la période 1967-1973. Après son retour, elle enseigna comme professeur de littérature anglaise à l’Université de Bir Zeit (1974-1995) où elle occupa le poste de doyen de la Faculté des Lettres de 1986 à 1990, en sa qualité de première femme à occuper ce poste à l’université. Hanane est devenue célèbre après sa nomination comme porte-parole officielle lors des négociations de la Conférence internationale pour la paix de Madrid en 1991, à l’occasion de laquelle elle a révélé ses talents linguistiques et sa grande capacité à parler à l’Occident et à défendre les causes de son peuple devant les représentants des médias. Elle est élue, en 1996, membre du Conseil législatif palestinien en sa qualité de représentante de la ville d’Al-Qods. Elle occupa le poste de ministre de l’Enseignement supérieur pour quelques temps. Elle a été remarquée par son opposition à certaines politiques de l’Autorité palestinienne en matière de négociations et par sa défense des principes de démocratie et de bonne gouvernance. Elle démissionna de l’Autorité palestinienne pour constituer une organisation non gouvernementale, “ L’Initiative palestinienne pour la promotion du dialogue et de la démocratie ”(MIFTAH), dont elle est la directrice générale et, depuis 1998, la présidente. En 2006, Hanane Achraoui a été l’une des fondatrices de la liste électorale dénommée “ la troisième voie ” qui a mené campagne lors des élections législatives du 25 janvier 2006, a obtenu 2,41% des voix des électeurs et occupe au Conseil législatif palestinien deux sièges. formes de rupture avec le modèle de liberté et de bonne gouvernance, tout particulièrement les violations graves de la liberté au sens global retenu par le Rapport, y compris notamment la dimension libération nationale. En Palestine occupée, des élections pour élire le Président de l’Autorité palestinienne parmi de nombreux candidats ont eu lieu. Elles ne furent d’ailleurs pas les premières. Ces élections ont fait l’objet d’un grand intérêt international. Elles furent, en général, considérées comme sincères, bien que les autorités israéliennes aient grandement perturbé leur déroulement, au point d’agresser physiquement le second plus important candidat à l’un des points de passage et de lui interdire de mener sa campagne électorale à Al-Qods.5 On peut sans exagération dire que les élections législatives palestiniennes du mois de janvier 2006 ont représenté une véritable Islah Jad La plupart des initiatives de réforme n’ont constitué qu’une infime partie de l’agenda de la réforme, laquelle doit représenter une évolution sérieuse dans le sens de la société de la liberté et de la bonne gouvernance. 5 Docteur Mustapha Al Barghouti fut séquestré pendant plus de deux heures dans la partie Est de la ville d’Al-Qods le dernier jour de la campagne des présidentielles palestiniennes. “ Intifada électronique ” http://www.electronicintifada.net/v2/article3485.shtml (2005) (visité le 14 avril 2006) Les évolutions du développement humain dans le monde arabe depuis la publication du troisième rapport 39 secousse politique par le déroulement du processus électoral que par leurs résultats. En dépit de la jeunesse de l’expérience, des dures conditions de l’occupation et des énormes pressions étrangères, les élections se sont déroulées en douceur et dans un esprit de responsabilité. La victoire est revenue à l’aile la plus forte de l’opposition (Le Mouvement de la résistance islamique/ Hamas). Une telle expérience est chargée de significations fondamentales qui portent à la fois sur le concept d’alternance pacifique et sur la capacité de développer une conception plurielle du programme politique, économique et social. L’Irak, également occupé, a connu le 25 janvier 2005 des élections pour la formation du Conseil national provisoire, chargé d’établir la Constitution du pays, dans un climat de presque totale insécurité et d’une campagne de terreur violente à l’encontre des candidats et des électeurs. Dans un premier temps la tenue d’élections ne faisait pas partie de l’agenda de l’autorité d’occupation. Son plan, annoncé à la mi-novembre 2003, consistait à choisir les représentants au Conseil National au sein de congrès tenus dans les différentes régions et auxquels participeraient des personnalités irakiennes choisies par une commission organisationnelle dans chaque région désignée par l’autorité d’occupation. Mais la violence de la réaction à ce plan de la part des forces nationalistes irakiennes et des dignitaires religieux, particulièrement Ayatoullah AlSistani, et leur insistance pour la tenue d’élections pour la constitution du Conseil national, ont contraint l’autorité d’occupation à faire marche arrière et à se soumettre à la volonté irakienne. Après la préparation par le Conseil National d’une nouvelle constitution, adoptée par référendum populaire le 15 octobre 2005, les élections du Conseil législatif se sont tenues le 15 décembre 2005. Ces élections créditées d’une forte participation, évaluée à 70%, ont néanmoins été marquées d’irrégularités telles que les fraudes et les vols des urnes selon la déclaration du Président de la Commission supérieure indépendante des élections en Irak (Journal Acharq al-Awsat, London, 16 décembre 2005). 40 En Arabie Saoudite, et pour la première fois, des élections municipales se tiennent en 2005. Dans l’optique de ce rapport, ces élections ont souffert d’un défaut essentiel : l’exclusion des femmes. Et si on ajoute à cette exclusion le fait que l’on ait demandé aux électeurs de choisir la moitié seulement des membres des conseils municipaux, on se rend compte que le chemin à parcourir pour arriver à l’élection d’une assemblée nationale législative dans son intégralité par tous les citoyens reste long. Et pourtant ces élections représentent un premier pas franchi dans le sens de la réforme, dans la mesure où elles ont stimulé un débat national autour de la question de la participation populaire. Au Liban, et pour la première fois, des élections parlementaires ont eu lieu pendant le printemps 2005 après le retrait des troupes syriennes. En Egypte, le régime en place a provoqué un grand scandale après la demande du Président de la République d’amender un article de la Constitution, l’article 76, pour permettre l’élection du président de la République parmi plusieurs candidats ; proposition présentée comme étant une première en matière de réforme politique. Or l’article amendé comportait un grand nombre de conditions contraignantes qui le réduisent à une simple réglementation, extrêmement formalisée, de l’actuelle formule du référendum pour le choix du président. Le texte amendé a été soumis à un référendum populaire, que certaines forces d’opposition ont appelé à boycotter. Une commission judiciaire indépendante, constituée par le “ Club des magistrats ”, a fini par déclarer que la falsification des résultats a été une pratique courante à l’occasion de ce référendum. Des atrocités ont été commises, le jour même du référendum, contre les personnes qui manifestaient pacifiquement contre la tenue de ce référendum. Les élections présidentielles ont été organisées le 7 septembre 2005. Si certains partis politiques d’opposition légale les ont boycottées, un certain nombre de chefs de partis légaux, dont la majorité occupent une position marginale sur l’échiquier, ont décidé par contre de mener campagne ; la liste des Rapport sur le développement humain arabe 2005 candidats comprenait, outre le président en exercice, neufs autres personnes. L’annonce des résultats de l’élection est venue affirmer une victoire écrasante du président en exercice avec un taux de 88,5% des voix, ses deux plus importants rivaux ayant obtenu moins de 10% des voix. Mais le chiffre le plus important des résultats de ces élections a été le taux de participation qui n’a pas dépassé, selon les statistiques officielles, le quart6 des personnes en droit de voter. Ce qui n’est nullement surprenant après des décennies d’étouffement de la vitalité politique de la société, d’emprisonnement des libertés clés, de recours aux lois d’urgence pour gouverner en raison de l’indigence des alternatives. Les élections des membres du Parlement se sont déroulées en trois temps en novembre et décembre, et elles ont connu un grand nombre d’irrégularités. En effet, de l’aveu de magistrats chargés des commissions électorales, les résultats de l’élection, dans deux circonscriptions importantes au moins, ont été falsifiés au profit du candidat du parti au pouvoir. Les détails de la falsification, dans l’un de ces cas, ont été rendus publics dans un article courageux signé par la conseillère Noha Zene7,qui dirigeait l’une des circonscriptions à Damanhour.8 Certains magistrats supervisant les élections ainsi que des électeurs ont été l’objet de nombreuses agressions. C’est ce qui a poussé les magistrats à demander à prendre en charge le contrôle total de toutes les étapes du processus électoral, la constitution d’une police judiciaire autonome et que l’armée assure la protection de l’opération électorale, comme la loi l’y autorise en Egypte.9 Dans des circonscriptions où les candidats du parti au pouvoir couraient le risque d’échouer, tout particulièrement pendant les deuxième et troisième tours, il y a eu recours aux forces de sécurité pour empêcher les Encadré I-1 Une commission judiciaire qui finit par falsifier la volonté des électeurs. •Les commissions ont remarqué la faible affluence (des électeurs) dans les bureaux de vote ; nombreuses sont les commissions devant lesquelles aucun électeur ne s’est présenté. La moyenne des personnes qui se sont présentées devant les autres commissions n’a pas dépassé 3% des inscrits. •95% des sous-commissions ont été présidées par des fonctionnaires qui n’avaient aucune indépendance et aucune immunité et qui ont fait l’objet de pressions et de menaces de la part des policiers ; ces commissions ont totalement échappé au contrôle de la magistrature. Ces commissions ont été le théâtre de la violation de la loi et de la falsification des registres de présence et des cartes des électeurs. Source : Rapport de la Commission constituée par le Club des magistrats. “ Al Arabi ” (2005) “ La conscience de l’Egypte ” (visite du 2 avril 2006) http://www.al-araby.com/articles/966/050703-966-jrn01.htm électeurs d’arriver aux bureaux de vote, ce qui a provoqué, par moments, des affrontements violents au cours desquels des blessés et des morts sont tombés.10 Il y a eu également recours à l’arme de l’argent consistant en l’achat des voix des pauvres, les femmes plus particulièrement, ce qui a donné lieu à ce que l’on a qualifié d’ “ esclavage électoral ”.11 S’agissant de la part réservée aux femmes à la Chambre des représentants, les listes du parti au pouvoir n’ont comporté que 6 candidates sur 444 candidatures. La Jamaa des Frères musulmans a réalisé par contre une avancée remarquable. En fin de compte, les résultats déclarés n’ont pas accordé au parti au pouvoir la majorité écrasante qu’il détenait dans la précédente chambre (sans intégrer certains candidats indépendants au parti). Conclusion A la lumière de ce qui précède, il convient sans nul doute de saluer, mais sans exagération, la vague d’élections tenues dans un certain nombre de pays arabes, parce qu’elles représentent le début de la consécration du droit de choisir, 6 Les résultats officiels donnent un taux de participation dépassant la moitié ! 7 Pour lire le texte intégral de son témoignage, voir Noha Zene (2005) http://admins.20at.com/shhada-noha0ene1.htm (visité le 10 mars 2006). 8 Amira Houidi, “ Al Jazeera ” (2005) (visite du 9 mai 2006) http://english.aljazeera.net/NR/exeres/ABA/39240-04C7-4CE5-8164-7569EB6EA4A8. htm 9 Al Jazeera (2005) (visite du 12 avril 2006) http://english.aljazeera.net/NR/exeres/D153BDBA-873B-4543-B273-396F53B17B0E.htm 10 Daniel Welmaz, “ Washington Post ” (2005) (visite du 1er juin 2006). http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2005/12/07/ AR2005120702611.html 11 Al Arabya (2005) (visite du 26 mai 2006) http://www.alarabiya.net/Articles/2005/11/27/18990.htm Les évolutions du développement humain dans le monde arabe depuis la publication du troisième rapport 41 particulièrement dans des pays où les élections étaient tenues pour une hérésie politique, pour ne pas dire un blasphème. Néanmoins, des observateurs considèrent que “ les élections contrôlées ”12 sont les derniers outils trouvés pour consolider les régimes alliés de l’Occident (Milne, en anglais, 2005). Ce qui est sûr c’est que la réforme des élections, pour en faire l’un des éléments constitutifs de la société de la liberté et de la bonne gouvernance, va prendre encore beaucoup de temps. La mise en place d’une telle société, aujourd’hui en formation, exige beaucoup de réformes radicales qui doivent, par delà les élections, concerner surtout les structures juridiques et politiques. Des observateurs considèrent que “ les élections contrôlées ” sont les derniers outils trouvés pour consolider les régimes alliés de l’Occident (Milne, en anglais, 2005). L’aggravation des violations des droits de l’homme dans les pays arabes En dépit des nombreux programmes de réforme annoncés par les régimes arabes, les violations des droits de l’homme, individuels ou collectifs, ont empiré durant la période couverte par le Rapport. Les violations causées par l’occupation et les conflits armés internes Les pires violations se sont produites dans le cadre des occupations étrangères et sont, en tant que telles, considérées comme des violations graves des droits de l’homme. Les femmes ont souffert doublement des violations graves sous les occupations étrangères ; premièrement, parce qu’elles sont les plus affectées par la dégradation de la situation humanitaire ; deuxièmement, parce qu’elles sont doublement responsables de leurs familles, les chefs de famille étant absents pour cause soit d’actes de violence ou de détention ; troisièmement, en raison de l’insécurité et de la multiplication des crimes de viols qui accompagnent les situations où sévissent anarchie et pouvoir de la force ; les rapports sur l’Irak témoignent de l’état d’infortune des femmes irakiennes. Une situation analogue est vécue par les femmes palestiniennes dans les Territoires palestiniens occupés. Celles-ci se retrouvent sans abris et sans moyens après les nouvelles campagnes de démolition de leurs maisons pour diverses raisons ; des dizaines d’entre elles ont accouché aux barrages de contrôle israéliens alors qu’elles attendaient l’autorisation de les franchir. D’un autre côté, des dizaines de milliers de civils continuent de tomber dans le cadre des conflits internes armés. Le “ Darfour ” est devenu un foyer de conflit armé remplaçant ainsi le sud Soudan avant même que le pays ne célèbre les accords de paix qu’il a signés pour mettre un terme au plus long conflit que le continent africain ait connu. Ce nouveau conflit a entraîné dévastation et désolation pour les originaires de la région en raison des massacres et des destructions perpétrées. Les forces gouvernementales et les forces alliées, d’un côté, les rebelles, de l’autre, ont commis des violations graves des droits de l’homme, pouvant être qualifiées de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.13 En Somalie, les différentes démarches comme l’accord entre les différents groupes somaliens, obtenu avec le soutien de l’Instance gouvernementale pour le développement “ IGAD ”, la constitution d’un nouveau Conseil national et le choix d’un président de la République n’ont pas réussi à mettre fin aux combats internes ; le pays est en proie à des tueries et à l’absence de loi. Un gouvernement arabe a lancé une énorme campagne militaire pour venir à bout d’une rébellion dirigée par le leader d’une organisation d’opposition dans une région du pays. Le gouvernement a fait preuve d’un usage disproportionné de la force, ce qui a conduit après une courte période d’accalmie, à une reprise de la rébellion pour venger les victimes. Le ministre de l’Intérieur a déclaré que le nombre de tués parmi les forces armées, 12 Dont on manipule les résultats. 13 Rapport de la Commission d’enquête des Nations Unies au Darfour sur Décision du Conseil de Sécurité 1564 (2004). Global Policy (2005) (visite du 2 mai 2006) http://www.globalpolicy.org/security/issues/sudan/2005/darfurcoi.pdf 42 Rapport sur le développement humain arabe 2005 les forces de sécurité et les citoyens s’élevait à 525 personnes, sans compter 2708 blessés ; le ministre a omis d’indiquer le nombre de victimes parmi les affiliés et des soutiens de l’organisation d’opposition, estimé à des centaines selon les sources sans parler du grand nombre de citoyens détenus. Les femmes ont été l’objet de violations graves dans le cadre des conflits internes armés. Des violations se sont produites lors des attaques et contre attaques dans leurs lieux de résidence au Darfour et en Somalie. Mais les violations les plus graves ont eu lieu au cours des mouvements d’exode et d’émigration durant lesquelles de nombreuses femmes ont été violées et agressées physiquement dans les centres d’exode où elles se sont réfugiées. Les conflits politiques ont constitué un foyer supplémentaire de violations des droits de l’homme. Ainsi, trois gouvernements arabes ont annoncé avoir déjoué des tentatives de coups d’Etat, ce qui s’est traduit par des procès et des sentences très sévères. Bien qu’un dirigeant ait gracié par la suite les inculpés, une personnalité importante et estimée de ce pays a payé le prix, pour avoir assuré le suivi des procès, sous forme d’une condamnation à 18 mois de prison dont elle a purgé six avant d’être relaxée à la suite d’une campagne de soutien aux échelons arabe et international. La violation des libertés publiques et des libertés d’opinion et d’expression Les libertés publiques sont soumises à de plus en plus de pressions venant de l’intérieur comme de l’extérieur. En octobre 2004, un Etat du Golfe a pris une série de décisions graves et sans précédent consistant à retirer leur nationalité aux membres d’une tribu locale — l’une des branches d’une tribu qui a historiquement vécu sur les lieux —, décision qui a touché 972 chefs de familles et par conséquent les membres de leurs familles au nombre de 5266, autrement dit tous les membres de la tribu. Ces décisions furent suivies de dispositions gouvernementales consistant à les expulser de leurs lieux de travail, à les obliger à remettre les habitations qu’ils occupent en leur qualité de citoyens, à les priver de tous les privilèges de la citoyenneté tels que l’accès aux services de santé, à l’enseignement, à l’électricité, à l’eau potable et aux activités commerciales, à leur intimer l’ordre via les différents services de sécurité de régulariser leur situation de noncitoyens ! Pour justifier de telles décisions, les autorités en question ont prétendu que les membres de ladite tribu étaient originaires d’un autre Etat dont ils continuent à garder la nationalité. Plusieurs épouses ont alors demandé à divorcer pour pouvoir conserver leur nationalité (La Commission arabe des droits de l’homme, 2005)14. Le problème a finalement été résolu, sous la pression locale et internationale, par la réhabilitation d’une partie des personnes concernées dans leur nationalité et par la naturalisation des autres. Dans un autre Etat, on observe un ralentissement des réformes législatives visant à l’abrogation des textes instituant les peines privatives de liberté dans les délits en matière d’édition. Au lieu de mettre en application la promesse d’annuler les peines privatives de liberté dans les affaires d’édition donnée par le Président de la république lors du dernier congrès du parti au pouvoir, certains projets de lois de “ la réforme ” politique ont aggravé les peines dans les affaires d’édition et d’expression. Ainsi la loi organisant la mise en application des droits politiques a t-elle, dans son article 48, aggravé la peine d’emprisonnement pour toute personne accusée de publier ou de diffuser des informations mensongères à propos des élections ou du référendum en vue d’en influencer les résultats, ce qui ouvre toute grande la porte aux enquêtes portant sur les intentions. Selon l’Organisation arabe des droits de l’homme, d’autres pays ont pris l’initiative d’autres projets de lois visant à renforcer les restrictions sur les libertés d’information Les libertés publiques sont soumises à de plus en plus de pressions venant de l’intérieur comme de l’extérieur. 14 La Commission arabe des droits de l’homme et le Délégué du Haut Commissariat aux droits de l’homme ont promis d’enquêter sur toutes les atteintes relatives à ce dossier, lequel a représenté un véritable test pour la Commission nationale des droits de l’homme qui a déployé de grands efforts pour mettre fin à ce drame. Bureau du Délégué du Haut commissariat aux droits de l’homme (2005) (Visite effectuée le 9 mars 2006). http://www.unhcr.org/cgi-bin/texis/vtx/rsd/rsddocview.html?tbl=RSDCOI&id=441821a525&count=1 Les évolutions du développement humain dans le monde arabe depuis la publication du troisième rapport 43 Les réformateurs et les défenseurs des droits de l’homme sont devenus, dans la plupart des Etats arabes, des cibles permanentes des actions répressives. (L’Organisation arabe des droits de l’homme, 2005a). La région occupe la première place en matière de décès et d’assassinats de spécialistes des médias dans les zones de conflits armés15. La Commission arabe des droits de l’homme a publié une liste non exhaustive de 72 journalistes décédés en Irak depuis le 8 avril 2003 et les noms de 9 autres portés disparus (Qays al-Azzaoui et Haytam Manna, en arabe, 2005 : 25). De nombreux journaux ont été suspendus et des journalistes arrêtés dans de nombreux pays arabes. La chaîne satellitaire Al Jazeera s’est vu retirer l’autorisation d’exercer dans certains pays arabes et des poursuites ont été engagées contre ses journalistes. Le célèbre journaliste de la chaîne Al Jazeera, “ Ahmed Mansour ” a été agressé physiquement au Caire en novembre 2005. La chaîne satellitaire Al Manar s’est également vu interdire de diffuser dans certains Etats européens et huit personnes travaillant pour la chaîne satellitaire Al Arabia sont mortes en Irak, le décès de trois d’entre elles étant directement lié aux opérations des forces d’occupation. Le 26 septembre 2006, la Cour nationale espagnole a prononcé des peines allant de 6 à 27 années de réclusion à l’encontre des présumés membres de ce qui a été considéré comme une cellule syro-espagnole. Une commission constituée de trois magistrats de la Cour nationale a procédé, dans un lieu spécial et sous très forte protection, à l’audition de 107 témoins, dont plus de la moitié étaient des membres des forces de sécurité. Quatre-vingtdeux organisations non gouvernementales et syndicales et plus de 1300 personnalités dans le monde ont qualifié ces jugements d’injustes et ont exigé que l’affaire ne soit pas politisée dans le cadre de ce qui est dénommé “ la guerre au terrorisme ”. La Cour suprême d’Espagne a accepté le pourvoi en cassation.16 Il importe de signaler que le fait de s’attaquer au quatrième pouvoir et aux moyens de communication modernes a conduit au développement d’une conscience générale de la nécessité de l’alliance entre l’espace de l’information et l’espace non gouvernemental. 15 16 Il faut dire que de nouvelles formes de résistance et d’action en vue du changement ont vu le jour ; elles s’appuient sur l’interaction et la coopération entre les deux espaces quand il s’agit de servir le processus de constitution de la conscience démocratique, la lutte contre la corruption et l’approfondissement et la diffusion de l’idée de participation à la responsabilité et à la prise de décision. Les réformateurs et les activistes des droits de l’homme menacés Les réformateurs et les défenseurs des droits de l’homme sont devenus, dans la plupart des Etats arabes, des cibles permanentes des actions répressives officielles, y compris en faisant l’objet de poursuites judiciaires et d’arrestations ; ils sont même parfois victimes d’assassinats. A cela s’ajoutent les obstacles croissants que constituent dans la plupart des Etats arabes les restrictions légales aux libertés d’expression et d’association. La plupart des activités syndicales et civiques sont toujours interdites légalement. A titre d’illustration, un Etat du Golfe a poursuivi et jugé quelques dizaines de personnes pour constitution d’une organisation religieuse ; elles furent condamnées à des peines très sévères avant d’être graciées par le détenteur du pouvoir à la suite de protestations populaires sans précédent. De même des demandes de constitution d’organisations des droits de l’homme sont restées sans suite dans de nombreux pays arabes, toutefois l’Etat des Emirats arabes unis a donné son accord pour la constitution d’une association civile des droits de l’homme au début de l’année 2006. Un Etat du Mashreq a connu de nombreuses arrestations de réformateurs et d’activistes des droits de l’homme. L’un des réformateurs est décédé dans des circonstances douteuses, et des dizaines de citoyens ont été emprisonnés sans être présentés à la justice. En outre, des membres de la tendance islamiste ont été arrêtés à leur retour dans cet Etat. Les autorités ont également fermé tous les forums de la Rapports de “ Reporters sans frontières ” et les communiqués de l’Union des journalistes arabes sur les victimes des conflits armés (www.rsf.org). Peter Bergen, Commission arabe de droits de l’homme (2005) (visite effectuée le 16 mars 2006) http://www.achr.nu/art63.htm. A Goodman, CNN (2005) (visite effectuée le 26 septembre 2005) http://www.cnn.com/2005/WORLD/europe/09/26/spain.terror.trial/index.html 44 Rapport sur le développement humain arabe 2005 société civile nés durant les toutes dernières années dans le cadre de ce qui a été qualifié de “ printemps ”, et n’ont pas hésité, en juin 2005, à interpeller le conseil d’administration du seul forum restant, suite à la lecture lors de l’une de ses réunions de la lettre du leader du Mouvement des Frères musulmans interdit. Il faut dire que le gouvernement avait délibérément restreint les activités dudit forum, en entravant son action et en inondant ses réunions de membres des services de sécurité et de personnes qui soutiennent le pouvoir en vue d’infléchir les discussions en son sein dans un sens déterminé. Le forum continue d’être interdit de réunion au début de chaque mois. Les autorités ont libéré cinq des détenus du “ printemps ” après avoir purgé le quart de la durée légale de leur peine. Cependant les autorités ont refusé de relaxer un certain nombre de réformateurs détenus et de cadres kurdes et islamistes dont les organisations des droits de l’homme exigent la libération. Dans un Etat de l’Afrique du Nord, les autorités ont continué à dresser des obstacles devant les instances civiles et les associations professionnelles indépendantes, telles que les ligues des avocats, des journalistes et des professeurs d’universités ainsi qu’à refuser de reconnaître les syndicats indépendants et les organisations indépendantes des droits de l’homme. Amnesty International a rapporté que l’activité de l’Institut arabe des droits de l’homme a été effectivement gelée après le gel de son financement en application des dispositions de la loi antiterroriste et après que les autorités aient fait opposition à la présence d’une personne déterminée au sein de son Conseil d’Administration. Le gouvernement a bloqué le courrier de l’Institut et a interdit la diffusion des ouvrages qu’il publie. Suite à une large campagne civile de soutien dans la région et dans le monde, les autorités ont fait marche arrière, en mettant un terme aux restrictions et intimidations et en autorisant l’Institut à recevoir ses moyens de financement comme par le passé. A l’occasion de la tenue du Sommet mondial sur la société de l’information pour l’année 2005, des organisations internationales des droits de l’homme ont annoncé qu’elles doutaient que le pays hôte n’étouffait ces mêmes droits et libertés que la réunion est censée soutenir puisque les opposants s’exprimant sur la toile internationale sont emprisonnés, les sites sont surveillés, les organisations des droits de l’homme font l’objet d’intimidations et les agences indépendantes d’information sont fermées (Amnesty International, “ Des mots vides de sens” sur les droits de l’homme au Sommet des Nations Unies sur la société de l’information, 2006). Ce pays n’est pas le seul à être dans cette situation selon un rapport publié par le Réseau arabe d’information sur les droits de l’homme avec pour titre : “ L’Internet dans le monde arabe, un nouveau terrain de répression ” en juin 2004 sur la base d’un sondage couvrant onze pays arabes. Le rapport constate que la liberté relative en matière d’utilisation de l’Internet était effective seulement dans trois Etats, à savoir la Jordanie, Qatar et les Emirats. Les autres Etats s’efforcent de contrôler le contenu des informations circulant sur la toile et dépensent d’immenses sommes pour le contrôle d’Internet, “ en plus de l’utilisation de nouveaux moyens… comme le contrôle à la source au moyen de programmes de filtrage électronique… Certains Etats ont également recours à la monopolisation de l’offre de service… (en plus de) la fabrication de délits pour jeter les personnes qui ont dépassé les lignes rouges – d’ailleurs inconnues ! – en prison pour des allégations sans fondement”. Dans un Etat du Golfe, les organisations de la société civile et les organisations des droits de l’homme ont subi des pressions officielles. Un centre des droits de l’homme a ainsi été menacé de poursuites légales en raison de sa participation aux réunions de la Commission des droits de l’homme de l’ONU à Genève en mai 2005. Au début du mois de février 2006, douze activistes dudit centre ont été condamnés à deux ans d’emprisonnement à la suite d’une manifestation organisée à l’aéroport. Une activiste du mouvement des femmes avait déjà été traduite en justice, en juin 2005, pour offense à la magistrature et des organisations locales et internationales ont été sollicitées pour lui apporter leur soutien. En outre, le gouvernement refuse de reconnaître un grand nombre d’organisations civiles constituées sur initiative civique comme le Syndicat des Les évolutions du développement humain dans le monde arabe depuis la publication du troisième rapport 45 journalistes, le Conseil laïc, la Commission des martyrs et victimes de la torture, la Commission des chômeurs, la Commission de la liste féminine, l’Union des femmes et l’Association sociétale de lutte contre la violence à l’égard des femmes. En Afrique du Nord un Etat a connu une augmentation du nombre de cas battus et agressés physiquement parmi les défenseurs de la réforme, dont le rédacteur en chef d’un journal d’opposition17 et quatre journalistes femmes18. Des actes similaires se sont produit dans un autre Etat de la même région19. Deux journalistes ont été assassinés20 et une tentative d’assassinat a visé une journaliste au Liban. Un autre journaliste a été assassiné en Libye dans des circonstances douteuses et le président d’une association active au Darfour a été arrêté. Les restrictions visant les libertés d’association et de réunion pacifique Les restrictions concernant le droit de réunion pacifique se sont renforcées. Un pays du Mashreq a ainsi interdit 70% des marches pacifiques selon le Centre national des droits de l’homme dans ledit pays. Des marches pacifiques pour exiger la réforme ont été dispersées par la force et des centaines de manifestants ont été arrêtés dans un autre pays arabe. Dans un troisième pays, un sit-in symbolique tenu à l’occasion de la commémoration de la Déclaration universelle des droits de l’homme a été dispersé par la force et quelques participants ont été arrêtés. L’interdiction de manifester est toujours en vigueur dans un quatrième pays. Dans une capitale arabe, le drame qui a résulté de la dispersion d’un sit-in de Soudanais demandeurs d’asile, et qui s’est soldé par 25 décès, le 30 décembre 2005, pour cause de mauvaise gestion, a montré que la société civile peut être sensible aux préoccupations arabes et non pas seulement nationales. En effet, un large rassemblement non gouvernemental s’est constitué en solidarité avec les victimes et pour engager les poursuites légales. Dans un pays du Golfe, les autorités se sont attaquées à des manifestations organisées pour demander la réforme. La loi promulguée, relative aux associations politiques, fut considérée par les associations politiques et les associations des droits humains comme restrictive des libertés et contraire aux chartes et traités internationaux. Six grandes associations politiques ont ainsi décidé de fermer leurs portes volontairement pour trois jours pendant le mois de juillet 2005. Les autorités d’un pays maghrébin ont dispersé par la force des manifestations organisées pour dénoncer l’invitation adressée par le gouvernement à l’ancien Premier ministre israélien Sharon pour assister au Sommet mondial sur la société de l’information tenu dans ce pays. Il importe de rappeler que la répression de ces manifestations n’a pas donné lieu à des protestations de la part les cercles occidentaux. D’ailleurs, un avocat est toujours emprisonné pour avoir commis un article sur le sujet. D’un autre côté, des prisonniers appartenant à un parti d’opposition, détenus depuis une décennie et demi dans des conditions très dures, sont entrés dans des grèves de la faim prolongées. En matière de droit d’association, la commission des partis d’un pays déterminé a accordé l’autorisation d’exercer à deux partis politiques, tout en la refusant à trois autres. De même, les autorités d’un autre pays du Maghreb arabe ont refusé d’accorder l’autorisation d’exercer à des partis politiques (L’organisation arabe des droits de l’homme, 2005). Pour bloquer la formation d’un parti politique, le gouvernement d’un autre pays a nié avoir reçu une demande de constitution de ce parti ! 17 Le rédacteur en chef exécutif d’un journal d’opposition a été agressé le premier novembre 2004. Cet acte a été relaté par l’ensemble de la presse, par les rapports et communiqués des organisations des droits de l’homme, par le syndicat des journalistes et par le rapport produit par le Conseil national pour les droits de l’homme. 18 Quatre journalistes femmes ont été agressées le 25 mai 2005. 19 Le leader du parti communiste a été gravement agressé le 12 octobre 2004. Deux activistes femmes ont été agressées de la même manière. 20 Le journaliste Samir Kassir, le célèbre chroniqueur du journal Le Jour (an-Nahar) a été assassiné le 2 juin 2005 dans l’explosion de sa voiture. Jabrane Touini, président du Conseil d’administration du journal Le Jour l’a été le 12 décembre 2005. 46 Rapport sur le développement humain arabe 2005 Un environnement international et régional handicapant Le contexte international qui a suivi les évènements su 11 septembre a produit des modes de pensée et des méthodologies qui ont eu un impact handicapant et menaçant pour les éléments de la transition vers la liberté et la bonne gouvernance. Parmi ces systèmes, il y a celui de la construction des systèmes parallèles en droit international (consistant en la mise sur pied d’alliances provisoires à propos d’un événement et d’un lieu donnés au détriment de l’institution des Nations Unies, la signature d’accords bilatéraux qui paralysent l’action du Tribunal Pénal International et la constitution d’alliances qui limitent l’effet des traités internationaux relatifs au développement et à l’environnement). Une telle démarche a caractérisé le comportement de la superpuissance qui fait preuve d’éclectisme, fait prévaloir l’approche des deux poids deux mesures, l’intérêt sur le droit, la force sur la justice et transforme les droits de l’homme en une idéologie justifiant des thèses handicapantes pour le développement telles que celles de l’anarchie constructive, de la guerre préventive et de la solution sécuritaire pour faire face au terrorisme. Dès lors se sont succédés sur les plans international et régional des événements qui présagent une aggravation du poids handicapant de l’environnement international sur le processus de transition vers la liberté et la bonne gouvernance telle que définie par le Rapport sur le développement humain arabe (particulièrement sa troisième livraison) et tout particulièrement sur la dimension libération nationale. Une loi américaine de dissuasion de l’antisémitisme Le premier de ces évènements est la promulgation par l’Administration actuelle du “the Global Antisemitism Review Act” en octobre 2004. A la suite de quoi, ladite administration a commencé, par l’entremise d’un bureau spécialisé formé au sein des Affaires étrangères, à surveiller et à repérer ce que cette administration qualifie d’“ antisémitisme ” à travers le monde. Il n’y a pas de doute que toute agression dirigée contre les adeptes d’une religion donnée ou tout appel dans ce sens est un acte grave qu’il s’agit de combattre par tous les moyens. Mais dans l’optique de ce Rapport, il serait plus utile de le faire dans le cadre de la lutte contre la ségrégation religieuse ou raciale en tout lieu et à l’égard de quiconque le fait. La dangerosité d’une telle loi réside dans le fait que, l’article 10 des conclusions du Congrès, considère toute opposition au sionisme et toute incitation à l’encontre d’Israël comme une forme d’antisémitisme. Ce qui peut conduire à considérer que la critique des pratiques d’Israël dans les Territoires occupés ou la dénonciation des politiques ségrégationnistes à l’encontre des citoyens israéliens tombent sous le coup de cette loi. Certains académiciens israéliens sont d’accord sur cette interprétation. Ainsi, l’un d’eux estime que “ l’accusation d’antisémitisme est devenue un instrument puissant servant à faire taire l’opposition aux politiques répressives d’Israël ” (Kimmerling, en anglais, 2003). Cette loi est à même de permettre à Israël de persister à vouloir imposer son discours public dans tout ce qui a trait à la question palestinienne, entravant ainsi toutes les discussions ou négociations pouvant conduire à une paix juste et à une solution durable du conflit arabo-israélien. Le problème du terrorisme et ses répercussions sur la liberté dans le monde arabe La multiplication des actes terroristes dans les pays arabes, d’une part, et la guerre aveugle antiterroriste, d’autre part, ont eu des conséquences désastreuses sur la vie et les libertés des Arabes. Les actes d’une violence interne destructrice se sont succédés dans un certain nombre de pays arabes, rappelant les prémices inquiétantes de l’alternative de “ la destruction en perspective” contre laquelle le troisième Rapport sur le développement humain arabe a mis en garde. Les actes terroristes et la lutte antiterroriste ont accentué l’impasse dans laquelle se trouvent Il n’y a pas de doute que toute agression dirigée contre les adeptes d’une religion donnée ou tout appel dans ce sens est un acte grave qu’il s’agit de combattre par tous les moyens. Mais dans l’optique de ce Rapport, il serait plus utile de le faire dans le cadre de la lutte contre la ségrégation religieuse ou raciale en tout lieu et à l’égard de quiconque le fait. La dangerosité d’une telle loi réside dans le fait que, l’article 10 des conclusions du Congrès, considère toute opposition au sionisme et toute incitation à l’encontre d’Israël comme une forme d’antisémitisme Les évolutions du développement humain dans le monde arabe depuis la publication du troisième rapport 47 Les actes terroristes et la lutte antiterroriste ont accentué l’impasse dans laquelle se trouvent les droits de l’homme et le développement dans la région. Cette campagne a engendré une confusion entre, d’une part, ce qui peut être qualifié, à juste titre, d’actes visant à terroriser les innocents, ce qui est condamnable humainement et moralement et est un affront à la conscience humaine et, d’autre part, la résistance légitime à l’occupation étrangère, reconnue par les conventions de Genève et par les résolutions des Nations les droits de l’homme et le développement dans la région. Les actions terroristes se sont poursuivi dans les pays arabes suivants : la Jordanie, le Bahreïn, l’Algérie, l’Arabie Saoudite, la Syrie, le Koweït, le Liban et le Yémen, en plus des actions terroristes qui se sont mélangées aux actes légitimes de résistance en Irak. Il n’y a pas de doute que les agressions dirigées contre les civils, quelle que soit leur nationalité, sont des actes odieux qu’il faut condamner. Les agressions se sont étendues et ont touché, pour la première fois, durant la période couverte par le Rapport, le Qatar, la Mauritanie et l’Egypte21, après une période d’accalmie qui dure depuis 1997 dans le cas de ce dernier. Les actes terroristes ont fait des milliers de victimes entre tués et blessés. Sous prétexte de mener la lutte antiterroriste, les gouvernements ont consolidé les lois d’urgence22 et fait promulguer d’autres lois antiterroristes ; des dizaines de personnes recherchées sont abattues ; des milliers de citoyens sont arrêtés sur décisions administratives, certains d’entre eux ayant été l’objet de toutes sortes de tortures et de traitements dégradants ; des milliers d’autres citoyens n’ont pas été relaxés bien que les tribunaux les aient innocentés ou bien qu’ils aient terminé de purger les peines encourues en Egypte (Le Conseil national pour les droits de l’homme, 2005). Des dizaines d’accusés ont été traduits devant des tribunaux d’exception qui ne réunissaient pas les conditions du procès équitable. Les sources ont révélé l’implication de certains gouvernements arabes dans des pratiques d’interrogatoires et de torture pour les besoins d’enquêtes menées par les Etats Unis, à travers un “ archipel ” de centres secrets de détention, dirigés par les services de renseignement américains, à l’encontre de présumés coupables d’avoir mené des actions terroristes (Amnesty International, 2005a). Unies à propos La guerre au terrorisme La région arabe, et plus particulièrement ses courants islamistes, sont taxés d’être le terreau du terrorisme depuis la déclaration par l’Administration américaine actuelle de sa guerre au “ terrorisme ” à la suite des événements du 11 septembre 2001. Cette campagne a engendré une confusion entre, d’une part, ce qui peut être qualifié, à juste titre, d’actes visant à terroriser les innocents, ce qui est condamnable humainement et moralement et est un affront à la conscience humaine et, d’autre part, la résistance légitime à l’occupation étrangère, reconnue par les conventions de Genève et par les résolutions des Nations Unies à propos de la résistance à l’occupation étrangère et aux régimes racistes. Autant la violence représente le choix premier du terrorisme, autant la violence constitue le dernier recours de la résistance lorsqu’elle aura épuisé tous les autres moyens tels que l’information, la diplomatie, les manifestations et la désobéissance civile. Il importe de rappeler, à ce propos, que l’Assemblée Générale des Nations Unies, lors de sa soixantième session – 2005, a défini le terrorisme comme “ les actes criminels conçus ou calculés pour terroriser l’ensemble d’une population, un groupe de population ou certaines personnes ” et considère qu’ils “ sont injustifiables en toutes circonstances et quelles que soient les considérations politiques, philosophiques, idéologiques, raciales, ethniques, religieuses ou autres invoquées pour les justifier. ” (Résolution, A/RES/60/43). Les autorités d’occupation ont été enclines à qualifier d’actions terroristes toutes les formes de résistance à ses pratiques. Les tentatives faites par certains Etats pour arrimer leurs préoccupations propres à la guerre américaine au terrorisme a ajouté à la confusion qui entoure la définition du terrorisme, ce qui augmente les risques de voir la guerre au terrorisme constituer un ravissement des intérêts de de la résistance à l’occupation étrangère et aux régimes racistes 48 21 L’Egypte a été la cible d’une série d’attaques terroristes durant la période couverte par le rapport. La première s’est produite le 8 octobre 2004, en trois points au Sinaï et en même temps et elle a fait plusieurs victimes dont 5 égyptiennes et 34 touristes étrangers en majorité israéliens. La deuxième attaque a été perpétrée le 7 avril 2005, dans la zone d’Al Azhar au Caire et a fait 3 morts. La troisième a lieu le 30 avril 2005 sous forme de deux attaques simultanées dans deux points au centre du Caire. 22 Le Gouvernement provisoire en Irak a imposé l’état d’urgence en novembre 2004 qu’il a renouvelé en mars 2005. L’état d’urgence est toujours de mise en Algérie, au Soudan, en Syrie et en Egypte. Rapport sur le développement humain arabe 2005 puissances étrangères. En effet l’ancien Premier ministre israélien Ariel Sharon n’a-t-il pas récupéré le terme “ terrorisme ” pour en faire un moyen de renforcement de ses intérêts, la définition américaine ambiguë du “ terrorisme au plan international ” lui a facilité la tâche dans sa répression des Palestiniens (Brzezinski, en anglais, 2004 :32). Un tel mélange des cartes ajouté à une définition lâche du terrorisme, répondant aux agendas des forces d’occupation, ont conduit à l’amenuisement des chances de voir cette guerre réussir à éradiquer le terrorisme. La situation ainsi créée par la “ guerre au terrorisme ” a des retombées désastreuses sur le développement humain dans le monde arabe. En effet, la violence de l’occupation et de l’usurpation et la contre–violence qui vient en réaction à cette violence sont de nature à conduire au renfermement sur soi, à l’enfermement dans le passé et à l’enfoncement dans le conservatisme social. De même, les implications d’une telle évolution sur la situation des femmes arabes, particulièrement sous l’occupation, sont très néfastes. Les lois antiterroristes dans les pays arabes Dans le sillage de la lutte antiterroriste, de nouvelles lois ont été promulguées et d’autres ont été amendées en vue de la criminalisation de nouveaux actes, de l’aggravation des peines encourues pour des actions considérées comme terroristes et dans le sens d’un assouplissement des normes établies en matière de poursuites et de garanties offertes à l’accusé tant qu’il n’a pas été condamné. Au Bahreïn, par exemple, la Commission parlementaire des Affaires étrangères, de la Défense et de la Sûreté nationale a été le théâtre d’un débat houleux à propos d’un projet de loi antiterroriste. Des membres de la Commission considèrent que ce projet s’inscrit à l’opposé de l’orientation arrêtée par le gouvernement 23 du royaume consistant à aller dans le sens de la réforme et de la ratification des deux traités internationaux relatifs aux droits de l’homme ; il s’agit notamment des volets du projet relatifs aux lourdes peines, à l’adoption de la peine de mort, à la restriction des libertés, singulièrement la liberté de pensée et parce que ce projet conduit à considérer tout opposant comme un terroriste. En outre, le projet de loi criminalise les critiques à l’égard de la constitution et toute demande pour l’amender, même lorsqu’elle émane des membres de la chambre des représentants, alors que cela relève de leurs prérogatives constitutionnelles.23 D’un autre côté, la campagne antiterroriste a fait que l’applications de certaines lois a été ignorée : l’Algérie qui avait introduit dans le Code pénal une mention criminalisant expressément le recours à la torture des détenus n’a pas appliqué ce texte et n’a pas engagé d’enquêtes suite aux allégations de torture.24 La justice d’exception La plupart des Etats arabes renvoient les affaires de terrorisme devant une magistrature spéciale : tribunaux militaires, cours de sûreté de l’Etat ou cours martiales. Ces tribunaux comme on le sait ne réunissent pas les critères du procès équitable. Ils se contentent le plus souvent des instructions préliminaires, les aveux étant arrachés parfois sous la torture, l’accusé n’a pas le droit de préparer sa défense devant eux et leurs sentences sont définitives et sans la moindre possibilité d’appel.25 Les mesures illégales En plus des lois et projets de lois, des mesures sont prises administrativement en totale contradiction avec les codes de procédure pénale26, qui sont à l’origine très sévères. Ces mesures comportent des dispositions, imposées dans le cadre de la coopération antiterroriste Le journal al-Wassat du Bahreïn du 25 avril 2005. 24 “ Le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture a fait savoir que les autorités avaient rejeté sans la moindre enquête toutes les allégations de torture portées à leur connaissance. Le rapporteur spécial n’a pas été autorisé à se rendre en Algérie, malgré ses demandes formulées ” de longue date (Amnesty International, 2005a : 123) 25 Ces tribunaux prononcent parfois des peines de mort. 26 L’importance du code de procédure pénale réside dans le fait qu’il organise la méthode qui servira à la société de se défendre face aux crises. Ses moyens, même s’ils sont techniques, sont liés aux droits de l’homme, et leur réussite reste tributaire de leur niveau de cohérence avec le système juridique et social du pays concerné. Les évolutions du développement humain dans le monde arabe depuis la publication du troisième rapport 49 internationale, contraires au droit international et parfois contraires au droit interne ; l’abus en matière de mesures policières comme les descentes nocturnes, la torture et le recours à la force pour obtenir des aveux ; la détention dans des centres illégaux où l’on pratique toutes sortes de torture ; les écoutes téléphoniques hors de toute autorisation justifiée de la justice ; la détention prolongée sans accusation et sans limites dans le temps ; la consultation des comptes bancaires des personnes sur lesquelles pèsent des soupçons et l’exécution de la peine de mort sans passer par la magistrature. La dégradation de la situation des femmes La guerre aux croyances et aux idées portées par des personnes non affiliées à des organisations terroristes et qui n’ont pas eu recours à des actes violents est une guerre absurde ; elle est même une guerre aux droits de l’homme. En dépit des efforts pour promouvoir la situation des femmes, le terrorisme et la campagne menée pour le combattre ont entraîné un effondrement de la situation sécuritaire générale et une sévère régression du processus démocratique ; les femmes ont en été les premières victimes, particulièrement dans les zones de conflits armés, spécialement en Irak. Le traitement dégradant infligé aux femmes détenues par certaines forces américaines en Irak, et plus particulièrement dans la prison d’Abu Ghraib, est un cas à retenir. La guerre absurde : la guerre à la pensée et à la croyance La guerre au terrorisme a été menée contre les organisations terroristes, et à leur tête Al Qaïda ; et à cause de cette guerre les droits de l’homme sont violés. La nouvelle orientation est de mener la guerre aux “idéologies agressives” (“agressive ideologies”) selon la terminologie de l’Administration américaine27, c’est à dire à la liberté de pensée et de croyance, qui sont un des droits humains. Dans plus d’un pays arabe, on assiste à un début de discussion sur la contribution des idées à la lutte antiterroriste et sur la nécessité de restreindre le champ des idées. Mais les Etats arabes souffrent précisément du grand nombre de restrictions et non du contraire. Il n’y a pas doute que 27 les dogmes puissent pousser à commettre des actes terroristes, comme ils peuvent servir de point d’appui à l’exhortation et à l’incitation au crime. Toutefois, il n’est pas concevable de recourir aux moyens de guerre pour faire face aux idées, c’est plutôt à d’autres idées qu’il faut faire appel, idées ne devant pas être agressives. En outre, l’incitation au crime tombe sous le coup du droit pénal quelle qu’en soit la justification. La guerre aux croyances et aux idées portées par des personnes non affiliées à des organisations terroristes et qui n’ont pas eu recours à des actes violents est une guerre absurde ; elle est même une guerre aux droits de l’homme. La lutte antiterroriste et le respect des droits de l’homme La lutte antiterroriste n’est pas antinomique avec le respect des droits de l’homme. Elle est même au cœur de ce respect. La contrepartie du droit de la personne à la vie et à la sûreté personnelle c’est le devoir pour l’Etat d’assurer la sécurité des citoyens et la sûreté de la société. C’est pourquoi, et dans des situations exceptionnelles, l’autorité peut, afin de garantir la sûreté de la société, restreindre la liberté des individus, dans les limites du strict nécessaire et utile (la Déclaration de Berlin comporte des principes et mesures que les Etats doivent respecter dans la guerre contre le terrorisme)28 L’éradication du terrorisme a besoin en premier lieu d’une décision politique qui doit prendre en compte les exigences du droit et de la justice dans la solution des conflits internationaux, dans le cadre de la légalité internationale ; elle nécessite en second lieu que soit acceptée l’idée de la participation de la société au traitement du phénomène et de ses causes. Elle suppose également que l’on passe de la logique sécuritaire réduite à celle de la sécurité humaine, en adoptant un programme de développement humain dans son acception globale et en s’engageant à rester dans les limites de la suprématie de la loi. Discours prononcé par le président américain Georges W. Bush devant l’Assemblée Générale des Nations Unies le 14 septembre 2005. 28 La Déclaration de Berlin : déclaration de la CIJ sur la défense des droits de l’homme et de l’Etat de droit dans la lutte contre le terrorisme, 29 août 2004. 50 Rapport sur le développement humain arabe 2005 L’éradication du terrorisme exige également des sociétés arabes d’entreprendre une évaluation critique du patrimoine à la lumière de la raison éclairée ; en effet les droits de l’homme ne deviennent effectifs que si l’être humain, quel qu’il soit, est considéré comme la valeur axiale et centrale et que si le débat et l’acceptation de l’autre, différent, sont des valeurs qui se consolident. La question palestinienne Un désengagement qui ne met pas fin à la main mise israélienne sur Gaza La fin de la colonisation dans la bande de Gaza et le retrait des forces israéliennes le 12 septembre 2005 ont représenté un événement exceptionnel par rapport à la réalité catastrophique du peuple palestinien. Néanmoins ce retrait était entouré de beaucoup de mauvaises intentions et n’annonçait pas une décrispation en vue d’un règlement du conflit. La vraie nature de ces intentions a été trahie par Dove Wisjlass, conseiller du Premier ministre israélien, lorsqu’il a révélé que le véritable objectif de l’opération de retrait de la Bande de Gaza était précisément de suspendre le processus de paix et d’empêcher la constitution d’un Etat palestinien (Encadré 1-2). Avec ce retrait, qui participe du plan de désengagement unilatéral engagé par le Premier ministre israélien pour alléger les coûts sécuritaires de l’occupation et pour éviter de s’engager dans des pourparlers sérieux en vue d’un règlement, Israël se réserve le droit d’intervenir militairement dans la Bande de Gaza et d’en contrôler l’espace aérien comme les eaux territoriales. Les forces israéliennes se déploient ainsi intensément tout autour de la Bande pour en contrôler tous les points de passages et par conséquent les échanges commerciaux, les droits de douane et la circulation des personnes. Le Rapporteur spécial des Nations Unies pour les droits de l’homme a été amené devant ces évolutions à considérer que Gaza était toujours un territoire occupé (Encadré 1-3). Encadré 1-2 Le désengagement de Gaza c’est du formol pour geler la paix “Le désengagement, en réalité, c’est ça : c’est du formol. Il fournit la quantité de formol nécessaire pour s’assurer qu’il n’y ait pas de processus politique d’engagé avec les Palestiniens… ” “ L’important, c’est le gel du processus politique. Et en gelant ce processus, vous empêchez la création d’un Etat palestinien et vous empêchez toute discussion sur le devenir des réfugiés, les frontières et Jérusalem. Effectivement, c’est tout ce package qu’on appelle “ Etat palestinien ”, avec tout ce que cela comporte, qui a été éliminé de nos calepins. Définitivement. ”. Source : Shavit, en anglais, 2004 Encadré 1-3 Le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme : Gaza reste un territoire occupé “ .., il semble évident que la bande de Gaza restera un territoire occupé assujetti aux dispositions de la Convention de Genève du 12 août 1949 relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (quatrième Convention de Genève), puisque Israël continuera à en contrôler les frontières. Le retrait des colons juifs de la bande de Gaza entraînera la décolonisation d’une partie du territoire palestinien, mais ne mettra pas fin à son occupation. ” Source : Dugard, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, Nations Unies, 2005 : 2 (visite du 24 mars 2006) http://domino.un.org/unispal.nsf/eed216406b50bf6485256ce10072f637/ 02bf82d785fe854a85257088004c374c!OpenDocument L’aspect honorable, peut-être le plus important et qui mérite d’être vraiment salué, est de réaliser que le courage et la bravoure sans relâche de la résistance à Gaza ont été la principale raison derrière le désir d’Israël de fuir l’enfer de Gaza. Mais si le retrait de Gaza a été la source d’un optimisme croissant des citoyens, il a, en même temps, alimenté les craintes de voir l’occupation de la Cisjordanie se consolider, car le territoire de Gaza ne représente que 5,8% des territoires occupés depuis 1967, ce qui veut dire que plus de 94% des terres palestiniennes sont toujours sous occupation. Les colons israéliens de Gaza étaient 8475 (soit 2% seulement de l’ensemble des colons). Ceci dit, Israël a installé, rien qu’en en l’an 2004, quelque 12.800 colons en Cisjordanie. Il a également annexé de nouvelles terres, y compris l’extension de la colonie Maali Adoumim (autour d’Al Qods), pour plus de 2700 km2, avec des allusions israéliennes de plus en plus pressantes de rattacher la colonie à Al Qods29. 29 Palestine Monitor (2006) (Visite effectuée le 7 mai 2006) http://www.palestinemonitor.org/nueva_web/facts_sheets/settlers_disengagement_ violations.htm Les évolutions du développement humain dans le monde arabe depuis la publication du troisième rapport 51 La mise en œuvre du plan de désengagement unilatéral a été accompagnée et suivie, selon les rapports des organisations des droits de l’homme palestiniennes, de violations graves dans les territoires occupés dont de nombreuses sont du niveau de crimes de guerre, conformément au droit international humanitaire. En plus des incursions quotidiennes dans les villes et villages palestiniens, des violations de domiciles et de l’arrestation d’un grand nombre de leurs occupants, les forces d’occupation ont continué à tirer à balles réelles sur les civiles, à mener des opérations de démolition, d’arrachage d’arbres et d’agressions contre les propriétés, d’expropriation des terres pour la construction du Mur d’annexion dans les terres de Cisjordanie, dont elles ont accéléré l’utilisation autour de la ville d’Al Qods occupée pour la séparer de son environnement géographique en Cisjordanie, en plus de l’extension de leurs Encadré 1-4 La vie sur les Mahsom (check points) : témoignages israéliens “ Les pertes en temps que les Israéliens infligent, chaque jour, aux trois millions et demi de Palestiniens revêtent une grande importance : en ce qu’elles affaiblissent leur capacité à gagner leur vie, affectent leurs activités économiques, familiales et culturelles, leur temps libre, leurs études, leurs arts créatifs et en rapetissant le cadre de vie des individus ” (p. 15) Hawarah (6 septembre) : Un soldat a dit que sur les adultes de sexe masculin qui essaient de traverser les points de contrôle, il fallait arrêter un sur neuf. (19 septembre) : Toutes les personnes portant le nom de “ Mohammad ” ont été appréhendées, c’est là un grand nombre de personnes. ” (p.17) Shavi Shomron (extrait des rapports de Bit Eba) : “ Il était clair que ce qui se passait ici constituait une sanction collective ”.(p. 18) “ La mesure de “ arrêt de toute vie” - Il s’agit là d’une autre formule visant à retarder (les gens aux points de contrôle) appelée par l’armée “ arrêt de toute vie ” ; la dénomination de la mesure informe bien sur sa nature : le gel total de la circulation pendant des heures continues. Des centaines, peut– être des milliers, de personnes, et parmi elles des personnes âgées, des malades, des femmes enceintes, des bébés, des femmes qui allaitent sont ainsi interdites de mouvement ; on leur ordonne d’arrêter le déroulement de leur vie. ” (p.24) “ Bit Fourik (14 juillet) : des centaines de personnes attendent de passer, ils sortent de Naplouse. Mais le point de contrôle est fermé – l’“ arrêt de toute vie ” est de rigueur. De l’autre côté du point de contrôle, il y a un homme allongé sous perfusion ! Il s’est évanoui après avoir passé des heures à attendre sous le soleil. Son évacuation de la région était impossible. Des dizaines de femmes se bousculaient dans les zones où sont détenues les personnes arrêtées. L’une d’elles changeait debout les couches de son bébé ; une autre, portait dans ses bras un enfant âgé de quelque cinq ans habillé d’un pyjama d’hôpital. L’enfant semblait avoir perdu conscience ou s’endormait profondément et sa mère qui criait : il est gravement malade. ”(p.25) Source: Mahsom Watch30, 2004 : 15-24 30 52 projets de colonisation dans le même territoire et le renforcement des restrictions sur les déplacement à travers les points de contrôle (Le Centre palestinien pour les droits de l’homme, 2005). Après son retrait de la Bande de Gaza, Israël ne s’est pas empêché de mener des attaques contre la population du territoire au moyen de missiles et de l’artillerie sous prétexte de réagir à des attaques adverses. Il a même trouvé de nouvelles méthodes pour terroriser la population et lui faire peur ; il s’agit des explosions produites par ses avions militaires qui franchissent le mur du son et qui survolent le territoire. Les organisations palestiniennes et israéliennes des droits de l’homme ont dénoncé une telle pratique qui crée des situations de peur et de panique parmi les citoyens, notamment les enfants, et conduit à des avortements de femmes enceintes dont on a comptabilisé plus de 70 cas (Journal Asharq al-Awsat, 11novembre 2005 :10). La colonisation n’a pas cessé de faire échec au développement humain dans les territoires occupés L’occupation israélienne des Territoires palestiniens se poursuit avec ce qui l’accompagne comme mesures qui affectent dorénavant le tissu social palestinien et ce qui le cimente, détruisent les possibilités de libération, d’indépendance et de développement et ce en plus des dégâts causés aux civils et la perte de vies humaines des deux côtés. Violation des libertés des individus et des libertés de déplacement Le blocus militaire israélien des Territoires palestiniens s’est poursuivi au moyen de barrages militaires fixes et mobiles, ce qui a conduit à un éclatement de la Cisjordanie en 240 zones isolées. En plus des points de contrôle permanents, au nombre de 605 en avril 2005, Israël commence à utiliser des points de contrôle “ mobiles ”, dont le nombre s’élève à 374 points en juin 2005 ; ceci est considéré par le Rapporteur Spécial de la Commission des droits de l’homme comme une violation de la Mahsom Watch est une organisation humanitaire israélienne fondée en février 2001. Rapport sur le développement humain arabe 2005 dignité humaine en plus du fait qu’il représente une violation de la liberté de déplacement des Palestiniens31. En outre, les forces d’occupation ont instauré des limitations supplémentaires rendant plus difficile encore le mouvement de la population, comme l’interdiction faite aux Palestiniens d’emprunter de nombreuses voies utilisées par les colons juifs, ce qui rappelle les pratiques abjectes de ségrégation raciale et comme le fait d’exiger d’eux d’obtenir des autorisations spéciales pour pouvoir prendre les routes externes. “ Plus de 8 000 prisonniers palestiniens, parmi lesquels 120 femmes, sont encore dans les prisons israéliennes. Plus de 300 enfants de moins de 18 ans se trouvent dans des centres de détention israéliens; 40 % d’entre eux ont été condamnés à une peine d’emprisonnement et 60 % sont en détention provisoire … Des allégations continuent d’être faites selon lesquelles les détenus et les prisonniers seraient soumis à des tortures et à des traitements inhumains (passages à tabac, enchaînement dans des positions douloureuses, coups de pieds, bandage prolongé des yeux, privation de l’accès à des soins médicaux, exposition à des températures extrêmes et distribution de nourriture et d’eau en quantités insuffisantes. ” (Dugard, en français, 2005 : 14) Accentuation la violence des colons à l’encontre des civils palestiniens La période a connu une accentuation des actes violents perpétrés par des colons juifs à l’encontre des civils palestiniens. Les écoliers sont passés à tabac et terrorisés par les colons lorsqu’ils se rendent à l’école. Des cultures ont été détruites, des moutons et des chèvres volés. Les colons ont également volontairement empoisonné des puits ainsi que des champs dans la communauté d’At-Tutwani. (John Dugard, 2005, en anglais, 2005 : 11, 16). Amnesty International a confirmé que des produits chimiques toxiques ont été répandus dans les champs d’Al-Khalil (Hebron), entraînant la mort du bétail et l’empoisonnement des champs. Madame Kate Allen, représentante de l’organisation a déclaré que “ ces incidents d’empoisonnement paraissent faire partie d’une offensive visant exprès les revenus des paysans palestiniens ”. Amnesty a indiqué qu’Israël n’a pas essayé d’éliminer ces produits chimiques et n’a même pas essayé d’enquêter sur les cas d’empoisonnement (BBC, 25 avril 2005). Les victimes arabes du terrorisme ne sont pas aptes à recevoir les mêmes indemnités que leurs semblables juifs. En effet, la loi israélienne d’indemnisation des victimes du terrorisme n’accorde aucun droit aux victimes si les auteurs de l’agression sont juifs, car ils ne rentrent pas dans la catégorie “ ennemi de l’existence de l’Etat d’Israël ”32. Le 6 août 2005, un soldat israélien tire avec son fusil mitrailleur sur des civils arabes israéliens qui circulaient dans en bus en Israël, il en tua quatre et en blessa 15 autres. Malgré la gravité du crime qui a visé des civils et malgré sa qualification d’action terroriste et sa dénonciation comme telle, y compris de la part de responsables israéliens, le tribunal du ministère israélien de la Défense a jugé que les victimes “ne pouvaient pas être considérées comme des victimes d’une opération de terrorisme parce que l’assassin est juif” (The Guardian, “ Israël a jugé que l’assassin juif n’était pas terroriste ”, 1er septembre 2005). Sur un autre plan Israël poursuit sa violation du droit des Palestiniens à un environnement propre en déversant les eaux usées des colonies de peuplement juives dans les territoires palestiniens. Cette pratique constitue un grave problème auquel est confronté l’environnement palestinien, surtout que de nombreuses colonies de peuplement en Cisjordanie n’ont recours à aucune forme de traitement des eaux usées provenant de l’activité industrielle ou des maisons (Dugard, en anglais, 2005 : 16) Le mur avale les terres et met en échec le développement La période a connu une accentuation des actes violents perpétrés par des colons juifs à l’encontre des civils palestiniens. Les écoliers sont passés à tabac et terrorisés par les colons lorsqu’ils se rendent à l’école Les victimes arabes du terrorisme ne sont pas aptes à recevoir les mêmes indemnités que leurs semblables juifs. À côté de ces évolutions, la construction du mur se poursuit, bien que la Cour Internationale de 31 (John Dugard, 2005, en anglais) Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés.(2005). (Visite effectuée le 24 mars 2006) http://domino.un.org/unispal.nsf/eed216406b50bf6485256ce10072f637/ 02bf82d785fe854a85257088004c374c!OpenDocument 32 Institute for Counter-Terrorism, (2005) (Visite effectuée le 30 mars 2006) http://www.ict.org.il/editorials/editorialdet.cfm?editorialid=3 Jon Elmer ( The New Standard .(2005) . (Visite effectuée le 30 mars 2006). http://newstandardnews.net/content/index.cfm/items/2300 Les évolutions du développement humain dans le monde arabe depuis la publication du troisième rapport 53 La construction du mur se poursuit, bien que la Cour Internationale de Justice l’ait déclaré illégal et ait arrêté la nécessité de mettre un terme à sa construction et à son utilisation ainsi que de verser des indemnités en contrepartie des dégâts occasionnés par sa mise en place. Encadré 1-5 Justice l’ait déclaré illégal et ait arrêté la nécessité de mettre un terme à sa construction et à son utilisation ainsi que de verser des indemnités en contrepartie des dégâts occasionnés par sa mise en place. La construction du mur a eu des retombées graves sur la vie des Palestiniens qui vivent dans son voisinage. Le mur a séparé des milliers de Palestiniens de leurs terres agricoles. Israël refuse de leur accorder des autorisations pour s’y rendre. Ceux d’entre eux qui ont pu disposer de telles autorisations se sont rendu compte que les portes du mur ne sont pas ouvertes aux heures fixées (Dugard, en anglais, 2005 : 2). Quelque cinquante mille Palestiniens résident dans la zone fermée située entre le mur et la “ ligne verte ”, “et alors que tout colon ou toute personne d’origine juive, de n’importe quelle région du monde, peut circuler librement dans la zone fermée et autour, le Palestinien qui travaille ou vit dans ladite zone a besoin d’une autorisation pour pouvoir continuer à vivre chez lui et atteindre la source de sa subsistance”. (Surveillance des droits de l’homme, en anglais, 2005). Le mur va engendrer de grands risques sanitaires pour les Palestiniens selon un communiqué de “Médecins du Monde”, du “ Croissant rouge palestinien” et de “Médecins pour les droits de l’homme–Israël”. Il va empêcher quelque 10 000 Palestiniens qui souffrent des maladies chroniques et plus de 100 000 femmes enceintes de recevoir les soins de santé de base qui leur sont indispensables. En outre, si sa construction est achevée, le mur priverait plus de 130 000 Palestiniens de la vaccination. Le tiers des villages palestiniens sera dans l’incapacité d’atteindre les systèmes des services de santé (BBC, 15 février 2005). La construction du mur a isolé la ville d’Al Qods de manière forcée de la Cisjordanie, ce qui rend plus difficiles la négociation et Défiguration de la première des deux kibla Jérusalem est une ville historique d’une grande beauté, que le mur a beaucoup contribué à défigurer. Les responsables du projet de construction et de l’édifiDugard, en anglais, 2005 :13 54 cation du mur à Jérusalem ont agi sans respect aucun pour l’environnement. Tout cela a été fait pour transformer Jérusalem en ville juive. l’application des résolutions des Nations Unies à son sujet et plus délicate pour les musulmans et les chrétiens la tâche de se rendre aux lieux de culte qu’elle abrite. La construction du mur et la mise en place des points de contrôle, qui revêtent dorénavant un caractère permanent, ont isolé les parties de la Cisjordanie les unes des autres, ce qui affaiblit la possibilité de voir le rêve de l’Etat palestinien indépendant et souverain et les résolutions de la légalité internationale se réaliser à ce propos. La destruction systématique de l’économie palestinienne et son annexion à l’économie israélienne ainsi que les mesures prises dans le sens de l’éclatement géographique et pour imposer des réalités géopolitiques sur le terrain ont été accompagnées d’une forte campagne pour affaiblir les institutions palestiniennes afin d’éviter que ne se réalisent des actions sérieuses de développement humain. La dégradation des conditions de vie S’agissant des conditions économiques et de vie, les données montrent que les taux de pauvreté sont en augmentation. En effet les diverses estimations indiquent qu’ils ont progressé de 50% au niveau national, et atteignent 80% dans certaines régions (comme le sud de la Bande de Gaza). Le revenu moyen mensuel par famille a baissé pour passer de 445 à 333 dollars américains (soit le quart) entre 2000 et 2005 ; plus de 53% des familles ont vu leurs revenus baisser sévèrement. Les familles ont pris de nombreuses mesures d’adaptation pour surmonter cette baisse. Les femmes ont joué un rôle décisif à la fois dans ces mesures et par rapport à leurs conséquences. Les données montrent que, durant la dernière année (et jusqu’à mars 2005), 58% des familles ont réduit leurs dépenses, 16% d’entre elles se sont rabattues sur l’élevage et les cultures domestiques — tâches assurées tout particulièrement par les femmes (Institut central des statistiques palestinien, communiqué de presse, août 2005). D’autres données montrent que plus de 50% des femmes ont été obligées de vendre leurs bijoux pour subvenir aux besoins de la famille (Université Bir Zeit, Programme des études du développement, 2002 et 2004). Les taux de chômage ont varié entre 32% au début de l’année 2005 et quelque 27% à Rapport sur le développement humain arabe 2005 l’automne de la même année.33 Mais la tranche d’âge la plus affectée par le chômage, surtout dans la Bande de Gaza, est celle des jeunes. En effet les données montrent que 47,5% des jeunes (entre 20 et 24 ans) dans la Bande de Gaza étaient au chômage, comparés à 27,7% des jeunes de la même tranche d’âge en Cisjordanie. Les jeunes femmes (20-24) ont été les plus affectées parmi toutes les catégories, le taux de chômage en leur sein a atteint 48,4% contre une moyenne de 31,6% pour les jeunes hommes (Institut central de statistiques palestinien, communiqué de presse, juillet 2005). En matière de santé, les niveaux de vaccination contre plusieurs maladies ont commencé à baisser puisqu’ils ont atteint 66% pour les oreillons, la rougeole et la rubéole. La part des enfants de faible poids atteint 5% et celle des enfants qui ne grandissent pas suffisamment est de 10% (PNUD, en anglais, 2005). Les débuts d’une réforme palestinienne Le travail de réforme palestinien est allé de l’avant à travers l’organisation des élections présidentielles, la seconde de genre, en date du 20 janvier 2005. De même, des élections municipales ont également été tenues dans un grand nombre de localités et les élections législatives ont été organisées au début de l’année 2006, lesquelles ont montré que les forces religieuses bénéficient d’une audience croissante. Aux demandes de l’opinion publique palestinienne, aux pressions des forces sociétales et des organisations non gouvernementales ainsi que des parties internationales, l’Autorité palestinienne a répondu positivement et a engagé une série de réformes des appareils de sécurité et d’autres institutions du pouvoir. Néanmoins, les Palestiniens dans leur majorité continuent de considérer que régler la question de l’absence de sécurité et de l’autorité de la loi constitue la plus importante des priorités. En effet, selon un sondage d’opinion (Université Bir Zeit, Programme des études de 33 34 développement, 2005), 54% des Palestiniens la considèrent comme une priorité pour eux. Car, parmi les manifestations de l’anarchie sécuritaire, on peut noter que l’entendue de la diffusion des armes et leur utilisation illégale ainsi que l’augmentation de la violence familiale et les assassinats de femmes ont atteint un niveau sans précédent34. Dans le même sens, le travail de restructuration des institutions gouvernementales palestiniennes a débuté. Ainsi des institutions et des ministères ont-ils fusionné ou ont été supprimés. De nouvelles institutions ont été créées pour répondre aux nouveaux besoins de la société, comme le ministère des Affaires des femmes palestiniennes dont la création a été considérée comme une victoire importante du mouvement féministe. Néanmoins, les évènements en cours confirment que l’amélioration de la situation des femmes palestiniennes a également besoin qu’il y ait un engagement général et total dans des politiques nationales publiques sensibles au genre social qui participent à la promotion générale dans la voie de la fin de l’occupation israélienne. Dans le cadre d’une initiative de la Ligue des Etats arabes Les méfaits de l’occupation de l’Irak mis à découvert Le processus politique en Irak, comme nous l’avons déjà indiqué, a connu des évolutions importantes au cours de l’année 2005 : la tenue d’élections législatives, le vote pour le choix de la constitution irakienne, lesquels constituent des actions positives que les Irakiens n’ont jamais pu expérimenter avec une telle fougue. Dans le cadre d’une initiative de la Ligue des Etats arabes, une rencontre s’est tenue au Caire entre les 19 et 21 novembre 2005 et a réuni les différentes fractions et forces politiques irakiennes en préparation d’un congrès national de réconciliation à Bagdad au début de l’année 2006. Tout en dénonçant les opérations terroristes, les participants se sont mis d’accord sur la légitimité de la résistance à l’occupation, ce qui est un droit légitime pour tout le monde, et ont exigé que soit arrêté un échéancier pour mettre fin à la Les participants se sont mis d’accord sur la légitimité de la résistance à l’occupation, ce qui est un droit légitime pour tout le monde, et ont exigé que soit arrêté un échéancier pour mettre fin à la présence étrangère en Irak. Le taux atteint 21,2% selon la définition sévère du chômage retenue par l’Organisation Internationale du Travail. Le Centre des femmes pour l’aide légale et le conseil (WCLAC) (2005) (visite effectuée le romain 2006) http://www.wclac.org Les évolutions du développement humain dans le monde arabe depuis la publication du troisième rapport 55 présence étrangère en Irak. Avec l’élection de l’Assemblée Nationale Permanente et la formation d’un nouveau gouvernement en 2006, le plus grand défi auquel le pouvoir en place doit faire face est d’engager les réformes nécessaires au niveau de la Constitution en vue de garantir l’unité de l’Irak, son intégrité territoriale, la protection des droits de l’homme, de réaliser la réconciliation nationale et de mettre un terme à l’anarchie et à la corruption ; bâtir un Irak unifié, débarrassé des forces d’occupation étrangères et des actes terroristes. Toutefois une telle opération politique s’est produite à un moment marqué par de nombreuses pratiques négatives et inadaptées, relatives entre autres aux problématiques de la reconstruction de l’Etat irakien et de ses institutions sous l’occupation et de l’éclatement de l’Irak sous le poids des tendances confessionnelles. Le bilan définitif des évolutions de l’année écoulée reste la poursuite de l’occupation avec ses répercussions graves. Le coût humain de l’occupation : l’usage d’armes prohibées et la torture La télévision officielle italienne a diffusé au mois de novembre 2005 un film qui accuse l’armée américaine d’avoir utilisé des bombes au phosphore blanc, qui brûlent peau et chair et dont l’usage est prohibé, dans l’attaque menée contre les civils et les régions habitées dans la ville de Fallujah (BBC, 8 novembre 2005). Les preuves continuent de s’accumuler sur l’usage sur une large échelle de la torture sous l’occupation. Les organisations non gouvernementales des droits de l’homme ont porté plainte en octobre 2005 auprès de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies à Genève contre l’Administration américaine pour avoir commis des violations graves des droits de l’homme au sein de “dizaines” de centres semblables à la prison d’”Abu Ghraib”, de funeste renommée. (Inter Press Service, 26 octobre 2005).35 Il faut aussi noter que certains éléments du gouvernement irakien ont participé aussi à 56 35 Inter Press Service (Agence de presse). 36 Iraq Body Count la torture des Irakiens. En effet, en novembre 2005, des informations diffusées ont fait état de la découverte par les forces américaines d’un “centre secret de torture” à la cave du bâtiment du ministère irakien de l’Intérieur dans une zone de la banlieue de Bagdad (New York Times, 16 novembre 2005). C’est ce qui a amené le Premier ministre d’Irak sous occupation, Ayyad Allaoui, à protester en déclarant que les violations des droits de l’homme sont de nos jours pires qu’elles ne l’étaient sous l’ancien régime. (The Observer, 27 novembre 2005). Malgré l’information donnée dans un rapport publié par la revue britannique “Lancet”, en novembre 2004, (Burnham, 2004) relative à la mort de plus de 100 000 civils depuis le début de l’occupation de l’Irak, les agressions visant des civils ne se sont pas arrêtées. Les forces de la Coalition ont même étendu leurs opérations militaires à plusieurs villes irakiennes, poursuivi leur bombardement des objectifs civils et pris d’assaut les hôpitaux et les lieux de culte sous prétexte de poursuivre “les rebelles et les terroristes”. Elles ont continué à arrêter des milliers de personnes, et leurs soldats commettent des crimes de guerre tels que l’assassinat des prisonniers et des blessés et la torture infligée aux détenus. Les enquêtes menées par les forces de la Coalition et les peines légères retenues contre les auteurs de ces crimes laissent une impression d’impunité et d’encouragement à la poursuite de ces pratiques. Vers la fin de l’année 2005, le président américain a évalué le nombre de tués parmi les civils irakiens à 30 000, chiffre proche du niveau évalué par la société de comptabilisation des tués en Irak36 qui varie entre 27 000 et 31 000 tués à peu près. La tragédie du peuple irakien a été amplifiée par l’implication de quelques milices locales, d’organisations terroristes et de bandes criminelles dans les crimes perpétrés contre les civils : assassinats, enlèvements et destructions qui ont fait des milliers de victimes civiles et risquent aujourd’hui d’allumer le feu d’une guerre confessionnelle. (Amnesty International, 2005b). Rapport sur le développement humain arabe 2005 Le développement de la corruption Certains aspects de la corruption sont relevés dans un rapport d’audit financier, préparé par le Bureau de Bahreïn, dépendant d’une société américaine d’audit célèbre37 pour le compte du Conseil international pour le conseil et l’orientation38 de l’autorité d’occupation de l’Irak, lequel a été constitué en octobre 2003, et publié au début du mois de juillet 2005 dans la presse britannique (The Guardian, 7 juillet 2005). Le rapport dévoile la gravité de la corruption financière de l’autorité d’occupation et du Gouvernement provisoire. Il souligne que cette autorité et ce gouvernement se sont illégalement emparé des ressources financières du peuple irakien destinées à la reconstruction de l’Irak, détruit par les forces de la coalition d’occupation. Durant les 8 mois au cours desquels Bremer était Gouverneur d’Irak disposant de tous les pouvoirs sur le pays, quelque 9 milliards de dollars, pour l’essentiel de l’argent du peuple d’Irak, ont “disparu”39 (quand Bremer quitte l’Irak, le 28 juin 2004, l’autorité de la Coalition a déjà dépensé 20 milliards de dollars pris sur les ressources financières de l’Irak40 contre 300 millions de dollars seulement financés par le gouvernement américain).41 Les auditeurs des comptes ont découvert que l’autorité d’occupation n’avait pas tenu de comptabilité pour tout ce qui concerne les centaines de millions de dollars en liquide qu’elle a gardés dans ses caisses, et que 8,8 milliards de dollars virés sur le compte du Gouvernement provisoire irakien ont été dépensés sans laisser de traces. Apparemment, l’indulgence en matière de contrôle de l’affectation des ressources de l’Irak s’est poursuivie après le départ de Bremer (Harriman, en anglais, 2005). Il n’est donc pas surprenant qu’un sondage effectué par le ministère des affaires étrangères américaines en 2005 et portant sur un échantillon de 2000 Irakiens ait conclu que “la 37 KPMG 38 IAMB (International Advisory and Monitoring Board for Iraq) 39 majorité des Irakiens disent que le niveau de la corruption est plus grand aujourd’hui qu’il ne l’était ” sous l’ancien régime (Les Affaires étrangères américaines, en anglais, 2005) La corruption financière générée par l’occupation se manifeste aussi dans la destruction, sur une large échelle, des ressources pétrolières de l’Irak, attestée, documents à l’appui, par l’ouvrage de l’ancien ministre du pétrole Issam al-Jalabi, publié sous le titre “Une lecture dans l’industrie du pétrole en Irak et dans la politique pétrolière”. Il y révèle comment des établissements furent détruits et des documents, appareils et équipements furent volés pendant la guerre et même après que le pays eut été occupé, à tel point que deux ans après “la libération” l’industrie pétrolière n’arrivait toujours pas à atteindre les niveaux de production d’avant guerre. L’Irak est devenu, pour la première fois de son histoire, un pays importateur de produits pétroliers pour un coût équivalent à 3 milliards de dollars par an (Mohamed Arrif, en arabe, 2005). Une étude menée récemment conclut que les pertes subies par l’Irak à la suite des accords de participation à la production passés avec les sociétés multinationales pétrolières, sous réserve, varient entre 74 et 194 milliards de dollars, en comptabilisant le baril à 40 dollars avec une exploitation de 12 champs pétrolifères, sur 60 champs au moins, sans parler de la perte du contrôle national sur l’industrie pétrolière au profit desdites sociétés internationales. Le manque à gagner moyen par personne et par an pour les citoyens irakiens sur trente ans, la durée des accords, équivaut au Produit intérieur brut par personne en Irak aujourd’hui (Platform et al., en anglais, 2005). La dilapidation des richesses de l’Irak entreprise par l’occupation va au-delà du pétrole pour toucher une richesse symbolique qui concerne l’humanité tout entière, nous entendons le grand pillage et la destruction des traces de la civilisation humaine en Irak. L’autorité d’occupation et du Gouvernement provisoire. se sont illégalement emparé des ressources financières du peuple irakien destinées à la reconstruction de l’Irak, détruit par les forces de la coalition d’occupation. La majorité des Irakiens disent que le niveau de la corruption est plus grand aujourd’hui qu’il ne l’était ” La dilapidation des richesses de l’Irak entreprise par l’occupation va audelà du pétrole pour toucher une richesse symbolique qui concerne l’humanité tout entière Fax News (2004) (Visite effectuée le 18 juillet 2006) http://www.foxnews.com/story/0,2933,129489,00.html CNN (2005) (visite effectuée le 18 juillet 2006) http://edition.cnn.com/2005/WORLD/meast/01/30/iraq.audit/Times, (2005). (Visite effectuée le 18 juillet 2006) http://www.ftimes.com/main.asp?SectionID=1&SubSectionID=1&ArticleID=25316&TM=74844.16 40 Global Policy (2004) http://www.globalpolicy.org/security/issues/iraq/dfi/2004/06fuelingsuspicion.pdf 41 The Guardian (2005) (Visite effectuée le 10 avril 2006) http://www.guardian.co.uk/Iraq/Story/0,2763,1522983,00.html Les évolutions du développement humain dans le monde arabe depuis la publication du troisième rapport 57 Eleanor Robson, de la Faculty of Oriental Studies à l’Université d’Oxford, a comparé ce pillage “à la dévastation de Bagdad42, par les Mongols en 1258”43 Le livre “Le pillage du musée irakien, Bagdad” auquel les meilleurs archéologues d’Irak ont contribué, rapporte des informations sur 7000 pièces retrouvées parmi les 15 000 pièces volées ; aucune pièce n’a été rapatriée en Irak à ce jour. Le sort de la collection de cachets sumériens du musée n’est pas encore clair. C’est une collection de quelque 6 000 pièces, certains cachets remontant à l’aube de la création de l’écriture. La construction par les forces d’occupation de bases militaires et d’aéroports à côté de sites archéologiques importants a occasionné des destructions sur une large échelle (Mohamed Arrif, en arabe, 2005b). Les estimations courantes du coût économique de l’invasion et de l’occupation de l’Irak, y compris les coûts financiers directs l’évaluent à 500 milliards de dollars à peu près Le coût global de l’invasion et de l’occupation de l’Irak Les estimations courantes du coût économique de l’invasion et de l’occupation de l’Irak, y compris les coûts financiers directs (estimés par une étude récente à quelque 255 milliards de dollars, dont 40 milliards financés par des associés de la Coalition) en plus du manque à gagner en termes de revenus du pétrole et la destruction de capitaux, l’évaluent à 500 milliards de dollars à peu près. On s’attend à ce que ce montant double d’ici à 2015 (American Entreprise Institut Brookings, en anglais, 2005). Le désir populaire de mettre fin à l’occupation Les assertions sur le désir populaire de voir l’occupation prendre fin se sont multipliées au sein des cercles de l’un des deux pôles de la coalition d’occupation de l’Irak. Un sondage, financé par le ministère britannique de la Défense et couvrant l’ensemble de l’Irak, ébruité par le journal “Sunday Telegraph” à la suite de fuites, montre que plus de 99% des Irakiens ne croient pas que la présence des 58 forces de la Coalition assure plus de sécurité dans le pays et que la moitié presque des sondés sympathisent avec les attaques violentes lancées contre les forces de la Coalition (The Guardian, 23 octobre 2005). Pour faire face à la montée du rejet populaire de la poursuite de l’occupation, l’état major de l’armée américaine en Irak a eu recours à la corruption de journaux irakiens pour les amener à publier des articles insistant sur le caractère positif de l’action des Etats Unis en Irak, corruption reconnue pour la première fois vers la fin de l’année 2005 (Washigton fost, 3 décembre 2005). Conclusion A la lumière de ce qui précède, on peut dire que l’environnement régional et international fait peser une forte hypothèque sur le développement humain et sur les droits de l’homme, en raison notamment de l’occupation étrangère en Palestine et en Irak et de la “guerre au terrorisme”. Le citoyen arabe souffre de la violation de ses droits et de ses libertés fondamentales, à commencer par le droit à la vie, en passant par les droits civils et politiques et en terminant par les droits économiques et sociaux. Telle est la situation présentement. Mais les implications négatives de cet environnement régional et international, handicapant pour le développement humain, limitent les possibilités de renaissance du monde arabe, car elles handicapent la réforme, entravent la possibilité de parvenir à des solutions pacifiques et justes à la violation par l’occupation de la liberté de la nation et du citoyen, ce qui est susceptible d’entraîner la région vers davantage d’extrémisme et vers des formes violentes de protestation, faute d’une gouvernance juste au plan mondial, garante de la sécurité et agissant pour le bien être humain de tous. 42 The looting of the Iraq Museum, Baghdad 43 The Guardian (2003) (visite effectuée le 28 avril 2006) http://www.guardian.co.uk/Iraq/Story/0,,979734,00.html Rapport sur le développement humain arabe 2005 Les avancées entreprises pour surmonter les déficits du développement humain L’Elargissement de l’espace de la liberté La tendance générale au cours de la période couverte par la présente analyse a été celle de la poursuite du processus de restriction de la liberté et du renforcement de la structure du pouvoir despotique en place tel qu’on l’a montré dans les sections précédentes de cette partie du Rapport. Toutefois, des évolutions positives en matière d’élargissement de l’espace des libertés sont repérables dans les pays arabes. Renforcement et protection de la culture des droits de l’homme En Egypte le Conseil national pour les droits de l’homme a publié son premier rapport annuel (2005). Que le rapport ait abordé certaines violations parmi les plus graves des droits de l’homme dans le pays et qu’il ait demandé que soit mis un terme à l’état d’urgence a agréablement surpris les milieux des droits de l’homme ! Il reste maintenant aux autorités de prendre les mesures efficaces pour assurer les droits de l’homme et sanctionner ceux qui les violent en s’appuyant sur ce genre de rapport. (Mohamed Salim Al Awdah, en rabe, 2005). En Jordanie, le Centre national des droits de l’homme a également publié son premier rapport annuel. La Tunisie a ratifié la Charte arabe des droits de l’homme et la Syrie a rejoint la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Des sessions de formation aux droits de l’homme ont été organisées à l’intention des religieux et de la police en Egypte. Décision a été prise de rendre obligatoire l’enseignement de la démocratie et des droits de l’homme dans les écoles de Bahreïn. Un centre des Nations Unies pour le renforcement des droits de l’homme dans la région arabe est en cours de construction. Une association des droits de l’homme a été constituée aux Emirats. Les nouvelles autorités mauritaniennes ont organisé, pour la première fois, une grande rencontre civile et politique avec la participation de toutes les composantes de l’opposition pour débattre des problématiques posées par la situation actuelle dans le pays et contribuer à dessiner les traits de la phase de transition. De nombreuses organisations non gouvernementales et des centres de recherche en développement ont reçu l’autorisation d’exercer. Vers la liquidation de l’héritage des années d’oppression au Maroc Selon les critères de l’histoire politique, il ne serait pas excessif de considérer que le plus grand événement de l’année 2005 au Maroc a été représenté par les auditions publiques organisées par l’Instance Equité et Réconciliation pour permettre aux nouvelles générations au Maroc de connaître des faits et des données atroces que le pays a vécus durant la période allant du début de l’indépendance à l’année 1999. Cette action s’inscrit dans la logique de la justice transitionnelle dans un Maroc qui cherche à se réconcilier avec luimême en liquidant de certains aspects d’un héritage marqué par des degrés élevés de despotisme et d’oppression. Une série d’auditions a ainsi été programmée pour entendre un échantillon de victimes, appartenant aux différentes composantes de l’opposition politique nationaliste et de gauche, qui ont subi différentes formes d’oppression dans les prisons et dans les centres lieux de crimes consistant à martyriser l’humanité des êtres humains. Les membres de l’Instance ont réuni plus de vingt mille dossiers et décidé de faire entendre 200 témoignages directs, retransmis directement sur les stations de radios et de télévisions marocaines. L’Instance a présenté son rapport final qui réunit les résultats et les conclusions de ses travaux concernant les différentes missions qui lui ont été assignées ainsi que des recommandations et propositions en vue de réformes constitutionnelles, institutionnelles et éducatives nécessaires à même d’aider à tourner la page et pour garantir que ce qui s’est passé ne se reproduise plus. Les évolutions du développement humain dans le monde arabe depuis la publication du troisième rapport 59 A la recherche de la réconciliation nationale en Algérie L’acquisition du savoir est considérée par les pouvoirs en place comme par les bailleurs de fonds comme un domaine neutre politiquement qui est par conséquent ouvert à une action élargie, contrairement à l’action visant Le Président algérien a adopté une initiative visant à dépasser le climat de conflit et d’hostilité dans le pays, hérité des années 90, en proposant une Charte pour la paix et la réconciliation nationale, largement plébiscitée par référendum populaire. Une orientation démocratique limitée aux Emirats Le chef de l’Etat des Emirats a annoncé engager le pays dans processus démocratique consistant à élire la moitié des membres du Conseil national de l’Union, constitué de 40 membres, par 4000 personnes, représentant les élites de la société désignées par les cheikhs des sept Emirats. L’élargissement de la participation populaire en Jordanie chimère. En effet, En Jordanie, une commission désignée par le Roi et représentant les divers courants politiques a proposé un agenda national pour la réforme économique, sociale et politique. Elle recommande en autres d’apporter des amendements importants aux lois sur les partis et sur les élections. La plus grande question est de savoir si le gouvernement va appliquer les recommandations de la commission, lesquelles sont à même de développer la vie politique et d’élargir la participation populaire. l’éducation, tout L’acquisition du savoir à surmonter le déficit en liberté. Mais la neutralité politique des modes d’acquisition du savoir est une grande particulièrement, est un instrument maniable pouvant servir à reproduire ou à renforcer la domination intérieure ou extérieure 60 L’acquisition du savoir est considérée par les pouvoirs en place comme par les bailleurs de fonds comme un domaine neutre politiquement qui est par conséquent ouvert à une action élargie, contrairement à l’action visant à surmonter le déficit en liberté. Mais la neutralité politique des modes d’acquisition du savoir est une grande chimère. En effet, l’éducation, tout particulièrement, est un instrument maniable pouvant servir à reproduire ou à renforcer la domination intérieure ou extérieure. Les efforts visant à modifier les programmes et les méthodes d’enseignement se sont multipliés ; certains de ces efforts satisfont aux échéanciers d’entreprises de “ réforme ” sous l’impulsion étrangère qui ne servent pas nécessairement la renaissance du monde arabe. Plus précisément, les programmes arabes d’enseignement font face, actuellement, à des pressions étrangères visant à les faire “ évoluer ” pour intégrer les valeurs favorables à la promotion des droits de l’homme, des femmes et des valeurs de démocratie et de tolérance. Un tel changement est certainement nécessaire sur plusieurs plans, non seulement l’introduction de telles valeurs universelles mais aussi pour moderniser ces programmes et introduire des aspects importants ayant trait à la révolution des communications et à l’interactivité rapide entre les peuples et les Etats dans le monde. Mais s’attaquer à ces programmes parce qu’ils comportent des valeurs ‘islamiques’ pouvant conduire à ‘l’extrémisme’ peut aboutir à un résultat tout à fait opposé et renforcerait la résistance interne au changement. La promotion des femmes La question de la promotion des femmes, qui est au cœur du présent Rapport, est l’un des aspects du déficit de développement humain pour le dépassement duquel les Etats arabes ont eu l’habitude d’œuvrer. Ils l’ont toutefois fait de manière inconséquente. L’illustration de cette inconséquence est que l’action se contente d’une promotion de façade qui consiste à faire accéder des femmes distinguées à des postes de direction au sein de la structure du pouvoir en place, sans que la promotion s’étende à la base la plus large des femmes, ce qui appelle automatiquement une promotion de tous l es citoyens. Néanmoins on peut repérer les tendances positives suivantes dans le domaine de la promotion des femmes : • Au Koweït, la promulgation par le Parlement (Majliss al-Oumma) de la loi accordant aux femmes le droit de vote et d’éligibilité aux élections générales et locales est le couronnement de décennies de luttes des femmes et de leurs soutiens. Cette promulgation a été suivie par la nomination d’une femme ministre du Plan, poste qu’aucune femme n’a jamais occupé dans l’histoire du Koweït. Rapport sur le développement humain arabe 2005 • En Egypte, une femme est nommée, pour la première fois présidente d’une société holding de pétrole, onze femmes ont été nommées au Conseil consultatif (Majliss alChoura), l’âge légal du mariage des filles a été relevé à 18 ans et le ministère des Forces travailleuses et de l’Emigration est revenu, lors d’un remaniement ministériel opéré à la fin de l’année 2005, pour la première fois, à une femme. • Un remaniement ministériel opéré en avril 2005 en Jordanie s’est accompagné par la nomination de quatre femmes ministres. Toutefois, la formation d’un nouveau gouvernement en novembre 2005 a ramené à un le nombre de ministres femmes. • Au Liban une femme ministre est nommée pour la première fois en 2005. Six femmes ont gagné les élections législatives. • Aux Emirats, un remaniement ministériel a permis, pour la première fois, à une femme d’accéder au gouvernement et le nombre de femmes ministres est passé à deux dans la dernière formation gouvernementale. • En Tunisie, une femme est pour la première fois nommée préfet (wali). • Au Qatar, une femme dirige le Secrétariat général du Conseil municipal. • En Syrie, une femme est nommée membre de la direction nationale du Parti Baath. • En Arabie Saoudite, l’obligation pour la femme d’avoir l’autorisation du tuteur pour pouvoir obtenir une carte d’identité a été abrogée. Deux femmes sont devenues membres du Conseil représentatif des journalistes ; trois femmes ont été élues au Conseil d’administration de l’Association nationale des droits de l’homme. Les femmes ont participé aux élections des chambres de commerce de la ville de Riad. Deux candidates ont réussi à intégrer le conseil de ces chambres. Une délégation de 40 dames saoudiennes s’est rendu en visite de travail officielle en Grande Bretagne et le Roi Abdallah a rencontré des groupes professionnels de femmes qui lui ont présenté des revendications générales. • A Bahrayn, l’autorisation préalable du mari pour l’obtention par la femme du passeport est levée ; la femme est en outre associée à la gestion de la circulation routière. En Algérie, une femme est nommée présidente de l’Université de Boumerdes. La Libye a ratifié l’Accord portant création de l’Organisation de la femme arabe. Conclusion Le monde arabe a continué, tout au long de la période couverte par ce rapport, à vivre un état d’enfantement du développement dont personne ne peut prévoir l’aboutissement. D’un côté, quelques réformes dans les domaines de la diffusion du savoir et de la promotion des femmes ont été entreprises. Excepté dans un pays arabe ou deux, il n’y a plus un parlement, un ministère ou un conseil municipal qui n’a pas au moins une femme dans ses rangs, qui participe avec compétence à la réalisation des missions qui sont de son ressort. D’ailleurs de nombreux Etats arabes commencent à revoir les systèmes éducatifs en vue de la promotion des femmes. Mais la marche dans la voie de la réforme politique reste toujours incertaine. Le fossé qui sépare réalité et aspirations des forces vives des pays arabes continue de se creuser à cause de la lenteur de la réforme, d’une part, et de la vitalité des forces de la société civile qui ont réussi à franchir le barrage de la peur, qui les a longtemps bloquées et à élaborer leurs revendications en matière de réforme d’une manière plus claire et plus agressive, d’autre part. Bien que représentant une avancée en comparaison avec les pratiques précédentes, les élections tenues sont loin de réunir en général les conditions des élections libres et honnêtes pour l’avènement desquelles militent les forces de la société civile. En outre, de nombreux régimes ont annoncé des programmes de réforme politique, mais leur mise en œuvre est restée limitée et timide. Les libertés politiques et civiles continuent en effet à être violées en l’absence d’une force de dissuasion pour faire barrage à de telles violations. Bien qu’il se soit un peu élargi, le droit à la participation politique est toujours soumis à des restrictions et fait face, dans la pratique concrète, à des limitations légales et à d’autres limitations encore. Les réformateurs et les activistes des droits de l’homme continuent d’être la cible constante des mesures répressives ; ils risquent dans leur La marche dans la voie de la réforme politique reste toujours incertaine. Le fossé qui sépare réalité et aspirations des forces vives des pays arabes continue de se creuser à cause de la lenteur de la réforme, d’une part, et de la vitalité des forces de la société civile qui ont réussi à franchir le barrage de la peur, qui les a longtemps bloquées et à élaborer leurs revendications en matière de réforme d’une manière plus claire et plus agressive, d’autre part. Les évolutions du développement humain dans le monde arabe depuis la publication du troisième rapport 61 quête des libertés et des droits de perdre non seulement leur bien être, mais même leur vie. En dépit de la multiplication des initiatives internationales pour la réforme dans le monde arabe, l’impact négatif de l’environnement international sur le processus de réforme s’est accentué. Le terrorisme et la guerre qui est menée contre lui menacent dorénavant non seulement le droit du citoyen arabe à la liberté et au développement mais aussi son droit à la vie. S’agissant des situations d’occupation étrangère, l’occupation israélienne en Palestine tout particuluèrement continue de priver les Arabes de leurs droits politiques, économiques et sociaux les plus élémentaires et menace la sécurité et la paix dans la région tout entière. Pour toutes ces raisons, le processus de développement a été perturbé et est resté aléatoire, ce qui a maintenu le monde arabe dans le statu quo, non loin du processus de “ la destruction en perspective ” contre lequel le troisième Rapport sur le développement humain arabe a mis en garde. Mais l’espoir de voir le processus de “ la prospérité humaine ” (izdihar) l’emporter n’est pas perdu. C’est dans cette optique, et dans l’espoir de renforcer la tendance de cet izdihar, que ce quatrième rapport est publié. Le contenu de la deuxième partie du Rappaort La deuxième partie de ce Rapport comporte une étude du troisième volet du déficit retenu par le premier Rapport sur le développement humain arabe, à savoir le déficit en matière de promotion des femmes dans les pays arabes. Il s’agit d’établir une vision stratégique pour surmonter ce déficit et assurer la promotion des femmes dans le monde arabe. Le premier chapitre pose les fondements conceptuels du rapport en reprenant les concepts fondamentaux de la série de rapports sur le développement humain arabe, c’est à dire la liberté et les droits de l’homme, en centrant l’intérêt sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans une perspective de sauvegarde de la dignité humaine. Le chapitre aborde ensuite quelques questions problématiques relatives au statut des femmes dans le monde arabe de nos jours. 62 Le contenu du chapitre montre, notamment dans sa deuxième partie, que la situation des femmes dans les pays arabes est l’aboutissement de la conjonction de plusieurs facteurs culturels, sociaux, économiques et politiques qui s’interpénètrent de manière complexe, et dont certains sont problématiques. Ceci nécessite, à la lumière de l’approche méthodologique retenue par le “ Rapport sur le développement humain arabe ”, une analyse aussi vaste et profonde que possible de nombreux éléments constitutifs des sociétés arabes afin d’établir un diagnostic des situations des femmes dans les pays arabes, d’essayer d’expliquer leur statut actuel et d’élaborer une vision stratégique pour leu promotion dans le monde arabe. Le rapport tente dans un premier temps d’établir un diagnostic de la condition actuelle des femmes dans les pays arabes par rapport aux axes du développement humain, d’acquisition et d’utilisation des capacités humaines par les femmes, du niveau du bien être humain qui en résulte et de l’égalité entre les femmes et les hommes en droits humains, en accordant une attention particulière aux expériences en matière de promotion des femmes dans les pays arabes, étant bien entendu que la volonté d’entreprendre cette promotion et l’action sociale qui la traduit sont deux facteurs centraux de promotion des femmes (chapitres 2-5). Après le diagnostic, le rapport essaie d’expliquer la condition des femmes dans le monde arabe à travers une analyse du contexte sociétal qui l’influence, en centrant l’intérêt sur les structures culturelles – notamment la religion et plus précisément l’islam –, sociales et politiques (chapitres 6-9). Sur la base du diagnostic et de l’essai d’explication, le rapport présente dans le dernier chapitre (chapitre 10), une vision stratégique, sous forme de grandes lignes, pour la promotion des femmes dans le monde arabe. Cette promotion est considérée comme l’élément complémentaire principal des deux autres, à savoir celui de la construction de la société du savoir et celui de la liberté et de la bonne gouvernance, de construction d’une renaissance humaine du monde arabe conformément à la vision globale élaborée par le Rapport du développement humain arabe. Rapport sur le développement humain arabe 2005 Deuxième partie Vers La Promotion Des Femmes Dans Le Monde Arabe Premièrement : Le Cadre de Référence Chapitre I Concepts et problématiques Les concepts fondamentaux et l’évolution historique relatifs à la naissance de la discrimination à l’égard des femmes et aux moyens pour la combattre Les concepts La promotion1 des femmes2 La promotion des femmes, en ce qu’elle est un état de perfection sociétale, se réalise dans le cadre de la société de la liberté, défendue par le troisième Rapport arabe de développement humain (2004), par l’élimination de toutes les formes d’atteinte à la dignité humaine pour toutes les femmes, en leur garantissant, notamment, les droits à la citoyenneté complète, et qu’elles usent de tous les droits de l’homme sur un pied d’égalité avec les hommes, dans les pays arabes. La définition de la liberté retenue ici ne signifie pas seulement d’user des libertés civiles et politiques, qui sont le fondement de la citoyenneté, mais englobe également l’émancipation de toutes les formes de rabaissement de la dignité humaine, telles que l’ignorance, la maladie, l’indigence et la peur. Comme nous l’avons souligné dans le “ Rapport arabe sur le développement humain : année 2004 ”, ce concept global de liberté équivaut, d’une part, au concept de développement humain retenu par le Rapport et, d’autre part, à l’ensemble du système des droits de l’homme. User des droits de l’homme La finalité suprême de la promotion des femmes dans le monde arabe, son premier principe structurant, est que les femmes dans le monde arabe, toutes les femmes, puissent user de tous les éléments du système des droits de l’homme sur un pied d’égalité avec les hommes. Pratiquement, la notion de “ promotion des femmes dans le monde arabe ” appelle, dans le cadre du concept de développement humain, qui est un processus de changement social, l’émancipation des femmes des entraves juridiques et politiques qui les ligotent et les placent dans un bas niveau social et leur permettre de disposer des instruments de leur propre promotion par le développement de leurs capacités. Pour ce faire, il faut garantir l’égalité complète entre les femmes et les hommes en matière d’acquisition des capacités humaines, de base notamment, à savoir être en bonne santé, dans son acception globale, l’acquisition du savoir tout au long de la vie, en commençant par l’égalité complète entre les filles et les garçons. La garantie de l’égalité totale des chances La garantie de l’égalité des chances en matière d’utilisation efficace des capacités humaines dans tous les domaines de l’activité humaine, dans la production comme dans les activités sociales et politiques, conduit au rapprochement des deux sexes en matière d’utilisation des éléments du bien être humain, sur les plans moral et matériel. L’égalité totale des chances est donc le 1 Le premier “ Rapport arabe sur le développement humain ” paru en 2002 avait utilisé l’expression “ autonomisation des femmes ”, mais “ promotion des femmes ” et non pas “ promouvoir les femmes ” nous semble plus approprié. Il s’agit d’insister sur l’action militante des femmes pour obtenir leur droits et promouvoir leur statut à travers la construction de leurs capacités et l’usage efficace qu’elles en font dans un contexte sociétal favorable. Ce sont là des fondements importants de la vision stratégique qui clôt ce rapport. 2 La promotion des femmes, en ce qu’elle est un état de perfection sociétale, se réalise dans le cadre de la société de la liberté, par l’élimination de toutes les formes d’atteinte à la dignité humaine pour toutes les femmes, Finalité suprême de la promotion des femmes dans le monde arabe, son premier principe structurant, est que les femmes dans le monde arabe, toutes les femmes, puissent user de tous les éléments du système des droits de l’homme sur un pied d’égalité avec les hommes. Par femme ou femmes ce rapport entend le “ genre ”, autrement dit l’ensemble des femmes des pays arabes sans distinction ou discrimination. Concepts et problématiques 65 second principe structurant du processus de “ promotion des femmes arabes ” dans le cadre du respect du droit à la liberté, dans son sens global, pour tous. Aussi, ce dont il est fondamentalement question ici, ce n’est pas seulement de rendre justice aux femmes citoyennes des Etats arabes, bien que cela soit nécessaire, mais de traiter équitablement tous les citoyens arabes, et toutes les femmes dans les pays arabes. Ceci nous amène à traiter de la question des droits de la citoyenneté. La garantie de l’intégralité des droits de la citoyenneté pour tous les citoyens arabes, plus particulièrement les femmes, est le troisième principe structurant du processus de “ promotion des femmes dans le monde arabe ”. La garantie de l’intégralité des droits de la citoyenneté3 pour les femmes Le Rapport arabe sur le développement humain pour l’année 2004 a retenu une définition globale de la liberté qui marie liberté individuelle et justice, qui assure l’équilibre entre le développement humain, d’un côté, et tout le système des droits de l’homme, tel que retenu par le droit international des droits de l’homme, d’un autre côté, et qui lie la sauvegarde de la liberté à la mise en place d’un système de bonne gouvernance, garantissant les droits inaliénables de la citoyenneté pour tous les citoyens arabes. Dans la mesure où les droits de la citoyenneté ne sont pas totalement respectés dans les pays arabes et qu’il y a aggravation des privations des femmes de ces droits, le développement exige le respect des droits de la citoyenneté pour tous, particulièrement pour les femmes, sur un pied d’égalité avec les hommes. La féminité ne doit pas justifier l’atteinte à la dignité humaine des femmes ni la restriction des droits effectifs de la citoyenneté. Dans ce cadre, on ne peut pas considérer comme une discrimination en matière de droits de la citoyenneté la ségrégation positive temporaire qui vise à faciliter l’accès des femmes aux centres de décision desquels elles ont été exclues pendant de longs siècles marqués par le monopole des hommes. Ainsi, la garantie de l’intégralité des droits de la citoyenneté pour tous les citoyens arabes, plus particulièrement les femmes, est le troisième principe structurant du processus de “ promotion des femmes dans le monde arabe ”. 3 66 L’égalité dans le respect de la différence Certes, les femmes sont différentes des hommes mais ne leur sont pas inférieures ! Cette différence est en partie biologico– physiologique, elle n’est pas une déficience ; c’est même parfois un atout. (Nader Ferjani, en arabe, 2006). Elle est, en partie, historico– sociologique, porteuse d’une dépréciation des femmes, bien que présentant parfois des avantages pour elles (comme le droit aux congés de grossesse et de maternité dans les codes du travail eu égard à la fonction sociale de reproduction assurée par la femme). Néanmoins, le mauvais usage des différences des fonctions reproductives, et des charges qui en résultent, a donné aux hommes un avantage sur les femmes dans le domaine de liberté de mouvement, ce qui a consolidé leur domination du domaine public de la société et leur a donné l’occasion de constituer le monde des représentations (le système cognitif) du genre humain conformément à cette domination. En même temps, la marginalisation des femmes, amenées à s’occuper de la progéniture, a contribué à la faiblesse de leur contribution à la fois à la confection du monde des représentations et à l’activité humaine publique. Mais cette retraite relative leur a permis en même temps d’acquérir une plus grande capacité à lire les indications symboliques relatives aux états du corps et aux situations existentielles, liés au désir de continuer à vivre en bonne santé, particulièrement lorsqu’il s’agit des enfants (Nadeau, en anglais, 1996 : 50-60) L’égalité entre les femmes et les hommes ne signifie pas nier les différences entre eux. Les vérités de la biologie ont fondé la différence, mais celle-ci a été renforcée et excessivement amplifiée sans raison valable par les héritages culturels en faveur des hommes. Contrôler cette différence entre les femmes et les hommes et la resituer à sa véritable place, sans la dramatiser ni la sous-estimer, est une condition nécessaire à l’élaboration du principe d’égalité entre les deux sexes. En effet, la dramatisation de cette Au sens de l’égalité totale en droits et obligations de tous les citoyens Rapport sur le développement humain arabe 2005 Encadré 1-1 L’inégalité des sexes dans l’histoire de l’humanité La relation première et fondamentale entre l’homme et la femme a, de longue date, été au cœur de la continuité de l’espèce humaine, du rejet de la violence et de la poursuite de l’affection et de la compassion, toutes des valeurs qui refusent la disparition de l’espèce, indépendamment des modes de vie, et qui furent au cœur de la protection contre l’extinction de l’espèce et de la capacité de création et de renouvellement. Toutefois, avec l’ère de l’utilisation des minerais, un nouveau type de relation femme–homme a vu le jour. Cette relation, dorénavant liée à la vie citadine et à l’activité masculine a éloigné la force de travail féminine physique et mentale de l’espace public et a entraîné le recul de la valeur morale de la production au profit de la force musculaire, processus qui s renforcera par la suite par la compétence militaire. La différence de nature et de fonction entre les deux sexes s’est ainsi transformée en une ségrégation en droits et obligations. Néanmoins la société patriarcale n’a pas pu faire disparaître les femmes des espaces symboliques au sein desquels elles ont coexisté avec les hommes en tant que déesse de la fertilité et de la beauté ; leur présence a été constante dans la légende, les croyances anciennes et la politique. La légende d’Osiris, déesse mère et Terre, et d’Isis–Nature, est l’image représentative de la forte présence de la femme dans les conditions de la production humaine et matérielle qui traversera la Méditerranée sans difficulté. Les femmes ont aussi assumé des rôles dirigeants importants dans la région arabe. Les rôles assumés par les reines égyptiennes dans la société, l’administration, les gouvernements et en matière de modes d’organisation familiale, de mariage et de divorce reflètent le poids des femmes à l’époque des Pharaons. Les femmes avaient une haute importance sociale et religieuse à Bilad ar-Rafidaini4, illustrée par les statues de la maternité et de la fertilité, particulièrement par celles d’Ishtar, déesse de l’amour, de la fertilité et de la vie. L’image de la femme a également été identifiée à la lune, qui fut liée à la vie sexuelle des êtres humains et à la fertilité. Bien que la division du travail au sein de la société babylonienne fut davantage patriarcale, il n’empêche qu’elle a garanti aux femmes de nombreux droits, et en premier chef les droits d’appropriation, au travail, au divorce, etc. La réaction des femmes face à leur assujettissement a pris plusieurs formes, négatives par moments et efficaces dans d’autres. Des incursions ont violé “ l’image préétablie ” et ébranlé les fondements symboliques et idéologiques de l’autorité de l’homme soit à travers l’accès au pouvoir de femmes de fortes personnalités, soit à travers leur action d’arrière plan, faisant des gouvernants, des dirigeants et des ulama. La révolution française a ébranlé le cercle vicieux de la logique patriarcale. Malgré le lourd héritage historique, dont même de grands noms des Lumières n’ont pas pu se débarrasser, la question existentielle centrale a été posée à nouveau : la discrimination à l’égard des femmes est-elle de l’ordre du culturel ou du naturel ? Des personnages distingués tels que Condorcet et Laclos ont eu le courage d’y répondre en insistant que rien dans la nature n’autorise une ségrégation qui est la conséquence de l’existence sociale. Il n’y a aucune raison pour que l’un des deux sexes devienne la cause définitive de l’existence de l’autre sexe. Une telle rupture révolutionnaire est venue libérer les femmes en leur qualité d’individus et a permis de poser la question de leurs droits sous un angle tout à fait nouveau. Les femmes ont ainsi, en tant que citoyennes, investi avec force la vie publique, même en l’absence des droits de la citoyenneté et leur action dans les quartiers populaires a été plus loin que la simple révolte ; elles ont été à l’origine de journées mémorables de la révolution( 5 et 6 octobre 1789). Les femmes sont montées aux tribunes, ont occupé des sièges aux parlements, se sont organisées dans des clubs privés et ont rédigé des pétitions. Un tel saut qualitatif ne pouvait ne pas faire peur aux hommes les plus révolutionnaires. Olympe De Gouges, l’auteur de la “ Déclaration des droits des femmes et de la citoyenneté ” paya de sa vie, guillotinée par les révolutionnaires, le prix d’avoir transgressé l’esprit de l’époque. Cependant la bataille menée par l’humanité contre la logique de ségrégation a débuté avec la naissance du concept positif des droits de l’homme, celui qui ne part pas d’un présupposé sacré qui place les femmes hors de la définition de la personne humaine. Il a fallu depuis cette naissance deux cents ans pour que l’humanité s’accorde sur le premier texte universel qui vise à éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Puis, un siècle plus tard, le monde arabe s’inscrit dans cette logique. En s’inspirant du processus européen, on a commencé à vouloir se réapproprier l’esprit premier de l’égalité islamique entre les deux sexes, comme l’attestent les écrits de Qasim Amine, Mohamed Abduh et d’un groupe d’intellectuels islamiques éclairés qui ont considéré que la lutte contre cette discrimination permettait de retrouver l’authenticité de l’Islam. Mansour Fahmi et Salama Moussa ont adopté la thèse selon laquelle la rupture avec le passé était la condition d’une refonte de la relation entre les deux sexes sur la base de l’égalité dans le cadre du mouvement qui sera qualifié de Nahda. Source : Haitam Manaa’, Document d’appui du rapport différence, avec des conséquences que la réalité de la différence ne pourrait supporter, pourrait conduire à une ségrégation à l’encontre des femmes et à les priver de leurs droits. De même, la sous–estimation de la différence conduit à rendre les choses superficielles et à les réduire à des modes d’égalité formelle qui peuvent à leur tour porter atteinte aux droits des femmes. C’est la raison pour laquelle ce rapport, tout en tenant compte du principe de différence, rejette toute discrimination en droits et en obligations entre l’un et l’autre 4 sexes et souligne que le traitement correct de cette différence, sous l’égide de l’égalité et de la dignité humaine, peut constituer une base solide d’une promotion humaine. C’est pourquoi nous adoptons une posture qui allie l’égalité totale en droits de la citoyenneté pour tous les citoyens, hommes et femmes, au respect de la différence entre les deux sexes, dans le respect de la dignité de tous les membres de la société et pour que ce respect de la différence ne conduise absolument pas à restreindre les droits des femmes, et pour qu’ils soient tous Nous adoptons une posture qui allie l’égalité totale en droits de la citoyenneté pour tous les citoyens, hommes et femmes, au respect de la différence entre les deux sexes, (Pays des deux affluents, le Tigre et l’Euphrate, l’Irak d’aujourd’hui) (NT). Concepts et problématiques 67 la mise en œuvre du développement humain dans le monde arabe suppose nécessairement la promotion des femmes arabes telle que nous la définissons. en mesure d’acquérir les capacités humaines et d’en faire usage avec compétence dans tous les types d’activités sociétales. Il s’agit en d’autres termes de les intégrer tous, sur un même pied d’égalité dans un processus sérieux de développement humain dans les pays arabes. Cette posture est conforme à celle affirmée dans les “ Rapports arabes sur le développement humain ”, notamment le dernier, consistant à adopter l’ensemble du système des droits de l’homme, tel qu’il est Encadré 1-2 Faire progresser le statut de la femme est un pas vers la civilité Globalement, le progrès des nations dépend de différents et divers facteurs dont le progrès de la femme est l’un des plus importants, et la décadence des nations résulte également de différents et divers facteurs dont le rabaissement de la femme est l’un des plus importants. Ce rabaissement du statut de la femme chez nous est l’obstacle le plus important qui nous empêche d’avancer vers la destination où se trouve notre bien. Source : Qasim Amine, en arabe, 1899 : 132-133 Encadré 1-3 Passages de la “ Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ” Résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies 34/180 Adoptée le 18 décembre 1979 Entrée en vigueur : le 3 septembre 1981. Article premier : Aux fins de la présente Convention, l’expression “discrimination à l’égard des femmes” vise toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine. Article2 Les Etats parties condamnent la discrimination à l’égard des femmes sous toutes ses formes s’engagent à : Source : Texte de la convention, annexe 3 (a)inscrire dans leur constitution nationale ou toute autre disposition législative appropriée le principe de l’égalité des hommes et des femmes, (b)instaurer une protection juridictionnelle des droits des femmes sur un pied d’égalité avec les hommes et garantir, par le truchement des tribunaux nationaux compétents et d’autres institutions publiques, la protection effective des femmes contre tout acte discriminatoire. Article 5 Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour modifier les schémas et modèles de comportement socioculturel de l’homme et de la femme en vue de parvenir à l’élimination des préjugés et des pratiques coutumières, ou de tout autre type, qui sont fondés sur l’idée de l’infériorité ou de la supériorité de l’un ou l’autre sexe ou d’un rôle stéréotypé des hommes et des femmes. contenu dans le droit international des droits de l’homme ; la partie qui nous en intéresse ici et la “ Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ” (Encadré 1-3 et Annexe 3) La promotion des femmes et le développement humain dans le monde arabe, une corrélation causale La présente série de Rapports arabes sur le développement humain, a soutenu, dès la première livraison, 2002, qu’il existe une corrélation étroite qui est à la limite d’un rapport causal, entre le développement humain dans le monde arabe et la promotion des femmes arabes5. La corrélation causale entre deux catégories logiques signifie que la véracité de l’une dépend de l’autre. Il a été établi dans la série de “ rapports arabes sur le développement humain ” que le “ développement humain ” signifie entre autres que toute personne, de par sa simple qualité d’être humain, et de par le respect dû à sa dignité humaine innée, a un droit inaliénable à vivre dignement, matériellement et moralement, ce qui nécessite qu’elle dispose d’une chance égale d’acquérir les capacités humaines et de les exercer efficacement en vue du plus haut niveau de bien être humain possible pour tous. Il s’ensuit un rejet total de toutes les formes de ségrégation entre tous les êtres humains, quel que soit le critère de ségrégation. Il se dégage clairement de cette définition que la mise en œuvre du développement humain dans le monde arabe suppose nécessairement la promotion des femmes arabes telle que nous la définissons. D’un autre côté, la promotion des femmes arabes signifie que le développement humain a lieu, tant que sa mise en œuvre est corrélative à l’élimination de toutes les formes de privation de tous les êtres humains au sein de la société de la liberté, dans son acception globale, y compris l’acquisition des capacités humaines et leur utilisation efficace. 5 Il faut dire que cette position fait l’objet de divergences parmi certains observateurs et peut être au sein du public arabe en général (Rapport arabe sur le développement humain : année 2003. Encadré “ Ce que pensent les Arabes des trois déficits ”, p. 19) 68 Rapport sur le développement humain arabe 2005 La corrélation causale entre la promotion des femmes arabes et le développement humain dans le monde arabe devient donc totale quand le développement humain concerne tous les citoyens des Etats arabes. En d’autres termes, la promotion des femmes est une condition nécessaire au développement humain (il n’y a pas de développement humain sans promotion des femmes), mais non suffisante nécessairement (autrement-dit, la mise en œuvre du développement humain suppose que d’autres types de changement social aient lieu et se produisent habituellement corollairement à la promotion des femmes dans le cadre d’une promotion sociétale globale). Les moyens de lutte contre la discrimination A l’egard des femmes ; l’évolution des concepts de femmes et de développement La corrélation causale entre la promotion des femmes arabes Au plan international et le développement Les programmes et politiques de développement relatifs aux femmes sont passés par plusieurs étapes qui reflètent les changements de paradigmes des politiques de développement économique dans le monde. Dans la période entre les années cinquante et les années soixante dix, par exemple, la pensée dominante considérait que la “ modernisation ”, qui s’identifiait généralement à l’industrialisation et à l’augmentation du taux de mécanisation, allait dans les Etats en développement améliorer les revenus et les conditions de vie de toutes les composantes de la société, y compris les femmes. Cette période a été humain dans le monde arabe devient donc totale quand le développement humain concerne tous les citoyens des Etats arabes. Une femme brillante : Nazik al-Malaika La poétesse irakienne Nazik al-Malaika est considérée comme la pionnière de la poésie arabe moderne dans le monde arabe et parmi les premiers à avoir composé un poème prosodique ; elle a également joué un rôle précurseur dans le domaine de la théorisation critique de la poésie moderne. Nazik al-Malaika est née dans la ville de Bagdad en l’an 1923 d’un père intellectuel, qui portait un grand intérêt aux questions jurisprudentielles et logiques et aimait les lettres et la poésie, et d’une mère, elle–même poétesse, Salma Abdel Razzaq. Nazik a été portée sur la poésie dans cet environnement fertile depuis qu’elle était petite écolière. Il n’était pas surprenant de la voir publier en 1945 son poème “ Le Choléra ” qui a inauguré le passage de la poésie classique arabe, dite perpendiculaire, à la poésie libre. La poétesse a poursuivi ses études et devient lauréate de l’Institut des beauxarts, “ division du luth ”, en 1949. Elle part aux Etats Unis en 1950 où elle suivit un enseignement du latin et de littérature comparée à l’Université de Princeton en New Jersey. Elle a également, en plus de sa maîtrise de la langue anglaise, étudié la langue française, ce qui lui a permis de traduire des œuvres dans ces différentes langues en langue arabe. Elle rentre en Irak en 1959 pour retrouver ses préoccupations littéraires dans les domaines de la poésie et de la critique littéraire. Son expérience à l’étranger et sa connaissance des plus récents courants qui traversaient la littérature mondiale, comme la littérature allemande, italienne, russe, chinoise, indoue, en plus de la littérature française, anglaise et américaine, ont accentué son ouverture sur la littérature universelle et enrichi sa vision et sa sensibilité poétiques. Ceci a clairement marqué l’approfondissement de sa démarche novatrice en matière de création poétique comme dans le domaine des théorisations d’une nouvelle métrique de poésie. Nazik al-Malaika vécut en Irak et travailla dans ses universités jusqu’en 1960, y compris l’Université de Basra, sans arrêter d’écrire de la poésie. Au début des années soixante, la poétesse s’est engagée dans une nouvelle expérience de vie en s’installant au Liban. Beyrouth constituait en effet le poumon de la littérature arabe durant cette décennie et jusqu’au milieu des années 70. La poétesse s’est mise à publier ses écrits poétiques et critiques ; ils sont prodigieux au plan poétique et interpellent sur le plan de la critique, dans la mesure où elle fait face et combat les présupposés poétiques et critiques longtemps à l’oeuvre qui s’endormaient sur leurs lauriers jusqu’au jour où Nazik a commencé à les défier en compagnie d’intellectuels de sa génération d’Irak et du monde arabe, comme Badr Chakir al–Sayab plus particulièrement, Baland alHaydari, Abdelwahab Bayyati et la poétesse Lamia’a Imara. Nazik al-Malaika a publié de nombreux recueils de poésie et d’études critiques. Nombreux aussi sont ses poèmes qui n’ont pas intégré les collections de recueils et sont restés éparpillés dans de nombreux revues et journaux irakiens et arabes. Son œuvre poétique comprend la collection suivante de recueils : “ L’amoureuse de la nuit ” 1947 ; “ Etincelles des cendres ” 1949 ; “ Le fond de la vague ” 1957 ; “ L’arbre de la lune ” 1968 ; “ La tragédie de la vie et une chanson pour la personne humaine.. ” 1970 ; “ La mer change de couleurs ” 1977 ; “ Pour la prière et la révolution ” 1978. Ses œuvres critiques comprennent “ Les questions de la poésie contemporaine ” en 1962, “ Le minaret et le balcon rouge ” en 1965, “ Psychologie de la poésie ” en 1993. Faouzia Abou Khaled Source : Le journal “ Azzamane ”(Le temps), (2004). (visite effectuée le 12 avril 2006). http://www.azzaman.com/azzaman/articles/2004/09/09-26/698.htm Concepts et problématiques 69 La première décennie des femmes (19761985), inaugurée lors de la première Conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes tenue au Mexique en 1975 a représenté une forte impulsion pour faire évoluer les orientations en matière de développement relatives aux femmes. 70 marquée par la prédominance de “ l’optique humanitaire ” dans le traitement de la question des femmes, qui s’est intéressé à leur rôle reproducteur et a axé l’action sur les questions relatives à l’éducation et à la santé publique. Cette même période a connu le début de le passage de l’optique humanitaire à celle du développement. La première Décennie des femmes (1976-1985), inaugurée lors de la première Conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes tenue au Mexique en 1975 a représenté une forte impulsion pour faire évoluer les orientations en matière de développement relatives aux femmes. Cette décennie a connu la diffusion de l’orientation “ Les femmes dans le développement ”6 qui a reconnu la différence de situation des femmes et de leur expérience dans le domaine du développement par rapport à celles des hommes, ce qui s’est traduit par l’élaboration de nouvelles stratégies visant à améliorer la situation des femmes dans les Etats en développement, en insistant sur le rôle productif des femmes au détriment de leur rôle reproductif. Dans le cadre de cette orientation, les agences internationales d’aide ont commencé à mettre en œuvre des programmes générateurs de revenus, comme ceux consistant à apprendre aux femmes diverses compétences et métiers, à les intégrer dans des entreprises de production, des coopératives de production ou de commercialisation et à œuvrer au développement de techniques qui permettent de soulager leur charge de travail. On insista également sur la revendication d’une égale participation des femmes en matière d’éducation et d’emploi, en considérant les femmes comme productrices indépendantes et non pas comme dépendantes de leurs maris. Cette approche a été critiquée pour avoir centré l’intérêt sur les aspects productifs de la vie des femmes et ignoré leurs fonctions reproductives qui ont été considérées comme faisant partie de la sphère “ privée ” et ne relevant donc pas des projets de développement visant au renforcement des activités génératrices de revenus (Rathegeber, en anglais, 1990). Dans le début de la seconde décennie 6 Women in Development 7 Gender and Development des femmes, inaugurée par la Conférence des Nations Unies _ Nairoubi en 1985, on assista à la diffusion de l’optique du genre et du développement7. Cette optique part d’une vision interne de l’organisation sociale, économique et politique en vue de comprendre les mécanismes de distribution des rôles entre les hommes et les femmes ainsi que les responsabilités et les attentes précises de chaque partie. C’est pourquoi, cette orientation s’intéresse à l’analyse de la nature de la contribution des femmes dans l’environnement du travail, dans et hors du foyer, y compris la production non marchande, et refuse la division du travail public/privé qui a été employée en général comme un instrument de dévalorisation du travail effectué par les femmes pour la sauvegarde de la famille et du foyer. Cette optique accorde également de l’importance au rôle que doit assumer l’Etat dans l’émancipation des femmes, notamment en matière d’offre de services sociaux possibles aux femmes dans l’exercice de leurs différents rôles, reproductifs, productifs, sociaux ou politiques. Cette optique souligne, en outre, que les femmes ont un rôle essentiel à jouer en tant qu’actrices du changement et ne sont pas de simples réceptrices passives des aides au développement. C’est pourquoi, elle accorde une importance toute particulière à la nécessité de l’organisation autonome des femmes pour qu’elles deviennent une force politique active du changement (Rathegeber, en anglais, 1990). Evaluation critique de l’application des concepts de femmes et développement dans la région arabe Les approches du développement que l’on vient de présenter ont été l’objet d’un intérêt palpable dans la région arabe. Entre les années cinquante et soixante dix du siècle dernier, de nombreuses élites nationales, qui sont arrivées au pouvoir, étaient animées d’une vision moderniste de leurs sociétés, centrée sur la planification centralisée, l’industrialisation et l’utilisation optimale des ressources humaines. Rapport sur le développement humain arabe 2005 Les régimes mis en place par ces élites ont étendu, comme en Tunisie, en Algérie, en Irak, en Syrie et en Egypte, leur offre de services dans les domaines de la santé et de l’enseignement à toutes les catégories de femmes. Ils se sont intéressés à l’intégration des femmes dans les secteurs publics de production. Des femmes arabes nombreuses ont pu obtenir des acquis importants durant cette période tels que l’enseignement public gratuit, l’élargissement de leur participation au marché du travail, particulièrement dans le secteur public gouvernemental, les assurances maladies et sociales. Cette période a également connu la promulgation de législations nouvelles qui ont accordé aux femmes de nombreux droits tels que le droit au travail, à l’éducation et à la santé en plus des droits politiques comme le droit d’élire et de se porter candidates aux élections législatives. Des femmes ont été nommées à des postes ministériels et des femmes “ modèles ” dans les différents champs de la science et du savoir ont été honorées pour montrer le soutien apporté par l’Etat aux nouveaux rôles assumés par les femmes dans l’espace public. Mais, malgré ces réalisations importantes de Etat dont l’intervention est qualifiée tantôt de “ développementaliste ou interventionniste ”8 tantôt de “ féminisme d’Etat”9, d’aucuns ont critiqué ces politiques qu’ils ont considérées comme des octrois de droits venus d’en haut, donnés par l’Etat, loin de toute participation des forces qui en bénéficient et qui sont capables de les défendre et de les développer. Au moment où l’Etat “ octroyait ” ces avantages au nom de la modernité, il portait des coups aux unions et institutions indépendantes de femmes ou oeuvrait, soit pour les intégrer dans ses cadres exécutifs soit pour les marginaliser, ce qui a conduit à neutraliser un espace qui servait à la critique des faux pas de la modernité ellemême et de ses difficultés (Kandiyoti, en anglais, 1991 ; Molyneux, en anglais, 1991 ; Hatem, en anglais, 1994a et 2000). Ces Etats ont été également critiqués pour avoir hésité à introduire des amendements radicaux aux lois en général, et celles relatives à l’organisation interne de la famille en particulier. Ces lois ont 8 Developmentalist 9 State Feminsm Concepts et problématiques entretenu l’idée selon laquelle la femme devait dépendre de l’homme et s’appuyer sur lui. Dans le sillage de la vague de programmes de restructuration de l’économie de la fin des années soixante dix qui accordaient un rôle plus important aux mécanismes de marché et au secteur privé, le rôle de l’Etat a reculé en matière de développement national comme l’a été celui du secteur public, le plus grand employeur des femmes, sans pour autant que se développe la capacité du secteur privé d’absorber le nombre grandissant de femmes demandeuses d’emplois. Le retrait de l’Etat de plusieurs activités productives de biens et de services, a engendré une expansion des organisations non gouvernementales qui ont été encouragées à remplir le vide ainsi laissé, particulièrement dans le domaine de l’offre de services sociaux et des aides économiques. La Conférence des Nations Unies de Nairoubi de 1985 ainsi que les conférences internationales qui ont suivi ont représenté des étapes importantes dans le processus d’introduction des concepts de femmes et de développement dans la région arabe. Elles ont largement contribué à amener les gouvernements et les organisations non gouvernementales arabes à traiter des questions des femmes et du développement. Bien qu’un grand nombre d’organisations arabes de la société civile continuent d’agir dans l’optique de l’action humanitaire, de nombreuses organisations civiles, particulièrement les nouvelles organisations non gouvernementales qui se sont multiplié à partir du milieu des années quatre–vingt, ont adopté l’optique genre et développement. Ceci a conduit à la production d’une grande quantité de documents, de recherches et d’orientations qui analysent la situation des femmes dans l’optique genre. L’action de ces courants, en faisant prendre conscience des formes de discrimination à l’égard des femmes, a aidé à faire pression sur les gouvernements pour les amener à adopter des politiques plus équitables envers les femmes et à agir pour résorber les déficits en matière de genre. Au moment où l’Etat “ octroyait ” ces avantages au nom de la modernité, il portait des coups aux unions et institutions indépendantes de femmes ou oeuvrait, soit pour les intégrer dans ses cadres exécutifs soit pour les marginaliser. La Conférence des Nations Unies de Nairoubi de 1985 ainsi que les conférences internationales qui ont suivi ont représenté des étapes importantes dans le processus d’introduction des concepts de femmes et de développement dans la région arabe. 71 La diffusion par l’entremise de ces organisations du concept de genre et de développement dans la région arabe a été accueillie avec circonspection par certaines forces politiques et sociales actives de la société D’aucuns ont considéré que le concept d’ “ autonomisation ” ne permettait de réaliser le changement attendu, parce qu’il est fondamentalement centré sur l’autonomisation des individus isolés 72 La diffusion par l’entremise de ces organisations du concept de genre et de développement dans la région arabe a été accueillie avec circonspection par certaines forces politiques et sociales actives de la société qui ont considéré qu’il s’agit d’un concept “imposé” par l’Occident et qui n’a de fondements ni dans la réalité ni dans les besoins des sociétés arabes, lesquelles s’en remettent au rôle joué par la famille en tant que fondement essentiel de la société et non à l’individu (Fahmi Houaidi, en arabe, 1998). D’aucuns ont été ainsi amenés à s’opposer aux programmes de développement qui adoptent l’optique genre ainsi qu’à l’Etat et aux organisations de femmes qui agissent conformément à cette optique. De même, certaines organisations travaillant dans le domaine du développement ont adopté le concept d’ “ autonomisation des femmes ” comme orientation générale des politiques et des activités de développement des femmes. Le concept d’ “ autonomisation ”, comme tous les concepts de développement des femmes, ont été à l’origine de nombreuses polémiques au sein des cercles féministes et de développement. D’aucuns ont considéré que le concept d’ “ autonomisation ” ne permettait de réaliser le changement attendu, parce qu’il est fondamentalement centré sur l’autonomisation des individus isolés et ignore l’autonomisation collective qui vise à changer les structures sociales, économiques et politiques, sources d’oppression et de ségrégation, non seulement à l’encontre des femmes, mais également à l’encontre de la majorité des pauvres et des marginaux (Agarwal, en anglais, 1994 ; Radtke et Stam, en anglais, 1994 ; Rowlands, en anglais, 1998 ; Kabeer, en anglais, 2003) La mise en œuvre concrète du concept d’autonomisation par les organisations non gouvernementales, oeuvrant au développement des femmes, a pris des formes différentes. Une partie d’entre elles a opté pour l’autonomisation des femmes à travers la revendication de l’égalité en droits des femmes et l’élimination de toutes les formes de discrimination que comportent les législations arabes aux plans des droits de la nationalité, du statut personnel et de la sécurité sociale. Une autre partie a centré son action sur l’offre de crédits et sur le travail dans des projets générateurs de revenus ou encore sur l’action consistant à dispenser des services dans les domaines de la santé, de l’enseignement ou dans d’autres secteurs. En dépit de l’importance de ces interventions en matière de soutien apporté à certaines femmes et aux individus, l’autonomisation des femmes dans son volet collectif est loin d’être obtenue comme on le montrera dans les chapitres 2 et 3. Les problématiques de la promotion des femmes La question de l’interne/ externe Il importe de souligner que la question des femmes est une question universelle qui ne concerne pas que le monde arabe. L’élargissement du champ de vision autorise l’espoir de voir le changement se faire comme ce fut le cas dans d’autres régions du monde, il suffit pour cela que l’on fasse l’effort de lever les obstacles qui entravent ce changement. En outre, opérer une séparation chirurgicale forcée entre ce qui relève de l’interne et ce qui participe de l’externe n’est plus possible aujourd’hui. Ce qui est qualifié d’“ externe ” vit en fait à l’intérieur même des sociétés arabes, comme culture, tout particulièrement, et comme valeurs et modes de comportement, pour cause de globalisation croissante des sociétés arabes. Cette séparation n’est pas non plus bénéfique, car l’aspiration au progrès dans le monde arabe, qui est une aspiration authentique, a été positivement influencée par les meilleures réalisations de l’humanité, entreprises sous l’égide de la civilisation occidentale qui domine depuis les débuts de la Nahda arabe et continue de le faire. Plus particulièrement, il y a en général une concordance, en partie heureuse, entre la lutte pour l’émancipation des femmes dans les pays arabes, en ce qu’elle est une tendance émancipatrice au sein de la société, et les mouvements de libération des femmes dans le monde, y compris en Occident. Les efforts des organisations internationales revêtent à cet égard une importance toute particulière, notamment pour ce qui est des conventions, Rapport sur le développement humain arabe 2005 des résolutions, des mécanismes et des activités internationales visant la protection des droits des femmes et leur traitement équitable. Ces tendances positives n’empêchent cependant pas que la question de l’autonomisation des femmes ait recoupé dans les derniers temps des visées politiques de puissances dominantes mondialement dans la région arabe, ce qui sera connu sous le label des initiatives de réformes impulsées de l’extérieur. De telles initiatives sont centrées sur l’autonomisation des femmes, considérée comme le genre de réforme que les régimes despotiques peuvent supporter, contrairement à l’éradication des structures du despotisme. Ceci pourrait expliquer pourquoi la meilleure performance relative concerne l’autonomisation des femmes, alors que la réforme politique trébuche, notamment à travers l’augmentation de la représentation féminine dans les postes de direction de l’Etat par la nomination de femmes célèbres. Néanmoins, cette présence féminine aux postes de direction est loin de refléter la présence active et effective des femmes dans tous les domaines. L’immixtion étrangère dans les affaires de la nation n’augure rien de bon pour la question de la promotion des femmes L’histoire contemporaine montre que la souffrance qu’engendre chez les Arabes la mainmise étrangère s’est transformée en une plus grande oppression des femmes. La défaite face aux ennemis de la nation, couplée à l’incapacité arabe de leur tenir tête pour défendre la dignité et le respect de soi, a donné naissance à un sentiment d’humiliation et d’impuissance. C’est un sentiment douloureux dont on essaie, d’un côté, de nier l’existence et qu’on tente, de l’autre côté, de transcender, pour sauver l’amour propre blessé en s’accrochant à des points forts imaginaires, au niveau de soi-même et de l’identité, ce qui se traduit à travers l’oppression des franges sociales que l’on croit faibles, sous un angle ou sous un autre, y compris les femmes. Cette problématique a revêtu un autre habillage depuis que l’Administration américaine actuelle a fait connaître sa volonté d’œuvrer à la reconfiguration du tissu Concepts et problématiques Encadré 1-4 Résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies 1325 (2000) - Extraits –Demande instamment aux États Membres de faire en sorte que les femmes soient davantage représentées à tous les niveaux de prise de décisions dans les institutions et mécanismes nationaux, régionaux et internationaux pour la prévention, la gestion et le règlement des différends –Demande à toutes les parties à un conflit armé de prendre des mesures particulières pour protéger les femmes et les petites filles contre les actes de violence sexiste, en particulier le viol et les autres formes de sévices sexuels, ainsi que contre toutes les autres formes de violence Texte de la résolution, Annexe 3 sociétal arabe dans le cadre de sa “ guerre ” au terrorisme, tel qu’elle le définit. En effet, il importe de ne pas mélanger à ce propos, d’une part, les actions participant d’actes criminels visant à terroriser des innocents qu’il faut dénoncer sans réserve et, d’autre part, la résistance légitime reconnue par le droit international des droits de l’homme à l’occupation et aux régimes racistes. Dans ce cadre, la “ libération ” des femmes arabes a occupé une place de choix à l’ordre du jour de la réforme initiée de l’extérieur, sans que l’élimination des structures du despotisme et de l’autoritarisme soit considérée elle aussi comme prioritaire. En outre la question de la menace d’une intervention étrangère dans la région arabe est restée ouverte, un moyen de pression utilisé par les puissances dominantes au sein de l’architecture du pouvoir mondial pour faire passer leurs plans dans la région. Le projet américain pour les femmes arabes se manifeste de la manière la plus claire dans la tentative de créer un “ modèle d’orientation ” pour les femmes en terre irakienne (Encadré 1-5) visant à recomposer le tissu sociétal du pays, comme si la femme irakienne était venue au monde à l’instant même de l’invasion et de l’occupation. On continue de feindre d’ignorer la tradition de lutte des femmes irakiennes, à commencer par la longue lutte nationale menée par elles du temps de l’occupation britannique, puis leur combat sous le précédent pouvoir despotique et, pour terminer, par le combat qu’elles mènent de nos jours contre l’occupation américano-britannique. Une telle attitude étrangère, douteuse, a amené de nombreux Arabes à qualifier cet attachement à vouloir libérer les femmes de mission douteuse inscrite sur l’agenda de La question de l’autonomisation des femmes ait recoupé dans les derniers temps des visées politiques de puissances dominantes mondialement. 73 La promotion des femmes doit rester, dans la théorie comme dans la pratique, un axe essentiel de tout projet arabe pour la renaissance humaine. Ceci doit se faire dans l’optique de la lutte à la fois contre le despotisme intérieur et contre les ingérences la mainmise occidentale sur le monde arabe et à traiter ceux qui la soutiennent de pions à la solde de l’Occident colonial. Ceci n’a pas manqué de faire du tort à la cause de la promotion des femmes dans les pays arabes et à ceux qui la revendiquent. L’incitation à la réforme, formulée de l’extérieur, et parfois imposée, a été d’une grossièreté telle qu’elle a provoqué des réactions négatives parmi certaines franges de la société à l’égard de l’autonomisation des femmes dans l’optique des puissances occidentales dominantes au sein de l’architecture mondiale du pouvoir ; elles l’ont considérée comme une atteinte à la fois à la culture arabe et à l’indépendance nationale. Ceci ne veut pas dire que la lutte sociétale pour la promotion des femmes devrait être Encadré 1-5 Haifa Zangana : Les femmes irakiennes et le discours de l’occupation américaine De nombreuses organisations irakiennes et iarko-américaines de femmes ont été constituées juste quelque mois avant le début de la guerre menée contre l’Irak et ce pour deux raisons. La première raison est de l’ordre du circonstanciel et consiste à fournir une justification morale à la guerre, à un moment de forte opposition croissante à la guerre en Amérique et dans le monde. La seconde, d’ordre stratégique, vise à utiliser la réussite de l’agenda féminin en Irak comme un modèle reproductible sur les plans arabe et islamique en vue de la consolidation des projets politiques, militaires et économiques des Etats Unis. Les femmes, membres des organisations concernées ont déployé une activité intense et fiévreuse sans précédent, de défense et de soutien de l’Administration américaine, pendant la période de préparation de la guerre et pour diffuser le discours américain dans l’après guerre. Il est remarquable que, dans le prolongement du discours américain destiné à l’Irak et à la région tout entière, tous les programmes des organisations féminines déclarées et les discours de leurs membres féminins, résidant en Irak ou à l’extérieur du pays, ont été épurés de termes ayant un enracinement profond dans la société irakienne, et Source : Zangana, en anglais, 2005 74 même presque dans toutes les sociétés dans toutes les régions du monde, des termes qui rendent compte des concepts de nationalisme, d’intégrité nationale et d’indépendance, sans parler de la revendication de mettre fin à l’occupation. Ces termes ont été évacués de l’usage parce qu’ils expriment les sentiments et les principes qui accordent à tout peuple occupé le droit, aux plans légal, de la légitimité et moral, de résister à l’occupation. C’est la raison pour laquelle les organisations féminines concernées n’ont pas pu, malgré les grands moyens matériels mis à leur disposition et le soutien qui leur est apporté par l’administration américaine et les gouvernements provisoires irakiens, obtenir de réussite parmi les femmes irakiennes et gagner à leurs projets la voix des femmes irakiennes. Elles n’ont pas réussi à élargir leurs rangs qui ne comptent en fin de compte les membres fondatrices à peu près, parce qu’elles ne représentent tout simplement pas les femmes irakiennes et n’ont aucun lien avec leurs priorités, leur réalité et leurs aspirations. Les programmes de ces organisations ne représentaient qu’un autre volet de la mise en œuvre du projet américain en Irak. abandonnée. Au contraire, une réaction d’abandon laisserait le champ libre aux plans de la réforme imposée de l’extérieur et leur permettrait de passer. Mais, malheureusement, quelques retombées du sentiment de répugnance provoqué par ces plans ont atteint l’appel sincère à la promotion des femmes dans une optique nationalitaire et humaniste solide. La réponse forte à opposer à ces plans condamnables et à ceux qui les utilisent comme alibi pour bloquer ou retarder la jouissance par les femmes arabes de tous leurs droits, c’est de considérer que la promotion des femmes doit rester, dans la théorie comme dans la pratique, un axe essentiel de tout projet arabe pour la renaissance humaine. Ceci doit se faire dans l’optique de la lutte à la fois contre le despotisme intérieur et contre les ingérences extérieures, et pour la construction d’une renaissance qui apportera la liberté, la dignité et la puissance à tous les Arabes, hommes et femmes à la fois. Le pouvoir despotique et la promotion des femmes L’idéal serait que la promotion des femmes arabes se réalise selon les grandes lignes définies au début du présent chapitre dans le cadre de la transition vers la société de liberté et de bonne gouvernance (Troisième Rapport arabe sur le développement humain – 2004), qui vise la réalisation du développement humain dans l’ensemble du monde arabe. Toutefois, l’expérience historique indique que le contraire n’est pas toujours vrai, c’est à dire que le rapport entre la nature du pouvoir, d’une part, et la réalisation d’avancées en matière de promotion des femmes, d’autre part, a toujours été, et le restera probablement, un rapport complexe et délicat, en raison au moins de la complexité du contexte sociétal qui conditionne cette promotion. En effet, des régimes politiques oppressifs ont contribué à des avancées importantes favorables aux droits des femmes ; avancées impossibles à entreprendre si les choses avaient été laissées au seul soin du développement naturel de la société, lequel reste tributaire de toutes sortes de contraintes. En tête de ces avancées, il y a l’expansion de la scolarisation Rapport sur le développement humain arabe 2005 des filles dans un environnement sociétal promotion des femmes. Mais les avancées ne se conservateur, à telle enseigne que l’on peut limitent pas à cette performance générale que soutenir que, malgré son despotisme, le l’on peut inscrire au crédit de tous les régimes pouvoir a été en avance sur la société en arabes à peu près. Des pays arabes ont marqué matière de soutien à l’éducation des filles dont des avancées novatrices, selon tous les critères, on sait l’importance dans le domaine de la dans le cadre de systèmes de gouvernance qui Encadré 1-6 L’opinion du public arabe, dans quatre pays arabes, exprime son soutien à la promotion des femmes La méthodologie adoptée par le Rapport arabe sur le développement humain a voulu que des enquêtes de terrain soient menées, autour du sujet du rapport, dans le bu de compléter la base de données relative au sujet, à travers des éclairages et des informations que ne permettent pas d’obtenir les sources habituelles de données et d’informations. Pour ce qui concerne la présente livraison, l’équipe du Rapport a dirigé la confection et la mise en œuvre d’une enquête de terrain en vue de sonder l’opinion du public au sujet d’un ensemble de questions ayant trait au sujet de la promotion des femmes dans quatre pays arabes (Jordanie, Liban, Egypte, Maroc) aux positions géographiques et structures sociales différentes et représentant plus du tiers de la population de la région arabe (36,5%), ce qui laisse présager des positions diversifiées du public à propos des questions de la promotion des femmes. L’enquête de terrain a porté, dans chaque pays retenu, sur un échantillon représentatif de l’ensemble de la société constitué de mille personnes à peu près, réparties à égalité entre des femmes et des hommes âgés de plus de 18 ans. L’enquête de terrain a été confiée à des instituts opérant dans les pays concernés, indépendants de l’équipe du rapport (annexe2). Nous présentons une partie des résultats de l’enquête dans des encadrés tout au long de chapitres du rapport sous l’intitulé : “ L’opinion du public sur les questions de la promotion desBVgdX femmes, quatre pays arabes, 2005 ”. Chaque encadré comporte deux graphiques, celui de droite résume le résultat de l’enquête en rapport avec la question objet de l’enquête dans les quatre pays réunis et celui de gauche montre l’une des réponses les plus importantes à la :\neiZposée dans chacun des quatre pays concernés. question L’enseignement le plus important tiré des résultats de l’enquête de terrai, à notre sens, est que le public arabe, représenté par les échantillons A^WVc des quatre pays arabes où s’est déroulé l’enquête, aspire à un plus haut degré d’égalité entre les hommes et les femmes, différent, en reflet des structures sociales dominantes, selon les axes de l’égalité, d’un pays à l’autre, en fonction de la puissance des structures sociétales ?dgYVc^Z traditionnelles dans le pays. L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005 L’égalité de genre est-elle liée au concept global de liberté, selon le pays ? A^Z BVgdX A^Z -) :\neiZ A^WVc Traditional methods of measuring the CZhieVha^Z ?dgYVc^Z employment of BVcfjVci &% + women’s capabilities, especially in economic A^Z Il n’est pas étonnant que les résultats de l’enquête, présentés dans le rapport, montrent la prédominance de l’aspiration à un niveau d’égalité de genre plus élevé qu’il ne l’est aujourd’hui, d’une part, et A^Z ce qui peut découler du maintien en l’état des structures sociales qui -) entravent la promotion des femmes arabes, d’autre part. Cependant, ces résultats doivent également être compris à la lumière de l’écart habituel entre les opinions et le comportement effectif – on sait qu’ils peuvent être clairement différents - et dans la mesure où les régimes dans les pays arabes expriment faiblement la volonté populaire. En conséquence, les résultats de l’enquête apportent un soutien populaire prospectif des orientations enterms, matière de promotion des entail a severe femmes telles qu’elles se déploient dans les différents chapitres du rapport et présentées clairement dans la vision stratégique (chapitre injustice. dix) C’est pourquoi les résultats de l’enquête de terrain présentés tout au long du rapport dans les encadrés “ opinion du public ” représentent parfois un soutien à l’analyse du rapport, mais la plupart du temps ils s’interpénètrent de manière dialectique avec les parties analytiques du rapport dans une vision prospective stratégique au point de fusionner dans le chapitre dix. CZhieVha^Z &% Concepts et problématiques BVcfjVci + 75 les mécanismes du despotisme politique ont été parfois utilisés pour accélérer le processus de promotion des femmes. La transition vers des systèmes de bonne gouvernance dans des sociétés de liberté dans les pays arabes peut jouer un rôle central dans la réalisation d’avancées, de portée historique, nécessaires à la promotion des femmes dans le monde arabe. De telles avancées bénéficieront d’un large soutien sociétal leur garantissant la continuité et la vigueur de l’adoption populaire. ne réunissent pourtant pas les conditions d’une société de liberté et de bonne gouvernance. L’exemple le plus célèbre en la matière est la Tunisie qui a obtenu un progrès exemplaire dans le domaine des droits des femmes, suite à des décisions d’un leader qui bénéficia d’une légitimité nationale et historique ; même si son régime n’a pas sauvegardé la liberté et la démocratie. Ailleurs, les exemples de telles avancées sont nombreux. Ainsi, les femmes ont occupé des positions relativement avancées dans la société sous le régime despotique précédent en Irak. Des progrès en matière de promotion des femmes sont atteints dans d’autres pays comme en Egypte, par exemple, où cette promotion s’est appuyée sur le soutien du somment du pouvoir en la personne de la “ première dame ” en l’absence d’un large soutien populaire. On peut également citer la promulgation du droit de la femme au “ khoul’ ”10 en Egypte en l’an 2000, à propos duquel un débat animé, et parfois houleux, a secoué la société tout entière ainsi que le parlement avant ladite promulgation. On peut dire que les mécanismes du despotisme politique ont été parfois utilisés pour accélérer le processus de promotion des femmes. Il n’est pas surprenant que ce type de “ progrès ” conduise à une résistance de la base populaire. Dernièrement, la question posée par cette action du pouvoir a recoupé celle de l’interne/ externe. En effet, des avancées dans le domaine des droits des femmes ont été réalisées sous l’égide de régimes qui puisent leur légitimité fondamentalement dans le soutien qui leur est apporté par l’extérieur. De telles avancées s’expliquent probablement par le désir de ces régimes de s’attirer la bienveillance des puissances dominantes au sein du système mondial et qui exigent que la réforme soit entreprise dans les pays arabes et qu’elle doit englober l’autonomisation des femmes. Une telle option paraît être la moins onéreuse pour les régimes en place, surtout si le processus de réforme n’est pas conduit jusqu’à son terme, c’est à dire jusqu’à l’autonomisation 10 76 de tous les citoyens et de la base la plus large des femmes en particulier. Ceci expliquerait peut-être pourquoi la tenue d’une rencontre au “ sommet ” sur les femmes arabes serait faisable alors que l’organisation d’un sommet similaire sur la sauvegarde de la liberté et des droits de l’homme serait difficilement réalisable eu égard à l’architecture actuelle du pouvoir dans les pays arabes. Voilà pour ce qui est du volet positif du soutien apporté par le pouvoir despotique à la cause de la promotion des femmes. Mais sur un autre plan, des pouvoirs répressifs peuvent parfois prendre pour prétexte les positions de certaines forces conservatrices de la société, même si ces dernières sont d’emblée privées des droits d’expression et d’association ; ces pouvoirs ne trouvent aucun complexe à vouloir leur complaire, en se débarrassant du calendrier de promotion des femmes. L’illustration la plus importante de cette posture est le refus de ratifier la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ou encore les réserves faites à propos d’articles importants de cette convention au moment de la ratification en justifiant une telle attitude par les positions des forces sociétales conservatrices. C’est la raison pour laquelle la position défendue par le Rapport est que la transition vers des systèmes de bonne gouvernance dans des sociétés de liberté dans les pays arabes peut jouer un rôle central dans la réalisation d’avancées, de portée historique, nécessaires à la promotion des femmes dans le monde arabe. De telles avancées bénéficieront d’un large soutien sociétal leur garantissant la continuité et la vigueur de l’adoption populaire. Dans une telle situation idéale, les décisions du pouvoir doivent exprimer la volonté populaire dans la transparence totale. Le climat de liberté et de bonne gouvernance met en place les fondements des règles d’égalité entre tous les citoyens, en général, et en garantissant la constance du respect des droits des femmes qui doit être une composante essentielle de la société de liberté et de bonne gouvernance, en particulier. Divorce moyennant indemnité versée par la femme au mari (NT) Rapport sur le développement humain arabe 2005 La dévalorisation de la participation des femmes à l’activité économique La société arabe ne reconnaît pas, à l’instar de nombreuses sociétés en développement, l’ampleur de la participation des femmes à l’activité socioéconomique et à la production des composantes du bien être humain ; elle ne consacre pas cette participation comme il se doit. Dans la mesure où la majorité des femmes travaillent au sein de leur famille sans contrepartie salariale, leur apport à l’économie n’est pas intégré à la comptabilité de l’activité économique officielle. Une telle injustice historique a conduit à la dévalorisation de la contribution des femmes aux différentes activités humaines en général et plus particulièrement dans le domaine économique. Ce qui est couramment admis, par exemple, c’est que la contribution des femmes à l’activité économique dans les pays arabes reste faible. Le fondement théorique de la mesure de cette contribution renvoie au système de la comptabilité nationale, lequel renvoie à son tour à la théorie néoclassique. Son fondement essentiel consiste à définir le produit humain selon l’indice des marchandises et des services en circulation sur les marchés et à leur imputer une valeur monétaire. Ce fondement théorique est critiqué pour ses nombreuses faiblesses, notamment sous l’angle de la contribution des femmes au bien être humain. Premièrement, les critères de l’échange sur les marchés et la valeur monétaire limitent la définition du bien être humain à un espace, tellement étroit, que la littérature du développement a depuis longtemps dépassé et qui n’a pas sa place dans l’optique précisément du développement humain. Deuxièmement, la part la plus importante de la production de marchandises et de services par les femmes est comptabilisée sous la rubrique du travail non salarié au foyer. Une telle logique, basée en premier chef sur la comptabilité nationale, néglige toutes les formes de production des composantes du bien être humain, assurées par des femmes dans un cadre familial pour la simple raison qu’elles ne s’échangent pas sur les marchés ou parce qu’on ne leur attribue pas de valeur monétaire. Concepts et problématiques Mais peut-on penser l’individu ou la société et concevoir la créativité et la production, même dans une acception étroite de ces termes, en l’absence de telles composantes ? Troisièmement, les opérations statistiques habituelles souffrent de nombreuses faiblesses, plus particulièrement dans les pays en développement, qui s’aggravent lorsqu’il s’agit de mesurer la contribution des femmes à l’activité économique. Ce dysfonctionnement n’est pas sans lien avec la vision dévalorisante des femmes et de leur contribution au sein de la société, notamment dans les sociétés en développement. En conclusion, les statistiques habituelles réduisent amplement, et de manière erronée, l’apport des femmes à l’économie. Une plus grande précision des définitions et une meilleure qualité des opérations statistiques, se traduiront sans aucun doute par de gros écarts en matière d’évaluation de l’ampleur de la contribution des femmes à l’activité économique. Si les statistiques disponibles sous-évaluent cette contribution, elles ne rendent pas compte, a fortiori, de l’ampleur de la participation des femmes à la production du bien être humain, que ce soit directement ou indirectement, du fait de l’effet multiplicateur qui conduit à une survalorisation relative de la contribution des hommes ; or ce bien être ne peut advenir hors de la contribution sociétale des femmes. Cette insistance sur ce volet de la participation des femmes ne doit évidemment pas être entendue comme un appel à limiter l’emploi des capacités des femmes à un usage familial ; l’essentiel est de souligner que la contribution des femmes, comme celle de toutes les personnes, à la production des éléments du bien être humain, à l’intérieur et à l’extérieur de la sphère familiale, doit être évaluée à sa juste valeur, ce que les critères monétaires étroits ne permettent pas d’obtenir. Pour ce qui est des femmes, plus particulièrement, la décision concernant le champ de déploiement de leurs capacités doit leur revenir et elles doivent la prendre en toute liberté. Ceci nous amène à la conclusion que les méthodes classiques de mesure de l’emploi des capacités des femmes, notamment dans le domaine de l’activité économique, conduisent La société arabe ne reconnaît pas, à l’instar de nombreuses sociétés en développement, l’ampleur de la participation des femmes à l’activité socioéconomique et à la production des composantes du bien être humain ; elle ne consacre pas cette participation comme il se doit. La décision concernant le champ de déploiement de leurs capacités doit leur revenir et elles doivent la prendre en toute liberté. 77 si on utilise un critère plus élaboré de bien être humain qui doit être conforme à l’optique du développement humain adoptée par ce rapport, alors toute évaluation de la contribution des femmes à la production du bien être humain dans les pays arabes ainsi que de leur capacité à participer à la à une dévalorisation criante et injuste de leur apport effectif à la production des composantes du bien être humain ; apport qui doit être hautement apprécié, si ce n’est pas selon les critères monétaires, c’est du moins selon les critères autrement supérieurs de la valeur humaine. La preuve en ce sens est administrée par les grilles alternatives aux grilles traditionnelles de mesure, comme les enquêtes effectuées selon la méthode du budget-temps, qui révèlent que la contribution des femmes à la production des composantes du bien être humain est très importante à tel point qu’elle surpasse parfois celle des hommes, notamment dans les sociétés des pays en développement. En effet, le plus gros des activités des femmes en matière de production des composantes du bien être humain comme les corvées consistant à approvisionner le foyer en eau et en combustibles pour les besoins de la cuisson, de l’éclairage et du chauffage, ne sont pas considérées par le regard du statisticien qui reste prisonnier du champ de vision de la logique du système de la comptabilité nationale et de ses instruments statistiques. Au Maroc, à titre d’illustration, on trouve que la part de la participation des femmes à l’activité économique en 1997-1998 a atteint 71,4% en zone rurale et 34,6% en zone urbaine avec une participation de 50,6% à l’échelle nationale. Ces taux sont clairement supérieurs à ceux obtenus par la méthode classique (Direction de la Statistique, Maroc, en français, 1998). Mais, si on utilise un critère plus élaboré de bien être humain qui doit être conforme à l’optique du développement humain adoptée par ce rapport, alors toute évaluation de la contribution des femmes à la production du bien être humain dans les pays arabes ainsi que de leur capacité à participer à la promotion humaine dans le monde arabe, aussi élevée fût–elle, ne recouvrira jamais leur apport réel. Pour pouvoir mesurer à sa juste valeur cet apport des femmes à la production des éléments du bien être humain, il est nécessaire d’établir un fondement théorique novateur qui va au-delà du système de comptabilité nationale, qu’on sait prisonnier de la logique de l’échange marchand et de la valeur monétaire des produits et services, et une définition large du bien être humain conformes au concept de développement humain. Sur un plan pratique, un tel effort nécessite l’élaboration de nouveaux outils de recherche et statistiques qui permettent de mesurer avec précision la contribution des femmes à la production du bien être humain et de mettre en œuvre le développement humain. Il s’agit là d’un immense domaine de réflexion et de recherche. promotion humaine dans le monde arabe, aussi élevée fût–elle, ne recouvrira jamais leur apport réel. 78 Conclusion Le chapitre a posé les fondements conceptuels du présent rapport en mobilisant les concepts centraux de la série de Rapports arabes sur le développement humain, à savoir les concepts de liberté et de droits de l’homme, tout en insistant sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans le respect de la dignité humaine. Le chapitre a ensuite abordé quelques questions problématiques relatives au statut des femmes dans le monde arabe à l’heure actuelle. Le contenu du chapitre montre, notamment dans sa deuxième partie, que la situation des femmes dans les pays arabes résulte de l’interaction de plusieurs facteurs culturels, sociaux, économiques et politiques qui s’interpénètrent de manière complexe. Certains de ces facteurs revêtent un caractère problématique ce qui nécessite une vaste et profonde analyse de nombreuses composantes des sociétés arabes en vue d’établir un diagnostic des conditions des femmes dans les pays arabes, de tenter d’en donner une explication en vue d’élaborer une vision stratégique pour la promotion des femmes dans le monde arabe. Rapport sur le développement humain arabe 2005 Deuxiement : La Situation Des Femmes Dans Le Monde Arabe Chapitre II L’Acquisition des capacités humaines Introduction Dans les pays arabes les femmes ont relativement beaucoup moins d’opportunités d’acquérir les capacités humaines et d’en faire effectivement usage dans les différents domaines d’activité. Elles sont, en outre, beaucoup plus privées que les hommes des droits de la citoyenneté et des droits de l’homme en général. En termes de développement humain, un tel niveau de privation constitue une marginalisation des femmes. Toutefois, force est de constater que le niveau d’acquisition des capacités humaines et de leur utilisation par les femmes sont très contrastés d’un pays arabe Encadré 2-1 Fowziyah Abu-Khalid : La diversité des images des femmes arabes dans le miroir de la réalité. Y a-t-il sculpture, porterait-elle en elle des possibilités et des rêves innombrables, qui ressembleraient à une représentation de la femme arabe ? Y a-t-il portrait, serait-il de chair, de sang et d’amour, capable de refléter le monde éphémère d’aujourd’hui dans ses traits ? N’y a-t-il pas assez d’obscurité pour faire ressortir l’image de la femme arabe ou bien n’y a-t-il pas assez de lumière pour tout simplement la prendre ? Les images des femmes arabes mises en scène par la littéraire sont multiples ; il y a celles de la femme aliénée ou de la femme rebelle et, entre les deux, il y a les figures des femmes militantes ou de celles tiraillées entre les postures de démission, de coexistence et de défit. De même, par rapport au discours politique, les images des femmes sont tout aussi diversifiées. Elles peuvent être celles de la femme neutre ou de la femme impliquée au niveau des présupposés dudit discours et de ses déclinaisons à la fois. Nous avons aussi les figures de femmes partagées entre les propositions théoriques de ce discours relatif à leur identité entre acquises, opposantes ou indifférentes, comme elles peuvent être de simples corps de femmes sur lesquels le discours expérimente ses fantaisies. Un tel discours pourra alors considérer comme de l’ordre du permis de cacher ou souligner des traits de l’image, non pas pour refléter la représentation que les femmes et la société ont des femmes mais plutôt celle que ce discours se fait d’elles. Ainsi, l’image des femmes arabes épouse-t-elle tantôt celle produite par le discours libéral occidental d’émancipation ou celle du discours islamique éclairé d’émancipation, tantôt celle proposée par la rhétorique religieuse de la fermeture ou celle véhiculée par des discours éclectiques ou factices et tous les discours officiels dominants qui s’en rapprochent ou s’en éloignent. Plurielle dans la littérature arabe et dans la rhétorique politique, l’image des femmes arabes l’est autant, et se manifeste dans une profusion de formes, dans le miroir de la réalité. Que n’a-t-on pas vu ces femmes à la silhouette élancée du sud de l’Arabie Saoudite, dans leur habit ample, pliées sur leur labour, leurs têtes cachées par des chapeaux de feuilles de palmier, non pas pour se cacher des regards, mais parce que le soleil ne cesse d’essayer de ressembler à l’éclat des paumes de leurs mains qui s’activent au sommet des monts Sarawat et qui descendent jusqu’aux plaines de Tihama en semant de l’albu’aitiran (Artemisi Judaica), du cade et du blé, qui mélangent leur henné et massent leurs talons abîmés sous les pluies saisonnières ? Que n’a-t-on pas vu ces femmes algériennes non moins fières et belles que Djamila Bouhared, retissant l’obscurité en nouveaux rêves, comme si elles ne craignaient nullement la gravité de l’échec ni n’avaient peur de voir se reproduire les désastres du passé ? Que n’a-t-on pas vu ces écolières d’al-Sham s’avancer fièrement, défiant la sévérité des tenues kaki et la marche militaire, évoluant sur la pointe des pieds avec légèreté dans leurs jupes couleur de sucrerie et d’abricot, comme des vrilles de jasmin ouvrant silencieusement leur chemin par derrière les murs et les portes et répandant leur parfum exprès à travers les quartiers comme si elles faisaient fi du couvre-feux et des barbelés qui encerclent le Golan ? Que n’a-t-on pas vu des dames âgées, leur épine dorsale rongée épine après épine, ne se plaignant guère de crainte de subir l’humiliation de se plaindre si ce n’est à Dieu, n’ayant de foyer que les rues arabes en long et en large sans que quiconque remarque leur existence quand ce ne sont pas les hommes des services municipaux qui viennent confisquer les produits et les besoins « féminins » que leurs mains ont confectionnés ou des articles des produits chinois à bon prix. Que n’a-t-on pas vu, au fin fond de la campagne égyptienne, une femme qui s’enfonce comme une graine dans les profondeurs du sol, malaxant, faisant cuire au four, donnant le sein et protégeant les champs avec ses sept vies ? Puis elle en ressort avec un corps qui ne ressemble ni à une fleur de coton, ni à un épi de blé, mais à un point d’interrogation amère qui lui acère la chair tel la bilharzia. Mais elle peut par moments personnifier les mariées d’un Nil, qui changent le destin des filles de l’Egypte dans des directions non moins conflictuelles. Source Fowziyah Abu-Khalid, en arabe, Texte d’appui au Rapport. L’Acquisition des capacités humaines 81 7V]gZ^c ?dgYVc^Z :6J :\neiZ à l’autre et à l’intérieur même de chaque DbVc Les indicateurs de la santé reproductive pays. Néanmoins les données statistiques A^WnZ Les femmes dans les pays arabes, disponibles, à ce propos, et pouvant être Ijc^h^Z particulièrement les moins développés, sont comparées internationalement ne suffisent 6a\g^Z exposées à un niveau inadmissible de risques pas à rendre compte de ces disparités. A^WVc de maladies et de mortalité, liés à la grossesse et Hng^Z aux accouchements (Graphique 2-1). Le taux Les obstacles à l’acquisition BVgdX moyen de mortalité atteint chez les femmes des capacités humaines de >gV` 270 décès pour 100 000 accouchements. Ce base 8dbdgZh taux de mortalité s’élève à 1 000 décès et plus NZbZc pour 100 000 accouchements dans les pays La santé HdjYVc arabes les plus pauvres (Mauritanie, Somalie) 9_^Wdji^ La santé est entendue ici dans le sens positif et et descend à 7 pour 100 000 accouchements au BVjg^iVc^Z Qatar, par exemple. complet, selon la définition de l’Organisation HdbVa^Z Le taux des naissances effectuées sous mondiale de la santé (OMS), c’est comme le contrôle d’un personnel médical qualifié total bien-être physique et mental. dépasse les quatre-vingts pour cent dans Graphique 2-1 Taux de mortalité maternelle (pour 100,000 naissances vivantes), 2000, et pourcentage de naissances assistées par un personnel qualifié, année la plus récente disponible durant la période 1993-2003 ;gVcXZ ;gVcXZ 8]^cZ 8]^cZ >cYZ >cYZ FViVg ?dgYVc^Z @dlZ^i :6J 6gVW^ZHVdjY^iZ FViVg 7V]gZ^c @dlZ^i ?dgYVc^Z 7V]gZ^c :6J DbVc :\neiZ A^WnZ DbVc 6a\g^Z A^WnZ 6gVW^ZHVdjY^iZ Ijc^h^Z Ijc^h^Z 6a\g^Z A^WVc A^WVc HdjYVc Hng^Z Hng^Z BVgdX >gV` >gV` :\neiZ 8dbdgZh 8dbdgZh NZbZc 9_^Wdji^ HdjYVc BVjg^iVc^Z 9_^Wdji^ BVgdX BVjg^iVc^Z HdbVa^Z HdbVa^Z NZbZc Taux de mortalité maternelle Naissances assistées (%) *Estimation déduite par les méthodes régressive et semblable Source: Organisation mondiale de la santé, 2005.. ;gVcXZ 82 8]^cZ >cYZ ?dgYVc^Z :6J FViVg Rapport sur le développement humain arabe 2005 la plupart des pays arabes, ce qui prouve que la couverture sanitaire s’est améliorée. Néanmoins, cette couverture reste encore faible dans les pays les moins développés tels que la Somalie, la Mauritanie et le Yémen ; le taux des naissances, sous contrôle médical qualifié, n’atteint pas vingt-cinq pour cent dans ce dernier pays, par exemple. La surveillance effective de la grossesse, qui exige quatre visites médicales, est très contrastée selon les pays et ne dépend pas nécessairement du niveau du revenu, puisque, par exemple, elle est plus élevée au Liban qu’au Qatar. La surveillance de la grossesse et le soin continu dispensé au nouveau-né sont conformes aux Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), qui ont retenu les objectifs d’amélioration de la santé maternelle et la réduction des taux de mortalité infantile. sont confrontées, sont ignorés ce qui nuit sérieusement à leur bien-être mental et social. Ne pouvant donner naissance à des enfants, certaines femmes recourent à des traitements dangereux (cautérisation, dilatation et curettage). Ceci les expose à des risques sanitaires très graves, en plus des pressions sociales et au divorce, dont le taux est élevé parmi cette catégorie de femmes (UNIFEM, en arabe, 2004 : 54). Perte d’années saines suite à la mauvaise santé L’indice de la “ perte d’années saines suite à la mauvaise santé ” est devenu l’un des indices les plus importants de mesure de l’étendue la carence de santé, dans son sens intégral, dans une société donnée.1 Le graphique 2-2 montre que les femmes, en moyenne, perdent un nombre relativement plus grand d’années saines de leur vie suite à la mauvaise santé que les hommes. Cette disparité selon le genre s’accentue dans les pays arabes les plus riches. Mais dans la mesure où les femmes bénéficient d’un haut niveau de soins de santé lors de la grossesse et de l’accouchement, plus particulièrement dans les pays arabes riches (Graphique 1-2), cela implique donc que le taux de déperdition relativement plus élevé chez les femmes est attribuable à des différences générales de style de vie qui ne dépendent pas nécessairement du niveau de richesse de la société. Ceci indique plutôt que le taux relativement plus élevé de maladie parmi les femmes doit être rapporté à une discrimination fondamentale de genre face à laquelle la richesse matérielle n’est d’aucun secours. Le taux moyen de fertilité demeure élevé dans la région arabe en dépit de la baisse qu’il a connue, en passant de 4.13 naissances par femme durant la période 1995-2000 à 3.81 naissances par femmes pour la période 2000-2005. Il demeure en effet élevé comparé au reste des mondes en voie de développement, où le taux n’excède pas 2.9 naissances par femme (l’Organisation mondiale de la santé, 2005). Les taux de fertilité sont particulièrement élevés dans les pays arabes les moins développés, tels que le Yémen, autrement dit les pays qui ne disposent pas un appareil de santé capable de dispenser les soins de santé nécessaires aux mères et aux enfants en bas âge. Il importe également de noter les conséquences fâcheuses des grossesses non désirées parmi les femmes mariées dans le monde arabe. Celles-ci aboutissent Problèmes de santé spéciaux non seulement aux avortements et aux avortements risqués, mais également à des Obésité et diabète pressions physiques et psychologiques La région arabe connaît une transformation sur les mères et leurs enfants. De même, les problèmes de stérilité et de fausses couches, auxquels les femmes arabes continue du mode de vie et des styles de vie urbains envahissent les villages et les 1 Comparativement, l’indice de “ l’espérance de vie à la naissance ” indique l’ampleur de la baisse des taux de mortalité dans la société et donc de l’espérance pour une personne de rester en vie. L’importance de l’indice “perte d’années saines suite à la mauvaise santé” est qu’il montre le nombre moyen d’années de maladie chez un individu. L’Acquisition des capacités humaines 83 Encadré 2-2 Les Objectifs du millénaire pour le développement Objectif1 - Réduction de l’extrême pauvreté et de la faim : Réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population dont le revenu est inférieur à un dollar par jour ; Réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population qui souffre de la faim. Objectif 2 - Assurer l’éducation primaire pour tous : D’ici à 2015, donner à tous les enfants, garçons et filles, partout dans le monde, les moyens d’achever un cycle complet d’études primaires. Objectif 3 - Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes : Éliminer les disparités entre les sexes dans les enseignements primaire et secondaire d’ici à 2005, si possible, et à tous les niveaux de l’enseignement en 2015, au plus tard. Objectif 4 - Réduire la mortalité infantile : Réduire de deux tiers, entre 1990 et 2015, le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans. Objectif 5 - Améliorer la santé maternelle : Réduire de trois quarts, entre 1990 et 2015, le taux de mortalité maternelle. Objectif 6 - Combattre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies : D’ici à 2015, avoir stoppé la propagation du VIH/sida et avoir commencé à inverser la tendance actuelle. Objectif 7 - Assurer un environnement durable. Objectif 8 - Mettre en place un partenariat mondial pour le développement. Graphique 2-2 Moyenne de la perte d’années saines suite à la mauvaise santé (années), rapport des femelles aux mâles (%), pays arabes et pays de la comparaison, 2002 >cYZ 8]^cZ :6J DbVc A^WnZ @dlZ^i 6gVW^ZHVdjY^iZ 7V]gZ^c BVgdX Ijc^h^Z A^WVc Hng^Z 8dbdgZh FViVg 6a\g^Z 9_^Wdji^ ?dgYVc^Z HdjYVc :\neiZ BVjg^iVc^Z HdbVa^Z >gV` NZbZc Source: Organisation mondiale de la Santé, 2004 2 zones désertiques. Cette transformation s’accompagne d’une tendance à la baisse des taux des maladies provoquées par les bactéries, les virus et les parasites et d’une augmentation des maladies chroniques telles que le cancer, l’hypertension, le diabète et les maladies cardiovasculaires. L’extension des atteintes de diabète de l’âge mur dans le monde arabe est source d’inquiétude. Le facteur de risque le plus important dans l’atteinte du diabète de l’âge mur est l’obésité, que l’OMS considère comme étant (avec le SIDA) l’épidémie de notre époque, avec plus d’un milliard d’adultes souffrant de surpoids2 et au moins 300 millions souffrant d’obésité (l’Organisation mondiale de la santé, 2003). L’OMS mesure les niveaux d’obésité/ surpoids par l’augmentation de l’Indice de masse corporelle.3 Il est clair que l’obésité/ surpoids est un problème répandu dans les pays riches, dans le monde comme dans la région arabe. Mais le plus important pour ce qui nous concerne ici est que les pourcentages de femmes souffrant d’obésité/surpoids sont plus élevés que ceux des hommes dans tous pays arabes disposant de statistiques, par opposition aux pays de la comparaison, où les hommes sont, apparemment, en moyenne, en surpoids plus que les femmes (graphique 2-3). Le problème de l’obésité et du surpoids a empiré avec l’urbanisation de la société, la baisse du besoin en terme d’effort physique et le manque d’équipements sportifs, particulièrement dans les écoles où les élèves overweight 3 L’IMC qui se calcule en rapportant le poids (en kg ) au carré de la hauteur (mètres). Une personne est considérée en surpoids quand l’indice est supérieur à 25 et obèse quand l’indice est supérieur à 30. 84 Rapport sur le développement humain arabe 2005 sont en surnombre et dans les zones rurales. Le problème a d’autant plus empiré que les entreprises encouragent la consommation de produits alimentaires excessivement riches en sucre, en graisses et en sel, c’est à dire les produits alimentaires qui, quand les prédispositions culturelles sont favorables, facilitent l’apparition de risques sanitaires extrêmement graves, particulièrement parmi les enfants et les femmes. En outre, divers facteurs culturels et sociaux peuvent ne pas encourager les femmes et les filles à faire du sport, notamment lorsqu’on sait que d’aucuns tentent d’enraciner l’idée selon laquelle le corps de la femelle serait une “ awra ” (une déficience). Le syndrome de l’immunodéficience acquise (SIDA) La région arabe demeure l’une des régions actuellement les moins affectées par le virus du SIDA.4 Néanmoins, les femmes et les filles arabes sont de plus en plus infectées au point de représenter actuellement la moitié des personnes portant le virus dans la région. Les experts estiment que les femmes sont maintenant plus exposées au risque d’attraper le virus et de contracter la maladie : la probabilité d’infection parmi les personnes de sexe féminin plus jeunes, appartenant à la tranche d’âge 15 - 24 ans, est deux fois celle des mâles de la même tranche d’âge (Programme Commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA, en arabe, 2004, 5). Ceci s’explique principalement par le bas niveau d’autonomisation des femmes dans la région arabe en général, la dégradation de la qualité des services de santé dispensés aux femmes, la pauvreté des moyens de contrôle et de diagnostic et la pénurie d’informations sur les méthodes de protection contre le virus du SIDA dans le cadre de la culture du silence qui entoure les questions de santé sexuelle et reproductive. Beaucoup de filles et de femmes dans les pays arabes ont peu de connaissances au sujet de leurs corps, de leur santé sexuelle et reproductive et du virus du SIDA. Les taux élevés d’analphabétisme et les bas taux de scolarité des filles dans des pays arabes 4 Graphique 2-3 Taux d’obésité et surpoids (population 15 ans et +) selon le genre, Pays arabes et de la comparaison, 2005 @dlZ^i :\neiZ :6J 7V]gZ^c Ijc^h^Z BVgdX A^WVc 9_^Wdji^ 8]^cZ >cYZ :iVih"Jc^h ;ZbZaaZh B}aZh Source: Organisation mondiale de la Santé, 2005. compliquent le problème davantage. Une étude effectuée dans 32 pays a prouvé que le niveau de conscience concernant la réalité du virus du SIDA était cinq fois plus élevé chez les femmes qui avaient reçu une instruction supérieure à l’enseignement de base que chez les femmes analphabètes (l’UNICEF, en arabe, 2004, 31). En outre, les femmes dans de nombreuses parties du monde arabe ne sont pas économiquement indépendantes, ce qui accentue leur dépendance vis à vis des hommes et les expose davantage à l’assujettissement sexuel et à la violence physique. Ceci limite par conséquent leur capacité à se protéger de la contamination par le virus du SIDA, et ce d’autant plus qu’un grand nombre d’hommes sexuellement actifs n’utilisent pas de préservatifs exposant de ce fait leurs épouses au danger de l’infection. Selon les estimations, la grande majorité de femmes infectées par le virus dans la région arabe l’ont contracté Le nombre de porteurs du virus dans la région arabe a été estimé en 2004 à 540 mille personnes. L’Acquisition des capacités humaines 85 auprès de leurs maris (Programme Commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA, en arabe, 2004, 39-40). Il est à noter également que les pratiques telles que la mutilation génitale femelle (circoncision des filles) augmentent la probabilité d’infection des personnes concernées. Ceci peut résulter de l’utilisation d’instruments non stérilisés pendant la circoncision ou d’une déchirure ou blessure lors des rapports sexuels, avec saignement ou hémorragie augmentant ainsi les probabilités de transmission du virus par le compagnon qui en serait porteur. Ce problème se manifeste de nos jours sous sa forme plus monstrueuse dans Darfour au sud Soudan, où beaucoup de femmes circoncises ont été violées pendant le conflit ce qui a entraîné une forte diffusion du virus du SIDA parmi elles. Ceci ajoute à la douleur des femmes atteintes du SIDA c’est qu’elle sont l’objet de discrimination, d’exclusion et de marginalisation dans leurs sociétés. ACQUISITION du savoir au moyen de l’enseignement La diffusion quantitative En dépit du très haut taux de diffusion de l’éducation des filles dans les pays arabes durant les cinq dernières décennies (premier et second Rapports arabes sur le développement humain), les femmes arabes ne sont pas bien préparées pour participer efficacement et fructueusement à la vie publique en acquérant le savoir par le biais de l’enseignement. L’illustration la plus claire en est le fait que les filles et les femmes sont privées plus que les hommes de l’éducation et de l’acquisition du savoir, particulièrement les types de savoirs générateurs d’un rendement social élevé. Comme on peut le constater sur les graphiques (2-4) – (2-6), la région arabe a un taux des plus bas au monde en matière d’éducation des femmes, autrement dit, un taux d’analphabétisme parmi les plus élevés (le taux d’analphabétisme féminin est de 50% comparé au masculin qui est de 33 %), et le taux relativement le plus bas d’opportunités d’accès aux divers niveaux de l’enseignement, particulièrement l’enseignement supérieur, en comparaison avec les hommes. La privation relativement plus élevée des filles des opportunités d’instruction concerne tous les niveaux d’enseignement et tous les pays arabes. Le niveau d’accès féminin à l’éducation reste est toujours inférieur au niveau masculin (trois quarts de femelles contre quatre cinquièmes de mâles) bien que la situation diffère d’un pays à l’autre (graphique 2-5). Le taux d’inscription des filles dans plusieurs pays producteurs de pétrole arabes ainsi qu’en Jordanie, au Liban, en Palestine et en Tunisie est plus élevé que celui des garçons. Le taux relatif le plus élevé de privation de l’éducation se situe Encadré 2-3 Déclaration du Caire des Leaders Religieux de la région arabeen réponse à l’épidémie de VIH/SIDA 13 décembre 2004 Nous, leaders religieux musulmans et chrétiens… nous sommes mis d’accord sur les points suivants: • Considérant la valeur de tout être humain et conscients de la place accordée par Dieu à tous les hommes - quels que soient leur situation, passé ou condition médicale - et face au danger de l’épidémie du VIH/SIDA, • La maladie est une épreuve de Dieu, et que toute personne peut être atteinte selon le choix souverain de Dieu, nous considérons que les malades sont nos frères et nos sœurs, et nous demeurons solidaires, afin qu’Il les assiste dans leur guérison. • Nous plaidons pour le droit des femmes à réduire leur vulnérabilité face au VIH/SIDA. • Les personnes vivant avec le VIH/SIDA et leurs familles, responsables ou non de leur contamination, méritent protection, soins, traitement, appui et éducation. Nous appelons nos institutions religieuses à soutenir spirituellement et psychologiquement ces personnes, tout en leur assurant une aide matérielle en collaboration avec d’autres institutions. De même, nous appelons à ne jamais perdre espoir en la grâce de Dieu, à aspirer à une vie active et productive en confrontant le destin avec foi et courage. • Il est nécessaire de dénoncer et d'abolir toutes formes de discrimination, d’isolement, de marginalisation et de stigmatisation à l’encontre des personnes vivant avec le VIH/SIDA. Il est primordial que ces personnes puissent jouir de l’ensemble des droits humains et des libertés fondamentales Source : http://www.harpas.org/temp/Cairo%20Declaration_French.pdf 86 Rapport sur le développement humain arabe 2005 Graphique 2-4 Taux d’instruction féminin comme pourcentage du taux d’instruction masculin (15 ans et +), régions du monde, 2003 6h^ZYjHjY EVnhaZhbd^chYkZadeeh EVnhVgVWZh 6[g^fjZhjW"hV]Vg^ZccZ 6h^ZYZa:hiZiEVX^ÄfjZ 6bg^fjZaVi^cZZi8VgV^WZh :jgdeZ8ZcigVaZZiDg^ZciVaZZi :iVihYj8dbbdclZi] EdjgXZciV\Z Source: PNUD, 2005 dans les pays arabes les moins développés, tels que Djibouti et le Yémen, et dans les pays où la population est nombreuse, tels que le Soudan, l’Egypte et le Maroc. Cette plus grande privation relative des filles des opportunités de l’éducation est à l’opposé de l’opinion du public arabe, dégagée par l’enquête de terrain, et qui affirme, avec unanimité des réponses, que les femmes ont droit à l’éducation sur un pied d’égalité avec les hommes. L’accès aux différents cycles de l’enseignement selon le genre Bien que les pays arabes, particulièrement ceux du Conseil de coopération de Golfe, aient réussi à augmenter le taux de scolarisation des filles, ce qui a réduit les écarts entre les sexes dans les trois niveaux de l’enseignement, de grands écarts entre les deux genres persistent dans un certain nombre de pays à tous les niveaux du système éducatif. L’éducation préscolaire Les statistiques montrent que l’éducation préscolaire est largement insuffisante dans L’Acquisition des capacités humaines les pays arabes. L’enfant arabe bénéficie en moyenne de 0.4 an d’instruction préscolaire comparé à 1.6 an en Amérique latine et aux Caraïbes, à 1.8 an en Europe Centrale de l’Est et 2.2 ans en Amérique du Nord et en Europe de l’ouest (l’UNESCO, 2005 : 1). Plus généralement le taux d’inscription dans le préscolaire dans la région arabe est inférieur à 20 % et atteint les niveaux les plus bas en Algérie, à Djibouti, à Oman, en Arabie Saoudite et au Yémen, où il est inférieur à 5 %. Le Koweït, le Liban et les Emirats Arabes Unis sont considérés comme les pays qui ont le plus réussi dans ce domaine puisque le taux d’inscription dans l’enseignement préscolaire atteint 70 %. De même, le taux de féminisation durant cette période de l’enseignement est toujours inférieur à la moyenne dans les pays en voie de développement (42 % contre 47 % en 1995) (RADH, 2002 : 48). D’une manière générale, la plupart des pays de la région n’accordent toujours pas la priorité nécessaire à cette étape de l’éducation, qui est largement laissée aux soins d’établissements privés qui courrent fondamentalement derrière le profit, quand ce ne sont pas des institutions 87 Graphique 2-5 Taux brut combiné d’inscription, tous les niveaux de l’enseignement, femelles comme pourcentage des mâles (%),pays arabes, 2002/2003 :6J @dlZ^i 7V]gZ^c A^WnZ FViVg Ijc^h^Z A^WVc EVaZhi^cZ ?dgYVc^Z DbVc 6gVW^ZHVdjY^iZ 6a\g^Z Hng^Z BVjg^iVc^Z :\neiZ BVgdX HdjYVc 8dbdgZh 9_^Wdji^ NZbZc EdjgXZciV\Z *Données de l’année 2000/2001 (source : PNUD,en anglais, 2003). Source: PNUD,en anglais, 2005. Graphique 2-6 Taux brut combiné d’inscription, enseignement supérieur, femelles comme pourcentage des mâles, régions du monde, 2002/2003 6bg^fjZYjCdgYZi :jgdeZYZaDjZhi :jgdeZ8ZcigVaZZiDg^ZciVaZ 6bg^fjZaVi^cZZi8VgV^WZh 6h^Z8ZcigVaZ 6h^ZYZa:hiZiEVX^ÄfjZ EVnhVgVWZh 6h^ZYjHjYZiYZaDjZhi 6[g^fjZhjW"hV]Vg^ZccZ EdjgXZciV\Z Source: UNESCO web site (http://stats.uis.unesco.org/ReportFolders/reportfolders.aspx, Tableau M) 88 Rapport sur le développement humain arabe 2005 féminines qui s’en chargent. Ceci pointe une croyance selon laquelle que la prise en charge de l’enfance est considérée avant tout comme une préoccupation féminine et non pas une affaire publique. L’enseignement primaire Le taux de scolarisation des filles dans l’enseignement primaire varient considérablement d’un pays arabe à l’autre. Il atteint 95 % en Tunisie et en Syrie, mais descend sous 50 % à Djibouti et au Soudan (graphique 2-7). Ceci dit, force est de constater que la plupart des pays arabes ont marqué de grands pas dans le sens de la réduction de l’écart éducatif entre les deux sexes au niveau de l’enseignement primaire : le rapport du nombre de filles au nombre de garçons a dépassé les 90 % dans tous les Etats arabes exceptés les Iles Comores, le Maroc et le Yémen. Graphique 2-7 Taux d’inscription des filles dans l’enseignement primaire (%) et taux des filles comme un pourcentage du taux des garçons, pays arabes, 2002/2003 ;ZbVaZ ;ZbZaaZhXdbbZYZhb}aZh Ijc^h^Z Hng^Z FViVg 6a\g^Z ?dgYVc^Z EVaZhi^cZ 7V]gZ^c A^WVc :\neiZ BVgdX @dlZ^i :6J DbVc BVjg^iVc^Z NZbZc 6gVW^ZHVdjY^iZ 8dbdgZh HdjYVc 9_^Wdji^ EdjgXZciV\Z * Les enquêtes nationales en Arabie Saoudite indiquent que le taux d’inscription féminin dans l’enseignement primaire atteint 95%, mais ce chiffre n’a pas encore été intégré à la base de données internationale utilisée pour construire ce graphique. Source: PNUD, 2005 L’Acquisition des capacités humaines 89 L’enseignement secondaire, universitaire et professionnel En général, les taux d’accès des filles à l’enseignement secondaire sont inférieurs à ceux du primaire. Ils n’atteignent les 80 % et plus que dans quatre pays arabes : le Bahreïn, la Jordanie, la Palestine et le Qatar. A Djibouti et en Mauritanie ces taux sont inférieurs à 20 % (graphique 2-8). Quant à l’écart de genre, neuf pays arabes ont pu le résorber totalement, cet écart demeure néanmoins très grand au Yémen, où le rapport filles/garçons dans l’enseignement secondaire est de seulement 46% et à Djibouti où il est de 69 %. Malgré l’habituelle insistance sur le système des us et coutumes pour expliquer les écarts de genre en matière d’accès à l’enseignement secondaire, un certain nombre d’expériences ont démontré que l’adoption par des gouvernements de politiques sérieuses visant à réduire les écarts dans ce secteur porte ses fruits. En Palestine, par exemple, le pourcentage de filles inscrites dans les spécialités scientifiques est passé de 38,9 % en 1995 à 45,1 % en 1999. Cet accroissement est dû à l’augmentation du nombre de classes ouvertes près des domiciles des filles et dans leurs villages, le nombre de branches scientifiques de premier niveau destinées aux filles est ainsi passé de 33 branches en 1995 à 160 en 1999. Une étude a montré que les causes économiques représentent le facteur limitatif le plus important des possibilités pour les filles, particulièrement les plus pauvres, de terminer leurs études secondaires, et que les facteurs empêchant les mâles d’accomplir ces mêmes études après le primaire diffèrent de ceux qui entravent leur accomplissement par les filles comme le montre le tableau (2-1). Ledit tableau montre clairement que la situation économique difficile de la famille affecte négativement l’éducation des filles plus Graphique 2-8 Taux net d’inscription des filles dans l’enseignement secondaire (%) et inscription des filles en tant que pourcentage de celui des garçons, pays arabes, 2002/2003 ;ZbVaZ ;ZbZaaZhXdbbZYZhb}aZh 7V]gZ^c EVaZhi^cZ FViVg ?dgYVc^Z :\neiZ @dlZ^i :6J DbVc 6a\g^Z Ijc^h^Z 6gVW^ZHVdjY^iZ Hng^Z BVgdX NZbZc 9_^Wdji^ BVjg^iVc^Z EdjgXZciV\Z Source: PNUD, en anglais, 2005. 90 Rapport sur le développement humain arabe 2005 qu’elle ne le fait pour les garçons. De même, l’instruction des filles apparaît aux yeux des familles beaucoup moins importante que celle des filles. Le tableau montre également que c’est la nécessité de travailler qui explique principalement que les garçons n’arrivent pas à poursuivre leur scolarité. Les écarts de genre s’accentuent dans l’enseignement professionnel et technique où les taux d’inscription des filles par rapport aux garçons est inférieur à 50 % (UNESCO, en anglais, 2002). En Palestine, par exemple, malgré une augmentation du taux moyen d’inscription des filles qui a atteint 23,8 % de l’ensemble des étudiants inscrits dans cette branche en 1999 contre 18,8 % en 1995, les mâles constituent toujours presque 77 % de cette branche (Abu`Awwad, en arabe, 2003, 41). Ce type d’enseignement tend généralement à faire prévaloir la division sexuelle traditionnelle du travail dominante dans la société. Les filles sont généralement orientées vers les activités de services pour travailler comme secrétaires, infirmières ou esthéticiennes, tandis que les garçons sont orientés vers les branches de l’enseignement industriel, agricole et professionnel.5 Certaines études relatives au rôle de l’éducation hors programme (apprentissage technique, éducation physique, musique et champs, initiation professionnelle) dans la consolidation de l’inégalité entre les deux sexes ont montré que la participation des étudiantes était généralement négligée lors des séances d’éducation physique, particulièrement dans les écoles mixtes. On est également plus exigeant avec les étudiantes qu’avec les étudiants en matière de respect du port des tenues scolaires et le niveau de participation des filles aux activités scolaires hors programme est inférieur à celui des garçons. De même, les garçons refusent la participation aux classes d’économie ménagère ou de couture (Abu Nahla, en arabe, 1996 ; Shukhshayr, en arabe, 2000). L’enseignement supérieur Les données montrent que l’égalité entre les deux sexes au niveau de l’enseignement supérieur a été atteinte dans douze pays arabes (Algérie, Arabie Saoudite, Bahreïn, EAU, Jordanie, Koweït, Liban, Libye, Oman, Palestine, Qatar et Tunisie). Le nombre de femmes inscrites dans l’enseignement supérieur est supérieur à celui des hommes aux Emirats Arabes Unis au Koweït et au Qatar. Néanmoins, il faut noter qu’un grand nombre d’hommes des pays en question poursuivent leurs études supérieures à l’étranger. La plupart des pays ne fournissent des données que sur l’inscription dans les établissements du pays. Il est fort probable, néanmoins, que cette insuffisance des données rapportées est révélatrice d’un écart qui n’est pas correctement évalué entre les deux sexes dans l’enseignement supérieur (l’UNESCO, en arabe, 2002 : 48). En général, l’accès des femmes arabes à Tableau 2-1 Les raisons de l’arrêt de l’enseignement après l’enseignement primaire en Palestine, par genre (%) Raisons de la non poursuite Gender Total Désire travailler Perception de l’éducation par la famille Statut économique de la famille Masculin 60 12 28 100 Féminin 37 30 33 100 Source: Abu Nahla, en arabe, 1996: 117. 5 Une grande responsabilité incombe aux gouvernements pour changer l’image stéréotypée qui situe l’enseignement professionnel dans une position des plus basses. A titre d’illustration, le ministère palestinien de L’Education et de l’enseignement a ouvert de nouveaux domaines de formation professionnelle devant les filles, alors qu’ils leur étaient longtemps fermés. En 1998, l’enseignement industriel a été ouvert aux filles, bien que limité à la seule industrie de l’ordinateur. Le domaine agricole leur a été également ouvert, bien qu’on les ait cantonnées à la production végétale et non à l’animale. Les étudiants ont été également encouragés à poursuivre des études commerciales où les filles occupaient une place prépondérante puisqu’elles y représentaient 85 % en 1995 et sont passées à 60% du nombre d’étudiants (Appel d’ Abu`Awwad, en arabe, 2003 : 42) L’Acquisition des capacités humaines 91 Graphique 2-9 Taux féminin brut d’accès à l’enseignement supérieur, et inscriptions des filles comme (%) des inscriptions des garçons, pays arabes, 2002/2003 BVjg^iVc^Z ;ZbZaaZhXdbbZYZhb}aZh ;ZbVaZ NZbZc 9_^Wdji^ HdjYVc 8dbdgZh BVgdX EVaZhi^cZ ?dgYVc^Z Ijc^h^Z A^WVc 6gVW^ZHVdjY^iZ DbVc A^WnZ @dlZ^i 7V]gZ^c :6J FViVg EdjgXZciV\Z Source: PNUD, en anglais, 2005. l’enseignement supérieur varie selon les pays ; il atteint son pic aux EAU et en Libye, où le taux d’inscription des filles est de plus de 50 %. Au Liban, ce taux a atteint 48 % au cours de l’année universitaire 2002/2003. Les taux d’inscription les plus bas se retrouvent aux Comores, à Djibouti, en Mauritanie, au Soudan et au Yémen, ils n’ont pas excédé 10 %. En dépit de l’augmentation de leur nombre dans l’enseignement universitaire, les filles continuent d’être concentrées dans des spécialisations telles que la littérature, les sciences humaines et sociales, où elles constituent la majorité, spécialités qui ne sont pas très demandées sur le marché du travail. L’accès des filles aux branches de l’ingénierie et de l’industrie reste sensiblement faible 92 comme le montre le tableau (2-2). Une telle situation s’explique aussi par la propension chez les filles à s’orienter vers les métiers à temps partiel qui ne contredisent ni la vision traditionnelle de leur rôle reproducteur ni la division du travail dominante au niveau du foyer et en matière de protection de la famille comme l’enseignement ou les activités à temps partiel dans la fonction publique. En outre, certaines universités arabes introduisent des critères discriminatoires à l’égard des étudiantes en faveur des étudiants. Ainsi, à l’université du Koweït, par exemple, les étudiants en ingénierie et pétrole sont acceptés sur la base d’une moyenne cumulative de 67.9, alors qu’il est exigé des filles d’avoir une moyenne de 83.5 pour être acceptées dans les mêmes spécialités. Rapport sur le développement humain arabe 2005 Tableau 2-2 Pourcentage des étudiantes de l’ensemble des étudiants de certaines spécialités dans les universités arabes, 2002/2003 Pays Sciences humaines et Gestion, droit, sciences littérature sociales Sciences Engineering, industrie et bâtiment Bahrein 83 60 71 24 Djibouti 52 52 18 25 Jordanie 37 37 51 30 Liban 56 56 42 21 Mauritanie 23 23 14 - Maroc 45 45 34 22 Palestine 34 34 49 35 Qatar 65 65 72 16 Arabie Saoudite 30 30 41 1 Source: http://gmr.uis.unesco.org/ (composé à partir de plusieurs tableaux). Néanmoins, les filles dans la région sont de plus en plus enclines à poursuivre des études dans les domaines scientifiques et techniques de pointe, bien que les écarts existent toujours entre sexes dans les branches d’orientation des filles. Par exemple, on note des écarts au sein des spécialités de la même branche ; la plupart du temps les étudiantes des écoles d’ingénieurs optent pour l’architecture et le génie chimique, alors que les garçons s’orientent vers le génie mécanique et l’électronique. Dans les études de médecine, les étudiants choisissent la chirurgie et les spécialités fines tandis que les étudiantes optent pour la gynécologie, la pédiatrie et la médecine dentaire. L’analphabétisme toujours élevé chez les femmes La région arabe a connu une forte expansion sans précédent de la scolarisation des filles, ce qui lui a permis de réduire le déficit qu’elle avait par rapport aux autres régions du monde. Néanmoins, le succès remporté en matière d’augmentation du taux de scolarisation des filles, attesté par les rapports, ne signifie pas un succès en matière de lutte contre l’analphabétisme féminin hors école. En effet, si quelques pays, d’un niveau de développement humain moyen, comme la L’Acquisition des capacités humaines Jordanie et la Palestine, ont réussi à relever le taux d’alphabétisation des d’adultes femmes (âgés de quinze ans et plus) à 85 %, six pays arabes pays affichent un taux inférieur à 50 % : les Comores, l’Egypte, la Mauritanie, le Maroc, le Soudan et le Yémen. Les taux d’analphabétisme dans le monde arabe sont supérieurs au taux moyen mondial et même au taux moyen dans les pays en voie de développement. Les pays arabes entrent dans le 21e siècle en traînant un passif d’environ 60 millions d’adultes analphabètes, c’est à dire 40 % de tous les adultes, composés pour la plupart de femmes pauvres et rurales (RADH 2002 : 51). Il est à rappeler que les résultats de l’enquête d’opinion ont souligné le droit des filles à l’instruction dans n’importe quel niveau d’enseignement et au libre choix de la spécialité (Encadré 2-4). Bien que seule une minorité (n’excédant pas 10 %) n’a pas été d’accord sur le droit pour les filles de choisir les spécialités qu’elles préfèrent, les spécialisations que certaines réponses ont considéré comme relevant du seul domaine masculin comprennent les sciences militaires (la plupart des interviewés marocains), les sciences de l’ingénieur (plus de 15 % de ceux qui ont répondu à cette question en Egypte, en Jordanie et au Liban) et la médecine. 93 :\neiZ A^WVc A^WVc ?dgYVc^Z Encadré 2-4 L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005 ?dgYVc^Z BVcfjVci Les filles ont le droit d’accéder à tous les niveaux de l’enseignement, y compris9VXXdgY l’université, EVhYVXXdgY sur un pied d’égalité avec les garçons % ' 9VXXdgY BVgdX BVgdX :\neiZ 9VXXdgY .- 9VXXdgY .- :\neiZ A^WVc A^WVc ?dgYVc^Z BVcfjVci % ?dgYVc^Z BVcfjVci % EVhYVXXdgY ' 9VXXdgY EVhYVXXdgY ' 9VXXdgY Les filles doivent avoir le droit de choisir leur domaine de spécialisation à l’université BVgdX 9VXXdgY .- BVgdX :\neiZ Dj^ .% :\neiZ A^WVc A^WVc ?dgYVc^Z ?dgYVc^Z BVcfjVci % EVhYVXXdgY ' Cdc , 9VXXdgY BVcfjVci ( 9VXXdgY BVgdX :\neiZ A^WVc ?dgYVc^Z 94 Dj^ .% Les filles sont de meilleures apprenantes Dj^ .% Les données internationales indiquent que les filles dans la région arabe ont un meilleur rendement scolaire que les garçons. Les taux de déperdition scolaire chez les filles sont inférieurs à ceux des garçons dans tous pays Cdc , 9VXXdgY BVcfjVci ( pour lesquels on dispose de données, excepté les EAU. La probabilité pour qu’une fille termine la cinquième classe est supérieure à 90% en Algérie, en Arabie Saoudite, aux Emirats Arabes Unis, en Jordanie, à Oman et en Tunisie. De même, le pourcentage de filles qui redoublent de classe est inférieur à celui des BVcfjVci ( Cdc , Rapport sur le développement humain arabe 2005 garçons dans les pays de la région sur lesquels les données sont disponibles6 à l’exception du Soudan (Institut de statistique de l’UNESCO, en anglais, 2002 : 42-43). Cependant, la discrimination à l’égard des personnes de sexe féminin dans les pays arabes limite leur accès au savoir par l’intermédiaire de l’enseignement en dépit de l’accumulation des indications et des preuves que les filles arabes ont un meilleur rendement scolaire que les garçons, particulièrement pendant les premières étapes de l’échelle scolaire comme illustré par les encadrés (2-5) et (2-6). En Egypte, par exemple, au milieu de l’année 2005, s’est répété la scène annuelle des filles qui récoltent la majorité des premières places au Baccalauréat - le grand obstacle sur l’échelle de l’enseignement dans la plupart des pays arabes. En dépit de l’idée fausse que les sciences humaines conviennent mieux à la nature des femmes, une fille a obtenu la première place dans les sections sciences et lettres à la fois, et parmi les dix premiers, il y’avait 11 filles sur 12 lauréats7 en sciences humaines et 7 filles sur 15 en sciences. La supériorité des filles lors des examens du baccalauréat ne concerne pas que la seule Egypte (graphique 2-10), elle peut même être écrasante en sciences humaines aux Emirats Arabes Unis et en Palestine. Dans tous les pays arabes pour lesquels les données sont disponibles, les filles représentent plus de 50 % des lauréats. Comme en moyenne la part des filles ayant accès à l’enseignement est inférieur à la moitié des inscrits, ceci prouve leur plus grand rendement scolaire. Le plus haut degré de réussite scolaire des filles se confire dans une grande variété de circonstances, dans les pays arabes connus pour leur opulence comme dans ceux marqués par les difficultés économiques, et même sous l’occupation la plus dure, soulignant ainsi la nature intrinsèque et non circonstancielle du phénomène. Il importe de rappeler que l’inscription Encadré 2-5 Les filles surpassent les garçons dans l’enseignement fondamental au Bahreïn Les résultats d’une étude de terrain confirment amplement le meilleur rendement scolaire des filles. Sur les 20 élèves qui ont reçu les meilleures notes dans chacun de deux examens, en langue arabe et en mathématiques, 12 étaient des filles. Sur les 20 écoles dont les élèves ont obtenu les plus moyennes les plus élevées dans les deux examens, 19 étaient des écoles de filles. Sur les 20 élèves les moins bons dans les examens scolaires, il n’y avait qu’une une fille. Les résultats de l’analyse prouvent que les filles ont un niveau d’acquisition supérieur à celui des garçons, et plus élevé encore dans la langue arabe. Moyenne des résultats en langue arabe et en maths (sur 100), selon le nombre de classes redoublées et par genre, Bahreïn, 1999 CdbWgZYZXaVhhZhgZYdjWaZh IdiVa ;^aaZh <Vgdch BdnZccZ Alors le redoublement, par exemple, est lié à une baisse du niveau d’acquisition, amplifié par la multiplication des classes redoublées par l’élève( le symbole « 0 » indique que l’élève n’a redoublé dans aucune classe), les filles maintiennent leur supériorité dans tous les cas. Source: Bahreïn, Ministère de l’Education, Centre de recherches pédagogiques et de développement, Almishkat, en arabe, 1999. 6 Il s’agit de : Algérie, Arabie Saoudite, Bahreïn, Djibouti, Irak, Egypte, Emirats Arabes Unis, Jordanie, Koweït, Liban, Maroc, Oman, Palestine, Soudan et Tunisie 7 Les lauréats peuvent être ex-aequo. L’Acquisition des capacités humaines 95 Encadré 2-6 La supériorité des filles dans l’enseignement primaire au Koweït Les résultats d’un projet d’indicateurs éducation entrepris par la Société koweitienne pour le progrès des enfants arabes montrent la supériorité écrasante des filles, avec un écart statistique significatif, en matière d’acquisition scolaire pour toutes les matières concernées par l’étude. Les résultats obtenus par les filles dans l’enseignement primaire comparés à ceux des garçons, Koweït, 2000 6kZgV\ZHXdgZ ;^aaZh$<Vgdch BVi] 6c\aV^h HX^ZcXZh 6gVWZ FjVa^ÄXVi^dch YZaVk^Z Note: la note la plus élevée = 30 :YjXVi^dc ^haVb^fjZ <Vgdch ;^aaZh ;^aaZh$<Vgdch Source: Al-Sarraf, en arabe, 2001, 108. relativement plus élevée des filles dans les sciences humaines s’explique en grande partie par les secteurs d’activité ouverts à l’emploi des femmes, eu égard aux perceptions sociétales courantes. Or ces emplois sont beaucoup plus liés aux sections auxquelles préparent les sections Lettres de l’enseignement secondaire qui déterminent à leur tour l’orientation des filles vers une section ou vers l’autre. La supériorité scolaire relative des filles concerne tous les niveaux de l’enseignement, y compris l’enseignement supérieur. Il est très important de souligner que les filles obtiennent de tels succès dans l’enseignement bien qu’elles soient confrontées à un environnement social et familial handicapant, qui est, pour certaines d’entre elles, travaillé par un mythe selon lequel le destin de la fille est de rester à la maison, l’éducation et le travail étant fondamentalement réservés au genre masculin. Dans de telles conditions, le résultat logique est la confirmation de l’excellence des filles dans le domaine de l’acquisition du savoir, ce qui leur permet d’être compétente et même de surpasser les hommes malgré un certain degré 96 de handicap sociétal. Dans une perspective positive, l’égalité entre les hommes et les femmes dans l’acquisition et l’utilisation du savoir auraient des retombées positives énormes sur la société arabe qui en tirerait avantage dans toutes les formes d’activité humaine. Aujourd’hui, les traditions et les pratiques discriminatoires nuisibles empêchent la nation de récolter les fruits de ces atouts. En réalité, le principe de justice exige que les meilleurs possibles soient encouragés et non pas seulement de rendre effective l’égalité de tous. Si la justice était faite, les récompenses que la nation recueilleraient de la promotion des femmes à travers la consolidation de la possibilité de mise en œuvre du projet pour la Renaissance humaine sont presque illimitées. La libération des énergies captives des filles et des femmes arabes dans les domaines du savoir et de la créativité par la création d’un environnement familial et social qui valorise l’excellence, indépendamment du genre, est la condition sine qua non du “ processus de la prospérité humaine ” (izdihar) dans le monde arabe. Rapport sur le développement humain arabe 2005 Graphique 2-10 Pourcentage des filles parmi les lauréats de l’enseignement secondaire, cinq pays arabes, 2003-2005 =jbV^cZh EdjgXZciV\ZYZÄaaZh HX^ZcXZh :\neiZ EVaZhi^cZ NZbZc :6J @dlZ^i Source: Réalisé à partir de plusieurs sources gouvernementales, Nader Fergany. Une femme brillante : Mervat Badawi Mervat Badawi a grandement contribué au développement du monde arabe, non seulement par sa production théorique, mais également, et c’est probablement l’aspect le plus important, par sa contribution pratique sur le terrain, à travers, notamment son rôle dirigeant au sein d’une des plus importantes institutions de développement arabe commun, le Fonds arabe pour le développement économique et social (FADES). Attestent de la valeur de cette contribution, la diversité de ses centres d’intérêts et son travail sans relâche, pour faire aboutir de grands projets de développement, notamment celui du réseau électrique entre les pays arabes, pour lequel elle a consacré beaucoup de son énergie dans un combat qui n’a pas discontinué jusqu’à son décès. Mervat Badawi s’est distinguée très tôt parmi les esprits arabes exceptionnels aussi bien lors de ses études ou comme chercheur ; elle était toujours la plus jeune parmi ses des pairs dans tout travail scientifique qu’elle eut à entreprendre. Au tout début de ses années vingt, elle a obtint sa licence en sciences économiques de l’université du Caire et de l’université de Paris où elle décrocha par la suite d’autres diplômes supérieurs (en mathématiques et en sciences informatiques). Elle obtient ensuite un doctorat d’Etat en économie quantitative et un autre doctorat en génie électrique et régulation. Avant d’atteindre la quarantaine, Mervat Badawi obtint le prix de l’Etat français en sciences économiques et la chaire de professeur à l’université de Paris. Depuis le début des années 1970, Mervat Badawi a occupé un certain nombre de postes universitaires à l’université de Paris, atteignant le sommet de la pyramide de la recherche universitaire en L’Acquisition des capacités humaines France avec sa nomination comme Directeur de recherche à l’Institut national de la recherche scientifique à Paris alors qu’elle était âgée de moins de trente ans. Elle fut appelée par le Fonds arabe pour le développement économique et social (FADES) pour déployer ses compétences dans le monde arabe. Son action soutenue et intense au sein du Fonds et en matière de développement dans le monde arabe en général s’est poursuivi jusqu’à ce qu’elle occupa le poste technique le plus élevé au sein du Fonds, celui de directrice du secteur technique. Mervat Badawi était aussi une figure remarquable dans de nombreuses instances arabes et internationales. Ses compétences linguistiques ont beaucoup contribué à son efficacité au sein de ces instances. Elle était entre autres, et à titre d’exemple, membre du Conseil des Gouverneurs du Centre de recherche en développement international, du Canada, du Comité de surveillance du Groupe consultatif sur la recherche agricole internationale, et du Conseil des Directeurs du Programme de financement du commerce arabe. Il importe de souligner ici, tout particulièrement, que Mervat Badawi a contribué de manière inégalée avec sérieux, compétence et assiduité aux travaux du Rapport arabe sur le développement humain, au soutien à sa publication, en tant que représentante du FADES au sein Conseil consultatif du Rapport. Elle a contribué à l’élaboration de son concept de développement et de son contenu depuis les tous débuts de sa conception jusqu’au moment où elle nous quitta, en professionnelle, en automne de 2004. Nader Fergany 97 Chapitre III L’utilisation des capacités humaines Introduction La société humaine ne peut ni exister ni se développer humainement sans que les femmes jouent un rôle central dans la construction de l’édifice social. Ce rôle ne se limite pas à la seule fonction biologique et vitale proprement dite, relative à la continuité de l’espèce par la reproduction et en veillant sur la progéniture et en la protégeant, fonction par rapport à laquelle les femmes assurent un rôle central depuis l’origine de l’humanité. Elles participent, en effet, à toutes sortes d’activités humaines depuis les premières époques de la formation des sociétés humaines, avant même l’époque de la sédentarisation. Cependant, un mélange de facteurs politiques, économiques et sociaux, en plus des facteurs culturels (montée de l’hégémonie masculine), allaient consacrer une rupture entre les sphères publique et privée de l’édifice social : la première allait être dominée par les hommes et c’est dans cette sphère que seront puisés les critères des valeurs sociales ; les femmes ayant été, à un degré ou un autre, reléguées à la sphère privée (la famille), où leur contribution vitale n’était pas appréciée socialement à sa juste mesure. Ainsi, la société tout entière se trouvera privée de l’utilité publique due à leur contribution efficace dans les domaines de la production et de la chose publique. L’espace de l’activité économique Les statistiques disponibles montrent que la participation des femmes à l’activité économique reste faible, à tel point que le niveau de contribution des femmes dans la L’utilisation des capacités humaines région arabe est classé parmi les plus bas dans le monde (figure 1-3). Nous évoquons ce graphique, en attirant l’attention, encore une fois, sur le fait que ces statistiques ne rendent que partiellement compte de la contribution effective des femmes (Chap. I). De prime abord, la lenteur de la croissance économique se traduit par un faible niveau de la demande sur la main-d’œuvre féminine dans la région. En outre, la dominance des conceptions traditionnelles du rôle des femmes est liée précisément à la prévalence des hommes dans la subsistance des familles et à la baisse de la préférence de l’emploi féminin, ce qui favorise l’augmentation manifeste des taux de chômage des femmes, en comparaison avec les hommes. L’expérience dans les pays arabes montre La société humaine ne peut ni exister ni se développer humainement sans que les femmes jouent un rôle central dans la construction de l’édifice social. Graphique 3-1 Taux d’activité économique des femmes (15 ans et plus) et l’activité féminine en % de l’activité masculine, régions du monde, 2003 6h^ZYZa:hi ZiEVX^ÄfjZ :jgdeZ8ZcigVaZ ZiYZa:hiZi:8 EVnhaZhbd^ch YkZadeeh 6[g^fjZ HjW"hV]Vg^ZccZ D89: 6h^ZYjHjY 6bg^fjZAVi^cZ Zi8VgV^WZh ;ZbZaaZZcYZb}aZ :iVih6gVWZh ;ZbZaaZ EZgXZciV\Z Source: PNUD, 2005. 99 Bien que les femmes contribuent fortement à la production du bien-être humain, contribution incorrectement comptabilisée, leur apport aux différents domaines de l’activité que les femmes sont les premières à perdre l’opportunité de travailler, en temps de récession économique, et les dernières à en trouver en temps de reprise économique. A titre d’exemple, on peut citer la forte baisse du nombre des travailleuses que l’Egypte a enregistrée durant la première moitié des années quatre-vingt-dix du siècle dernier, période de récession économique, surtout dans le secteur des entreprises privées, contre une augmentation du nombre de travailleurs au cours de la même période (Ferjani, en anglais, 1998). S’agissant de la privation dont pâtissent les femmes sur le plan de la participation à l’activité économique, et bien que leur désir de travailler soit effectif, les statistiques disponibles, tout insuffisantes qu’elles soient, indiquent quand même une augmentation du taux de chômage chez les femmes plus élevée que chez les hommes (Figure 3-2). Un tel phénomène est contraire aux considérations de compétence économique proprement dite ; car si on prend en compte les excellents résultats obtenus par les femmes dans le domaine de l’acquisition du savoir par l’entremise de l’enseignement, alors c’est le genre qui dispose des plus grandes capacités en termes de connaissances, en l’occurrence les femmes, et donc le plus apte à développer la productivité, qui pâtit le plus du chômage. Mais, il est important de signaler que l’opinion publique arabe prend, selon les résultats d’une enquête sur le terrain, une direction opposée aux situations de discrimination dominantes sur les marchés arabes du travail. Cette opinion soutient en effet, avec force le droit des femmes à l’égalité en matière d’opportunités, de conditions et de revenus du travail (Encadré 3-1). Caractéristiques de la participation de la femme à l’activité économique et questions y afférentes Bien que les femmes contribuent fortement à la production du bien-être humain, contribution Graphique 3-2 Taux de chômage féminin en % du taux de chômage masculin Quelques pays arabes, plus récente année disponible humaine hors du cadre familial buttent sur des difficultés et des entraves multiples qui en restreignent l’ampleur. :\neiZ Hng^Z FViVg 6gVW^ZHVdjY^iZ ?dgYVc^Z @dlZ^i :6J A^WVc BVgdX Ijc^h^Z 6a\g^Z 8^h_dgYVc^ZZi 7VcYZYZ<VoV NZbZc Source: World Bank, 2004. 100 EZgXZciV\Z Rapport sur le développement humain arabe 2005 Encadré 3-1 L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005 Les femme doivent avoir droit au travail sur un pied d’égalité avec les hommes ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY BVgdX BVgdX :\neiZ :\neiZ A^WVc A^WVc DWhZgkVi^dch DWhZgkVi^dch eZgYjZh eZgYjZh ?dgYVc^Z ?dgYVc^Z ?ZcZhj^h ?ZcZhj^h eVhYVXXdgY eVhYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY Les femmes doivent avoir droit au revenu du travail sur un pied d’égalité avec les hommes ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY BVgdX BVgdX :\neiZ :\neiZ A^WVc A^WVc DWhZgkVi^dch DWhZgkVi^dch eZgYjZh eZgYjZh ?dgYVc^Z ?dgYVc^Z ?ZcZhj^h ?ZcZhj^h eVhYVXXdgY eVhYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY Les femmes doivent avoir droit aux mêmes conditions de travail que les hommes BVgdX BVgdX :\neiZ :\neiZ A^WVc A^WVc ?dgYVc^Z ?dgYVc^Z DWhZgkVi^dch DWhZgkVi^dch eZgYjZh eZgYjZh ?ZcZhj^h ?ZcZhj^h eVhYVXXdgY eVhYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY L’utilisation des capacités humaines 101 Le secteur des services s’accapare la part la plus importante de la force féminine arabe de travail. La productivité et les revenus du travail tendent à baisser dans le secteur des services des économies arabes. incorrectement comptabilisée1, leur apport aux différents domaines de l’activité humaine hors du cadre familial buttent sur des difficultés et des entraves multiples qui en restreignent l’ampleur. Cependant, ce qu’il y’a de plus important à noter c’est que les femmes, en cas d’un emploi, ne jouissent pas de l’égalité traitement avec les hommes en matière de conditions de travail et de revenus, sans parler de l’égalité des chances en matière de promotion jusqu’à accéder au sommet de la hiérarchie de prise de décision dans le domaine des projets économiques, privés ou publics. fut de plus de 50%, durant la période allant de 1990 à 2003, en Arabie Saoudite, en Jordanie et à Oman. Quant au fossé entre les femmes et les hommes en matière d’activité économique, il a atteint son point ultime en Palestine où la participation des femmes n’a guère dépassé 14% par rapport à celle des hommes, suivi d’Oman (27%) et de l’Arabie Saoudite (29%). Evolution de la participation des femmes aux niveaux de l’économie et du marché du travail dans les pays arabes. Les bases de données internationales n’offrent pas une assise solide pour une étude exhaustive de la répartition sectorielle du travail des femmes dans les pays arabes. Le graphique (33) résume les données disponibles dans la base de données du PNUD pour l’année 2005. Elles concernent cinq pays arabes seulement, bien que la répartition sectorielle utilisée se limite aux trois secteurs fondamentaux : l’agriculture, l’industrie et les services. Il découle de la figure en question que le secteur des services s’accapare la part la plus importante de la force féminine arabe de travail. Il importe de signaler à ce propos que la productivité et les revenus du travail tendent à baisser dans le secteur des services des économies arabes en raison de l’augmentation des parts du secteur public et du secteur informel en main-d’œuvre des services. S’agissant de l’écart de la répartition sectorielle de la main d’œuvre selon le genre, une plus grande concentration des femmes se manifeste dans le secteur des services, avec les conséquences qui en découlent comme indiquées plus haut, sauf dans les économies où prévaut le secteur primaire (l’agriculture), comme le montre la figure en question dans le cas du Yémen, qui connaît une concentration de la main d’œuvre féminine dans le secteur primaire au détriment des deux autres, et où la productivité et les revenus sont même enclins à la baisse par rapport au secteur des services. La région arabe, comparée aux autres régions du monde, a affiché l’accroissement le plus élevé de la participation des femmes à l’activité économique entre 1990 et 2003. Il a été de 19% contre 3% seulement au niveau mondial. Et pourtant la participation économique des femmes arabes reste la plus faible du monde, puisque le taux de féminisation ne dépasse pas 33,3% (femmes âgées de 15 ans et plus) alors que la moyenne mondiale est de 55,6%. Plus encore, leur participation ne dépasse pas 42% de celle des hommes, la plus basse dans le monde, puisque la participation des femmes atteint 83% en Asie de l’Est et au Pacifique et 73% en Afrique subsaharienne, le taux moyen mondial étant de 69%. Le taux le plus élevé en matière de participation économique des femmes dans les pays arabes est atteint en Mauritanie (63,1%), suivie du Katar (42,6%), où le taux des travailleuses immigrées est en augmentation, et puis du Maroc (41,9%). Dans cinq pays arabes que sont la Libye, Oman, l’Arabie Saoudite, la Jordanie et la Palestine, ce taux de participation reste inférieur à 30%, bien que le taux d’accroissement de cette participation Répartition de la force de travail féminine selon les principaux secteurs d’activité économique 1 Les statistiques officielles couvrent uniquement un des domaines d’activité des femmes à savoir l’activité officielle. Les autres domaines de cette activité tels que le travail dans le secteur non officiel, l’activité de subsistance quotidienne, le travail sans contrepartie salariale et le bénévolat, ne sont pas pris en compte dans les statistiques officielles. En dépit de quelques tentatives entreprises pour aboutir à une évaluation plus précise du travail des femmes par la méthode du budget/temps. Mais cette méthode n’a été appliquée qu’au Maroc, en Palestine et à Oman, ce qui nous oblige à utiliser les méthodes traditionnelles de calcul de la participation économique des femmes. Nous pouvons ainsi comparer la région arabe aux autres régions du monde, et les Etats arabes entre eux. 102 Rapport sur le développement humain arabe 2005 YZaV[dgXZYZ igVkV^a[b^c^cZ YZaV[dgXZYZ igVkV^abVhXja^cZ Graphique 3-3 Répartition de la force de travail en fonction du genre et des principaux secteurs d’activité, cinq pays arabes, 1995-2002 HZgk^XZh NZbZc BVgdX :\neiZ >cYjhig^Z EVaZhi^cZ :6J 6\g^XjaijgZ HZgk^XZh >cYjhig^Z 6\g^XjaijgZ EZgXZciV\Z Source: PNUD, 2005. La place de la femme d’un point de vue fonctionnel Dans les pays arabes où l’on dispose de données (Oman, Palestine, Katar, Egypte et Maroc), les femmes travaillent en grande partie comme fonctionnaires ou comme employées. Cette part atteint en Egypte 68% de l’ensemble des femmes actives sur le marché du travail, 55% en Palestine, s’élève à 88% à Oman et à 100% au Qatar. Elle n’est inférieure à 50% qu’au Maroc où elle est de 34%. Par ailleurs, les parts des hommes et des femmes travaillant comme fonctionnaires diffèrent peu. Cependant, il existe une grande différence dans la nature du travail des non-fonctionnaires. C’est que le plus grand nombre d’hommes non-fonctionnaires travaillent soit pour leur propre compte, soit en tant qu’employeurs, alors que la part la plus élevée de femmes non-fonctionnaires travaillent comme ‘‘travailleuses participantes parmi les membres de la famille’’, autrement-dit, elles exercent un travail relevant du domaine privé, travail non rémunéré la plupart du temps. Cette catégorie occupe parmi les femmes 20% en Egypte, 52% au Maroc et 33% en Palestine, contre une part des hommes respectivement de 8%, 22% et 7% pour les trois pays. Cet écart pourrait sembler profiter à première vue aux femmes ; en réalité, il signifie une augmentation des tâches et des responsabilités quotidiennes qui leur incombent. A l’échelle des Etats arabes, le niveau le plus élevé de femmes actives dans le secteur administratif2 revient aux femmes saoudiennes (2), qui a atteint 31% de l’ensemble des répertoriés dans ce domaine, viennent ensuite l’Irak avec 15%, la Palestine avec 12%, le Bahreïn avec 10%, Oman avec 9% et les Emirats arabes unis avec 8%. Le niveau le plus bas de femmes dans ce secteur est celui des femmes yéménites (4%).3 Il est important de rappeler que le public a exprimé lors du sondage d’opinion son large soutien à l’appropriation et à la gestion des avoirs et des projets économiques, par les femmes, même si ce soutien diminue quelque peu pour ce qui est de la gestion (Cadre 3-2). 2 Ceci concerne les postes suivants : responsables en législation, administrateurs gouvernementaux, juristes, hauts responsables, directeurs de sociétés, directeurs généraux. Cette situation s’explique en partie par les traditions consistant à séparer les genres dans l’administration et les services publics, comme dans l’enseignement par exemple. 3 Nations Unies : Statistiques (2005) (visite effectuée le 6 mars 2006) http://unstats.un.org/unsd/demographic/products/indwm/ww2005/tab5f.htm L’utilisation des capacités humaines 103 Encadré 3-2 L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005 Les femmes doivent avoir le même droit que les hommes de posséder des capitaux ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY BVgdX BVgdX :\neiZ :\neiZ A^WVc A^WVc DWhZgkVi^dch DWhZgkVi^dch eZgYjZh eZgYjZh ?dgYVc^Z ?dgYVc^Z ?ZcZhj^h ?ZcZhj^h eVhYVXXdgY eVhYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY Les femmes doivent avoir le même droit que les hommes de posséder des entreprises économiques ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY BVgdX BVgdX :\neiZ :\neiZ A^WVc A^WVc ?dgYVc^Z ?dgYVc^Z DWhZgkVi^dch DWhZgkVi^dch eZgYjZh eZgYjZh ?ZcZhj^h ?ZcZhj^h eVhYVXXdgY eVhYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY Les femmes doivent avoir le même droit que les hommes de diriger des entreprises économiques ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY BVgdX BVgdX :\neiZ :\neiZ A^WVc A^WVc ?dgYVc^Z ?dgYVc^Z DWhZgkVi^dch DWhZgkVi^dch eZgYjZh eZgYjZh ?ZcZhj^h ?ZcZhj^h eVhYVXXdgY eVhYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY 104 Rapport sur le développement humain arabe 2005 Les causes de la faiblesse de la participation économique des femmes arabes. Plusieurs facteurs contribuent à expliquer la baisse de la participation des femmes dans la vie économique et l’augmentation du chômage féminin. Certains ont trait à la demande de la main d’œuvre féminine, d’autres à son offre. La culture masculine dominante La culture dominante réserve aux femmes le statut d’entretenues par les hommes, ce qui accorde à ces derniers la priorité à l’emploi et à ses revenus. Cette orientation néglige le fait que la contribution des femmes au revenu de la famille et à l’entretien de familles entières n’a eu de cesse de prendre de l’importance dans toutes les sociétés, y compris dans les sociétés arabes. Elle néglige également, en réalité, le fait que le degré de responsabilité et de sacrifice dont font preuve les femmes pour subvenir aux besoins de la famille et pour la protéger n’est en rien inférieur à celui des hommes. Certains employeurs préfèrent embaucher des hommes plutôt que des femmes, pensant que cela est moins onéreux et prenant prétexte du coût des congés de maternité payés pour se dispenser de l’embauche des femmes. Comme si le congé de maternité était un privilège réservé à la femme et non un droit au nouveauné et un service rendu à la société ! Et bien que de nombreux Etats arabes exaltent le discours sur la protection et le soutien de la famille, le fait d’inscrire à la charge des entreprises et non à la charge des Etats le coût du rôle reproducteur que la femme assure en matière de reproduction de la société réduit les chances d’emploi des femmes. Rareté des opportunités de travail Le bas niveau de développement économique ne procure pas les opportunités de travail nécessaires à l’absorption de l’augmentation de la force de travail, aussi bien masculine que féminine. Cependant, cette faiblesse de l’offre d’emplois se répercute négativement beaucoup plus sur les femmes que sur les hommes. La figure 3-2 montre que le chômage féminin est L’utilisation des capacités humaines plus important que le chômage masculin dans les deux tiers des pays arabes sur lesquels des statistiques sont disponibles ; le niveau de ce chômage a atteint même le double de celui des hommes dans presque la moitié de ces pays. Le défi que représente la création d’opportunités de travail pour les femmes deviendra plus grand durant les prochaines années, particulièrement au regard des estimations qui indiquent que le taux d’accroissement de l’offre de la force de travail féminine dépassera le taux d’accroissement de l’ensemble de la force de travail. Ainsi, le taux annuel du développement de la force de travail dans les Etats arabes, pour la période allant de l’an 2000 à l’an 2010, est estimé à 3,5%, alors que le taux du développement de la force de travail féminine est estimé à 5% pour la même la même période (Banque mondiale, en anglais, 2003 : 4). La culture dominante réserve aux femmes le statut d’entretenues par les hommes, ce qui accorde à ces derniers la priorité à l’emploi et à ses revenus. La discrimination de genre en matière d’emploi et de salaires La ségrégation entre les hommes et les femmes en matière d’emploi et de salaires a contribué à la réduction de la participation des femmes à la vie économique. Les salaires des hommes dépassent de loin ceux des femmes pour les différents postes, surtout dans le secteur privé. Cette discrimination par rapport aux salaires dans ce secteur pousse les femmes à travailler dans le secteur public qui assure l’égalité en matière de salaires et de conditions de travail. Toutefois, dans la majorité des Etats arabes, le secteur public a commencé à connaître une contraction suite aux politiques d’ajustement structurel. Plus le niveau éducatif baisse et plus le fossé entre les salaires des hommes et ceux des femmes s’agrandit. En Jordanie, par exemple, les femmes universitaires obtiennent 71% des salaires de leurs collègues hommes. Ce rapport diminue pour atteindre 50% pour celles qui se sont arrêtées au niveau de l’enseignement fondamental. Quant aux femmes analphabètes, leurs salaires n’atteignent que 33% des salaires des hommes (Moghadam, en anglais, 2005). Ainsi, la souffrance des femmes augmente avec la baisse du niveau éducatif, lequel est habituellement lié au niveau de pauvreté. La contribution des femmes au revenu de la famille et à l’entretien de familles entières n’a eu de cesse de prendre de l’importance dans toutes les sociétés, y compris dans les sociétés arabes. 105 Augmentation du niveau de fécondité Les lois relatives au travail ou au statut personnel sont considérées comme des entraves importantes à la participation des femmes à la vie économiquea. L’indice de participation des femmes au travail est corrélé aux taux de fécondité, à l’indice de l’âge moyen au premier mariage, à l’indice du mariage pour la tranche d’âges de 15 - 19 ans de l’ensemble de la population, ainsi qu’aux niveaux de scolarisation. La participation des femmes à l’activité économique constitue également le facteur le plus influent sur le niveau de fécondité. Dans les Etats arabes, le taux le plus bas de participation des femmes au travail se situe en Palestine, qui est en même temps un des pays les plus procréatifs, présentant les taux les plus élevés de mariage précoce (15-19 ans), alors qu’un Etat comme la Tunisie se situe tout à fait à l’opposé de la Palestine, puisque l’on y enregistre des taux de mariages précoces et de fécondité bas (2,1 contre 4,2 dans la région arabe et un taux de participation économique élevé (32%) (Mona Fayad, Papier du Rapport). Des lois qui handicapent les femmes, d’autres qui les “ protègent ” L’insuffisance de l’infrastructure en matière de moyens de transport et de crèches n’encourage pas les femmes à travailler, et ce sans parler de l’absence de sécurité sociale pour les enfants comme pour les personnes âgées, dont le suivi est à la charge des femmes. 106 Les lois relatives au travail ou au statut personnel sont considérées comme des entraves importantes à la participation des femmes à la vie économique. Certaines législations en matière de statut personnel et de droit du travail restreignent leurs libertés en exigeant d’elles l’autorisation préalable du père ou du mari pour pouvoir travailler, voyager ou contracter un crédit bancaire. Certaines législations du travail empêchent également les femmes d’accéder à des domaines de travail en vue de la “ protéger ” (voir chapitre 8). La “ protection ” se métamorphose ainsi en ségrégation entre les hommes et les femmes, et restreint, par conséquent, la participation des femmes à l’activité économique (Abu Harithiyyehet Qawwas, en anglais, 1997). Faiblesse des services d’appui L’insuffisance de l’infrastructure en matière de moyens de transport et de crèches n’encourage pas les femmes à travailler, et ce sans parler de l’absence de sécurité sociale pour les enfants comme pour les personnes âgées, dont le suivi est à la charge des femmes. Il y a également d’autres facteurs qui affectent les chances des femmes de trouver un travail, comme par exemple l’absence de liens entre l’enseignement et les besoins du marché du travail, le faible niveau de la formation continue en vue du développement des compétences des femmes en quête de travail, enfin les difficultés auxquelles les femmes sont confrontées pour obtenir des facilités de crédits. L’impact des programmes d’ajustement structurel Durant les années quatre-vingts et quatrevingt dix, plusieurs pays arabes ont adopté des programmes d’ajustement structurel consistant en la libéralisation du commerce, la privatisation, le renforcement du secteur privé, l’augmentation de la productivité, et ce en vue d’asseoir les équilibres internes et externes et d’assurer la croissance économique. Les évaluations de l’impact de ces politiques sur les femmes, sur la main d’œuvre féminine et sur leur participation à l’activité économique divergent. Si contraction économique du secteur public a conduit à la réduction des opportunités de travail officiel pour les femmes, certains pensent que ces politiques ont procuré aux femmes des opportunités plus grandes de travail dans les activités économiques du secteur informel en expansion, bien que ce secteur n’offre pas aux femmes la protection juridique et les garanties de travail. La baisse de la participation économique des femmes conduit à la baisse des revenus Le taux de dépendance dans la région arabe reste l’un des plus élevé au monde, puisque chaque travailleur pourvoit aux besoins de plus de deux personnes ne travaillant pas, alors que ce nombre est inférieur à une personne en Asie de l’Est et dans la région du Pacifique. Le bas niveau de participation des femmes en est la cause principale. Au regard de la tendance des salaires réels à la stagnation et l’augmentation des taux de chômage, il devient plus difficile aux travailleurs en nombre réduit d’assurer un Rapport sur le développement humain arabe 2005 Encadré 3-3 L’Opinion de la jeunesse arabe sur les questions des femmes dans la région arabe Le Bureau régional pour les Etats arabes – PNUD a accueilli en novembre 2005 une réunion consultative de jeunes arabes4 autour des questions des femmes arabes ainsi qu’un forum de concertation par liaison électronique avec des jeunes leaders représentants différents pays arabes. Les participants ont souligné que la culture, l’enseignement, l’économie et la participation politique ont un impact décisif sur le rôle des femmes dans la société arabe, même si ces facteurs constituent eux-mêmes des indicateurs reflétant la situation des femmes dans la région. Les jeunes ont considéré que la religion, notamment la religion musulmane, contribue grandement à la structuration de la réflexion sur les droits des femmes, sur leurs rôles et responsabilités. Ils ont également insisté sur la nécessité de respecter les points de vue religieux, tout en reconnaissant les divergences entre ces points de vue et les interprétations relatives aux questions des femmes. S’agissant de l’enseignement, les jeunes sont tombés d’accord sur la nécessité de revoir les programmes éducatifs, particulièrement l’image qu’ils véhiculent des femmes. Il y avait en même temps une invitation générale à accorder plus d’importance à l’enseignement de la culture sexuelle qu’il faut considérer comme un thème fondamental parmi les programmes éducatifs, d’autant plus que la religion musulmane, – selon les dires des jeunes – est une religion d’ouverture qui n’interdit nullement l’élargissement de la connaissance, mais plutôt l’encourage. Les jeunes se sont penchés également sur le phénomène de la violence croissante à l’encontre des filles dans les écoles, et sur le fait qu’il n’y a pas suffisamment de lois pour protéger les filles et jeunes femmes de cette violence. Ils ont aussi abordé l’augmentation de la déperdition scolaire et exprimé leur inquiétude face à l’analphabétisme croissant parmi les jeunes femmes, qu’ils ont niveau de vie acceptable à leurs familles. La situation devient même plus grave quand cette participation élevée du travailleur à l’entretien de la famille se conjugue avec une absence de plans de retraite et l’inexistence d’un filet national de sécurité sociale englobant toutes les catégories de travailleurs. Une étude récente a montré que les systèmes de retraite ne touchent pas les travailleurs du secteur privé et du secteur agricole. Alors que les taux de couverture atteignent, par exemple, 70% des travailleurs en Libye, où la majorité écrasante d’entre eux sont employés par le secteur public, le niveau de couverture baisse au Maroc, où le secteur agricole est grand, pour atteindre 20% (Robalino et al., en anglais, 2005). Avec l’extension du secteur informel où la couverture des travailleurs est faible, le poids de la dépendance devient énorme pour le petit 4 considéré comme un indicateur très inquiétant qui affecte in fine le développement durable dans la région dans son ensemble. Le bas niveau du nombre de femmes participant aux processus de prise de décisions politiques a poussé les jeunes participants à lancer un appel pour que des dispositions de discrimination positive soient prises, comme de réserver un quota pour les femmes au sein des institutions législatives. Constatant que la le système patriarcal, qui continue d’opérer dans la région arabe, constitue l’une des causes de l’inégalité entre les deux sexes en matière de participation politique, ils ont appelé les médias arabes à jouer un rôle plus actif, en mettant surtout en exergue l’impact positif des femmes occupant des postes de décision, et ce, en s’en référant à des exemples courants de cheminements réussis des femmes dans les différents pays. Les jeunes ont tenu à faire part de leurs remarques positives à propos de l’accroissement du nombre de femmes dans les centres économiques de leadership dans le monde arabe, y compris dans les Etats les plus conservateurs. Il ont toutefois observé que, bien que cela soit un indicateur positif, il n’en implique pas moins pour ces femmes une certaine responsabilité. Elles se doivent, en effet, d’assumer un rôle central dans l’élargissement du marché arabe et dans la création de plus d’opportunités de travail ; plus important encore, elles doivent introduire l’idée de la responsabilité sociale partagée dans le secteur économique arabe. La question de l’augmentation du nombre de jeunes, particulièrement les filles et les jeunes femmes, en situation de chômage a été également débattue. Un appel a été lancé aux gouvernements arabes pour qu’ils accordent plus d’intérêt aux jeunes, des deux sexes, de cette génération, et ce d’autant plus que la maîtrise de la technologie du 21e siècle paraît être l’un de leurs nombreux savoir-faire qui est à même de consolider le développement de manière générale en fin de compte nombre de personnes du marché du travail. De même, et faute d’appui social suffisant, la pression devient de plus en plus forte sur les femmes, appelées à s’occuper des enfants, des personnes âgées, des malades, des invalides et des personnes handicapées. Aussi sera-t-il impossible de réaliser des niveaux de revenu individuel élevés, et a fortiori du bien être humain, sans une contribution plus importante des femmes arabes à la force de travail. Aussi, ne pas réussir à mobiliser le capital humain, notamment les femmes ayant un haut niveau d’éducation, c’est mettre des freins au développement économique et dilapider des énergies et d’importants investissements qui auraient pu contribuer à garantir le développement pour tous. Le faible niveau d’emploi des femmes ainsi que les restrictions touchant leurs revenus du travail sont en Le faible niveau d’emploi des femmes ainsi que les restrictions touchant leurs revenus du travail sont en contradiction avec les principes d’égalité les plus élémentaires, lesquels principes font partie des piliers de la citoyenneté et des droits de l’homme. S’agissant des participants, voir l’Annexe 5. L’utilisation des capacités humaines 107 le droit de voter et contradiction avec les principes d’égalité les plus élémentaires, lesquels principes font partie des piliers de la citoyenneté et des droits de l’homme. Ceci mine les fondements du développement économique, s’écarte certainement des exigences du développement humain et réduit les chances de promotion des femmes arabes, objet de ce rapport. d’être candidates Le domaine politique Dans la plupart des pays arabes les femmes ont obtenu aux élections parlementaires dans les années cinquante et soixante du siècle dernier. Le Liban a été le premier pays arabe à garantir ces deux droits aux femmes en 1952. Les femmes arabes participent au pouvoir exécutif dans certains pays arabes depuis le milieu du siècle dernier. 108 Nous commençons ce volet par la présentation des tendances très positives des opinions exprimées par le public arabe dans les pays arabes où a eu lieu l’enquête de terrain, (Annexe 2), qui insistent, particulièrement au Maroc et au Liban, sur le droit des femmes au travail et à l’occupation des hauts postes exécutifs, y compris celui de chef d’Etat, même si un tel soutien va en se réduisant au fur et à mesure que les postes sont plus élevés (Encadré 3-4). Dans la plupart des pays arabes (à l’exception des Etats du Golfe) les femmes ont obtenu le droit de voter et d’être candidates aux élections parlementaires dans les années cinquante et soixante du siècle dernier. Le Liban a été le premier pays arabe à garantir ces deux droits aux femmes en 1952. Le troisième millénaire a apporté une certaine amélioration à la situation des femmes dans les Etats du Golfe où, en effet, ces mêmes droits leur ont été octroyés à Oman et au Qatar en 2003, et où, après 40 ans de lutte, les femmes koweitiennes ont obtenu en 2005 tous leurs droits politiques (Annexe 4, tableau 23 et figure 3-4). Le recours aux systèmes de quotas a permis d’élargir la présence des femmes dans les parlements au Maroc et en Jordanie. Mais, en dépit de ces changements positifs, la représentation des femmes arabes dans les parlements est restée la plus faible au monde (Figure 3-5). L’accès des femmes aux chambres parlementaires diffère de façon manifeste selon les pays (Figure 3-6). Ainsi, la plus grande représentativité des femmes arabes dans les conseils parlementaires a été réalisée, au début de 2006, en Irak (25,5%), suivi par la Tunisie, où les femmes ont obtenu 22,8% des sièges aux élections parlementaires de 2004, puis par le Soudan avec 66 représentantes, soit 14,7% des sièges, ensuite la Syrie, avec 30 représentantes, soit 10,8% des sièges et enfin Djibouti, le Maroc et la Somalie, avec respectivement 10,8%, 10,8% et 8% des sièges. Les taux les plus bas de la participation féminine ont été atteints au Bahreïn (0), au Yémen (0,3%) et en Egypte (2%). Il n’existe pas de chambres législatives élues dans les Emirats arabes unis et l’Arabie saoudite, et le Qatar n’a toujours pas connu d’élections législatives. Les femmes parlementaires arabes occupent parfois des postes importants dans les chambres parlementaires, tel que celui de vice-président du parlement en Egypte, en Tunisie, au Maroc et en Algérie. Mais il n’est pas arrivé qu’une parlementaire ait occupé le siège de présidente de la chambre. Par ailleurs, il existe dans certains Etats arabes, à côté des parlements élus, des conseils supérieurs entièrement ou partiellement nommés. Le pouvoir exécutif qui nomme ces conseils a pris l’habitude d’y augmenter relativement le nombre de femmes en compensation de leur échec dans les élections du conseil représentatif élu. Les femmes arabes participent au pouvoir exécutif dans certains pays arabes depuis le milieu du siècle dernier. La première femme ministre a été nommée en Egypte en 1956, en Irak en 1959 et en Algérie en 1962. Le nombre de pays arabes ayant désigné des femmes ministres a augmenté, surtout pendant les trois dernières années, à tel point que les femmes font partie de tous les gouvernements arabes, à l’exception de celui de l’Arabie Saoudite. Le nombre de femmes ministres varie d’une période à l’autre et d’un gouvernement à l’autre, attendu qu’il n’existe dans aucun pays arabe de quotas fixes pour les femmes. De même que l’augmentation ou la diminution du nombre de femmes ministres ne reflète pas nécessairement la tendance à la promotion des femmes. De manière générale, les femmes sont beaucoup plus employées dans les Etats républicains (ex. : Tunisie, Syrie, Irak, Egypte) que dans les monarchies (ex. : Maroc, Jordanie, Pays du Golfe), bien que ces dernières aient récemment opté pour la nomination de femmes comme ministres. Dans les premières étapes de la participation des femmes aux gouvernements arabes, les Rapport sur le développement humain arabe 2005 Encadré 3-4 L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005 Les femmes doivent avoir le même droit que les hommes à l’activité politique ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY BVgdX BVgdX BVgdX BVgdX :\neiZ :\neiZ :\neiZ :\neiZ A^WVc A^WVc A^WVc A^WVc ?dgYVc^Z ?dgYVc^Z ?dgYVc^Z ?dgYVc^Z DWhZgkVi^dch DWhZgkVi^dch eZgYjZh DWhZgkVi^dch eZgYjZh DWhZgkVi^dch eZgYjZh eZgYjZh ?ZcZhj^h ?ZcZhj^h eVhYVXXdgY ?ZcZhj^h eVhYVXXdgY ?ZcZhj^h eVhYVXXdgY eVhYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY Les femmes doivent avoir le droit d’être ministre ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY BVgdX BVgdX BVgdX BVgdX :\neiZ :\neiZ :\neiZ :\neiZ A^WVc A^WVc A^WVc A^WVc ?dgYVc^Z ?dgYVc^Z ?dgYVc^Z ?dgYVc^Z DWhZgkVi^dch DWhZgkVi^dch eZgYjZh DWhZgkVi^dch eZgYjZh DWhZgkVi^dch eZgYjZh eZgYjZh ?ZcZhj^h ?ZcZhj^h eVhYVXXdgY ?ZcZhj^h eVhYVXXdgY ?ZcZhj^h eVhYVXXdgY eVhYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY Les femmes doivent avoir le droit d’être Premier ministre BVgdX BVgdX BVgdX BVgdX ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY :\neiZ :\neiZ :\neiZ :\neiZ A^WVc A^WVc A^WVc A^WVc ?dgYVc^Z ?dgYVc^Z ?dgYVc^Z ?dgYVc^Z DWhZgkVi^dch DWhZgkVi^dch eZgYjZh DWhZgkVi^dch eZgYjZh DWhZgkVi^dch eZgYjZh eZgYjZh ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY ?ZcZhj^h ?ZcZhj^h eVhYVXXdgY ?ZcZhj^h eVhYVXXdgY ?ZcZhj^h eVhYVXXdgY eVhYVXXdgY Les femmes doivent avoir le droit d’être Chef de l’Etat ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY BVgdX BVgdX BVgdX BVgdX :\neiZ :\neiZ :\neiZ :\neiZ A^WVc A^WVc A^WVc A^WVc ?dgYVc^Z ?dgYVc^Z ?dgYVc^Z ?dgYVc^Z DWhZgkVi^dch DWhZgkVi^dch eZgYjZh DWhZgkVi^dch eZgYjZh DWhZgkVi^dch eZgYjZh eZgYjZh ?ZcZhj^h ?ZcZhj^h eVhYVXXdgY ?ZcZhj^h eVhYVXXdgY ?ZcZhj^h eVhYVXXdgY eVhYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY L’utilisation des capacités humaines 109 Graphique 3-4 L’année à laquelle les femmes ont obtenu le droit de vote sans restrictions et le droit de se présenter aux élections, pays arabes, 9gd^iYZkdiZ @dlZi 9_^Wdji^ >gV` ?dgYVc^Z 7V]gZc NZbZc HdjYVc A^WnZ BVgdX 6a\g^Z BVjg^iVc^Z Ijc^h^Z HdbVa^Z :\neiZ 8dbdgZh Hng^Z A^WVc 9gd^iYZhZeghZciZgVjmaZXi^dch Source: “Inter-Parliamentary Unit.” (2005). www.ipu.org/wmn-e/suffrage.htm (Accessed 29 March 2006). 29 March 2006). Graphique 3-5 Les femmes aux parlements, moyennes régionales EVnhhXVcY^cVkZh 6bg^fjZh :jgdeZhVchaZheVnhhXVcY^cVkZh 6[g^fjZHjW"HV]Vg^ZccZ 6h^Z EVX^ÄfjZ :iVihVgVWZh Source: www.ipu.org\wmn-e\world.htm, 15 October 2005. 110 EVgi Rapport sur le développement humain arabe 2005 portefeuilles de l’enfance, des questions des femmes ou du développement social ont été souvent confiés aux femmes. Cependant, et bien que les femmes arabes n’aient pas obtenu jusqu’à présent la responsabilité d’un ministère de souveraineté, comme la défense, l’intérieur ou les affaires étrangères, elles ont néanmoins commencé à assurer la direction de ministères importants comme ceux de la planification, l’industrie, le commerce, les communications et l’information. En outre, les femmes au sein des gouvernements arabes n’ont pas pu accéder au poste de Premier ministre ou de Vice-premier ministre, exception faite de la Jordanie où une femme a occupé pour la première fois, en 1999, le poste de Vice-premier ministre. D’autres données indiquent que les femmes occupent des postes importants dans l’administration locale (quatre femmes en Egypte et deux au Liban), et siègent à des conseils locaux au Soudan, en Palestine, en Jordanie, en Mauritanie et aux Comores. Cependant, on constate qu’il y a une difficulté à nommer ou à élire des femmes à des postes exécutifs à l’échelle du village, de la région et de la juridiction, de telle sorte qu’elles sont presque absentes de ces postes dans la plupart des pays arabes. Le pourcentage des femmes dans la magistrature a atteint 50% au Maroc, 22,5% en Tunisie, 11% en Syrie et 5% au Liban. Une femme est devenue magistrate dans la Haute cour constitutionnelle en Egypte. Le nombre de magistrates a atteint le chiffre 76 au Soudan, 53 au Yémen et 14 en Jordanie. Les femmes arabes participent également comme membres dans les conseils d’administration des organisations non gouvernementales où elles constituent 45% au Liban, 42% en Palestine et 18% en Egypte (UNIFEM, 2004). Malgré les différences de performance entre femmes arabes occupant des postes de direction, on peut dire que la performance moyenne des femmes n’était pas moins excellente que celle des hommes. Des femmes parlementaires et ministres se sont affirmées et furent considérées comme des modèles pour les femmes dans le monde arabe. Dans le sondage d’opinion (annexe 2), quelque deux-tiers des réponses ont considéré que la performance des femmes était proche de celle des hommes, sinon meilleure. L’utilisation des capacités humaines Graphique 3-6 Seats in parliament (lower or single house) held by women (% of total), Arab countries, 29 March 2006 >gV` EVaZhi^cZ Ijc^h^Z HdjYVc Hng^Z 9_^Wdji^ BVgdX HdbVa^Z 6a\g^Z ?dgYVc^Z A^WVc A^WnZ 8dbdgZh DbVc :\neiZ NZbZc 7V]gZc Source: www.ipu.org\wmn-e\classif.htm, 29 March 2006. * http://www.elections.ps/pics/Statistic_reg_voters_2-ar.jpg Une participation faiblement diversifiée L’accès des femmes à des postes élevés au sein de l’Etat n’implique pas nécessairement leur promotion politique. Dans de tels postes, les femmes, pas plus que les hommes, ne peuvent être des acteurs politiquement influents en l’absence des libertés et du pluralisme politique dans le monde arabe. En effet, les femmes au pouvoir sont souvent choisies parmi les élites ou au sein des cercles proches du parti au pouvoir pour améliorer l’image des régimes en place, Malgré les différences de performance entre femmes arabes occupant des postes de direction, on peut dire que la performance moyenne des femmes n’était pas moins excellente que celle des hommes. 111 Encadré 3-5 L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005 Quelle est la performance des femmes dans les postes de direction par rapport aux hommes ? EgdX]Z *' BVgdX :\neiZ A^WVc B^Zjm E^gZ (% &* ?dgYVc^Z DWhZgkVi^dch eZgYjZh ( B^ZjmfjZaZh$egdX]ZYZh]dbbZh L’accès des femmes à des postes élevés au sein de l’Etat n’implique pas nécessairement leur promotion politique. Dans de tels postes, les femmes, pas plus que les hommes, ne peuvent être des particulièrement les régimes despotiques. Elles peuvent être choisies également suite à des pressions étrangères, comme c’est le cas en Irak ou dans certains pays du Golfe. Aussi, l’augmentation de la représentation de certaines femmes dans la sphère politique n’empêche pas la poursuite des persécutions à l’encontre d’autres d’entre elles, en particulier les activistes des mouvements islamistes ou des organisations des droits de l’homme agissant pour la réforme et la démocratie5. On constate également que, en général, la représentation la plus élevée des femmes se trouve dans les pays au système du parti unique, qui restreint d’habitude le pouvoir et l’autorité à un petit groupe de loyalistes et où prévalent les valeurs consacrant la loyauté en lieu et place de la compétence. D’ailleurs, les programmes électoraux des femmes dans ces Etats, comme dans d’autres, sont souvent conformes à ceux de l’organisation politique mère. Dans les pays caractérisés par l’économie de rente ou par l’étendue du clientélisme7, de la corruption, du népotisme et du favoritisme, les femmes sont soit écartées du monde politique au moyen de la loi, soit marginalisées en raison de leur incapacité à avoir de l’influence et à faire pression, de manière détournée, sur les politiques, à l’instar de ce que font les hommes ; elles peuvent aussi s’en remettre totalement au pouvoir ou au parti dirigeant en les flattant et en se rapprochant d’eux grâce aux connaissances et aux amitiés. acteurs politiquement influents en l’absence des libertés et du pluralisme politique dans le monde arabe. 5 Les femmes islamistes sont confrontées dans certains pays arabes à des violations de domicile ce sème entre autres l’effroi parmi les enfants ; elles sont même utilisées comme otages en vue d’exercer une pression sur leurs proches. Parfois, cela va jusqu’à l’emprisonnement, la torture et le harcèlement sexuel. Certains gouvernements recourent également à l’expulsion des épouses des prisonniers politiques de leur travail pour sanctionner toute la famille où pour les obliger à divorcer. En Tunisie, une décision administrative, abrogée récemment, portant le numéro 108, stipulait l’interdiction du port du voile, les personnes voilées ont été en conséquence l’objet de campagnes de persécution dans les institutions publiques, la rue, les moyens de transport et les hôpitaux ; elles étaient agressées, leurs habits déchirés et elles étaient appréhendées et conduites dans les postes de police. Certaines d’entre elles ont été empêchées de passer les examens de l’enseignement public pour la même raison. (Naziha Rajiba, Papier utilisé pour préparer ce rapport). Cette persécution ne touche pas seulement les femmes islamistes, mais aussi les activistes des organisations qui prennent leur défense et même tous ceux et celles qui leur viennent en aide. 6 Ce sont des relations de dépendance au terme desquelles un individu fait allégeance à un politicien capable de rendre service à l’individu en question ou au groupe ou de leur permettre de réaliser un intérêt. (Pour plus de détails voir Waterbury, en anglais,1977). 112 Rapport sur le développement humain arabe 2005 Les femmes et l’Etat arabe : coopération ou confrontation. Les femmes arabes font face à un dilemme préoccupant, s’agissant du meilleur type de rapport à entretenir avec l’Etat ; s’agit-il pour elles de réaliser leurs intérêts en intégrant les institutions de l’Etat ou bien en agissant de l’extérieur, dans le cadre des institutions de la société civile ?7 Certaines études arabes indiquent que, en matière de promotion des femmes, il n’y a pas de différences notables entre les régimes despotiques et les régimes libéraux (Hatem, en anglais, 1994 : 661-676). De même, l’augmentation de la représentation des femmes dans les régimes despotiques, qui s’accompagne de la marginalisation de la politique en tant qu’activité publique, rend confuse leur participation et sépare les femmes qui sont au pouvoir de leurs bases au cas où elles en auraient. Cette situation a un impact négatif sur la revendication de la promotion des femmes par l’augmentation de leur représentation politique. Quant à l’action hors des institutions étatiques, elle provoque toutes formes de répression et de persécution à l’encontre des femmes activistes, surtout lorsque les droits sociaux des femmes sont articulés à l’insuffisance en matière de droits et des libertés civiques et politiques de manière générale. Les femmes au sein des partis politiques dans les pays arabes Il importe de rappeler tout d’abord que la liberté de constituer des partis n’est pas garantie dans les pays arabes. Certains d’entre eux, comme les pays du Golfe et la Libye, en interdisent foncièrement la constitution. D’autres les autorisent au terme de la constitution mais restreignent leur création ou leur action ultérieurement par le biais de la loi et dans la pratique concrète(RDHA, 2004). Les relations que les femmes ont aux partis politiques arabes diffèrent selon la période et l’architecture politique de chaque pays. De nombreux mouvements de résistance à la colonisation ont réussi à attirer et à organiser un grand nombre de femmes tout au long du vingtième siècle (comme en Tunisie, en Algérie, en Palestine et au sud Liban), mais, après l’indépendance, les partis politiques n’ont pas œuvré, de manière durable, à l’élargissement de leurs bases féminines. Ils n’ont pas non plus élaboré des programmes intégrés pour la promotion des femmes, en tenant compte leurs différences de situations. Les partis politiques et les mouvements qui ont justifié les droits “ octroyés ” aux femmes par la contribution de celles-ci à la guerre de libération à côté des hommes, n’ont pas maintenu leur position sur les droits des femmes, parce qu’ils n’avaient pas conçu ces droits sur la base du concept d’égalité en ce qu’elle est une valeur qui s’appuie sur le droit des femmes en tant qu’être humain à part entière ou comme citoyenne à part entière (Azmi Bichara, en arabe, document d’appui du Rapport). Les partis nationalitaires (panarabes) et communistes de la région se sont intéressés à l’organisation des femmes pour prouver le caractère progressiste de leurs idées. Mais nombreux sont les partis arabes, progressistes ou conservateurs, qui ont eu recours à la création de corps séparés pour l’organisation des femmes, dont la direction est souvent assurée par une femme. Ce genre d’organisation a donné naissance à un espace “ particulier ” aux femmes dans l’espace général du parti. Bien que certains croient que cela pouvait aider progressivement les femmes à accéder à la sphère politique publique, le maintien de cet espace ‘particulier’ a restreint le rôle des femmes dans le parti et par conséquent dans la société. En fait, quand il arrive que les femmes soient associées à la vie partisane, leur activité se déploie uniquement au niveau de la base élargie du parti, et dans le cadre du cercle familial (Mouna Fayad, en arabe,1998). Les femmes arrivent rarement à occuper une place Les partis politiques n’ont pas œuvré, de manière durable, à l’élargissement de leurs bases féminines. Ils n’ont pas non plus élaboré des programmes intégrés pour la promotion des femmes, en tenant compte leurs différences de situations. 7 Pour un suivi de cette polémique, voir : (Yeatmann, en anglais, 1990 et le livre de 1996), (Karam, en anglais, 1998) et (Goetz, en anglais, 1997, 2003). L’utilisation des capacités humaines 113 Ces partis se sont donnés récemment pour objectif d’organiser les femmes. C’est que certains de ces mouvements ont parfois combattu les revendications des mouvements laïcs de femmes, consistant à la tête d’un parti, à l’exception de l’Algérie où une femme dirige le parti des travailleurs8. Dans un pays dont le parti au pouvoir qui se flatte des réalisations qu’il a accomplies au profit des femmes comparativement au reste des Etats arabes, on trouve dans le parti du Rassemblement constitutionnel démocratique au pouvoir en Tunisie que le pourcentage des adhérentes est de 20,1%, tandis qu’elles ne constituent que 2,6% de l’ensemble des chefs de sections, et il n’y a pas de femmes à la tête des commissions de coordination qui opèrent au niveau de chaque wilâya. De même, il n’y a qu’une seule femme parmi les 8 membres du bureau politique, et une seule secrétaire générale adjointe chargée des questions des femmes9. Au Yémen, le pourcentage des femmes aux postes de direction de l’ensemble des partis politiques ne dépasse pas 2%. Le Congrès Populaire Général, parti au pouvoir, est crédité de la première place pour ce qui est du nombre de femmes occupant des postes de direction (Belkis Abou Asbah, 2004, d’après Khadija Cherif, document d’appui du Rapport). Et l’on présume, depuis le sixième congrès, que les femmes constitueront 15% des dirigeants. Nous remarquons le même phénomène en Egypte, puisque la présence des femmes aux instances dirigeantes des partis n’est que symbolique. Ainsi, la haute instance du parti Al-Wafd compte deux femmes parmi les 40 membres, soit 5%. L’on trouve également au secrétariat général du parti du Rassemblement trois femmes parmi les 64 membres, soit une représentation de 4,6%. Dans le Parti nassérien, seules deux femmes siègent dans le Comité central, ce qui représente 7,2% de l’ensemble des membres (Centre égyptien des droits de l’homme, 2005). à changer les lois et les politiques qui Les femmes dans les mouvements islamistes. La situation se présente, jusqu’à un certain point, de manière tout à fait différente pour ce qui est de la représentation des femmes dans les partis islamistes. Ces partis se sont donnés récemment pour objectif d’organiser les femmes. Au Hizbollah, au Liban, par exemple, les femmes s’impliquent dans le cadre des “ instances féminines ”, structures féminines du parti. Elles sont actives dans la plupart des institutions sociales, éducatives, culturelles et médiatiques du parti. Elles jouent également un rôle efficace dans la résistance, néanmoins elles restent absentes des principaux conseils du parti, comme le “ Choura al-qarar ”, le Conseil politique, le Conseil exécutif et le Conseil central (Kasem Kasir, en arabe, 2004). En Palestine, le Parti Islamique de Salut National présente une autre configuration de la présence féminine en son sein, puisqu’elles constituent environ 27% de sa base, 15% des membres du bureau politique (la plus haute instance du parti), (soit 2 membres sur 11) (Jad, en anglais, 2004a). Nous trouvons également au Maroc une porte-parole officielle du Cheikh Abdesselam Yassine10 et du mouvement Justice et Bienfaisance, qui a en son sein 20% de femmes dirigeantes. Les cas cités supra pourraient représenter un indicateur de la promotion politique des femmes au sein des mouvements islamistes, sauf qu’ils sont porteurs de contradictions d’un autre genre. C’est que certains de ces mouvements ont parfois combattu les revendications des mouvements laïcs de femmes, consistant à changer les lois et les politiques qui marginalisent les femmes arabes, comme ce fut le cas de la posture au parlement koweitien de la koutla islâmiya qui s’est opposée à l’acquisition des femmes de leurs droits politiques au vote et à l’éligibilité. marginalisent les femmes arabes 8 Madame Louisa Hanoun préside ce parti d’opposition de tendance trotskyste. Elle s’est portée candidate en avril 2003 aux élections présidentielles pour devenir ainsi la deuxième femme concurrençant les hommes dans le monde arabe après la palestinienne feu Samiha Khalîl qui s’est présenté aux élections présidentielles contre l’ex-président feu Yasser Arafat en 1995. 9 La page web du Parti du Rassemblement Constitutionnel Démocratique www.rcd.tn 10 Il s’agit de Madame Nadia Yassine, fille du Cheikh Abdessalam Yassine, leader du mouvement Al Adl oual-Ihsan (Justice et bienfaisance) au Maroc. Madame Nadia se prépare à occuper la place de son père à la tête du mouvement et œuvre à la modernisation de l’image des femmes islamistes au Maroc. Voir (Yassine, en français, 2005) et (Dahbi, en français, 2004). 114 Rapport sur le développement humain arabe 2005 Des femmes, des restrictions et des partis Si la participation politique des femmes arabes continue d’être faible, c’est pour des raisons en partie liées à l’héritage culturel et au système patriarcal dominant dans les Etats arabes, comme dans plusieurs autres Etats au monde, système qui consacre la discrimination par la non–reconnaissance des capacités des femmes à assumer des responsabilités, y compris les responsabilités politiques. Les autres raisons ont trait à l’état de l’activité politique dans les Etats arabes et à la nature des partis eux-mêmes. Il manque, en effet, à l’activité politique un niveau satisfaisant de sécurité et d’assurance pour les personnes qui s’y investissent (UNIFEM, 2004, 267-268), ce qui a créé, particulièrement chez les jeunes générations, une méfiance quant à l’honnêteté et à la transparence des pratiques politiques et même un rejet général de l’idée d’intégrer des partis politiques. Certains partis adoptent d’ailleurs de moins en moins l’idée de programmes politiques généraux, à la faveur de programmes de plus en plus liés à la personne du chef unique. Par ailleurs, la tribu revêt parfois l’habit partisan, comme au Yémen. L’influence des chefferies tribales se fait clairement voir, écartant ainsi les femmes qui n’appartiennent pas à la tribu, et donc au parti : (Nacdhouane Mohamed Essmiri, en arabe, 2001 : 59-60). De nombreuses études ont également indiqué le rôle joué par les codes électoraux en matière de restriction ou d’augmentation de la participation des femmes en politique. Au Yémen, par exemple, une étude montre que le nombre des femmes candidates aux élections représentatives est passé de 24 en 1993 à 11 en 2003, avec une seule qui ait remporté les élections (Sabbagh, en anglais, 2004). On a expliqué un tel recule par l’amendement apporté au code électoral qui interdit l’éligibilité des candidats libres tant qu’ils n’ont pas obtenu 300 signatures de personnes de leur circonscription électorale. Ce qui représente une difficulté pour tous les candidats, et plus particulièrement pour les femmes, en raison des difficultés traditionnelles de déplacement qu’elles rencontrent. En revanche, le nombre des votantes est passé de 18% en 1993 à 27% L’utilisation des capacités humaines en 1997 et à 42% en 2003. Cela signifie que le processus électoral suscite un intérêt accru chez les femmes. Il n’en est pas de même en Jordanie où ont été votées des lois qui facilitent la participation des femmes grâce à l’annulation de la carte électorale et à l’autorisation donnée d’utiliser la carte d’identité. Par ailleurs, l’ancien système mettait les femmes et les jeunes sous la coupe des mâles plus âgés, ce qui constituait une certaine pression morale. De même pour ce qui concerne le déplacement, le remplacement du vote selon le lieu de résidence par le vote selon le lieu d’inscription a été également un facteur encourageant (Sabagh, en anglais, 2004). Cependant, certains pensent que la loi électorale qui institué le scrutin uninominal n’a pas été favorable aux femmes. De fait, cette loi a resitué “ le processus électoral dans son cadre tribal et familial. Sachant que ces structures préfèrent soutenir la candidature d’un homme plutôt que d’une femme ” (Emilie Nafagh, en arabe, 1998). On retrouve la même situation au Liban où l’une des entraves les plus importantes devant la candidature des femmes aux élections, était le code électoral à caractère familial, communautaire et confessionnel (Oussama Maqdissi, en arabe, 2000 : 81). Lorsqu’une communauté quelconque dispose d’un nombre déterminé de sièges, c’est rare qu’elle autorise des femmes à la représenter. Le poids de plus en plus grand de l’argent dans les élections dans des pays arabes constitue un grand obstacle à la candidature des femmes arabes, surtout lorsqu’on pense à leurs capacités financières limitées et à la faiblesse de leur autonomie économique. Ainsi, au Liban, par exemple, la personne doit verser dix mille lires libanaises (à peu près sept mille dollars américains) rien que pour être candidate, sans compter le coût de la campagne électorale. La même chose vaut pour les palestiniennes “ aux ressources financières limitées à cause de la tradition qui privilégie l’emploi des hommes ” (Kawar, en anglais, 2001 :20). La pauvreté et l’analphabétisme sont des facteurs importants qui entravent sérieusement la participation politique des femmes. Les candidats, en effet, sont souvent enclins à acheter les voix des pauvres. Les hommes Le poids de plus en plus grand de l’argent dans les élections dans des pays arabes constitue un grand obstacle à la candidature des femmes arabes 115 Certains évoquent, par ailleurs, l’incapacité des femmes à utiliser les “méthodes des hommes” consistant dans l’usage de la force et des “magouilles” (la baltaga selon l’expression égyptienne), sans parler du dénigrement, attentatoire à la moralité des femmes, auquel leurs adversaires ont la plupart du temps recours. et les chefs de tribus sont souvent rétribués pour canaliser les voix de leurs femmes vers un candidat déterminé. De même que sont exploitées les analphabètes ou les femmes nécessiteuses pour leur suggérer de voter pour tel ou tel candidat. Les femmes, plus que les hommes, se trouvent dans ce cas victimes des pressions familiales et tribales. Certains évoquent, par ailleurs, l’incapacité des femmes à utiliser les “méthodes des hommes” consistant dans l’usage de la force et des “magouilles” (la baltaga selon l’expression égyptienne), sans parler du dénigrement, attentatoire à la moralité des femmes, auquel leurs adversaires ont la plupart du temps recours. Le recours à la violence s’est étendu au point de devenir une caractéristique des élections dans plusieurs pays arabes ; ainsi les électeurs favorables à un candidat sontils empêchés par la force par les soutiens du candidat rival d’atteindre les bureaux de vote. Des candidats ont été l’objet de menaces de mort en Jordanie, en Egypte, en Algérie et au Yémen (UNIFEM, 2004 : 280). Des candidates aux conseils locaux en Palestine ont été rouées de coups de la part de leurs familles pour les empêcher par la force de déposer leurs candidatures, auxquelles elles n’étaient pas favorables ou parce que la famille préfère un candidat homme. Les réalisations des femmes dans les domaines des activités humaines et créatives. Les compétences intellectuelles et scientifiques des femmes arabes se sont manifestées durant les trois dernières décennies. 116 Avec le développement des universités et des instituts nationaux dans la majorité des pays arabes et la fréquentation féminine sans précédent de l’enseignement supérieur, les compétences intellectuelles et scientifiques des femmes arabes se sont manifestées durant les trois dernières décennies. Cependant, il existe toujours un écart entre les hommes et les femmes, favorable aux premiers, en termes de nombre de savants et de chercheurs dans les domaines scientifiques, même si l’écart est par contre favorable aux femmes dans les domaines des sciences humaines, de l’éducation et de la littérature ( UNESCO, 2003 : 6). On peut remarquer que la présence des femmes arabes est toujours beaucoup plus importante dans les activités intellectuelles, littéraires et médiatiques que dans les activités scientifiques, sportives et artistiques, singulièrement le théâtre. Cela est peut-être dû au fait que la contribution des femmes arabes à la création théâtrale a été tardive en comparaison avec les autres genres de création ; rares sont à la fois les écrivaines de pièces de théâtre et ces pièces elles-mêmes. Il se pourrait également que le financement insuffisant de la part de l’Etat de la création artistique, écrite ou visuelle, ait sa part de responsabilité dans cette situation, comme, d’ailleurs, la campagne menée par certains mouvements fondamentalistes radicaux rétifs à la création visuelle en général, qu’il s’agisse du théâtre ou du cinéma ou encore la rareté de l’écriture théâtrale dans le monde arabe en comparaison avec les autres genres artistiques. L’implication des femmes arabes dans le domaine de l’écriture remonte, à peu près, au début du vingtième siècle, au moment où l’Egypte et le Liban étaient le fief de la presse arabe féminine. A la fin du vingtième siècle, le nombre des femmes de lettres au Mashreq arabe a été estimé à 475, majoritairement en Egypte, (167), en Syrie et en Palestine (avec 81 femmes chacune). (Le Conseil Supérieur de la Culture, Fondation Nour, 2002) Il est importe de noter ici que le nombre de femmes arabes créatrices est en augmentation, bien qu’elle soit lente, sauf en Irak, où la diffusion de la création des femmes arabes auprès du public commence à diminuer. De même, la qualité de l’écriture, les styles et les différents modes d’expressions utilisés dans le traitement de leurs sujets par un grand nombre de femmes arabes créatrices, laissent entrevoir qu’elles font évoluer le métier de l’écriture et qu’elles essaient de cerner une réalité sociale de plus en plus complexe. Dans le domaine du sport, la contribution des femmes reste modeste. Elle régresse même du fait de l’insuffisance des infrastructures sportives nécessaires, que ce soit dans les écoles ou dans les universités et à la lutte, et aussi en raison le combat mené par certaines forces fondamentalistes radicales contre la participation des femmes à ce genre d’activités. Dernièrement, Certains sports, typiquement Rapport sur le développement humain arabe 2005 “féminins”, ont vu le jour dernièrement, particulièrement dans les pays du Golfe. Cependant, bien que ces sports conviennent parfaitement à la constitution physique de la jeune fille arabe, ils n’encouragent pas en fait au changement des stéréotypes sur les femmes et les hommes et n’encouragent pas les femmes à se professionnaliser dans le sport et à en faire un métier à l’instar des hommes sportifs. les différents domaines de l’activité humaine. Nous célébrons tout au long de ce rapport un petit échantillon de femmes ayant brillé au moyen d’encadrés mis en exergue tout au long de ce chapitre. Nous présenterons dans ce qui suit des indications rapides sur la contribution des femmes dans différents domaines de l’activité humaines dans le monde arabe. Première génération Réalisations remarquables de femmes arabes Malgré le contexte social défavorable ou tout au moins décourageant pour les femmes, qui a fait naître les tendances générales signalées dans le dernier chapitre, l’histoire arabe ancienne et contemporaine est riche en femmes célèbres ayant été au faîte des réalisations humaines dans La première génération réunit les premières pionnières les plus importantes, comme Houda Chaâraoui, qui a initié en Egypte, en son temps, une renaissance proche d’une révolution sociale. Elle a fondé et dirigé “ L’Union Générale des Femmes ”, qui était en relation avec les unions des femmes à travers le monde arabe et le monde. Au Liban, il y avait Ibtihaj Malgré le contexte social défavorable ou tout au moins décourageant pour les femmes, qui a fait naître les tendances Graphique 3-7 Pourcentage des femmes arbes chercheurs par spécialisation générales signalées dans le dernier GZaVi^dchejWa^fjZh ZiYdXjbZciVi^dc chapitre, l’histoire <d\gVe]^ZZi edejaVi^dc HX^ZcXZhbY^XVaZh ZiYZaZck^gdccZbZci 6gih arabe ancienne et contemporaine est :Xdcdb^ZZi hiVi^hi^fjZh riche en femmes E]^adhde]^Z =jbVc^ihZi aVc\jZh célèbres ayant été au faîte des réalisations humaines dans les 9gd^iZihX^ZcXZ eda^i^fjZ différents domaines de l’activité humaine. =^hid^gZZi VgX]dad\^Z :YjXVi^dc EhnX]dad\^Z HdX^dad\^Z Source: Bayyumi, Hatit and Ghandur, in Arabic, 1999. L’utilisation des capacités humaines 117 les femmes écrivaines ont confirmé qu’elles écrivaient, étaient capables, qu’elles égalaient leurs collègues hommes, et les surpassaient même parfois. 118 Kaddoura, avant–gardiste dans le domaine social, elle a senti le besoin de la société à l’entraide et à la coopération pour faire face à des problèmes divers et variés, au point que Anbara Salam Al-Khâlidy, autre pionnière de son temps dit d’elle : “ Ibtihâj, c’est l’histoire de la renaissance féminine contemporaine dans ce pays … c’est une immense institution, qui s’est élevée au Liban, et les regards des femmes de tous les pays arabes se sont tournés vers elle.” Elle dit également : “ Elle était la première voix féminine qui s’est élevée dans notre Mashrek arabe revendiquant les droits politiques des femmes… ” Elle n’était pas seule sur la scène, elle était accompagnée de ses collègues femmes, audacieuses, coopérantes et croyant en l’action collective. Nous ne pourrons citer ici toutes les femmes de la première renaissance, nous nous contenterons de quelques noms, de spécialités et domaines divers : Julia Taama Damachqia, fondatrice de la revue al-mar’atu al-jadîdatu (La femme nouvelle), l’une des vingt-quatre publications éditées par des femmes à l’aube du siècle écoulé ; les deux sommités de la médecine au Liban, Anas Baz et Saniyya Habboub, qui se sont imposé à un moment où l’université refusait que les étudiantes aient accès aux facultés de médecine. Rouz AlYoussouf, femme unique de son temps, qui a dit cette phrase célèbre : “ J’ai fait de moimême cette dame que je suis”. Elle figurait parmi les pionniers du théâtre et parmi les meilleures actrices avant de fonder Dâr Rouz Al-Youssouf qui compte toujours parmi les maisons de presse les plus importantes. D’autres femmes d’éducation et écrivaines ont marqué leur temps de leur forte emprunte, comme Widâd Al-Maqdisy, Anbara Salam (Liban) et Marie Ajmi (Syrie). L’écriture féminine ne connut pas époque aussi remarquable et avancée avant Miy Ziyâda, qui se désignait comme la “ demoiselle Miy ”. Se présentant, elle écrivit : “ Je suis née dans un pays, mon père est originaire d’un pays, ma mère d’un autre encore, je réside dans un tout autre pays … les fantômes de moimême se déplacent d’un pays à l’autre ; à quel pays puis-je appartenir alors et lequel dois-je défendre ? ”. Miya, qui a vécu et livré par écrit une telle perplexité, appartient en fait à tous les pays arabes. Elle a écrit nombre d’ouvrages, traduit à partir de plusieurs langues et collaboré avec de grands hommes de lettres sur un pied d’égalité et en sa qualité d’associée. Elle a provoqué une révolution littéraire et sociale lorsqu’elle a lancé “ La Conférence du mardi ”, son salon littéraire célèbre, qui était un espace de liberté vers lequel poètes et écrivains se précipitaient, munis de leurs productions, pour lire, discuter et contribuer à la fécondation de cet âge d’or, unique dans l’histoire de la littérature arabe contemporaine. Rien d’étonnant, finalement, pour une époque qui a compté parmi ses pionniers des écrivains et des poètes comme Ahmed Chawki, Lotfi Sayyid, Khalid Matrân, Chabli Chmeyyel, Taha Hussein, Georgy Zaydan, Abbas Mahmoud Al-Akkad, Yacoub Sarrouf, et autres encore. La seule dame qui faisait partie des pionniers du salon, c’était l’écrivaine Malika Hafni Nasef (Imili Nasrallah, document d’appui du Rapport). La création littéraire Des plumes féminines ont percé dans l’univers littéraire ; elles se sont exprimées avec audace et esthétique. Certaines ont surpris critiques et lecteurs. De sorte que plus personne ne pouvait adresser à une écrivaine une question telle que “ qui écrit pour vous ? ” Oui, les femmes écrivaines ont confirmé qu’elles écrivaient, étaient capables, qu’elles égalaient leurs collègues hommes, et les surpassaient même parfois. Parmi les noms qui ont émergé dans les années soixante du siècle dernier et qui continuent de marquer la scène littéraire, on peut citer les romancières Layla baâlabki et Layla Osayrane, suivies par Hanane EchCheikh, Houdâ Barakate et Miya Monassa (Liban), Salwâ Baler, Radwa Achour (Egypte) et Colette Khoury (Syrie). Au Koweït, l’écriture de Layla Al-Othman s’est fait remarquer au point qu’elle a failli la conduire en prison. En Irak, Nazeh Al-Malâika était à l’avant-garde des pionniers de la poésie moderne et avec elle il y avait Lamia Abbas Imara, alors que Dizi Al-Amir a excellé dans la nouvelle (Imili Nasrallah, document d’appui du Rapport) Rapport sur le développement humain arabe 2005 Une femme brillante : Fadwa Toukane (1917-2003) extrait de son autobiographie A l’âge de six ans, j’entrai à l’école publique des filles à Naplouse. A onze ans, ils m’ont mis le voile et contrainte à rester à la maison. Mon frère, le poète feu Ibrâhim, découvrit mon penchant instinctif à la poésie. Il s’est alors intéressé à mon cas et devint mon professeur, qui m’a appris l’art de la poésie. Je suis la création de Ibrahim et c’est lui mon créateur littéraire. J’étais au regard de mes cousins la fausse note et la brebis égarée. Mon adolescence et mon enfance étaient une cible à l’épée du “ tortionnaire ” que j’ai évoqué dans mon premier recueil publié en 1952. Le fouet ou l’épée s’abattait sur ma puberté aux prétextes des traditions et des normes morales stupides. En réalité, les pressions qu’ils exerçaient sur moi étaient pour soulager une haine et une colère à cause de la voie de la poésie dans laquelle je me mis à m’engager et à laquelle je commençais à consacrer ma vie avec un mysticisme surprenant. Ils s’habillaient à la manière européenne, parlaient anglais, français et turc, mangeaient avec fourchettes et couteaux et tombaient amoureux. Et pourtant, ils me surveillaient à cause de mes aspirations et de mon désir de me réaliser moi-même par le moyen de la poésie, de la culture et du savoir. Ils incarnaient ce dédoublement de la personnalité arabe ; une partie est favorable à l’évolution et à l’accompagnement des rythmes de la vie contemporaine, l’autre partie est sclérosée, paralysée et habitée par un égoïsme ancré dans l’homme arabe, avec tout ce que cela implique comme démarche orientale à travers laquelle il a continué à traiter la femme. Dans ce climat, je ne pouvais pas interagir avec la vie avec la force que se doit d’avoir le poète. Ainsi, mon unique univers dans cette terrible réalité, marqué par un vide sentimental, se réduisait à l’univers des livres, des études et de l’écriture, alors que ma féminité gémissait comme un animal blessé dans sa cage. Mes thèmes poétiques étaient variés et alternaient entre les tendances subjectives, contemplatives, humaines et nationales. Après la première nakba (tragédie) de la Palestine, la transformation sociale, qui se produit généralement après la guère, commence à prendre son cours dans ma ville Naplouse. Et le voile tomba. La femme moderne a pu ainsi émerger et évoluer. Les perspectives de l’enseignement supérieur lui sont devenues accessibles. Elle acquit son indépendance économique et moi je quittai le “goulot du harem ” pour la vie que je touchais de mes propres doigts et qui me touchait à son tour. Ma poésie allait acquérir plus de maturité et faire des expériences plus denses. Après la guerre de 1967, j’ai consacré ma poésie à la résistance à l’occupation sioniste. Mes rencontres avec le public se sont multipliées lors de colloques sur la poésie, finalement interdites par les autorités d’occupation. Il y a une expression célèbre de Dayan, ancien ministre israélien de la défense, où il dit que chaque poème produit par Fadwa Tokane œuvre à la naissance de dix hommes de la résistance palestinienne. En 1978, j’obtins le Prix de la Poésie que la commission culturelle italienne de Palerme décerne aux poètes de la région du pourtour méditerranéen. Les femmes arabes ont joué un rôle remarquable dans la naissance effective du cinéma. Le même rôle dont elles se sont acquittées lors du processus de la libération sociale et de prise de conscience politique que l’Egypte a connu au début du vingtième siècle. Bien que la naissance du cinéma ait eu lieu en 1896, le monde arabe, et l’Egypte en premier lieu, a accueilli, la même année, cet art nouveau qui a rapidement connu une véritable diffusion sur une large échelle avant que son contenu ne se traduise dans une production visuelle égyptienne et arabe proprement dite. Les femmes ont contribué à en élaborer l’horizon culturel et artistique sur les plans de la production, de la comédie et de la réalisation. Le cinéma arabe/égyptien a pu naître grâce L’utilisation des capacités humaines égyptien a pu naître grâce aux efforts des femmes. Celles–ci sont devenues par la suite une matière vivante dans des films qui les ont présentées comme une grille de lecture de la réalité ou comme un Source: Campbell, 1996. La création artistique : le cas du cinéma Le cinéma arabe/ miroir où se reflète aux efforts des femmes. Celles–ci sont devenues par la suite une matière vivante dans des films qui les ont présentées comme une grille de lecture de la réalité ou comme un miroir où se reflète l’esprit, l’âme et les sentiments qui leur sont propres en tant qu’êtres vivants ou encore comme une tribune à travers laquelle on peut apercevoir les différents détails de la société de la société, de la culture, de l’éducation, de la conscience, de l’art et de la science. Bien que le climat social dominant à l’époque fut imprégné d’une éducation religieuse fermée, d’une culture traditionnelle conservatrice et d’un contexte social lourd, autant de facteurs qui se sont conjugués pour priver les femmes de nombreux droits, mais celles-ci ont compris que sortir de ce tunnel obscur était possible si les conditions de sortie étaient réunies remplies : que les femmes prennent l’esprit, l’âme et les sentiments qui leur sont propres en tant qu’êtres vivants. 119 Une femme brillante : Salma Khadra Jayyussi La doctoresse Salma Khadra Jayyussi est écrivaine, poétesse, critique littéraire est professeur arabo-américaine. Elle a grandi à Akka et à Al Qods. Citoyenne palestinienne, elle fut parmi les premiers créateurs du mouvement poétique arabe contemporain, issu, pour la première fois, de la nakba (tragédie). Elle fut également parmi les premières poétesses dont les textes sont publiés dans la revue Thelibanaise worksMajallat of al-adîb. Sa production poétique est couronnée par la publication de recueils de poésie divers, entre autres al-awdatu mina au-nabεi al-hâlim (littéralement : Le retour de la source pioneering feminists rêveuse), en 1960. ... evince joy ina the SalmaaJayyussi obtenu en 1945 une licence en littérature arabe et en littérature anglaise à l’université américaine de Beyrouth. Elle discovery of unknown a ensuite obtenu un doctorat en littérature arabe de la Faculté des Etudes orientales et africaines de l’Université de Londres. “continents” Dès l’obtention de son doctorat en 1970, elle entama une vie professionnelle in the history, comme professeur de littérature arabe, à Khartoum d’abord, (1970-1973), ensuite aux universités d’Alger et de Constantine entre 1973 heritage, beliefs and et 1975. Elle est invitée en 1975 par l’Université de Yotah en qualité de renaissance of thede littérature arabe. Elle resta aux Etats-Unis et professeur visiteur enseigna dans diverses institutions académiques, dont les universités Arab world.Washington et Texas. de Yotah, Elle lança, alors qu’elle était aux Etat–Unis, le Projet de traduction des Lettres arabes (PROTA) en vue de traduire la littérature arabe en anglais et dans d’autres langues, aspirant ainsi à faire disparaître les fossés entre les cultures. PROTA se donnait pour mission de “ diffuser la culture et la littérature arabes à l’étranger ”. En moins de dix ans, le projet a permis la publication d’un certain nombre d’ouvrages traduits, et a largement contribué à la publication d’un ensemble de ressources en anglais sur la littérature arabe en particulier. A la fin des années quatre-vingt du siècle dernier, Jayoussi lança une autre branche de PROTA, dédiée à la traduction des études de la culture arabe, en plus de la traduction des oeuvres littératures, branche depuis connue sous le nom “ Ligue entre Orient et Occident ”. PROTA a pu, suite à cela, publier un très grand nombre de livres, comprenant des anthologies et des oeuvres indépendantes. Et parmi les recueils remarquables traduits par PROTA et rédigés par la doctoresse Salma Al-Jayoussi, il y a la Littérature de la Péninsule arabique moderne et l’Encyclopédie de la littérature palestinienne contemporaine. Elle a réalisé plus de 40 oeuvres littéraires, dont neuf anthologies de littérature arabe. Elle a écrit également d’autres livres, dont “ Le patrimoine de l’Espagne musulmane ” et l’épopée populaire célèbre “ Les aventures de Sayf Ibn Dî Yazan ”, faisant partie des travaux publiés par “ La Ligue Orient Occident ”. Elle a également publié deux livres sur Jérusalem, le premier, en collaboration avec Thomas Thompson, est intitulé “ Jérusalem, dans l’histoire ancienne et dans les coutumes ”, le second, “ Jérusalem, articles, souvenirs et poésie ”, en collaboration avec Dâfir Ishâq AlAnsâri. Sources : Université d’Arizona : (1994). (La visite a eu lieu le 17 mars 2006) http: //fp.arizona.edu/mesassoc/Bulletin/allen.htm “ Centre culturel Khalil Sakâkinî. (La visite a eu lieu le 17 mars 2006). Une femme brillante : Oum Kalthoum (mai 1904-janvier 1975). “ L’astre de l’orient, Oum Kalthoum ”, c’est ainsi que des millions de personnes l’ont appelée dans le monde arabe tout au long d’un demi-siècle au cours duquel elle a su donner au public sans discontinuer et elle a pu avoir un succès extraordinaire grâce à sa belle voix, son chant extraordinaire, son expression captivante et grâce aux plus belles paroles et à la plus belle musique que les gens aient fredonnées. Le passage de statut de petite paysanne dans un village à celui d’“ Astre de l’Orient ” est le cheminement d’un combat et d’une persévérance pour l’excellence, que Oum Kalthoum n’a pas arrêtés jusqu’à la fin de ses jours. En temps de guerres et de conflits, au milieu des rois comme parmi les petites gens, Oum Kalthoum a chanté à la gloire et à la fierté de tous, ses chansons ont émerveillé et fait vibrer au plus profond d’eux-mêmes les Arabes d’Orient et d’Occident, des décennies durant On dit à son propos que rien n’a pu unir les Arabes comme a pu le faire la voix d’Oum Kalthoum. La chanson interprétée par elle est devenue le symbole de l’arabité, le vecteur unificateur de l’affect arabe et l’expression par la parole, la mélodie et l’interprétation des sentiments arabes authentiques. Oum Kalthoum était connue pour sa forte 120 personnalité, et le respect qu’elle avait d’elle-même et de son art. Elle a ainsi réussi à avoir le respect des rois et des zouamas (chefs d’Etats) comme du peuple ; elle était aimée partout et se distinguait dans le monde de l’art et dans la société à un niveau si élevé, jamais atteint par une chanteuse en Orient. Quand l’Egypte a essuyé la fameuse défaite de 1967, l’artiste a décidé de créer une instance de rassemblement national et a organisé une tournée hors d’Egypte pour soutenir l’effort de guerre. Oum Kalthoum a obtenu de nombreux prix et décorations lors de ses nombreux et longs voyages artistiques. En 1955, elle a été décorée au Liban de la Médaille du Cèdre et du Prix du mérite premier ordre. En 1968, elle a reçu le Prix d’Etat du mérite égyptien. En Jordanie, elle a été décorée à l’insigne de la renaissance, le grade les Deux affluents en Irak, le Prix du mérite syrien, l’Etoile du mérite pakistanais, le Grand Cordon de la république en Tunisie en 1968 et Wissam al kafaa marocain. Les chansons de Oum Kalthoum font toujours battre le cœur de nombreuses gens et occupent le haut des ventes dans le monde arabe jusqu’à nos jours. Rapport sur le développement humain arabe 2005 Une femme brillante : Fairouz (novembre 1935) Fayrouz : chanteuse exceptionnelle. Son véritable nom est Nouhad Hadâd. Née au Mont Liban, au Liban. Elle s’est inscrite à l’Institut du Conservatoire. Le compositeur Wadiî Sabrâ, directeur de l’Institut à l’époque, refusa qu’elle paie les moindres frais d’inscription. Soutenue par les frères Fulayfil, elle devient membre de la chorale de la radio libanaise. Elle fit partie de cette chorale pendant deux mois. Le compositeur Halîm Ar-Roumi ayant été séduit par sa voix, lui a proposé de chanter en solo. Il lui a également demandé de choisir entre deux noms artistiques, Fayrouz ou Chahrazad. Elle choisit alors d’être Fayrouz. Halîm Ar-Roumi a décidé en 1951 de la présenter aux frères Rahbani, Assi et Mansour, qui travaillaient à un projet de chanson exceptionnel et différent, qui s’appuie sur la revivification du patrimoine libanais en utilisant un style moderne de composition musicale Les premières apparitions de Fairouz et des frères Rahbani ont eu lieu en 1956 au Festival de Baâlabak. De plus en plus célèbres, ils vont donner des concerts partout dans le monde. Fayrouz ne s’est pas contentée de collaborer avec les frères Rahbani, mais elle a travaillé avec plusieurs compositeurs, comme Muhammad Abdelwahab et Filimoun Wahba. Elle a en même temps réinterprété certaines chansons du compositeur Sayyid Darwich, comme Zourouni kulli sana marra (Venez me voir une fois tous les ans) et d’autres encore. Elle a également joué l’héroïne de plusieurs pièces de théâtres et de comédies musicales à succès dont entre autres, Loulou, bayyâa al-khawâtim, Ayyâm FakhrEddine, El-Mahatta jisr al-qamar, mîss ar-rîm. A la fin des années soixante-dix, Fairouz et Assî se sont séparés. Elle a continué cependant à interpréter des chansons que son fils Ziyâd composait pour elle. Fairouz a refusé de quitter Beyrouth durant la guerre civile libanaise. Elle s’est remise à chanter dès la fin de la guerre. Ce retour marque une nouvelle période de collaboration avec son fils Ziyâd Rahbani qui développe une nouvelle vision de la musique qui consiste à marier de la plus belle des manières la musique orientale et la musique occidentale. Le premier album ainsi produit s’intitulait kifek inta (Comment vas-tu ?) Ses succès musicaux se sont succédé depuis, le dernier en date est l’album wala kaif (Ne me dites pas comment), sorti en 2001. En 2005, elle a été désignée Docteur honoris causa par l’université américaine de Beyrouth pour sa voix. Sources: “Fairouz.” (2006).http://www.fairouz.com/fairouz/tribute/fb.html (Accessed 24 March, 2006). “Fairuzonline.” (2006). http://www.fairuzonline.com/alegend.htm (Accessed 24 March, 2006). Toute personne qui lit les travaux des pionnières féministes, remarquera cette fascination devant la découverte de continents inconnus de notre histoire, notre patrimoine, notre dogme et notre renaissance, qui font pour elles conscience qu’elles sont des êtres humains qui disposent d’une aptitude au savoir et à la science, et qu’elles sont une partie prenante de la société, de l’éducation et de la culture. Grâce à un mouvement politique, social et culturel au sein duquel elles ont occupé une place remarquable, les femmes égyptiennes et arabes se sont libérées du cercle étroit que la société masculine a construit pour elles (Houda Chaâraoui, par exemple). L’arrivée de femmes arabes, dès la fin du dix-neuvième siècle, pour travailler dans le domaine de la musique et de la chanson, comme Assia Dagher, Marie Kouini, Aziza Amir et d’autres, a permis au cinéma arabe de commencer à se frayer son propre chemin, lentement et difficilement, en vue de créer un nouveau produit artistique. Grâce à ces artistes femmes, des créations variées ont vu le jour et ses ont étendu à d’autres arts, comme la danse, la chanson, la musique et la production cinématographique, sans que soient oubliées l’écriture littéraire, la lutte politique, artistique et sociale (Nadim Jarjoura, document d’appui du Rapport). L’utilisation des capacités humaines office de bouées de Les réalisations des femmes dans la production du savoir sauvetage auxquelles Les sciences sociales elles s’accrochent et Nous célébrons ici les excellentes réalisations féminines dans la production du savoir ; autrement dit celles qui ont introduit une innovation, une révolutionnarisation de ou une rupture par rapport à la connaissance acquise. Nous focaliserons sur les chercheuses “féministes” pour faire apparaître la singularité de leurs thèses, particulièrement au regard de la problématique de l’authenticité et de la contemporanéité, problématique qui touche profondément à la situation des femmes dans nos sociétés, oscillant en permanence entre le modèle occidental moderniste et le modèle traditionaliste émanant d’un patrimoine aux aspects complexes sur les plans religieux et moral. Toute personne qui lit les travaux des pionnières féministes, comme Naoual EsSaâdaoui et Fatima Mernissi, par exemple, remarquera cette fascination devant la qui les aident et les sauvent dans cette lutte acharnée pour mettre les pieds hors des frontières, pour s’éloigner du seuil du harem, avec tout ce que ce mot connote comme répression, privation et exclusion. 121 Encadré 3-6 Une femme brillante : une arabe qui rejoint en France les Immortels Le 16 juin 2005, l’Algérienne Assia Djebar a été élue membre de l’Académie française, connue sous le nom “ Les Immortels ”. Elle eut auparavant le Prix Neustadt de littérature universelle en reconnaissance de sa capacité à “ dépasser les frontières culturelles, linguistiques et historiques ” dans sa production poétique et romanesque, prix déjà obtenu par Gabriel Garcia Marquez. Assia Djebbar est aussi une réalisatrice primée à la Biennale de Venise en 1979. Elle écrit essentiellement en français, mais ses œuvres sont traduites dans plusieurs langues. Luminary: Nawal Saadawi Un groupe de femmes arabes s’est Elle a beaucoup milité pour les droits des femmes. Elle a écrit sur la société, la pensée, le patrimoine, la politique et la liberté. Elle compte parmi les plus célèbres écrivains égyptiens de renommée internationale et ses écrits ont été traduits dans plus d’une douzaine de langues. Elle a rejoint l’Université du Caire où elle a obtenu le doctorat en psychologie en 1955. Elle a, ensuite, commencé à travailler dans le secteur de sa spécialité, et à pratiquer la médecine générale, jusqu’à ce qu’elle devienne responsable au ministère de la Santé. Elle a beaucoup écrit sur les femmes arabes et sur leur situation désastreuse. Elle a appelé à leur émancipation vis-à-vis des restrictions sociales et à leur participation à la vie politique et économique. Elle ne s’est pas contentée de l’écriture, mais a exercé une activité syndicale et associative. A ce titre, elle a mené des enquêtes de terrain sur les femmes dans différents endroits d’Egypte. Elle a participé à des colloques et des conférences à l’échelle régionale, arabe et internationale. En raison de ses nombreux écrits relatifs à ses positions sur la religion et la politique, sa vie est menacée par certains extrémistes. C’est pourquoi il a été ordonné de mettre sa résidence à Al-Jiza sous surveillance, jusqu’au moment où elle a quitté le pays pour travailler comme professeur conférencier dans les universités de l’Amérique du Nord. Source: Fouad, background paper for the Report. fait remarquer par des contributions sans égal dans les domaines des sciences naturelles et exactes. 122 découverte de continents inconnus de notre histoire, notre patrimoine, notre dogme et notre renaissance, qui font pour elles office de bouées de sauvetage auxquelles elles s’accrochent et qui les aident et les sauvent dans cette lutte acharnée pour mettre les pieds hors des frontières, pour s’éloigner du seuil du harem, avec tout ce que ce mot connote comme répression, privation et exclusion. Il semble que la situation des chercheuses et pionnières qui se sont réfugiées dans la modernité et la laïcité et ont provoqué une rupture définitive avec la tradition et la religion ne pouvait certainement pas être différente. Bien évidemment, on ne peut pas ne pas reconnaître le rôle important de ces écrivaines qui fascinent le lecteur par leurs brillantes intuitions et leur audace imprévisible, malgré un contexte historique, social et religieux souvent hostile, même sous les régimes nationaux les plus progressistes, à l’époque de la libération du joug colonial. L’inimitié à l’égard de l’institution académique masculine résidait au fond de cette écriture libérée des règles méthodologiques rigoureuses, surtout que ces écrivaines ont toutes adopté dans la logique dualiste aiguë et catégorique, fondée sur l’opposition masculin/ féminin. Quoi qu’il en soit, la génération suivante, dont l’écriture sera caractérisée par une posture scientifique plus pondérée, saura dépasser cette question, sans pour autant perdre de son orientation féminine spécifique (Hala Fouad, document d’appui du Rapport). Parmi les phénomènes récents les plus marquants dans le domaine de la production du savoir et de sa diffusion dans une perspective féminine, on peut noter la constitution, par des femmes, avec parfois la participation de collègues hommes, de groupes de recherches, de discussion et de diffusion en vue de la promotion des femmes dans le monde arabe. Les sciences naturelles et exactes On peut ne pas être surpris de voir des femmes arabes exceller dans les domaines de la création littéraire et artistique ou dans certains domaines du savoir qui sont sensés leur “convenir”, selon une croyance partagée, comme ceux des sciences humaines et sociales. Et pourtant, un groupe de femmes arabes s’est fait remarquer par des contributions sans Rapport sur le développement humain arabe 2005 Une femme brillante : Fatema Mernissi Chercheuse et écrivaine marocaine, elle a étudié en France et en Amérique. Elle travaille en tant qu’enseignante chercheuse à l’Institut Universitaire de la Recherche Scientifique, Université Mohammed V – Rabat. Elle est également membre du Conseil consultatif de l’Université des Nations Unis. Elle écrit en anglais et en français et tous ses ouvrages ont été traduits à l’arabe. Elle dirige plusieurs groupes de recherche en sociologie et plusieurs séries de publications relatives aux champs des femmes et de la sociologie. Elle a publié plusieurs ouvrages dont à titre d’exemple : Le sexe, l’idéologie et l’islam, 1983 ; Le Harem politique (le prophète et les femmes), 1983 ; Sultans oubliées (femmes chefs d’Etat en islam) 1994 ; Le Harem européen, 1987 ; Rêves de femmes : contes d’ enfance au harem (traduit de l’anglais : Dreams of trespass : tales of a harem girlhood), 1994 Fatima Mernissi est considérée comme l’une des plus grandes chercheuses dans le domaine des études féministes dans une perspective sociologique. Si l’on s’arrête rapidement sur les plus importantes de ses œuvres, on constatera que Le Harem politique (le prophète et les femmes) occupe la première place de ces travaux. Dans ce livre, Mernissi investit un espace des plus sensibles, pour ne pas dire un espace tabou, de notre patrimoine musulman. Il s’agit d’un espace à caractère problématique qui continue de dérouter et de susciter des questionnements chez nombreux et nombreuses d’entre nous, même si nous ne le déclarons pas ou omettons délibérément de le faire. Elle aboutit, à travers une lecture intelligente et captivante, à des résultats choquants, eu égard aux habitudes et conventions. Sultanes oubliées est l’ouvrage qui vient en deuxième place en importance et en audace. Mernissi y discute la problématique du pouvoir en Islam, elle introduit une séparation tranchée entre, d’un côté, le dirigeant politique séculier et, de l’autre, le Calife, ombre d’Allah sur terre et chef spirituel des musulmans, à qui incombe l’application de la shariâ ou loi islamique. Mernissi nous présente ensuite sa lecture propre et captivante des biographies de certaines femmes ayant pris le pouvoir dans différentes régions du monde musulman, mais qui ont été reléguées dans le coin de l’oubli par l’histoire, ont été marginalisées ou introduites par les historiens, avec des prises de position aux connotations machistes qui ont transformé ces expériences de femmes en des moments de démoralisation de la nation et de sa décadence au moins. Source: Fouad, background paper for the Report. Une femme brillante : Zoha Hadid, “ La dame ” de l’architecture internationale. L’architecte irakienne, Zoha Hadid, est devenue une sommité internationale dans sa profession qui conjugue art, science et technique. Elle obtint une licence en mathématiques à l’Université américaine de Beyrouth. Elle a étudié l’architecture à la fameuse école d’architecture la AA de Londres. En 1982, alors qu’elle était répétitrice à la même école, elle remporta, sur 538 architectes, le concours pour le plan d’architecture du building The Peak à Honk Kong. Par la suite, elle remporta une série de compétitions internationales, dont celui en 1996 du Habitual bridge, au milieu de Londres, et qui comprend des théâtres, des complexes cinématographiques des hôtels et des restaurants. Au début du 21e siècle, il a été donné à Zoha Hadid de concevoir et d’exécuter une série de grands projets architecturaux, dont le musée D’art moderne à Cincinnati Art Museum aux Etats-Unis, le Musée d’art moderne à Rome, l’usine de fabrication des voitures automobiles BMW à Leipzich en Allemagne et la plate forme du saut sur glace à Bergisel en Autriche. Le fait qu’elle ait remporté le projet de construction d’un pont reliant l’île de Dubai, la capitale des Emirats Arabes Unis, au reste du pays, est une première historique, non seulement parce qu’il s’agit du premier pont construit par une femme, mais parce qu’il s’agit du premier pont conçu et construit par un architecte. En 2005, l’architecte irakienne devint la première femme à se voir décerner le Prix Pritzker d’architecture, prix comparable au Prix Nobel en sciences. Zoha Hadid, même quinquagénaire, continue de concurrencer non seulement les architectes internationaux, mais de se faire concurrence à elle-même. Dans sa dernière conception du musée Odrupgaard de Copenhague au Danemark, elle délaisse les lignes droites tranchées, inspirées, dit-on, de l’écriture koufie, pour les courbures naturelles et généreuses, féminines, si l’on peut dire, et les murs inclinés. Elle précise qu’elle a essayé, dans la construction du musée, de “ fondre l’espace architectural dans le paysage naturel ou dans le jardin qui l’englobe ”. Cette “ évolution impressionnante entre des lieux fermés et des lieux ouverts ”, c’est ce qui la fascine le plus dans l’architecture arabe qui réalise, selon elle, la fonction principale de toute architecture, à savoir : “ l’impression de grâce que l’architecture dégage lorsqu’on passe d’un espace fermé, comme le lieu de prière de la mosquée de la Zaytuna à Tunis au patio de la mosquée ouvert à la lumière, à l’air et à la nature ” Source : Mohamed Arif, document d’appui du Rapport. L’utilisation des capacités humaines 123 Une femme brillante : Houda Zoghbi : Première femme de science arabe élue 10 membre de l’Académie américaine des sciences. Originaire du Liban, elle est professeur de pédiatrie, de neurologie et d’hérédité cellulaire à la prestigieuse Faculté Baylor aux Etats-Unis. Elle s’est distinguée, en matière d’études des cellules du cerveau, par ses travaux sur les maladies de la dégénérescence des cellules du cerveau, qui ont représenté une grande avancée dans la compréhension des maladies du système nerveux, comme la maladie d’Alzheimer ; elle a montré le rôle d’un neurone particulier dans la dégénérescence neuronale, telle la perte d’équilibre, et comment l’augmentation du niveau d’une protéine, qui se trouve normalement dans le système neuronal, peut constituer un poison provoquant l’apparition des maladies de dégénérescence neuronale telles que celles d’Alzheimer et de Parkinson. Source: ‘Aref, background paper for the Report. Des femmes ayant brillé en astronomie : Maha Ashour-Abdalla Professor of Professeur de physique et d’astronomie, directrice du Centre pour le développement de l’innovation digitale à l’université Los Angeles en Californie. Elle fut lauréate de l’université d’Alexandrie en physique. Elle a obtenu un doctorat en astrophysique et la physique du plasma à l’ Imperial College à Londres. Cette savante égyptienne, dont le nombre de recherches publiées dépasse 300, compte parmi les meilleurs spécialistes du phénomène appelé “ aurore boréale ”, phénomène d’une beauté magique, qui est provoqué par la pénétration des vents solaires avec l’espace magnétique de la terre, et qui est visible sous forme de plis lumineux s’éloignant de plusieurs milliers de kilomètres des pôles nord et sud. Chadia Rifaii Habal Son long parcours scientifique a débuté à l’université de Damas où elle a eu une licence en physique et en mathématiques. Ensuite elle a obtenu un master en physique à l’université américaine de Beyrouth. Enfin elle a obtenu un master et un doctorat en physique de l’université de Cincinnati aux Etats-Unis. Les activités de Rifaï, mère de deux enfants, ont touché à l’enseignement universitaire, à la direction d’équipes scientifiques d’observation de l’éclipse solaire à travers le monde, à la contribution au développement de la première navette spatiale qui sera envoyée au point le plus proche du soleil en 2007, au pilotage d’un mouvement académique des égal dans les domaines des sciences naturelles et exactes. La vérité, c’est que les femmes scientifiques et techniciennes arabes ont été en mesure de réaliser des exploits quand il leur a été donné de participer à la création et à la concurrence à l’échelle internationale. 11 124 femmes de sciences, connu sous le nom “ femmes aventurières ”. Les travaux de cette savante arabe et de ses collèges sur les vents solaires ont “fait exploser des bombes ” selon la revue Science qui a lancé cette expression en relevant les réactions contradictoires relatives aux découvertes de Chadia Rifaï et de ses collègues, considérées tantôt comme une “ hérésie ”, tantôt comme un “une avancée géante ”, ou encore comme “ suscitant la polémique ”, ou enfin comme “ révolutionnaire ”. Layla Abdelhaq Belkoura Jeune savante marocaine spécialiste en astrophysique et écrivaine de fiction scientifique, ayant une renommée internationale grâce à son premier livre paru en anglais et en arabe tadbîr as-samâwât ( Minding the heaven). Le roman raconte comment sept savants ont découvert la constellation de la voie lactée qui englobe notre astre terrestre, son système solaire ainsi que des milliards d’autres étoiles. Sur le mode affectif propre aux enseignants d’astronomie, le livre de Layla Belkoura nous fait entreprendre un voyage sous le ciel de la nuit découverte vers ce qu’elle appelle “ la couche interne de la voûte céleste ” : “ Si tu t’allonges sur ton dos dans un endroit serein et obscur, fixant les étoiles, tu ressentiras la lente dérive de la voûte céleste qui déplace les étoiles dans tout le champ de ton regard, d’Est en Ouest, en les jetant en dessous de toi, à l’autre bout du globe terrestre. ” L’astronomie L’astronomie a attiré l’intérêt de nombreuses femmes scientifiques arabes des plus brillantes. Serait-ce la nostalgie d’un un passé grandiose, qui a connu la naissance de l’astronomie en Mésopotamie et dans le pays du Nil, ainsi que son développement extraordinaire, ensuite, pendant l’époque de l’apogée de la National Academy of Sciences (NAS) - Houston Rapport sur le développement humain arabe 2005 Tableau 3-1 Femmes arabes médaillées durant les quatre derniers Jeux Olympiques (1984-2000) Nom Année Nation El Moutawakal, Nawal 1984 Maroc Boulmerka, Hassiba 1992 Algérie Shouaa, Ghada 1996 République Arabe Syrienne Merah-Benida, Nouria 2000 Algérie Bidouane, Nouzha 2000 Maroc Benhassi, Hasna 2004 Maroc production scientifique arabo-musulmane au moyen âge ? Serait-ce parce que l’astronomie est “ absolument le reflet le plus beau de l’âme humaine, et la plus belle illustration de sa réalisation intellectuelle ”, selon l’expression du savant français Pierre–Simon Laplace. Les sciences relatives à l’astronomie et à l’espace ont suscité l’intérêt de savantes du Mashrek et du Maghreb arabes, de différentes spécialités comme la physique, les mathématiques, la géologie ou la géographie. Quatre d’entre elles ont brillé dans le champ difficile de l’astronomie moderne, née du mariage de l’astronomie et de la physique. A l’instar de la majorité des savantes arabes célèbres, trois d’entre elles ont été d’abord lauréates d’universités arabes avant de poursuivre les études supérieures et la recherche dans des universités de renommée internationale. Les savantes arabes en astronomie administrent la preuve que l’idée selon laquelle la constitution biologique de la femme serait incompatible avec la science est totalement erronée. Le président de l’Université de Harvard, Lawrence Summers, est tombé dans ce travers, l’année dernière, quand il a expliqué, dans un discours public, la faible contribution des femmes aux sciences par leurs occupations familiales et leur “ aptitude intrinsèque ”. La grande vague de protestations qui en a résulté à l’intérieur et à l’extérieur du milieu académique américain, a obligé Summers et son université à s’excuser pour ces déclarations. La savante marocaine Layla Belkoura, et ses collègues, évoquées ici, ont commencé leur cheminement scientifique par la physique dont Ernst Rethesford, l’un des plus célèbres L’utilisation des capacités humaines savants du vingtième siècle, dit : “ Les sciences se divisent en deux parties : La physique et la philatélie. ” Layla Belkoura obtint un diplôme de physique de l’Université Cornell aux EtatsUnis, puis un doctorat d’astrophysique de l’Université du Colorado. “ L’année de la physique ” célébrée l’année dernière, en 2005, a révélé que la physique est restée prisonnière du clivage entre la théorie de la relativité et la théorie quantique et qu’elle n’a réalisé de sérieux progrès qu’à travers les découvertes réalisées par les astronomes dans le domaine de la physique de l’univers. La percée réalisée par Belkoura dans ce domaine scientifique difficile ne l’a pas amenée à renier “l’influence extraordinaire” de son père, Ibrahim Belkoura, sur son parcours intellectuel. Dans une lettre personnelle, elle dit : “ Bien que je n’aie pas suivi ses pas, il est spécialiste en économie, il m’a formée à réfléchir selon des méthodes particulières et à dire clairement ce que je pense. Il m’a appris comment essayer de saisir l’image globale ou le contenu entier de la question ”. La plus belle des savantes arabes se trouve sans conteste dans la préface de l’édition arabe du livre Tadbir as-samâwât (Penser les cieux ), signée de la jeune astrophysicienne syrienne, Rim Tenkmani qui y écrit : “ J’ai été abasourdie, moi qui n’ai pu écrire cette brève préface qu’après que mon bébé se soit livré au sommeil, de savoir que Layla a commencé ce livre étant enceinte et l’a achevé au moment où elle devint mère. ” Elle conclut la préface en écrivant : “ Layla se dresse en modèle extraordinaire des femmes arabes, par sa capacité à assumer en même 125 temps le rôle que la vie a choisi pour elle et le rôle qu’elle s’est choisi dans la vie. Il s’agit de deux rôles créatifs, pourquoi alors ne s’épauleraient-ils pas l’un l’autre. ” (Mohamed Arif, document d’appui du Rapport). Le sport Des femmes des pays international. La place marginale laissée à l’exercice physique dans la conception traditionnelle du rôle des femmes n’a pas empêché des femmes des pays arabes, bien que peu nombreuses, de réaliser les meilleures performances sportives sur le plan international, en remportant lors des jeux olympiques des médailles d’or, d’argent et de bronze. Lors des six derniers tournois (1984-2004), six femmes du monde arabe ont remporté chacune l’une des trois meilleures médailles en heptathlon et en athlétisme. Cinq d’entre elles sont du Maghreb12, et la sixième de Syrie, soit les deux tiers de l’ensemble des médailles en or, c’est-à-dire, un taux de distinction, sans doute, élevé en comparaison avec le quart seulement pour les hommes de l’ensemble des pays arabes. Les femmes ont joué Des femmes d’affaires : la force économique ascendante dans les pays arabes arabes, bien que peu nombreuses, de réaliser les meilleures performances sportives sur le plan dans les pays arabes un rôle indéniable dans le domaine des affaires, et ce, avant même l’avènement de l’Islam. L’une des réalisations au crédit de l’islam en matière des droits des femmes, c’est qu’il lui a reconnu une autonomie en terme de responsabilité financière. Les femmes ont joué dans les pays arabes un rôle indéniable dans le domaine des affaires, et ce, avant même l’avènement de l’Islam. L’une des réalisations au crédit de l’islam en matière des droits des femmes, c’est qu’il lui a reconnu une autonomie en terme de responsabilité financière. C’est ce qui favorisé la continuité de la présence des femmes dans le secteur des affaires, soit directement soit comme partenaires d’hommes membres de leurs familles ou d’ailleurs. La tendance de plus en plus affirmée dernièrement à évoluer vers l’économie libre de marché, en plus de la revendication grandissante de la promotion des femmes dans les pays arabes, ont contribué à l’accroissement de la participation des femmes chefs d’entreprises dans les économies arabes, à leur forte participation au sein des organisations patronales du secteur privé et même à l’émergence d’organisations propres de femmes chefs d’entreprises dans les pays les plus conservateurs à l’égard des questions des femmes. On entend ici par femmes d’affaires toutes les femmes qui mettent sur pied ou qui gèrent un projet générateur de revenu pour elles et pour les autres. Les histoires de réussites des femmes en affaires se sont multipliées à telle enseigne que de tels succès ne constituent plus des événements remarquables, comme ce fut le cas jusqu’au début des deux dernières décennies. Bien que les données sur le nombre des femmes d’affaires soient pauvres, il n’empêche que le peu dont on dispose montre à l’évidence une augmentation croissante du nombre d’entre elles. Au Bahreïn, par exemple, leur nombre passe de 193 en 1991 à 815 en 2001 (soit une augmentation de 322%) (Chamlou et Reem, en anglais, 2003). En Arabie Saoudite, le nombre de femmes d’affaires est estimé entre 20 et 40.000 (Esim , en anglais, 2005). En Tunisie, le nombre d’entreprises dont la propriété revient à des femmes est passé de 2000 en 1998 à 5.000 en 2005. Beaucoup de ces entreprises sont familiales, comme c’est le cas des projets économiques en général dans le monde arabe. Le secteur des services connaît une forte concentration des entreprises détenues par des femmes : 77% au Yémen, 59% en Egypte et 37% au Maroc (GEM, en anglais, 2004). Une enquête menée au Maroc en 2004 montre que la majorité des femmes chefs d’entreprises sont lauréates des universités, et les trois quarts d’entre elles dirigent elles-mêmes leurs entreprises (AFEM, WWW.afem.ma). Parallèlement à l’accroissement de la part des femmes dans les domaines des d’affaires et de la fortune, le nombre des directrices de succursales de banques et de sociétés d’investissement, dont les prestations sont dédiées aux femmes, a augmenté également. Ainsi la première agence pour les femmes au Bahreïn fut-elle fondée au sein du Fonds 12 Ce sont les pays arabes où le respect des droits et du statut social des femmes est relativement plus élevé. Ceci montre que le respect des droits des femmes est lié à de meilleures réalisations de leur part dans le domaine de l’activité humaine 126 Rapport sur le développement humain arabe 2005 Leading Women Entrepreneurs • Assila El-Hârithy, Oman Elle a imposé à son père de poursuivre ses études à l’étranger. Lauréate de l’Université de Harvard pour les affaires, elle a participé à la direction du groupe d’affaires de sa famille “ Groupe Al-Hârithy ”, qui a débuté son activité dans l’immobilier pour l’étendre aux technologies de l’information et de la communication. Elle est la première femme à rejoindre la Chambre de commerce de Oman et première présidente de la société nationale du pétrole. • Tourya Yacoub, Yemen Elle a commencé par la création d’une entreprise de confection de vêtements pour enfants avant de finir ses études universitaires. Elle a ensuite participé, en utilisant son héritage, à une entreprise de communication. Elle ouvre ensuite un forum d’Internet. Elle oeuvre à mettre sur pied une société de médecine naturelle. Elle est l’exemple même pour sa petite sœur qui souhaite collaborer avec elle. Enc. 105/2 • Khalda Ahmed Al-Kitami, Koweït D’une famille de huit filles, son père l’a désignée membre de la direction de la société “ Al-Khanini - Al-Kitami pour le commerce ” dont elle devient présidente en 1995 et le resta après le décès de son père. Elle vend toutefois sa part dans ladite société par la suite et crée sa propre société d’immobilier. Elle est également propriétaire d’une pharmacie depuis vingt ans. • Raghda Kordy, Jordanie Elle a fondé la première société de médicaments totalement informatisée en Jordanie (101 salariés). Elle s’est associée à sa mère pour la création d’une maison de mode. Elle a participé à la création de la section jordanienne du Forum international des femmes. • Nadia, Dajjany, Jordanie Elle a fait des études d’architecture, mais elle est devenue l’étoile montante de la joaillerie dans son pays. Elle a fondé sa société en 2003, elle fut la première du genre à être enregistrée auprès du ministère du Commerce et de l’Industrie. Aujourd’hui, ses modèles sont vendus et même imités dans toute la région. Enc. 105/3 • Souad Al-Amiry, Palestine Architecte ayant participé à la constitution de l’institution culturelle “ Riwaq ” à Ramallah, la ville occupée, en vue de l’archivage du patrimoine architectural. A partir de 1996, l’entretien et à la restauration de la beauté de ce patrimoine sont devenus possibles. Riwâq allait employer grand nombre de Palestiniens travaillant à la rénovation de plus de 30 édifices en Cisjordanie, et surtout les régions rurales, générant ainsi des créations d’emplois. • Sabira Ar-Riyâmy, Oman Elle travailla comme journaliste à la télévision omanaise. Ensuite, elle a fondé avec son mari, en 1995, une société de gestion de l’événementiel, première du genre à Oman, pour un chiffre d’affaires annuel d’un million de dollars. Enc. 105/4 • Izzat Fahmi, Egypte Elle a imposé son cachet propre au monde de l’orfèvrerie. Elle a exposé ses pièces dans plus de 200 galeries de par le monde, y compris dans plusieurs musées. Après avoir terminé ses études à la faculté des arts. Elève de “ Astwat As-Sâgha ”, dans l’ancien quartier Khan Al-Khalily, elle a été la première femme à s’engager dans cette voie. Elle a été désignée par le “ Conseil international de l’or ” comme l’un de ses membre permanent et arbitre. • Loubna Olyan, Arabie Saoudite Présidente exécutive de la société d’investissement “ Alyan ”, elle est considérée, selon la revue Fortune, parmi les 50 femmes les plus puissantes hors des Etats-Unis. • Leïla Khayat, Tunisie Présidente exécutive de la société industrielle Plastiss (125 travailleurs) dont elle a pris la direction après le décès de son mari. Elle était professeur de littérature française, mais a appris la gestion au moyen de cours du soir. Il ne lui a pas fallu longtemps pour doubler le niveau de la production et le nombre d’employés. Elle est présidente de l’Union des femmes d’affaires et a été pendant sept ans présidente de l’Association internationale des femmes d’affaires. • Maria Habry et Houda Baroudy, Liban Elles se sont battis une renommée régionale et internationale à travers la société de textile et de mode Bakja, qui a pu réaliser en cinq ans dix expositions à travers le mode. • Rime Akra, Liban Après plusieurs années de pratique dans le domaine de la broderie, Rime a créé sa propre maison de création à New York en 1995. Cette maison a été à la tête des meilleures sociétés de modélisme spécialisées dans les tenues de soirée et de mariage, puisqu’elle est le fournisseur de plus de 200 points de vente au détail, parmi les meilleurs en Europe et aux Etats Unis. • Mouna Bahri, Egypte Elle fonde l’entreprise “ Mubako ” de bonneterie qui passe de trois machines à coudre et trois employés en 1974 à 700 employés aujourd’hui. La valeur de l’entreprise est estimée à 70 millions de livres égyptiennes. Plusieurs membres de sa famille y travaillent, y compris son père, son mari, son fils, ses filles et leurs maris. La production est destinée au marché intérieur et à l’exportation. Pour Mouna, elle doit sa réussite au soutien de son père, de son mari et de sa grand-mère. Source: Hijab, background paper for the Report. L’utilisation des capacités humaines 127 Il était tout à fait naturel que l’augmentation du nombre de femmes d’affaires allait être accompagné d’une expansion des associations féminines qui oeuvrent à la levée des contraintes qui entravent l’action des femmes dans le domaine des affaires, telles que les difficultés d’accès au marché, à l’information, au financement et au savoir. 128 Koweïtien d’Investissement. Elle propose des services bancaires islamiques et est dirigée par une dame du Bahreïn qui assure en même temps les opérations d’audit de tout le groupe bancaire. Il était tout à fait naturel que l’augmentation du nombre de femmes d’affaires allait être accompagné d’une expansion des associations féminines qui oeuvrent à la levée des contraintes qui entravent l’action des femmes dans le domaine des affaires, telles que les difficultés d’accès au marché, à l’information, au financement et au savoir. Aujourd’hui, en Egypte il existe 22 associations de femmes d’affaires, alors qu’en 1952, il n’y en avait guère qu’une seule. Au Maroc, Salwa Belqziz, propriétaire d’une société des technologies de l’information et de la communication, a créé l’association AFEM des femmes d’affaires marocaines dont le nombre d’adhérentes est passé de 70 en 2000 à 184 en 2004. Au Yémen, Kaboul Al-Moutawakil et sa sœur ont créé “Le Centre International de Communication” en 2001 pour venir en aide aux filles âgées de 18 à 35 ans et les amener à intégrer le marché du travail et la société civile. Les activités du centre se sont également étendues pour englober la formation en matière de droits de l’homme et de compétences en communication en faveur des directrices des associations de femmes. En Mauritanie, l’association des commerçantes compte 270 membres. L’organisation des femmes s’étend également aux chambres de commerce. Dans la région du Golfe plus précisément, les Chambres du commerce et de l’industrie jouent un rôle important dans la promotion des femmes d’affaires. Ainsi plus de 400 femmes ont participé au premier forum des femmes d’affaires du Conseil de Coopération du Golfe, accueilli par Oman et organisé par sa chambre du commerce et de l’industrie, en collaboration avec l’Union des Chambres dudit Conseil. La réunion de la “ Chambre de Jeddah du commerce et de l’industrie ”, en 2005, marque un tournant avec la candidature de femmes aux dix-huit sièges du Conseil. Deux d’entre elles l’ont remporté malgré l’énorme différence en nombre de voix entre les femmes et les hommes (100/4000), (Nadia Hijab, en anglais, document d’appui du Rapport). Conclusion Ce chapitre montre que les femmes, dans les pays arabes, en dépit de leur présence accrue dans les domaines de l’activité humaine, hors du cadre familial, continuent de faire face à un niveau de privation relativement plus élevé en matière d’utilisation de leurs capacités humaines dans les domaines d’activité traditionnelle tels que l’activité économique officielle et l’activité politique au sein desquels l’homme tend à garder son rôle prépondérant. Cependant, il faut compter à l’actif des femmes dans les pays arabes d’avoir pu investir ces domaines à un rythme croissant ; certaines ont pu même signer des innovations reconnues dans des domaines considérés, jusqu’à une période proche, du ressort exclusif des hommes. Rapport sur le développement humain arabe 2005 Chapitre IV Le niveau du bien être humain Introduction Nous avons examiné, dans les deux chapitres précédents, la situation relative des femmes dans les pays arabes selon les deux axes qui constituent deux déterminants fondamentaux du bien être humain, dans l’optique du développement humain : les capacités humaines, d’une part, et leur utilisation, d’autre part. L’objet de ce chapitre est d’établir un diagnostic de la situation des femmes par rapport à différents aspects du bien être humain dans les pays arabes. Reliefs de la pauvreté et genre Malgré l’insuffisance des bases de données, et comme le montre une étude d’appui au Rapport portant sur cinq pays arabes (Jordanie, Tunisie, Egypte, Maroc, Yémen), il n’existe aucune preuve de la “ féminisation de la pauvreté ” ; autrement dit, les femmes souffrent à un degré plus élevé de la pauvreté, définie dans son acception classique par l’indicateur de la faiblesse du revenu et des dépenses (Ali Abdelkader Ali, Document d’appui au Rapport). Cependant, la définition de la pauvreté basée sur l’indicateur du niveau de privation en terme d’acquisition des capacités humaines, de leur utilisation ainsi que du niveau de jouissance des conditions du bien être humain, est celle qui convient le mieux dans le cadre du concept de développement humain. Elle révèle en effet que les femmes souffrent relativement plus de la “ pauvreté humaine ” qui mesure la privation par rapport aux composantes de l’indice du développement humain, à savoir : la santé, le savoir et le revenu. Le deuxième chapitre a mis en évidence Le niveau du bien être humain que les femmes souffrent d’une privation relativement plus grande dans le domaine de l’acquisition des deux capacités humaines fondamentales : le savoir, à travers l’enseignement, et la santé, au sens positif et global du terme. En ce qui concerne l’utilisation des capacités humaines dans le domaine de l’activité économique, il apparaît que les taux de chômage sont relativement plus élevés chez les femmes, et sont, de surcroît, exposées au licenciement à des niveaux relativement plus élevés en temps de récession, particulièrement dans les grandes entreprises privées. De même, les femmes ne bénéficient pas non plus de la création des opportunités de travail autant que les hommes, en cas de reprise économique. Les femmes qui travaillent pâtissent également de la baisse relative du revenu de leur travail en comparaison avec ceux de leurs collègues hommes. Cette inégalité est plus marquée dans le secteur privé que dans la fonction publique et le secteur public qui se montrent beaucoup plus respectueux des dispositions juridiques relatives à l’égalité des revenus du travail. Pauvreté et genre du chef de famille Une analyse précise se doit de séparer entre deux types de situations où les femmes assurent la charge de chef de famille : le cas où la femme est contrainte d’assumer la charge de chef de famille, du fait du veuvage, de la séparation ou de l’abandon, et le cas où elle l’assume volontairement en raison, par exemple, de l’immigration à la recherche de travail, et ce, malgré la présence d’un chef de famille homme sur le plan légal. Une analyse minutieuse montre que les 129 familles dirigées par des femmes ne sont pas nécessairement les plus pauvres. Certaines occupent plutôt une position meilleure au vu de certains indicateurs du bien être social, dont le revenu et la richesse, et ce, particulièrement dans le cas de la responsabilité féminine volontaire. En revanche, les familles qui ont pour chef des femmes par la force des choses s’avèrent dans leur grande majorité plus pauvres que la minorité des familles dirigées par des hommes non mariés. Extension de la pauvreté et affaiblissement des femmes Cependant, même s’il n’existe pas de preuves concrètes confortant la thèse de la féminisation de la pauvreté, il est possible d’aborder la question de l’influence de la pauvreté sur l’affaiblissement de la position des femmes, et ce, au moyen des indices agrégés de la pauvreté qui sont représentatifs de l’extension de la pauvreté dans les milieux des femmes. Pour pouvoir suivre l’impact de l’étendue de la pauvreté sur l’autonomisation des femmes, on a construit un modèle régressif faisant intervenir “ l’indice sexospécifique” comme variable dépendante (qu’il s’agit d’expliquer), d’une part, et d’autre part l’indice du nombre de têtes (niveau de l’étendue de la pauvreté) et l’indice de la pauvreté humaine, comme variables explicatives, en se basant sur les données disponibles dans le Rapport arabe du développement humain pour l’année 2004 (Ali Abdelkader Ali, Document d’appui au Rapport). A ce propos, il convient de signaler que l’indice sexospécifique est disponible pour quatre pays arabes seulement sur les 79 pays pour lesquels cet indice a été calculé. Il s’agit du Bahreïn (avec un indice dont la valeur est de 0,395), de l’Arabie Saoudite : 0,207, de l’Egypte : 0,266, et du Yémen : 0,123. Au niveau international, la Norvège a enregistré la valeur la plus élevée avec 0,908 alors que le Yémen a enregistré la valeur la moins élevée. En ce qui concerne l’influence de la pauvreté de revenu sur l’autonomisation des femmes, les résultats de l’analyse montrent que l’extension de cette pauvreté de revenu conduit en moyenne à l’affaiblissement de la position des femmes (comme le montre l’indice sexospécifique), ainsi qu’à leur fragilisation en matière de représentation parlementaire nationale, d’activités professionnelles et techniques et de contrôle des ressources économiques, en comparaison avec les hommes. Les résultats montrent également que l’étendue de la pauvreté humaine handicape, en moyenne, les femmes (comme le montre l’indice sexospécifique), en matière d’accès aux hautes fonctions législatives, administratives et d’organisation ainsi que dans le domaine des activités professionnelles et techniques. En revanche, ces résultats ne montrent pas une influence, significative statistiquement, de l’étendue de la pauvreté humaine sur la participation politique des femmes dans les pays en voie de développement, comme le reflète le nombre de sièges parlementaires occupés par les femmes. la liberté personnelle bafouée Le droit des femmes à jouir des libertés personnelles bute toujours sur un ensemble d’entraves. Le simple fait de mettre en relation les femmes et la liberté suscite l’inquiétude chez certains et met en branle les us et coutumes. Ainsi, au nom de la protection des femmes ou au prétexte de la protection de “ l’honneur ”, certains imposent de nombreuses restrictions à la liberté de mouvement des femmes, restrictions validées sur le plan légal au nom tantôt de l’obéissance, tantôt de la défense de “ l’honneur ”. Les formes de violence exercées contre les femmes arabes soulignent à quel point la législation arabe et les gouvernements arabes, en plus des mouvements sociaux, doivent prendre à coeur la grande tâche d’assurer la sécurité et le développement dans son acception globale. Par ailleurs, le fait de parler de la violence1 à l’égard des femmes dans les pays arabes ne signifie pas qu’il n’en existe pas dans le reste des régions du monde. Il s’agit en fait d’un 1 La Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes dans l’article 1 comme suit : tous actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée. 130 Rapport sur le développement humain arabe 2005 Encadré 4-1 Kamal Darwich* : à l’occasion de la journée mondiale sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes (25 novembre 2005). La violence à l’égard des femmes détruit la vie des agressées ainsi que leurs sociétés. Elle entrave également le développement. S’il est difficile d’estimer l’ampleur de l’étendue de la violence à l’égard des femmes, car elle n’est souvent pas dénoncée, l’OMS estime qu’un quart des femmes dans le monde sont violées et battues ou contraintes à avoir des rapports sexuels durant leur vie. Aucun pays et aucune société ne peuvent prétendre être épargnés de la violence domestique, car cette violence dépasse les frontières culturelles, des classes, de l’enseignement, du revenu, de la race et de l’âge. Les femmes sont exposées à la violence au travail, au foyer, dans les zones de conflits et même lorsqu’elles sont sous la protection de l’Etat. La violence contre les femmes est encore aujourd’hui un crime sur lequel on fait l’impasse internationalement, et les auteurs de ce crime ne sont le plus souvent pas poursuivis. * Administrateur du Programme des Nations Unies pour le Développement PNUD problème international, et la lutte contre cette violence fait partie maintenant du programme international des Droits de l’homme. En effet, les travaux de la Conférence mondiale sur les Droits de l’Homme ont été couronnés par l’adoption de la Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes en décembre 1993. Cette déclaration insiste dans le préambule sur le fait, d’une part, que la violence à l’égard des femmes traduit des rapports de force historiquement inégaux entre hommes et femmes, lesquels ont abouti à la domination et à la discrimination exercées par les premiers et freiné la promotion des secondes et, d’autre part, qu’elle représente un obstacle à la réalisation de l’égalité, de la paix et du développement et constitue une violation des Droits de l’homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, cette Déclaration a proclamé le 25 novembre journée mondiale sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes dans le monde. Il est encore difficile de débattre de la violence à l’égard des femmes dans le monde arabe sur la base des données statistiques2, car on oppose une forte résistance dans certains pays arabes à la moindre discussion de la violence à l’égard des femmes. En outre, les études de terrain qui permettent d’observer les phénomènes de violence dans les sociétés arabes sont à leurs débuts. En effet, ce dont on dispose sur ces phénomènes aujourd’hui parvient des informations sur les violences diffusées par les médias, des communications présentées dans des colloques arabes et internationaux, les rapports des organisations des Droits de l’homme et des femmes ceux des centres d’accueil des femmes victimes de violence. Les témoignages de ces dernières montrent, même s’il est difficile de traduire ces témoignages en données chiffrées, que le pas le plus important à faire en matière de lutte contre la violence à l’égard des femmes dans le monde arabe est de dénoncer et de combattre toute tentative de la dissimuler, que cette violence ait été exercée en public ou dans un lieu privé. Continuer à garder le silence sur cette affaire a un coût très élevé pour la société, les individus et même pour les Etats, bien qu’ils n’en aient toujours pas pris conscience. Il est également important que des formes de violence et de ségrégation, que les femmes ont pris l’habitude de considérer comme relevant de comportements normaux, doivent également être rangées dans la catégorie des pratiques condamnables. Fort heureusement, la population arabe tend à condamner toutes les formes de préjudices corporels et psychologiques subis par les femmes (Encadré 4-2). 2 L’article quatre de la Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes souligne que les Etats qui condamnent cette violence sont appelés à favoriser la recherche, rassembler des données et compiler des statistiques se rapportant à l’incidence des différentes formes de violence à l’égard des femmes, y compris en particulier la violence au foyer. Le niveau du bien être humain 131 Encadré 4-2 L’opinion du public par rapport aux questions de la promotion des femmes, dans quatre pays arabes, 2005 Les femmes ne doivent pas être agressées physiquement par les hommes ?Zhj^hYVXXdgY BVgdX :\neiZ A^WVc ?dgYVc^Z DWhZgkVi^dch eZgYjZh ?ZcZhj^h eVhYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY Les femmes ne doivent pas être agressées psychologiquement par les hommes BVgdX ?Zhj^hYVXXdgY :\neiZ A^WVc ?dgYVc^Z DWhZgkVi^dch eZgYjZh ?ZcZhj^h eVhYVXXdgY ?Zhj^hYVXXdgY Les formes de violence à l’égard Dles femmes dans le monde arabe Les crimes d’honneur Tuer des femmes considérées comme ayant enfreint à l’honneur est une coutume tribale ancienne, mais toujours en usage dans beaucoup de sociétés arabes locales comme en Jordanie, en Irak, en Palestine, au Liban et en Egypte. Il s’agit d’un crime avec préméditation commis par un père, un frère, un mari, peut-être aussi un fils. Les femmes sont assassinées sous prétexte de défendre l’honneur. Beaucoup d’entre elles 132 sont tuées car elles ont eu à subir l’affront du viol (L’Instance libanaise pour la lutte contre la violence à l’égard des femmes, 2001 :17). Dans de nombreuses sociétés arabes, d’aucuns continuent toujours de tenir les coupables de ce genre de crimes pour des héros qui ont, par leur forfait, effacé le déshonneur causé à la famille par la femme tuée. De même, beaucoup de cas de suicide sont liés à la question de l’honneur ; en effet, on contraint les femmes à se tuer pour fuir la responsabilité de le faire. Les statistiques indiquent, à titre d’exemple, qu’en Palestine, entre le mois de mai 2004 et le mois de mars 2005, vingt femmes ont été tuées, en plus de 15 cas ayant survécu après un passage Rapport sur le développement humain arabe 2005 à l’acte dans le cadre des crimes d’honneur. Les statistiques officielles font également cas de 20 femmes tuées annuellement en Jordanie, sous le même prétexte, et parfois en raison de la convoitise des hommes qui désirent s’attribuer la plus grande part de l’héritage au détriment des femmes (UNIFEM, 2005 :17) ou même pour dissimulation d’outrages sexuels commis par des membres proches de la famille. L’Organisation RAWAN a enregistré également des crimes d’honneur commis sur des femmes kurdes au nord de l’Irak (UNIFEM, 2004 :140). Malgré les efforts couronnés de succès de certaines organisations de la société civile pour amender les codes pénaux (en Jordanie, en Algérie, au Liban, au Maroc) et traiter les crimes d’honneur comme le reste des meurtres, ces codes continuent toujours, dans un certain nombre de pays arabes, de protéger les meurtriers en leur accordant des circonstances atténuantes. Beaucoup de magistrats, par ailleurs, utilisent leur pouvoir discrétionnaire pour alléger les sentences encourues par les meurtriers (voir chap. VIII). La violence domestique La violence domestique n’est pas un phénomène arabe spécifique. Elle existe dans de larges régions du monde où elle se trouve condamnée. Ce qui est inquiétant en revanche, dans les pays arabes, c’est la persistance à vouloir en renier l’existence3. Les témoignages présentés lors de colloques et de procès symboliques montrent que le foyer peut se transformer, dans de nombreuses régions du monde arabe, de recours et de refuge sûrs en un espace où toutes les formes de violence peuvent être exercées sur les épouses qui peuvent être battues et subir la violence sexuelle et sur les petites filles qui peuvent être victimes de harcèlement sexuel et même de viol de la part des adultes masculins. Encadré 4-3 L’Organisation Mondiale de la Santé : Les femmes n’ont pas de refuge, où se mettre à l’abri de la violence domestique. Une étude, portant sur dix pays, montre que la part des femmes ayant subi des violences physiques ou sexuelles durant leur vie, de la part d’un homme membre de la famille, va de 15% au Japon à 71% en Ethiopie. La violence est parfois tellement forte qu’elle provoque des cassures au niveau des os et des séquelles au niveau de la vue. Les femmes sont plus exposées à la violence de la part de ceux qui résident au foyer que des personnes étrangères dans la rue. (Lee Jong-Wook, Directeur de l’OMS). La violence domestique débouche sur des résultats destructeurs, non seulement pour les femmes qui la subissent, mais aussi pour ceux qui en sont témoins, en particulier les enfants. (Yakin Ertürk, Rapporteuse Spéciale des Nations Unis sur la violence contre les femmes). Source : AFP, 24 novembre 2005. Source: Agence France-Presse, 24 Novembre 2005. La responsable du bureau d’orientation familiale de l’association Nahdhatu fatât albahrein (La Renaissance des filles du Bahreïn) dit à ce propos : “ Nous sommes confrontées à toutes les formes de violence physique et psychologique, en majorité d’origine familiale. Il n’est pas normal que les femmes subissent une telle violence. Il s’agit d’une pratique qui les avilit et dévalorise leur statut. Ce qu’on peut craindre, vraiment craindre, c’est qu’elles s’y habituent et n’arrivent plus à y faire face et briser le mur du silence ”4. Dans un rapport récent5, intitulé “ Les Etats du Conseil de Coopération du Golfe ; les femmes méritent la dignité et le respect ”, Amnesty International centre son intérêt sur les différentes formes de discrimination à l’égard des femmes dans ces Etats, notamment la violence au foyer. Le rapport estime que “ les femmes qui souffrent de la violence domestique ayant trait au genre n’ont le plus souvent aucun choix pratique à faire que celui de rester au foyer et de courir le risque de subir plus de violence encore. Les pressions économiques et sociales résultant des positions et des comportements fondés sur la discrimination contribuent également à mettre les femmes en danger de violence (Zineb Muadi, en arabe, Document d’appui au Rapport). 3 En réponse au rapport d’Amnesty International sur la violence à l’égard des femmes du Golfe, la présidente du Haut Conseil de la Femme a souligné, suivie en cela par de nombreuses journalistes à travers leurs chroniques ou leurs déclarations aux médias, que “ les cas de violence étaient des actes individuels et ne pouvaient pas être qualifiés de phénomène social ” sauf que “… Tout le monde au Bahreïn sait que les cas de violence à l’égard des femmes n’étaient enregistrés ni au niveau des postes de police ni dans les hôpitaux…” (Mouna Abbas Fadhl, écrivaine du Bahreïn) 4 Mouna fadhl, “Portail des femmes”, (2005) (Site visité le 10 avril 2006). http:/www.womengateway.com./arwg/qadhay+Almaraaa/violenceatameez.htm 5 Numéro du document : 04/004/2005 MDE 11 mai 2005. Le niveau du bien être humain 133 D’autres types de violence à l’égard des femmes sont exercés également au vu et au su de l’Etat, comme celle pratiquée en Arabie Saoudite par les mutawiîn (“ les gardiens de bonne conduite ”) ou par des groupes religieux qui s’érigent en surveillants et en censeurs en matière d’habits et de comportements des femmes. En plus, les femmes, pour gagner leur vie, souffrent de nombreuses formes de violence dans les lieux de travail, qu’il s’agisse du harcèlement sexuel ou des exactions, en courant le risque de licenciement abusif en cas de refus. A noter par ailleurs que la rareté des données concernant ce dernier type de violence rend difficile l’évaluation de son étendue. L’excision L’étendue de la pratique de l’excision6 dans beaucoup de pays arabes (tableau 4-1) conduit à de graves complications sanitaires propres aux femmes. Car l’opération d’excision peut provoquer le décès suite à une hémorragie ou causer une douleur aiguë durant l’opération d’ablation pouvant déboucher sur un choc neurologique. Elle peut également causer des complications tardives, telles que l’inflammation de la plaie en raison de l’absence de stérilisation, l’empoisonnement sanguin, le tétanos mortel, l’inflammation hépatique épidémique ou une maladie de la déficience immunitaire. Ces affections peuvent perturber dangereusement l’appareil urinaire, provoquer Tableau 4-1 Taux d’excision (année 2000 %) Pays Année Taux Djibouti 98 Somalie 98 Egypte 2000 97 Soudan 1990 89 Yémen 1997 23 Source: WHO (http://www.emro.who.int/rhrn/part5.htm). une baisse de la fécondité, quand ce pas la stérilité ; tout cela accompagné de difficultés lors de l’accouchement si la plaie provoquée par à l’excision s’est gravement dégradée. En outre, l’absence de sensation de plaisir ou des douleurs lors du rapport sexuel peuvent faire échec à une sexualité normale. Quelque meilleure que soit la préparation des filles à l’excision, les retombées psychologiques de l’opération ne peuvent être que négatives, donnant lieu à un sentiment d’infériorité sexuelle. Ceci dit, la lutte contre la pratique de l’excision est rendue plus difficile encore par son acceptation accrue comme fait culturel dans certains milieux. Une étude, faite sur la base d’un sondage d’opinion effectué en Egypte en 2000, avance que 80% des femmes ayant des filles ont reconnu avoir procédé à leur excision ou que cette excision allait avoir lieu. Ce pourcentage montre une légère amélioration par rapport aux sondages de 1995 qui faisait état de 87% des femmes ayant exprimé leur intention d’exciser leurs filles. Des études faites en Egypte ont prouvé que, parmi les facteurs facilitateurs de l’étendue de la pratique de l’excision, il y a la baisse du niveau éducatif, la résidence en milieu rural et, en particulier, les croyances personnelles. La même étude montre que huit femmes sur dix, en milieu rural, pensent que les hommes préfèrent les femmes excisées, contre quatre sur dix en milieu urbain. Le caractère culturel de cette pratique devient évident quand on sait que cette pratique est aussi bien répandue en milieu musulman qu’en milieu copte, bien qu’à un degré moindre (El-Zanaty et Way, en anglais, 2001). Un développement positif en matière de droits des femmes et des enfants en Egypte s’est produit quand le Conseil d’Etat, la plus haute cour administrative du pays, s’est prononcé le 28 décembre 1997 en faveur de la décision du ministère de la Santé d’interdire l’excision, sauf sous assistance médicale, alors qu’un tribunal d’un niveau relativement moins élevé s’était prononcé pour l’annulation de ladite décision. 6 La défiguration des organes génitaux prend, dans différents pays, des formes diverses. Certaines consistent dans l’ablation partielle ou totale du clitoris ou encore dans l’ablation totale du clitoris avec les deux lèvres. Dans certains cas extrêmes, il y a ablation de tous les organes génitaux externes et la suture partielle du sexe en laissant une fissure pour le passage de l’urine et des écoulements menstruels. Ces ablations sont opérées sans anesthésie et peuvent par conséquent provoquer des complications sanitaires dont certaines douleurs aiguës qui surviennent lors de l’urination, des menstruations et des rapports sexuels. L’ablation des organes sexuels provoque parfois le décès de certaines jeunes filles du fait d’hémorragies ou d’inflammations. (“L’Egalité maintenant”, Postures de femmes. 20.1 juin, 2001.) 134 Rapport sur le développement humain arabe 2005 Le Conseil d’Etat a considéré que l’excision ne fait pas partie des droits de l’individu, conformément à la Shariâ islamique, et ce, en l’absence de tout texte l’autorisant dans le Coran et la Sunna. Ledit Conseil a conclu que la pratique de l’excision est un acte illégal, même lorsqu’elle a lieu avec le consentement de la fille ou de ses parents. Le Ministère de la Santé soudanais va, de son côté, dans le sens d’arrêter des dispositions légales pour interdire l’excision. défavorisées et marginalisées. Il s’agit d’une situation caractérisée par la pauvreté, la misère et l’oppression les plus grandes et où il y a le moins de chance, de moyen et de développement. Toutes les données relatives à la situation dans les régions désertiques et les campagnes corroborent la difficile condition des femmes dans ces régions et montrent qu’elles font face à une accumulation de difficultés et de défis liés à des conditions exceptionnelles7, à des données et des facteurs déterminés par la nature rigoureuse des La violence contre les femmes sous l’occupation. Encadré 4-4 Les femmes sont exposées dans les territoires arabes sous occupation à des formes de violence pratiquées par les autorités d’occupation. En Irak, des villes et des quartiers entiers ont été le théâtre d’opérations de déplacements abusifs de plusieurs milliers de familles. En outre, le sentiment d’insécurité a obligé les femmes à s’enfermer chez elles et à éviter de se rendre au travail. Les femmes détenues dans la prison d’Abou Ghraïb ont subi des atteintes et des violations graves, telles que le viol et différentes sortes d’humiliation, au point que certaines d’entre elles se sont suicidées après leur libération. D’autres femmes ont été tuées par l’un des leurs pour laver le “déshonneur”. Les femmes ont été prises comme otages pour obliger les hommes de leurs familles à se rendre ou à faire des aveux à l’encontre de la résistance en Irak occupé (Hayfâ Zanka, Al-quds al-arabî, octobre 2005). Les femmes appartenant aux catégories défavorisées dans les pays arabes. Les femmes dans les zones desertiques et les campagnes marginalisées. La situation des femmes arabes des régions désertiques et des campagnes est historiquement liée à celles des catégories sociales, des communautés et des régions La ségrégation à l’égard des femmes sous l’occupation en Palestine Du fait de l’occupation et de l’existence du mur, les droits des femmes sont bafoués dans une plus large mesure que ceux des hommes : les Palestiniennes sont régulièrement la cible de harcèlements, d’intimidations et de sévices commis par les soldats israéliens, aux points de contrôle et aux portes. Elles sont humiliées devant leur famille et subissent des violences sexuelles tant de la part de soldats que de celle de colons. On compte environ 120 Palestiniennes en détention, dont 11 sont maintenues en détention administrative, sans avoir été jugées ni même inculpées. Les détenues sont victimes de violence sexiste au cours des enquêtes et pendant leur détention. En outre, la situation dans les prisons ne cesse d’être préoccupante pour les conditions de vie et la santé des détenues. Les restrictions à la liberté de circulation par suite de l’occupation entravent gravement l’accès des Palestiniennes à l’éducation et à la santé. Ces mêmes restrictions limitent leurs chances d’être autonomes et font que moins de femmes cherchent à bénéficier d’un enseignement de type scolaire ou à accéder à l’emploi … La santé des femmes a décliné parce qu’elles sont dans l’impossibilité de se rendre dans les centres de santé. Les femmes enceintes courent le risque d’attentes interminables aux points de contrôle. Depuis le début de la deuxième Intifada, en mars 2004, 55 Palestiniennes ont accouché à un point de contrôle, et 33 enfants nés à des points de contrôle étaient mortnés en raison de retards ou d’un refus de laisser accéder à un établissement de soins. Il a été établi que le chômage et la pauvreté consécutifs à l’occupation engendraient des divorces et des violences dans la famille. La loi israélienne de 2003 sur la nationalité et l’entrée en Israël a pour but d’empêcher le regroupement familial lorsqu’un des deux époux est résident sur le territoire palestinien occupé. Du fait de cette loi, ce sont des milliers de membres des familles concernées qui vivent séparés les uns des autres, sans moyens légaux de rejoindre leurs proches. Le seul moyen de préserver l’unité familiale consiste à résider illégalement en Israël, dans la peur continuelle d’être contrôlé et expulsé. Tout cela a des effets considérables sur l’état psychologique des Palestiniennes. Cette loi, qui ne s’applique pas aux colons israéliens vivant dans le territoire palestinien occupé ni aux Juifs israéliens ayant épousé un étranger, instaure un régime discriminatoire fondé sur la nationalité, qui pénalise exclusivement les Palestiniens. Source : Dugard, le Rapporteur Spécial pour les Droits de l’homme dans les Territoires palestiniens occupés, 2005. 7 Parmi les manifestations de ces conditions exceptionnelles on peut noter la rareté des éléments statistiques, des données d’ordre quantitatif et qualitatif sur les sociétés en zones désertiques et dans les campagnes, des informations classées selon le genre et les études scientifiques sur les catégories marginalisées (Nations Unies, ESCWA, en arabe, 2005 : 22.71). Le niveau du bien être humain 135 étendues désertiques et semi-désertiques et par les déplacements épuisants à la recherche de moyens de survie nécessaires à la préservation de la vie et garantissant un seuil minimum d’organisation sociale (Abdeljebbar Ar-Râoui, en arabe, 1972 :223). Par ailleurs, il faut noter que ce seuil ne s’éloigne pas de celui fixé par Ibn Khaldoun depuis le 15e siècle8. Les zones désertiques et les campagnes marginalisées arabes, de par leur étendue sauvage et leur faible contact avec la civilisation moderne, sont toujours régies par l’esprit de corps familial, la consanguinité, la loyauté à l’autorité tribale et la suprématie des coutumes, des traditions et des rites dans le cadre d’une économie traditionnelle liée à la terre, à l’élevage, au climat et aux industries rudimentaires. Tout ceci renvoie à la domination masculine qui astreint les femmes aux seules activités de reproduction, au travail voué au service de l’époux et de la famille et à certains travaux d’élevage et d’agriculture de survie (Nadin Hijâb, en arabe, 1988 :192). Les défis et les difficultés auxquels font face les femmes arabes dans les zones désertiques et les campagnes marginalisées sont nombreuses et varient selon leur âge et leur situation dans une structure sociale complexe (Mohamed Hassan Ghamirî, en arabe,1989 : 1). Ils ont trait aux droits fondamentaux de l’existence avec ce que de tels droits impliquent comme conditions de vie telles que l’alimentation, l’habitat, l’habit, l’instruction et la protection médicale. Les femmes dans ces zones doivent faire face dès leur petite enfance aux difficultés de disposer du seuil minimum de subsistance. Dans certains pays, comme le Soudan, l’Irak, la Mauritanie et le Yémen, et surtout dans leurs zones d’indigence sociale, les femmes sont confrontées au dénuement, à la carence alimentaire et à de nombreuses formes de violence ( Le Centre des femmes arabes pour la formation et la recherche, en arabe, 1988). La vie des femmes dans ces régions est menacée du fait de l’incapacité évidente de réunir les conditions d’une une vie décente et du manque de la protection humaine. Dans le meilleur des cas, ces femmes reçoivent certains services minima de la part des caravanes de la santé que l’on remarque dans des pays du Golfe et du Maghreb en particulier. Ce sont des caravanes qui s’occupent dans la plupart des cas du domaine familial, organisent des consultations gratuites avant le mariage et s’occupent de la santé reproductive (Nation Unis, Unesco, 2005 : 17). Elles ne réunissent cependant pas toutes les spécialités en médecine, ce qui ne leur permet pas d’assurer les conditions d’une sécurité sanitaire intégrale. Elles paraissent ainsi constituer, malgré l’aide d’urgence qu’elles apportent parfois, une faveur consentie par les régimes au pouvoir et non comme un droit humain acquis. Les filles, dans de tels milieux, sont privées de tous les droits fondamentaux, et en particulier, du droit à l’instruction et au savoir, qui constitue un levier pouvant les aider à se soustraire des situations qui leur sont imposées. Au moment où les filles citadines jouissent, même relativement, de ce que les institutions et les organismes leur offrent en matière d’enseignement, de travail et de distraction, dont les aspects et les résultats sont nettement visibles au changement positif de leur situation, les filles, dans les régions déshéritées, se saignent aux quatre veines contre les rigueurs de l’environnement rural, dans la privation et l’absence des moindres équipements et des moindres services, sans parler de l’ignorance de leurs droits. Tout cela influe négativement sur leur santé physique, mentale et psychologique et se traduit, pour elles, par des taux de l’espérance de vie à la naissance et de la capacité humaine à vivre longtemps et en bonne santé sont beaucoup plus bas que ceux pour les femmes arabes en général (Le Centre des femmes arabes pour la formation et la recherche, en arabe, 2001 :30). Dans certains pays, les filles sont amenées de force des campagnes dans les villes pour y être exploitées comme domestiques dans des conditions qui s’apparentent à un nouveau mode d’asservissement et d’esclavage. Il s’agit là, sans conteste, d’un point noir de la situation 8 La bédouinité n’a fait l’objet que d’un nombre restreint d’études historiques et sociologiques. C’est pourquoi l’analyse d’Ibn Khaldoun sur les bédouins occupe toujours une place particulière, dans la mesure où elle constitue une référence dans la pensée relative à la ruralité, la bédouinité et la tribalité. 5ibn Khaldoun, s. d.) et (Mouhieddine Saber et Louise Kamel Malika. En arabe, 1986) et (Mohammad Al-Marzouki, en arabe,1980). 136 Rapport sur le développement humain arabe 2005 du développement humain dans tous les pays arabes9. Les filles arabes vivant dans les milieux bédouins et ruraux marginalisés sont privées même des aspects quantitatifs de la diffusion de la scolarisation qui s’est relativement généralisée dans toutes les sociétés arabes. Elles vivent dans un état d’analphabétisme au niveau de la lecture, d’ignorance de l’écriture et des moyens d’expression, qui ne va pas sans menacer son entité et son humanité et fait perdurer l’oppression dont elle est victime. Cette situation est en totale contradiction avec le niveau d’évolution en terme d’enseignement, de savoir, de libération politique et sociale que l’humanité connaît aujourd’hui sur une large échelle. Mais ce qui menace encore plus les femmes arabes dans les zones désertiques et les campagnes marginalisées c’est davantage de dénuement, de besoin et de dégradation, c’est l’absence de volonté, de politiques et de plans stratégiques en vue d’y remédier radicalement. Car dans le meilleur des cas, les appareils au pouvoir exploitent ces situations et pour prendre des dispositions sous formes de solutions et d’aides conjoncturelles dans le domaine des infrastructures de base relatifs à l’habitat, aux routes et à l’eau potable, sous divers libellés et dans le cadre de différents programmes10. Toutefois ces dispositions restent en deçà de l’exigence des droits garantis par la loi. Ces opérations sont le plus souvent instrumentalisées dans le cadre de la propagande politique et de la recherche de la loyauté aux appareils du pouvoir. Sur un autre plan, les taux d’échec scolaire et d’abandon scolaire précoce chez lez filles sont en augmentation, avec parallèlement une accentuation du caractère précoce des mariages de ces filles et de leur mise au travail dans les domaines pastoral et du travail de la terre ainsi qu’une accentuation de leur enfermement dans la logique de l’exploitation masculine des personnes de sexe féminin (Mohcine At-tilili, en arabe, Texte d’appui au rapport). Les femmes dans les zones D’habitat anarchique Il n’existe pas de bases de données scientifiques sur les bidonvilles dans les pays arabes, en général, ni sur la situation des femmes dans ces milieux, en particulier. Mais les études de terrain entreprises dans de nombreuses régions indiquent que les habitants des zones d’habitat anarchique se distinguent par le très bas niveau de leurs conditions sociales, qui se traduisent dans le bas niveau éducatif et des compétences techniques ce qui compromet sérieusement leurs chances de travail. Tout cela affecte leur existence tout entière : absences d’opportunités de travail et d’habitat convenable. Les familles des zones d’habitat anarchique se caractérisent par un taux élevé de femmes chef de famille. Ce taux qui atteint 21% en Egypte, se situe dans certaines zones d’habitat anarchique dans une fourchette de 25 à 33% du total des familles habitant ces zones. Par ailleurs, l’augmentation du nombre des familles qui ont une femme pour chef traduit en fait l’augmentation des taux de divorce, de séparation et de veuvage dans ces mêmes zones. Les femmes chefs de familles dépendent des aides, des virements en monnaie et en nature beaucoup plus que les hommes chefs de famille (Iqbal, As-Samalouti, en arabe, Texte d’appui du Rapport). Les femmes qui vivent dans les bidonvilles ressentent plusieurs formes de privation, en raison de leurs conditions économiques et environnementales difficiles qui affectent les relations familiales et l’autorité des parents sur les enfants. Ces femmes ignorent généralement tout de leurs droits et des services mis à leur disposition. Le plus souvent, elles ne possèdent que rarement des papiers d’identification, comme par exemple l’attestation de naissance, qui leur permettent de bénéficier de ces services. Enfin, les femmes souffrent dans ces régions de certaines formes de violence, puisqu’une part importante des familles continue de pratiquer l’excision des filles, comme en Egypte par exemple. De même, environ 8,13% 9 Pour ce qui est de la relation entre genre et pauvreté, de la nécessité d’étudier les causes structurelles de la pauvreté, de la marginalisation et de la privation et pour éviter au genre d’en être victime (Droy, en français, 1990 : 40-41). 10 A titre d’exemple, le programme pour l’élimination des zones marginalisées, subventionné par Le Fond national de solidarité, 26-26, en Tunisie. Le niveau du bien être humain 137 de l’ensemble des femmes appartenant à la tranche d’âge de 15 à 49 ans ont été mariées avant d’atteindre l’âge de 16 ans. Le tiers des épouses ont subi des préjudices physiques de la part de leurs maris au moins une fois dans leur vie conjugale. Bien que les bidonvilles souffrent d’un déficit général de services, y compris les services de santé, une part élevée des femmes se refusent pourtant à recourir aux services mis à leur disposition et leur préfèrent la médecine populaire. Ce comportement s’explique par la culture dominante dans ces bidonvilles qui est celle des personnes ayant émigré des campagnes dans la plupart des cas. Les travailleuses immigrées etrangères Bien que les situations des travailleuses immigrées, qu’elles soient arabes ou étrangères, se ressemblent sur plusieurs plans, l’intérêt sera centré dans cette partie sur les travailleuses immigrées étrangères. L’intérêt porté au sort de ces dernières s’est accru ces derniers temps et s’accroît davantage encore avec l’augmentation des plaintes venant des individus, des organisations internationales des droits de l’homme et de certains pays exportateurs de main d’œuvre, faisant état de violations sans relâche des droits des travailleuses immigrées, plus précisément des travailleuses asiatiques, en particulier, dans le secteur des services domestiques dans les pays d’accueil de la région arabe. Sur ce plan, les caractéristiques générales des travailleuses étrangères accueillies diffèrent selon les Etats arabes. Ces caractéristiques se ressemblent dans les Etats du Conseil de Coopération des Etats du Golfe pour ce qui est de leur répartition selon le genre, la profession et l’ethnie. Toutefois, elles diffèrent dans les autres Etats arabes accueillant et exportant la main d’œuvre, comme la Jordanie et le Liban. Les Etats du Golfe accueillent une main d’œuvre féminine provenant aussi bien des Etats développés d’Occident que des Etats en voie de développement, à savoir l’Asie, le monde arabe et l’Afrique. Cette main d’œuvre occupe tous les emplois offerts aux femmes, les emplois supérieurs comme les emplois 138 inférieurs sur l’échelle des fonctions, ceux qui sont socialement acceptés et ceux qui ne le sont pas. D’autre part, la répartition professionnelle des travailleuses immigrées diffère d’une nationalité à l’autre. D’une manière générale, les travailleuses immigrées en provenance du sud et du sud-est de l’Asie se concentrent dans le secteur des services, en particulier dans celui des services domestiques. Alors qu’aux Emirats Arabes Unis, par exemple, on peut trouver des employées européennes dans le secteur des banques. Les employées arabes, quant à elles, travaillent dans plusieurs secteurs, en particulier, dans l’Enseignement et la Santé. Le nombre des femmes immigrées dans la région du Golfe arabe est estimé à 7,3 millions en 2002, et on estime à environ un million d’entre elles qui travaillent (Tableau 4-2). Bien que les statistiques disponibles ne font pas mention de leurs domaines de travail, ni de leurs nationalités, on peut affirmer que la majorité d’entre elles travaille dans le secteur des services, plus précisément dans celui du travail comme domestiques, qui tend à absorber presque 30% des travailleuses, (Baqir AnNajjar, en arabe, Texte d’appui au Rapport). Une autre partie d’entre elles travaille dans les secteurs de la Santé et de l’Enseignement, des banques, de l’hôtellerie et de la restauration ainsi que dans certaines industries alimentaires ou pharmacologiques et dans des activités de divertissement. Par ailleurs, le commerce du sexe absorbe une main d’œuvre féminine provisoire, en grand nombre, et qui va croissant, une main d’œuvre en quête de gains rapides, dont la durée du séjour ne dépasse pas pendant quelques mois, voir quelques semaines. De temps à autre, les médias locaux du Golfe se font l’écho de descentes de la police locale dans certains lieux de prostitution, ou d’opérations d’appréhension de bandes faisant commerce de la traite des blanches. Souvent, les acteurs impliqués dans ce genre de commerce sont originaires de certains Etats arabes, des exrépubliques de l’Union soviétique et de certains Etats de l’Asie de l’Est et de l’Afrique de l’Est. Hormis les Etats du Golfe, la Jordanie et le Liban sont les deux pays qui accueillent le plus de travailleuses immigrées. Les quelques rares études disponibles, en plus Rapport sur le développement humain arabe 2005 des observations sur le terrain, indiquent que le secteur des services, du travail domestique, est l’employeur principal des travailleuses immigrées, particulièrement qui proviennent du Sri–Lanka et des Philippines et ce bien que le secteur de l’hôtellerie, de la restauration et du divertissement en Jordanie ait commencé à absorber un nombre croissant de travailleuses immigrées. La situation des travailleuses dans le secteur du travail domestique. Le secteur du service du travail domestique représente le plus grand employeur des travailleuses immigrées, non seulement dans les pays du Conseil de Coopération des Etats du Golfe, mais également dans certains autres pays arabes connus pour leur richesse, plus précisément la Jordanie et le Liban. La situation des employées dans ce secteur ouvrier dans toute la région arabe se caractérise par les traits suivants : • Le bas niveau des salaires. Le salaire moyen des travailleurs de ce secteur ne dépasse pas les 150 dollars par mois et peut dans certains cas descendre sous les 100 dollars. L’échelle des salaires, dans ce secteur, est liée à la nationalité : les salaires sont bas lorsqu’il s’agit des Ethiopiennes et des Sri–Lankaises et peuvent descendre dans certains cas de figure jusqu’à 95 dollars. Dans certains cas de travailleuses émigrées des Philippines, par exemple, les salaires peuvent atteindre 250 et 300 dollars par mois. • Elles ne sont pas couvertes par le droit du travail. Les codes arabes du travail ne couvrent pas les travailleurs, hommes et femmes, employés comme domestiques. Leurs salaires ne sont pas soumis à l’augmentation annuelle. Leurs contrats de travail ne stipulent pas non plus de droit aux congés payés, hebdomadaires ou annuels. • Les horaires de travail domestique ne sont pas fixés. Ils peuvent commencer, pour les femmes de ménage, à cinq heures ou six heures du matin et prendre fin à des heures reculées de la nuit. De manière générale, le travail domestique s’apparente plus à une mise à disposition permanente et instantanée de ces travailleuses au service Le niveau du bien être humain Table 4-2 Travailleuses immigrées dans les pays arabes, 2002 Pays Nombre (en milliers) % de la force de travail féminine dans le pays Arabie Saoudite 426 6.8 Emirats Arabes Unis 261 4.8 Koweit 241 71.5 Oman 145 79.2 Bahrain 36 1.4 Qatar 38 71.6 Source: Alnajjar, Papier d’appui au Rapport des employeurs. • Les employées ne jouissent pas dans ce secteur de la liberté de circulation et de déplacement. Ainsi, elles ne sont autorisées à rendre visite ni aux amis, ni aux proches lorsqu’elles en ont, ni à nouer de relations avec leurs semblables hors du cadre de la famille qui les emploie, ni à voyager, sauf dans les cas urgents, par exemple, en cas de décès d’un proche dans le pays d’origine. Par ailleurs, leurs passeports sont souvent confisqués par leur garant et ne leur sont remis que le jour du voyage. • Certaines employées se plaignent dans ce secteur des préjudices physiques et psychologiques qui leurs sont causés par le maître ou la maîtresse de maison. Ces préjudices peuvent, parfois, provoquer des handicaps irréversibles ou le décès. La presse locale se fait l’écho de récits d’employées portant des traces de brûlures sur des parties du corps faites par les maîtres de maison. Cette situation a donné lieu à une contre–violence de la part de ces domestiques, pouvant prendre différentes formes comme de tuer l’employeur ou de se venger sur les enfants mineurs de la famille de l’employeur ou de détruire les biens et le mobilier de la famille. • Les agressions sexuelles. Les employées sont souvent victimes d’agressions sexuelles perpétrées par le maître de maison, qui est bien souvent d’un âge très avancé, par l’un des ses fils ou bien par l’un des jeunes hommes qui travaillent chez la même famille tel que le chauffeur, le cuisinier 139 Encadré 4-5 Des “ bonnes ” asiatiques sont agressées par leurs employeurs Un tribunal jordanien a condamné à cinq ans de prison un citoyen jordanien poursuivi pour avoir violé sa domestique siri-lankaise et tenté de la tuer (journal palestinien “ Al Ayam ”, 8 décembre 2005) “ Kosoma ” a été agressée physiquement La servante Kosoma a raconté le récit de sa vie dans l’un des Etats arabes en disant : “ Quand, après trois mois de travail, j’ai demandé à la maîtresse de maison de verser mon salaire, elle s’est acharnée sur moi, me rouant de coups de pieds et de bâton ”. Elle a ajouté : “ Parfois, elle tenait une pièce en métal porté à blanc et me brûlait le corps ou chauffait un couteau et l’appliquait à mon corps. ” Kosoma essaie toujours de comprendre pourquoi sa maîtresse la traitait avec une telle cruauté sans qu’elle ait fait quoi que ce soit pour mériter un tel traitement. Kosoma déclare que ses employeurs ne la supportaient plus, et ils lui avaient dit qu’ils allaient l’emmener au poste de police et qu’elle allait être arrêtée. Mais au lieu de cela, la maîtresse de maison l’a mise dans un avion en partance pour le Sri-Lanka, sachant qu’ainsi elle ne sera jamais inquiétée par la justice pour torture. Le fait que Kosoma soit âgée de 41 ans n’a pas servi à grand chose. Elle se rappelle les viols successifs commis sur elle par le fils de l’employeur âgé de 18 ans. Elle raconte : “ Quand j’ai essayé de lui résister, il m’a menacé de me tuer ”. Elle ajouta : “ Je m’en suis plainte auprès de sa mère, mais elle m’a répondu simplement : “ Je te donnerai des pilules contre la grossesse. ” Elle s’est ensuite mise à me frapper. ” Source : BBC, site Internet, mercredi 23 février 2005. In (Mouncif Al Marzouki, en rabe, Texte d’appui du Rapport. Source: BBC web site: 23 February 2005 (Marzouki, background paper for the Report). ou le fermier. L’agression sexuelle peut également être le fait d’autres d’individus et parfois l’un des voisins d’un travailleur dans les boutiques du quartier. Le traitement cruel, inhumain et dégradant à l’égard des employées domestiques, notamment lorsqu’elles sont d’origine étrangère, ne fait pas seulement honte aux sociétés qui se murent dans le silence à son sujet ; il est également révélateur d’un dysfonctionnement profond de leurs valeurs morales. Rétablir ces employées dans leur dignité pourrait ne pas se dissocier du rétablissement de tous les citoyens dans la leur dont certains, pour se consoler de l’injustice subie, violentent eux-mêmes plus faibles qu’eux. La violation des droits des travailleuses en provenance de la Thaïlande, du Sri–Lanka et d’autres pays asiatiques et africains est un phénomène désormais difficile à dissimuler ; il commence plutôt à prendre une dimension politique dans la mesure où il fait l’objet de pourparlers inter–Etats. Plus grave encore, c’est qu’en plus de son impact sur le bien être de femmes qui vivent parmi nous, ce phénomène reflète une crise des valeurs à l’intérieur des sociétés arabes qui se comportent à l’égard des femmes étrangères comme si elles étaient des êtres inférieurs, qui réuniraient même tous les éléments de l’infériorité, à savoir la triple qualité, de femme, de pauvre et d’étrangère étrangère11. Conclusion Ce chapitre clôt la partie consacrée au diagnostic de la situation des femmes dans le monde arabe. Il fait figure d’introduction à l’examen des différents aspects du contexte sociétal pouvant expliquer cette situation à l’heure actuelle. De cette analyse, il ressort que les femmes sont soumises à un niveau de déficit en terme de bien être humain qui se trouve en porte à faux avec le projet de la renaissance humaine dans le monde arabe. 11 L’une des évolutions positives à noter, à ce propos, consiste dans les réalisations accomplies dans le cadre du programme “Protection des droits des femmes immigrées travaillant en Jordanie”, mis en œuvre par Le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme, en collaboration avec le ministère du Travail jordanien, et qui a mis au point un contrat de travail unifié destiné aux travailleurs domestiques non–jordaniens. L’importance de ce contrat de travail réside dans ses articles qui stipulent une journée de repos par semaine, la protection sanitaire, une assurance vie, une prime de fin de contrat à l’employée. Le contrat est formellement exigé pour l’obtention du titre du séjour et de l’autorisation de travail. Il constitue également une base solide pour la protection des droits des travailleuses immigrées et implique le soutien du pays d’accueil, à travers son Ministère du Travail et ses services de sécurité, en plus du soutien des ambassades accréditées. 140 Rapport sur le développement humain arabe 2005 Chapitre v Les expEriences de promotion des femmes dans le monde arabe Introduction Les trois chapitres précédents ont présenté un diagnostic de la situation des femmes dans le monde arabe selon les axes du processus du développement humain suivants : l’acquisition des compétences humaines, leur utilisation et le niveau de bien-être humain. Ce diagnostic a abouti à la conclusion que la promotion des femmes dans le monde arabe est encore hors de portée, en dépit des avancées réalisées. Ce chapitre s’attellera à montrer comment les mouvements des femmes ont contribué, dans le monde arabe, à l’accomplissement de ces réalisations, et à pointer les défis auxquels ces mouvements devront faire face, étant entendu que ces mouvements sont l’un des leviers les plus importants de la promotion des femmes dans le monde arabe. Ce chapitre tentera donc d’analyser la réalité actuelle des mouvements des femmes en tant que mouvements sociaux oeuvrant pour le changement de la situation des femmes et pour l’amélioration de leur situation dans la société, et ce, en passant en revue les moments historiques les plus importants qui ont caractérisé leurs parcours dans les différents pays arabes. Il faut préciser que les mouvements des femmes que les sociétés arabes ont connus sont nés et ont évolué dans un environnement fait de privations et dans un cadre où s’entremêlent différents contextes socio-économiques - au niveau local, régional et international - qui ont déterminé leur parcours. Ce qui est contrariant, c’est que, à chaque fois que la question des femmes est évoquée, la discussion devient vive et les questions commencent à fuser : Le mouvement de libération des femmes dans le monde arabe doit-il être dissocié des revendications de la société et de ses besoins ? Est-il un mouvement contre les hommes ? Les groupes revendiquant les droits des femmes arabes sont-ils soumis des agendas qui leur sont propres et émanent-ils de la réalité de la société arabe ? Les féministes revendiquant les droits des femmes ne miment-ils pas des mouvements de libération des femmes en Occident ? Comment doit-on expliquer l’intérêt que l’Occident porte au statut des femmes en Orient ? Les mouvements de libération des femmes agissent-ils contre l’intérêt des familles arabes ? Existe-t-il même un programme tenu secret visant méthodiquement la destruction des familles arabes ? La revendication des droits des femmes, a-t-elle pour objectif d’affaiblir la religion ? Enfin, y a-t-il effectivement des mouvements de libération des femmes qui aspirent à provoquer un changement social à une large échelle ? (Elsadda, Document d’appui au Rapport). L’examen de ces problématiques conduit inéluctablement à répondre à plusieurs questions qui résument la situation des mouvements des femmes en particulier, et dont l’une des plus importantes a trait à l’examen des facteurs qui ont bloqué le changement du statut des femmes arabes et qui l’ont maintenu dans à un niveau très bas, et ce, malgré la multiplication des organisations de femmes. On commence même à constater des régressions par rapport à certaines dispositions législatives qui avaient été promulguées à en faveur des femmes. Une telle évolution appelle une explication. Cette régression signifie-t-elle que le monde arabe a conscience qu’il entre dans le troisième millénaire tout en traînant derrière lui des questions non résolues comme le droit des femmes à l’enseignement, au travail et à l’activité politique ? Il y a même des sociétés arabes qui continuent de débattre sur la question de savoir si les femmes ont le droit Les expériences de promotion des femmes dans le monde arabe 141 ou non au voyage sans autorisation des maris, et même à la conduite des automobiles ? L’étude de l’histoire du mouvement des femmes et de son évaluation fait ressortir un processus en trois étapes concomitantes et complémentaires. Ces étapes sont éminemment importantes pour comprendre la cause des femmes, qui est un mouvement pour la libération des femmes et pour qu’elles arrachent leur droit intégral et inaliénable à peser sur la marche de la société. La première étape est relative au choc de la colonisation et aux retombées, qui en ont découlé, sur la réalité des femmes, des familles et des foyers. La deuxième étape concerne la construction de l’Etat–nation de l’après indépendance aussi bien que les tensions au tours du concept de “ construction ”, sa nature et ses acteurs. Quant à la troisième étape, elle est liée à l’émergence d’une conscience féminine nouvelle qui tire sa force de l’entité féminine elle-même et du soutien qui lui est prodigué par le discours international sur la libération des femmes, sur leur autonomisation et leur intégration (Malki, Document d’appui au Rapport). De fait, ces trois étapes ont joué un rôle dans l’enracinement chez les femmes de la conscience de leur situation dans la société, d’une part, et dans la nature du discours réformiste, qui se développait en fonction des différentes et diverses préoccupations, d’autre part. Le facteur le plus influent dans l’histoire du mouvement des femmes, semble être sa participation à la lutte de libération menée contre la colonisation, et ce, avant son engagement dans la lutte de la libération des femmes dans leurs sociétés. C’est la raison pour laquelle l’histoire du mouvement des femmes dans les pays arabes est articulée ici en deux étapes : la première concerne la contribution du mouvement des femmes au processus de libération des pays arabes, la seconde concerne l’enracinement dans la conscience des femmes des questions féminines pendant la période de l’indépendance. Le mouvement des femmes et leur rôle dans le processus de libération Le mérite dans l’émergence du mouvement 142 des femmes revient aux femmes elles-mêmes, puisque cette émergence a été le résultat aussi bien de la conscience qu’elles avaient de leur place dans la société que de leur prise de conscience que l’infériorité de leur statut n’était pas le fait d’une “ fatalité sacrée ” qu’elles devaient accepter. Par ailleurs, il convient d’indiquer que cette émergence a coïncidé avec le mouvement réformiste dont les germes sont apparus dès la fin du dix-neuvième siècle. Ce qui a pu être mis en œuvre par ces femmes n’était ni simple à réaliser ni aisément acceptable dans des circonstances historiques où des visions contrastées se bousculaient. Il y avait, d’une part, la vision de ceux qui, totalement subjugués, prônaient l’ouverture sur la civilisation de l’autre, d’autre part, il y avait la vision de ceux qui rejetaient cette civilisation, revendiquant obstinément le retour au as-salaf as-sâlih (les pieux ancêtres). Au travers cette étape de l’histoire du mouvement des femmes, on peut relever un ensemble de constatations qui se résument comme suit : Ces mouvements avaient centré leur activité sur l’action caritative. C’est pourquoi elles ont émergé au sein des classes aisées des sociétés arabes. Leur étendard a été hissé par des femmes aristocrates ou appartenant aux familles dirigeantes Cela ne saurait nullement diminuer la valeur de l’action caritative en ellemême. Mais lorsque celle-ci constitue le seul objectif du mouvement des femmes, elle fait figure de sillage à l’intérieur duquel le discours qui prône la promotion des femmes peut être circonscrit. En fait, l’implication dans l’action caritative peut interpeller la société en entier et ne saurait en aucun cas être l’exclusivité des femmes au détriment des hommes (Al-Shatti et Rabw, 2001 :26). L’histoire du mouvement des femmes montre que l’Egypte comptait parmi les pays les plus importants à avoir vu apparaître un grand nombre d’associations de femmes. De fait, l’Egypte a connu la naissance de la première “ association des femmes scientifiques ” qui remonte à 1881, faisant de la conscientisation des femmes par rapport aux questions qui les touchent un de ses objectifs primordiaux. On peut également mentionner l’audace avec laquelle ces associations se sont illustrées en posant les questions qui sont liées à la mise RAPPORT ARABE SUR LE DEVELOPPEMENT HUMAIN 2005 en état d’infériorité des femmes, et dont l’une des plus cruciales concerne la nécessité de la révision des codes du statut personnel. C’est, in fine, dans la perspective de ce genre de finalités que des associations, telles que L’Association caritative Mohamed Ali (1908) et L’union féminine éducative (1910) ont été créées. En fait, les mouvements des femmes n’ont pu atteindre un certain degré de maturité que pendant les années quarante, période qui devait immortaliser la résistance des sociétés arabes touchées par la colonisation. Ainsi, les revendications se sont focalisées sur la nécessité de revoir la question de la polygamie et celle du droit des femmes à une scolarisation généralisée. Ce qui est surprenant, en fait, c’est la multiplication de ces associations qui sont présentes dans presque tous les pays arabes : on peut citer pour l’Egypte, Al-Hizb An-Nisâî al-Misrî (Le parti des femmes égyptiennes) (1942) et le Ittihâd bint An-Nil (L’Union de filles du Nil) (1948) ; pour la Tunisie : Ittihâd An-Nisâa At-tûnusiyât(L’Union des femmes tunisiennes) (1944) ; pour le Maroc : Ittihâd Nisâa al-Maghrib (L’Union des femmes du Maroc) (1944), Jamiat Akhawât As-Safa (L’Association des sœurs de la pureté) (1946), Jamiat An-Nisâ Al-Maghribiyât (L’Association des femmes marocaines) (1947) ; pour le Liban : Al-Majliss An-nisâï Al-Lubnanî (Le Conseil des femmes libanaises) (1943), Jamiat Al-Mara’a al-Lubnâniya (L’association de la femme libanaise) (1947). L’Irak a également vu naître en 1945 AlIttihâd An-Nisâï Al-Irâki (L’Union des femmes irakiennes), alors qu’au Soudan, sont fondées en 1945, Râbitat Al-Fatayât AtTaqâfiya (Le Syndicat culturel des filles), et Jamïat Al-Mar’a fi As-Soudân (L’Association des femmes au Soudan). La même année, a été crée, en Jordanie, Jamïat Al-Ittihâd An-Nisâï Al-Urdonî (La société de l’union des femmes jordaniennes) (ESCWA, 2006 a, sous presse). Les femmes, plus que les hommes, ont souffert d’une profonde déchirure du fait plusieurs facteurs. D’abord, le choc de la colonisation a poussé les femmes, dans Une femme brillante : Huda Sha’rawi (juin 1897- décembre 1947) Huda a fondé une association pour la protection des femmes en 1907. En 1908, elle a réussi à convaincre l’Université d’Egypte de réserver une salle de conférences pour les activités organisées par les femmes. L’activité de son mari, Ali al-Sha‘rawi, homme politique remarqué par son rôle joué dans la révolution de 1919, avait un impact énorme sur ses activités. Elle a participé à la direction des manifestations des femmes en 1919 et a créé la Commission de la délégation centrale des femmes dont elle a pris la direction. En 1921 et alors que les Egyptiens accueillaient Sa‘d Zaghlul qui retournait en Egypte, Huda Sha’rawi a appelé à élever l’âge légal du mariage à 16 ans pour les filles et à 18 ans pour les garçons. Elle a œuvré également à imposer des restrictions au droit des hommes à répudier les femmes. De même, elle a milité pour la scolarisation des femmes et soutenu leur action professionnelle et politique. Elle a aussi combattu la pratique de la polygamie et appelé les femmes à refuser le port du voile, qu’elle a elle-même enlevé. Elle a fondé Al-Ittihad An-Nisâï ALMisrî (L’Union féminine égyptienne) en 1923 qu’elle a dirigée jusqu’en 1947. Elle était également membre fondateur de Al-Ittihâd An-Nisâï Al-Arabî (L’Union des femmes arabes). Elle a créé la revue L’Egyptienne en 1925 et la revue AlMisriya (La femme égyptienne) en 1937. En 1938, Huda Sha’rawi a organisé pour les femmes un congrès pour la défense de la Palestine. Elle a également appelé, dans le cadre de la lutte pour la Palestine, les femmes à accomplir ce qu’il faut d’efforts en vue de rassembler équipements et vêtements et à se porter volontaires dans les services de soin et d’urgence. Parmi ses écrits : ‘Asr al-Harîm (“ Le Temps du harem ”), qui relate les souvenirs d’une femme égyptienne pendant la période 1880-1924. Cet ouvrage a été traduit en anglais par la journaliste britannique Margot Badran. Source : “ Sunshine for Women ” (2006). (Visite du site : avril 2006) http://www.pinn.net/-sunshine/whm2001/ huda2.html les Etats colonisés, dans des domaines qui étaient jusqu’alors du ressort unique des hommes. D’autre part, elles devaient faire face à un dilemme : choisir le combat pour l’indépendance ou opter pour le travail comme salariées dans les unités de production créées dans le contexte de l’expansion de l’occupant et la mise en place de ses colonies. La prise de conscience de la nécessité de scolariser les femmes et l’appel formulé par les mouvements des femmes à cette fin, bien que cette scolarisation ait été considérée comme réduite, étaient l’un des facteurs les plus importants ayant persuadé les femmes de l’importance de l’enseignement et de ses retombées directes sur la question des femmes et sur les possibilités de leur libération. Malgré le retard enregistré par le Maroc, en comparaison avec certains pays du Mashreq, dans l’appel à la libération des femmes et dans la création d’associations oeuvrant à leur soutien1, son élite n’est pas restée insensible aux 1 A titre indicatif, Mohamed Ali a fondé l’école des sages femmes et a crée des opportunités de formations aux jeunes filles dans le domaine de la filature, du textile, de la confection des chapeaux et des vêtements, dans l’objectif de fournir l’armée en tenues. Son petit–fils, Al-Khidioui Ismaïl a adopté la même démarche lorsqu’il a créé à son tour une école pour filles As-Sounniya, en 1873. D’autres écoles ont été ouvertes en Syrie, en Irak, au Liban et dans d’autres pays arabes. Les expériences de promotion des femmes dans le monde arabe 143 appels des penseurs de la Nahda concernant la scolarisation des jeunes filles et leur libération des anciennes traditions qui jugulaient leurs capacités d’émancipation2. Ainsi, durant les années quarante, a été créé au Maroc, par exemple, dans la ville de Tétouan, alors sous occupation espagnole Jamiat Akhawât Assafa. Le parti de l’Istiqlal a créé également en 1947 une des premières cellules de travail féminines. Au lendemain de la tragédie de la Palestine (1948), l’association Akhawât AsSafâ ont tenu leur deuxième congrès, où elles ont formulé un certain nombre de revendications, comme l’abrogation de la polygamie, sauf en cas de force majeure, l’organisation juridique de la séparation de corps entre le mari et l’épouse, et ce, pour préserver l’équilibre familial, enfin l’interdiction du mariage avant l’âge de seize ans (Daoud, 1993 : 248). En Egypte, à cette époque, le mouvement des femmes était plus conscient des questions des femmes et de la nécessité de les ordonner selon des priorités à définir. Ainsi, en 1948, Duriya Shafiq a créé l’association Les Filles du Nil et veilla, dans ces discours réformistes, à revendiquer l’égalité totale sur le plan des droits politiques entre les femmes et les hommes. Malgré les critiques et les qualifications élitistes que ce mouvement a dû affronter, elle avait fait preuve d’assez d’audace pour faire face aux dénégateurs de la promotion des femmes. La réussite de son action réside dans le fait qu’elle a situé le discours sur la libération des femmes dans le même contexte que celui du discours sur la libération du joug de la colonisation. De cela, il en découle que l’importance de la période coloniale qui a eu un fort impact sur le mouvement des femmes à travers la désarticulation de la structure des pays islamiques occupés. Les structures traditionnelles, économiques et sociales, ont été secouées comme l’ont l’été les systèmes culturels et de valeurs. Il devenait donc nécessaire d’investir le sentiment national et de provoquer un état général de conscience en vue de faire de la lutte nationale la priorité des priorités. La conséquence en a été que le développement social, y compris la promotion des femmes, a été relégué au second plan et est 2 144 resté tributaire de l’aboutissement de la lutte nationale. Les années 1940 et 1950 ont été très riches en travail d’élaboration du discours au féminin. Les partis politiques ont ainsi procédé à la constitution d’associations des femmes qu’ils ont placées sous leur égide. On constate également l’implication des hommes en tant que membres actifs dans le mouvement des femmes. Mais en même temps, on se doit de pointer leur désir de monopoliser le discours sur les femmes dans le but justement de les contrôler, de s’assurer de la fidélité de l’action qui en constitue le prolongement et à en s’ériger porte-parole. Ce fut là sans doute la première dérive du mouvement des femmes, dérive qui a consisté à conférer à la dimension “ existentielle ” des revendications féminines une coloration politique. Ainsi, dès la fin de la seconde guère mondiale, sont apparues, dans les pays de l’orient et de l’occident arabes, des associations de femmes à caractère particulier, certaines sont nées dans le giron des partis communistes, comme L’Union des femmes tunisiennes (1944), L’Union des femmes du Maroc (1944), L’Union des femmes d’Algérie (1945), ou encore, L’Association de la femme libanaise soutenue par le parti communiste libanais (1947). D’autres, en revanche, ont émergé dans le giron des partis conservateurs, comme l’Association des Sœurs de la Pureté (1946) soutenue au Maroc par le parti Ach-Chourâ, l’Association de la sœur musulmane(1951), soutenue en Irak par le parti conservateur de l’époque. D’autres encore ont vu le jour sous l’égide des partis socialistes, comme l’Union des femmes tunisiennes(1955) soutenue par le parti socialiste tunisien. En réalité, la conscience politique était prégnante, que ce soit chez les hommes ou chez les femmes. C’est la raison pour laquelle on peut presque dire que les mouvements des femmes ont failli oublier, dans ces circonstances difficiles, les objectifs en vertu desquelles ils ont été créés ; ce qui n’a pas manqué d’en affecter le fonctionnement partout dans le monde arabe. En fait, les femmes de toutes les classes sociales se sont imprégnées de cette On pense principalement aux écrits de Al-Hajoui, ministre des Affaires culturelles à l’époque, voir son ouvrage L’Apprentissage des filles. RAPPORT ARABE SUR LE DEVELOPPEMENT HUMAIN 2005 conscience politique. Cet état de fait s’est reflété dans les discours des mouvements des femmes qui ont cru que l’issue des questions des femmes était tributaire de la libération nationale, peut-être même, constituait-elle un résultat naturel de cette libération : était-il alors possible d’envisager le contraire, dès lors que les femmes s’étaient engagées dans le combat pour la libération à côté des hommes, faisant ainsi déjà l’expérience de l’égalité ? L’enracinement chez les femmes de la conscience des questions qui leur sont spécifiques pendant l’indépendance Aborder le sujet de la promotion des femmes dans cette période de l’histoire des Etats arabes, c’est encourir sérieusement le risque de heurter les sensibilités, car il s’agit d’un sujet qui reste déterminé par un ensemble de faits historiques qu’il incombe à l’analyste d’évaluer à l’aune de ces considérations, dont un fait qui est des plus importants, à savoir que les Etats arabes ont recouvré leur souveraineté à des périodes différentes. A cela, il faut ajouter que la nature des régimes était de deux types : monarchie constitutionnelle ou nationaliste populaire. Ces deux types ont influencé l’élaboration de la vision sur le statut des femmes et sur la marge de changement permise. Cependant, la différence dans les types de régime n’a pas évacué la volonté sincère de faire évoluer la situation des femmes, même si cette résolution était conditionnée par un ensemble de facteurs : les gouvernements ont œuvré à faire fusionner beaucoup d’associations de femmes et ont tenu à leur appliquer la désignation d’Unions. Ainsi, le régime en Tunisie a-t-il procédé à la dissolution, par exemple, des deux organisations suivantes : l’Union des femmes musulmanes et l’Union des femmes tunisiennes. Il a également octroyé aux femmes adhérentes au Parti Destour la responsabilité de la formation de l’Union tunisienne des femmes Al-Ittihâd An-Nisâï At-Tounoussi. Depuis, l’action des femmes a été organisée sous la houlette de l’autorité au pouvoir, qui agissait selon ses ordres et en parfaite intelligence qu’il s’agisse des choix politiques à suivre et des revendications prioritaires à définir. Ce sur quoi il faut attirer l’attention, c’est que ces réformes ont eu lieu dans un contexte d’optimisme généralisé où régnait la confiance dans la capacité incontestable de réaliser les objectifs que les mouvements des femmes se sont fixés et qui, de surcroît, constituent leur raison d’être. On pensait que toutes les difficultés allaient être aplanies par les régimes en place, auxquels revient le mérite d’avoir réussi l’indépendance. Par conséquent, pourquoi donc n’amèneraient-ils pas également la liberté aux femmes, dès lors qu’elles ont contribué à l’avènement de cette indépendance. Le mouvement des femmes est passé dans cette époque par un ensemble de changements, suite aux transformations sociales, et particulièrement celles qui ont affecté les femmes dans les pays arabes. On peut citer, par exemple, l’extension de la scolarisation des jeunes filles, l’accès des femmes à des professions bénéficiant socialement d’un statut respectable (médecins, universitaires, ingénieurs, avocates…) Certaines ont même occupé des postes de direction dans les partis politiques et les gouvernements. La prise de conscience de la situation qu’elles vivent s’est trouvée ainsi ancrée dans la société. La sensibilité à leurs questions a largement gagné la société, sans parler des organisations internationales spécialisées en matière de questions féminines qui ont commencé à influencer les mouvements sociaux internes. Ces facteurs ont joué un rôle principal dans la sensibilisation des mouvements des femmes aux questions féminines d’une part, et dans la prise de conscience qu’elles doivent prendre en charge elles-mêmes la défense de leur cause (Guessouss, Document d’appui au Rapport). Cependant, ces mouvements ont eu à affronter un ensemble de difficultés qui ont entravé la marche du mouvement des femmes dans la bonne direction et l’ont forcé à mener son combat sur plusieurs fronts, qui peuvent être ramenés essentiellement à trois : le front politique, le front social et le front revendicatif. Le front politique Comme indiqué auparavant, les gouvernements ont œuvré à faire fusionner les associations féminines et à leur donner la désignation d’union. Il importe d’indiquer à ce propos que les Etats arabes se partagent la responsabilité d’avoir cantonné l’action féminine dans un espace contrôlé et orienté par l’autorité masculine. Ainsi, les femmes qui désiraient participer à la vie publique se devaient de le faire dans le cadre des organisations officielles des femmes, soumises au régime. Leur discours était donc calqué sur celui des hommes du Les expériences de promotion des femmes dans le monde arabe 145 pouvoir et se devaient d’observer ainsi le silence par rapport aux problèmes qu’elles affrontaient. Il convient d’indiquer que cette vision de la question féminine était liée à des faits sociaux dont les plus importants sont : • L’extension de l’analphabétisme dans la plupart des pays arabes, en particulier l’analphabétisme des femmes. C’est ce qui a donné à la question de la scolarisation une importance de premier ordre dans les programmes de tous les mouvements sociaux (partis, syndicats, associations civiles et associations féminines). • La prépondérance des conceptions traditionnelles quant au rôle des femmes et à leur fonction sociale. La limitation de ce rôle dans ce qu’on appelle aujourd’hui le rôle positif, c’est-à-dire sa fonction en tant que mère, éducatrice et gestionnaire de maison. • La prédominance de la conviction que le travail des femmes répond à un besoin matériel provisoire, généré par des circonstances passagères et n’est pas considéré comme prouvant son existence. Telles furent les fondements du discours des partis politiques au pouvoir qui ont remplacé d’anciennes formes par de nouvelles, au point que certains chercheurs n’ont pas hésité à parler de féminisation du discours du pouvoir. Ainsi, le projet moderniste a-t-il pris en charge, dans tous les pays arabes désireux de réforme, la mission d’adapter les citoyens à une conception sociale déterminée. C’est pourquoi la politisation du statut de la mère dans le discours nationaliste a été mise en avant pour les femmes. Mais en même temps la reconnaissance de leur statut en tant qu’individus n’a pas été établie. Les mouvements des femmes qui se sont impliqués dans l’action des associations caritatives ont connu le même sort par ailleurs. Malgré le travail important de ces associations, qui a consisté à installer des femmes dans le domaine public, particulièrement les femmes appartenant aux classes moyennes, l’action caritative a consacré la perception dominante selon laquelle la femme est considérée comme mère, source de générosité, d’affection et de protection. Ce qui signifie du coup que le rôle des femmes assumé en famille s’est vu élargir et 146 s’étendre à la société. C’est pourquoi l’action caritative a fait office d’instrument de liaison, accepté socialement en tant que tel, entre le domaine privé et le domaine public, sans que cela menace la structure sociale dominante, fondée sur une hiérarchie établie entre sexe masculin et sexe féminin (Guessouss, Document d’appui au Rapport). Le front social Le phénomène le plus manifeste est la pléthore d’associations civiles publiques, en particulier d’associations féminines. Toutes sont fondées sur le principe de la défense des femmes et du redoublement d’efforts pour monopoliser le discours sur la promotion des femmes. Ce phénomène a coïncidé durant les trois dernières décennies avec un autre phénomène, celui de la dominance des mouvements islamistes d’une part et de l’extension de l’appel au retour aux pieux ancêtres, d’autre part. Ce discours activiste a vu le jour dans un environnement favorable, attendu qu’il s’est développé à l’ombre de traditions et de coutumes auxquelles les sociétés musulmanes recouraient continuellement en cas d’arbitrage et dans lesquelles elles ne percevaient aucune séparation entre le sacré et le culturel. C’est donc contre ces coutumes que les mouvements des femmes ont été fondés. La majorité des souches sociales ont adhéré aisément à ces mouvements islamistes parce qu’ils ne revendiquèrent pas le changement de son statut social. Ces mouvements ont été aidés en cela par l’extension terrible de l’analphabétisme dans les milieux des femmes ; ce qui a rendu la communication difficile. Le discours de ces mouvements vise à faire porter aux femmes la responsabilité des difficultés des sociétés. L’argument invoqué à cette fin est que l’égalité dans la vie publique contribue à réduire les opportunités d’accès des hommes au marché du travail, alors qu’ils ont la responsabilité de la famille dont la subsistance dépend de leur travail. La véritable place des femmes selon ce discours est qu’elles soient au foyer pour prendre soin de leurs maris, assurer la reproduction, veiller à l’éducation des enfants, et par conséquent à se départir de leurs ambitions de participation RAPPORT ARABE SUR LE DEVELOPPEMENT HUMAIN 2005 à la vie publique considérées non réalistes. On doit indiquer qu’il existe dans la forme du discours une différence entre les courants salafistes et l’école des Frères musulmans quant aux positions adoptées à l’égard des femmes : La position des mouvements salafistes a toujours été claire, à savoir, que la place d’une femme est d’être à la maison et que son rôle est de s’occuper de la famille. Ainsi les conceptions du courant Salafiste, dans leur ensemble s’opposaient à l’efficacité et à l’activisme féminin dans la société civile. Ce courant adopte une vision de principe de la division du travail social qui cantonne les femmes aux rôles de la reproduction, de la maternité et de l’éducation des enfants, et qui met en garde contre la mixité. Le maximum que l’on peut attendre des salafistes c’est qu’ils consentent, en matière d’activité sociale des femmes, d’accepter qu’elles assurent une activité indépendante dans les domaines de l’activité civile caritative. le mouvement des Frères musulmans adopte une position de principe favorable à l’obtention de leurs droits politiques par femmes y compris la participation aux élections, sans pour autant procéder au traitement des réformes afférentes au domaine du statut personnel, comme la polygamie, le droit des femmes à être responsables juridiquement d’elles-mêmes et de leurs enfants et le droit au divorce. Les associations féminines, en plein combat, n’ont pas pris conscience de la portée du danger du courant salafiste qui a fait de la condamnation de la promotion des femmes une des priorités de son discours. En réalité, ce discours n’a pas surpris les composantes de la société, et il semble qu’il se soit appuyé sur les retombées des crises économiques vécues par les pays arabes. Ainsi, les femmes se sont-elles retrouvées à nouveau dans la situation du “ bouc émissaire ” : elles doivent céder sur leurs revendications comme ce fut le cas dans la période de la résistance à la colonisation. Cette situation a empiré lorsque les courants conservateurs se sont renforcés sur la scène politique arabe alors que les courants nationalistes, panarabes, libéraux et socialistes se sont trouvés affaiblis dans leur majorité. A partir de la première Conférence mondiale sur les femmes qui a eu lieu en 1975 au Mexique, et sous l’effet des mécanismes internationaux visant la promotion des femmes, des signes nouveaux du féminisme étatique ont commencé à voir le jour. Les Etats se sont alors engagés à développer leurs législations conformément aux conventions internationales sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. La sincérité de leur résolution s’est traduite par la revivification de centres, d’institutions et d’organisations s’occupant des affaires des femmes. Dans ce contexte on a assisté à l’apparition d’un nouveau phénomène consistant en l’adoption par les épouses de chefs d’Etats de la cause de la promotion des femmes. On peut évoquer, à titre d’exemple, le cas de Jihane Sadate qui s’est considérée comme l’incarnation de la femme égyptienne et sa porte voix. Elle a pu, à partir de sa position et par des décisions venues d’en haut, réaliser des acquis pour les femmes égyptiennes, sans impliquer les organisations féminines. En contrepartie de ces acquisitions offertes d’en haut, les Etats ont dressé des obstacles pour entraver l’action de tous les mouvements féminins populaires indépendants et capables de protéger leurs acquis ; c’est pourquoi il a été facile, par la suite, de revenir sur ces acquis, comme en Irak et en Egypte. Un certain nombre de régimes arabes ont considéré que les groupes islamistes constituaient un instrument pouvant être utilisé pour affaiblir les forces ouvrières et de gauche. C’est ce qui a conduit au développement du mouvement de la revivification islamique (ihya’ia) qui a étendu son intérêt à tous les aspects de la vie publique et privée et dont le discours a attiré de larges franges de la jeunesse, particulièrement les jeunes femmes. Il a été possible, alors, à ce courant, au Soudan, par exemple, de fonder le code du statut personnel sur des concepts qui consacrent la ségrégation entre les femmes et les hommes, mais enveloppés dans un référentiel religieux. Il a failli réussir en Algérie. De même, il s’est enraciné dans l’affect des classes sociales moyennes et pauvres dans tous les Etats comme en Tunisie, au Liban, au Maroc et dans Etats du Golfe. La situation s’est aggravé en Egypte où des organisations islamistes ont construit des écoles, des hôpitaux et des banques également. Les expériences de promotion des femmes dans le monde arabe 147 On a alors commencé à apercevoir le début d’un retour à une vision de la construction de dâr al-islâm (Espace de l’Islam), vision qui interpelle la structure des sociétés islamiques qui se trouve tapie dans les interstices des codes de la jurisprudence islamique. Les milieux sociaux possédant une culture traditionnelle se sont fait l’écho de ce discours, milieux déçus par les projets qui tardent à se réaliser, désespérés de pouvoir changer l’existant, n’ayant plus aucun recours que l’isolement et l’espoir d’une grâce pour un pêché commis à l’encontre de “ cette oumma ”. Les associations féminines, telles que La femme nouvelle, en Egypte, et L’Association des femmes démocrates, en Tunisie, ont appelé à la nécessité de limiter l’islam dans le cadre de la foi individuelle et des valeurs spirituelles. Encadré 5-1 Elles ont refusé avec énergie l’idée défendue par les islamistes stipulant que la laïcité est un fait exceptionnel lié à l’expérience européenne. Certaines associations, au Maroc, en Palestine, en Jordanie et dans les Etats du Golfe, ont été contraintes de changer de position et de demander l’ouverture de la porte de l’ijtihad au sujet des questions liées aux femmes et l’adoption d’une méthode éclairée dans la lecture des versets fondamentaux en vue de fonder un discours rénové qui s’alimente du patrimoine islamique. Le front revendicatif Les fronts politique et social ont eu une influence directe sur le genre de revendications défendues par le mouvement féminin ; Les droits des femmes, entre constitution et lutte politique En Egypte, trois initiatives pour amender le code du statut personnel en faveur des femmes ont été prises dans les années soixante-dix. L’Etat a adopté quelques dispositions qui procurent aux femmes une certaine protection et une certaine stabilité. La loi 44 de l’année 1977 a été ensuite promulguée ; elle rend obligatoire la déclaration par l’époux du nom de l’épouse ou des épouses qui sont sous sa tutelle avant de contracter un nouveau mariage, et oblige le notaire à procéder à la déclaration de la première épouse ou des épouses dans un écrit certifié par lui. Cette loi a également donné droit de divorce à la première épouse en cas de préjudice vécu, sans qu’elle soit tenue de prouver ce préjudice en cas de polygamie, mais à condition qu’elle fasse la demande de divorce pendant l’année où elle a été informée du deuxième mariage de l’époux. De plus, la loi donne à l’épouse le droit de résider dans la maison du mari en toute autonomie et ce, tant que les enfants sont mineurs, sauf si son divorçant lui procure une autre maison alternative. En 1985, l’un de tribunaux par thèmes a prononcé l’inconstitutionnalité de cette loi et s’est référé à la Haute Cour constitutionnelle qui a prononcé son annulation en mai 1985, pour vice de forme entachant les dispositions de sa promulgation, sans se prononcer pourtant sur le contenu de la loi. En effet, cette loi a été promulguée sur décision républicaine pendant la période de congé du parlement et sans qu’elle lui ait été présentée en vue de son adoption, conformément à la Constitution. Cette loi n’avait pas non plus un caractère exceptionnel justifiant l’utilisation par le Président de la République de ses prérogatives exceptionnelles. Cette loi a été associée également au nom de l’épouse du Président, Madame Jihane Sadate, ce qui a provoqué une polémique à laquelle ont été mêlées d’autres prises de positions opposées au régime en place. En somme, cette loi a particulièrement souffert du fait de l’avoir arrimée à l’activité féminine de l’Etat. Lorsque l’information relative à une éventuelle décision corroborant la non constitutionnalité de la loi 1979 a été connue, plusieurs groupes divers de femmes activistes dans le domaine de la défense des droits des femmes se sont élevés contre une telle décision et ont organisé une grande campagne pour s’opposer à l’annulation de la loi 44 et pour le maintien des acquis qu’elle représente. Les femmes ont constitué une commission de “ défense de la famille et de la femme ” qui a tenu ses premières réunions au sein de l’Association créée par Huda Sha’raoui, laquelle association a été choisie pour ce qu’elle symbolise comme valeurs historiques et morales. La commission a tenté d’organisation des mouvements de protestation du plus grand nombre de femmes. L’annonce des rassemblements a été publiée dans les journaux et les membres de la commission ont rédigé des articles sur cette question dans des journaux et des revues. Mais ladite commission a du faire face à une campagne impitoyable des courants conservateurs de la société, qui n’ont pas hésité à tenir des propos blessants à l’égard des femmes membres qui ont du essuyer toutes sortes de vexations. La commission ne pouvait pas se procurer facilement un lieu public pour la tenue des réunions qu’elle organisait, parfois, dans les domiciles de membres de la commission qui ont accompli des efforts épuisants pour assurer la coordination et l’action commune. La commission a cependant réussi à porter la cause des droits des femmes devant l’opinion publique. Elle a présenté au gouvernement des propositions et des revendications qui défendent les acquis des femmes. La commission a su tirer profit, dans la défense de sa cause, des circonstances internationales et de l’approche de la Conférence mondiale sur les femmes qui devait se tenir à Nairobi en 1985. Ce qui a aidé à accélérer la présentation d’une autre loi devant le Conseil du peuple en remplacement de la loi annulée. La loi 100 de l’année 1985 qui a été alors promulguée comportait des articles similaires à ceux de la loi 1979. Cependant, la Loi 1985 est venue faire des concessions en vue d’apaiser le courant conservateur de l’Etat. L’une des plus importantes concessions et l’annulation du droit des femmes à divorcer sans avoir à prouver le préjudice motivant le divorce, et ce, en cas où l’époux prend une autre épouse. La loi stipule donc la nécessité d’apporter la preuve du préjudice physique ou moral qui atteste de l’impossibilité du compagnonnage conjugal. Source : Huda As-Sadda, Document d’appui au Rapport 148 RAPPORT ARABE SUR LE DEVELOPPEMENT HUMAIN 2005 revendications qui sont l’expression de préoccupations liées étroitement à la réalité sociale ainsi qu’aux priorités de l’heure définies par le mouvement. C’est la raison pour laquelle il était nécessaire d’adopter des méthodes qui puissent s’adapter avec les situations déjà citées. La seconde moitié des années soixante-dix a connu les prémices des premières actions dans le sens de la création d’organisations féminines indépendantes des organismes politiques officiels. En Tunisie, a été créé un forum féminin, connu sous le nom du Club Tahar-Haddad, en 1978. C’est un groupe d’étudiantes d’orientation de gauche, qui a pris l’initiative de le revivifier, en réaction à l’unicité du regard sur les questions des femmes et au monopole de l’Etat de ces questions et de leur utilisation dans son discours politique. Il a aussi été constitué réaction à un discours salafiste répandu, qui prônait la confiscation de la liberté octroyée aux femmes et de leurs acquis. Les débats se sont focalisés sur l’incapacité du code du statut personnel à contribuer à la réalisation de l’égalité et sur les lacunes caractérisant ses articles, et ce, malgré sa dimension avant-gardiste en comparaison avec la situation des législations sur la famille dans beaucoup de pays arabes. Les débats ont également porté sur les formes de violence visant les femmes et leurs retombées sur sa position dans la société. Le mouvement des femmes a réalisé, dans les années quatre-vingt un saut qualitatif vers la création d’associations et leur maintien dans la durée. Ainsi, au Maroc, en plus des associations officielles comme l’Union nationale des femmes marocaines créée en 1969, et les associations à caractère institutionnel, qui existent en un grand nombre depuis d’Indépendance, d’autres associations à orientation politique, liées aux partis politiques, mais qui ont œuvré en même temps à inscrire leur cause en tant que priorité stratégique dans leurs programmes, ont vu le jour. L’Association démocratique des femmes du Maroc, dépendant du Parti du Progrès et du Socialisme, a été créée en 1985, suivie, en Des femmes brillantes : Un groupe de femmes. Une rencontre : Femmes et mémoire, Le Caire. Le groupe de chercheuses participant à la rencontre sur les femmes et la mémoire s’intéresse à la lecture de l’histoire arabe d’un point de vue qui prend en considération la représentation culturelle et sociale du sexe. Cette rencontre comprend des chercheuses de divers horizons, appartenant également à des institutions différentes. Leurs méthodologies, leurs visions, ainsi que leurs objectifs scientifiques sont multiples. D. Houdâ As-Sadda (professeur de littérature anglaise à l’Université du Caire), l’une des chercheuses de renommée participant à ce rassemblement, se pose la question suivante : Pourquoi ce rassemblement ? Pour nous présenter ensuite une réponse importante, suggestive et significative eu égard à ce contexte, qui dit : “ Nous essayons de nous efforcer pour que le style soit commun, étant donné que l’action commune fait généralement défaut dans notre l’environnement culturel. Nous sommes même envahies par le désir réel et pressant de vaincre l’isolement imposé à beaucoup de femmes qui s’intéressent à la recherche scientifique, afin d’assurer la communication entre nous et de réaliser la cohabitation dans un environnement positif où peuvent se développer la participation effective et l’échange des expériences à plusieurs niveaux. Ce groupe de chercheuses réunies lors de cette rencontre, vise des objectifs politiques en premier lieu, et non seulement des objectifs académiques et intellectuels, qui n’auraient d’autres finalités que la recherche du savoir en lui-même. Etant donné que cette pratique politique du savoir peut être considérée comme une prise de position par rapport à la vie, comme un intérêt porté à la contribution positive à la réalité culturelle et sociale, en vue de provoquer un changement ou un progrès vers une vie culturelle et sociale plus équitable et plus équilibrée pour nous individus de la société. Dans ce sens, le groupe de chercheuses de cette rencontre centre son intérêt sur la lecture de l’histoire arabe du point de vue du genre (gender), en partant du fait que les femmes constituent une partie importante de la société, qu’elles ont joué un rôle crucial dans la construction et la représentation de l’histoire arabe, qu’elles ont été mises à l’écart de l’histoire officielle écrite, pour des raisons nombreuses et diverses, à la faveur de la dominance d’un système de conceptions et de valeurs masculines de différents niveaux et dont les manifestations sont diverses. Le groupe considère que la marginalisation des femmes, la réduction de l’étendue et de la teneur de leur participation ont conduit à la déformation de l’histoire et de la mémoire collective qui a une grande particulière et importance dans la formation de l’identité et dans la détermination des éléments d’appartenance et de mise en relation des membres d’une même société. C’est ce qui donne à la dimension historique une importance particulière. Les actes de la rencontre “ La femme et la mémoire ” se sont diversifiées sous forme de colloques et congrès, en plus des publications d’ouvrages et d’écrits élaborés à cet effet. A titre d’illustration, la rencontre a publié un travail de recherche important, intitulé Zaman an-nisâa wa ‘adh-dhâkirat al-badîlat “ Le temps des femmes et la mémoire alternative ”, en 1996. Il s’agit des actes importants de la conférence tenue par le groupe intitulé : La lecture de l’histoire du point de vue des femmes : le temps des femmes et la mémoire alternative. Ont participé à ce congrès des chercheuses de Palestine, du Liban, du Maroc, des égyptiennes résidant aux EtatsUnis, et autres chercheurs s’intéressant au sujet. Les perspectives de recherche ont été nombreuses, manifestant richesse et vivacité dans les approches. Source : Hala Fouad, Document d’appui au Rapport. Les expériences de promotion des femmes dans le monde arabe 149 1987, par celle de L’Union du travail féminin, allié à l’Organisation du l’Action Démocratique Populaire, puis par l’Organisation de la Femme istiqlalienne, dépendant du Parti de l’Istiqlal, en 1988. D’autres organisations ont ensuite vu le jour comme la Ligue Démocratique pour les Droits de la Femme, alliée au Parti de l’Avantgarde, le Forum des Femmes Démocratiques, affilié au Parti de l’Union Socialistes des Forces Populaires. Les années quatre-vingt représentent également une période déterminante dans la mutation des mouvements des femmes, particulièrement dans les pays du Maghreb. Ces mouvements se sont distingués par leur autonomie, voie qui s’est avérée bien difficile et épineuse, au regard des restrictions et des tentatives d’étouffement entreprises par les régimes en place. De fait, un ensemble d’organismes académiques a pris l’initiative de créer l’Association des femmes tunisiennes pour la recherche sur le développement, en 1987. Son objectif s’est limité au soutien et à l’encouragement des recherches féminines. En 1989, l’Association des Femmes Démocratiques a été créée avec pour credo l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Cette dénomination se voulait l’expression du désir d’insister sur son autonomie, de sa neutralité, de son refus de se soumettre au parti au pouvoir, de sa lutte contre le discours islamiste, en même temps que de sa combativité. Elle s’est également constituée sur la base d’une volonté franche d’en appeler à la consolidation du discours laïque et à la séparation de la religion et l’Etat. Cette association a considéré que la citoyenneté de la femme restera incomplète tant que cette vision réformiste n’a pas été mise en oeuvre et tant que toutes les réserves des Etats arabes relatives la Convention de Copenhague ne sont pas dissipées. Ce n’est pas un hasard si les désignations des associations féminines nouvelles comportent des mots tels que “ démocratique ”, “ progressiste ” et “ droits ”. En Algérie, des femmes appartenant à des partis de gauches ont fondé des associations féminines indépendantes3 dont on peut évoquer L’Association pour l’égalité au regard de la loi entre les hommes et les femmes, L’Association pour l’égalité et la citoyenneté, L’Association pour la promotion et la Défense des droits des femmes. En se constituant ces associations avaient conscience de l’étroitesse de leur marge de manœuvre pour pouvoir poser leurs problèmes et défendre leur cause, espace d’autant plus exigu lorsqu’on prend en considération les différentes formes de pression auxquelles elles doivent faire face. Il y a les pressions exercées par le parti au pouvoir qui les considéraient comme des mouvements bâtards, à l’instar des partis d’opposition. Une désaffection dangereuse leur fut alors opposée de la part de la société puisqu’on considérait que leur création ne visait pas tant à avertir sur la détérioration des situations des femmes qu’à manifester une prise de position contre le régime. Il faut noter qu’elles n’avaient pas hésité à sympathiser avec les partis d’opposition à orientation progressiste, en particulier avec les organisations des droits de l’homme. Cette nouvelle génération d’associations se distingue par une approche qualitative du sujet des femmes et de la question féminine. Bien qu’elles soient affiliées aux partis démocratiques, elles n’ont pas hésité à souligner que la question des femmes ne doit plus figurer, comme jadis, comme une question secondaire dans les agendas et programmes des partis, mais, au contraire, elle doit dorénavant être traitée comme une question centrale au même titre que les questions ayant trait à la démocratie, au développement et aux droits de l’homme. Ce sont là autant de conclusions qu’il est aisé de tirer de leurs documents fondateurs et organisationnels, des décisions arrêtées lors de leurs congrès et des interstices des écrits de leurs organes de presse. Le poids des facteurs internationaux n’est pas de moindre importance dans le processus de formation et d’émergence de cette prise de conscience. L’Equipe du Rapport est encline à penser que Il y a trouvé une force d’entraînement 3 Ces associations ne pouvaient en réalité voir le jour sans le concours de circonstances qui ont favorisé leur création, dont la promulgation d’une loi portant organisation des associations en 1989. 150 RAPPORT ARABE SUR LE DEVELOPPEMENT HUMAIN 2005 Des femmes brillantes : Groupement des chercheuses libanaises L’activité de ce groupe diversifié, interdisciplinaire et contrasté se concentre sur les situations des femmes dans les sociétés arabes modernes. Les chercheuses de ce groupe publient périodiquement un ouvrage spécialisé, dont les thèmes les plus en vue sont : femmes et pouvoirs, femmes et écriture, recherche scientifique et chercheurs en sciences humaines dans le monde arabe, la place des femmes en politique au Liban et dans le monde arabe, les moyens d’information et de communication dans les sociétés arabes, les universités dans le monde arabe. Les titres montrent la nature des espaces investis parce groupe et qu’il essaie d’analyser et dont il tente de découvrir les articulations implicites et explicites. On constate que la présence masculine dans ce groupe de chercheuses est plus grande que parmi celui de Rencontre : femmes et la mémoire, par exemple. Cela est dû peut-être à la nature périodique de la publication caractérisée par la diversité des auteurs et des contributeurs. Ces chercheuses ont organisé, en association avec “ Rencontre : femmes et mémoire ” et le Centre des Etudes Arabes et du Moyen Orient, à Beyrouth, une conférence sur le thème : “ Les Femmes arabes dans les années vingt : présence et identité ” en 2001. Ce fut une conférence importante et réussie. Source : Hala Fouad, Document d’appui au Rapport. importante qui l’a aidé à reformuler ses demandes et à s’attacher à la lutte pour les satisfaire. Cela s’est manifesté dans la volonté d’adapter les lois et les législations nationales avec les sources de ces associations ou à travers l’emprunt des moyens de soutien et d’aide grâce à la mise en réseau4 de l’architecture organisationnelle des mouvements des femmes dans les pays arabes avec leurs homologues dans le monde. Si les organisations féminines à orientation politique sont apparues dans la deuxième moitié des années quatre-vingts, comme montré précédemment, Cette nouvelle conscience a été renforcée par l’apport des conférences internationales, principalement celles dans l’organisation desquelles les agences des Nations Unies ont joué un rôle de premier plan. Au compte de ces rassemblements, il faut citer la conférence du Sommet de la terre tenue à Rio en 1992, la Conférence mondiale sur les Droits de l’homme, à Vienne en 1993, la Conférence internationale sur la population et le développement au Caire en 1994, le Sommet mondial pour le développement social à Copenhague en 1995, la Conférence mondiale sur les femmes de Pékin en 1995. Le dénominateur commun de ces conférence est le principe fondateur selon lequel il existe une correlation entre la démocratie, le développement, les droits de l’homme et la paix, et qu’il ne peut y avoir ni démocratie, ni développement sans la participation effective des femmes (I’Mhamed Maliki, Document d’appui au Rapport). 4 5 Tel a été le front revendicatif que les associations féminines créées dans les années quatre-vingts ont ouvert et dont elles ont assumé la responsabilité. Ces revendications visent, toutes, à déstructurer la vision traditionnelle qui continue de peser sur la question des femmes. C’est pourquoi les codes des statuts personnels figuraient parmi les revendications prioritaires, suivis de l’adoption de législations garantissant l’égalité des femmes et des hommes dans la vie politique et économique, tout en agissant pour amener les gouvernements arabes à appliquer les conventions internationales qu’ils ont ratifiées, en particulier, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Les années 90 sont considérées comme des années difficiles pour la société arabe, chargées de contradictions, de difficultés et de déceptions successives et amères. Le Rapport considère qu’une telle situation complexe de la société arabe dépasse le mouvement des femmes ainsi que ses capacités et ressources, ce qui souligne à quel point le combat pour l’émancipation des femmes, dans toutes ses dimensions, reste le combat que doivent mener toutes les sociétés arabes.5 La conséquence en a été la multiplication des associations actives et autorisées, dont le nombre a atteint en 2000, pour les seuls Liban et Egypte entre 200 et 250 associations indépendantes (Ben Nafisa, 2000), pour atteindre en 2003-2004, le chiffre de 22.500 pour tout le monde arabe, (UNIFEM, 2004). Networking. Troisième Rapport arabe sur le développement humain, année 2004. Les expériences de promotion des femmes dans le monde arabe 151 Le phénomène diffère cependant d’un pays à l’autre ; en tout cas, il illustre, sans aucun doute, une explosion apparente de l’activité associative, donnant l’illusion que les sociétés arabes bougent et qu’elles avancent pour surmonter leurs situations. Mais, jusqu’à quel point le rôle de ces associations a-il été utile ? Et comment doit-on expliquer le paradoxe entre la pléthore de ces associations et l’absence des femmes au niveau des conseils d’administration et des centres de décisions si leur taux est de 45% au Liban et de 42% en Palestine, il est de 18% en Egypte. Bien qu’il existe 87 associations au Yémen, la présence des femmes dans les sphères de décision ne dépasse guère 6% (ESCWA, 2006 a, sous presse). Les femmes sont même absentes des associations de défense des Droits de l’Homme : il n’y a guère plus que trois femmes sur un total de 25 membres dans l’instance administrative de la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’homme. La situation est identique en Egypte et au Maroc. En dépit de cette multiplication des associations, la voix des femmes n’a pas été entendue durant cette période. Ce paradoxe ne peut être expliqué sans prendre en compte les pressions des organisations internationales qui ont amené beaucoup d’Etats arabes à faire des concessions et à accepter d’intégrer la représentation féminine dans leurs projets de développement, mais à condition que la présence des femmes soit muette et immobile. C’est probablement dans ce contexte qu’il faut comprendre la création de l’Organisation de la femme arabe, fondée en 2002 dans le cadre d’un accord ratifié à cette fin. Depuis, les efforts consentis à travers région arabe se sont concentrés sur l’institutionnalisation de l’Organisation et sur la préparation d’un plan de travail pour les années à venir (2004-2007). L’adoption de ce plan de travail a eu lieu lors du Deuxième Sommet de l’Organisation qui a eu lieu au Bahreïn en juin 2005, date à laquelle on comptait l’adhésion de 15 pays arabes. Tous ces Etats ont convenu de l’établissement de programmes couvrant tous les pays arabes. L’Organisation est une institution intergouvernementale réunissant tous les gouvernements qui ont rallié la charte fondatrice. L’organisation a néanmoins œuvré depuis sa création à développer sa coopération 152 avec les ONG, à l’instar des organisations internationales travaillant dans ce domaine. La création de l’Organisation de la Femme arabe a traduit l’intérêt particulier porté par les gouvernements arabes aux questions des femmes. Cependant, ces gouvernements ont à faire face à plusieurs défis dont principalement : doter l’Organisation en ressources, opérer une ouverture sur la société civile dans les différents pays arabes, éviter la bureaucratisation qui a caractérisé l’action d’autres organisations régionales. Mais on peut espérer que cette organisation soit véritablement en mesure de défendre la situation des femmes dans un sens positif (Fadya Kiouan, Document d’appui au Rapport). On ne peut pas nier que la situation sociétale arabe soit embrouillée et dépasse la capacité et le potentiel des mouvements féminins, fait qui confirme que le combat pour la liberté des femmes dans ses différentes dimensions est celui de toutes les sociétés arabes. C’est ce qui explique que les résultats restent modestes, en dépit des efforts épuisants accomplis à cet égard. Cependant, cela n’a pas empêché ce mouvement d’exploiter les moyens à sa portée pour influer sur la vie sociale. Ces moyens sont les grands axes qui sous-tendent l’action et le discours du mouvement des femmes dans la perspective de faire évoluer la situation des femmes dans les pays arabes. Evaluation des réalisations accomplies au profit des femmes La participation des femmes aux mouvements nationaux a, sans aucun doute, conforté le statut des femmes et donné une légitimité à leurs revendications au regard de la société. En Egypte, par exemple, la période qui va des années vingt aux années cinquante est une des périodes les plus fructueuses et les plus riches, qui a connu des actions féminines nombreuses et diversifiées. En 1923, Huda Sha‘rawi a créé l’Union féministe égyptienne qui a joué un rôle social et politique important dans l’éveil des consciences à la cause des femmes et dans la revendication de leurs droits. Cette Union a usé de la méthode des pétitions pour mobiliser l’opinion publique et exercer des pressions RAPPORT ARABE SUR LE DEVELOPPEMENT HUMAIN 2005 sur les autorités politiques pour les amener à répondre favorablement aux revendications des femmes. L’Union est entrée en conflit politique avec le Gouvernement Wafd (bien que l’Union fut liée au début de sa création au parti), puisque certaines des femmes membres de l’Union ont adopté une posture radicale vis-à-vis des questions de la libération nationale, de la démocratie et de la solidarité arabe. Ce conflit a atteint son paroxysme lorsque l’Union s’est opposée au traité de 1936. En Tunisie, se développa un mouvement réformiste libéral puissant au sein duquel s’est distingué Tahar Haddad. Ce mouvement a souligné le lien entre la promotion du statut des femmes et la modernisation du pays, mais là aussi la priorité a été donnée à l’agenda de la libération nationale. Quant à la situation en Algérie en 1958, quand la France a exhorté les femmes à brûler leur voiles dans l’une des places publiques importantes d’Alger en criant “ L’Algérie française ” (Rabiaâ Naciri, 2003 :23), les femmes algériennes ont décidé de porter le voile pour souligner leur appartenance nationale et ont accepté de surseoir à leurs revendications propres et de tenir l’action pour l’indépendance pour prioritaire. Cependant, nonobstant quelques acquis réalisés par les femmes grâce à leur participation à la libération nationale dans le sillage des mutations sociales, comme la confirmation de leur aptitude et de leur efficacité ainsi que la légitimation de leurs revendications, le fait qu’elles aient accepté de surseoir à leurs revendications politiques et sociales a eu des conséquences fâcheuses pour elles. Les nouveaux gouvernements nationaux ont fait semblant d’oublier ou d’ignorer toutes ou de certaines de ces revendications, en particulier celles relatives aux codes du statut personnel, malgré les différences importantes d’un pays à l’autre. A noter que l’Algérie présente une excellente illustration à ce sujet. De manière générale, et exception faite des amendements qui ont touché les codes du statut personnel en Tunisie, il y a eu préservation des rapports de forces inégaux au sein des familles. Les femmes sont alors entrées dans une nouvelle phase de contradictions qui secouent et les structures sociales et les concepts sociaux. On peut soutenir que, de manière générale, l’augmentation perceptible des associations et des organisations féminines dans le monde arabe constitue un fait positif. En effet, un pluralisme sain au niveau du discours et des activités est perceptible. Ces associations ou ces rassemblements oeuvrent dans des espaces très divers : on peut citer, à titre d’exemple, les organisations des Droits de l’Homme qui consacrent leur action à la modification des législations ou encore les organisations à vocation de recherche scientifique, qui s’activent pour changer les conceptions culturelles qui vont à l’encontre des droits des femmes. Au niveau des discours, on peut constater également une diversité ; il y a des organisations qui adoptent un discours religieux de défense des droits des femmes en se basant sur un référentiel religieux (islamique ou chrétien) ; d’autres organisations adoptent un discours laïque ; d’autres encore aspirent à l’élaboration d’un discours nouveau qui dépasse le discours moderniste postulant l’existence d’une opposition entre authenticité et modernité ou entre ce qui relève de l’ordre du temporel et ce qui relève de l’ordre du séculier. Il reste qu’il y a unanimité sur le fait que les droits des femmes font partie des droits de la nation. Cette question des droits des femmes est une priorité extrême en Palestine et en Irak, en particulier. (Houda As-Sadda, Document d’appui au rapport). La réalité reste, en fin de compte, le meilleur témoignage pouvant permettre de rendre compte de la situation des femmes à l’heure actuelle, et le meilleur indicateur de leur évolution, bien qu’elles aient parcouru une certaine distance depuis que la volonté de changer leur situation a été traduite en acte. Il découle des développements ci-dessus qu’il est permis de dire que les objectifs pour la réalisation desquels les mouvements féminins sont apparus depuis la fin du dix-neuvième siècle n’ont pas encore été réalisés en totalité. On peut même dire que la plupart de ces objectifs sont actuellement tributaires d’une vision réformiste nouvelle. Cela prouve que les défis qu’affrontent les mouvements féminins sont complexes, parce qu’ils sont le produit, premièrement, de circonstances politiques et deuxièmement, de circonstances économiques. C’est ce qui explique que le discours féministe n’évolue pas et continue de tourner autour des Les expériences de promotion des femmes dans le monde arabe 153 mêmes questions. Personne n’ignore que le mouvement féminin dans les pays arabes a eu une influence plus ou moins grande selon les pays. Il est possible d’affirmer, de prime abord, que l’impact le plus important qu’il ait réussi consiste dans l’étendue de la prise de conscience de l’infériorité des femmes et de la nécessité de remédier à cette infériorité. Il s’agit d’une prise de conscience acceptée par les femmes arabes, et ce, quelle que soit leur appartenance religieuse, sociale ou culturelle ; conscience qui a grandi en son fort intérieur pendant plus d’un siècle. Le fait que le discours des mouvements se soit focalisé sur la révision du statut personnel a pu pousser plusieurs pays arabes à s’engager clairement dans la voie du développement des codes du statut personnels et des législations relatives au mariage et au divorce de manière générale. Dans ce qui suit, il sera question deux exemples d’avancées dans ce sens : L’expérience tunisienne L’expérience tunisienne reste un modèle du genre dans les Etats arabes. Voici un demisiècle que le Code du Statut Personnel a été promulgué, période durant laquelle les Une femme brillante : Aïcha Balagha Aïcha Balagha est née à Casablanca, en 1916 de père tunisien (Othman Omar, avocat et journaliste, directeur du journal Al-Haqiqa, “ La Vérité ”). Elle a obtenu son baccalauréat en 1937. Elle fut la troisième femme à obtenir ce diplôme après Tawhida Ibn Cheikh et Hassiba Ghallab. En 1947, elle a donné une conférence sur la libération des femmes au siège de l’Association des Anciens de la Sâdiqiya. Elle a combattu la colonisation française pour la libération des femmes et le développement de ses statuts. Sourrce: Naila Silini 154 Elle était membre fondatrice de plusieurs organisations nationalistes, telles que “ Education et famille ”, “ l’Organisation des Droits de l’Homme ” et “ l’Organisation féminine africaine ”. Elle a contribué à l’émergence de l’Union nationale de la femme tunisienne, dont elle a présidé les instances fondatrices de 1956 à 1958, date de la tenue du premier congrès. Elle a occupé le poste de Directeur de l’institut de Marseille, de 1961 à 1979, date où elle a quitté la fonction publique pour la retraite. spécialistes de la législation tunisienne ont essayé à travers ce Code de décliner le principe d’égalité entre femmes et hommes et se sont efforcés d’apporter les amélioration de ses articles en rapport avec les questions posées à la société tunisienne changeante. Il est donc possible de dire que le changement de la loi sur la famille, tel qu’institué par le Président Habib Bourguiba (2000), s’est inspiré des idées du mouvement réformiste qui a estimé que la promotion des femmes aura un effet positif sur les plans sociaux, économiques et politiques. En outre, il est à noter que les lois incorporées dans ce “ Code du statut personnel ” ont été puisées dans le travail élaboré sur l’initiative de deux écoles de jurisprudence islamique, l’école Malékite et l’école Hanafite. En 1948, la décision a été prise de constituer une commission composée de vingt-deux membres et présidée par le ministre de la Justice de l’époque, à savoir, Muhammad Amin Bay (1962), commission qui devait examiner les dispositions de la Shar’a. Muhammad al-‘Aziz Ju‘ayt (1970), le Shaykh al-Islam al-Maliki sur le territoire tunisien a joué un rôle essentiel dans les travaux de cette commission. Il a participé à la mise au point des éléments du Code, de ses parties, de ses articles, ainsi que de leur examen et der leur discussion. Les travaux de la commission ont abouti au “ Code de la loi de la Shari’a ” composé de deux parties : celle relative au statut personnel et celle relative au fonds immobilier. Ce code reçut l’aval des grands ulémas de l’époque, dont, à titre d’exemple, Cheikh Mohammed Abbas, Cheikh Al-Hanifa, Cheikh Ali Ibn Al-Khawja, le mufti hanafite, le savant Cheikh Mohammed Al-Fadel Ibn Achour, le savant Cheikh ‘Abd al-Rahman bin Yusuf (Décret relatif au Code de loi de la Shari’a, 1952, du ministre de la Justice de Tunisie, 3 juillet 1952, Documents de la bibliothèque du ministère de la Justice). Le Code a été proposé aux autorités gouvernementales concernées, mais elle ne fut publiée qu’à la date de l’indépendance totale, c’est-à-dire au moment où le gouvernement tunisien a pensé reprendre le projet à nouveau. Il chargea des spécialistes en droit, en jurisprudence islamique et en questions judiciaires, qui devaient élaborer un nouveau Code conforme dans sa forme au droit RAPPORT ARABE SUR LE DEVELOPPEMENT HUMAIN 2005 moderne, qui concorde avec les principes modernes et qui ne soit pas en contradiction avec l’esprit de la religion musulmane (Majallat al-Qada’ wal-Tashri‘,1975 : 145) (Revue de Justice et de législation). On peut donc faire remarquer que le Code du Statut personnel était fondamentalement une revendication sociale pour la promulgation duquel toutes les appartenances et les orientations politiques ont convenu. On doit aussi souligner qu’il s’agissait là d’un ce souci qui habitait toute la société tunisienne, même au moment de sa lutte pour la libération, car la vision qu’elle avait de la liberté était globale, alliant la politique et le social. De nombreuses réalisations ont été accomplies dans les domaines de la santé, de l’économie et dans le domaine professionnel après la promulgation du Code du Statut personnel. Etant donné la complexité et l’ampleur des questions traitées par cette loi, on se contentera d’évoquer le code de la famille, dans le tableau ci-joint, qui a impliqué différentes lois et amendements tout au long d’un demi-siècle, et ce dans l’objectif de comprendre le mouvement de la société au travers des lois qui l’organisent. Ce sont quelques types de réalisations qui ont préparé les femmes tunisiennes à s’engager dans la voie de leur promotion. Il faut indiquer qu’il existe d’autres statuts dont l’application est en vigueur et qui sont autorisés par le Code du Statut personnel, par exemple : le code de la famille ne stipule pas la prise en compte de la religion des personnes contractant une union conjugale, de sorte que la femme tunisienne a la possibilité de prendre pour mari un homme qui n’est pas de la même confession au même titre, en cela, que l’homme. Cela a pu permettre aux épouses ayant des conjoints étrangers d’octroyer leurs nationalités aux enfants issus de mariages avec ces conjoints, qu’ils soient nés en Tunisie ou à l’étranger, à condition qu’il y ait accord des pères. Mais aussi importantes qu’elles soient, ces réalisations avaient besoin d’autres réformes que les mouvements indépendants des femmes ont pris le soin de revendiquer. Le Code du Statut personnel, bien qu’ayant procédé à l’amendement des statuts relatifs à l’héritage, a maintenu la règle selon laquelle la part d’héritage de l’homme équivaut à la part de Table 5-1 Ordre de promulgation des codes de la famille Lois Section Date Contenu des lois Interdiction de la polygamie 18 1956 Peine d’emprisonnement pour ceux qui transgressent cette interdiction Le divorce en tant que prérogative des tribunaux L’âge légal du mariage 30 === 5 1956 La demande de divorce est une prérogative à la fois du mari et de l’épouse 31 === Les obligations conjugales La garde des enfants. Création d’un fonds de garantie de pension alimentaire. 1956 La femme doit servir son mari en raison de son statut de chef de famille et obéir à ses ordres. 1993 Suppression de l’expression “obéir” : le mari en tant que chef de famille doit subvenir aux besoins de l’épouse et des enfants selon ses moyens et leurs besoins. L’épouse doit contribuer à cette subvention si elle en a les moyens. 23 154 67 65 17 ans pour les filles, 20 ans pour les garçons 1956 Si l’enfant n’a pas de père ni de tuteur légal, le juge désigne un tuteur. 1981 Le père est le tuteur de l’enfant mineur, et en cas de décès, c’est la mère qui devient tutrice. 1993 Si la mère est tutrice , elle doit avoir les prérogatives de gestion sur les questions qui se rapportent au voyage de l’enfant en tutelle, de ses études et de ses moyens financiers. 1993 Les expériences de promotion des femmes dans le monde arabe 155 Encadré 5-2 L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005 Refus de la polygamie, selon le pays et le genre ;ZbbZh BVgdX =dbbZh :\neiZ A^WVc ?dgYVc^Z 9hVXXdgY Polygamy should be subject to the consent of wives concerned EgZb^gZZi YZgc^gZedjhZh BVgdX :\neiZ A^WVc 9Zgc^gZedjhZ * ?dgYVc^Z BVcfjVci EgZb^gZedjhZ &- EgZb^gZZiYZgc^gZedjhZh La majorité des répondants, femmes et hommes, se sont prononcés pour l’interdiction de la polygamie. Ceux et celles qui approuvent la polygamie ont assorti cette approbation de la condition du consentement des épouses concernées par la polygamie. deux femmes réunies. Il s’agit d’une impasse dans laquelle se trouvent de larges franges de la société. C’est, notamment, le cas des pères qui ont vécu durant les cinquante années écoulées en compagnie de femmes qui ont in fine, le statut de mère, d’épouse, de sœur et de filles. Cette revendication reste difficile à réaliser même à l’heure actuelle. Cette situation pousse, 156 par ailleurs, beaucoup de juristes à s’ingénier à trouver des issues qui puissent garantir le principe de l’égalité : comme, par exemple, la possibilité pour le père de procéder à une vente formelle d’une partie de son bien ou à une répartition de son héritage entre ses enfants, et ce, de son vivant ou encore la possibilité d’adopter l’islam chiite pour ceux qui n’ont RAPPORT ARABE SUR LE DEVELOPPEMENT HUMAIN 2005 pas eu de fils. Cependant, les changements positifs successifs apportés au droit de la famille ont coïncidé avec des restrictions à la liberté d’action des femmes activistes et la monopolisation et le contrôle par l’Etat du discours sur la promotion des femmes, ne laissant qu’une marge assez faible à l’initiative et aux revendications des femmes. Ceci montre d’une manière on ne peut plus claire que la promotion des femmes est en train de se transformer en un instrument politique visant à édulcorer l’image de l’Etat à l’étranger, bien que cela se fasse aux dépens des femmes. Le pouvoir, en Tunisie, a tenté, par exemple, de tirer profit du différend existant entre “ L’Association des [femmes] démocrates ” et le courant islamiste. Cependant, différentes formes de brimades furent opposées au désir tenace d’indépendance manifesté par cette association, tel que le refus de lui accorder des subventions au moment même où d’énormes fonds sont octroyés aux associations gouvernementales, la mise sous surveillance policière du siège de l’association en vue d’installer le sentiment de peur chez les femmes, la pratique de la violence physique et verbale à l’encontre des militantes, les obstacles dressés devant leurs activités, et enfin, le blackout médiatique total sur toutes les informations émanant de l’Association. Ce qui est frappant également, c’est que ces réformes officielles du statut personnel sont accompagnées de mesures de marginalisation des femmes qui tiennent à l’autonomie de leurs actions et refusent l’utilisation de leurs succès scientifiques et sociaux en vue de redorer le discours politique officiel, et de leur remplacement par des femmes alliées au parti au pouvoir, fut-ce au détriment de la compétence. Ce phénomène est général, en réalité, dans tous les Etats arabes ; c’est une spécificité politique qui trouve son origine dans la nature des régimes au pouvoir. En vérité, cette concomitance avec les réalisations révolutionnaires en matière de promotion des femmes particulièrement en Tunisie, ne va pas sans poser la question de savoir si le modèle de promotion des femmes adopté par les autorités politiques des pays arabes contribue effectivement au changement des modes politiques et s’il est apte à conduire ces Etats vers une renaissance globale. L’expérience marocaine Le mouvement des femmes marocaines a pris conscience que la modification du Code du statut personnel était la clé qui permettrait aux femmes de se prendre en charge. Ainsi eut lieu la campagne pour une pétition signée par un million de personnes, organisée par l’Union de l’action féminine à l’occasion du 8 mars 1991. Le document revendique l’amendement de (Moudawana) ou code du statut personnel et faisait valoir certains principes notamment que la famille est construite sur la base de l’équilibre entre les époux, sur le principe de l’égalité entre homme et femmes, de sorte que la capacité juridique soit effective à partir de l’âge de majorité légal, sur le fait que le divorce soit soumis aux dispositions de la justice, sur le conditionnement de la polygamie, sur le droit des femmes à la tutelle sur leurs enfants. A rappeler que de nombreuses critiques ont été formulées à l’encontre de ce document ; on a pu même considérer que chaque signataire dudit document commettait un acte relevant du “ crime d’apostasie ”. Toujours est-il que les conditions pour que la nécessité d’un amendement de la moudawana soient cmprises n’étaient pas encore mures et que les forces d’inertie avaient pesé de leur poids sur la société marocaine. A noter que le roi Mohammed V avait déjà défini le cadre référentiel du statut de la moudawana (1957) mettant ainsi fin au débat sur son amendement, en prévention à toute dérive susceptible de déboucher sur des tiraillements politiques et des surenchères partisanes6. Les amendements apportés, en 1993, au Code du statut personnel, permettent de faire une double lecture : la première réfère à la notion de progrès qui permet de considérer que 6 Le Roi Hassan II a insisté dans son discours du 29 septembre 1992 sur le fait qu’”il se faisait sienne la cause des femmes et qu’il prenait en charge de la défendre lui-même ”, appelant les associations féminines à lui présenter leurs revendications, qui sont axées principalement sur les questions de la tutelle, de la pension, de la maternité, de la répudiation, du divorce et de la polygamie. Les expériences de promotion des femmes dans le monde arabe 157 les amendements en question, même s’ils sont loin d’avoir permis de réaliser les objectifs du mouvement féminin, ont ouvert une perspective qui peut être exploitée en vue d’arriver à un véritable changement. La seconde lecture fait voir que ces amendements ne sont que des atermoiements que le courant conservateur, traditionaliste exerce toujours des pressions pour conter le changement et que ce qui a été acquis ne change rien au système discriminatoire de la moudawana. Parmi les critiques évidentes exprimées à l’égard des amendements de 1993, on peut évoquer l’absence de recours à les conventions internationales sur les femmes et les enfants, sachant que le Maroc n’avait pas encore totalement adhéré aux accords et aux conventions afférentes. Il avait, en effet, émis des réserves sur certains articles concernant l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’encontre des femmes sous prétexte qu’ils n’étaient pas en conformité avec ses spécificités religieuses, morales et sociales. De même qu’il avait pris ses distances par rapport à l’article 16 relatif à l’arbitrage en cas de différend entre deux ou plusieurs Etats sur l’interprétation ou l’application de la Convention (Malki, Document d’appui au Rapport). Entre la date de promulgation des amendements portés au code du statut personnel (1993) et la fin du vingtième siècle, d’importantes évolutions se sont produites au Maroc. D’un côté, les négociations entre l’institution royale et les partis nationaux nés du mouvement national ont débouché sur la désignation d’un gouvernement dirigé par l’élite nationale restée écartée du pouvoir pendant trente-cinq ans. Les discours du roi ont insisté, à plusieurs occasions, sur l’importance que devait revêtir la cause des femmes. Si, effectivement, les évolutions internes ont été d’une grande importance dans l’impulsion du mouvement féminin marocain, avec ses différentes organisations et associations, à progresser dans sa lutte, la dynamique étatique, à contribué, de son côté, à stimuler la conscience féminine et à élargir son horizon. Le projet d’amendement de la moudawana, initié dès 2003, s’est articulé autour quatre axes prioritaires : l’implication des femmes dans l’éducation, développement de la santé 158 reproductive, l’intégration au développement économique, enfin, l’autonomisation des femmes. Quant aux amendements proposés, ils portent sur l’âge du mariage qui a relevé à 18 ans afin de le rendre conforme à la Convention internationale des droits de l’enfant, sur la tutelle paternelle devenue secondaire, sur le divorce en donnant au mari et à l’épouse le droit de demander la séparation de corps lorsque la vie conjugale devient impossible ; sur l’interdiction de la polygamie, sauf sur autorisation du juge et sur unification de l’âge de la garde pour les deux sexes (15 ans). En plus, des modifications qui ont concerné d’autres domaines, comme , par exemple, le mariage des mères divorcées, la pension alimentaire et la séparation des biens après le divorce, la création des tribunaux de la famille, la reconnaissance aux juges femmes le droit de notification en matière de statut personnel. Un tel projet ne pouvait être accepté sans réactions contradictoires sur ses tenants et ses aboutissants. Le fait est que, cette fois-ci, il ne s’agissait pas d’une simple confrontation de points de vue, mais de tensions sociales effectives qui ont failli se transformer en discorde. Il s’est avéré donc que la promulgation du Code la famille p dont l’application a débuté le 3 février 2004 n’était pas chose fortuite ni une sorte de donation. Ce fut plutôt le couronnement du processus de lutte des femmes marocaines avec ses défaites et ses victoires. Cette n’était pas seulement le fait de la société féminine, les hommes y ont également participé avec le soutien des forces démocratiques à l’intérieur et à l’extérieur du Maroc. Néanmoins, bien des choses n’ont pas encore été réalisées et il reste, encore à œuvrer à la consolidation et à l’approfondissement des acquis et à les améliorer. Ceci est tributaire de la capacité des femmes ellesmêmes à continuer à s’approprier leur cause, en toute liberté et responsabilité. L’horizon lointain de la libération des femmes, de leur autonomisation et de leur promotion exige de repenser l’imaginaire social de la personne marocaine pour que la prise de conscience de la question féminine soit fondée chez elle sur deux valeurs : la démocratie et la modernité (Maliki, Document d’appui au Rapport). RAPPORT ARABE SUR LE DEVELOPPEMENT HUMAIN 2005 Autres expériences arabes Deux exemples d’avancées sur la question des femmes viennent d’être présentés. Ils ont l’avantage de stimuler la cause de la promotion des femmes. Mais d’autres pays sont également résolus à réviser certains articles de leurs législations en la matière. On peut en citer, à titre d’exemple : L’Egypte : Les femmes égyptiennes ont acquis leurs droits politiques en 1956, après une lutte qui a duré plus de cinquante ans. Le gouvernement issu de la révolution a adopté plusieurs revendications des organisations féminines existantes, particulièrement celles relatives aux droits politiques, au droit à l’enseignement et au droit travail. Il y a eu convergence entre les revendications féminines et les besoins gouvernementaux croissants en main d’oeuvre. Par ailleurs, les idéologies socialistes dominantes étaient favorisaient l’élargissement de la participation populaire dans la vie parlementaire. D’où l’amendement en 1956 de la Constitution qui devait permettre de satisfaire certaines revendications du mouvement féminin de l’époque. Les avancées législatives se sont succédées, pour aboutir à la constitution de 1971 qui a confirmé les acquis de la constitution de 1956. L’article 14 stipulait que les fonctions publiques sont un droit pour tous les citoyens, hommes et femmes. Les articles 10 et 11 ont stipulé l’obligation pour l’Etat de veiller à la protection de la maternité et de l’enfance, et à la prise en charge des solutions qui permettent aux femmes de concilier leurs obligations familiales avec les exigences du travail dans le secteur public. D’autres lois garantissant l’égalité des droits à l’enseignement et au travail sont promulguées. Elles instituent des garanties en matière de sécurité sociale et d’assurance pour les femmes qui travaillent. Ces amendements législatifs ont permis, notamment, aux femmes d’accéder à la sphère politique. Mais aucune loi n’a été promulguée pour réorganiser la place des femmes au sein de la famille. Autrement dit, les codes du statut personnel, promulgués en 1925 et 1929, sont restés tels quels, et ce, malgré les aspirations de nombreuses femmes. En fait, les femmes égyptiennes n’ont pu avoir, jusqu’à aujourd’hui, que le droit au divorce, en vigueur depuis 2002, assorti de l’abandon des droits financiers exigibles en cas de divorce. Elles ont également obtenu le droit au voyage individuel et à l’octroi de la nationalité égyptienne à leurs enfants. En ce qui concerne la Jordanie, l’âge légal du mariage a été relevé à 18 ans pour les deux conjoints et les femmes ont obtenu le droit d’obtention du passeport sans autorisation préalable du mari. Quant au Liban, un collectif d’organisations non gouvernementales a préparé un projet de loi du statut personnel reproduisant 18 codes de statut personnel en fonction des différentes confessions religieuses. En Algérie, le code de famille continue de traîner des restrictions qui pèsent de tout leur poids sur les femmes, comme, par exemple, la polygamie, même si le législateur l’a conditionnée notamment par le consentement de la première femme ou encore de considérer la tutelle du mari comme une condition de validité du mariage. Cependant, certains points positifs peuvent être retenus lorsque l’on compare ce qui a été décidé en 1984 et les rectifications promulguées en 2005. Par exemple, la loi sur le mariage mixte stipulait dans l’article 31 avant que “ le mariage de la femme musulmane à un non musulman n’est pas autorisé ”, l’article a été abrogé en 2005 en affirmation du principe de l’égalité entre les femmes et les hommes en matière de mariage avec les étrangers qui n’appartiennent pas à la communauté de religion. L’article 72 tel qu’il est amendé, en 2005 stipule l’obligation pour le mari d’assurer un foyer à la femme divorcée lorsqu’elle a a garde des enfants (Revue de la Lettre juridique, 2005). Il est à espérer que ces avancées, qui restent cependant modestes pour la plupart, constituent le signal que le train du changement commence à bouger au Mashreq arabe (Jordanie, Liban, et Egypte) et au Maghreb arabe (Algérie et Maroc) bien qu’il faille constater que son mouvement se fait plus lent dans les pays du Golfe arabe. Les expériences de promotion des femmes dans le monde arabe 159 Conclusion Pour être optimiste, l’Equipe du Rapport constate l’existence d’un mouvement et d’une activité, sur une large échelle, dans le domaine des droits des femmes. Et si on devait procéder à une programmation pour l’avenir, on devrait s’accorder sur le fait qu’il existe des conditions générales, d’ordre social, politique, économique, et culturel qui influent sur le mouvement des femmes nécessairement. Mais on avait à repérer quelque fossé dans l’action des organisations sociales, on trouverait un de nature intellectuelle. On entend par-là qu’il y a un besoin pressant d’une recherche scientifique dans maintes spécialités, qui puisse prendre en compte la dimension qualitative, et ce, dans l’objectif d’élaborer de nouveaux questionnements, et partant, de nouveaux discours qui puissent dépasser les modèles qui prédominent jusqu’à maintenant. Il est acquis que le fait de reconsidérer la position des femmes revient à consacrer les fondements de la société civile. De ce fait, il s’avère alors possible de dépasser l’axiome selon lequel il faudrait refuser toutes les formes de progrès pour le simple fait qu’elles représentent une composante de la civilisation de l’autre. 160 RAPPORT ARABE SUR LE DEVELOPPEMENT HUMAIN 2005 Trois partie : Le contexte societal de la condition des femmes dans les pays arabes Chapitre VI Structures culturelles Introduction Les structures culturelles jouent un rôle central dans la formation du contexte sociétal de la condition des femmes dans le monde arabe. De prime abord, le domaine des interprétations religieuses est un lieu de conflit à propos de la place des femmes dans l’imaginaire collectif et dans les modes de comportement dominants. Aussi le patrimoine religieux représente-t-il l’un des déterminants les plus importantsdu référentiel culturel du contexte sociétal. La production intellectuelle arabe de la période de la Renaissance arabe, contribue également au processus de formation de la conscience collective à propos du statut des femmes dans les sociétés arabes. Partant, ce chapitre, consacré au volet des structures culturelles du contexte sociétal de la condition des femmes, traitera-t-il de l’effet du patrimoine religieux et de la production intellectuelle arabe sur la situation actuelle des femmes dans les pays arabes. Ceci dit, il y’a d’autres expressions de ces structures culturelles qui s’alimentent à la fois dans deux sources précédemment citées et dans diverses autres références. C’est pourquoi nous nous appuierons aussi , dans l’étude des structures culturelles, sur un ensemble de composantes qui influencent la conscience et le comportement, telles la culture populaire, la création littéraire et artistique et les médias. Structures culturelles l’héritage religieux traditionnel promeut et renforce le principe de hiérarchie sociale Le texte et l’interprétation Nous traiterons à présent de la référence religieuse islamique afin de montrer comment cette dernière conçoit l’homme et la société. Avant de présenter l’image des femmes et le système de relations qu’elles entretiennent avec les hommes tel que le reflète le produit culturel islamique, il importe de noter que la culture socio-religieuse n’a pas été basée, dans l’histoire arabo-islamique, sur les textes considérés dans la mémoire collective des musulmans comme sacrés, mais s’est appuyé plutôt et surtout sur différentes formulations et expressions des interprétations du contenu de ces textes. Cette culture s’est également appuyée sur des coutumes et des traditions qui ont été consolidées pour conserver un ordre donné de la famille et de la société. Elle véhicule les représentations, les conceptions et les différentes formes de rationalité produites tout au long de l’histoire en question (Arkoun, 1984 :12), (Fahmi Jadan, 1985 :442). Si le message de l’Islam comporte un ensemble de fondements majeurs relatifs aux questions qui ont trait à l’organisation de l’Univers et de la société, ces fondements généraux revêtent différents aspects. En effet, les processus d’interprétation au niveau des récepteurs obéissent aux exigences de l’évolution à l’œuvre dans la société comme en matière de méthodes d’intelligence et de lecture des textes. On s’imagine, au regard de l’évolution des systèmes de savoir et d’interprétation dans la pensée moderne, que le produit théorique de La culture socioreligieuse n’a pas été basée, dans l’histoire arabo-islamique, sur les textes considérés dans la mémoire collective des musulmans comme sacrés, mais s’est appuyé plutôt et surtout sur différentes formulations et expressions des interprétations du contenu de ces textes. Cette culture s’est également appuyée sur des coutumes et des traditions qui ont été consolidées pour conserver un ordre donné de la famille et de la société. 163 l’interprétation d’un texte donné n’équivaut pas tout à fait à l’esprit du contenu du texte, mais qu’il se meut, sous l’effet de mécanismes de pensée qui contribuent à l’opération de production des significations, en un autre aspect de la pratique théorique. Il devient alors interprétation, c’est-à-dire un effort de rationalisation et de compréhension qu’il ne convient pas de placer sur un pied d’égalité avec le texte originel. Dans la mesure où l’interprétation est un processus de réflexion qui a lieu à un moment de l’histoire, à l’intérieur de la société et avec les moyens de connaissance disponibles, elle devient alors une composante du système d’idées au sein de la société, marqué à l’instar des systèmes historiques symboliques à travers l’histoire par les marques de changement et d’altération. Les principes universels et les branches: les problèmes d’interprétation Le texte du Coran comporte un ensemble de versets qui fondent une vision d’ensemble de l’homme, de la société, de la nature et de l’histoire. Il est certain que cette vision a constitué au moment de son apparition, au regard de l’histoire, un grand tournant dans l’histoire de la société arabe. Elle s’est construit à travers la critique et le dépassement de nombreuses traditions et coutumes qui attentatoires aux conditions de l’humanité de l’être humain. Les propositions alternatives élaborées par cette vision étaient conformes aux niveaux de développement du savoir et de la société des points de vue de l’histoire arabe et de l’histoire mondiale au moment de son élaboration. On peut illustrer les grandes lignes de cette vision, à titre d’exemple et non à titre exhaustif, par les Sourates qui suivent : “ — Humains, Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle. Si Nous avons fait de vous des peuples et des tribus, c’est en vue de votre connaissance mutuelle. Le plus digne au regard de Dieu, c’est celui qui se prémunit davantage. — Dieu est Connaissant, Informé ” (Les Appartements, 13) ; “ Humains, prémunissez-vous envers votre Seigneur. Il vous a créés d’une âme unique dont il tira pour celle-ci une épouse, et 164 de l’une et de l’autre Il a répandu des hommes en nombre, et des femmes ” (Les Femmes, 1) ; “ — Nous proposâmes le dépôt aux cieux, à la terre et aux monts : ils déclinèrent de s’en charger, tant ils en éprouvaient de transe. L’homme, lui s’en est chargé… — Par comble d’ignorance et d’iniquité ” (Les Coalisés, 72). Ces versets prouvent le caractère universel des prescriptions coraniques au sujet de l’origine et de la nature des êtres humains et le principe d’égalité devant fonder les relations de genre. Ceci confirme la noblesse de la perception coranique des êtres humains. Ces versets soulignent à l’évidence le principe similitude de toutes les créatures, le principe de leur participation dans la vie sur la base de l’échange et de la solidarité (Les Appartements). Ces versets affirment également que l’être humain est mis à l’épreuve par le Créateur ainsi que l’audace de l’être humain, homme ou femme, qui a accepté le principe de l’aventure de faire face à sa destinée (Les Coalisés). Les principes généraux contenus dans ces verstes, et dans bien d’autres – ce n’est pas le lieu de les exposer ni de les détailler, permettent de tracer les grands traits d’un système social qui répond aux objectifs acceptés par la communauté musulmane en vue d’une vie basée sur la complémentarité et le consensus, tout en reconnaissant le principe de l’égalité des êtres humains – hommes et femmes. Or, nombre de jurisconsultes (fùqaha) ont placé les exemples de versets coraniques que nous avons cités à un niveau inférieur sur l’échelle de l’interprétation par rapport à d’autres versets dévolus à une législation pointilleuse à propos de questions de détails se rapportant à la relation homme / femme. Au lieu de rapprocher les versets subsidiaires de l’esprit des versets du principe et du général, on a utilisé lesdits versets sur la similitude et l’égalité pour justifier le contraire, c’est à dire justifier et légitimer la hiérarchie existente. La codification en matière jurisprudence islamique légifère en faveur de la suprématie des hommes Le travail de codification en matière de jurisprudence islamique en rapport avec les RAPPORT ARABE SUR LE DEVELOPPEMENT HUMAIN 2005 Encadré 6 – 1 Fahmi Howeidy : L’égalité est au fondement de l’Islam Le chercheur doit avoir continuellement présentes à l’esprit trois considérations, s’il veut préserver son impartialité et son objectivité quand il examine la situation des femmes dans une perspective islamique. Primo : la question des femmes ne doit pas être approchée indépendamment des principes de base et des piliers du message de l’Islam, qui confèrent aux créatures sacralité et immunité. Ils considèrent que chaque créature a droit au respect. Toutes les créatures de Dieu –selon le texte coranique - sont “ comme vous en communauté ” (Les Bestiaux (al-An’am), 38), y compris bêtes de somme, oiseaux et autres créatures qui vivent sur terre et en mer tout en priant, tous, Dieu le Très–Haut (…) Parmi toutes ces créatures, l’être humain est la créature qui a été élue par Dieu, il est Son représentant sur terre. Ce statut spécial est un attribut de l’être humain, qu’il soit homme ou femme, puisque le droit à la dignité est attesté dans le Coran pour tout descendant d’Adam, quelle que soit sa race, son ethnie ou sa religion. Secundo : les traditions ont pris le dessus sur les prescriptions, dans l’expérience arabe tout particulièrement. Le premier âge de l’Islam – celui précisément des califes bien guidés – a connu la grande transformation de la condition des femmes. Celles-ci ont été libérées de l’oppression de la période antéislamique, quand on les méprisait au point de les enterrer vivantes pour ne pas avoir à supporter la honte de leur existence même. Mais la période qui a suivi fut marquée par de nombreux reculs en la matière, entre autres régressions essuyées par la nation dans les autres aspects de la vie. Les acquis des femmes ont été progressivement érodés au point que l’idée “ d’enterrer vivantes les nouveau-nées” a refait relativement surface, mais cette fois de façon symbolique et non pas physique. Lors des phases de déclin, les sociétés ont retrouvé les traditionnels sentiments de honte attachés à l’existence même des femmes et à tous leurs modes de présence, que ce soit dans les activités de la vie sociale ou collective ou dans l’accomplissement des prières et dans les mosquées. Tertio : l’égalité entre les femmes et les hommes est au fondement des principes l’Islam, sauf quand les textes stipulent expressément une spécialisation d’un genre ou d’un dans un domaine par rapport auquel il se distingue, pour des raisons qui n’ont rien à avoir la masculinité ou la féminité mais qui ont trait à la responsabilité sociale ou à la situation juridique. On ne doit pas à cet égard perdre de vue la signification du texte coranique qui dit que les deux parties ont été d’un même et unique esprit : “ Humains, prémunissez-vous envers votre Seigneur. Il vous a créés d’une âme unique dont il tira pour celle-ci une épouse, et de l’une et de l’autre Il a répandu des hommes en nombre, et des conditions des femmes, telle qu’il a été réalisé par les différents rites islamiques, occupe une place stratégique dans la culture islamique justifiant la relation hiérarchique entre les femmes et les hommes. En effet, les efforts de codification jurisprudentielle ont produit une littérature qui allait accorder au système social une certaine légitimité et faisant en sorte qu’il passe pour conforme à l’esprit du message de l’Islam. La légitimité d’un tel produit a été consolidée du fait de l’autorité des jurisconsultes (fùqaha) que leur confère leur savoir et leur 1 femmes ” (Les Femmes, 1). Al Razi cite Abu Muslim qui dit que le sens de “ a créé de celui-ci son épouse ”, est qu’Il l’a créé de son espèce, et ainsi il lui ressemble (Mohamed Rachid Rida, en arabe, 1973 : 266). Aussi la vérité importante, que consigne ce verset, est-elle que l’humanité vient d’un couple formé de l’homme et de la femme, créés l’un et l’autre d’une même espèce ou d’une même substance. Comme si ce verset visait, selon cette interprétation, à souligner l’idée de ressemblance et d’égalité, de rejeter l’idée de discrimination et de préférence de l’une des deux composantes de l’espèce humaine sur l’autre, parce qu’ils sont égaux à l’origine (Al-Ghannushi, en arabe, 2000 :9). Il est admis qu’ils sont égaux en matière de droits à la vie et à la dignité, lesquels sont considérés comme des droits essentiels de tous les êtres humains en Islam. Ils sont aussi égaux en matière de responsabilité : “ Les croyants et les croyantes sont en rapports mutuels de protection : ils commandent le convenable et proscrivent le mauvais ” (Le Repentir, 71)1. C’est pourquoi, ils sont égaux dans la responsabilité légale qu’ils assument et dans la rétribution qui les attend dans l’au-delà : Dieu leur répondit : “ Moi Je ne laisse perdre l’action d’aucun agissant parmi vous, homme ou femme, en réciprocité (La Famille de ‘Imrân, 195) – Dieu a promis aux croyants et aux croyantes “ des Jardins de sous lesquels des ruisseaux coulent et où ils seront éternels, des demeures excellentes aux Jardins d’Eden ” (Le Repentir, 72) et “ Au croyant non plus qu’à la croyante, une fois que Dieu a tranché, avec Son Envoyé, sur un cas, il ne reste plus le choix sur leur propre cas. ” (Les Coalisés, 36) – Ils sont également égaux dans la rétribution. Ainsi les versets des sanctions parlent-ils du voleur et de la voleuse (La Table pourvue, 38) ainsi que de celui ou de celle qui se rend coupable de fornication (La Lumière, 2). L’homme et la femme sont également égaux quant à l’aptitude à gérer les biens et à passer contrats financiers. En effet, chacun d’entre eux, s’il est sain d’esprit et mûr, jouit d’une personnalité juridique totale, qui lui procure le droit de gérer ses propres biens par vente, legs, testament, bail, procuration, gage, achat et tous autres transactions financières. La règle est que “ les hommes auront une part de ce qu’ils se seront acquis, les femmes une part de ce qu’elles se seront acquis ” (Les Femmes, 32). Le contrat de mariage, dans la loi musulmane, ne donne aucun droit à l’époux sur les affaires financières et les transactions que son épouse entreprend, sous prétexte qu’il a un droit de tutelle sur elle ; puisque ce droit est personnel et non financier. Par conséquent, ce droit ne lui donne aucun prétexte pour intervenir dans les choix financiers de son épouse. statut officiel. En effet, on recourait à eux non seulement dans les affaires du statut personnel mais aussi dans les différentes questions intéressant la société et la vie en général (Slini, Papier d’appui au Rapport). L’on peut dire que la vision masculine dans l’histoire des sociétés islamiques a violé le principe divin selon lequel Dieu couvre de ses bienfaits les êtres humains (les femmes comme les hommes) et a tout fait pour renforcer la distinction et la discrimination et même à consolider cette vision masculine. Le Nous adoptons la traduction française du Coran réalisée par Jaques Berque, Le Coran : essai de traduction, Albin Michel Structures culturelles la vision masculine dans l’histoire des sociétés islamiques a violé le principe divin selon lequel Dieu couvre de ses bienfaits les êtres humains (les femmes comme les hommes 165 Les interprétations jurisprudentielles, élaborées par les écoles de jurisprudence islamique, ont contribué à la création d’un ensemble de normes qui valident le principe de discrimination entre les deux sexes. La primauté et la préférence ont toujours été accordées aux hommes dans les études jurisprudentielles relatives aux femmes. Une telle prédisposition s’est retranchée derrière une lecture biaisée du Coran favorable aux hommes. 166 sexe féminin s’est ainsi trouvé frappé d’une malédiction éternelle. Des dizaines de hadiths furent rédigés dans une optique d’interprétation visant à qualifier les femmes de démoniaques et à les transformer en créatures qui représentent le mal absolu. En matière de production des lois, la jurisprudence islamique (fiqh) s’est référée au contenu du Coran et de la Sunna. Cependant, avant tout et après tout, elle a fait usage de ce qu’elle a considéré comme étant les exigences de “ la société équilibrée ”, qui vise à codifier le statut personnel. Les dispositions de la Loi islamique concernant les femmes ont été établies en relation avec la situation et les conditions de la société islamique au moment de l’élaboration de ces dispositions. Elles ont été mises en place, en dépit de la diversité des efforts d’interprétation, pour protéger la morale de la hiérarchie sociale existante et les règles de discrimination entre les femmes et les hommes. Les interprétations jurisprudentielles, élaborées par les écoles de jurisprudence islamique, ont contribué à la création d’un ensemble de normes qui valident le principe de discrimination entre les deux sexes. Le contenu des sourates qui reconnaissent la tutelle à l’homme et la moitié de l’héritage à la fille a été transformé en principes fondamentaux et généraux alors qu’ils ne le sont pas, car leur teneur évoque des questions subsidiaires. Ils ont même été élargis pour concerner la relation des femmes et des hommes dans toutes les circonstances et de façon générale, dans le but de consolider le principe de discrimination entre les deux sexes. L’autorité de ces sourates a été appuyée et renforcées par le recours à la tradition du prophète (sunna). En effet, de nombreux hadiths apocryphes ou faiblement soutenables ont été instrumentalisés pour diminuer l’humanité des femmes. En conséquence, l’image positive d’égalité et de similitude et dignité conférée aux êtres humains dans le Coran s’est transformée en un ensemble de dispositions contradictoires, reposant sur la distinction entre ce qui est parfait et ce qui est imparfait, entre l’origine et la branche, entre le majeur et le mineur, l’affermi et le déformé (Howeidy, en arabe, Papier d’appui au Rapport), (Boutaleb, 2005 :59-65). La stratégie d’interprétation jurisprudentielle qui a conduit à la production de lois affirmant l’infériorité des femmes est centrée sur deux principes : le premier consiste à négliger les versets coraniques fondamentaux qui reconnaissent l’égalité et le fait que les êtres humains sont honorés par Dieu ou à en faire usage pour justifier les versets subsidiaires, dans le cadre d’une argumentation justifiant une codification de la hiérarchie entre les deux sexes. Le deuxième principe consiste à négliger l’esprit de noblesse qui détermine le mode du dit coranique dans sa globalité. La sévérité législative de la jurisprudence islamique recouvre d’autres questions qui puisent leur source dans la réalité de la société arabo-musulmane elle-même, surtout que les juristes ont lu les dispositions canoniques dans l’optique de la coutume. Ceci s’explique par le fait qu’ils avaient le sentiment que toute autre lecture introduirait une rupture dans l’ordre social, lequel consolide une cohésion sociale conforme à leurs yeux à “ l’ordre naturel ”. La primauté et la préférence ont toujours été accordées aux hommes dans les études jurisprudentielles relatives aux femmes. Une telle prédisposition s’est retranchée derrière une lecture biaisée du Coran favorable aux hommes. Les affirmations des livres écrits sur les questions patrimoniales révèlent l’existence d’un réseau de notions, de conceptions et différents modes d’argumentation mis en œuvre pour doter l’homme d’une attestation d’honorabilité lui conférant un rang supérieur à celui des femmes au sein de la société. L’homme est ainsi le père, l’époux, le fils ou tout autre mâle de l’agnat de la femme. Le plus souvent, les jurisconsultes sont demeurés fidèles à cette vision qui a servi de fondement de nombreuses règles dans différents domaines de la société ; ce qui a rendu plus compliqué encore tout travail visant à édifier un système permettant l’égalité dans les relations des hommes aux femmes au sein de cette société (Silini, Papier d’appui au Rapport). Néanmoins, les interprétations légales éclairées ne manquent pas (Encadré 6 – 2). Historiquement, la vision masculine dominante en matière d’interprétation du Coran et d’élaboration de normes avait ses critiques qui faisaient prévaloir la raison et RAPPORT ARABE SUR LE DEVELOPPEMENT HUMAIN 2005 faisaient ressortir la richesse des significations les plus humaines dans le domaine de l’organisation des relations entre hommes et femmes dans la société arabo–musulmane. Le patrimoine arabo-musulman et certaines étapes de l’évolution de la culture islamique sont chargés de prémices, d’intuitions et de postures qui ont essayé de remettre en cause assez radicalement les valeurs prévalant dans la culture islamique. Ainsi, Abu al–Hassan alBasri a–t–il critiqué la polygamie, les Ismaélites en ont-ils rejeté catégoriquement le principe et dans certains de ses écrits Ibn ‘Arabi (560 / 638 de l’Hégire) a-t-il considéré les femmes comme des êtres bien supérieurs aux images dévalorisantes répandues à leur sujet (AlRashikhi, en arabe, 2004 :161), (Hamadi, en arabe, 2003 :63 – 80). On peut donc parler de textes de résistance à l’hégémonie de la vision masculine de l’infériorité des femmes par rapport aux hommes, qui bien que n’ayant pas changé une telle hégémonie, montrent bien que la culture islamique était plurielle et qu’il était possible de dépasser la vision dominante et que les différences d’opinion de vue étaient légitimes. Aujourd’hui, des défenseurs de l’effort louable (ijtihâd) parmi les jurisconsultes éclairés et les ulama – qui prennent en considération les lois du changement et de l’évolution des sociétés – tendent d’élaborer une noble vision des perceptions que le Coran présente des différents phénomènes sociaux et des changement historiques (Dayalmi, 2000, en arabe, :79-83). La littérature jurisprudentielle élimine les versets prônant explicitement les principes d’égalité et d’honneur divin accordé aux humains dans le texte coranique, pour n’invoquer – dans les différents aspects en matière de législation – que le clan. Celui-ci constitue le point de départ pour le législateur. Par conséquent, la femme devient dès lors dépositaire de la reproduction du clan. Les efforts jurisprudentiels, dans la plupart des édits produits, ne dépassent guère un ensemble de données relatives apparentées à deux éléments : un discours d’ordre général qui trace les contours de principes fondamentaux, d’une part, et une interprétation qui considère ce qu’elle accomplit comme étant le plus proche Structures culturelles de l’esprit du texte et de la réalité d’une société déterminée, d’autre part. C’est dire la relativité et la spécificité du produit jurisprudentiel, voire la possibilité de le transcender en se référant aux même principes, c’est-à-dire les principes fondamentaux déclarés dans le Texte absolu, les intérêts de l’humanité et dans les finalités attendues (AL Shatibi, en arabe, n.d.: 67 – 68). Les exemples précités déduits des lois relatives aux femmes reflétent en réalité la fidélité des jurisconsultes aux coutumes qui ont régi le mouvement de sociétés en quête d’une cohésion, qui assurerait leur équilibre eu égard à leur dynamique sociale. Dans la mesure où la dynamique de changement dans les sociétés arabes contemporaines est différente de celle des sociétés arabes au moment de la constitution des écoles de jurisprudence, les efforts d’interprétation des Anciens (as– Salaf) ne sont plus appropriés à la nature des transformations sociales à l’œuvre, qui se déroulent à des rythmes différents dans la réalité des sociétés. C’est pourquoi, il est important d’œuvrer, à nouveau, pour donner libre cours à l’ijtihad et intérioriser l’esprit Encadré 6-2 Mohammed ‘Abdou : De la critique de la polygamie “ S’agissant de savoir s’il est permis d’annihiler cette habitude, c’est à dire la polygamie, je réponds qu’il n’y a pas de doute là dessus. Premièrement, parce que la condition de la validité de la polygamie c’est d’avoir la certitude que l’équité a lieu. Or, cette condition ne peut inéluctablement pas être remplie… Deuxièmement, ce qui a prévalu c’est le mauvais traitement des femmes par leurs époux et leur privation de leurs droits à la pension et au bien être ; c’est pourquoi il est permis augouvernat et aux responsables qui ont en charge de faire respecter la loi d’interdire cette polygamie pour en finir avec l’état d’illégalité dominant. Troisièmement, il s’est avéré que la dégénérescence des rapports et l’inimitié entre les enfants sont dues au fait qu’ils sont de mères différentes. Si chacun d’entre eux est élevé dans la haine de l’autre, une fois majeurs les uns seront les ennemis les plus acharnés des autres (…). C’est pourquoi il est permis au gouvernant ou à l’homme de religion d’interdire la polygamie et le concubinage afin de protéger les foyers de la corruption des mœurs ”. Source : Mohammed ‘Abdou, en arabe, 1980 : 94-95- Encadré 6-3 Abdelhadi Boutaleb : la jurisprudence (fiqh) de commodité Il appartient à l’effort indépendant d’interprétation de s’ouvrir sur la jurisprudence de commodité, c’est-à-dire sur la justice et l’équité. Il ne doit pas se contenter de rapporter les propos des jurisconsultes anciens, notamment les propos abusifs qui sont contraires aux principes nobles de l’Islam. C’est cela qui assurerait les dispositions susceptibles de réaliser la réforme des rapports familiaux dans le monde musulman, dans le cadre des véritables orientations de l’Islam qui visent à instaurer équité, justice, clémence et égalité. Source : Boutaleb, en arabe, 2005 167 Les femmes sont non seulement diminuées dans notre société par les interprétations jurisprudentielles traditionnelles et conservatrices mais aussi par le contenu des contes, des légendes et des propos qui leur assignent un rang bien déterminé en société. 168 du texte coranique afin de produire les textes jurisprudentiels basés sur des valeurs d’égalité. De tels textes élaboreront une jurisprudence sur les femmes qui dépasse l’équivalence linguistique et historique entre de ce qui est féminin et ce qui est naturel (grossesse, accouchement, allaitement au sein, éducation des enfants, cuisine). C’est ce qui contribuera à la promotion des valeurs culturelles féminines et les transformera en attitude publique. (Dayalmi, 2000 :51-57). Le Coran a assuré les êtres humains (femmes et hommes) d’une place élevée sur terre. Si dans le passé, les jurisconsultes étaient fidèles aux exigences et coutumes de leur société, aujourd’hui ces exigences et ces coutumes ne satisfont plus aux besoins de notre époque et de notre société. C’est pourquoi l’ouverture sur les lois internationales, qui éliminent toutes les formes de discrimination entre les femmes et les hommes, ne porte nullement atteinte à la croyance religieuse, dans la mesure où lois sont les plus proches de l’esprit des textes religieux et des changements en cours dans les société arabes contemporaines. La femme arabe dans les proverbes courants Du soutien de l’éthique de la discrimination de genre La culture populaire arabe brosse des images contradictoires des femmes, des filles et des épouses aux différentes étapes de leurs vies. Les proverbes ayant trait aux femmes et qui circulent au sein des classes sociales arabes fournissent généralement une bonne illustration de la perception qui tient les femmes dans un statut d’infériorité. Ceci révèle jusqu’à quel point la conscience populaire courante est étrangère à la réalité des transformations fondamentales qui traversent les sociétés arabes. Ces proverbes évoquent les conditions des femmes dans un style fabulateur sans se préoccuper des paradoxes qu’une telle fabulation crée par rapport à l’image réelle des femmes et des filles telle qu’elle se dégage de la réalité sociale. Les générations successives dans l’histoire de notre société se sont transmis un grand nombre de proverbes et les ont reproduits. Ces proverbes consolident et perpétuent l’infériorité des femmes. Ce qui revient à dire que les femmes sont non seulement diminuées dans notre société par les interprétations jurisprudentielles traditionnelles et conservatrices mais aussi par le contenu des contes, des légendes et des propos qui leur assignent un rang bien déterminé en société. Il est vrai que les adages courants reprennent, à leur manière, les données de textes, de légendes et de propos appartenant à des références imbriquées et à des temps très anciens, si bien que les propos de ces adages sont l’expression de situations totalement différentes de celles de la société d’aujourd’hui. Mais il n’en reste pas moins que la façon dont sont répands et transmis ces proverbes, les substitutions et les changements qui touchent leurs vocables et leurs expressions les transforment en produit et mémoire collectifs servant à perpétuer et consolider des valeurs déterminées au sein de la société (Al Sa’ati, en arabe, 2003 : 75-84). A l’examen de quelques exemples et échantillons de proverbes arabes courants à propos des femmes et de leurs conditions, on peut relever beaucoup d’images contradictoires, notamment ceux relatifs aux mères et aux épouses, aux femmes mariées et aux non mariées. Cependant, ces contradictions contingentes ne changent en rien la vision générale prédominante. C’est une vision favorable aux hommes, aux valeurs qu’ils ont adoptées et diffusées par plusieurs moyens dans la société. L’étude des expressions, des degrés d’infériorité des femmes et leurs caractéristiques générales tels qu’illustrés dans les proverbes courants dans les sociétés arabes trahissent les mécanismes d’une conflictualité sociétale. Ces mécanismes se traduisent par des mots et des expressions qui visent à légitimer l’infériorité et à l’admettre, voire à la transformer en une spécificité immuable. Les proverbes constituent des registres où sont entreposés des propos mémorables issus de l’expérience humaine à travers l’histoire. Comme ils sont parfois dits par des derviches, des saints, des purs de cœur, des cheikhs et des aqtab qui usent de mots RAPPORT ARABE SUR LE DEVELOPPEMENT HUMAIN 2005 et de rythmes particuliers, où dominent la concision et les procédés rhétoriques cherchant à produire l’effet efficace, ils acquièrent grâce à leur statut spirituel le privilège de l’expression rigoureuse et véridique. Ainsi sont-ils appris et reproduits et largement courants, notamment dans les sociétés où les femmes et les filles souffrent d’analphabétisme. Lesattitudes qui promeuvent l’infériorité des femmes dans les proverbes arabes : Dans la société arabe d’aujourd’hui, plusieurs systèmes de valeurs coexistent. Les langues, les attitudes et les valeurs s’y imbriquent de façon complexe et diversifiée. Il est vrai que les proverbes courants dans les différents franges de la société arabe sont favorables aux valeurs masculines et à l’exclusion des femmes présentées comme “ inférieures ” et “ démoniaques ”. Néanmoins, les évolutions des mentalités survenues dans le cadre des transformations sociétales à l’œuvre dans le monde arabe depuis la seconde moitié du siècle dernier, montrent indubitablement que bon nombre de ces proverbes n’ont rien à voir avec la réalité. Réalité marquée la présence active des femmes au cœur même des processus de changement social en cours (Afarfar, en arabe, 1996 : 60-63). Commençons par fixer les traits généraux de la tendance à l’exclusion dans les proverbes en référant à l’ensemble des proverbes courants dans plusieurs pays arabes (les pays du Machreq arabe, l’Egypte, la Maghreb arabe). Dans la tradition populaire connue, des centaines de proverbes populaires projettent une attitude proche de celle qui conduisait à enterrer des filles vivantes. Afin de justifier la ségrégation à l’encontre du sexe féminin, ces proverbes emploient des arguments moraux ou recourent à un argumentaire qui mobilise le langage des contes et des fables. Certains puisent des justifications dans le registre de la psychologie. Mais ces proverbes, quel que soit leur mode d’expression, servent à souligner la position sociale et morale inférieure des femmes dans la société. Certains proverbes vont même plus loin en soutenant que la femme n’était qu’à moitié saine d’esprit, qu’à moitié croyante, n’avait Structures culturelles droit, en matière d’héritage, qu’à la moitié de la part réservée à l’homme et qu’elle valait même la moitié d’un homme. Ceci conduit à échafauder un profil qui détermine l’existence biologique et domestique des femmes sans considération pour leur autonomie. Les exemples suivants illustrent en quelque sorte les différentes explications que nous avons présentées : • Voix de diable vaut mieux que voix de fillette ” • Toi femme qui donnes naissance à des filles, tu n’auras que soucis jusqu’à la mort ”. Dans les proverbes, l’image des femmes ne correspond pas à celle de rancunière, d’insidieuse, d’infidèle, d’impulsive mais elle est plutôt synonyme de démoniaque, de frivole. C’est pourquoi ces proverbes recourent à une description qui agence de façon inconsciente des images qui contredisent les principes que recèlent les principes et les prétextes d’exclusion. Ainsi la femme devient-elle détentrice d’une force pouvant égaler celle de l’action démoniaque dans sa toute puissance et sa capacité à anéantir quiconque lui barrerait la route. Il est clair que le message véhiculé par ces proverbes est de répandre une culture de la méfiance à l’égard du genre féminin. Ceci donne précisément lieu à des postures d’opposition, revêtant la forme de contes que les grand-mères racontent à leurs petites filles (Mernissi, en arabe, 1983 : 40 – 59). En revanche, l’homme -dans ces proverbesdemeure la voie qui mène à bon port, puisque la femme ne peut se passer de lui à condition qu’elle accepte l’ordre hiérarchique confirmé par les interprétations du patrimoine religieux traditionnel et généralisé au moyen de proverbes dialectaux. C’est là un indicateur du préjudice social à l’égard des femmes. Certains de ces proverbes considèrent que si “ la fille est une calamité ”, “ le mariage est un abri ”. Dans tous les cas, il devient légitime de diffuser la prétention véhiculée par le proverbe qui dit au nom d’une femme : “ Autant l’enfer de mon époux que le paradis de mes parents ” ou encore ce proverbe plus violent : “ Pour la fille c’est ou son époux ou sa tombe ”. Or, le mariage ici est indissociable du système des valeurs du système institutionnel 169 Encadré 6-4 Cheikh Mohammed Al Ghazâli : Le détournement des enseignements de l’Islam au sujet des femmes Les musulmans se sont détournés des enseignements de leur religion dans leur traitement des femmes. Des propos obscurantistes et des hadiths établis ou apocryphes se sont répandu parmi eux et ont fini par faire sombrer la femme musulmane dans une grande ignorance et dans l’imprévoyance totale, qui ne conviennent ni à la religion ni à la vie d’ici-bas. L’instruction des femmes était considérée comme un péché ; on lui interdisait même de se rendre à la mosquée ! Qu’elle s’intéresse aux affaires des musulmans, à leur présent ou à leur avenir, cela relevait de l’impossible ! Le mépris de la féminité était chose courante ; le ravissement de ses droits matériels et moraux était la coutume dominante ! Il y a trois ans, un orateur célèbre, gagné par la peine et la colère, s’est dressé pour crier fort : est révolu le temps où la femme ne sortait que trois fois : du ventre de sa mère au monde, de la maison de son père vers le foyer conjugal et de son foyer vers la tombe ! Moi je dis que Dieu maudisse ces temps à jamais, qu’ils ne fassent jamais de retour dans l’histoire de notre nation ! Ce sont des temps propres à l’ère antéislamique non à l’Islam. Il sont le triomphe des traditions arbitraires et ne constituent nullement la voie du droit chemin. La régression de la umma islamique jusqu’à faire partie du tiers-monde est en grande partie le résultat de ces traditions aberrantes. Source : Abu Shaqqa, en arabe, 1999 :5 existant dans les sociétés qui tiennent à établir la discrimination entre les deux sexes selon une conception patriarcale où l’homme (le mari ou le père) demeure le garant de l’ordre hiérarchique dans la société (Sabbar, en arabe, 1998 : 49-67). Les perceptions positives des femmes Pourtant, on ne peut passer sous silence le fait qu’il existe des proverbes antithétiques à ceux cités ci-avant. Dans la tradition orale populaire et dans plusieurs textes du patrimoine, d’autres images sont présentes : celles des femmes intelligentes, maîtrisant l’art de la parole, en quelque sorte enchanteresse dans le sens positif du terme. A titre d’exemple Schéhérazade exerce – dans la littérature populaire - une capacité remarquable d’influence par la narration. D’autres attitudes ainsi que des propos courants agencent des images totalement différentes de celles courantes dans la culture populaire sur le rôle de la mère et sa place au sein de la famille et de la société. Il est possible d’interpréter les images contradictoires des femmes dans la mentalité populaire comme étant l’expression d’états psychologiques multiples. On ne doit donc pas leur attribuer le caractère d’un parti pris théorique immuable et clos. Il s’agit en fait d’attitudes qui reflètent des 170 états et des conceptions versatiles, bien qu’elles tendent la plupart du temps à la consolidation de l’infériorité des femmes (Shams al-Din, en arabe, 2002). Effectivement, il y a de nombreux proverbes qui élèvent les femmes, dans leur rôle de mères ou de filles. Parmi ceux où la mère et la fille sont positivement évoquées, où la mère est considérée comme une source de protection, d’amour et d’attention, on cite à titre indicatif : • “ La mère construit bien un nid, le père le détruit.” • “ N’a pas de soucis celui qui a sa mère. ” • “ Celui qui perd sa mère, le Ciel lui dit : ô humain, elle est partie à jamais celle qui t’aimait sur terre. ” • “ Le paradis et sous les pieds des mères, il faut donc leur obéir. ” (Hadith) Dans certains proverbes, la fille est synonyme de vie : “ N’a pas vécu celui qui n’a pas eu de filles. ” Ainsi les proverbes populaires courants oscillent-ils entre le négatif et le positif, ce qui montre clairement le caractère contradictoire de la phase de transition que traversent les sociétés arabes quant à leur conception de la femme et de son rôle dans la société. Les femmes dans la pensée arabe contemporaine Vers l’émergence d’une nouvelle référence Avant d’examiner l’image des femmes dans la pensée arabe contemporaine et de reconstituer quelques éléments de la référence théorique qui la sous-tend, il est nécessaire de souligner que la manière avec laquelle on abordait la situation des femmes et leur réalité était déterminée par une vision théorique qui liait la question des femmes à celle de la Renaissance arabe. C’est la raison pour laquelle la réflexion sur la question des femmes, dans certaines productions de cette pensée, allait s’orienter vers la recherche de la manière de se libérer du poids de la référence traditionnelle héritée dans toutes ses manifestations. Etant donnée l’ampleur du sujet, nous allons centrer l’intérêt sur les moments RAPPORT ARABE SUR LE DEVELOPPEMENT HUMAIN 2005 importants qui ont marqué l’évolution des questions des femmes dans la pensée arabe contemporaine : il s’agira du moment de la perception de l’écart, puis de celui de la prise de conscience de la transformation et enfin celui de l’institutionnalisation. Cela nous permettra d’observer les transformations de la conscience arabe et ses paradoxes en fin de compte (Kamal Abdellatif, en arabe, 2003 : 9 – 13). Le moment de la perception de l’écart : l’autre femme dans le miroir de soi Par perception de l’écart, nous entendons ce moment de la pensée arabe quand les chercheurs ont identifié les débuts de la transformation qui va conduire à ce qui est connu comme l’ère de la Renaissance arabe. C’est à dire quand les élites politiques et celles qui allaient concevoir les programmes de réformes intellectuelles et sociales ont compris que les sociétés européennes avaient des caractéristiques déterminées qui étaient à la base de leur puissance et leur progrès. Selon cette perception, toute réflexion sur le dépassement du retard vécu par les sociétés arabes présupposait la recours aux bases et aux prémisses qui ont engendré – dans le passé comme dans le présent – la renaissance et la puissance en Europe et dans le monde développé. Le projet réformiste du Cheikh Rifa’a Râfi’ al-Tahtawi (1801-1873) représente, par excellence, ce moment dont on a parlé. Cette section réfère a quelques-uns de ses écrits pour illustrer certains aspects de ce moment de la pensée arabe. Il s’agira de deux textes : Le Guide fidèle pour l’éducation des filles et des garçons, et La Purification de l’or dans l’aperçu abrégé de Paris (Al-Tahtawi, en arabe 1834 et 1870). Les écrits de Rifà’a Al-Tahtawi était d’une nature polémique manifeste. Défenseur dans son projet de renaissance des idées de réforme et de civilisation, il a recouru, concernant la question des femmes, à cerner l’ensemble des conceptions qui entravent l’évolution de leurs conditions comme tel que le refus de leur apprendre à lire et à écrire. Il s’est également élevé contre les conceptions qui taxaient les femmes de déloyauté, d’artifice, de ruse et de déraison. Car selon l’expression de Al-Tahtawi, Structures culturelles la fonction des femmes d’après certains ne va pas au-delà de “ faire fonction de récipient qui assure la procréation ”. Quand il s’élève contre le discours traditionnel dominant au sujet de l’instruction des femmes, Al-Tahtawi insiste sur l’importance du savoir dans la vie. Il ne se contente pas d’énumérer les bienfaits de l’instruction dans la vie des femmes, mais il va au-delà, en faisant prévaloir un esprit qui ouvre des perspectives d’évolution de la réalité des femmes arabes vers des changements inhabituels dans le système social et culturel de son époque. Ainsi a-t-il lié l’instruction et le savoir à la question du travail. L’instruction, selon lui, “ permet à la femme en cas de besoin d’exercer les mêmes travaux et d’occuper les mêmes fonctions que l’homme (…) le travail protège la femme contre ce qui n’est pas bienséant. Si le chômage est blâmable pour les hommes, il l’est encore plus pour les femmes ” (Al-Tahtawi, en arabe, 1973 : 210 ). Dans les textes de Al-Tahtawi, relatifs à l’instruction des filles, la question de la mixité et du voile est présente dans la mesure où elle traduit certains aspects de la nature de la société arabe. Pour défendre l’instruction et le travail des femmes, Al-Tahtawi a eu recours à l’histoire et à certaines dispositions de la Charia islamique, en essayant de concilier l’histoire et le patrimoine Encadré 6 – 5 : La liberté est une femme A périodes noires en Europe et ailleurs, la femme était rejetée et méprisée. Elle faisait partie des biens. L’homme pouvait vendre son épouse aux enchères publiques. Les écrivains et les poètes mettaient toute leur imagination à la satiriser et à la critiquer. Les théologiens ont longtemps débattu de la question : “ la femme a-t-elle un esprit ? ” ; ils ont même prétendu qu’elle était “ la voie vers l’enfer ”, “ l’usine où le diable confectionne ses armes, sa voix est le sifflement des vipères ”, qu’elle était “ les flèches de Satan ”, “ venimeuse comme le cobra, rancunière comme le dragon ” (…) Lorsque les lueurs de la civilisation moderne ont pointé à l’horizon et que les sciences et les connaissances sont devenues tributaires de l’expérimentation et de l’examen après avoir été assujetties aux doctrines et aux traditions, la question des femmes a pris de l’importance. On a donc compris (…) que la réussite dépendait de l’instruction des femmes et de leur promotion, car la femme constitue le pilier de la famille, l’éducatrice des enfants et la partenaire de l’homme dans la vie. On leur assura progrès, instruction et prestige. Aussi a–t–elle commencé à revendiquer ses droits. Les écrivains n’ont pas été unanimes sur la quantité de ces droits, mais ils se sont mis d’accord sur le respect et la vénération de la femme, à tel point que l’être féminin est devenu le symbole de la vertu et de la fierté. Ainsi, quand ils veulent décrire concrètement la liberté, ils érigent une statue sous forme de femme. Il en va de même pour l’unité, l’éloquence, le travail et autres vertus : ils les représentent comme des femmes. Source, Zaydan,en arabe, 2002. 171 avec les acquis des temps modernes dans les domaines de la connaissance et de la vie en général. En même temps et de la même manière, il a essayé d’asseoir les fondements d’une mixité qui ne porterait pas atteinte à la pudeur, tout en tenant à rejeter tout ce qui contribue à l’isolement des femmes et à leur éloignement de la réalité sociale, le travail exigeant que la femme sorte du foyer. Selon lui, cela est tributaire de la confiance fondée sur la bonne éducation, car la nouvelle éducation permet de préparer les filles à assimiler les valeurs des temps modernes et à s’adapter aux exigences de celles-ci. (Kamal Abdellatif, Papier d’appui au Rapport). Le moment de la prise de conscience de la transformation : premières tentatives de réduire les prétentions de la jurisprudence à consolider l’infériorité. Si les textes de Al-Tahtawi ont constitué le foyer inaugural du premier moment, les écrits des réformateurs et des pionniers de la deuxième période ont traduit une profonde assimilation, d’une façon ou d’une autre, l’ensemble des éléments de l’alternative qui a travaillé l’œuvre de Al-Tahtawi, à savoir l’autre image des femmes puisée dans les références de l’histoire européenne moderne et contemporaine. A cet égard, ni Qasim Amin (1865 – 1908) ni Al-Tahar Al-Haddad (1899 – 1935) n’ont hésité à défendre le principe selon lequel il fallait tirer profit des expériences de l’histoire et de la société européennes. En même temps, ils rejetaient l’existence de quelque contradiction que ce soit entre les principes de la Charia et les valeurs de la vie nouvelle naissante dans les sociétés contemporaines. Ils se sont également efforcés d’engager un débat à propos de la re– classification et la ré–interprétation de certains versets coraniques dans le but de dénoncer l’interprétation biaisée qui en a été faite en défense de valeurs déterminées. Leur réflexion a aussi influencé le travail pionnier accompli par de Nazira Zayn al-Din (1908 – 1976) dans “ Dévoilement et voilement ” (Zayn al-Din, en arabe, 1998). Les textes de Qasim Amin, par exemple, présentent les éléments essentiels pour comprendre les mutations survenues dans 172 la perception des élites arabes de la nature de la situation des femmes dans les sociétés arabes ainsi que de la nature des questions qui accompagnent le changement. Les manifestations de ce changement ont apparu, à des degrés variables, dans les pays arabes, malgré l’hégémonie coloniale qui constituait la caractéristique la plus apparente de la majorité de ces sociétés. L’œuvre de Qasim Amin a été en mesure de présenter un diagnostic de la situation des femmes égyptiennes et à travers elles des femmes arabes, eu égard aux liens humains qui structurent le monde arabe, ainsi qu’à l’histoire et aux valeurs communes, même quand leur expression se fait sous différentes formes. Le fil conducteur de ce diagnostic a été de montrer l’infériorité des femmes structure le champ social observable. Les manifestations de cette infériorité, tels qu’ils ont été exposés dans les textes de Qasim Amin peuvent être regroupés comme suit : les femmes sont confinées au foyer si elles ne travaillent pas ; la séparation lors des repas ; elles sont soumises à la surveillance du père, de l’époux, du frère ou du fils ; la répudiation ; les femmes ne sont pas dignes de confiance ; elles n’ont pas leur place en matière de biens publics et dans institutions de l’espace public; elles n’ont pas leur place en matière de croyance religieuse ; elles n’ont pas de goût et la vertu nationale fait défaut chez elles. Le diagnostic de Qasim Amin prend une allure critique et a un caractère réformateur et partisan. L’exposé de l’état des lieux évoque éloquemment la nature des rapports sociaux qui consolident l’infériorité des femmes et qui leur sont préjudiciables. Plus important encore, il souligne la dialectique de reproduction et de renforcement de ladite infériorité. Son but est de chercher les voies et moyens pour l’éliminer et la dépasser (Fahmi, 1964 :115-132). A cette fin, Qasim Amin formule son projet de réforme et écrit alors “ La Libération des femmes ” (1899) et “ La Femme nouvelle ” (1900) en s’inspirant à des écrits où s’interpénètrent les idées représentant le nouvel esprit réformateur et progressiste de la pensée de la Renaissance arabe et les idées véhiculées par la nouvelle pensée sociale en Europe, et notamment certaines thèses et concepts de la philosophie RAPPORT ARABE SUR LE DEVELOPPEMENT HUMAIN 2005 positiviste. On découvre que la base théorique qui structure sa vision et son projet de réforme est essentiellement fondée sur les références et les principes qui sont apparus avec l’émergence de la société industrielle et les transformations qui s’en ont suivies à l’échelle du corps social comme au niveau de la vision générale de la société et de l’histoire (Qasim Amin, 1899 et 1900). Qasim Amin a également appelé à libérer la femme du joug des traditions en supprimant le voile et en réduisant le droit de l’homme au divorce. Il a aussi appelé à l’égalité en droits civils entre les femmes et les hommes quant aux. Dans ce programme réformateur, il y a suffisamment d’éléments qui indiquent que nous sommes effectivement en présence d’une mutation majeure dans la perception des questions des femmes arabes, une mutation qui trace les contours d’une critique forte et qui nous met au seuil de nouveaux horizons dans la considération de la question féminine ; même quand les moyens font défaut traduire ce programme dans la réalité. Les réformateurs comme Qasim Amin, Nazira Zayn al-Dine et puis par la suite alTahir al-Haddad et bien d’autres, au regard de leur façon de traiter la question des femmes, avaient une conscience aiguë de la nécessité de changer la condition des femmes. Cependant, ce qui renforce ce moment et lui confère toute sa dimension symbolique active dans les structures et les contours de la pensée arabes, est le large front ouvert au cœur des fortes résistances de la société arabe. En effet, l’appel de Qasim Amin à l’émancipation des femmes a eu, comme nous l’avons dit précédemment, des échos discontinus et contradictoires. Chose qui a suscité une vive et dynamique polémique qui a contribué, à son tour, au développement des outils et des notions qui sous-tendent la pensée arabe en matière d’émancipation des femmes et de développement de la société arabe (Kamal Abdelatif, Papier d’appui au Rapport). Le moment de la prise de conscience de l’institutionnalisation : vers l’édification du rationalisme pragmatique dans l’approche des questions relatives aux femmes arabes L’analyse contenue dans les paragraphes précédents montre que le combat pour Structures culturelles l’émancipation des femmes dans la pensée et dans la réalité arabes doit redoubler pour vaincre les idées et les attitudes qui continuent de façonner l’affectivité, l’imaginaire et la raison des individus et des communautés dans la plupart des pays arabes. Dans ce contexte, le changement survenu dans l’approche des questions des femmes arabes durant les trois dernières décennies du siècle derniers, a contribué, et ne cesse de contribuer, à la consolidation de la résistance aux différentes perceptions qui tiennent les femmes pour des êtres inférieurs. L’on peut parler d’un processus progressif et lent de satisfaction de certaines revendications féminines dans certains pays arabes, notamment au chapitre des codes de Statut personnel et des lois qui permettent aux femmes de participer à la vie politique. Cependant, jusqu’à ce jours ce processus n’a toujours pas pu neutraliser les pressions exercées sur les femmes dans nombre d’aspects et de domaines de la vie. On a commencé à travailler selon l’esprit qui structure ce moment de la pensée arabe quand les acteurs ont pris conscience que l’efficacité du discours théorique réformateur, qui a longtemps marqué la pensée politique et sociale arabe, tout au long de la première moitié du XXe siècle, n’a pas engendré les résultats à même de contrecarrer les traditions et les pensées conservatrices relatives à la question des femmes et à l’amélioration de leur statut dans les sociétés arabes. Pour faire face à cette déficit, nombre de gouvernements arabes ont œuvré, depuis les années soixante dix du siècle dernier, pour introduire la variable féminine dans les plans et programmes de développement, dans le cadre d’une nouvelle conception du développent qui ne se réduit pas au seul développement économique, mais qui cherche à faire, de façon prioritaire, du Encadré 6 – 6 Nazira Zayn al-Din: Le temps, la liberté et la libération “ Que nous le voulions ou non, nous ne pouvons pas nous dresser comme une barrière face au courant de renaissance moderne et aux idées nouvelles qu’il nous apporte dans le domaine de la sociologie. La religion s’est libérée, la science s’est libérée, la raison s’est libérée, la pensée s’est libérée, l’art et la société se sont libérés. Tout dans ce monde a échappé au joug de l’esclavage et de l’esclavagisme ”. Source : Nazira Zayn al-Din , 1998 : 121 173 développement économique un levier pour le renforcement des sphère du développement social et puis du développement humain général. Dans ce contexte, on peut parler de l’internationalisation de la question féminine à l’instant même où on a pris conscience du processus d’institutionnalisation. En effet, des conférences régionales, locales et internationales se sont multipliées dans le but de mettre un terme aux conditions dégradantes des femmes dans le monde et pour se mettre d’accord sur un discours revendicatif tout en prenant en considérations les disparités des situations des femmes dans les divers pays du monde. On peut également parler à cet instant du progrès réalisé en terme d’approche qui est passé de celle du traitement social relatif à un sexe donné, à celle élaborée à la lumière de la réflexion relative au développement humain. Les aspects de la nouvelle conscience : indicateurs et paradoxes Tout observateur des thèmes féminins dans la pensé arabe contemporaine, ne manquera pas de noter l’apparition de nouveaux indicateurs témoignant de la nature des transformations que cette question a connues quand elle a revêtu un aspect institutionnel. L’adhésion des femmes à des associations civiles s’intéressant à l’action politique et aux droits humains a contribué à l’habilitation de la société et à la rééducation pour qu’elle admette la présence féminine active. L’une des finalités de cette transformation fut de dissiper l’image stéréotypée des femmes empruntée à une histoire en voie de déclin et devenue un critère absolu. Cette image va céder la place, dans l’histoire actuelle, à d’autres actions dotant la femme d’un espace plus vaste et plus propice à l’action, à l’innovation, à la production et à la créativité. Il est certain que les sciences économiques, la sociologie, la psychologie, la psychanalyse et l’évolution de la conscience en matière de vie sexuelle ont contribué ensemble à l’enrichissement des conceptions et attitudes qui se partagent le champ de la pensée relatif aux questions des femmes et de la société. Elles 174 ont constitué une nouvelle source d’autorité s’appuyant les avancées épistémologiques modernes en matière de pensée scientifique et analytique et de méthodologies novatrices. Ceci a permis du même coup de restreindre le champ de la pensée conservatrice, des connaissances et des attitudes traditionnelles dans ce domaine. La forte présence de concepts et termes liés aux résultats des sciences humaines a conduit à la production de nouveaux concepts ciblant la situation des femmes à travers le monde. Ces concepts ont été approfondis grâce aux efforts déployés par les mouvements des femmes qui se sont intéressés à cette question, tout en soulignant l’importance de l’histoire et de la culture dans la formation des mentalités et des hiérarchies au sein de la société. Une série de concepts tels que ceux d’égalité, de justice, de participation, d’autonomisation, de genre et de développement humain sont de plus en plus utilisés comme instruments de réflexion sur la réalité des femmes arabe. De nouvelles conceptions recoupant ces concepts ont vu le jour à propos des questions sociales et politiques et de développement. Cette transformation intellectuelle et méthodologique adossée aux champs des sciences sociales ainsi que le projet de la critique de la raison arabo-musulmane qui a produit des avancées significatives dans la critique des traditions dogmatiques, ont contribué au développement de la pensée et de la société dans le monde arabe(Al-Jabiri, en arabe,1984, 1986, 1990, 2000) et (Arkoun ; en français, 1984 ). Cette évolution se ressent dans la manière d’examiner les questions des femmes arabes et la manière de dépasser leur statut actuel. Il en résulte, sur le plan du discours et des conceptions, de nouvelles données ayant permis à la pensée arabe contemporaine de contenir fortement les conceptions traditionnelles au niveau de la culture comme au plan du patrimoine populaire. L’aspect le plus important du combat et de l’activisme des femmes à travers le monde arabe est qu’elles aient transcendé le statut même de femmes pour inscrire leur action dans une vision plus large qui s’articule aux questions soulevées par les grandes transformations en cours dans les sociétés arabes, y compris celles RAPPORT ARABE SUR LE DEVELOPPEMENT HUMAIN 2005 de la renaissance, du développement et du progrès. Les femmes arabes considèrent les projets de réforme politique et économique et l’établissement d’une interaction positive avec le système des droits de l’Homme dans le monde comme faisant partie des objectifs directs qu’elles visent. C’est la raison pour laquelle la présence féminine au sein des organisations de la société civile et de la société politique a connu une nette croissance. Cette évolution augure d’une forte implication des femmes dans les questions de changement et de leur participation à l’avènement de ce changement, ce qui leur permettra d’occuper une plus grande place dans le traitement des affaires publiques. Il est important de ne pas minimiser l’importance de cette participation, dans un combat qui englobe – sans exception – les différents domaines de la vie en société (Kamal Abdellatif, Papier d’appui au Rapport). Le mouvement des femmes s’est investi, vers la fin du siècle dernier, dans le projet de changement social qui accorde un rôle important aux intermédiaires sociaux dans la réalisation des objectifs sociaux. L’activité de ce mouvement donne lieu à une série de recommandations et de mesures visant à élargir l’éventail des sphères sensibilisées aux questions des femmes. La pensée nouvelle s’est manifestée à travers des médias tels que l’Internet, les clubs de discussion, les chaînes de télévision et de leurs programmes spéciaux ; autant d’activités qui ouvrent des perspectives basées sur la force du dialogue, de proposition et de l’élaboration des conceptions. Ces médias ont facilité l’émergence d’un nouveau discours de la libération qui permet aujourd’hui aux femmes d’occuper des espaces publics qu’elles ne pourraient pas atteindre au moyen de la seule lecture des matériaux imprimés sur des livres et des journaux, lesquels reculent petit à petit devant le génie des nouveaux médias capables d’exercer une influence à même d’ébranler tous les aspects conservateurs du patrimoine, et notamment les traditions et les idées qui légitiment la hiérarchisation et la considèrent comme une “ seconde nature ”. Les nouveaux médias ont aidé à promouvoir la conscience en matière de genre dans le sens de la cohésion et de l’égalité sociales, en se basant Structures culturelles sur les principes de solidarité et d’équité qui constituent l’alternative appropriée aux principes de discrimination et de ségrégation entre les deux sexes (Menissi, en français, 1984 :13-35 et Kamal Abdellatif, Papier d’appui au Rapport). Cependant, cette transformation qualitative de la pensée arabe ne devrait pas nous faire omettre la grande contradiction que pourrait noter l’observateur s’intéressant à l’histoire des idées : la réapparition, sur une large échelle, des conceptions traditionnelles et de points de vue conservateurs au sujet du rôle des femmes dans la société, à travers des discours, les tenues et les rites de la vie quotidienne. Le tout visant à contrecarrer les transformations réalisées par les mécanismes de l’institutionnalisation, qui ont déplacé les questions des femmes de l’échelle locale à l’échelle universelle et ont approfondi ces questions en les articulant à celles du développement humain. Il faudrait évoquer à ce propos les réseaux mondialisés de production de fatwas qui offrent au discours conservateur et à la pensée traditionnelle des lieux et des fronts hostiles à tous les discours prônant l’émancipation, le développement et l’intégration des femmes dans les sphères de la production et de la création. Ce retour continuel des régressions et des résistances qui instrumentalisent les traditions pour faire face aux problématiques de la société arabe – en voilant les femmes, en les tenant cloîtrées au foyer- nous met face à un paradoxe flagrant : il indique que la société, les établissements scolaires et les organisations de la société civile, malgré leur foisonnement, continuent à ne pas accorder l’intérêt nécessaire à la consolidation des valeurs du savoir moderne et de la réforme politique. Or ce sont ces valeurs qui permettront de généraliser les espaces de liberté, de l’alternance du pouvoir ainsi que l’esprit de citoyenneté. En tout cela, il s’avère nécessaire de réduire le champ des valeurs conservatrices qui ne prête pas d’intérêt aux variantes de l’histoire, ni n’en perçoit les qualités, dans la conception de soi et de la société (KAMAL Abdellatif, en arabe, 1997 :67-80) Le mouvement des femmes s’est investi, vers la fin du siècle dernier, dans le projet de changement social qui accorde un rôle important aux intermédiaires sociaux dans la réalisation des objectifs sociaux Les nouveaux médias ont aidé à promouvoir la conscience en matière de genre dans le sens de la cohésion et de l’égalité sociales, en se basant sur les principes de solidarité et d’équité qui constituent l’alternative appropriée aux principes de discrimination et de ségrégation entre les deux sexes 175 La femme dans le roman arabe A la recherche d’une nouvelle image des femmes arabes : Dans sa diversité et sa richesse, la sensibilité romanesque arabe aux thèmes sociaux a contribué à contenir ces types de stéréotypes répandus sur les femmes. Cette partie présente des exemples précis, en vue d’illustrer le rôle joué par la création romanesque dans les opérations de consolidation ou d’ébranlement et de critique des valeurs sociales et culturelles relatives aux conditions des femmes dans les sociétés arabes. Le roman arabe a joué un rôle salutaire en détruisant l’image stéréotypée dominante des femmes dans notre société. Dans sa diversité et sa richesse, la sensibilité romanesque arabe aux thèmes sociaux a contribué à contenir ces types de stéréotypes répandus sur les femmes, si bien que nous rencontrons dans les univers romanesques des dizaines d’exemples et d’images reflétant les couleurs du spectrogramme féminin dans la réalité. Cependant, en tentant de construire de nouvelles perceptions des femmes dans la fiction, le roman arabe ne s’est pas contenté de s’attaquer aux images stéréotypées des femmes, mais il a veillé également à mettre en lumière des aspects de la représentation par les femmes de leur propre asservissement et certaines formes de leur complicité dans la reproduction de la domination masculine. L’amalgame et la contradiction contenus dans bon nombre d’œuvres romanesques indiquent, en quelque sorte, des cas d’imbrication des valeurs. Ce phénomène peut être expliqué par le contexte général qui surdétermine la création romanesque à l’étape historique de transition par laquelle passent les sociétés arabes. L’image de femmescroisées dans le roman arabe Pour mieux approcher les univers des femmes dans le roman arabe, nous employons la notion d’ “ image ”. Nous l’utilisons également pour pouvoir comprendre le rôle exercé par l’art romanesque dans la constitution des situations des femmes au sein de la société. Bien que les “ images ” puissent être très réductrices de la 176 diversité qui le trait caractéristique premier dans le vécu quotidien et un trait spécifique de la narration dans les œuvres romanesques, elles permettent néanmoins de construire des modèles reflétant – sur une large échelle - les luttes et les changements en cours dans la réalité. Nous nous intéresserons ici aux images dans leur interaction enrichissante les unes avec les autres. En effet, le roman arabe offre un registre de données qui expriment le degré de conscience qu’ont les créateurs et créatrices arabes des problématiques de la réalité sociale arabe dans sa complexité, sa transformation et son déroulement. Dans leurs œuvres narratives, les grands romanciers arabes (tels que Najib Mahfuz, ‘Abd al Rahman Munif, Hanna Mina et d’autres) ont créé des univers qui traduisent de grandes compétences dans l’observation des transformations et des contradictions de la réalité sociale arabe dans toutes ses dimensions et notamment en ce qui concerne les relations femmes–hommes. A titre d’exemple, l’univers romanesque de Mahfuz – l’un des univers fondateurs les plus proéminents des espaces narratifs dans l’écriture arabe contemporaine – observe, décrit et construit sur un plan imaginaire un nombre considérable d’images et de positions des femmes dans les sociétés égyptienne et arabe. A elle seule, la trilogie Bayn al-Qasrayn (Entre les deux palais) (1957a), Qasr al-Shawq (Le palais du désir) (1957b) et al-Sukkariyyah (La rue du sucre, quartier du Caire) (1957c) publiée à la fin des années cinquante du siècle dernier, présente un panorama de profils de femmes dans notre réalité arabe sur une période de plus d’un demi-siècle. On y trouve une variation d’images de femmes ainsi que celles de leur souffrance. Les descriptions reflètent minutieusement les scènes, les attitudes, les événements et les différents aspects de la vie et de la mort, de la tristesse et de la joie, de la violence, du plaisir, du mariage et du divorce. Ce qui crée parfois un univers plus complexe et plus riche que le monde réel dans sa complexité et sa richesse. On peut donc parler d’un réseau de valeurs se rapportant à un point de vue déterminé sur les femmes, à travers une succession d’événements et une multiplicité de personnages féminins RAPPORT ARABE SUR LE DEVELOPPEMENT HUMAIN 2005 dans cette trilogie. Cependant, si le texte est dominé par ‘Ahmed Abd al-Jawad’ qui représente la tyramine paternelle masculine, on trouve à l’opposé la soumission de son épouse ‘ Madame Amina’ avec toute sa constitution psychologique et sociale. Toute approche critique visant à dessiner les univers de ‘Madame Amina’, immunisée par sa soumission, nous amènerait parfois à percevoir, dans le roman de Najib Mahfuz, ce que l’on ne peut ni voir, ni en dessiner nettement les contours dans la réalité. Néanmoins, la progéniture d’ ‘ Ahmed Abd al-Jawad’ et d’ ‘Amina’ va générer au cœur même de la société du roman les différents germes annonçant un changement qualitatif sur le regard porté par la société sur les femmes. C’est précisément ce qui pousse l’Equipe du Rapport à considérer la trilogie comme étant l’histoire du despotisme et des formes de soumission vécues par les femmes à travers le monde et qu’elles continuent de subir. La trilogie relate également l’histoire de cette dichotomie domination/soumission et ce qui s’en dégage comme tendances à la rébellion contre une réalité qui ne convient plus aux nouvelles valeurs de notre société. Cela ne signifie nullement que le contraste est construit de la façon la plus simple qui soit. En effet, les personnages des autres hommes - les fils d’ ‘Abd al-Jawad’ – et les autres personnages - les filles et des petites filles d’ ‘Amina’ – révèlent d’autres aspects latents ou décrits des deux personnages principaux. On peut en effet lire dans le romantisme de ‘Fahmi’, l’hésitation de ‘Kamal’ et l’extravagance de ‘Yacine’ - le fils aîné issu d’un premier mariage de Kamal – quelque chose qui explique la relation que ‘Amina’ entretient avec ses deux filles ‘Khadija et A’icha’. Il en va de même pour les petits-fils. Dans al-Sukkariyyah,qui est le drnier volume de la Trilogie, l’âge de la génération de femmes marxistes militantes est atteint et les lecteurs se retrouvent face aux prémices annonçant la naissance d’une nouvelle société, un monde plein de contradictions où opèrent des valeurs contradictoires. A ce point précis du développement du roman recoupe le développement complexe de la situation réelle à travers laquelle les sociétés arabes, pour ce qui est de la relation hommes-femmes, abritent Structures culturelles de nombreuses contradictions comme celle de la cohabitation des d’infériorité et de libération à travers les images d’imitation, de complicité et de changements de rôles. Ainsi en racontant la réalité de manière romanesque, le roman devient une lampe qui éclaire ce qui se passe dans la réalité. Le roman féminin : prémices de la conscience individuelle et premiers affrontements avec la culture de l’infériorité Les images de femmes produites par les romancières arabes ont des traits spécifiques mais n’allant pas jusqu’à soumettre cette création romanesque à la logique du sexe et du sexisme. Elles offrent au lecteur l’occasion de découvrir une autre langue, voire d’autres langues dans l’approche de la question de l’infériorité des femmes et les moyens de la dépasser. Les écrits de ces romancières sont autant de tentatives visant à construire, au niveau de l’écriture, des sensibilités linguistiques et esthétiques favorables à la création d’espaces imaginatifs dans le roman arabe, et favorables à de nouvelles alternatives en terme de valeurs. La tendance naît avec la parution des romans Ana Ahya (Je vis) (Ba’labakki, 1958), la publication des travaux de Colette Khoury tels que Ayyamun ma’ah (Des jours avec lui) et Layla wahida (Une seule nuit) (Khouri, 1959 et 1961), le romans de Ghada al-Samman et les écrits de la génération de Ahlam Mustaghanimi, Huda Barakat, Radwa ‘Ashur, Laila Al Atrash, Sahar Khalifa et Layla al-‘Uthman, à titre d’illustration. Dans ces écrits, le lecteur est confronté à certains éléments de la fragmentation des femmes. Il existe en effet des éléments et des données qui approchent l’univers des femmes dans l’imaginaire romanesque, qui présuppose un enchevêtrement et une imbrication de cet imaginaire avec la réalité des femmes en société. Dans son analyse textuelle précieuse de romans de femmes arabes, Bothayna Sha’ban (1999) a essayé de dégager les caractéristiques générales de ce genre de roman et le rôle qu’il a joué dans le diagnostic des manifestations Les sociétés arabes, pour ce qui est de la relation hommesfemmes, abritent de nombreuses contradictions comme celle de la cohabitation des d’infériorité et de libération . 177 Les romans écrits par des femmes mettent en scène quatre images de femmes : la femme privée de ses droits, la femme militante, la femme rebelle, et la femme “ multiple ” Les œuvres romanesques qu’il est possible d’inscrire sous l’image de rébellion présentent un cri de protestation par lequel les femmes créatrices proclament, par personnages romanesques interposés, la nécessite d’en finir avec l’ère de la tyrannie sous toutes ses formes, latentes comme apparentes 178 de l’infériorité et de l’exclusion des femmes ainsi que les initiatives entreprises par les personnages romanesques pour les dépasser. Dans une autre étude de la production romanesque des femmes arabes, Fowziyah Abu-Khalid a essayé de construire un modèle en quatre parties qui lui a permis de dépasser les stéréotypes traditionnels sur la femme ( la femme–énigme, la femme–tentation, la femme–conspiration et la femme–honneur) et d’élaborer une approche qui transforme les multiples faits et images de ces romans en modèles qui peuvent être analysés et qui sont en mesure d’aider à identifier des modèles de femmes fragmentées au sein des univers romanesques. (Fowziyah Abu–Khalid, Papier d’appui au Rapport). Les romans écrits par des femmes mettent en scène quatre images de femmes : la femme privée de ses droits, la femme militante, la femme rebelle, et la femme “ multiple ”.. Chacune représente le parcours d’un profil de femmes, son évolution ainsi que ses contradictions. A titre indicatif, l’image de la femme privée de ses droits se retrouve dans le roman Misku al-Ghazal (Le musc de la gazelle) (Al-Shaykh, 1988) , dans ‘Khadija wa Sawsan’(Khadija et Sawsan) (‘Ashur, 1989). Il faut reconnaître que l’image de la femme privée de ses droits est un profil à plusieurs facettes dans la création artistique propre à l’écriture arabe. Elle peut être représentée dans le cadre de la relation d’inégalité entre hommes et femmes, comme elle peut exprimer l’asservissement imposé l’édifice social et ses mécanismes tels que les us et contenumes, les structures tribales, sectaires, de classe ou patriarcales. L’on en trouve un exemple dans ‘Wasmiyya’ qui émerge de la mer dans un travail précoce de Layla Al ‘Uthman. Ces écrits présentent au lecteur un autre code reflétant l’interrelation et la confusion entre l’image des femmes privées de leurs droits et la réalité (Al ‘Uthman, 2000). Un autre exemple de ce profil de femmes est présenté par la romancière et nouvelliste saoudienne Qumasha al-‘Alyan dans son roman Untha al‘Ankabut (L’araignée femelle) (al-‘Alyan, 2000) dans lequel elle resta fidèle à ce sens littéral du proverbe saoudien local qui dit : “Brise une côte à la fille, il lui en poussera dix ” (Fowziyah Abu–Khalid, Papier d’appui au Rapport). L’image de la ‘femme militante’ se présente à travers un rôle combatif dans plusieurs textes romanesques produits dans les différents pays arabes. C’est le cas par exemple de Al-Watan fi Al-‘Aynayn (La patrie chérie) (Na’na’, 1979)et de Al–Ghulama (L’adolescente) (Mamduh, 2000)ainsi que des deux romans de Sahar Khalifa : Al-Sabbar (Le Cactus)’ (1976) et Abbad al-Shams (le Tournesol) (1984) qui présentent des modèles de femmes arabes résistantes en Palestine occupée. Quant à la romancière libanaise Hanan Al-Shaykh, elle présente dans sa Hikayat Zahra (Histoire d’une fleur) (1980) la vie d’une femme populaire au sud Liban, pendant la guerre civile. Elle y retrace la souffrance et les formes de résistance qui traduisent les aptitudes de l’être humain à affronter sa destinée en société (Sha’ban, en arabe,, 1999 :168). Ainsi l’image de la ‘femme révoltée’ brise – t – elle celles conventionnelles de femelles dociles et se satisfaisant de peu ou de femelles belles, captivantes et démoniaques. Cette image transforme la femme en acteur positif dans les combats de la société en dehors des valeurs d’ordre courantes dans la culture arabe dominante, qui ignorent les changements de la réalité et ses données. Les images de la ‘femme révoltée’ sont instructives car elles montrent la signification de la révolte et ses dimensions diverses ; la révolte des femmes n’est pas une valeur négative dans la mesure l’énergie de la résistance est orientée vers la production de nouvelles valeurs au sein de la société. Il est vrai que la révolte est souvent entendue au sens de réaction face à une réalité déterminée. Mais l’analyse profonde de ses dimensions et de ses aspects multiples nous permettent de mieux approcher ses objectifs ce qui contribue à mieux faire face l’imitation et aux traditions dans les rapports sociaux. Les œuvres romanesques qu’il est possible d’inscrire sous l’image de rébellion présentent un cri de protestation par lequel les femmes créatrices proclament, par personnages romanesques interposés, la nécessite d’en finir avec l’ère de la tyrannie sous toutes ses formes, latentes comme apparentes. C’est pourquoi le sujet de la liberté constitue, dans les écrits précités, un centre de gravité où la critique cible la domination des hommes et la violence RAPPORT ARABE SUR LE DEVELOPPEMENT HUMAIN 2005 masculine et donne la parole à la femme en ce qu’elle est un être humain aspirant à l’égalité, à la liberté et à la citoyenneté. Dans le cas du quatrième et dernier modèle, appelé par Fowziyah Abu-Khalid “ femme plurielle ”, on est confronté à autre image qui assimile toutes les autres et les dépasse. C’est que le terme de pluralité désigne ici justement l’éclatement et la fragmentation. Quelques-unes de ses connotations réfèrent à l’imbrication, la contradiction, la complicité, l’assimilation et l’hésitation. Ainsi se trouve-t-on devant ce modèle en présence d’un réseau complexe d’images plurielles qui ne s’achèvent que pour recommencer et se perpétuer, exprimant de la sorte la profondeur des mutations en cours dans cette phrase transitoire actuelle de nos sociétés arabes. La pluralité dans ce modèle d’images exprime non pas l’être des femmes seulement mais il touche aussi à l’entité du groupe et de la société, celle des femmes et des hommes, de la femme avec sa semblable. Elle touche également au sujet du rapport entre le sentimental et le rationnel, le particulier et le général, le réel et l’espéré. Dans tous ces cas, il s’agit de la situation de la femme arabe dans ses vies multiformes. (Fowziyah Abu-Khalid, Papier d’appui au Rapport). Dans l’œuvre de Sahar Khalifa, “ Mémoires d’une femme irréaliste ”, apparaît manifestement dans le texte un processus de déstructuration de l’image stéréotypée des femmes. Ce processus est illustré par la narration de menus détails, entreprise avec grand soin, et où le texte ouvre une fenêtre sur une femme réaliste et non réaliste à la fois. Ainsi notons– nous la pluralité dans l’un. Dans le début du roman, on trouve le passage suivant : “ Je suis la fille de l’inspecteur. Je le suis demeurée jusqu’à mon mariage ; je suis donc devenue la femme du commerçant. Parfois, je suis l’une et l’autre à la fois. Quand mon mari se moque de moi, il m’appelle : “ ô fille de l’inspecteur ”, et quand mon père se met en colère il m’appelle : “ ô femme de commerçant ! ” ”. La contradiction est donc de fait, entre l’être essentiel latent et l’être social accepté par autrui. Or, l’écart est bien grand entre ce que, elle, voit comme étant une bonne compréhension et un équilibre parfait, et ce Structures culturelles que les autres conçoivent. “ C’est pourquoi il m’était difficile de paraître idiote. J’ai donc gardé mes interrogations, mes impressions et les morsures de mes lèvres en mon for intérieur ” (Khalifa, 1986 :5) Dans la trilogie d’Ahlam Mustaghanimi , Dhakirat Al-Jasad (Mémoire du cops), Fawda Al-Hawass (Anarchie des sens) et ‘Abir Sabil (Un homme de passage), nous sommes en face d’univers féminins complexes, ce qui brise le rythme de domination masculine qui met toutes les femmes dans le même moule (Mustaghanim, 1993, 1998, 2004). La quatrième image des femmes dans le roman féminin arabe apparaît dans les œuvres de Huda Barakat et ‘Ulwiya Subh qui dépeignent plusieurs aspects de la guerre civile au Liban. On peut aussi la retrouver dans les romans de Batul Al-Khudari Kam Badat Al-Sama’ Qariba (Que le ciel a semblé si poche !) (2000) et Ghayib (Absent) (2004) qui reflètent la réalité des femmes irakiennes dans les conditions de l’embargo puis par l’occupation américaine ainsi que les questions du multiconfessionnalisme (Fowziyah AbuKhalid, Papier d’appui au Rapport). La plupart des écrits reflètent la présence, de plus en plus grande, de l’image de la femme “ multiple ” dans des espaces jadis occupés par des images stéréotypées qui ont réduit les femmes arabes à un modèle, fermé et appauvrissant incapable de s’adapter aux transformations dont ces écrits rendent compte. L’imaginaire romanesque traduit les préoccupations de héros qui ne sont pas de simples personnages d’œuvres romanesques, ils sont plutôt des individus qui affrontent leur destin au sein de la société, faisant preuve d’un esprit positif et historique. Le roman arabe traduit certains souffles ardents de cet esprit, en vue d’une société qui reconnaisse l’égalité entre les deux sexes. La plupart des écrits reflètent la présence, de plus en plus grande, de l’image de la femme “ multiple ” dans des espaces jadis occupés par des images stéréotypées qui ont réduit les femmes arabes à un modèle, fermé et appauvrissant incapable de s’adapter aux transformations dont ces écrits rendent compte. L’image des femmes dans le cinéma La femme au cinéma : une image superficielle et typique Le modèle le plus représentatif de la réalité 179 Le cinéma arabe a joué parfois un rôle des femmes dans le cinéma arabe c’est bien celui qui a été élaboré par la production égyptienne. Le cinéma égyptien a en effet cumulé une production cinématographique pendant plus de sept décennies. Il a également présenté ce qui reflète le regard porté par la société sur elle–même et sur les rapports entre ses membres, à la lumière d’un ensemble de valeurs dominantes et de valeurs alternatives naissantes dans la réalité sociale. Dans les études effectuées sur l’image des femmes dans le cinéma arabe, quelques essais de recherche tendent à définir avec netteté cette image. Ainsi, dans les premières recherches ayant accompagné les exploits du cinéma égyptien, l’image des personnages féminins dans les films produits entre 1962 et 1972 et dont le nombre atteint les 410, se décline comme suit : 43.4% sans profession précise 20.0% femme au foyer, épouse, divorcée, veuve, vieille fille 20.5% femmes ouvrières public des questions 10.5% étudiantes des femmes et des 9.5% artistes injustices qui les ont 5.4% délinquantes important, en faisant prendre conscience au frappées du fait des traditions et des lois injustes. 180 (Farid, Papier d’appui au Rapport) Le plus grand pourcentage et le plus significatif est certainement celui des femmes sans profession précise, c’est–à–dire de simples femelles. L’on peut dire que la femme en tant que femelle – sans plus – représente le personnage féminin avec un taux qui dépasse 80 % dans les films arabes commerciaux. Ce genre de films exerce une grande influence sur le public. Dans ces films, la femme est réduite à une diablesse qui ne cherche que le plaisir à l’intérieur ou en dehors de l’institution du mariage, qui ne veut que s’accaparer d’un homme, n’importe lequel ; car obtenir un homme est considéré comme le but suprême de toute femme (Ramzi, 2004 :177). Une autre étude des caractéristiques les plus importantes du cinéma des années 90 portant sur 31 films produits entre 1990 et 2001 aboutit aux conclusions suivantes : • On observe une réduction de l’image des femmes à des modèles semblables, le but étant de caresser les instincts du public et de l’exciter. • L’exagération dans la représentation de la violence exercée par/contre la femme. • La plupart des rôles politiques joués par des femmes dans les films de l’échantillon sont superficiels et inefficaces. Par ailleurs, ce rôle n’est pas compatible avec ceux qu’elle joue dans la réalité. • Dans les années 90, le cinéma a négligé la question des femmes paysannes et ouvrières. L’intérêt a été centré uniquement sur la femme moderne sans que pour autant soient traitées les différentes dimensions de sa personnalité sur le plan humain. • D’après les films de l’échantillon en question, le cinéma n’a pas présenté un modèle de femme idéale qui est censée résister quand elle est appelée à affronter ses problèmes. • Les films n’ont pas présenté des images aspirant à un meilleur rôle social, politique et culturel des femmes. Ce qui veut dire que le cinéma arabe ne s’intéresse guère aux questions de l’évolution des conditions des femmes dans le monde arabe. (Farid, Papier d’appui au rapport). En dépit de tout ce qui précède, l’on peut dire que Le cinéma arabe a joué parfois un rôle important, en faisant prendre conscience au public des questions des femmes et des injustices qui les ont frappées du fait des traditions et des lois injustes. A ce propos, on peut citer le film al-Ustahda Fatima” ‘Professeur Fatma’ (1952) réalisé par Fatin ‘Abd Al- Wahhab (joué par Fatin Hamama et Kamal Al-Shinnawi) . Ce film parle d’une femme avocate qui affronte le refus de son fiancé de l’idée de la voir travailler idée de travailler. Elle va donc le défier et prouver qu’elle est compétente dans le domaine professionnel comme dans la vie de tous les jours. L’actrice Fatin Hamama mérite d’être citée : elle a incarné plus d’un rôle qui traite de la réalité des femmes et de leur souffrance sous le joug de la pauvreté, du crime, de la répression et de l’abattement. Dans “Du‘a al-Karawan” (La prière du Karawàn ) (1959) réalisé par Henri Barakat (joué par Fatin Hamama, Ahmed Mazhar, Amina Rizq et Zahra al-‘Ula ), la femme est la proie au viol, à la misère, àla torture psychologique et spirituelle, avant de RAPPORT ARABE SUR LE DEVELOPPEMENT HUMAIN 2005 connaître l’amour d’un homme différent, épris d’humanisme ; ce qui va la libérer de cet enfer terrestre. Dans un autre film d’Henri Barakat Afwah wa-Aranib (Bouches et lapins) (1977) (joué par Fatin Hamama, Mahmud Yasin, et Farid Shawqi),), la femme vit dans la pauvreté et la misère et affronte son destin, causé par l’homme (falsification d’un acte de mariage en contrepartie d’une somme d’argent), avant que la vérité n’éclate à la dernière minute. Un autre film de Fatin Hamama jette l lumière sur la réalité des femmes à travers l’examen de la question du divorce. Il s’agit du film “Uridu Hallan” (Je veux une solution) (1975) réalisé par Sa‘id Marzuq (joué par Fatin Hamama, Rushdi Abaza et Amina Rizq), qui raconte l’histoire d’une femme dont la vie devient insupportable avec son époux et qui demande le divorce ; commence alors un calvaire avant de l’obtenir. Amour, Liberté, Violence : Le film égyptien “Bahibb is-Sima” (J’aime le cinéma) de Usama Fawzi, a provoqué une forte secousse dans le monde de l’industrie cinématographique en Egypte et dans le monde arabe pendant le second semestre de l’année 2004 parce qu’il amis en scène le personnage d’une femme copte qui souffre de frustration sexuelle à cause de l’extrémisme religieux de son époux, ce qui la pousse à entretenir une relation sexuelle avec un autre homme. La censure a interdit le film puis l’a autorisé après en avoir supprimé quelques scènes, pour réduire le nombre de scène censurées, par la suite. Mais quelques personnalités et institutions civiles ont saisi le tribunal de cette affaire et appelé à l’interdiction du film. Le plus important, c’est que Al Azhar a soutenu l’église copte contre ce film. La deuxième grande affaire est survenue au cours de la première moitié de l’année 2005. Elle concerne le film égyptien Al-Bahithat ‘an Al-Hurriyya (Celles à la recherche de liberté) réalisé par Inas Al-Dighaydi. . Il s’agit d’un film qui traite des problèmes de trois femmes originaires du Maroc, d’Egypte et du Liban, et vivant à Paris en quête de leur liberté, inexistante dans leurs propres pays. Des dizaines d’articles hostiles au film ont été écrits, Structures culturelles son titre a été changé en ‘Des femmes en quête de sexe’, ses affiches ont été dénaturées dans la rue, des appels ont été lancés pour le boycotter et sa réalisatrice a été l’objet de nombreuses accusations mensongères ; elle a même été menacée de mort. En Syrie, Muhammad Malas a réalisé le film ‘Bâb al Maqâm’ tiré d’un fait réel qui a eu lieu à Alep au début du siècle actuel. C’est l’histoire d’un jeune homme syrien qui a tué sa sœur parce qu’elle aimait fredonner les chansons d’Oum Kalthoum à son domicile ; comme elle aime ces chansons elle ne pouvait qu’être éprise d’amour. Dans ce cas alors, elle “ ne sert plus à rien ” selon l’expression de son père dans le film. Le tournage du film est terminé depuis environ un an, mais il n’a toujours pas été projeté au public. Dans le même contexte, on note un intérêt croissant porté par le cinéma maghrébin (Tunisie, Algérie et Maroc) à des questions qui étaient considérées comme taboues. Il s’agit des problèmes de violence sexuelle, de l’arbitraire des lois, de la marginalisation et de l’exclusion. Le septième art y dévoile en effet les aspects de l’infériorité des femmes et veille à les représenter aussi bien par l’image et l’allusion que par des attitudes critiques et de refus. Ce qui consolide le rôle du cinéma nouveau dans l’ébranlement de la domination masculine régnante. Le cinéma arabe a dévoilé, au moyen de l’image, les mécanismes de la soumission des femmes, ce qui constitue l’une de ses contributions les plus importantes pour faire face aux valeurs de hiérarchisation sociale sur des bases sexuelles. On peut considérer que ces films participent du combat mené contre les valeurs de soumission héritées et légitimées par les traditions désuètes. Cependant, le cinéma arabe joue, comme tous les autres arts, une double fonction. D’une part, en utilisant la force des images mobiles, il généralise les valeurs de discrimination sexuelle. Et, en même temps, le nouveau genre de cinéma, surtout celui émergeant dans plus d’un pays arabe, envoie des messages de type nouveau qui accompagnent les attentes des nouvelles générations de jeunes femmes à la recherche de liberté et d’affirmation de leur personnalité pour devenir ces êtres humains Un intérêt croissant porté par le cinéma maghrébin (Tunisie, Algérie et Maroc) à des questions qui étaient considérées comme taboues 181 autonomes sans restriction ni dépréciation aucunes. La femme dans la culture de l’information La bataille pour l’image des femmes dans la phase de tarnsition de la société arabe. Le nouveau genre de cinéma, surtout celui émergeant dans plus d’un pays arabe, envoie des messages de type nouveau qui accompagnent les attentes des nouvelles générations de jeunes femmes à la recherche de liberté et d’affirmation de leur personnalité pour devenir ces êtres humains autonomes. 182 La révolution informationnelle exerce une présence massive dans la vie des sociétés humaines. De nos jours, et grâce aux innovations qui la traversent, elle est considérée comme une nouvelle forme d’institution culturelle capable d’orienter l’opinion publique. Le monde de l’image exerce une influence considérable sur les différents domaines de la connaissance et de la vie en général. Il ne serait possible d’évaluer les conséquences psychologiques et sociales de ce qui se passe actuellement dans le monde sous l’effet de ces innovations que dans un temps ultérieur, cette expérience étant encore récente dans le monde arabe, voire à travers le monde entier, mais à des degrés différents. L’usage de la télévision et de l’Internet a connu une expansion remarquable à la fin du siècle écoulé et au début du troisième millénaire. De même, les moyens culturels modernes occupent dorénavant une place importante dans le traitement des affaires féminines comme dans l’élaboration d’une nouvelle image des femmes dans la conscience et l’esprit arabes. En effet, ces moyens modernes exercent leur action en matière de définition des images des femmes de manière à la transformer en un être agissant dans le paysage en mutation des pays arabes, en positif comme en négatif. Dans ce contexte, il est possible de parler de l’influence des Les séries télévisées sont particulièrement influentes en matière de dénonciation de l’image traditionnelle des femmes ainsi que de sa consécration comme le font les spots publicitaires qui présentent des femmes dans des images et des postures contradictoires. Ceci ne concerne pas seulement les chaînes de télévision arabes mais un vaste réseau de chaînes qui interviennent à l’intérieur des familles arabes par l’intermédiaire d’expressions, de langues et d’attitudes qui comportent plus de différences que de similitudes. Il s’agit d’un véritable champ de bataille dans le cadre de la guerre de l’information. Comme pour les guerres d’interprétation qui se déroulent surle-champ de la jurisprudence islamique, pour les conflits des proverbes populaires et les luttes de la société civile arabe en vue d’asseoir les prémisses et les fondements de la pensée sociologique moderne, qui prône les valeurs de liberté et d’égalité dans notre culture et nos valeurs sociales(Ramzi, en arabe,2004 :19). A considérer certains aspects des images des femmes dans l’information audiovisuelle, on constate qu’elles traduisent les diverses contradictions de la phase transitoire par laquelle passent les sociétés arabes. En effet, plusieurs images coexistent avec plus ou moins de tolérance ; les dynamismes de la réalité sociale au niveau culturel soutiennent certaines images et sont hostiles à d’autres. En tous cas, la contradiction constitue une caractéristique prédominante dans plusieurs aspects de ces images des femmes, aussi bien dans la réalité que dans l’imaginaire collectif. Comme la présence des femmes dans les moyens d’information est un sujet à débat, il suffit de citer à titre d’illustration leur rôle dans la diffusion et la consolidation de la culture soutenant l’infériorité des femmes – certaines émissions de délivrance de Fatwa (iftà’). Néanmoins, d’autres émissions montrent clairement certains aspects positifs qui reflètent la culture favorable au progrès de la jurisprudence traditionnelle (fiqh). Enonciation des fatwas et limites de la jurisprudence traditionnelle La plupart des chaînes satellitaires arabes présentent des émissions religieuses en vue de diffuser une culture islamique allant de pair avec les changements survenus dans la vie. Ces chaînes donnent à ces émissions des titres directs tel que : “ la religion et la société ”, “ la Charia et la vie ”, “ les problèmes du musulman contemporain ”. De telles émissions ont recours au même langage utilisé dans la production d’avis dits conformes à la doctrine des fatwa (ifta’) et font de quelques docteurs RAPPORT ARABE SUR LE DEVELOPPEMENT HUMAIN 2005 en religion des stars, comme elle transforme le public présent et participant à l’élaboration des questions de ces émissions en acteurs, si bien que la discussion devient très animée et se transforme parfois en champ propice à exercer l’influence requise sur les téléspectateurs. Dans “ la charia et la vie ”, émission présentés par la chaîne Aljazira, par exemple, le téléspectateur est confronté à plusieurs thèmes ayant trait aux questions de la vie familiale, les relations entre les deux sexes, etc. Malgré la modération qui caractérise certaines émissions de ce programme, la majorité des positions affichées sont de nature à perpétuer l’infériorité des femmes, car se référant à une interprétation déterminée de quelques textes et habitudes en vigueur dans nos sociétés (Touaiti, Papier d’appui au Rapport). Si l’on présuppose que le changement en cours dans nos sociétés requiert de donner libre cours à l’effort d’interprétation indépendant des jurisconsultes et savants spécialisés, il n’en est pas moins vrai que les réseaux de délivrance des fatwa (ifta’) -qui ne cessent de se répandre à travers le monde grâce aux réalisations de la révolution informatique- contribuent à renforcer beaucoup de valeurs qui ne sont plus adaptées au changement social en cours dans les sociétés arabes (Touaiti, Papier d’appui au Rapport). Ainsi, les fatwa transmises par les moyens d’information n’ont – elles pas porter sur les questions de l’ijtihad. Elles se sont le plus souvent contentées de soutenir la hiérarchie et la discrimination entre les femmes et les hommes, sans prendre en considération les nouvelles donnes de la société et les variables de l’histoire. Ce qui revient à dire que les jurisconsultes à qui il incombe de délivrer les fatwas tiennent à sauvegarder le système patriarcal dominant dans les sociétés arabes, sans fournir d’effort pour actualiser la jurisprudence islamique ou la faire évoluer à la lumière des nouveautés de la vie et des exigences de la société. Autres messages des médias ne contribuant pas à la promotion des femmes. La couverture et les activités médiatiques dans le monde arabe connaissent une explosion Structures culturelles avec une grande diversité et une tendance à la polarisation. Il en résulte beaucoup de conséquences négatives dans le domaine de la promotion des femmes dans le monde arabe. D’une part, Il y a également un nombre croissant de médias conservateurs qui oeuvrent pour la consolidation l’image de femmes situées aux échelons inférieurs de la hiérarchie du genre. En même temps, un nombre croissant de chaînes, qui se réclament de la modernité, donnent de la femme une image dégradante ; des femmes traitées, en premier lieu, en tant que disposant d’un corps et en tant que marchandises, qu’il s’agisse des spots publicitaires ou des vidéos clips. Malgré, la diversité des messages d’information, une grande partie d’entre eux comporte des valeurs expriment l’émergence de l’individu au détriment de la communauté, valorisent la gratification du moment et le plaisir immédiat, les valeurs liées au gain facile et rapide et le vedettariat. Une telle industrie se soucie peu des valeurs esthétiques élevées comme la culture de l’effort sur le long terme, de la solidarité, de l’entraide et la serviabilité. Des chercheurs estiment que les films célèbres sont aussi des instruments et moyens effectifs pour écouler les produits alimentaires, la musique, les vêtements et les jouets (Barber, en français, 1999 :70-74). Ce qui nous intéresse ici, c’est que ces tendances déprécient le plus souvent les femmes et leur dignité d’êtres humains. Les médias arabes adoptent souvent des stratégies et des critères dans le travail l’embauche et en matière de relations avec les autres médias et le public participant du fonctionnent d’un système d’information dirigé par une idéologie capitaliste patriarcale (David, en anglais, 1996)(1). Les médias arabes agissent dans des sociétés dirigées par des forces centralisées puissantes où les mondes de l’argent, de l’autorité et des médias se recoupent, dans le cadre d’une concurrence féroce entre les chaînes satellitaires arabes et étrangères pour un marché publicitaire étroit. C’est ce qui fait que des secteurs importants de ces médias courent après un large public arabe au sujet duquel ils ont des idées préconçues s’inspirant en général des moyens d’information occidentaux. Ils ne prennent Il y a également un nombre croissant de médias conservateurs qui oeuvrent pour la consolidation l’image de femmes situées aux échelons inférieurs de la hiérarchie du genre. En même temps, un nombre croissant de chaînes, qui se réclament de la modernité, donnent de la femme une image dégradante ; des femmes traitées, en premier lieu, en tant que disposant d’un corps et en tant que marchandises, qu’il s’agisse des spots publicitaires ou des vidéos clips. 183 pas en considération les changements survenus au niveau de ce public ni les différences qui le caractérisent. C’est pourquoi certaines stations ont veillé, au début du lancement de leurs émissions, à recourir à des hommes pour le volet politique et à faire appel aux femmes pour ce qui est de la distraction. Ainsi ont – elles constitué un modèle d’information ayant abouti à réduire les femmes d’information à celles d’entre elles que l’on voit à la télévision. Cependant, ce modèle a aussitôt commencé à se rétrécir sous l’effet d’une concurrence frénétique et des changements survenus dans tous les domaines, si bien que les critères formels à eux seuls sont devenus insuffisants pour s’engager dans le jeu de la concurrence : on recommande désormais davantage de culture, de maîtrise des langues et d’encyclopédisme (Kadiri, Papier d’appui au Rapport). Conclusion Ce chapitre a essayé de présenter certains aspects et quelques exemples du rôle exercé par les structures culturelles dans la consolidation de ou dans la lutte contre l’infériorité des femmes, dans les sociétés arabes. On a passé en revue différents moments du patrimoine culturel arabe qui ont montré que celui–ci est un enjeu entre des interprétations basées sur un parti pris conservateur, entravant le processus d’évolution sociétal en cours, et certaines composantes qui visent à s’approprier et à asseoir les références de modernité au sein de la culture et de la société dans les pays arabes. Partant, il est impossible de négliger la dialectique vivante que reflètent les manifestations des modes culturels dominants dans la société arabe. Les processus d’enfantement et les tensions qui accompagnent l’évolution des conditions des femmes au sein de la société reflètent en fait le dynamisme de cette dernière. Elles traduisent également une évolution dans la conscience et la société, dont il ne faut pas minimiser l’importance. Il est vrai que plusieurs rigidités se manifestant dans la continuité de la domination masculine, toujours hostile à toutes les formes de résistance indiquent que la mutation en cours se heurte à des difficultés. Mais les multiples avancées, réalisées grâce à l’avant –garde consciente et agissante dans de la société et dans le champ de la culture, exercent une influence susceptible d’aboutir au dépassement des aspects conservateurs de cette culture. Il est certain qu’un tel objectif ne peut être réalisé que lorsque tous les acteurs s’orientent vers l’élargissement des horizons de l’effort d’interprétation indépendant (ijtihàd), capable de répandre les valeurs des Lumières et les principes de développement humain de sorte que le projet de libération dans la société se trouve renforcé. 184 RAPPORT ARABE SUR LE DEVELOPPEMENT HUMAIN 2005 Chapitre VII Structures sociales Introduction Dans le chapitre précédent, il a été question de la relation entre un certain nombre de constructions culturelles et la situation actuelle des femmes dans le monde arabe. Ce chapitre traitera d’un autre aspect du contexte social qui influe sur le statut des femmes, il s’agira des structures sociales, censées avoir contribué à conditionner les situations des femmes dans les pays arabes. Alors que les deux précédentes livraisons du Rapport arabe sur le développement humain ont été centrées sur les deux questions du savoir et de la liberté – autrement dit la dimension culturelle et cognitive, ainsi que les éléments politiques et civils du développement –, le sujet de la promotion des femmes se présente comme le lieu d’articulation des fondements matériels et moraux du développement. En effet, ce sujet est en relation directe, comme on l’a vu, avec les constructions culturelles d’une part, et la reproduction de l’être humain et la production des moyens de l’existence matérielle d’autre part. Cette vision intégrée et transversale, invite à s’arrêter sur les structures sociétales, qui sont un facteur essentiel participant du processus de conditionnement des statuts des femmes dans les pays arabes. Les structures organiques : Les structures organiques entre le renforcement de l’autoritarisme et les préalables de sortie de cet autoritarisme Quel type de relation existe-t-il entre le système 1 patriarcal et les structures sociétales arabes ? Quel est l’effet du “ mariage arabe ”1, des relations de parenté et des différents modes de production humaine sur la relation entre les hommes et les femmes ? Peut-on parler de structures sociétales favorables au patriarcat ? Les “ allégeances tribales – communautaires – familiales comptent-elles parmi les allégeances traditionnelles les plus ancrées et les plus influentes dans la vie arabe contemporaine ? Peut-on parler d’une primauté accordée aux structures sociétales aux dépends des structures culturelles ? Ou, y aurait-il une sorte d’articulation entre ces structures, de sorte qu’il devient difficile de distinguer, à chaque fois, ce qui relève du sociétal et ce qui relève du culturel ? Quels sont les signes qui marquent la continuité et la rupture, la constance et le changement advenus au niveau des structures sociétales ? Comment se manifestent ces signes, eu égard à l’influence des facteurs économiques, culturels et politiques ? Ce chapitre veillera donc à dégager les différentes constructions qui influent sur les structures sociétales, et ce, dans le but de souligner le rôle qu’elles jouent dans la vie des gens, d’une part ; et d’autre part, en vue relever les passerelles et les articulations entre les structures sociales et les autres facteurs, constituant ainsi une sorte de dispositif protecteur du système patriarcal. Au début, fut l’agnat Dans la société arabe historique, les liens de parenté reposent sur l’agnat. Ce dernier constitue, dans la langue arabe mais aussi selon les coutumes, le fondement même des liens tribaux. En effet, cette notion repose, comme Ce mariage privilégie le mariage interne à la tribu, la communauté ou la famille élargie, l’endogamie et le mariage entre cousins et cousines. Structures sociales 185 l’affirment les Bédouins, et comme le consigne le célèbre dictionnaire de langue arabe Lisan al-‘Arab d’Ibn Manzur qui écrit: “ Sur al-taraf ( paternité, filiation), et sur al-janib ( fraternité, parenté de l’oncle paternel). Ce qui revient à dire, dans le langage mathématique, que l’agnat reposerait sur les deux axes, vertical et horizontal, les plus proches de la base (l’homme), ainsi que sur ceux qui sont les plus proches de lui du côté des parents paternels mâles, capables de combattre, de vaincre et de protéger (Ibn Manzur, en arabe, 1982). En effet, l’individu est entouré et protégé (mais assume également des devoirs) par la génération qui le précède (le père), la génération qui le suit (les enfants) et sa propre génération (frères et cousins du côté paternel). Sans doute, l’aspect collectif de ce groupe, était-il, à l’origine, le résultat de conditions de vie dures (rareté des ressources, déséquilibre entre croissance démographique et ressources naturelles). Cependant, ces conditions de vie ont abouti à la formation de ce que les anthropologues qualifient de “ mariage arabe ”. Il s’agira dans ce cas d’assurer pour la communauté la reproduction humaine et les instruments de production des moyens de subsistance. Les caractéristiques propres à ce type de mariage se sont maintenues dans le contexte citadin. Elles se sont renforcées, d’une façon ou d’une autre, par l’émergence d’un système sociopolitique qui a joué un rôle prépondérant dans les structures fondamentales des Etats et des anciennes formes de pouvoir politique. L’agnat prive l’homme de son identité en tant qu’individu, l’oblige à être solidaire des autres, dans un cadre qui repose sur la loyauté de sang et de vengeance. L’agnat lui procure, en contrepartie, des privilèges au sein du groupe lui-même. Quant à la femme, elle paie le prix le plus fort de ce troc relatif au système patriarcal : elle devient le moyen de production fondamental au sein de la tribu, bénéficiant parfois des privilèges que procure cette position. Cependant, la société tribale arabe, profondément consciente de l’importance de la présence de la femme en son sein, importance structurelle et fonctionnelle, considère l’honneur, la dignité et la protection comme un tout indissociable et complémentaire qui Encadré 7-1 L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005 Doit-on interdire le mariage entre proches du premier degré ? BVgdX 9VXXdgY ,% :\neiZ A^WVc EVhYVXXdgY '- ?dgYVc^Z BVcfjVci ' 9VXXdgY 186 Rapport sur le développement humain arabe 2005 lie chacun des membres de cette société à ce même groupe, et donc la femme au groupe. Ceci implique que la situation de la femme relève désormais de la sécurité même, du statut et de l’honneur du groupe de parenté. De là, le caractère souple et enchevêtré de l’exercice du pouvoir dans la tribu, caractère qui dote les constantes sociales d’une certaine dynamique. Il permet également l’apparition d’espaces multiples pour la participation et la découverte de soi, d’une part ; et pour la re-détermination de la nature du rôle en fonction du progrès social réalisé, d’autre part. Il est utile de signaler que nombre de spécificités du “ mariage arabe ”, au sens anthropologique classique, sont aujourd’hui non seulement objet de protestations de la part de la société civile et politique, mais aussi sujets de critiques sociales. En effet, on remarque la multiplication des modes de rejets de la notion traditionnelle du prix du sang versé et des crimes d’honneur ; et ce, outre la question centrale relative à la tendance récente des arabes qui approuvent l’interdiction du mariage entre proches du premier degré, notamment en Jordanie et au Liban (Encadré 7-1). La tribu arabe et l’Islam L’Islam a introduit le concept de umma (la communauté musulmane) en tant qu’expression de l’identité collective venue remplacer celle de tribu. Cependant, les tribus arabes, principalement bédouines, mais aussi les tribus citadines–rurales, ont maintenu inchangées leurs structures autoritaires. Ceci est particulièrement clair dans la composition des délégations qui sont allées rencontrer le Prophète Mohamed ou de lui faire allégeance, comme dans les moments d’apostasie envers l’Islam et de retour à cette religion. Quand les armées arabes se sont lancées dans les conquêtes au-delà de la Péninsule arabique, les tribus guerrières se déplaçaient sur les lieux conquis, avec femmes et enfants, et dressaient leurs campements selon leurs divisions tribales. La répartition des butins de guerre et des dons et l’affectation au combat obéissaient, à l’intérieur du ‘quartier général militaire’, au principe de l’affiliation. Le chef de tribu était l’intermédiaire du Khalifat auprès Structures sociales de sa tribu, gérait les affaires de ses concitoyens et était responsable de leurs actes. Pour la majorité des armées lors des premières conquêtes, l’étendard des tribus accompagnait celui de ‘l’Etat Major’ de l’armée. Ce dernier comprenait un commandant, qui était à la tête de toute l’armée, et des chefs locaux représentant chacun des groupes de parentés participant au combat (Al-Duri, 1978 : 18-21). Ceci donnait à l’armée l’apparence d’une coalition intertribale et interrégionale, avec, à sa tête, un chef unique désigné par le Khalifat, et des chefs de groupes désignés selon le rapport de force à l’intérieur de ces mêmes groupes. Bien que l’Islam ait instauré la notion de responsabilité individuelle, pour les hommes et les femmes, et qu’il ait honoré de façon égale les hommes et les femmes et octroyé aux femmes des droits fondamentaux, la formation économique, sociale et politico-économique des conquêtes a réduit les larges horizons que la nouvelle religion a ouverts devant les femmes. Mudawi Al-Rashid considère que les droits que l’Islam a garanti aux femmes, comme le droit à l’héritage, ont, en quelque sorte, menacé l’unité économique de la société tribale dans le monde bédouin comme dans le monde citadin. Aussi les tribus arabes, notamment les bédouines pastorales ou celles non–nomades fixées après l’avènement de l’Islam, ont-elles entrepris, historiquement, deux sortes de mesures à même de garantir la continuité de l’activité économique locale du groupe. Ces tribus ont donc privé, sur le plan pratique, les femmes de leur droit à l’héritage, bien que l’Islam ait légalement institué ce droit. Ces tribus ont également maintenu la loi qui oblige la femme à se marier avec son cousin ou un de ses proches. La tribu a, ainsi, pu préserver de l’éparpillement son économie et de ses ressources : la terre, le cheptel, etc. (Al-Rashid, Papier d’appui au Rapport). De même, les guerres successives qui ont permis de construire l’empire arabo–musulman et sa civilisation ont conduit à l’émergence du système de ségrégation entre les sexes, de la polygamie y compris le mariage avec des femmes esclaves. L’on peut affirmer à ce propos que cette structure n’a été sérieusement ébranlée, au 187 point d’entraîner une modification de ses composantes fondamentales, de ses fonctions et de la nature des relations humaines, que pendant deux périodes deux reprises : La première dura tout au long de la consolidation du capital de l’Etat vers la fin du règne des Umayyades et pendant celui des Abbassides ( Au VIIIe siècle et suivants). C’est celle du développement d’une société citadine dynamisée par différentes activités civiles et marquée par la montée des sentiments d’appartenance à une profession, à une classe sociale et à une religion, par la multiplication des mariages exogames et par l’économie politique des femmes esclaves aux dépends de la famille et de la tribu. Néanmoins, la chute de Bagdad (10 février 1258) et le déclin de la civilisation arabo–musulmane ont infléchi la tendance à la consolidation de ce changement qui a donné naissance à ce que l’on a qualifié à l’époque de mujtama’ hadari (Société de la civilité ou civilisée) qui reposait aux yeux des Sufis (mystiques) sur “ l’homme parfait ” (c’est à dire, dans les termes d’aujourd’hui, la société de concorde civile qui garantit les droits essentiels à l’être humain). La seconde a eu lieu avec l’arrivée du capitalisme occidental dès le début du XIXe siècle qu’accompagneront l’étouffement de la formation socio-économique pré-capitaliste et l’émergence de nouvelles structures et de nouvelles forces. Cette émergence s’est accompagnée d’une déstructuration des unités reposant le travail familial patriarcal et d’une tendance progressive à l’exercice par les femmes de métiers nouveaux dans l’enseignement, le journalisme, les usines, les entreprises publiques et privées, côte à côte avec les hommes. Autoritarisme et esprit de corps Si l’avènement du système autoritaire moderne a joué un grand rôle dans la réduction du développement des établissements civils. Le capitalisme européen a introduit dans la région de nouvelles valeurs concernant l’Etat, la politique et la société. Ces valeurs n’ont toutefois pas été le produit de processus locaux ; elles n’ont, par conséquent, pas achevé 188 le cycle au moyen duquel auraient été mis en place les fondements des institutions de l’Etat de droit et les expressions d’une société civile qui résiste à l’oppression. Il n’a d’ailleurs pas été facile à l’Etat–Nation de sacrifier les fondements de la citoyenneté et des rapports civils, notamment dans des circonstances de dépendance économique et face au défi d’accéder au rang des pays développés. L’atteinte aux libertés fondamentales a marqué la société civile naissante et le recul du processus d’édification d’un champ d’action civile non gouvernementale. Devant ce déficit des institutions civiles qui pouvaient protéger les individus, ceux-ci se sont tournés vers le pouvoir organique de la asabya (esprit de corps). Le clan s’accroche ainsi à ses intérêts propres et à son système de valeurs communes que les individus défendent coûte que coûte, car il s’agit du dernier recours pour venir au secours de l’identité, de la solidarité, de la sécurité de l’auto–défense et de l’unique définition possible du “ Nous ”. Hisham Sharabi l’exprime dans les termes suivants : “ L’allégeance tribale n’est pas l’expression d’un credo, elle repose plutôt sur un besoin essentiel. La persistance des liens communautaires ou d’allégeance confessionnelle dans la société néo-patriarcale prouve à tel point est étroite la relation qui lie la société patriarcale moderne aux formes primitives. En effet, la cité, la société, comme l’Etat, n’ont pas pu développer des formes sociétales capables de générer des structures originales alternatives ” (Sharabi, en arabe, 1993 : 48). On peut admettre la pertinence d’un tel propos quand considère l’ensemble des obstacles qui se dressent devant l’émergence d’une société civile digne de cette appellation, qui s’attache à une ligne de conduite qui fait que sa spécificité ne l’empêche pas d’être acquise aux fondements communs du rôle de l’Etat qui doit protéger les droits individuels et garantir la participation sociétale à la gestion des affaires publiques. Ceci conduit à deux hypothèses : la première soutient que la structure de la ville arabe, qui est ruralisée, ne peut pas supporter la notion de société civile qui est née et a grandi sein des villes européennes (Al-Falih, en arabe, 2002 :34). La seconde hypothèse considère que la récupération par Rapport sur le développement humain arabe 2005 les pouvoirs politiques des initiatives de la société est responsable en premier chef de la persistance des relations tribales et claniques dans le style de vie moderne des villes, c’està-dire que les systèmes, valeurs et coutumes ancrées dans les zones rurales et bédouines, se perpétuent même en ville à l’ombre d’Etats non démocratiques qui ont neutralisé les formes de médiation post-organique entre l’individu et l’Etat (Haytam Manaa’, en arabe, 1986 :12 et suivantes). L’élimination systématique des expressions de la société civile – qui a commencé à se développer dans le monde arabe sous différentes formes au début du XXe siècle – au moyen des restrictions imposées à sa liberté d’organisation, d’encadrement, de solidarité, d’entre–aide et d’expression de sa propre entité indépendamment du pouvoir politique, a poussé les individus et les groupes à se réfugier dans les solidarités ethniques pré–urbaines. Ce retour aux liens organiques s’est clairement illustré dans la consolidation du clan patriarcal, et, pour des cas précis, dans le communautarisme (une forme qui réunit structure sociale et formation politico– confessionnelle). La priorité a été accordée à la sécurité du groupe organique (communauté, tribu, clan) au détriment des droits de l’individu. Il devient manifeste que la famille arabe était centrée sur le pouvoir du père de famille, considéré comme l’élément qui garantissant la sécurité dans un régime qui prive les individus de leurs droits élémentaires et fait obstacle au processus d’individuation nécessaire à l’apparition des droits des personnes en tant que telles. Il est certain que le caractère englobant de l’Etat a contribué, au début, à susciter une plus large contribution des femmes aux sphères publiques et aux domaines du travail, de la sécurité sociale et de la protection relative de la maternité et de l’enfance. Cependant, Mais la sclérose bureaucratique, le rejet des différentes initiatives sociales et civiles entreprises ainsi que l’adoption du système du dignitaire local (un homme, naturellement) comme intermédiaire unique entre l’autorité et la société, ont rendu les droits des femmes tributaires de la nature et des vicissitudes de l’autorité. La symbiose entre le pouvoir et le système patriarcal a fait Structures sociales que ces premières réalisations sont devenues autant d’opportunités pour réaliser des bénéfices personnels. La situation des femmes a ainsi continué à se détériorer avec le recul des droits des citoyens et le recours, à nouveau, aux rapports patriarcaux organiques comme moyens finals de défense au sein d’une société dans laquelle les gens se sont vus interdire les diverses formes d’activité civile. Il est à remarquer à ce propos que tout affrontement entre le pouvoir et les noyaux de la société civile et des droits fondamentaux conduisait à une plus grande régression vers les structures organiques. Ces dernières ont permis l’apparition de formes nouvelles marquées par un enchevêtrement entre reproduction humaine et production de nouveaux moyens de survie matériels et culturels. Comme le note Halim Barakat , “ l’esprit de corps familial élargi naît –aussi - des nécessités de coopération ” (Barakat, en arabe, 1985 :82). L’agnat et les femmes dans les sociétés contemporaines L’agnat et le mariage arabes ne sont point une donnée immuable. Ils n’ont plus cette pureté originelle bédouine qui a dessiné leurs contours historiques. De surcroît, ce type de clanisme n’est propre au monde arabe, tant au sens racial que national du terme car certains de ses traits peuvent être observés dans les sociétés amazighe et kurde. Cependant, le clan et la tribu, qui constituent des refuges essentiels au sein des structures politiques autoritaires, historiques et contemporaines, continuent de marquer de leurs empreintes les relations entre les sexes. Elles placent les Encadré 7-2 Su’ad Joseph : Patriarcat et développement dans le monde arabe La plupart des écrivains dans le monde arabe s’accordent à dire que les liens et les valeurs de parenté constituent la pièce angulaire de la structure des sociétés arabes. En effet, ces liens et ces valeurs maintiennent et renforcent le sentiment que l’individu a de soi et de son identité et façonnent sa situation sociale société. Ils sont également la source principale de la sécurité économique. Le lien de parenté détermine l’appartenance politique, tisse un réseau de ressources politiques essentielles et détermine aussi les identités religieuses. La centralité de la parenté a son impact sur le patriarcat : la parenté introduit le patriarcat dans tous les aspects de la vie. Source : Joseph, en arabe, 2005 189 femmes au centre d’un réseau où les facteurs relevant du coutumier, du social, du religieux et du juridique s’interpénètrent dans un processus complexe qui va fixer la nature de leur rôle et de leur devenir. On peut repérer les caractéristiques de ces structures organiques, mais à des degrés différents, dans la Péninsule Arabique, les campagnes jordanienne, syrienne, irakienne et égyptienne, ainsi qu’en Afrique du Nord, en Somalie et en Mauritanie. Le groupe de parenté, qui se perpétue même de nos jours, est un groupe humain où le pouvoir patriarcal consolide la nature héréditaire des structures économiques et des positions dans les domaines de la chefferie et de la souveraineté aux dépends des femmes qui sont marginalisées, se reproduisant ainsi dans des formes adaptées au capitalisme contemporain. En effet, les relations de la reproduction humaine dans les sociétés arabes renforcent, pour les femmes, l’endogamie et le mariage avec le cousin paternel à l’intérieur de la tribu; tout en maintenant la liberté des mâles à se marier à l’extérieur ou à l’intérieur de la tribu. Les groupes de parenté ont adopté ce mode de mariage au départ, en tant que droit pour l’homme et en tant qu’obligation pour la femme, dans le but d’assurer la solidité des liens de l’agnat par filiation et par liens de parenté. Ce ‘droit’ absolu du cousin paternel a trait au système de relations et de valeurs qui repose sur l’exercice du contrôle total sur la capacité reproductive des femmes de la tribu en vue de conserver le patrimoine économique et le pouvoir social. Chose qui gêne la femme et la prive de son droit de choisir son partenaire. Ce mode social est considéré, dans certains milieux académiques, comme un facteur important et une composante essentielle du patrimoine social qui contribue à instaurer la domination et prive les femmes de leurs droits les plus élémentaires. Ce patrimoine est considéré également comme un facteur important de l’oppression sociale que subit la femme. C’est donc ainsi que l’acte de domination et de sanction devient un acte collectif, exercé par le groupe de parenté, ‘le Groupe’, sur l’individu qu’est ‘la femme’. Ceci ne s’applique pas uniquement aux choix de mariage, mais également au prix du sang 190 versé, aux crimes d’honneur et à l’absence de frontières claires et nettes entre ce qui est de l’ordre du personnel et ce qui est de celui du familial. Beaucoup de sociologues arabes croient que bien que la tribu fasse partie du passé, ses valeurs et ses conceptions continuent de travailler la conscience arabe pour ce qui est de son mode d’approche des questions relatives aux femmes, et ce même après la disparition de l’économie pastorale et du nomadisme. D’autres sociologues, par contre, notent des changements dans les relations de parenté en tant qu’unités socio-économiques à la suite de l’expansion du secteur des services, de la mainmise de l’Etat sur les différents aspects de la vie et de l’ampleur des emplois bureaucratiques (Barakat, en arabe,1985 :178). Ce n’est pas un secret que les femmes arabes sont toujours exposées à l’autoritarisme moral et matériel, direct et indirect. Le degré et l’ampleur de cette domination varient d’un contexte à un autre, selon le stade de la vie par lequel la femme passe. En effet toute analyse de l’autoritarisme doit prendre en considération ce que l’on pourrait appeler “ le cycle de la vie de la femme ”. En effet, la jeune fille pourrait souffrir de cet autoritarisme beaucoup plus que sa sœur mariée ou avancée dans l’âge. La femme mariée et la mère sont exposées à des formes de domination différentes de celles que subissent les femmes âgées, divorcées, célibataires avancées dans l’âge, ou veuves. Aussi doit-on prendre en considération que la domination n’est pas une situation absolue et uniforme, dont les femmes souffrent au même degré et selon les mêmes modes. Il s’agit plutôt d’une situation en relation avec l’âge, avec la situation sociale, l’aisance économique, le rang politique de la famille, le système social dominant et d’autres facteurs qui influent sur la place des femmes dans la société. Les relations au sein de la famille sont restées sous l’emprise de l’autorité que le père exerce sur ses enfants et le mari sur son épouse, une autorité née, historiquement, à l’ombre de la domination du système patriarcal. Les changements subis par cette autorité, y compris le renforcement de la famille nucléaire aux dépends de la famille élargie et le recul du mariage entre proches, n’ont pas été radicaux. Rapport sur le développement humain arabe 2005 Ils n’ont pas non plus touché en profondeur le caractère fonctionnel de la relation entre les hommes et les femmes. Si ces changements ont touché certaines formes de discrimination entre hommes et femmes, ils n’ont cependant pas introduit un changement qualitatif dans la nature de la relation qui les lie, à part dans certains milieux restreints. Les progrès enregistrés dans les relations entre les hommes et les femmes ont été plus favorables aux premiers. En effet, les hommes ont vu s’ouvrir devant eux de nouveaux horizons et ont bénéficié de libertés individuelles non autorisées aux femmes, ce qui a renforcé leur domination sur les plans économique, social, culturel, juridique et politique. Simultanément, les femmes n’ont pas toujours suffisamment bénéficié du droit d’accès à l’enseignement et au travail professionnel nécessaire au rééquilibrage du rapport de forces pour un plus grand équilibre de genre. Et même lorsqu’une femme, poussée par la nécessité économique, réussit à obtenir un travail salarié, elle ne reçoit pas, dans de nombreux cas, de contribution substantielle de l’homme aux travaux ménagers. Son accès au travail ne lui permet pas de se réaliser ni de s’affirmer. Il n’est en fait qu’une aide apportée par la femme à sa famille pour en améliorer le niveau de vie. Toutefois, tel n’est pas le cas pour les femmes cadres solides économiquement qui ont de plus en plus recours aux services ménagers. Le travail salarié dans les formations socio-économiques faibles, ne produit pas, comme c’est le cas dans les pays capitalistes développés, un processus d’individualisation des femmes et des groupes vulnérables. La raison en est la faiblesse de l’individualisation de façon générale chez le maillon le plus faible de la structure sociale (les femmes), qui n’ont pas eu accès aux droits en tant que femmes en soi et pour elles-mêmes. En fait, elles n’ont joui de leurs droits, au sens du système de valeurs dominant, qu’à travers leur rôle dans le groupe et/ou au foyer. Une crise économique a été provoquée dans la région par le déclin des formes de production non adaptées à la situation mondiale, mais sans qu’apparaissent pour autant des infrastructures alternatives. La crise s’est aggravé avec la généralisation du travail salarié au détriment Structures sociales des configurations sociales traditionnelles qui garantissaient une sorte de protection sociale et économique, et reliaient les ressources économiques de base au centre mondial et non pas à un réseau d’échange local ou régional. L’une des manifestations de cette crise fut l’exportation d “ ordures industrielles ” au sens écologique, social et économique du terme vers les pays du Sud. De nouvelles élites financières ont été créées dont certaines ont mis la main sur les richesses les plus importantes du pays au moyen d’un système de corruption, de mécanismes internes de despotisme et du réseau mondial d’oppression. Ce processus s’est accompagné d’un appauvrissement croissant des classes sociales moyennes et de la marginalisation des secteurs sociaux intermédiaires qui représentent les lieux d’articulation de l’architecture de la division travail transitoire dans nombre de pays arabes. Une telle situation pose un véritable dilemme pour les lauréats mâles, particulièrement ceux qui sont hautement qualifiés et spécialisés, qui se retrouvent forcés d’entrer en compétition avec les femmes sur un marché de travail en crise, dans la plupart des pays arabes. Du foyer à la société La femme n’est plus séquestrée chez elle. Les opportunités ouvertes par l’enseignement et le travail lui ont permis de participer davantage à la vie publique, et ce, en sachant néanmoins que certaines personnes continuent toujours à considérer que ces opportunités sont plutôt des moyens d’améliorer les chances de mariage de la femme, d’améliorer sa capacité à prendre soin du mari et à éduquer les enfants. Certains n’hésitent pas à considérer comme nécessaire de contrôler la liberté de la femme pour préserver l’honneur de la famille, allant jusqu’à lui imposer le voile, lui interdire la mixité sur les bancs de l’école et dans la société de façon générale. Néanmoins, les sondages effectués montrent clairement que le port ou non du voile relève du respect des la libertés individuelles (Encadré 73). Par ailleurs, les personnes sondées tendent à approuver la mixité entre les hommes et les femmes sur les lieux de travail et dans la société de façon générale. Néanmoins, la mixité dans 191 Encadré 7-3 L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005 Les femmes doivent-elles porter le hijab (voile) ? 9VXXdgYVkZX hVYX^h^dc *% BVgdX 9d^iigZdWa^\Z YZaZedgiZg (+ :\neiZ A^WVc ?dgYVc^Z EVhYVXXdgY &' BVcfjVci ' 9VXXdgYVkZXhVYX^h^dc les différents stades de la scolarisation n’est pas largement approuvée en Jordanie et en Egypte (Encadré 7 – 4). La nécessité d’exercer un contrôle sur les femmes est un point de vue inégalement partagé. En effet, cette opinion varie selon les pays, les milieux sociaux, le niveau de vie et la conscience générale. Elle se manifeste chez les catégories sociales les plus pauvres, marginalisées socialement et sont, par conséquent, les moins protégées juridiquement et socialement et les sensibles à la culture patriarcale dominante. Les campagnes et les zones désertiques arabes sont encore régies par l’esprit de corps familial, le lien de parenté et d’allégeance à l’autorité tribale, ainsi qu’à la domination des us et coutumes et des rites. Tout cela se passe dans le cadre d’une économie d’auto-subsistance jusqu’à une certaine mesure, économie liée à la terre, au cheptel, au climat, aux métiers d’artisans (Al-Rasheed, Papier d’appui au Rapport). L’absence de temps libre, la multiplication des tâches assurées par les femmes jouent également un rôle très important. A l’origine de ces phénomènes il y a un réseau de facteurs liés à la prédominance des mâles et des conditions 192 de vie qui empêchent les femmes de participer à la plupart des activités publiques, réduisant leur rôle à la reproduction, aux travaux ménagers au sens large, et à la participation aux travaux pastoraux et agricoles pour garantir la survie du groupe. Les études relatives au monde arabe signalent l’absence des femmes du domaine politique institutionnel, leur présence est relativement importante dans le secteur caritatif, moindre sur la scène civile et culturelle de façon générale, insignifiante dans le domaine économique et une quasi–nulle dans le domaine religieux officiel. Cependant les structures autoritaires n’ont pas empêché la présence féminine dans les secteurs de la presse, de la professions d’avocats, de la pharmacie, de l’ingénierie, de la médecine et des nouvelles technologies d’information et de communication. Il y a un siècle, cette présence était porteuse de significations multiples dans une société qui essayait de redécouvrir ce qu’elle était réellement. Aujourd’hui on est face d’une situation conflictuelle entre, d’un côté, un secteur assez large de la société qui est entré dans le marché du travail et dans la vie Rapport sur le développement humain arabe 2005 Encadré 7-4 L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005 Accord sur la mixité entre les sexes à tous les niveaux de l’enseignement BVgdX 9VXXdgY *- :\neiZ A^WVc EVhYVXXdgY )& ?dgYVc^Z BVcfjVci & 9VXXdgY La mixité entre les hommes et les femmes au travail BVgdX 9VXXdgY ,) :\neiZ A^WVc EVhYVXXdgY '* ?dgYVc^Z BVcfjVci & 9VXXdgY La mixité entre les hommes et les femmes dans la société en général 9VXXdgY ,+ BVgdX :\neiZ A^WVc EVhYVXXdgY '( BVcfjVci & ?dgYVc^Z 9VXXdgY Structures sociales 193 Encadré 7-5 Les femmes bédouines comptent sur elles–mêmes ‘Amsha al-Husaun, de Badiyat al-Shamiyya est une quinquagénaire. Elle garde et trait ses brebis, amasse du bois, prépare le pain sur le Saj2. Elle lave le linge à la main. Son mari est impotent. Bien qu’elle habite une tente faite de poils de bestiaux, loin des autres demeures, elle ne se plaint pas de solitude puisqu’elle est continuellement occupée. Elle tisse la laine avec son fuseau manuel. Elle ne cache pas son L’absence de politiques sociales protégeant les femmes et le peu de services rendus par l’Etat jouent un rôle important dans la transformation des femmes en victimes et non de bénéficiaires de la flexibilité des opportunités de travail. La soumission aux, ou la rébellion contre, les liens organiques n’obéissent pas nécessairement à des considérations religieuses. Source : Bandar, en arabe, 1990 publique comme prolongement de la formation sociale traditionnelle et, de l’autre côté, un second secteur dont l’accès marché au travail indiquait qu’il participait d’une nouvelle vision des relations sociales. C’est un secteur qui choisit la famille nucléaire, l’individualisation et l’indépendance financière tout en jouant un rôle diffèrent de celui fixé d’avance par les relations sociales horizontales. Les femmes paient le prix fort dans le cadre des règles du nouveau marché : l’instabilité des contrats de travail à durée déterminé, le travail dans des zones franches où les conditions sont humiliantes pour les femmes. Et ce bien que ces mêmes changements sont, en principe, censés permettre de concilier plus aisément travail salarié et famille (souplesse des heures de travail et possibilité de travailler à partir du domicile). L’absence de politiques sociales protégeant les femmes et le peu de services rendus par l’Etat jouent un rôle important dans la transformation des femmes en victimes et non de bénéficiaires de la flexibilité des opportunités de travail. La rébellion produit des formes intermédiaires de liberté La force des structures sociales basées sur les valeurs tribales traditionnelles qui conduit à des attitudes d’adaptation marquées par la résignation, le découragement et les concessions, ne doit pas faire oublier les réactions vigoureuses et violentes qui expriment insubordination et révolte. Cependant cette situation basée sur des relations familiales 2 194 sourire quand elle lève la tête pour dire : “ Notre vie est dure. La vie se passe selon les saisons. Si nous ne nous servons pas nous–mêmes, personne ne nous servira. Ceux qui nous rendent des services nous demandent beaucoup plus en retour. D’autres encore nous demandent de leur procurer du beurre et du fromage gratuitement, alors qu’ils ne nous donnent que des soucis ”. contraignantes et non démocratiques, ne permet pas d’enraciner une culture dominante reposant sur l’égalité des droits et des devoirs. En d’autres termes, ces formes de rejet ne sont pas en mesure de produire un système des droits humains considérant que les droits des femmes font partie intégrante de son identité et de son contenu. Il importe de noter que la soumission aux, ou la rébellion contre, les liens organiques n’obéissent pas nécessairement à des considérations religieuses, puisque l’on trouve des deux côtés des femmes voilées ou des femmes qui contribuent aux activités publiques à travers des organismes éducatifs, caritatifs ou religieux. On ne peut pas, non plus, à cause des restrictions imposées à la liberté de réunion et d’association, dans la majorité des pays arabes, considérer que les réunions, les conseils, les séances officielles, les réunions entre amis, les soirées de lecture de poèmes populaires, les cérémonies festives, le Ramadan, les rites religieux ne constituent toujours qu’un retour pur et simple au mode de vie traditionnel. La majorité de ces activités peut être considérée comme relevant du besoin naturel chez les humains de se réunir, de se rencontrer et de communiquer, activités que les lois autoritaires ont interdites. Aussi a-t-on vu apparaître des formes intermédiaires qui délimitent, par des frontières floues, les liens organiques et les activités civiles. En effet, dans un contexte où les libertés fondamentales font défaut, les femmes ont essayé d’instrumentaliser les conditions sociales, et même les pratiques traditionnelles, pour défendre leurs droits par l’entremise NDT. (Plateau rond et bombé sur lequel on cuit le pain serviette (Dictionnaire bilingue Abdannour) Rapport sur le développement humain arabe 2005 d’instances caritatives, médicales ou littéraires ainsi que par l’intermédiaire de groupes familiaux féminins. Elles ont aussi formé des délégations pour revendiquer leurs droits dans des pays où l’espace social est plus permissif que l’espace idéologique ce qui est souvent le cas dans de nombreux pays (Arabie Saoudite et pays du Golfe, à titre d’exemple) où sont investis des domaines de protection et de participation organique où certaines femmes actives et inventives tirent profit de ces marges étroites de protection pour constituer des groupes de la société civile s’occupant des droits des femmes. L’ironie de l’histoire est que ces groupes ont réussi à provoquer le changement de l’intérieur même des structures qui ont essayé d’empêcher qu’il ne se produise. Cependant, la dimension négative des relations organiques se renforce au fur et à mesure que les restrictions touchent la liberté de se réunir et de mener des actions publiques indépendantes de l’Etat. Le rejet des structures claniques ou reposant sur des liens de parenté n’est propre ni aux franges sociales religieuses, ni à une classe sociale donnée ou à un sexe donné. Les formes de solidarité traditionnelles organiques paraissent, comme il a été dit précédemment, plus fortes dans les milieux pauvres. En effet les formes organiques de solidarité traditionnelle sont plus fortes dans la société rurale, parmi les habitants des bidonvilles et des quartiers nés de l’exode rural vers la ville. On a l’impression que parmi des secteurs importants de ces populations il y a un profond sentiment de se protéger contre la misère au moyen de l’esprit de corps patriarcal traditionnel. L’interaction entre les sphères économique, politique et internationale influe sur les formes de relation entre les hommes et les femmes. En effet, le recul enregistré en matière de droits économiques pour la majorité, la relativité de la souveraineté, dans un contexte de refonte des formes de domination dans la région, rendent aisée la confusion entre discours social et discours idéologique conservateur qui lie la défense de l’entité sociale et de la souveraineté nationale à une conception déterminée de l’identité qui réduit le rôle des femmes et considère leur promotion comme un produit made in à l’étranger. Structures sociales Néanmoins, l’accumulation quantitative de petites victoires qualitatives par des femmes dans leur lutte démocratique a fait reculer l’hégémonie patriarcale, à degrés variables, selon la diversité des sociétés et des cultures. Malgré le lourd héritage, l’ancrage des coutumes et les obstacles difficiles que les femmes doivent surmonter, force est de constater que les femmes d’aujourd’hui diffèrent de leurs mères ou encore de leurs grands-mères, du fait de la prise de conscience, de l’instruction, de l’exercice d’une profession et des réalisations de la civilisation du xxe siècle. Ces réalisations ont trait aux idées de libération et aux victoires obtenues dans les domaines des droits de l’homme et des droits des femmes. Les femmes ont su faire face aux défis de l’adaptation aux bouleversements difficiles et ont confirmé qu’elles étaient les protectrices de l’existence sociale dans les pires situations. C’est le cas des femmes qui vivent à l’ombre du siège et des exactions en Irak ou qui font face à la violence multiforme au Soudan, au Liban, en Irak et en Palestine. En ce sens, les structures sociales ne pouvaient pas empêcher les femmes d’être présentes, à différents degrés et sous diverses formes, en tant qu’acteur effectif dans le contexte de la transition historique que de nombreux pays arabes connaissent. D’autre part, le rapprochement entre les hommes et les femmes, s’il n’a pas aboli les disparités, a quand même abouti à l’apparition de relations moins conflictuelles à différents endroits. Ce rapprochement a permis aux relations éducatives d’emprunter une voie beaucoup plus proche de la démocratie que de l’autoritarisme. C’est ainsi que les enfants ont acquis une confiance en eux, et sont devenus plus confiants dans ceux qui représentent pour eux le modèle à suivre pour développer leur personnalité et réussir, notamment parce que l’image de la mère et sa place constituent pour ces enfants un élément essentiel dans la construction de l’image positive qu’ils ont d’eux-mêmes. Le monde arabe est appelé à trouver une nouvelle situation d’équilibre des individus, basée sur l’égalité nominale. Elle montre clairement combien sont importantes les libertés fondamentales et l’édification d’une société civile au sens large, c’est à dire un large La dimension négative des relations organiques se renforce au fur et à mesure que les restrictions touchent la liberté de se réunir et de mener des actions publiques indépendantes de l’Etat 195 réseau de différentes structures intermédiaires entre l’individu et l’Etat, permettant de couvrir des espaces non gouvernementaux, un gouvernement, quel qu’il soit, ne pouvant représenter toutes les personnes dans tous les domaines. Cette situation montre aussi à quel point il est nécessaire d’articuler le programme politique et civil à un minimum de garanties sociales et économiques, pour ne pas dire de droits, la confrontation avec les structures organiques ne devant pas transformer d’habitants de taudis en sans logis. Un pacte civil passé entre la société et l’Etat en vue de garantir les droits des individus, hommes et femmes, représente la condition sine qua non pour que les individus se sentent qu’ils sont en sécurité, physique et morale, qu’ils ont leur rôle à jouer dans le foyer et dans la société et que le droit à l’instruction et aux soins leur est légalement reconnu. Le droit naturel de créer des associations libres et indépendantes constitue un un élément clé dans la transition de l’individu à la personne/ citoyenne. Plus la constitution d’associations civiles devient-elle une action évidente pour la société et plus il devient possible de ne plus se concentrer sur les situations particulières à une frange de femmes pour s’occuper de la situation plus générale de toutes les femmes, et ce à travers des formes nouvelles de coopération, de solidarité et de participation civile. Dès lors, l’égalité pourra devenir une revendication sociale. La culture civile, dans la mesure où elle dispose des conditions pratiques et pas seulement des fondements de sa critique intellectuelle des liens organiques, pourra alors constituer un concurrent puissant à la culture de la discrimination. Pour faire face à l’obéissance et à la dépendance qu’impose l’attachement au lien par agnation, il faut mettre en place les conditions de vie et juridiques de l’autonomie des personnes, des deux sexes, et rejeter la discrimination, quelle qu’en soit la cause ou la motivation, tout en assurant les conditions matérielles pour oser penser et dépasser ce qui existe. 196 La famille et la place des femmes La famille constitue encore et toujours la première institution responsable de la reproduction des relations et des valeurs patriarcales par le biais de la discrimination entre les hommes et les femmes. Elle assure la fonction d’éducation sociale et la socialisation dans un climat traversé par les contradictions et les problèmes structurels graves, avec des mécanismes de contrôle et de pression, qui font que les femmes paraissent plutôt assujetties à un modelage que maîtresses de leur destin ou, comme déjà remarqué, participant elles-mêmes à la reproduction du système qui la contrôle. Bien que les femmes participent aux domaines des sciences et du travail, les questions de la sexualité et de l’honneur n’ont quasiment pas été affectées par les grands changements structurels qui ont marqué le siècle dernier. En effet, dans des sociétés patriarcales où l’homme domine les différents aspects de la vie sociale, culturelle, politique et économique, le droit des femmes à la sécurité physique et morale est toujours l’objet de violations acceptées dans le cadre du système des valeurs dominant. En niant l’individualité de la femme, on a rejeté du même coup la possibilité de l’individualisation du droit privé de la femme ainsi que la définition de la vie privée et de la personne telles qu’elles sont décrites dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. En même temps, cette violation met la société face à une contradiction là où coexistent les relations organiques et les relations civiles : si la faiblesse de l’individualisation a fait que les femmes n’ont pas pu obtenir des droits, pour lesquels le groupe ne s’est pas mobilisé, ce dernier (tribu, communauté…) a été lui-même le vecteur et la médiation qui ont permis l’acquisition d’autres garanties et d’autres droits. Ceci implique qu’il est nécessaire de rechercher dans certaines sociétés arabes des formes et des voies nouvelles pour la promotion des femmes qui n’excluent pas la médiation du groupe organique. De telles pressions sur les femmes deviennent plus violentes encore dans les moments de crise durant lesquels les femmes deviennent sujettes à la surveillance. Le droit que le mâle a de disposer du corps de la femme, Rapport sur le développement humain arabe 2005 de le contrôler, l’utiliser, le dissimuler, l’évacuer ou le punir, n’en devient que plus flagrant. Cette violence est un facteur nouveau qui vient s’ajouter à la féminisation de la pauvreté, de la misère politique, de la dépendance, de la domination et de l’aliénation. Jusqu’au jour d’aujourd’hui, les codes du statut personnel ont constitué la cristallisation la plus emblématique et la plus profonde de ce problème. Le mariage reste la première forme la plus importante du rapport entre les femmes et les hommes, du point de vue du conscient comme de l’inconscient, de la religion comme de la société, en termes de licite ou d’illicite, de sacré ou de profane. Ces lois représentent la cristallisation la plus prononcée du rapport entre le patriarcal et l’illicite et le tabou dans la société arabe. On constate, en effet, que les lois les plus importantes concernant la discrimination de genre trouvent refuge dans ce rapport, à tel point que les lois de la famille sont devenues cette tanière protectrice de la culture, des traditions et des coutumes, religieuses ou populaires. On peut dégager des débats et des événements qui ont lieu lors de la préparation ou de la promulgation des codes du Statut personnel en Algérie, en Syrie et au Maroc que la nationalisation ou la privatisation de la moitié de l’économie du pays a été beaucoup plus aisée que la promulgation d’un code du Statut personnel civil, choisi au sein d’un pays musulman. Le corps de la femme, comme le dit Lima Abu ‘Awda, évolue dans un cadre social où les frontières sont clairement tracées et définies. Chacune de ces frontières est dotée d’un dispositif de lois et d’interdits que la femme est supposée ne point transgresser. C’est ce qui explique les dispositions dans les législations arabes qui ne retiennent pas ou atténuent les peines l’encontre des personnes qui commettent des crimes dits ‘d’honneur’. D’où l’importance de l’introduction de législations garantissant les droits humains dans tout ce qui a trait à ces crimes dits ‘d’honneur’. Lors d’un entretien avec nombre de jeunes filles qui ont trouvé refuge auprès d’associations d’accueil en Suisse, une seule et même phrase revenait sans cesse : “ Me tuer ne coûte rien au meurtrier ”. Le contenu du document “ Arrêtez le meurtre Structures sociales des femmes ”, signé par des dizaines de milliers de personnes à l’intérieur et à l’extérieur de la Syrie, donne une idée sur l’ampleur et l’importance de cette tumeur socio–juridique : “ Toujours, et selon des formes variées et pour des prétextes différents, l’article 548 du Code pénal, ainsi que les articles 239 et 242 du même code, finissent par éviter que le meurtrier condamné à la peine normale après quelques mois de prison dont le nombre dépasse rarement celui des doigts de la main !! Il s’agit tantôt de l’honneur, tantôt d’un élan de colère ou encore des susceptibilités communautaires ! ! Mais il s’agit dans tous les cas du sang de jeunes filles que versent des meurtriers dont le sort ne doit pas être autre que celui de meurtriers ! ! ” (18 Septembre 2005). Bien que les éléments de modernité interfèrent avec la culture traditionnelle dans les sociétés arabes, ce qui ne permet une généralisation d’une situation à toutes les sociétés, que ce soit à l’intérieur d’un même Etat ou entre des Etats différents, il reste néanmoins que de larges pans de la société sont beaucoup plus proches de la tradition que du renouveau. Le prix que la jeune fille doit payer dans les milieux où le niveau d’individualisation reste faible, au sens juridique et économique, pour accéder à son indépendance, est fort élevé. C’est pourquoi, ces jeunes filles cherchent refuge dans le mariage précoce afin d’assouvir leurs besoins sans ressentir de la culpabilité, de la haine et le mépris de soi, ni le sentiment d’être tombées dans le péché. Elles cherchent par ce mariage à accéder au statut de femmes respectables, acceptées par leurs propres mères, leurs familles et la société. Il est très probable que le premier homme qu’elles auront rencontré soit celui à qui elles se lieront pour le restant de leur vie, et ce notamment dans les milieux conservateurs, ; et quand ce ne sont pas les membres de leurs familles qui décident pour elles, sans que la jeune mariée ait connu son prétendant au préalable ou qu’elle l’ait du moins connu suffisamment. Dans tous les cas, le mariage précoce, de simple coutume sociale, devient un problème aux multiples causes et aux nombreuses dimensions. Une étude menée aux Emirats Arabes montre que les fortes pressions 197 sociales exercées sur les jeunes filles, ainsi que le manque d’affection et de compréhension de la part de leurs familles, sont à l’origine de comportements violents enregistrés chez ces jeunes filles. En effet, les cas de suicide chez elles sont trois fois supérieurs aux cas enregistrés chez les jeunes garçons3 (Daguerre, Document d’appui au Rapport). La relation équivoque entre hommes et femmes dans les sociétés arabes : synergie et conflit Certains écrits féministes mettent hommes et femmes en position de contradiction et d’opposition totales. Malgré l’ampleur de la discrimination à l’égard des femmes dans les pays arabes, cette attitude paraît être une simplification abusive qui ne reflète point la nature réelle de cette relation fondamentale dans les sociétés arabes. On peut noter, par exemple, que les premiers partisans de la cause féminine étaient des hommes. C’est le cas de Butrus Al-Bustani qui a écrit sur l’importance de l’enseignement pour les filles. C’est aussi le cas de Qasim Amin qui a appelé à l’émancipation de des femmes, ou encore de Al-Tahir al-Haddad, Abdul Rahman al-Kawakibi et bien d’autres. Ces penseurs considéraient que la cause de la femme est partie intégrante d’une cause plus large, celle de la modernisation et du développement de la société. De la même manière, parmi les défenseurs et partisans de la promotion des femmes aujourd’hui il y a un grand nombre d’hommes actifs dans le domaine des droits humains, convaincus que la cause des femmes est au cœur même de celle des droits humains. Une autre image du patriarcat Il y a une généralisation d’images comme celle de la figure du père comme despote et symbole de l’oppression imposant sa volonté et son autorité à des membres soumis de la famille. Une telle soumission favoriserait une tendance au rejet et au refus du changement dans la société, inhiberait l’émergence de l’individu qui interroge, critique et fait preuve d’indépendance et généraliserait également les notions de constance, de stagnation et de soumission au dominant. De telles images ne reflètent pas tout à fait la réalité des sociétés arabes. En effet, quand on observe la vie quotidienne, on découvre d’autres aspects de la relation entre paternité et femmes, que ces dernières soient épouses ou filles. On peut considérer, à titre d’exemple, les contributions des femmes arabes à toutes les formes de résistance, notamment en Palestine. On découvre alors d’autres dimensions d’une paternité qui se distingue par le libéralisme, des femmes qui exercent leur droit d’exprimer leurs opinions politiques et de prendre des décisions les concernant, et ce bien que la représentation politique des femmes n’est pas égale. Mais c’est là un autre sujet de débat. Quand on compare trois générations successives de femmes dans n’importe quel pays arabe, on peut retracer les étapes du processus de développement qui est à l’œuvre d’une génération à une autre, ainsi que les sauts qualitatifs accomplis, au niveau du savoir et des spécialités, du travail et de ses différents domaines, ainsi qu’au niveau de la participation aux affaires publique. On peut ajouter à cela le contrôle de la fécondité, le progrès de la maturité psychologique et de la confiance en soi chez les femmes, l’utilisation des nouvelles technologies qui ont permis même aux femmes de niveau culturel modeste d’interagir avec les autres cultures du monde. Ces rapides rappels montrent certains changements positifs au niveau de la famille arabe qui ont conduit, dans une certaine mesure, au changement de comportement chez les jeunes et dans le système des interdits. Il faut rappeler, à ce propos, que les disparités dans le libéralisme des pères et leur façon d’exercer leur autorité dépendent de leur niveau culturel et économique, ainsi que du milieu social. De plus on ne peut oublier, non plus, que ces changements sont d’ordre social, national et international en rapport avec des étapes de développement politique et économique. 3 L’enquête a porté sur 82 cas de jeunes filles ayant tenté de se suicider. Leur âge varie de 15 à 24 ans. La majorité d’entre elles sont célibataires. Vingt d’entre elles n’étaient pas à leur première tentative de suicide. 198 Rapport sur le développement humain arabe 2005 Les pères, notamment ceux ayant bénéficié d’une certaine instruction, approuvent que leurs filles et de leurs épouses aient accès à l’instruction et les incitent à progresser professionnellement en leur en fournissant les moyens et en leur montrant les voies qui y mènent. En attestent le nombre croissant de jeunes filles présentes sur les bancs des universités, la forte majorité des femmes dans certaines facultés et certains métiers, ainsi que leur supériorité dans les études. Certains pères vont jusqu’à défendre leurs filles face des courants intolérants qui veulent leur imposer une certaine tenue vestimentaire. Les manifestations de la relation homme, épouse et enfants sont multiples et variées. Ces rapports sont très complexes et ne peuvent être qualifiés tout simplement d’oppressifs, sévères et tyranniques. Que dira-on alors de l’amour, de la solidarité, de la personnalité de la femme qui est fière d’elle–même grâce au sentiment qu’elle a d’être appuyé par son père, grâce aux différentes formes de protection et de soutien qu’il met à sa disposition ? On remarquera que les femmes qui réussissent leur vie conjugale et professionnelle sont celles qui sont très fortement liées à leurs pères. La famille arabe a de nombreuses caractéristiques que l’on ne peut réduire à une seule, absolue et généralisée. On ne peut Encadré 7-6 Un père supporter de sa fille Je ne sais comment mon père, Rafiq, a pu, dans les années soixante du siècle dernier – lui qui n’a pas été à l’université, ni même voyagé – être animé par la volonté de m’envoyer – alors que j’étais âgée de vingt ans – poursuivre mes études à Paris. Il n’a point été découragé par la prudence de ma mère, ni par les avertissements des proches, ni non plus par la crainte que la famille avait de Paris pour leur jeune fille ; la crainte de ce Paris, pays de l’égarement. Sa détermination dépassait de loin mon propre courage, je l’avoue. Et ce, alors que moi, je ne connaissais de Paris que ce que laissaient apparaître les cartes postales de la tour Eiffel, les noms célèbres d’hommes de lettres français, la Sorbonne et le Quartier latin. J’ai grandi dans une famille nombreuse, composée de neuf enfants qui occupaient les chaises, les fenêtres et les lits de la maison : six filles et trois garçons. Ils s’activaient de façon égale, à l’école comme à l’université, transformaient la maison en grande salle d’étude que mon père alimentait par ses achats de livres, bien supérieurs à ses achats de pain. En période d’examens, mon père était comblé de bonheur. La maison était inondée de livres, de stylos et de leçons apprises par cœur. Il faisait fi des propos des voisins qui lui répétaient : “ Pourquoi envoies-tu la fille à l’école, alors qu’elle n’est pas pour toi, mais pour son mari ? ” Il se prévalait du fait qu’il est précurseur, à un moment et dans un village où aller à l’école –à proximité de la maison, bien sûr – était considéré comme un instant de répit en attendant le futur prétendant. Nous étions six filles. Les gens disaient de Rafiq, que “ Dieu lui a donné autant de filles que l’amour qu’il avait pour elles ”. Mais mon père, qui avait beaucoup lu et qui avait été influencé par les hommes de lettres de la Renaissance et les appels à l’émancipation de la femme, considérait donc que chacune d’entre nous était, à ses yeux, un projet de création, à travers lequel il reproduisait le modèle de ma mère instruite, cultivée et audacieuse, bien différente des femmes de sa génération. Il avait foi en l’importance des femmes, foi qu’il exprimait à travers l’instruction de ses propres filles. Quand le village entier s’était déplacé à l’aéroport de Beyrouth lors de mon départ pour Paris, pour me faire les adieux dans les pleurs et l’affection, me prodiguant nombre de conseils, mon père n’a point entaché ma joie par un quelconque de ces conseils classiques. Mais il tissait, entre lui et moi, les fils d’une complicité cachée. Il me confiait le fardeau qu’il portait avec plaisir, celui d’être un précurseur. Je me sentais tels les héros des pièces de théâtre que nous jouions à l’école. Si je trébuche, je suis maudite par les dieux ; si je réussis, j’ouvre une voie tout éclairée à toutes les filles de ma génération. J’ai été profondément habitée par ce soucis d’être le modèle, en signe de gratitude envers mon père, mais cela n’a point déformé mon regard ouvert, avec étonnement, sur tout ce qui est nouveau, ni mon cœur avide de désirs et de joies. Mon père, qui attendait mes lettres avec impatience, pour en lire les passages les plus touchants aux voisins et aux visiteurs, était mon éternel allié lors de mes moments d’enthousiasme et mes moments d’inertie, mes moments ternes et mes moments brillants. Il ne voulait comme marque de reconnaissance que le fait que je réussisse, que j’accède au sentiment naturel de l’égalité, que je ressente toute la chaleur de cette vie qui m’a été procurée. Cette alliance secrète qui scellait son audace à ma réaction positive nourrissait son ambition réinvestie en moi, attisait mon désir ardent d’emprunter, jusqu’au bout, la voie agréable de l’inconnu. Au lieu que le père récompense la fille, c’est désormais la fille qui essayait, par le biais de sa réussite, de récompenser son père. Je me rends compte aujourd’hui, alors que je suis riche d’expériences humaines et intellectuelles auxquelles mon père m’a permis d’accéder grâce à l’aventure de ce voyage, avec pour seul bagage une valise qui ne contenait que l’ambition, l’étonnement et le défi -, et quand je regarde les filles de mon village, un demi siècle exactement après les péripéties de cette histoire- que chacune de ces filles puise ses forces, jusqu’à ce jour, dans le modèle de mon père, de mon propre parcours, pour convaincre son père à elle que l’instruction des filles et leur voyage en vue de poursuivre leurs études, sont une réussite, un modèle à suivre, la voie qui éclaire le futur des femmes de ce siècle. Ilham Kallab, Beyrouth, juin 2005 Structures sociales 199 Encadré 7-7 Mohamed Mahdi Al–Jawahiri : Instruisez-la! Instruisez–la ! Le vrai déshonneur est le fait que vous considériez le savoir comme une honte. A l’ère de la décadence, nous suffit le fait que nous n’ayons même pas résolu les petits soucis. Instruisez-la ! Procurez-lui l’éducation qui façonne les grandes âmes. Pour mener au mieux un peuple, prouvez d’abord que vous pouvez mener au meilleur un foyer. En méprisant la femme aujourd’hui, vous méprisez beaucoup plus les hommes. pas non plus généraliser une seule conception négative du patriarcat4. Cette perspective unique répand la soumission et pousse à croire en la difficulté de se soulever contre l’autoritarisme et aspirer au changement. En outre, affirmer que les femmes sont opprimées prive leur vie de toute valeur, la réduit à de simples années perdues. Dans tout cadre, aussi dur soit-il, si la femme peut accéder à sa liberté de prise de décision, cela lui procurera un bonheur inattendu. Cette liberté est la source qui inspire le changement (Nouha Bayoumi, Annexe au Rapport). Socialisation et enseignement (Programmes et méthodes pédagogiques et modes d’évaluation) La problématique de la socialisation et de l’enseignement nous met la personne face au caractère complexe et multidimensionnel de la relation entre les hommes et les femmes dans le monde arabe, de sorte qu’il est difficile de calquer des modèles ou de transposer des solutions ou abolir les modes de développement particuliers au nom de la généralisation des expériences. Globalement, la problématique de la socialisation et de l’enseignement, se présentent pour la société et pour l’Etat comme deux murs opposés, parfois imbriqués. Le premier est le mur de l’éducation traditionnelle. Il serait, au moins en apparence, le mur le plus solide et le plus enraciné des deux puisqu’il est le produit de toute une histoire, et puisque les changements que les temps modernes ont connus n’ont pas pu permettre d’ériger un autre mur, encore plus haut, pour le remplacer. Ce mur réunit fondements historiques de la culture, dans leurs dimensions religieuses, cognitives et populaires, en un ciment armé qui a tantôt islamisé les traditions, tantôt imposé à la religion ce qu’elle ne peut supporter. Mais dans les deux cas, il s’agissait d’un mariage pragmatique auquel les traditionalistes se sont rarement opposés. Le second mur est celui de l’Occident, c’est à dire la source la plus puissante des notions de libération et d’égalité à notre époque. Dans ce sens, la culture et le mode de vie occidentaux ont constitué, pour la majorité des partisans de la libération des femmes et de l’égalité entre les deux sexes, la source d’inspiration essentielle durant environ un siècle. Dans la majorité des cas, ce ‘modèle occidental’ a été considéré comme un nouvelle direction vers laquelle se tourner, c’est à dire comme un modèle à suivre et à imiter. L’Equipe du Rapport partage, à ce propos, ce que disait le poète égyptien Georges Henein qui affirmait que l’imitation intellectuelle chez certains était si ample et si vaste qu’elle s’est arrogée à l’avance le pouvoir de se soumettre les esprits et les dispositions mentales. On peut, selon une expression d’Ahmed Chabchoub, parler d’une “ modernité imposée ”, puis d’une “ modernité désirée ” (Chabchoub, 2000 : 64 et suivantes), avant de passer à une modernité créative, considérée comme le moyen de passage obligé entre le suivisme (historique et occidental) et la créativité dans les domaines de la socialisation et de l’enseignement. Cependant, cette transition implique ce que le chercheur Munir Bashshur appelle “ une maturité spirituelle et culturelle de la famille qui ne distingue pas entre mâle et femelle dans l’éducation ou tout autre domaine. Elle implique également une symbiose générale entre les différentes autres institutions de la société, dont l’école, et cette maturité. Le but étant de la renforcer et de l’appuyer. Mais 4 Cf (Bayoumi, en arabe, 1998 : 260). Etude sur le terrain qui a souligné le rôle positif du père dans la motivation de ses filles pour les inciter à se sentir concernées par les affaires publiques et l’exercice de la critique des politiques menées. Ce qui a contribué à renforcer leur personnalité, leur audace et leur détermination. Ceci montre l’importance du soutien du père à ses filles. En effet, cette éducation a influencé leur vie conjugale lors du choix du mari qui leur convenait, mari qui devait être proche d’elles politiquement, indépendamment de son appartenance sociale ou communautaire. Elles ont aussi contribué à l’éducation de leurs enfants, la formation de leur personnalité et leur ont offert l’occasion de faire leurs propres choix (p. 272). 200 Rapport sur le développement humain arabe 2005 d’où pourrait émerger cette maturité sinon des institutions éducatives, dont l’école, qui, dans ce cas, constitueront, du même coup et le moyen de reforme et sa propre finalité? ” (Bashshur, Papier d’appui au Rapport). Si l’on veut que ces institutions deviennent des outils effectifs d’amélioration du niveau voulu de maturité morale et culturelle, il est nécessaire de considérer leur composition et leurs éléments, de considérer l’action qu’elles mènent, leurs modes de fonctionnement, la dynamique qui les sous-tend, et ce en guise de préliminaire à l’introduction des modifications qui s’imposent. La société arabe a confié à l’école et aux institutions qui président à la socialisation des enfants – quand ces institutions existent – la responsabilité de compléter le travail accompli par la famille en matière de formation de l’esprit et d’éducation aux valeurs. L’école est le produit de sa propre époque ; elle n’est pas mieux lotie que la société en ce qui concerne le manque d’institutions de bonne gouvernance et de relations civiles. Elle se situe, en effet, après la famille dans la reproduction des modes d’éducation reposant sur le domptage, la marginalisation et la violence. Les systèmes scolaires dans les régimes autoritaires n’encouragent pas, le plus souvent, l’esprit d’initiative, le développement des potentialités créatrices et l’épanouissement suffisant des aptitudes personnelles. Malgré la distance parcourue par les femmes arabes dans les domaines politique, social et économique, le fossé qui sépare un tel progrès et les stéréotypes sur les femmes reproduits par les programmes d’enseignement reste énorme. Les images des femmes confinent invariablement celles-ci dans un cadre maternel, réduit aux taches ménagères. Le plus souvent, le livre scolaire dans le monde arabe confine l’image de la femme dans un cadre social déterminé. L’image reproduite par les programmes d’enseignement est peut-être l’un des facteurs les plus importants qui favorisent et renforcent une représentation de la fille. En effet, il est très rare qu’une personne de sexe féminin apparaisse, dans les manuels du Ministère de l’Education et de l’Enseignement, en train de lire un livre ou à l’intérieur d’une bibliothèque. Le seul endroit où elle devrait se Structures sociales trouver, selon les concepteurs de ces manuels, est la cuisine ou le champs. A titre d’exemple, une étude menée par le département de sociologie de l’université de Damas, montre que la société aspire à donner aux femmes un rôle nouveau. Mais les programmes d’enseignement renforcent davantage l’image traditionnelle qui les confinent au foyer. Cette étude s’est penchée sur les illustrations contenues dans un manuel scolaire destiné aux élèves de la quatrième année du cycle primaire. Elle a montré que les manuels en vigueur font usage d’une image stéréotypée de la femme qui la placent sur un second plan derrière l’homme et jamais à côté de lui. Cette étude montre également que 75 % des images publiées dans ce manuel étaient beaucoup plus favorables à l’homme qu’à la femme. Cette dernière est toujours présentée dans des cadres ménagers (la cuisine, à titre d’exemple) ; alors qu’elle n’est jamais présentée à l’intérieur de lieux de travail, lieux qui sont toujours le monopole de l’homme. En Egypte, une étude ayant intitulée “ l’Education des enfants femelles en Egypte ” menée par la chercheuse Zayneb Shahine a montré “ l’existence d’un sexisme clair et net contre la jeune fille dans toutes les publications égyptiennes ”. Elle a signalé l’absence totale de noms féminins sur les couvertures des revues destinées aux enfants qui affichent toutes des noms masculins comme “ Mickey ”, “ Samir ”, “ ‘Ala’al-Din ” et “ Bulbul ”. Son analyse du contenu de ces revues a montré qu’elles attribuent aux mâles la majorité des qualités et des rôles positifs ; alors qu’elles attribuent aux femelles les qualités et les rôles où apparaissent faiblesse, absence d’autonomie d’opinion et dans la prise de décision. Ces notions s’enracinent donc dans les esprits des jeunes dès les premières étapes de l’enseignement. On peut dire également que l’expérience palestinienne récente ne constitue pas une exception à la règle. Là aussi, les contenus en vigueur actuellement dans les écoles en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza renforcent cette vision traditionnelle et dégradante de la femme. En effet, on n’y voit nullement que la femme accompagne les changements survenus dans la situation des femmes depuis les années vingt du siècle dernier. 201 Ainsi, l’image des femmes dans les manuels scolaires, quel que soit le niveau scolaire, est celle de “ la mère qui prépare à manger et le père qui est au travail ; la maman qui repasse le linge et sa fille Rabab qui l’aide à la cuisine ; le père qui lit le journal alors que son fils Basim joue sur le terrain ”. Dans une étude menée par la chercheuse Aliya Al-‘Asali sur le portrait des femmes dans les manuels de l’éducation civique en première année du cycle fondamental et jusqu’en sixième, il apparaît que l’image des femmes n’était pas représentée de façon claire, systématique et juste. En ce qui concerne les métiers, les femmes paraissent cantonnées dans des métiers bien précis. Elles sont quasiment absentes quand il s’agit de métiers variés, contrairement aux hommes. Les femmes n’apparaîssent pas, non plus, dans des images où elles prennent des décisions comme cela est souvent le propre de l’image des hommes : l’image de maire, de juge, d’avocat, de président d’association, de président d’un syndicat, de directeur d’une école, de directeur d’un camping et bien d’autres images où les femmes sont absentes. Ceci dit, les cursus scolaires ont cependant subi des modifications importantes en Tunisie. Les sociologues attirent l’attention sur l’importance du rôle que joue l’image à l’école, dans les premières étapes de l’enseignement fondamental, ainsi que sur l’effet qui est exercé sur la constitution des orientations intellectuelles des enfants, orientations qu’il serait difficile de modifier par la suite. Parmi les faits négatifs reprochés aux matières d’enseignement figure la négligence des vraies capacités des femmes, leur aptitude à créer et à réaliser, au point qu’elles apparaissent, le plus souvent, dans l’image d’être aux positions négatives, sans volonté, marginalisés, incapables de participer avec les hommes à la prise de décisions importantes relatives à la famille ou à son avenir. Une telle conception marginale du rôle des femmes incite les éducateurs à exiger la modification des contenus des programmes d’enseignement et à établir des fondements et des concepts nouveaux pour les matières enseignées. Le but est de délivrer la jeune fille du moule superficiel et dégradant, de rendre visibles les avancées réalisées par les femmes arabes en accédant aux meilleurs postes, et à 202 leur participation aux domaines qui étaient depuis toujours réservés aux hommes. Les spécialistes en matière d’éducation soulignent la nécessité d’intégrer dans l’esprit même de ces programmes d’enseignement les droits sociaux, politiques et juridiques des femmes, leurs droits au travail, à l’expression et au choix libre. Ajoutons à cela la participation de des femmes à la conception des politiques d’enseignement dont elles ont été longtemps exclues dans les pays arabes. On estime, en effet, à moins de 8 % la participation de la femme à la conception des programmes d’enseignement selon un échantillon aléatoire des programmes d’enseignement arabes (Commission Arabe des Droits Humains, en arabe, 2002). Il est à signaler que certains gouvernements arabes ont commencé à changer les programmes d’enseignement pour les rendre compatibles avec les récents développements sociaux. Mais il faut un certain temps pour que cette nouvelle conscience soit communiquée à travers le processus pédagogique en comportements pratiques. Il est également impératif que la nouvelle production culturelle et les mesures pratiques soient orientées vers l’acquisition par l’élève, ainsi que par la maître, d’une nouvelle méthode pour traiter les valeurs et les principes selon un esprit qui interroge, qui fait preuve d’inspiration et de déduction, mais tout en étant prudent que le nouveau ne soit pris pour une idéologie alternative. Il n’est pas possible de parler d’un modèle d’enseignement ou d’une recette “ valable en tout temps et tout lieu ”. L’expérience limitée menée dans le monde arabe et dans d’autres pays du Sud, montre qu’il est nécessaire d’éviter de verser à ce propos dans le discours idéologique. Même quand l’enseignement des droits de l’homme et des droits des femmes est introduit dans le répertoire académique, il est nécessaire que ces contenus soient toujours soumis à l’œil critique des défenseurs de ces droits. Elever le niveau de maturité spirituelle et culturelle va au-delà des chiffres et des calculs de taux. Il va également au-delà de la recomposition ou de la distribution des individus en fonction de leur niveau d’instruction et leur sexe. C’est Rapport sur le développement humain arabe 2005 une question relative aux ressources spirituelles et culturelles qui nourrissent notre esprit, et qui sont disponibles dans les sphères sociales, dont l’école est l’une des composantes. En un mot, c’est une question beaucoup plus profonde et beaucoup plus difficile qui requiert un engagement plus ferme, un effort plus grand, une solide maîtrise du processus de suivi. L’enseignement est un acteur essentiel de ce processus, mais à condition que son action soit durable et globale. Elle doit concerner l’école comme l’université. La famille a certes son mot à dire, mais aussi les moyens audiovisuels et écrits d’information. La bataille pour la promotion des femmes arabes sera gagnée seulement si les potentialités créatrices de la société, artistes, écrivains, poètes, journalistes et syndicalistes, s’ y investissent ensemble. Conclusion Ce chapitre a essayé d’éclairer le caractère complexe, aux multiples facettes, de la discrimination entre les hommes et les femmes dans les sociétés arabes. Il montre, en effet, la difficulté de traiter la cause féminine à partir de données préétablies ou abstraites. La Convention sur l’élimination de toutes les discrimination à l’égard des femmes, à l’instar de la Déclaration universelle des droits de l’homme, défend des principes qui ne sont pas le résultat direct de combats menés sur le terrain, ni l’expression de revendications civiles directes ou intellectuelles au niveau mondial. Aussi, et quelle que soit la dimension exemplaire et positive de cette convention, elle reste un ensemble de textes qui descendent d’en haut, pour aller vers des personnes et des groupes fort différents, fort variés de par leurs cultures, leurs situations sociales, leurs modes et conditions de vie. En somme, il est difficile, voire impossible, d’introduire ces grands principes, de façon automatique ou arbitraire, dans les systèmes de valeurs locaux ; ou encore de les adapter de la même manière, aux structures collectives ou nucléaires, rurales et urbaines, autoritaires et démocratiques, laïques et religieuses. Aussi le défi essentiel des partisans de la promotion des femmes, que ces partisans soient des hommes ou des femmes, réside-t-il dans la recherche des moyens les plus efficaces de faire accepter et épouser l’idée de l’égalité totale entre les hommes et les femmes par un public fort diffèrent, et donner un sens à des textes qui sont en contradiction avec les coutumes locales, à travers les conditions culturelles, sociales ou politiques propres de promotion. Il n’est point aisé d’affronter les préjugés et le système socio–politiques dominants à travers une lecture externe et réductrice, qui vise à imposer des voies calquées sur l’expérience d’autrui. Il n’est pas facile, non plus, de créer une situation de conscience humaine des droits des femmes qui soi en mesure de mobiliser la victime ainsi que son entourage, au moment opportun et voulu, sans être capable de dialoguer directement avec les consciences des personnes directement concernées. Ce chapitre pose de nombreuses questions qui seront traitées plus en détail dans le chapitre dix. Structures sociales 203 Chapitre Viii Structure juridique Introduction Les structures culturelles et sociales déterminent les valeurs ainsi que les comportements des individus et des institutions au sein de la société ; à ce titre, elles agissent sur la situation des femmes. Or, l’Etat joue un rôle direct dans la régulation des relations sociales, ce qui se reflète sur les conditions des femmes à travers le droit positif. Quelles sont donc les retombées de ce dernier sur la condition féminine dans le monde arabe ? Autrement dit, quelle est la position du législateur arabe vis-à-vis de la question féminine ? Sa position concorde-telle avec la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) et avec les autres conventions internationales ? Y a-t-il une discrimination entre les deux sexes consacrée par les textes juridiques ? Comment les hommes de loi – juges, législateurs, interprètes de loi, officiels responsables de l’exécution de la loi – conçoivent-ils le principe d’égalité entre les hommes et les femmes ? L’importance que revêt la réponse à ces questions réside dans le fait que le droit exprime de façon claire et explicite l’orientation de l’institution étatique et des valeurs qui la régissent, outre le fait que ce droit constitue l’instrument efficace et puissant de régulation des rapports sociaux, et notamment dans les sociétés où l’Etat joue un rôle majeur dans le processus d’organisation sociale. L’examen de la position de la loi vis-à-vis des femmes révèle donc le rapport existant entre l’institution officielle et la question féminine, montre jusqu’à quel point cette institution est convaincue du principe d’égalité et illustre la place que cette Structure juridique question occupe dans la culture populaire, du moment que la loi reflète, dans une certaine mesure, cette culture. C’est pourquoi ce chapitre commencera par identifier la position des Etats arabes par rapport à la ratification de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et les réserves qu’ils ont présentées sur certains de ses articles, réserves qui vident –parfois- ladite ratification de tout contenu. Suivra ensuite l’analyse des textes juridiques du droit positif ayant trait au principe d’égalité entre les femmes et les hommes, puis la place qu’occupe cette question d’égalité dans la conscience (juridique) des hommes de loi arabes. L’attitude vis-à-vis de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes La plupart des Etats arabes ont signé et ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) et sont ainsi liés par ses dispositions, à l’exception de celles au sujet desquelles des réserves ont été exprimées. Quant au protocole facultatif à la Convention, qui n’admet pas de réserve et donne aux individus comme aux groupes la possibilité de porter plainte auprès le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. Le seul Etat arabe à avoir signé ce protocole est la Libye. On sait que l’Article 19 de la Convention de Vienne sur le droit des traités permet aux Etats d’exprimer des réserves au moment de ratifier un traité ou d’y adhérer. Il définit la réserve comme étant une “ déclaration unilatérale, La plupart des Etats arabes ont signé et ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) et sont ainsi liés par ses dispositions, à l’exception de celles au sujet desquelles des réserves ont été exprimées. 205 Les réserves des Etats arabes sur les textes de la convention sont un fait inquiétant et font douter de la réelle volonté chez ces Etats de respecter leurs engagements quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un Etat quand il signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou y adhère, par laquelle il vise à exclure ou à modifier l’effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cet Etat”. (Article 2, paragraphe 1(d)) Par ailleurs, l’article 28 de la CEDAW stipule que les Etats parties peuvent présenter leurs réserves au moment de la signature, la ratification ou l’adhésion à la convention, bien que le second paragraphe du même article souligne qu’“ aucune réserve incompatible avec l’objet et le but de la présente Convention ne sera autorisée ”. Or, la majorité des Etats arabes parties ont exercé le droit d’introduire des réserves. La CEDAW serait le maillon faible du droit international des droits de l’homme, eu égard à la faiblesse des mécanismes de sa mise en application et au nombre de réserves qu’elle suscite1. Or, les réserves des Etats arabes sur les textes de la convention (et elles sont nombreuses) sont un fait inquiétant et font douter de la réelle volonté chez ces Etats de respecter leurs engagements. L’une des réserves la plus inquiétante est celle qui a trait à l’Article 2 de la Convention, qui stipule le principe d’égalité entre les hommes et les femmes, car les réserves sur cet article majeur rendent sans objet les ratifications de la Convention. On peut remarquer que les réserves des Etats arabes se sont concentrées sur les matières suivantes : • Article 2, qui stipule l’égalité devant la loi, l’interdiction de la discrimination à l’égard des femmes dans les constitutions et législations nationales (Egypte, Irak, Libye, Maroc, Algérie, Bahreïn, Syrie, Emirats Arabes Unis) ; • Article 9, concernant les droits de la nationalité (Egypte, Tunisie, Irak, Jordanie, Maroc, Koweït, Algérie, Liban, Arabie Saoudite, Bahreïn, Syrie, Emirats Arabes Unis et Oman) ; • Article15, concerne l’égalité des hommes et des femmes quant à leurs capacités légales et civiles (Tunisie, Jordanie, Maroc, Algérie, Bahreïn, Syrie, Emirats Arabes Unis et Oman) ; • Article 16, relatif au mariage et aux rapports familiaux (Egypte, Tunisie, Irak, Libye, Jordanie, Maroc, Koweït, Algérie, Liban, Bahreïn, Syrie, Emirats Arabes Unis et Oman) ; • Article 29, relatif à l’arbitrage entre les Etats parties et le du recours à la Cour Internationale de Justice en cas de conflit d’interprétation ou d’application de la Convention (Egypte, Yémen, Tunisie, Irak, Maroc, Koweït, Algérie, Liban Arabie saoudite, Bahreïn, Syrie, Emirats, Oman). Les Etats arabes justifient leurs réserves à propos du contenu de la Convention en mobilisant deux arguments : les articles concernés contredisent la législation nationale; ils contredisent les dispositions de la Shari’a islamique. Ce dernier argument peut conduire à formuler une réserve d’ordre général sur la Convention et l’Etat concerné s’affranchit de tout engagement à respecter tout article non conforme à la Shari’a. (Egypte, Arabie saoudite, Mauritanie, Oman). Les réserves peuvent porter sur des articles bien déterminés s’opposant à la Shari’a, comme c’est le cas des réserves de la Libye et du Maroc à propos de l’article 2. La réserve émise par la Libye, par exemple, à propos de cet article a évoqué les règles successorales relatives aux hommes et aux femmes et recommandées par la Shari’a. Celle présentée par le Maroc au sujet du même article a d’abord évoqué les règles constitutionnelles de la succession au trône, qui écartent les femmes, puis le code du statut personnel, sous prétexte que les droits des femmes y diffèrent de ceux des hommes, lesquels droits sont puisés dans la Shari’a, qui veille à son tour à l’équilibre entre les deux sexes. Dans ce cadre s’inscrit également la réserve de l’Irak, de la Libye, du Maroc, du Koweït et de la Syrie sur l’article 16 qui réfère à l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes dans toutes les relations de mariage et familiales. Cette réserve évoque ce qui est, 1 Au mois de mars 2005, le nombre d’Etats ayant ratifié la Convention a atteint 180, c’est à dire plus de 90 pour cent des pays membres des Nations unies. Bien que vingt Etats environ (dont la France, l’Irlande, le Lesotho, les Iles Maurice) aient retiré, partiellement ou intégralement, leurs réserves, depuis la quatrième Conférence mondiale sur les femmes de 1995, 54 pays ont toujours des réserves sur des articles importants de la Convention. 206 Rapport sur le développement humain arabe 2005 Tableau 8-1 Ratification par les pays arabes de la CEDAW et déclarations et réserves par rapport à la Convention le 3 juillet 2006 (classé par ordre croissant et selon la date de ratification) Pays Date de signature Date of de réception de l’instrument de ratification, d’adhésion ou de succession Egypte 16-juil-1980 18-sept-1981 Yémen 30-mai-1984 30-mai-1984 Tunisie 24-juil-1980 20-sept-1985 Irak 13-août-1986 13-août-1986 Libye 16-mai-1989 16-mai-1989 Jordanie 3-déc-1980 1-juil-1992 Maroc 21-juin-1993 21-juin-1993 Koweït 2-sept-1994 2-sept-1994 Iles Comores 31-oct-1994 31-oct-1994 Algérie 22-mai-1996 22-mai-1996 Liban 21-avr-1997 21-avr-1997 Articles objet des réserves 2 7 9 15 16 * 29 Notes Et tout ce qui est contraire à la Shari’a islamique - * * * * * Et tout ce qui exige des relations irako-israéliennes * Djibouti 2-déc-1998 2-déc-1998 A. Saoudite 7-sept-2000 7-sept-2000 Et tout ce qui contredit la Sharia Mauritanie 10-mai-2001 10-mai-2001 Tout ce qui contredit la Sharia Bahreïn 18-juin-2002 18-juin-2002 Syrie 28-mars-2003 28-mars-2003 EAU 6-oct-2004 Oman * Et tout ce qui exige des relations syro-israéliennes 6-oct-2004 7-févr-2006 Et tout ce qui contredit la Sharia Qatar Soudan Somalie * Tout ce qui contredit la Shari’a islamique Source: www.un.org\womenwatch\daw\cedaw dans l’article précité, en contradiction avec la Shari’a islamique (Rapport d’Amnesty International sur les réserves des Etats du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord sur la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, Document n° 51 IOR/009/2004). Parfois, l’Etat ne donne aucune justification à la réserve qu’il présente : c’est le cas de l’Egypte et du Koweït sur l’article 9, paragraphe 2 relatif à la reconnaissance de la nationalité de l’enfant. Ces pays ne donnent pas de justification précise susceptible de montrer que c’est dû à une opposition avec la Shari’a, la législation nationale ou à une autre raison. Un autre type de réserves a été introduit uniquement par l’Irak et la Syrie, à savoir que Structure juridique l’adhésion à la convention ne doit nullement impliquer quelque relation que ce soit avec Israël. Nombreux sont les cas qui ont eu recours au premier argument pour justifier leurs réserves, à savoir que “ l’article de la Convention contredit la législation nationale ”. Il s’agit de l’Algérie qui a fait des réserves sur les articles 9 (paragraphe 2), 15 (paragraphe 4) et 16 ; du Koweït au sujet de l’article 9 (paragraphe 2), du Maroc sur les articles 2, 9 (paragraphe 2) et 15, et de la Tunisie à l’égard des articles 9 (paragraphe 2), 15 (paragraphe 4) et 16. Aucun de ces Etats n’a limité la durée dans le temps de ses réserves tant que la législation nationale n’est pas revue et mise en conformité avec la CEDAW. Plusieurs dispositions des législations de ces 207 Il ne semble pas en effet y avoir d’interprétation cohérente chez ces Etats arabes d’un concept clair et définitif pour une application de la Shari’a en références aux dispositions de la CEDAW. Seule une petite minorité du public arabe est au courant de la Convention. Les constitutions de la plupart des Etats arabes comportent des dispositions affirmant le principe de l’égalité en général et le Etats ont un caractère discriminatoire. Au lieu de modifier ces dispositions en vue d’éliminer la discrimination et de protéger les femmes, les Etats qui ont émis des réserves en arguant de la contradiction avec la législation nationale, ne respectent pas en réalité l’engagement pris de modifier les lois discriminatoires contenues dans leurs législations nationales. S’agissant du deuxième argument invoqué par certains Etats pour justifier les réserves, à savoir la prétendue incompatibilité avec la Shari’a islamique, il est clair que les Etats qui ont mobilisé cet argument ne disposent pas de méthodologie consistante pour expliquer leurs réserves. Il ne semble pas en effet y avoir d’interprétation cohérente chez ces Etats arabes d’un concept clair et définitif pour une application de la Shari’a en références aux dispositions de la CEDAW. Il est manifestement important que les Etats arabes prennent l’initiative de reconsidérer leurs réserves. Il importe, à ce propos, de rappeler la Déclaration et la Plateforme pour l’action de Pékin de 1995, qui insiste sur la nécessité d’éviter de faire des réserves, autant que faire se peut, afin de protéger les droits humains des femmes. De même, la Plateforme pour l’action de Pékin recommande aux Etats de s’engager à “ Limiter leurs éventuelles réserves à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, formuler les réserves de façon aussi précise et restrictive que possible, veiller à ce qu’aucune réserve ne soit incompatible avec l’objet et le but de la Convention ou contraire au droit conventionnel international et reconsidérer régulièrement les réserves qu’ils ont formulées, en vue de les retirer; retirer les réserves qui sont contraires à l’objet et au but de la Convention sur toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ou qui sont incompatibles avec le droit conventionnel international ”. Néanmoins, sur incitation des organisations de la société civile et d’institutions nationales, des révisions sont actuellement en cours dans plusieurs pays arabes pour amener l’Etat à revoir sa position sur les réserves émises à propos de la Convention, en fonction de l’évolution législative au sein de chaque pays. Il s’agit là d’un phénomène positif digne d’encouragement. Il est important que cela aille en parallèle avec l’intensification des efforts déployés par l’Etat et les institutions de la société civile en vue d’amener l’opinion publique, les instances législatives et les institutions responsables de l’application de la loi à prendre conscience de l’intérêt de la Convention. En effet, l’enquête d’opinion montre que seule une petite minorité du public arabe est au courant de la Convention (encadré 8-1). Il faut aussi déployer des efforts similaires pour attirer l’attention sur les violations existantes aussi bien dans le domaine législatif que dans la pratique. Situations constitutionnelles Les constitutions de la plupart des Etats arabes comportent des dispositions affirmant le principe de l’égalité en général et le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes en particulier.2 Quelques-unes réservent même des volets spécifiques à l’égalité des femmes et des hommes, comme l’égalité en matière d’accès à la fonction publique3, l’égalité en droits politiques4 et l’égalité en droits et devoirs5. Certaines constitutions ont également intégré des dispositions sur l’égalité des chances6, sur l’obligation pour l’Etat de préserver la famille, de protéger la maternité et les enfants, sur le besoin de trouver l’équilibre approprié entre les obligations des femmes envers leurs familles et leur activité sociale7 ; ainsi que sur l’interdiction de l’emploi des femmes dans certaines industries ou à des principe de l’égalité entre les hommes et les femmes en particulier. 208 2 l’article 40 de la constitution égyptienne, l’art.52 de la constitution jordanienne, l’art.7 de la constitution libanaise, le chapitre 6 de la constitution tunisienne, le chap.29 de la constitution d’Algérie, le chapitre 5 de la constitution du Maroc et l’article 18 de la constitution de la Jordanie. 3 l’art.14 de la constitution égyptienne, l’art. 22 de la constitution jordanienne et l’art.12 de la constitution libanaise. 4 L’article 21 de la constitution libanaise et l’art. 8 de la constitution marocaine.5 Article 6 of the Tunisian constitution and Article 31 of the Algerian constitution. 5 Le chapitre 6 de la constitution tunisienne et le chap. 31 de la constitution algérienne. 6 L’article 8 de la constitution égyptienne par exemple. 7 Les articles 10 et 11 de la constitution égyptienne par exemple. Rapport sur le développement humain arabe 2005 Encadré 8-1 L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005 Etes-vous au courant de la CEDAW ? EVhVjXdjgVci -. EVhVjXdjgVci BVgdX -. EVhVjXdjgVci -. BVgdX BVgdX :\neiZ :\neiZ :\neiZ A^WVc A^WVc A^WVc 6jXdjgVci - 6jXdjgVci ?dgYVc^Z ?dgYVc^Z ?dgYVc^Z - 6jXdjgVci - BVcfjVci ( BVcfjVci ( BVcfjVci ( 6jXdjgVci 6jXdjgVci 6jXdjgVci Si oui, approuvez-vous l’application intégrale de la CEDAW dans votre pays ? Dj^ *. Dj^ *. Dj^ *. BVgdX BVgdX BVgdX Cdc '+ Cdc '+ Cdc '+ :\neiZ :\neiZ :\neiZ A^WVc A^WVc A^WVc BVcfjVci &* BVcfjVci ?dgYVc^Z &* BVcfjVci &* ?dgYVc^Z ?dgYVc^Z Dj^ Dj^ Dj^ Si oui, approuvez-vous l’application intégrale de la CEDAW dans tous les pays arabes ? Dj^ *( Dj^ *( Dj^ *( BVgdX BVgdX BVgdX Cdc '( Cdc '( Cdc '( :\neiZ :\neiZ :\neiZ A^WVc A^WVc A^WVc BVcfjVci ') BVcfjVci ') BVcfjVci ') ?dgYVc^Z ?dgYVc^Z ?dgYVc^Z Dj^ Dj^ Dj^ Structure juridique 209 La législation arabe a conçu, en même temps, des textes ayant plutôt tendance à légitimer, à plusieurs égards, la discrimination entre les hommes et les femmes, en contradiction même avec le principe d’égalité qui constitue l’un des fondements des lois divines et représente un engagement international L’article 4 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes a toléré la distinction positive en faveur des femmes, à condition que cela soit à titre temporaire heures déterminées8. Si le législateur arabe – et en premier lieu le législateur constitutionnel- a le mérite d’avoir respecté le principe de différence entre l’homme et la femme et réservé à cette différence des textes qui organisent les effets législatifs qui en découlent, il n’en est pas moins vrai que la législation arabe a conçu, en même temps, des textes ayant plutôt tendance à légitimer, à plusieurs égards, la discrimination entre les hommes et les femmes, en contradiction même avec le principe d’égalité qui constitue l’un des fondements des lois divines et représente un engagement international en vertu des chartes internationales contemporaines. Il est évident que le respect de la différence est louable alors que la légitimation de la discrimination ne l’est point et s’oppose à l’esprit et aux valeurs de notre époque. Droits politiques et publics des femmes Les législations d’un grand nombre d’Etats arabes comportent des dispositions garantissant les droits politiques des femmes et stipulant le principe de l’égalité des hommes et des femmes dans l’exercice du droit de participer aux processus électoraux pour voter et être éligible. Dernièrement, le Koweït a rejoint les Etats dont les lois stipulent la jouissance par les femmes des droits politiques au même titre que les hommes, en vertu de la modification de loi adoptée au mois de mai 2005. Dans certains la référence au principe de l’égalité des femmes en matière de jouissance des droits politiques est inscrite dans le texte même de la constitution9. Néanmoins, malgré les garanties constitutionnelles et législatives du droit des femmes à la participation politique, l’étendue réelle de cette participation demeure très faible. Vu le bas niveau de la représentation féminine dans les parlements des pays du Mashreq arabe (partie orientale du monde arabe), il devient nécessaire de penser sérieusement à suivre l’expérience du Maroc et de généraliser 8 le système des quotas à réserver aux femmes dans ces parlements. L’Egypte avait adopté pour un certain temps un système de quotas qu’elle a abandonné par la suite, sous prétexte qu’il était anticonstitutionnel, alors que la Cour constitutionnelle suprême ne s’est pas prononcée sur le sujet. Le système des quotas pour les femmes dans les parlements En réalité, et contrairement à ce que d’aucuns pourraient croire, l’adoption du système des quotas réservé aux femmes dans les chambres des députés ne s’oppose nullement au principe d’égalité devant la loi. Les femmes arabes ont été pendant longtemps victimes d’une injustice historique qui les a exclues de la participation politique et les lois arabes ont été traditionnellement formulées de manière à perpétuer cette exclusion. En effet, certaines législations écrites ont ouvertement privé les femmes du droit à la participation politique. Mais quand le législateur arabe a fait un pas en avant pour reconnaître l’égalité formelle entre les hommes et les femmes en matière de participation politique, une telle égalité n’était pas d’un grand secours pour le sexe féminin à cause du contexte socioculturel inamical pour les femmes et qui entrave encore, dans plusieurs sociétés arabes, la jouissance des femmes de leurs pleins droits politiques. C’est pourquoi l’intervention du législateur en faveur des femmes – qui consiste à leur allouer des quotas des sièges parlementaires - vise à aider la société à bannir cette injustice historique qui a porté préjudice aux femmes. Cela concrétise le principe d’égalité des chances stipulé dans plusieurs constitutions arabes. Dans ce cadre, l’article 4 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes a toléré la distinction positive en faveur des femmes, à condition que cela soit à titre temporaire. Ainsi a-t-il stipulé ce qui suit : “ L’adoption par les Etats parties de mesures temporaires spéciale L’art. 69 de la constitution jordanienne. 9 Voir par exemple l’article 21 de la constitution libanaise, l’article 8 de la constitution marocaine, les articles 34, 35 et 42 de la constitution du Qatar, l’article premier de la Loi égyptienne pour l’exercice des droits politiques, l’article 2 de la Loi de la chambre des députés jordanienne, l’article 2 du code électoral tunisien et l’article premier de la Loi pour l’exercice des droits politiques du Bahreïn. 210 Rapport sur le développement humain arabe 2005 visant à accélérer l’instauration d’une égalité de fait entre les hommes et les femmes n’est pas considéré comme un acte de discrimination tel qu’il est défini dans la présente Convention, mais ne doit en aucune façon avoir pour conséquence le maintien de normes inégales ou distinctes ; ces mesures doivent être abrogées dès que les objectifs en matière d’égalité de chances et de traitement ont été atteints. ” Il va de soi que ces mesures spéciales en faveur des femmes, évoquées par la Convention et considérées par elle comme légitimes, comportent aussi des mesures législatives. Que ces mesures soient soumises à la condition d’être temporaires est un fait compréhensible, puisqu’elles sont liées à une situation historique à dépasser, à savoir l’absence d’égalité effective, dont souffrent les femmes ; mais l’aspect temporaire de ces mesures évoquées par la Convention ne signifie pas qu’il doit être stipulé par la législation qui le préconise. Par ailleurs, la Déclaration et la Plateforme pour l’action de Pékin appellent les gouvernements à réviser l’effet produit par leurs régimes électoraux sur la représentation politique des femmes aux parlements. C’est précisément en raison de cet effet que la Cinquième Recommandation générale du Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes a explicitement stipulé qu’il fallait encourager les Etats à recourir à davantage de mesures spéciales comme la discrimination positive et le traitement préférentiel ou le régime des quotas réservés aux femmes aux parlements. Dans ce sens, plusieurs recommandations ont vu le jour grâce à l’Union Interparlementaire et à la Commission des Nations Unies sur le Statut de la Femme et qui considèrent que le taux de 30% constitue le seuil minimum pour le quota des femmes dans les postes de prise de décisions à l’échelon national aussi bien dans le domaine législatif que dans l’exécutif (Farhât, en arabe, 2003). Les expériences à travers le monde en matière d’application des instruments législatifs 10 pour rehausser la présence féminine dans les parlements ont été variables : certains pays ont adopté le système des quotas dans les listes électorales des partis (Suède, France, Finlande, Norvège), alors que d’autres ont opté pour le système de l’élection proportionnelle à titre individuel tout en réservant un quota déterminé pour les femmes au parlement (Allemagne). Parmi les pays africains ayant adopté le système des quotas et où le taux de participation des femmes a connu une nette augmentation, on trouve l’Erythrée, le Sénégal, le Ghana et enfin le Maroc (‘Abd al-Mun’im, 2002, 26). Ce bref survol de quelques aspects du patrimoine mondial en matière de discrimination positive en faveur des femmes conduit à considérer que les législateurs dans les Etats arabes qui n’ont pas adopté le système des quotas mettent un terme à leur hésitation et qu’ils adoptent des textes législatifs qui réservent des sièges pour les femmes aux parlements, que ce soit au moyen des candidatures individuelles ou par liste électorale. Les relations de travail La législation du travail dans plusieurs Etats arabes, comporte des dispositions de protection des femmes qui travaillent. En effet cette protection est même explicitement stipulée dans certaines constitutions nationales, comme c’est le cas de la constitution jordanienne (article 69) et la constitution égyptienne (article 11). Des législations comportent des textes explicites qui interdisent la discrimination dans les rapports de travail pour des raisons liées au genre10. En outre, certaines législations reconnaissent à la femme au travail le droit de bénéficier du congé de maternité11, et interdisent son licenciement ou la cessation de son emploi pendant le congé de maternité12 ou au cours de la grossesse13.Ces législations reconnaissent aussi à la femme son droit à un congé pour qu’elle prenne soin de son enfant14 et à une Article 5 du code du travail tunisien. 11 Art 91 de la loi du travail en Egypte, Art.61 de celui du Bahreïn, Art. 25 de celui du Koweït, Art. 37 de celui du Maroc, Art. 64 de celui de la Tunisie. 12 Art. 92 de la loi du travail égyptienne et articles similaires dans les législations arabes. 13 Article 27 du code du travail jordanien et articles similaires dans les législations arabes. 14 Article 94 du code égyptien de l’enfant et Art. 67 du code jordanien du travail. Structure juridique 211 Bien que la plupart des textes de loi arabes garantissent l’égalité en matière de droit des femmes au travail, il existe néanmoins des restrictions à ce droit, disséminées dans plusieurs. période pour l’allaitement du bébé15. Le droit jordanien va même jusqu’à accorder à l’épouse ou à l’époux qui travaillent d’accompagner le conjoint pour aller travailler en dehors du district ou du royaume. (art.68) Bien que la plupart des textes de loi arabes garantissent l’égalité en matière de droit des femmes au travail, il existe néanmoins des restrictions à ce droit, disséminées dans plusieurs de ces textes. Les codes de la famille dans plusieurs pays arabes, par exemple, pénalisent les épouses qui quittent le foyer conjugal pour aller travailler sans le consentement de leurs maris. Ceci se passe malgré le fait que l’opinion publique dans certains pays comme le Liban et le Maroc tend plutôt à être d’accord que l’épouse doit être libre de pouvoir voyager sans être accompagnée (encadré 8-2). En Libye, le code du travail interdit le travail des femmes qui est incompatible avec ‘’leur nature’’. En Arabie Saoudite, de fortes restrictions entravent le travail des femmes. En effet, un décret royal de 1985 prohibe l’emploi des femmes dans tous les secteurs à l’exception de l’enseignement des filles et de l’activité comme infirmières ; de même qu’il leur interdit de côtoyer les hommes dans les lieux de travail (Hijab et El-Solh, en anglais, 2003). Comme indiqué auparavant, dans plusieurs législations arabes, il y’a des restrictions qui entravent le travail de nuit des femmes, bien qu’il y ait des exceptions. Sous prétexte de protéger les femmes, certaines législations vont jusqu’à interdire l’emploi de celles-ci dans des travaux bien définis ou à des moments bien déterminés (la nuit)16. Si de telles décisions prétendent assurer la protection des femmes, elles constituent en fait une restriction de leur liberté de travail, comme on le verra ultérieurement. A titre d’exemple, l’on peut citer le droit égyptien du travail qui interdit aux femmes de travailler la nuit sauf dans des cas et occasions déterminées par une décision du ministre du Travail. La loi a également interdit aux femmes les emplois susceptibles d’être nocifs à leur santé ou à leur bonne moralité, ainsi que les travaux forcés, qui sont définis par une décision ministérielle. Une décision émanant du ministre Encadré 8-2 L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005 Les femmes doivent pouvoir voyager seules 9VXXdgY *) BVgdX EVhYVXXdgY )+ :\neiZ A^WVc ?dgYVc^Z BVcfjVci % 9VXXdgY 15 Article 71 du code égyptien de l’enfant et Art. 70 du code jordanien du travail. Voir, par exemple, les articles 89 et 90 de la loi du travail égyptienne, les articles 67, 68, 77 et 78 du code du travail tunisien, les articles 23 et 24 de la loi du travail du secteur civil koweitien et les articles 59 et 60 de la loi du travail bahreïnie. 16 212 Rapport sur le développement humain arabe 2005 du Travail a toléré l’emploi des femmes dans certains secteurs tels que l’hôtellerie et les institutions soumises à la supervision du ministère de Tourisme, les théâtres, les salles de cinéma, d’opéra et autres lieux similaires. Il en va de même pour les locaux commerciaux ouverts de nuit dans les ports, les hôpitaux, les cliniques, les maisons de soin, les pharmacies, etc. En revanche, une décision du ministre égyptien interdit l’emploi des femmes dans plusieurs domaines comme dans les bars, les casinos, les studios meublés, les pensions qui ne sont pas sous la tutelle du ministère du Tourisme, les discothèques, sauf si ces femmes sont des danseuses ou artistes adultes. Cette décision interdit aussi l’emploi des femmes dans les brasseries ou dans les mines et les carrières, les fours pour fonte de métaux on encore dans les industries d’explosifs et d’autres industries dangereuses pour la santé. Des textes semblables existent dans plusieurs législations arabes avec une différence quant à la nature des travaux que les femmes peuvent exercer ou non. Aux Emirats Arabes, l’article 27 de la loi du travail stipule “ qu’il n’est pas permis d’employer les femmes, de nuit – le mot nuit désigne une durée non inférieure à onze heures consécutives allant de 10 h du soir et 7 h du matin ”. Au Bahreïn, l’article 59 du code du travail dans le secteur public stipule qu’il n’est pas permis d’employer les femmes, la nuit, entre 8h du soir et 7h du matin. Exception faite des hôpitaux et autres établissements où l’emploi est décidé suite à un arrêté du ministre du Travail et des Affaires sociales. Au Liban, et grâce au mouvement féminin, l’interdiction du travail des femmes pendant la nuit a été retirée. La philosophie qui préside à l’interdiction du travail des femmes dans des lieux déterminés ou à des moments bien définis ne saurait être due au seul souci de les protéger moralement, car elles jouissent dans certains pays de la possibilité de travailler nuit et jour dans les établissements touristiques, les dancings et les bars autorisés par les autorités du tourisme. On ne pourrait pas non plus se contenter de dire que de telles dispositions visent seulement à protéger les femmes contre les travaux forcés, étant donné que cette dernière exécute des Structure juridique travaux forcés en dehors de toute protection juridique : c’est le cas de son travail aux champs et en tant que bonnes. En réalité, il est difficile, pour le chercheur, de parvenir à un critère régissant l’interdiction du travail féminin. C’est que cela est tributaire de perceptions ad hoc et variables, à propos desquels il n’y a pas d’accord, sur ce qui convient ou non que les femmes fassent. C’est là une tutelle que s’octroie le législateur arabe pour limiter la liberté des femmes de travailler. Il est à noter que plusieurs législations arabes relatives à l’organisation du travail féminin nocturne ont restreint ce droit si bien que l’interdiction en est devenue la règle et la possibilité l’exception, ce qui s’oppose à la convention de l’Organisation Internationale du Travail à propos de l’emploi des femmes (la convention sur le travail de nuit (femmes), 1948), qui a interdit leur emploi, de nuit, dans les établissements industriels seulement, selon la définition des établissements industriels contenue dans la convention. Les législateurs arabes ont commis un excès de restrictions en interdisant aux femmes l’exercice de certains emplois, allant ainsi à l’encontre du principe même d’égalité entre les hommes et les femmes en matière de droit au travail. Il importe de souligner à ce propos que de nombreux d’Etats arabes ont signé la convention de l’Organisation Internationale du Travail relative à l’égalité de rémunération. Ces Etats sont : l’Algérie, l’Arabie Saoudite, Djibouti, l’Egypte, les Emirats Arabes Unis, l’Irak, la Jordanie, le Liban, la Libye, le Maroc, la Syrie, la Tunisie et le Yémen. Dans leurs textes législatifs, certains Etats arabes stipulent l’égalité de rémunération pour le même travail effectué (le cas par exemple de l’Irak, du Koweït, de la Libye et de la Syrie). D’autres ne le signalent pas (Bahreïn). D’autres encore stipulent l’égalité de rémunération uniquement pour le travail dans le secteur public (Arabie Saoudite et Qatar). Malgré la pluralité des formes de protection garantie aux femmes dans le domaine des relations de travail, par les législations concernées, il existe des aspects discriminatoires en vertu de la loi ou parce que cette dernière les tolère et n’intervient pas pour les éliminer. En effet, un grand le droit égyptien du travail qui interdit aux femmes de travailler la nuit sauf dans des cas et occasions déterminées par une décision du ministre du Travail. 213 les codes pénaux et les procédures pénales, dans les Etats arabes, s’occupent des femmes soit en tant que symbole de pudeur et de vertu, soit en tant qu’objet qui a besoin de protection eu égard à sa fonction reproductive, soit en tant que partie dans une entité familiale qui mérite d’être protégée contre l’abandon et la négligence nombre de femmes travaillent dans le cadre de contrats de travail temporaire. De ce fait, elles ne bénéficient pas de la protection garantie par le droit du travail. Une autre catégorie de femmes, plus nombreuse, notamment celles qui exercent un travail saisonnier ou un travail agricole ou en tant que bonnes, n’est pas protégée par la loi. Dans plusieurs Etats arabes, beaucoup de femmes souffrent de l’absence d’un texte juridique qui garantit aux conjoints un regroupement familial dans le même lieu de travail quand ils travaillent dans deux lieux différents. Par ailleurs, maints emplois sont prohibés aux femmes, même s’il n’existe pas de texte juridique à cet effet. Sans parler des postes de chef de l’Etat ou de Premier ministre, les femmes sont privées, dans plusieurs Etats arabes, des postes exécutifs de commandement tels les postes de préfet et de président d’université. Dans d’autres Etats arabes (Egypte et pays du Golfe), les femmes ne peuvent pas encore postuler à une fonction poste de juge. Bien qu’une femme ait été désignée de façon symbolique comme juge à la Cour constitutionnelle suprême en Egypte, les fonctions inférieures et moyennes et la plupart des hautes fonctions dans le domaine de la magistrature demeurent loin d’être à la portée des femmes. Parfois, les travailleuses arabes sont victimes, dans le lieu du travail, de certaines formes de harcèlement sexuel de la part de leurs supérieurs. Dans son acception générale sur le plan international, le harcèlement sexuel est synonyme de l’usage, par les supérieurs, de leur autorité de fonction pour obtenir une concession sexuelle de la femme qui leur est soumise hiérarchiquement. Cependant, dans Encadré 8-3 Al-Tahir al-Haddad : les femmes dans la magistrature Il n’y a rien dans les textes du Coran qui empêche les femmes d’assumer n’importe quel poste de l’Etat ou dans la société, aussi important soit ce travail. Source : (al Haddad, en arabe, 1929 :17-18). 17 18 Ceci montre que ces questions n’ont rien à voir avec l’essence de l’Islam, sinon le Coran n’aurait pas omis de les aborder avec la clarté requise. les législations pénales arabes, il n’existe pas de définition élaborée pour le délit de harcèlement sexuel. Si les législations sanctionnent les délits d’atteinte à la pudeur de la femme --comme le viol, l’outrage à la pudeur, la demande de corruption sexuelle – et sanctionne sévèrement certains de ces délits si le coupable détient une autorité sur la victime, le délit de harcèlement sexuel au sens reconnu internationalement ne donne pas lieu à sanction s’il ne comporte pas les conditions de ces délits, définies par les lois pénales arabes. C’est pourquoi le législateur arabe est appelé à condamner l’acte de harcèlement sexuel et à le considérer comme un acte en soi, même si ce délit n’accède pas au rang de crimes définis par les lois en vigueur comme l’atteinte à la pudeur. Incrimination et punition En général, les codes pénaux et les procédures pénales, dans les Etats arabes, s’occupent des femmes soit en tant que symbole de pudeur et de vertu, soit en tant qu’objet qui a besoin de protection eu égard à sa fonction reproductive, soit en tant que partie dans une entité familiale qui mérite d’être protégée contre l’abandon et la négligence. La production de textes législatifs qui tournent autour de ces trois axes dans la politique pénale concernant les femmes, est abondante. En effet, il existe des lois qui sanctionnent l’adultère17 qu’il soit commis par l’époux ou l’épouse ; d’autres qui sanctionnent le crime d’atteinte à la pudeur et le viol18; d’autres encore qui sanctionnent le délit de prostitution et de débauche (fujur), et enfin celles qui sanctionnent l’enlèvement d’une femme ou l’avortement, comme il existe des lois qui visent à confirmer la véracité du mariage et la consolidation de la famille. Parmi les textes qui visent à maintenir l’entité de la famille, figure l’article 279 du code pénal jordanien qui retient l’emprisonnement contre toute personne ayant contracté mariage en violation du droit de la famille ou toute autre loi, ou ayant marié une fille mineure ou organisé pour elle une cérémonie de mariage. L’article 281 du code pénal jordanien stipule Par exemple, les articles 282-286 du code pénal jordanien, les articles 487-491 du code pénal libanais et les articles du code pénal égyptien. Le articles 292-299 du code pénal jordanien, les articles 505-510 du code pénal libanais, les 267-269 du code pénal égyptien et les articles 486-487 du code pénal marocain. 214 Rapport sur le développement humain arabe 2005 la prison ferme contre le mari ayant répudié sa femme sans recourir en personne ou par un mandataire au juge dans un délai de 15 jours pour demander l’enregistrement officiel de cet acte de divorce. Dans ce cadre s’inscrivent les dispositions de l’article 483 du code pénal libanais qui stipulent la condamnation à une amende tout homme de religion qui marie un mineur en deçà de 18 ans sans inscrire dans l’acte l’approbation du tuteur, ainsi que les articles 479 et 482 du code pénal marocain qui détaillent les peines pour délits contre la famille. Des textes des codes de procédure pénale de ces pays retiennent des considérations de genre, comme celles relatives à la fouille des femmes et à l’exécution des sanctions, qu’elles soient corporelles (impossibilité de l’exécution de la peine de mort contre les femmes enceintes ou en allaitement) ou privatives de liberté (les règles spéciales aux femmes emprisonnées). Ceci dit, la discrimination à l’égard des femmes est présente dans les codes pénaux de certains Etats arabes. La plus importante des manifestations de cette discrimination se trouve en Egypte : elle consiste dans la différence de traitement des hommes et des femmes dans le cas de l’adultère. Cette différence porte à la fois sur la définition du crime et sur la stipulation de la peine. Les hommes sont jugés coupables seulement si l’acte a lieu dans le domicile conjugal, alors que les femmes sont coupables indépendamment du lieu de déroulement de l’acte. Les femmes adultères sont condamnées à deux années de prison au maximum, alors que l’époux n’est passible que de six mois d’emprisonnement au maximum19. Il est à noter que cette discrimination n’a aucun fondement qui soit puisé dans la Shari’a islamique mais qu’elle est seulement empruntée aux lois étrangères. Cette discrimination se traduit aussi par le fait que seul l’époux bénéficie de circonstances atténuantes s’il surprend sa femme en flagrant délit d’adultère et qu’il la tue ainsi que son amant, puisqu’il n’est condamné qu’à l’emprisonnement pour délit (article 237 du code pénal égyptien). Mais si la femme tue son mari pour le même motif, elle est condamnée pour crime. 19 De même, l’art 562 du code pénal libanais emprunte la même voie que celui de l’Egypte pour ce qui est des circonstances atténuantes accordées à l’époux qui tue son épouse et son amant en flagrant délit sans pour autant octroyer le même droit à la femme qui tue son mari avec sa maîtresse. Quant au délit d’adultère dans le droit libanais, les articles 487, 488 et 489 du code pénal sont discriminatoires à l’égard des femmes en termes de conditions d’établissement de l’acte d’adultère, des preuves et de la peine dont sont passibles ceux qui l’ont perpétré : ces articles considèrent l’épouse comme ayant commis l’adultère, que cet acte se soit produit dans le foyer conjugal ou ailleurs ; alors que l’époux n’est poursuivi pour adultère que si l’acte est commis dans le foyer conjugal (à l’image du droit égyptien) ou s’il prend une maîtresse au su de tout le monde en n’importe quel lieu. La sanction dont est passible l’homme poursuivi pour adultère va d’un mois à un an d’emprisonnement, alors que la femme poursuivie pour le même motif est condamnée à une peine allant de trois mois à deux ans d’emprisonnement. Le partenaire de la femme adultère n’écope de la même peine que s’il est marié, alors que la femme partenaire est condamnée à la même peine que l’homme adultère, qu’elle soit mariée ou non. L’authentification du délit d’adultère confirme également la discrimination, car elle est plus aisée à l’égard de l’épouse que de l’époux. Dans un certain nombre de législations arabes, ces formes de discrimination dans le délit d’adultère n’existent pas (cf. l’art 491 du code pénal marocain et l’art 316 du code pénal du Bahreïn). Quelques efforts sont déployés pour limiter les formes de discrimination à l’égard de des femmes dans le domaine du code pénal. En Egypte par exemple, l’art 291 – avant son abrogation – stipulait ce qui suit : “ si le kidnappeur se marie légalement de la femme qu’il a kidnappée, il est exempt de tout châtiment ”. Par le biais d’une telle disposition, la législation cherche le moyen de couvrir le crime, afin d’éviter pour la victime et sa famille les conséquences sociales et psychologiques qu’un tel crime provoque pour garantir la la discrimination à l’égard des femmes est présente dans les codes pénaux de certains Etats arabes. Articles 274 et 277 du code pénal égyptien. Structure juridique 215 Over twenty years ago, the secretariat of the Council of Arab Ministers of Justice drafted a model Unified Personal Status Code. The project adopted the personal status regulations that prevailed in Arab States at the time and that continue today in many of them, bearing the stamp of classical Islamic jurisprudence. stabilité et la pérennité à la petite famille issue de ce mariage. L’application de cette disposition a montré que le texte portait préjudice aux femmes pour plusieurs raisons : d’une part, il induit en tentation le criminel au lieu de le dissuader de commettre le délit d’enlèvement et, d’autre part, il est un prétexte pour échapper à la sanction dont est passible celui qui commet un crime grave comme celui de l’enlèvement, sans parler du viol. A la lumière de ces considérations et d’autres, l’article 291 a été aboli pour que la sanction du crime d’enlèvement reprenne sa force dissuasive et protectrice des femmes, et pour que le coupable n’échappe en aucun cas au châtiment. Il semble que les législateurs arabes aient fait des efforts pour réduire les formes de discrimination à l’égard des femmes dans les législations pénales. Toutefois, ces efforts demeurent ad hoc et à caractère partiel, ce qui nécessite de les intensifier et de les faire évoluer. et les non–Musulmans, témoignent de la ségrégation légalisée pour cause de genre. Dans la plupart des cas, ceci s’explique par le fait que les règles en matière de statut personnel sont principalement dérivées d’interprétations et d’édits religieux qui remontent très loin dans le temps, quand la culture dominante de la société était celle de la discrimination en matière de genre ; culture qui allait acquérir un caractère sacré et absolu dans un contexte où régna la confusion entre ce qui relevait des principes immuables de la foi religieuse et ce qui appartenait à l’histoire sociale. Néanmoins, les résultats de l’enquête de terrain menée pour les besoins de ce rapport montrent que le public arabe a, sur les questions du statut personnel, une attitude beaucoup plus émancipée, comme quand il affirme le droit des femmes de pouvoir choisir leurs conjoints.(Encadré 8-4) Codes du statut personnel Les codes arabes du statut personnel sont conservateurs et résistent au changement parce que de nombreux Etats arabes sont réfractaires au développement d’un code national du statut personnel. Ils préfèrent au contraire se décharger de cette responsabilité sur la magistrature qui tend le plus souvent à Si l’on considère la discrimination juridique comme la différence en matière de règle de droit au lieu de l’égalité présumée des statuts juridiques des citoyens, alors Les codes arabes du statut personnel, concernant les Musulmans Absence de codification dans certains Etats arabes Encadré 8-4 L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005 Les femmes ont le droit de choisir leurs époux sur un pied d’égalité que les hommes 9VXXdgY .* BVgdX :\neiZ A^WVc EVhYVXXdgY * BVcfjVci % ?dgYVc^Z 9VXXdgY 216 Rapport sur le développement humain arabe 2005 puiser ses arguments dans le registre des idées conservatrices de la jurisprudence islamique classique (fiqh). Certains pays arabes sont donc dépourvus d’une législation unifiée en matière de code du statut personnel, comme le Bahreïn, l’Egypte, le Qatar et le Liban; alors que d’autres disposent de législations unifiées pour le statut personnel des musulmans. En Egypte, par exemple, où les législations régissant le statut personnel des musulmans sont multiples – certaines remontent à 1920 et 1929 – on a recours, en cas d’absence de texte de loi, aux points de vue prévalant dans la jurisprudence de l’école hanafite. Nul doute que la référence aux opinions défendues par la jurisprudence islamique classique peut conduire à l’application de solutions incompatibles avec l’esprit de l’époque actuelle et avec la culture des droits de l’Homme. L’illustration en est donnée par le jugement prononcé par la cour de cassation ordonnant la séparation de son épouse d’un intellectuel égyptien, accusé d’apostasie pour avoir publié des livres contenant des opinions considérées, par le tribunal, comme attentatoires à la religion islamique. Le tribunal a appliqué en l’occurrence les avis de la doctrine hanafite qui stipulent que la femme de l’apostat doit divorcer de lui. C’est pourquoi il est essentiel de disposer d’une codification du statut personnel claire et précise qui va dans le sens de la clarté juridique qui est une condition fondamentale de la lutte contre la discrimination. Les non–musulmans en Egypte sont soumis à leurs canons confessionnels en matière de statut personnel, sauf si les époux n’appartiennent pas à la même doctrine, confession ou credo, auquel cas la Shari’a islamique qui est appliquée étant donné qu’elle est considérée comme la loi commune. Certains hommes de loi coptes considèrent que c’est là une autre forme de discrimination. Au Liban, il n’existe pas non plus de législation unifiée en matière de statut personnel. Les affaires familiales sont soumises aux règles des communautés, qu’elle soit musulmane ou chrétienne. Le Liban reconnaît dix-huit confessions, chacune ayant sa propre loi religieuse. C’est peut être là la raison qui a amené le Liban à émettre des réserves sur l’art 16 de la Convention pour l’élimination de Structure juridique toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, qui établit le principe d’égalité dans les relations familiales. L’Arabie Saoudite, le Bahreïn et Qatar ne disposent pas de leur côté de codes unifiés de statut personnel. Dans ces pays, ce sont les cadis qui sont en charge des affaires familiales qu’ils traitent en application des dispositions de la jurisprudence islamique. Dernièrement, le roi du Bahreïn a constitué un comité pour préparer un projet de loi de la famille. Bien que le comité ait achevé son travail, le projet n’est toujours pas devenu une loi. Dans certains Etats, la situation semble de loin meilleure pour ce qui est de l’instrument de régulation légale. En Jordanie par exemple, la Loi du statut personnel pour les musulmans n°61 de 1976, a codifié les dispositions de la jurisprudence islamique ayant trait aux relations familiales, allant des fiançailles à la dissolution du mariage. Les non musulmans en Jordanie restent soumis aux dispositions de leurs codes confessionnels propres. C’est aussi le cas en Algérie, au Koweït, au Maroc et en Tunisie, comme cela sera détaillé plus loin. En fait le code tunisien du statut personnel est applicable à tous les Tunisiens sans considération aucune de leur religion. Codification unifiée du statut personnel dans les pays arabes Certains pays arabes sont dépourvus d’une législation unifiée en matière de code du statut personnel Le secrétariat du Conseil des ministres arabes de la Justice a, il y a plus de 20 ans, élaboré un projet de Code unifié du statut personnel. Ce projet a adopté les dispositions du code du statut personnel qui prévalaient à l’époque dans les Etats arabes et qui demeurent encore en vigueur dans plusieurs d’entre eux, dispositions portant le cachet de la jurisprudence islamique classique. Cependant, le projet n’a pas fourni d’effort notable pour éliminer les formes de discrimination de genre, que comportent les législations relatives au statut personnel, en prenant en considération les exigences de notre époque actuelle dans le cadre des finalités fondamentales de la Shari’a. En effet, l’article 31 du projet de code permet à l’homme de prendre quatre épouses en même temps, sauf s’il y a un doute à propos 217 La Ligue des Etats arabes est interpellée sur deux questions : premièrement, elle doit réviser le projet pour le moderniser conformément aux exigences de l’esprit de l’époque et avec les engagements internationaux des Etats arabes La nationalité du père demeure le critère premier pour l’octroi de la nationalité à l’épouse et aux enfants, le contraire n’est, toutefois, pas toujours vrai de sa capacité à les traiter équitablement. Le projet n’a pas posé clairement les dispositions à prendre pour annuler un mariage polygamique en cas d’absence certaine d’équité. L’article 52 du projet fait que seul le mari est tenu d’assurer la pension alimentaire même quand l’épouse est aisée. L’article 83 stipule que la dissolution du mariage peut se faire par la volonté du mari, et s’appelle divorce (talaq), ou par consentement mutuel et s’appelle répudiation (mukhala’a), moyennant compensation (khul’) financière avancée par l’épouse au mari. L’article 96 du projet contraste ainsi avec à la position plus avancée adoptée par certaines législations arabes ultérieures et qui fait que le (khul’) est du seul ressort de la femme. Le projet comporte, néanmoins, quelques points positifs qui tendent à alléger les formes de discrimination des législations arabes du statut personnel. Il s’agit par exemple des dispositions de l’article 6 qui permet de stipuler des conditions lors de l’établissement du contrat de mariage et qui retient que le divorce n’est effectué par l’époux que suite à une déclaration devant le juge, qui se doit -avant de la recevoir- d’essayer de réconcilier les époux. En tout cas, ce projet de Code unifié du statut personnel est vieux de plusieurs années et est, sur plusieurs points, dépassé par la réalité législative arabe. Partant, la Ligue des Etats arabes est interpellée sur deux questions : premièrement, elle doit réviser le projet pour le moderniser conformément aux exigences de l’esprit de l’époque et avec les engagements internationaux des Etats arabes ; deuxièmement, elle doit œuvrer pour que cette législation devienne réalité à travers un traité adopté par le Conseil de la Ligue des Etats arabes suivi d’efforts pour intégrer ses dispositions dans les législations nationales. Caractéristiques générales de la législation arabe sur la famille Avant d’aborder en détail les législations arabes de la famille sous l’angle du principe d’égalité entre les hommes et les femmes, le Rapport s’intéressera à quelques caractéristiques générales de ces législations sous ce même 218 angle. La plupart des législations arabes sont marquées par un déficit en matière d’égalité de genre au niveau du code de la famille. L’idée que les hommes doivent entretenir les femmes (qiwama) et qu’ils ont un degré de supériorité par rapport à elles est attestée par les textes islamiques. Dans la pratique juridique cette vision s’est traduite, dans certaines législations, dans des lois qui requièrent l’obligation pour les maris d’entretenir financièrement leurs épouses lesquelles sont tenues d’obéir aux maris, des lois qui garantissent aux hommes seuls le droit de décider le divorce, des lois qui garantissent aux hommes le droit de ramener les épouses, de par leur seule volonté, au foyer conjugal dans le cas du divorce révocable (talaq rij’i). L’autorité du mari sur l’épouse se manifeste dans de nombreuses autres dispositions. En effet, dans les législations de plusieurs Etats arabes le droit des femmes de travailler et leur liberté de déplacement sont restreints, car soumis à l’approbation des époux. La tutelle aux biens des enfants mineurs est réservée au père puis au grand-père paternel. Malgré les amendements apportés aux codes de la nationalité dans certains Etats arabes, la nationalité du père demeure le critère premier pour l’octroi de la nationalité à l’épouse et aux enfants, le contraire n’est, toutefois, pas toujours vrai. Les législateurs arabes justifient, le plus souvent, la suprématie des hommes sur les femmes dans les relations conjugales par le fait que les hommes occupent une position économique plus forte que les femmes et ont, de ce fait, l’obligation d’entretenir leurs épouses et leurs enfants. C’est l’argument utilisé par certains Etats arabes pour justifier les réserves émises à propos de l’article 16 de la CEDAW ; en soutenant que l’égalité entre les hommes et les femmes était assurée dans toutes les affaires ayant trait au mariage et aux relations familiales, car l’entretien des épouses et des enfants par les maris rééquilibre les rapports entre les époux. Cependant, le fait de s’appuyer sur la justification économique pour perpétuer l’inégalité dans les relations de couple ne tient plus la route dans la réalité sociale contemporaine de nombreuses sociétés arabes, où les épouses participent côte à côte avec les époux pour assurer le revenu de la Rapport sur le développement humain arabe 2005 famille. Ceci vaut aussi bien pour les familles à revenu moyen que pour les familles pauvres. Les initiatives de rénovation d’un certain nombre de législations arabes relatives à la famille et pour lever quelques-unes des formes de discrimination qui les entachent visent à éliminer les pratiques les plus pernicieuses tout en gardant intacts les principes fondamentaux : il s’agit par exemple de l’interdiction de l’exécution de la contrainte par force en matière d’application du principe d’obéissance, de l’obligation faite au mari et au notaire d’informer la première épouse si l’époux se résout à se marier d’une seconde femme, de conditionner le droit de l’époux à la polygamie par l’existence d’une raison valable et par sa capacité à garantir l’équité entre ses épouses. Les législateurs ont également établi le droit des femmes à demander le divorce pour préjudice (darar) si le mari venait à prendre une seconde épouse ainsi que le droit de répudiation moyennant compensation (khul’), le but étant de garantir un équilibre quant au droit des deux parties à mettre fin à la relation conjugale. Un mari est dorénavant tenu d’informer son épouse de son intention de divorcer et d’enregistrer une reconnaissance de sa part qu’elle en a été informée ; il a aussi l’obligation de notifier le divorce et d’en prévenir sa divorcée. Les législateurs ont en outre retenu le droit des femmes d’envisager, dans l’acte de mariage, des conditions n’allant pas à l’encontre de l’un des fondements de la Shari’a, le droit de l’épouse de maintenir la garde des enfants dès qu’ils ont atteint l’âge requis, tant que cela est dans l’intérêt de ces enfants, et le droit des épouses à garder le domicile conjugal pour cette garde d’enfants (hadana). Il est à souligner que l’opinion publique arabe tend à prendre des positions plus avancées par rapport à la codification actuelle relative aux droits des femmes sur les questions ayant trait à la demande du divorce et au droit de tutelle sur les enfants (encadré 8-5). Les règles de statut personnel pour les non musulmans sont dérivées dans leurs canons doctrinaux et confessionnels. La plupart du temps, ces règles vont jusqu’à prohiber le droit de l’époux et de l’épouse à demander le divorce. Les membres de la communauté Structure juridique chrétienne orthodoxe peuvent divorcer sous certaines conditions et seulement par décision du tribunal, alors que pour les catholiques, on n’admet que le régime de séparation de corps, bien que l’on permette la possibilité de parvenir à l’annulation de l’acte de mariage ou de l’invalider pour cause de vice l’ayant entaché dès sa conclusion. Quant aux droits des deux parties pendant la relation conjugale, il semble que la suprématie de l’homme y prévaut. Une vue comparative En général, on peut remarquer que les législations du statut personnel sont plus progressistes et moins discriminatoires au Maghreb qu’au Mashrek. En effet, de nombreux Etats du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie, bien qu’à des degrés divers) ont réussi des avancées en vue d’éliminer l’injustice à l’égard des femmes en matière de statut personnel sans pour autant porter atteinte aux fondements de la Shari’a. En tête de ces législations qui se sont rapproché du point d’instauration du principe d’égalité dans les relations conjugales, on trouve la législation de Tunisie, suivie par celle du Maroc puis celle de l’Algérie, comme on l’exposera de manière détaillée ultérieurement. La leçon que l’on peut tirer de nombreux textes des codes de la famille au Maghreb, c’est qu’il est possible que le législateur arabe s’en tienne aux fondements de la Shari’a tout en adoptant des interprétations qui tendent à mettre en oeuvre l’égalité entre les hommes et les femmes et à lever l’injustice historique dont elles ont été victimes dans le cadre des relations familiales. Il est utile de procéder à une comparaison des plus importantes dispositions de la loi du statut personnel au Kuweit avec les codes du statut personnel au Maghreb. Ceci permettra de mettre en relief le caractère progressiste évoqué ci-dessus desdits codes maghrébins. La loi koweïtienne constituera la base de cette comparaison dans la mesure où elle réunit dans ses aspects généraux comme dans ses nombreux détails, les principes contenus dans les législations et les pratiques judiciaires du Mashreq. Le Rapport centrera l’intérêt ici sur ces zones de la législation arabe sur la famille Les initiatives de rénovation d’un certain nombre de législations arabes relatives à la famille et pour lever quelquesunes des formes de discrimination qui les entachent visent à éliminer les pratiques les plus pernicieuses tout en gardant intacts les principes fondamentaux Les législations du statut personnel sont plus progressistes et moins discriminatoires au Maghreb qu’au Mashrek. 219 Encadré 8-5 L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005 Divorce de la femme avec sa volonté unique 9VXXdgY +- 9VXXdgY +- BVgdX BVgdX :\neiZ :\neiZ EVhYVXXdgY (& EVhYVXXdgY (& A^WVc A^WVc BVcfjVci & BVcfjVci & ?dgYVc^Z ?dgYVc^Z 9VXXdgY 9VXXdgY Droit de tutelle sur ses enfants au même titre que l’homme 9VXXdgY -* 9VXXdgY -* BVgdX BVgdX :\neiZ :\neiZ A^WVc A^WVc ?dgYVc^Z BVcfjVci & BVcfjVci & ?dgYVc^Z EVhYVXXdgY &) EVhYVXXdgY &) 9VXXdgY 9VXXdgY qui sont généralement les plus vulnérables à la discrimination législative : aptitude au mariage et conclusion du contrat de mariage ; les dispositions relatives aux effets du mariage ; les dispositions relatives à sa dissolution. Le code unifié du statut personnel koweitien pour les musulmans contient des dispositions de protection des femmes mais comporte également de nombreuses manifestations de discrimination de genre : le mariage est valablement conclu par le consentement du tuteur de la fiancée et l’approbation du fiancé ou de son mandataire ou de toute personne désignée par lui à cet effet (article 9). La polygamie est autorisée pour les hommes sans restrictions, à part la disposition selon laquelle, 220 “ il n’est pas permis à un homme de se marier à une cinquième avant la dissolution de son mariage avec l’une de ses quatre épouses et la fin du délai de viduité(‘idda) de la divorcée.” (article 23). Le même article stipule également que “ l’acte de mariage ne doit être notarié ni ratifié tant la jeune fille n’a pas dépassé les quinze ans et le jeune homme les dix-huit ans au moment de la ratification ”. L’article 31 accorde à la femme ayant perdu sa virginité ou ayant l’âge de vingt-cinq ans et plus, le droit d’exprimer son avis sur son mariage mais ne peut conclure elle-même l’acte de mariage dont la conclusion revient à son tuteur. Si le tuteur (wali) s’oppose de manière injustifiée au désir d’une femme de se marier, celle-ci peut recourir Rapport sur le développement humain arabe 2005 au juge qui peut prononcer un jugement en sa faveur ou rejeter sa requête. La même démarche est valable quand de nombreux tuteurs de même rang s’opposent tous au mariage d’une femme ou ne s’accordent pas sur ce mariage (art.34). L’une des conditions de la validité du contrat de mariage est que l’homme soit compétent (kuf’) en matière de mariage au moment de la conclusion du contrat. Une femme et son tuteur ont le droit d’annuler le contrat de mariage si le mari ne remplit plus cette condition (art. 35). La loi définit la compétence (kafaa) au sens des prescriptions religieuses (art.36). Elle définit le divorce comme la dissolution du contrat de mariage légitime, sur initiative du mari ou son mandataire en prononçant la formule spécifique à cet effet (art.85). La législation koweïtienne en matière de statut personnel comporte dans son article 88 des dispositions qui visent à protéger les femmes et qui stipulent que le mari n’a pas le droit d’amener sa seconde épouse au domicile de la première sans le consentement de cette dernière. Cette législation interdit également le recours à la contrainte par corps pour appliquer un jugement d’un tribunal ordonnant à une épouse de retourner au domicile conjugal. Le code tunisien du statut personnel (majalla) est un modèle du genre dans le monde arabe pour ce qui est de la promotion sur le plan légal du principe d’égalité dans les relations conjugales et pour ce qui est d’éviter les interprétations religieuses archaïques préjudiciables aux droits des femmes. La loi tunisienne du statut personnel est le seul code du statut personnel dans le monde arabe à s’appliquer à tous les citoyens du pays, indépendamment de leur affiliation religieuse. L’importance que la législation tunisienne accorde au principe d’égalité se traduit dans différentes dispositions de sa loi de la famille : le chapitre 18 de son code du statut personnel, par exemple, stipule que “ la polygamie est proscrite ”, et pénalise quiconque transgresse cet interdit. La jeune fille a acquis le droit de contracter elle-même mariage, y compris lorsqu’elle est encore vierge. Les dispositions tunisiennes relatives au divorce reposent également sur le principe de l’égalité complète entre les femmes et les hommes. D’après l’article 30 du code du statut Structure juridique personnel, le divorce ne peut être obtenu “ qu’auprès du tribunal ”. Dans son deuxième paragraphe, l’article 31 reconnaît le droit de dédommagement à celui qui, des deux époux, aurait été lésé matériellement ou moralement en conséquence d’un divorce pour sévices ou en cas de divorce demandé unilatéralement sans raison valable. La garde des enfants (hadana) est organisée de façon équitable entre époux au cours de leur mariage ; l’article 57 stipule en effet que “ la garde des enfants relève des droits des parents tant qu’ils continuent à mener une vie conjugale ”. L’article 67 stipule que la garde des enfants, en cas de divorce, incombe à l’un des deux parents si la dissolution du mariage se fait par acte de divorce, le juge prend en considération l’intérêt de l’enfant pour attribuer le droit de le garder à l’un des parents. Les codes de la famille en Algérie et au Maroc traduisent une tendance dans ces pays à limiter la polygamie au moyen d’un ensemble de dispositions telles que les conditions de l’équité, de la raison valable et du contrôle de la justice. L’article 8 du code algérien de la famille permet aux hommes de prendre plusieurs épouses conformément à la Shari’a. Néanmoins, ils doivent prouver qu’ils ont une raison valable pour le faire et qu’ils ont la capacité d’entretenir plusieurs épouses équitablement. L’épouse ou les épouses précédentes doivent être avisées et elles peuvent demander le divorce en cas d’absence de consentement. De même un homme ne peut prendre de deuxième épouse que si deux conditions sont réunies : le consentement de la première épouse (ou les épouses précédentes) et l’autorisation du tribunal compétent. Une disposition similaire est contenue dans l’article 40 du code marocain de la famille. L’article 13 du code algérien de la famille interdit la coercition en matière de mariage, stipulant qu’un tuteur ne doit pas forcer une femme sous tutorat à se marier et qu’il ne peut contracter de mariage en son nom sans son consentement. Au Maroc, la tutelle matrimoniale est devenue un droit de la femme adulte : l’article 24 stipule que “ la tutelle matrimoniale (wilaya) est un droit qui appartient à la femme. La femme majeure exerce ce droit selon son choix et son intérêt ”. L’article 25 stipule que “ la femme les législations du statut personnel sont plus progressistes et moins discriminatoires au Maghreb qu’au Mashrek Because of what is commonly considered appropriate...many women refrain from pursuing their family rights through official legal processes. 221 3) L’expérience de la réglementation des relations au sein de la famille dans les pays du Maghreb a confirmé la possibilité de concilier les fondamentaux de la Shari’a et le principe d’égalité entre les époux et les épouses au niveau de ces relations 222 majeure peut contracter elle-même son mariage ou déléguer à cet effet son père ou à l’un de ses proches ”. Dans tous les cas, il n’est possible de confirmer ou de déclarer un divorce en Algérie que par décision de justice précédée par une tentative de réconciliation. En outre, La femme peut aussi (selon l’article 54) demander le divorce (khul’), mais doit verser en contrepartie une compensation au mari. Au Maroc, le nouveau Code de la Famille (la mudawwana) stipule que le divorce est requis par l’époux ou par l’épouse, selon des conditions propres à chacun d’eux, sous le contrôle de la justice. Quiconque des époux qui veut divorcer “ doit demander au tribunal l’autorisation d’en faire dresser acte par deux adoul habilités à cet effet.. ” (article 79) En d’existence d’enfants, une première tentative de réconciliation est entreprise, puis une deuxième. L’article 83 stipule que si la réconciliation des deux conjoints s’avère impossible, le tribunal fixe un montant que l’époux consigne au secrétariatgreffe du tribunal, dans un délai ne dépassant pas trente jours, afin de s’acquitter des droits dus à l’épouse et aux enfants. L’article 86 stipule que si l’époux ne consigne pas le montant prévu à l’article 83 dans le délai imparti, il est censé renoncer à son intention de divorce. Mais si le montant exigé est consigné par l’époux, le tribunal l’autorise à faire instrumenter l’acte de divorce par deux adoul dans le ressort territorial du même tribunal. L’épouse peut réclamer le divorce si ce droit lui revient, en plus de l’exercice de ce droit pour préjudice subi (darar) ou pour absence du conjoint ou pour manquement à l’une des conditions stipulées dans l’acte de mariage. La réparation moyennant compensation (khul’) a lieu suite à l’accord des deux époux, contrairement aux dispositions du droit égyptien qui a soumis ce genre de divorce à la seule volonté de l’épouse. En conclusion, l’on peut dire que cette brève lecture des codes du statut personnel au Maghreb et au Machrek arabes aboutit au constat suivant : 1)Il y a un besoin urgent de promulguer des législations du statut personnel dans les Etats arabes qui n’en ont pas de manière à ce que toutes les dispositions relatives au statut personnel soient unifiées et pour l’affaire ne soit pas laissée aux seules appréciations du juge et son interprétation de la jurisprudence islamique(fiqh). 2)Ces nouvelles codifications doivent viser à réguler les relations au sein de la famille dans le sens de l’égalité entre les hommes et les femmes. 3)L’expérience de la réglementation des relations au sein de la famille dans les pays du Maghreb a confirmé la possibilité de concilier les fondamentaux de la Shari’a et le principe d’égalité entre les époux et les épouses au niveau de ces relations. Les manifestations d’inégalité dans les systèmes juridiques arabes sont dues beaucoup plus aux considérations relevant de l’histoire, des us et coutumes qu’aux fondements religieux. C’est pourquoi la révision des lois arabes sur la famille en vue d’abolir la discrimination à l’égard des femmes s’avère obligatoire. Loin de la loi officielle L’environnement social est dans beaucoup de cas un facteur décisif de discrimination à l’encontre des femmes, indépendamment du contenu de la loi. En raison des us et coutumes répandues dans la société à propos de ce qui convient ou non pour une épouse dévouée, décente et vertueuse de faire, nombreuses sont les femmes qui évitent d’aller devant la magistrature pour exiger leurs droits ou ceux de leurs enfants. En conséquence, les conflits conjugaux sont résolus, dans beaucoup de sociétés arabes, soit dans un cadre familial soit au moyen des canaux officieux de l’arbitrage tribal. Comme ces mécanismes sont le produit de cadres de référence masculins, culturels et de valeurs, il est évident qu’ils sont favorables aux hommes. Mais, même lorsque les femmes arabes ont recours à la justice officielle pour revendiquer leurs droits garantis par les codes du statut personnel, elles sont confrontées à toutes sortes d’entraves à cause de la complexité et de la lenteur des procédures et des comportements qui ne prennent pas en considération ni les spécificités de la famille ni ses besoins sociaux et psychologiques. Dans cette perspective, l’expérience Rapport sur le développement humain arabe 2005 des tribunaux de la famille introduits en Egypte mérite d’être encouragée, étudiée et généralisée à tout le monde arabe, eu égard aux considérations sociales qui ont été prises en compte dans leur constitution ainsi qu’au niveau de leurs procédures et leur fonction. Il importe toutefois d’œuvrer à surmonter les aspects négatifs de cette expérience, révélés par la pratique, et de faire évoluer ces tribunaux de telle sorte que les juges disposent de suffisamment de temps et de l’expertise nécessaire et pour que ces tribunaux soient dotés des ressources humaines et financières à même de leur permettre de s’acquitter convenablement de leur mission. Un autre problème défavorable aux droits des femmes consiste dans l’apparition de nouvelles formules de mariage dans les sociétés arabes. Tout en respectant les formalités religieuses du mariage - comme le consentement, l’acceptation, la déclaration et la dot – ces nouvelles formules sont substantiellement incompatibles avec la raison même de l’institution du mariage qui est la constitution d’un foyer basé sur l’affection et la compassion mutuelles, c’est à dire un lien qui tend à servir à créer une famille saine. Dans ces mariages de convenance qui prennent différentes appellations dans les sociétés arabes (misyar en Arabie Saoudite et siyahi au Yémen, par exemple), l’homme contracte mariage avec une femme moyennant une dot sans s’engager pour autant à habiter avec elle sous le même toit ou à lui fournir une pension alimentaire de façon continue. Dans certains milieux arabes démunis, il y a apparition de formes de mariage où des hommes riches (âgés le plus souvent) se lient à des filles mineures (pauvres le plus souvent). Il s’agit là en réalité d’une sorte d’esclavage réglementé des femmes sous forme de mariage qui conduit à de nombreuses tragédies humaines. C’est la raison pour laquelle certains législateurs arabes se battent pour contenir le phénomène (cas de l’Egypte). Un autre phénomène commence à se répandre au sein de la jeunesse arabe qui est celui du mariage coutumier urfi (c’est-à-dire un mariage non consigné par un fonctionnaire public compétent). On est en fait devant une forme secrète et non certifiée de mariage Structure juridique qui se répand parmi les jeunes ne pouvant assumer les responsabilités financières du mariage. Certains époux l’utilisent comme un moyen leur permettant de contourner la loi et les droits des femmes garantis dans le cas du mariage certifié ; la règle étant que les tribunaux opposent une fin de non recevoir aux revendications des femmes vivant un mariage non certifié si l’époux en arrive à nier l’existence des relations conjugales. Ces formules de mariages sont des pratiques visant à contourner la loi officielle sous couvert de leur non-opposition aux formalités de la religion même si elles sont contraires à son esprit et ses finalités, outre qu’elles portent préjudice aux droits des femmes stipulés par les lois. Ces formules de mariages sont des pratiques visant à contourner la loi officielle sous couvert de leur non-opposition aux formalités de la religion même si elles sont contraires à son esprit et ses finalités, La nationalité outre qu’elles portent La règle générale qui détermine la nationalité d’origine dans les législations arabes, est celle de la descendance paternelle. Autrement dit, les enfants d’un père portant la nationalité d’un Etat arabe donné acquièrent automatiquement cette nationalité. La nationalité de la mère n’est accordée aux enfants que si l’identité du père est inconnue ou s’il est apatride. (Cf. l’article 6 du Code tunisien de la nationalité ; il faut néanmoins noter que le droit tunisien accorde la nationalité tunisienne à l’enfant de mère tunisienne et de père étranger avec l’accord de ce dernier ; voir aussi les paragraphes 3 et 4 de l’article 3 du code de la nationalité jordanien qui accorde la nationalité aux enfants d’un père jordanien ou aux enfants nés dans le royaume de mère jordanienne mais dont le père est inconnu ou apatride. Les codes de la nationalité du Bahreïn et du Maroc, les articles 4 et 6 respectivement, contiennent des dispositions similaires. Ces codes de la nationalité sont clairement discriminatoires à l’égard des femmes et contreviennent aux dispositions de l’article 9 de la CEDAW, ce qui explique d’ailleurs pourquoi plusieurs Etats arabes ont émis des réserves à propos de cet article. Dernièrement, les législateurs arabes ont travaillé à surmonter les situations inhumaines qui résultent du refus des Etats arabes d’accorder la nationalité aux enfants de citoyennes mariées préjudice aux droits des femmes La règle générale qui détermine la nationalité d’origine dans les législations arabes, est celle de la descendance paternelle 223 La société arabe est prête à accepter le principe d’égalité complète pour ce qui est du droit de la mère d’attribuer sa nationalité à ses enfants à des étrangers. En Egypte, par exemple, la loi n° 154 du 2004 a été promulguée ; elle accorde le droit à la nationalité égyptienne aux enfants de mère égyptienne et de père étranger. Cela a permis de résoudre le problème de milliers de personnes issues de mères égyptiennes et de pères étrangers et qui n’avaient pu obtenir la nationalité égyptienne. D’après l’opinion du public arabe telle qu’elle ressort de l’enquête du Rapport, il est clair que la société arabe est prête à accepter le principe d’égalité complète pour ce qui est du droit de la mère d’attribuer sa nationalité à ses enfants (encadré 8 – 6). En Algérie, l’article 6 du code de la nationalité, publié en 2005, stipule qu’est considéré comme Algérien l’enfant né de père algérien et/ou de mère algérienne. Au Maroc, le code de la nationalité datant de 1958 n’accordait la nationalité marocaine qu’aux seuls enfants nés de père marocain. Cette loi a été modifiée, l’enfant de mère marocaine bénéficie dorénavant du droit à la nationalité. Une autre forme de discrimination se manifeste dans le code de la nationalité libanaise. Outre le fait que la consanguinité du côté paternel est la base dans l’attribution de la nationalité - c’est là d’ailleurs une caractéristique commune à toutes les législations des pays objet de l’enquête – il existe dans cette législation une certaine discrimination entre la mère libanaise d’origine et la mère libanaise par naturalisation ! En effet, le droit libanais accorde à la mère étrangère ayant acquis la nationalité libanaise le droit d’accorder cette nationalité à ses enfants mineurs si elle reste en vie après le décès de son époux (étranger), alors que l’application de cette même loi prive de ce droit la femme d’origine libanaise (mariée à un étranger). Les organisations de la société civile au Liban font pression pour modifier ce code de la nationalité et éliminer cette discrimination, en instaurant l’égalité entre le père et la mère pour ce qui est de la nationalité des enfants. Elles exigent également que le Liban retire les réserves faites sur le paragraphe 2 de l’article 9 de la CEDAW. Il est à noter que les organisations de la société civile libanaise sont connues pour leur activité et leur pouvoir d’influence dans ce domaine. Elles avaient joué un rôle décisif dans l’abrogation de la loi qui privait les citoyennes libanaises de leur nationalité dès qu’elles se mariaient à des étrangers. La femme arabe dans la conscience des hommes de loi arabes Pour que l’égalité entre les hommes et les femmes devienne réalité dans le monde arabe, il ne suffit pas d’incorporer le principe dans les législations arabes, au regard à l’existence Encadré 8-6 L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005 Opinion sur l’attribution de la nationalité de la mère aux enfants 9VXXdgY +. BVgdX :\neiZ A^WVc EVhYVXXdgY '- ?dgYVc^Z BVcfjVci ( 9VXXdgY 224 Rapport sur le développement humain arabe 2005 effective chez les juristes arabes d’une culture ou d’une conscience juridique qui s’oppose explicitement ou implicitement à ce principe d’égalité. Par conscience juridique, il faut entendre les valeurs juridiques qui déterminent et orientent l’action des hommes de loi lors l’établissement des lois et de leur application. Par juristes arabes on entend tous ceux qui ont la responsabilité de la loi dans le monde arabe, à savoir les législateurs qui établissent les lois, les juges qui les appliquent eu à leur autorité discrétionnaire, les avocats qui aident les juges à comprendre et à appliquer la loi, les interprètes de loi comme les professeurs universitaires et d’autres encore. La prise de conscience par tous ces gens de l’importance du principe d’égalité entre les hommes et les femmes constitue l’une des conditions nécessaires à son application dans la réalité concrète. Bien que ne disposant pas d’études de terrain sérieuses susceptibles d’évaluer la conscience juridique des juristes arabes par rapport à ce principe d’égalité entre les hommes et les femmes, les indications disponibles laissent penser que certains d’entre eux sont influencés par la culture masculine et la culture de la discrimination. Sur le plan historique, nul besoin de procéder à une recherche minutieuse pour se rendre compte que la culture arabe tribale - qui perpétue la discrimination à l’égard des femmes ainsi que leur infériorité par rapport aux hommes - a influencé certaines interprétations de la jurisprudence islamique discriminatoires à l’égard des femmes. C’est dire à quel point la dimension culturelle masculine a été décisive dans l’orientation prise par les interprétations de cette jurisprudence qui l’ont revêtue d’un caractère religieux sacré. L’analyse des attitudes des législateurs arabes hommes révèle leur hostilité au principe de l’égalité de genre, et ce en dépit des dispositions de leurs constitutions nationales et des conventions internationales auxquelles leurs Etats ont souscrit. Deux exemples illustrent la validité de cette hypothèse : le premier est représenté par l’opposition de la plupart des membres de l’Assemblée nationale koweïtienne à garantir aux femmes leurs droits politiques (Al’Awadhi, Papier d’appui au Rapport) ; le second est celui de nombreux membres de l’Assemblée du Peuple Egyptien qui se sont Structure juridique opposés à la reconnaissance du droit pour les femmes de pouvoir mettre fin volontairement à la relation conjugale conformément au régime islamique du divorce moyennant compensation (khul’). Dans les deux cas précités, les législateurs arabes de sexe masculin se sont appuyés sur des interprétations salafistes qui insistent sur la suprématie des hommes sur les femmes. L’un des membres de l’Assemblée du peuple égyptien est allé même jusqu’à prendre le comportement de la volaille dans le poulailler comme la preuve que les femelles des oiseaux, des animaux et, a fortiori, des humains sont de nature subordonnées aux mâles (cette expression fut supprimée des minutes de la session ). Souvent, l’application du principe de l’égalité de genre par l’intermédiaire des membres masculins arabes de la magistrature est confrontée à des réserves, alimentées à l’heure actuelle par le développement des courants religieux fondamentalistes et par leur influence culturelle sur la conscience des magistrats. Dans certains Etats arabes, la vision masculine des hommes de la magistrature arabes est perceptible dans leur opposition à la nomination des magistrats femmes, considérées comme non aptes à occuper ce poste. Les arguments présentés à l’appui de cette position sont soit leur incompatibilité naturelle avec les exigences de la profession soit les traditions et la culture de la société. Pourtant, la déesse de la justice chez les Egyptiens anciens (Mâ’t) était bien une divinité femelle. Au milieu du siècle dernier, le célébrissime juriste d’Egypte, ‘Abd al-Razzaq al-Sanhuri, qui était à l’époque président du Conseil d’Etat (l’instance judiciaire compétente dans la résolution des litiges administratifs) a refusé de se prononcer en faveur de l’éligibilité des femmes à exercer comme juges, bien qu’il lui ait reconnu le droit constitutionnel de le faire. Il a justifié son refus par des considérations de convenance sociale. Ces mêmes considérations continuent de faire barrage en Egypte à l’accès des femmes sur un pied d’égalité avec les hommes à différentes fonctions de la magistrature. Néanmoins, dans une tentative de se disculper dans cette affaire, les autorités égyptiennes ont désigné une femme au poste de conseiller près la Cour constitutionnelle suprême, sans que cette Pour que l’égalité entre les hommes et les femmes devienne réalité dans le monde arabe, il ne suffit pas d’incorporer le principe dans les législations arabes, au regard à l’existence effective chez les juristes arabes d’une culture ou d’une conscience juridique qui s’oppose explicitement ou implicitement à ce principe d’égalité L’analyse des attitudes des législateurs arabes hommes révèle leur hostilité au principe de l’égalité de genre, et ce en dépit des dispositions de leurs constitutions nationales et des conventions internationales auxquelles leurs Etats ont souscrit 225 Il y a des indications générales attestant que les juges ont tendance, dans les crimes d’honneur, à prononcer des sentences légères à l’encontre d’hommes coupables lorsque la victime est une femme accusée de moeurs légères décision entraîne pour autant l’admission des femmes aux fonctions inférieures et moyennes de la magistrature. La discrimination exercée par la communauté judiciaire à l’égard des femmes se manifeste également dans la manière d’utiliser leur autorité discrétionnaire par les juges des cours pénales pour prononcer des peines légères ou sévères dans des affaires qui impliquent des femmes. Il y a des indications générales attestant que les juges ont tendance, dans les crimes d’honneur, à prononcer des sentences légères à l’encontre d’hommes coupables lorsque la victime est une femme accusée de moeurs légères. Or la femme ne bénéficie pas du même allégement de la peine quand elle est coupable de crime contre un homme accusé de mœurs légères. Les lois pénales ont tendance à condamner à la peine capitale les femmes qui tuent avec préméditation leurs époux, quelles que soient les raisons du crime ; le contraire n’est pas toujours vrai. On peut à ce propos retenir une hypothèse étayée par une observation sommaire, mais qui doit être confirmée, à savoir que les juges hommes réduisent la sphère de l’honneur au seul comportement des femmes et prononcent des peines légères dans les crimes commis à l’encontre des femmes accusées de mœurs légères. Cette tendance trouve un appui, Enadré8-7 Les convenances sociales empêchent la désignation des femmes comme juges : “ Les principes constitutionnels suprêmes stipulent l’égalité entre la femme et l’homme en droits et en devoirs. Lors de son application aux fonctions et emplois publics, cette égalité consiste à ne pas priver la femme, de façon absolue, d’occuper de telles fonctions. Sinon, cela serait en contradiction avec le principe d’égalité et une atteinte à l’un des principes constitutionnels fondamentaux suprêmes. Cela présuppose que l’administration dispose d’autorité estimatoire quant au niveau d’évolution atteint par la femme pour être apte à occuper telle fonction ou tel poste. Si l’administration juge que la femme a franchi cette étape et rempli les conditions requises, elle peut – ou plutôt doit- lui offrir l’opportunité accordée à l’homme sans porter atteinte à l’égalité entre eux. A notre époque, la femme égyptienne a fait preuve de son aptitude à occuper des postes et exercer plusieurs emplois tels que la médecine, la dispense des soins et l’enseignement ainsi que d’autres fonctions au sein du ministère des affaires sociales, le ministère des affaires islamiques, les fonctions de la hisba et de la conservation foncière. En effet la femme est préférée à l’homme dans certains travaux vu les qualités qui la caractérisent. Le fait de la préférer à l’homme dans ce genre d’activités n’est pas considéré comme préjudiciable au principe d’égalité entre l’homme et la femme. En revanche, l’administration peut, sans abus, juger si le moment n’est pas encore venu - à cause des considérations sociales – que la femme occupe certains postes et fonctions publiques. Pour ce faire, l’administration, en vertu de son autorité estimatoire, a le pouvoir de peser les circonstances liées à ces fonctions, tout en tenant compte des conditions du milieu, ainsi que des situations et limites que les coutumes imposent … ” Extrait du jugement de la Cour administrative Egyptienne, daté du 22 décembre 1953 dans l’affaire n°243 de l’année judiciaire 6 L’opinion du public sur les questions de la promotion des femmes, quatre pays arabes, 2005 Les femmes ont le droit d’être juges 9VXXdgY ++ BVgdX :\neiZ A^WVc EVhYVXXdgY (' ?dgYVc^Z BVcfjVci ' 9VXXdgY 226 Rapport sur le développement humain arabe 2005 dans certains Etats arabes, dans la sévérité réservée par le législateur pénal aux femmes. En effet, de nombreuses législations pénales arabes condamnent les femmes adultères à des peines plus sévères que celles dont les hommes adultères sont passibles. Bien que le principe général soit que la tentative de crime soit punie par la loi, la tentative de causer un avortement d’une femme ne l’est pas. La femme qui tue son mari en flagrant délit d’adultère n’est pas allégée, alors qu’elle l’est quand c’est un homme qui commet le crime. La tendance de la magistrature à être partiale à l’égard des femmes est semblable à celle la législation qui va dans le même sens. Les échos de cette tendance à la discrimination à l’encontre des femmes se retrouvent chez bon nombre d’interprètes de la loi, une fois confrontés au principe de l’égalité devant la loi. On n’abordera pas les écrits de certains ulémas contemporains de la Shari’a qui continuent de se réclamer des opinions de la jurisprudence classique dans leur interprétation de la prééminence des hommes sur les femmes. Face à ces postures et visions, il y a un corps de la jurisprudence islamique éclairée qui interprète les textes concernés en les ramenant à leur contexte et qui a tendance à adhérer largement au principe de l’égalité entre les femmes et les hommes. Cependant, c’est la première école de pensée - c’est à dire la conservatrice - qui continue de l’emporter dans la pratique et qui trouve toujours une oreille sympathique chez les gens ordinaires, en raison de l’appui accordé à cette école par les religieux conservateurs. A titre d’exemple, lors des dernières élections présidentielles en Egypte, il n’y a eu de candidature de femmes ; certes quelques-unes ont présenté effectivement leurs papiers de candidature, mais elles ont été écartées car ces papiers ne remplissaient pas les conditionnées requises stipulées lors de l’amendement contesté de l’article 76 de la Constitution égyptienne. Ce qui est plus surprenant encore, c’est que l’exmufti d’Egypte signe une fatwa, publiée dans le journal Al Ahrâm du 28 février 2005, où il soutient qu’il n’était pas permis à une femme de se porter candidate à la présidence de la République. A l’appui de cette position il invoque le refus des jurisconsultes (fuqaha) de voir une femme assurer la grande wilaya qui signifie pour lui la présidence de la République. Ce qui importe davantage ici, c’est la position des experts du droit positif sur la question de l’égalité de genre. Certains d’entre eux considèrent par exemple que le fait de réserver des quotas aux femmes au parlement en prétextant que cela violerait le principe de l’égalité devant la loi (Charkaoui et Nasif, en arabe, 1984, 350). Cet argument ne peut pas résister face à la jurisprudence en matière de droits humanitaires, qui retient l’idée de la discrimination positive en faveur des femmes pour lever l’injustice qui les a prappées au cours de l’histoire. C’est précisément le principe retenu par la CEDAW( cf. par exemple, Ja’far, en arabe, s.d., 127). Le conservatisme d’un large secteur des juristes arabes contemporains au sujet de l’égalité entre les femmes et les hommes explique pourquoi tous les grands changements législatifs en faveur des femmes ont été initiés et appuyés sous les auspices de l’institution du chef de l’Eta arabe (comme si les chefs des régimes arabes voulaient se disculper des violations commises en matière des droits de Lors des dernières élections présidentielles en Egypte, il n’y a eu de candidature de femmes ; certes quelques-unes ont présenté effectivement leurs papiers de candidature, mais elles ont été écartées car ces papiers ne remplissaient pas les conditionnées requises Encadré 8-8 La crainte que les femmes obtiennent la totalité des sièges au parlement “…Les textes qui distinguent les femmes des hommes en leur accordant des sièges limités, outre la possibilité d’occuper d’autres sièges, sont considérés comme anticonstitutionnels et illogiques. Quant à leur non constitutionalité, ces textes sont en contradiction avec la teneur de l’article 40 de la Constitution, qui stipule que les citoyens sont égaux devant la loi. Pour ce qui est de leur aspect illogique, cette législation a réservé aux femmes un nombre déterminé de sièges obligatoires. En même temps, les femmes ont le droit de se porter candidates dans toutes les circonscriptions, et les électeurs ont le droit d’élire les femmes dans toutes ces circonscriptions. Partant, cette législation peut nous amener à la probabilité – minime mais néanmoins existante - que tous les membres du pouvoir législatif soient des femmes, le contraire n’est pas vrai ”. Source : Ja’far, en rabe, n.d., 127 Structure juridique 227 Le processus d’élaboration de la loi, de son application et de son interprétation, dans le monde arabe, est régi, en premier lieu, par une culture masculine. Ceci n’empêche pas l’existence de quelques tendances favorables à l’égalité et au soutien positif des femmes, mais ces tendances n’ont pas un impact suffisant. 228 l’homme et inscrire à leur actif des avancées dans le domaine des droits des femmes). La participation par exemple des femmes koweïtiennes à la vie politique suite à la dernière modification législative n’avait pu avoir lieu face à l’opposition des courants salafistes sans le soutien direct du gouvernement. Le code du statut personnel qui a instauré le recours au régime du khul’ en Egypte n’aurait pu être promulgué sans le soutien explicite de l’institution présidentielle. De même, le roi du Maroc a mis tout son influence religieuse et politique pour faire adopter le code de la famille qui a levé de nombreuses injustices à l’égard des femmes. Il semble donc que les institutions du pouvoir arabes essaient de compenser le retard qu’accuse la conscience juridique arabe, mais seulement à propos des questions relatives aux droits des femmes. Cela conduit également à s’interroger sur les facteurs qui agissent dans le sens du changement de la structure juridique traditionnelle pour l’amener à se libérer de son attitude discriminatoire à l’égard des femmes, alors que la culture juridique dominante s’y oppose. Ce changement, comme il a été noté, est le fait des élites au pouvoir dans le monde arabe. Cette tendance au changement chez ces élites pourrait être induite par des pressions étrangères explicites ou implicites. Mais le facteur le plus important et le plus efficace, de changement consiste dans l’action persévérante en vue de créer et promouvoir la demande intérieure de ce changement, à travers la dynamisation de la société civile et en influençant la culture populaire pour en faire une culture favorable à l’égalité de genre. Conclusion Les pages précédentes ont décrit se sont arrêtées sur les traits les plus saillants du mode de régulation des relations où les femmes sont partie par le système juridique arabe. Il en ressort que les femmes arabes ont obtenu leurs droits politiques dans la plupart des législations arabes, mais elle n’en jouissent pas, pour des raisons extra–juridiques. Les codes du travail, pénaux, de la nationalité, comportent beaucoup de formes de discrimination à l’égard des femmes, même si des initiatives sont prises dans le domaine législatif pour éliminer cette discrimination, notamment dans les questions relatives à la nationalité et au statut personnel. Ceci dit, la discrimination la plus manifeste à l’égard des femmes dans les systèmes juridiques arabes réside dans le domaine des législations en matière de statut personnel. Bien que les législateurs arabes dans de nombreux Etats du Mashrek arabe aient œuvré pour introduire des amendements de ces législations pour alléger leurs conséquences discriminatoires, ces tentatives n’ont pas eu ce caractère progressiste que l’on retrouve dans les législations du Maghreb arabe, comme la législation tunisienne, le nouveau Code de la famille marocain et la législation algérienne. Ceux qui ont en charge le droit - législateurs, juges et experts - font en règle générale preuve de partialité à l’encontre des femmes, que ce soit en matière législative, dans la pratique ou dans le domaine de la théorisation relative à la jurisprudence islamique. Par conséquent, on peut dire que le processus d’élaboration de la loi, de son application et de son interprétation, dans le monde arabe, est régi, en premier lieu, par une culture masculine. Ceci n’empêche pas l’existence de quelques tendances favorables à l’égalité et au soutien positif des femmes, mais ces tendances n’ont pas un impact suffisant. Rapport sur le développement humain arabe 2005 Chapitre IX Les structures économico–politiques Introduction Le but de ce chapitre est d’apporter un éclairage sur l’impact des structures économico–politiques des pays arabes sur la condition des femmes arabes tout en prenant considération l’interaction entre l’économie et la politique et en soulignant le rôle de cette dernière dans l’affaiblissement des femmes dans les pays arabes. Le mode de production dominant, le niveau de performance économique et leurs impacts L’analyse développée dans les des deux livraisons du Rapport arabe sur le développement humain de 2003 et 2004 a conclu que les deux principaux traits du mode production et du niveau de performance économique dans les pays arabes sont la dominance d’un mode de production centré sur la rente et le faible niveau de croissance économique. La conjonction de ces deux traits entraîne l’affaiblissement des structures de production des économies arabes et le bas niveau de leur d’expansion, créant ainsi les conditions de l’extension du chômage et de la pauvreté. De plus, les économies de rente et le faible niveau de performance des structures institutionnelles, nécessaires à la bonne gouvernance des entreprises et de la société dans son ensemble, sont articulés à une culture du gain facile et au développement de la corruption. Ceci a pour résultat l’émergence d’un genre d’activités économiques qui a des retombées désastreuses sur l’autonomisation économique des individus. D’autres conditions sociétales accentuent l’impact d’un tel type d’activité sur les femmes à cause de la vulnérabilité de leur Les structures économico–politiques position économique. Parmi ces effets désastreux, il faut compter l’accroissement des taux de chômage dans les pays arabes, notamment parmi les jeunes diplômés du système d’enseignement. Pauvreté et bas niveau d’équité dans la répartition des revenus et de la richesse accompagnent nécessairement le chômage, dans la mesure où la force de travail représente la base économique la plus importante pour la majorité écrasante des gens dans les économies les moins développées. Cet ensemble de facteurs traduit aussi bien l’étroitesse du marché de l’emploi dans les pays arabes que ses faibles taux d’expansion par la création de nouveaux emplois. Le niveau du chômage est exacerbé par le faible niveau de qualification au niveau du marché du travail régional arabe. C’est ce qui a poussé un certain nombre de pays arabes à faire appel à la main-d’œuvre étrangère. Evidemment, ce sont les couches sociales les plus faibles, dont les femmes, qui souffriront le plus de cette situation. Les résultats de ce mode de production et le ralentissement de la croissance économique ont atteint un niveau alarmant dans les pays arabes depuis le milieu des années 70 du siècle dernier, eu égard aux programmes de “ réforme économique ” et “ d’ajustement structurel ”, que certains chercheurs ont qualifié de “ restructuration capitaliste ”. Ceci s’est produit dans certains pays arabes caractérisés par des marchés libres non régulés dans un contexte de mondialisation économique en l’absence des structures institutionnelles nécessaires à la performance économique et à une répartition équitable, conditions indispensables à l’existence d’un système capitaliste efficient capable d’assurer un développement économique rapide et L’émergence d’un genre d’activités économiques qui a des retombées désastreuses sur l’autonomisation économique des individus. D’autres conditions sociétales accentuent l’impact d’un tel type d’activité sur les femmes à cause de la vulnérabilité de leur position économique. 229 soutenu et de soutenir le développement humain. (Fergani, en arabe, 1998:47-82). L’étroitesse du marché du travail et le faible niveau de création de nouveaux emplois, d’une part, la progression de l’éducation des femmes, d’autre part, et en troisième lieu la préférence irrationnelle de la société pour accorder les emplois disponibles aux hommes et non aux femmes (chapitre 3) se combinent pour accroître le chômage des femmes, notamment parmi les femmes instruites, même dans les pays arabes qui font appel à une main-d’œuvre étrangère provenant de pays hors du monde arabe. On assiste, dans le même temps, à un retrait de l’Etat de l’activité économique et des activités de services ainsi qu’à la limitation de l’emploi dans la fonction publique. Or ce dernier avait représenté la forme préférée d’emploi pour les femmes et un lieu de protection de leurs droits. Ainsi la région arabe abrite t-elle un phénomène détestable consistant en une abondance de capital humain féminin qualifié mais qui affiche des niveaux de chômage supérieurs à la moyenne! Les disparités des salaires en défaveur des femmes, notamment dans le secteur privé, représentent un autre facteur qui a affaibli d’un point de vue économique ces dernières, dans la mesure où se sont traduite par la réduction de leurs revenus relatifs quand elles travaillent. Or, comme mentionné auparavant, il s’agit là de l’une des plus importantes sources de revenus chez la plus grande majorité des gens dans les pays les moins développés. Ceci signifie que les femmes sont exposées au risque de l’appauvrissement et de l’affaiblissement engendré par la faiblesse de l’offre d’emplois et au faible niveau relatif de revenu par rapport aux hommes. Le boom pétrolier a contribué, pour une période donnée, à l’expansion de l’activité économique et des services publics, ce qui a entraîné une forte demande sur la main-d’œuvre arabe dans les pays arabes pétroliers, y compris 1 la main d’œuvre féminine, particulièrement dans les secteurs de l’enseignement, de la santé et de l’administration publique. Toutefois, cette demande de main-d’œuvre s’est contracté quand la valeur réelle du pétrole a décliné et la croissance économique a ralenti dans l’ensemble de la région arabe au milieu des années 1980. L’effet du boom pétrolier était similaire à celui de l’engagement de pays arabes dans des guerres (la guerre entre l’Irak et l’Iran par exemple). L’absence des hommes qui ont rejoint le front a permis l’accroissement de l’emploi féminin surtout dans les services publics et l’administration. Or ce sont précisément les secteurs à la réduction desquels les politiques d’ajustement structurel se sont attelées. La fin du boom pétrolier comme celle de la guerre, donnaient lieu à des tentatives visant à restreindre le travail des femmes afin que le chômage ne s’accroisse pas parmi les hommes. L’analyse de coupe transversale de la relation entre le taux de croissance et la structure économique, d’une part, et la Mesure d’autonomisation de genre (GEM)1, d’autre part, couvrant un échantillon international de 80 pays, y compris quatre pays arabes (Bahreïn, Arabie Saoudite, Egypte et Yémen) a conclu à ce qui suit : • le niveau de développement d'un pays, tel que reflété par la valeur réelle du revenu, est significativement et positivement lié à l’autonomisation des femmes. Cette relation explique environ 64% des variations de la mesure GEM entre pays ; • cependant, la relation entre la croissance économique et l’autonomisation des femmes a un faible pouvoir prédictif dans la mesure où le coefficient de détermination est plutôt faible2 ; et • la transformation structurelle durant le processus de développement devrait entraîner une autonomisation plus grande des femmes en raison de l’augmentation de la part relative du secteur des services dans Gender empowerment measure 2 On constate par exemple que le Yémen pourra, selon cette relation, accroître la mesure d’autonomisation de genre et le faire passer de 0,123 à 0,163 s’il pouvait augmenter le revenu réel par personne en le faisant passer de 889 dollars (en termes de parité du pouvoir d’achat) de 1995 au niveau du revenu réel de l’Egypte qui est de 3950 dollars en 2003, année de la comparaison. En utilisant le taux moyen d’accroissement du revenu réel par tête pour la période 1990-2000 qui a atteint environ 2,4 %, qui est un taux relativement élevé, on peut aboutir à la conclusion que le Yémen pourra réaliser une telle autonomisation des femmes sur une période de quelque 63 années. 230 Rapport sur le développement humain arabe 2005 le PIB, car cette variable est positivement et significativement associée au GEM. De tels résultats tendent tous à encourager les Etats arabes à poursuivre l'approfondissement des réformes institutionnelles visant l’autonomisation des femmes, car la probabilité pour que se réalise une telle autonomisation au moyen des seules réformes économiques entreprises pour appuyer le processus de développement pourra prendre beaucoup de temps, comme le montre le cas du Yémen, à titre d’illustration (Abdel Gadir Ali, Papier d’appui au Rapport). Les Structures Politiques Les institutions du pouvoir et la liberation ou la marginalisation des femmes arabes Il n’y a pas de doute que les femmes arabes ont réalisé des progrès en matière de participation politique durant les trois dernières années, avec la reconnaissance légale de leurs droits de voter et de présenter leur candidature pour l’élection des conseils locaux et du parlement. Leur présence est également en progression aux plus hauts postes des instances exécutives dans la plupart des conseils de ministres dans les Etats arabes. La nomination de femmes ministres est devenue une règle générale dans la plupart des gouvernements arabes au moins depuis les années 1990 et s’est affirmée depuis. Néanmoins, la participation des femmes à ces gouvernements s’est caractérisée par: • son caractère symbolique : il n’y a le plus souvent s’une ou deux ministres ; • son caractère social : les ministres femmes sont la plupart du temps en charge de départements sociaux ou ayant en général un rapport aux femmes ; • son caractère temporaire : les ministres femmes changent avec les remaniements ministériels. Ceci dit, il faut bien reconnaître que la représentation féminine est devenue une réalité permanente dans les instances 3 gouvernementales arabes, du fait de la pression interne et externe (Guessous, Papier d’appui au Rapport). Néanmoins, un tel progrès reste limité comme on peut le voir à travers les trois points suivants : Premièrement, le rôle joué par les femmes au sein des instances de décision, exécutives ou législatives. Les fonctions de Premier ministre3, de ministres à la tête des ministères qui jouent un rôle essentiel dans l’allocation des ressources, la définition de la politique extérieure et la protection de la sécurité intérieure et extérieure sont entre les mains d’hommes. De même, la présidence des parlements et de la plupart de des commissions parlementaires leur reviennent en général. Dans les Etats qui autorisent la constitution de partis politiques, la majorité des leaders de ces partis sont aussi des hommes. Deuxièmement, à un moment où le nombre de femmes siégeant dans les conseils des représentants a connu un bond en avant, la sécurité personnelle des femmes n’est pas garantie. En réalité, elles doivent même avoir perdu d’autres droits comme c’est le cas en Irak. Troisièmement, le caractère limité des progrès en matière d’autonomisation des femmes arabes devient manifeste lorsqu’on compare leur situation à celle des femmes dans les autres parties du monde (Al Sayyid, Papier d’appui au Rapport). Les systèmes politiques arabes peuvent différer sur la marge démocratique qu’ils offrent, les droits qu’ils garantissent aux femmes, le niveau de participation politique atteint et sur jusqu’à quel points les organes constitutionnels et législatifs qui déterminent les mécanismes de prise de décision existent. Mais dans tous les cas, le pouvoir réel de décision à tous les niveaux dans le monde arabe est toujours entre les mains des hommes. Le mode de prise de décisions et d’élaboration des politiques reflète une vision patriarcale des intérêts de l’élite masculine dominante (Al Baz, en arabe, 2002). Plus encore, alors que le principe d’égalité entre les deux sexes constitue l’un des principes généraux des constitutions arabes certains Etats De tels résultats tendent tous à encourager les Etats arabes à poursuivre l’approfondissement des réformes institutionnelles visant l’autonomisation des femmes, car la probabilité pour que se réalise une telle autonomisation au moyen des seules réformes économiques entreprises pour appuyer le processus de développement pourra prendre beaucoup de temps La nomination de femmes ministres est devenue une règle générale dans la plupart des gouvernements arabes au moins depuis les années 1990 et s’est affirmée depuis La Jordanie a été le premier Etat arabe qui a vu une femme nommée aux fonctions de vice-Premier ministre. Les structures économico–politiques 231 Le nombre de sièges occupés par des femmes ne veut pas nécessairement dire qu’elles sont représentées de façon démocratique Les partis politiques dans les pays arabes ont toujours accordé de l’importance à la question des femmes depuis son apparition. Toutefois, ils l’ont intégrée dans leurs programmes politiques avec leurs composantes économiques, sociales et culturelles 232 arabes n’ont pas appliqué ce principe dans leurs lois électorales. Ceci est le cas de l’Arabie Saoudite qui a exclu les femmes des premières élections municipales de février 2005, du Koweït dont la loi électorale, promulguée en 1962 – avant son amendement en mai 2005 – avait restreint le droit de candidature et de vote aux seuls hommes. L’un des paradoxes est que, à première vue, les statistiques relatives à la participation politique montrent un accroissement du taux de participation politique des femmes dans les Etats dirigés par des régimes dictatoriaux, ce qui confirme la faiblesse de la relation entre l’accroissement du nombre de femmes dans l’autorité politique et le progrès dans le sens de la démocratie. De même, devant l’intérêt particulier porté par les organismes des Nations Unies à l’autonomisation des femmes et la décision d’un certain nombre d’Etats et d’institutions étrangères de lier leur aide à l’amélioration de la situation des femmes dans la région, de nombreux Etats arabes ont tenté de contourner cette condition par le recours à la représentation formelle des femmes, alors que les citoyens en général et les femmes en particulier restent marginalisés quand il s’agit des affaires publiques (Fayyad, en arabe,2004). Aussi, le nombre de sièges occupés par des femmes ne veut pas nécessairement dire qu’elles sont représentées de façon démocratique. Il peut, en fait refléter des concessions faites à un groupe de femmes soutenues par l’Etat contre d’autres femmes qui, de par leurs postures, et bien qu’elles constituent une composante des forces réellement actives de la société, font l’objet de marginalisation. L’existence d’entités féminines n’est pas l’expression d’un vaste mouvement social des femmes, mais plutôt l’expression d’équilibres élitistes au niveau du pouvoir, d’intérêts économiques et de considérations politiques, internes et externes. C’est ce que reflète la composition des élites féminines dominantes et leur absence de représentativité des différents secteurs et courants des femmes (Ezzat, Texte d’appui au Rapport). Les Etats arabes sont dirigés par différents types de pouvoirs : monarchies, dynasties régnantes, démocraties pluralistes ou gouvernements à l’ombre de l’occupation. Ces différentes formes de pouvoir façonnent– et limitent – les moyens de participation à l’activité politique et civile des femmes et des hommes. Dans de telles conditions, les femmes souffrent d’une double injustice : l’autoritarisme de l’Etat–nation moderne les empêche les femmes et les hommes de jouir de leurs droits complets politiques et civiques; et les lois de ces Etats tiennent les femmes pour des mineures qui ont besoin de la tutelle et de la protection de leurs proches mâles pour tout ce qui a trait aux droits fondamentaux des personnes comme le mariage, le divorce, la garde des enfants, le travail, le voyage et même le droit pour les enfants de porter la nationalité de la mère. C’est dire que le contrat social appliqué aux femmes arabes se base sur le concept du patriarcat et que l’on n’est pas encore dans la situation du contrat “ de la fraternité des hommes ” ; autrement dit, les femmes arabes sont effectivement soumises à l’autorité des mâles (le père, le frère, le mari, etc.) Ceci signifie que les femmes ne sont pas encore considérées par l’Etat comme des individus et que la relation entre les femmes et l’Etat et la société n’est pas directe, mais se fait par le biais de la filiation aux hommes considérés comme des ‘individus’ et des citoyens eu égard à leur rôle de chef de famille (Jad, Texte d’appui au Rapport). Les partis politiques et la cause dEs femmes Les partis politiques arabes ont épousé la cause des femmes dans leurs programmes, mais ils ont divergé sur : • le poids à accorder à la question dans les programmes politiques généraux de ces partis ; • les références intellectuelles qui fondent leurs visions et attitudes sur la question. Les partis politiques dans les pays arabes ont toujours accordé de l'importance à la question des femmes depuis son apparition. Toutefois, ils l’ont intégrée dans leurs programmes politiques avec leurs composantes économiques, sociales et culturelles en la considérant comme un volet de la problématique sociale générale et non pas comme une question de genre qu’il Rapport sur le développement humain arabe 2005 fallait distinguer dans le discours politique général. Ainsi, ces partis ont fait valoir des revendications exigeant le droit des femmes à l'éducation, à l'emploi, à la protection sanitaire et sociale ainsi que la garantie de leurs droits au niveau du Code du statut personnel comme dans la vie politique par la reconnaissance de leur droit au vote et à se porter candidates. Cependant, les conditions politiques et idéologiques, qui ont présidé à la constitution et à l’évolution, positive et négative, de ces partis, ont pesé sur la nature de l'intérêt qu’ils ont porté à la question des femmes. La plupart de ces partis politiques ont vu le jour dans le contexte politique de la domination coloniale occidentale. C’est la raison pour laquelle ils ont été amenés à centrer leur intérêt sur la cause nationale, en réclamant l'indépendance de leurs pays et en participant, sous différentes formes, à la résistance anticoloniale. La question sociale, y compris la cause des femmes, a ainsi été reportée jusqu'à l'obtention de l'indépendance. Une fois l’indépendance acquise, les partis politiques ont commencé à élaborer des programmes généraux sur les réformes à entreprendre où le politique, le social et le culturel s’interpénètrent. Dans ce cadre, la question des femmes a pris une nouvelle dimension, les femmes formant la moitié de la société. Cependant, les mots d’ordre sur la réforme se sont, en général, appuyé sur la pensée positiviste en considérant que la réforme globale (la société) ne peut avoir lieu qu’à travers la réforme partielle (la famille) et que la réforme de cette dernière exige la considération de la situation des femmes en tant composante essentielle de la famille. Aussi s’est-on intéressé aux codes du statut personnel, non pas parce qu’ils devraient garantir des droits humains et sociaux d’égalité pour les femmes et leur permettre d’acquérir les compétences et les capacités qui lui permettent de participer à la prise en charge de leurs familles et donc de leurs sociétés, mais pour réglementer leurs relations avec leurs maris et leur garantir quelques droits au sein de la structure familiale traditionnelle. En outre, l’importance de l’éducation des femmes a été mise en exergue, non pas parce que l’éducation est l’un des droits fondamentaux des femmes, Les structures économico–politiques Une femme brillante : Djamila Bouhired “ Nom : Djamila Bouhired Numéro de cellule : 90 Prison militaire : Oran Âge : 22 ans Les yeux comme les cierges d’un “ temple ” Les cheveux arabes noirs Comme l’été ! Comme une cascade de tristesse ! ” C’est ainsi que le poète Nizar alQabbani immortalise avec ces lignes la femme militante algérienne. Etant l’une des militantes algériennes qui ont combattu au nom de la révolution nationale algérienne pour la libération nationale du colonialisme français, Bouhired a rejoint les rangs du mouvement de résistance clandestin en 1956 alors qu’elle n’avait encore atteint ses 20 ans. Elle fut arrêtée lors d’une opération des forces spéciales françaises. Traduite devant un tribunal en juillet 1957, elle est condamnée à la peine capitale. La forte pression de l’opinion publique internationale qui s’est mobilisée pour la soutenir a néanmoins forcé les Français à retarder l’exécution de la sentence ; elle fut transférée en 1958 à la prison de Reims, en France. Suite aux progrès réalisés lors des négociations entre la France et l’Algérie, à la signature des Accords d’Evian et à l’annonce de l’indépendance de l’Algérie en mai 1962, les prisonniers algériens ont été graduellement libérés, et Bouhired était parmi eux. Après l’indépendance, Bouhired a assuré la présidence de l’Union des femmes algériennes, jusqu’à sa démission. Se rappelant le jour de sa condamnation à la peine capitale, Djamila Bouhired dit, “ Ce fut le jour le plus beau de ma vie, j’étais convaincue que j’allais mourir pour l’histoire la plus merveilleuse au monde… Je me rappelle toujours que sur le chemin du retour de la salle d’audience du tribunal à la prison, les frères prisonniers ont crié à notre attention pour savoir quel était le verdict. Nous avons répondu en chantant l’hymne que les condamnés à mort fredonnent. Cet hymne débute ainsi : “ Dieu est Grand…. Nous nous sacrifions pour la mère patrie. ” J’étais avec Djamila Bou `Azza et ce fut un moment fort en émotions. Des milliers et des milliers de voix ont répété l’hymne avec nous, pour nous donner du courage ”. Elle se rappelle, aussi, le jour où elle et ses camarades femmes furent libérées de prison. Elle dit qu’elle a erré dans les rues de Paris pendant 48 heures sans but et sans se reposer. Paris l’a impressionnée tellement qu’elle s’est demandée naïvement, “ si leur pays est si beau, comment se fait-il qu’ils veulent mettre la main sur le nôtre ? ” Farida Allaghi mais parce que une telle éducation a un impact positif sur l’éducation des enfants et parce que les hommes éduqués et les cadres de l’Etat peuvent ainsi vivre avec des femmes instruites à l’image du modèle européen. Ces partis politiques ont eu recours à une multitude de références intellectuelles allant de la pensée néo-salafiste, au nationalisme, au libéralisme en passant par le socialisme selon le système intellectuel adopté par l’un ou l’autre de ces partis. Ces partis politiques se sont inspirés dans leurs projets de réformes, relatifs aux femmes, des idées et des efforts d’interprétation d’un certain nombre d’intellectuels réformateurs tels que Rifa‘a al-Tahtawi, Muhammad ‘Abdu, Qasim Amin, Farah Antoine, al-Tahir al-Haddad, Salama Musa, Muhammad Ibn al-Hasan al-Hajawi, Allal al-Fasi et d’autres 233 Le trait général des partis politiques dans les pays arabes, qu’ils dans l’opposition ou au pouvoir, est le faible niveau de la présence féminine dans l’activité partisane Le développement des revendications des mouvements des femmes arabes et le fait que les gouvernements acceptent de plus en plus de considérer le quota comme moyen de faire accéder les femmes aux centres de prise de décision ont abouti à quelques changements positifs. 234 encore. Toutefois, les échecs politiques successifs des différents projets et appels à la réforme ou au changement sur la scène arabe ont conduit à de fortes divergences sur l’évaluation des contextes arabe et international, entraînant du même coup de sévères divisions politiques. Ceci s’est traduit par une balkanisation de la carte partisane dans les pays arabes et à une atomisation des attitudes des partis politiques par rapport à la question des femmes. On assista alors à une diversification des positions et une multiplication des propositions. Ceci n’a cependant pas empêché ces partis politiques de considérer la question féminine comme une composante essentielle de leur discours et de leur action. Il en a résulté ce qui suit : • la constitution de secteurs féminins dépendant de ces partis politiques ; • la constitution d'association et d’unions féminines formellement indépendantes mais dépendantes des partis au niveau de l'encadrement et de l'orientation ; • associer des femmes aux instances dirigeantes, même si c’est à des taux faibles et variés d’un parti à l’autre ; • la coordination avec les organisations de la société civile, y compris les organisations féminines, en matière de revendications ; • l’inscription de la cause des femmes dans leurs programmes et revendications. Ces revendications peuvent concerner les hommes et les femmes à la fois (enseignement, santé, emploi, promotion sociale, etc.), comme elles peuvent propres aux femmes (Code du statut personnel, les droits politiques représentés en principe dans leur droit à pouvoir voter et être candidates aux élections municipales et parlementaires, l’égalité d’accès aux postes de direction des différents organismes et administrations, la revendication du système des quotas pour les femmes par certains partis). Ces partis politiques ont réussi, malgré leurs divergences et leurs positionnements politiques d’un pays arabe à l’autre, et en dépit du blocus qui leur est imposé par les régimes en place, à faire avancer la cause des femmes à travers : • les alliances et les blocs partisans ; • la coordination avec les organisations de la société civile qui partagent leurs visions ; • la coordination avec les mouvements féminins pour appuyer les positions et les revendications ; • la coopération avec les organes officiels, les partis au pouvoirs ou administratifs quand les alliances politiques conjoncturelles l’exigent. Ces efforts ont contribué à la réalisation de nombreuses avancées en faveur des femmes dans les pays arabes (Guessous, Texte d’appui au Rapport). Mais en dépit de ces avancées, le trait général des partis politiques dans les pays arabes, qu’ils dans l'opposition ou au pouvoir, est le faible niveau de la présence féminine dans l’activité partisane qu’illustrent l'absence quasi-totale des femmes dans les instances dirigeantes à tous les niveaux et dans tous les espaces et la présence timide et limitée dans les structures moyennes et inférieures. des quotas pour les femmes dans les institutions politiques L’application du système de quota doit être une étape d’un processus global de développement, autrement elle ne serait qu’un geste symbolique dont l’effet disparaît avec l’arrêt du système. D’aucuns pensent que l’application du système des quotas en Jordanie, dont l’expérience démocratique est récente, a permis de porter quelques femmes au parlement, a représenté un pas pour briser les barrières dressées face à la participation politique active des femmes et a encouragé les tribus à présenter des femmes candidates. Toutefois, il y a un consensus qu’il ne s’agit là que d’un geste temporaire en attendant que le contexte et la société soient plus favorables à la mise en œuvre de l’égalité totale. Le développement des revendications des mouvements des femmes arabes et le fait que les gouvernements acceptent de plus en plus de considérer le quota comme moyen de faire accéder les femmes aux centres de prise de décision ont abouti à quelques changements positifs. Au Maroc, le pourcentage de femmes parlementaires est passé de 1% en 1995 à 11% en 2003. En Jordanie, ce taux passe de 2,5% en 1995 à 5,5% en 2003 et en Tunisie de 6,8% Rapport sur le développement humain arabe 2005 en 1995 à 11,5% en 2003 (UNIFEM, en arabe, 2004, 270). En IraK, le taux participation des femmes aux élections a atteint 25% en 2005. L’UNIFEM estime, dans son rapport sur les acquis des femmes, que les expériences de la Jordanie, du Maroc et de la Tunisie confirment que le système des quotas représente un nouveau mécanisme pour accroître la représentation des femmes dans les différentes instances législatives. Le système des quotas a aussi contribué à introduire les femmes dans les conseils des gouvernements locaux où la résistance à l’entrée des femmes est plus forte. Les femmes y ont accédé pour la première fois en Palestine, quand le Ministère du gouvernement local a promulgué – suite aux fortes pressions exercées par le mouvement féminin palestinien – un décret pour nommer une seule femme dans chacun de quelques conseils de gouvernement local. Cependant, lors des premières élections de ces conseils, tenues en décembre 2004 dans le cadre de l’Autorité palestinienne, 59 femmes ont remporté des sièges sur 139 candidates contre 254 sièges pour les hommes sur 852 candidats. En d’autres termes, les femmes ont obtenu 17% des 306 sièges sur les 26 points dans lesquels se sont déroulées les élections. Sur l’ensemble des femmes élues, 35 l’ont remporté face à des hommes – ce qui représente un plus pour le mouvement des femmes palestiniennes – et 24 furent élues sur la base du principe du ‘quota’ (Le journal palestinien Al–Ayyam, 2004:9). Les élections législatives palestiniennes de 2006 offrent un exemple unique qui permet d’évaluer l’impact du système des quotas sur l’ampleur de la participation parlementaire féminine. Les élections se sont déroulées sur la base d’un système mixte qui permet d’élire la moitié des membres du conseil à partir de listes partisanes et l’autre moitié directement dans les circonscriptions. Des quotas de femmes sur les listes partisanes ont été fixés. Le nombre des femmes candidates dans les circonscriptions a été de 15 sur 414 candidats, mais aucune d’entre elles n’a été élue; alors que les candidates faisant partie des listes partisanes étaient 70 sur un total de 314 candidats ; 17 d’entre elles ont été élues, à un taux de 24%. Ainsi, les femmes occupant des Les structures économico–politiques sièges dans le conseil législatif élu en 2006 ont représenté 12,9% (soit 17 sur 132 membres), contre 5,6% dans le conseil précédent. Ceci est du à l’absence de quotas réservés aux femmes lors des élections législatives palestiniennes de 1996, contrairement à celles de 2006 qui ont retenu des quotas de trois femmes par liste, sans qu’il y ait cependant de quotas au niveau des circonscriptions. La démocratie authentique accroît la participation des femmes, et la participation authentique des femmes consolide la démocratie dans les pays arabes. La société civile arabe et la question de la femme Le monde arabe assiste, depuis le début des années 1990, à une forte expansion des associations actives et des organisations non gouvernementales. Une grande partie de ces organisations travaillent sur les questions d’autonomisation des femmes sur les plans politique, économique, juridique et social. Quelques-unes d’entre elles ont réussi à organiser des campagnes nationales pour modifier quelques lois injustes à l’égard des femmes, comme par exemple la modification du code pénal jordanien en matière de ce qui est appelé délits d’honneur, pour l’adoption du système des quotas comme en Algérie, en Jordanie, au Maroc, en Palestine et dans d’autres pays ou encore pour faire pression sur les gouvernements pour prendre les mesures à même de mettre fin à la violence à l’égard des femmes. De nombreuses lois dans les pays arabes imposent aux associations civiles, à caractère féminin ou civil, de ne pas s’impliquer en politique ou de toucher aux questions politiques. Ceci agit comme une barrière juridique contre la libre expression de l’opinion, ce qui implique que la politique est soustraite aux activités de la société civile et à toute activité civile et social (Hatab, en arabe, 2004:157-169). En dépit de l’importance du soutien apporté par ces organisations et associations, pour ce qui est des services offerts, dans différents domaines, à des franges de la population féminine qui en ont besoin, les doutes subsistent quant à leur capacité à La démocratie authentique accroît la participation des femmes, et la participation authentique des femmes consolide la démocratie dans les pays arabes. 235 Les médias sont une arme à double tranchant : ils sont un terrain pour l’action des forces de changement des relations du genre social mais ils peuvent aussi constituer une arme entre les mains des forces hostiles au changement. changer les rapports de forces dominants dans les sociétés arabes, rapports qui ne sont pas favorables aux femmes. Certaines études indiquent que la plus grande présence de ces organisations est concentrée dans les centres urbains, loin des régions pauvres et marginalisées (Ben Nefissa en anglais, 2001; Hanafi et Tabar en anglais, 2002:31-37 ; Jad, en anglais, 2004b; al-Shalabi, en arabe, 2001; ESCWA, en arabe, 2006b; sous impression). Les franges de la population féminine qui subissent les plus grandes privations et qui sont les plus indigentes sont souvent hors de la portée de l’action de ces organisations. En outre, la représentation des femmes dans ces organisations, toutes positions économiques et sociales confondues, reste faible et se limite habituellement aux femmes instruites de la classe moyenne. En plus, le développement de ce type d’organisations sociales ne signifie pas nécessairement une plus grande représentation politique ou sociale des différentes franges de la population féminine. Il semble d’ailleurs que bon nombre de ces organisations ne cherchent pas fondamentalement à organiser les femmes pour défendre leurs droits et intérêts, mais plutôt des droits en général dont la satisfaction répondrait aux intérêts de toutes les femmes. L’expérience montre que le discours produit par cette forme d’organisation est facile à réfuter et à rejeter par n’importe quelle autre force politique disposant d’une large base sociale qu’elle représente et dont elle défend les intérêts, même lorsque d’aucuns estiment qu’une telle force politique œuvre à l’encontre des intérêts des femmes, comme les mouvements politiques socialement conservateurs. Le rôle des médias Les médias jouent généralement un rôle important dans la stimulation de la participation politique et dans le changement des stéréotypes sur les rôles du genre social. Cependant, les médias sont une arme à double tranchant : ils sont un terrain pour l’action des forces de changement des relations du genre social mais ils peuvent aussi constituer une arme entre les mains des forces hostiles au changement. Ainsi peut remarquer les contradictions du discours médiatique quand il s’agit par exemple du 236 traitement des questions de la violence à l’égard des femmes telles que les ‘crimes de l’honneur’ ou la circoncision ou lorsqu’il s’agit de modifier les codes du Statut personnel. Les médias audiovisuels arabes, surtout les chaînes satellitaires, ont connu une grande expansion. Le nombre de femmes dans ces médias s’est également accru comme le montrent les statistiques relatives à certains pays arabes. Néanmoins d’autres pays comme le Yémen, par exemple, accusent un faible taux de participation féminine dans les mass médias (audiovisuels et écrits), bien que le nombre de femmes travaillant dans ce secteur augmente progressivement. La société et la famille continuent de tenir le travail dans ce domaine pour indigne et inacceptable. De plus, l’intérêt que les femmes portent à ces médias ne va pas au-delà des préoccupations traditionnelles des femmes comme l’art culinaire, la gestion du foyer et les produits cosmétiques. Aussi, bien que l’intérêt des femmes pour le travail dans les médias se fasse de plus en plus fort dans des pays arabes, comme la Palestine, le Liban et d’autres encore, il n’y a pas d’indication sur une tendance chez un grand nombre d’entre elles pour devenir reporters. De même, il n’y a pas d’indications sur une tendance chez les femmes à devenir propriétaires à copropriétaires des moyens d’information. Il est plus habituel que des femmes détiennent la propriété de sociétés qui éditent des publications sociales plutôt que des sociétés d’édition de publications politiques. En tout cas, les femmes sont loin de contribuer à l’élaboration des politiques et de participer à la prise de décision. Ainsi au Liban, la part des agences de publicité dont la propriété revient à des femmes reste faible et ne dépasse pas 11,68% de l’ensemble des agences publicitaires. En Palestine, aucune femme ne fait partie du directoire de la rédaction de l’un des trois journaux palestiniens, tandis qu’il n’y a qu’une seule femme rédactrice en chef d’un journal en Irak. La question reste posée quant à l’ampleur de l’impact positif qu’aura, sur les orientations générales des programmes et sur l’image de la femme, la présence croissante des femmes arabes dans l’espace médiatique, surtout eu égard à la présence de plus en plus grande des Rapport sur le développement humain arabe 2005 médias commerciaux qui associent la liberté sociale des femmes et la liberté de choisir un détergent ou une machine électrique donnés. L’égalité y est présentée comme l’égalité des femmes de consommer et leur liberté d’acheter, selon des considérations publicitaires régies par le marché de la publicité, avec ce qui s’en suit comme déformation de la conscience de la société et des femmes d’elles-mêmes. A cela, il faut ajouter une absence des femmes des sphères d’élaboration des politiques médiatiques, surtout celles d’entre elles dont la conscience des relations de genre pourrait aider à dans la prise de décision concernant ce que devrait être l’image à donner des femmes. Le fait d’insister sur des types précis de consommation de produits de nettoyage et de toilette renforce l’image stéréotypée des femmes dans ces domaines. De plus, la nouvelle vague de médias commerciaux centrent l’intérêt sur le corps des femmes comme une source de désir et de tentation pour les hommes, par le biais de la publicité et de la promotion de parfums, de vêtements, de moyens d’épilation, etc. Ce nouveau rôle assuré par un nombre de médias arabes ne renforce pas seulement les anciens stéréotypes sur les hommes et les femmes, mais encourage aussi les forces qui s’opposent à tout changement de ces rôles. Une telle situation appelle une attitude vigoureuse de l’Etat ainsi que des forces de la société civile pour faire en sorte que les moyens d’information jouent utilement leur rôle en vue de changer les stéréotypes et les relations du genre social dominants. Attitudes des forces politiques vis-à-vis des femmes arabes On peut dire que les différentes forces politiques présentes sur la scène arabe ne s’opposent pas à la promotion des femmes et à leur participation politique et sociale. Ces forces politiques considèrent acceptable l’égalité des femmes aux plans légal et politique. Le problème réside dans la concrétisation de ces visions dans la vie partisane et politique. La participation des femmes reste faible dans tous les partis politiques. Elle est peut être plus importante dans les partis au pouvoir Les structures économico–politiques dominants qui utilisent la mobilisation de masse, notamment dans les régimes qui n’adoptent pas le pluripartisme comme en en Syrie et en Tunisie. La seule exception par rapport à cette attitude relative à la promotion des femmes est représentée par le courant salafiste qui régresse sur le plan politique dans plusieurs pays, mais dont l’influence est en général manifeste dans la Péninsule arabique, bien que variant d’un Etat à l’autre. Il importe de souligner que les postures des courants et des forces politiques ne sont pas des postures tranchées axées uniquement sur des idéologies, mais sont celles de forces politiques agissant dans un espace général régi par une culture politique et sociale. Aussi faudrait-il mesurer le discours aux actes et comprendre la relation dialectique complexe entre les deux niveaux. Par exemple, la parti au pouvoir dans un pays arabe comme l’Egypte peut soutenir la participation des femmes, mais au moment des élections ce parti montre plus d’intérêt aux calculs politiques étroits au lieu de respecter l’obligation de principe telle qu’elle ressort du discours. Ce parti n’a présenté la candidature que de 6 femmes sur 444 candidats lors des dernières élections parlementaires, alors qu’il avait promis de présenter 25 candidates (Reuters). Un parti politique de gauche au Maroc peut être intellectuellement progressiste sur la question des femmes, mais les femmes n’occupent qu’un nombre limité de sièges au sein de ses comités centraux, etc. Il faut aussi souligner les disparités entre les différents courants à travers les pays : la gauche au Maghreb ne prend pas nécessairement les mêmes positions que la gauche au Mashrek sur les questions de l’Etat, de la religion et des femmes. Les Frères Musulmans au Maroc n’adoptent pas les mêmes stratégies politiques et les mêmes pratiques comme ceux de Syrie et d’Egypte. C’est la raison pour laquelle les postures des forces politiques ressemblent beaucoup plus à une matrice complexe qui ne peut pas être subdivisée seulement verticalement en forces politiques, mais qui doit être étudiée aussi en détail horizontalement pour comprendre les disparités géographiques et territoriales et mêmes régionales entre elles (Ezzat, Texte d’appui au rapport). La participation des femmes reste faible dans tous les partis politiques. Elle est peut être plus importante dans les partis au pouvoir dominants qui utilisent la mobilisation de masse, notamment dans les régimes qui n’adoptent pas le pluripartisme . 237 Les attitudes des mouvements islamistes vis-à-vis de la femme Le niveau de l’activité des femmes dans l’espace politique diffère selon les courants qui adoptent la vision intellectuelle des Frères Musulmans 238 La position des mouvements salafistes a toujours été claire, à savoir, que la place d’une femme est d’être à la maison et que son rôle est de s’occuper de la famille. Et s’ils ont accepté le droit de vote pour les femmes par analogie avec le principe d’allégeance, ils estiment par contre inacceptable d’accorder aux femmes le droit de se présenter comme candidates aux élections et d’occuper des fonctions publiques “ saddan lil-dhara’i ” (pour éviter les pièges). Ainsi les conceptions du courant salafiste, dans leur ensemble s’opposaient à l’efficacité et à l’activisme féminin dans la société civile. Ce courant adopte une vision de principe de la division du travail social qui cantonne les femmes aux rôles de la reproduction, de la maternité et de l’éducation des enfants, et qui met en garde contre la mixité. Le maximum que l’on puisse attendre des salafistes c’est qu’ils consentent, en matière d’activité sociale des femmes, d’accepter qu’elles assurent une activité indépendante dans les domaines de l’activité civile caritative. Il faut dire que, tenu pour constituer la source principale du terrorisme et visé depuis les événements du 11 septembre 2001, aussi bien dans ses expressions pacifiques que violentes, le mouvement salafiste vit une situation de désarroi tant au niveau de ses structures organisationnelles qu’au plan des thèses traditionnellement défendues par lui. Bien que ce courant ait historiquement opposé un refus aux idées de mixité et de participation politique des femmes, ses rangs ont connu de grandes divergences, pour ne dire conflits, au sujet du rôle que doivent jouer les femmes. Il y a en effet une tendance qui accorde la priorité au concept de supériorité masculine (qiwama) sur ceux de souveraineté (wilaya) et de participation alors que d’autres ont engagé des femmes salafistes dans des opérations militaires (en IraK par exemple) ou ont accepté des droits politique des femmes tout en excluant la petite et la grande imamas comme au Koweït (une telle orientation est rejetée par une grande majorité au Yémen et en Arabie Saoudite). Cependant, toutes les composantes du mouvement acceptent l’idée d’une activité sociale indépendante des femmes dans le domaine de l’activité civile caritative. Sur l’autre côté de la scène, le mouvement des Frères musulmans adopte une position de principe favorable à l’obtention de leurs droits politiques par femmes. Il accepte en outre, à cet égard, des interprétations élaborées par des docteurs contemporains en sciences religieuses de l’intérieur du mouvement ou proches de lui comme al-Ghazali et al-Qaradawi, par exemple. En 1994, avant la tenue au Caire de la Conférence sur la population, les Frères Musulmans en Egypte ont publié un document intitulé “ La Femme musulmane dans la société musulmane ” reflétant une position modérée qui accepte la participation politique des femmes (excepté pour la grande imama). Le projet de réforme proposé en 2004 par les Frères Musulmans en Egypte comporte également une position modérée sur les questions relatives à la situation des femmes. Les organisations du mouvement en Algérie, en Irak, au Liban et en Tunisie ont des positions qui prennent pour point de départ le mot d’ordre de l’Etat civil qui assure aux femmes leurs droits politiques les plus importants. Il y a un courant chiite politique large en Irak et au Bahreïn qui partage ce point de vue avec les Frères Musulmans. Le courant shiite conservateur a par contre tendance à imposer des restrictions fondamentales au rôle des femmes dans la vie publique et à leur participation dans la vie politique. Le niveau de l’activité des femmes dans l’espace politique diffère selon les courants qui adoptent la vision intellectuelle des Frères Musulmans. Au sein du Parti de la Justice et du Développement au Maroc, on constate une présence significative des femmes et de plusieurs figures qui se sont distinguées lors des débats d’il y a quelques années sur le Code du statut personnel. Les femmes ont été aux premières lignes lors des élections législatives tenues au Maroc en 2002 et 15 candidates sur la liste des candidats du parti à ces élections ont été élues. Mais dans la mesure où le système de la proportionnelle fait que le nombre de sièges est rapporté à la part des voix obtenues par le parti, six seulement d’entre elles ont pu devenir parlementaires sur les 35 femmes qui Rapport sur le développement humain arabe 2005 Encadré 9-1 Shaykh Muhammad Mahdi Shams al-Din : Il n’y a aucune objection pour que les femmes occupent la fonction suprême “ (Sur) la question de l’éligibilité des femmes pour occuper la fonction suprême de l’Etat, nous en sommes arrivés, après examen des preuves – bien entendu Dieu, le Grand et le Glorieux, sait mieux que quiconque la réalité de Ses commandements – au fait que le consensus passé entre fukaha (jurisconsultes musulmans) et qui consiste à déclarer illégitime toute action de la part des femmes visant le pouvoir, est une prétention qui ne s’appuie sur aucune base crédible”. Source : Shams al-Din, en arabe, 2001, 5. Encadré 9-2 Abd Al-Halim abu Shaqqa : Le droit des femmes à élire et à se faire élire La loi islamique approuve le droit des femmes à voter La règle fondamentale stipule : “ les choses sont à l’origine permises”. Dans la mesure où la Loi islamique ne comporte aucune indication interdisant aux femmes le droit d’élire, nous considérons que ce droit est légitime à la base. Quant à l’application pratique, nous choisissons parmi ce qui est licite ce qui convient à nos circonstances et sert nos intérêts. Nous reproduisons ici un avis émis par Dr. Mustafa Al-Siba’i, puisse Dieu bénir son âme. Dr. Al-Siba’i était professeur de Shari’a (loi islamique) et doyen de la faculté de Shari’a (études et jurisprudence islamiques) de l’université de Damas. Son opinion que nous citons est celle d’un groupe de spécialistes de la Shari’a, qui ont débattu de la question de savoir jusqu’à quel point la Shari’a approuve le droit des femmes d’élire et de se faire élire. Dr. Al-Siba’i a dit, “ … après discussion et analyse des différents points de vues, nous avons considéré que l’Islam n’interdit pas ce droit aux femmes. L’élection est un exercice par lequel la nation choisit ses représentants pour légiférer et contrôler l’action du gouvernement. L’opération électorale est une procuration au cours de laquelle la personne se présente au bureau de vote pour accorder sa voix à ceux qu’il choisit comme ses représentants au parlement, pour parler en son nom et défendre ses droits. Il n’est pas interdit à la femme en Islam de donner une procuration à une personne pour défendre des droits et d’exprimer sa volonté en tant que citoyenne…” Le droit d’une femme d’être candidate à l’élection aux assemblées législatives La discussion là aussi tourne autour de deux axes : le premier, la Shari’a approuve le droit de la femme de se présenter aux élections et, le second, l’introduction de conditions particulières pour que la femme exerce ce droit. Premièrement : la Shari’a approuve le droit de la femme à se présenter aux élections. Nous réitérons que la règle fondamentale selon laquelle “ les choses sont à l’origine permises ”. Dans la mesure où la Loi islamique ne comporte aucune indication interdisant aux femmes le droit d’élire, nous considérons que ce droit est légitime à la base. Quant à l’application pratique, nous choisissons parmi ce qui est licite ce qui convient à nos circonstances et sert nos intérêts.. Nous reproduisons ici une opinion du ` Dr. Mustapha Al-Siba’i. Mustafa, puisse Dieu bénir son âme, dans laquelle il dit : “ … Si les principes de l’Islam n’interdisent pas à une femme d’être électrice, lui interdisent-ils d’être représentante ? Avant de répondre à cette question, nous devons savoir la nature de la députation au nom de la umma. Elle couvre nécessairement deux fonctions principales : 1. La fonction de légiférer: la production des lois et des règlements. 2. La fonction de contrôle : le contrôle du comportement et des actions du pouvoir exécutif. S’agissant de légiférer, il n’y a rien en Islam qui interdise qu’une femme soit législatrice, parce que le travail législatif nécessite, avant tout, le savoir et la connaissance des besoins de la société et ses nécessités de base. L’Islam accorde le droit au savoir aux hommes et aux femmes sur un pied d’égalité. Notre histoire a connu un grand nombre de femmes de sciences dans les disciples du Hadith, de la jurisprudence, de la littérature, etc. ” Deuxièmement : l’introduction de conditions particulières pour que la femme exerce ce droit Le contrôle de l’autorité exécutive entre dans la catégorie du fait d’ordonner le convenable et d’interdire le blâmable, et à cet égard les hommes et les femmes sont égaux du point de vue l’Islam. Allah, le Glorieux et le Sublime, dit dans le Coran : “ Les croyants et les croyantes sont alliés les uns des autres. Ils commandent le convenable, interdisent le blâmable.. ” (Coran, AT-TAWBAH (LE DÉSAVEU ou LE REPENTIR), vers 71). Par conséquent, il n’y a rien dans les textes explicites de l’Islam qui puisse priver les femmes de leur aptitude à exercer l’activité parlementaire dans ses volets législation et contrôle du pouvoir exécutif ”. Source : Abu Shaqqa, en arabe, 1999, 446-448. Les structures économico–politiques 239 ont accédé au parlement après le boom de la représentation féminine au parlement suite à l’arrangement national de faire figurer les femmes sur de la liste nationale des partis. Dans une autre partie du monde arabe, on constate une présence remarquée des femmes au sein de l’Union Islamique du Kurdistan, avec cinq femmes sur 35 membres du bureau politique, trois femmes islamistes appartenant à l’Union Islamique siègent au parlement du Kurdistan. En outre trois femmes de cette Union siègent au parlement irakien. La force du mouvement salafiste dans certains pays, particulièrement dans la Péninsule arabique, est telle qu’elle pousse les Frères Musulmans, en dépit de leur ouverture Une femme brillante : Zaynab Al-Ghazali Zaynab Al-Ghazali a été considérablement influencée par l’éducation religieuse qui lui a été prodiguée par son père, qui était un des ulama de l’Azhar al Sharif. Son père l’habitude d’appeler sa fille Nasiba, référence heureuse Nasiba AlMaziniyya Al-Ansariyya bint Ka’b, qui faisait partie des compagnons célèbres du Prophète. Après la mort de son père, Zaynab Al-Ghazali a regagné avec sa mère le Caire pour vivre avec ses frères, qui y étudiaient et travaillaient. Son frère aîné refusa son instruction. Elle alla elle-même demander au directeur d’une école de filles de l’y inscrire. AlGhazali étudia dans des écoles publiques mais ceci n’était pas assez pour elle. Elle commença à se rendre aux cours de sciences religieuses donnés par les cheikhs de l’Université Al Azhar afin de combiner les sciences modernes de l’enseignement public avec leurs contreparties traditionnelles appris directement auprès des cheikhs. Après obtention de son baccalauréat, Al-Ghazali rencontre Huda Sha’rawi et devient membre de l’Union des femmes. Il était prévu qu’elle se rende en France dans le cadre d’une bourse d’études, mais elle ne l’a pas fait bien qu’ayant été choisie, avec deux autres jeunes femmes de l’Union. Al-Ghazali a continué à être active au sein de l’Union en reprenant à son compte les idées de Huda Sha’rawi et son projet pour le développement des femmes et leur préparation à assumer leur rôle culturel et social, tout en continuant à faire ses prières, à jeûner, à lire le Coran et à porter la casquette. Par la suite, un certain incident a constitué un tournant dans sa vie entraînant la naissance de la Zaynab voilée, qui démissionne de l’Union des femmes sans toutefois jamais avoir de doute à propos de la foi de Huda Sha’ rawi, de sa sincérité et son amitié en dépit du caractère laïc de son mouvement et de sa position sur la question du voile. La démarche d’Al-Ghazali constitue une réponse précoce aux appels à la libération des femmes selon une vision islamique et une réponse irréfutable à tous ceux qui ont cherché à lier le retard des femmes à l’Islam. Elle fonda l’Association des dames musulmanes en 1937 sur son initiative personnelle qui n’avait rien à voir quelque organisation politique ou masculine qu’elle soit et a obtenu une autorisation du ministère des Affaires religieuses, alors qu’elle n’avait pas encore dépassé ses dix-huit ans. Elle 240 tenait des réunions hebdomadaires régulières pour encourager l’activisme et le prosélytisme. Suite à son succès, elle se rapprocha de la Djamaa des Frères musulmans pour finalement intégrer l’association dans la Djamaa. L’association ne s’est pas contentée des activités caritatives. Elle s’est également tournée vers l’action politique qu’on ne peut pas dissocier de l’action sociale. En effet, dans l’esprit de Al-Ghazali, la politique influence les activités caritatives, culturelles et sociales… Dans la mesure où l’objectif de l’association est de défendre l’Islam, d’exiger l’application de la Shari’a et d’appeler les musulmans à suivre les enseignements du Livre de Dieu, elle s’est naturellement heurtée à tous les partis politiques et au pouvoir en place... Cette confrontation atteint son apogée avec son arrestation à son domicile le 20 août 1964 dans le cadre d’une d’une campagne contre les Frères musulmans qui s’est soldée, pour Zaynab Al-Ghazali par une condamnation à la prison à perpétuité. Elle sera libérée en 1971. AlGhazali parle de cette épreuve douloureuse dans son ouvrage célèbre, Ayyamun min hayati (Jours de ma vie) (Dar el-Shorouk, 1995), qui est considéré comme un document historique sur une période historique importante - de 1964 à 1971 - dans la vie du mouvement islamique contemporain. Zaynab Al-Ghazali a une vision optimiste et positive du rôle des femmes musulmanes. Malgré son discours ressassé sur “ le royaume de la femme, sur le trône duquel elle s’assiérait et qui fait d’elle une reine dans son foyer ”, elle considérait que le développement et la modernisation du monde musulman passaient par l’intermédiaire des femmes et que la promotion de la société commence et finit avec elle. Elle a visité la plupart des pays du monde musulman pour défendre les idées et soutenir la cause des mouvements islamistes pendant la deuxième moitié du vingtième siècle. Elle a de nombreux écrits, certains sont en cours d’édition. Il en a été publié Nazarat fi Kitab Allah (Vues du le Livre de Dieu), Nahwa Ba’tin Jadid (Vers une nouvelle Renaissance), Ila Ibnati (A m