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Workshop 1 Mai 2011 La ville amphibie Projets des étudiants de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles et de l’Université de Chulalongkorn à Bangkok Sous la direction de Richard Scoffier Atelier International du Grand Paris Bertrand Lemoine Directeur général de l’Atelier International du Grand Paris Investir les rives du fleuve, s’approprier et partager la proximité de l’eau voire construire sur les zones inondables : ces démarches ont figuré en bonne place dans les propositions formulées par la plupart des dix équipes pluridisciplinaires d’architectes-urbanistes réunies pour la consultation sur le Grand Paris. La considération du potentiel qu’offre la Seine qui traverse en diagonale toute la métropole, en étirant jusqu’à la mer sa présence territoriale, va bien au-delà de son acceptation traditionnelle, qui juxtapose espaces urbains, ports et paysages naturels. C’est à la définition d’une stratégie globale sur le fleuve qu’ont été invitées les dix équipes, à la reconquête de cet espace collectif majeur, tout à la fois enjeu urbain et support de paysages, véritable monument fédérateur de l’identité métropolitaine. La Seine impose en effet sa présence irradiante dans tous les territoires qu’elle traverse. Mais la relative mobilité du cours du fleuve définit une variation possible de son lit observé lors des crues. Cette frange incertaine, déjà en partie urbanisée, suggère une appropriation graduée, subtile. La logique de projet au cœur de la consultation a permis de dépasser la simple notion de gestion des risques dans les zones inondables pour proposer des modes permettant de vivre avec le fleuve, en conjuguant aménités et fonctionnalités avec la prise en compte des variations possibles des étiages. Au-delà de l’évaluation du risque d’inondation, au demeurant réel tout au long de la vallée de la Seine quoique sur un mode progressif et non catastrophique, les propositions de dispositifs et de formes appropriées ont clairement souligné tout le potentiel que le Grand Paris pouvait attendre de la Seine. L’intérêt du workshop conjointement organisé par les écoles d’architecture de Versailles et de Bangkok et accueilli à l’Atelier international du Grand Paris a bien été d’approfondir cette perspective dans une démarche à la fois pédagogique et expérimentale, conjuguant une réflexion théorique, menée à la lumière de l’expérience quotidienne de la métropole thaïlandaise et de sa proximité avec l’eau, avec une application située. Le choix pour le Grand Paris de l’Ile-Saint-Denis comme territoire d’expérimentation a fourni un cadre idéal au travail sur les différentes problématiques liées au fleuve. Au-delà de la poétique des différentes propositions, ce travail fait ressortir la nécessité d’approfondir les potentialités liées au fleuve et à ses rives, de porter des regards croisés sur ses usages et sur les qualités de ses rives. La liberté de parole et d’invention offerte par ce cadre pédagogique international a permis d’éclairer d’un jour nouveau ces démarches de projet, qui contribuent utilement à nourrir le corpus de références à partir duquel peut construire le Grand Paris. *** Vincent Michel Directeur de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles La problématique de la Ville amphibie – d’une ville capable d’évoluer entre deux milieux, terrestre, aquatique, constitue un remarquable exemple de ce que les écoles d’architecture peuvent aider à produire en terme de réflexions sur l’état du monde et les possibilités de sa transformation. Partant d’un workshop international d’étudiants, tels que ceux fréquemment initiés entre l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles (ENSA-V) avec d’autres établissements d’enseignement supérieur et de recherche, ici la Faculté d’Architecture de l’Université de Chulalongkorn (Bangkok en Thaïlande), les coopérations mises en oeuvre apportent soudain un éclairage nouveau à la question des catastrophes liées aux risques climatiques et comment y faire face. En acceptant, sur proposition de l’ENSA-V, d’accueillir à l’AIGP au Palais de Tokyo, ce workshop international d’étudiants, Bertrand Lemoine son directeur a été bien inspiré. Les grands acteurs publics, dorénavant fédérés par l’atelier international du Grand Paris, ont intérêt à favoriser les connections fertiles qui s’opèrent, depuis le lancement de la consultation entre les équipes mobilisées et le réseau de recherche des ENSA. Il y a beaucoup à gagner à solliciter la vision de ces nouvelles générations d’étudiants, nées avec l’internationalisation des formations et la « planétarisation » des questions environnementales. Cette publication veut témoigner de la richesse des relations créées et donner à voir comment des étudiants en architecture aussi différents et éloignés de par leur histoire et la géographie (Europe, Asie du Sud-Est...) imaginent par exemple les aménagements futurs de l’Ile Saint Denis, à l’aune d’une expérience ancestrale contenue dans l’architecture thaïlandaise. A l’initiative de ce workshop Richard Scoffier raconte cette aventure, en l’intégrant dans l’histoire de la ville et de l’architecture, et en la mettant au service de la prospective urbaine. Durant la même année 2011 où il inventait avec l’ENSA-V la première université populaire d’architecture au Pavillon de l’Arsenal à Paris, ce dernier conduisait la coopération à la fois culturelle, scientifique et professionnelle entre Bangkok et le Grand Paris. La réussite de l’échange doit beaucoup aux partenaires thaïlandais dont la puissance d’accueil n’a jamais faibli malgré les grands débats politiques qui traversent ce pays. Elle doit aussi aux qualités propres de cet enseignant qui pratique l’architecture comme mode de penser le monde, d’en saisir la mouvance, les mobilités, la fluidité et d’agir sur les grands paramètres constituant l’urbanité et son devenir. L’homme cultive la philosophie et fait constamment œuvre de professeur d’architecture, au sens plein que donne Peter Sloterdijk, à ce concept de professeur. Cette figure est nécessaire pour faire de l’enseignement supérieur et de la recherche en architecture un lieu où se pensent les réponses aux besoins de la société. La problématique de l’eau, omniprésente ici, dans le sujet d’étude, n’est pas étrangère au choix de l’ENSA-V, d’impliquer la recherche en architecture dans la thématique si actuelle « Le vivant et la ville ». C’est encore ce même thème de l’eau, l’eau à l’origine à la fois de la vie et de la ville, qui anime l’œuvre des Ortas créée avec l’ENSA-V et son Centre d’art contemporain, et présentée fin 2011 à la Maréchalerie. Aujourd’hui, l’ENSA-V constitue un foyer d’enseignement supérieur à la maîtrise de projets complexes, un espace de recherche sur la ville et la construction, un partenaire indispensable à la diffusion de la culture architecturale, urbaine, paysagère, un observatoire ouvert sur le monde, passionnement attentif aux questions de société. Elle entend participer toujours plus aux débats proposés par le Grand Paris. Les collectivités publiques territoriales l’ont compris et font elles aussi de plus en plus souvent appel à l’ENSA-V pour animer le débat avec les citoyens et accompagner la transformation d’espaces urbains délaissés mais néanmoins susceptibles de participer à de nouveaux équilibres dans la métropole de demain, confrontée aux défis climatiques. *** / Textes : Richard Scoffier Conception : Richard Scoffier, assisté de Clémentine Debaere Coordination AIGP : Sandrine Sartori, Hoda Hamzeh Traductions : Patricia Ciriani Conception graphique et direction artistique : Sylvain Enguehard Impression : Ingoprint - Barcelone Workshop 1 Mai 2011 Crédits photographiques Hélène Orlati : p. 6, 74 Richard Scoffier : p. 9 14-15, 20, 50 Université de Chulalongkorn : p. 6, 15, 74, 78-86 La ville amphibie Projets des étudiants de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles et de l’Université de Chulalongkorn à Bangkok Sous la direction de Richard Scoffier Atelier International du Grand Paris Ile Saint-denis Paris 4 _La ville amphibie_Worshop 1 5 _La ville amphibie_Worshop 1 Richard Scoffier Maître-assistant à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles Entre-deux Constructions sur pilotis dans le village d’Hua Wiang L’architecture thaïlandaise semble avoir, dès son origine, conclu un pacte avec l’eau. Comme si elle répondait à un espace fluide, jamais vraiment fixé, jamais vraiment achevé, jamais vraiment né. Avant même de s’inscrire dans un relief, les habitations thaïes traditionnelles peuvent être appréhendées comme des dispositifs conçus pour flotter entre deux eaux : l’eau qui tombe du ciel et l’eau qui monte de la terre. Toutes les maisons s’apparentent ainsi à des bateaux, à des arches de Noé en attente d’un déluge. Elles témoignent d’un monde instable qui ne possède ni sol ni ciel et paraît seulement composé de lumière, de vent et d’eau. Un monde informe et tourbillonnant où rien n’est donné définitivement. Un monde de métamorphoses et de turbulences, imageant de manière paroxystique la conception de la nature professée par Lucrèce dans son De rerum natura, où le stable n’est qu’un moment de l’instable. Les constructions vernaculaires possèdent ainsi des toits aux pentes très fortes, parfois légèrement incurvées pour chasser au loin une pluie qui peut tomber en trombe. Elles reposent sur des pilotis ou flottent directement sur l’eau. Ces éléments porteurs, souvent obliques, esquissent une structure pyramidale afin de résister aux efforts latéraux et obtenir une stabilité maximale. 6 _La ville amphibie_Entre-deux 7 _La ville amphibie_Entre-deux Vue aérienne Écluse d’une klong de Bangkok Bâteau habité Marché flottant d’Amphawa Ils supportent aussi des terrasses qui esquissent un sol artificiel permettant de relier les différentes dépendances de la demeure à l’abri des crues ou des marées qui noient le paysage. Pas de murs, uniquement des toitures et des planchers qui lévitent dans l’espace : les parois sont composées de panneaux de bois tressés ou ajourés pour laisser passer la brise. Partout des digues, des canaux, des écluses : retenir temporairement et dévier ; jouer avec les flux d’eau, les canaliser, les domestiquer, sans jamais clairement s’y opposer. La population semble vivre dans l’inondation comme dans une catastrophe permanente, dans un pays où même les champs sont inondés pour s’appeler des “rizières”… 8 _La ville amphibie_Entre-deux Le nouvel an et sa fête de l’eau Ce savoir-vivre dans l’inondation, les étudiants de l’École d’Architecture de Versailles et de la Faculté d’Architecture de l’Université de Chulalongkorn ont tenté de le comprendre, de se l’approprier, en proposant à Bangkok et à Paris des dispositifs urbains répondant à la densité réclamé par notre contemporanéité. Des recherches qui repoussent de facto les frontières du probable notamment en France où zone inondable est trop souvent synonyme de zone inconstructible. Une manière de légiférer à relativiser d’urgence quand les signes avant-coureurs d’une montée générale des eaux apparaissent de toutes parts : notamment au printemps 2001 dans la Vallée de la Somme et, au début de l’année 2009, dans le Bassin d’Arcachon. 9 _La ville amphibie_Entre-deux Quai - Île Saint-Denis Plantation de cocotiers - Bang Krachao Vue aérienne - Île Saint-Denis Vue aérienne - Site de Bang Krachao Insularités Les différentes équipes ont travaillé sur deux sites : Bang Krachao, une anse du Chao Phraya (le fleuve des Grands Chanceliers) située en aval de Bangkok ; l’Île-Saint-Denis située dans un des méandres de la Seine à une dizaine de kilomètres au nord de Paris. Bang Krachao peut être assimilé à une éponge protégeant la capitale des inondations en absorbant les crues du fleuve et les marées montant de la mer. Mais cette presqu’île constitue surtout le véritable poumon vert de Bangkok. Principalement occupée par des plantations de cocotiers, de bananiers et de manguiers, elle est irriguée par un réseau complexe de canaux ainsi que par des jardins. Ses rares maisons en bois et ses temples se dressent sur des éminences, protégées des inondations. 10 _La ville amphibie_Entre-deux Quant à l’Île-Saint-Denis, elle a été complètement dévastée par la crue centennale de 1910. Elle en conserve encore les stigmates et peut-être considérée comme un territoire emblématique de l’inondabilité de la région Île-de-France. Elle forme un croissant d’environ 7 kilomètres de long sur cinquante mètres de large qui s’est constituée au fil du temps en agglomérant plusieurs bandes de terre. Son aménagement ne présente aucune homogénéité : trois parties distinctes se succèdent du nord au sud à la manière les séquences d’ADN sur un chromosome. Chacune possède son pont la reliant organiquement aux communes situées sur les autres rives. La première dessine une bande verte. Elle se compose d’une réserve naturelle interdite au public et seulement accessible par bateau, d’un parc départemental, de terrains de sport. La seconde est plus résidentielle. Elle comprend un quartier ancien caractérisé par des maisons individuelles et d’un secteur relativement urbain, traversé par le pont de la nationale 186 et du futur tramway qui desservira la Basilique Saint-Denis. Ses quais accueillent des péniches permettant à l’urbanisation de se poursuivre sur l’eau. La troisième reste à dominante industrielle. Elle renferme une zone d’entrepôts en mutation exploitée par Les Galeries Lafayette et par Le Printemps, traversée par des lignes à haute tension et par le viaduc de l’A86, une cité HLM et un centre sportif. 11 _La ville amphibie_Entre-deux Péniche amarée - Île Saint-Denis Bangkok inondée Un longtail dans une klong de Bangkok Convergences Les étudiants français et thaïs ont travaillé en équipe de manière itérative sur les deux sites. Ces équipes mixtes ont d’abord effectué des recherches pour trouver des points de convergence entre ces territoires, pourtant très éloignés l’un de l’autre. Elles ont défini chacune une problématique claire à partir de laquelle une proposition architecturale et urbaine pouvait se développer et convenir à quelques variantes près à ces deux lieux. Pour bien appréhender la portée à la fois universelle et locale de tout projet architectural. Une première équipe a été interpellée par la “Jungle” de Bang Krachao qui recèle une faune étonnante - notamment des varans géants - et par l’existence, sur la pointe nord de l’Île-Saint-Denis, d’une zone écologique isolée par des barrières infranchissables pour mieux accueillir des milliers oiseaux migrateurs. Cette approche l’a conduite à faire des propositions radicales, associant des réserves naturelles strictement protégées à l’exploitation de sources d’énergie non polluante. 12 _La ville amphibie_Entre-deux Plus circonspecte, une autre a reporté son attention sur les territoires limitrophes afin de recenser leurs activités : en Thaïlande, une cité d’affaires et de grands ensembles résidentiels ; en France, la future Cité du Cinéma et le parc des Chanteraines, très apprécié du public. Elle a ensuite considéré ces zones d’activités situées sur les rives opposées comme autant d’espaces servants pouvant distribuer et faire prospérer au moyen de passages surélevés les zones enclavées de la presqu’île de Bang Krachao et de l’Île-Saint-Denis en leur accordant la possibilité de se développer et de s’affirmer comme des mondes jalousement fermés sur eux-mêmes. Des étudiants ont préféré revenir sur le sujet. Ils ont réfléchi aux conséquences de la fluctuation du niveau des eaux qui recouvre périodiquement la presqu’île et qui menace toujours l’île, malgré ses digues. Une fluctuation capable d’interrompre cycliquement les communications routières. Ils ont cherché, en s’appuyant sur le modèle du condominium asiatique, à concevoir des dispositifs d’habitation autarciques pouvant aussi bien être desservis par voitures que par bateaux. 13 _La ville amphibie_Entre-deux Écluse à quatre tours du canal, redoublant l’anse de la Chao Phraya, et pont haubanné du périphérique industriel de Bangkok Ferry permettant la traversée de la Chao Phraya vers la péninsule de Bang Krachao Réseau aérien de Bangkok La réflexion, tout aussi fondamentale sur sol spongieux et le sol composite issu de la réunion d’un patchwork d’îlots hétérogènes, a poussé d’autres participants à affronter la question de la perte du sol de référence. Ils ont librement exploré la possibilité d’une architecture hors-sol, capable de générer de nouveaux rituels d’habitation. D’autres encore se sont intéressés aux infrastructures présentes sur les deux sites : le gigantesque pont haubané du périphérique industriel de Bangkok ainsi que le grand axe qui coupe l’île et traverse la Seine pour rejoindre la Basilique Saint-Denis. Ils ont associé ces ouvrages d’art à des mégastructures en attente de capsules et de container adaptés pour s’y clipser. 14 _La ville amphibie_Entre-deux Les ferries qui desservent la presqu’île, ainsi que les péniches amarrées aux quais de l’île et les bateaux qui seuls accèdent à réserve naturelle ont poussé une équipe à préserver l’insularité des deux sites. Coupant les ponts, elle a proposé de construire sur les berges d’épaisses murailles habitées et imaginé des équipements flottants pour les desservir et les animer. La dernière s’est interrogée sur les vastes réserves foncières qui, dans un cas comme dans l’autre, peuvent servir de base d’accueil aux touristes et autres immigrants provisoires qui ne cessent d’affluer et de refluer de ces deux capitales. Elle a conçu des dispositifs capables de répondre aux mouvements de ces populations nomades attirées et repoussées par les mégalopoles contemporaines. 15 _La ville amphibie_Entre-deux Aude Robert Siya Tearwatananon Narit Sikram Damien Vuillard (P)Réserver Ces étudiants se sont plus intéressés à la géographie énergétique qu’à la géographie sociale ou physique des sites sur lesquels ils sont intervenus. Réagissant instantanément à l’actualité - la catastrophe de Fukushima incitant les autorités thaïes à renoncer à investir dans l’achat d’une nouvelle centrale nucléaire - leur proposition pour Bangkok se fonde sur l’exploitation des sources d’énergie douce. Ils sont délibérément sortis des limites de l’intervention pour proposer une centrale hydraulique sur l’autre rive, là où les crues et la marée, inondent traditionnellement très fortement les terres. Ce dispositif est complété par des éoliennes et des panneaux solaires. Une centrale mari-motrice en bordure de la Chao Praya 16 _La ville amphibie_(P)Réserver 17 _La ville amphibie_(P)Réserver Bang Krachao, Bangkok N Existant La presqu’île préservée vue depuis la rive Elévation Projet futur Coupe transversale Un poumon vert 18 _La ville amphibie_(P)Réserver 19 _La ville amphibie_Entre-deux Île-Saint-Denis, Paris Le Pont Neuf emballé par Christo en 1985 Des ponts habités, emballés à la manière de Christo Energie produite par les différentes vibrations Coupe transversale sur la voie ferrée emballée 20 _La ville amphibie_(P)Réserver Plan de la voie ferrée Cette idée n’a pas été littéralement exportée sur l’Île-Saint-Denis. L’île est programmée pour se transformer en zone écologique inaccessible tandis que les axes difficilement amovibles qui la traversent et la polluent (lignes à autre tension, autoroutes, routes nationales, tramways) sont enfermés dans des sarcophages de béton. Sur ces constructions viennent s’accumuler, comme autant de baguettes de Mikado, de grands équipements pensés à l’échelle du territoire. Des adjonctions qui présentent elles aussi de nombreuses nuisances, mais n’ont pas besoin de contact avec l’extérieur : centres commerciaux, salles de sports, salles de spectacles, dancing, parc d’expositions, parkings... Les vibrations transmises par les voitures et les poids lourds qui roulent dans leurs tunnels à toute allure, les sauts des sportifs et des danseurs ou les applaudissements du public, apportent à ces espaces l’énergie nécessaire à leur maintenance. Ces faisceaux de volumes fermés sur eux-mêmes sont enfin emballés, à la manière de Christo, dans des bandes de feutre pouvant être investies par les animaux et les plantes. 21 _La ville amphibie_(P)Réserver Île-Saint-Denis, Paris L’île vue depuis la rive de Saint-Denis Coupe longitudinale sur l’autoroute emballée 22 _La ville amphibie_(P)Réserver L’enveloppe est envahie par la faune et la flore 23 _La ville amphibie_(P)Réserver Pierre Boivin Kritbodee Chaicharoen Anouck Foch Chalida Ganjanarux Johann Van Den Hende Embryon Cette équipe a réfléchi, en amont, sur l’Île Seguin pour l’appréhender comme un modèle de l’insertion d’une île, avec tout l’imaginaire qui lui est attaché, dans une zone urbaine. Entre 1929 et 1992 l’usine Renault a occupé la totalité de la surface de cette île. Elle était totalement autonome. Elle possédait sa propre centrale électrique ainsi que plusieurs pistes d’essais. Elle illustrait parfaitement ce que Michel Foucault nomme une hétérotopie : un espace fermé possédant ses propres rituels, sa propre temporalité et tendant à se constituer comme un monde en soi. Ainsi l’île Seguin n’était accessible que par un seul pont la reliant aux ateliers de Boulogne-Billancourt. Ces ateliers pouvaient être assimilées à des propylées, assurant le passage du monde profane à celui du travail sacralisé, mais aussi à une zone servante permettant à cette utopie concrète de fonctionner. Y étaient fabriquées les pièces détachées, assemblées ensuite sur l’île d’où les automobiles sortaient par bateaux. Une marina dans la jungle de Bang Krachao 24 _La ville amphibie_(P)Réserver 25 _La ville amphibie_(P)Réserver Bang Krachao, Bangkok Un pont végétallisé connecte le parc urbain à la zone naturelle préservée Un téléphérique assure la liaison des bureaux de Bangkok à la cité d’affaires Un réseau de canaux relie le secteur résidentiel aux marinas de la presqu’île L’accès des marinas par bateau Plan urbain 26 _La ville amphibie_(P)Réserver 27 _La ville amphibie_(P)Réserver Île-Saint-Denis, Paris Les zones résidentielles Le parc des Chanteraines et le parc de l’Île-Saint-Denis Les ponts roulants relient la rive au quartier d’affaires insulaire La cité d’affaires La cité du cinéma Plan de développement du projet Chaque secteur de l’île se développe à partir d’une zone d’activités située sur les autres rives de la Seine 28 _La ville amphibie_(P)Réserver Le dispositif - zone placentaire ; pont formant cordon ombilical et espace embryonnaire destinée à se développer de manière exponentielle - est appliqué systématiquement aux deux sites d’intervention : celui, massif, de Bang Krachao et celui, étiré, de l’Île-Saint-Denis. L’autre rive de la Chao Phraya avec sa zone résidentielle, ses espaces vierges et ses immeubles de bureaux est ainsi le prétexte au développement sur la péninsule d’une marina, d’une réserve animale et d’une cité d’affaire. Ces trois secteurs sont pensés comme trois hétérotopies, trouvant leur accès de l’autre côté du fleuve au moyen de liaisons ombilicales tout en restant rigoureusement sans contact les uns avec les autres. De la même manière, en bordure de la Seine, le Parc des Chanteraines et la Cité du Cinéma de Luc Besson viennent trouver leur accomplissement sur l’île : dans le parc départemental existant et dans un studio projeté, rappelant à Hollywood ceux de Paramount ou d’Universal. 29 _La ville amphibie_(P)Réserver Île-Saint-Denis, Paris La cité d’affaires Principe de réhabilitation Réhabilitation et densification des zones résidentielles existantes 30 _La ville amphibie_(P)Réserver 31 _La ville amphibie_(P)Réserver Tritip Chayasombat Clémentine Debaere Roxane Monthiers Natthaya Tantipidok Puttimas Vudhivanich Marina-city Ces étudiants ont d’abord considéré le Chao Phraya et la Seine comme des voies navigables et ont proposé de creuser les sites de canaux et de darses. Ils ont ainsi réactivé et complété le réseau de canaux irrigant la presqu’île et retrouvé sous l’Île-Saint-Denis les multiples îlots qui la constituaient à l’origine. Les visites des condominiums de Bangkok leur ont permis d’affiner leur proposition en imaginant des haies de tours résidentielles. De multiples villas avec piscine et garage - rappelant celles réalisées par Rudy Ricciotti dans le sud de la France - sont ainsi portées par plusieurs structures arborescentes comme autant de cabanes dans les arbres. Les appartements-villas et leur piscine sont portées par une structure arborescente 32 _La ville amphibie_Marina-city 33 _La ville amphibie_Marina-city Bang Krachao, Bangkok POSSIBLE LOCATIONS : H 140m Port of BKK ea o HOTEL COMMON SPACES Green area ar Zo CBD Residential Plan d’implantations possibles Appartements-villas en suspension 220m CONDOMINIUMS SPIRALE ROAD Les espaces communs La marina STRUCTURE : LIFTS/TECHNIQUE 34 _La ville amphibie_Marina-city H HOTEL SHOPS RESTAURANT CINEMA SWIMMING-POOL SPORTS HOUSING LIFT CAR BOAT PORT ROAD 12m Ces structures qui contiennent les circulations verticales, notamment un ascenseur à voitures, descendent directement dans les ports de plaisance qui s’étendent à leur base. Elles permettent ainsi un accès direct aux bateaux, en reprenant le principe des tours jumelles de Bertrand Goldberg à Chicago. En période normale, les habitants peuvent rejoindre leurs maisons perchées en utilisant leur véhicule, qui fonctionne comme une véritable extension de leur logement. En cas d’inondation, seuls les bateaux en autorisent l’accès. Au-dessus des villas en lévitation, une promenade ouverte sur le paysage dessert les espaces contenant des équipements que l’on trouve habituellement dans les hôtels de luxe (salles de sports, practices de golf, salles de spectacles et de réception, restaurants…). Cette autarcie est encore renforcée par un système de recyclage de l’eau. Elle est tirée des fleuves pour être stockée dans des châteaux d’eau afin de tomber en cascade des toits vers les piscines qui possèdent leur propre système de phytoépuration. PORT RIVER Axonométrie éclatée 35 _La ville amphibie_Marina-city Île-Saint-Denis, Paris L’accès au port placé sous les immeubles-villas Coupe transversale Plan de développement du projet 36 _La ville amphibie_Marina-city 37 _La ville amphibie_Marina-city Île-Saint-Denis, Paris La piscine d’un appartement-villa Les équipements collectifs et leur promenade piétonne Principe de stockage et de régénération de l’eau Le quai de la marina 38 _La ville amphibie_Marina-city 39 _La ville amphibie_Marina-city Irin Bunninitphakdee Watcharapol Taemeyachat Laurence Tremblay Lizhen Xu En apesanteur L’Île-Saint-Denis est ramenée au statut d’éponge de l’anse du Chao Phraya. Ses berges sont détruites et son sol est creusé pour dessiner des lignes de fracture qui rendent compte de sa nature composite. Cette déconstruction la rend plus facilement inondable et lui permet d’absorber les eaux de la moindre crue de la Seine. Sur les deux sites, les habitations traditionnelles sont remplacées par des dispositifs expérimentaux rappelant à la fois les dômes géodésiques de Richard Buckminster Fuller et les résilles de Frei Otto. 40 _La ville amphibie_En apesanteur Des yourtes du 3ème millénaire flottant entre deux sols 41 _La ville amphibie_En apesanteur oursime vert Bang Krachao, Bangkok Le dispositif pendant la période des moussons Poteaux Habitats suspendus Equipements / Activités Zone résidentielle Transport routier Parking Transport fluvial Plan urbain des zones inondables Composition de la ville suspendue 42 _La ville amphibie_En apesanteur 43 _La ville amphibie_En apesanteur Île-Saint-Denis, Paris Une canopée artificielle permet de desservir les différentes unités d’habitation Plan de colonisation des cocons Plus de sol de référence, mais un filet tendu horizontalement et servant de tuteur à de multiples plantes grimpantes. Il permet d’accéder par le haut, au moyen d’écoutilles, aux habitacles suspendus en grappe à des haubans. Leurs formes ovoïdes renvoient au ventre maternel comme à la station orbitale, à la yourte mongole comme à la tente high-tech de l’alpiniste de haut niveau. Leurs parois composées de toiles souples et élastiques inaugurent de nouvelles manière de vivre à la fois archaïque et moderne, primitive et contemporaine. Elles appellent un monde nouveau, libéré de la pesanteur tout en faisant implicitement référence aux réflexions de Peter Sloterdijk sur les sphères, les bulles et autres formes génériques de l’habitat humain. 44 _La ville amphibie_En apesanteur 45 _La ville amphibie_En apesanteur Vue aérienne Le dispositif en période de crue Coupe transversale Coupe transversale en cas de crue 46 _La ville amphibie_En apesanteur La nuit, les enveloppes des habitations se transforment en décor de théâtre d’ombres chinoises 47 _La ville amphibie_En apesanteur Alexandra Jegou Annabelle Ledieu Puripat Ratanakousakul Apinya Udomsajjaphan Le Corbusier, Plan-Obus, 1933 Ponts habités Le pont du périphérique industriel de Bangkok, l’un des plus importants ouvrages d’art de l’Asie du sud-est, voit le vide, au-dessous de son tablier, envahi par des containers habitables. Il se métamorphose ainsi en une majestueuse barre sinueuse. Ce dispositif réactualise deux projets de le Corbusier. Le plan Obus pour Alger, où la ville disparaît sous les autoroutes surélevées. La Cité Radieuse de Marseille, où les logements s’insèrent dans une structure porteuse comme autant de bouteilles dans un casier. L’Île-Saint-Denis se réorganise. Son sol retourne à la nature et se transforme en zone écologique, tandis que les constructions montent et se densifient autour de l’axe qui mène à la Basilique Saint-Denis. Ce projet théorique revient sur le thème de l’axe célibataire uniquement défini par une enveloppe de constructions de grande hauteur : de la Karl Marx Allee construite en 1949 à Berlin à l’Avenue d’Italie des années soixante, en passant par le projet non construit d’Eupalinos Corner pour le concours des Coteaux du Val Maubuée en 1974. Mais contrairement à ces références, l’absence de profondeur est compensée par les multiples interfaces que les constructions limitrophes entretiennent avec la voie dans les trois dimensions de l’espace. Les espaces non-chauffés et inondables construits en sous-sol - salles de sports, salles de concerts de rock, parkings - considèrent les trottoirs percés de portes et de fenêtres comme leurs façades. Tandis que les sous-faces des tours en porte-à-faux sur la voie leur répondent. 48 _La ville amphibie_Ponts habités Le pont du périphérique industriel habité 49 _La ville amphibie_Ponts habités Bang Krachao, Bangkok Coupe du principe d’ensoleillement Une structure indépendante et végétallisée vient accueuillir des centaines d’habitations Le pont Bhumipol Principe programmatique 50 _La ville amphibie_Ponts habités Une structure indépendante et végétallisée vient accueuillir des centaines d’habitations 51 _La ville amphibie_Ponts habités Île-Saint-Denis, Paris Course d’ensoleillement du soleil 9h 11h L’île est transformée en zone écologique et les constructions se rassemblent autour des axes routiers 13h 15h Plans de situation 52 _La ville amphibie_Ponts habités 53 _La ville amphibie_Ponts habités Île-Saint-Denis, Paris Le monolithe Le monolithe sur socle L’excroissance Axonométrie À côté - Dessous - Dessus / Une rue en trois dimensions Coupe longitudinale 54 _La ville amphibie_Ponts habités 55 _La ville amphibie_Ponts habités Kamolkarn Chandvirach Phat Chapanon Stéphane Girault Aurélie Kapéja Fort Boyard (début XIXème) Le mur Le site de Bang Krachao et l’Île-Saint-Denis sont ceinturés par un mur continu et habité rappelant celui de Fort boyard, cette île fortifiée construite au milieu du XIXe siècle sur l’Océan Atlantique. Cette paroi épaisse est percée de grandes ouvertures qui régulent les échanges entre l’espace interne, minéral ou végétal et les espaces externes. Des percements qui servent d’abord de cadre découpent des vues sur les paysages évènementiels qui entourent les deux sites : skyline de Bangkok, de Paris, de Saint-Denis ou de La Défense. Ils mettent en scène, dans l’autre sens, les édifices importants conservés: temples ou autres monuments. Ils sont souvent équipés d’écluses canalisant l’eau des crues vers des bassins de rétentions. Enfin ils permettent aux bateaux-mouches ainsi qu’à de multiples équipements flottants - scènes de théâtre ou gradins, cabine de projection ou écran de cinéma - d’accoster et de se connecter pour métamorphoser à leur gré les cours et les jardins intérieurs. 56 _La ville amphibie_Le mur Le mur percé 57 _La ville amphibie_Le mur Bang Krachao, Bangkok Un poumon vert jalousement préservé au centre d’une mégapole Plan de développement du mur et des activités flottantes 58 _La ville amphibie_Le mur Le cinéma flottant Vue d’ensemble 59 _La ville amphibie_Le mur Île-Saint-Denis, Paris État initial Destruction des axes routiers Ceinturer l’île Saint-Denis à la manière de l’île Seguin Coupe perspective Développement de la desserte par la Seine 60 _La ville amphibie_Le mur 61 _La ville amphibie_Le mur Île-Saint-Denis, Paris Un bassin de rétention Schéma DARSE RETENTION Le cinéma flottant Un canal traversant le mur CONCERT BATOBUS 62 _La ville amphibie_Le mur 63 _La ville amphibie_Le mur CINEMA Armelle Lesigne Prach Obsuwan Stephane Hervouet Supanee Suvanna La ville port Cette équipe s’est penchée sur le port mécanisé d’aujourd’hui avec ses containers, ses grues, ses ponts roulants, ses immenses cargos et son sol lisse tatoué de multiples interdictions. Un agencement technique qui nous propose l’image idéale d’une ville en mouvement, d’une ville parfaitement modulable, en récession ou en expansion selon les arrivées et les départs. Leur proposition, démultipliable à l’infini, s’adapte à quelques nuances près aux berges du Chao Phraya comme à celles de la Seine. Elle répond aux afflux temporaires de populations engendrés par les grands événements culturels, sportifs ou festifs - congrès, foires, expositions, compétitions, commémorations diverses et variées - qui scandent de plus en plus la vie des grandes cités. Et elle peut aussi bien palier des carences temporaires en matière de résidences universitaires, de maisons de retraites, de foyers de jeunes travailleurs ou d’autres hétérotopies. De vaste plates-formes permettent de stocker des containers habitables desservis par des passerelles mobiles montées sur vérin et rappelant les passerelles d’embarquement des aéroports. Ce projet revisite et réinterroge un des modèles incontournables des utopies des années soixante-dix, notamment celles d’Archigram, avec parfois la mise à distance nostalgique des travaux d’Alain Bublex. 64 _La ville amphibie_La ville port Une cité réinventée placée au milieu de la jungle de Bang Krachao 65 _La ville amphibie_La ville port Bang Krachao, Bangkok Vue aérienne Coupe longitudinale Implantation Coupe transversale 66 _La ville amphibie_La ville port 67 _La ville amphibie_La ville port Île-Saint-Denis, Paris Localisation Plan urbain Les passerelles d’embarcation pour les bateaux mouches Plan masse 68 _La ville amphibie_La ville port 69 _La ville amphibie_La ville port Île-Saint-Denis, Paris Vues intérieures Les différents états possibles 62B 61B 60B 58B 57B 56B 55B 54B 53B 52B 51B 49B 48B 47B 46B 45B 44B 43B 42B 40B 39B 38B 37B 36B 35B 34B 33B 31B 30B 29B 28B 27B 26B 25B 24B 22B 21B 20B 19B 18B 17B 16B 15B 13B 12B 11B 10B 09B 08B 07B 06B 04B 03B 02B 01B STOCK B STOCK A 63A 62A 61A 60A 58A 57A 56A 55A 54A 53A 52A 51A 49A 48A 47A 47A 46A 45A 43A 42A 40A 39A 38A 37A 36A 35A 34A 33A 31A 30A 29A 28A 27A 26A 25A 24A 22A 21A 20A 19A 18A 17A 16A 15A 13A 12A 11A 10A 09A 08A 07A 06A 04A 03A 02A 01A 63B 62D 61D 60D 58D 57D 56D 55D 54D 53D 52D 51D 49D 48D 47D 46D 45D 44D 43D 42D 40D 39D 38D 37D 36D 35D 34D 33D 31D 30D 29D 28D 27D 26D 25D 24D 22D 21D 20D 19D 18D 17D 16D 15D 13D 12D 11D 10D 09D 08D 07D 06D 04D 03D 02D 01D STOCK D STOCK C 63C 62C 61C 60C 58C 57C 56C 55C 54C 53C 52C 51C 49C 48C 47C 47C 46C 45C 43C 42C 40C 39C 38C 37C 36C 35C 34C 33C 31C 30C 29C 28C 27C 26C 25C 24C 22C 21C 20C 19C 18C 17C 16C 15C 13C 12C 11C 10C 09C 08C 07C 06C 04C 03C 02C 01C 63D 42F 40F 39F 38F 37F 36F 35F 34F 33F 31F 30F 29F 28F 27F 26F 25F 24F 22F 21F 20F 19F 18F 17F 16F 15F 13F 12F 11F 10F 09F 08F 07F 06F 04F 03F 02F 01F Un espace de circulation commun oblique aux pentes déformables en fonction des activités 45E 46E 47E 47E 48E 49E 51E 52E 53E 54E 55E 56E 57E 58E 60E 61E 62E 63E STOCK E 43E 42E 40E 39E 38E 37E 36E 35E 34E 33E 31E 30E 29E 28E 27E 26E 25E 24E 22E 21E 20E 19E 18E 17E 16E 15E 13E 12E 11E 10E 09E 08E 07E 06E 04E 03E 02E 01E 43F STOCKAGE GRUE ESAPCE PORTUAIRE - DANGER ! Plan au sol 63F 62F 61F 60F 58F 57F 56F 55F 54F 53F 52F 51F 49F 48F 47F 46F 45F 44F STOCK F 70 _La ville amphibie_La ville port 71 _La ville amphibie_La ville port / 72 _La ville amphibie_Worshop 1 73 _La ville amphibie_Worshop 1 La Ville amphibie Enseignement du Cycle Master commun à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles et à la Faculté d’Architecture de l’Université de Chulalongkorn, dans le cadre d’un workshop organisé à l’Atelier International du Grand Paris en mai 2011. Enseignant responsable : Richard Scoffier Équipe enseignante ENSAV : Vincent Jacques (philosophe), Marie-Elisabeth Nicoleau (architecte), Richard Scoffier (architecte). Etudiants ENSAV : Pierre Boivin / Clémentine Debaere / Anouck Foch / Stéphane Girault / Stéphane Hervouet / Alexandra Jegou / Aurélie Kapéja / Annabelle Ledieu / Armelle Lesigne / Roxane Monthiers / Aude Robert / Laurence Tremblay / Johann Van Den Hende / Damien Vuillard / Lizhen Xu Equipe enseignante FAUC : Prin Jhearmaneechotechai (architecte), Pirasri Povatong (architecte), Sarayut Supsook (architecte). Intervenants et conférenciers du workshop : Silvia Casi (Architecte), Emmanuel Combarel (architecte - enseignant ENSAV), Bertrand Lemoine (directeur général de l’AIGP), Vincent Michel (directeur ENSAV), Sébastien Rinckel (architecte - enseignant ENSAV)), Alexis Tricoire (designer), David Trottin (architecte - enseignant ENSAV). Etudiants FAUC : Irin Bunninitphakdee / Kritbodee Chaicharoen / Kamolkarn Chandvirach / Phat Chapanon / Tritip Chayasombat / Chalida Ganjanarux / Prach Obsuwan / Puripat Ratanakousakul / Narit Sikram / Supanee Suvanna / Watcharapol Taemeyachat / Natthaya Tantipidok / Siya Tearwatananon / Apinya Udomsajjaphan / Puttimas Vudhivanich 74 _La ville amphibie_Worshop 1 75 _La ville amphibie_Worshop 1 Jury du 6 mai 2011 : Bundit Chulasai (doyen de la FAUC), Prin Jhearmaneechotechai (architecte - enseignant FAUC), Marie-Elisabeth Nicoleau (architecte - enseignante ENSAV), Pirasri Povatong (architecte - enseignant FAUC), Richard Scoffier (architecte enseignant ENSAV), Sarayut Supsook (architecte enseignant FAUC). Jury du 21 juin 2011 : Marc Barani (architecte), Eliza Culea (architecte, Bucarest, Roumanie), Vincent Jacques (philosophe enseignant ENSAV), Marie-Elisabeth Nicoleau (architecte - enseignante ENSAV), Richard Scoffier (architecte - enseignant ENSAV), Ana Vallarino (architecte, enseignante à la faculté d’Architecture de Montevideo, Uruguay) / Professeur Bundit Chulasai Doyen de la Faculté d’Architecture - Université de Chulalongkorn Je suis heureux que soit publié ici le travail réalisé par la promotion 2011 de l’atelier d’architecture et d’urbanisme francothaïlandais, issu de la collaboration entre la Faculté d’Architecture de l’Université de Chulalongkorn et l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles sur le thème de l’inondation en espace urbain dans le cadre d’un workshop à l’Atelier international du Grand Paris. Cette publication rend parfaitement compte de l’aspiration permanente de notre Faculté d’Architecture à promouvoir les échanges universitaires internationaux. Depuis maintenant trois décennies ce programme d’échange permet aux étudiants de Thaïlande et de France de partager quelques mois courts mais intenses de collaboration sur différentes thématiques de projet. Les ressemblances et différences des contextes entre la Thaïlande et la France demeurent les principaux défis pour les étudiants comme pour les enseignants. Elles ouvrent de nouvelles perspectives à la réflexion architecturale contemporaine. L’énergie intellectuelle dépensée au cours de cette collaboration universitaire bilatérale entre les écoles thaïlandaise et française se reflète le long des pages de cette publication. Au nom de la Faculté d’Architecture de l’Université de Chulalongkorn, je souhaite sincèrement que cette forme d’échange universitaire entre la Thaïlande et la France puisse se poursuivre et s’intensifier. *** Prin Jhearmaneechotechai Faculté d’Architecture - Université de Chulalongkorn Un urbanisme amphibie Ce livre est issu de l’enseignement commun mis en place par l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles et la Faculté d’Architecture de l’Université de Chulalongkorn à Bangkok. Le programme d’échange entre nos deux établissements existe depuis plus de dix ans. Il est devenu une tradition, constamment réactivée par les liens personnels tissés entre enseignants et étudiants des deux pays. Abordant chaque année une nouvelle thématique et travaillant simultanément sur des sites choisis en Thaïlande et en France, les participants développent des solutions d’aménagement communes aux deux pays, tout en tenant compte de leurs spécificités. Cette année nous avons travaillé sur l’idée de ville inondable, de ville amphibie, et notre choix s’est porté sur Bang Krachao, dans l’aire métropolitaine de Bangkok, et sur l’Île-Saint-Denis, en région Île-deFrance. Vaste forêt de mangrove émergeant à un mètre à peine au-dessus du niveau de la mer, Bang Krachao est une réserve naturelle de premier plan. Ce méandre du Chao Phraya subit chaque année d’importantes crues naturelles. Il fonctionne comme une Porte verte placée entre le Golfe de Thaïlande et la région métropolitaine de Bangkok. Une île entourée d’un quartier d’affaires, de condominiums, d’usines et d’un port. Principal bassin de rétention à l’écosystème extrêmement délicat, Bang Krachao est d’une grande importance pour l’avenir de notre capitale. C’est un magnifique cas d’étude à comparer avec l’Île-Saint-Denis. La crue est l’une des principales menaces environnementales de notre monde contemporain. C’est devenu un véritable défi à relever pour les architectes de tous les pays. Les étudiants de France et de Thaïlande ont trouvé dans l’architecture traditionnelle et contemporaine de nos deux pays, des sources vives capables d’alimenter leur réflexion sur cette problématique. Nous espérons sincèrement que cet important travail ne servira pas seulement d’exercice universitaire, mais de modèle de développement réel pour l’avenir. L’homme peut vivre au milieu des eaux dans un urbanisme génétiquement modifié. *** Sarayut Supsook Faculté d’Architecture - Université de Chulalongkorn En Thaïlande, les crues restent un souci majeur. Chaque année, l’annonce de la saison des pluies fait les gros titres des journaux thaïlandais. On pense généralement que l’inondation est une conséquence naturelle du réchauffement climatique et de la montée du niveau de la mer. Cependant, si l’on regarde de près la géographie de la Thaïlande, sa région centrale est située sur une vaste plaine plate et traversée de multiples fleuves qui drainent l’eau des montagnes de l’arrière-pays jusqu’au Golfe de Thaïlande. Il y a environ 1500 ans, la moitié de la région, l’actuel Bangkok compris, faisait partie intégrante du golfe, comme en témoignent les coquillages et les fossiles marins trouvés dans de nombreux villages à des centaines de kilomètres de la mer, notamment au village de Khok Phanomdee dans la province de Chachoengsao. Compte tenu de ces données géographiques, le peuple thaïlandais a vécu avec la crue durant des millénaires, bien qu’il n’y ait que peu de preuves archéologiques d’installation préhistorique dans la Région de Plaine Centrale, car la majorité des constructions primitives étaient légères, périssables ou éphémères. Le bois et les produits naturels constituaient les principaux matériaux de construction. Ils pouvaient être réutilisés et recyclés. L’idée de construction provisoire s’est maintenue à travers l’architecture vernaculaire thaïe, permettant de migrer d’un endroit à l’autre pour éviter les catastrophes naturelles et trouver de meilleures conditions de vie naturelles. Un bon exemple en est le ruen khruang phuk ou hutte de bambou perchée sur pilotis et couverte d’un toit de chaume. Cette forme architecturale très élémentaire exprimait le mode de vie simple et durable des villages : une cabane primitive sous les Tropiques. Le plancher de la maison s’élevait suffisamment haut au-dessus du sol pour échapper aux eaux torrentielles et offrir une bonne ventilation aux espaces intérieurs. Issues d’une architecture si élémentaire, les maisons thaïes traditionnelles se sont développées comme les exemples évidents d’une morphologie d’habitat inondable1. Elles ressemblent typiquement à des maisons de deux niveaux. En réalité, ce sont des ensembles d’un seul niveau surélevé d’environ deux mètres au-dessus du sol sur de longs pilotis. Protégeant les habitants des crues et des pestes, la forme de la maison offrait également une bonne ventilation sous les pires conditions climatiques. La ventilation de la maison thaïe permettait de réduire la moiteur, les moisissures et les microbes qui accompagnent l’humidité sous les climats tropicaux. Les pièces de vie principales se trouvent à l’étage, tandis que le sol, durant la sécheresse de l’été, peut servir à de multiples fonctions, comme manger, travailler ou ranger. À Supanburi, l’une des plus anciennes villes de la Région de Plaine Centrale, les gens du village de Bangli subissaient des conditions de vie extrême année après année 2. L’ habitat typique du village était constitué par des rangées de maisons à deux étages, d’une typologie similaire à la maison thaïe traditionnelle. Les deux étages se réduisaient à un seul pendant la saison des pluies 3, quand l’eau des crues saisonnières envahissait le rez-de-chaussée. Un autre grand exemple de l’architecture inondable se trouve à Khanom, Nakorn Sri Thammarat, au sud de la Thaïlande. À Khanom, les maisons étaient construites sur des radeaux de bambou 4. Cette plateforme permettait de faire flotter la maison entière quand le terrain était inondé. Les radeaux pouvaient être attachés à des poteaux pour ne pas être emportés par les forts courants. Il est à noter que cette technique architecturale ressemble à celle utilisée pour les jetées de bateaux que l’on trouve habituellement à travers tout le pays. Pour les laisser flotter librement en fonction du niveau de l’eau, les pontons sont réalisés avec des citernes vides en acier, coulissant sur des colonnes solidement ancrées dans le sol. Les pontons se connectent ensuite au fleuve ou à la berge du canal par des passerelles amovibles. 2 1 Une autre technique de logement inondable est la maison flottante 5. La maison flottante se divisait typiquement en trois compartiments placés parallèlement aux canaux et fleuves sinueux de la Plaine Centrale. La face extérieure des maisons était toujours utilisée pour les fonctions publiques comme la vente au détail ou les services, tandis que le centre, situé normalement sous la partie haute du toit incliné, accueillait les fonctions plus privées comme le séjour et la chambre. La salle de bains, la cuisine et le lavoir se trouvaient à l’arrière, utilisant l’eau disponible pour les installations sanitaires. La maison était reliée à d’autres habitations ou à la rive, à l’aide de simples planches de bois qui pouvaient être retirées la nuit. L’image des maisons flottantes, symbolique de Bangkok avant le début du XXe siècle, a disparu des rives du fleuve de la ville, à cause de la réglementation de 1932 pour dégager les canalisations du pays. 3 La maison bateau est encore un autre type d’habitat thaï 6. Contrairement aux bateaux habités d’Europe, les grandes péniches étaient utilisées principalement pour le transport de ville en ville des produits de l’agriculture et des matériaux de construction. Si on les compare aux camions de l’ère moderne, les péniches étaient des transporteurs réguliers empruntant les réseaux de canalisation. La calle de ces péniches étaient réservées aux marchandises, les unités de vie n’occupaient qu’une partie du pont. Les familles propriétaires des péniches passaient donc le plus clair de leur temps sur le pont de leur bateau. Du fait du développement des transports à l’ère moderne, la maison bateau a quasiment disparu des canaux et des fleuves du pays. 4 Actuellement, bien que le peuple thaï semble oublier son mode de vie aquatique, des témoignages de l’habitat inondable perdurent dans certaines formes architecturales et urbaines. On ne verra plus jamais de hauts édifices se construire si près de l’eau comme il était d’usage le long du fleuve Chao Phraya, qui circule en plein cœur de la métropole de Bangkok. Bien qu’il s’agisse de zones inondables, le charme de l’habitat en bord de fleuve continue de tenter les citadins. La valeur des unités résidentielles le long du fleuve, malgré le haut risque potentiel de sinistre, est considérablement élevée comparé à celle d’autres endroits. 6 5 La vie en hauteur semble devoir beaucoup à l’urbanisme inondable thaï. L’idée du gratte-ciel introduite par Le Corbusier dans les années 1930 convient étrangement aux modes de vie sous le climat de l’Asie du Sud-Est7. Comme la maison traditionnelle thaïe, les espaces de service à l’étage offrent plus d’intimité et de sécurité aux fonctions privées tandis que le plan libre du rez-de-chaussée permet aux gens de se déplacer librement au niveau de la rue, laissant la lumière et la ventilation naturelle pour les conditions chaudes et humides du climat tropical. Beaucoup d’écoles et de collèges en Thaïlande vont jusqu’à appliquer cette stratégie. Que cela nous plaise ou non, l’habitat à niveaux multiples fait désormais partie de la vie quotidienne thaïe. De nombreuses passerelles suspendues ont été construites à travers la ville 8. Des kilomètres de passages piétons ont été réalisés sous les structures du métro aérien qui circule à travers le cœur du quartier commercial. Ces passerelles se couvrent chaque jour de milliers de passants et, bien qu’elles ne soient pas directement associées à l’inondation, ces rues surélevées en réseau offrent une bonne alternative aux allées humides et embouteillées de la ville. 7 Non planifiée et non attendue, l’image étrange et futuriste d’une structure urbaine à niveaux multiples est aujourd’hui emblématique de la capitale thaïlandaise. En moins de cinquante ans, le pays est passé de la plus simple des implantations au système le plus compliqué de réseaux urbains, tout en préservant sa nature aquatique archaïque au cœur de son architecture et de son urbanisme le plus résolument contemporain. *** 8 La ville amphibie Workshop à l’Atelier International du Grand Paris Sous la direction de Richard Scoffier, dans le cadre d’un workshop organisé à l’Atelier International du Grand Paris en mai 2011, les étudiants de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles et de l’Université de Chulalongkorn se sont penchés sur les mutations architecturales et urbaines induites par la construction en zones inondables : perte du sol de référence, habitations autarciques, nouveaux espaces de connexion et de communication… Ils ont proposé des aménagements sur deux sites inondables distincts : la péninsule de Bang Krachao, une anse de la Chao Phraya à Bangkok, et l’Île-Saint-Denis lovée dans un méandre de la Seine, près de Paris. Chacune des 7 propositions présentées dans l’ouvrage isole une particularité commune à ces deux lieux : faune et flore spécifiques, insularité, accès possible par véhicule ou par bateaux, perte du sol de référence, ballet des barges et des péniches, axes très fréquentés, berges constellées d’éléments portuaires… Elle développe ensuite cette singularité dans un projet parfois à la limite de l’utopie : centrales d’énergie douce intégrées à une réserve écologique, espaces enclavés, marinas, habitations hors-sol, ponts urbanisés, zone protégée par un mur d’enceinte dont les percements régulent les échanges avec l’extérieur, quartiers pensés comme des plates-formes portuaires… Ces projets témoignent des potentialités des sites inondables comme de l’inventivité et de l’enthousiasme des futures générations d’architectes. Faculté d’Architecture, Université de Chulalongkorn