2012, l`Odyssée de l`Homme - Muséum national d`Histoire naturelle
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2012, l`Odyssée de l`Homme - Muséum national d`Histoire naturelle
LeMuséum La Lettre d’information Numéro 9 Avril 2009 2012, l’Odyssée de l’Homme En 2012, un Musée de l’Homme entièrement rénové rouvrira ses portes. Dépositaire de collections dédiées à l’Homme, il sera à la fois lieu de diffusion, centre de recherche et d’enseignement. Un tournant majeur pour un établissement unique en son genre et intégré au site mythique du Palais de Chaillot. Mars 2003 : une réflexion sur le nouveau Musée débute. À la demande des ministres de la Recherche, de l’Éducation nationale, de la Culture et de l’Environnement, Jean-Pierre Mohen, conservateur général du patrimoine, pilote les travaux d’une commission dont les conclusions vont donner le ton. Les candidats au concours international d’architecture, lancé en 2004, doivent en effet s’appuyer sur le concept de “musée-laboratoire” : un principe imaginé dès l’origine par Paul Rivet, auquel les experts de la commission entendent rester fidèles. En 2006, l’équipe Brochet-Lajus-Pueyo et l’atelier Emmanuel Nebout décrochent le chantier de rénovation, qui concerne les futurs espaces du Musée dédiés au public, à la recherche et à l’enseignement. L’avant projet détaillé est présenté en 2008. La même année, l’État alloue une enveloppe de plus 52 millions d’euros à la rénovation du Musée de l’Homme. L’accueil du public est envisagé d’ici trois ans, mais avis aux impatients ! Une visite guidée vous attend en pages 4 et 5 de ce numéro de la Lettre du Muséum. « Choses rares ou choses belles, ici savamment assemblées, instruisent l’œil à regarder, comme encore jamais vues, toutes choses qui sont au monde. Paul Valéry, citation inscrite sur le fronton du Musée de l’Homme. » Vénus de Lespugue, statuette en ivoire de mammouth, environ 25 000 ans, Haute-Garonne. Collection d’anthropologie. © D. Ponsard / Musée de l’Homme Le balcon des sciences. Image concours © s. hommes / s. latizeau Portrait Page 8 La Fondation Prince Albert II Historienne de nos origines Jeune -elle a été créée en 2006-, mais déjà engagée sur plusieurs fronts, la Fondation s’intéresse à trois zones géographiques : la Méditerranée, les régions polaires et les pays les moins développés. À ses côtés, le Muséum apporte son expertise et son savoir-faire scientifiques. Des villageois d’une vallée du Jura aux Pygmées d’Afrique centrale, en passant par les populations du Québec et les nomades d’Asie centrale... Évelyne Heyer anthropologue et généticienne, tente de démontrer l’influence des pratiques culturelles sur la diversité génétique des populations humaines. © Tatyana Hegay © P.Mondielli partenariat Page 7 “Nous” Rapports entre l’Homme et la nature, entre l’Homme et “sa” nature, unicité du genre humain au-delà du temps, de l’espace et de la diversité des cultures… autant de thématiques intrinsèques à notre Histoire et de clefs de lecture pour déchiffrer les enjeux environnementaux actuels. Qui sommes-nous ? Comment développer nos savoirs et rendre compte de l’avancée de la connaissance sans occulter nos questionnements sur la formidable aventure de notre espèce ? Ces interrogations - ces défis - sont ceux du Musée de l’Homme. Un établissement dont les activités illustrent à elles seules les missions statutaires du Muséum national d’Histoire naturelle, auquel il est rattaché depuis son origine : recherche, conservation, expertise, enseignement et diffusion dans le domaine des sciences naturelles et humaines. Ces domaines d’intervention trouveront leur place dans l’espace entièrement rénové du site de Chaillot. En juillet 2008, sur la proposition de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Valérie Pécresse, le gouvernement a affecté 52 millions d’euros à la rénovation du Musée de l’Homme. Dès 2012, celui-ci accueillera salles de cours et laboratoires, bibliothèque et réserves, ateliers pédagogiques et galeries d’exposition… respectant ainsi le principe de “musée-laboratoire” cher au fondateur et premier directeur du Musée de l’Homme : Paul Rivet. Synergie entre les disciplines, proximité avec la recherche vivante et avec le public donnent de la force à cet établissement original entièrement dédié à l’Homme, et à tous les départements du Muséum. La richesse de ses collections de préhistoire et d’anthropologie, parmi les premières au monde, renforce son statut international unique. Après le transfert de celles d’ethnologie au Musée du Quai Branly et au MuCEM de Marseille, l’occasion nous est offerte de valoriser ce potentiel exceptionnel. L’engagement de l’État, la mobilisation des équipes, la passion des chercheurs, les attentes du public sont là. Grâce à cette volonté commune et à ces énergies se prépare le Musée du “Nous”, accessible à tous, ouvert aux débats d’aujourd’hui, futur centre de rayonnement scientifique. Je voudrais remercier chaque personne impliquée dans ce projet qui me tient particulièrement à cœur, et a pris un élan décisif, soutenu par 25 000 visiteurs enthousiastes, lors du week-end de fermeture avant rénovation. Bertrand-Pierre Galey Directeur général 1 Avril 2009 Muséum national d’Histoire naturelle Actualités événements RENDEZ-VOUS Panthères de Chine Nuit des Musées Wei, une panthère de Chine mâle (Panthera pardus japonensis), a poussé ses premiers cris le 30 novembre 2008 à la Ménagerie du Jardin des Plantes. Une espèce rare – 42 individus répartis dans les zoos européens et seulement 2 500 à l’état sauvage – qui fait l’objet d’un plan d’élevage européen auquel participe activement la Ménagerie. Les Galeries d’Anatomie comparée et de Paléontologie ouvrent leurs portes en nocturne au public qui (re)découvrira des milliers de squelettes de vertébrés actuels (poissons…) et de fossiles d’espèces disparues (dinosaures, mammouths…), témoins de l’histoire de la vie. Un éclairage original ainsi que de nouvelles installations illumineront ce voyage dans la nuit des temps : le Sarchosuchus imperator, un crocodile fossile daté de 140 millions d’années, ou encore “l’arbre du vivant”, dispositif interactif aidant à se repérer dans la classification du vivant. 16 mai, de 19 h à minuit, entrée gratuite. © MNHN Fête de la nature événements Cresco L’Ifremer et le Muséum se sont associés pour construire à Dinard le “Centre de Recherche et d’Enseignement sur les Systèmes Côtiers”, inauguré le 6 février dernier. Cette plateforme opérationnelle de recherche couvrant 1 200 m2 dispose de moyens à la mer mais aussi analytiques et expérimentaux. Autant d’atouts lui permettant de développer des recherches fondamentales et appliquées et d’apporter une expertise relative au développement durable des espaces côtiers et estuariens. Pendant ce week-end spécial, plusieurs parcours commentés et destinés à tous sont proposés : visite générale du Jardin écologique, découverte de la flore sauvage, initiation au dessin naturaliste, observation et écoute des oiseaux. Des sorties nature en forêt, encadrées par des scientifiques du Muséum, sont également prévues. 16 et 17 mai 2009 Programme détaillé sur www.mnhn.fr Plus d’info sur : www.fetedelanature.com Journée internationale de la biodiversité Pour fêter la JIB, qui a lieu chaque année le 22 mai, les espèces exotiques “envahissent” le Jardin des Plantes : identification des plantes invasives à l’École de botanique, film-débat le 23 mai et cycle de conférences-débats programmé le 24 mai. Par ailleurs, une exposition-panneaux Les espèces exotiques envahissantes s’installe dans le hall de la Grande Galerie de l’Évolution. © DR Du 22 au 24 mai 2009 Exposition : du 22 mai au 5 juin, tous les jours sauf le mardi, de 10 h à 17 h 15. Accès libre. Onze espèces de mammifères sur 119 -dix espèces continentales et une marine- sont menacées de disparition du territoire métropolitain : tel est le verdict du chapitre 3 de la Liste rouge des espèces menacées en France. Des chiffres issus de l’évaluation réalisée par le Muséum et le Comité français de l’UICN, en partenariat avec la Société française pour l’étude et la protection des mammifères et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage. Observatoire des papillons Le Muséum et l’association Noé Conservation, en partenariat avec la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme, lancent la 4e saison de l’Observatoire des Papillons des Jardins. Cette année, l’Observatoire s’agrandit avec l’Opération Escargots. L’objectif : installer un réseau de surveillance national d’espèces communes dans les jardins. Comment ? Grâce à la participation des citoyens, puisque l’originalité de ces observatoires est de mobiliser le grand public. Les informations collectées permettent de mieux comprendre les impacts des changements climatiques, des modifications du paysage ou encore des pratiques de jardinage. Alors, rendez-vous au jardin de mars à octobre ! www.mnhn.fr/vigie-nature 2 © MNHN Espèces menacées Rendez-vous aux jardins Dans le cadre de cette manifestation qui se déroule partout en France, les jardiniers du Jardin des Plantes répondent aux questions des visiteurs sur “Terre, terrain, territoire”, le thème de cette année. À cette occasion, l’accès au jardin alpin est gratuit. Du 5 au 7 juin 2009 RÉCOMPENSE Une équipe qui gagne ! Aux Sources de la Terre, projet développé conjointement par le Muséum et le BRGM en 2008 à l’occasion de l’Année internationale de la planète Terre, a reçu en février dernier le TOPCOM d’Or dans la catégorie “RP Evénement Externe Corporate”. Le jury a souligné l’originalité de cet événement, la forte alchimie dégagée par l’association de l’image des deux institutions, ou encore l’efficacité dans l’approche des différents publics. Avril 2009 Souci © P. Alletru / NoeConservation Escargot des Haies © Chambon Or des Amériques Le Musée de la civilisation de Québec, en collaboration avec le Muséum, invite à la conquête de l’Or des Amériques, où le précieux métal domina largement le marché mondial durant quatre siècles, avec un pic au XIXe siècle. Source de fascination depuis la nuit des temps, l’or a attisé bien des convoitises, bouleversé la vie des autochtones, des conquérants, des explorateurs et des pionniers, provoqué la colonisation de nouveaux territoires, une immigration massive, la création de villes éphémères, la dégradation des milieux, l’accumulation de fortunes colossales pour certains et la ruine pour tant d’autres. S’appuyant sur plus de 280 objets rares, illustrations, vidéos et dispositifs originaux, l’exposition aborde l’or sous plusieurs aspects, à travers six espaces. La minéralogie d’abord, avec L’or dans la nature et La nature de l’or, mais aussi l’histoire -L’or des dieux présente les civilisations précolombiennesjusqu’à La fièvre de l’Or et Les chasseurs de rêves, qui relatent la folle quête du métal au cours des siècles. Enfin, l’écologie et les risques environnementaux -une thématique à laquelle le Muséum a pu apporter activement son expertisesont présentés dans L’extraction de l’or en Guyane française. Le parcours se termine sur les usages les plus récents avec L’or et nous. Or des Amériques, Galerie de Géologie et de Minéralogie, 8 avril 2009 - 11 janvier 2010 Accessible à tout public dès l’âge de 8 ans. www.mnhn.fr/or Buisson d’or, collection du Muséum national d’Histoire naturelle Agrégat de cristaux d’or sur gangue de quartz blanc Mine Eagle’s Nest, comté de Placer, Californie, États-Unis © MNHN Nouveau président Depuis février 2009, Gilles Boeuf est le nouveau Président du Muséum. Titulaire d’un DEA en océanographie biologique, docteur de 3e cycle en biologie du développement et docteur d’État ès Sciences naturelles, il enseigne la physiologie environnementale, la biodiversité et les ressources vivantes de l’océan à l’université Paris VI. La physiologie de l’adaptation au milieu chez les poissons, ainsi que la physiologie et l’endocrinologie du développement et de la croissance font partie de ses principales activités de recherche. Auteur de plus de 300 publications nationales et internationales, Gilles Boeuf participe également à de Gilles Boeuf, Président du Muséum © M. Carton / MNHN nombreuses missions à l’étranger, à titre de coopération scientifique ou encore d’expertise. Fin connaisseur du Chili, où il a passé trois années, il est responsable du projet de recherche ARCUS qui réunit ce pays et le Brésil sur “la Biologie cellulaire et moléculaire, les sciences de la santé et l’utilisation de modèles marins”. Il a présidé le Conseil scientifique du Muséum pendant deux ans, et demeure par ailleurs président de nombreux Conseils scientifiques. Les vélins de Redouté La Bibliothèque Centrale du Muséum célèbre le 250e anniversaire de la naissance de l’un des plus célèbres peintres de fleurs : Pierre-Joseph Redouté. À cette occasion, une sélection d’œuvres (vélins, dessins, aquarelles, estampes…) souligne le talent de ce jeune peintre wallon. Technicien remarquable et aquarelliste talentueux, Redouté enchaîne les succès et les titres dont celui de Maître de dessin du Muséum d’Histoire naturelle. Il publie des ouvrages à succès comme Les Liliacées (1802-1807), Les Roses (1817-1824) et Choix des plus belles fleurs (1827). Dans la collection des vélins du Muséum, les œuvres signées de Redouté impressionnent d’abord par leur nombre (plus de 500), mais aussi par leur incroyable qualité. Cabinet d’histoire du Jardin des Plantes, du 21 janvier au 27 avril 2009 Amaryllis equestris Jacq et Ornithogalum miniatum Jacq (en arrière plan). © Bibliothèque centrale, MNHN, Paris Terrain L’Homme, objet de collection ? C omme toutes les collections du Muséum national d’Histoire naturelle, celles du Musée de l’Homme ont la particularité d’être à la fois objets de musée et supports de recherche. Supports pour les deux départements scientifiques associés au Musée : Préhistoire et Hommes, Natures, Sociétés. Supports également pour les chercheurs ou étudiants internationaux. « Il existe un lien évident entre muséologues et scientifiques. Les derniers diffusent leurs résultats avec l’aide des premiers », explique Jean-Pierre Mohen, directeur de la rénovation du Musée de l’Homme. Collection de préhistoire La préhistoire couvre 2,5 millions d’années, depuis l’apparition des êtres humains jusqu’à l’invention de l’écriture. « Le Muséum est le seul musée européen à posséder une collection de référence sur cette période, d’une telle diversité géographique et chronologique », indique François Semah, directeur du département Préhistoire. La collection compte environ 500 000 objets relevant des “industries” préhistoriques : des pierres taillées par l’Homme, des éléments de squelettes d’animaux chassés, consommés et utilisés comme matière première, mais aussi des poteries et des objets métalliques pour les périodes les plus récentes. Tous les continents sont représentés, mais plus de la moitié des pièces sont originaires d’Afrique. La collection de préhistoire comprend également des relevés d’art rupestre -reproductions de peintures et de gravures ornant les grottes et les rochers du paléolithique supérieur et du néolithique, à travers le monde. Une particularité : toutes les pièces ne sont pas conservées au Musée de l’Homme. Certaines sont abritées à l’Institut de Paléontologie humaine ou à l’abri Pataud, site de fouilles archéologiques en Dordogne appartenant au Muséum. Les collections en chiffres Les collections du Musée de l’Homme représentent plus de 500 000 “entrées”, qui regroupent notamment différents ossements d’un même squelette, silex taillés d’une même couche archéologique ou divers éléments de harnachement d’un chameau. Elles comptent près de 500 000 entrées en préhistoire -dont 350 000 restes animaux des faunes quaternaires et actuelles-, 30 000 en anthropologie physique (spécimens et représentations du corps humain) et 2 500 en ethnologie. Silex taillés, vallée de la Somme, étiquettes annotées par Boucher de Perthes. Collection de préhistoire. © D. Ponsard / Musée de l’Homme Anthropologie biologique « En termes de diversité, la plus importante au monde ! », s’enthousiasme Serge Bahuchet, directeur du département Hommes, Natures, Sociétés. Que présente-t-elle ? En premier lieu, des os, des crânes, des fossiles… Autant de témoins de notre évolution biologique ; autant d’arguments démontrant l’unicité de l’espèce humaine. Les collections d’ostéologie du Musée de l’Homme intègrent la majorité des fossiles d’hommes préhistoriques découverts en France, notamment des hommes de Cro-Magnon et de Néanderthal, et même une collection de momies originaires d’Égypte, des Canaries ou du continent sud-américain. « Une collection universelle qui présente des spécimens du monde entier », précise Serge Bahuchet. Parallèlement, de nombreuses pièces mi-artistiques, mi-scientifiques reproduisent le corps humain et reflètent ainsi les grands mouvements scientifiques d’anthropologie. Parmi celles-ci : 500 moulages de visages et de bustes, des préparations anatomiques, des sculptures ou des collections de “curiosa”, rendant compte, entre autres, de thèses scientifiques aujourd’hui dépassées -telles la phrénologie- mais constituant une documentation unique sur l’évolution de l’humanité lors des deux derniers siècles. Figurine en fromage de brebis, Ukraine, milieu XXe. Don T. Fougal. Collection d’ethnologie. © D. Ponsard / Musée de l’Homme Des collections d’ethnographie… Pour créer le Musée d’ethnographie, à la fin du XIXe siècle, Ernest Hamy réunit tous les lots jusque-là dispersés dans différentes institutions : la Bibliothèque nationale, le musée du Louvre, la Bibliothèque Sainte-Geneviève… La collection s’est ensuite enrichie grâce aux donations, aux legs et aux achats mais surtout grâce aux collectes des chercheurs sur le terrain. En 2000, elle comptait plus de 350 000 objets. Mais en ce début de XXIe siècle, le paysage muséal français change. En 2004, toutes les collections non-européennes, près de 300 000 objets, sont transférées au nouveau musée du Quai Branly. L’année suivante, les 50 000 objets européens sont déposés au futur Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem) prévu à Marseille. Mais ces transferts sont loin de marquer la fin des collections ethnographiques au Muséum. « Auparavant, les objets ethnographiques représentaient 90 % des pièces exposées au Musée. L’importance des deux autres collections était complètement oblitérée ! Cette nouvelle donne a permis de repenser le Musée de l’Homme et la collection d’ethnographie », explique Serge Bahuchet. Trophée : crâne d’un Dayak ciselé et orné de coquilles, Bornéo, XIXe s. Collection d’anthropologie. © D. Ponsard / Musée de l’Homme … Aux collections d’ethnologie Désormais, ce qui intéresse le Musée en termes d’anthropologie culturelle, ce sont les rapports que l’Homme entretient avec la nature, depuis ses origines jusqu’à nos jours : comment s’est-il adapté ? Comment l’a-t-il transformée ? Comment s’en est-il servi ? Comment la considère-t-il ? Pour ces recherches, le département Hommes, Natures, Sociétés doit s’appuyer sur des témoins matériels : des outils ou des objets de consommation, du passé jusqu’à nos jours. Dans la même perspective, les expositions du futur Musée resitueront l’Homme dans son environnement naturel et dans toute la complexité de ses activités. Il ne s’agit donc pas de reconstituer une collection d’objets ethnographiques telle qu’elle existait auparavant : les prochaines acquisitions doivent être intimement liées aux orientations scientifiques du Muséum. La nouvelle collection d’ethnologie compte actuellement 2 500 objets environ : vanneries, textiles, poteries, outils divers… sans oublier d’importantes archives scientifiques liées aux collections ethnographiques, anciennes et récentes. Collectes sur le terrain par les chercheurs, dons et legs viennent enrichir la collection. La face cachée des collections Les collections du Musée de l’Homme constituent l’outil de travail des deux départements scientifiques présents dans les murs. Elles sont composées d’objets, de vestiges environnementaux, de fossiles humains, de relevés rupestres mais aussi de documents imprimés et d’archives scientifiques. Les premiers sont gérés par la direction des Collections, les seconds, par la direction des Bibliothèques. Par ailleurs, la Bibliothèque du Musée de l’Homme, spécialisée en préhistoire et en anthropologie physique, est Centre d’acquisition et de diffusion de l’information scientifique et technique pour la préhistoire : chaque année, l’État lui octroie une subvention pour l’acquisition d’ouvrages sur cette thématique. 3 Avril 2009 Buste en plâtre d’Asénat. Eleonora Elizabette, femme inuit, 27 ans, 1856. Collection d’anthropologie. © D. Ponsard / Musée de l’Homme Au départ était le musée d’ethnographie, créé en 1880 au palais du Trocadéro. En 1928, Paul Rivet, professeur d’anthropologie au Muséum en devient le directeur. Il décide de réunir toutes les collections consacrées à l’espèce humaine : celles d’ethnographie, d’anthropologie physique et de préhistoire. Ainsi naît le Musée de l’Homme. Son identité est indissociable des collections qu’il abrite. Dossier Le nouveau Musée de l’Homme Le Musée de l’Homme fait peau neuve. Dédié à l’étude de l’espèce humaine, il présentera les grandes lignes de son histoire naturelle et sociale, à partir de 2012, dans un espace entièrement revisité. Chinois ou Homme de type Mongol, bronze de Charles Cordier, 1853. Collection d’anthropologie. © D. Ponsard / Musée de l’Homme Pérenne et éphémère Le Musée de l’Homme en surface La saga de l’Homme Construit par Davioud pour l’exposition universelle de 1878, le Palais du Trocadéro fut remodelé par Carlu pour celle de 1937. Le bâtiment historique qui abrite le Musée de l’Homme est donc le fruit de deux gestes architecturaux majeurs. Comment rénover pareil monument ? Olivier Brochet fait partie de l’agence bordelaise Brochet-Lajus-Pueyo chargée de relever le défi, en association avec le Montpelliérain Emmanuel Nebout. Pour lui, la reconquête du site doit se faire en harmonie avec l’édifice actuel : « Il faut que rien ne change dans l’apparence de ce monument en plein cœur de Paris mais que tout change dans les usages possibles. » Sur une surface rénovée de 17 000 m2 environ, 6 000 m2 sont dédiés au public. Les 3 000 m2 de galeries accueillent l’exposition permanente et 1 000 m2 sont réservés aux présentations temporaires. Le Musée abrite également médiathèque, cinéma, auditorium, café et salles modulables. Départements scientifiques, salles d’études, réserves et laboratoires se partagent quant à eux 4 200 m2. « On est une synthèse biologique, culturelle, génétique… soi-même ! Et bien, nous souhaitons que le Musée de l’Homme en soit le reflet », affirme Jean-Pierre Mohen, directeur de la rénovation. Mais comment aborder l’humanité dans son unité, sa diversité et son évolution ? Aperçu de la nouvelle muséographie, pilotée par l’agence de Zette Cazalas… Les galeries permanentes mettront en scène des sujets aussi singuliers, passionnants et complémentaires que les origines des lignées humaines, la transformation du monde minéral, les rites identitaires des sociétés, les âges de la vie... « Le tout dans un registre compatible avec celui du musée, précise Zette Cazalas, c’est-à-dire un lieu d’enchantement, de divertissement, de réflexion et de connaissances ». Loin d’être alignés dans des vitrines, les objets sont replacés dans leur contexte. Fluide, le parcours s’effectue sur deux niveaux, associant collections et multimédia. Le visiteur passe de dispositifs ludiques à des points d’information centrés sur l’avancée des connaissances. Plus d’espace et de lumière Avril 2009 4 L’atrium. Image concours © s. hommes / s.latizeau Transparence retrouvée sur la Tour Eiffel, mise en scène épurée, projection de superbes ciels d’îlede-France... le hall d’entrée réserve un bel accueil au visiteur. « C’est la volonté de remettre les espaces en lumière naturelle qui guide notre travail », précise Emmanuel Nebout. Le parti pris des architectes est la création d’un vaste atrium, haut de 16 mètres, sur deux niveaux. Eclairé par la verrière de Davioud, grâce à une suppression partielle du plafond, il offre une perspective inédite sur la Seine et le Champ de Mars. Ce lieu ouvert à tous est le cœur du Musée, desservant galeries d’exposition, librairie, café, ateliers pédagogiques, auditorium, salles de conférences… Un “musée-laboratoire” Respectueux du monument, le projet de rénovation l’est aussi de l’histoire du Musée de l’Homme. Un point essentiel, car la richesse de l’établissement, sur le plan international, réside dans un fonctionnement imaginé par son fondateur, Paul Rivet. Dès 1938, celui-ci souhaite créer “un musée-laboratoire”, rattaché au Muséum d’Histoire naturelle, réunissant bibliothèque, collections d’ethnographie, de préhistoire et d’anthropologie, mais aussi recherche et enseignement. Au troisième niveau du bâtiment, quelque 160 chercheurs sont donc attendus. Le nouveau Musée concrétise ainsi le rêve d’une institution tournée autant vers la construction des savoirs que vers la diffusion des connaissances sur l’Homme. Il veut faire le lien entre la science et le public en s’appuyant sur des conférences, des films, des concerts, une offre pédagogique de qualité et ses collections. En dépit du transfert de celle d’ethnographie au musée du Quai Branly et au MuCEM de Marseille, les galeries du Musée resteront riches de pièces évocatrices de l’épopée humaine. Crâne de l’Homme de Cro-Magnon, dit “Le vieillard”, 28 000 ans (les Eyzies-de-Tayac, Dordogne). Collection d’anthropologie. © D. Ponsard / Musée de l’Homme Dossier Les temps forts de la visite Entre culture et nature Parmi les temps forts, une immense tête composée de 350 bustes, moulés sur nature au XIXe siècle, illustre l’unicité et la diversité de l’humanité. Une tour de 12 mètres, déployée sur le double niveau des galeries, raconte la formidable inventivité de l’Homme pour s’adapter à son milieu naturel : filet attrape-nuages, équipements pour se protéger du froid, du soleil, de la pluie, ou explorer les volcans, les fonds marins, l’espace… Plus loin, arbre phylogénétique, buissonnement des lignées humaines et comparaison des primates supérieurs permettent au visiteur de renouer avec ses ancêtres. Il faut dire que le Musée de l’Homme possède des fossiles exceptionnels, en particulier “Cro-Magnon” et Homo néandertalensis de “La Ferrasie”. Dans la section de la galerie consacrée à notre anatomie, la visite d’un cerveau géant étonne. Vient ensuite une réflexion sur des éléments clefs de notre adaptation : domestication des animaux, sédentarisation, création d’outils, naissance des grandes civilisations, industrialisation. L’observatoire de l’humanité rend compte, à la fin du parcours, des recherches actuelles. « Le projet de rénovation est aussi l’occasion de développer un grand centre de recherche intégré, consacré à l’évolution de l’Homme », explique Serge Bahuchet, directeur du département Hommes, Natures, Sociétés. Celui-ci s’interroge sur l’articulation entre sociétés humaines et environnement, et sur les liens entre biologie et culture. Unité et diversité de l’Homme, relations à la nature dans le temps et dans l’espace, du point de vue biologique, écologique, social et culturel intéressent les chercheurs. Ces derniers s’appuient sur des collections d’anthropologie biologique, d’ethnologie et d’ethnobiologie (plantes cultivées, végétaux et animaux utilisés par les sociétés humaines, objets d’ethnomédecine). Les travaux actuels concernent les familles linguistiques des populations d’Asie centrale, la diversité génétique, musicale et linguistique des populations d’Afrique centrale (chasseurs-cueilleurs pygmées et agriculteurs). Le département est également présent en Mauritanie, en Ethiopie, au Groenland, en Laponie, au Vanuatu, au Brésil et à Madagascar. « Feuille de laurier en cristal de roche, Solutréen (Dordogne). Collection de préhistoire. © D. Ponsard / Musée de l’Homme Lieu de recherche et de développement scientifique, le Musée de l’Homme offre aussi des espaces de débats et un éclairage sur des enjeux de société fondamentaux. L’Homme évolue-t-il toujours ? Comment s’est-il adapté aux modifications de son environnement naturel ? Comment a-t-il survécu ? Quelles sont les populations menacées aujourd’hui ? Patience… jusqu’à 2012 ! L’humanité est un tout indivisible, non seulement dans l’espace, mais aussi dans le temps. Paul Rivet, 1937 » Peinture sur feuille de palmier représentant un esprit des eaux à corps de crocodile, Papouasie Nouvelle-Guinée, 2003, mission Ch. Coiffier. Collection d’ethnologie. © D. Ponsard / Musée de l’Homme La profondeur du temps D’hommes à l’Homme Ces recherches, deux départements associés au Musée de l’Homme y participent pleinement. Leurs travaux, menés lors d’expéditions et au sein de laboratoires, font référence. Celui de Préhistoire, lieu de dialogue entre sciences de la nature et de l’Homme, apporte la profondeur chronologique indispensable à l’étude des relations Homme-Nature. Il s’intéresse notamment aux peuplements anciens de l’Eurasie depuis près de deux millions d’années, ou encore aux Néanderthaliens et Hommes anatomiquement modernes en Europe. Paléoanthropologie, datations et reconstruction des environnements continentaux, étude des territoires de l’homme préhistorique, analyse des objets et des représentations symboliques, ou encore histoire des sciences archéologiques... les travaux sont également caractérisés par une large ouverture internationale, reflétée par un enseignement européen de Master. « Autour des collections et des projets de recherche, explique François Semah, directeur du département, la priorité est de mettre en place une approche interdisciplinaire en matière d’anthropologie évolutive, croisant aussi bien le présent, le passé que les aspects biologique, social, culturel et environnemental. » Créé par décret de Jules Ferry en 1880, le Musée d’ethnographie est inauguré en 1882 au sein du Palais du Trocadéro. Il s’inspire alors des conceptions évolutionnistes et ethnocentriques de l’époque. En 1928, Paul Rivet, professeur d’anthropologie au Muséum, en prend la direction. Il souhaite réunir en un même établissement toutes les collections dédiées à l’espèce humaine -ethnographie, anthropologie physique, préhistoire- et lui associer une mission de recherche et d’enseignement. Georges-Henri Rivière, musicien de jazz, passionné d’art primitif, le rejoint. Le 20 juin 1938, le Musée de l’Homme ouvre ses portes dans l’aile Passy du nouveau bâtiment conçu par Carlu. L’intérêt des artistes pour les collections stimule leurs échanges avec les intellectuels et les ethnologues. La Seconde Guerre mondiale met fin à cette émulation. Plusieurs membres de l’établissement, créateurs d’un réseau de résistance contre le nazisme, sont arrêtés, déportés ou condamnés à mort. Les années 60 et 70 marquent le retour d’une activité intense, nourrie par les travaux de grands chercheurs. L’ouverture de l’exposition Tous parents, tous différents, en 1992, réaffirme l’appartenance de tous les Hommes à une même espèce. En 2009, le Musée de l’Homme débute sa transformation en Musée du XXIe siècle. Pendant toute la durée des travaux de rénovation, les activités du Musée de l’Homme continuent. Chacun peut suivre l’avancée du projet sur le site dédié www.museedelhomme.fr rétrospective portfolio Avant le Musée de l’Homme... (P. Colin). 1947 - (J. Falck). 1982 - Première affiche graphique de promotion du Musée de l’Homme (R. Savignac). 1992 - Ouverture de l’exposition permanente Tous parents, tous différents (J.-P. Goude). 2006 - Les 150 ans de la découverte de l’Homme de Néandertal (M. Carton). Avril 2009 5 Actualités PUBLICATIONS © Yvan Ineich / MNHN Rendez-vous avec Darwin En 2009, le Muséum célèbre le bicentenaire de la naissance de Charles Darwin et le 150e anniversaire de son ouvrage L’Origine des Espèces, paru en 1859. Si elle est appréhendée de manière différente aujourd’hui, la théorie de l’évolution n’en demeure pas moins un pilier de la biologie, de la paléontologie et de l’anthropologie modernes. Pour expliquer la transformation et la diversité des espèces, Darwin propose le mécanisme de la sélection naturelle. Dans un milieu donné, certains organismes présentent des variations accidentelles de caractères, dont certaines leur offrent un avantage reproductif. Transmises à leur descendance, ces variations augmentent tant qu’elles confèrent un avantage à ses porteurs, et jusqu’à ce qu’elles envahissent la population. Ainsi les espèces évoluent-elles au cours du temps, en fonction de leur environnement : la variation propose, le milieu dispose. Nouveau gecko Grâce à l’expédition internationale Santo 2006, une nouvelle espèce de gecko a été découverte : Lepidodactylus buleli, lézard originaire de l’île Espiritu Santo dans le Pacifique Ouest. Ce spécimen a été rapporté à Paris sous forme d’œuf, éclos en captivité fin 2006. Il a fallu attendre plus d’une année pour qu’il atteigne sa taille adulte, permettant sa description par Ivan Ineich, herpétologue au Muséum. Une première mondiale ! Il s’agit également de la première nouvelle espèce de vertébré terrestre décrite à la suite de la mission. L’originalité de cette dernière a été d’étudier la faune des forêts jusqu’aux strates les plus difficiles d’accès comme la canopée (cime des arbres à plus de 20 m d’altitude). Diversification des méthodes d’observation, collecte et élevage des œufs ouvrent ainsi de nouvelles perspectives pour l’étude de la biodiversité. Tout au long de l’année, le Muséum rend hommage au naturaliste anglais et à ses contemporains avec des expositions, visites guidées, rencontres, conférences, films, débats... Au programme depuis février, les Escales dans les galeries. Un parcours en dix étapes attend d’abord le public à la Grande Galerie de l’Évolution, autour des observations menées par Darwin lors de son expédition à bord du navire Beagle, de 1831 à 1836. La visite se poursuit avec une sélection inédite de spécimens dans les Galeries d’Anatomie comparée et de Paléontologie : moulages, fossiles, primates... A new arboreal Lepidodactylus (Reptilia: Gekkonidae) from Espiritu Santo Island, Vanuatu: from egg to holotype. Zootaxa, 29 octobre 2008. Ambre et plancton Des micro-organismes marins ont été trouvés dans des fragments d’ambre prélevés en Charente et datant du milieu du Crétacé (-100 à - 98 millions d’années). Exceptionnelle et paradoxale -l’origine forestière de l’ambre écarte a priori tout piégeage d’animaux marins- cette découverte permet d’approfondir les connaissances sur ces espèces marines disparues. Fruit d’une collaboration de plusieurs laboratoires français1 et des chercheurs du Muséum, elle a fait reculer de 10 à 30 millions d’années la datation de la première apparition de certaines variétés d’algues. Elle permettra également d’approfondir les connaissances sur l’environnement côtier de l’Ouest de la France au Crétacé. 1. CNRS, Universités Pierre et Marie Curie et Strasbourg 1 Evidence for marine microfossils from amber. PNAS, 11 novembre 2008. L’exposition Tête à tête avec les insectes montre les étonnantes adaptations de ces animaux. Ici : Polyommatus daphnis © Philippe Blanchot - www.philippeblanchot.com En parallèle, le Jardin des Plantes offre une promenade originale avec Charles Darwin : jardinier et botaniste ; à la manière d’un observatoire en plein air, onze panneaux évoquent les travaux du naturaliste dans ce domaine. Quatre expositions temporaires sur les ressorts de la pensée évolutionniste complètent cette rencontre avec le célèbre scientifique. Amateurs et professionnels sont également conviés à plusieurs conférences, projections et discussions. Enfin, les 23 et 24 novembre 2009 seront l’occasion de célébrer l’anniversaire conjoint de la parution d’ouvrages de référence : les 200 ans de la Philosophie Zoologique de Jean-Baptiste Lamarck (1809) et les 150 ans de l’Origine des espèces de Darwin (1859). Clipperton Inhabitée, l’île de Clipperton est encore trop méconnue. Son étude est pourtant particulièrement intéressante compte tenu de sa position géographique unique, très à l’est dans le Pacifique et éloignée de l’épicentre de la biodiversité situé dans la région IndonésieMalaisie-Philippines. Synthèse des résultats de l’expédition organisée par Jean-Louis Etienne entre décembre 2004 et avril 2005, Clipperton, environnement et biodiversité d’un microcosme océanique dresse l’état actuel de la biodiversité de ce rocher volcanique. Clipperton, environnement et biodiversité d’un microcosme océanique, coordonné par Loïc Carpy. Éditions Publications scientifiques et IRD, 420 pages. événement Nouveau projet européen Avril 2009 6 Le projet Scales1 vient d’être sélectionné dans le cadre du 7e programme-cadre de recherche et de développement de l’Union Européenne 20072013. Financé à hauteur de 7 millions d’euros sur 5 ans par l’UE, ce programme scientifique fait appel à 27 partenaires et débutera en mai prochain. Les facteurs environnementaux et humains responsables des changements de la biodiversité peuvent agir à des échelles spatiales et temporelles très différentes. L’objectif est de mieux les comprendre afin d’améliorer les politiques de conservation européennes, en harmonisant les échelles écologiques avec les niveaux administratifs de gestion de la biodiversité. 1. Securing the Conservation of biodiversity across Administrative Levels and spatial Pour en savoir plus : Programme annuel complet Aujourd’hui l’évolution ! disponible sur www.mnhn.fr rubrique évènements. Toute l’information sur l’Année Darwin : www.darwin2009.fr Charles Darwin, 1809-1882 Nouvelle installation dans la Galerie d’Anatomie comparée et de Paléontologie, l’arbre du vivant présente la classification phylogénétique du vivant, en expliquant les liens de parenté entre espèces. © Matthieu Prier Depuis quand boit-on du lait ? L’exploitation du lait de moutons, chèvres et bovins a commencé avec leur domestication, il y a plus de 10 500 ans. Aujourd’hui boisson courante, le lait n’a pas toujours été consommé de la même manière au fil des civilisations. Lancé en septembre 2008, le projet de recherche européen Leche1 réunit 15 équipes de 7 pays pour explorer l’origine et l’impact de l’économie laitière en Europe. Pendant 4 ans, elles étudieront le lien entre les origines de l’élevage laitier au Néolithique et la capacité des hommes à digérer le lait à l’âge adulte. Partenaire français de ce projet, l’unité de recherche d’archéozoologie (Muséum / CNRS), dirigée par Jean-Denis Vigne, est notamment chargée d’éclaircir l’histoire des premières exploitations laitières des vaches, moutons et chèvres. Pour assimiler le lactose du lait, les nourrissons ont une enzyme spécifique : la lactase. Codée par un gène identifié, sa production s’amenuise progressivement avec l’âge mais de façon variable selon les populations, les aires géographiques et les pratiques alimentaires. Paradoxalement, alors qu’on observe une persistance du gène codant pour la lactase dans les populations à forte tradition d’élevage, l’histoire dément cette corrélation. Le Proche-Orient, région d’origine de la domestication des vaches laitières (- 8 500 av J.C.), compte moins d’habitants porteurs du gène que les peuples d’Europe situés entre la Hongrie et l’Allemagne, territoires où le bovin a été introduit 2 000 ans plus tard. Or, les études préliminaires suggèrent que la persistance du gène confère un avantage adaptatif et a joué un rôle singulier dans l’évolution économique et sanitaire de ces sociétés. Malgré tout, certaines questions restent en suspend : où, quand et comment est apparu et s’est développé ce gène ? Enfin, comment les sociétés ont-elles mis à profit cette capacité physiologique avantageuse ? 1. Lactase Persistence and the Early Cultural History of Europe Partenariats Un lien historique, des préoccupations contemporaines Pour répondre à l’urgence de préserver notre planète et ses ressources, le Prince Albert II de Monaco crée une fondation en juin 2006. Son vice-président, Bernard Fautrier, met en lumière les liens solides et historiques liant le Muséum et la famille princière. Bernard Fautrier © FPA II Comment est né le projet de Fondation ? Les liens sont également historiques, non ? L’aventure commence par le souhait du Prince de répondre aux grands périls environnementaux : changement climatique, préservation de la biodiversité, accès à l’eau et lutte contre la désertification. Albert II de Monaco fait de ces problèmes, interdépendants par ailleurs, les trois socles de sa fondation. Il est convaincu qu’en matière de préservation de l’environnement et de développement durable, un défi planétaire est à relever et qu’il est nécessaire d’agir de façon urgente et concrète à tous les niveaux. Pour lui, créer une fondation doit contribuer à régler, y compris sur le terrain, une partie de ces problèmes. Cette action passe par la sensibilisation des institutions et des populations ; son statut de chef d’État lui est ici utile. En effet, l’admiration pour l’institution et les liens de partenariat remontent à près d’un siècle, à l’époque du règne d’Albert 1er, Prince passionné par les sciences et la vulgarisation. Il a ainsi établi un partenariat fort avec le Muséum en contribuant à la construction de l’Institut de Paléontologie humaine, qui abrite aujourd’hui une partie des chercheurs en préhistoire du Muséum. D’un côté une relation ancrée dans l’histoire, de l’autre un lien plus contemporain fondé sur les problèmes environnementaux. Avant tout, une amitié forte et une admiration sans bornes pour une institution qui a joué, à travers les siècles, un rôle majeur dans l’amélioration des connaissances et la préservation de la biodiversité. Des liens institutionnels également, puisque le directeur général du Muséum a accepté, dès le début, de participer à notre conseil scientifique et y joue un rôle essentiel d’expertise. Et puis, au quotidien, des échanges avec les spécialistes du Muséum, pour consultations et avis, en fonction de la nature des projets. Cela débouche sur des partenariats, des réflexions sur des pistes de préoccupations communes. Une vraie synergie. © MNHN PLACE AU HANDICAP www.fondationprincealbertiidemonaco.net 1. avec le soutien de la Fondation Total et de la Fondation Stavros Niarchos. Les régions polaires, l’une des trois zones géographiques sur lesquelles la Fondation travaille. © J. Schwander, University of Bern Vous vous impliquez dans une expédition avec le Muséum et Pronatura international1. Pourquoi cette aventure ? Cette mission d’inventaire de la biodiversité à Madagascar et au Mozambique a immédiatement passionné le Prince et toute l’équipe. Nous avions en tête le succès de l’expédition Santo, en 2006. Aux côtés du Muséum, qui a la capacité de mobiliser les scientifiques et les compétences nécessaires, nous souhaitions nous associer à un projet exemplaire. Il faut combler l’ignorance du public sur la vie abritée par notre planète, méconnaissance encore plus criante pour les espaces maritimes. On ne peut continuer à ignorer la richesse de la Terre, à l’exploiter comme on le fait, sans savoir au détriment de quelles espèces on le fait. C’est une mission essentielle et, chaque fois que nous en aurons la possibilité, nous nous associerons à ce type d’expéditions. À quels autres projets s’intéresse la Fondation ? Nous avons monté un groupe de travail sur le phoque moine de Méditerranée, un mammifère disparu du bassin occidental de cette mer dans les années 70. Cette “task force” étudie les possibilités de réimplantation ou, à tout le moins, S.A.S le Prince Albert II de Monaco et Bertrand-Pierre Galey, directeur général du Muséum © P. Lafaite / MNHN Albert 1er, un esprit pionnier Une anecdote relatée par Bernard Fautrier : après un séjour aux États-Unis en 1909-1910, durant lequel il découvre le parc de Yellowstone, Albert 1er propose au président français et au roi d’Espagne de créer un parc naturel transfrontalier dans les Pyrénées pour y préserver les espèces. Hélas, nous sommes en 1914 et d’autres préoccupations hantent alors les dirigeants européens… Le Parc naturel des Pyrénées ne verra pas le jour. Mais le Prince persiste, comme l’atteste son discours sur les Parcs nationaux, à la Conférence de Paris, le 25 janvier 1917 : « Le projet des Parcs nationaux qui préoccupe depuis plusieurs années quelques personnes dévouées aux intérêts de la France a saisi mon attention lorsque j’ai connu le résultat donné aux États-Unis par de telles institutions, dont la première fut le “Yellowstone Parc” auquel s’ajoutèrent ensuite 43 autres créations du même genre et distribuées sur le territoire de la grande République. […] Et bien messieurs, il ne tient qu’à la volonté de certains groupes de Français que la France possède une organisation semblable dans quelques régions telles que les Pyrénées, les Alpes, l’Auvergne, la Corse, l’Algérie. […] » Près d’un siècle plus tard, le concept de Parc national a fait ses preuves… Le soutien de la Caisse d’Épargne Île-de-France pour les serres L’engagement de la Fondation Orange pour la Galerie des Enfants À l’occasion de la rénovation des serres historiques du Jardin des Plantes, la Caisse d’Épargne d’Îlede-France finance une partie des aménagements et dispositifs adaptés à l’ensemble des personnes en situation de handicap, pour une découverte polysensorielle et pédagogique du monde végétal. Le projet prévoit l’aménagement des circulations et l’accessibilité des personnes à mobilité réduite, mais aussi la mise en place d’une muséographie spécifique innovante qui intègre des dispositifs appropriés aux déficiences visuelles, auditives et mentales. La Fondation Orange apporte son financement au projet d’accessibilité de la Galerie des Enfants, futur espace dédié aux 6-12 ans dans la Grande Galerie de l’Évolution. Comment ? En intégrant un parcours adapté aux jeunes déficients auditifs et visuels. Une préoccupation partagée par le Muséum, engagé dans une démarche active de mise en accessibilité de ses collections et expositions aux visiteurs en situation de handicap. Lors d’une visite libre, ces derniers pourront découvrir un parcours original en toute autonomie à l’aide de supports de médiation spécifiques : sous-titrage et insertion de médaillons en LSF, visioguide, ambiance sonore, maquettes et sculptures d’aspect tactile, supports ludo-éducatifs adaptés, cartels en braille et gros caractères associés aux objets, site Internet dédié… 7 Avril 2009 Quels liens vous unissent au Muséum ? Comment voyez-vous évoluer votre partenariat avec le Muséum ? Je le vois devenir pérenne et solide ! En peu de temps, beaucoup de liens ont déjà été tissés. Le Muséum doit être, pour nous, un partenaire stable. Les problématiques de biodiversité sont énormes, beaucoup d’inconnues restent à lever et de périls à surmonter, notamment grâce à une connaissance et à un savoir-faire que l’on trouve au Muséum. En quoi la Fondation diffère-t-elle de ses homologues ? Elle a été créée par un chef d’État en exercice. Bien sûr, l’action des pouvoirs publics de la Principauté en matière d’environnement est indéniable, mais le Prince a souhaité s’impliquer personnellement. D’ailleurs, la plupart de nos interlocuteurs s’adressent au président de la fondation, non au chef d’État. Ils savent que le degré de réactivité est bien plus fort qu’avec une administration. Autre particularité, notre structure se limite à trois zones géographiques : la Méditerranée, tout d’abord, car Monaco en fait partie et qu’elle est un bon révélateur des trois problématiques qui forment notre socle. Les régions polaires, ensuite, car elles représentent depuis un siècle un centre d’intérêt affectif et passionnel pour les princes de Monaco. Enfin, les pays les moins développés qui sont les plus vulnérables. J’ajouterai une particularité plus technique : notre politique de 100 % du don affecté au projet, les charges de fonctionnement étant couvertes par la dotation perçue de l’État de Monaco. de consolidation des quelques colonies subsistant en Méditerranée orientale, sur les côtes marocaines et mauritaniennes. Elle réfléchit également à l’opportunité de rétablir la discontinuité. Plusieurs experts du Muséum participent activement à nos travaux et nous espérons aboutir à une vision commune et scientifique sur les attitudes intelligentes et concrètes à adopter. Je souhaite que nous développions ce genre de réflexion dans une perspective concrète sur d’autres thématiques. Portrait Évelyne Heyer L’Homme, cet animal social… © Tatyana Hegacy Anthropologue et généticienne renommée, Évelyne Heyer est directrice du laboratoire de génétique des populations humaines au Musée de l’Homme mais aussi directrice adjointe du département Hommes, Natures, Sociétés. Autant de casquettes qui ne la détournent pas d’une quête darwinienne : démontrer l’influence des pratiques culturelles sur la diversité génétique des populations humaines. « Travailler sur l’Homme m’est venu assez tard », confie Évelyne Heyer. Férue de biologie et de maths, elle s’engouffre dans des études d’agronomie à Montpellier et planche sur le fruit de la passion, son sujet de DEA. Mais, en 1986, tout bascule. Pendant son cours de biologie évolutive, Pierre-Henri Gouyon lui fait découvrir la théorie de l’évolution. « Une révélation intellectuelle ! J’ai tout abandonné pour m’y consacrer, car elle me permettait d’expliquer tout ce que j’avais appris et constaté sur les plantes. J’ai voulu l’appliquer à l’Homme… ». En 1987, une bourse de thèse lui offre sa chance : comprendre la fréquence d’une maladie héréditaire chez des villageois d’une vallée du Jura, sa région natale. Comme seuls outils, des données géographiques et généalogiques disponibles à Montréal, dans le meilleur laboratoire de démographie historique du monde. « Ça tombait bien, j’adore voyager ! » Révélateur du comportement La prévalence de la maladie dans cette vallée jurassienne s’explique par la structure du village. Il abrite un noyau de familles stables dont les descendants demeurent sur place, contrairement aux immigrants qui ne restent pas plus de deux ou trois générations. « Tout l’intérêt consiste à montrer comment des comportements sociaux et culturels – avoir accès à des terres – ont permis aux enfants de s’établir, contrairement aux immigrants. Il y a donc bien interaction entre les processus culturels et ceux d’évolution génétique. » Appartenir au noyau stable a ainsi donné un avantage reproductif aux gens. Évelyne Heyer s’envole ensuite pour l’université de Chicoutimi, au nord du Canada, afin de mener des recherches similaires sur la population humaine du Québec mais aussi pour y enseigner. Un époux, un bébé, un doctorat et trois années et demie d’enseignement plus tard, le mal du pays la gagne. « Avril 2009 8 La langue fait barrage aux gènes En 2001, Évelyne Heyer part avec son équipe en Asie centrale étudier deux groupes de populations appartenant à deux grandes familles linguistiques -turco-mongols et indo-iraniens- et au mode de vie différent : éleveurs nomades pour les premiers, agriculteurs sédentaires pour les seconds. L’équipe fait une moisson de données génétiques, ethnologiques, linguistiques et anthropométriques. « L’organisation sociale turco-mongole se fait en groupes de filiation : un individu appartient à un lignage, les lignages sont regroupés en clan et les clans en tribu. Par comparaison, leurs voisins indo-iraniens, qui ne suivent pas cette organisation sociale, sont différents à la fois génétiquement et socialement. Nous avons pu ainsi démontrer l’impact de l’organisation sociale sur la diversité génétique. » Autre découverte, la langue, trait culturel, joue sur l’évolution des populations : « elle constitue une barrière puisqu’elle limite les flux de gènes ». Mission au Kirghiztan, lac San Kul, 2008. © Tatyana Hegay Le nouveau Musée de l’Homme Pour l’instant, Évelyne Heyer met son énergie dans le chantier de rénovation du Musée de l’Homme : « C’est d’autant plus passionnant que le responsable du projet associe les directeurs des départements Préhistoire et Hommes, Natures, Sociétés. Comme aucun n’est biologiste, j’en suis ! » Enthousiaste devant le projet du cabinet d’architecte Brochet-Lajus-Pueyo, elle ne tarit pas d’éloge sur la muséographe Zette Cazalas qui fourmille d’idées : « C’est du bonheur ! On a pratiquement bouclé le calage du parcours des expositions permanentes dont une partie sera consacrée à l’évolution. Mécanismes de la génétique, avec une double hélice d’ADN, comparaison avec les chimpanzés, inscription du corps humain dans le biologique et le culturel… Des idées auxquelles je tenais ! » Un tandem pour Human Biology Prélèvement d’échantillons sanguins pour des études génétiques, Ouzbékistan. © Evelyne Heyer » La culture ne nous écarte pas de l’évolution mais elle change de temps en temps les règles du jeu ! Rencontre avec l’ethnologie Le chant des Pygmées « Mon envie de rentrer en France a coïncidé avec celle de prendre du recul pour mieux intégrer les nouvelles connaissances en matière de génétique des populations. » Reçue au concours du CNRS en 1996, elle entre au laboratoire d’anthropologie biologique du Musée de l’Homme : « André Langaney y faisait une large place à la génétique des populations humaines et ses travaux m’intéressaient vivement. » Forte de la légitimité accordée par la médaille de bronze du CNRS en 1999, Évelyne Heyer va batailler pour créer sa propre équipe lorsque l’aventure du laboratoire prend fin. Intégrée dans un programme du CNRS, elle bénéficie des moyens nécessaires pour que son unité de recherche ouvre au Musée de l’Homme. Une belle complicité se tisse avec Serge Bahuchet, ethnobiologiste et directeur d’une UMR d’éco-anthropologie. Ensemble, ils décident de rapprocher sciences biologiques et ethnologie, tout en contribuant à la création du département Hommes, Natures, Sociétés. En Afrique centrale (Cameroun et Gabon), un projet pluridisciplinaire sur la diversité génétique, linguistique et musicale s’intéresse à des populations pygmées. « Absence de langue pygmée – ils empruntent les langues de leurs voisins – et de mythe fondateur commun, ignorance mutuelle de l’existence des autres populations… Tout est fascinant ! La génétique devait valider si ces populations dispersées avaient ou non une origine commune. » Ce qui est le cas, même si elle ne remonte qu’à 2 800 ans, mais l’arrivée de l’agriculture a entraîné deux modes de vie distincts : agriculteurs et chasseurs-cueilleurs. En plus des anthropologues, une ethnomusicologue était partante pour travailler avec des biologistes ! « Les Pygmées sont les chanteurs les plus extraordinaires de toute l’Afrique centrale : technique de yodel, polyphonies, contrepoints… En travaillant sur les distances musicales, nous voulons comparer la présence et l’absence de certains répertoires et, si possible, les mélodies. Les ethnomusicologues ont constaté des traits musicaux communs à certaines populations pygmées et plusieurs livres d’enregistrements sont déjà prêts. » Évelyne Heyer et son collègue Franz Manni, spécialiste en calculs de distance linguistique et génétique, se sont proposés comme nouveaux éditeurs de la revue anthropologique internationale Human Biology. C’est un pari : celui de redonner toute son aura à cette publication, créée en 1929 et éditée par l’université Wayne de Détroit. « Tous les grands noms de la biologie humaine y ont été publiés ; nous confier cette fonction est donc un crédit accordé à notre travail. Notre projet est d’y promouvoir les recherches interdisciplinaires et d’y intégrer des disciplines périphériques. » CONTACTS [email protected] www.ecoanthropologie.cnrs.fr/spip.php?article291 Département Hommes, Natures, Sociétés Directeur : Serge Bahuchet USM 0104 Éco-anthropologie et Ethnobiologie, UMR 7206 LeMuséum Muséum national d’Histoire naturelle 57 rue Cuvier - 75005 Paris Tél. : 01 40 79 30 00 www.mnhn.fr Directeur de la publication Bertrand-Pierre Galey Directeur éditorial Hugo Plumel Rédactrice en chef Sophie Landrin Rédaction Agence PCA : Isabelle Servais-Hélie, Anne Béchiri, Élisa Dupont, Laura Henimann Graphisme Matthieu Carton Impression Imprimerie Escourbiac - 81300 Graulhet Dépôt légal Avril 2009 Téléchargeable sur www.mnhn.fr ISSN 1760-6950
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