Le Monde 2 en 1 du dimanch…zip

Transcription

Le Monde 2 en 1 du dimanch…zip
Dimanche 1er - Lundi 2 février 2015 ­ 71e année ­ No 21786 ­ 2,20 € ­ France métropolitaine ­ www.lemonde.fr ―
Fondateur : Hubert Beuve­Méry
L’Europe cherche
la réponse à l’effet Tsipras
TERRORISME
▶ Le gouvernement grec
ÉCONOMIE
doit s’entendre avec
ses créanciers avant le
28 février. Les négociations
s’annoncent glaciales
▶ François Hollande et
Angela Merkel ont tenté,
vendredi 30 janvier, d’ajus­
ter leurs positions face au
programme d’Alexis Tsipras
▶ En Espagne, Podemos,
LUNEL, LABORATOIRE
DU DJIHAD
« MADE IN FRANCE »
→
▶ En France, Jean­Luc
qui appelait à une mani­
Mélenchon parie sur cette
festation samedi, veut
dynamique pour se relancer
profiter de l’onde de choc. LIR E PAGE S 2 , 3 , 8 , 2 0
L’effet touche aussi l’Irlande E T C A HIE R É CO PAGE S 6 E T 8
LES PRIX
CONTINUENT
DE BAISSER
EN ZONE EURO
→
Sur la route du poison
électronique
LIR E PAGE 1 0
LIR E C A HIE R É CO PAGE 3
AIDES
AU LOGEMENT :
UNE RÉFORME
NÉCESSAIRE
▶ De la Chine à la Marne, « Le Monde »
a remonté une filière de « recyclage » illégal
des déchets électriques et électroniques.
Deuxième volet de notre série « Ecocide »
→ LI R E PAG ES 12 À 14
→ LIRE P. 24
ET NOS INFORMATIONS P. 9
RÉFORME TERRITORIALE
LA FUSION
DES RÉGIONS
INQUIÈTE
LA CULTURE
→ LIR E
PAGE S 1 6 E T 1 7
TÉLÉVISIONS
Dans une
brûlerie artisanale
de cartes mères,
à Guiyu (Chine).
TF1,
TOUJOURS
SEULE
EN TÊTE
SAMUEL BOLLENDORF
→ LIR E
Justice
des mineurs :
la réforme
attendra
D
SOCIÉTÉ
ans la vague d’émotion suscitée par
les attentats de Paris, la subtilité sé­
mantique était passée inaperçue,
mais fait aujourd’hui polémique au Royaume­
Uni. La BBC, si elle a qualifié d’« attaques terroristes » les événements survenus en France, n’a
jamais utilisé le mot « terrorists » pour dési­
gner les tueurs, préférant « gunmen » (« ti­
reurs ») ou « attackers » (« agresseurs »). Une
controverse à ce sujet est née des propos tenus
par Tarik Kafala, qui dirige la chaîne de télévi­
sion en arabe du groupe depuis sa création
en 2008. « Nous essayons d’éviter de décrire
quelqu’un comme terroriste, ou un acte comme
étant terroriste, a­t­il déclaré au quotidien The
Independent. Ce que nous essayons de faire est
de relater que “deux hommes ont tué 12 personnes dans une attaque contre les bureaux d’un
journal satirique”. C’est assez clair, on sait ce que
ça veut dire et ce que c’est. » Il poursuit : « Nous
savons ce qu’est la violence politique, nous savons ce que sont des meurtres, des attentats et
des fusillades, et nous les décrivons. C’est bien
plus éclairant, à nos yeux, que d’utiliser un mot
comme “terroriste”. »
La polémique n’est pas nouvelle. La BBC est
régulièrement accusée d’utiliser le mot « ter­
roriste » de façon sélective, y recourant par
exemple à propos des nationalistes irlandais
ou lors des attaques de Londres, mais préfé­
rant le mot « militant » quand il s’agit d’atten­
tats palestiniens en Israël.
En réalité, la position de Tarik Kafala est con­
forme au code rédactionnel de la BBC, qui ne
proscrit pas l’usage du mot « terroriste », mais
recommande aux journalistes de tenir
compte des circonstances. La BBC, stipule
cette bible interne, « exige une réflexion approfondie avant que [le terme « terroriste »]
soit prononcé ». En effet, poursuit le docu­
ment, « les jugements de valeur fréquemment induits par l’usage des mots
“terroriste” ou “groupe terroriste” peuvent être une source
UN DÉPUTÉ
d’incohérence ou susciter
chez nos auditeurs des douCONSERVATEUR
tes sur notre impartialité ».
FUSTIGE LE LANLes propos de Tarik Kafala
sont loin d’avoir enflammé
GAGE ORWELLIEN
le débat public. Seul le Daily
Mail (conservateur) a fait
DE LA CHAÎNE
réagir quelques personnali­
BRITANNIQUE
tés. « Je trouve étrange que
la BBC essaie de cacher la
nature de ces gens. Ils sont totalement cinglés »,
estime Lord Norman Tebbit, ancien ministre
de Margaret Thatcher, dont l’épouse est para­
lysée depuis l’attentat de Brighton perpétré
par l’IRA en 1984. Un député conservateur, Co­
nor Burns, a fustigé le « langage orwellien type
1984 de la BBC ». De cette controverse, l’inté­
ressée n’a pas touché mot sur ses antennes. p
philippe bernard
londres (correspondant)
Christiane Taubira va se trouver
de nouveau en porte­à­faux. La
garde des sceaux envisageait de
présenter au conseil des minis­
tres – la date devait être fixée à la
mi­janvier – une réforme de l’or­
donnance du 2 février 1945 sur la
justice des mineurs. Mais Ma­
nuel Valls ne voit pas la nécessité
de mettre en avant une réforme
qui serait perçue par la droite
comme un chiffon rouge. S’il
prévoit de supprimer au premier
semestre 2015 les tribunaux cor­
rectionnels pour adolescents,
imposés en 2012, le texte de
Mme Taubira n’a pourtant rien de
révolutionnaire. Le projet de loi
entend garantir « un équilibre entre l’intérêt de l’enfant mis en
cause et ceux de la victime et de la
société ». « Toute décision prononcée à l’égard d’un mineur, édicte­
t­il, vise prioritairement à assurer
son relèvement éducatif et à prévenir la récidive. » Cette prudence
n’a pas empêché son renvoi aux
calendes grecques.
→ LIR E
À BAS !
L’IGNORANCE
os
29 eurages
p
1 700
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L’HISTOIRE DU JOUR
La BBC refuse d’appeler « terroristes »
les assaillants de « Charlie »
PAGE 1 8
Une marque dd’intelligence.
PAGE 6
Algérie 180 DA, Allemagne 2,50 €, Andorre 2,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 2,20 €, Cameroun 1 900 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d'Ivoire 1 900 F CFA, Danemark 30 KRD, Espagne 2,50 €, Finlande 4 €, Gabon 1 900 F CFA, Grande-Bretagne 1,90 £, Grèce 2,50 €, Guadeloupe-Martinique 2,40 €, Guyane 2,80 €, Hongrie 950 HUF,
Irlande 2,50 €, Italie 2,50 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2,20 €, Malte 2,50 €, Maroc 13 DH, Pays-Bas 2,50 €, Portugal cont. 2,50 €, La Réunion 2,40 €, Sénégal 1 900 F CFA, Slovénie 2,50 €, Saint-Martin 2,80 €, Suisse 3,50 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,50 DT, Turquie 9 TL, Afrique CFA autres 1 900 F CFA
2 | international
0123
DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015
Jeroen Dijsselbloem, le président de l’Eurogroupe, et Alexis Tsipras,
le 30 janvier, à Athènes. PETROS GIANNAKOURIS/AFP
Rencontre entre François Hollande, Angela Merkel et Martin Schulz,
le 30 janvier, à Strasbourg. DOMINIQUE GUTEKUNST/ « L’ALSACE »
L’Europe se cherche face à Alexis Tsipras
Mme Merkel veut éviter la création d’un « front social-démocrate » plus conciliant avec le gouvernement grec
bruxelles - bureau européen
L
es négociations entre les
Européens et le gouver­
nement d’Alexis Tsipras
concernant
l’énorme
dette grecque ont officiellement
commencé. Et elles s’annoncent
d’ores et déjà explosives. Jeroen
Dijsselbloem, le président de
l’Eurogroupe, l’instance informelle des 19 pays de la zone euro
s’est rendu à Athènes vendredi, où
les premiers contacts avec le nouveau gouvernement ont été tendus. Dans la soirée, dans un restaurant de Strasbourg, le président François Hollande et la chancelière Angela Merkel ont tenté, à
l’invitation de Martin Schulz, le
président du Parlement européen, d’ajuster leur réponse à la
nouvelle « donne » grecque.
Pour les Européens, il y a urgence à former un front commun
face au forcing engagé par le nouveau premier ministre grec, après
sa large victoire électorale, le
300
milliards d’euros
C’est le montant de la dette
grecque. L’essentiel est
détenu par des investisseurs
publics : la BCE (27 milliards), le FMI (32 milliards),
les Etats européens, par le
biais de prêts bilatéraux
(53 milliards), le Fonds européen de stabilité financière
(FESF, 142 milliards). Et,
pour 53 milliards, par des
investisseurs privés, qui ont
déjà accepté l’effacement de
70 % de leurs créances
en 2012. Actuellement, la
Grèce rembourse essentiellement ses créanciers privés,
la BCE et le FMI, en raison
d’un moratoire de dix ans
sur les prêts du FESF.
25 janvier. Le deuxième plan
d’aide à la Grèce (130 milliards
d’euros, décidé en 2012), arrive en
principe à échéance le 28 février.
Si les premiers contacts avec les
nouveaux dirigeants d’Athènes
ont été jugés « constructifs » par
les entourages de MM. Dijsselbloem, et Schulz, il n’en reste pas
moins que les premiers actes du
gouvernement de gauche radicale
divergent des attentes de leurs
partenaires européens. Dès sa nomination, lundi 26 janvier, M. Tsipras a rappelé sa volonté de mettre
fin à l’austérité et de parvenir à un
effacement d’une partie au moins
de la dette colossale du pays. Puis il
y a eu, ces derniers jours, l’annonce du gel des privatisations imposées par la « troïka ».
Vendredi, suite à sa rencontre
avec M. Dijsselbloem, le ministre
grec des finances, Yanis Varoufakis, a dit que son gouvernement
était d’accord pour négocier, mais
pas avec la troïka des bailleurs de
fonds (FMI, commission et banque
centrale européenne), qualifiée de
« commission branlante ». Il s’est
même dit prêt à renoncer aux
7 milliards encore accessibles dans
le cadre du plan d’aide. « Prendre
des décisions unilatérales ou ignorer les engagements précédents
n’est pas la marche à suivre », a mis
en garde M. Dijsselbloem.
Pour l’instant, la réponse de
Mme Merkel et de M. Hollande aux
demandes grecques reste d’une
extrême prudence. Ils sont convenus, vendredi, de « multiplier les
discussions et les échanges avec la
Grèce, dans le respect des choix du
peuple grec et des engagements »,
selon l’entourage du président :
« Il n’y a pas de mesure, ni de posture à prendre. Il ne s’agit pas d’être
en incompréhension et en opposition, mais de construire une relation équilibrée dans laquelle on
puisse se comprendre. » Le chef de
l’Etat, qui avait téléphoné à Alexis
Tsipras après sa victoire pour l’en
féliciter, recevra le premier ministre grec mercredi 4 février en dé-
but d’après-midi. Quand à
Mme Merkel, elle n’a eu aucun
contact direct avec son jeune homologue et proclame qu’il n’y aura
« pas d’effacement de la dette ».
Réformes dictées par la « troïka »
Sur le fond, la France, l’Allemagne
et leurs partenaires sont sur la
même ligne : les Grecs doivent
d’abord boucler le deuxième plan
d’aide, c’est-à-dire accepter des réformes supplémentaires dictées
par la troïka, avant de passer à une
autre phase, un troisième plan
d’aide, « plus light », avec des inspections des créanciers moins pesantes, et, éventuellement, une
« charge » de la dette allégée,
grâce à un allongement de sa maturité et à un abaissement de ses
taux d’intérêts. Mais pas question
de parler d’effacement.
« Les Grecs ne sont pas tenus juridiquement de terminer ce plan
d’aide. Mais s’ils ne le font pas, ils
risquent la banqueroute, ce dont
personne ne veut, parce qu’elle
pourrait pousser la Grèce hors de
la zone euro, avec des conséquen-
Pour l’instant,
la réponse
de Mme Merkel
et de M. Hollande
aux demandes
grecques reste
très prudente
ces désastreuses », glisse une
source bruxelloise. « Mais politiquement, c’est très important pour
des pays comme la Finlande ou
l’Allemagne, qui doivent soumettre
chaque plan d’aide à leurs Parlements, de pouvoir leur dire : nous
allons devoir à nouveau aider les
Grecs, mais regardez, ils ont accepté de faire ce que nous exigions
d’eux lors de notre plan précédent », décrypte cette source.
Reste que les Européens divergent encore sur la tactique à adopter. Face à la fermeté de Mme Merkel, M. Hollande semble plus
ouvert à la discussion, au moins
pour des raisons politiques. Avec
l’arrivée au sein du Conseil européen d’un Alexis Tsipras contestant les fondamentaux de la doctrine budgétaire chère à la chancelière et à une grande partie du
continent, M. Hollande peut espérer s’y réinstaller dans une position centrale. Celle-là même qu’il
avait tenté d’endosser au début de
son mandat, en juin 2012, en
jouant le « trait d’union » entre les
pays du Sud et l’Allemagne. « Dès
2012, le président était intervenu
pour stabiliser et avait œuvré pour
le maintien de la Grèce dans la
zone euro. Et nous avons de bonnes
relations avec Athènes », assure
une source diplomatique à Paris.
Certains s’inquiètent déjà de la
formation d’un front « social-démocrate » européen, plus accommodant avec M. Tsipras. Manfred
Weber, président du parti conservateur au Parlement européen
(PPE), un Allemand de la CDU, met
en garde : « J’appelle les sociauxdémocrates à ne pas céder aux sirènes du populisme de Tsipras,
sinon ils mettront l’Europe dans
une situation très difficile. »
En réalité, ce front dépasse la
seule question grecque. « Paris et
Berlin partagent un même grand
principe, celui de la nécessaire
continuité des engagements des
Etats », selon une source diplomatique européenne. « Ce qui pèse
sur la relation franco-allemande,
ce sont les manières divergentes
d’envisager les problèmes de la
zone euro. Pour Paris, il faut aller
plus loin dans la coordination des
politiques budgétaires, et que l’Allemagne investisse davantage. Pour
Berlin, l’économie européenne est
pénalisée par des pays qui ont trop
tardé à faire les réformes », analyse
Guntram Wolff, directeur du
think tank Bruegel. Mais pour ce
qui est de la Grèce, leurs positions
convergent, « ce sont deux créanciers très substantiels du pays », estime l’économiste. De fait, Paris a
prêté 47 milliards d’euros à Athènes ces dernières années, et Berlin, près de 60 milliards. p
cécile ducourtieux
et david revault d’allonnes
(à paris)
Première semaine au pas de charge à Athènes
la première semaine du gouvernement
Tsipras aura été menée au pas de charge et
sur tous les fronts. Fin de plusieurs privatisations, annonce d’un projet de loi à très
court terme rétablissant le salaire minimum au niveau de 751 euros brut mensuels ou octroi d’un 13e mois aux retraités
touchant une pension de moins de
700 euros par mois… les annonces se sont
multipliées à un rythme effréné, déstabilisant les partenaires européens qui ne s’attendaient pas à une telle rapidité et à une
telle détermination. Et pourtant, affirmet-on dans l’entourage de M. Tsipras, « nous
ne faisons qu’appliquer ce que nous annoncions depuis plusieurs mois déjà ».
Un premier bilan envoyé par le service de
presse de Syriza aux journalistes montre
que le gouvernement est satisfait de cette
première semaine de pouvoir durant laquelle « la voix de la Grèce » se ferait enfin
« entendre pour la première fois depuis le début de la crise ». La venue à Athènes de
MM. Schulz et Dijsselbloem – malgré la froideur des échanges – est comprise comme
un signe positif, un pied de nez même aux
prévisions « alarmistes » de l’ancien gouvernement conservateur, qui prévoyait
qu’après « dix minutes de négociations » la
Grèce serait « poussée au “Grexit” ».
Statu quo bousculé
Semblant ignorer l’indignation d’une partie de son propre parti après la nomination
du controversé Nikos Kotzias au poste de
ministre des affaires étrangères, le gouvernement se réjouit au contraire que « les
avis de la Grèce aient été entendus » lors du
conseil des ministres des affaires étrangères jeudi 29 janvier à Bruxelles, sur
l’Ukraine et la Russie. La position, réelle,
prorusse de M. Kotzias – et donc du gou-
vernement grec – rencontre d’autres intérêts européens sur cette sensible question
des sanctions. Athènes l’interprète comme
une première victoire à mettre à l’actif de
sa détermination à vouloir rééquilibrer la
place de la Grèce en Europe.
Dans le pays, la presse et l’opinion publique se divisent entre ceux qui, d’un côté,
applaudissent l’audace du premier ministre et de ses troupes et ceux qui, de l’autre,
pensent que tant de hâte pourrait à l’inverse crisper les créanciers du pays et faire
capoter, avant même qu’elles ne commencent, les vraies négociations sur une restructuration de la dette grecque. Sidération, satisfaction ou inquiétude : le nouveau gouvernement, et c’est bien la seule
certitude, bouscule le statu quo. En Grèce
comme en Europe. p
adéa guillot
(athènes, correspondance)
international | 3
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DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015
A Madrid,
Podemos
mobilise la rue
La gauche traditionnelle est
déstabilisée par le mouvement
madrid - correspondance
S
amedi 31 janvier, la capi­
tale espagnole devait être
témoin d’une véritable démonstration de force de
Podemos. Epreuve de force avec le
gouvernement conservateur du
Parti populaire, certes, mais surtout défi lancé aux socialistes du
Parti socialiste ouvrier espagnol
(PSOE) et aux écolos-communistes d’Izquierda Unida pour leur ravir l’espace politique à gauche. La
coïncidence dans le temps avec la
victoire de Syriza en Grèce est en
fait un hasard : la direction de la
formation radicale avait choisi
cette date avant la convocation
des élections grecques.
Slogan de la marche : le changement. Il s’agit pour Podemos de
« construire une nouvelle majorité
transversale de citoyens » afin de
« récupérer la démocratie » et se
« libérer du sentiment de résignation » provoqué par la crise ; et
lancer « aux privilégiés » qui ont
« ruiné le pays » le message que
« nous sommes des citoyens et non
des serfs ».
Objectif déclaré : « remplir la
Puerta del Sol », siège des manifestations des « indignés », en 2011,
déclarait récemment le numéro
deux de Podemos, Iñigo Errejon.
Et « donner une bonne secousse au
système. Réveiller la passion » des
Espagnols lors d’une année électorale qui s’annonce extrêmement chargée.
« En Grèce, il n’y a pas eu d’apocalypse et le soleil se lève toujours », a déclaré Pablo Iglesias, le
chef de file de Podemos, au lendemain du scrutin. Même si les éloges se sont changés en critiques
quelques jours après, du fait de
l’absence de femmes dans le nouveau gouvernement d’Athènes,
qualifiée de « lamentable » par le
responsable de la formation à Madrid, Luis Alegre.
Le chef de file des socialistes,
Pedro Sanchez, assure au Monde,
que « l’Espagne n’est pas la Grèce,
ni d’un point de vue politique ni
d’un point de vue économique » et
que le (PSOE) est loin de ressembler au Mouvement socialiste
panhellénique (Pasok). Il souligne
que « la première décision de
Syriza a été de s’allier aux nationalistes » du parti souverainiste des
Grecs indépendants.
Epicentre de la confrontation
Pas facile pour le PSOE de garder
le cap dans le tsunami politique
qu’a provoqué Podemos. M. Sanchez se réclame lui aussi du changement, mais d’un « changement
dans la sécurité » pour « ne pas
perdre ce que nous avons gagné ».
Au discours de rupture de Pablo
Iglesias, il oppose « un réformisme » mesuré pour « défendre
les classes moyennes ». Un réformisme qui passe par l’Union
européenne qui « elle seule » peut
aider l’Espagne à sortir de la crise.
« A un moment où la gauche de-
Pablo Iglesias, le dirigeant de Podemos (au centre), sur la Puerta del Sol, à Madrid, le 16 janvier. ANDREA COMAS/REUTERS
« En Grèce,
il n’y a pas eu
d’apocalypse,
et le soleil se lève
toujours »
PABLO IGLESIAS
chef de file de Podemos
vrait être plus internationaliste
que jamais, plus européenne, les
phénomènes populistes offrent un
modèle nationaliste », dit-il,
preuve, selon lui, que Podemos et
Syriza « n’ont rien compris à la
mondialisation ». Pour Pedro
Sanchez, Podemos « n’est pas une
nouvelle social-démocratie, mais
offre, au contraire, une vision
ancrée dans le XXe siècle ».
Madrid semble être devenu
l’épicentre européen de la
confrontation entre la gauche radicale et les sociaux-démocrates.
Le 21 février, les socialistes européens, à la demande de leurs collègues espagnols, vont se réunir
dans la capitale espagnole lors
d’un sommet auquel devraient
assister, d’après le PSOE, le premier ministre français, Manuel
Valls, et le président du conseil
italien et secrétaire du Parti
démocrate, Matteo Renzi.
La rencontre n’a pas encore de
slogan ni de but déclaré autre que
celui de créer un front commun
face à l’émergence de Podemos et
d’épauler la candidature de Pedro
Sanchez, après la cuisante défaite
du Pasok en Grèce. Mais le PSOE
est loin d’être uni : chef de file des
socialistes andalous et présidente
de la région, Susana Diaz cache de
moins en moins ses ambitions
nationales et pourrait devenir
une dangereuse rivale pour
M. Sanchez.
Quant aux écolos-communistes
d’Izquierda Unida, ils semblent
incapables d’apparaître comme
une véritable alternative, face au
désenchantement des Espagnols
vis-à-vis des partis d’alternance
traditionnels. Ils essayent en plus
d’éviter l’implosion du parti à
Madrid, miné par des dissensions
internes, en partie alimentées par
la candidature aux régionales
d’une de leur militante, Tania
Sanchez, qui n’est autre que la
compagne de Pablo Iglesias. p
isabelle piquer
SCRUTINS DE 2015
22 MARS
Elections régionales anticipées
en Andalousie.
24 MAI
Municipales et régionales dans 13
des 17 communautés autonomes.
27 SEPTEMBRE
Régionales anticipées en Catalogne.
NOVEMBRE
Elections législatives.
L’onde de choc grecque frappe l’Irlande, le bon élève de la « troïka »
Alors qu’une Alliance antiaustérité appelle à manifester samedi à Dublin, le gouvernement est critiqué sur la question de la dette
londres - correspondant
L’
onde de choc provoquée
par la victoire de Syriza en
Grèce ne s’est pas arrêtée
à Madrid, à Berlin ou à Paris. La
secousse a atteint Dublin, la
« bonne élève » des politiques
d’austérité dans la zone euro.
Comment les électeurs irlandais,
appelés aux urnes dans un an, jugeraient-ils le gouvernement sortant du premier ministre, Enda
Kenny, qui leur a administré une
purge budgétaire sévère mais efficace, si les Grecs obtenaient, eux,
un rééchelonnement, voire une
remise partielle de leur dette ?
« Peu de responsables politiques
ont davantage à craindre de l’élection grecque qu’Enda Kenny, répond le chroniqueur politique
Thomas Molloy dans l’Irish Independant, journal pourtant favorable à la politique l’austérité. La
victoire d’Alexis Tsipras peut faire
passer le premier ministre pour le
caniche de la “troïka” à un an des
élections. »
A vrai dire, le succès de Syriza a
déjà suscité une certaine jubilation au sein des partis irlandais
d’opposition, hostiles à l’austérité, qui ne voient pas pourquoi
les Irlandais ne bénéficieraient
pas des largesses qui pourraient
être octroyées aux Grecs.
Le Sinn Fein de Gerry Adams,
ancienne aile politique de l’Armée
républicaine irlandaise (IRA), a
salué l’« éblouissante victoire » de
M. Tsipras qui rend possible, selon
lui, un « changement de gauche »
en Europe. La conférence européenne sur la dette revendiquée
par Syriza « serait aussi d’un
grand intérêt pour l’Irlande », a
déclaré un porte-parole de ce
parti, dont le discours antiaustérité attire 21 % des électeurs,
selon les derniers sondages.
Les manifestations qui sont organisées, samedi 31 janvier, contre la facturation de l’eau potable,
sujet d’une intense mobilisation
en Irlande depuis plusieurs mois,
pourraient d’ailleurs prendre une
connotation inédite de solidarité
avec les Grecs. « Au lieu de se solidariser avec les autres élèves humiliés de la classe “troïka”, le gouvernement s’en est moqué », a tancé la
députée Ruth Coppinger (Parti
socialiste, trotskiste), figure de
l’Alliance antiaustérité (AAA).
« Dérive populiste »
Gêné par la rhétorique vindicative du nouveau gouvernement
grec, Enda Kenny (parti Fine Gael,
centre droit) répète que « l’Irlande
n’est pas la Grèce ». A Gerry
Adams qui, au Parlement, lui
demandait s’il soutiendrait la
demande d’une conférence sur la
dette, il a abruptement répondu
par un simple « non ! ». Selon le
premier ministre, le seul endroit
où des discussions de ce type peuvent se tenir est le Conseil européen à Bruxelles. Avant même le
vote grec, M. Kenny avait publiquement mis en garde contre
« une dérive populiste » qui pourrait compromettre la reprise
économique irlandaise.
Son ministre des finances, Michael Noonan, a beau jeu de rappeler que son pays, contrairement à
la Grèce, est presque tiré d’affaire,
s’étant libéré de la tutelle de la
« troïka » dès la fin 2013 et ayant retrouvé des marges de manœuvre
financière. L’Irlande a d’ailleurs
obtenu une restructuration partielle de sa dette, qui s’élève à
114,8 % de son PIB. L’austérité, en
imposant des baisses de salaire et
des coupes dans les dépenses publiques, a relancé la compétitivité.
Le chômage est tombé à 10 %, le déficit budgétaire a chuté à 4 % et la
croissance irlandaise (4,6 %) aura
été la plus forte de l’Union euro-
péenne en 2014. Le profil économique de la République irlandaise
– paradis des investisseurs et exportatrice de technologie – a peu
de point commun avec celui de la
Grèce. Mais aujourd’hui, en pleine
« grecomania », le ministre des
finances irlandais préfère sans
doute oublier ses propos méprisants de 2012. L’Irlande, avait-il
alors lancé, n’a rien à voir avec un
pays qui n’exporte qu’un seul
produit, « la feta ». p
philippe bernard
4 | international
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DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015
Au Sinaï, l’Egypte en guerre contre les djihadistes
L’Etat islamique recourt à des techniques de guérilla pour faire face aux contre-offensives de l’armée
A
Des familles de soldats tués dans le Sinaï, lors de leurs funérailles, au Caire, le 30 janvier. ASMAA WAGUIH/REUTERS
Mer Méditerranée
CISJ.
GAZA
Rafah
Al-Arich
ISRAËL
Cheikh Zouweid
Suez
Le Caire
SINAÏ
ÉGYPTE
Me
rR
ou
ge
ux chants de « l’Egypte
veut une main de fer »,
des milliers de person­
nes ont accompagné
dans plusieurs villes, vendredi
30 janvier au soir, les cercueils des
soldats et policiers tombés dans le
Sinaï. La veille, les forces de sécurité ont subi leur plus grand revers
en un an et demi de lutte contre
l’insurrection djihadiste dans le
nord de cette péninsule désertique. A la tombée de la nuit, des attaques coordonnées, conjuguant
attentats-suicides, voiture piégée
et tirs de mortiers, ont été lancées
contre onze cibles militaires dans
les villes d’Al-Arich, Rafah et
Cheikh Zouweid. Pendant plus de
cinq heures, les militants armés
ont harcelé leurs cibles, faisant au
moins 30 morts et plusieurs dizaines de blessés, militaires en majorité. Cette attaque sans précédent a
été revendiquée par la Province du
Sinaï, branche égyptienne de l’Etat
islamique (EI), déjà responsable de
la mort de plusieurs centaines de
membres des forces de sécurité.
Le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi a écourté sa participation au sommet de l’Union africaine, en Ethiopie, pour rentrer
coordonner la contre-offensive. A
l’aube, vendredi, deux enfants ont
été tués dans les affrontements
avec le groupe djihadiste. Le raïs a à
nouveau accusé les Frères musulmans des violences qui secouent
le pays depuis la destitution de
leur président, Mohamed Morsi, le
3 juillet 2013. La confrérie, objet
d’une répression féroce, a nié
toute responsabilité. L’armée a
promis d’intensifier sa guerre antiterroriste, menée loin des regards,
dans une région interdite à la
presse. Elle a affiché sa confiance,
assurant avoir porté des coups décisifs aux djihadistes du Sinaï. La
sophistication de l’attaque prouve
pourtant que « le groupe dispose
de capacités militaires et de communication accrues et fait un recours de plus en plus fréquent à des
100 km
I RAK
ÉTATS- U N I S
Un spécialiste des armes
chimiques de l’EI tué
Romney renonce à
l’élection présidentielle
Un « expert en armes chimiques » de l’Etat islamique (EI) a
été tué dans un bombardement, a annoncé, vendredi
30 janvier, le commandement
militaire américain au
Moyen-Orient. Selon le Pentagone, il s’agit d’Abou Malik,
qui a travaillé dans l’usine
Al-Muthanna de Saddam
Hussein, avant de rejoindre
Al-Qaida en 2005. Sa mort
remonterait au samedi
24 janvier. – (AFP.)
Le républicain Mitt Romney,
battu par Barack Obama
en 2012, a renoncé à être candidat à la Maison Blanche
en 2016, a-t-il annoncé vendredi 30 janvier. « Vous savez
que j’ai voulu devenir président. Mais je ne veux pas rendre les choses plus difficiles
pour qu’un autre candidat
émerge avec de meilleures
chances d’être élu président »,
a-t-il justifié. Il avait perdu les
primaires de 2008. – (AFP.)
tactiques de guérilla », estime
Omar Ashour, de l’université
d’Exeter, en Grande-Bretagne.
La stratégie insurrectionnelle
du groupe, fondé en 2011 par d’anciens d’Afghanistan et de Bosnie
sous le nom d’Ansar Bait Al-Maqdis (« les Partisans de Jérusalem »), a évolué depuis son allégeance à l’Etat islamique, en novembre 2014. Il a adopté les méthodes de combat et de
propagande de l’EI, qui lui apporte
un soutien moral et logistique.
Certains djihadistes égyptiens revenus de Syrie sont venus prêter
Avocat, historien et écrivain
répond aux questions de Philippe Dessaint (TV5MONDE),
Sophie Malibeaux (RFI), Jérôme Gautheret (Le Monde).
Diffusion sur les 8 chaînes de TV5MONDE, les antennes de RFI et sur Internationales.fr
0123
précision semble confirmer la
présence d’anciens officiers de
l’armée ayant fait défection, déjà
avérée dans l’attaque de Karm AlKawadis, le 24 octobre.
« Echec militaire »
Le renforcement du groupe est
« un échec militaire énorme pour
le régime, pointe Khalil Al-Anani,
de l’université John Hopkins, aux
Etats-Unis. Les renseignements
ont été incapables de traquer les
militants pour les empêcher d’agir.
L’armée ne semble pas prête pour
contrer une guérilla et mener une
hélène sallon
Les chiites du Pakistan victimes d’une nouvelle
attaque meurtrière contre une de leurs mosquées
Un mois et demi après l’assaut d’une école de Peshawar qui avait tué 150 personnes, un
attentat commis dans la ville de Shikarpur, au cœur du pays, aurait fait au moins 48 morts
islamabad - envoyé spécial
U
n spectacle de désolation
et de confusion. L’attentat à la bombe commis,
vendredi 30 janvier, au milieu de
la grande prière, contre une mosquée chiite de la ville de Shikarpur,
située au cœur du Pakistan, dans
le nord de la province du Sind, a
jeté dans la rue des centaines de
personnes venues secourir les
nombreuses victimes écrasées par
l’effondrement du toit de l’édifice.
Des familles entières ont péri
dans l’explosion qui a fait trembler le sol à plus d’un kilomètre du
lieu, selon un témoin interrogé au
téléphone par Le Monde. D’après
lui, il régnait, plusieurs heures encore après l’attentat, une grande
désorganisation en dépit de l’arrivée de nombreuses forces de l’ordre. Shikarpur a longtemps été
Ce dimanche à 12h10
SERGE KLARSFELD
main-forte aux centaines de combattants locaux. Le groupe a gagné de nouvelles recrues en multipliant dès l’été 2013 les attaques
contre les forces de sécurité, au
nom de la « défense de l’islam ».
Ses relais lui ont permis d’étendre
ses actions jusque sur les bords du
Nil et dans les eaux méditerranéennes, où il a revendiqué une
attaque spectaculaire en novembre 2014. Les attaques perpétrées
jeudi semblent indiquer qu’il dispose d’informateurs capables de
communiquer les moindres
mouvements de l’armée. Leur
guerre longue ». Le groupe mène
des actions éclair et disparaît dans
les zones montagneuses du nord
Sinaï, laissant l’armée égyptienne,
avec son arsenal de tanks, hélicoptères Apache et drones, sans cible
à abattre. « L’adaptation de l’armée
à cette insurrection est longue et
difficile. Elle ne fait que répondre
aux attaques et tue de nombreuses
personnes, dont on ne sait pas si ce
sont les bonnes. Elle ne nettoie pas
les foyers djihadistes. Eux reviennent et réinstallent leurs barrages
sur les routes », indique Zack Gold,
chercheur à l’Institut national
d’études stratégiques, en Israël.
L’escalade offensive a toutefois
permis de contenir l’expansion du
groupe hors de la péninsule.
« Les crimes et les violations répétées des forces égyptiennes alimentent cette violence impitoyable »,
pointe Ismaïl Alexandrani, expert
du Sinaï. Dans le cadre des opérations « Eagle I et II », lancées depuis la révolution de 2011, l’armée
a multiplié les destructions d’habitations, les bombardements
meurtriers sur les civils et les arrestations. Depuis novembre, des
milliers de familles de Rafah sont
poussées à l’exil, sans accompagnement immédiat, par la création de la zone tampon avec la
bande de Gaza. Les experts pointent l’échec de cette stratégie, héritée de la gestion sécuritaire des Bédouins du Sinaï depuis les années
2000. La marginalisation socioéconomique et la répression exercée contre les tribus après les attentats contre les complexes touristiques de Taba, Charm El-Cheikh
et Nuweiba entre 2004 et 2006 ont
alimenté l’insurrection. Elle s’est
nourrie des griefs de la population
contre les autorités pour y gagner
soutiens logistiques et financiers.
Pour M. Al-Anani, la seule option
pour le régime est « d’inclure une
stratégie politique, économique et
sociale pour regagner la confiance
de la population du Sinaï ». p
« Nous allons
continuer
d’attaquer
les chiites, car
ils sont opposés
au vrai islam »
AHMED MARWAT
porte-parole du Jundullah
surnommé le « Vieux Paris » à
cause des parfums que l’on y fabriquait avant la partition de l’Inde,
en 1947, et la création du Pakistan.
Vendredi soir, les bilans restaient encore imprécis, faisant
état, selon les sources, de 48 à
61 morts et de dizaines de blessés.
De même, les modalités de l’attaque demeuraient floues. Des témoins cités par des télévisions locales affirmant qu’un kamikaze
aurait déclenché sa veste d’explosifs, d’autres relatant la présence
d’un véhicule piégé. Les services
de police n’ont pas confirmé ces
hypothèses.
Allégeance à l’Etat islamique
L’attentat a rapidement été revendiqué auprès de l’Agence FrancePresse par le porte-parole d’un
groupe peu connu, le Jundullah,
qui graviterait autour du mouvement du Tehrik-e-Taliban Pakistan
(talibans pakistanais, TTP). « Nous
allons continuer d’attaquer les chiites car ils sont opposés au vrai islam », a déclaré Ahmed Marwat. Le
même homme avait déclaré, en
novembre, à l’agence Reuters, que
son mouvement avait fait allégeance à l’Etat islamique.
Les revendications sont néanmoins reçues avec une grande
prudence par les services de sécurité pakistanais et occidentaux. Il
arrive que des groupes radicaux
Islamabad
AFGHANISTAN
IRAN
PAKISTAN
Shikarpur
INDE
Karachi
Mer d’Oman
300 km
assument l’un pour l’autre la responsabilité d’actes afin d’égarer
les enquêteurs. De plus, l’éclatement, fin 2014, du TTP en de nombreuses formations a encore compliqué le décryptage du paysage
insurrectionnel du pays.
Certains commandants du TTP
ont opté pour la voie du dialogue
avec le gouvernement pakistanais, d’autres ont fait allégeance à
l’Etat islamique et enfin, son leader en titre, le maulana Qazi Fazlullah, est en guerre avec les autorités. C’est ce denier qui a revendiqué l’assaut meurtrier, le 16 décembre, contre une école à
Peshawar, qui a fait 150 morts,
dont 132 écoliers.
La nouvelle tuerie perpétrée
contre la communauté chiite rappelle que cette minorité musulmane, qui représente environ
20 % de la population pakistanaise
– estimée à près de 190 millions de
personnes – est l’une des principales cibles des violences qui ensanglantent le pays. Parmi les nombreuses attaques visant les chiites
dans tout le pays, deux attentats à
la bombe, en 2013, avaient fait près
de 200 morts à Quetta (capitale de
la province du Baloutchistan) où
vit la communauté hazara.
A ce jour, les assassinats ciblés
contre les chiites étaient surtout
revendiqués par le TTP et un autre
réseau islamiste sunnite, le Lashkar-e-Jhangvi. Les motifs avancés
par les tueurs étaient souvent liés
à l’islam, mais ils peuvent aussi
porter sur des rivalités pour des
lieux saints ou des luttes de pouvoir locaux entre clans sur fond
de radicalisation islamiste.
Enfin, les tensions régionales entre l’Iran chiite et l’Arabie saoudite
sunnite aggravent, depuis longtemps, la situation des chiites du
Pakistan, pris en otages. D’un côté,
les extrémistes sunnites les accusent de faire de l’entrisme pour le
compte des Iraniens, épousant un
grief parfois formulé, à demi-mot,
par les autorités pakistanaises, et
de l’autre, la communauté chiite,
notamment celle vivant au Baloutchistan (600 000 personnes), reproche à Téhéran de vouloir les infiltrer et les manipuler. p
jacques follorou
international | 5
0123
DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015
En Ukraine, du côté de l’armée face aux prorusses
Soldats et civils ukrainiens paient un lourd tribut, alors que les combats ont fait au moins 24 morts vendredi
REPORTAGE
mirnaïa dolina - envoyé spécial
C’
est une journée tran­
quille pour Vova. Ce
vendredi 30 janvier,
la position que son
unité occupe, au lieu­dit de Mir­
naïa Dolina, n’a reçu aucun obus.
Les plus proches, tirés des positions séparatistes à deux kilomètres de là, sont tombés à quelques
centaines de mètres. Pas de quoi
le déranger dans sa lecture.
A vrai dire, depuis une semaine,
chaque jour paraît tranquille à
Vova. Le 22 janvier, le soldat de la
24e brigade de l’armée ukrainienne a évacué la position numéro 31. En tout, il y a passé
85 jours sans être relevé. Les deux
dernières semaines, les bombardements étaient incessants. Canons, mortiers, roquettes, et pour
finir, les tanks.
Face à cette offensive massive, les
trois tanks ukrainiens de la « 31 »
se sont retrouvés à court de munitions. Les hommes ont appelé le
quartier général. « On ne peut pas
vous livrer, venez chercher des munitions vous-mêmes », leur a-t-on
répondu. Vova est encore plus
amer quand il raconte la suite : « A
la fin ce n’était plus tenable. Mais
l’état-major a mis vingt minutes à
valider l’ordre d’évacuation. Un colonel disait “oui”, un général disait
“non”, et nous, on devenait fous.
Pendant ces vingt minutes, deux de
mes camarades sont morts. »
Vova a 31 ans. Il a reçu son ordre
de mobilisation début septembre.
Il a abandonné sa femme, son fils
et son commerce de viande et il
est parti à la guerre. « Dans mon
village, dans la région d’IvanoFrankivsk, huit hommes ont été
appelés. Cinq se sont débrouillés
pour ne pas y aller, mais moi je n’ai
pas hésité. Je préfère combattre
l’envahisseur russe ici et maintenant plutôt que sur le seuil de ma
maison dans quelques mois. »
Vova a vécu « l’enfer », dit-il,
« C’est moi et ma
kalachnikov
contre la
deuxième armée
du monde »
TROMS
combattant du bataillon
de volontaires « Donbass »
mais il n’abandonnerait pour rien
au monde sa nouvelle position.
Mirnaïa Dolina (« la vallée paisible ») est un arrêt de bus en béton
planté au milieu des champs. Les
alentours ressemblent davantage
au bivouac d’une troupe nomade
qu’à un camp militaire. Les hommes, sales et fatigués, coupent du
bois pour le chauffage et la cuisine, dorment dans des cavités
creusées dans le sol. Encore quelques dizaines de mètres et c’est le
front : des tranchées dans lesquels les soldats guettent en fumant des cigarettes, lance-roquettes ou mitrailleuse à la main.
Aucun blindé visible, mais ils ne
sont « pas loin », paraît-il.
Pourtant, Mirnaïa Dolina doit
tenir. Plus au sud, c’est Debaltsevo. Là, plusieurs milliers de soldats sont retranchés, subissant,
aux côtés des quelques milliers de
civils qui n’ont pas pu fuir, un pilonnage permanent des séparatistes. Debaltsevo est en passe
d’être encerclée par les rebelles
prorusses. Si Mirnaïa Dolina cède,
le piège se refermera sur l’armée
ukrainienne. Comme à Ilovaïsk,
pendant l’été, où au moins 130
hommes sont morts après l’encerclement de la ville (400 selon
des sources indépendantes).
L’épisode a traumatisé l’Ukraine.
A l’époque, on a même évoqué la
trahison de certains officiers, qui
auraient permis l’encerclement.
Vova n’est pas loin de le croire,
après ce qu’il a vu à la position 31.
« Quand les tanks ont attaqué, ils
Des combattants du bataillon « Donbass », dans la région de Debaltsevo (est de l’Ukraine), le 30 janvier. MARIA TURCHENKOVA POUR « LE MONDE »
connaissaient exactement nos positions, et jusqu’à l’emplacement de
nos mines », assure-t-il.
Equipement sommaire
« Troms », 25 ans, fait chambre
commune avec Vova, au fond
d’un trou de quelques mètres carrés creusé dans la terre. Trois matelas posés à même le sol sur lequel se serrent cinq hommes, un
réchaud bricolé, du bois, des conserves et une chatte, Nadia.
Au printemps, lorsque la guerre
a débuté, l’armée, minée par
vingt-cinq ans de déliquescence
et de corruption, n’avait pas
même les moyens d’acheminer
de la nourriture à ses troupes. Il
fallait compter sur la générosité
des habitants et sur les innombrables organisations de citoyens
créées pour approvisionner les
troupes. Les voisins se cotisaient
pour acheter un gilet pare-balles.
Les choses se sont améliorées
mais l’équipement reste sommaire, les blindés anciens, les uniformes rarement adaptés à l’hiver. Les Etats-Unis, le Canada et
plusieurs pays européens ont livré du matériel, mais aucun équipement létal. L’armée ukrainienne n’était pas prête pour la re-
prise des opérations militaires.
Troms était de la bataille d’Ilovaïsk. Il appartient au bataillon de
volontaires « Donbass », composé
en majorité de combattants venus
des régions orientales de
l’Ukraine. Troms, métallurgiste,
est originaire de Donetsk. Il se définit comme un « Russe ethnique »,
mais après avoir vu sa région passer sous le contrôle de la « République populaire de Donetsk », il a
choisi le camp ukrainien. « Je ne
veux pas que mes enfants grandissent dans cette espèce d’Etat mafieux que mettent en place les séparatistes, ou dans un Etat autoritaire
comme la Russie, explique-t-il. Si
nous voulons faire un jour quelque
chose de ce pays, chacun doit prendre ses responsabilités. C’est moi et
ma kalachnikov contre la
deuxième armée du monde. »
Volontaires et soldats de l’armée
régulière cohabitent au front. Les
volontaires sont les plus motivés,
mais l’armée rechigne à leur fournir des armes lourdes. Et ce sont
les soldats qui tiennent le plus
souvent les positions en toute
première ligne. 100 000 personnes ont été mobilisées en 2014 ;
autant doivent l’être en 2015. p
benoît vitkine
Le Maroc et la France travaillent à leur rapprochement
Mohammed VI pourrait sceller ce week-end à Paris un accord destiné à surmonter une année de brouille diplomatique avec
le gouvernement français. Les deux pays veulent relancer leur coopération judiciaire, entre autres pour mieux lutter contre le terrorisme
rabat - envoyée spéciale
L
a brouille entre la France et
le Maroc va-t-elle bientôt
prendre fin ? Après une année de tensions, et plusieurs semaines de ratés diplomatiques,
les déclarations sont à l’apaisement. Vendredi 30 janvier, des
sources marocaines indiquaient
qu’un déplacement du roi Mohammed VI à Paris pourrait intervenir dès ce week-end. Une « visite
privée », précisait-on toutefois.
Les ministres français et maro-
LES DATES
20 FÉVRIER 2014
Des policiers se présentent chez
l’ambassadeur du Maroc pour
convoquer le patron du renseignement marocain, poursuivi
pour « complicité de torture ».
27 FÉVRIER
Rabat suspend l’accord de coopération judiciaire avec Paris.
26 MARS
Salaheddine Mezouar, le chef de
la diplomatie, est fouillé à l’aéroport de Roissy malgré son passeport diplomatique.
cain de la justice se sont longuement rencontrés jeudi et vendredi
à Paris afin de préparer la reprise
d’une coopération judiciaire entre
les deux pays.
Le traditionnel « partenariat
d’exception » entre les deux pays
a été mis à mal depuis plus d’un an
maintenant en raison de poursuites engagées en France contre un
haut responsable marocain. Le
20 février 2014, des policiers français s’étaient rendus à la résidence
de l’ambassadeur du Maroc, à
Neuilly, afin d’y remettre une convocation du chef du renseignement du royaume, Abdellatif
Hammouchi, visé par une plainte
pour complicité de torture déposée devant la justice française, qui
se trouvait alors en France. Dénoncé comme inamical par Rabat,
l’épisode avait provoqué la suspension de l’accord de coopération judiciaire existant entre la
France et le Maroc. Plusieurs incidents diplomatiques, parmi lesquels le contrôle injustifié en
mars 2014 à l’aéroport RoissyCharles-de-Gaulle du ministre des
affaires étrangères, Salaheddine
Mezouar, ont ensuite nourri tout
au long de l’année l’agacement
marocain. Jusqu’à l’annulation
subite par le chef de la diplomatie
marocaine de sa visite à Paris prévue le 23 janvier 2015.
Après cet ultime raté, Paris avait
une nouvelle fois répété l’urgence
de trouver une solution. « La
Les transfèrements
de prisonniers
sont suspendus,
de même que
les commissions
rogatoires
France est l’amie du Maroc, le Maroc est l’ami de la France. Il nous
faut dépasser cet épisode basé, me
semble-t-il, sur de nombreuses incompréhensions », a déclaré, mercredi à l’Assemblée nationale, le
premier ministre, Manuel Valls,
expliquant que la France faisait
« de nombreuses propositions
pour renouer rapidement des liens
étroits avec les autorités marocaines ».
Lutte contre le terrorisme
Dans ce contexte se sont rencontrés jeudi à Paris le ministre marocain de la justice, Mustapha Ramid, et son homologue française,
Christiane Taubira, avec l’objectif
affiché de relancer la coopération
judiciaire. Les discussions se sont
poursuivies toute la journée de
vendredi et ont été qualifiées de
« fructueuses » par Rabat. Celles-ci
se déroulent dans un climat « positif », indiquait vendredi au
Monde le porte-parole du gouvernement Mustapha El Khalfi, ajoutant qu’il y a des deux côtés « la
volonté de faire avancer le recadrage des relations », de « trouver
une solution », « c’est l’essentiel ».
Des déclarations tranchant avec
celles du ministre des affaires
étrangères, M. Mezouar, qui avait,
en début de mois, dans un entretien au journal Jeune Afrique,
douté de la volonté politique de
Paris de sortir de cette crise.
De l’avis de nombreux observateurs, la persistance d’une telle
brouille est difficilement vivable.
Les conséquences du gel de l’accord de coopération judiciaire entre les deux pays sont lourdes : depuis un an, les transfèrements de
prisonniers sont suspendus, de
même que les commissions rogatoires ou encore toutes les décisions relevant du droit de la famille (pensions alimentaires, enlèvements d’enfants…). Or, quelque
1,3 million de Marocains vivent en
France, et entre 60 000 et 80 000
Français au Maroc. Les deux pays
sont en outre confrontés aux mêmes défis de lutte contre le terrorisme et le recrutement de combattants étrangers partant rejoindre le groupe Etat islamique en
Irak ou en Syrie. L’échange de renseignements entre les services est
là aussi au plus bas.
Reste que la question de fond
demeure. Si les autorités marocaines démentent formellement demander l’immunité pour leurs
hauts responsables, il est primordial pour Rabat que l’affaire Ham-
mouchi ne puisse pas constituer
un précédent. Or, s’agissant des
crimes de torture, la France est
liée par ses engagements internationaux qui obligent sa justice à
poursuivre tout tortionnaire présumé, quelle que soit sa nationa-
lité, dès lors qu’il se trouve sur le
sol français. « L’essentiel est de respecter la justice marocaine »,
avance Mustapha El Khalfi, sans
préciser la nature des demandes
adressées à la France. p
charlotte bozonnet
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www.monde-diplomatique.fr/mdv
6 | france
0123
DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015
Justice des mineurs : la réforme attendra
La garde des sceaux souhaitait supprimer les tribunaux correctionnels pour adolescents au premier semestre
C
e devait être, après la réforme
pénale,
le
deuxième grand projet
de Christiane Taubira :
la réforme de la justice des mineurs, c’est-à-dire de l’ordonnance du 2 février 1945 que le général de Gaulle avait gravée dans
le marbre. Le texte a un peu vieilli,
il a été modifié trente-six fois et
seuls six articles datent véritablement de la Libération. Un nettoyage et une simplification, de
l’avis général, s’imposaient.
La chancellerie entend bien en
maintenir le principe directeur, la
primauté de l’éducatif, en conservant le volet répressif qui existe
déjà. « La France n’est pas assez riche d’enfants pour qu’elle ait le
droit de négliger tout ce qui peut en
faire des êtres sains », disait le
texte de 1945. « Toute décision prononcée à l’égard d’un mineur,
édicte le projet de loi, vise prioritairement à assurer son relèvement
éducatif et à prévenir la récidive. »
Mme Taubira s’était engagée devant l’Assemblée à faire adopter la
réforme, qui supprime notamment les tribunaux correctionnels
pour mineurs, au « premier semestre 2015 ». Ces tribunaux, imposés
en 2012, n’ont jugé que 787 adolescents de janvier 2012 à novembre 2013, beaucoup compliqué l’organisation des juridictions et n’ont
pas prononcé de peines plus sévères qu’auparavant. Le texte est
prêt, mais Christiane Taubira n’est
pas parvenue à l’imposer au gouvernement. La date d’un passage
au conseil des ministres devait
être tranchée à la mi-janvier, mais
le premier ministre ne voit pas la
nécessité d’agiter devant l’opposition un texte qui n’a pourtant rien
de révolutionnaire.
Une fois encore, Mme Taubira se
trouve en porte-à-faux. Elle avait
prévu de fêter dignement lundi le
70e anniversaire de l’ordonnance
en compagnie de Pierre Joxe, l’ancien ministre devenu humble avocat spécialiste des mineurs. Le col-
Lors d’une audience, à la suite d’une mise en examen avec un mineur, à Evry, en 2002. THIERRY DUDOIT/EXPRESS-REA
loque a failli être annulé, car la
garde des sceaux n’a pas une ardente envie d’annoncer que son
projet est renvoyé aux calendes.
Le projet de loi entend garantir
« un équilibre entre l’intérêt de l’enfant mis en cause et ceux de la victime et de la société ». En 2013, la
France comptait 14,6 millions de
mineurs – 234 000 ont été mis en
cause par la police dans des affai-
res pénales. Des adolescents (les
moins de 13 ans ne représentent
que 9 %), et des garçons à 83 %.
Les chercheurs distinguent trois
types de délinquance juvénile : la
« délinquance initiatique », propre au goût de la transgression des
adolescents. C’est aussi la période
de rencontre avec les substances
psychoactives : le tabac, massivement, l’alcool (91 % des 17 ans l’ont
expérimenté) et le cannabis (68 %).
La « délinquance pathologique »
ensuite, liée à des difficultés individuelles et souvent familiales, et
la « délinquance d’exclusion ». Les
mineurs ancrés dans la délinquance sont surtout des jeunes de
quartiers socialement et économiquement précaires, en échec scolaire et avec des relations familiales fragiles. Les jeunes d’origine
Ce que l’on sait de la délinquance des adolescents
L
a délinquance des mineurs
est par essence un sujet épidermique qui se prête volontiers aux idées reçues. C’est
aussi un thème de campagne.
Supprimer les tribunaux correctionnels pour mineurs, écrivait
l’UMP sur son site le 22 mars 2013,
c’est « fermer les yeux sur une terrible réalité : l’augmentation de
575 % des violences commises par
les mineurs depuis 1990 ! », sans
expliquer la méthode de calcul.
La délinquance des mineurs est
assez stable. Le nombre de mineurs mis en cause par la police et
la gendarmerie tourne autour de
200 000 par an, selon les chiffres
du ministère de la justice. Il a beaucoup progressé dans les années
1990, mais entre 2003 et 2013 il a
peu évolué : + 20 % jusqu’à 2010,
puis - 10 %. Il y a eu 180 000 mineurs mis en cause en 2003,
216 000 en 2010, 195 000 en 2013.
Les condamnations des mineurs suivent la même courbe :
53 000 en 2010, puis 49 000
en 2013. La hausse de la délinquance des mineurs a progressé
de 8 % de 2003 à 2013, contre 25 %
pour les majeurs.
Les mineurs délinquants ne
sont pas de plus en plus jeunes.
La plupart de ceux poursuivis
sont des adolescents de plus de
16 ans. Près de la moitié des mineurs impliqués dans des affaires
pénales ont 16 ou 17 ans, 41 % entre 13 et 15 ans, les moins de 13 ans
ne représentent que 9 %. Si on se
limite aux condamnations effectives, les moins de 13 ans n’en représentaient en 2013 que 3 %, un
chiffre stable depuis trente ans.
Les mineurs délinquants, dans
leur majorité, ne sont pas violents. La majorité des infractions
commises par des mineurs sont
des délits non violents. Quarante
pour cent des mis en cause en 2013
l’ont été pour des atteintes aux
biens, sans violence (vol à l’étalage,
vol de voiture…), contre 20 % pour
les adultes. Cela représente envi-
ron 78 600 jeunes, un chiffre en
baisse de 13 % sur dix ans. Seize
pour cent des mineurs mis en
cause le sont pour usage de stupéfiants. Le chiffre a pratiquement
doublé en dix ans (28 000 en 2013).
Certes, un mineur sur cinq mis
en cause en 2013 l’a été pour violences physiques volontaires (bagarres, violences, agressions
sexuelles, crimes). Leur nombre a
augmenté de 58 % de 2003 à 2013 :
il est passé de 26 000 en 2003 à
43 000 en 2011, puis 41 500
en 2013.
Les mineurs sont de plus en
plus poursuivis en justice. Le
« taux de réponse pénale » des
procureurs est de 94 % pour les mineurs en 2013, contre 77 % en 2000
et 60 % en 1994 : la réponse judiciaire à cette délinquance est devenue quasi systématique, même
pour les petits délits. Les classements sans suite des parquets ont
baissé de 69 % entre 1994 et 2013.
Les mineurs délinquants ne
sont pas de plus en plus récidivistes. Neuf mineurs sur dix en
contact avec la justice le sont pour
la première fois. Ensuite, 65 % des
mineurs ne reviennent pas devant
la justice pendant leur minorité.
« L’adolescence est une période
d’expérimentation, note le ministère. L’expérience montre qu’un
adolescent risque fort de recommencer jusqu’à ce qu’il soit freiné
par ses parents, une victime, un enseignant, un policier… Cette intervention suffit pour la plupart. »
Pour un petit noyau, une intervention plus lourde est nécessaire. De 1999 à 2012, les deux tiers
des mineurs incriminés ont été
impliqués dans une seule affaire
pénale, mais 7 % ont connu plus
de 6 affaires de délinquance et ont
commis à eux seuls 36 % du total
des délits des mineurs. Les risques de récidive sont d’autant
plus importants que les premiers
actes de délinquance sont précoces, d’où l’importance d’une prévention elle aussi précoce. p
f. j.
étrangère, qui cumulent les facteurs de vulnérabilité, sont ainsi
surreprésentés. 65 % des mineurs
qui ont eu un premier contact avec
la justice se font oublier ensuite, et
deux tiers des mineurs mis en
cause n’étaient en 2013 impliqués
que dans une seule affaire. En revanche, 7 % des mineurs poursuivis ont connu plus de six dossiers
de délinquance et ont commis
36 % du total des délits.
« Choix du courage »
Le projet de loi reste sévère et ne
donne pas d’âge minimal pour
être poursuivi. Tous les mineurs
« capables du discernement » sont
pénalement responsables, c’est-àdire ceux qui ont « voulu et compris » leur acte et sont aptes « à
comprendre le sens de la procédure
pénale ». On peut même incarcérer un jeune de moins de 13 ans « à
titre exceptionnel ».
Le texte, qui comprend nombre
de mesures techniques, prévoit un
jugement en deux temps pour les
mineurs : c’est la « césure ». Le
juge ou le tribunal pour enfants se
prononce dans les trois mois sur la
culpabilité et décide des intérêts civils (les dédommagements des
victimes). Il n’est pas rare qu’il
faille attendre deux ans pour être
jugé, et un garçon de 14 ans n’est
plus le même à 16.
Mais le tribunal ne se prononcera sur la peine que six mois plus
tard. Pendant cette période, le travail éducatif commence. « C’est le
choix du courage, pas celui de la paresse, assure la chancellerie. Il est
plus simple d’enfermer le mineur,
qui récidivera en sortant » – 66 %
des mineurs sortant de prison
L’ESSENTIEL
1 % des détenus sont mineurs.
L’incarcération, qui reste une décision exceptionnelle, concernait
2 950 jeunes de moins de 18 ans
en 2013. Au 31 décembre de la
même année, 713 mineurs
étaient détenus – chiffre stable
sur dix ans. La durée moyenne
sous écrou est de 3 mois, contre
10 mois pour l’ensemble des prisonniers ; elle augmente régulièrement depuis 2007. Les mineurs
sont de moins en moins détenus
dans des quartiers spécifiques
des maisons d’arrêt (64 %), et de
plus en plus dans des établissements pour mineurs.
sont condamnés à nouveau à de la
prison ferme dans les cinq ans.
Le jeune délinquant, suivi de
près par un éducateur, entreprend des mesures de réparation,
il peut être suivi à domicile, placé
dans une famille, un foyer ou un
centre éducatif fermé comme
aujourd’hui. S’il commet une
nouvelle infraction, il est à nouveau jugé. La réforme devrait offrir une continuité du suivi – il
n’est pas rare qu’un jeune sortant
d’un centre éducatif fermé se retrouve sans éducateur et trébuche
d’autant plus vite. La nouvelle loi
devrait permettre aussi que l’accompagnement éducatif ne s’arrête pas d’un coup à 18 ans, décision souvent catastrophique et
qui représente un gaspillage de
ressources d’éducateurs. p
franck johannès
france | 7
0123
DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015
Bruno Le Maire
en route
pour 2017
Le député de l’Eure réunit samedi
ses soutiens au sein de l’UMP
B
runo Le Maire veut
poursuivre sur sa lancée. Deux mois après
avoir effectué une percée lors de l’élection à la présidence de l’UMP, le député de
l’Eure entend surfer sur l’élan de
ce scrutin, où il a recueilli près de
29 % des voix des militants. Il devait afficher l’étendue du réseau
qu’il a tissé ces derniers mois en
réunissant, samedi 31 janvier, à
Paris, plus de 300 cadres qui se
sont mobilisés lors de la campagne interne. « Il y a eu une période
de baby blues tout à fait normale
après l’élection. Cette réunion doit
sonner le réveil », estime son ancien directeur de campagne, Jérôme Grand d’Esnon, qui veut
densifier le réseau de soutiens
dont dispose M. Le Maire, notamment dans le sud-est de la France.
Sans le dire ouvertement, l’ancien ministre de l’agriculture de
Nicolas Sarkozy prépare sa candidature à la primaire à droite pour
la présidentielle de 2017. C’est son
vrai objectif, même s’il affirmait
pendant la campagne interne
vouloir se consacrer uniquement
à l’UMP, accusant M. Sarkozy de
vouloir mettre la main sur l’appareil pour en faire « un marchepied » pour l’Elysée. Preuve de son
ambition : le seul fidèle que M. Le
Maire a tenu absolument à caser
dans le nouvel organigramme de
l’UMP est le député des Hauts-deSeine Thierry Solère, promu au
poste hautement stratégique de
président du groupe de travail sur
l’organisation de la primaire, prévue à l’automne 2016.
Pour autant, M. Le Maire n’a pas
l’intention de se déclarer dès
maintenant, contrairement à
Alain Juppé, François Fillon et Xavier Bertrand. A ses yeux, l’officialisation de ses ambitions élyséennes doit être un aboutissement et
non un point de départ. La bonne
fenêtre de tir, selon lui ? A partir
du début de l’année 2016, environ
neuf mois avant la tenue de la primaire. « Je ne prendrai aucune décision avant la fin de l’année
2015 », a-t-il précisé le 25 janvier,
L’HISTOIRE DU JOUR
A Pékin, Manuel Valls jure
fidélité à François Hollande
D
epuis Pékin, Manuel Valls n’a pas seulement adressé
un message aux investisseurs chinois. Il a également
profité du voyage pour envoyer un message très politique à la France, et plus particulièrement à la gauche française.
Un message qui peut se résumer ainsi : il ne faudra pas compter
sur lui pour engager un bras de fer avec François Hollande en
vue de l’élection présidentielle de 2017. M. Valls l’avait déjà laissé
entendre depuis de longs mois, mais il a été rarement aussi clair
que ce vendredi 30 janvier.
Bien sûr, le chef du gouvernement a noté que sa visite officielle en Chine était interprétée par beaucoup comme un déplacement à la voilure quasi présidentielle, et pas seulement parce
qu’il a emprunté pour l’occasion l’Airbus A330 du chef de l’Etat.
Présent dans la délégation, le sénateur (UMP, Vienne) JeanPierre Raffarin, interlocuteur privilégié de la Chine, l’a d’ailleurs
noté, en rappelant que les hauts dignitaires du régime « investissent beaucoup sur le long terme » et
qu’ils « pensent à l’avenir » lorsqu’ils
dialoguent avec l’ancien ministre de
« JE NE PEUX PAS
l’intérieur, un « homme politique
ÊTRE SUR
jeune » à leurs yeux et promis à « une
belle carrière ».
UN AUTRE CHEMIN
Mais le premier ministre a eu vent
des deux sondages IFOP et CSA, paQUE HOLLANDE »
rus coup sur coup jeudi et vendredi
MANUEL VALLS
en France et qui le donnent en
premier ministre
meilleure position à gauche que
M. Hollande pour la présidentielle,
notamment face à Marine Le Pen. Et il n’est pas question pour
lui de laisser s’installer une pareille petite musique politique à
vingt-huit mois de l’élection, surtout après les récents attentats, qui lui ont donné l’occasion de vanter la gestion « fusionnelle » avec le chef de l’Etat.
« Légitimité »
« Je ne peux pas être sur un autre chemin que François Hollande, a
tenu à expliquer M. Valls aux journalistes français qui l’accompagnent en Chine. Je ne confonds jamais le rôle des uns et des
autres : le président de la République a été élu au suffrage universel, c’est lui et lui seul qui dispose de cette légitimité, le premier ministre, lui, est nommé. » Impossible donc d’envisager le moindre
destin personnel à court terme, à commencer par 2017, malgré
sa popularité en hausse.
« Les Français n’attendent pas de moi que je me prépare à telle
ou telle échéance, ils attendent de moi que j’assume pleinement
ma fonction », précise-t-il. Et cette fonction, c’est celle d’un premier ministre à l’image du profil type dessiné par M. Hollande :
« Quand le président de la République me nomme, il veut aussi un
premier ministre fort, qui existe et lui apporte quelque chose »,
décrypte-t-il. Son prédécesseur à Matignon, Jean-Marc Ayrault,
appréciera sans doute un tel antiportrait chinois.
Exit, donc, Manuel Valls pour 2017 ? Lui jure qu’il « ne baratine
pas ». A ses yeux, même s’il se refuse à parler à sa place, le candidat socialiste à la prochaine présidentielle ne peut être que
M. Hollande et celui-ci, jure-t-il, « retrouvera progressivement la
confiance des Français parce qu’il est le président ». p
bastien bonnefous (pékin, envoyé spécial)
au « Grand Rendez-vous » i-Télé/
Le Monde/Europe 1. Il entend se
déclarer quand son projet sera le
plus avancé possible. Une stratégie des petits pas, qu’il a mise en
place après l’échec de la droite à la
présidentielle de 2012.
Campagne permanente
Depuis deux ans et demi, M. Le
Maire s’efforce de se bâtir une
écurie à la hauteur de ses ambitions en poursuivant une forme
de campagne permanente. Deux
mois après l’élection à la présidence de l’UMP, le voici qui reprend sa tournée des fédérations
au rythme de deux déplacements
par semaine en moyenne. Il
sillonnera le pays tout au long de
2015 pour soutenir les candidats
de l’UMP aux départementales et
aux régionales… tout en défendant ses propres intérêts.
Jeudi 29 janvier, il était dans
l’Hérault. « L’objectif, c’est d’aller
soutenir les candidats et en même
temps, de partir à la rencontre des
militants », explique son entourage. Ces plongées sur le terrain,
qui lui permettent de structurer
son réseau de soutiens, se déroulent toujours sur le même format : une réunion publique à
19 heures, précédée d’une rencontre avec des acteurs de la société
civile, comme des professeurs ou
des policiers. Lors de ces visites, il
ne manque pas de se présenter
comme le « candidat du renouveau ». Le slogan phare de sa campagne interne à l’UMP.
Il profite aussi de l’occasion
pour exposer les grandes lignes
de ce qui ressemble à un futur
projet présidentiel : restauration
d’un Etat régalien fort et recentré
sur quelques missions fondamentales (défense, police, justice,
éducation) ; redéfinition de
l’Etat-providence, ce qui passe
par une diminution des dépenses sociales ; instauration d’une
République libérale, qui rétablit
l’unité de la nation tout en laissant plus de liberté aux individus…
Pour se donner une stature de
présidentiable, l’ancien diplomate se déplace régulièrement à
l’étranger : le 23 janvier, il assistait
au Forum économique mondial
Une ascension dans les sondages
Bruno Le Maire a connu un regain de popularité dans les sondages grâce à la dynamique engendrée par sa campagne pour la
présidence de l’UMP. 47 % des Français ont jugé qu’il en sortait
« renforcé », selon un sondage IFOP pour Le Figaro Magazine paru
le 5 décembre 2014. Il compte 41 % de bonnes opinions dans le
baromètre IFOP-Fiducial pour Paris Match et Sud Radio, publié le
27 janvier. Le député de l’Eure connaît une légère perte de vitesse, puisque sa cote de popularité baisse de trois points par
rapport au mois de décembre. Dans les souhaits de candidature
pour la présidentielle de 2017, il est en revanche toujours largement distancé dans son camp par Nicolas Sarkozy et Alain
Juppé. 8 % des sympathisants UMP le désignent, contre 49 %
pour M. Sarkozy et 34 % pour M. Juppé, selon un sondage Viavoice paru le 22 décembre 2014 dans Libération.
de Davos, aux côtés des représentants de la finance mondiale ; le
20 février, il doit rencontrer à
New-York le secrétaire général de
l’ONU, Ban Ki-moon.
Symbole de son nouveau poids
politique : Nicolas Sarkozy multiplie les marques d’attention à son
égard. Le président du parti a ainsi
invité ce germanophile à l’accompagner lors de sa visite à Berlin,
avec Angela Merkel, le 26 janvier.
M. Le Maire avait aussi été le premier ténor de l’UMP reçu par
M. Sarkozy, début décembre 2014,
après l’élection de celui-ci à la présidence du parti. Et encore le premier à être consulté par l’ancien
chef de l’Etat, le 5 janvier, lors d’un
déjeuner médiatisé.
Cultiver sa singularité
En interne, certains y voient une
stratégie de la part de M. Sarkozy –
qui consisterait à faire monter les
actions de M. Le Maire dans l’espoir de « vieillir » Alain Juppé, âgé
de 69 ans – afin de mieux se poser
comme l’homme de la situation,
ni trop jeune, ni trop vieux.
D’autres suspectent Bruno Le
Maire de « coller » à M. Sarkozy
pour prendre de la lumière, avant
de se rallier in fine à l’ex-chef de
l’Etat, en échange d’une nomination à Matignon.
Malgré cela, M. Le Maire assure
qu’il entend conserver toute latitude d’action vis-à-vis du président de l’UMP. « Ma liberté de parole ne se négocie pas. J’ai vis-à-vis
de 45 000 militants, qui ont voté
pour moi, une dette. Et cette dette,
c’est ma liberté de parole. » Il l’a
utilisée récemment en demandant un réexamen des liens diplomatiques de la France avec le Qatar – ainsi qu’avec l’Arabie saoudite et le Yémen – afin de « ne plus
Depuis deux ans
et demi,
l’ambitieux
quadra s’efforce
de se bâtir
une écurie
à la hauteur
de ses ambitions
avoir pour alliés » des Etats qui
soutiendraient « des filières ou
des discours terroristes ». Une
pierre dans le jardin de
M. Sarkozy, qui entretient des relations privilégiées avec Doha.
Pendant la campagne interne,
M. Le Maire s’était déjà opposé à
M. Sarkozy sur plusieurs sujets : le
changement de nom du parti,
l’abrogation de la loi Taubira sur
le mariage pour tous ou la réforme de l’espace Schengen.
Une manière de cultiver sa singularité dans la perspective de la
primaire, dans l’espoir de se frayer
un chemin dans le match annoncé entre les deux favoris.
« Avec la maîtrise du parti, Nicolas
Sarkozy est structurellement en
place pour la primaire, Alain Juppé
est positionné dans l’opinion. Mais
les choses peuvent évoluer en un
an et demi. Bruno Le Maire peut représenter l’alternative », observe
son ami Thierry Solère. Interrogé
le 25 janvier sur Europe 1 sur l’issue de la législative partielle du
Doubs des 1er et 8 février, M. Le
Maire a montré qu’il croyait en
ses chances, en commettant un
joli lapsus : « Nous allons gagner
cette primaire. » p
matthieu goar
et alexandre lemarié
A Force ouvrière, M. Mailly cimente l’unité
interne sur le combat contre l’austérité
Lors de son 23e congrès, qui se tient à Tours du 2 au 6 février, la confédération syndicale
va débattre d’une grève générale et de son développement
C’
est presque une tradition. Avant chaque événement important concernant Force ouvrière (FO), cette
confédération fondée en 1948 sur
l’anticommunisme, Jean-Claude
Mailly accorde un entretien à L’Humanité-Dimanche. Dans l’hebdomadaire communiste du 29 janvier, avant l’ouverture du 23e congrès de FO, qui se tiendra du 2 au
6 février à Tours, le secrétaire général n’y va pas avec le dos de la
cuiller : « Toute politique libérale
au sens économique s’accompagne
d’une forme d’autoritarisme social. »
A Tours, pendant cinq jours, ce
sera donc feu sur l’« autoritarisme
social » ! Ce congrès, qui va réunir
2 500 délégués, est dépourvu
d’enjeux de taille. M. Mailly, 61
ans, élu pour la première fois
en 2004, a en effet décidé de rempiler pour un quatrième et dernier mandat de trois ans.
Les deux candidats qui briguent
ouvertement sa succession devront patienter jusqu’en 2018.
Pascal Pavageau, ingénieur en
chef des travaux publics de l’Etat,
de facto numéro deux, fait figure
de favori, face à Stéphane Lardy, le
négociateur en chef de FO venu de
l’agriculture. Tous deux sont,
comme M. Mailly, des adeptes du
« réformisme militant ». M. Pavageau se borne à glisser au passage
qu’il n’est pas encarté au PS,
comme l’ont été tous les patrons
de FO, ce qui n’est pas le cas de M.
Lardy. « Il est clair que Jean-Claude
a choisi Pascal, note un responsable de fédération, car il le met
beaucoup en vitrine. »
M. Mailly est soucieux de ne pas
faire revivre à FO le traumatisme
de 1989, quand la bataille pour la
succession d’André Bergeron avait
opposé Marc Blondel, tenant du
« syndicalisme de contestation » et
Claude Pitous, supposé défenseur
du « syndicalisme d’accompagnement ». Cet affrontement violent
entre réformistes et trotskistes
avait conduit FO au bord de la scission. Des années avaient été nécessaires pour panser les plaies.
Plus que Marc Blondel, dont il
était le disciple, à la personnalité
plutôt conflictuelle, M. Mailly a su
pacifier la mosaïque de sensibilités qu’il dirige et instaurer une
sorte de paix des braves entre les
réformistes – majoritaires à plus
de 60 % au sein de la commission
exécutive de 35 membres – et les
trotskistes (autour de 30 %).
A la tête de la fédération de la
métallurgie (60 000 adhérents),
Frédéric Homez loue sa bonne entente avec « Jean-Claude ». « Le réformisme, on y est très attachés,
explique-t-il, mais il faut qu’il apporte un plus aux salariés. » Même
musique à la Fédération générale
des travailleurs de l’agriculture
(FGTA), 21 000 adhérents, qui se
présente en « créateur de progrès
social » et revendique haut et fort
son réformisme. « On signe de
bons accords, assure Dejan Terglav, son secrétaire général, on
avance moins vite qu’avant mais
on avance. Et Jean-Claude m’a toujours dit que la contestation est
plus facile que la signature. »
Les trotskistes à FO sont influents dans l’éducation et la culture, l’action sociale et à la Fédéra-
Les deux
candidats
qui briguent
la succession
de Jean-Claude
Mailly devront
patienter
jusqu’en 2018
tion des employés et cadres – une
mini-confédération qui regroupe
onze secteurs, de la banque au
commerce non alimentaire, en
passant par les casinos et les clercs
de notaires, comme la sécurité sociale (bastion historique des lambertistes) et Pôle emploi. « C’est
une corde de rappel », a coutume
de dire M. Mailly. Pour l’heure, les
trotskistes font profil bas, même
si leur porte-parole, Patrick Hébert, secrétaire général de l’union
départementale (UD) de Loire-Atlantique, demande toujours que
FO quitte la Confédération européenne des syndicats.
LES CHIFFRES
Développer la syndicalisation
M. Mailly a trouvé le ciment de
l’unité interne : le combat contre
l’austérité. Dans son rapport d’activité, il dénonce « la continuité entre les majorités politiques successives (…) basées sur le suivi, subi ou
volontaire, des credos du libéralisme économique alliant rigidité
économique et flexibilité sociale.
(…) Nous avons ici ou là obtenu des
aménagements ou bloqué certaines initiatives sans obtenir, en
France comme ailleurs, un retournement de la situation. (…) Il est essentiel, notamment dans une période inédite de crise du capitalisme, que nous gardions la tête
haute et que nous maintenions l’intégralité de nos positions, positionnements et revendications ».
Au risque d’apparaître à l’extérieur imprévisible, FO refuse les
accords dictés à ses yeux par l’austérité (sécurisation de l’emploi,
pacte de responsabilité) et signe
ceux qui défendent le paritarisme
– assurance-chômage, retraites
complémentaires, formation), satisfaisant à la fois sa majorité réformiste et… la minorité.
Miracle de Tours ? Les trotskistes
ne seront plus seuls à réclamer
une grève interprofessionnelle de
18,28 %
500 000
adhérents
En 2013, FO revendique 500 000
adhérents actifs et retraités. 57 %
viennent du secteur privé, 43 %
de la fonction publique et du secteur public. La syndicalisation
des femmes est proche de 45 %,
mais elles sont peu présentes
dans les instances (5 femmes sur
13 au bureau confédéral, 2 sur 35
à la commission exécutive).
Aux élections de représentativité, FO obtient 18,28 %, derrière
la CGT et la CFDT. Dans les trois
fonctions publiques, elle est troisième (18,6 %) mais arrive en
tête dans celle de l’Etat (17 %).
24 heures – dont le principe est
acté même si la réalisation s’annonce complexe. M. Terglav fera
de même. L’opposition viendra
des anarchistes qui tiennent trois
des quatre unions départementales de Bretagne. Pour leur chef de
file, Marc Hébert, « une seule voie
reste aux salariés : la rue avec cessation d’activité par la grève interprofessionnelle illimitée ».
Loin de ces rodomontades, le
congrès va mettre l’accent sur le
développement de la syndicalisation, une priorité souvent oubliée.
« Là où la CGT et la CFDT sont présentes dans 45 élections, note
M. Mailly, FO l’est dans 31. » Un
écart important à combler. Et
deux réformistes vont rejoindre le
bureau confédéral : Jocelyne Marmande (FGTA) et Frédéric Souillot
(métallurgie). Du sang neuf. p
michel noblecourt
8 | france
0123
DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015
Jean-Luc Mélenchon, le pari de l’étranger
Grisé par la victoire de Syriza en Grèce, le député européen se rend à Madrid pour soutenir Podemos
madrid - envoyé spécial
Q
uestion
langues
étrangères, Jean-Luc
Mélenchon est plutôt
porté vers l’espagnol.
« Celui de la rue, que
j’ai appris à Tanger quand j’étais
gamin », explique-t-il. Du temps
de la colonisation, la langue de
Cervantès pouvait servir de pont
entre Français et Marocains. Mais,
curieusement, le héraut de la gauche radicale française assure pratiquer cette langue avec l’accent
argentin. « L’Amérique latine, c’est
un endroit où le mot révolution ne
fait pas peur. Pas comme en Allemagne. »
En visite à Madrid, vendredi 30
et samedi 31 janvier, le fondateur
du Parti de gauche (PG) a eu l’occasion de travailler sa prononciation auprès de Pablo Iglesias, le
chef de file de Podemos. Le jeune
parti, créé à la suite du mouvement des « indignés » et placé en
tête de la gauche dans les sondages, devait organiser samedi dans
la capitale espagnole une marche
qui se voulait une démonstration
de force. M. Mélenchon, qui siège
au Parlement européen aux côtés
de M. Iglesias, était invité à venir
garnir les rangs.
Ces derniers jours, on aurait
pourtant pu croire que l’ancien
sénateur s’était mis au grec. La
victoire de Syriza aux élections législatives du 25 janvier a été célébrée avec tant de ferveur par le
Front de gauche que les procès en
récupération n’ont pas tardé. Des
accusations que Jean-Luc Mélenchon, qui explique connaître
Alexis Tsipras, le nouveau premier ministre grec, depuis 2004,
balaie d’un revers de la main.
« Maintenant qu’ils ont gagné, je
devrais me taire ? Laisser
Mme Le Pen dire qu’elle les soutient ? C’est moi qui suis allé les
voir, qui les ai reçus, se justifie-t-il.
Avant, tout le monde l’appelait le
Mélenchon grec. Maintenant qu’il
a gagné, c’est fini. »
Et si l’ancien candidat à la présidentielle utilise le « nous » pour
parler d’eux, c’est parce que les
gauches radicales européennes se
soutiennent mutuellement, selon lui. « Mon score en 2012 a été
un coup de booster. On se nourrit
les uns du score des autres. Je pensais que ça prendrait dix ans après
la crise pour nous voir gagner,
comme en Amérique latine. Finalement, la Grèce est tombée en
moins de six ans. C’est bon signe. »
« Tourisme révolutionnaire »
Podemos, Syriza… Chez Jean-Luc
Mélenchon, cette propension à
partir chercher des sources d’inspiration à l’étranger n’est pas
neuve. Dans une interview au
Monde, mercredi 28 janvier, l’historien Jacques Julliard parle de
« tourisme
révolutionnaire ».
Quand il a créé le Parti de gauche,
fin 2008, l’ex-socialiste revendiquait pour modèle les Allemands
de Die Linke. Il rêvait alors de reproduire en France le succès de
cette formation alliant d’anciens
communistes et des sociaux-démocrates en rupture de ban avec
le SPD.
Le président de Die Linke, Oskar
Lafontaine, un temps ministre de
Gerard Schröder, comme JeanLuc Mélenchon a pu être celui de
Lionel Jospin, avait même fait le
déplacement à Saint-Ouen pour
le congrès fondateur du PG,
en 2008. « C’est tout ce qui existait
de l’autre gauche à l’époque », s’excuse presque M. Mélenchon, dont
le caractère latin s’accommode
mieux de l’Europe du Sud.
Aujourd’hui, il ne fait plus autant
référence à ce mouvement que
par le passé. Quand Die Linke gouverne depuis décembre 2014 un
Land – la Thuringe – en coalition
avec le SPD et les Verts, le tribun
français, lui, ne veut plus entendre parler du Parti socialiste.
La primaire de l’autre gauche bat de l’aile
Julien Bayou, porte-parole d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV),
a réitéré, jeudi 29 janvier, l’idée qu’il avait émise avec Eva Joly
en août 2014 d’organiser une primaire de l’autre gauche en vue
de 2017. Celle-ci inclurait le Front de gauche, EELV et les frondeurs du Parti socialiste.
Ce projet n’emballe pas Jean-Luc Mélenchon. « Je ne suis pas sûr
que ça suscite un enthousiasme débordant. Si c’est pour avoir seulement 100 000 ou 200 000 électeurs, on est mal », estime le député européen. Le secrétaire national du Parti communiste français, Pierre Laurent, ne se montre pas plus enclin à cette idée.
Jean-Luc Mélenchon, en compagnie d’Alberto Garzon, du parti Izquierda Unida, vendredi 30 janvier, à Madrid. OLMO CALVO POUR « LE MONDE »
« Rompre avec le système, c’est
aussi rompre avec le PS », juge-t-il.
En réalité, la source d’inspiration décisive pour Jean-Luc Mélenchon est l’Amérique latine. Ce
continent exerce chez lui une fascination quasi romantique. Son
compagnonnage
idéologique
avec nombre des dirigeants
latino-américains aujourd’hui en
place date de 1991, quand ces derniers se sont réunis sous la bannière du Forum de Sao Paolo.
Quand il se déplace en Argentine,
Jean-Luc Mélenchon est reçu par
la présidente du pays, Cristina Kirchner. Quand il fête la sortie de
son dernier livre (L’Ere du peuple,
Fayard), en octobre 2014, à Paris,
des ambassadeurs sud-américains sont de la partie. Quand il
publie, en 2010, un pamphlet contre la classe politique (Qu’ils s’en
aillent tous, Flammarion), il s’inspire des slogans entendus en Argentine après la crise économique (« Que se vayan todos »). Et,
quand il salue la mémoire de l’ancien président vénézuélien, Hugo
M. Mélenchon
partage avec les
jeunes pousses
de Podemos
une fascination
pour l’Amérique
latine
Chavez, mort en mars 2013, il
n’hésite pas à le qualifier de « légende » entrée « dans l’imaginaire collectif des peuples de l’Amérique latine à l’instar de Che Guevara ». Durant l’été 2012, il avait
arpenté le Venezuela aux côtés de
Chavez à l’occasion de la dernière
campagne présidentielle du dirigeant bolivarien.
« Moi, je suis dans le vide »
Cette fascination pour l’Amérique
latine, Jean-Luc Mélenchon la partage avec les jeunes pousses de
Podemos. C’est lors de ce voyage
au Venezuela qu’il rencontre pour
la première fois Iñigo Errejon,
bras droit de Pablo Iglesias.
Comme le parti espagnol, M. Mélenchon se réclame du « peuple »,
et non plus simplement de la gauche. Comme lui, il entend faire de
la mobilisation citoyenne la base
de tout mouvement et dit rejeter
la forme traditionnelle des partis.
Qu’importe que son passé de militant lambertiste lui ait laissé un
goût certain pour l’ordre et les organisations.
« Nous sommes les deux petits
groupes qui vont le plus loin dans
la construction d’outils politiques
qui dépassent la latéralité droitegauche », estime Raquel Garrido,
chargée de la question des institutions au PG. Pour ménager son allié communiste et ne pas insulter
l’avenir, le député européen a tout
de même profité de son escapade
madrilène pour rencontrer Alberto Garzon, jeune représentant
d’Izquierda Unida, le partenaire
local du PCF, qui souffre de la concurrence de Podemos.
Faire souffler en France la dynamique de ce nouveau mouvement est-il possible ? « Pablo
[Iglesias] est appuyé sur une marée
citoyenne que l’on n’a pas en
France, reconnaît Jean-Luc Mélenchon. Moi, je suis dans le vide.
L’énergie, c’est Mme Le Pen qui la
capte, c’est elle qui a la dynamique. » Et le chef de file du PG de déplorer ses difficultés à rassembler
son camp autour de sa personne.
« Chez nous, le leadership est continuellement remis en cause, c’est la
spécificité de l’autre gauche. Mme Le
Pen, elle, personne ne la conteste. »
Cela n’empêche pas le tribun de
continuer à croire en son étoile,
lui qui plaide pour une alliance
entre le Front de gauche et Europe
Ecologie-Les Verts en vue de la
présidentielle de 2017. « Je suis disponible : s’il faut gouverner, je le ferai. Cécile Duflot a gouverné et en a
gardé le goût. J’ai gouverné et j’en
ai gardé le goût », assume-t-il.
« Hasta la victoria siempre »,
qu’ils disaient. p
olivier faye
Marine Le Pen en tête en 2017 : des sondages à lire avec prudence
Deux études créditent la présidente du FN d’environ 30 % d’intentions de vote au premier tour de la prochaine élection présidentielle
L
e monde politico-médiatique raffole des voyages
dans le futur. Cette semaine, deux sondages, un de
l’institut IFOP pour Marianne et
l’autre du CSA pour RTL, ont analysé les intentions de vote des
Français pour l’élection présidentielle de 2017, « si le premier tour
avait lieu dimanche prochain ».
Leur constat est le même : Marine Le Pen arriverait en tête du
premier tour avec un score situé
entre 29 % et 31 % selon l’IFOP, et
entre 29 % et 33 % chez CSA. La présidente du FN n’a pas manqué de
s’en féliciter – même si ces mêmes
sondages la donnent perdante au
second tour quel que soit l’adversaire envisagé (François Hollande,
Manuel Valls, Nicolas Sarkozy et
Alain Juppé). « Malgré la récente
propagande médiatique, l’IFOP me
crédite de 30 % à la présidentielle.
Mobilisation générale pour les départementales ! », a tweeté Mme Le
Pen, jeudi 29 janvier.
Ces enquêtes sont de plus en plus
demandées par les médias. Selon
« L’intention
de vote FN aurait
tendance à être
surévaluée
en ligne »
ALEXANDRE DÉZÉ
maître de conférences
à l’université Montpellier-I
Alexandre Dézé, maître de conférences à l’université Montpellier-I
et spécialiste des enquêtes d’opinion, ce sont en moyenne 2,5 sondages en rapport avec la politique
qui sont publiés chaque jour en
France. Leur nombre a considérablement crû au cours des dernières décennies. Pour la présidentielle de 1981, une centaine d’enquêtes sur les intentions de vote
avaient été produites. Pour celle de
2012, elles furent plus de 400.
Si elles révèlent un état du rapport de force politique au moment où elles sont réalisées, de
telles enquêtes doivent toutefois
être analysées avec précaution. Le
biais principal est celui de la temporalité. A vingt-sept mois d’une
présidentielle, toute prédiction
est nécessairement hasardeuse.
C’est parfois dans les derniers
jours de la campagne que se détermine l’ordre d’arrivée du premier tour. Ce fut le cas en 2002.
Dans la note qui accompagne
son sondage, l’IFOP ne manque
d’ailleurs pas de le préciser. « En
aucun cas, précise l’institut, [ces
résultats] ne constituent un élément prédictif des résultats le jour
du vote ». Contacté par Le Monde,
Frédéric Dabi, directeur général
adjoint de l’IFOP, le reconnaît :
« Ce n’est pas un sondage sur
l’élection, mais une estimation
des forces électorales après les
événements liés à Charlie Hebdo.
Il est significatif de voir François
Hollande passer de 14 % à 21 % depuis notre dernier sondage de septembre. »
L’autre limite de telles études
tient au fait qu’il est impossible, si
tôt avant l’échéance, de savoir qui
sera effectivement candidat. Dans
un sondage Sofres publié en
août 2010, Dominique StraussKahn était ainsi crédité de 24 %
d’intentions de vote au premier
tour et 59 % au second. Et à l’époque, Dominique de Villepin était
régulièrement testé. Aucun des
deux ne fut finalement candidat.
Biais technique
Avec de telles études, « on teste et
donc on impose dans les esprits des
candidats qui ne le seront pas », estime Alexandre Dézé. Or les électeurs se déterminent en fonction
de l’offre politique qui leur est proposée le jour J. « Il peut évidemment se passer beaucoup de choses », concède Frédéric Dabi. Lequel rappelle cependant qu’« entre
2010 et 2012, toutes les enquêtes ont
donné Nicolas Sarkozy perdant au
second tour, ce qui a été le cas ».
A celui de la temporalité s’ajoute
un autre biais : ces deux sondages
ont été faits sur Internet. Or, selon
Alexandre Dézé, cliquer sur le vote
Marine Le Pen est plus simple que
de le dire au téléphone. « Alors
qu’elle était sous-évaluée par téléphone, l’intention de vote FN aurait
tendance à être surévaluée en ligne », analyse le chercheur, qui explique que ce sont des personnes
plus politisées et militantes qui
participent volontairement à ce
genre de sondages. Et si le « désir »
de vote pour Mme Le Pen est sans
doute aussi « redressé », les coefficients appliqués par les instituts
sont gardés secrets.
Reste que les conséquences de
tels sondages sont difficiles à évaluer. Pour Alexandre Dézé, une
chose est sûre : leur multiplication « crée un effet de véridiction
(installation d’une vérité particulière plutôt qu’objective) et une
croyance empirique s’installe. La
montée de Marine Le Pen apparaît
inéluctable, on construit peu à peu
le film de sa prise de pouvoir. Cela
s’accentue particulièrement depuis
qu’elle a pris la tête du FN ; on est en
pleine fantasmagorie. » p
matthieu goar
LE CHIFFRE
71 %
Si deux récents sondages (IFOP
et CSA) donnent Marine Le Pen
en tête du premier tour de la
présidentielle de 2017, une autre
enquête, réalisée par l’institut
Odoxa pour i-Télé, montre que le
Front national n’est toujours pas
jugé crédible pour gouverner le
pays. 71 % des Français considèrent que le parti d’extrême
droite n’est pas « en capacité »
d’assumer les plus hautes fonctions, selon ce sondage réalisé
par Internet, les 29 et 30 janvier,
sur un échantillon de 1 008 personnes, selon la méthode des
quotas. Seuls 28 % pensent le
contraire, dont 48 % chez les
sympathisants de droite et 11 %
chez ceux de gauche.
france | 9
0123
DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015
Aides au logement :
des dispositifs coûteux
et pas toujours efficaces
Ces allocations, qui absorbent 18 milliards d’euros,
bénéficient à 6,3 millions de foyers
Forte croissance des aides fiscales
et des aides personnelles au logement
LES AIDES PUBLIQUES AU LOGEMENT, EN MILLIARDS D’EUROS
45
40
35
30
25
20
15
L
e budget consacré par
l’Etat à aider les Français à
se loger est impressionnant : 42 milliards
d’euros, soit 2,1 % du produit intérieur brut. Cette manne finance
65 dispositifs différents, pas tous
lisibles, cohérents ni efficaces. Les
seules allocations logement, distribuées à près d’un foyer sur cinq,
absorbent 18 milliards d’euros,
LES CHIFFRES
18,3
milliards d’euros
C’est le montant de l’aide au logement dont bénéficient 13 millions de personnes, dont 9 % de
propriétaires, 40 % de locataires
dans le parc social et 51 % dans
le parc privé. Le montant moyen
en 2013 de l’aide au logement
était de 223 euros par mois. Un
million de ménages produisent
un effort supérieur à 33 % de
leurs revenus pour payer leur
loyer, même compte tenu de
l’aide au logement.
700 000
étudiants
31 % perçoivent une aide au logement d’en moyenne
1 346 euros par an. 78 % la cumulent avec la demi-part fiscale
accordée aux parents.
soit quatre fois plus qu’en 1984,
tandis que le nombre de bénéficiaires n’a fait que doubler sur la
même période. « C’est l’une des
aides les plus redistributrices,
avant les minima sociaux », estiment les auteurs d’un rapport de
l’inspection générale des affaires
sociales, publié en 2012.
S’élevant en moyenne à
223 euros par mois (chiffre 2013),
elles aident massivement à payer
leur loyer des locataires modestes,
c’est-à-dire ceux dont le revenu est
inférieur à 1 380 euros par mois,
pour un couple sans enfant vivant
en province. Grâce à ce coup de
pouce, le taux d’effort de ces familles, soit la proportion de leurs
revenus qu’elles consacrent à leur
loyer, est réduit de 16 points, passant, en moyenne, de 35 % à 19 %.
Atout supplémentaire, ces allocations, souvent versées en tiers
payant directement au propriétaire, constituent une garantie de
paiement d’une fraction du loyer
dont bénéficient les bailleurs privés comme publics. « L’exemple
du Royaume-Uni est intéressant,
explique Laurent Ghekiere, directeur des affaires européennes
pour l’Union sociale de l’habitat
(USH), qui regroupe les 780
bailleurs sociaux, car devant le
même problème que le nôtre, c’està-dire le renchérissement des logements qui entraîne celui des allocations, les Anglais ont en partie
supprimé le « housing benefit »
pour le fondre dans une aide sociale globale accordée et versée
aux ménages qui en disposent à
leur guise. Mais les banques,
voyant disparaître cette dimension de garantie de paiement des
loyers, refusent désormais d’accorder des crédits à la construction de
nouveaux logements sociaux, qui
s’est donc effondrée. Le système
français de financement de la
construction du logement social,
alimenté par les livrets d’épargne
et la Caisse des dépôts, a plutôt
bien résisté à la crise financière. »
Un sérieux inconvénient des
aides au logement est de nourrir
l’inflation des loyers, dont l’évolution a d’ailleurs totalement décroché de celle, beaucoup plus ténue,
des revenus. « Il est bien documenté aujourd’hui, par plusieurs
études, dont une récente de l’Insee,
qu’en France comme ailleurs, en
Angleterre, aux Etats-Unis, les
aides au paiement des loyers les
font grimper et sont, à au moins
60 % et jusqu’à 80 %, absorbées
par les bailleurs », détaille Pierre
Madec, économiste à l’Observatoire français des conjonctures
économiques.
« Encadrer les loyers »
Entre 2000 et 2012, les loyers, en
France, se sont renchéris d’en
moyenne 36 % (40 % dans le secteur libre), les revenus de 20 %
seulement. « Pour contrôler les effets inflationnistes, en particulier
dans les zones tendues et chères, il
faudrait soit construire massivement des logements à bas coût,
soit encadrer les loyers, soit les
10
5
0
1984
1988
1992
L
LE CONTEXTE
« DIALOGUE »
Dans un référé adressé le 3 novembre 2014 aux ministres de
l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur, des finances
et des comptes publics, et rendu
public mardi 27 janvier, la Cour
des comptes estime que le ministère chargé de l’enseignement supérieur est dans « l’incapacité de connaître le niveau réel
des ressources des universités ».
La juridiction appelle à l’instauration d’un « véritable dialogue
de gestion » entre les établissements et l’Etat, qui permettrait
de déceler plus rapidement ceux
en difficultés financières.
Selon la Cour
des comptes,
la manne
s’élèverait
à 1,5 milliard
d’euros pour
l’ensemble des
80 universités
des dotations aux universités n’est
pas de thésauriser. Il faut que l’argent public soit investi », ajoutet-on.
Hypothèse d’une injonction
Fin décembre 2014, lors d’un dîner à l’Elysée avec les présidents
d’université, François Hollande
avait rappelé dans son discours
que les fonds de roulement devaient servir à investir pour le bien
des universités.
Selon nos informations, l’université d’Artois (Nord-Pas de Calais) disposait de 44 millions de
fonds de roulement, fin 2013, soit
149 jours de fonctionnement – les
chiffres 2014 ne seront disponibles qu’à l’arrêt des comptes des
universités début avril – alors que
le seuil prudentiel est de 30 jours.
A Lille 2, il atteignait 45 millions
(105 jours), 22 millions à Paris-VIII
Saint-Denis (64 jours) et 39 millions à Paris-X Nanterre, soit 85
jours.
« Pour des raisons diverses, c’est
vrai, notre fonds de roulement
2004
2008
Subventions d’exploitation
Avantages fiscaux (avantage Robien, Scellier...)
Subventions d’investissement,
(aide à la construction)
Avantages de taux (prêt à taux zéro, prêts locatifs
pour le logement social)
Avantages fiscaux
(TVA réduite pour travaux)
2012
SOURCE : COMMISSARIAT GÉNÉRAL AU DÉVELOPPEMENT DURABLE, COMPTES DU LOGEMENT 2012
Un sérieux
inconvénient
des aides
au logement
est de nourrir
l’inflation
des loyers
deux », suggère Pierre Madec.
Les dépenses publiques ne
ploient pas que sous le fardeau
des aides au logement : la montée
en puissance des avantages fiscaux aux investisseurs pèse de
plus en plus lourd. Leur montant
atteignait 17 milliards d’euros,
en 2012, soit 40 % de la dépense
publique consacrée au logement,
contre 20 % en 1990. La plus
grosse part va au logement social
Les établissements pourraient être obligés d’utiliser davantage leurs fonds de roulement
Cour des comptes, à 1,5 milliard
d’euros pour l’ensemble des 80
universités. Dans l’entourage de
la secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur et la recherche,
Geneviève Fioraso, on estime que
si l’on soustrait « tout l’argent qui
est déjà engagé », on devrait être
plus proche des 500 millions
d’euros.
Pour éviter une guerre des chiffres, l’Inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (Igaenr) ont été chargées de
faire une évaluation « objective ».
Leur rapport définitif est attendu
dans les touts prochains jours.
Toujours est-il que dans les couloirs de Bercy, ce montant
d’1,5 milliard d’euros qui dormirait fait grincer des dents. En période de tension budgétaire, les
présidents d’université seraient
vus par les services du ministère
de l’économie et des finances à la
fois pour de mauvais gestionnaires, mais aussi pour des grincheux qui réclament toujours
plus d’argent.
« Il n’y a pas de gisement improductif et il n’est pas question de
toucher à l’argent des universités
qui ont des projets d’investissement, indique-t-on dans l’entourage de Geneviève Fioraso. Mais si
certaines ont des réserves élevées
depuis longtemps et des fonds de
roulement proches de 70 jours,
alors le ministère pourrait leur demander d’utiliser une petite partie
pour des dépenses de fonctionnement et investissement. » « Le but
2000
Prestations sociales (APL, allocations logement)
Bercy lorgne les réserves des universités
es universités sont toujours dans le collimateur de
Bercy. En novembre 2014,
elles avaient eu la mauvaise surprise de voir le dernier versement
de leurs dotations amputé de
20 % (350 millions d’euros), avant
de la recevoir dans son intégralité.
Ensuite, les députés avaient voté
un coup de rabot de 70 millions.
L’Elysée avait finalement annoncé, le rétablissement de cette
somme mi-décembre.
Cette fois, c’est le fonds de roulement des établissements, servant
à payer leurs dépenses de fonctionnement et leurs investissements, qui est convoité. Une
manne qui s’élèverait selon la
1996
(9 milliards d’euros) qui bénéficie
d’une TVA à taux réduit, d’une
exonération de taxe foncière pendant trente ans…
Les incitations à l’investissement locatif, successivement appelées Périssol, Besson, Lienemann, Robien, Borloo, Scellier,
Duflot et, aujourd’hui, Pinel – soit,
excepté le député Scellier, la liste
quasi-complète des ministres du
logement depuis 1995 – coûtent,
elles, 1,6 milliard d’euros par an, et
leur effet se fait sentir sur le long
terme, à six, neuf, douze ou
quinze ans. Le Périssol, par exemple, instauré en 1996 et arrêté en
août 1999, pèsera sur le budget de
l’Etat jusqu’en 2024, le Borloo jusqu’en 2025, le Scellier jusqu’en 2027... La commission des
finances de l’Assemblée nationale
évaluait le coût, pour l’Etat, d’un
logement
en
Scellier
à
55 000 euros, quand un logement
social revient à 10 200 euros.
« Il est urgent de mieux cibler ces
aides fiscales, soutient Pierre Madec, d’autant qu’elles ont, selon les
villes, un effet inflationniste sur les
prix et les loyers. » Le logement
neuf est clairement sous perfusion fiscale depuis vingt ans et Cécile Duflot a tenté de sevrer les acteurs, mais dans une conjoncture
peu favorable qui a précipité la
baisse de la construction. Manuel
Valls qui, depuis août 2014, a pris
en main la politique du logement,
rebrousse chemin en espérant relancer le bâtiment. Car le logement n’est pas qu’une dépense
pour l’Etat : il rapporte même plus
qu’il ne coûte, plus de 60 milliards d’euros (chiffre 2012) en
taxe foncière, impôt sur les revenus fonciers, droits de mutation,
TVA, qui profitent aussi aux collectivités locales. p
isabelle rey-lefebvre
L’HISTOIRE DU JOUR
Le « médecin de la télé » face
à « ces messieurs de la faculté »
S
était un peu trop élevé à cause de
retards dans la mise en œuvre d’investissements prévus », reconnaît
Jean-François Balaudé, le président de Paris-X-Nanterre. L’université a prélevé, en 2014, 8,3 millions pour des investissements
immobiliers essentiellement. Et
sur les deux prochaines années
(2015 et 2016), ce sont 21,3 millions
d’euros qui seront dépensés. « Finalement, notre fonds de roulement va fondre jusqu’à 10 millions.
Notre idée est de nous stabiliser à
ce niveau, ce qui représentera 21 à
25 jours de fonctionnement. Ce
sera bien suffisant et raisonnable », souligne-t-il.
A l’opposé, certaines universités
sont plus mal loties : Clermont
Ferrand n’avait fin 2013 que 4
jours de fonds de roulement
(1,7 million d’euros) et Paris I-Panthéon-Sorbonne 7 jours (3,6 millions).
Certes l’autonomie des universités empêche le gouvernement
d’aller prélever directement dans
les fonds de roulement des établissements – il l’avait fait en 2012
chez certains opérateurs culturels : Opéra de Paris, Louvre, Orsay. Il n’empêche, l’hypothèse
d’une injonction du ministère de
l’enseignement supérieur à utiliser leurs réserves fait hurler les
présidents d’université qui dénoncent pêle-mêle une pénalisation des bons gestionnaires, une
incitation à devenir déficitaires et
évidemment une diminution de
leurs capacités d’investissements. p
alle comble, vendredi 30 janvier, à la librairie Kléber à
Strasbourg. L’auteur qui vient défendre son livre est « le
médecin de la télé », Michel Cymes. Son thème : les médecins des camps de la mort, sous le titre Hippocrate aux enfers
(Stock, 216 p., 18,50 euros). Ce que beaucoup attendent, c’est sa
confrontation avec l’université de Strasbourg.
Mercredi 28 janvier, le président de l’université, Alain Beretz,
et le directeur de l’institut d’anatomie, Jean-Luc Kahn, avaient
mis en garde contre le caractère « léger » du chapitre 9 du livre.
Les chapitres 7 et 8 sont consacrés aux expériences du médecin
nazi August Hirt à Strasbourg durant la seconde guerre mondiale. Celui-ci, qui « commanda » notamment 86 déportés juifs
à Auschwitz, les fit gazer dans le camp alsacien du Struthof (BasRhin), puis les fit stocker dans les cuves de l’institut d’anatomie
dans la perspective d’un horrible musée des « sous-humains ».
Après 1945, la faculté a-t-elle conservé des fragments de ces
corps ? L’auteur, dans le chapitre 9, rapporte les propos d’un médecin qui y a
POUR L’UNIVERSITÉ,
travaillé, Uzi Bonstein, qui a cru y voir
un jour des bocaux étiquetés « Juden ».
LE LIVRE DE M. CYMES M. Cymes cite un autre médecin qui lui
écrit par courriel qu’« il existe probable« LAISSE PLANER
ment encore des coupes anatomiques
constituées à l’époque nazie, malgré les
UN DOUTE
dénégations des responsables de l’instiSUR L’HONNÊTETÉ
tut ». En contrepoint, il rapporte les assurances du professeur Kahn : rien n’a
DE L’INSTITUTION »
été conservé.
Pour l’université, le livre « laisse planer un doute sur l’honnêteté intellectuelle de toute l’institution et
des personnes citées ». Les restes humains ont été inhumés. Ils
reposent au cimetière juif où une stèle a été dressée en leur mémoire en 2005, en même temps qu’une plaque posée sur la façade de l’institut.
« Je n’ai jamais écrit qu’il restait des morceaux de corps des 86 à
l’institut, affirme M. Cymes. Ces messieurs de la faculté m’accusent de l’avoir écrit : ce n’est pas dans le livre ! » Dans un face-àface pénible avec le psychiatre dont il avait oublié le nom, Georges Federmann, connu pour son engagement pour la mémoire
des « 86 », l’auteur lui fait confirmer les mots de son courriel. Le
malaise est palpable. La directrice du Centre européen du résistant déporté, basé au Struthof, Frédérique Neau-Dufour, suggère une commission d’enquête pour clarifier les choses. p
nathalie brafman
jacques fortier (strasbourg, correspondant)
10 | france
0123
DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015
Lunel, laboratoire miniature du djihad « made in France »
J UST I C E
Bygmalion : perquisitions
chez l’ex-conseiller de
Sarkozy, Franck Louvrier
Cinq habitants de la petite commune de l’Hérault ont été mis en examen samedi
A
u grand dam de ses ha­
bitants, la commune
de Lunel, dans l’Hé­
rault, est devenue un
objet de curiosité médiatique.
Surnommée la « petite Jérusa­
lem » au Moyen Age, bastion pro­
testant combattu par la royauté
au XVIIe siècle, la ville est
aujourd’hui regardée comme un
laboratoire miniature du djihad
« made in France ». Au point
qu’un article lui a été consacré
dans les pages du New York Times,
le 16 janvier.
Depuis novembre 2013, une
vingtaine de Lunellois – en comptant femmes et enfants – ont rejoint la Syrie. Six y ont perdu la vie,
soit près d’un dixième du nombre
de Français morts dans le pays. La
section « française » de cette cellule d’acheminement a été démantelée, mardi 27 janvier, par
une descente de police. A l’issue de
leur garde à vue, samedi 31, les cinq
jeunes hommes interpellés ont
été mis en examen pour « association de malfaiteurs en relation avec
une entreprise terroriste ».
Adil B., 36 ans, et Ali A., 44 ans,
sont récemment rentrés de Syrie.
Hamza M., 26 ans, dont trois frères sont partis faire le djihad, est
considéré comme le « relais »
principal entre Lunel et Alep.
Jawad S., 28 ans, est soupçonné
d’avoir voulu monter des escroqueries pour financer son voyage
et celui de ses camarades. Quant à
Saad B., 26 ans, il est accusé
d’avoir facilité le départ de son
frère, qui en est mort.
Une vingtaine de candidats au
djihad dans une commune d’à
peine 26 000 âmes : le cas a frappé
les esprits. Il n’y a pourtant pas de
spécificité lunelloise. A Lunel,
comme à Strasbourg, Nice ou Toulouse, les cellules d’acheminement se construisent par capillarité. Il s’agit généralement de bandes de copains qui s’influencent
mutuellement jusqu’à constituer
des foyers de départs. Une dynamique horizontale susceptible de
toucher dans les mêmes proportions grandes villes et petites communes.
Vague de départs
Les membres de la cellule de Lunel se sont pour la plupart connus
au collège. Ils jouaient au basket
ensemble. Quelques années plus
tard, ils ont repris contact en fré-
quentant la mosquée El Baraka,
d’obédience tabligh, mouvement
prosélyte piétiste n’appellant pas
à la violence. En marge de la communauté des fidèles – la génération de leurs parents –, ils constituent un groupe de prière, au sein
duquel ils se retrouvent le soir. Ils
œuvrent parallèlement dans une
association caritative musulmane qui vient en aide aux malades et aux familles déshéritées.
Animés par cette quête humanitaire, religieuse et communautaire, les jeunes gens s’intéressent
peu à peu au conflit syrien. Ils s’informent sur Internet, regardent
des vidéos, s’imprègnent du devoir de défendre leurs « frères »
oppressés. En novembre 2013,
deux mois après que les EtatsUnis ont renoncé à intervenir
contre l’armée de Bachar al-Assad, une première équipée s’envole pour la Syrie. Ces pionniers
La nébuleuse Mourad Fares
La cellule de Lunel fait partie de la nébuleuse de réseaux d’acheminement vers la Syrie où apparaît le nom de Mourad Fares, l’un
des deux principaux recruteurs français. En septembre 2013, le
parquet de Paris avait ouvert une enquête, confiée à la DGSI, sur
une filière du Val-de-Marne fédérée autour d’un certain Johan J.,
qui était en contact avec Mourad Fares. La cellule a été démantelée en mars 2014. Mais les enquêteurs ont entre-temps découvert
que des contacts avaient été établis entre les djihadistes franciliens et de jeunes Lunellois. Parmi eux, Hamza M., considéré
comme le plus actif, a admis avoir été en contact avec le « sergent recruteur ». Mourad Fares a été interpellé à Istanbul en
août 2014, puis mis en examen par un juge antiterroriste parisien.
La mosquée
de Lunel a-t-elle
influencé
la décision
de ces jeunes
de rejoindre
la Syrie ?
Sans doute pas
directement
sont soupçonnés d’avoir rejoint
une « katiba » – un bataillon – affiliée au Front Al Nosra, un groupe
djihadiste rallié à Al-Qaida, celle
de Mourad Fares et Omar Diaby,
les deux principaux recruteurs
français.
« Relais »
Parmi eux, Abdelkarim B., trésorier de l’association, perdra la vie
en décembre 2014. Son frère Saad,
26 ans, soupçonné de l’avoir aidé
à partir, a été mis en examen samedi. En février, mai, puis
juillet 2014 se succéderont trois
nouvelles vagues de départs. La
destination a changé : les Lunellois rejoignent désormais les
rangs de l’Etat islamique, qui a
pris le dessus militairement et
médiatiquement sur Al Nosra. Selon les services de renseignement, certains font office de
« passeurs » à la frontière turco-
Haut de Gamme
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SOLDES IO
NNELS
EXCEPT
2/2015
du 7/01 au 17/0
CANAPÉS
E T C O N V E RT I B L E S
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sur présentation de ce coupon
syrienne, d’autres de surveillants
ou d’instructeurs.
Les trois frères M., dont deux
sont morts au combat, sont soupçonnés des pires exactions. Le
quatrième de la fratrie, Hamza, qui
n’est jamais parti, a lui aussi été
mis en examen samedi. Il est considéré par la Direction générale de
la sécurité intérieure comme le
membre le plus actif de la cellule
lunelloise, celui qui animait les
réunions du « groupe de prière ».
C’est ce jeune homme qui, par l’intermédiaire de ses frères en Syrie,
est soupçonné d’avoir fait office
de « relais » pour les velléitaires.
La mosquée de Lunel, d’obédience tabligh, a-t-elle eu une influence sur la décision de ces jeunes gens de rejoindre la Syrie ?
Sans doute pas directement. Ce
mouvement missionnaire est
apolitique et rejette toute violence. Mais à entendre celui qui a
géré la mosquée jusqu’en 2012, sa
lecture littéraliste des textes a pu
contribuer à légitimer leur départ.
« Ils voulaient vivre leur religion.
Ils sont morts, c’est leur choix, explique Meziane Ben Abdelkader.
Ils n’ont fait aucun attentat en
France. Pourquoi ils partent ? Parce
qu’on les empêche de pratiquer leur
religion : il y a le problème du voile
à l’école, des certificats pour l’Aïd,
énumère-t-il. Mon fils voulait apprendre la religion. Il ne parlait jamais de combattre. » Il est mort en
Syrie au mois de mai. p
J EU N ESS E
Huit Français sur dix
favorables à un service
civique obligatoire
80 % des Français se disent favorables à un service civique
obligatoire pour les jeunes
adultes, selon un sondage
Odoxa pour iTélé et Le Parisien-Aujourd’hui en France,
rendu public vendredi 30 janvier. 81 % des personnes interrogées estiment qu’un service
civique obligatoire permettrait d’améliorer la cohésion
nationale, 77 % qu’il renforcerait le sentiment d’appartenance à la France et à la République, et 69 % qu’il
susciterait chez les jeunes
l’envie d’un engagement citoyen, associatif ou politique,
selon ce sondage réalisé par
internet les 29 et 30 janvier.
soren seelow
Fauteuils & Canapés Club
Des perquisitions ont visé
jeudi 29 janvier l’ex-conseiller
en communication de Nicolas
Sarkozy, Franck Louvrier, dans
l’enquête Bygmalion sur des
fausses factures durant la
campagne présidentielle de
2012. « Aucun élément susceptible d’intéresser l’enquête n’a
été saisi, selon le procès-verbal
de la perquisition », a indiqué
l’entourage de M. Louvrier.
Des perquisitions avaient également visé jeudi l’ancien directeur de campagne de
M. Sarkozy, aujourd’hui préfet
de Lozère, Guillaume Lambert, et l’ancien trésorier de
cette campagne, le député
UMP Philippe Briand.
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débats | 11
0123
DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015
Comment l’islam est perverti par des fidèles
Successeurs autodésignés
du Prophète, les califes et
les oulémas n’ont fait, jusqu’à nos
jours, que trahir l’esprit du Coran
en s’appuyant exclusivement
sur les hadiths, ces paroles
prêtées au fondateur de l’islam
par ali malek
L
e Prophète de l’islam est le plus
impopulaire parmi les fondateurs de religion. Si vous évoquez
Confucius, Bouddha ou Jésus
chez les non-chrétiens, on vous
prête l’oreille. Dès que vous évoquez Mahomet devant un non-musulman,
celui-ci est dubitatif, à juste titre. On voit
trop d’images horrifiantes à la télé commises en son nom pour être tenté d’avoir envie
de le connaître. Mes compatriotes algériens
ont manifesté dans les rues d’Alger pour exprimer leur indignation devant les caricatures de Charlie Hebdo et crier que les frères
Kouachi sont des martyrs. Or, y a-t-il un seul
verset dans le Coran qui appelle à mettre à
mort celui ou celle qui insulte le Prophète ?
Aucun verset ne légitime le meurtre d’un
blasphémateur, d’un hérétique ou d’un
apostat. Aucun !
Les musulmans ne puisent pas leur religion dans le Coran qu’ils prétendent être la
parole de Dieu transmise par l’archange Gabriel au prophète Mahomet. Vous tombez à
la renverse quand vous vous penchez sur ce
que les musulmans appellent la « charia »
[loi islamique] et que certains d’entre eux,
par ignorance, souhaitent voir appliquée, et
qui est en inadéquation avec le Coran. Vous
découvrez, effarés, les massacres que les
oulémas [théologiens] ont infligés à cette religion.
Les références au Coran dans la charia sont
minimes. Les oulémas s’appuient sur autre
chose : le « hadith ». Il s’agit d’un propos
que l’on met dans la bouche du Prophète.
Les djihadistes fanfaronnent qu’ils vont
conquérir le monde. Est-ce le Coran qui leur
a annoncé ces victoires ? Non. Mais le hadith, oui. Le Coran fait dire ceci au Prophète :
« Dis : je ne connais pas l’avenir, j’ignore ce
qui sera fait de moi ou de vous… » Pourtant,
les djihadistes croient que le Prophète connaissait l’avenir et qu’il leur a même annoncé qu’ils conquerraient le monde.
LES HADITHS
Tous les problèmes qui collent à la peau des
musulmans proviennent de cette chose
qu’on appelle le hadith. Le hadith n’est pas
apparu par hasard sur leur route. Il y a des
choses factuelles à savoir sur l’islam.
D’abord, que le Prophète n’a pas désigné les
califes qui lui ont succédé. Le premier traité
de théologie rédigé dans l’histoire de l’islam
s’appelle El Muwata, de l’imam Malik. Il ne
contenait pas un seul verset du Coran. Il a
été rédigé à la demande du calife – pour donner un avant-goût de ses mœurs : il enterrait vivants les opposants. Contemporain de
l’imam Malik, il y a Ibn Ishaq, auteur de la
première biographie de Mahomet. Ce livre a
été la source de toutes les autres biographies
apparues ultérieurement.
Cette première biographie du Prophète a
été écrite elle aussi à la demande du calife.
Là, on est à peu près un siècle et demi après
le Prophète. C’est au cours de cette époque
que vont être écrites les premières compilations de hadiths et que va se cristalliser cette
version de l’islam qui nous est parvenue
aujourd’hui. C’est sous le règne des Omeyyades [dynastie de califes de 661 à 750 de notre
ère] que le hadith est né et qu’il a été utilisé
comme outil de propagande. Les Omeyyades ne se sont pas occupés de coucher par
écrit les hadiths produits par leurs propagandistes. Ce sera l’affaire des Abbassides
[dynastie de 750 à 1258 de notre ère] pour lesquels Ibn Ishaq a écrit une biographie du
Prophète. Ibn Ishaq en a brossé un portrait
sur mesure pour des califes sanguinaires.
Le djihad dans le Coran n’a rien à voir avec
celui pratiqué par les musulmans au lendemain de la mort du Prophète et tel que les
héritiers des premiers califes le pratiquent
aujourd’hui. Les fameuses conquêtes sont le
premier grand péché commis par les musulmans. Ils ont décrété un djihad offensif,
alors que cela est interdit par le Coran. Pendant les treize premières années de son
LES MUSULMANS
EUROPÉENS FONT
UN GRAND TORT
À LEUR RELIGION
EN LA RÉDUISANT
AU PORT DU VOILE
ET À LA VIANDE
HALAL
POLINE HARBALI
apostolat, le Prophète et les premiers convertis sont persécutés, mais le Coran les
somme de patienter. Ensuite, il y a eu ce verset : « Il est permis à ceux qui sont combattus
en raison de leur foi… » Il est permis, mais
auparavant cela ne l’était pas.
Plus tard viendra un autre verset : « Combattez sur la voie de Dieu ceux qui vous combattent, ne transgressez pas, Dieu n’aime pas
les transgresseurs. » Le Coran ne demandait
pas aux habitants de la péninsule Arabique
d’islamiser le monde, mais de s’islamiser
eux-mêmes, ce qui signifie, quand on interroge les sourates, de se pacifier et d’arrêter
cette culture de guerre et de razzia qui était
la leur. Le Prophète n’a combattu que ceux
qui l’ont combattu. On peut lui accorder ce
crédit, ne serait-ce que parce que, dans la
mesure où il écrivait lui-même les sourates,
il ne pouvait se permettre de contredire l’enseignement dont il était porteur.
« Si ton Seigneur le voulait, tous les habitants de la Terre se convertiraient : est-ce à toi
de contraindre les gens pour qu’ils deviennent croyants ? » Ce verset date de la période
mecquoise où le Prophète mettait du zèle à
prêcher ses concitoyens. Même ce zèle, le
Coran le lui a reproché. «… Que celui qui veut
croire, croie, et que celui qui veut mécroire,
qu’il mécroie… » Et pourtant ! On se demande quel Coran ont lu les générations
d’oulémas. Eux qui ont usé des rivières d’encre en fatwas liberticides, en excommunications et en appels au meurtre.
PERSÉCUTION
« Combattez-les jusqu’à ce qu’il n’y ait point de
fitna dans la religion… » La fitna dans la religion, c’est la persécution des autres en raison
de leurs croyances. Faire cesser la persécution religieuse est l’unique motif que le Coran assigne au djihad armé. Le Prophète de
son vivant s’est tenu à un djihad strictement
défensif, dans la mesure où il ne pouvait aller
à l’encontre des sourates qu’il prétendait recevoir de Dieu.
« J’ai été envoyé, font-ils pourtant dire au
Prophète, pour combattre jusqu’à ce que les
gens se convertissent. » Ce hadith est apparu à
l’époque où les conquêtes faisaient rage. Les
hadiths n’ont pas été écrits du vivant du Prophète. La plus grande mystification de l’islam
réside dans sa définition même : quand vous
demandez à un musulman ce qu’est l’islam, il
s’empresse de vous répéter, sûr de lui, que sa
religion est basée sur la profession de foi, la
prière, la zakat, le ramadan et le pèlerinage :
ils appellent cela les piliers de l’islam. Qui a
arrêté cette définition ? On vous répond que
c’est le Prophète. C’est totalement faux !
Il s’agit certes de prescriptions coraniques
mais ce ne sont pas des fins en soi. Elles ne
sont qu’un moyen d’accéder à un but supérieur, la taqwa, la crainte révérencielle de
Dieu, et cette taqwa signifie, quand on l’examine à la lumière des seuls versets du Coran,
l’obligation faite au musulman d’être en permanence dans une dynamique de paix avec
son prochain, quel qu’il soit.
Ce sont les docteurs de la loi qui ont décidé
que la définition de l’islam se limitait à une
profession de foi et à quatre pratiques rituelles. Or, les premières compilations de hadiths apparues en contenaient beaucoup
moins que celles apparues plus tard. Ainsi,
plus on s’éloignait du Prophète dans le
temps, plus le volume des propos qui lui sont
prêtés grossissait.
LES ANCÊTRES IDÉOLOGIQUES
¶
Ali Malek, écrivain né en
Algérie, a commencé à
publier des nouvelles et
des romans aux éditions
Barzakh, à Alger. En
France, il a publié deux
romans aux éditions Non
Lieu, « Une terre bénie de
Dieu » (2006), qui évoque
les années de guerre civile, et « La Mise à pied »
(2014), une parabole sur
l’Algérie contemporaine
Ce hadith où ils font dire au Prophète qu’il a
été envoyé pour combattre les autres jusqu’à
leur soumission est un de ces hadiths que les
djihadistes ressassent. Ces derniers n’interrogent jamais les textes qu’ils mettent en
avant pour justifier leurs actions, ils s’en remettent à leurs ancêtres idéologiques. Le
contenu des prêches dans les mosquées est
composé jusqu’à nos jours à 80 % de hadiths.
Les frères Kouachi et Coulibaly ne sont pas
des martyrs. Ils sont tout au plus des victimes de ce qu’un sage musulman contemporain appelle un « mensonge sophistiqué ». Les
califes ont cherché à persuader les musulmans que le califat est consubstantiel à l’islam. Cela est faux, il n’y a aucun verset dans
le Coran qui oblige les musulmans à être soumis à un calife.
Cinquante ans après la mort du Prophète
[632 de notre ère], les musulmans en sont arrivés à bombarder La Mecque et à endommager la Kaaba. Le calife auteur de ces bombardements s’appelle Yazid. Il est le premier
dans l’histoire de l’islam à être arrivé au pouvoir par voie héréditaire. Yazid a régné pendant trois ans : il a massacré la famille du
Prophète dont il a fait décapiter les mâles et
pris les femmes en captivité.
Savez-vous que des groupes de rebelles syriens donnent à leurs contingents les noms
de ce Yazid et de son père ? Comment
peut-on concilier l’islam avec des califes
semblables ? Cela est la conséquence du
grand malentendu qu’il y a dans la tête de
ces musulmans, qui ne voient dans le passé
que le prestige des victoires militaires. Ce
sont ces dernières qui ont recouvert de prestige des califes sanguinaires et ont fait d’eux
des modèles que les ahuris du djihad veulent égaler aujourd’hui. Ben Laden n’a pas
interrogé le Coran pour savoir s’il avait le
droit de détourner des avions remplis de civils innocents et de les lancer contre des bâtiments peuplés de civils innocents. Oussama Ben Laden est un pur produit des compilations de hadiths.
« Quand vous frappez sur la voie de Dieu,
faites attention, et ne dites pas à celui qui
vous dit paix : tu n’es pas un croyant… »
« Quand vous frappez sur la voie de Dieu », signifie : quand vous êtes en pleine bataille –
contre un ennemi qui a commencé luimême la guerre. Même dans ces cas, le verset enseigne au musulman qu’il n’a pas le
droit de tuer son adversaire si celui-ci dit
paix et dépose son arme. Si vous rappelez
aux djihadistes les rudiments des lois coraniques, ils s’empressent de vous répondre
par des hadiths et par des traditions qui remontent au Prophète et dans lesquelles on
voit celui-ci tuer les prisonniers et massacrer les juifs. Ces abominations que les musulmans eux-mêmes ont imputées à leur
Prophète, le Coran les récuse catégoriquement. Elles sont le fruit de la vassalité et de
l’absence de scrupules des oulémas.
Les musulmans européens font un grand
tort à leur religion en la réduisant au port du
voile et à la viande halal. Il y a dans le Coran
des valeurs plus importantes que la prière, le
ramadan et le pèlerinage réunis. « Dieu ordonne la justice, la bienfaisance… » Il est rare
dans le Coran qu’un verset prenne un ton
aussi solennel pour énoncer les priorités.
Dans les compilations de hadiths, il n’y a
aucun chapitre qui évoque la justice.
Si on juge à l’aune du seul Coran, un pays
comme la Norvège est cent fois plus musulman que l’Arabie saoudite. p
12 | enquête
0123
DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015
Le poison électronique
texte : gilles van kote
photos : samuel bollendorff
guiyu (chine), haïphong (vietnam),
weert (pays-bas), zeebrugge (belgique),
châlons-en-champagne (france)
- envoyés spéciaux
C
inquante­cinq secondes. C’est
le temps qu’il a fallu à
l’ouvrière, assise à même le sol,
pour démanteler un clavier
d’ordinateur, séparer composants électroniques, câbles et
pièces en plastique, et les répartir dans des
bacs séparés. Des montagnes de claviers, entassés dans cet atelier sombre de Guiyu, la
« capitale mondiale » des déchets électroniques, attendent de subir le même sort.
Chaque jour, plusieurs centaines de kilos de
claviers sont traités dans cette entreprise familiale comme la ville chinoise en compterait 5 500, selon l’Association locale des recycleurs. Les ouvrières sont payées « entre
2 000 et 3 000 yuans [243 et 364 euros] par
mois, cela dépend du prix du marché, et en ce
moment les affaires ne sont pas très bonnes »,
affirme le responsable de l’atelier, qui préfère
taire son nom. La conversation est interrompue par l’irruption de quatre hommes, qui
nous intiment l’ordre d’aller voir ailleurs.
L’un d’entre eux nous suit pour s’assurer
que nous nous éloignons bien. A Giuyu, dans
l’est du Guangdong, la question des déchets
électroniques est un sujet sensible. L’activité
ferait vivre 60 000 personnes, soit près d’un
habitant sur trois. Elle en tue également. Depuis que le Basel Action Network, une organisation non gouvernementale américaine, a
révélé, en 2001, les dégâts qui y ont été provoqués par le démantèlement sauvage de déchets électroniques, Guiyu est devenu un laboratoire à ciel ouvert.
Les nombreuses études scientifiques ont
abouti à la même conclusion : les habitants
de Giuyu, leurs cultures et leurs animaux
d’élevage sont empoisonnés par la présence
de quantités phénoménales de métaux
lourds qui se sont accumulées dans l’environnement. Une étude de 2013 a encore démontré que les sols regorgeaient de dioxines résultant de la combustion des déchets d’équipements électriques et électroniques.
Guiyu est devenu synonyme d’horreur écologique. Quand un Chinois doit s’y rendre
pour une raison ou pour une autre, il s’abstient de consommer les produits locaux et
fait provision d’eau minérale. C’est probable-
Ecocide 2|5 Du département de la Marne, en France,
au village de Guiyu, en Chine, enquête sur le trafic
et le « recyclage » illégal de déchets d’équipements
électriques et électroniques
Zeebrugge
BELGIQUE
Vitry-le-François
FRANCE
CHINE
Hongkong
Mong Cai
Guiyu
Haïphong
VIETNAM
Océan
Indien
ment là qu’auraient dû terminer leur périple
les deux conteneurs provenant de la société
française D3E Recyclage saisis en 2010, dont
les gérants ont été condamnés en 2012 pour
exportation illégale de déchets électroniques.
Selon une étude publiée en juin 2014 dans la
revue Environmental Science & Technology,
environ un quart des déchets électroniques
produits par les pays industrialisés finissent
leur vie dans sept pays d’Afrique et d’Asie. La
Chine, dont l’industrie nourrit un appétit
inextinguible pour les matières premières recyclées, est la première destination de ces déchets. Plus de 1,5 million de tonnes seraient
« traitées » chaque année, rien qu’à Guiyu.
Ces déchets provenant notamment des
Etats-Unis, d’Europe et du Japon arrivent en
Chine dans le plus grand secret. Outre le fait
que la convention de Bâle en interdit la circulation, la Chine a déclaré leur importation illégale en 2000. Mais les déchets passent toujours, que ce soit à travers la frontière vietnamienne ou par le port de Hongkong, les produits arrivant dans l’ancienne colonie
À GUIYU,
LES DÉCHETS
FONT VIVRE
60 000 PERSONNES,
SOIT PRÈS
D’UN HABITANT
SUR TROIS
britannique pouvant gagner librement la
Chine continentale.
Communiquant directement avec Hongkong par le delta de la rivière de Perles, Canton et la province du Guangdong sont devenues naturellement la plaque tournante du
commerce illégal de déchets d’équipements
électriques et électroniques. Selon un témoignage cité dans son livre Junkyard Planet
(« planète poubelle ») par le journaliste Adam
Minter (Bloomsbury Press, 2013), c’est après
avoir acheté un chargement de déchets à Foshan, ville jumelle de Canton, au début des années 1990, que des habitants de Guiyu, alors
une simple bourgade rurale, découvrirent
que le recyclage des déchets électroniques
pouvait constituer une activité très lucrative.
Mais les mesures prises par les autorités
chinoises, à partir de 2008, pour favoriser
l’émergence d’une filière officielle de gestion
des déchets, ainsi que le plan anticorruption
lancé en 2013 par le président Xi Jinping, ont
conduit le secteur informel à basculer dans la
clandestinité. Dans la tentaculaire agglomération de Canton, impossible de trouver trace
de ces trafics encore florissants il y a quelques
années.
A Guiyu, les déchets arrivent pourtant par
camions entiers. Les trafiquants ont dû innover, ouvrir de nouvelles voies. Pour éviter les
contrôles portuaires, certains conteneurs en
provenance d’Europe emprunteraient la ligne
ferroviaire qui relie Duisbourg, en Allemagne,
à Chongqing, dans le centre de la Chine.
En 2014, 200 tonnes de déchets électroniques provenant de l’étranger ont été saisies
par les douanes chinoises dans le port de Dalian, au nord du pays, et cinquante-quatre trafiquants arrêtés. Les conteneurs étaient arrivés par Hongkong, puis avaient transité par
« un pays du nord-est de l’Asie » (sans doute la
Corée du Nord), selon une source officielle,
avant d’entrer en Chine. Leur destination finale ? La province du Guangdong.
Il suffit de fureter parmi les monceaux de
déchets électroniques en tout genre qui jonchent les rues de Guiyu pour s’apercevoir
qu’ils proviennent du monde entier, mais
aussi de Chine, qui en est désormais le
deuxième producteur mondial, derrière les
Etats-Unis. Une fois extraites, les ressources
contenues dans ce gisement seront revendues
aux fabricants d’équipements électroniques
et de jouets de la région de Shenzhen, à une
journée de route, et recyclées dans de nouveaux produits à bas prix qui inonderont la
planète.
Au pied de la voie du train à grande vitesse
qui traverse Guiyu, deux jeunes hommes séparent des composants électroniques en les
trempant dans une bassine de liquide brûlant,
sans se soucier des vapeurs qu’ils peuvent inhaler. Les pratiques les plus polluantes,
comme les bains d’acide qui permettent de récupérer l’or, mais ont empoisonné les rivières
du coin, semblent cependant abandonnées.
Aucune fumée ne s’échappe plus des centaines de conduits de cheminée qui hérissent la
ville, signalant la présence d’ateliers de démantèlement où, dans un passé récent, on faisait brûler cartes-mères et circuits imprimés
pour en extraire les puces électroniques et
métaux rares, au mépris des substances toxiques qui enveloppaient Guiyu d’une odeur
âcre.
« Les bains d’acide et le brûlage des déchets
électroniques sont interdits », rappelle un panneau installé à côté d’un commissariat de police. Mais certains habitants affirment que
cette consigne est allègrement piétinée à
Guiyu.
Dans le quartier de Longmen, un écriteau signale un atelier ayant recours à ce type de pratique. Notre présence sur place est rapidement remarquée par un guetteur, et un
homme en costume, descendu d’une berline
allemande, nous demande fermement de
quitter les lieux immédiatement. Il nous escortera jusqu’à la sortie du quartier.
Un peu plus loin, un panache de fumée
noire nous conduit jusqu’au bord d’un ruisseau, où un homme fait brûler des câbles pour
en extraire le cuivre. « Je n’ai pas d’autre moyen
de gagner ma vie et mes enfants sont en bonne
santé, assure-t-il avec un grand sourire. Et puis,
dans le coin, les gens continuent de brûler des
circuits imprimés, mais de préférence de nuit et
en extérieur. Les riverains s’en plaignent. »
Les habitants de Guiyu n’ont pas fini de
payer le prix de la prospérité des moins scrupuleux d’entre eux. Lo Ying-hong a 48 ans et
cultive choux et melons, qu’il vend sur le marché local sans trop se poser de questions.
Après avoir vu son village se transformer en
un atelier de recyclage planétaire, il reconnaît
enquête | 13
0123
DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015
ne pas trop savoir quoi penser de ce « progrès » : « Je sais que la terre est polluée, mais je
continue à cultiver, car c’est tout ce que je sais
faire. »
A HAÏPHONG, LES CHINOIS
FONT LEUR MARCHÉ
Les douaniers du port d’Haïphong ont le sens
de l’accueil. Ils ont mobilisé trois responsables, en uniforme impeccable et alignés devant un buste d’Ho Chi Minh, pour répondre
au journaliste de passage, sous la surveillance
du directeur adjoint du département de la
coopération internationale, venu spécialement d’Hanoï. Une fois l’interview et la visite
du deuxième port du pays expédiés au pas de
charge, ils convient leurs hôtes à partager un
repas de fruits de mer arrosé de whisky importé.
Mais, concernant les trafics de déchets électroniques, dont le Vietnam serait, d’après de
nombreux rapports internationaux, un
point de passage important, ils ne savent
rien, n’ont rien vu, malgré deux scanners ultramodernes offerts par le Japon qui leur permettent de scruter les contenus d’une cinquantaine de conteneurs par jour. De l’ivoire,
des coquillages, oui, mais ni téléviseurs ni ordinateurs hors d’usage.
Ils omettent de mentionner des informations qui figurent pourtant sur les sites Internet de plusieurs médias officiels vietnamiens : des composants électroniques ont
bien été saisis en 2013 dans la zone portuaire,
notamment 336 sacs de déchets électroni-
ques à bord d’un navire immatriculé à Hongkong et deux conteneurs chargés, entre
autres, de composants électroniques.
Selon le site du ministère de la sécurité publique, 3 000 conteneurs de déchets interdits
d’importation se trouvaient encore placés
sous séquestre début 2014 sur le port de Haïphong. Et si les autorités japonaises ont financé les deux scanners, c’est qu’elles savent
parfaitement et depuis des années – de nombreux documents en attestent – qu’une partie
des déchets produits par le pays sont exportés
en toute illégalité vers l’Asie continentale.
Les déchets de l’entreprise D3E saisis
en 2010 en Belgique avaient justement Haïphong pour destination. Mais devaient-ils
vraiment finir leur vie au Vietnam ? Probablement non. Une étude un peu ancienne,
puisqu’elle date de 2008, renseigne sur le chemin qu’ils auraient dû emprunter.
Les déchets électroniques importés par le
port d’Haïphong repartaient alors aussitôt
vers la frontière chinoise, qu’ils traversaient
au niveau des villes de Mong Cai et de Dongxin, seulement séparées par la rivière Ka
Long, avant d’être transportés par la route
jusqu’à Canton, expliquaient les auteurs.
« L’organisation du trafic entre Mong Cai et
Dongxin est assez simple, témoignaient-ils.
Les déchets d’équipements électriques et électroniques traversent le fleuve à bord de petits
bateaux, dissimulés seulement par des bâches
bleues. »
Direction Mong Cai, à six heures de route
d’Haïphong. Et déception. Dans les locaux
des douanes, une photo encadrée montre
une saisie de feux d’artifice. Pas le moindre
déchet électronique en vue. Dans cette ville
sans charme où un portable fabriqué en
Chine et estampillé Nokia se vend 10 euros,
c’est la crise. La nouvelle politique chinoise de
lutte contre la corruption a ralenti les affaires.
Une vingtaine de camions seulement traversent chaque jour le pont qui marque la frontière.
Sur le port fluvial, ce n’est pas mieux : quelques do (le nom des pénichettes locales) patientent devant l’embarcadère. Les mains
dans les poches, l’élégant Tran Hung Cuong,
propriétaire de douze d’entre elles, constate
les dégâts : « Il n’y a plus de marchandises à
transporter, et beaucoup de collègues abandonnent le métier. L’âge d’or, c’était en 2011, il y
avait alors des déchets électroniques en quantité. »
Il faut retourner dans la banlieue d’Haïphong pour renouer le fil entre le Vietnam et
la Chine. A Trang Minh, exactement, un de
ces villages de métiers, qui se sont spécialisés, dans les années 1980, dans une activité
particulière. Ici, il s’agit des déchets plastiques et électroniques. Le tri et le démantèlement y sont une activité menée en famille et
sans précautions particulières, en dehors –
parfois – d’un masque de protection.
« Deux ou trois fois par semaine, très tôt le
matin pour éviter la police de l’environnement,
certains habitants du village se rendent du
côté des rizières pour brûler les déchets et les
fils électriques, raconte une jeune maman. Ces
jours-là, on laisse les enfants à la maison et les
vitres fermées, à cause de l’odeur et de la fumée. »
Plusieurs études ont montré la présence de
dioxines issues de la combustion dans le lait
maternel des habitantes de Trang Minh et
d’autres villages de métiers comparables.
Des résidents d’un village proche racontent
avoir dû se mobiliser, il y a quelques années,
pour empêcher ceux de Trang Minh de venir
brûler leurs déchets nuitamment, afin de récupérer les métaux précieux, sans se soucier
d’empoisonner les rizières de leurs voisins.
Au bout d’une impasse, un dépôt sauvage
de téléviseurs cassés attire l’attention. A
proximité, une mère de famille retire les puces de composants électroniques à l’aide
d’un couteau. Notre présence l’inquiète.
« Elle a peur que nous appartenions à une organisation environnementale et que les autorités viennent lui infliger une amende, explique l’interprète. Sans cette activité, elle
n’aurait pas de quoi vivre. Tout le village en
vit. »
En face de sa maison, un hangar attenant à
une maison à étage abrite une quantité importante d’ordinateurs, d’imprimantes et de
circuits imprimés. « C’est la maison du Chinois », lâche un enfant. Un homme massif apparaît. Il ne parle pas le vietnamien et refuse
d’être photographié. « Il vient ici depuis plusieurs années, explique la mère de famille. Il
négocie et emmène la marchandise. »
La présence de nombreux intermédiaires
chinois est attestée par un collecteur aaa
La Chine
est la première
destination
des déchets
électriques
et électroniques.
Dans le village
de Longtang
(en haut,
à gauche),
on désassemble
des câbles
électriques.
A Guiyu,
dans la province
du Guangdong,
plus de 1,5 million
de tonnes
de déchets
seraient « traités »
chaque année.
14 | enquête
0123
DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015
suite de la page 13
Dans la banlieue
du port
de Haïphong,
au Vietnam,
le quartier
de Trang Minh
s’est spécialisé
dans le tri
des déchets
électroniques.
Ci-contre,
la maison
d’un intermédiaire
chinois où sont
stockés des
déchets en attente
d’être expédiés
en Chine. Devant,
un parterre
de débris d’écrans
de téléviseurs.
dont la Mobylette ploie sous les déchets électroniques. « Aujourd’hui, j’en ai 80 kg, mais je
peux en transporter jusqu’à 150, assure-t-il fièrement. Les Chinois achètent tout et expédient
des conteneurs qui passent la frontière, au niveau de Lang Son. Chaque mois, une soixantaine de tonnes de déchets électriques et électroniques partent d’ici vers la Chine. »
MARK WULMS, L’AGENT TROUBLE
« Rendez-vous à la gare de Weert. Pour me reconnaître, ce sera facile : je serai habillé en soldat de l’Armée rouge. Mark. » Message déroutant, mais c’est jour de carnaval à Weert, petite ville du Limbourg néerlandais, pas loin
de la frontière belge. Déguisés et armés de
pintes de bière, les habitants se rassemblent
devant les cafés. Les baraques à gaufres et à
saucisses se préparent à une folle soirée.
Mark Wulms, le faux soldat russe, ne raterait le carnaval de sa ville natale pour rien au
monde. Pour l’occasion, il est même rentré de
Dubaï, où il rachète des composants électroniques à des collecteurs pakistanais ou bangladais et les revend – neuf fois plus cher − à
des recycleurs. Son nom a été cité dans l’affaire D3E. Son entreprise, Mobo, domiciliée
au Luxembourg, se trouvait au cœur d’un trafic de déchets électroniques de l’Europe vers
l’Asie.
En juin 2010, Mark Wulms commissionne
un sous-traitant roumain pour récupérer et
conditionner des équipements électroniques
usagés chez D3E, à Vitry-le-François (Marne).
Rien que du classique… Deux conteneurs
sont acheminés par la route vers la plateforme logistique belge Terminal Container
Athus (TCA), à proximité des frontières française et luxembourgeoise. La cargaison devait ensuite gagner le port de Zeebrugge, probablement par voie ferrée, puis prendre la
mer à bord d’un porte-conteneurs, à destination du port vietnamien d’Haïphong.
Mais des gendarmes français et belges font
le déplacement jusqu’à Athus. Ils ouvrent les
conteneurs : selon leur constat, la moitié des
écrans que contiennent ceux-ci ne sont pas
en état de marche. Ce sont donc des déchets
électroniques, que la convention de Bâle interdit d’exporter vers des pays comme le Vietnam, qui n’appartiennent pas à l’Organisation de coopération et de développement
économiques. La marchandise est placée
sous séquestre.
« Alexandre [Frattini, le gérant de D3E] est
un garçon sympathique, mais il a commis une
grosse erreur : il voulait devenir millionnaire
en six mois, raconte Mark Wulms, qui affirme
pour sa part que seuls 15 % des équipements
ne fonctionnaient pas. Je n’aurais pas dû le
laisser s’occuper de charger les équipements
dans les conteneurs. C’est là que les problèmes
sont apparus. »
Stylo en main, dans un estaminet envahi
par un bruyant groupe de carnavaliers, l’intermédiaire néerlandais dessine un schéma
censé démontrer que son entreprise n’enfreignait pas la législation : à gauche, les
équipements d’occasion, auxquels rien n’interdit de vivre une deuxième vie en Afrique
ou en Asie ; à droite, les déchets électroniques, dont l’exportation est prohibée ; au
centre, les « équipements partiellement réutilisables ». Selon lui, c’est à cette dernière catégorie, aux contours flous, que Mobo s’intéressait pour le compte de clients chinois et indonésiens.
Les informations concernant l’implication
de Mark Wulms dans l’affaire D3E ont été
transmises en 2012 par la justice française à
son homologue néerlandaise. Le Néerlandais
affirme ne pas avoir été inquiété et avoir mis
fin aux activités de Mobo en 2012, après l’affaire D3E. « Il y a trop de suspicion dans ce business », soupire-t-il.
C’est via
la frontière sinovietnamienne,
ici Mong Cai
(en haut
à gauche),
qu’est acheminée
une grande partie
des déchets
destinés
à la Chine.
ZEEBRUGGE, LA PASSOIRE BELGE
« LES GÉRANTS
DE D3E RECYCLAGE
N’AVAIENT
PAS CONSCIENCE
DE PARTICIPER
À UN TRAFIC »
PHILIPPE BLANCHETIER
avocat des gérants de D3E
En ce jour de brouillard, au milieu du ballet
des engins élévateurs et des grues, Peter
Coene doit inspecter seize conteneurs sur le
port de Zeebrugge, sur la mer du Nord, par où
auraient dû transiter les conteneurs provenant de D3E Recyclage. Ce grand gaillard avenant contrôle les transports de déchets pour
le compte du ministère de la santé belge.
Un coup de sonde pour s’assurer de l’absence de gaz toxique à l’intérieur du conteneur, un vigoureux coup de pinces pour en
briser les scellés : il peut vérifier si la cargaison est conforme aux documents douaniers
et si des déchets dangereux ne sont pas dissimulés au fond du parallélépipède de métal.
Ce sont des conteneurs de déchets plastiques,
très prisés des recycleurs chinois, qu’inspecte
Peter Coene ce jour-là.
« On fait de notre mieux, mais nous ne sommes que cinq pour toute la région flamande et
ses deux grands ports [Anvers et Zeebrugge],
reconnaît le fonctionnaire. C’est peu par rapport à tout ce qui transite par ici. » Le nombre
de contrôles effectués dans les ports belges
par Peter Coene et ses collègues s’élève à un
millier par an. Pour un trafic total d’environ
onze millions de conteneurs.
DANS LA MARNE, LA SOURCE DU TRAFIC
Le tableau de chasse est impressionnant :
cinq conseils généraux, des lycées et collèges,
l’inspection du travail et la préfecture de la
Marne, des hôpitaux et cliniques, l’académie
et l’école de police de Reims, la direction des
affaires culturelles et le service de police judiciaire de la région Champagne-Ardenne,
l’Urssaf, les douanes, des gendarmeries, des
dizaines d’entreprises…
Tous figurent sur la liste des clients de l’entreprise D3E Recyclage, dont la liquidation judiciaire a été prononcée en août 2014. Tous
ont confié, entre 2007 et 2010, leurs vieux ordinateurs à cette société basée dans la Marne,
qui leur proposait de les en débarrasser gracieusement et leur remettait de (faux) bordereaux de destruction.
Sans s’imaginer qu’en toute illégalité, une
partie de ce matériel informatique allait quitter la France pour gagner l’Asie et y être démantelé au mépris de la pollution de l’environnement et de la santé des populations.
Sans s’interroger sur le fait que D3E Recyclage
ne leur réclamait aucune participation au
coût du recyclage du matériel usagé…
Les activités de D3E se poursuivraient peutêtre encore aujourd’hui si, un jour de 2009, la
brigade de gendarmerie de Sermaize-lesBains (Marne) n’avait reçu un appel anonyme
dénonçant un recours au travail illégal. Les
gendarmes se rendent alors au dépôt de Vitryle-François de l’entreprise de collecte de déchets. Sidérés par la quantité de vieux ordinateurs entassés sous un hangar, ils alertent l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaesp).
Des représentants de ce service national de
police judiciaire font le déplacement et saisissent au siège de D3E Recyclage des factures
émanant de la plate-forme logistique belge
TCA et d’autres adressées à la société Mobo.
Rien qu’en 2009 la société française avait facturé pour 180 000 euros à la société de Mark
Wulms, pour se débarrasser d’ordinateurs
qui ne lui avaient coûté que le prix de la collecte et du transport.
Au moins trente-quatre conteneurs seraient partis de D3E Recyclage pour gagner la
Belgique et, de là, très probablement, l’Asie.
« Au total, cela représentait dans les 700 tonnes de déchets électriques et électroniques, soit
environ 3 800 unités centrales, un millier d’imprimantes, 27 000 écrans d’ordinateur », affirme Céline Pierron, substitut du procureur
de Châlons-en-Champagne, qui s’est passionnée pour cette affaire dans laquelle elle représentait le ministère public.
Les gendarmes de l’Oclaesp saisissent Interpol et se rendent en juin 2010, avec leurs confrères belges, chez TCA pour y contrôler le
chargement de deux conteneurs tout juste
arrivés de D3E Recyclage et destinés au Vietnam. Les ennuis commencent pour Alexandre Frattini et son épouse, Catherine Petit, les
gérants de D3E Recyclage. « Le simple fait d’envoyer du matériel hors d’usage en Belgique
constituait une infraction », affirme Céline
Pierron.
Lors de l’audience, en janvier 2012, devant le
tribunal correctionnel de Châlons-en-Champagne, Alexandre Frattini et Catherine Petit
plaideront la négligence. « On a été dépassés
par les événements, on n’a pas pu assumer les
volumes », déclarera Alexandre Frattini, selon
des propos rapportés par L’Union, le quotidien local.
« Ils n’avaient pas conscience de participer à
un trafic, insiste encore aujourd’hui leur avocat, Philippe Blanchetier. Mais ils ont été dépassés par leur succès et ont été approchés par
des margoulins. »
Alexandre Frattini est finalement condamné à un an de prison avec sursis et
6 000 euros d’amende, son épouse à six mois
avec sursis et 3 000 euros d’amende. Tous
deux se voient interdits de gérer une entreprise commerciale. « Au regard de la dimension internationale du trafic, ce n’était pas
grand-chose, mais pour ce type de délit, il n’y a
jamais de prison ferme », explique Céline
Pierron.
Après cette affaire, Alexandre Frattini,
41 ans, a vu sa maison vendue, s’est séparé de
sa femme… et a fini par retrouver du travail
dans le secteur des déchets électroniques.
Après avoir accepté, dans un premier temps,
de rencontrer Le Monde, il s’est ravisé. « Je
pense avoir été assez traîné dans la boue et
avoir servi de parapluie à beaucoup de recycleurs », affirme-t-il par SMS. « A l’heure actuelle, certains continuent de trafiquer sans
être inquiétés », conclut-il.
Des D3E Recyclage et des Alexandre Frattini,
il en existe bien d’autres, attirés par un juteux
commerce où les contrôles sont rares, le profit considérable et le risque faible. Dans ce
secteur au cœur duquel un trafic mondial
aux gigantesques ramifications trouve sa
source, l’affaire D3E Recyclage reste pourtant
l’une des seules à avoir été jugée à ce jour en
France. p
culture | 15
0123
DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015
Les irrésistibles attractions de Balthus
La Galerie Gagosian, à Paris, expose des toiles et des Polaroid inédits de l’artiste, dont de nombreux nus
ARTS
B
althus est mort en 2001,
à l’âge de 93 ans. Les
hommages muséaux
n’ont pas tardé, du Palazzo Grassi, à Venise, au Metropolitan de New York. Vient
aujourd’hui le temps des œuvres
inédites, demeurées dans l’atelier
à sa mort ou cachées dans des collections privées. L’hiver dernier,
la Gagosian Gallery a exposé pour
la première fois, à son adresse
new-yorkaise de Madison Avenue, des Balthus d’une nature
inattendue, des Polaroid (l’exposition, qui devait être présentée au
musée Folkwang d’Essen en
avril 2014 a été annulée, en raison
des « conséquences juridiques »
éventuelles et « d’une possible fermeture de l’exposition » qu’aurait
pu provoquer la publication de
certaines photos).
Dans les années 1990, substituant la photographie au dessin, il
fait poser sa très jeune muse,
Anna, que l’on voit grandir au fil
de la décennie. Les premières
images montrent une très jeune
fille dans une robe à carreaux, enfoncée dans un fauteuil, comme
Balthus en a peint dans l’entredeux-guerres. Les dernières, faites
peu avant la mort de l’artiste,
montrent une très jeune femme,
plus qu’à demi nue, renversée sur
un sofa, parmi des coussins. Un
foulard est noué en turban sur ses
cheveux, un autre en pagne sur
son ventre et son sexe. Le photographe s’écarte ou se rapproche. Il
se place à contre-jour d’une fenêtre et obtient des effets de flou et
de pénombre, qui font songer évidemment à la lumière duveteuse
de ses toiles.
Ces Polaroid vont de pair avec les
tableaux qu’il a alors en chantier
et dont la composition est immuable : le modèle nu sur un canapé, les prairies et les arbres par
la fenêtre, un chat et un chien à
Dans les
années 1990,
substituant
la photographie
au dessin,
il fait poser
sa très jeune
muse, Anna
proximité et une mandoline dans
la main droite de la jeune femme.
En 1934, pour La Leçon de guitare,
c’était un autre instrument à cordes pincées et la suggestion érotique était explicite. Elle ne l’est
guère moins dans les œuvres finales, ce qui vérifie la permanence
obsessionnelle de certaines situations fantasmatiques dans l’imaginaire de Balthus.
Si la version new-yorkaise de
l’exposition s’en tenait là, la version française est plus variée et
d’une surprenante abondance. On
y retrouve des Polaroid d’Anna en
nombre plus réduit et l’un des
grands nus ultimes, le plus achevé
et le plus lascif. Mais on y découvre de larges ensembles de dessins et des toiles issus de collections européennes. Etudes de nus
d’à peu près toutes les époques,
aquarelles de paysages italiens du
temps où Balthus dirigeait la Villa
Médicis, dessins préparatoires
pour de grands tableaux aussi
connus que son Passage du Commerce-Saint-André et croquis grotesques voisinent.
Valeureux essai de rangement
L’accrochage s’efforce de les classer par genre, mais ce valeureux
essai de rangement est perturbé
par les toiles, plus diverses encore.
Il y a là plusieurs portraits peu connus, dont un du traducteur Pierre
Leyris, ami de lycée de Pierre Klossowski, frère de Balthus. Il date de
Deux Polaroid de Balthus, sans titre, pris entre 1990-2000. ROBERT MCKEEVER
1932-1933 et témoigne de l’autorité
que Derain exerce alors sur le peintre. Un autre, de grand format, est
donné pour celui d’un « Monsieur
Hilaire », préfet de Pontoise
en 1936. Bizarre est un euphémisme, à son propos, d’autant que
le supposé préfet a plus l’air d’un
dandy que l’on soupçonnerait
d’immoralité que d’un haut fonctionnaire vertueux. Son chien luimême a un regard troublant.
C’est là le Balthus des années
1930, celui qui intéresse Pablo Picasso, qui lui achète une toile, et
André Breton, qui visite son atelier. Quand on prend le temps de
regarder de près un dessin de
cette époque, intitulé avec candeur Enfants au Luxembourg, ou
tel autre, tout aussi candidement
nommé La Chasse aux papillons,
on voit à quoi jouent les enfants et
de quoi papillon est le nom de
code. Aurait-on des doutes, une
petite toile de Nu couché de 1945,
presque une grisaille, les lèverait,
comme elle lève le drap sur le
corps aux jambes ouvertes.
Dans les décennies suivantes,
Balthus a joué au grand maître de
la grande peinture, encouragé
malheureusement en cela par ses
marchands et ses thuriféraires.
Ses nus sont devenus plus pudi-
ques et il a démontré, dans ses
paysages et ses natures mortes,
une virtuosité rassurante. Les Polaroid d’Anna viennent rappeler, à
rebours de cette image passablement académique, que, d’une
part, Balthus, octogénaire, n’a pas
hésité à s’emparer d’un moyen de
création contemporain, et cela
une décennie durant ; et que,
d’autre part, quelques motifs anatomiques exerçaient sur lui une
attraction irrésistible, que le grand
âge lui-même n’affaiblit pas, qu’il
exaspère même. On le savait de Picasso jadis, comme de Bernard
Dufour aujourd’hui. Balthus vient
désormais s’asseoir entre eux. p
philippe dagen
Balthus. Gagosian Gallery, 4, rue
de Ponthieu, Paris, 8e. Du mardi
au samedi, de 11 heures à
19 heures. Jusqu’au 28 février.
BRUNO NAHON présente
JUSTIN WANG
ENDURANCE NEWTON
Hope met à jour une réalité ignorée LE MONDE
Bouleversant et nécessaire TÉLÉRAMA.FR
D’une grande humanité JDD
Deux frères réunis
par la violence des mots
Au Théâtre Ouvert, à Paris, le texte haletant de David Léon
explore le meurtre psychologique qui détruit un adolescent
THÉÂTRE
E
n 2014, La Loge, cette excellente petite salle du 11e arrondissement de Paris,
programmait Un Batman dans ta
tête. Ce fut la découverte d’un
auteur, David Léon (né en 1976),
que l’on retrouve cette année au
Théâtre Ouvert avec un nouveau
texte, Sauver la peau. Il y a des
liens, de l’un à l’autre : la folie est
le premier d’entre eux. Folie d’un
adolescent qui s’imagine avoir un
double dans sa tête, Batman. Folie
d’un autre adolescent, diagnostiqué comme schizophrène paranoïde. A ces deux adolescents, David Léon donne le même prénom,
Matthieu, et la même fin : ils vont
se jeter sous un train. Chez l’un et
l’autre, il explore le meurtre psychologique qui les a détruits.
David Léon sait de quoi il parle.
Après avoir étudié au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris, et commencé à
jouer, il a laissé tomber le métier
d’acteur : « Je n’arrivais pas à me
projeter dans la carrière », dit-il.
Comme il avait déjà une expérience de travail avec des adolescents en difficulté, dans le milieu
associatif, il a décidé de se former
pour devenir éducateur. Il s’occupe d’adultes psychotiques,
dans un centre spécialisé du sud
Folie d’un ado qui
s’imagine avoir
un double dans
sa tête, Batman
de la France. Et il écrit. En s’appuyant sur deux leviers : la prise
directe avec le réel qu’il vit dans
son travail, et l’autobiographie
qu’il revendique, parce que,
comme cela est dit dans Sauver la
peau, si on ne met pas la peau sur
la table quand on écrit, autant ne
rien faire.
Il y a un style très particulier
chez David Léon. Beaucoup de
points coupent les phrases et leur
donnent le ton haletant que l’on
peut avoir quand on est au-delà
des larmes, syncopé dans son récit, malheureux de ne pouvoir
pleurer. Ces larmes, le narrateur
de Sauver la peau les espère, parce
qu’elles viendraient prendre le
pouvoir sur le malheur. Mais pas
« réparer », ni « pardonner », des
mots exécrables, que David Léon
voudrait voir bannis des dictionnaires. Non, il ne faut pas pardonner à des parents qui n’ont laissé
aucune chance à leur enfant, et
l’ont transformé en un adolescent
affreusement malade. Non, il ne
convient pas de réparer le grand
frère de cet adolescent, qui est le
narrateur, homosexuel, de Sauver
la peau.
Comme il l’a aimé, son petit
frère, son « ange » que les carcans
de la famille et de l’institution ont
déshumanisé ! Comme il demande simplement à être aimé,
lui qui cherche une porte de sortie, après que Matthieu, son
« ange », s’est jeté sous un train.
Voilà ce qui sous-tend ce texte
dur, que Manuel Vallade joue sous
la direction d’Hélène Soulié. Quel
dommage que la mise en scène
accumule les emprunts (à Claude
Régy en particulier) et les clichés
(miroir brisé pour un homme
brisé, par exemple) : ce fâcheux
attirail n’aide pas Manuel Vallade
qui est vraiment bien, lui. p
PRIX SACD
brigitte salino
Sauver la peau, de David Léon.
Mise en scène : Hélène Soulié.
Avec Manuel Vallade. Théâtre
Ouvert, 4 bis, Cité Véron, Paris 18e.
Tél. : 01-42-55-74-40. Mardi,
à 19 heures ; du mercredi au
vendredi, à 20 heures ; samedi,
à 18 heures. Jusqu’au 14 février.
Les samedis 7 et 14 février,
Manuel Vallade joue
« Un Batman dans ta tête »
(6 € à 22 €). Le texte de « Sauver
la peau » est publié aux Editions
Espaces 34 (51 p., 12 €).
un film de
BORIS LOJKINE
ACTUELLEMENT AU CINÉMA
16 | culture
0123
DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015
En région, la culture est en fusion
La réforme territoriale, qui s’ajoute aux coupes budgétaires des collectivités locales, inquiète
ENQUÊTE
S
auve qui peut la culture,
en Auvergne. Alors que la
trente­septième édition
du Festival du court-métrage de Clermont-Ferrand a
ouvert ses portes, le 30 janvier,
toute l’équipe a les yeux rivés sur
2016. Au 1er janvier prochain, les
régions Auvergne et Rhône-Alpes
auront fusionné, au terme de la
réforme territoriale qui fera passer le nombre de régions métropolitaines de vingt-deux à treize.
Dans la future entité rhônalpine-auvergnate, un territoire immense de 70 000 km2, il y aura
deux commissions du film, deux
dispositifs d’éducation à l’image,
deux bureaux d’accueil des tournages… Ces missions vont-elles
coexister, ou s’agira-t-il d’éliminer des « doublons » ? Une rencontre professionnelle est prévue,
vendredi 6 février, à ClermontFerrand, en marge du festival. Au
fil des années, la capitale auvergnate est devenue le spot mondial
du court-métrage, avec plus de
160 000 entrées en salles et
3 500 professionnels accrédités
en 2014. Mais l’Auvergne compte
1,35 million d’habitants, ce qui
correspond à la population du
Grand Lyon. Saura-t-elle exister,
en 2016, face à Rhône-Alpes et ses
6 millions d’habitants ?
Les acteurs culturels sont sceptiques : en période de crise, la « mutualisation » annoncée va se solder par des économies d’échelle.
L’association Sauve qui peut le
court-métrage, qui administre le
festival de Clermont, compte
vingt salariés permanents.
Ceux-ci travaillent toute l’année,
en plus du temps fort du festival.
L’équipe a fait les comptes : dans
le cas où des activités liées à l’éducation à l’image, à la commission
du film ou à la diffusion des
« courts » sur le territoire disparaîtraient, 23 % de la masse sala­
riale serait menacée.
Le centre-ville de Clermont-Ferrand, pendant le Festival international du court-métrage. RAFAËL TRAPET PICTURETANK POUR « LE MONDE »
Parole bienveillante
Pour l’heure, les volcans sont
éteints. Les élus locaux distillent
une parole bienveillante. Le socialiste Jean-Jack Queyranne ne parle
pas de « fusion » mais d’« union
des régions ». Le président socialiste de la région Rhône-Alpes sera
présent, le 5 février, au festival
clermontois : « Celui-ci va parfaitement s’intégrer dans le réseau
des festivals de cinéma en RhôneAlpes : Lussas pour les documentaires, Annecy pour les films d’animation, etc. Mieux, on peut imaginer que l’association Sauve qui
peut le court-métrage gérera à
l’avenir les aides aux films courts à
l’échelle de la grande région, et non
plus seulement en Auvergne », dé-
clare-t-il au Monde. Au prochain
Salon du livre, en mars, à Paris,
l’Auvergne et Rhône-Alpes feront
stand commun, ajoute-t-il. Tout
est rose pendant les fiançailles.
A l’unisson, la vice-présidente
de la région Auvergne chargée de
la culture, Nicole Rouaire, d’Europe Ecologie-Les Verts, énumère
« les atouts » de la culture locale :
le festival du « court », mais aussi
le festival de la Chaise-Dieu et celui des arts de la rue d’Aurillac. Et
souligne la renommée internationale de l’Orchestre d’Auvergne,
qui était à l’affiche de la Folle Journée de Nantes et partira en tour-
née au Japon fin 2015.
Pour répondre aux inquiétudes,
Nicole Rouaire a toutefois proposé la signature d’une convention triennale entre la région
Auvergne et le festival clermontois. Celle-ci devrait être votée le
2 février, en assemblée régionale.
L’élue met aussi en valeur une politique cousue main, jusque dans
les plus petits villages. « L’Auvergne est divisée en quinze pays. Non
sans mal, depuis 2007, nous avons
demandé aux élus de ces territoires
de développer un projet culturel. Ils
en sont aujourd’hui satisfaits, et
cette action a le mérite de mainte-
A la nouvelle
architecture des
grandes régions
qui se profile, il
faut superposer la
carte de la culture
en souffrance,
avec la liste
des lieux ou
festivals disparus
nir les populations sur place. » Un
exemple qui résonne avec les efforts actuels de Fleur Pellerin qui
cherche à reconquérir « les zones
blanches de la culture », ces bassins de population qui n’ont pas,
ou peu, accès aux œuvres. La ministre de la culture et de la communication veut relever le défi de
la cohésion sociale, devenu plus
urgent depuis l’attaque contre
Charlie Hebdo, le 7 janvier.
Sur le terrain, la Rue de Valois
tente ainsi de rattraper le temps
perdu. Après avoir diminué le
budget de la culture de 2012 à
2014, le gouvernement a changé
de position : c’est Manuel Valls en
personne qui a annoncé la sanctuarisation des crédits jusqu’en 2017, et même promis une
légère hausse pour 2016.
Situation délicate
Enfin, une partie du budget a été
dégelée pour 2015 – débloquant
les crédits des deux missions
« création » et « transmission
des savoirs ». Car la situation de
la culture est délicate. Fusion des
régions ou pas, des élus locaux
suppriment des manifestations
culturelles ou reprennent en
main des programmations. Il y a
La nouvelle carte met les FRAC en vrac
www.monde-diplomatique.fr
FÉVRIER 2015
DOSSIER SPÉCIAL
Attentats de Paris,
l’onde de choc
Chaque mois, avec Le Monde diplomatique,
on s’arrête, on réf léchit.
Chez votre marchand de journaux, 28
pages, 5,40 €
S
ur le papier, tout pourrait être simple. Un plus un égale deux : deux
régions fusionnent et, au 1er janvier
2016, la nouvelle entité se retrouve avec
deux Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC), au lieu d’un seul auparavant.
Mais vont-ils tous rester ? L’Etat et les régions, les principaux partenaires et financeurs, devront décider, au cas par cas,
du sort de ces lieux dont la mission est au
moins triple : développer une collection
d’œuvres, les diffuser au plus près des publics et faire rayonner les artistes.
La France compte 23 FRAC – 22 métropolitains, plus le FRAC Réunion – pour la
plupart disposant d’un statut associatif.
L’ensemble des FRAC réunit près de
26 000 œuvres, soit la deuxième collection d’art contemporain en France. Les
FRAC, réunis dans le réseau Platform,
viennent de fêter leurs 30 ans et comptent bien s’inscrire dans un avenir « durable ». C’est l’objet d’un texte commun
adressé aux présidents de région. « Une
simple logique de mutualisation administrative ne pourra pas répondre aux défis
d’avenir de ces structures pilotes de la décentralisation », préviennent les directeurs et directrices de FRAC. L’enjeu est
aussi de préserver ces équipements de
proximité, faute de quoi la réforme aboutirait à recentraliser les lieux d’art, soit
l’inverse du but recherché.
Ecosystème local
Car les FRAC s’inscrivent dans un écosystème regroupant les centres d’art, les artothèques, les écoles d’art, etc. Et les missions des FRAC, le statut de leur collection, etc., sont « appuyés sur le découpage
actuel », lit-on dans le texte. « On n’est pas
isolés, on travaille avec un large tissu social, du marchand d’art jusqu’à la classe de
trente élèves qui vient visiter une exposition », résume Olivier Michelon, qui dirige les Abattoirs, le musée d’art contemporain de Toulouse, ainsi que le FRAC Midi-Pyrénées. La région va fusionner avec
le Languedoc-Roussillon. « L’idée de la réforme, en France, est de créer des régions à
dimension européenne. A nous de redéfinir les missions pour faire rayonner da-
vantage les FRAC », ajoute-t-il en faisant
référence aux Länder allemands et aux
divers centres d’art, musées ou manifestations artistiques prestigieuses situés à
Cologne, Kassel, Hambourg ou Francfort.
De même, Claire Jacquet, directrice du
FRAC Aquitaine, à Bordeaux, espère que
la réforme permettra de « croiser les collections ». La région Aquitaine va en effet
fusionner avec le Limousin et PoitouCharentes. « C’est l’occasion de développer
des actions avec le Pays basque et d’élargir
notre action à l’étranger », dit-elle.
Se pose, enfin, la question de la propriété des œuvres, qui n’appartiennent
pas toujours aux FRAC. Ainsi, comme le
souligne Claire Jacquet, « le FRAC Limousin vient de fusionner avec l’artothèque, et
c’est la région qui est propriétaire de la collection ». Préserver l’intégralité des collections et en garantir la propriété aux
Fonds régionaux d’art contemporain,
telle est l’autre priorité. L’année 2015 ne
sera pas de trop pour tout remettre à
plat. p
cl. f.
culture | 17
0123
DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015
Daniel Buren retombe
dans l’enfance de l’art
L’artiste habille un musée de Strasbourg de façon lumineuse et sensuelle
ARTS
LES CHIFFRES
7,6 MILLIARDS
Montant total investi par les collectivités territoriales pour la culture en 2010, selon les derniers
chiffres du ministère.
5,6 MILLIARDS
Sommes consenties par les communes et groupements de communes.
1,4 MILLIARD
Montant de la participation des
départements.
600 MILLIONS
Sommes allouées par les régions.
2,7 MILLIARDS
C
e qu’il n’a pu réaliser au
Grand Palais, c’est à
Strasbourg qu’il l’a fait.
Invité pour « Monu­
menta » en 2012, Daniel Buren
s’était pris à rêver d’investir la ma­
gistrale
verrière
de
ce
chef­d’œuvre de l’architecture Art
nouveau en y apposant de­ci de­là
des filtres colorés qui auraient fait,
au sol, arc­en­ciel. Las, trop com­
plexe, trop cher : après mille es­
quisses, le fameux plasticien a dû
renoncer à ce projet.
Quand le Musée d’art moderne
et contemporain de Strasbourg
s’est offert à lui, Buren est bien sûr
revenu à l’attaque : l’institution
dispose, elle aussi, d’une immense
verrière de 1 500 m2 qui laisse
tomber une lumière vive sur sa
nef centrale. Construit en 1998, le
bâtiment n’a pas le chien 1900 du
Grand Palais parisien. Mais l’effet
produit reste saisissant. Si efficace
que la ville a décidé de prolonger
jusqu’en mars cette installation.
Pour l’envisager à l’échelle de la
ville, il faut d’abord s’éloigner légè­
rement, jusqu’à grimper en haut
de l’une des tours du pont couvert
qui traverse l’Ill, à quelques enca­
blures. On découvre alors un mu­
sée métamorphosé : sur l’impo­
sante façade d’ordinaire transpa­
rente, des carrés de couleurs sont
venus batifoler. Emeraude, fuch­
G A L E R I E
Budget de l’Etat pour la culture
hors industries culturelles.
strasbourg
les difficultés économiques des
collectivités, qui subissent entre
autres la baisse de la dotation de
l’Etat. S’y ajoutent des arbitrages
politiques défavorables à la création contemporaine : des gestes
qui se sont multipliés depuis que
la droite a gagné les élections municipales de mars 2014.
A la nouvelle architecture des
grandes régions qui se profile, il
faut donc superposer la carte de
la culture en souffrance, avec la
liste des lieux ou festivals disparus. Au Syndeac, syndicat d’employeurs du spectacle vivant, la
présidente, Madeleine Louarn,
avertit : « La fusion des régions ne
va pas se faire en un jour. Pendant
la période de transition de deux ou
trois ans, il faudra veiller à ne pas
défaire ce qui a été fait. »
La région Haute-Normandie,
appelée à fusionner avec la BasseNormandie, est dans le viseur. La
disparition du festival pluridisciplinaire – et emblématique –
Automne en Normandie, annoncée en novembre 2014, a consterné les acteurs culturels. « Les
élus locaux ont raté une occasion.
Avec la création de la grande région, Automne en Normandie
aurait dû monter en puissance.
C’est l’inverse qui se produit. Audelà de la fusion annoncée, des
motivations budgétaires et un
manque de vision politique ont
abouti à ce choix », regrette JeanFrançois Driant, représentant du
Syndeac en Haute-Normandie. Et
dans l’Eure, la scène nationale
Evreux­Louviers est mise à mal
par le nouveau maire d’Evreux,
l’Ump Guy Lefrand, qui a coupé
dans ses subventions et veut la
faire déménager.
Le directeur de la scène natio­
nale du Volcan, au Havre, voit
dans la fusion des régions une
chance pour repenser la politique
culturelle : « La situation actuelle,
avec les diminutions de crédit,
aboutit à ce paradoxe : sur tout le
territoire français, on a des théâtres qui ont des plateaux vides,
faute de budget pour programmer
des spectacles. En face, on a une
nouvelle génération d’artistes qui
manque de lieux pour travailler. Il
y a quelque chose à faire », dit­il.
Donnant-donnant
Dans ce paysage en déconstruc­
tion, Fleur Pellerin vient d’annon­
cer le « Pacte pour la culture ».
C’est donnant­donnant : si une
ville s’engage à maintenir ses crédits pour la culture durant trois
ans (jusqu’en 2017), alors l’Etat
s’engagera à préserver son enveloppe sur le même territoire. Le
premier pacte a été signé le
29 janvier avec… Clermont­
Ferrand. Prochaine date, Cambrai,
le 2 février.
La Rue de Valois doit encore
faire avaler la potion de la réorga­
nisation des directions régionales
des affaires culturelles (DRAC) qui
représentent le ministère de la
culture en région. Lors de ses
vœux à la presse, le 19 janvier,
Fleur Pellerin a reconnu que « s’il
y a fusion de deux régions, il n’y
aura plus qu’un seul directeur régional ». Et non plus deux. Mais la
ministre s’est voulue rassurante,
s’agissant des équipes sur le terrain. Saluant le travail des agents
des DRAC, qui « passent la moitié
de leur temps sur les routes, pour
couvrir l’ensemble du territoire et
répondre à la promesse d’apporter
la culture partout », elle a pris cet
engagement : la « présence physique des services » devra rester
« forte » à l’avenir. Mais comme le
souligne le directeur adjoint
d’une grosse DRAC, ce ne sont que
« des vœux ». p
clarisse fabre
MELI K OHAN I AN
Galerie
Chantal Crousel
Pour cette double exposition parisienne, à la galerie
Chantal Crousel et dans
son annexe, La Douane,
Melik Ohanian conjugue
tous les temps. Le temps
de l’histoire, d’abord. Il le
décline à partir des couvertures déchirées du récit
d’un témoin du génocide
arménien de 1915. Il était
promis au pilon, mais l’artiste l’a fait entièrement
numériser : manière de
rappeler l’infinie fragilité
de cette mémoire, autant
que la nécessité de la
transmission. Evocation,
aussi, de la première
guerre mondiale, avec ces
silhouettes d’ouvrières britanniques contraintes de
fabriquer des obus, et dont
les corps étaient entièrement jaunis et abîmés par
la nitroglycérine. Le futur
hypothétique est également de la partie, qu’évoquent ces cauris, coquillages utilisés lors de rituels
divinatoires, sculptés ici
dans le béton avant d’être
disposés au sol selon le
bon vouloir d’un lancer de
dés. Et pour parachever ce
brouillage des temps palpitent, dans une autre installation, les températures
relevées dans l’Arctique à
la fin du XIXe siècle, lors
des premiers relevés climatologiques, transformées ici en constellation
lumineuse. Ou le temps
comme partition. p
e. le.
Melik Ohanian, galerie Chantal
Crousel, 10, rue Charlot, Paris
3e. Tél. : 01-42-77-38-87. Du
mardi au samedi de 11 heures
à 13 heures et de 14 heures à
19 heures. Et aussi à La
Douane, 11F, rue LéonJouhaux, Paris 10e. Du lundi
au vendredi de 11 heures à
19 heures. Jusqu’au 6 février.
Crousel.com
sia ou jaune d’or, azur ou, forcé­
ment, rayés, ces films alternant
avec des espaces vides s’amusent
à faire palpiter le bâtiment. Ils
transforment le musée en un im­
mense tableau abstrait : intrus ci­
nétique qui fait irruption dans le
paysage de briques ancestrales
constituant le centre­ville stras­
bourgeois.
Les humeurs du ciel
Maître de l’in situ, Buren, décidé­
ment ? Le malicieux sait, à chaque
occasion, saisir les failles autant
que le potentiel de toute architec­
ture. Il n’est jamais aussi bon qu’en
intervenant à l’échelle de la cité,
plutôt qu’en artiste domestique.
Quant à l’intérieur du musée,
qu’y perçoit­on ? L’atmosphère
change avec les humeurs du ciel.
Plein soleil, c’est une farandole de
couleurs sur les murs et au sol,
née des filtres projetant leurs
nuances partout dans l’espace. En
fonction de l’heure, la vaste allée
centrale qui sépare le bâtiment en
deux ailes peut même virer au ka­
léidoscope géant. Et révéler un Bu­
ren plutôt ignoré : soit un artiste
attentif aux effets de sensualité,
qu’avait commencé à faire soup­
çonner en 2014 sa collaboration à
l’opéra avec le chorégraphe Benja­
min Millepied, sur le très envelop­
pant Daphnis et Chloé, de Ravel.
En revanche, quand le temps est
chagrin, c’est plutôt feux pâles. Il
est temps alors de partir explorer
Les filtres
transforment
le musée en un
immense tableau
abstrait : un
intrus cinétique
qui fait irruption
dans le paysage
le second pan de l’exposition. Où
Buren dévoile un autre de ses ta­
lents, qu’une fois encore on ne lui
connaissait guère : celui de grand
gamin. Réputé pour son rigo­
risme de théoricien, son refus des
concessions, le voilà enfant, terri­
blement, joliment, capricieuse­
ment. Pour obtenir un terrain de
jeu digne de ce nom, il a fait abat­
tre les cimaises des salles d’expo­
sitions temporaires.
Dans le long « White Cube » ap­
paru par cette mise à plat, il a ba­
lancé son Meccano. Comme tirés
d’un jeu de construction pour
géant, des cubes, triangles et
ronds, des arches et trouées com­
posent et décomposent un laby­
rinthe de formes. Un paysage va­
guement urbain tel qu’en rêverait
un bambin grand comme un ar­
bre, et strictement divisé en deux
parts. D’un côté, des couleurs, des
rayures, une valse vive de pourpre,
orange, rose ou citron. De l’autre,
règne un blanc immaculé, re­
haussé parfois de rayures noires.
Une simple ligne, mais des plus
strictes, délimite les deux univers.
Les formes sont exactement les
mêmes, créant cabanes puériles et
schématiques cheminées.
Le principe est simple, autant
que l’effet troublant. Car l’artiste a
ménagé des percées dans ses volu­
mes géométriques, qui créent des
perspectives où les deux images se
surimposent, voire s’écrasent
l’une sur l’autre, en champs ma­
gnétiques irrésistiblement attirés.
Sophistication de la simplicité…
L’artiste l’évoque ainsi, en rap­
prochant cette installation nou­
velle et bipolaire des papiers dé­
coupés de Matisse : « Les dessins et
peintures d’enfant sont extrêmement complexes. Quand Matisse
renoue avec ses yeux d’enfant, il renoue en même temps avec la complexité la plus savante, ni poussive,
ni prétentieuse. » Matisse, aussi,
parce que cette exposition tient
également de la danse, dans l’éner­
gie qu’elle offre aux corps la traver­
sant. p
emmanuelle lequeux
Daniel Buren. Comme un jeu
d’enfant, travaux in situ. Musée
d’art moderne et contemporain,
1, place Hans-Jean-Arp,
Strasbourg (67). Tél. 03-88-23-3131. Tous les jours sauf lundi de
10 heures à 18 heures. De 3,50 € à
7 €. Jusqu’au 8 mars.
18 |
télévisions
0123
DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015
TF1, toujours seule en tête
La chaîne, qui fête ses 40 ans, a su conserver son leadership, sur l’information comme sur le divertissement.
Sa recette : la continuité dans le changement
ENQUÊTE
U
ne médaille a été fabri­
quée pour ses 40 ans.
L’entreprise devait
bien cette « récom­
pense » à son plus ancien salarié,
Jean­Pierre Pernaut, qui, le
lundi 6 janvier 1975, faisait son en­
trée dans les locaux d’une chaîne
dont le nom venait tout juste de
changer. En effet, c’est ce jour-là
que TF1 (Télévision française 1) a
commencé à émettre à la place de
la Première chaîne de l’ORTF.
Quatre décennies plus tard, TF1,
privatisée en 1987, fait toujours la
course en tête, loin devant ses concurrentes, avec ses 22,9 % de part
d’audience en moyenne enregistrés en 2014 (contre 14,1 % pour
France 2 et 10,1 % pour M6). Et
comme toujours, la chaîne monopolise quasiment toutes les premières places en prime time, avec
« Mentalist », « Koh-Lanta », « The
Voice », le football, le « 20 heures »… « TF1, c’est le PSG, remarque
Alain Weill, président de NextRadioTV, la maison mère de
BFM-TV et RMC. Elle joue seule en
première division, elle n’a
aujourd’hui plus de concurrent. »
Ce qui marche
A TF1, il existe une règle sacrée :
« On garde ce qui marche », rappelle Etienne Mougeotte, son directeur de 1989 à 2007. Une règle
qu’il a su imprimer, avec Patrick Le
Lay, le président de l’époque (1988
à 2008), dans les gènes de la
chaîne : l’info, la fiction, les séries
américaines, les jeux d’argent, le
divertissement, les films du dimanche soir, la téléréalité. « On
m’a toujours reproché d’avoir mis à
l’antenne “Dallas” ou “La Roue de
la fortune”, mais ce n’est pas moi,
c’est Hervé Bourges [président de
TF1 avant la privatisation], explique M. Le Lay, avant de lâcher en
riant : après la privatisation, la
messe était dite, je n’avais plus rien
à faire, j’avais juste à appliquer ces
méthodes et à m’inscrire dans la
continuité du service public. »
En regardant de près, TF1 ne paraît pas avoir beaucoup évolué,
même après l’arrivée de Nonce
Paolini, en 2008, à la tête du
groupe. « Bien sûr que si, la chaîne
a énormément changé, elle s’est
ajustée à un nouveau public, note
Etienne Mougeotte. Je ne dirais
pas qu’ils ont inventé une nouvelle
télévision mais ils ont merveilleusement adapté les principes de
LES DATES
6 JANVIER 1975
La Première chaîne de l’ORTF
devient TF1 (Télévision
française 1)
1987
TF1 est privatisée et rachetée
par Francis Bouygues
2001
Premier programme de
télé-réalité, avec « Koh-Lanta »
2006
Record absolu d’audience lors
de la demi-finale du Mondial de
foot France-Portugal, qui réunit
22,2 millions de téléspectateurs
2008
Nonce Paolini succède au duo
dirigeant Etienne MougeottePatrick Le Lay
2016
Fin du mandat de Nonce Paolini
« La société
n’évolue pas
brutalement, les
idées progressent
lentement. Même
chose dans nos
programmes »
JEAN-FRANÇOIS LANCELIER
directeur général de TF1
TF1. » Des changements dont rendra compte l’émission spéciale
qui, vendredi 6 février, retracera
l’histoire de la chaîne et sera animée par Christophe Dechavanne
et Gilles Bouleau. « Elle a su épouser l’air du temps ; il reste le nom,
l’identité et son côté populaire,
ouvert à tous », souligne le présentateur du « 20 heures ».
Les figures comme Claire Chazal,
Jean-Pierre Foucault ou Arthur
sont toujours présentes. Le
« 20 heures » (6,3 millions de téléspectateurs, le plus regardé d’Europe) reste, comme dit Catherine
Nayl, la directrice de l’information,
« le point d’ancrage dans une société qui s’accélère, un moment
d’échange, de lien social, familial
avec les téléspectateurs ». « Navarro » et « Julie Lescaut » ont été
remplacés par « Profilage » et
« Section de recherches » ; « The
Voice » a pris la suite de la « Star
Academy ». « Ce programme est
l’adaptation moderne de “Sacrée
soirée” », souligne Patrick Le Lay.
« Nous sommes des continuateurs », reconnaît Nonce Paolini.
« Nous nous adaptons de manière
régulière et par petites touches. La
société n’évolue pas brutalement
et les idées progressent lentement,
c’est la même chose dans notre
grille », explique le très discret
Jean-François Lancelier, le patron
de l’antenne, déjà présent sous
l’ère Le Lay-Mougeotte. « Chaque
fois que nous installons de nouvelles marques, nous prenons des risques, ajoute M. Paolini. On croit
que “The Voice” a toujours été là,
mais nous n’en sommes qu’à la
quatrième saison, c’est un changement radical avec de nouveaux codes, on a osé ce pari. »
Même si ses audiences n’ont
cessé de décliner ces dernières années (44,8 % en 1988, 35,3 %
en 1998, 27,2 % en 2008), TF1 a su
garder son leadership… « Aujourd’hui, nous sommes la chaîne qui
domine encore le paysage audiovisuel, y compris et avant tout sur
l’information, souligne Claire
Chazal, la présentatrice des journaux du week-end depuis 1991. Ce
qui est extrêmement important
compte tenu des bouleversements
qui se sont effectués. » L’arrivée
en 2005 de la TNT puis des chaînes d’info a fait de l’audience une
amante de plus en plus volatile.
« Et alors ? réagit Patrick Le Lay.
On garde toujours 40 % du marché
de la publicité [plus précisément
entre 40 % et 44 %]. Ce n’est pas
l’audience des émissions qui
compte mais celle des écrans de
pub. » « En réalité, la compétition
de l’audience se joue entre les
autres chaînes. Il n’y a pas d’équivalent dans les pays occidentaux », ajoute Alain Weill.
Régime minceur
Les bénéfices de TF1 ont aussi
chuté : 250,3 millions d’euros
en 2000, 228 millions d’euros
en 2007, 137 millions d’euros
en 2013. Du coup, son actionnaire
principal, le groupe de BTP Bouygues – qui détient 43,5 % des parts
de l’entreprise –, a exigé, en 2008,
un plan d’économies. Nonce Paolini a joué les cost killers, imposant
un régime minceur inédit qui
s’élève aujourd’hui à quelque
240 millions d’euros. Adieu la période bénie où Claude Cohen, l’ancienne directrice générale, refusait
des écrans publicitaires. « Nous
avons travaillé dans des conditions
très confortables, rappelle Claire
Chazal. En 2008, nous avons connu
un changement majeur avec une
gestion plus serrée : nous n’embauchons pas, nous avons appris à partir en équipe réduite, à rationaliser
les tournages. »
La chaîne a aussi dû se séparer
d’un élément qui faisait son prestige : le sport. Jugé trop cher, il a
quasiment disparu des grilles.
Terminé la formule 1 ou la Ligue
des champions. Et quand TF1 rachète de grands événements
comme le Mondial de football,
En 2012, « The Voice » a pris
la suite de « Star Academy ».
La même année, Gilles
Bouleau a pris les rênes
du « 20 heures ». C. CHEVALIN/TF1
me-t-elle. Ce départ ne s’est pas
traduit par un succès, et le réajustement ne s’est pas fait tout seul, il
a fallu prendre des décisions. » Notamment en choisissant Gilles
Bouleau pour remplacer Laurence Ferrari au « 20 heures »
en 2012. « Et c’est une réussite, se
réjouit M. Paolini. Tout le monde
me disait Laurent [Delahousse],
moi j’ai dit Bouleau. »
elle revend une partie de ses
droits. Elle a toutefois conservé,
pour l’image, les matchs de
l’équipe de France au prix fort :
environ 5 millions d’euros la rencontre amicale.
« Il y avait de l’ambition dans
tous les domaines, on ne reconnaît
plus la griffe de TF1, se souvient Patrick Poivre d’Arvor, vedette du
« 20 heures », évincé en 2008
après vingt et un ans de présentation. Pour moi, elle s’est alignée sur
les autres chaînes, la prise de risque n’est plus une notion présente
dans leur ADN. » Pour certains de
ses concurrents, la Première n’a
pas su conserver son avantage.
Elle n’a pas non plus cherché à se
développer à l’international, se
contentant de rester un acteur
franco-français. « Pendant des années, ils n’ont rien fait de leur puissance et ont concentré leurs forces
à tenter d’éliminer les concurrents.
On en sait quelque chose », note
Nicolas de Tavernost, le patron du
groupe M6. Certaines années, M6
a même été plus rentable. Selon
d’autres concurrents, TF1 aurait
aussi perdu son influence sur
l’info : « L’opinion n’est plus faite
par TF1 mais par les réseaux sociaux ou BFM-TV ». « Ils ont raté la
bataille de l’info avec LCI », estiment ces derniers.
« Ceux qui disent cela se trompent, répond Catherine Nayl. Ils
ont été nombreux à être contre
nous pour le passage en gratuit de
LCI. C’est plus un hommage rendu
ou la peur de voir TF1 bien se positionner sur l’information. Le public
a tous les moyens à sa disposition
pour ne pas venir au “20 heures” ;
s’il le fait, c’est qu’il y a une raison,
les téléspectateurs ne sont pas
juste lobotomisés. » Quant à
Nonce Paolini, il ne donne aucun
crédit à ces critiques. Aujourd’hui,
TF1 veut résonner en groupe.
Grâce à ses trois autres chaînes
gratuites de la TNT (TMC, NT1,
HD1), sa part d’audience grimpe,
pour flirter avec les 29 %. L’objectif désormais est de donner une
identité forte à chacune.
Au-delà des critiques, une des
forces de TF1 est d’avoir conservé
un management aussi pérenne et
solide que les stars de la chaîne.
L’antenne déteste les secousses
et, pourtant, elle en a connu une
majeure avec l’éviction de PPDA
en 2008. « Une erreur », selon
M. Mougeotte. Même sentiment
chez Claire Chazal : « La force de
TF1 est de changer en douceur, esti-
« Ce n’est pas
l’audience des
émissions qui
compte, c’est
celle des écrans
de publicité »
PATRICK LE LAY
ex-patron de TF1
De nouveaux visages ?
Mais que se passera-t-il quand il
faudra penser au prochain JeanPierre Pernaut ou à la future Claire
Chazal ? Sans faire d’à-coups, sans
bousculer et surtout sans changer
ces figures familières en même
temps. « Mon cas les préserve
d’une certaine manière », assure
Patrick Poivre d’Arvor. Nonce Paolini se veut clair : « Il est important
d’avoir de fortes incarnations mais
il n’y a pas non plus de raison que
l’on ne trouve pas, demain, de nouveaux visages. Dans ce métier, une
génération s’est malheureusement
crue propriétaire des antennes et
du public. Aujourd’hui, à TF1, plus
personne n’est propriétaire de quoi
que ce soit. »
Pour montrer que le changement de présentateur n’influe pas
forcément sur l’audience, Patrick
Le Lay, lui, préfère raconter une
anecdote. « Un jour, j’avais dit à
Pernaut que s’il dépassait les 50 %
de part d’audience, on ferait la
bamboula. Un matin, je vois 51 %
mais j’oublie de l’appeler pour le féliciter. Le lendemain, je croise Mougeotte, je lui dis : “Oh ! putain, je
n’ai pas félicité Pernaut pour ses
51 %.” Et Etienne me répond : “Tu
as bien fait, tu aurais eu l’air d’un
con, il était malade et c’est JeanClaude Narcy qui l’a remplacé.” »
Comme Jean-Pierre Pernaut le reconnaît lui-même : « Nul n’est irremplaçable ! » Il n’empêche. Le
22 février, il fêtera ses vingt-sept
ans à la tête du « 13 heures ». p
mustapha kessous
télévisions | 19
0123
DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015
« Je n’inviterai pas des gens pour faire un coup »
Marc-Olivier Fogiel ressuscite le célèbre « Divan », sur France 3, assumant l’héritage d’Henri Chapier
ENTRETIEN
temps. Je suis à côté de l’invité,
presque en arrière, comme l’était
Henri Chapier. Je pense que c’est
le cœur du concept. Pour le reste,
tout a été relooké. Il y a du public,
même s’il est à distance et dans la
pénombre. « Le Divan » sera plus
rythmé, car l’émission durera
plus d’une heure contre vingt­six
minutes pour la version Chapier.
Le dispositif scénique a été beau­
coup travaillé, il y aura un énorme
écran. On alimentera les entre­
tiens avec plus d’éléments,
comme des images.
M
arc­Olivier Fogiel re­
lance « Le Divan »,
l’émission mythi­
que qu’Henri Cha­
pier anima de 1987 à 1994. Mardi
3 février, il recevra Fabrice Luchini
dans un décor futuriste. France 3 a
commandé vingt numéros à
l’animateur qui avait quitté le pe­
tit écran depuis trois ans.
Vous revenez à la télévision.
Cela vous manquait-il ?
Je ne ressentais aucune impa­
tience ou aucun manque. Mon
quotidien à RTL me nourrit large­
ment. France 3 est venue me voir
à plusieurs reprises, me donnant
carte blanche. J’ai décliné pas mal
de propositions. C’est le projet
lui­même qui m’intéressait. Je
continue à explorer des domai­
nes auxquels je n’avais pas tou­
ché auparavant. Disposer d’un
temps long, je trouve que c’est
complémentaire avec ce que je
fais actuellement à la radio et ce
que j’ai animé par le passé.
J’aurais tort de ne pas y aller. Je re­
découvre le plaisir de préparer
une émission avec des personnes
avec lesquelles j’ai déjà travaillé.
Habitué des prime times, vous
occupez la troisième partie de
soirée. Avez-vous été échaudé
par votre retour, en 2011, sur
M6, avec « Face à l’actu », qui
ne s’est pas bien passé ?
Cette déconvenue a été anecdoti­
que, elle n’a duré que quelques se­
maines. C’était le mauvais projet
au mauvais endroit. Cela ne m’a
pas marqué. Je n’oublie pas mes
vingt ans d’antenne et de produc­
tion à très haute dose qui ont fonc­
tionné. Je ne retourne pas devant
les caméras à reculons, bien au
contraire.
Dans mon parcours profession­
nel et personnel, j’ai eu la chance
d’avoir plusieurs vies. J’ai voulu
une rupture nette en 2008, car
j’avais besoin de découvrir
d’autres choses pour ne pas m’en­
fermer dans la routine. J’étais dans
une forme de surpuissance. Je
n’avais plus l’impression d’ap­
prendre. Je craignais de ne plus
faire de télévision pour de bonnes
Allez-vous revenir à des
interviews musclées qui étaient
votre marque de fabrique ?
Je serai plus dans l’accompagne­
ment, dans une forme de dou­
ceur, afin de faire sortir la parole.
Mais, s’il le faut, je ne m’interdis
pas d’aller chercher les réponses
de façon plus directe. La tonalité
ressemblera davantage à mes en­
tretiens d’aujourd’hui sur RTL
qu’à ce que je faisais il y a quelques
années. Avec le temps, j’ai déve­
loppé plus de cordes à mon arc.
L’idée est de toutes les utiliser.
Fabrice Luchini, le premier « patient » à s’allonger devant Marc-Olivier Fogiel. DOMINIQUE JACOVIDES / BESSTIMAGE
raisons, mais seulement pour le
confort financier qu’elle apporte.
J’ai pris la décision de fermer ma
société de production qui em­
ployait près d’une centaine de per­
sonnes. J’ai fait un virage à 180 de­
grés. Je me suis accompli dans
cette nouvelle vie.
Avez-vous trouvé le monde de
la télévision changé depuis que
vous l’avez quitté ?
L’offre de programmes est deve­
nue très importante avec la multi­
plicité des chaînes. La télévision
est surtout beaucoup plus com­
mentée, les audiences analysées.
« Je voulais une
interview longue,
non liée à
l’actualité. Ce qui
m’importe n’est
pas l’audience,
mais ce qu’on
aura dit »
Heureusement pour moi, avec
l’expérience et ce que j’ai construit
dans ma vie privée, je suis immu­
nisé contre tout ça et je ne le crains
pas. Ce contexte n’a pas influencé
la façon dont j’ai conçu l’émission.
Je ne vais pas chercher l’audience,
ce qui m’importe c’est ce qu’on
aura dit dans ce programme.
Pourquoi refaire « Le Divan » ?
Je voulais une émission qui ne
soit pas liée à l’actualité, une in­
terview longue. Au départ, j’ai
imaginé qu’on pourrait faire
comme si l’invité était mort et
qu’on faisait redéfiler sa vie. Et
JoeyStarr, gourou des cultures urbaines
L’ex-chanteur de NTM veut donner leur chance aux skateurs, rappeurs et autres breakeurs
amateurs. Il est aujourd’hui le seul atout de « Talent Street », le télé-crochet de France Ô
I
l a choisi un tout petit troquet
sans prétention, situé dans le
quartier parisien de Saint­
Germain­des­Prés, pour recevoir
quelques journalistes. Accoudé au
comptoir, dans un brouhaha de
début d’apéro, JoeyStarr parle de­
bout – de toute façon, il n’y a pas
de chaises – pour expliquer son
rôle de juré sans concession dans
« Talent Street », sur France Ô.
Diffusée à partir du 3 février à
20 h 45, pour neuf semaines, cette
nouvelle émission a pour ambi­
tion de trouver les meilleurs ska­
teurs, danseurs, rappeurs, brea­
keurs, riders et autres artistes is­
sus des cultures urbaines. Outre
le leader emblématique du
groupe NTM, les prétendants se­
ront également notés par la dan­
seuse Mia Frye et le triple cham­
pion du monde de freestyle BMX
Matthias Dandois (lire Le Monde
du 22 décembre 2014).
Des talents pâlots
Pourtant, le résultat n’est pas à la
hauteur de la promesse : le niveau
est décevant, les talents présentés
n’ont rien de sensationnel. « Il
faut rappeler que les candidats ne
« Je me dis que
ma présence fera
“déghettoïser”
ce que j’aime.
C’est pour cela
que j’ai accepté
de participer
à l’émission »
sont pas professionnels, explique
l’acteur. Et puis beaucoup ne sortent pas du bois car ce genre
d’émission n’attire pas le plus
grand monde. » Alors tant pis si ce
concours manque cruellement de
rythme et de spectacle. « Je trouve
l’émission plus télégénique que ce
que j’ai pu voir lors des enregistrements, moi, je ne suis pas déçu »,
ajoute­t­il.
L’essentiel pour « Joey » est de
promouvoir les cultures urbai­
nes, qui ne sont pas représentées
à la télévision. « Elles sont considérées comme des sous-cultures,
et pourtant elles sont partout, il
suffit juste de sortir de chez soi,
dit­il. Je peux comprendre qu’on
soit déçu par le niveau de l’émission, mais il faut bien commencer,
il faut être indulgent. » Alors pro­
mis, s’il doit y avoir une
deuxième saison, l’artiste garan­
tit une plus grande exigence et un
meilleur casting, « des conditions
sine qua non pour que j’accepte »,
lâche­t­il.
« Une vraie ferveur »
Il faut bien le reconnaître : la pré­
sence de Didier Morville (son vrai
nom) sauve le show. Mieux, elle
l’assure. Drôle, percutant sans
être condescendant, le rappeur ne
lâche pas les prétendants, prou­
vant ainsi que les cultures urbai­
nes ne s’improvisent pas. « Je suis
venu défendre un truc dans cette
émission, j’argumente face aux
candidats, ça permet à ceux qui
sont derrière leur télé de comprendre qu’il y a du sérieux dans ce
qu’on fait, ainsi qu’une vraie lecture », souligne­t­il, avant de pes­
ter contre les jeunes nouveaux
rappeurs, qu’il qualifie de « petits
merdeux », dont les chansons ne
parlent que de « shit » et autres ca­
ricatures. « Malheureusement, le
rap est entretenu comme ça, ils le
ghettoïsent, alors qu’il existe une
vraie ferveur », assure­t­il.
C’est aussi ce qui explique, selon
lui, pourquoi les grandes chaînes
ne proposent pas d’émissions sur
les cultures urbaines. Seule
France Ô, l’antenne « diversité »
de France Télévisions, peut se le
permettre. « Je me dis que ma présence fera “déghettoïser” ce que
j’aime, espère JoeyStarr, c’est pour
cela aussi que j’ai accepté de participer à l’émission. »
France Ô mise beaucoup sur
« Talent Street » pour faire décol­
ler ses audiences, moribondes ces
derniers temps. Il y a quelques
jours, la chaîne du service public
avait même réussi la prouesse de
réaliser 0 % de part d’audience. Le
26 décembre 2014, elle avait pro­
posé, pour Noël, un « Talent
Street Kids » réservé aux enfants
de 8 ans à 16 ans, qui avait rassem­
blé un peu moins de 79 000 télés­
pectateurs. p
mustapha kessous
Talent Street, tous les mardis
(à partir du 3 février), à 20 h 45
sur France Ô
puis j’ai trouvé que c’était du gad­
get. J’avais surtout envie de faire
un bon entretien. Je me suis sou­
venu d’Henri Chapier, d’autant
que j’ai failli acheter le fameux di­
van jaune lors d’une vente aux en­
chères au profit de Reporters sans
frontières. J’ai alors décidé d’assu­
mer la filiation avec cette émis­
sion mythique.
Y aura-t-il des changements ?
On a tout gardé, et tout changé à
la fois. On a toujours la nostalgie
d’émissions, mais quand on les re­
voit, on s’aperçoit que certains
éléments n’ont pas résisté au
Qui recevrez-vous ?
Anne Hidalgo, Jean­Luc Mélen­
chon, l’avocat Eric Dupond­Mo­
retti, le chanteur Mika, Thierry
Ardisson… Ce qui m’intéresse, ce
sont des personnalités riches. Je
n’inviterai pas des gens pour faire
un coup, mais plutôt des hommes et des femmes généreux, qui
prennent le temps de raconter
des histoires. Je ne vais pas faire le
buzz. Le seul invité qui pourrait le
laisser croire, c’est Thierry Ardisson, avec qui j’ai été fâché.
Cette émission a-t-elle
vocation à durer ?
C’est une collection de vingt nu­
méros. Je ne ferai pas de primes
spéciaux comme on me l’a sug­
géré. On verra si cela m’ouvre l’ap­
pétit pour autre chose. Je ne me
projette pas. Je n’ai jamais été
aussi heureux que depuis que je
ne suis plus dans la contrainte. p
propos recueillis par
joël morio
Le Divan, sur France 3,
à 23 h 05.
8,5
millions de téléspectateurs ont regardé, lundi 26 janvier, L’Emprise, diffusé sur TF1, en prime time. Tiré du récit autobiographique d’Alexandra
Lange, ce téléfilm sur le calvaire d’une femme qui vécut des années sous
le joug d’un mari violent a ainsi réalisé 33 % de part de marché. Ce score
exceptionnel pour une fiction française est un satisfecit pour TF1 et ses
« unitaires de prestige », dans lesquels se classait déjà Ce soir je vais tuer
l’assassin de mon fils, diffusé le 31 mars 2014, qui avait déjà réuni
8,1 millions de téléspectateurs. Signalons que L’Emprise a aussi généré
75 000 tweets en France et dans le monde. Un record.
Trek, vers l’aventure
« Repoussez vos limites »,
voilà le mot d’ordre de Trek,
la nouvelle chaîne du groupe
AB consacrée à l’outdoor et
au sport extrême. Le 2 février,
elle viendra remplacer
Escales, consacrée au voyage.
Ski, escalade, surf… chaque
jour aura sa thématique. Trek
se lance un défi : ne pas être
qu’une chaîne de sport. Elle
accordera donc aussi une
place à de la télé-réalité, à des
jeux et à un magazine d’information. « L’important, c’est
avant tout le frisson. Trek
s’intéresse autant à la
dimension sportive qu’à
l’aventure humaine, explique
Richard Maroko, directeur
général des programmes du
groupe AB. Le dépassement
de soi, c’est ça qui impressionne. » A découvrir sur les
réseaux payants du câble, du
satellite et des box ADSL.
TFou Max : des dessins
animés en illimité
Babar, Maya l’Abeille et Tintin
ont traversé les générations
jusqu’aux digital natives. Le
5 février, TF1 lancera TFou
Max, une plate-forme de
vidéos en ligne réservée aux
3-12 ans. Elle sera accessible
sur ordinateur, tablette et
smartphone, sur abonnement direct, pour 2,99 € par
mois à son lancement, ou via
la box d’Orange ou de
Bouygues. Pour son coup
d’envoi, le catalogue de TFou
Max proposera plus de
2 000 films, programmes
ludiques et séries animées,
dont certaines exclusivités
comme les Barbapapa.
20 | télévisions
0123
DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015
SÉLECTION
DE LA SEMAINE
Films
Les Anges du péché
de Robert Bresson
FRANCE – 1943 – 90 MIN
Une jeune novice remarque, lors d’une visite
en prison, Thérèse, une fille farouche et
révoltée, et se croit désignée pour sauver son
âme. Scandale du mal, vanité du bien,
corruption de l’institution : l’épure
bressonienne trouve ici ses fondements.
JEUDI 5 – CINÉ+ CLASSIQUE – 20 H 45
Camille Claudel
de Bruno Nuytten. Avec Isabelle Adjani,
Gérard Depardieu, Laurent Grévill
FRANCE – 1988 – 170 MIN
Des années 1880 aux années 1910, la vie
passionnée et tragique de Camille Claudel,
assistante et maîtresse de Rodin, échappant
à l’emprise de celui-ci pour réaliser sa propre
création et sombrant dans la folie. Un film
voulu, conçu et interprété avec flamme par
Isabelle Adjani, détentrice des droits de la
biographie écrite par la petite fille de Claudel.
Vincent Josse a inauguré un format original pour cette station qui a soufflé en 2014 ses 50 bougies. JULIEN DANIEL/M.Y.O.P.
Les petits pas de côté de Vincent Josse
VENDREDI 6 – CINÉ+ CLUB – 20 H 45
Depuis son arrivée sur la Matinale, France Musique a doublé l’audience de la tranche horaire
FRANCE – 2014 – 90 MIN
RADIO
S
i les longs couloirs de Radio
France sont déserts, ça grouille
dans le studio de France Musique
alors que le jour ne s’est pas encore levé. Après avoir changé plusieurs
fois de formule et de présentateur, la Matinale de France Musique a trouvé son
tempo. Depuis l’arrivée de Vincent Josse,
en septembre 2014, son audience a doublé, malgré un format qui, au départ, a dérouté les mélomanes.
On parle beaucoup, et pas forcément de
musique, entre 8 heures et 10 heures, sur
cette antenne qui a fêté en sourdine ses
50 ans en 2014. Flash info, dossier du jour,
journal puis conversation à bâtons rompus avec un invité, la première heure de la
Matinale de France Musique ressemble
au premier abord à celle des autres. En apparence seulement. Certes, les titres sont,
ce matin-là, peu différents de ceux des radios concurrentes : discours sur l’état de
l’Union de Barak Obama, chaos au Yémen
et mesures antiterrorisme. En revanche,
le dossier du jour – la situation des petites
salles d’art et essai –, auquel la radio consacre près de vingt minutes, est, lui, très
décalé par rapport à l’actualité dramatique des semaines passées. « Nos auditeurs sont des amateurs de culture, cette
matinale s’adresse à eux. Il n’y en a aucune
autre de ce type. Elle est donc complémentaire des offres au sein du groupe et même
La deuxième
demi-heure
est consacrée
à l’interview d’un
cinéaste, comédien
ou musicien. Seuls
les politiques n’ont
pas droit de cité
d’ailleurs », explique Marie-Pierre de Surville, nommée directrice de France Musique en juin 2014 et initiatrice de cette
nouvelle tranche d’info.
Mini récital
La deuxième demi-heure est consacrée à
l’interview d’un invité. Mais là non plus,
pas question de se limiter au monde de la
musique. Cinéastes, comédiens, auteurs
ont défilé depuis la rentrée au micro de
Vincent Josse, transfuge de France Inter et
chroniqueur du « Masque et la Plume ».
Seuls les politiques omniprésents sur les
autres antennes au même moment n’ont
pas droit de cité. Fleur Pellerin, ministre de
la culture, et Benoît Julliard, adjoint de la
mairie de Paris chargé des affaires culturelles, ont certes été invités, « mais pour
parler de sa pratique musicale pour la première et du financement de la Philharmo-
nie pour le second », précise Vincent Josse.
L’entretien se fait sur le ton de la confidence. « Les gens se racontent, je suis heureux que les artistes aient du temps pour
parler », se félicite-t-il.
Cette conversation se poursuit pendant
la deuxième heure de la matinale dans un
cadre totalement inattendu. Pendant le
flash de 9 heures, l’invité descend plusieurs étages pour entrer dans la pénombre de l’immense studio 107 et retrouver
des musiciens ou des chanteurs prêts
pour un minirécital. « On a l’impression,
quand il pénètre là, qu’il a ouvert une porte
sur un trésor qui se cachait derrière », raconte avec gourmandise Vincent Josse.
Le pari de faire venir des interprètes dès
potron-minet est réussi. « C’était dur au
début, mais après une semaine de programmation, le bouche-à-oreille s’est révélé
très positif. Car nous sommes bienveillants,
et nous avons envie de les mettre en valeur », s’enthousiasme Nicolas Lafitte, producteur associé de Vincent Josse, chargé
de la programmation des sessions live.
Depuis la rentrée, Didier Lockwood,
Nemanja Radulovic, Alexandre Tharaud,
William Christie, Sarah et Deborah Nemtanu pour la musique classique ; David
Enhco, Guillaume Perret, Baptiste Trotignon pour le jazz ; Liz McComb, Olivier
Py, Benjamin Clementine pour la chanson… ont fréquenté le studio 107. Même
Camélia Jordana, participante en 2009
de « Nouvelle star », le télé-crochet de
D8, est venue présenter son dernier album, dans le cadre de Session UNIK, projet lancé par la Discothèque de Radio
France qui consiste à graver sur vinyle un
titre d’un artiste se produisant dans les
studios de la radio.
L
e 11 juin 2013, la radiotélévision na­
tionale grecque (ERT) était brutale­
ment fermée par le gouvernement
conservateur de l’époque. Du jour au len­
demain, 2 700 employés se retrouvaient
au chômage. Un mouvement d’indignation mondial a, dans un premier temps,
répondu à cette annonce. Aux premiers
rangs de la contestation : le parti de la
gauche radicale Syriza, qui s’est très vite
engagé à rétablir les moyens de production d’ERT – cinq chaînes de télévision,
vingt-sept antennes de radio, deux orchestres, etc. – s’il accédait au pouvoir.
Après plusieurs semaines d’occupation
du siège social d’ERT dans le quartier
d’Aghia Paraskevi, à Athènes, les salariés
étaient évacués par les forces de l’ordre et
le grand vaisseau amiral récupéré par
l’Etat. S’était alors installé le personnel
d’une nouvelle télévision publique DT,
qui prit le nom de Nerit. Cette antenne, à
la programmation poussive et au statut
juridique bancal, emploie maintenant
quelque 400 personnes – souvent des anciens d’ERT – rémunérées par le ministère
des finances. Dans des locaux situés juste
en face, une cinquantaine de journalistes
et techniciens de la chaîne continuent de
produire sur Internet de l’information
sous l’appellation d’ERT Open.
Des négociations engagées
Maintenant que Syriza est arrivé au pouvoir, qu’en est-il de ses promesses sur une
réouverture totale ? Dans son programme
exposé en septembre 2014, Alexis Tsipras
promettait de rouvrir ERT, en réintégrant
le personnel volontaire ou disponible.
« Environ 600 personnes sont parties en retraite ou ont été embauchées ailleurs »,
précise Aglae Kyritsi, ex-présentatrice du
journal d’ERT, députée de Syriza. « Des négociations ont été engagées entre le ministre d’Etat Nikos Pappas, le porte-parole du
gouvernement, Gabriel Sakellaridis, et le
syndicat des employés d’ERT », affirme
l’élue. Le nom du jeune Gabriel Sakellaridis, élu lui aussi sur les listes de Syriza le
25 janvier, est d’ailleurs avancé comme
étant celui qui devrait mener ce délicat
projet à terme. Car le dossier est épineux.
Si l’on rouvre ERT, que deviennent Nerit et
ses employés ? Que fait-on de la loi
4 173/2013, qui organise depuis juillet 2013
la radiotélévision publique en Grèce ?
« Le gouvernement travaille à l’élaboration d’un texte qui remplacera la loi, mais,
pour le faire bien, cela prendra quelques
mois, reconnaît Aglae Kyritsi. Nous examinons les ressorts juridiques permettant
de réintégrer mi-février les locaux d’Aghia
Paraskevi car, symboliquement, c’est im-
Le temps d’une année scolaire, Julie
Bertuccelli a suivi une classe d’accueil dans.
un collège parisien. Une classe et vingtquatre histoires de déracinement, d’exil,
d’échanges et d’apprentissages pour un film
lumineux sur le vivre-ensemble et la diversité.
MARDI 3 – CANAL+ – 22 H 40
Le Barrage de la Renaissance
d’Anne-Laure Cahen
Pharaonique ! Tel est projet de la
Renaissance, dévoilé en 2011 et débuté
en 2013 en Ethiopie. Ce barrage, construit sur
le Nil Bleu, permettra au pays de devenir le
plus important producteur d’électricité du
continent. Non sans bouleversements en
cours et à venir pour la société éthiopienne,
comme l’analyse le film d’Anne-Laure Cahen.
MARDI 3 – TV5 MONDE – 23 H 15
Séries
In the Flesh
créée par Dominic Mitchell. Avec Luke
Newberry, Harriet Cains, Emily Bevans
G.-B. – 2014 – SAISON 1, 3 × 55 MIN
Intéressante série britannique, « In the Flesh »
distille avec parcimonie quelques brèves
scènes dites « d’horreur », car son propos est
ailleurs. Si des zombies au passé très violent,
mais en voie de réhabilitation, en sont les
héros, c’est pour mieux interroger chaque
spectateur sur sa capacité à accepter la
diversité humaine.
JEUDI 5 – JIMMY – 20 H 45
Alexis Tsipras s’est engagé à rouvrir la radio-télévision ERT, fermée en 2013. Un dossier épineux
ÉTRANGER
La Cour de Babel
de Julie Bertuccelli
FRANCE – 2013 – 55 MIN
La création artistique au sens large
« Bien sûr, notre mission, c’est de diffuser et
de produire de la musique classique. Pour
autant, il ne faut pas se fermer au reste, car
toutes les influences musicales sont importantes dans la création. Un groupe de rap
qui s’approprierait la culture classique, ça
nous intéresserait », se justifie MariePierre de Surville. Désormais, Vincent
Josse rêve d’accueillir du public pour assister à l’émission. Un souhait difficile à mettre en place, mais qui pourrait se réaliser.
Déjà, les auditeurs sont de plus en plus
nombreux à écouter cette matinale hybride qui culmine à 338 000 auditeurs
soit 94 000 de plus depuis la rentrée.
« Avant, le pic d’écoute se situait vers
11 heures et la matinale n’était pas un booster d’audience, ce n’est plus le cas, se félicite
Marie-Pierre de Surville. France Musique
réalise une audience cumulée de 1,6 % contre 1,3 % précédemment, c’est un signe encourageant. Toutes les émissions montent, ça crée une dynamique collective. »
Son espoir : « Aller vers les deux points
d’audience qui montrent que notre travail
de service public touche les gens. » p
joël morio
Les promesses de Syriza pour l’audiovisuel public grec
athènes – correspondance
Documentaires
The Americans
créée par Joe Weisberg. Avec Keri Russell,
Matthew Rhys
portant. Un gouvernement de gauche a le
devoir éthique d’honorer ses promesses »,
explique la jeune femme.
Dans l’entourage de M. Tsipras, on se
montre encore assez discret sur la question. L’objectif, nous dit-on, serait certes
de rétablir ERT, mais sans revenir aux errements du clientélisme, de la corruption
et surtout de la censure étatique qui ont
caractérisé l’audiovisuel public depuis sa
formation. Réintégration du personnel,
oui, précise-t-on, mais suivie immédiatement d’une évaluation des compétences,
des besoins et des procédures d’embauche pour assainir les services.
Syriza a beaucoup promis sur ERT. Mais
les caisses de l’Etat ne sont pas élastiques
et le gouvernement a posé en priorité la
lutte contre la pauvreté. Il faudra un peu
de patience aux anciens d’ERT pour avoir
des éclaircissements sur leur avenir. p
adéa guillot
E.-U. – 2014 – SAISON 3, 13 × 45 MIN
C’est le retour de Phillip et Elizabeth Jennings,
le couple d’espions soviétiques installés aux
Etats-Unis sous couverture. Au cours de cette
troisième saison, tout en continuant leur
travail d’infiltration, ils vont commencer à se
déchirer à propos de leur fille…
MARDI 3 – CANAL+ SÉRIES – 21 H 40
Spectacle
Einstein on the Beach
opéra de Philip Glass, mis en scène par Robert
Wilson, enregistré au Théâtre du Châtelet
Tableau après tableau, c’est bien dans un
voyage hypnotique que nous conduisent Bob
Wilson et Philip Glass, qui ont repris en 2014,
dans une version modifiée, l’opéra-ballet
qu’ils avaient créé en 1976.
VENDREDI 6 – FRANCE 2 – 0 H 20
télévisions | 21
0123
DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015
Un monde sans père et sans loi
SÉLECTION
DU LUNDI
« La nuit nous appartient », de James Gray, pose la problématique de la recherche d’identité
ARTE
LUNDI 2 - 20 H 50
FILM
A
près Little Odessa
(1994) et The Yards
(2000), James Gray signait en 2007, avec ce
troisième long-métrage, une nouvelle œuvre éblouissante autour
du genre policier. On en connaît
désormais les principales obsessions : la filiation désagrégée, la
fatalité de la vengeance, le conflit
entre la loi de la famille et celle de
la cité. L’œuvre de Gray revitalise
ainsi les affinités profondes entre
film noir et tragédie grecque, en y
glissant subtilement au passage,
sous les auspices conflictuels du
rêve américain, de la mafia russe
et du destin juif, la problématique
de la recherche d’identité.
Dans le New York des années 1980, Bobby (Joaquin Phoenix) gère, en compagnie de sa petite amie Amada (Eva Mendes,
synthèse idéale de la grâce et du
sex-appeal féminins), une prospère boîte de nuit pour le compte
d’une famille russe. Tout irait
pour le mieux si deux forces irrémédiablement opposées ne fourbissaient leurs armes pour croiser, sous le signe du sang et de la
fatalité, le nirvana hédoniste et
cocaïné du beau Bobby.
Ces forces sont représentées par
une police en perte de prestige et
l’identité américaine, rapportant
l’un et l’autre à la filiation entre
l’Ancien et le Nouveau Monde.
L’exigence morale et l’incorrection politique de la réponse qu’esquisse James Gray sont remarquables. Elles nous suggèrent qu’un
monde sans père et sans loi ne
saurait être viable, qu’aucune fon­
dation nouvelle ne nous dispense
d’en assumer le joug et d’en payer
le prix. Elles nous disent que la fi­
délité à la famille ne saurait s’opposer à la loyauté envers la cité
dans un monde devenu sans foi ni
loi, et que, partant, le modèle de
La nuit nous appartient se trouve
davantage du côté de L’Enfer de la
corruption (1948) d’Abraham Polonsky, aux réminiscences bibliques, qui met aux prises deux frères de part et d’autre de la loi, que
de celui du Parrain, de Francis
Ford Coppola.
Depuis l’éblouissante tenue des
acteurs jusqu’à la manière de ménager l’esprit et la chair, la pensée
et l’action, ce film – dont le dernier mot, sanctionnant le rituel
d’intronisation de la police de
New York, est « amen » – nous
rappelle que James Gray est l’un
des plus grands cinéastes américains de notre temps. p
par une mafia russe de plus en
plus agressive et affranchie. C’est
sur le territoire de Bobby, pour ne
pas dire dans sa propre chair, que
ces deux forces vont se rencontrer, sous la forme d’un conflit familial.
Car Bobby est, d’un côté, le fils et
le frère naturels de deux figures
de la brigade criminelle, Burt (Robert Duvall) et Joseph Grusinsky
(Mark Wahlberg), et, de l’autre, le
fils adoptif de son employeur, un
paisible patriarche russe, en
même temps que l’otage du ne­
veu de ce dernier, Vadim, un trafi­
quant de drogue impitoyable.
Deux filiations opposées
L’histoire, dont on se gardera de
dire un mot de plus, n’est rien
d’autre que celle du choix que va
devoir faire Bobby entre ces deux
filiations. Celle dont il a honte et
qu’il tient secrète pour mieux
s’émanciper du carcan de son intégrité, et celle qui lui ouvre les
portes d’un rêve américain qui est
en train de tourner, sous les
paillettes du disco, de la drogue et
de l’argent facile, au cauchemar
de la gangrène morale.
Bobby, qui a renoncé à son patronyme européen pour le naturaliser en Robert Green, incarne
ainsi ce dilemme jusque dans son
nom et le film pose à travers lui la
question du genre dans lequel il
s’inscrit en même temps que de
CÉ R É M ON IE
jacques mandelbaum
La nuit nous appartient, de James
Gray. Avec Eva Mendes, Joaquin
Phoenix (EU, 2007, 110 min).
Eva Mendes et Joaquin Phoenix . WILDBUNCH
Les 22es Victoires
de la musique classique
Présentée par Louis Laforge et
Frédéric Lodéon, cette édition qui se
tient dans l’auditorium du Nouveau
Siècle lillois avec l’Orchestre national
de Lille, dirigé par Jean-Claude
Casadesus, mettra notamment à
l’honneur le ténor allemand Jonas
Kaufmann. La soirée sera diffusée
également sur France Musique.
FRANCE 3 – 20 H 50
F IL M S
Les Saphirs
de Wayne Blair. Avec Chris O’Dowd,
Deborah Mailman, Jessica Mauboy
AUSTRALIE – 2012 – 95 MIN
Quatre jeunes filles d’origine
aborigène forment en 1968 un
groupe de soul music, et décrochent
une tournée au Vietnam, dans les
fourgons de l’armée américaine
qui va les aider à s’émanciper
de leur condition. Leur succès est tel
qu’elles inspireront une pièce
de théâtre à succès,
mais aussi un film plutôt
sympathique, aux personnages bien
campés et à la bande musicale
euphorisante.
FRANCE Ô – 20 H 45
Le cheval de toutes les batailles
Un documentaire original retrace l’épopée des cavaliers et de leurs montures
HISTOIRE
LUNDI 2 – 20 H 40
DOCUMENTAIRE
E
nviron 1,8 million de chevaux ont été réquisitionnés et envoyés au front entre 1914 et 1918 par l’armée française. Sept cent soixante mille
d’entre eux périront, souvent
dans des conditions effroyables.
Ce documentaire original, appuyé par des archives militaires
inédites et des témoignages
d’historiens spécialistes, comme
la jeune Américaine Gene Tempest, de l’université de Yale, a le
mérite de faire découvrir un as-
pect méconnu du premier conflit
mondial. Et de rappeler que,
même dans cette guerre mo­
derne, au milieu des obus et des
chars, le cheval a joué un rôle fondamental.
Omniprésent dans la société
française d’avant-guerre, le cheval
garde à cette époque dans l’armée
une image prestigieuse. Même la
raclée reçue par la cavalerie française en 1870 face à la mitraille
prussienne n’a pas écorné cette
réputation. Mais devant les nouvelles réalités du combat, et notamment les mitrailleuses allemandes qui tirent cinq cents
coups à la minute, les rêves de
charges héroïques vont disparaître dès la fin de l’année 1914.
Etrangement, comme nous l’apprend ce film, 1918 sera une année
importante pour la cavalerie au
combat, avec notamment une
charge aussi décisive que sanglante de mille deux cents cavaliers canadiens sabre au clair aux
alentours de Moreuil, en Picardie.
gatelle de 178 chevaux. Car, outre
les lourdes pièces d’artillerie, il
faut en même temps amener
munitions et vivres en première
ligne.
Alors que les Britanniques disposent de véritables hôpitaux
pour chevaux et de 18 000 vétérinaires pour 40 000 bêtes, les
Français manquent, jusqu’en 1917,
de moyens et d’infrastructures
pour s’occuper correctement de
leurs montures. Et feront venir
d’Argentine et des Etats-Unis des
dizaines de milliers de chevaux.
Victimes de multiples traumatismes (bruits inhabituels, odeurs
de mort) et de nombreux pièges
Victimes de traumatismes
Indispensable pour transporter
hommes, vivres et matériel, le
cheval va être au cœur du conflit.
Pour le remorquage d’une simple
batterie de quatre canons de 75,
l’armée française mobilise la ba-
3
4
5
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12
I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
X
SOLUTION DE LA GRILLE N° 15 - 026
HORIZONTALEMENT I. Calomniateur. II. Onéreuses. Na. III. Ut. Repas.
IV. Ridicule. Rus. V. Trempée. Me. VI. Iole. Scruter. VII. Suant. Hésite.
VIII. Alitaient. An. IX. Nie. Roui. Ria. X. Essuieraient.
VERTICALEMENT 1. Courtisane. 2. Antiroulis. 3. Le. Délaies. 4. Orpiment.
5. Me. CP. Tari. 6. Nuques. Ioe. 7. Is. Lécheur. 8. Aéré. Renia. 9. Tsé. Must.
10. Preti. Rê. 11. Unau. Etain. 12. Rassérénât.
I. Faits d’hiver. II. En principe, elle
vous met à l’abri des coups. III. Préparera pour passer à table. Me is entendre comme un duc. IV. Le plus
gros dit pouce. Cabane en sapin chez
Vladimir. V. Démoli en plein centre.
Partie en fumée après avoir fait beaucoup de mal. Met in aux mauvais
coups. VI. L’argent du céréalier. Rapportons en détails. VII. Attirent la protection divine sur les champs. Points
en opposition. VIII. Belle sur la Garonne. Le scandium. Fait la liaison.
IX. Rejetées en bloc. Manifestation
d’enthousiasme. X. Part dans toutes
les directions
Recruté par un agent de footballeurs
véreux au Sénégal, le jeune Mytri
croit à sa chance. Mais, abandonné
et sans le sou une fois en France,
il est placé dans un foyer, en
province. Sa rencontre avec un
ancien joueur professionnel infléchit
le cours tragique de son destin. Entre
fiction et documentaire, Samuel
Collardey filme, avec une grande
justesse, une success story réaliste
et intelligente.
CINÉ + CLUB – 20 H 45
0123 est édité par la Société éditrice
du « Monde » SA
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à compter du 15 décembre 2000.
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Collection : Le Monde sur CD-ROM :
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VERTICALEMENT
1. Ne laisse pas beaucoup de place.
2. Travail sur tout le système.
3. Revient jour après jour. Venu de la
mer entre Grèce et Turquie. 4. Dispositions intérieures. Diane y attendait
le bel Henri. 5. Se rendraient. Possessif. 6. Doublé, il devient sénile. Rapprochais solidement. 7. Roi de cœur.
Général venu de Belle-Ile-en-Mer.
8. Alimente l’Afrique. Indispensable à
la synthèse des protéines. Découvert
à contresens. 9. Protection rapprochée. Se lancera. 10. Trafalgar lui fut
fatal. Indispensable pour durer.
11. Dépasse les bornes. L’argon.
12. Mordît à belles dents. Entre Aube
et Yonne.
FRANCE – 2013 – 102 MIN
La reproduction de tout article est interdite
sans l’accord de l’administration. Commission
paritaire des publications et agences de presse
n° 0717 C 81975 ISSN 0395-2037
Edition
2015
RI E
2
Cheval de guerre, une histoire
française, de Serge Tigneres
(France, 2014, 52 min).
Comme un lion
de Samuel Collardey. Avec Marc
Barbé, Mytri Attal, Anne Coesens
HORS -SÉ
1
alain constant
SUDOKU
N°15-027
HORIZONTALEMENT
GRILLE N° 15 - 027
PAR PHILIPPE DUPUIS
qui s’ajoutent aux dégâts causés
par des armes d’une efficacité terrifiante comme les lance-flammes ou les gaz asphyxiants, les
chevaux, comme les hommes,
vont connaître l’enfer. « Pendant
tout le conflit, le cheval a été très
présent dans les lettres envoyées
du front par les soldats », révèle un
historien.
Hommes et bêtes unis dans
l’horreur d’un conflit sans précédent. p
LE BILAN DU MONDE
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+ L’atlas de 198 pays
Présidente :
Corinne Mrejen
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22 | styles
0123
DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015
Pas de printemps pour le GPL
Ce carburant « écologique » deux fois moins cher
que l’essence pourrait profiter de la hausse des prix
du diesel. Mais il reste à la traîne…
AUTOMOBILE
I
l ne suffit pas de jouir d’une
réputation – justifiée – de
carburant écologique et
d’être proposé à moitié prix
de l’essence pour faire florès. Le
GPL (gaz de pétrole liquéfié) en
fait la dure expérience. L’alourdissement de quatre centimes d’euro
par litre imposé au diesel devrait
pourtant ouvrir des perspectives
de rebond à ce combustible, mélange de butane et de propane, qui
émet peu de CO2, encore moins de
NOx (oxydes d’azote) et aucune
particule.
Ces spécificités ont longtemps
incité les gouvernements à faire
du GPL une alternative au gazole
pour les gros rouleurs, intéressés par son prix réduit (environ 0,86 euro par litre
actuellement). Même si
cet avantage est en partie effacé par une surconsommation de 20 %
à 40 %, liée, notamment, à la moindre
densité du GPL.
Pourtant, personne ne
s’attend à un redémarrage sur
les chapeaux de roue. Logé, fiscalement parlant, à la même enseigne que les motorisations 100 %
essence de moins en moins gourmandes, ce carburant qui n’est
distribué, en moyenne, que dans
une station-service sur sept, ne
devrait connaître qu’un modeste
regain en 2015.
Au Comité français du butane et
du propane (CFBT), on se contente
de relever « des signes positifs ».
En 2009, les pouvoirs publics
avaient octroyé une prime spécifique à l’achat de 2 000 euros, qui
avait fait brusquement décoller
les immatriculations de modèles
GPL (toujours commercialisés en
« bicarburation », ce qui leur impose de disposer également d’un
réservoir pour l’essence). De 2 600
par an en 2008, celles-ci avaient
bondi à 25 000 l’année suivante,
En 2014,
les ventes
de véhicules
alimentés au GPL
n’ont pas
excédé
2 232 unités
puis à 75 500 en 2010. Un chiffre
qui ne représentait qu’une goutte
d’eau parmi les 2 millions d’immatriculations annuelles, mais
pouvait laisser entrevoir une conversion, même partielle, des Français au GPL à l’instar des automobilistes néerlandais, italiens ou
polonais.
Incitation coûteuse
Victime de son succès, cette incitation s’est révélée beaucoup plus
coûteuse que prévu pour les finances publiques, et fut brutalement supprimée fin 2010. Depuis,
le parc roulant de véhicules alimentés au GPL (estimé à
257 000 unités en France sur un
total de 7 millions en Europe) n’a
guère évolué.
En 2014, les ventes n’ont pas excédé 2 232 unités, malgré les ristournes de 50 %, voire la gratuité,
octroyées par certaines régions
sur le certificat d’immatriculation (ex-carte grise). Autre faveur :
les véhicules fonctionnant au GPL
ne sont pas concernés en cas de
circulation alternée lors des pics
de pollution. Quant aux réservoirs à gaz modernes, équipés
d’une soupape, ils sont parfaitement sûrs et ne sont plus interdits dans les parkings.
A côté des rares marques (Fiat,
Opel, Renault) qui continuent de
proposer dans leur gamme quelques modèles en bicarburation, le
leader de ce micromarché est Dacia, qui pèse à lui seul plus des
trois quarts des ventes. La filiale
low cost de Renault, qui avait fait
un malheur en 2008-2010 avec sa
berline Sandero « GPLisée », a
équipé la quasi-totalité de ses modèles et vient juste de renouveler
l’offre sur son best-seller, le faux
4 × 4 nommé Duster. Le constructeur roumain a décidé de proposer une version GPL – sans supplément de prix – sur son entrée de
gamme, avec un moteur essence
quatre-cylindres 1,6 litre, pas vraiment à la pointe de la technologie
mais bon marché, dont l’adaptation à la bicarburation est désormais directement réalisée à
l’usine.
Sur un parcours intégralement
urbain, la consommation frisait
les 10 litres aux 100 km, ce qui,
pour un moteur fonctionnant au
gaz, est assez raisonnable. L’économie d’usage permet de relativiser le malus, passé de 500 à
900 euros depuis le 1er janvier, imposé à l’achat du Duster GPL (146 g
de CO2 au km), disponible à partir
de 11 990 euros. Dommage que
cette motorisation soit bruyante
et le modèle franchement dépouillé en équipements (pas d’ordinateur de bord, ni d’indicateur
de la température extérieure ou
de réglage électrique des rétroviseurs). Ce véhicule devrait convenir aux gros rouleurs à petit budget qui considèrent que le diesel
est trop cher. A court terme, la
gamme Dacia ainsi que la Renault
Clio recevront une adaptation
plus moderne du petit trois-cylindres essence de Renault.
Les obstacles mis à la diffusion
du GPL, carburant peu polluant
mais privé d’une taxation réellement incitative, renvoient au profond déséquilibre qui caractérise
les fiscalités française et européenne, obnubilées par la réduction des émissions de CO2. Une
priorité louable mais qui relègue
au second plan – le lobbying des
marques allemandes n’y est pas
pour rien – la prise en compte des
particules fines, mais aussi des
très nuisibles émissions de NOX. p
jean-michel normand
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automobile sur
Lemonde.fr/m-voiture
AURORE PETIT
Suzuki Celerio, sérieuse et pas chère
L’entreprise japonaise sort une petite citadine convaincante
P
our un motard français,
Suzuki est une marque
très présente dans le paysage. Pour un automobiliste, c’est
beaucoup moins le cas. Troisième
constructeur de motos et dixième
constructeur automobile mondial, la firme japonaise ne brille
guère sur le marché européen, où
elle est reléguée à la 21e place. Bien
que proposant une gamme assez
cohérente, allant de la citadine au
petit 4 x 4 baroudeur, Suzuki arrive surtout à séduire grâce à sa
mignonne citadine Swift, qui représente la moitié de ses ventes.
Cette année, le constructeur
compte franchir un nouveau cap
en lançant deux nouveaux modèles. Le nouveau Vitara et la petite
Celerio. Cette dernière, fabriquée
dans une nouvelle usine située en
Thaïlande, remplace à elle seule
deux modèles : la toute petite
Alto et la Splash, un peu plus spacieuse. Dans un marché où la concurrence est féroce (Renault
Twingo, Citroën C1, Peugeot 108,
Kia Picanto, Toyota Aygo, Fiat
Panda…) et où les trois principaux
critères sont, paraît-il, le prix, le
prix et le prix, cette petite Celerio
(3,60 mètres de long, 1,60 de large,
1,54 de haut) peut-elle espérer une
carrière honorable ?
Nouvelle puce des villes
Avec ses lignes extérieures sans
charme particulier, cette nouvelle
puce des villes ne joue pas vraiment la partition de l’originalité
stylistique. En revanche, une fois
que l’on est installé au volant, le sérieux des assemblages et la sobriété d’ensemble font bonne impression. Pour un véhicule de cette
taille, l’habitabilité est très correcte et la capacité de chargement
du coffre (254 litres, le plus vaste
du segment) sera sans doute un argument majeur pour séduire la
clientèle. Doté d’un nouveau moteur essence trois cylindres (1.0
VVT) de 68 chevaux peu gourmand mais néanmoins assez
vaillant pour emmener sans peine
ce véhicule léger (805 kg), la Celerio
se montre souple à basse vitesse et
agréable en conduite urbaine
grâce notamment à son faible diamètre de braquage (9,4 mètres).
A vitesse plus rapide, la tenue de
route reste bonne, tout comme
l’insonorisation, ce qui est assez
Intérieur de la
nouvelle Suzuki
Celerio. DR
rare pour ce type de modèle. En
matière de confort, les suspensions gagneraient à filtrer un peu
mieux les irrégularités des revêtements mais la nouvelle boîte manuelle à cinq rapports se révèle
agréable à manier. Dans quelques
mois, une boîte automatique à
cinq rapports sera disponible, ce
qui, sur ce genre de véhicule, semble indispensable.
Si le premier niveau d’équipement (baptisé Avantage) propose
l’ABS et l’ESP, il faut opter pour le
deuxième (Privilège) pour avoir
droit à l’air conditionné, au Bluetooth et aux vitres électriques. Un
modèle facturé officiellement
10 490 euros. Ce tarif est en phase
avec ce que propose la concurrence mais, comme la vie est dure
et le marché difficile, Suzuki a décidé d’offrir jusqu’à fin mars des
promotions qui permettront
d’acheter la Celerio en finition
Privilège à environ 9 000 euros.
A ce tarif-là, vu les équipements
proposés, il s’agit d’une bonne affaire, même si cette sobre citadine ne révolutionne pas le segment. p
alain constant
carnet | 23
0123
DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015
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AU CARNET DU «MONDE»
Décès
Toute la famille Adamowicz
a la tristesse de faire part du décès de
M. Alain ADAMOWICZ,
survenu le 28 janvier 2015.
Un dernière hommage lui sera rendu
le mercredi 4 février, à 16 h 30,
au crématorium de Rouen (SeineMaritime), rue du Mesnil Grémichon.
M Brigitte Amarenco,
sa mère,
M. Pierre Amarenco,
son père,
me
Philippe, Paul, Charles,
ses frères,
Mme France Amarenco,
Mme Annie Guennou,
ses grands-mères,
Nikita Questel,
sa compagne,
ont la douleur de faire part du décès de
Nicolas AMARENCO,
survenu le 23 janvier 2015,
à l’âge de vingt-huit ans.
La cérémonie des obsèques aura lieu
le mercredi 4 février, à 15 h 30,
au crématorium du cimetière du PèreLachaise, Paris 20e.
Ni leurs ni couronnes, les dons seront
adressés à l’association de la recherche
« Vaincre la Mucoviscidose ».
Jacques et Nicole Bazin,
son frère et sa belle-sœur,
Ariane Bazin et Alain Voineau,
Claire Bazin et Marcus Gurgel,
Pierre Bazin
et la famille Meerschneck-Chapman,
Alexandre Bazin,
Jean-Baptiste Bazin,
ses enfants, leurs conjoints et familles,
Gabriel Gurgel,
son petit-ils,
Flor Olivares,
son amie, mère de cœur de Alexandre
et de Jean-Baptiste,
Manolo Merino,
son grand ami,
Les familles Rochot, Bazin, Bouhey,
Chollet, Moriaux et Kremp-Desvignes,
Ses proches, de nombreuses clientes,
ont la grande tristesse de faire part
du décès du
docteur Claude BAZIN,
chirurgien,
gynécologue-obstétricien
honoraire des Hôpitaux,
ancien chef de service de la maternité
de l’hôpital Delafontaine,
ancien maître de conférence de la Faculté
de médecine de Bobigny
(Seine-Saint-Denis), Paris XIII,
militant pour le droit à l’avortement,
militant du planning familial,
survenu le 25 janvier 2015, à Paris,
dans sa quatre-vingt-septième année.
Son ils,
Nicolas BAZIN,
(† 1988),
disparu trop jeune, nous est en mémoire.
Les obsèques auront lieu le mardi
3 février, à 15 h 30, en la salle de la Coupole
du crématorium du cimetière du PèreLachaise, Paris 20e.
Nous avons la douleur d’annoncer
le décès, survenu le 22 janvier 2015,
dans sa soixante-dix-septième année, de
Joëlle BIROS,
née Le MOIGNE.
De la part de
Jean-Pierre Biros,
son mari,
Jean-François Biros
et Catherine Biros,
ses enfants,
Toute leur famille,
Tous les autres membres
de la famille, à laquelle nous associons
particulièrement Germaine Biros, Thérèse
Paulic et Annie Le Gall,
son amie d’enfance, pour leur sympathie
amicale et constante, au cours de toutes ces
années.
Nous remercions aussi Marguerite
Liberato, qui l’a entourée de toute son
affection.
Femme de conviction laïque
et à l’écoute de tous, Joëlle a consacré
sa longue carrière de professeur
de sciences à la formation de ses élèves,
au lycée Lakanal, à Sceaux.
Femme généreuse et discrète, peu
épargnée par les blessures de la vie,
dévouée à sa famille pendant plus
de cinquante-cinq ans, elle fut pour nous
l’expression incarnée de la sollicitude,
de la tendresse et de la douceur.
Le chagrin qui nous assaille demande
qu’on s’imprègne seulement de silence
et d’une pensée bienveillante pour
accompagner sa mémoire.
La cérémonie funéraire s’est déroulée
dans l’intimité, le jeudi 29 janvier,
au crématorium du cimetière du PèreLachaise, Paris 20e.
Jean-Pierre Biros,
30, rue Gay-Lussac,
75005 Paris.
Son épouse,
Ses enfants,
Ses petits-enfants,
Son arrière-petit-ils,
ont la profonde tristesse de faire part
du décès de
M. Paul BUTEL,
agrégé d’Histoire,
docteur ès Lettres,
professeur émerite d’Histoire moderne,
à l’université Bordeaux Montaigne,
chevalier de l’ordre national du Mérite,
Le professeur Léon Le Minor,
son époux,
Claude et Françoise Le Minor,
Nicole et Arnaud Ficholle,
Anne-Marie et Jean-Louis Bresson,
Geneviève et Pascal Guéniot,
Gwennaëlle Le Minor,
ses enfants,
Ses petits-enfants
Et ses arrière-petits-enfants,
Mme Anne Tisseau-Soulier,
son épouse
Et toute la famille,
ont la tristesse de faire part du décès de
La cérémonie religieuse sera célébrée
le mercredi 4 février, à 14 heures,
en l’Église réformée des Batignolles,
44, boulevard des Batignolles, Paris 17e,
suivie de l’inhumation au cimetière
Saint-Vincent, 6, rue Lucien-Gaulard,
Paris 18e.
Simonne LE MINOR,
née ROBERT,
docteur en Pharmacie,
chef de Laboratoire honoraire
à l’Institut Pasteur,
survenu le 28 janvier 2015.
La cérémonie religieuse sera célébrée
le 3 février, à 14 h 30, en l’église
Saint-François, 44, rue Molitor, Paris 16e
et sera suivie de l’inhumation dans
l’intimité familiale.
Pas de fleurs mais des dons au profit
de l’Institut Pasteur de Paris, 25-28, rue
du Docteur Roux, 75015 Paris.
www.pasteur.fr
[email protected]
Dominique, Catherine, Brigitte
et Elizabeth Mathis,
ses enfants,
Sophie, Louise, Laurence, Juliette,
Lolita, Alison, Jean-Jacques et Léon,
ses petits-enfants,
Anouk et Yuri,
ses arrière-petits-enfants,
Jean Georges et Jeannine Michel,
son frère et sa sœur
Les familles Gérard et Plaige,
ont la douleur de faire part du décès de
Mme Jacqueline MATHIS,
née JACQUINET,
survenu à Nice, le 24 janvier 2015,
entourée de l’affection des siens.
La cérémonie religieuse sera célébrée
le mardi 3 février, à 10 heures, en l’église
Saint-Joseph, à Nice (rue Beaumont).
Famille Mathis,
245, promenade des Anglais,
06200 Nice.
Claudine Mulard,
Evelyne et Christine,
Les familles Noblet, Maillet, Mulard,
survenu le 28 janvier 2015,
à l’âge de quatre-vingt-trois ans.
emportée par la maladie d’Alzheimer,
à l’âge de quatre-vingt-neuf ans.
Une cérémonie religieuse sera célèbrée
en l’église de Gradignan, le mardi
3 février, à 14 h 45.
Les obsèques religieuses auront lieu
le mercredi 4 février 2015, à 14 h 30,
en l’église Notre-Dame-d’Auteuil,
Paris 16e, suivies de l’inhumation dans
le caveau familial, au cimetière d’Auteuil,
et d’un jeté de leurs.
Mme Roselyne Butel,
138, route de Léognan,
33170 Gradignan.
[email protected]
Françoise Georges,
sa femme,
Maurice et Clarisse, Etienne et Sylvie,
Catherine et Jean-Laurent,
ses enfants,
Madeleine, Vincent, Edith, Barbara,
Sarah, Marion,
ses petits-enfants,
ont la tristesse de faire part du décès de
Jean-Mary GEORGES,
professeur émérite
de l’Ecole Centrale de Lyon,
fondateur du laboratoire
de Tribologie et Dynamique des Systèmes
UMR CNRS 55 13,
membre honoraire
de l’Institut universitaire de France,
Tribology Gold Medal of ITC,
survenu le 28 janvier 2015,
à l’âge de soixante-quinze ans.
La cérémonie a eu lieu ce samedi
31 janvier, à 10 h 30, en l’église de Charly
(Rhône).
Ni leurs ni couronnes.
Des dons peuvent être adressés
à l’hôpital neurologique Pierre-Wertheimer
de Bron.
« Voir d’un œil, sentir de l’autre. »
Paul Klee.
Norma Basso Herrera,
son épouse,
Ses enfant
Et ses petits-enfants,
ont la douleur d’annoncer le décès de
Hugo HERRERA,
acteur, metteur en scène,
dramaturge et poète,
survenu le 26 janvier 2015, à Cordoba
(Argentine).
46-48, rue Victor Hugo,
93500 Pantin.
ont la tristesse de faire part du décès de
M. Jean-Jacques SOULIER,
survenu le jeudi 29 janvier 2015,
à l’âge de soixante-dix-huit ans.
Nous nous retrouverons à partir
de 17 heures, à la brasserie Les Fontaines.
Et toujours dans la mémoire de son
époux qu’elle a tant aimé et qui l’a tant
aimée,
Jean MULARD,
21 août 1909-15 octobre 2001.
[email protected]
Danièle Piau,
son épouse,
Yannick Piau, Corinne Piau,
ses illes,
Cyril, Florian, Tristan, Romane,
ses petits-enfants,
ont la tristesse de faire part du décès
de leur mari, père, grand-père, ami, aimant
et bienveillant,
Jean-Pierre PIAU,
socio-économiste,
cofondateur des centres commerciaux,
utopiste réaliste,
chevalier de la Légion d’honneur,
survenu le 26 janvier 2015,
à l’âge de quatre-vingt-trois ans.
Ni leurs ni couronnes.
Ain de respecter son engagement dans
l’accompagnement de son épouse malade,
vous pourrez faire un don pour la recherche
sur la maladie d’Alzheimer.
Celles et ceux qui souhaitent saluer
sa mémoire et lui rendre hommage, sont
invités à se retrouver, le mardi 3 février,
à 10 h 30, en la salle de la Coupole
du crématorium du cimetière du PèreLachaise, Paris 20e.
L’inhumation aura lieu le 4 février,
à 16 h 45, à Veulettes-sur-Mer.
[email protected]
14, avenue du Président Wilson,
94340 Joinville-le-Pont.
François RISTORI
sera inhumé le 2 février 2015, à 15 h 30,
au cimetière de la Celle-Saint-Cloud
(Yvelines).
Table-ronde
Transformation, versus, conservation
dans le cadre de l’exposition
« Un bâtiment, combien de vies ?
La transformation
comme acte de création »,
mercredi 4 février 2015,
de 15 heures à 19 heures.
2, rue Victor-Daix,
92200 Neuilly-sur-Seine.
Remerciements
Yannick CURT,
journaliste,
est décédé le 3 décembre 2014.
L’hiver est glacial et pénible sans toi,
mais nos amis, proches, confrères, voisins
sont là.
Qu’ils soient remerciés du fond du cœur
pour leur présence, leurs leurs, leurs mots
et leur soutien dans cette épreuve.
Burcu Ambre Tosunoglu,
son épouse,
Joseph et Angèle Curt,
ses parents
Et leurs familles.
Sophie, Nathalie,
ses illes,
très touchées des témoignages de sympathie
lors du décès de
M. Maxime RALLET,
pilote, lieutenant-colonel
de l’armée de l’Air,
psychosociologue,
ancien maître de conférences
à l’école Polytechnique et à l’ENA,
directeur d’enseignement
à l’Institut Auguste Comte,
président d’Euro-Forhum,
vous prient de trouver ici leurs sincères
remerciements et rappellent à votre
souvenir leur mère,
Jacqueline
15 heures,
Franz Graf, architecte, historien,
professeur associé à l’EPFL (Lausanne),
Dominique Lyon,
architecte urbaniste (Paris),
Richard Scofier, architecte,
critique d’architecture,
enseignant à l’Énsa de Versailles,
Bernard Tschumi,
architecte (New York, Paris).
16 heures,
Joseph Abram,
enseignant à l’Énsa de Nancy,
chercheur au Laboratoire d’histoire
de l’architecture contemporaine,
Jordi Badia,
architecte (Barcelone),
Marc Barani, architecte (Nice),
Patrick Rubin, architecte (Paris),
enseignant à l’École d’architecture
de la ville et des territoires
de Marne-la-Vallée.
17 heures,
Christian Cléret,
directeur général de Poste Immo,
Pierre-Antoine Gatier,
architecte en chef
des monuments historiques,
président d’Icomos France,
enseignant à l’Énsa de Paris-Belleville,
Bernard Mounier,
directeur général délégué
de Bouygues Bâtiment Ile-de-France,
Dominique Perrault, architecte (Paris),
Jean-Michel Rachet,
chef de cabinet du secrétaire général
de la Cour de justice
de l’Union européenne à Luxembourg.
« La question de la représentation
du divin dans les religions »
jeudi 5 février 2015, à 20 h 30,
Le Christianisme,
Isabelle Saint Martin,
jeudi 12 mars, à 20 h 30,
L’Islam,
Silvia Naef,
jeudi 19 mars, à 20 h 30,
Le Bouddhisme,
Amina Taha-Hussein Okada,
jeudi 26 mars, à 20 h 30,
Le Judaïsme,
Dominique Jarrassé.
Espace Landowski,
28, avenue André Morizet,
92100 Boulogne-Billancourt
www.forumuniversitaire.com
Nuits du Savoir
lundi 2 février 2015,
à 20 heures.
Philosophie :
« L’unanimité est-elle
un critère de vérité ? »
Collège des Bernardins,
20, rue de Poissy, Paris 5e.
Programme complet et réservations :
www.weezevent.com/nuitsdusavoir2015
Tél. : 01 42 17 10 70
ou [email protected]
Table-ronde modérée
par Francis Rambert,
commissaire de l’exposition,
directeur
de l’Institut français d’architecture.
Entrée libre,
inscription obligatoire citechaillot.fr
et leur frère,
ont la douleur de faire part du décès
de leur très regrettée,
Paulette MULARD,
Tables-rondes
Franck.
Anniversaires de décès
Cité de l’architecture & du patrimoine,
Auditorium,
7, avenue Albert de Mun, Paris 16e.
Il y a dix ans,
Jean-Claude RAYNAL
nous quittait.
Souvenons-nous de lui.
Le 2 février 1993,
François REICHENBACH
nous quittait.
Tous ceux qui l’ont connu, aimé
et apprécié auront une pensée affectueuse
pour lui en ce jour anniversaire.
Bernard Meusnier
[email protected]
Colloque
« L’art Numérique et la Recherche »
Table-ronde
le vendredi 6 février 2015, à 20 heures.
Maison populaire,
9 bis, rue Dombasle, à Montreuil.
Entrée libre.
Plus d’informations sur maisonpop.fr
Communications diverses
Espace Culturel et Universitaire juif
d’Europe : mercredi 3 février 2015,
à 19 h 30, Rencontre - « Le judaïsme
français en 2015 : Entre inquiétudes et
interrogations ? », avec Roger Cukierman,
président du Crif.
www.centrecomparis.com
119, rue La Fayette, Paris 10e.
Mme Claude Vivier Le Got, présidente
du Groupe EAC, remercie tous les
professionnels intervenus lors des tablesrondes 2015 organisées par les étudiants
des programmes MBA, en médiation
culturelle et marché de l’art.
Si comme eux vous souhaitez travailler
dans l’art, la culture et le luxe, venez nous
rencontrer sur le salon des formations
artistiques, au Parc des expositions, Porte
de Versailles, stand A106, du 31 janvier
au 1er février 2015.
33, rue la Boétie,
75008 Paris.
Tél. : 01 47 70 23 83.
[email protected]
11, place Croix Paquet,
69001 Lyon.
Tél. : 04 78 29 09 89.
[email protected]
www.groupeeac.com
www.ingemmologie.com
Le Comité Français
pour l’Afrique du Sud,
avec le soutien du CNRS Institut écologie et environnement
et la participation
du professeur Yves Coppens,
Leçon inaugurale
de l’École de Chaillot
Conférence publique
« Enjeux et Perspectives »,
« L’Afrique du Sud,
berceau de l’humanité »,
« Pas de création sans mémoire »
prononcée par Philippe Prost, architecte,
le samedi 7 février 2015, à 14 h 30,
le samedi 7 février 2015,
de 10 heures à 13 heures,
Palais du Luxembourg,
salle Monnerville,
15 ter, rue de Vaugirard, Paris 6e.
mardi 3 février 2015,
de 10 heures à 12 h 30.
avec Corinne Lepage,
ancienne ministre de l’Environnement
et députée européenne,
Entrée libre,
inscription citechaillot.fr
« Politiques et société :
le divorce est-il inéluctable ? ».
Cité de l’architecture & du patrimoine,
Auditorium,
7, avenue Albert de Mun, Paris 16e
(métro Iéna ou Trocadéro).
Entrée Libre.
Grand Temple
de la Grande Loge de France,
8, rue Puteaux, Paris 17e.
Programme en ligne www.comitefas.com
Réservation obligatoire avant le 5 février
[email protected]
Conférence
39e Café de la Médiation
mercredi 4 février 2015,
de 18 heures à 19 h 30
IFOMENE
Institut Catholique de Paris,
21, rue d’Assas, Paris 6e,
« Dispute Resolution »,
Lela P. Love, professor of Law,
member of the Bar, NY.
Entrée libre
www.icp.fr/IFOMENE
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24 | 0123
0123
DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015
L’AIR DU MONDE | CHRONIQUE
par sylvie kauffmann
Terreur
sur la high-tech
C’
est un clash de titans
et il se règle au plus
haut niveau, dans le
bureau Ovale, sous
les boiseries dorées de l’Elysée, ou
à la « une » du Financial Times. Depuis un peu plus de dix-huit mois,
les géants américains de l’Internet
sont en conflit ouvert avec les gouvernements des démocraties occidentales. L’affrontement est historique ; il porte sur rien de moins
que le contrôle du Web et la sécurité des citoyens. Les attentats de
janvier à Paris et la forte pression
exercée par les autorités françaises pour une collaboration publicprivé dans la lutte contre le terrorisme viennent de le relancer.
Le conflit a éclaté avec l’affaire
Edward Snowden ; lorsque, en juin
2013, l’ex-employé de la CIA a fui
les Etats-Unis en révélant l’ampleur de la surveillance électronique menée sur l’ensemble de la
planète par l’Agence nationale de
sécurité américaine (NSA) , le choc
a été rude pour la Silicon Valley.
Google, Facebook et les quelques
autres géants du Net – tous américains − ont eu beau protester contre le siphonnage des données privées de leurs usagers à leur insu
par les tentaculaires services de
renseignement américains, le
doute s’est insinué dans l’esprit
des utilisateurs : était-ce vraiment
à leur insu ? Soudain, des millions
de personnes ont pris conscience
de la valeur de leurs données, ces
fameuses « data » collectées de façon indolore dans notre vie numérique quotidienne. Où vont-elles ? Quel usage en est fait ? Pour
combien de temps ? A qui appartiennent-elles ?
Pour se protéger, et pour rassurer leurs clients, ces groupes ont
renforcé la sécurité de leurs systèmes de protection des données
personnelles, par un cryptage accru des données ou en fabriquant
des smartphones impossibles à
pénétrer. C’était la première étape
du conflit.
Coup de massue
La deuxième a été la contre-offensive de l’Europe ; Berlin et Bruxelles en tête. Furieux d’avoir été espionnés par leurs amis américains, les Allemands ont pris pour
cible les géants du Net, érigeant la
protection des données privées en
valeur suprême, et menaçant de
les stocker sur leur propre territoire. Tandis que le projet de directive européenne sur la protection
des données, contre lequel les lobbies américains avaient férocement mené bataille, reprenait des
couleurs, la Cour de justice de
l’Union européenne (CJUE) assénait, en mai 2014, un coup de massue à Google en condamnant l’entreprise à appliquer une forme de
« droit à l’oubli » sur le Web.
Nous sommes aujourd’hui dans
la troisième étape, celle d’une
autre contre-offensive, émanant
cette fois des services de sécurité
des Etats. A Washington, la Maison
Blanche a demandé aux dirigeants
des grands groupes de la Silicon
Valley de rencontrer les responsables des agences de renseignement pour discuter de formes de
coopération acceptables. Jusqu’ici,
l’industrie de la high-tech résiste.
A Londres, c’est le nouveau patron
du GCHQ , l’agence d’espionnage
électronique britannique, Robert
Hannigan, qui a accusé, dans une
LES GÉANTS DU
WEB SE TROUVENT
À PRÉSENT
SOMMÉS DE
S’AUTORÉGULER
L’AFFRONTEMENT
EST HISTORIQUE ;
IL NE PORTE SUR
RIEN DE MOINS
QUE LE CONTRÔLE
DU NET
ET LA SÉCURITÉ
DES CITOYENS
tribune publiée le 4 novembre
2014 par le Financial Times, les entreprises américaines d’être devenues « les réseaux privilégiés » des
terroristes. Eux aussi, affirme le
responsable britannique, bénéficient de la protection accrue des
données , et « trouvent ces services
aussi révolutionnaires que le commun des mortels » : en renforçant
le cryptage, les géants du Web empêchent certes les services de sécurité d’accéder aux données des
honnêtes gens, mais aussi à celles
des criminels et des groupes terroristes. Le message est clair : cessez
d’être « en déni » et laissez-nous
pénétrer vos systèmes par une «
porte de derrière » dérobée, à laquelle les groupes terroristes
n’auraient, eux, pas accès.
Déjà très secoués par l’affaire
Snowden, certains PDG de ces
groupes sont vent debout contre
les requêtes de Londres et
Washington; ils expliquent en
privé que cette « porte de derrière »
serait en réalité une porte ouverte
à une intrusion illimitée des pouvoirs publics, et une menace pour
les libertés individuelles.
Mais les tueries de janvier ont
donné une autre dimension aux
demandes de contrôle de l’Internet. L’utilisation par les groupes
djihadistes des multiples facilités
offertes par la Toile et les réseaux
sociaux pour communiquer, recruter et financer leurs activités est
désormais prouvée. Aujourd’hui,
ce sont le président Hollande et le
gouvernement français qui font
appel à la « responsabilité » des acteurs du Net, prévoient de légiférer
et demandent aux entreprises de «
jouer un rôle de concertation, d’observation et de vigilance », comme
l’a dit le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, le 20 janvier.
Voire de faire eux-même la police,
de manière préemptive, sur les réseaux sociaux.
C’est un tournant, qui place les
entreprises du Net dans une position inédite. Elles qui ont toujours
été allergiques au carcan des règlementations et ont largement prospéré en les contournant se trouvent à présent sommées de s’autoréguler. Paradoxalement, les citoyens se tournent aujourd’hui
pour leur sécurité vers ces mêmes
Etats qui ont allègrement violé
leur vie privée.
La crise de confiance des citoyens envers leurs institutions
n’épargne plus l’industrie de la high-tech: le débat a beaucoup agité,
cette année, les acteurs de la Silicon Valley invités au Forum économique de Davos, du 21 au 24
janvier. Face à eux, Tim BernersLee, inventeur du World Wide
Web (www), a souhaité que l’on
cesse d’osciller entre « plus ou
moins de pouvoirs pour la police » :
la solution, pour lui, serait de
créer un cadre légal dans lequel
les agences de renseignement
autorisées par les entreprises à accéder à certaines de leurs données
devraient rendre des comptes.
Une sorte de contrôle démocratique de l’utilisation des données
personnelles. Ce serait, déjà, un
progrès. p
[email protected]
Tirage du Monde daté samedi 31 janvier : 312 912 exemplaires
AIDES AU
LOGEMENT,
UNE RÉFORME
NÉCESSAIRE
P
our un gouvernement qui a besoin
de dégager, d’ici à 2017, 50 milliards
d’euros d’économies, aucun gisement n’est à ignorer, à condition de bien
mesurer l’intérêt économique, sans sous-estimer le risque social. Ainsi en est-il de la politique du logement, qui a représenté un
coût de 46 milliards d’euros en 2014 (2 % du
PIB), avec une efficacité bien insuffisante, à
l’heure où les mises en chantier sont tombées sous la barre symbolique de 300 000
par an. Un rapport, élaboré par trois corps de
l’Inspection générale des finances, l’Inspection générale des affaires sociales et du
Commissariat général au développement
durable, et rendu public par Les Echos, vendredi 30 janvier, réclame un aggiornamento
de cette politique. En clair, il faudrait tailler
dans les aides au logement, qui représentent
un budget colossal – 18,3 milliards d’euros
en 2014, soit quatre fois plus qu’en 1984 –
pour aider un foyer sur cinq à se loger.
Les économies suggérées s’élèveraient à
environ 4 milliards par an mais nécessiteraient un vrai courage politique. Sylvia Pinel, la ministre du logement, a exprimé ses
réserves vis-à-vis d’un « document de travail qui n’exprime pas la position du gouvernement mais vient contribuer à sa réflexion ». Moins timoré, Christian Eckert, le
secrétaire d’Etat au budget, y voit un gisement à explorer « pas seulement pour faire
des économies » mais « pour être aussi plus
efficients ».
Effets d’aubaine
La première cible du rapport concerne les
aides personnelles au logement (APL) qui,
créées en 1977, avaient pour but de soutenir
les ménages modestes, qu’ils soient propriétaires (seulement 9 % des bénéficiaires)
ou locataires, dans le privé (51 %) comme
dans le logement social (40 %). C’est l’individualisation de ces aides – tenant compte des
ressources et des charges, conservant un
montant minimal à régler par le locataire et
aussi un taux d’effort maximal à ne pas dépasser –, équitable sur le papier, qui a fait dériver leur coût, sous l’effet de la hausse continue des loyers privés comme sociaux.
S’il doit veiller à ne pas fragiliser ceux qui
parmi les locataires sont les plus paupérisés, le gouvernement dispose de marges de
manœuvre. Il peut corriger certains effets
d’aubaine, par exemple dans les communes où les loyers sont faibles. Une piste
ouverte par le rapport préconise de rendre
inéligibles aux aides personnelles les personnes occupant des logements dépassant
un certain niveau de loyer et de superficie
ou encore visant des ménages ayant un certain niveau de patrimoine. Mais la priorité
serait de mettre en cause les modalités de
l’allocation versée à quelque 700 000 étudiants : non seulement elle ne tient pas
compte des ressources de leurs parents
mais ceux-ci peuvent, en outre, continuer
de rattacher leur enfant au foyer fiscal. La
suppression de l’un de ces deux avantages –
qui nourrissent l’inflation des loyers des
chambres d’étudiants – permettrait d’économiser, dès la deuxième année de sa mise
en œuvre, 400 millions d’euros par an.
La simple évocation d’une réflexion sur
les aides personnelles aux étudiants provoque automatiquement la grogne de leurs
syndicats. C’est ce qui a souvent conduit
des gouvernements, de droite comme de
gauche, à reculer, par crainte de voir les jeunes descendre dans la rue. Mais, quand il
s’agit de marier équité fiscale et efficience
économique, il arrive un moment où le
gouvernement doit assumer ses responsabilités. Quitte à prendre des risques. p
Zone euro : la désinflation
s’installe, la déflation menace
La croissance
américaine est
bien là, mais
elle se tasse
▶ Les prix, dans les
▶ La chute des cours du
▶ Selon les économistes,
▶ Des signaux positifs,
dix-neuf pays utilisant la
monnaie unique, ont
baissé de 0,6 % en janvier,
après avoir reculé de 0,2 %
en décembre 2014
pétrole explique cette
baisse des prix. Mais,
hors énergie, la faible
progression des prix
suscite des inquiétudes
la zone euro est
aujourd’hui en situation
de désinflation, pas encore
en déflation. Mais cette
menace existe
mais fragiles (inflexion
du chômage, pouvoir
d’achat), montrent que
le pire n’est pas certain
→ LIR E
PAGE 3
A « Chinawood », la Chine fait son cinéma
▶ Dans les studios
Hengdian, au sud
de Shanghaï,
178 films ont été
tournés en 2014
▶ Hollywood
montre patte
blanche pour
pénétrer les salles
obscures chinoises
→ LIR E
PAGE 2
L’
économie américaine a
enregistré une croissance
de 2,4 % en 2014. Après un
deuxième et un troisième trimestre très dynamiques, l’activité a
toutefois progressé moins vite
sur les trois derniers mois de l’année. Ce tassement tient pour une
part à la hausse du dollar et au ralentissement de l’économie mondiale. Pour autant, même si le
taux de croissance annuel est plus
faible qu’avant la crise, Beth Ann
Bovino, économiste en chef chez
Standard & Poor’s, estime, dans
un entretien au Monde, que l’économie américaine est sur des
rails solides. « Le rebond est véritablement en cours », assure-t-elle.
La bonne nouvelle en fin d’année est venue de la consommation des ménages américains,
qui, portée par la baisse du prix
du pétrole, n’avait plus été aussi
forte depuis neuf ans. « C’est durable, en particulier si les prix du
pétrole restent bas », pronostique
Beth Ann Bovino.
Cet environnement devrait conduire la Réserve fédérale américaine (Banque centrale, Fed) à remonter ses taux – donc renchérir
le crédit – en juin, considère l’économiste. « La situation de l’emploi
s’est améliorée en 2014, et cela va
continuer en 2015 », estime-t-elle,
admettant néanmoins que l’inflation reste basse. Une situation
transitoire, assure-t-elle. p
→ LIR E PAGE 4
2,4 %
Tournage aux studios
Hengdian, dans la province
du Zhejiang. NIR ELIAS/REUTERS
SOCIAL
QUAND LE TRANSPORT
ROUTIER FRANÇAIS
CONTRIBUE AU DUMPING
SOCIAL QU’IL DÉNONCE
→ LIR E
PAGE 5
UNION EUROPÉENNE
LE COCHON FRANÇAIS
A VOULU CONTOURNER
L’EMBARGO DE LA RUSSIE
→ LIR E
PAGE 3
J OR | 1 278 $ L’ONCE
j PÉTROLE | 51,78 $ LE BARIL
J EURO-DOLLAR | 1,1285
J TAUX AMÉRICAIN À 10 ANS | 1,64 %
J TAUX FRANÇAIS À 10 ANS | 0,54 %
VALEURS AU 31/01 - 7 HEURES
C'EST LA CROISSANCE
DU PIB AMÉRICAIN EN 2014
PERTES & PROFITS | BÉNÉTEAU
Un documentaire choc
sur l'avenir de nos démocraties
Toutes voiles dehors
L
es marins sont réputés teigneux et
persévérants. Pas besoin de remonter
à Gilliatt, qui, dans Les Travailleurs de
la mer, déployait une énergie d’autant
plus impressionnante et hugolienne qu’elle
était désespérée. Le cas d’une entreprise porte
moins à l’exubérance littéraire, mais quand,
après avoir sorti la tête de l’eau, elle parvient à
faire revenir le vent dans ses voiles, on peut saluer l’exploit de ceux qui n’ont jamais voulu
baisser les bras.
Le groupe Bénéteau va bien, merci pour lui.
Mais ce n’était pas gagné. La tempête de 2008
et l’effondrement du marché de la plaisance
ont fait bien du mal au fabricant vendéen de
voiliers et de bateaux à moteur. Après être parvenu à remettre ses comptes tout juste à flot
pour son exercice clos le 31 août 2013, puis avoir
renoué avec la croissance de son chiffre d’affaires pour l’exercice suivant, voilà que le navire
repart toutes voiles dehors.
Lors de sa présentation annuelle aux analystes financiers, jeudi 29 janvier, Bruno Cathelinais, président du directoire, a hissé ses plus belles couleurs. Il a annoncé que les ventes de Bénéteau devraient frôler le milliard d’euros, à
979 millions d’euros, dans ses comptes au
31 août 2015. Un bond de 27 %, notamment grâce
à l’acquisition de l’américain Rec Boat Holdings
en juillet 2014. A périmètre et taux de changes
constants, le rythme de croisière sera tout de
même cette année de 10 %. Excusez du peu.
De quoi faire valser les chiffres du tableau de
bord du capitaine. S’il tient son cap, M. Catheli-
nais prévient que le résultat opérationnel courant du groupe devrait atteindre 37 millions
d’euros, contre 11,7 millions au 31 août 2014 et
1,3 million un an auparavant. Le bénéfice net
passerait, lui, à 20 millions d’euros, après
9,7 millions et 0,7 million.
Réactivité
Pour mieux repartir, le groupe a adapté sa voilure à la météo. En misant sur les Etats-Unis
dès 2010, d’abord sur le marché des voiliers
puis sur celui des bateaux à moteur, il profite
aujourd’hui des forts vents d’ouest. C’est le
marché américain qui connaît le plus fort rebond.
Et, grâce au rachat de Rec Boat Holdings, qui
construit et commercialise plusieurs marques
de bateaux à moteur, Bénéteau dispose désormais d’une base de fabrication outre-Atlantique. De quoi pouvoir répondre avec davantage
de réactivité à un marché qui renoue avec une
croissance à deux chiffres. L’Europe et la
France – son port d’attache étant Saint-GillesCroix-de-Vie (Vendée) – sortent de la grisaille,
mais devraient se contenter cette année d’un
petit vent.
En gagnant en surface dans ses gammes de
produits et en élargissant les plans d’eau sur
lesquels il navigue, Bénéteau capte pleinement les vents de la reprise. Surtout, le numéro un mondial des voiliers de plaisance se
met en situation de mieux tenir face à un prochain coup de tabac. p
jean-baptiste jacquin
Cahier du « Monde » No 21786 daté Dimanche 1er - Lundi 2 février 2015 - Ne peut être vendu séparément
L'évasion fiscale
n'est pas forcément illégale
mais toujours immorale
AU CINÉMA
LE 4 FÉVRIER
LE PRIX À PAYER
Un documentaire de
HAROLD CROOKS
www.arpselection.com
www.lecinemaquejaime.com
2 | plein cadre
0123
DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015
Les studios
Hengdian
ne facturent pas
la location
des lieux mais
uniquement
des services
annexes, tels
que l’utilisation
de costumes,
l’électricité
ou les services
d’accessoiristes.
ZHANG PEIJIAN/
IMAGINECHINA/AFP
Silence, on tourne à Chinawood !
dongyang, envoyé spécial
U
ne vieille auto noire avance
dans une rue évoquant le
sud de la Chine de la première moitié du XXe siècle
avec, collées aux murs des
maisons traditionnelles,
d’anciennes affiches de publicité pour des cigarettes chinoises. Les figurants s’agitent. Un
couple marche jusqu’au niveau de la vieille
traction, la caméra suit leur discussion. Moteur. Action. Il faut faire silence et ne pas entrer dans le champ, chuchote un agent de sécurité. Un grutier s’impatiente, sa présence
est requise pour mettre en place un autre plateau de tournage, mais son engin ne pourra
pas circuler tant que l’équipe n’en aura pas
terminé avec cette scène. A deux pas, c’est un
autre film que l’on tourne, des figurants attendent le signal pour faire une descente sur
une place de Canton, habillés en miliciens du
Kuomintang, faux fusils à l’épaule, prêts à en
découdre avec les troupes communistes.
Jian Wanhua, lui, a passé le plus clair de sa
journée à fumer des cigarettes, à attendre
dans le froid hivernal. Voilà deux mois qu’il
tente sa chance en tant que figurant aux studios Hengdian (situés dans la ville de Dongyang, dans la province du Zhejiang, au sud
de Shanghaï), souvent surnommés « Chinawood ». Il gagnait bien mieux sa vie
comme vendeur d’électroménager à Shanghaï, où il empochait jusqu’à 850 euros par
mois. Ici, il ne gagne que l’équivalent de
170 euros, pour des journées de huit heures
en extérieur, à jouer le passant, parfois même
le mendiant. Et il dépense 40 euros pour louer
une chambre sans chauffage ni cuisine et avec
toilettes communes. On l’appelle le matin si
l’on pense avoir besoin de lui. Il a déjà été sollicité sur une dizaine de tournages.
S’il mesurait plus de 1 mètre 75, Jian Wanhua, 31 ans, pourrait espérer 10 euros la journée, car c’est un physique que l’on remarque,
mais avec ses airs de rural du Guizhou, sa province d’origine, il ne touche que 6 euros. Rien
de cela ne l’affecte. S’il n’était pas content, il reprendrait le bus pour Shanghaï, y reprendrait
un emploi plus ordinaire. Il a un rêve, c’est de
réussir à l’écran. « Si l’on n’ambitionne pas de
devenir une star de cinéma, on ne vient pas à
Hengdian », confie le jeune homme. Des célébrités, il en a vu passer quelques-unes depuis
son arrivée au début de l’hiver.
Dans les plus grands studios de Chine, on ne
chôme pas. Rien qu’en 2014, 178 équipes de
tournage se sont relayées sur les plateaux de
Hengdian. C’est que les revenus du box-office
chinois ont progressé d’encore 36 % en 2014,
La ville de Dongyang, dans l’est de la Chine, accueille
l’immense studio de cinéma Hengdian. « Hero »
et « Tigre et Dragon », notamment, y ont été réalisés
pour atteindre 29,9 milliards de yuans, soit
4,2 milliards d’euros. La République populaire
est déjà dotée de 23 000 salles obscures mais
elle demeure peu équipée en comparaison
des 40 000 salles que comptent les Etats-Unis
pour une population quatre fois inférieure.
L’industrie locale est en pleine expansion.
Le géant de l’immobilier Wanda, qui s’est offert les salles nord-américaines AMC en 2012,
a présenté l’année suivante un projet de Hollywood chinois concurrent, dans la ville côtière de Qingdao (nord-est), déboursant une
fortune pour faire venir Leonardo Di Caprio,
Nicole Kidman et autres VIP à la cérémonie
de lancement du chantier.
NOUVELLE CONCURRENCE
Le patron de ce groupe, en quête de diversification à l’heure du ralentissement du marché immobilier chinois, a également déboursé 20 millions de dollars (17,6 millions
d’euros) pour que le nom de Wanda soit associé au nouveau musée de l’Académie américaine des Oscars. Signe de l’intérêt suscité,
l’introduction à la Bourse de Shenzhen, jeudi
22 janvier, de la filiale cinéma de Wanda a
permis de lever 182 millions d’euros. La première journée de cotation a été marquée par
un bond de 44 % de la valeur du titre.
Les gérants des studios Hengdian ne craignent pas cette concurrence, ils espèrent
DANS LES STUDIOS
HENGDIAN, ON NE
CHÔME PAS. RIEN
QU’EN 2014,
178 ÉQUIPES DE
TOURNAGE SE SONT
RELAYÉES SUR
LES PLATEAUX
qu’il y aura assez de place pour chacun, car le
nombre de films tournés est en pleine croissance. Wanda semble à leurs yeux miser davantage sur les studios en intérieur, tandis
que Hengdian est connu pour ses répliques
en extérieur. Les équipes sont suffisamment
satisfaites pour revenir, et Zeng Yulin, le porte-parole des studios, veut y voir un signe du
professionnalisme des équipes locales.
« Nous avons notre soft power », dit-il.
Le coût est un autre argument non négligeable. Les studios Hengdian ne facturent pas aux
producteurs la location des lieux mais uniquement des services annexes, tels que l’utilisation de costumes, l’électricité ou les services
d’accessoiristes, et engrangent de fortes recettes en parallèle sur les entrées de touristes, qui
représentent 80 % du chiffre d’affaires.
Des shows sont organisés en parallèle des
tournages pour en montrer encore davantage
aux visiteurs. L’un met en scène des policiers
de Hongkong poursuivant des trafiquants de
drogue. « C’est le modèle économique le plus efficace », fait valoir Zeng Yulin. Leur venue est
facilitée par le train à grande vitesse. Une station a ouvert à une heure de route de là et un
aéroport est actuellement en construction.
L’histoire de Hengdian est celle de ces hommes d’affaires chinois convaincus que rien
n’est impossible et qui finissent milliardaires.
En 1996, le réalisateur Xie Jin souhaitait tour-
ner un film sur la guerre de l’opium, à l’issue
de laquelle la Chine perdit Hongkong. Œuvre
soutenue en haut lieu, jusque par le président
Jiang Zemin, car elle sortirait à temps pour la
rétrocession, l’année suivante, de la colonie
britannique à la République populaire. Problème : les producteurs ne trouvèrent aucun
studio où les décors seraient prêts à temps.
C’est alors qu’intervient l’ambitieux homme
d’affaires Xu Wenrong, qui avait réussi à l’époque à se développer dans quantité de secteurs,
de l’électronique aux terres rares en passant
par la pharmaceutique. S’appuyant sur l’industrieuse main-d’œuvre de la province du
Zhejiang, il a lancé, dès le Nouvel An chinois
1996, la construction d’une reproduction d’un
quartier du Canton de 1840. Le tournage du
film sur la guerre de l’opium a ainsi pu débuter
le 8 août, et être terminé le 8 décembre de cette
même année. Les demandes de productions
suivantes ont convaincu Xu Wenrong de bâtir
aussi une gigantesque réplique de la Cité interdite de Pékin, des copies d’anciens palais impériaux et des modèles à taille réelle de villages inspirés des quatre coins de la Chine. C’est
ici que nombre de succès chinois ont vu le
jour. Zhang Yimou y tourna Hero avec Jet Li, de
même que Ang Lee y réalisa Tigre et Dragon.
Hengdian est parfois victime de son succès.
On y tourne des séries télé et il accueille des
productions venues d’ailleurs en Asie. Même
le vrai Hollywood fait appel aux studios, à mesure que grimpe son intérêt pour le marché
chinois. « Il nous arrive de devoir ordonner à
des équipes d’accélérer si elles prennent du retard sur un tournage car d’autres attendent derrière », dit Zeng Yulin, avant de désigner du
doigt un autre plateau de tournage en pleine
effervescence : « Allons à Hongkong ! » p
harold thibault
Les productions américaines ne sont pas les bienvenues
c’est le combat d’Hollywood : entrer
sur le marché chinois. Il faut pour cela
convaincre Pékin d’augmenter le nombre de films étrangers autorisés à la diffusion dans les salles obscures de l’empire du Milieu, une restriction qui vise
à protéger l’industrie cinématographique locale et à limiter l’influence culturelle du grand rival américain.
En 2012, Washington a obtenu de la
Chine qu’elle laisse entrer trente-quatre productions étrangères par an, contre vingt auparavant. L’accord court
sur cinq ans, ce qui signifie que la République populaire pourrait s’ouvrir
davantage autour de 2017. Les observa-
teurs américains arguent que cette
progression est limitée au regard des
quatorze salles qui ouvrent chaque
jour en Chine. « Il y a des semaines pendant lesquelles aucun film attractif ne
sort », dit Jon T. Green, ex-directeur général de Warner Bros en Chine.
Quotas
Mais Pékin constate que sur trois des
plus grands succès historiques du boxoffice chinois, deux sont américains,
Transformers 4 : Age of Extinction et
Avatar. Un seul est de facture locale, la
comédie Lost in Thailand. Paradoxalement, ces quotas favorisent les bloc-
kbusters les plus rémunérateurs. « Les
studios promeuvent ce qui va rapporter
le plus car ils optimisent leurs chances »,
constate M. Green.
En décembre 2014, les autorités chinoises n’ont pas laissé sortir de films
étrangers, car la balance penchait trop
du côté des productions étrangères sur
les mois précédents. Finalement 55 %
du box-office sera chinois sur l’année
écoulée. « Il y a un fort lobbying de l’industrie locale pour protéger ses films »,
constate Ying Zhu, professeur de cinéma chinois à la City University de
New York. Pour la Chine, l’impatience
des producteurs américains est une
occasion d’influer sur le contenu des
œuvres. La Peikang, le nouveau patron
de la compagnie de distribution étatique, China Film Group, a explicité cette
stratégie : « Choisir et créer l’histoire ensemble. » Il entend exploiter ce levier
pour promouvoir la culture chinoise à
l’étranger.
L’avènement d’un nouveau genre de
« superhéros » se profile donc. Déjà, le
producteur Bruno Wu travaille avec
Avi Arad, de Marvel Comics, sur Rise of
the Terracotta, dans lequel la fameuse
armée de terre cuite enterrée de Xi’an
passera à l’action. p
h. t.
économie & entreprise | 3
0123
DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015
Les prix continuent de baisser en zone euro
La désinflation atteint 0,6 % en janvier. Cette baisse tient essentiellement au recul du cours du pétrole
L
es prix ont diminué de
0,6 % en janvier dans la
zone euro, après une
baisse de 0,2 % en décembre, a annoncé, vendredi 30 janvier, l’office européen de statistiques Eurostat dans une première
estimation. La nouvelle a été mal
accueillie à la Bourse de Londres,
qui évoluait en baisse dans la matinée, préoccupée par la fragilité
économique des 19 pays de
l’Union européenne ayant l’euro
pour monnaie.
Dans cette région où, comme
l’observe Isabelle Job-Bazille, directrice des études économiques
du Crédit agricole, « les pressions
déflationnistes existent depuis la
crise financière de 2008 », il est assez
logique
qu’une
deuxième baisse consécutive des
prix ait relancé les spéculations
sur les risques de déflation.
Logique, oui. Mais pas toujours
fondé. Car l’inflation négative
de janvier est principalement
due à la chute des prix du pétrole
(– 8,9 %, après – 6,3 % en décembre). Hors énergie, les prix ne
baissent pas ou baissent très peu.
Or, la réduction de la facture pétrolière est une bonne nouvelle
pour les pays de la zone euro, majoritairement importateurs d’or
noir. Elle va soutenir la demande
en Europe, observe Benoît Heitz
de la Société générale, et pourrait
permettre à la consommation de
redémarrer.
« L’inflation négative de janvier
n’a rien d’un mécanisme déflationniste au sens où la déflation est
une chute de la demande provoquée par une chute des prix qui
s’installe et aggravée par une montée des taux d’intérêt réels », confirme Patrick Artus, économiste
en chef de Natixis.
Dans les statistiques d’Eurostat,
Le
ralentissement
des prix
démontre
la très grande
faiblesse
de l’économie en
union monétaire
c’est moins le recul général des
prix que l’évolution de l’inflation
sous-jacente, c’est-à-dire hors
énergie, alimentation, boissons
alcoolisées et tabac, qui est inquiétante.
Car cette inflation sous-jacente,
même si elle demeure en territoire positif, n’a cessé de ralentir
depuis le mois d’août 2014 :
en janvier, elle a encore baissé de
0,1 point, à + 0,6 %.
Un ralentissement continu depuis août 2014
TAUX DE VARIATION ANNUEL MOYEN DE L’INFLATION, EN 2014, DANS LA ZONE EURO, EN %
TAUX D’INFLATION ANNUEL
DANS LA ZONE EURO,
EN % (GLISSEMENT MENSUEL)
0,4
De – 1,4 à – 1
De – 1 à 0
De 0 à 0,5
Baisse surprise des taux en Russie
La banque centrale de Russie a annoncé, vendredi 30 janvier, une
baisse surprise son taux directeur, de 17 % à 15 %. Elle est revenue partiellement sur la hausse décidée mi-décembre 2014 pour
contrer la chute du rouble. Certaines voix dans les milieux économiques réclamaient une baisse rapide du taux, dont le niveau
rendait l’endettement intenable pour les ménages et les entreprises. La banque de Russie a dit vouloir « prévenir une chute importante de l’activité dans un contexte de facteurs extérieurs négatifs », faisant référence aux sanctions occidentales liées à la crise
ukrainienne ainsi qu’à la baisse du prix du pétrole. Elle prévoit un
recul de 3,2 % du produit intérieur brut au premier semestre,
après une croissance évaluée à + 0,6 % en 2014. « Une baisse de
deux points permettra de relancer le crédit pour le secteur réel »,
a assuré l’institution monétaire.
Plus de 1 à 1,5
0,4
0,3
0,3
Déc. Janv.
2014 2015
Août
2014
Sept.
2014
Oct.
2014
Nov.
2014
FINLANDE
− 0,2
SUÈDE
ROYAUMEUNI
LETTONIE
LITUANIE
PAYS-BAS
TAUX DE CROISSANCE TRIMESTRIEL DU PIB
DANS LA ZONE EURO, EN %
BELG. ALLEMAGNE
0,3
ESTONIE
DANEMARK
IRLANDE
− 0,6
LUX.
« Une mauvaise surprise »
« C’est une mauvaise surprise »,
analyse l’économiste de Natixis.
Le ralentissement ne peut venir
que d’une baisse des marges des
entreprises qui ne peuvent pas
augmenter leurs prix pour faire
face à la hausse de leurs coûts salariaux. Ce n’est bon ni pour l’investissement ni pour l’emploi. »
Dans un tel environnement, il
ne faut guère compter sur une reprise des investissements qui
viendrait prendre le relais du contre-choc pétrolier et en prolonger
les effets positifs sur l’activité.
Le ralentissement des prix hors
énergie et alimentation est une
des manifestations de la très
grande faiblesse de l’économie en
zone euro. Elle légitime aprèscoup l’intervention de la Banque
centrale européenne (BCE) qui,
De 0,5 à 1
POLOGNE
RÉP. TCHÈQUE
FRANCE
SLOVAQUIE
AUTRICHE
0,2
0,2
HONGRIE
SLOVÉNIE
ROUMANIE
PORTUGAL
CROATIE
ESPAGNE
ITALIE
BULGARIE
0,1
GRÈCE
T4 2013
T1 2014
T2 2014
T3 2014
MALTE
SOURCE : EUROSTAT
sous la présidence de Mario Draghi, s’est convertie au « quantitative easing » (QE, assouplissement quantitatif) et a annoncé,
jeudi 22 janvier, qu’elle allait injecter au moins 1 100 milliards
d’euros dans l’économie de
l’Union monétaire pour faire remonter les prix et booster la croissance.
La BCE surveille de très près
l’évolution des anticipations de
prix. Or, les dernières enquêtes de
la Commission européenne montrent que celles-ci fléchissent dans
l’industrie et dans les services, tandis que les enquêtes mensuelles
de conjoncture restent médiocres.
« La zone euro n’est pas en déflation, elle est exactement dans la situation de “low-flation”, de prix et
de croissances faibles, évoquée par
Christine Lagarde, la directrice générale du Fonds monétaire inter-
national, en octobre 2014 », analyse Denis Ferrand, directeur général de COE-Rexecode.
Dans une telle situation, le
moindre choc macroéconomique pesant sur l’activité, par
exemple une remontée trop rapide des taux d’intérêt américains, suffirait à faire tomber la
zone euro de Charybde en Scylla,
de la désinflation – ou ralentissement des prix – à la déflation,
cette baisse auto-entretenue des
prix et des salaires qui fait chuter
la demande.
Anticipations ravageuses
« La crise financière de 2008 était
de nature déflationniste, rappelle
Isabelle Job-Bazille, directrice des
études économiques du Crédit
agricole. Elle s’est accompagnée
d’une baisse du prix des actifs, de la
nécessité du désendettement, de la
La Banque
centrale
européenne
surveille
de très près
l’évolution
des anticipations
de prix
contraction du crédit. Tout cela
s’auto-alimentait. Les politiques
d’austérité, profondément déflationnistes, ont ensuite comprimé
la demande intérieure dans une
zone euro très intégrée. »
Pour cette économiste, le dernier maillon de la chaîne déflationniste relève de la psychologie
des agents économiques et de
CHYPRE
leurs éventuelles anticipations de
la baisse des prix, des anticipations auto-réalisatrices et qui seraient potentiellement ravageuses pour la croissance.
La déflation menace donc, mais
ce n’est pas nécessairement le scénario le plus probable. La courbe
du chômage vient de s’inverser en
zone euro. Les salaires paraissent
stabilisés. Le pouvoir d’achat des
ménages et les résultats des entreprises se redressent. D’après les
dernières enquêtes de la BCE, les
banques européennes font état
d’un redémarrage du crédit dans
les entreprises.
Autant d’éléments positifs,
même s’ils sont encore fragiles,
qui s’ajoutent à l’impact favorable
de la dépréciation de l’euro (–
10 %) sur l’activité et sur les prix.
Le pire n’est donc pas certain. p
claire guélaud
Le cochon sème la discorde entre les pays européens
La Pologne et la Commission européenne reprochent à certains Etats, dont la France, d’avoir tenté de lever l’embargo russe sur le porc
L’
affaire est symptomatique des tensions que la
détérioration des relations avec la Russie peut engendrer entre Européens. Le gouvernement polonais et la Commission européenne se sont récemment émus des contacts
bilatéraux qui ont eu lieu à Berlin,
mi-janvier, en marge d’une foire
consacrée au domaine agricole (la
« Green Week Berlin »), entre Moscou et six pays européens : la
France, l’Italie, le Danemark, les
Pays-Bas, l’Allemagne et la Hongrie. Ils reprochent à ces pays
d’avoir rompu la solidarité européenne pour tenter de lever l’embargo décrété par les Russes sur la
viande de porc, afin de soulager
leurs filières nationales.
Le ministre français de l’agriculture, Stéphane Le Foll a rencontré
son homologue polonais Marek
Sawicki, vendredi 30 janvier à Paris, pour s’expliquer sur la démarche française et tenter de dédramatiser la situation. Le ministère
français avait publié, le 19 janvier
L’embargo
résulte
de la détection
de foyers
de peste africaine
en Europe
à l’issue de la rencontre berlinoise, un communiqué triomphant saluant « l’accord de principe obtenu sur la reprise des exportations françaises de porcs vivants, d’abats et de graisse de porc
vers la Russie ».
Bruxelles pris de vitesse
L’embargo russe a été décrété en
février 2014, avant le début des affrontements militaires dans l’est
de l’Ukraine. Il porte sur la viande
de porc (vivants, morts, abats,
graisse de porc), suite à la détection de foyers de peste africaine
en Europe. Il vaut pour toute
l’Union, alors que des foyers de la
peste africaine porcine n’ont été
détectés qu’en Lituanie, en Lettonie et en Pologne. Il ne s’agit pas
d’un embargo politique, contrairement à celui qui, en août 2014, a
frappé fruits, légumes et produits
laitiers occidentaux ou à celui qui,
en octobre 2014, a porté sur les
abats et la graisse de bœuf.
Le ministère français de l’agriculture, qui n’a pas hésité à dire que
« la reprise des exportations pourra
être effective dans les prochaines
semaines », voulait donner un signal fort à la filière. Une opération
de communication avant le rendez-vous du Salon de l’agriculture
à Paris, en février. En France,
comme dans d’autres pays européens, l’embargo met sous pression des filières déjà fragilisées. La
fermeture de l’abattoir finistérien
de Gad et, plus récemment, le dépôt de bilan de l’abattoir normand
d’AIM ont mis en lumière ces difficultés. Or, le marché russe est estimé, par Paris, à 100 millions
d’euros pour les porcs français.
Mais en Russie, pays très dépen-
dant de l’Europe, les prix de certaines denrées alimentaires ont
flambé. Ces derniers jours,
Bruxelles avait entamé le dialogue avec Moscou pour voir si
l’embargo de février 2014 pouvait
être reconsidéré. La Commission
se serait laissée prendre de vitesse
par quelques capitales.
Les Polonais, qui craignent
d’être pénalisés après la déclaration d’un foyer de peste porcine
sur leur sol, accusent ces dernières d’avoir voulu « jouer perso »,
sans laisser Bruxelles négocier au
nom de tous. « Nous avons réussi,
au prix de nombreux sacrifices, à
décider à vingt-huit des sanctions
contre la Russie. C’est dommage
qu’aujourd’hui certains tombent
dans le piège des Russes qui exploitent nos faiblesses pour nous diviser », affirme une source polonaise à Bruxelles.
Le commissaire européen
chargé de l’alimentation et de la
protection des consommateurs,
Vytenis Andriukaitis, a tenu aussi
des propos sans ambiguïté, lundi
26 janvier, lors d’un sommet à
840 MILLIONS
C’est, en euros le montant des exportations de produits agricoles
polonais vers la Russie affecté par l’ensemble des embargos. La Pologne est le deuxième pays de l’Union européenne le plus touché
derrière la Lituanie (922 millions) et l’Allemagne (594 millions). La
France est au neuvième rang avec une perte de 233 millions d’euros.
Ces chiffres sont théoriques, car ils ne tiennent pas compte d’éventuelles nouvelles exportations ou des possibilités de stockage.
Bruxelles des ministres européens de l’agriculture : « Les modalités techniques qui ont été discutées [entre Bruxelles et Moscou] s’appliqueront pour tous les
Etats membres, de manière égale,
et aucune question spécifique n’a
été discutée pour aucun Etat membre en particulier. Les accords bilatéraux ont été explicitement exclus. » Et d’ajouter : « Je suis conscient des efforts constants, côté
russe, pour créer des divisions entre Etats. (…) La Commission insiste
fermement (…) sur la nécessité de
parler d’une seule voix. »
« Les discussions avaient lieu à un
niveau technique, et la Commission
était parfaitement au courant. De
toute façon, il faudra son feu vert
pour que l’embargo soit levé », se
défend une source française. « Les
Russes ont pu cibler les Polonais
parce qu’ils sont sur une ligne dure
à leur égard », suggèrent plusieurs
sources européennes. p
cécile ducourtieux
(bruxelles, bureau européen)
et laurence girard
4 | économie & entreprise
0123
DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015
Aux Etats-Unis, « le rebond est vraiment en cours »
La croissance est toutefois plus lente qu’avant la crise, note Beth Ann Bovino, économiste à Standard & Poor’s
ENTRETIEN
new york - correspondant
A
près deux trimestres
très dynamiques, la
croissance américaine
a déçu sur les
trois derniers mois de 2014. Le
produit intérieur brut (PIB) a progressé à un rythme annualisé de
2,6 % (soit une croissance réelle
de 0,65 %) entre octobre et décembre, selon les statistiques publiées, vendredi 30 janvier. Malgré ce ralentissement, Beth Ann
Bovino, économiste en chef chez
Standard & Poor’s, estime que
l’économie américaine reste sur
des rails solides.
La croissance avait été spectaculaire au deuxième (+ 4,6 %)
et au troisième trimestre
(+ 5 %). Comment expliquezvous le ralentissement en fin
d’année ?
Après deux trimestres aussi solides, il fallait s’attendre à un repli.
L’explication vient en partie du
déficit commercial, qui est vraisemblablement dû à la hausse du
dollar et au ralentissement de
l’économie mondiale. Mais ce
chiffre n’est qu’une première estimation, qui pourrait être révisée.
Les stocks des entreprises ont également été plus importants que
ce que les marchés anticipaient.
VARIATION TRIMESTRIELLE
DU PIB AMÉRICAIN EN 2014, EN %
5
4,6
2,6
T1
T2
T3
T4
− 2,1
SOURCE : BEA
« La croissance
des dépenses
des ménages
n’a jamais
été aussi rapide
depuis neuf ans »
On pourrait donc assister à une
réduction des achats au cours du
premier trimestre de 2015, ce qui
pourrait peser à son tour sur le
taux de croissance.
L’économie américaine a progressé de 2,4 % sur l’année
2014. Cela reste modeste comparé aux taux des années 1990
(3,4 % en moyenne). Faut-il s’en
inquiéter ?
D’une façon générale, la plupart
des indicateurs restent solides.
Les tendances qui sont à l’œuvre
montrent que le rebond de l’économie américaine après la grande
récession est véritablement en
cours. Il est vrai que le taux de
croissance est plus lent qu’avant
la crise. Mais il faut garder à l’esprit que 2014 a été plombé par un
hiver particulièrement rigoureux
au premier trimestre, au cours
duquel la croissance a chuté de
2,1 %. En 2015, l’économie américaine devrait finalement dépasser la barre des 3 %, pour atteindre
3,3 % sur l’ensemble de l’année.
fie que les gens disposent de
1 200 dollars (1 063 euros) de pouvoir d’achat supplémentaire.
La bonne nouvelle en fin d’année est venue de la bonne tenue de la consommation. Pensez-vous que c’est durable ?
La croissance des dépenses des
ménages n’a jamais été aussi rapide depuis neuf ans. Nous pensons que c’est durable, en particulier si les prix du pétrole restent
bas. Les gens sont susceptibles de
profiter de la baisse du prix de l’essence pour dépenser leur argent
dans les magasins. Un ménage
américain
consomme
en
moyenne 1 200 gallons (4 500 litres) d’essence par an. Si la baisse
d’un dollar du prix du gallon se
maintient sur l’année, cela signi-
Le chômage a beaucoup reculé
en 2014, pour s’établir à 5,6 %,
mais les salaires augmentent
peu. Comment expliquez-vous
ce paradoxe qui, s’il se prolongeait, pourrait peser sur la
consommation ?
La situation de l’emploi s’est
améliorée en 2014 et cela va continuer en 2015. Nous estimons que
le rythme des créations d’emplois
va tourner autour de 200 000 par
mois. C’est vrai que, dans le même
temps, les salaires ont fait du surplace. Ce que nous observons au
cours de cette phase de reprise,
c’est que les employeurs sont encore en position de force pour re-
La bonne tenue de la consommation américaine devrait être durable si les prix du pétrole restent bas. S. PLATT/GETTY IMAGES/AFP
cruter la main-d’œuvre dont ils
ont besoin. Mais nous voyons des
signes d’amélioration et nous espérons que les salaires vont commencer à augmenter dès cette année. Par exemple, le chômage de
courte durée, qui est un meilleur
indicateur que le taux global de
sans-emploi, n’a jamais été aussi
bas depuis sept ans.
De plus en plus d’observateurs
doutent que la Réserve fédérale
(Fed) relève ses taux en juin
comme on l’avait anticipé dans
un premier temps. Quel est votre scénario ?
Nous tablons toujours sur un relèvement des taux en juin. Notre
analyse se base sur la vigueur du
marché du travail, de la consommation et l’amélioration poten-
Croissance en panne et déficit pour le Brésil
L’Etat brésilien affiche un déficit budgétaire primaire (hors charge de la dette),
une situation inédite depuis 2002. La première économie latino-américaine est à l’arrêt
L
a magie brésilienne n’opère
plus. La septième économie mondiale a terminé
l’année 2014 sur un déficit budgétaire primaire (hors charge de la
dette) de 0,63 % du produit intérieur brut (PIB). Une première depuis 2002, a précisé la banque
centrale du pays, vendredi 30 janvier, dans un communiqué.
Cette détérioration des finances
publiques est la conséquence directe du ralentissement économique intervenu à partir de 2011 et
dont le Brésil peine à sortir. Elle
devrait conforter la présidente
Dilma Rousseff, réélue le 26 octobre 2014, dans sa volonté de redresser les comptes publics avant
de relancer la croissance.
La même stratégie avait été suivie en son temps par son prédécesseur, Lula, issu aussi de la gauche.
Une équipe d’économistes orthodoxes, à l’image du ministre des finances Joaquim Levy, a été constituée. A peine nommé, M. Levy s’est
engagé à porter le solde budgétaire primaire annuel à 1,2 %
en 2015 et à plus de 2 % en 2016. Il
entendait rassurer les investisseurs sur sa politique macroéconomique et éviter une dégradation de la note souveraine du Brésil. Pour freiner les dépenses publiques, le ministre a réduit certains
des avantages des fonctionnaires
retraités et de leurs ayants droit. Il
a durci les conditions d’indemnisation du chômage, supprimé les
subventions aux entreprises
d’électricité, réduit les subventions implicites accordées aux sociétés empruntant à la Banque de
développement (BNDES), et annoncé des hausses de taxes.
A l’issue de la première réunion
officielle de son gouvernement, le
27 janvier, Mme Rousseff – dont le
second mandat a débuté le 1er janvier – a défendu l’austérité : « Les
ajustements sont nécessaires pour
maintenir le cap, tout en préservant les priorités sociales et économiques, a-t-elle fait valoir. Des
comptes publics en ordre sont nécessaires pour le contrôle de l’inflation, la croissance et la garantie
durable de l’emploi et des revenus. » Les marchés ont salué à leur
manière ce changement de cap.
Pressions inflationnistes
« Le real, qui s’était beaucoup déprécié mais reste surévalué, est un
peu remonté ces dernières semaines », analyse Jean-Louis Martin
(Crédit agricole). Mais le doute
persiste sur la capacité du Brésil
à sortir de la stagnation en 2015.
Dans l’enquête hebdomadaire
Focus, réalisée par la banque centrale auprès d’une centaine d’institutions financières, la prévision
Qu’elles
paraissent loin,
les années 1990
et 2000,
qui permirent au
pays de réduire
les inégalités
de croissance du PIB a été révisée
à la baisse, lundi 26 janvier, de
0,38 % à 0,13 %, et celle d’inflation
revue en hausse, de 6,67 % à
6,99 %, loin de l’objectif officiel de
4,5 % par an (avec une bande de
fluctuation de 2 points).
Le 21 janvier, pour la troisième
fois depuis octobre 2014, la banque centrale a relevé son taux directeur, le Selic, à 12,25 % – et donc
le coût du crédit – en indiquant
qu’il s’agit de freiner l’envolée des
prix. Une quatrième hausse de
même importance est attendue
en février. Les pressions inflationnistes restent toutefois fortes, la
banque centrale prévoyant une
augmentation de 9,3 % des prix
administrés en 2015.
Réussir, dans ces conditions, à
ramener l’inflation annuelle de
6,41 % en 2014 à 4,5 % en 2015 serait un exploit. Or des prix élevés
pèsent sur le pouvoir d’achat des
ménages et leur consommation,
donc sur la croissance. Arme antiinflation, la hausse du Selic peut
aussi fragiliser la timide reprise
de l’investissement intervenue au
troisième trimestre 2014 après
quatre trimestres consécutifs de
repli. Ce qui nuirait à la reprise.
Qu’elles paraissent loin les années 1990 (+ 1,9 % de croissance
par an en moyenne) et les années
2000 (+ 3,4 %), qui permirent au
Brésil d’augmenter de 60 % son
PIB par habitant (12 200 dollars
en 2013), de réduire les inégalités
et de développer une classe
moyenne de quelque 100 millions de personnes !
Aujourd’hui, les économistes
pointent tous les mêmes maux :
faiblesse de l’investissement productif, perte de compétitivité de
l’industrie, infrastructures en piteux état, lourdeur de la bureaucratie, climat des affaires terni par
des scandales de corruption, au
premier rang desquels celui de Petrobras. Des réformes structurelles s’imposent, mais elles devront
se faire dans un environnement
international pas franchement
porteur, entre le ralentissement
chinois, la fin du super-cycle des
matières premières et la méforme
du commerce mondial. p
claire guélaud
tielle dans l’immobilier. Certes la
Fed doit faire face à des vents contraires. L’inflation est effectivement basse et c’est un indicateur
qu’elle surveille de près. Mais elle
dit aussi que cette situation est
transitoire. C’est une vision que
nous partageons.
Le Japon est en récession, la
croissance chinoise ralentit,
l’économie européenne stagne.
Les Etats-Unis peuvent-ils rester la seule région épargnée
par le marasme ?
La situation en Asie et en Europe
va jouer un rôle sur le commerce
extérieur et ralentir la croissance
aux Etats-Unis, mais en même
temps la baisse des prix du pétrole et la hausse des salaires
pourraient compenser ces effets
négatifs. Au moment où nous
parlons, cela ne devrait toutefois
pas changer les plans de la Fed en
matière de remontée des taux.
Quelles pourraient être les
conséquences de la politique
monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) sur
l’économie américaine et les
décisions de la Fed ?
Au-delà des conséquences sur le
dollar, la Fed peut voir ce mouvement de la BCE comme quelque
chose de positif, qui va apporter
plus de stabilité et de soutien à la
reprise en Europe. C’est une raison supplémentaire pour que la
Fed maintienne son cap pour remonter les taux dès juin. p
propos recueillis
par stéphane lauer
2 MILLIARDS
C’est en euros le montant du contrat remporté auprès de la RATP, du
Syndicat des transports d’Ile-de-France (STIF) et de la Société du Grand
Paris (SGP), vendredi 30 janvier, par Alstom Transport afin de fabriquer
quelque 217 rames d’un « métro sur pneu de dernière génération ». L’industriel français va renouveler les rames automatiques des lignes 1, 4,
6 et 11, et fournira les premiers métros du futur réseau du Grand Paris
Express, qui doit être déployé à partir de 2019. Ce marché est étalé sur
quinze ans. « La majorité des douze sites d’Alstom Transport en France
participeront à ce projet », précise le groupe.
CON J ON CT U R E
I N F RAST R U CT U R ES
L’Espagne renoue
avec la croissance
Moody’s inquiète pour
le secteur autoroutier
La croissance espagnole s’est
établie à + 1,4 % en 2014, selon une estimation publiée
vendredi 30 janvier par l’Institut national de la statistique, avec un produit intérieur
brut en hausse de 0,7 % au
quatrième trimestre. Madrid
table sur une croissance de
2 % en 2015. – (AFP.)
L’agence de notation Moody’s a indiqué, vendredi
30 janvier, que la décision du
gouvernement français de
suspendre la hausse des tarifs
autoroutiers, prévue le 1er février avait « un impact négatif
sur les créances du secteur ».
– (Reuters.)
EN ER GI E
Le prix du baril
rebondit à New York
Le prix du pétrole, en chute
libre depuis l’été 2014, a rebondi, vendredi 30 janvier, à
New York. Le cours du baril
de WTI (West Texas Intermediate) pour livraison en mars
a gagné 3,71 dollars, à
48,24 dollars. Il s’agit de sa
plus forte hausse quotidienne pour un contrat de référence depuis le 8 mars 2012.
– (AFP.)
R ECT I F I C AT I F
Dans l’entretien de Patrick
Pouyanné, publié dans Le
Monde daté 31 janvier, il fallait lire que le nouveau directeur général de Total annonce
« la fermeture d’un certain
nombre de ses filiales dans les
paradis fiscaux », et non « la
fermeture de toutes ses filiales
dans les pays dits “non coopératifs” ». Par ailleurs Total
a payé 11 milliards d’euros (et
non 11 milliards de dollars)
d’impôts dans le monde
en 2013.
économie & entreprise | 5
0123
DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015
Le « devoir de vigilance » des entreprises attendra
Le gouvernement a retardé l’inscription dans la loi du principe de responsabilité pénale du donneur d’ordre
L’
inscription dans la loi
du « devoir de vigilance » des multinationales à l’égard de leurs
filiales et de leurs sous-traitants
a été renvoyée à plus tard lors de
l’examen, jeudi 29 janvier, de la
proposition de loi déposée par Europe Ecologie-Les Verts.
Pour le secrétaire d’Etat chargé
du commerce extérieur, Matthias
Fekl, qui représentait le gouvernement lors des débats parlementaires, ce report, au plus tard à fin
mars, doit permettre de consolider juridiquement le texte proposé. « Le gouvernement partage
les objectifs de cette proposition de
loi, a-t-il expliqué, mais certaines
questions juridiques et techniques
devraient être précisées. »
« Il s’agissait d’inscrire dans la loi
une responsabilité pénale du donneur d’ordre, une obligation de
moyens dont doit se doter la société pour contrôler sa chaîne de
production et de fournitures, et de
permettre d’ouvrir des droits à réparation pour les victimes de drames ou de catastrophes », fait valoir Danielle Auroi (EELV, Puy-deDôme), rapporteure de la proposition de loi. Avec un objectif : pour
une entreprise qui ne peut justifier avoir pris les mesures nécessaires de prévention ou prouver
qu’elle ne pouvait pas être informée de ces dommages potentiels,
le juge pourra appliquer des sanctions civiles ou pénales.
« Charge de la preuve »
Pour certains, comme les ONG,
qui ont été associées aux débats et
à la préparation de la proposition
de loi, regroupées notamment au
sein du Forum citoyen pour la responsabilité sociale des entreprises (RSE), le gouvernement a cédé
au lobby patronal.
Cette « charge de la preuve » et la
mise en place de sanctions déplaisaient fortement au patronat.
Dans un courrier interne, début
janvier, l’Association française des
entreprises privées (AFEP) indique que « l’approche par la sanction telle qu’envisagée, et compte
tenu des difficultés juridiques qui
l’entourent, conduirait immanquablement à la judiciarisation
des relations entre parties prenan-
Pour les ONG
associées
à la préparation
du texte,
le gouvernement
a cédé
au lobby patronal
tes sans répondre aux objectifs
poursuivis ».
Cet argument a été repris tel
quel à la tribune de l’Assemblée
nationale, jeudi, par le député
UMP des Yvelines, Jean-Marie Tetart, qui s’est inquiété du « niveau
de contrainte qui pèserait sur les
entreprises », de cette « épée de Damoclès pesant sur la confiance des
entreprises ». Bien que se déclarant favorables au texte proposé,
les députés socialistes ont finalement rejoint la proposition du
gouvernement de le renvoyer en
commission.
En novembre 2013 pourtant, le
groupe Socialiste, républicain et
citoyen (SRC), comme le groupe
écologiste, avait déposé cette
même Pproposition de loi, suivis,
en février 2014, par le groupe Radical, républicain, démocrate et
progressiste (RRDP) et, en
avril 2014, par la Gauche démocrate et républicaine (GDR).
Ce consensus n’a pas résisté à la
volonté du gouvernement de
prendre plus de temps. « Il faut
quelque chose de stable juridiquement et amender ce texte trop
compliqué. Nous espérons pouvoir
déposer une nouvelle proposition
avec les écologistes », a estimé Anne-Yvonne Le Dain (PS, Hérault),
qui a déposé la motion de renvoi.
Mais certains, parmi les parlementaires socialistes, ont exprimé
leur inquiétude. Philippe Noguès
(PS, Morbihan), l’un des auteurs de
la proposition de loi, a dénoncé le
« lobbying du patronat », redoutant que « cette loi ne tombe dans
les limbes et n’en sorte pas ».
« Il faut que la proposition de loi
aille jusqu’au bout, qu’elle puisse
être débattue par l’Assemblée, cela
n’a aucun sens de renvoyer ce texte.
Nous vous laissons la responsabilité de rejeter un texte que vous
avez vous-même soutenu », a répondu, au représentant du gouvernement, Barbara Pompili, présidente du groupe écologiste.
Sans attendre, quatre syndicats
qui soutenaient la proposition de
loi – la CGT, la CFDT, la CGE-CGC et
la CFTC – ont demandé, jeudi, au
ministre de l’économie un rendez-vous pour discuter du nouveau texte. Les ON G ont annoncé,
elles, que plus de 130 000 personnes avaient signé la pétition
« Rana Plaza, Bhopal, Erika : halte
à l’impunité des multinationales »,
lancée par la plateforme citoyenne Avaaz. Pour les associations (Sherpa, Peuples solidaires,
CCFD-terre solidaire, Les Amis de
la Terre, Terre des hommes, etc.), il
faut prévenir les risques et permettre un véritable accès des victimes à la justice.
« Une large majorité de Français
estime que les multinationales doivent être tenues pour responsables
juridiquement des catastrophes
humaines et environnementales
provoquées par leurs sous-traitants, comme celle du Rana Plaza
au Bangladesh », selon un sondage CSA commandé par le RSE,
publié mardi 27 janvier. Et réalisé
par Internet du 20 au 22 janvier
auprès de 1 000 personnes.
Près de deux ans après l’effondrement du Rana Plaza à Dacca,
qui avait tué 1 135 ouvriers du textile et blessé plus de 2 000 autres,
91 % des personnes interrogées estiment que les grandes marques
qui y faisaient produire des vêtements devraient être obligées
d’indemniser les blessés et les familles de victimes. p
nicole vulser
et rémi barroux
Le transport routier dénonce un dumping social auquel il contribue
Les grands acteurs français ont créé des filiales dans les pays d’Europe de l’Est. Celles-ci concurrencent leurs propres activités en France
A
près une dizaine de jours
de grève des routiers en
France, fédérations patronales et syndicats se sont accordés,
jeudi 29 janvier, sous l’égide d’un
médiateur du ministère du travail,
pour se retrouver mardi 3 février et
négocier sur les « salaires et le pouvoir d’achat ».
Depuis le début des négociations, pour rejeter la hausse de 5 %
des salaires demandée par les syndicats, le patronat invoque « les
réalités économiques » et un contexte de « concurrence déloyale et
de dumping social ». Il vise ainsi les
salaires des conducteurs des pays à
bas coût, comme la Pologne, la
Roumanie, etc.
Reste que les entreprises françaises jouent aussi un rôle dans ce
dumping, soit en utilisant des
sous-traitants dans ces pays, soit
en créant elles-mêmes des filiales
en Europe de l’Est.
C’est ce que pointe Jean-Marc
Charbonnier, qui dirige une entreprise de transport de 120 salariés à
Manosque (Alpes-de-Haute-Provence). Pour lui, les grands groupes sont en partie responsables de
l’arrivée massive de chauffeurs
étrangers, payés selon les standards de leurs pays d’origine, sur le
sol français. « Ceux qui ont imaginé
Depuis 1990,
la part du
pavillon français
dans le marché
européen n’a pas
cessé
de dégringoler
que passer par la sous-traitance
étrangère permettrait d’assainir le
marché ont joué avec le feu, nous en
payons tous le prix », relève M.
Charbonnier.
Le pavillon français n’a cessé de
dégringoler depuis la fin des années 1990. Sa part du marché européen était évaluée à 50 % en 1999.
Elle avait été ramenée à 10 % dix
ans plus tard. Dans l’intervalle,
21 000 emplois ont été supprimés,
selon le rapport d’information du
sénateur communiste du Nord
Eric Bocquet, publié en 2014 (« Le
droit en soute ? Le dumping social
dans les transports européens »).
La dégradation de la position
française est consécutive à l’ouverture à la concurrence du secteur
en 2009. Cela a conduit à « l’ouverture concomitante des marchés à
des entreprises dont les coûts de
personnel sont moins élevés », relevait le rapport de M. Bocquet. Selon une étude de 2013 du Comité
national routier, le coût de l’heure
de conduite moyen d’un chauffeur
polonais représente 34 % de celui
d’un chauffeur français (données
de 2011).
Un autre facteur a joué : la délocalisation d’une partie de la production dans l’est du continent.
Elle s’est traduite par une réorganisation des filières de transport.
C’est ainsi que la Pologne est devenue le premier pavillon routier en
Europe. Le « déficit de compétitivité
du pavillon français » a été « mis en
avant par un certain nombre d’acteurs du secteur » pour justifier la
mise en place des « filiales au sein
des pays à bas coûts », soulignait
M. Bocquet dans son rapport.
Le groupe Norbert Dentressangle a ainsi créé deux entités, une en
Pologne et une en Roumanie. Ces
entreprises travaillent notamment en sous-traitance pour la
maison mère pour les trajets internationaux.
Selon M. Bocquet, « 43,5 % des
transports effectués à partir de la
France » par le groupe « sont soustraités à des filiales étrangères ou à
des entreprises extérieures. »
Norbert Dentressangle refuse de
s’exprimer à ce sujet. Les plus
grands acteurs français ont suivi le
même mouvement, comme Geodis ou FM Logistic,. Cette évolution
n’est pas illégale. Reste que Norbert Dentressangle « semble interpréter de façon erronée la réglementation européenne », soulignait M. Bocquet.
Cabotage
L’entreprise a reconnu devant le
comité de groupe, le 27 novembre
2013, qu’elle faisait venir par bus
des chauffeurs des filiales polonaise et roumaine pour prendre
leur service dans des établissements de France. Ces routiers re-
joignent des poids lourds immatriculés en Pologne et Roumanie.
Ils sont payés selon les normes de
leur pays. Pour Pascal Goument,
président de la CFTC de Norbert
Dentressangle, « ces salariés devraient se voir appliquer le statut
de salariés détachés », avec des
conditions de travail et de salaire
équivalentes à celles pratiquées
en France, les cotisations sociales
étant payées dans le pays d’origine.
« Nous ne sommes pas dans la situation de détachement (…) mais
dans une relation normale de soustraitance », avait répliqué la direction lors du même comité de
groupe de novembre 2013. Sur ce
Chauffeurs étrangers : Berlin temporise
Le gouvernement allemand a décidé, vendredi 30 janvier, de suspendre l’application de son nouveau salaire minimum (équivalent du smic) aux routiers étrangers qui traversent le pays. Berlin
a indiqué attendre une « clarification juridique » de la Commission européenne. Celle-ci, interpellée par la Pologne, a lancé le
21 janvier une « procédure préliminaire » pour vérifier la conformité de la disposition allemande au droit européen. L’Allemagne
pratique depuis le 1er janvier un salaire minimum de 8,50 euros
bruts de l’heure et avait décidé que les routiers qui ne passent
que quelques heures sur son territoire, devaient percevoir cette
rémunération, sous peine d’amendes. Berlin justifiait ce régime
par le souci de lutter contre le dumping des sociétés de l’Est.
point, la société devra s’expliquer
devant le tribunal correctionnel
de Valence où se tiendra un procès
du 4 au 6 mars sur des faits présumés de marchandage et de travail
dissimulé dans une affaire de
sous-traitance interne.
Invoquer la sous-traitance et
non le détachement de salariés
suppose toutefois que ceux-ci effectuent des opérations de cabotage. C’est-à-dire « au maximum
trois prestations (chargement/déchargement) en France sur une période maximale de sept jours », indique Karine Bézille, avocate associée du cabinet Lefèvre Pelletier.
Or, certains de ces travailleurs
étrangers resteraient sur le territoire plus longtemps. « Près de
Chambéry, il y a un parking où des
travailleurs polonais attendent le
dimanche soir pour circuler. Ils disent tous qu’ils restent trois ou
quatre mois en France et font un
peu d’international », relate Antoine Fatiga, représentant de la
CGT des transports en Rhône-Alpes. Aujourd’hui, même les dirigeants de PME du secteur estiment qu’il faut une régulation du
cabotage et qu’elle doit se faire
à l’échelle de l’Europe. p
francine aizicovici
avec sébastien cagnac
6 | bourses & monnaies
FRANCFORT
PARIS
0123
DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015
LONDRES
– 0,79 %
EURO STOXX 50
– 1,22 %
CAC 4 0
– 0,92 %
FTS E 10 0
4 604,25 POINTS
NEW YORK
NASDAQ
TOKYO
– 2,87 %
− 2,58 %
DOW JONES
+ 0,42 %
+ 0,93 %
DAX 3 0
NIKKEI
10 694,32 POINTS
6 749,40 POINTS
3 351,44 POINTS
17 164,95 POINTS
4 635,24 POINTS
17 674,39 POINTS
De l’Europe à Wall Street, l’inquiétude change de camp
En dépit de la Grèce, les Bourses du Vieux Continent terminent janvier en forte hausse, tandis qu’à New York l’augmentation du dollar inquiète
C
e devait être un séisme, ou
presque. Au mieux, l’occasion d’un sérieux coup de
tabac sur les marchés ; au pire, un
remake de très mauvais goût de la
crise des dettes souveraines de
2010-2011 qui avait placé la zone
euro au bord du gouffre. Début janvier, la possibilité d’une victoire du
parti de gauche Syriza aux élections législatives en Grèce avait
traumatisé les marchés. Le 5 janvier, le CAC 40 dégringolait de plus
de 3 %, à l’instar des autres places
européennes, après des articles de
presse allemands évoquant une
sortie de la Grèce de la zone euro,
avec la bénédiction de la chancelière Angela Merkel.
Trois semaines plus tard, ces inquiétudes ont fait long feu. Lundi
26 janvier, au lendemain du véritable plébiscite qui a porté au pou-
voir Alexis Tsipras, le jeune chef de
file de Syriza, l’indice phare de la
Bourse de Paris a terminé dans le
vert. Les Bourses de Londres et de
Francfort aussi. « Les marchés européens restent sous la magie du QE
[quantitative easing, achat massif
de dettes] de la BCE [banque centrale européenne] », ont commenté les analystes du courtier
Aurel BGC.
Certes, la Bourse d’Athènes a accusé le coup. Les sorties du nouveau parti au pouvoir ont fait plonger de 9,4 % le marché grec, mercredi. Il faut dire que le gel des privatisations ou le relèvement du
salaire minimum vont précisément à l’encontre des promesses
faites à la troïka des bailleurs de
fond du pays (Commission européenne, BCE, Fonds monétaire international)
Eolien : Saeta Field sera coté à Madrid
Le groupe de BTP espagnol ACS va placer en Bourse 51 % de
sa filiale dans les énergies renouvelables, Saeta Fields, le
16 février. Elle comprend seize parcs éoliens en Espagne et
trois centrales solaires. L’opération valoriserait la société entre
852 millions et 999 millions d’euros. ACS a par ailleurs récemment annoncé qu’il vendra 24,4 % de Saeta Yield au fonds
d’investissement Global Infrastructure Partners (GIP). ACS
n’est pas le seul groupe de BTP espagnol à vouloir réduire sa
présence dans les énergies renouvelables. Le groupe diversifié
Acciona a vendu, en 2004, un tiers du capital d’Acciona Energia Internacional (AEI), gérant ses activités dans les énergies
renouvelables hors d’Espagne, au fonds d’investissement
américain KKR. – (AFP.)
Mais sur le fond, force est de le
constater : les investisseurs européens n’ont plus le cœur à s’angoisser. D’abord parce qu’un certain
Mario Draghi, président de la BCE,
est passé par là, en annonçant, le
22 janvier, un programme géant de
rachat de quelque 1 140 milliards
d’euros de dettes publiques et privées pour relancer le crédit et la
croissance en zone euro.
Tsipras rassure
Ensuite, parce que M. Tsipras a su
trouver les mots pour rassurer les
Européens – notamment en réfutant toute velléité d’abandonner
l’euro. Enfin, parce que ces mêmes
Européens semblent désormais se
rendre à l’idée qu’une relance bien
pensée est plus profitable à l’économie du Vieux Continent que des
cures d’austérité mal calibrées.
Sur la semaine, les Bourses européennes affichent au final un score
étal – d’autant plus rassurant qu’il
intervient après une semaine où
les indices avaient littéralement
explosé. A Paris, le CAC 40 a lâché –
0,79 %, tandis que le Dax allemand
grappillait 0,42 % et le Foostie londonien abandonnait 1,22%.
Rien de tel de l’autre côté de l’Atlantique. A Wall Street, le Dow Jones a reculé de 2,87 %, et le Nasdaq,
l’indice des valeurs technologiques, de 2,58 %, en dépit des bons
résultats financiers publiés par les
fleurons de la high-tech américaine, Apple et Facebook.
Aux Etats-Unis,
la hausse continue
du billet vert
handicape
les exportateurs
et fragilise
la reprise
Un contre-pied aux performances 2014, une année au cours de laquelle le CAC 40 s’était replié de
0,5 % et l’EuroStoxx 600 n’avait crû
que de 1,2 %, quand le S&P 500 s’envolait de 11,4 %.
C’est qu’aux Etats-Unis, une nouvelle composante est venue déstabiliser des investisseurs : la hausse
continue du dollar, qui s’est renchéri de près de 20 % face à l’euro
depuis le printemps 2014. Couplée
au fort recul du baril de pétrole, elle
handicape les exportateurs et fragilise la reprise.
Attisé par le plan de la BCE qui fait
baisser l’euro, renforcé par la perspective d’un relèvement des taux
de la banque centrale américaine,
la Fed, ce rebond du billet vert commence à peser sérieusement sur le
moral des investisseurs.
Coup sur coup, plusieurs géants
de Wall Street ont annoncé des résultats décevants cette semaine,
sur fond de risque de change accru :
Microsoft, Caterpillar, Procter
& Gamble… La sanction des investisseurs a été immédiate.
Désormais la Bourse se raccroche
à un mot, un seul : celui de la présidente de la réserve fédérale (Fed,
banque centrale), Janet Yellen, qui
a redit cette semaine à l’issue d’une
réunion de son comité de politique
monétaire que l’institution monétaire saurait se montrer « patiente »
avant d’entamer son resserrement
monétaire.
« Aux Etats-Unis, les marchés restent sous la menace d’un décrochage si jamais la Fed supprime le
terme “patient” de son communiqué, ce qui annoncerait une hausse
prochaine des taux directeurs »,
confirment les analystes d’Aurel
BG. Mais la prochaine réunion de la
Fed ne se déroulera que le 18 mars.
De là à croire que l’inquiétude a
définitivement changé de rive de
l’Atlantique, il n’y a qu’un pas… qu’il
serait prématuré de franchir. La teneur et le calendrier des négociations entre la Grèce et ses créanciers, mais aussi la situation géopolitique en Ukraine, constituent
autant d’aléas à même d’enflammer de nouveau les marchés. Un
mois après le début de l’année, les
observateurs de tous bords continuent de le dire haut et fort : 2015
sera placée sous le signe de la volatilité en Bourse. Plus que jamais, il
faut s’attendre à de brusques variations des cours à la hausse ou à la
baisse. p
audrey tonnelier
MATIÈRES PREMIÈRES
TAUX & CHANGES
La boulimie de la Chine pour le sorgho
Bataille pour une monnaie faible
M
o Yan, l’auteur chinois
Prix Nobel de littérature, a donné ses lettres
de noblesse à une céréale souvent
laissée dans l’ombre. Le sorgho.
L’ouvrage Le Clan du sorgho rouge,
porté ensuite à l’écran par son
compatriote le cinéaste Zhang Yimou, a contribué à sa notoriété.
Près de trente ans plus tard, la
Chine crée à nouveau l’actualité
sur cette céréale. Le drapeau rouge
plane sur le marché du sorgho.
Les chinois achètent en effet, depuis peu, du sorgho à tour de bras.
Une véritable boulimie. Qu’on en
juge. « En 2014, ils ont importé
3,5 millions de tonnes de sorgho,
contre 15 000 tonnes en 2012 et
317 000 en 2013 », estime François
Luguenot, responsable de l’analyse des marchés chez InVivo. Le
rythme ne devrait pas ralentir
cette année, puisque les prévisions
tablent sur des achats compris entre 5,5 à 6,5 millions de tonnes.
A priori, il peut s’agir parfois,
comme dans le livre de Mo Yan, de
transformer cette graminée en
flots d’alcool blanc, le fameux
baiju, ou en bière. Elle est surtout
devenue très prisée des fabricants
chinois d’alimentation animale. Il
leur faut calmer l’appétit des poules, veaux, vaches, cochons dont
les rangs ne cessent de s’étoffer.
Moins chers et disponibles
Le maïs est l’ingrédient du menu
idéal des volailles et bétail, direzvous. Justement, même s’il est très
difficile d’analyser ce marché souvent opaque, la Chine croulerait
sous les stocks de grain jaune. Le
gouvernement en a amassé dans
ses greniers. Mais, l’ayant acheté
au prix fort, il écoule le maïs à un
prix élevé. Les acheteurs chinois
Rebond
COURS DU SORGHO, EN DOLLARS AUSTRALIENS PAR TONNE CUBIQUE
261
177
JANVIER 2010
DÉCEMBRE 2014
SOURCE : BANQUE MONDIALE
traînent des pieds. Les autorités
ont également stoppé à leur frontière, en 2014, des cargaisons de
maïs américain. Raison invoquée :
il était génétiquement modifié.
L’interdiction a finalement été levée en décembre.
Moins chers, disponibles, le sorgho mais aussi l’orge se sont bousculés au portillon chinois. Bingo
pour les fermiers américains qui
produisent cette graminée ! L’Afrique, où on le consomme comme
une autre céréale et où on le transforme en bière ou autre alcool fermenté, reste le plus gros producteur mondial, avec un total, selon
M. Luguenot, de 23 à 24 millions de
tonnes. Mais les Etats-Unis, avec
une récolte de près de 10 millions
de tonnes, sont les plus gros exportateurs. Là les débouchés sont
encore plus vastes. Ainsi, Total a investi en 2014 dans une société californienne, NexSteppe, spécialisée
dans les semences de sorgho adaptées aux biocarburants. Et les
Américains mettent de plus en
plus le sorgho à leur menu. Résultat les prix grimpent. En Australie,
autre grand pays producteur, la
tonne se négociait à 261 dollars
australiens (178 euros) en décembre, contre 200 en août.
De quoi motiver les Européens ?
D’autant que cette plante peu
gourmande en eau, engrais et pesticide, favorisant les assolements,
est parée de vertus « vertes ». En
France, selon FranceAgriMer, la
production a bondi en 2014 à
400 000 tonnes, grâce à des rendements et des surfaces accrus. p
laurence girard
L
a monnaie, finalement, c’est un peu
comme une coupe de cheveux. On
n’est jamais content de celle qu’on a.
Son cours baisse ? Les consommateurs se
plaignent de la flambée du prix des produits importés que cela entraîne, tandis
que les exportateurs se frottent les mains,
heureux de gagner un peu de compétitivité à l’international. Son cours monte ? Ce
sont cette fois les premiers qui se réjouissent, alors que les seconds se lamentent.
En ce moment, les grandes entreprises
américaines disent ainsi pis que pendre de
l’appréciation du dollar. Celle-ci est pourtant une bonne nouvelle : elle est le signe
que l’économie américaine va bien, et incomparablement mieux que celle de la
zone euro. N’empêche, les exportateurs
voudraient bien le beurre et l’argent du
beurre : une économie forte et une devise
faible. Ce qui est en pratique impossible.
Le 28 janvier, prenant de court les marchés, celle de Singapour a ainsi assoupli sa
politique monétaire, en resserrant la
marge tolérée pour l’appréciation du dollar singapourien face à un panier de devises. Elle n’a pas dévoilé les détails, mais
une chose est sûre : son objectif est d’affaiblir sa devise. Et elle n’est pas la seule.
Le 15 janvier, son homologue indienne a
abaissé son principal taux directeur de 8 %
à 7,75 %. Huit jours plus tard, la banque
centrale du Canada réduisait le sien de 1 %
à 0,75 %, là aussi afin de pousser le dollar
canadien à la baisse. Et l’Australie pourrait
suivre. La course à la devise faible est lancée. Mais pas seulement pour le bonheur
des exportateurs locaux.
Ces temps-ci, les banques centrales s’inquiètent des pressions déflationnistes à
l’œuvre dans le monde. Partout, la chute
rapide des cours du pétrole fait baisser les
prix, ce qui alourdit le poids des dettes.
Surtout, les instituts monétaires paniquent devant le ralentissement de l’économie mondiale. Mais où est donc passée la
croissance ?
Dans tous les cas, une chose est sûre :
dans la bataille pour une monnaie faible, il
ne peut pas y avoir que des gagnants. C’est
le principe des vases communicants : lorsqu’une devise baisse, une autre monte. La
Suisse peut en témoigner. En abandonnant le taux de change fixe avec l’euro à la
mi-janvier, le petit pays a vu le franc suisse
décoller de 30 % en une journée. Aïe… p
Pressions déflationnistes
Mercredi 28 janvier, à l’issue de sa réunion
de deux jours, la Réserve fédérale américaine (Fed, banque centrale) a pris acte de
la bonne conjoncture américaine. Selon
les analystes, elle pourrait remonter ses
taux directeurs d’ici à juin. Ce qui attirera
des capitaux sur le sol américain, et poussera encore le billet vert à la hausse face
aux autres devises.
De son côté, l’euro, qui est déjà tombé de
1,40 à 1,12 dollar depuis l’été 2014, devrait
poursuivre sa décrue. Et ce, parce que la
Banque centrale européenne (BCE) va masmarie charrel
sivement racheter des dettes publiques. En
augmentant la quantité d’euros en circula- LA SOCIÉTÉ DES LECTEURS DU « MONDE »
tion, elle fera baisser la valeur de celui-ci.
COURS DE L'ACTION
Dollar en hausse, euro en baisse… N’en
VENDREDI 30 JANVIER
déplaisent aux entreprises américaines, les
premières à faire les frais de ce bazar moSociété des lecteurs du « Monde »
nétaire sont en vérité les petites banques
80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707 Paris Cedex 13
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centrales des autres continents.
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DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015
Se prémunir contre les loyers impayés
CLIGNOTANT
La tranquillité a un prix. Si vous optez pour l’assurance, gare aux modalités du contrat
D
aniel était un bailleur heureux… jusqu’à ce que son locataire parisien ne paie plus son
loyer. Une catastrophe pour
ce quinquagénaire qui comptait sur ce revenu pour rembourser son crédit immobilier. « Aujourd’hui, 3 % à 5 % des locations sont touchées par des impayés »,
souligne Eric Mazet, directeur de l’audit
du réseau Orpi. Un risque qui tend à augmenter en raison de la crise économique.
Pour les particuliers bailleurs, deux solutions permettent de se prémunir contre une telle mésaventure : la caution et
l’assurance loyers impayés (ALI), aussi
appelée garantie des loyers impayés
(GLI). Notons que la garantie des risques
locatifs (GRL), qui est proposée aux
bailleurs par l’Etat et l’organisme Action
logement, vit ses dernières heures. Elle
sera remplacée, à compter du 1er janvier 2016, par un nouveau dispositif qui
s’adressera aux locataires de moins de
30 ans, à faibles ressources ou ayant un
emploi précaire (CDD, intérim…).
La caution est la solution la plus intéressante pour le bailleur puisqu’elle ne coûte
rien. Mais elle n’est pas parfaite, le garant
n’étant pas non plus à l’abri d’un pépin financier. L’assurance, en revanche, n’est
pas donnée – entre 2 % et 4 % du montant
des loyers –, même si cette prime est déductible des revenus fonciers. Et les tarifs
ont tendance à augmenter.
Surtout, elle ne vous indemnise qu’au
bout de trois à quatre mois après le constat de l’impayé (rétroactivement au premier jour du sinistre), ce qui n’est pas la
panacée pour les propriétaires qui doivent rembourser des mensualités. « Si
vous nous confiez votre bien en gestion, la
garantie prend le relais tout de suite »,
précise toutefois Bruno Duvert de Foncia.
Attention : les bailleurs qui s’assurent
contre les loyers impayés n’ont pas le
droit de réclamer une caution, sauf si le
locataire est un étudiant ou un apprenti.
Il est possible de souscrire une telle assurance individuellement, ou par le biais
d’un contrat groupe si vous confiez la
gestion de votre bien à un réseau d’agences immobilières, d’administrateurs de
biens ou si vous adhérez à des organisations comme l’Union nationale de la propriété immobilière.
Socle de garanties
La plupart des contrats proposent un
même socle de garanties : les loyers impayés (y compris les charges et taxes récupérables, mais pas le dépôt de garantie), les frais liés au contentieux, les dégradations et la protection juridique.
Mais le coût varie du simple au double et
il faut bien vérifier les plafonds d’indemnisation, qui diffèrent selon les acteurs.
En cas de sinistre, les frais de contentieux (avocat, huissier…) peuvent aussi
Des offres très variables
EXEMPLES DE CONTRATS D’ASSURANCE LOYERS IMPAYÉS
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(% du loyer+charges)
LOYERS IMPAYÉS
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Distributeur
Foncia (1)
ORPI
Solly Azar
Sacapp
1. Si la gestion locative est confiée. 2. Loyer plafonné à 2 300 €/mois
et durée à 30 mois. 3. Loyers et charges plafonnés à 3 000 €/mois
SOURCE : « LE MONDE ARGENT & PLACEMENTS »
I MMOBI LI ER
Les plaintes des locataires en hausse
être assortis d’un plafond, mais seulement quand l’assuré fait intervenir son
avocat. « En moyenne, une procédure d’expulsion dure dix-huit mois et coûte
1 800 euros, à quoi s’ajoute bien sûr la perte
de loyer sur cette période », dit Alexandre
Seys, du courtier en assurance Solly Azar.
Si le contrat couvre les dégradations faites
par le locataire, fréquentes lors d’impayés,
la garantie couvre aussi les frais de remise
en état. Là encore le montant de l’indemnisation est plafonné. La protection juridique, elle, protège le bailleur en cas de litige
avec son locataire pour d’autres problèmes que les loyers impayés.
Un conseil : si vous envisagez de souscrire l’assurance, faites-le au moment de
l’entrée d’un nouveau locataire. Car, en
cours de bail, les assureurs se montrent
nettement plus méfiants. Sauf à prouver
que votre locataire n’a pas eu d’incident
de paiement depuis longtemps… Sachez
aussi que les assureurs sont d’autant plus
vigilants que le taux de sinistralité a fortement progressé ces dernières années. « Il
a bondi de 30 % en cinq ans », note Bruno
Tuma, du courtier en assurance Sacapp.
C’est pour cette raison que, même pour
un nouveau locataire, la compagnie impose des conditions très rigoureuses :
contrat de travail en CDI, revenus trois
fois supérieurs au montant du loyer… Et
mieux vaut respecter à la lettre les prescriptions et, en cas d’impayés, suivre la
procédure définie dans les conditions prévues au contrat. Sinon, l’assureur pourrait
refuser de vous rembourser.
Si vous passez par un gestionnaire, c’est
lui qui se chargera de recruter votre locataire, de soumettre son dossier à l’assureur et d’effectuer les premières démarches en cas d’impayés. Mais déléguer la
gestion de son bien à un coût. Vous devrez
abandonner 8 % à 9 % de vos loyers. p
La Confédération générale du logement (CGL) a publié,
lundi 26 janvier, son « baromètre des plaintes des usagers du logement ». Cette étude annuelle s’appuie sur
2 800 griefs reçus par l’association de consommateurs.
Un chiffre en hausse de 30 % par rapport à 2012. La
principale source de conflits concerne le dépôt de garantie, le propriétaire tardant à rendre la somme au locataire ou l’amputant sans justification. Les « troubles
de jouissance », définis comme des problèmes d’insalubrité et d’humidité, dus en grande partie à un mauvais entretien des lieux par le bailleur, arrivent en
deuxième, même si ces litiges sont en baisse. Les conflits liés aux charges locatives complètent le podium.
QUESTION À UN EXPERT
colette sabarly
olivier rozenfeld, président de Fidroit
Dans quels cas ne perçoit-on pas
la pension de réversion ?
Toucher la pension de réversion de son conjoint n’est pas automatique. Il faut respecter certains critères. Tout d’abord les partenaires de
pacs, tout comme les concubins, sont exclus de ce dispositif, et ce
même s’ils vivaient ensemble depuis de longues années. Ensuite, dans
le régime de base des salariés, il faut être âgé d’au moins 55 ans pour
la percevoir. Son montant est de 54 % de la pension dont bénéficiait
ou aurait bénéficié la personne décédée et ne peut dépasser
10 138 euros par an. Le bénéfice de cette réversion profite aussi aux
ex-conjoints, même s’ils se sont remariés. La pension est répartie entre
le conjoint survivant et le ou les ex au prorata des années de mariage.
Le décès de l’un d’eux conduit à répartir la fraction de pension qui lui
revenait entre les autres bénéficiaires. Mais le montant de la pension
sera réduit selon le niveau de vos ressources. Au-delà de 19 822 euros
par an pour une personne seule, ou 1,6 fois ce montant si elle est en
couple, soit 31 716 euros, la pension sera diminuée. En revanche, il est
possible d’obtenir des majorations pour enfant à charge et il existe
une pension minimale fixée à 3 403 euros par an si la personne avait
cotisé au moins 60 trimestres au régime général. Les règles diffèrent
dans les régimes complémentaires. La pension de réversion Agirc et
Arcco est attribuée sans condition de ressources, mais avec des conditions d’âge. Surtout, en cas de remariage, celle-ci est supprimée. p
VILLES EN MUE
& CIV ILI SATIO NS
NOUVEAU
Bâtiment moderne
La création du musée en l’honneur de l’enfant du pays a été décidée dans les années 2000. L’occasion pour la municipalité
de transformer son cœur de ville. « Le Musée Pierre Soulages est la vitrine d’un nouvel
espace de vie et d’animation, consacré à la
culture et aux loisirs. Nous avons donc engagé une vaste rénovation aux alentours,
aménagé la place et installé des équipements collectifs autour du Foirail », précise
Christian Teyssèdre, maire PS de Rodez.
Le musée, un bâtiment moderne en acier
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LE CODE
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En acier rouge
corrodé, le
Musée Pierre
Soulages,
à Rodez.
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ET VENISE
SORTIT
DE L’EAU
$CAN ;
5,95 ; CANADA 8,95
rouge corrodé, donne sur le versant est de la
place, sur lequel un vaste jardin public paysager a été ouvert à l’été 2014. Au nord et à
l’est du Foirail, de nouveaux bâtiments ont
vu le jour, comme ce multiplexe de cinémas
de 1 600 places ou la salle des fêtes, qui a
remplacé le centre des congrès prévu à l’origine. En 2012, la ville avait, en amont, lancé
une réfection de son équipement urbain, en
refaisant, notamment, intégralement l’avenue de l’Europe et la place d’Armes, au pied
de la cathédrale. « Dans toutes les rénovations de voirie, nous avons volontairement
fait le choix de rendre la ville plus facilement
accessible et de laisser davantage d’espace
aux piétons en réduisant la place des voitures », souligne Christian Teyssèdre.
Au total, cette transformation du cœur de
Rodez aura coûté 74 millions d’euros, dont
25 millions pour le musée et 20 millions
pour la rénovation urbaine et la construction du jardin public du Foiral. Le financement a été intégralement assuré par la ville
et la communauté d’agglomération. Le
tout avec une diminution de la dette de la
ville de 5,5 millions d’euros sous la précédente mandature. « Un miracle ! », s’était
exclamé François Hollande, venu le
30 mai 2014, inaugurer le musée. p
N° 3 FÉVRIER 2015
BOURG
6,50 ; BELGIQUE LUXEM
CFA ; ANTILLES-RÉUNION
L’
installation du Musée Pierre Soulages à Rodez n’a pas seulement
donné un coup de projecteur sur la
capitale de l’Aveyron. Ce projet a entraîné
dans son sillage un toilettage géant de ses
environs, et notamment de la place médiévale du Foirail.
Ce large espace urbain, laissé en friche,
était destiné, à l’origine, à accueillir les foires à bestiaux régionales. Mais, au fil du
temps, la place était devenue un parking
gratuit à ciel ouvert, un no man’s land où
personne ne s’arrêtait. Pourtant, le Foirail
était idéalement situé, à 200 mètres de l’hypercentre historique et du quartier de Bourran, sorti de terre dans les années 1990.
NAUX
CHAND DE JOUR
CHEZ VOTRE MAR
SOLIMAN
ELANE
ET ROX
D’UN SULTAN
L’AMOUR
ET D’UNE ESCLAVE
ON
NAPOE LÉ
RECONQUÊTE
LA FOLL
DES CENT-JOURS
AFRIQUE 4800 F
Le cœur de Rodez profite du Musée Soulages
Chaque mois, un voyage à travers le temps
et les grandes civilisations à l’origine de notre monde
8 | MÉDIAS&PIXELS
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DIMANCHE 1ER - LUNDI 2 FÉVRIER 2015
Un ministre grec formé à l’économie virtuelle
Avant de prendre en charge les finances du pays, Yanis Varoufakis étudiait les échanges dans les jeux en ligne
sés par les balances des paiements,
j’ai compris que c’était la même situation qu’entre la Grèce et l’Allemagne – une idée qui ne me serait
jamais venue si je n’avais pas lu votre blog », écrit Gabe Newell.
Yanis Varoufakis hésite. Il ne
connaît rien aux jeux vidéo, mais
il s’y connaît en théorie des jeux –
un concept qui existe en économie comme en sociologie et en
informatique, et qui consiste à
prévoir aussi précisément que
possible les actions et décisions
d’un tiers. Il a même écrit un livre
de référence sur le sujet au début
des années 1990.
Les mondes de jeux comme
Dota ou de Team Fortress 2 ne l’intéressent pas en tant que tels,
mais, avec leurs échanges numériques entièrement enregistrés,
ils représentent un modèle
d’étude inespéré. « Le rêve devenu
réalité de tout économiste », relève Varoufakis : « Voyez donc :
une économie dans laquelle chaque action laisse une trace numérique, où chaque transaction est enregistrée ; une économie, en effet,
où il n’y a pas besoin de statistiques, puisque nous avons toutes
les données chiffrées ! »
Pour beaucoup, étudier l’économie interne d’un jeu vidéo pourrait passer pour un enfantillage.
Le chercheur y voit au contraire
un moyen inespéré de faire progresser la science économique.
C’est ainsi qu’en juin 2012 Varoufakis devient consultant chargé
de l’analyse des données statistiques recueillies par Valve. Un
poste de chercheur avec un labo-
PU BLI C I T É
Le marché français
en baisse de 1,4 %
à 1,7 % en 2014
Les recettes nettes des médias français ont reculé
en 2014, mais de façon moins
marquée que lors de l’exercice précédent, selon une estimation publiée vendredi
30 janvier par l’Institut de recherche et d’études publicitaires (IREP). La plus forte
baisse concerne la presse,
dont les recettes nettes ont
baissé de 8,5 % à 9 % (contre
– 8,4 % en 2013). L’Internet
enregistre pour sa part la plus
forte progression, soit entre
+ 4,5 % et + 5 % (contre + 4 %
en 2013). Les recettes des
chaînes de télévision sont de
leur côté en voie de stabilisation (0 % à – 0,5 % contre
– 3,5 % en 2013) tandis que
celles des radios ont reculé de
2 % à 2,5 % (contre – 0,1 %
en 2013).
MUSI QU E EN LI GN E
Le suédois Spotify
pourrait lever
500 millions d’euros
Le numéro un mondial de la
musique en ligne, le suédois
Spotify, a refusé, vendredi
30 janvier, de commenter les
informations suggérant qu’il
levait des fonds privés, ce qui
pourrait retarder son entrée
en Bourse. En Effet, d’après le
quotidien Financial Times,
Spotify a engagé la banque
américaine Goldman Sachs
pour collecter 500 millions
de dollars (443 millions
d’euros), repoussant les rumeurs d’une imminente introduction sur les marchés
boursiers. L’entreprise sué-
ratoire à échelle mondiale. « Cela
permet de changer les règles, les
paramètres et les valeurs qui soustendent l’économie, et de s’asseoir
pour observer comment la communauté répond, comment les
prix relatifs évoluent, les nouveaux
modèles de comportements qui
émergent. »
L’un de ses premiers travaux
consiste, à peine une semaine
après son arrivée, à modéliser
l’économie du jeu de tir Team Fortress 2, et notamment la manière
dont les cours des objets que
s’échangent les joueurs convergent – ou non – vers un point
d’équilibre, qui serait leur prix relatif, selon la communauté. Dans
la quasi-totalité des théories économiques, l’ensemble des échanges d’un marché tend à terme vers
ce point d’équilibre.
En outre, Team Fortress 2 et de
manière générale la plate-forme
Steam ont un autre avantage : ils
permettent d’observer une société économique dans ce qu’elle
a de plus proche des théories libérales d’Adam Smith, c’est-à-dire
basée sur le troc, avec des conventions sociales minimales.
Selon la théorie de Smith, le troc
cède petit à petit sa place à la monnaie à mesure que les transactions se multiplient et se complexifient.
Postulat libéral erroné
Or, dans Team Fortress 2, malgré
la quantité importante d’échanges entre joueurs, le système reste
centré sur l’échange « classique ».
La raison ? Les joueurs se débarrassent d’objets virtuels en trop,
davantage qu’ils ne cherchent
à acquérir des biens. Or, observe
Varoufakis, « il y a encore quelques
siècles, la plupart des échanges
avaient lieu en raison de surplus
imprévus : comme dans l’économie de Team Fortress 2 ». L’économie libérale repose sur un postulat de départ erroné, analyse-t-il.
Sa conviction se renforce : les
modèles économiques utilisés
par les gouvernements reposent
sur des données incomplètes et
des présupposés infondés. « Nos
meilleurs modèles économiques –
ceux de la Réserve fédérale américaine, du Fonds monétaire international ou de l’Organisation de
coopération et de développement
économiques ne valent pas la
peine d’être construits. Parce qu’ils
partent du principe qu’il existe une
forme de stabilité et une tendance
à converger vers l’équilibre – ce qui
ne sert qu’à rendre ces modèles
Pour Varoufakis,
l’étude de
l’économie
interne d’un jeu
permet de faire
progresser
la science
économique
plus jolis. Mais cela n’existe pas
dans le réel », disait-il à Reason.
Pour autant, les leçons tirées de
ces deux ans d’observation ne lui
ont pas non plus donné la réponse à la question : « Quelles
sont les politiques économiques
qui fonctionnent ? » Pour le savoir, estime Varoufakis, il faudrait
disposer de jeux qui simulent
plus finement des économies
plus larges. Pour prouver scientifiquement que les politiques
d’austérité sont vouées à l’échec –
ce qu’il pense – ou le contraire, « il
faudra attendre la création de
marchés du travail et de marchés
financiers au sein des communautés en ligne ».
Mais pour Varoufakis, pas de
doute : « Cela va arriver. » Ce ne
sera probablement pas lui qui s’en
occupera, mais il a la possibilité
d’observer au plus près les échanges sur d’autres marchés : ceux
où se négocie la dette grecque. p
damien leloup
et william audureau
© AFP / Gianluigi Guercia
« Rêve devenu réalité »
Le fonctionnement de ces minimarchés et la manière de les équilibrer – ou non – ne sont pas des
choses simples. L’entreprise a besoin d’un économiste de haut niveau pour théoriser l’ensemble,
et, incidemment, trouver la manière de les exploiter au mieux
sans frustrer les joueurs…
Pourquoi Yanis Varoufakis ?
Gabe Newell ignore bien sûr que
l’économiste grec deviendra le
ministre des finances d’un très
improbable – à l’époque – gouvernement à la gauche de la gauche.
Mais sur son site, dont il est un fidèle, il a lu les réquisitoires en règle dressés par Varoufakis contre
les mesures d’austérité et les contraintes imposées à la Grèce.
« En me débattant avec certains
des problèmes les plus pointus po-
Les mondes
de jeux comme
Dota ou Team
Fortress 2 offrent
un modèle
d’étude inespéré
doise tire pour le moment
91 % de ses revenus de ses
15 millions d’abonnés
payants. – (AFP.)
I N T ER N ET
Twitter France
perd son patron
Vendredi 30 janvier, à 17 h 30,
le patron de Twitter en
France, Olivier Gonzalez,
a annoncé son départ de la filiale française du réseau social américain. Arrivé à la tête
de Twitter France en
août 2013, il a annoncé son
départ sur le réseau social. Il
a indiqué avoir passé « 140
moments inoubliables » au
sein de l’entreprise.
RAD I O
Matthieu Pigasse
candidat au rachat
de Radio Nova
Matthieu Pigasse, le dirigeant
de la banque Lazard, par
ailleurs actionnaire du
Monde, a indiqué être candidat à la reprise de Radio
Nova, vendredi 30 janvier sur
BFM Business, soulignant
« des complémentarités évidentes » avec Les Inrocks,
dont il est propriétaire. M. Pigasse a expliqué vouloir faire
cette acquisition à titre personnel. Le patron d’Altice, Patrick Drahi, (NumericableSFR) et Marc Laufer, associés
au sein du nouveau groupe
de médias NewsCo Mag, « ont
regardé le dossier et fait une
offre » qui est toujours en
cours, a indiqué à l’AFP une
source proche du dossier. Les
actuels propriétaires de Radio
Nova chercheraient à obtenir
entre 15 et 20 millions
d’euros. – (AFP.)
© Thinkstock
T
out a commencé par
« un étrange e-mail », un
soir de 2012. Yanis Varoufakis, le nouveau ministre grec des finances, nommé
mardi 27 janvier par le premier
ministre, Alexis Tsipras, ouvre
machinalement un message envoyé par Gabe Newell, le président-directeur général (PDG) de
Valve, l’entreprise américaine qui
gère la plus grande plate-forme de
distribution de jeux vidéo dématérialisés, Steam. Lui dont la dernière partie de jeu vidéo « devait
être sur Space Invaders en 1981 ou
quelque chose du genre », comme
il l’a expliqué au magazine en ligne Reason. com en juin 2014.
Gabe Newell cherche à embaucher un économiste : la manière
dont Steam mêle économies virtuelle et réelle soulève de sérieuses
questions pour le fonctionnement de sa société. Dans de nombreux jeux créés ou distribués par
Valve, il existe des « économies parallèles », fonctionnant en circuit
semi-fermé : les joueurs peuvent
acheter, vendre, échanger des objets ou des tenues personnalisées.
NOUVEAU
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