Quand l`intelligence vient aux données
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Quand l`intelligence vient aux données
A ÉRO N A U T I Q U E • ES PA CE • TR A NS POR T TER R ES TR E • D ÉFENS E • S ÉC URITÉ « Fabriquer des organes humains en 3D ? À mon avis, ce n’est qu’une question de temps » Phill Dickens, professeur en technologie de fabrication au sein du groupe de recherche Fabrication additive à l’université de Nottingham 02 ANGÉNIEUX Pleins feux sur une entreprise aux objectifs ambitieux 14 LES BATAILLES DE L’ÉNERGIE Protéger les installations physiques, certes, mais quid des plateformes numériques ? 18 CHRONIQUES MARTIENNES La planète rouge détient-elle les secrets de nos origines ? Pr i n t e m p s 2 014 AU SOMMAIRE 02 18 24 »02 Angénieux sous les projecteurs »18 Chroniques martiennes »22 Le chaînon manquant Des blockbusters aux grands événements, les objectifs de ce fabricant connu dans le monde entier captent les moments forts de notre vie. Y a-t-il une vie sur Mars ? De nouveaux programmes sont sur le point de percer à jour les secrets de la planète rouge. Le tunnel du Saint-Gothard, dont l’ouverture est prévue en 2016, sera le plus long tunnel ferroviaire du monde. »08 Les drones : sans pilote mais irrésistibles Qu’ils volent au-dessus de nos têtes ou sillonnent le fond des océans, les drones occupent une place de plus en plus importante. » 10 Big Analytics Collecter des données est une chose, exploiter leur valeur potentielle en est une autre. De nouvelles technologies permettent de tirer pleinement parti du flot d’informations disponibles. »14 Les nouvelles batailles de l'énergie La sécurité pose de plus en plus de défis au secteur pétrolier. Quelle aide l’innovation technologique peut-elle lui apporter ? »24 La vie en 3D 14 La fabrication additive a réellement de quoi révolutionner notre monde de demain. »30 Les incubateurs Une idée n’est vraiment intéressante que si elle peut s’échapper de l’esprit de son inventeur. Comment lui donner des ailes ? » 3 4 Av i o n i q u e de haut vol Le cockpit du futur – Avionics 2020 – établit un nouveau standard en matière d’innovation aéronautique. »36 Thales et la Première Guerre mondiale Alors que le monde commémore le déclenchement de la guerre 1914-1918, nous rendons hommage aux pionniers et ingénieurs qui ont fait appel à la technologie pour changer le cours des événements. Directeur éditorial Keith Ryan Directeur de la création Nick Dixon Directeur de la publication Ian Gerrard Responsable de production Karen Gardner Traduction e-files Directrice conseil Tina Franz Directeur financier Rachel Stanhope. Publié par Caspian Media Ltd pour Thales. Les opinions exprimées n’engagent que leurs auteurs et ne sauraient en aucun cas engager la responsabilité de Thales ou de Caspian Media Ltd. Caspian Media Telephone 020 7045 7500 Email [email protected] Web www.caspianmedia.com 01 « Quel ingénieur ne rêve pas de créer un de ces ‘dream products’ qui élargira les champs du possible tout en captant une part de marché mondial importante et générera ainsi un chiffre d’affaires significatif ? » Q uel entrepreneur féru de science et de technologie ne porte pas en lui l’espoir de faire naître un de ces produits qui font rêver, non seulement parce qu’ils représentent d’innovation réussie repose sur trois piliers. Le premier et le plus évident est fondé sur l’acquis technologique, quand il existe. Le patrimoine scientifique et technique, la culture de l’innovation forment un socle solide sur lequel on Enfin, il faut entretenir un dialogue permanent avec le client. Être à son écoute, comprendre ses problématiques et ses besoins est la seule manière de mieux définir ce qui a de la valeur pour lui, et donc, in fine, de concevoir de meilleurs produits dont une avancée technologique, voire une rupture, mais aussi et surtout parce qu’ils correspondent à une attente ? Quel ingénieur ne rêve pas de créer un de ces « dream products » qui élargira les champs du possible tout en captant une part de marché mondial importante et générera ainsi un chiffre d’affaires significatif ? Le chemin à emprunter pour transformer cet espoir en réalité n’est sans doute pas le même s’agissant d’inventeurs individuels ou de grandes entreprises de haute technologie opérant à l’échelle mondiale. Les petites entreprises et les startups sont connues pour leur agilité, leur adaptabilité et souvent leur créativité. À l’autre extrême, les grands groupes sont capables de déployer des moyens importants, s’inscrire dans la durée et s’attaquer à des défis complexes et multiformes. Pour une entreprise comme Thales, le défi de l’innovation est de réussir la fusion des avantages des startups et des grands groupes. C’est pourquoi, je crois qu’une politique peut construire des différentiateurs technologiques. À deux conditions : la première est que la recherche menée au sein de ces grands groupes corresponde bien à un besoin du marché ; la seconde est que la politique de R & T soit conduite de manière collaborative avec le milieu académique de façon à avoir accès à des recherches plus fondamentales. Le partenariat avec des instituts de recherche au plus haut niveau permet, en outre, de développer des liens forts dans des pays où Thales entend se développer. Ensuite, il faut se tenir en état de veille permanente. Partout dans le monde, chaque jour, des milliers d’entrepreneurs enthousiastes créent des sociétés, inventent de nouveaux produits et services, transforment le marché, lancent des initiatives intéressantes. Pour anticiper les ruptures de demain, nous devons aussi nous rapprocher des startups et des PME, coopérer avec cet écosystème, être capables de détecter, parmi elles, les pépites susceptibles d’enrichir nos capacités. certains seront ces fameux « dream products ». C’est le sillon que nous continuons de creuser chez Thales en créant des « innovations hubs », structures d’innovation collaborative mêlant nouvelles méthodes de conception, simulations multi-échelles, visualisations adaptées afin de co-créer avec nos clients et les utilisateurs de nos solutions une offre différenciatrice. Marko Erman, Directeur technique, Thales Notre innovation en chiffres #1 mondial en gestion du trafic aérien. 80 % des transactions bancaires réalisées dans le monde sont sécurisées par Thales. 800 000 radios tactiques ont été vendues par Thales dans plus de 50 pays ces 30 dernières années. 02 INNOVATIONS : ANGÉNIEUX « L’innovation est au coeur de l’histoire de l’entreprise depuis toujours. Elle nous a rapporté beaucoup d’activité, et à un certain moment, nous produisions plus de 70 000 objectifs par an. » Pierre Andurand, président de Thales Angénieux En 1977, le président des États-Unis, Richard Nixon, était interviewé par le journaliste britannique David Frost. Cet entretien allait devenir le premier d’une longue série. La caméra qui enregistra ces émissions historiques était équipée d’objectifs zoom 15x18 d’Angénieux. 03 En bref 1 Au cours de sa longue histoire, Angénieux a produit les objectifs qui ont saisi certains des moments les plus importants de l’histoire contemporaine. 2 L’innovation est essentielle pour répondre aux défis d’une industrie en évolution rapide. 3 À l’avenir, Angénieux continuera à innover en se concentrant sur la télédiffusion 3D en direct. Angénieux sous les projecteurs Des blockbusters des studios de cinéma aux grands événements contemporains, les objectifs de ce fabricant connu dans le monde entier captent les moments forts de notre histoire collective. Christian Doherty Combien d’entreprises industrielles peuventelles se vanter d’avoir décroché un Oscar ? C’est pourtant bien un Oscar d’honneur que le fabricant français d’objectifs Angénieux a obtenu en 1989, pour sa contribution à l’industrie cinématographique. La statuette a été remise à Pierre Angénieux, le fondateur de la société, en reconnaissance des réalisations techniques impressionnantes qui jalonnent son histoire depuis 1935 et jusqu’aux plateaux de cinéma d’aujourd’hui. Il ne s’agit pas de la seule distinction que le monde du cinéma a décernée à Angénieux : en 2009, le bureau d’études de la société a obtenu un Oscar scientifique et technique récompensant la conception mécanique des objectifs compacts Optimo 15-40 mm et 28-76 mm, sans oublier un Emmy Award reçu en 2005. Depuis des dizaines d’années, les grands cinéastes du monde entier tiennent à utiliser les objectifs Angénieux et la société fait toujours référence en matière de technologie des optiques. 04 INNOVATIONS : ANGÉNIEUX « ... Si l’on veut vraiment innover... on essaie dix choses et il y en aura peut-être deux ou trois seulement qui réussiront, mais c’est de ces succès que viendront les vraies percées technologiques. » Pierre Andurand, président de Thales Angénieux Précision et exactitude (de gauche à droite) : les objectifs Angénieux subissent des contrôles rigoureux du début à la fin de la production ; la première usine Angénieux à Saint-Héand. L’innovation est fondamentale Pierre Andurand, président de Thales Angénieux, veille au juste équilibre entre l’excellence dans les secteurs traditionnels (les objectifs) et le développement de nouvelles technologies, en particulier pour la défense (systèmes de vision) et la télédiffusion 3D. « L’innovation est au cœur de notre histoire depuis toujours, explique-t-il. Elle nous a rapporté beaucoup d’activité, et à un certain moment, nous produisions plus de 70 000 objectifs par an, un volume énorme pour une société relativement petite. » Angénieux s’est depuis diversifié vers les marchés de la défense, de l’aéronautique et du spatial, en particulier après son acquisition par Thales en 1993. Depuis le siège, près de Lyon, Pierre Andurand dirige l’une des sociétés les plus innovantes de France. « Nous ne travaillons pas seulement selon la technologie disponible, mais surtout en fonction des besoins du marché », souligne-t-il. Sa société examine l’orientation de ses principaux marchés et détermine la manière de s’y adapter en tirant un meilleur parti des évolutions technologiques récentes. « Nous maintenons notre expertise technique à un très haut niveau, sans jamais perdre de vue l’intérêt de nos clients. » Pierre Andurand souligne qu’une entreprise comme Angénieux ne peut rester à la pointe qu’en nouant des partenariats avec des sociétés similaires : « Nous essayons de travailler dans un réseau d’entreprises proches par la taille et faisant un travail complémentaire, explique-t-il. Nous pouvons ainsi utiliser la technologie là où nous la trouvons, car nous ne pouvons pas, à nous seuls, tout développer. » Le cœur d’une PME Même avec toutes ses récompenses et son statut de leader dans son secteur, Angénieux reste au fond, selon son dirigeant, une PME axée sur l’innovation. Cette attitude demande autant de courage que de dévouement : « Il est vrai que lorsque nous avons lancé certains projets, nous savions que nous prenions des risques, reconnaît Pierre Andurand. Mais si l’on veut vraiment innover, il faut parfois accepter l’échec. Sur dix choses que l’on essaie, il y en aura peut-être deux ou trois seulement qui réussiront, mais c’est de ces succès que viendront les vraies percées technologiques. » Angénieux consacre généralement 15 à 20 % de son budget de R&D à des projets complètement innovants : « Nous disons à nos collaborateurs : vous êtes libres d’innover, allez-y ! Au bout d’un moment, nous regardons ce que ça donne et si le potentiel de marché se confirme, nous soutenons le projet. » Et de citer, sur les dix dernières années, plusieurs exemples pour lesquels Angénieux a cherché des 05 Un grand pas pour l'humanité... et pour Angénieux Le 20 juillet 1969, Angénieux participe à l’une des aventures les plus extraordinaires de l’histoire humaine, permettant par la même occasion à des millions de personnes de vivre ce moment exceptionnel : ce jour-là, un homme pose pour la première fois le pied sur la Lune. Le matériel embarqué pour immortaliser ce moment, dont les images ont fait le tour du monde, est équipé d’objectifs Angénieux. La société a développé un zoom spécial, adapté aux conditions très particulières de la mission : petit, léger, facile à utiliser. L’objectif 6 x 12,5 a été transformé en 6 x 25 pour être compatible avec la caméra Westinghouse à capteur de 25 mm équipant les missions Apollo X, XI et XII. Il est aussi équipé d’une lubrification mécanique innovante car un lubrifiant ordinaire se vaporiserait et déposerait un fin brouillard sur les lentilles. Il a aussi fallu trouver une nouvelle manière de traiter les surfaces des optiques tout en protégeant le matériel des rayons du soleil. Les images ainsi obtenues restent parmi les plus emblématiques de notre histoire collective. 06 INNOVATIONS : ANGÉNIEUX L’importance d’Angénieux au cinéma est indéniable, des classiques tels qu’Easy Rider en 1969 (à droite) aux créations actuelles de Hollywood, et aussi de Bollywood (à droite et aussi ci-dessous). L’entreprise impose aujourd’hui sa marque dans la télédiffusion en « 3D live », grâce à son système AB One (à droite, en bas) qui enrichit encore les possibilités d’innovation futures. « Nous disons à nos collaborateurs : vous êtes libres d’innover, allez-y ! » « Cela a été très fructueux, commente Pierre Andurand. En règle générale, il s’agit de projets sur trois ans, d’une valeur d’environ 10 millions d’euros. Nous profitons du financement et l’un des projets lancés en 2009 nous a aidés à développer une nouvelle gamme de matériel 3D. » Pierre Andurand, Thales Angénieux partenaires afin de mieux répartir les risques et de se procurer des compétences et connaissances complémentaires. « Cela nous a bien réussi, car nous avons ainsi eu la possibilité de trouver et de développer de nouvelles technologies, se félicite-t-il. Nous avons une très bonne expérience en la matière, et le système du Pacte PME nous a aidés. » Le Pacte PME a été mis en place en 2005 par le gouvernement français pour développer des groupements d’entreprises dans certains domaines, en incitant les grandes sociétés à travailler avec les PME innovantes. Il existe une vingtaine de ces groupements en France, et Angénieux y participe avec enthousiasme. En retour, la société a reçu des subventions pour ses projets en collaboration avec d’autres PME, des laboratoires locaux ou des établissements d’enseignement supérieur. Esprit multidimensionnel Pour Pierre Andurand, le passage à la 3D offre à Angénieux une autre piste à explorer pour rester à la pointe de la technologie optique. « Depuis quelques années, nous préparons le lancement d’un nouveau système de tournage en 3D pour la télévision, avec des optiques et servomécanismes commandés à distance, directement depuis le camion de production, et des aides stéréographiques. C’est un gros développement pour nous, qui n’est possible que grâce à des partenariats. » Angénieux travaille avec de nombreux partenaires sur ce projet, notamment Binocle 3D, selon un accord qui lui permet de développer et de réaliser des systèmes complets d’acquisition de films 3D « en direct live ». Tout en travaillant sur les spécifications techniques de ce nouveau système, les ingénieurs d’Angénieux ont mis à profit leur compréhension des besoins du client pour affiner l’ergonomie des produits. Pour Pierre Andurand, cela témoigne du travail intensif qui a été consacré à ce qui sera le principal facteur de différenciation de la société. « Ce nouveau système de télédiffusion 3D doit être adapté aux utilisateurs, alors nous essayons de faire en sorte qu’il soit aussi facile à utiliser que possible. Souvent, l’innovation est seulement concentrée sur la technologie, mais nous avons fait de l’expérience de l’utilisateur le paramètre central de notre travail. » Cela sera, selon lui, un élément essentiel pour faire entrer la TV 3D dans les mœurs. Diffuseurs, producteurs et spectateurs doivent être 07 « ... Nous devons nous aligner sur les nouveaux standards. Et pour cela, nous devons rester concentrés sur l’innovation afin de garder notre avance. » Pierre Andurand, Thales Angénieux convaincus que les déceptions nées de la 3D appartiennent au passé. « La 3D, ce n’est pas nouveau. De nombreuses sociétés l’utilisent déjà au cinéma, dans des films comme Avatar et Gravity, et aussi à la télévision. Mais il faut reconnaître qu’il y a eu de très mauvaises productions, qui ont déçu beaucoup de gens. Depuis quelques années, on fait tout un brassage à propos de la 3D, et pourtant le public est encore souvent assez dépité. » Cette déception est pour lui le résultat de nombreux facteurs allant d’une stéréographie mal conçue au manque de confort des lunettes 3D. Pierre Andurand se dit certain que cela va changer : « Nous avons une vision différente de ce qui est possible. Le potentiel de la télédiffusion 3D est énorme. Pour devenir leader de cette technologie, une société de production devra utiliser le meilleur équipement disponible, celui que nous sommes en train de développer et de simplifier. Ensuite, il y a la diffusion proprement dite, pour que les gens puissent regarder la TV 3D chez eux sans devoir porter de lunettes, par exemple. Cela ne fait pas partie du travail d’Angénieux, mais la technologie devrait être très prochainement disponible. » La demande existe, notamment en Chine, en Russie ou encore au Moyen Orient. « Nous devons être prêts, avec une nouvelle solution pour le marché, et nous avons l’occasion de le faire aujourd’hui, dans le monde entier, grâce au soutien apporté par Thales à Angénieux. » Scénario idéal Pour ces marchés, évidemment, la 3D sera boostée par des contenus enrichis qui changeront la donne. Pierre Andurand espère profiter de certains événements pour montrer ce que peut donner la TV 3D à la maison : « Nous essayons, par exemple, de convaincre les chaînes chinoises de couvrir les Jeux Asiatiques de cette année avec du matériel 3D. Ce serait le scénario idéal pour cette technologie nouvelle et innovante. » À l’arrière-plan, il y a les fabricants japonais, qui restent certainement la force la plus importante sur le marché mondial des technologies pour la télévision et qui injectent déjà cette technologie dans leurs appareils. Même scénario en Corée du Sud. « Cela signifie que nous devons nous aligner sur les nouveaux standards. Nous devons rester concentrés sur l’innovation pour rester en tête et devancer les développements technologiques du Japon et de la Corée. C’est intéressant, parce qu’au moment où nous sommes sur les talons des Japonais, eux tentent d’imposer un nouveau standard très contraignant, appelé 4k. Pour être réalistes, nous ne pourrons probablement pas nous aligner sur ce nouveau standard avant 2025, et il sera difficile de rester dans la course. Mais la technologie que nous développons pour le milieu très exigeant du cinéma nous permettra d’y parvenir. » Faire aussi bien que les meilleurs, et mieux encore : la recette a bien réussi à l’entreprise depuis quatre-vingts ans, et rien n’indique qu’Angénieux doive bientôt perdre son avance. 08 INNOVATIONS : LES DRONES Sans pilote mais irrésistibles 5,2 DES ACTEURS MONDIAUX Les drones connaissent aujourd’hui une croissance remarquable, tant dans les airs que sous l’eau. La majeure partie de ce dynamisme est à mettre à l’actif de l’industrie de défense américaine : les drones sont dans leur grande majorité déployés à des fins militaires. Mais leur utilisation dans le secteur civil est elle aussi en pleine expansion, avec les missions de sécurité urbaine ou, dans certains pays, la chasse aux tornades. Si l’espace aérien contrôlé des États-Unis s’ouvre effectivement (la FAA devrait introduire une nouvelle réglementation en 2015), le marché commercial pourrait supplanter la demande du secteur militaire. Les drones navals enregistrent le même taux de progression. Ils pourraient eux aussi remplacer les systèmes conventionnels. À l’instar des drones aériens, ils réduisent les risques de pertes humaines et constituent un apport majeur pour l’efficacité des opérations. milliards de dollars Valeur totale estimée du marché annuel mondial, qui devrait atteindre 11,6 milliards de dollars dans les dix prochaines années, soit un total de plus de 89 milliards de dollars. PRINCIPAUX ACTEURS SUR LE MARCHÉ DES DRONES : : Northrop ·Etats-Unis Grumman et General Atomics : Israel Aerospace ·Israël Industries et Elbit Systems : Thales, EADS, ·Europe Finmeccanica et BAE Systems ENVIRONNEMENT URBAIN Applications civiles Les technologies de drones s’appliquent déjà à des domaines très variés – surveillance des tornades aux États-Unis, sécurité urbaine de la ville de Mexico, livraisons de documents importants dans les Émirats Arabes Unis, opérations de recherche au Canada. EN MER 676,14 millions de dollars Valeur estimée du marché mondial des drones navals à l’horizon 2017. 09 EN CHIFFRES 4 000 ETATS-UNIS : ISRAËL : AFRIQUE : 57 des dépenses mondiales de R & D sur les drones proviendront des États-Unis dans les dix prochaines années. vend ses systèmes à 49 pays. C’est le 2e fabricant mondial de drones et le premier exportateur : 150 M$ en 2008 ; 979 M$ pour la seule année 2010. 22 % de croissance annuelle sont attendus en Afrique dans les cinq prochaines années sur le marché des drones pour la sécurité des frontières. EUROPE : ASIE : 400 drones pour applications civiles sont actuellement développés dans l’Union européenne. 27 % de croissance annuelle sont attendus en Asie dans les cinq prochaines années sur le marché des drones pour la sécurité des frontières. drones sont actuellement en service dans le monde. pays ont des activités de fabrication de drones. 270 entreprises ont fabriqué plus de 960 types de drones. 65 % 51 % des drones seront acquis par les États-Unis. 7 500 drones commerciaux de petite taille devraient voler aux États-Unis dans les cinq prochaines années. DANS LES AIRS 54 systèmes de drones Watchkeeper de Thales ont été commandés par l’armée de terre britannique, ce qui en fait le plus important programme européen de surveillance du champ de bataille. Le Watchkeeper est aussi le seul drone à bénéficier d’une certification lui permettant d’évoluer dans l’espace aérien européen. 13 constructeurs européens composent le consortium MIDCAS initié par l’Agence européenne de défense pour établir une feuille de route prévoyant les modalités d’intégration des drones dans l’espace aérien européen. MIDCAS contribuera à définir les normes de navigation, d’intégration du contrôle du trafic aérien et d’évitement des collisions. Dans l’immense espace maritime, les drones de surface et les drones sous-marins autonomes offrent de multiples applications civiles et militaires – océanographie, forages offshore, exploration pétrolière, sécurité des installations portuaires, sécurité maritime, lutte anti-sous-marine et guerre des mines. 30 000 heures de vol ont été cumulées jusqu’en avril 2010 par les drones déployés en Irak et en Afghanistan. 10 INNOVATIONS : BIG ANALYTICS En bref 1 Si l’histoire du Big Data passionne, le Big Analytics (ou « broyage de données ») offre des perspectives fabuleuses. 2 Quand l'intelligence vient aux données 3 Cette analyse des masses de données en circulation aura sur l’industrie des répercussions encore insoupçonnées. Transport, droit, assurance, santé, le Big Data concerne tous les domaines imaginables. Ces volumes massifs de données ne seraient rien cependant sans l’analyse qui en est faite et qui leur confère tout leur sens. John Coutts La Commission européenne s’est engagée à développer l’économie du Big Data. La Direction Générale des réseaux de communication, du contenu et des technologies (DG CONNECT) voit dans la gestion intelligente de l’information et le Big Data des moyens essentiels d’accroître la compétitivité européenne. Neelie Kroes, vice-présidente de la Commission européenne chargée de l’Agenda numérique, expliquait lors de la conférence organisée sur le sujet à Bruxelles en 2013 : « Les possibilités offertes sont gigantesques. Le Big Data peut révolutionner la façon dont nous prenons nos décisions et résoudre à moindre frais de multiples problèmes, notamment pour optimiser la production et gérer les soins de santé ou les ressources en général. » Le torrent d’informations que génèrent presque chaque être humain et chaque machine sur la planète – des tweets à la vidéosurveillance en passant par les satellites et les capteurs de trafic – recèle un potentiel incroyable. Mais traiter le Big Data implique de relever des défis majeurs. Tout d’abord, même si une large part des référentiels contient encore des données structurées, les données collectées et stockées sont de plus en plus dénuées de structure, de sorte qu’il devient difficile d’appliquer des méthodes d’analyse classiques. Ensuite, il y en a beaucoup. Personne ne sait exactement combien, mais on estime que 90 % des données existantes ont été générées au cours des deux dernières années. La vitesse aussi complique le processus – une masse conséquente de Big Data est générée en temps réel, souvent trop importante pour être stockée. La question de la véracité se pose également : comment évaluer la qualité de volumes exorbitants de données non structurées ? Ces données sont-elles fiables ? À l’aube du Big Analytics Face à l’évolution du paysage de données, les analystes développent tout un arsenal d’outils et de techniques afin Des outils adaptés sont indispensables pour surmonter le bruit et déterminer les connexions et relations sous-jacentes – qui pourraient se révéler très précieuses. 11 12 INNOVATIONS : BIG ANALYTICS « Nous traitons aujourd’hui des quantités faramineuses d’informations, et il n’est pas toujours immédiatement possible de dire si une information est vraie ou non. » exemple, compte environ 1,3 milliard d’utilisateurs actifs, contre quelque 620 millions sur Twitter. Sur le plan analytique, chaque utilisateur est considéré comme un « nœud », et le grande base comprenant de nombreuses lignes et colonnes, rappelle Jean-François Marcotorchino, vice-président et directeur scientifique de Thales Communications & Security. Or, le mode de stockage des données évolue et nous devons réinventer la gestion de tout le processus pour traiter les données directement, en procédant à de nouveaux calculs. Il convient par exemple en priorité de ‘paralléliser’ et de ‘linéariser’ les codes d’exploration des données existantes et à venir, sans parler des nouvelles architectures de stockage comme NoSQL que développent les grands acteurs de services en ligne : Google, Amazon, Facebook, etc. » Ces techniques de traitement avancées et le Big Analytics (ou « broyage des données ») entrouvrent des voies inédites. L’un d’elles concerne l’analyse des réseaux sociaux, parmi lesquels Twitter et Facebook, à l’aide de techniques de calcul. Les données graphiques que produisent ces réseaux sont d’autant plus précieuses qu’elles révèlent des corrélations, à grande échelle, entre le temps, le lieu, l’identité et le contenu, par exemple des mots clés. Mais rechercher des modèles dans un océan de données n’est pas chose aisée. Facebook, par nombre de liens entre ces nœuds – ou ces utilisateurs – se compte en dizaines de milliards. Une première étape consiste donc à simplifier tout cela jusqu’à atteindre une complexité gérable. « Nous commençons par identifier des communautés. Les outils que nous mettons au point, par exemple au sein du CeNTAI, notre Centre des nouvelles technologies d’analyse de l’information, nous aident à détecter les liens entre les gens sans qu’il soit nécessaire d’analyser les contenus ou les commentaires spécifiques, explique Jean-François Marcotorchino. Dans un deuxième temps, nous sélectionnons les mots clés échangés entre les nœuds pour repérer les communautés recherchées. Puis nous examinons la sémantique employée et pouvons alors mieux cerner ce qui occupe réellement ces gens. » Associer ainsi Big Data et Big Analytics permet de faire des prédictions et de discerner des tendances qui, sinon, passeraient inaperçues. La police figure parmi les principaux acteurs pour lesquels cette approche revêt un intérêt particulier. Il devient en effet possible d’observer divers comportements, qu’il s’agisse de terrorisme, de troubles de l’ordre public ou encore de fraude. 32 d’interagir avec de grands ensembles, complexes, de données et d’en tirer des résultats et des enseignements. « Du temps de l’exploration de données, on gérait une milliards de dollars Jean-François Marcotorchino, vice-président et directeur scientifique, Thales Communications & Security Selon les analystes d’IDC, le secteur du Big Data devrait représenter plus de 32 milliards de dollars en 2017, à raison d’une croissance annuelle de 27 % Cruciale question de confiance En plus de renforcer la sécurité publique, le Big Analytics pourrait aussi bientôt aider les entreprises à protéger leur réputation. Les mauvaises nouvelles – parfois créées de toutes pièces à dessein – se répandent vite sur les réseaux sociaux. Il est donc indispensable pour les entreprises de disposer d’outils à même de limiter tout dommage potentiel, en suivant les commentaires des consommateurs et en réagissant rapidement dès que la situation s’envenime. Jean-François Marcotorchino souligne ainsi : « Les rumeurs colportées sur le net peuvent nuire considérablement aux entreprises, surtout dans la mesure où la contagion repose sur l’immédiateté et la vitesse de transfert des données. » Et d’ajouter : « Nous avons en projet, pour les entreprises, des applications spécifiques fondées sur l’analyse des rumeurs. » Étant donné le volume colossal de données facilement accessible, il n’est pas très étonnant que la fiabilité des données apparaisse comme une nouvelle frontière. Les données non structurées servent en effet de plus en plus à des applications critiques – notamment dans la finance, pour la détection des fraudes et le maintien de l’ordre en général. D’où l’importance croissante de savoir sonder la véracité des données. « Nous traitons aujourd’hui des quantités faramineuses « Nous devons investir dans le Big Analytics » L'analyse dans les villes intelligentes La mobilité urbaine est un domaine où le Big Analytics pourrait bientôt avoir un très grand impact. Les organismes chargés des transports publics et les opérateurs eux-mêmes accumulent d’énormes masses de données, dont l’essentiel est généré par les cartes de transport intelligentes. Les systèmes de billettique déployés par Thales par exemple sont installés dans 100 villes dans le monde et traitent chaque jour plus de 50 millions de d’informations, et il n’est pas toujours immédiatement possible de dire si une information est vraie ou non, poursuit Jean-François Marcotorchino. En ce sens, la confiance est cruciale : les gens n’ayant pas toujours le temps de tout vérifier, ils ont besoin de réponses simples, d’un oui ou d’un non. S’ils bénéficient d’une analyse automatique croisée à partir de différentes bases de données, imaginez les avantages potentiels. Ils pourraient toutefois aussi recourir à la loi des grands nombres via le crowdsourcing, autrement dit aux avis ou informations issus simultanément d’un nombre important de personnes. » Avancer vers la vérité Tout l’art d’exploiter au maximum de vastes ensembles de données consiste à savoir quel volume – faible ou non – il convient d’analyser pour atteindre l’objectif fixé. Une entreprise ayant déjà segmenté sa clientèle, par exemple, peut disposer de suffisamment d’éléments sur ses habitudes d’achat pour définir une campagne marketing efficace sans avoir à tout reprendre depuis le début. Un grand échantillonnage peut suffire. « Si vous connaissez en amont la population visée, il n’est pas nécessaire de traiter toute la base de données afin d’analyser, potentiellement, des millions de lignes de données, précise Jean-François Marcotorchino. Vous devez simplement traiter un grand échantillon d’environ 100 000 clients dont vous avez le profil complet. » Les approches analytiques peuvent aussi servir à influencer les données générées et contribuer à éliminer les informations en excédent ou non pertinentes. Les enquêtes de satisfaction constituent un exemple typique. Dans le cadre d’une enquête classique, chaque participant répond aux mêmes questions. Or, les enquêtes de ce type prennent du temps à mettre en place, et un grand nombre de questions est nécessaire pour permettre une transactions. Pourtant, seule une fraction du potentiel de ces données est exploitée. Les approches de Big Analytics sont la clé qui permettra de tirer meilleur parti encore des informations existantes et d’ouvrir les portes d’un futur plus interconnecté que jamais, en comprenant mieux le comportement et le flux des passagers ainsi que la façon dont les voyageurs utilisent infrastructures et équipements. analyse réellement approfondie. Les entreprises sont également confrontées à la lassitude des participants, qui cliquent alors « sans opinion » des dizaines de fois – ou ne répondent pas du tout à l’enquête. Les méthodes d’enquête dynamique appliquent les techniques analytiques afin d’éviter toute ambivalence dans les réponses et de savoir ce que les clients pensent vraiment. Développée en collaboration avec un autre acteur, la solution de Thales visant à sonder les passagers des compagnies aériennes s’appuie sur des techniques de logique et de ramification très fiables, qui prennent en compte une multitude de réponses déjà formulées. Les enquêtes sont réalisées à l’aide de tablettes, et la solution en question inclut des outils de reporting sophistiqués dont des tableaux croisés, la segmentation des données et le Trending. C’est là un moyen pour les compagnies aériennes d’accroître leurs revenus et de fidéliser leurs clients en répondant à leurs besoins réels. Ces solutions montrent combien des analyses innovantes améliorent l’efficacité et la compétitivité. Les organismes de tous types peuvent bénéficier de la révolution analytique, que ce soit les organes de police cherchant à mieux détecter les infractions, ou les banques et les assurances luttant contre la fraude. Dans ce domaine, l’expertise européenne s’impose toujours plus. « Nous devons investir dans le Big Analytics, pas dans le Big Data en lui-même, insiste Jean-François Marcotorchino. L’Europe ne jouit pas de toute l’expertise des États-Unis en matière d’architecture de base de données. Mais pour le Big Analytics, il en va autrement. Grâce à des universités comme Paris VI en France et l’Imperial College au Royaume-Uni, nous sommes au même niveau que le MIT ou Stanford et faisons parfois mieux encore. L’Europe a le potentiel nécessaire pour très bien se positionner dans ce domaine. » 14 INNOVATIONS : INDUSTRIE PÉTROLIÈRE Il a fallu près d’un an pour éteindre les plus de 600 puits de pétrole koweitiens auxquelles les forces irakiennes en déroute ont mis le feu lors la première guerre du Golfe, en 1991. La sécurité mobilise les énergies Protéger les infrastructures pétrolières n’est pas tâche facile. Encore moins quand elles deviennent virtuelles. ©Sebastião Salgado/Amazonas/nbpictures John Coutts Sebastião Salgado Selon un rapport récent d’Exxon Mobil intitulé Outlook for Energy: A View to 2040, le pétrole, le gaz et le charbon représenteront encore « environ 80 % de la consommation totale d’énergie en 2040 ». Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que les opérateurs déploient des efforts colossaux pour découvrir de nouvelles réserves et trouver de nouveaux moyens d’extraire encore plus des gisements existants. Le rythme effréné auquel évolue le monde ne fait qu’accentuer la pression. « La demande croît en raison de l’évolution démographique, de l’expansion économique et de l’urbanisation qui entraînent, en particulier, de nouveaux besoins en matière de transports, de production industrielle et d’électricité », explique Arnaud Rimokh, business development manager chez Thales. Selon une étude de l’Agence internationale de l’énergie, le monde devra investir 16 billions de dollars – soit 1 % du produit intérieur brut mondial – au cours des trois prochaines décennies pour maintenir le niveau actuel des approvisionnements en énergie. « C’est pourquoi le secteur investit dans le champ pétrolier numérique, car l’exploration et la production deviennent de plus en plus complexes », déclare Arnaud Rimokh. Au Sommet sur les champs pétroliers numériques qui s’est tenu en 2013 au RoyaumeUni, on a estimé que les dépenses totales en amont dépasseront 700 milliards de dollars en 2013. La valeur totale du champ pétrolier numérique devrait dépasser les 200 milliards de dollars d’ici à 2015, soit 40 % de plus qu’en 2012. Le champ pétrolier numérique est l’intégration d’un énorme flux de données en temps réel, de capacités analytiques et de technologies de l’information évolutives. Il améliore radicalement l’efficacité des En bref 1 La sécurité a toujours été une priorité absolue pour les compagnies pétrolières. Mais de nouveaux défis technologiques se font jour. 2 L’apparition du champ pétrolier numérique oblige désormais à protéger les infrastructures virtuelles au même titre que les infrastructures physiques. 3 Les progrès de la technologie aident l’industrie à se protéger, alors que même celle-ci devient de plus en plus vulnérable. opérations et aide les opérateurs à combler le fossé entre les activités amont et aval. Mais, en même temps, il suscite de nouvelles inquiétudes concernant la sécurité et la résilience des infrastructures, car les systèmes sont de plus en plus interconnectés. Du fait que l’exploration et la production exigent de plus en plus de technologie et de capitaux, la sécurité intégrée devient une nécessité plus impérieuse que jamais. Évolution des enjeux de sécurité Outre les menaces classiques (intrusion non autorisée, vol et vandalisme sur les infrastructures physiques), le secteur du pétrole et du gaz doit aujourd’hui se prémunir contre un nombre croissant de menaces non conventionnelles, notamment le terrorisme, le crime organisé et les cyberattaques. Les difficultés rencontrées sont aggravées par le fait que le pétrole et le gaz sont produits dans des environnements de plus en plus reculés et rudes : des pays et territoires où non seulement le travail est éprouvant sur le plan physique, mais où les risques politiques inhérents à l’activité sont importants. Les infrastructures sont aujourd’hui plus nombreuses et extrêmement éparpillées, donc plus difficiles à protéger. Le réseau mondial de pipelines, par exemple, s’étend actuellement sur plus de trois millions de kilomètres. Si les infrastructures restent un des principaux points faibles, les récents changements de tactique des terroristes imposent aussi de mieux protéger les salariés du secteur. On l’a vu avec l’attaque terroriste de janvier 2013 sur le site d’exploitation gazière d’In Amenas, en Algérie, investi par des terroristes qui ont pris en otages des employés et des civils. « Il faut protéger non seulement les infrastructures fixes mais aussi le personnel employé par les compagnies pétrolières », constate Jean-Pierre Vidal, responsable de la ligne de produits Solutions pour la protection des infrastructures critiques chez Thales. « C’est une évolution récente qui génère de nouveaux risques. » 16 INNOVATIONS : INDUSTRIE PÉTROLIÈRE « L’objectif est de fournir à l’opérateur une vision globale de toutes les infrastructures et d’apporter la réponse la plus efficace. » Jean-Pierre Vidal, responsable de la ligne de produits Solutions de protection des infrastructures critiques chez Thales Les atteintes criminelles aux infrastructures posent un problème différent. Le soutirage illégal (le fait de ponctionner un pipeline pour soutirer du pétrole) en est un bon exemple : dans certains pays, il est pratiqué à grande échelle. Or, non seulement d’organismes extérieurs comme les services d’urgence ou les forces gouvernementales. Devant la multiplication des menaces, les opérateurs s’intéressent de plus en plus aux solutions de sécurité qui protègent non pas un, mais plusieurs sites disséminés à travers le vol de pétrole prive l’opérateur de revenus, mais il peut aussi avoir des conséquences catastrophiques : explosions, pertes de vies humaines, dommages environnementaux. Il est dans de nombreux cas lié au crime organisé, avec revente du pétrole volé sur les marchés internationaux. Outre les attaques physiques, les compagnies de pétrole et de gaz sont également vulnérables aux cyberattaques. Ces dernières visent les systèmes informatiques existants, en particulier les systèmes de sécurité. Le sabotage électronique cible aussi les systèmes de contrôle industriel qui supervisent et surveillent les infrastructures clés, telles que les vannes et les pompes. une région ou un pays. « Notre approche consiste à utiliser des données en temps réel pour aider les opérateurs à prendre les meilleures décisions Continuité et réactivité Le secteur pétrolier a plusieurs besoins spécifiques en matière de sécurité. Le premier est de garantir la continuité de l’activité. La production est une affaire de process présentant un niveau élevé d’interdépendance : un seul incident peut avoir des répercussions sur la totalité de la ligne de production. C’est pourquoi il est essentiel d’identifier chaque maillon faible et de protéger toute infrastructure vulnérable. Deuxièmement, si les choses tournent mal, il faut que les opérateurs puissent intervenir rapidement et de façon coordonnée. Pour gérer efficacement la crise, il faut un système de contrôle-commande capable de produire une évaluation de la situation commune et exploitable : une vision globale qui peut être partagée et qui permet d’agir. C’est absolument vital, en particulier en cas d’accident majeur nécessitant l’intervention non seulement du personnel de sécurité de la compagnie, mais aussi Le pétrole en marche Couvrant les quelque 1 000 km qui séparent la côte méditerranéenne de l’Allemagne, le pipeline sudeuropéen est l’une des artères économiques clés de l’Europe. La solution de contrôle et de supervision développée par Thales pour l’opérateur, la Société du Pipeline Sud-Européen (SPSE), assure 24h/24 le bon fonctionnement des infrastructures. Basée sur la plateforme de supervision modulaire et ergonomique SCADAsoft (Supervisory Control and Data Acquisition) de Thales, elle gère les mises en sécurité du pipeline et du terminal maritime. Spécialement adaptée aux spécificités du stockage et du transport de produits pétroliers, elle permet aux opérateurs de contrôler et de commander les différents équipements pour garantir les objectifs de livraison du pétrole vers les stations de pompage, vannes de lignes et terminaux de livraisons. et à anticiper les risques et les problèmes, explique Arnaud Rimokh. Cela nécessite la mise en place de capteurs sur les sites, de communications haut débit et de techniques pour exploiter, contrôler et filtrer les données. Maîtriser cette complexité est la vocation première des solutions que nous proposons. » Thales est présent depuis longtemps sur le marché de la sécurité des sites pétroliers et gaziers, avec des références qui remontent à plus de vingt ans. Sa capacité à déployer des solutions complexes à grande échelle s’appuie également sur une expertise reconnue dans trois autres domaines : les télécommunications, l’intégration des systèmes d’information critiques et la cybersécurité, notamment dans les contextes militaires difficiles. Pour construire la solution optimale, il faut commencer par évaluer toutes les infrastructures du client. « Dans le cas d’un pipeline, cela signifie évaluer avec l’opérateur le niveau de menace, l’environnement physique, l’impact des activités humaines sur la totalité du trajet du pipeline et le risque politique », précise Jean-Pierre Vidal. Chaque infrastructure est différente, c’est pourquoi les solutions sont développées sur mesure. « Nous adoptons une approche multi-capteurs, ajoute-t-il. Elle consiste à implanter des capteurs à fibre optique sur toute la longueur du pipeline et à utiliser un radar et des caméras à longue portée. Nous pouvons également déployer des capteurs mobiles, avec des caméras montées sur des véhicules ou des drones. Le plus important 17 Si les infrastructures physiques peuvent être des cibles tentantes, comme l’a montré l’attaque perpétrée en janvier 2013 contre le site d’exploitation gazière d’In Amenas, en Algérie, elles ne sont toutefois pas le seul point vulnérable. est d’identifier la combinaison optimale de capteurs et d’adapter la solution à la situation. » Ce qui différencie l’offre et les compétences de Thales sur ce marché, c’est sa capacité unique à construire et exploiter des drones et des satellites, des moyens dont il est difficile d’altérer le fonctionnement. « Il est facile de sectionner un câble, commente Jean-Pierre Vidal. Un satellite élimine ce risque et permet, en même temps, de suivre facilement votre impact sur l’environnement. » Prendre le contrôle La surveillance des installations technologiques n’est qu’un aspect de la sécurité. Les capteurs utilisés pour la surveillance, les systèmes de détection, le contrôle d’accès et la protection périmétrique génèrent d’énormes volumes de données. Pour en tirer des informations utiles, il faut un système intelligent de gestion, de traitement et d’interprétation. Les centres de commandement et de contrôle ont pour tâche de donner un sens au flot de données et d’alarmes générées en cas de crise, en réduisant la surcharge informationnelle et en présentant aux opérateurs uniquement les données les plus importantes et les plus utiles. « L’objectif est de fournir à l’opérateur une vision globale de toutes les infrastructures et d’apporter la réponse la plus efficace, explique Jean-Pierre Vidal. Pendant la phase de spécification de chaque programme, nous évaluons les différents types de crise qui peuvent survenir. Pour chaque incident, nous élaborons une réponse standard qui respecte les procédures opérationnelles de l’entreprise concernée. » En cas de crise, les équipes de commandement et de contrôle peuvent, d’un clic de souris, accéder aux outils d’aide à la décision. Ceux-ci fournissent des instructions pas à pas sur les mesures à prendre en temps voulu, les processus clés étant automatisés pour gagner un temps précieux. « Il s’agit d’aider les opérateurs à réagir efficacement dans une situation de crise », résume Jean-Pierre Vidal. Les outils de communication et de collaboration jouent un rôle essentiel. En cas d’incident, les opérateurs doivent pouvoir coordonner leurs propres forces de sécurité. En cas d’attaque grave, ils doivent pouvoir également partager l’information avec les forces de sécurité gouvernementales. L’infrastructure de commandement et de contrôle de Thales permet de le faire facilement et rapidement. Des solutions de ce type ont déjà commencé à révolutionner la sécurité dans des secteurs critiques comme le pétrole et le gaz. Mais elles pourraient aussi améliorer l’efficacité des activités, permettant aux opérateurs de faire plus avec moins de ressources et de travailler en toute confiance dans n’importe quel environnement, aussi isolé ou risqué soit-il. « Quand nous parlons innovation, nous ne parlons pas seulement de sécurité, explique Arnaud Rimokh. Il s’agit d’utiliser notre expertise en matière de recherche et de technologie pour aider les compagnies de pétrole et de gaz à accroître leur production et à produire plus d’énergie. Cette combinaison de défis est le cœur de l’avenir du secteur ; il est par conséquent vital que nous jouions notre rôle, si nous voulons que nos approvisionnements énergétiques restent constants, sûrs et sécurisés pendant des années encore. » Protection en eaux profondes Leader mondial de la détection acoustique sous-marine, Thales fournit des sonars pour les sous-marins, les navires de surface, les avions et la guerre des mines. L’antenne acoustique à fibre optique, par exemple, peut être utilisée pour des applications de détection, de multiplexage et de transport. Ses principaux avantages sont une capacité d’interrogation à longue portée, l’utilisation en eau profonde, des antennes sous-marines compactes et robustes. Cette technologie permet d’améliorer les capacités de défense, comme c’est le cas du sonar sousmarin, mais pas seulement : d’autres domaines profiteront des avantages qu’elle offre, en particulier la surveillance et le contrôle maritime. Elle peut aussi être utilisée dans le secteur de l’exploitation pétrolière et gazière offshore pour des applications de surveillance des installations industrielles implantées au fond des océans. 18 INNOVATIONS : EXPLORATION SPATIALE Chroniques martiennes La planète rouge hante notre imagination depuis des siècles. Dans notre effort pour comprendre l’Univers et notre propre rôle, nous tendons vers elle comme des insectes vers la lumière. Et en ce moment même, des robots mobiles construits par l’homme parcourent sa surface, l’examinent de très près et nous envoient les résultats de leur exploration. Dr Stuart Clark La NASA a parlé de sept minutes de terreur. Aucun observateur de l’événement ne saurait la contredire. Le 6 août 2012, la sonde spatiale MSL, d’une valeur de 2,5 milliards de dollars, s’est engouffrée dans l’atmosphère martienne à la vitesse prodigieuse de 21 000 km/h. À l’aide de son bouclier thermique, de parachutes et d’un module de descente équipé de rétrofusées, le robot mobile Curiosity devait décélérer, puis atterrir à la surface de Mars dans des conditions météorologiques inconnues, en complète autonomie. Contrôler la sonde depuis la Terre était exclu : la distance est telle que les signaux mettent entre 10 et 15 minutes à la franchir. Parmi les spectateurs de l’événement, au Jet Propulsion Laboratory (JPL ) de la NASA, à Pasadena, Vincenzo Giorgio, vice-président de Thales Alenia Space chargé de la science et de l’exploration. Lui le sait bien : les atterrissages sur Mars sont toujours risqués. Les terribles tempêtes qui sévissent sur la planète font varier sa densité atmosphérique : il est donc crucial que les parachutes comme les rétrofusées fonctionnent à la perfection. Le bilan, après plusieurs décennies de missions martiennes, est sans équivoque : au total, la moitié des atterrissages ont échoué. Au grand soulagement de toutes les personnes impliquées dans le projet, l’issue, en août 2012, a été heureuse. Curiosity a bien atterri et n’a cessé, depuis, d’explorer la surface de Mars. Le robot mobile, qui arpente la planète depuis plus de 500 journées martiennes, ou « sols », a prouvé, à l’aide de ses dix instruments embarqués, que Mars avait un jour été habitable et que de l’eau avait coulé à sa surface. ChemCam Si Vincenzo Giorgio se trouvait dans l’assistance ce jour-là, c’était notamment pour l’un des principaux instruments du rover, le ChemCam, construit par Thales. Son rôle ? Analyser rapidement les roches, à distance, sans que Curiosity ait besoin de se déplacer. Pour cela, le robot vise une cible, puis ChemCam tire au laser, portant une infime partie de la roche à plus de 10 000 °C. Un petit télescope embarqué étudie la lumière émise par la roche vaporisée et en détermine la composition chimique. Les chercheurs décident alors, sur Terre, si cette roche vaut la peine que le robot mobile se détourne de sa route pour aller l’analyser plus en détail. ChemCam, le laser qui met les roches en fusion a aussi enflammé les esprits et attisé l’intérêt des médias, en particulier à l’occasion de son 100 000e tir , réalisé en novembre dernier. Au risque d’endommager le sol martien ? En bref 1 Les missions martiennes nous aideront à mieux comprendre notre place dans la Galaxie. 2 De nouvelles technologies permettent aux opérateurs sur Terre de diriger le robot mobile Curiosity, actuellement à la surface de Mars, et de mener des expériences. 3 Certains plans à long terme pour l’exploration de Mars envisagent des missions habitées – mais pas avant des dizaines d’années. 19 « Le sabre du Jedi » Le 6 août 2012, un véhicule spatial valant 2,5 milliards de dollars s’est engouffré dans l’atmosphère martienne à la vitesse prodigieuse de 21 000 km/h. « Le sabre du Jedi » – voilà comment Sylvestre Maurice décrit l’instrument laser ChemCam de Curiosity construit par Thales. Planétologue à l’Université de Toulouse, il a eu l’idée de cet instrument en discutant avec Roger Wiens, du Laboratoire national américain de Los Alamos, en 2001. Tous deux se sont rendu compte que parcourir la surface de Mars ne serait pas de tout repos pour un robot mobile. Une méthode d’analyse à distance serait donc très utile pour pouvoir choisir quelles roches approcher. « Nous connaissions tous deux des systèmes laser capables d’aboutir à ce résultat, mais ils pesaient plus de 50 kg », explique Sylvestre Maurice. La masse étant synonyme de dépense de carburant, il fallait ramener ce poids en-dessous de 10 kg pour espérer emporter l’instrument sur la planète rouge. Après deux ans d’intenses travaux de R&D, ils ont obtenu une version du laser pesant 0,6 kg, sans perte de qualité (contre 10 kg pour le produit commercial). Une démarche couronnée de succès, puisque ChemCam a envoyé ses premières données moins de deux semaines après l’atterrissage de Curiosity en août 2012 et est depuis lors l’instrument le plus utilisé du rover. Ses résultats ont déjà donné lieu à 25 publications. Le contrôle de ChemCam incombe conjointement au CNES et au laboratoire de Los Alamos. Une semaine sur deux, Sylvestre Maurice et son équipe sont en charge depuis le CNES à Toulouse. Le décalage horaire avec la NASA les oblige à travailler entre 16 h et 3 h du matin, mais ils ne regrettent pas de devoir écourter leurs nuits ! 20 INNOVATIONS : EXPLORATION SPATIALE Les premières missions habitées vers Mars n’auront pas lieu avant 2030-2040. D’ici là interviendront deux nouvelles missions partant à la recherche de traces de vie passée ou présente sur Mars : la première doit être lancée en 2016 Les analyses du robot mobile Curiosity confirment que Mars a été un jour une planète habitable et que de l’eau a coulé à sa surface. « À la fin de la mission [soit, d’après les estimations, au bout de trois millions de tirs], nous n’aurons vaporisé tout au plus qu’un gramme de Mars », explique Sylvestre Maurice, astronome et planétologue à l’université Toulouse III – Paul Sabatier. ChemCam est le fruit d’une collaboration franco-américaine entre l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie (OMP-CNRS/Toulouse III – Paul Sabatier) et le Laboratoire national de Los Alamos (États-Unis). Thales a construit le laser de cet instrument sous contrat avec l’agence spatiale française, le CNES, qui supervisait cette contribution à la mission Curiosity. Aujourd’hui, Mars est un monde désertique et sec. Mais cela n’a pas toujours été le cas. L’une des découvertes majeures de Curiosity a été de traverser un cours d’eau asséché et de trouver des galets aux bords arrondis par l’érosion ancienne. Le robot mobile a également découvert des matières argileuses dans des substrats rocheux, ce qui a conduit la NASA à annoncer que l’eau anciennement présente sur Mars devait être « potable ». Y a-t-il de la vie sur Mars ? L’exploration de Mars n’est pas seulement une fin en soi. Elle nous en apprendra plus sur notre propre monde. L’origine de la vie sur Terre reste un mystère. Personne ne sait comment notre planète est devenue habitable. La vie n’a encore jamais pu être produite en laboratoire en mélangeant des produits chimiques… Et malheureusement, la plupart des roches qui étaient présentes sur Terre lorsque la vie y est apparue ont été détruites par les mouvements continus qui agitent la surface de notre planète. La tectonique des plaques, qui provoque tremblements de terre et éruptions volcaniques, s’est chargée de recycler les plus vieilles pierres, supprimant les fossiles et toute trace chimique de ces temps primitifs. Sur Mars, c’est différent. Plus petite que la Terre, cette planète ne produit pas une chaleur interne suffisante pour occasionner une tectonique des plaques. Les roches anciennes ont dû perdurer et doivent conserver la trace de l’origine de la vie sur Mars. Ces hypothèses n’ont rien de farfelu. Grâce à Curiosity et aux missions qui l’ont précédée, nous avons aujourd’hui suffisamment de preuves pour savoir que Mars était autrefois une planète habitable, dotée de cours d’eau et même d’étendues d’eau stagnante. Pourtant, Curiosity ne dispose pas d’instrument permettant de rechercher des preuves d’activité biologique. « Il faut passer à l’étape suivante, explique Vincenzo Giorgio. Cette étape, c’est ExoMars, qui recherchera des preuves de vie passée ou présente. » Le programme ExoMars de l’Agence spatiale européenne (ESA) comporte en fait deux missions dont Thales Alenia Space est le maître d’œuvre. La première, qui sera lancée en 2016, comprend un orbiteur et un atterrisseur, qui testera le système d’entrée, de descente et d’atterrissage. Il est impossible de tester complètement ce matériel sur Terre. La gravité et la densité de l’atmosphère y sont très différentes de celles de Mars. Les ingénieurs doivent donc s’en remettre à des simulations logicielles. Ils travaillent déjà d’arrache-pied aux systèmes de guidage, navigation et pilotage, qui seront déterminants pour poser ces missions à la surface sans les endommager. La seconde mission ExoMars sera lancée deux ans plus tard, en 2018. Elle comprendra, elle, un atterrisseur et un robot mobile. À tous les stades critiques de la mission, une équipe de Thales Alenia Space 21 sélectionné les molécules « gauchères ». Quoi qu’il en soit, c’est ce signe distinctif que le robot mobile européen s’attachera à repérer. Pour Vincenzo Giorgio, ExoMars constitue la première étape d’une feuille de route globale de l’exploration martienne, qui aboutira à une mission habitée : l’homme travaillera de concert avec les opérateurs de l’ESA au Centre européen d’opérations spatiales à Darmstadt (Allemagne). Ces phases critiques comprendront le lancement, les manœuvres à mi-parcours pour placer le véhicule spatial sur sa trajectoire de rendez-vous avec la planète rouge, enfin, l’entrée, la descente et l’atterrissage – de nouveau sept minutes de terreur à supporter. Une fois posé à la surface, le robot mobile se mettra en quête de preuves de vie passée, voire présente, sur Mars. Ce sera la première fois que l’on recherche la vie sur Mars depuis les années 70. À l’époque, les modules d’atterrissage des sondes Viking de la NASA avaient mené une série d’expériences à la recherche de microbes dans la poussière martienne, ainsi que de gaz métaboliques. Ces expériences n’avaient pas été probantes ou avaient conclu à l’absence des éléments recherchés. Le robot mobile d’ExoMars sera équipé d’un ensemble d’instruments bien plus perfectionnés, conçus pour rechercher les empreintes chimiques de la vie. Il sera capable de détecter la signature moléculaire unique qui distingue le vivant du non-vivant. C’est ce qu’on appelle la chiralité. Les biomolécules peuvent exister sous deux formes, images l’une de l’autre dans un miroir, comme nos mains. La vie sur Terre utilise presque exclusivement des protéines lévogyres, « gauchères ». Cette prédominance est l’une des caractéristiques de la vie. Personne ne sait si cette prévalence s’est imposée parce que davantage de molécules lévogyres étaient disponibles lors de la formation des premiers êtres vivants sur Terre, ou parce que les systèmes biologiques primitifs ont d’une manière ou d’une autre marchera sur Mars. Vincenzo Giorgio fait partie du Groupe de travail international sur l’exploration spatiale et a participé à la Conférence de l’Académie internationale d’astronautique (IAA) sur l’exploration spatiale qui s’est tenue à Washington DC au mois de janvier. Le Groupe de travail international sur l’exploration de Mars (IMEWG), fondé en 1993, rassemble des représentants de toutes les agences spatiales et des principaux organismes qui participent à l’exploration spatiale. Il vise à établir une stratégie internationale pour l’exploration de Mars, afin de coordonner les missions à destination de la planète. Aujourd’hui, presque toutes les agences spatiales (hormis celle de la Chine) travaillent à cette feuille de route, qui vise à s’assurer que leurs efforts ne présentent pas de doublon. De commun accord, l’étape suivante, après ExoMars, sera une mission de retour d’échantillons. Elle rapportera des roches martiennes qui seront analysées sur Terre, mais elle sera aussi l’occasion de développer un véhicule de lancement capable de décoller depuis Mars. Soit exactement ce dont auront besoin les astronautes pour rentrer sur Terre à l’issue de leur mission martienne. Une mission de retour d’échantillons martiens serait toutefois coûteuse, environ 5 milliards d’euros d’après les estimations récentes. Les missions habitées reviendraient encore plus cher et la question se La prochaine étape, après ExoMars, consistera à ramener sur Terre des roches martiennes pour les analyser. pose de l’intérêt d’y consacrer autant d’argent. Ne serait-il pas plus judicieux de développer des rovers toujours plus complexes ? « Certains prétendent qu’il y a là un conflit entre l’exploration robotique et l’exploration humaine. Les deux ne s’opposent en aucun cas. Certaines tâches peuvent être entièrement robotisées, d’autres non. Pour moi, ces deux voies sont à poursuivre en parallèle », estime Vincenzo Giorgio. D’après lui, les premières missions habitées pourraient intervenir entre 2030 et 2040. Pour l’instant, concentrons-nous sur les deux missions ExoMars – malgré les 14 minutes de terreur que supposent leurs atterrissages pour les équipes responsables ! 22 INNOVATIONS : LE TUNNEL DU SAINT-GOTHARD Les Chemins de fer fédéraux suisses (SBB) ont lancé l’un des plus gros chantiers de construction au monde : les nouvelles lignes ferroviaires à travers les Alpes. Objectif : multiplier les liaisons avec le reste de l’Europe, réduire les temps de trajet, augmenter la capacité de transport et développer le fret ferroviaire. La première phase du projet couvrait la construction du tunnel de base du Lötschberg, de 34,6 km de long, qui a été inauguré en 2007. Le tunnel du Saint-Gothard, dont l’ouverture est prévue en 2016, parcourra quant à lui 57 km sous la montagne, ce qui en fera le plus long tunnel ferroviaire du monde. En raison de sa longueur, ce tunnel pose des défis considérables en termes de logistique, de mise en œuvre et d’exigences de sécurité. Thales travaille avec SBB sur les systèmes de signalisation depuis 1997, date de la mise en service du premier système d’enclenchement électronique. Après avoir déployé avec succès une solution de signalisation avancée pour le tunnel du Lötschberg, Thales travaille maintenant avec AlpTransit Gotthard AG, l’un de ses partenaires au sein du consortium Transtec Gotthard, au déploiement de l’infrastructure de signalisation de la nouvelle ligne. Cette solution comprend des systèmes d’enclenchement électronique, un système ETCS niveau 2 et un système de contrôle centralisé du trafic. Elle permettra la circulation dans les deux tunnels de plus de 300 trains par jour à des vitesses de 250 km/h. Le temps du trajet entre Zurich et Milan sera de 2h40, soit une heure de moins qu’actuellement. À la faveur de ces programmes de grande envergure, Thales s’est doté en Suisse d’une équipe d’experts en installations de contrôle des trains et a créé un centre de compétence spécialisé dans l’interopérabilité des solutions compatibles avec l’ETCS. Le Groupe est ainsi particulièrement bien placé pour faire croître son activité dans ce pays résolument engagé dans le développement de ses infrastructures. Le chaînon manquant Le tunnel du Saint-Gothard, dont l’ouverture est prévue en 2016, sera le plus long tunnel ferroviaire du monde. La circulation des trains y sera sécurisée d’un bout à l’autre par la technologie Thales. Pip Brooking 23 En tant que membre du consortium Transtec Gotthard, Thales assure actuellement le déploiement de l’infrastructure de signalisation sur la nouvelle ligne. Celle-ci permettra la circulation de plus de 300 trains par jour dans les deux tunnels, à des vitesses de 250 km/h. 24 INNOVATIONS : FABRICATION ADDITIVE La vie en 3D Stimulateurs cardiaques, pistolets, prothèses trachéales, fleurs gonflables : l’impression 3D trouve des applications tous azimuts et pourrait fort bien changer nos vies. Christian Doherty Si l’idée d’utiliser une imprimante pour produire des objets en trois dimensions semble a priori relever de la science fiction, la technologie - dite de fabrication additive – se banalise pourtant à vitesse grand V. Néanmoins, force est de constater que nombre de ces développements restent aujourd’hui marqués du sceau de l’insolite. Si l’impression 3D de fleurs gonflables est techniquement possible, ce n’est pas demain la veille que l’on verra de tels objets dans la vitrine des fleuristes. Globalement, le potentiel de l’impression 3D s’inscrit pour le moment davantage dans une démarche de nouveauté que d’innovation. Toutefois, la situation est en train d’évoluer et, disons-le clairement, les secteurs de la conception et de la fabrication sont aujourd’hui à l’orée d’une véritable révolution. L’an dernier, le président des Etats-Unis, Barack Obama, a annoncé le déblocage d’un budget de 200 millions de dollars pour soutenir la création de trois instituts d’innovation dans les nouvelles technologies de fabrication, axés sur la fabrication numérique, les matériaux composites légers et les sources d’énergie de nouvelle génération. Cette annonce a été faite sur fond d’un marché en plein essor : en effet, selon le rapport annuel de Wohlers Associates, on apprend que le marché de l’impression 3D et de la fabrication additive s’est accru de 28,6 % en 2012, ayant atteint 2,2 milliards de dollars (contre 1,7 milliard en 2011), soit une progression annuelle moyenne de 30 %. Toujours selon Wohlers, on dénombre à ce jour environ 8 000 imprimantes 3D à travers le monde, c’est-à-dire 10 fois plus que l’an passé. 25 En bref : 1 L’impression 3D – autrement appelée fabrication additive – a le potentiel de transformer profondément les méthodes de fabrication. 2 La fabrication additive trouve des applications un peu partout, de la médecine à l’aéronautique. 3 Promise à un avenir sans limite, cette technologie n’en est encore qu’à ses balbutiements et doit gagner en maturité. 200 millions de dollars Le président Barack Obama a engagé 200 millions de dollars pour soutenir la création de trois instituts d’innovation dans les nouvelles technologies de fabrication, axés sur la fabrication numérique, les matériaux composites légers et les sources d’énergie de nouvelle génération Jorge Roberto Lopes Dos Santos 26 INNOVATIONS : FABRICATION ADDITIVE Une nouvelle ère ? « Le procédé n’a rien de nouveau en soi. La technologie remonte même aux années 80, avec la fabrication des pièces en plastique, explique Yannick Cadoret, expert en mécanique au sein de l’équipe Ingénierie de Thales. À cette époque, on parlait de prototypage rapide. Le principe : fabriquer une pièce par superposition de couches successives à partir d’un dessin CAO 3D. Sous l’effet d’un rayon laser ultraviolet, un polymère liquide photo réactif se solidifie sur une plateforme que l’on abaisse progressivement pour, couche après couche, former l’objet désiré, le tout en à peine quelques heures. » Se basant sur ce principe, l’impression 3D est devenue une méthode courante pour la fabrication des prototypes et des maquettes, ainsi que des pièces en plastique pour les produits de niche comme par exemple les appareils auditifs intra-auriculaires. Ces dix dernières années, toutefois, avec les progrès réalisés dans les domaines de la conception et des matériaux, cette technologie est devenue une alternative sérieuse aux techniques de fabrication bien établies que sont le moulage par coulée, le moulage par injection ou encore l’usinage. « La fabrication additive apporte au procédé de nombreux avantages, estime Yannick Cadoret. Elle permet non seulement de raccourcir la durée de fabrication de la pièce, mais également de réduire le poids, les coûts et le gaspillage tout en offrant une plus grande souplesse au niveau des formes, rendant vos produits plus attrayants et plus compétitifs. Plutôt que d’acheter un kilo de métal pour ensuite en éliminer 90 % (usinage), vous n’utilisez que la quantité strictement nécessaire. » Des avantages indéniables Comparée aux méthodes traditionnelles, la fabrication additive présente deux énormes avantages. Tout d’abord, elle libère les concepteurs et les ingénieurs des contraintes inhérentes aux méthodes classiques, leur permettant de produire des pièces d’une grande complexité avec une relative facilité. Deuxièmement, elle permet de fabriquer des pièces de précision à moindre frais : il suffit de modifier le modèle CAO 3D et le tour est joué. Obtenir une pièce parfaite était autrefois un processus fastidieux et coûteux. Aujourd’hui, il se résume à sauvegarder un nouveau fichier. Actuellement, la fabrication additive trouve principalement des applications dans la médecine, l’automobile et l’aéronautique. Elle permet par exemple de concevoir et fabriquer des implants, des prothèses, des appareils auditifs, etc. En chirurgie esthétique, il est par exemple possible de reconstruire un nez en adaptant sa forme à chaque individu à partir d’un modèle 3D. « Il en va de même en dentisterie où il est possible de scanner en 3D la dentition de chaque patient et ce, pour un prix quasiment identique, explique Yannick Cadoret. Cette technologie offre une souplesse extraordinaire en termes de conception et de géométrie, permettant d’adapter le profil à chaque client sans coût ni travail supplémentaire. » La fabrication additive permet maintenant de produire un très large éventail de petites pièces - principalement en plastique - à la structure de plus en plus complexe. Pour l’avenir, deux axes sont prioritaires : développer de nouveaux matériaux et 27 Développé par l’agence d’architecture et de design Emergent, installée à Los Angeles, ce concept-car semi-rigide a été élaboré grâce à une technologie d’impression 3D qui produit une carrosserie similaire, dans sa forme et dans sa texture, au cartilage osseux. Dans les années 90 « Si l’on remonte aux années 90, quand la fabrication additive était utilisée pour fabriquer des prototypes, la résistance de la structure n’était pas une préoccupation majeure, puisque justement il ne s’agissait que de prototypes. » fabriquer des composants plus solides, plus complexes et avec des propriétés mécaniques plus étendues. Concernant les matériaux, les choses sont en bonne voie. L’utilisation de la poudre de métal, tout comme celle de la céramique, est désormais courante. Avec ces matériaux, on obtient des pièces plus légères, plus solides et d’une plus grande complexité structurelle. Comme le fait remarquer Phill Dickens, professeur en technologie de fabrication au sein du groupe de recherche Fabrication additive de l’université de Nottingham, les fabricants doivent désormais mettre l’accent sur la fiabilité dans la mesure où la fabrication additive fait désormais partie intégrante du processus de production. « Si l’on remonte aux années 90, quand la fabrication additive était utilisée pour fabriquer des prototypes, la résistance de la structure n’était pas une préoccupation majeure. Puisqu’il ne s’agissait que de prototypes, destinés au banc d’essai et non pas à être utilisés sur des avions traversant l’Atlantique, l’aspect sécuritaire restait secondaire. Toutefois, dès lors qu’on entre dans le processus de fabrication lui-même, maîtrise et répétabilité deviennent des facteurs essentiels. Ce n’est qu’au cours des dix dernières années que ces aspects sont devenus véritablement des enjeux. » Mais où en sont les normes ? « Des normes ASTM et BSI sont actuellement en cours de développement, répond Phill Dickens. Des travaux de base sont encore nécessaires avant de parvenir à une bonne connaissance du processus et de pouvoir développer les systèmes de maîtrise indispensables, comme pour n’importe quel autre processus de fabrication. Mais nous n’en sommes pas encore là. » Des obstacles à surmonter De toute évidence, un certain nombre de lacunes devront être comblées pour poursuivre sur la voie de la croissance. Actuellement, une imprimante 3D capable de produire de petites pièces en plastique avoisine les 1 000 dollars US. En revanche, pour des pièces en métal, il faut compter entre 150 000 et 1 million de dollars. De plus, la cadence de fabrication reste faible. Phill Dickens reste lucide : la fabrication additive ne remplacera jamais complètement les techniques classiques. Mais elle a incontestablement une place à prendre dans l’éventail des capacités de production. « Il y a des domaines où cette technologie pourrait remplacer certaines techniques classiques, comme le moulage par injection par exemple. Toutefois, je la vois mal remplacer l’intégralité du processus, mais certaines parties, oui, notamment dans les cas où l’on souhaite ajouter de la complexité. Si l’on regarde les pièces moulées par injection, elles peuvent sembler relativement complexes et pourtant les formes géométriques restent considérablement limitées par le processus. Sur ce plan, la fabrication additive offre beaucoup plus de liberté. » Certains travaux réalisés dans le domaine de l’aéronautique constituent de véritables percées et c’est peut-être là que réside la clé de réelles avancées non seulement en termes de réduction du prix des pièces, mais également d’efficacité et de sécurité. Récemment, des chercheurs de l’université de Nottingham ont réalisé le projet de redessiner le bras qui soutient le moniteur vidéo des sièges de première classe sur les vols Virgin Atlantic. Le seul fait de redessiner cette pièce et de la fabriquer en employant les matériaux et les procédés de la fabrication additive - et donc d’obtenir une pièce plus légère -, permettrait, selon les calculs, d’économiser 1 million de dollars en carburant sur la durée de vie de l’appareil. « Actuellement, notre travail consiste principalement à trouver le moyen de fabriquer des pièces dans plusieurs matériaux, précise Phill Dickens. Plus tard, nous parviendrons à construire des pièces complexes intégrant du câblage électrique, des chemins optiques, des capteurs, etc., tout cela en utilisant le procédé de la fabrication additive. » Yannick Cadoret attire également l’attention sur le besoin qu’a General Electric de re-concevoir les injecteurs de carburant de son moteur LEAP. « GE a vendu quelque 4 500 moteurs. À raison de 19 injecteurs par moteur, cela représente un volume de 85 000 pièces à produire sur les prochaines années. D’après leurs calculs, les impriman- 28 INNOVATIONS : FABRICATION ADDITIVE La fabrication additive permet maintenant de produire un très large éventail de petites pièces... à la structure de plus en plus complexe. La souplesse inhérente à cette technologie ouvrira les portes à de vastes possibilités, aussi bien pour les concepteurs que pour les fabricants. Earl Stewart-Nottingham University tes 3D industrielles actuelles n’ont pas la capacité de répondre à ce besoin. Toutefois, GE prévoit d’investir dans cette technologie en triplant son effectif (composé de 70 personnes) et en multipliant par quatre sa surface de production. Le motoriste estime que, d’ici 2020, quelque 100 000 pièces imprimées en 3D équiperont ses moteurs GE9X, ainsi que les moteurs LEAP de CFM. » À l’heure actuelle, GE dispose d’un parc de plus de 300 imprimantes. Encourager l’innovation Thales joue un rôle de premier plan dans le développement de cette nouvelle technologie, favorisant notamment son essor en France. Le groupe est également membre d’un consortium dont l’objectif est de placer l’industrie aéronautique européenne au centre de cette révolution. Le projet AMAZE, également connu sous le nom de « Additive Manufacturing Aiming Towards Zero Waste & Efficient Production of High-Tech Metal Products » ou Fabrication additive visant à atteindre une production efficace et sans perte de produits high-tech en métal, regroupe 28 industriels européens, parmi lesquels Airbus, AVIO, BAE Systems et Volvo, qui partagent un même objectif : unir leurs efforts pour promouvoir la fabrication additive à travers le continent européen et développer des composants et des techniques. Le projet AMAZE est co-financé par la Commission européenne, au titre du 7e programme cadre (contrat FP7-2012-NMP-ICTFoF-313781), par l’Agence spatiale européenne et par chacun de ses membres.Les principaux acteurs de ce programme sont unanimes. Il faut encourager les petites entreprises innovantes, qui sont souvent le moteur du progrès, à adopter ce type de technologie. « Le maillon faible de la fabrication additive, en France et, plus généralement, en Europe, c’est la maturité de la chaîne d’approvisionnement, déplore Bertrand Demotes-Mainard, vice-président Technologies matérielles chez Thales. Il y a encore des gens qui restent exclusivement axés sur le prototypage et les faire basculer vers la production n’est pas une mince affaire. Toutefois, nous arrivons aujourd’hui à un tournant et le rôle de Thales est de soutenir la chaîne d’approvisionnement en aidant les petits fournisseurs à gagner en maturité. Notre travail consiste à repérer ceux qui ont besoin de notre aide pour évoluer dans la fabrication additive. C’est une vraie priorité. » Plus encore que les autres nouvelles technologies, la fabrication additive et l’impression 3D ont fait l’objet d’allégations pour le moins délirantes, certains prétendant 29 1 million de dollars Une imprimante 3D capable d’imprimer de petites pièces en plastique coûte désormais moins de 1 000 dollars. En revanche, pour une machine capable d’imprimer des pièces en métal, il faut compter entre 150 000 et 1 million de dollars. qu’elles permettraient aux criminels d’imprimer leurs propres armes jetables et d’autres que les promoteurs pourraient « imprimer » des maisons pour une bouchée de pain. Phill Dickens n’en croit rien, même s’il reconnaît que cette nouvelle technologie nous réserve bien des surprises. « J’ai lu un article où il était question de construire sur Mars. Il est clair que si le projet de coloniser la planète rouge se concrétise, il faudra y bâtir des structures et, pour cela, il faudra utiliser les matériaux à disposition. Les nouveaux procédés de l’impression 3D pourraient s’avérer fortement utiles dans ce genre d’environnement. On pourrait par exemple créer directement sur place des plateformes d’atterrissage, des murs pare souffle, voire des abris ou autres objets du même genre. C’est quelque chose de parfaitement envisageable : la preuve, des chercheurs planchent déjà sur la question, avec d’ailleurs le soutien de la NASA, même s’il ne s’agit que d’un projet à petite échelle. » En attendant, nul besoin d’aller aussi loin pour attester l’énorme potentiel de transformation que représentent les techniques de l’impression 3D. « À mon avis, ce n’est qu’une question de temps avant qu’on commence à fabriquer des organes grâce à cette technique, estime Dickens. On pourrait envisager de prendre du tissu humain et, à partir de celui-ci, de construire un organe complet en s’inspirant des mêmes procédés d’impression que ceux utilisés aujourd’hui. » « Les gens travailleraient sur divers types de tissus vivants différents, en atmosphère stérile afin de ne pas détruire les cellules souches. Il est évident qu’un jour nous fabriquerons du tissu vivant, mais pour cela il va falloir attendre encore dix ou vingt ans. Une chose est sûre, c’est maintenant que l’avenir se décide. » De quoi donner du grain à moudre aux chercheurs ! 30 INNOVATIONS : INCUBATEURS D’ENTREPRISES 1 250 Aux États-Unis, le nombre d’incubateurs est passé de 12 en 1980 à 1 250 aujourd’hui. Il y en aurait environ 7 000 dans le monde. Source : National Business Incubation Association (NBIA) Le programme d’incubateurs israélien est souvent considéré comme l’un des modèles du genre. « Un modèle d’incubateur devrait être une initiative gagnantegagnante pour toutes les parties. » François Chopard, consultant chez Impulse partners 31 Graines de champions Prenez un grain d’idées, ajoutez des mentors expérimentés, saupoudrez avec une grosse pincée de financement et de locaux adaptés, laissez gonfler et servez à maturité. Cela pourrait bien être la recette idéale du succès. Jo Russell En bref 1 Les incubateurs peuvent avoir un impact considérable sur les entreprises en quête d’opportunités nouvelles. 2 Les développeurs de nouvelles technologies peuvent observer que le meilleur chemin vers une plus large audience passe souvent par les incubateurs. 3 Le défi consiste à soutenir les entrepreneurs actuels et à encourager ceux qui viendront demain. Le modèle doit donc évoluer. Les premiers incubateurs d’entreprises sont apparus dans les années 50. Mais il faudra attendre le tournant des années 2000 et l’explosion d’internet pour voir ce modèle économique occuper une place de choix. Aux États-Unis, le nombre d’incubateurs est passé de 12 en 1980 à environ 1 250 aujourd’hui. Selon la National Business Incubation Association (NBIA ), il y en aurait 7 000 dans le monde. Attirant l’attention des grands de ce monde, ils sont devenus la nouvelle coqueluche politique. Le président Obama en personne a décidé d’allouer chaque année 250 millions de dollars pour contribuer à créer un réseau régional aux États-Unis. Sous réserve de réunir les bonnes conditions, un modèle d’incubateur devrait être une initiative gagnante-gagnante pour tout le monde, explique François Chopard, consultant chez Impulse partners, et désormais aux manettes de Starburst, un incubateur récemment lancé sur le marché aéronautique : « En accédant aux start-ups, les grandes entreprises prennent connaissance d’informations technologiques extrêmement intéressantes dont elles n’auraient autrement peut-être pas entendu parler. C’est donc une passerelle supplémentaire pour les entreprises qui souhaitent accéder à un nouveau marché ou développer de nouveaux produits. » Il y a également des avantages culturels, fait observer le Dr Nicky Dee, chercheur à l’université de Cambridge, au Royaume-Uni : « La véritable valeur ajoutée réside dans la différence de perspective et d’état d’esprit. Les entrepreneurs observent le monde et en imaginent toutes les possibilités. La grande entreprise s’inscrit pour sa part dans un processus de planification. Elle a donc horreur du vide. » Pour les grandes entreprises, adopter une attitude positive et conquérante, en scrutant l’horizon pour y déceler des opportunités, plutôt que se concentrer sur la rentabilité à court terme, peut agir comme un coup de fouet, et les inciter à encourager une culture de l’innovation. De leur côté, les responsables de l’incubateur peuvent tirer parti d’un réseau en capacité de les aider – qu’il s’agisse de bénéficier du soutien pair à pair d’autres start-ups, d’accéder à des mentors, de disposer de bureaux ou de laboratoires, de bénéficier de conseils juridiques ou d’une aide financière. La taille est également importante, rappelle Nicky Dee : « La plupart des grandes entreprises ont des réseaux de distribution fantastiques dont rêvent les jeunes entrepreneurs. » De multiples visages La forme adoptée par les incubateurs peut varier considérablement. Certains sont directement liés à des institutions universitaires comme Telecom Paris Tech ou le Massachusetts Institute of Technology (MIT). D’autres sont spécialisés dans un domaine précis, comme celles qui prennent en charge d’anciens militaires, ou qui mettent en œuvre un projet destiné à créer des emplois. Plus nombreux sont ceux qui entretiennent des liens directs avec les entreprises, comme c’est le cas avec Shell/ Gameplayer. On trouve également des incubateurs qui s’appuient sur la collaboration d’entreprises actives dans un secteur industriel spécifique. Ces initiatives propres à certains secteurs, dans le cadre desquelles les concurrents sont prêts a remiser leurs couteaux et à collaborer, sont unies dans une même volonté de nourrir l’innovation. 32 INNOVATIONS : INCUBATEURS D’ENTREPRISES « On ne prend pas un entrepreneur pour lui fournir simplement un toit. On prend une techno avec une idée précise en tête et on table sur l’expérience collective pour forger sa confiance à devenir un entrepreneur. » À la poursuite des étoiles Situé à Paris, et destiné à encourager l’innovation dans le secteur aéronautique, Starburst est l’un de ces incubateurs new look. « Nous avons constaté une insuffisance dans l’écosystème, explique François Chopard. Il n’y avait pas assez de start-ups et celles qui existaient devaient lutter pour survivre, compte tenu de la très longue durée de cycle et du coût élevé du processus de certification propres à ce secteur. Il y avait clairement la nécessité d’aider les start-ups à hausser le rythme et à assurer de meilleurs contacts avec les groupes et les entreprises. » François Chopard a donc contacté la mairie de Paris, qui lui a fourni des espaces de bureaux à un taux préférentiel. Il a ensuite approché tous les acteurs principaux du secteur pour leur demander de devenir des partenaires. En échange du temps et de l’expertise qu’elles investissent pour aider les incubateurs, en termes de sélection et de phase de croissance initiale, les entreprises ont accès aux start-ups, avec la possibilité de fournir des technologies complémentaires. Un an plus tard, de grandes entreprises comme Thales, EADS et Dassault Aviation sont montées à bord, et dix start-ups sont aujourd’hui en situation. Starburst diffère cependant des incubateurs associés aux entreprises individuelles, dans la mesure où son approche est plus large qu’à l’accoutumée. Bien que ciblant le secteur aéronautique, explique François Chopard, « nous sommes des généralistes et donc ouverts à de nombreuses technologies différentes. De fait, nous essayons de créer à Paris une Silicon Valley pour l’industrie aéronautique, avec une énergie de même nature pour encourager plus de gens à créer des start-ups. » Curieusement, alors que les avantages qu’offrent les incubateurs sont aujourd’hui largement reconnus, il demeure difficile d’en apporter la preuve. Dans le cadre de ses recherches, le Dr Nicky Dee a analysé différentes études mesurant les performances des incubateurs. Pour s’apercevoir rapidement qu’en l’absence de méthodologie standard, il est difficile de tirer de véritables conclusions. Qui plus est, des régions comme la Silicon Valley « présentent certes un historique de réussites très impressionnant. Mais cela signifie-t-il qu’elles bénéficient essentiellement du haut niveau de qualité intrinsèque des sociétés qui y sont attirées ou faut-il plutôt comprendre qu’elles attirent des sociétés qu’elles vont transformer grâce à des activités à valeur ajoutée ? » Si l’on met de côté le manque de cohérence des mesures réalisées, les associations professionnelles font état de chiffres optimistes. La NBIA, par exemple, estime qu’au cours de la seule année 2005, les incubateurs américains ont aidé plus de 27 000 start-ups qui ont assuré un emploi à plein temps à quelque 100 000 personnes, en générant un chiffre d’affaires annuel dépassant 17 milliards de dollars. Un judicieux équilibre Si les incubateurs sont une recette du succès, quels en sont les ingrédients ? Bien qu’il n’existe pas de formule prête à l’emploi, dans la mesure où chaque incubateur subit l’influence de divers facteurs, comme le secteur dans lequel il évolue, les besoins des investisseurs ou le stade de développement, il existe toutefois des traits communs. Ainsi, plus la durée d’un programme est longue, mieux il se comporte. Les nouvelles entreprises sont intrinsèquement diverses dans leurs besoins. Pour réussir, elles doivent bénéficier d’un réseau solide, aussi bien en termes de courant d’affaires que de support des activités. Plus leur longévité est importante, plus les connexions ainsi mises en place – et leurs résultats – s’avèrent fructueux. L’implication concrète et le support sont deux autres nécessités incontournables. Mike Herd dirige SinC, un incubateur associé à l’université du Sussex, au Royaume-Uni. La quasi-totalité des start-ups acceptées au sein de SinC n’ont aucune, ou très peu, d’expérience professionnelle. « On ne prend pas un entrepreneur pour lui fournir simplement un toit. On prend une techno avec une idée précise en tête et on table sur l’expérience collective pour forger sa confiance à devenir un entrepreneur. » SInC peut par exemple prendre en charge la comptabilité, mais il enseignera également aux start-ups à comprendre les systèmes d’information financières afin de pouvoir gérer leur activité dans le cadre d’un cycle de croissance. Cette compréhension est cruciale. Sur les dix-huit employés de SinC, Mike Herd est le seul à disposer d’une 33 neur ne veut pas être un employé. Le meilleur modèle, pour l’entreprise, consiste à parrainer l’incubateur, sans avoir la majorité au capital. Elle peut ainsi être au contact de la technologie, mais en laissant suffisamment de liberté et de souplesse. » En matière d’incubateurs, le programme israélien est souvent cité comme un modèle du genre. Initié en 1991, il comporte aujourd’hui 24 incubateurs qui ont permis de mettre sur les rails plus de 1 400 nouvelles entreprises. Pour Nir Belzer, la clé de cette réussite réside dans l’implication financière du gouvernement : il fournit en effet 85 % des investissements initiaux, les investisseurs privés apportant le complément. À titre d’incitation supplémentaire, le prêt gouvernemental peut être remboursé sous forme de royalties sur les ventes. « Il ne faut pas voir dans les incubateurs des structures potentiellement rentables, mais plutôt un mécanisme grâce auquel on peut ensuite trier soigneusement les investissements qui suivront. C’est dans le caractère unique de l’accès que réside véritablement la valeur », fait observer Nir Belzer. 50 Années Les premiers incubateurs d’entreprises font leur apparition. expertise technique plutôt que d’une expertise commerciale. L’existence d’atomes crochus entre les parties concernées est également un facteur d’importance, souligne Mike Herd : « Si vous ne faites pas ce qu’il faut, vous n’arrivez pas à créer le buzz, ni les connexions nécessaires entre les sociétés. Ça fait peut-être de jolis espaces de bureaux, mais ça ne suffit pas pour générer de la valeur additionnelle. » Les mesures déjà en place – comme le Pacte PME en France –, pour aider les start-ups et les PME à progresser et à se développer, constituent bien sûr une aide non négligeable. Ce Pacte a pour vocation d’aider à niveler le terrain de jeu sur lequel évoluent les PME et les grandes entreprises lors des négociations, et d’encourager les grandes entreprises à se comporter de manière responsable. François Chopard souligne que de nombreuses grandes entreprises y souscrivent, et Starburst utilise les directives pour aider les PME qui pensent que travailler avec un grand groupe est « impossible ». Nir Belzer, senior partner au sein de la firme israélienne MMT Funds, pense que ce hiatus peut être accentué par les questions de propriété : « Les entreprises achètent ou parrainent les incubateurs afin de trouver les futures structures et technologies qu’elles pourront mettre en œuvre. Mais un entrepre- Où sont les bonnes idées ? Les risques financiers ne sont pas les seuls inconvénients. Selon François Chopard, l’une des inquiétudes de Starburst est de découvrir une pénurie de start-up en cours de route. Pour y remédier, l’incubateur veut émuler un autre aspect du modèle israélien et établir des liens étroits avec des organismes de recherche comme le CEA ou l’ONERA : « L’objectif est de stimuler l’entrepreneuriat parmi les titulaires d’un doctorat afin de créer davantage de start-ups chaque année », explique-t-il. Cette quête s’étendra au-delà de la France, vers d’autres centres d’innovation comme Los Angeles, Montréal, Londres, Hambourg et Tel Aviv. Le modèle d’incubateur continue d’évoluer en fonction de l’économie, de l’appétit des gens à investir et des tendances du marché. Au cours des cinq dernières années, les « accélérateurs d’entreprises » sont apparus dans le paysage – une forme plus intense d’incubateurs, avec un programme se comptant en mois plutôt qu’en Curieusement, alors que les avantages des incubateurs sont largement reconnus, il est difficile d’en apporter la preuve. années, et jouissant d’une forte popularité dans la Silicon Valley, où les investisseurs sont toujours à l’affût du prochain Facebook. Mais quelle que soit la forme qu’ils revêtent, les incubateurs d’idées sont en prise directe sur le monde de demain. 34 INNOVATIONS : AVIONICS 2020 Avionique de haut vol Avionics 2020 – un nouvel horizon pour les pilotes. L e concept car est devenu un élément incontournable du processus d’innovation de l’industrie automobile. Un concept que Thales applique aussi à l’aéronautique. D’abord avec l’ODICIS (One Display for a Cockpit Interactive Solution) destiné à répondre aux besoins futurs des pilotes. Ensuite avec Avionics 2020, un cockpit de dernière génération dévoilé lors du dernier salon du Bourget afin de présenter diverses applications pouvant déjà être fabriquées et mises en œuvre. Ambitieux et novateur, Avionics 2020 l’est incontestablement . Il doit permettre aux pilotes de tirer pleinement parti de leurs compétences, et les aider dans le même temps à gérer au mieux leurs points faibles. Résultat de nombreuses années de travail, ce cockpit du futur est le fruit d’une étroite collaboration entre Thales et le monde de la recherche et les experts les plus pointus en interfaces homme-machine. Totalement centré sur les missions du pilote, il fusionne des données provenant de différentes sources et les présente de manière à réduire la dépendance à l’analyse cognitive, pour permettre une prise de décision plus instinctive. Doté d’écrans tactiles multiples, le cockpit peut être personnalisé pour, ou par, chaque client. Il anticipe en outre les défis à venir du transport aérien, notamment en termes de réduction des émissions carbonées et de pollution sonore, mais aussi de rationalisation du trafic et de maintien de normes de sécurité adéquates. Le cockpit Avionics 2020 a reçu le prix Red Dot Design Concept Award, qui le place parmi les 50 concepts les plus novateurs sur quelque 5 000 dossiers soumis des quatre coins du monde. 35 1 3 2 4 Centré sur les missions : la multiplication du nombre de missions impose aux pilotes des contraintes de plus en plus lourdes. Avionics 2020 intègre les capacités et fonctions répondant aux besoins actuels et futurs, comme les opérations de recherche et de sauvetage et les services médicaux d’urgence. Intuitif: Avionics 2020 offre une interaction naturelle et directe permettant au pilote de disposer de tous les éléments nécessaires pour prendre la bonne décision au bon moment. Il intègre une large zone d’affichage sécurisée, avec plusieurs moyens de contrôle reconfigurables, des écrans tactiles multiples intuitifs et interactifs, et des affichages tête basse pour contrôler les divers systèmes et fonctions de l’aéronef. Ouvert : l’architecture modulaire ouverte d’Avionics 2020 permet l’intégration de tous types de systèmes ou fonctions développés par des constructeurs tiers. Un processus de certification incrémental permet de réduire les coûts d’intégration et de certification tout au long du cycle de vie du cockpit, facilitant l’adjonction de nouvelles fonctions. Personnalisable : évolutif par nature, Avionics 2020 peut être personnalisé en fonction de tout type de plateforme. L’approche entièrement modulaire retenue pour sa conception intègre l’interface homme-machine, l’infrastructure, les fonctions et équipements, permettant son adaptation à différentes tailles de cockpits. Avec pour corollaire la réduction des besoins et des coûts de formation des équipages. 36 INNOVATIONS : THALES ET LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE 1 Thales en 14-18 « Le présent est gros de l’avenir : le futur se pourrait lire dans le passé », pensait le philosophe Leibniz. Cette année de célébration de la Première Guerre mondiale nous donne l’occasion de nous souvenir de ces pionniers et ingénieurs de talent qui ont, à l’époque et du fait des circonstances, joué un rôle important dans le développement de nouvelles technologies et qui ont contribué à bâtir le groupe Thales. Rapide retour en arrière… télémètres de Barr 1Les and Stroud Dès 1914, Archibald Barr et William Stroud durent entreprendre les travaux d’agrandissement de leur usine d’Anniesland, en Ecosse, pour répondre à la demande croissante de télémètres pour les forces britanniques. L’entreprise fut reprise en 1977 par Pilkington avant de rejoindre le groupe Thales une dizaine d’années après. 2 Les Ateliers Carpentier : des périscopes en série Spécialisés dans l’optique, les ateliers de Jules Carpentier produisent en série des périscopes de sous-marins et des péricopes de tranchées destinés à l’infanterie. Ils seront l’un des principaux fournisseurs de la marine jusqu’à la fin des années 2 trente. De 1899 à 1919, la France a construit près de 110 sous-marins. Tous sont équipés d’abord d’un puis de deux périscopes, l’un de veille et l’autre d’attaque. Pendant cette période, les ateliers Carpentier ont donc vraisemblablement produit environ 250 périscopes. Quant aux périscopes de tranchée, la plupart étaient fabriqués par les soldats eux-mêmes à partir de miroirs de poche mais certains ont été produits en série par des professionnels tels que les ateliers Carpentier et commandés par l’armée pour équiper des unités entières. SFR, fournisseur 3 La des armées alliées Fondée en 1910 par Émile Girardeau, la SFR (Société française Radioélectrique) est la première entreprise créée spécialement pour développer et produire en série des matériels radioélectriques pour les armées. Dès la déclaration de guerre, elle installe en urgence à Lyon une grande station radioélectrique 37 Des femmes (et un homme) au département de gravure de Barr & Stroud pour approvisionner en télémètres les troupes britanniques au front. affectée aux liaisons internationales, militaires et diplomatiques. Toutes les armées alliées ont fait appel à la SFR pendant la grande guerre. Au total, elle produira 63 stations fixes de plus de 5 kW, 18 000 postes d’avions, 12 500 postes portatifs et amplificateurs, 300 postes de navires et autant de postes mobiles sur autos ou caissons. En 1918, elle devient filiale de la CSF qui l’absorbe en 1957. Sans aucun lien avec l’actuelle SFR, on peut la considérer comme l’origine du groupe Thales. 3 Dès la déclaration de guerre, la SFR installe en urgence à Lyon une grande station radioélectrique affectée aux liaisons internationales, militaires et diplomatiques. Retrouvez-nous en ligne sur : www.thalesgroup.com www.facebook.com/thalesgroup twitter.com/thalesgroup plus.google.com/+thales