Quand l`intelligence vient aux données

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Quand l`intelligence vient aux données
A ÉRO N A U T I Q U E • ES PA CE • TR A NS POR T TER R ES TR E • D ÉFENS E • S ÉC URITÉ
« Fabriquer des organes humains
en 3D ? À mon avis, ce n’est
qu’une
question de temps »
Phill Dickens, professeur en technologie de fabrication au sein du groupe de recherche
Fabrication additive à l’université de Nottingham
02 ANGÉNIEUX
Pleins feux sur une entreprise
aux objectifs ambitieux
14 LES BATAILLES DE L’ÉNERGIE
Protéger les installations physiques, certes,
mais quid des plateformes numériques ?
18 CHRONIQUES MARTIENNES
La planète rouge détient-elle les secrets
de nos origines ?
Pr i n t e m p s 2 014
AU SOMMAIRE
02
18
24
»02 Angénieux sous
les projecteurs
»18 Chroniques
martiennes
»22 Le chaînon
manquant
Des blockbusters aux grands
événements, les objectifs de
ce fabricant connu dans le
monde entier captent les
moments forts de notre vie.
Y a-t-il une vie sur Mars ? De
nouveaux programmes sont sur
le point de percer à jour les
secrets de la planète rouge.
Le tunnel du Saint-Gothard,
dont l’ouverture est prévue en
2016, sera le plus long tunnel
ferroviaire du monde.
»08 Les drones : sans
pilote mais irrésistibles
Qu’ils volent au-dessus de nos
têtes ou sillonnent le fond des
océans, les drones occupent une
place de plus en plus importante.
» 10 Big Analytics
Collecter des données est
une chose, exploiter leur
valeur potentielle en est
une autre. De nouvelles
technologies permettent de
tirer pleinement parti du flot
d’informations disponibles.
»14 Les nouvelles
batailles de l'énergie
La sécurité pose de plus en plus
de défis au secteur pétrolier.
Quelle aide l’innovation technologique peut-elle lui apporter ?
»24 La vie en 3D
14
La fabrication additive
a réellement de quoi
révolutionner notre monde
de demain.
»30 Les incubateurs
Une idée n’est vraiment
intéressante que si elle peut
s’échapper de l’esprit de son
inventeur. Comment lui donner
des ailes ?
» 3 4 Av i o n i q u e
de haut vol
Le cockpit du futur – Avionics
2020 – établit un nouveau
standard en matière
d’innovation aéronautique.
»36 Thales et la
Première Guerre
mondiale
Alors que le monde
commémore le déclenchement
de la guerre 1914-1918, nous
rendons hommage aux pionniers
et ingénieurs qui ont fait appel
à la technologie pour changer
le cours des événements.
Directeur éditorial Keith Ryan Directeur de la création Nick Dixon Directeur de la publication Ian Gerrard Responsable de production Karen Gardner Traduction e-files Directrice conseil Tina Franz
Directeur financier Rachel Stanhope. Publié par Caspian Media Ltd pour Thales. Les opinions exprimées n’engagent que leurs auteurs et ne sauraient en aucun cas engager la responsabilité de Thales ou de
Caspian Media Ltd. Caspian Media Telephone 020 7045 7500 Email [email protected] Web www.caspianmedia.com
01
« Quel ingénieur ne rêve pas de créer un de ces
‘dream products’ qui élargira les champs du possible
tout en captant une part de marché mondial importante
et générera ainsi un chiffre d’affaires significatif ? »
Q
uel entrepreneur
féru de science et de
technologie ne porte
pas en lui l’espoir
de faire naître un
de ces produits qui font rêver, non
seulement parce qu’ils représentent
d’innovation réussie repose sur
trois piliers.
Le premier et le plus évident est
fondé sur l’acquis technologique, quand
il existe. Le patrimoine scientifique et
technique, la culture de l’innovation
forment un socle solide sur lequel on
Enfin, il faut entretenir un
dialogue permanent avec le client.
Être à son écoute, comprendre ses
problématiques et ses besoins est la
seule manière de mieux définir ce qui
a de la valeur pour lui, et donc, in fine,
de concevoir de meilleurs produits dont
une avancée technologique, voire une
rupture, mais aussi et surtout parce
qu’ils correspondent à une attente ?
Quel ingénieur ne rêve pas de créer
un de ces « dream products » qui
élargira les champs du possible tout en
captant une part de marché mondial
importante et générera ainsi un chiffre
d’affaires significatif ?
Le chemin à emprunter pour
transformer cet espoir en réalité n’est
sans doute pas le même s’agissant
d’inventeurs individuels ou de grandes
entreprises de haute technologie
opérant à l’échelle mondiale. Les
petites entreprises et les startups sont connues pour leur agilité,
leur adaptabilité et souvent leur
créativité. À l’autre extrême,
les grands groupes sont capables
de déployer des moyens importants,
s’inscrire dans la durée et s’attaquer
à des défis complexes et multiformes.
Pour une entreprise comme Thales,
le défi de l’innovation est de réussir
la fusion des avantages des startups et des grands groupes. C’est
pourquoi, je crois qu’une politique
peut construire des différentiateurs
technologiques. À deux conditions :
la première est que la recherche
menée au sein de ces grands groupes
corresponde bien à un besoin du
marché ; la seconde est que la politique
de R & T soit conduite de manière
collaborative avec le milieu académique
de façon à avoir accès à des recherches
plus fondamentales. Le partenariat avec
des instituts de recherche au plus haut
niveau permet, en outre, de développer
des liens forts dans des pays où Thales
entend se développer.
Ensuite, il faut se tenir en état
de veille permanente. Partout dans
le monde, chaque jour, des milliers
d’entrepreneurs enthousiastes créent
des sociétés, inventent de nouveaux
produits et services, transforment
le marché, lancent des initiatives
intéressantes. Pour anticiper les
ruptures de demain, nous devons
aussi nous rapprocher des startups et des PME, coopérer avec
cet écosystème, être capables de
détecter, parmi elles, les pépites
susceptibles d’enrichir nos capacités.
certains seront ces fameux « dream
products ». C’est le sillon que nous
continuons de creuser chez Thales
en créant des « innovations hubs »,
structures d’innovation collaborative
mêlant nouvelles méthodes de
conception, simulations multi-échelles,
visualisations adaptées afin de co-créer
avec nos clients et les utilisateurs de
nos solutions une offre différenciatrice.
Marko Erman,
Directeur technique, Thales
Notre innovation en chiffres
#1
mondial en gestion
du trafic aérien.
80 %
des transactions bancaires réalisées
dans le monde sont sécurisées par Thales.
800 000
radios tactiques
ont été vendues
par Thales dans
plus de 50 pays ces
30 dernières années.
02
INNOVATIONS : ANGÉNIEUX
« L’innovation est au coeur de l’histoire de
l’entreprise depuis toujours. Elle nous a rapporté
beaucoup d’activité, et à un certain moment, nous
produisions plus de 70 000 objectifs par an. »
Pierre Andurand, président de Thales Angénieux
En 1977, le président des États-Unis,
Richard Nixon, était interviewé par le
journaliste britannique David Frost. Cet
entretien allait devenir le premier d’une
longue série. La caméra qui enregistra
ces émissions historiques était équipée
d’objectifs zoom 15x18 d’Angénieux.
03
En bref
1
Au cours de
sa longue
histoire,
Angénieux a
produit les
objectifs qui ont
saisi certains
des moments les
plus importants
de l’histoire
contemporaine.
2
L’innovation
est
essentielle
pour répondre
aux défis d’une
industrie en
évolution rapide.
3
À l’avenir,
Angénieux
continuera à
innover en se
concentrant sur
la télédiffusion
3D en direct.
Angénieux
sous les
projecteurs
Des blockbusters des studios de
cinéma aux grands événements
contemporains, les objectifs de ce
fabricant connu dans le monde
entier captent les moments forts
de notre histoire collective.
Christian Doherty
Combien d’entreprises industrielles peuventelles se vanter d’avoir décroché un Oscar ? C’est
pourtant bien un Oscar d’honneur que le fabricant
français d’objectifs Angénieux a obtenu en 1989,
pour sa contribution à l’industrie cinématographique.
La statuette a été remise à Pierre Angénieux,
le fondateur de la société, en reconnaissance des
réalisations techniques impressionnantes qui jalonnent
son histoire depuis 1935 et jusqu’aux plateaux de
cinéma d’aujourd’hui.
Il ne s’agit pas de la seule distinction que le monde du
cinéma a décernée à Angénieux : en 2009, le bureau
d’études de la société a obtenu un Oscar scientifique et
technique récompensant la conception mécanique des
objectifs compacts Optimo 15-40 mm et 28-76 mm, sans
oublier un Emmy Award reçu en 2005.
Depuis des dizaines d’années, les grands cinéastes
du monde entier tiennent à utiliser les objectifs
Angénieux et la société fait toujours référence en matière
de technologie des optiques.
04
INNOVATIONS : ANGÉNIEUX
« ... Si l’on veut vraiment innover... on essaie dix
choses et il y en aura peut-être deux ou trois
seulement qui réussiront, mais c’est de ces succès
que viendront les vraies percées technologiques. »
Pierre Andurand, président de Thales Angénieux
Précision et exactitude (de gauche à droite) : les objectifs Angénieux subissent des contrôles rigoureux du début à
la fin de la production ; la première usine Angénieux à Saint-Héand.
L’innovation est fondamentale
Pierre Andurand, président de Thales Angénieux,
veille au juste équilibre entre l’excellence dans les
secteurs traditionnels (les objectifs) et le développement de nouvelles technologies, en particulier pour la
défense (systèmes de vision) et la télédiffusion 3D.
« L’innovation est au cœur de notre histoire
depuis toujours, explique-t-il. Elle nous a
rapporté beaucoup d’activité, et à un certain
moment, nous produisions plus de 70 000 objectifs
par an, un volume énorme pour une société
relativement petite. »
Angénieux s’est depuis diversifié vers les
marchés de la défense, de l’aéronautique et du
spatial, en particulier après son acquisition par
Thales en 1993. Depuis le siège, près de Lyon,
Pierre Andurand dirige l’une des sociétés les plus
innovantes de France.
« Nous ne travaillons pas seulement selon la
technologie disponible, mais surtout en fonction
des besoins du marché », souligne-t-il. Sa société
examine l’orientation de ses principaux marchés
et détermine la manière de s’y adapter en tirant
un meilleur parti des évolutions technologiques
récentes. « Nous maintenons notre expertise
technique à un très haut niveau, sans jamais
perdre de vue l’intérêt de nos clients. »
Pierre Andurand souligne qu’une entreprise
comme Angénieux ne peut rester à la pointe qu’en
nouant des partenariats avec des sociétés similaires :
« Nous essayons de travailler dans un réseau
d’entreprises proches par la taille et faisant un travail
complémentaire, explique-t-il. Nous pouvons ainsi
utiliser la technologie là où nous la trouvons, car nous
ne pouvons pas, à nous seuls, tout développer. »
Le cœur d’une PME
Même avec toutes ses récompenses et son statut
de leader dans son secteur, Angénieux reste au fond,
selon son dirigeant, une PME axée sur l’innovation.
Cette attitude demande autant de courage que de
dévouement :
« Il est vrai que lorsque nous avons lancé certains
projets, nous savions que nous prenions des risques,
reconnaît Pierre Andurand. Mais si l’on veut vraiment
innover, il faut parfois accepter l’échec. Sur dix
choses que l’on essaie, il y en aura peut-être deux ou
trois seulement qui réussiront, mais c’est de ces
succès que viendront les vraies percées
technologiques. »
Angénieux consacre généralement 15 à 20 % de
son budget de R&D à des projets complètement
innovants : « Nous disons à nos collaborateurs : vous
êtes libres d’innover, allez-y ! Au bout d’un moment,
nous regardons ce que ça donne et si le potentiel de
marché se confirme, nous soutenons le projet. »
Et de citer, sur les dix dernières années, plusieurs
exemples pour lesquels Angénieux a cherché des
05
Un grand
pas pour
l'humanité...
et pour
Angénieux
Le 20 juillet 1969,
Angénieux participe à
l’une des aventures les
plus extraordinaires
de l’histoire humaine,
permettant par la
même occasion
à des millions de
personnes de vivre ce
moment exceptionnel :
ce jour-là, un homme
pose pour la première
fois le pied sur la Lune.
Le matériel embarqué
pour immortaliser
ce moment, dont les
images ont fait le tour
du monde, est équipé
d’objectifs Angénieux.
La société a développé
un zoom spécial,
adapté aux conditions
très particulières de
la mission : petit,
léger, facile à utiliser.
L’objectif 6 x 12,5 a été
transformé en 6 x 25
pour être compatible
avec la caméra
Westinghouse à capteur
de 25 mm équipant les
missions Apollo X, XI et
XII. Il est aussi équipé
d’une lubrification
mécanique innovante
car un lubrifiant
ordinaire se vaporiserait
et déposerait un fin
brouillard sur les
lentilles. Il a aussi fallu
trouver une nouvelle
manière de traiter les
surfaces des optiques
tout en protégeant
le matériel des
rayons du soleil. Les
images ainsi obtenues
restent parmi les plus
emblématiques de notre
histoire collective.
06
INNOVATIONS : ANGÉNIEUX
L’importance d’Angénieux au cinéma est
indéniable, des classiques tels qu’Easy Rider
en 1969 (à droite) aux créations actuelles de
Hollywood, et aussi de Bollywood (à droite et aussi
ci-dessous). L’entreprise impose aujourd’hui sa
marque dans la télédiffusion en « 3D live », grâce à
son système AB One (à droite, en bas) qui enrichit
encore les possibilités d’innovation futures.
« Nous disons à
nos collaborateurs :
vous êtes libres
d’innover, allez-y ! »
« Cela a été très fructueux, commente
Pierre Andurand. En règle générale, il s’agit de
projets sur trois ans, d’une valeur d’environ 10
millions d’euros. Nous profitons du financement et l’un des projets lancés en 2009 nous a
aidés à développer une nouvelle gamme de
matériel 3D. »
Pierre Andurand, Thales Angénieux
partenaires afin de mieux répartir les risques et
de se procurer des compétences et connaissances complémentaires.
« Cela nous a bien réussi, car nous avons
ainsi eu la possibilité de trouver et de développer de nouvelles technologies, se félicite-t-il.
Nous avons une très bonne expérience en la
matière, et le système du Pacte PME nous a
aidés. » Le Pacte PME a été mis en place en
2005 par le gouvernement français pour
développer des groupements d’entreprises
dans certains domaines, en incitant les
grandes sociétés à travailler avec les PME
innovantes. Il existe une vingtaine de ces
groupements en France, et Angénieux y
participe avec enthousiasme. En retour, la
société a reçu des subventions pour ses
projets en collaboration avec d’autres PME,
des laboratoires locaux ou des établissements
d’enseignement supérieur.
Esprit multidimensionnel
Pour Pierre Andurand, le passage à la 3D offre
à Angénieux une autre piste à explorer pour
rester à la pointe de la technologie optique.
« Depuis quelques années, nous préparons
le lancement d’un nouveau système de
tournage en 3D pour la télévision, avec des
optiques et servomécanismes commandés à
distance, directement depuis le camion de
production, et des aides stéréographiques.
C’est un gros développement pour nous, qui
n’est possible que grâce à des partenariats. »
Angénieux travaille avec de nombreux
partenaires sur ce projet, notamment Binocle
3D, selon un accord qui lui permet de
développer et de réaliser des systèmes
complets d’acquisition de films 3D « en direct
live ».
Tout en travaillant sur les spécifications
techniques de ce nouveau système, les
ingénieurs
d’Angénieux ont mis
à profit leur compréhension des
besoins du client pour
affiner l’ergonomie
des produits. Pour
Pierre Andurand, cela
témoigne du travail
intensif qui a été
consacré à ce qui
sera le principal facteur de différenciation de
la société.
« Ce nouveau système de télédiffusion
3D doit être adapté aux utilisateurs, alors nous
essayons de faire en sorte qu’il soit aussi facile
à utiliser que possible. Souvent, l’innovation est
seulement concentrée sur la technologie, mais
nous avons fait de l’expérience de l’utilisateur
le paramètre central de notre travail. » Cela
sera, selon lui, un élément essentiel pour faire
entrer la TV 3D dans les mœurs. Diffuseurs,
producteurs et spectateurs doivent être
07
« ... Nous devons nous aligner
sur les nouveaux standards. Et
pour cela, nous devons rester
concentrés sur l’innovation afin
de garder notre avance. »
Pierre Andurand, Thales Angénieux
convaincus que les déceptions nées de
la 3D appartiennent au passé.
« La 3D, ce n’est pas nouveau. De
nombreuses sociétés l’utilisent déjà au
cinéma, dans des films comme Avatar et
Gravity, et aussi à la télévision. Mais il faut
reconnaître qu’il y a eu de très mauvaises
productions, qui ont déçu beaucoup de gens.
Depuis quelques années, on fait tout un
brassage à propos de la 3D, et pourtant le
public est encore souvent assez dépité. »
Cette déception est pour lui le résultat de
nombreux facteurs allant d’une stéréographie
mal conçue au manque de confort des
lunettes 3D.
Pierre Andurand se dit certain que cela va
changer : « Nous avons une vision différente
de ce qui est possible. Le potentiel de la
télédiffusion 3D est énorme. Pour devenir
leader de cette technologie, une société de
production devra utiliser le meilleur équipement disponible, celui que nous sommes en
train de développer et de simplifier. Ensuite,
il y a la diffusion proprement dite, pour que
les gens puissent regarder la TV 3D chez eux
sans devoir porter de lunettes, par exemple.
Cela ne fait pas partie du travail d’Angénieux,
mais la technologie devrait être très
prochainement disponible. »
La demande existe, notamment en Chine,
en Russie ou encore au Moyen Orient.
« Nous devons être prêts, avec une
nouvelle solution pour le marché, et nous avons
l’occasion de le faire aujourd’hui, dans le
monde entier, grâce au soutien apporté par
Thales à Angénieux. »
Scénario idéal
Pour ces marchés, évidemment, la 3D sera
boostée par des contenus enrichis qui
changeront la donne. Pierre Andurand espère
profiter de certains événements pour montrer
ce que peut donner la TV 3D à la maison :
« Nous essayons, par exemple, de convaincre
les chaînes chinoises de couvrir les Jeux
Asiatiques de cette année avec du matériel 3D.
Ce serait le scénario idéal pour cette technologie nouvelle et innovante. »
À l’arrière-plan, il y a les fabricants japonais,
qui restent certainement la force la plus
importante sur le marché mondial des
technologies pour la télévision et qui injectent
déjà cette technologie dans leurs appareils.
Même scénario en Corée du Sud.
« Cela signifie que nous devons nous
aligner sur les nouveaux standards. Nous
devons rester concentrés sur l’innovation pour
rester en tête et devancer les développements
technologiques du Japon et de la Corée. C’est
intéressant, parce qu’au moment où nous
sommes sur les talons des Japonais, eux
tentent d’imposer un nouveau standard très
contraignant, appelé 4k. Pour être réalistes,
nous ne pourrons probablement pas nous
aligner sur ce nouveau standard avant 2025, et
il sera difficile de rester dans la course. Mais la
technologie que nous développons pour le
milieu très exigeant du cinéma nous permettra
d’y parvenir. »
Faire aussi bien que les meilleurs, et mieux
encore : la recette a bien réussi à l’entreprise
depuis quatre-vingts ans, et rien n’indique
qu’Angénieux doive bientôt perdre son avance.
08
INNOVATIONS : LES DRONES
Sans
pilote mais
irrésistibles
5,2
DES ACTEURS MONDIAUX
Les drones connaissent aujourd’hui
une croissance remarquable, tant dans
les airs que sous l’eau. La majeure partie
de ce dynamisme est à mettre à l’actif de
l’industrie de défense américaine : les
drones sont dans leur grande majorité
déployés à des fins militaires. Mais
leur utilisation dans le secteur civil est
elle aussi en pleine expansion, avec les
missions de sécurité urbaine ou, dans
certains pays, la chasse aux tornades.
Si l’espace aérien contrôlé des États-Unis
s’ouvre effectivement (la FAA devrait
introduire une nouvelle réglementation
en 2015), le marché commercial pourrait
supplanter la demande du secteur
militaire. Les drones navals enregistrent
le même taux de progression. Ils
pourraient eux aussi remplacer les
systèmes conventionnels. À l’instar
des drones aériens, ils réduisent
les risques de pertes humaines et
constituent un apport majeur pour
l’efficacité des opérations.
milliards
de dollars
Valeur totale estimée du marché annuel
mondial, qui devrait atteindre 11,6 milliards
de dollars dans les dix prochaines années, soit
un total de plus de 89 milliards de dollars.
PRINCIPAUX ACTEURS
SUR LE MARCHÉ
DES DRONES :
: Northrop
·Etats-Unis
Grumman et General Atomics
: Israel Aerospace
·Israël
Industries et Elbit Systems
: Thales, EADS,
·Europe
Finmeccanica et BAE Systems
ENVIRONNEMENT
URBAIN
Applications civiles
Les technologies de drones s’appliquent déjà
à des domaines très variés – surveillance des
tornades aux États-Unis, sécurité urbaine de
la ville de Mexico, livraisons de documents
importants dans les Émirats Arabes Unis,
opérations de recherche au Canada.
EN MER
676,14
millions
de dollars
Valeur estimée du marché
mondial des drones navals
à l’horizon 2017.
09
EN CHIFFRES
4 000
ETATS-UNIS :
ISRAËL :
AFRIQUE :
57
des dépenses
mondiales de R & D sur
les drones proviendront
des États-Unis dans les
dix prochaines années.
vend ses systèmes à
49 pays. C’est le 2e
fabricant mondial de
drones et le premier
exportateur : 150 M$
en 2008 ; 979 M$ pour
la seule année 2010.
22 % de croissance
annuelle sont attendus
en Afrique dans les
cinq prochaines
années sur le marché
des drones pour la
sécurité des frontières.
EUROPE :
ASIE :
400 drones pour
applications civiles
sont actuellement
développés dans
l’Union européenne.
27 % de croissance
annuelle sont attendus
en Asie dans les cinq
prochaines années sur le
marché des drones pour
la sécurité des frontières.
drones sont
actuellement en
service dans le monde.
pays ont des activités
de fabrication de
drones.
270
entreprises ont
fabriqué plus de 960
types de drones.
65 %
51 %
des drones seront acquis
par les États-Unis.
7 500
drones commerciaux
de petite taille
devraient voler aux
États-Unis dans les
cinq prochaines années.
DANS LES AIRS
54 systèmes de drones
Watchkeeper de Thales
ont été commandés par l’armée de terre britannique,
ce qui en fait le plus important programme
européen de surveillance du champ de bataille. Le
Watchkeeper est aussi le seul drone à bénéficier
d’une certification lui permettant d’évoluer dans
l’espace aérien européen.
13 constructeurs
européens
composent le consortium MIDCAS
initié par l’Agence européenne de
défense pour établir une feuille
de route prévoyant les modalités
d’intégration des drones dans
l’espace aérien européen. MIDCAS
contribuera à définir les normes
de navigation, d’intégration
du contrôle du trafic aérien et
d’évitement des collisions.
Dans l’immense espace maritime, les
drones de surface et les drones sous-marins
autonomes offrent de multiples applications
civiles et militaires – océanographie, forages
offshore, exploration pétrolière, sécurité des
installations portuaires, sécurité maritime,
lutte anti-sous-marine et guerre des mines.
30 000
heures de vol ont
été cumulées jusqu’en
avril 2010 par les
drones déployés en
Irak et en Afghanistan.
10
INNOVATIONS : BIG ANALYTICS
En bref
1
Si l’histoire
du Big Data
passionne, le
Big Analytics
(ou « broyage de
données ») offre
des perspectives
fabuleuses.
2
Quand
l'intelligence
vient aux données 3
Cette analyse
des masses
de données en
circulation aura
sur l’industrie des
répercussions
encore
insoupçonnées.
Transport, droit, assurance, santé, le Big Data concerne
tous les domaines imaginables. Ces volumes massifs
de données ne seraient rien cependant sans l’analyse
qui en est faite et qui leur confère tout leur sens.
John Coutts
La Commission européenne s’est
engagée à développer l’économie du
Big Data. La Direction Générale des
réseaux de communication, du contenu
et des technologies (DG CONNECT)
voit dans la gestion intelligente de
l’information et le Big Data des moyens
essentiels d’accroître la compétitivité
européenne.
Neelie Kroes, vice-présidente de la
Commission européenne chargée de
l’Agenda numérique, expliquait lors de
la conférence organisée sur le sujet à
Bruxelles en 2013 : « Les possibilités
offertes sont gigantesques. Le Big Data
peut révolutionner la façon dont nous
prenons nos décisions et résoudre à
moindre frais de multiples problèmes,
notamment pour optimiser la production et gérer les soins de santé ou les
ressources en général. »
Le torrent d’informations que
génèrent presque chaque être humain
et chaque machine sur la planète – des
tweets à la vidéosurveillance en passant
par les satellites et les capteurs de trafic
– recèle un potentiel incroyable.
Mais traiter le Big Data implique de
relever des défis majeurs. Tout d’abord,
même si une large part des référentiels
contient encore des données structurées, les données collectées et stockées
sont de plus en plus dénuées de
structure, de sorte qu’il devient difficile
d’appliquer des méthodes d’analyse
classiques. Ensuite, il y en a beaucoup.
Personne ne sait exactement combien,
mais on estime que 90 % des données
existantes ont été générées au cours
des deux dernières années.
La vitesse aussi complique le
processus – une masse conséquente
de Big Data est générée en temps réel,
souvent trop importante pour être
stockée. La question de la véracité se
pose également : comment évaluer la
qualité de volumes exorbitants de
données non structurées ? Ces
données sont-elles fiables ?
À l’aube du Big Analytics
Face à l’évolution du paysage de
données, les analystes développent tout
un arsenal d’outils et de techniques afin
Des outils
adaptés sont
indispensables
pour surmonter
le bruit et
déterminer les
connexions et
relations
sous-jacentes
– qui pourraient
se révéler très
précieuses.
11
12
INNOVATIONS : BIG ANALYTICS
« Nous traitons aujourd’hui des quantités
faramineuses d’informations, et il n’est pas
toujours immédiatement possible de dire
si une information est vraie ou non. »
exemple, compte environ
1,3 milliard d’utilisateurs actifs,
contre quelque 620 millions sur
Twitter. Sur le plan analytique,
chaque utilisateur est considéré
comme un « nœud », et le
grande base comprenant de
nombreuses lignes et colonnes,
rappelle Jean-François
Marcotorchino, vice-président et
directeur scientifique de Thales
Communications & Security. Or,
le mode de stockage des
données évolue et nous devons
réinventer la gestion de tout le
processus pour traiter les
données directement, en
procédant à de nouveaux calculs.
Il convient par exemple en
priorité de ‘paralléliser’ et de
‘linéariser’ les codes
d’exploration des données
existantes et à venir, sans parler
des nouvelles architectures de
stockage comme NoSQL que
développent les grands acteurs
de services en ligne : Google,
Amazon, Facebook, etc. »
Ces techniques de traitement
avancées et le Big Analytics (ou
« broyage des données »)
entrouvrent des voies inédites.
L’un d’elles concerne l’analyse
des réseaux sociaux, parmi
lesquels Twitter et Facebook, à
l’aide de techniques de calcul.
Les données graphiques que
produisent ces réseaux sont
d’autant plus précieuses qu’elles
révèlent des corrélations, à
grande échelle, entre le temps,
le lieu, l’identité et le contenu,
par exemple des mots clés.
Mais rechercher des modèles
dans un océan de données n’est
pas chose aisée. Facebook, par
nombre de liens entre ces nœuds
– ou ces utilisateurs – se compte
en dizaines de milliards. Une
première étape consiste donc
à simplifier tout cela jusqu’à
atteindre une complexité gérable.
« Nous commençons par
identifier des communautés.
Les outils que nous mettons
au point, par exemple au sein
du CeNTAI, notre Centre des
nouvelles technologies d’analyse
de l’information, nous aident à
détecter les liens entre les gens
sans qu’il soit nécessaire
d’analyser les contenus ou les
commentaires spécifiques,
explique Jean-François
Marcotorchino. Dans un
deuxième temps, nous sélectionnons les mots clés échangés
entre les nœuds pour repérer les
communautés recherchées. Puis
nous examinons la sémantique
employée et pouvons alors mieux
cerner ce qui occupe réellement
ces gens. »
Associer ainsi Big Data et
Big Analytics permet de faire
des prédictions et de discerner
des tendances qui, sinon,
passeraient inaperçues.
La police figure parmi les
principaux acteurs pour lesquels
cette approche revêt un intérêt
particulier. Il devient en effet
possible d’observer divers
comportements, qu’il s’agisse de
terrorisme, de troubles de l’ordre
public ou encore de fraude.
32
d’interagir avec de grands
ensembles, complexes, de
données et d’en tirer des résultats
et des enseignements.
« Du temps de l’exploration
de données, on gérait une
milliards
de dollars
Jean-François Marcotorchino, vice-président et directeur scientifique,
Thales Communications & Security
Selon les
analystes d’IDC,
le secteur du
Big Data devrait
représenter plus
de 32 milliards
de dollars en
2017, à raison
d’une croissance
annuelle de 27 %
Cruciale question
de confiance
En plus de renforcer la sécurité
publique, le Big Analytics
pourrait aussi bientôt aider les
entreprises à protéger leur
réputation. Les mauvaises
nouvelles – parfois créées de
toutes pièces à dessein – se
répandent vite sur les réseaux
sociaux. Il est donc indispensable pour les entreprises de
disposer d’outils à même de
limiter tout dommage potentiel,
en suivant les commentaires des
consommateurs et en réagissant rapidement dès que la
situation s’envenime.
Jean-François Marcotorchino
souligne ainsi : « Les rumeurs
colportées sur le net peuvent
nuire considérablement aux
entreprises, surtout dans la
mesure où la contagion repose
sur l’immédiateté et la vitesse
de transfert des données. » Et
d’ajouter : « Nous avons en
projet, pour les entreprises, des
applications spécifiques fondées
sur l’analyse des rumeurs. »
Étant donné le volume
colossal de données facilement
accessible, il n’est pas très
étonnant que la fiabilité des
données apparaisse comme une
nouvelle frontière. Les données
non structurées servent en effet
de plus en plus à des applications critiques – notamment
dans la finance, pour la détection
des fraudes et le maintien de
l’ordre en général. D’où
l’importance croissante de savoir
sonder la véracité des données.
« Nous traitons aujourd’hui
des quantités faramineuses
« Nous devons
investir dans le
Big Analytics »
L'analyse dans les villes intelligentes
La mobilité urbaine est un domaine où le Big Analytics pourrait
bientôt avoir un très grand impact. Les organismes chargés des
transports publics et les opérateurs eux-mêmes accumulent
d’énormes masses de données, dont l’essentiel est généré par
les cartes de transport intelligentes. Les systèmes de billettique
déployés par Thales par exemple sont installés dans 100 villes
dans le monde et traitent chaque jour plus de 50 millions de
d’informations, et il n’est pas
toujours immédiatement
possible de dire si une information est vraie ou non, poursuit
Jean-François Marcotorchino.
En ce sens, la confiance est
cruciale : les gens n’ayant pas
toujours le temps de tout vérifier,
ils ont besoin de réponses
simples, d’un oui ou d’un non.
S’ils bénéficient d’une analyse
automatique croisée à partir de
différentes bases de données,
imaginez les avantages
potentiels. Ils pourraient
toutefois aussi recourir à la loi
des grands nombres via le
crowdsourcing, autrement dit
aux avis ou informations issus
simultanément d’un nombre
important de personnes. »
Avancer vers la vérité
Tout l’art d’exploiter au maximum de vastes ensembles de
données consiste à savoir quel
volume – faible ou non – il
convient d’analyser pour
atteindre l’objectif fixé. Une
entreprise ayant déjà segmenté
sa clientèle, par exemple, peut
disposer de suffisamment
d’éléments sur ses habitudes
d’achat pour définir une
campagne marketing efficace
sans avoir à tout reprendre
depuis le début. Un grand
échantillonnage peut suffire.
« Si vous connaissez en
amont la population visée, il n’est
pas nécessaire de traiter toute la
base de données afin d’analyser,
potentiellement, des millions de
lignes de données, précise
Jean-François Marcotorchino.
Vous devez simplement traiter un
grand échantillon d’environ
100 000 clients dont vous avez le
profil complet. »
Les approches analytiques
peuvent aussi servir à influencer
les données générées et
contribuer à éliminer les
informations en excédent ou non
pertinentes. Les enquêtes de
satisfaction constituent un
exemple typique. Dans le cadre
d’une enquête classique, chaque
participant répond aux mêmes
questions. Or, les enquêtes de
ce type prennent du temps à
mettre en place, et un grand
nombre de questions est
nécessaire pour permettre une
transactions. Pourtant, seule une fraction du potentiel de ces
données est exploitée. Les approches de Big Analytics sont la
clé qui permettra de tirer meilleur parti encore des informations
existantes et d’ouvrir les portes d’un futur plus interconnecté
que jamais, en comprenant mieux le comportement et le flux
des passagers ainsi que la façon dont les voyageurs utilisent
infrastructures et équipements.
analyse réellement approfondie.
Les entreprises sont également
confrontées à la lassitude des
participants, qui cliquent alors
« sans opinion » des dizaines de
fois – ou ne répondent pas du
tout à l’enquête. Les méthodes
d’enquête dynamique appliquent les techniques
analytiques afin d’éviter toute
ambivalence dans les réponses
et de savoir ce que les clients
pensent vraiment. Développée
en collaboration avec un autre
acteur, la solution de Thales
visant à sonder les passagers
des compagnies aériennes
s’appuie sur des techniques de
logique et de ramification très
fiables, qui prennent en compte
une multitude de réponses déjà
formulées.
Les enquêtes sont réalisées à
l’aide de tablettes, et la solution
en question inclut des outils de
reporting sophistiqués dont des
tableaux croisés, la segmentation des données et le Trending.
C’est là un moyen pour les
compagnies aériennes
d’accroître leurs revenus et de
fidéliser leurs clients en
répondant à leurs besoins réels.
Ces solutions montrent
combien des analyses innovantes améliorent l’efficacité et
la compétitivité. Les organismes
de tous types peuvent bénéficier
de la révolution analytique, que
ce soit les organes de police
cherchant à mieux détecter les
infractions, ou les banques et les
assurances luttant contre la
fraude. Dans ce domaine,
l’expertise européenne s’impose
toujours plus.
« Nous devons investir dans
le Big Analytics, pas dans le Big
Data en lui-même, insiste
Jean-François Marcotorchino.
L’Europe ne jouit pas de toute
l’expertise des États-Unis en
matière d’architecture de base
de données. Mais pour le Big
Analytics, il en va autrement.
Grâce à des universités comme
Paris VI en France et l’Imperial
College au Royaume-Uni, nous
sommes au même niveau que le
MIT ou Stanford et faisons
parfois mieux encore. L’Europe a
le potentiel nécessaire pour très
bien se positionner dans ce
domaine. »
14
INNOVATIONS : INDUSTRIE PÉTROLIÈRE
Il a fallu près d’un an pour
éteindre les plus de 600 puits de
pétrole koweitiens auxquelles les
forces irakiennes en déroute ont
mis le feu lors la première guerre
du Golfe, en 1991.
La sécurité
mobilise les
énergies
Protéger les infrastructures
pétrolières n’est pas tâche
facile. Encore moins quand
elles deviennent virtuelles.
©Sebastião Salgado/Amazonas/nbpictures
John Coutts
Sebastião Salgado
Selon un rapport récent d’Exxon Mobil intitulé Outlook for Energy:
A View to 2040, le pétrole, le gaz et le charbon représenteront encore
« environ 80 % de la consommation totale d’énergie en 2040 ». Il n’y a
donc rien d’étonnant à ce que les opérateurs déploient des efforts
colossaux pour découvrir de nouvelles réserves et trouver de nouveaux
moyens d’extraire encore plus des gisements existants. Le rythme
effréné auquel évolue le monde ne fait qu’accentuer la pression.
« La demande croît en raison de l’évolution démographique, de
l’expansion économique et de l’urbanisation qui entraînent, en
particulier, de nouveaux besoins en matière de transports, de
production industrielle et d’électricité », explique Arnaud Rimokh,
business development manager chez Thales.
Selon une étude de l’Agence internationale de l’énergie, le monde
devra investir 16 billions de dollars – soit 1 % du produit intérieur brut
mondial – au cours des trois prochaines décennies pour maintenir le
niveau actuel des approvisionnements en énergie.
« C’est pourquoi le secteur investit dans le champ pétrolier
numérique, car l’exploration et la production deviennent de plus en
plus complexes », déclare Arnaud Rimokh. Au Sommet sur les
champs pétroliers numériques qui s’est tenu en 2013 au RoyaumeUni, on a estimé que les dépenses totales en amont dépasseront
700 milliards de dollars en 2013. La valeur totale du champ pétrolier
numérique devrait dépasser les 200 milliards de dollars d’ici à 2015,
soit 40 % de plus qu’en 2012.
Le champ pétrolier numérique est l’intégration d’un énorme flux de
données en temps réel, de capacités analytiques et de technologies de
l’information évolutives. Il améliore radicalement l’efficacité des
En bref
1
La sécurité
a toujours
été une priorité
absolue pour
les compagnies
pétrolières.
Mais de
nouveaux défis
technologiques
se font jour.
2
L’apparition
du champ
pétrolier
numérique
oblige désormais
à protéger les
infrastructures
virtuelles
au même
titre que les
infrastructures
physiques.
3
Les progrès
de la
technologie
aident l’industrie
à se protéger,
alors que même
celle-ci devient
de plus en plus
vulnérable.
opérations et aide les opérateurs à combler le fossé entre les activités
amont et aval. Mais, en même temps, il suscite de nouvelles inquiétudes concernant la sécurité et la résilience des infrastructures, car les
systèmes sont de plus en plus interconnectés. Du fait que l’exploration
et la production exigent de plus en plus de technologie et de capitaux,
la sécurité intégrée devient une nécessité plus impérieuse que jamais.
Évolution des enjeux de sécurité
Outre les menaces classiques (intrusion non autorisée, vol et
vandalisme sur les infrastructures physiques), le secteur du pétrole et
du gaz doit aujourd’hui se prémunir contre un nombre croissant de
menaces non conventionnelles, notamment le terrorisme, le crime
organisé et les cyberattaques.
Les difficultés rencontrées sont aggravées par le fait que le pétrole
et le gaz sont produits dans des environnements de plus en plus
reculés et rudes : des pays et territoires où non seulement le travail
est éprouvant sur le plan physique, mais où les risques politiques
inhérents à l’activité sont importants.
Les infrastructures sont aujourd’hui plus nombreuses et
extrêmement éparpillées, donc plus difficiles à protéger. Le réseau
mondial de pipelines, par exemple, s’étend actuellement sur plus de
trois millions de kilomètres.
Si les infrastructures restent un des principaux points faibles, les
récents changements de tactique des terroristes imposent aussi de
mieux protéger les salariés du secteur. On l’a vu avec l’attaque
terroriste de janvier 2013 sur le site d’exploitation gazière d’In
Amenas, en Algérie, investi par des terroristes qui ont pris en otages
des employés et des civils.
« Il faut protéger non seulement les infrastructures fixes mais
aussi le personnel employé par les compagnies pétrolières »,
constate Jean-Pierre Vidal, responsable de la ligne de produits
Solutions pour la protection des infrastructures critiques chez Thales.
« C’est une évolution récente qui génère de nouveaux risques. »
16
INNOVATIONS : INDUSTRIE PÉTROLIÈRE
« L’objectif est de fournir à l’opérateur une
vision globale de toutes les infrastructures
et d’apporter la réponse la plus efficace. »
Jean-Pierre Vidal, responsable de la ligne de produits
Solutions de protection des infrastructures critiques chez Thales
Les atteintes criminelles aux infrastructures posent un problème différent. Le
soutirage illégal (le fait de ponctionner un
pipeline pour soutirer du pétrole) en est un
bon exemple : dans certains pays, il est
pratiqué à grande échelle. Or, non seulement
d’organismes extérieurs comme les services
d’urgence ou les forces gouvernementales.
Devant la multiplication des menaces, les
opérateurs s’intéressent de plus en plus aux
solutions de sécurité qui protègent non pas
un, mais plusieurs sites disséminés à travers
le vol de pétrole prive l’opérateur de revenus,
mais il peut aussi avoir des conséquences
catastrophiques : explosions, pertes de vies
humaines, dommages environnementaux.
Il est dans de nombreux cas lié au crime
organisé, avec revente du pétrole volé sur
les marchés internationaux.
Outre les attaques physiques, les
compagnies de pétrole et de gaz sont
également vulnérables aux cyberattaques.
Ces dernières visent les systèmes informatiques existants, en particulier les systèmes
de sécurité. Le sabotage électronique cible
aussi les systèmes de contrôle industriel qui
supervisent et surveillent les infrastructures
clés, telles que les vannes et les pompes.
une région ou un pays.
« Notre approche consiste à utiliser des
données en temps réel pour aider les
opérateurs à prendre les meilleures décisions
Continuité et réactivité
Le secteur pétrolier a plusieurs besoins
spécifiques en matière de sécurité. Le
premier est de garantir la continuité de
l’activité. La production est une affaire de
process présentant un niveau élevé
d’interdépendance : un seul incident peut
avoir des répercussions sur la totalité de la
ligne de production. C’est pourquoi il est
essentiel d’identifier chaque maillon faible et
de protéger toute infrastructure vulnérable.
Deuxièmement, si les choses tournent mal,
il faut que les opérateurs puissent intervenir
rapidement et de façon coordonnée. Pour
gérer efficacement la crise, il faut un système
de contrôle-commande capable de produire
une évaluation de la situation commune et
exploitable : une vision globale qui peut être
partagée et qui permet d’agir.
C’est absolument vital, en particulier en
cas d’accident majeur nécessitant
l’intervention non seulement du personnel
de sécurité de la compagnie, mais aussi
Le pétrole en marche
Couvrant les quelque 1 000 km qui
séparent la côte méditerranéenne
de l’Allemagne, le pipeline sudeuropéen est l’une des artères
économiques clés de l’Europe.
La solution de contrôle et de
supervision développée par Thales
pour l’opérateur, la Société du
Pipeline Sud-Européen (SPSE),
assure 24h/24 le bon fonctionnement
des infrastructures. Basée sur la
plateforme de supervision modulaire
et ergonomique SCADAsoft
(Supervisory Control and Data
Acquisition) de Thales, elle gère les
mises en sécurité du pipeline et du
terminal maritime. Spécialement
adaptée aux spécificités du stockage
et du transport de produits pétroliers,
elle permet aux opérateurs de
contrôler et de commander les
différents équipements pour garantir
les objectifs de livraison du pétrole
vers les stations de pompage, vannes
de lignes et terminaux de livraisons.
et à anticiper les risques et les problèmes,
explique Arnaud Rimokh. Cela nécessite la
mise en place de capteurs sur les sites, de
communications haut débit et de techniques
pour exploiter, contrôler et filtrer les données.
Maîtriser cette complexité est la vocation
première des solutions que nous proposons. »
Thales est présent depuis longtemps sur
le marché de la sécurité des sites pétroliers
et gaziers, avec des références qui remontent à plus de vingt ans. Sa capacité à
déployer des solutions complexes à grande
échelle s’appuie également sur une
expertise reconnue dans trois autres
domaines : les télécommunications,
l’intégration des systèmes d’information
critiques et la cybersécurité, notamment
dans les contextes militaires difficiles.
Pour construire la solution optimale,
il faut commencer par évaluer toutes les
infrastructures du client.
« Dans le cas d’un pipeline, cela signifie
évaluer avec l’opérateur le niveau de
menace, l’environnement physique, l’impact
des activités humaines sur la totalité du trajet
du pipeline et le risque politique », précise
Jean-Pierre Vidal.
Chaque infrastructure est différente, c’est
pourquoi les solutions sont développées sur
mesure. « Nous adoptons une approche
multi-capteurs, ajoute-t-il. Elle consiste à
implanter des capteurs à fibre optique sur
toute la longueur du pipeline et à utiliser un
radar et des caméras à longue portée. Nous
pouvons également déployer des capteurs
mobiles, avec des caméras montées sur des
véhicules ou des drones. Le plus important
17
Si les infrastructures physiques
peuvent être des cibles tentantes,
comme l’a montré l’attaque
perpétrée en janvier 2013 contre le
site d’exploitation gazière d’In
Amenas, en Algérie, elles ne sont
toutefois pas le seul point vulnérable.
est d’identifier la combinaison optimale
de capteurs et d’adapter la solution à
la situation. »
Ce qui différencie l’offre et les compétences de Thales sur ce marché, c’est sa
capacité unique à construire et exploiter des
drones et des satellites, des moyens dont il
est difficile d’altérer le fonctionnement.
« Il est facile de sectionner un câble,
commente Jean-Pierre Vidal. Un satellite
élimine ce risque et permet, en même
temps, de suivre facilement votre impact sur
l’environnement. »
Prendre le contrôle
La surveillance des installations technologiques n’est qu’un aspect de la sécurité.
Les capteurs utilisés pour la surveillance,
les systèmes de détection, le contrôle
d’accès et la protection périmétrique
génèrent d’énormes volumes de données.
Pour en tirer des informations utiles, il faut
un système intelligent de gestion, de
traitement et d’interprétation.
Les centres de commandement et de
contrôle ont pour tâche de donner un sens
au flot de données et d’alarmes générées
en cas de crise, en réduisant la surcharge
informationnelle et en présentant aux
opérateurs uniquement les données les
plus importantes et les plus utiles.
« L’objectif est de fournir à l’opérateur une
vision globale de toutes les infrastructures
et d’apporter la réponse la plus efficace,
explique Jean-Pierre Vidal. Pendant la phase
de spécification de chaque programme, nous
évaluons les différents types de crise qui
peuvent survenir. Pour chaque incident, nous
élaborons une réponse standard qui
respecte les procédures opérationnelles de
l’entreprise concernée. »
En cas de crise, les équipes de commandement et de contrôle peuvent, d’un clic de
souris, accéder aux outils d’aide à la décision.
Ceux-ci fournissent des instructions pas à
pas sur les mesures à prendre en temps
voulu, les processus clés étant automatisés
pour gagner un temps précieux.
« Il s’agit d’aider les opérateurs à réagir
efficacement dans une situation de crise »,
résume Jean-Pierre Vidal.
Les outils de communication et de
collaboration jouent un rôle essentiel. En cas
d’incident, les opérateurs doivent pouvoir
coordonner leurs propres forces de sécurité.
En cas d’attaque grave, ils doivent pouvoir
également partager l’information avec les
forces de sécurité gouvernementales.
L’infrastructure de commandement et de
contrôle de Thales permet de le faire facilement
et rapidement. Des solutions de ce type ont
déjà commencé à révolutionner la sécurité
dans des secteurs critiques comme le
pétrole et le gaz. Mais elles pourraient aussi
améliorer l’efficacité des activités, permettant aux opérateurs de faire plus avec moins
de ressources et de travailler en toute
confiance dans n’importe quel environnement, aussi isolé ou risqué soit-il.
« Quand nous parlons innovation, nous ne
parlons pas seulement de sécurité, explique
Arnaud Rimokh. Il s’agit d’utiliser notre
expertise en matière de recherche et de
technologie pour aider les compagnies de
pétrole et de gaz à accroître leur production et à
produire plus d’énergie. Cette combinaison de
défis est le cœur de l’avenir du secteur ; il est
par conséquent vital que nous jouions notre
rôle, si nous voulons que nos approvisionnements énergétiques restent constants, sûrs et
sécurisés pendant des années encore. »
Protection en eaux profondes
Leader mondial de la détection acoustique sous-marine, Thales fournit des sonars pour les
sous-marins, les navires de surface, les avions et la guerre des mines. L’antenne acoustique à
fibre optique, par exemple, peut être utilisée pour des applications de détection, de multiplexage
et de transport. Ses principaux avantages sont une capacité d’interrogation à longue portée,
l’utilisation en eau profonde, des antennes sous-marines compactes et robustes. Cette
technologie permet d’améliorer les capacités de défense, comme c’est le cas du sonar sousmarin, mais pas seulement : d’autres domaines profiteront des avantages qu’elle offre, en
particulier la surveillance et le contrôle maritime. Elle peut aussi être utilisée dans le secteur de
l’exploitation pétrolière et gazière offshore pour des applications de surveillance des installations
industrielles implantées au fond des océans.
18
INNOVATIONS : EXPLORATION SPATIALE
Chroniques
martiennes
La planète rouge hante notre imagination depuis des siècles.
Dans notre effort pour comprendre l’Univers et notre propre
rôle, nous tendons vers elle comme des insectes vers la lumière.
Et en ce moment même, des robots mobiles construits par
l’homme parcourent sa surface, l’examinent de très près et
nous envoient les résultats de leur exploration.
Dr Stuart Clark
La NASA a parlé de sept minutes de terreur.
Aucun observateur de l’événement ne saurait la
contredire. Le 6 août 2012, la sonde spatiale MSL,
d’une valeur de 2,5 milliards de dollars, s’est
engouffrée dans l’atmosphère martienne à la
vitesse prodigieuse de 21 000 km/h.
À l’aide de son bouclier thermique, de
parachutes et d’un module de descente équipé
de rétrofusées, le robot mobile Curiosity devait
décélérer, puis atterrir à la surface de Mars dans
des conditions météorologiques inconnues, en
complète autonomie. Contrôler la sonde depuis
la Terre était exclu : la distance est telle que les
signaux mettent entre 10 et 15 minutes à la franchir.
Parmi les spectateurs de l’événement, au
Jet Propulsion Laboratory (JPL ) de la NASA, à
Pasadena, Vincenzo Giorgio, vice-président de
Thales Alenia Space chargé de la science et de
l’exploration. Lui le sait bien : les atterrissages
sur Mars sont toujours risqués. Les terribles
tempêtes qui sévissent sur la planète font varier
sa densité atmosphérique : il est donc crucial que
les parachutes comme les rétrofusées fonctionnent à la perfection.
Le bilan, après plusieurs décennies de
missions martiennes, est sans équivoque :
au total, la moitié des atterrissages ont échoué.
Au grand soulagement de toutes les
personnes impliquées dans le projet, l’issue,
en août 2012, a été heureuse. Curiosity a bien
atterri et n’a cessé, depuis, d’explorer la surface
de Mars. Le robot mobile, qui arpente la planète
depuis plus de 500 journées martiennes, ou
« sols », a prouvé, à l’aide de ses dix instruments
embarqués, que Mars avait un jour été habitable
et que de l’eau avait coulé à sa surface.
ChemCam
Si Vincenzo Giorgio se trouvait dans l’assistance
ce jour-là, c’était notamment pour l’un des
principaux instruments du rover, le ChemCam,
construit par Thales. Son rôle ? Analyser
rapidement les roches, à distance, sans que
Curiosity ait besoin de se déplacer. Pour cela, le
robot vise une cible, puis ChemCam tire au laser,
portant une infime partie de la roche à plus de
10 000 °C. Un petit télescope embarqué étudie
la lumière émise par la roche vaporisée et en
détermine la composition chimique. Les
chercheurs décident alors, sur Terre, si cette
roche vaut la peine que le robot mobile se
détourne de sa route pour aller l’analyser plus en
détail.
ChemCam, le laser qui met les roches en
fusion a aussi enflammé les esprits et attisé
l’intérêt des médias, en particulier à l’occasion
de son 100 000e tir , réalisé en novembre dernier.
Au risque d’endommager le sol martien ?
En bref
1
Les missions
martiennes
nous aideront
à mieux
comprendre
notre place dans
la Galaxie.
2
De nouvelles
technologies
permettent
aux opérateurs
sur Terre de
diriger le robot
mobile Curiosity,
actuellement à la
surface de Mars,
et de mener des
expériences.
3
Certains
plans à long
terme pour
l’exploration de
Mars envisagent
des missions
habitées – mais
pas avant
des dizaines
d’années.
19
« Le sabre
du Jedi »
Le 6 août 2012,
un véhicule spatial valant
2,5 milliards
de dollars s’est engouffré
dans l’atmosphère
martienne à la vitesse
prodigieuse de
21 000 km/h.
« Le sabre du Jedi » – voilà
comment Sylvestre Maurice
décrit l’instrument laser
ChemCam de Curiosity
construit par Thales.
Planétologue à l’Université de
Toulouse, il a eu l’idée de cet
instrument en discutant avec
Roger Wiens, du Laboratoire
national américain de Los
Alamos, en 2001. Tous deux
se sont rendu compte que
parcourir la surface de Mars
ne serait pas de tout repos
pour un robot mobile. Une
méthode d’analyse à distance
serait donc très utile pour
pouvoir choisir quelles roches
approcher.
« Nous connaissions tous
deux des systèmes laser
capables d’aboutir à ce
résultat, mais ils pesaient
plus de 50 kg », explique
Sylvestre Maurice. La masse
étant synonyme de dépense
de carburant, il fallait
ramener ce poids en-dessous
de 10 kg pour espérer
emporter l’instrument sur la
planète rouge. Après deux
ans d’intenses travaux de
R&D, ils ont obtenu une
version du laser pesant
0,6 kg, sans perte de qualité
(contre 10 kg pour le produit
commercial). Une démarche
couronnée de succès,
puisque ChemCam a envoyé
ses premières données moins
de deux semaines après
l’atterrissage de Curiosity en
août 2012 et est depuis lors
l’instrument le plus utilisé du
rover. Ses résultats ont déjà
donné lieu à 25 publications.
Le contrôle de ChemCam
incombe conjointement au
CNES et au laboratoire de
Los Alamos. Une semaine
sur deux, Sylvestre Maurice
et son équipe sont en charge
depuis le CNES à Toulouse.
Le décalage horaire avec la
NASA les oblige à travailler
entre 16 h et 3 h du matin,
mais ils ne regrettent pas de
devoir écourter leurs nuits !
20
INNOVATIONS : EXPLORATION SPATIALE
Les premières missions habitées vers Mars
n’auront pas lieu avant 2030-2040. D’ici là
interviendront deux nouvelles missions partant à
la recherche de traces de vie passée ou présente
sur Mars : la première doit être lancée en 2016
Les analyses du robot mobile Curiosity confirment que Mars a été un jour une planète habitable et que de l’eau a coulé à sa surface.
« À la fin de la mission [soit, d’après les estimations, au bout de
trois millions de tirs], nous n’aurons vaporisé tout au plus qu’un
gramme de Mars », explique Sylvestre Maurice, astronome et
planétologue à l’université Toulouse III – Paul Sabatier.
ChemCam est le fruit d’une collaboration franco-américaine
entre l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie
(OMP-CNRS/Toulouse III – Paul Sabatier) et le Laboratoire national
de Los Alamos (États-Unis). Thales a construit le laser de cet
instrument sous contrat avec l’agence spatiale française, le CNES,
qui supervisait cette contribution à la mission Curiosity.
Aujourd’hui, Mars est un monde désertique et sec. Mais cela n’a
pas toujours été le cas. L’une des découvertes majeures de Curiosity
a été de traverser un cours d’eau asséché et de trouver des galets aux
bords arrondis par l’érosion ancienne. Le robot mobile a également
découvert des matières argileuses dans des substrats rocheux, ce
qui a conduit la NASA à annoncer que l’eau anciennement présente
sur Mars devait être « potable ».
Y a-t-il de la vie sur Mars ?
L’exploration de Mars n’est pas seulement une fin en soi. Elle nous
en apprendra plus sur notre propre monde. L’origine de la vie sur
Terre reste un mystère. Personne ne sait comment notre planète
est devenue habitable. La vie n’a encore jamais pu être produite
en laboratoire en mélangeant des produits chimiques…
Et malheureusement, la plupart des roches qui étaient
présentes sur Terre lorsque la vie y est apparue ont été détruites
par les mouvements continus qui agitent la surface de notre
planète. La tectonique des plaques, qui provoque tremblements
de terre et éruptions volcaniques, s’est chargée de recycler les
plus vieilles pierres, supprimant les fossiles et toute trace chimique
de ces temps primitifs.
Sur Mars, c’est différent. Plus petite que la Terre, cette planète
ne produit pas une chaleur interne suffisante pour occasionner
une tectonique des plaques. Les roches anciennes ont dû perdurer
et doivent conserver la trace de l’origine de la vie sur Mars.
Ces hypothèses n’ont rien de farfelu. Grâce à Curiosity et aux
missions qui l’ont précédée, nous avons aujourd’hui suffisamment
de preuves pour savoir que Mars était autrefois une planète habitable,
dotée de cours d’eau et même d’étendues d’eau stagnante.
Pourtant, Curiosity ne dispose pas d’instrument permettant de
rechercher des preuves d’activité biologique.
« Il faut passer à l’étape suivante, explique Vincenzo Giorgio.
Cette étape, c’est ExoMars, qui recherchera des preuves de vie
passée ou présente. »
Le programme ExoMars de l’Agence spatiale européenne (ESA)
comporte en fait deux missions dont Thales Alenia Space est le
maître d’œuvre. La première, qui sera lancée en 2016, comprend
un orbiteur et un atterrisseur, qui testera le système d’entrée, de
descente et d’atterrissage.
Il est impossible de tester complètement ce matériel sur Terre.
La gravité et la densité de l’atmosphère y sont très différentes de
celles de Mars. Les ingénieurs doivent donc s’en remettre à des
simulations logicielles. Ils travaillent déjà d’arrache-pied aux systèmes
de guidage, navigation et pilotage, qui seront déterminants pour
poser ces missions à la surface sans les endommager.
La seconde mission ExoMars sera lancée deux ans plus tard, en
2018. Elle comprendra, elle, un atterrisseur et un robot mobile. À tous
les stades critiques de la mission, une équipe de Thales Alenia Space
21
sélectionné les molécules « gauchères ». Quoi qu’il en
soit, c’est ce signe distinctif que le robot mobile européen
s’attachera à repérer.
Pour Vincenzo Giorgio, ExoMars constitue la première
étape d’une feuille de route globale de l’exploration
martienne, qui aboutira à une mission habitée : l’homme
travaillera de concert avec les opérateurs de l’ESA au Centre
européen d’opérations spatiales à Darmstadt (Allemagne). Ces
phases critiques comprendront le lancement, les manœuvres à
mi-parcours pour placer le véhicule spatial sur sa trajectoire de
rendez-vous avec la planète rouge, enfin, l’entrée, la descente et
l’atterrissage – de nouveau sept minutes de terreur à supporter.
Une fois posé à la surface, le robot mobile se mettra en quête
de preuves de vie passée, voire présente, sur Mars. Ce sera la
première fois que l’on recherche la vie sur Mars depuis les années 70.
À l’époque, les modules d’atterrissage des sondes Viking de la NASA
avaient mené une série d’expériences à la recherche de microbes
dans la poussière martienne, ainsi que de gaz métaboliques. Ces
expériences n’avaient pas été probantes ou
avaient conclu à l’absence des
éléments recherchés.
Le robot mobile d’ExoMars sera
équipé d’un ensemble d’instruments
bien plus perfectionnés, conçus pour
rechercher les empreintes chimiques
de la vie. Il sera capable de détecter la
signature moléculaire unique qui distingue le vivant du non-vivant.
C’est ce qu’on appelle la chiralité. Les biomolécules peuvent exister
sous deux formes, images l’une de l’autre dans un miroir, comme nos
mains. La vie sur Terre utilise presque exclusivement des protéines
lévogyres, « gauchères ». Cette prédominance est l’une des
caractéristiques de la vie.
Personne ne sait si cette prévalence s’est imposée parce que
davantage de molécules lévogyres étaient disponibles lors de la
formation des premiers êtres vivants sur Terre, ou parce que les
systèmes biologiques primitifs ont d’une manière ou d’une autre
marchera sur Mars. Vincenzo Giorgio fait partie du Groupe
de travail international sur l’exploration spatiale et a
participé à la Conférence de l’Académie internationale
d’astronautique (IAA) sur l’exploration spatiale qui s’est
tenue à Washington DC au mois de janvier.
Le Groupe de travail international sur l’exploration de
Mars (IMEWG), fondé en 1993, rassemble des représentants de toutes les agences spatiales et des principaux
organismes qui participent à l’exploration spatiale. Il vise à
établir une stratégie internationale pour l’exploration de
Mars, afin de coordonner les missions à destination de la planète.
Aujourd’hui, presque toutes les agences spatiales (hormis celle de
la Chine) travaillent à cette feuille de route, qui vise à s’assurer que
leurs efforts ne présentent pas de doublon.
De commun accord, l’étape suivante, après ExoMars, sera une
mission de retour d’échantillons. Elle rapportera des roches martiennes qui seront analysées sur Terre, mais elle sera aussi l’occasion
de développer un véhicule de lancement capable de décoller depuis
Mars. Soit exactement ce dont auront besoin les astronautes pour
rentrer sur Terre à l’issue de leur mission martienne.
Une mission de retour d’échantillons martiens serait toutefois
coûteuse, environ 5 milliards d’euros d’après les estimations récentes.
Les missions habitées reviendraient encore plus cher et la question se
La prochaine étape, après ExoMars,
consistera à ramener sur Terre des
roches martiennes pour les analyser.
pose de l’intérêt d’y consacrer autant d’argent. Ne serait-il pas plus
judicieux de développer des rovers toujours plus complexes ?
« Certains prétendent qu’il y a là un conflit entre l’exploration
robotique et l’exploration humaine. Les deux ne s’opposent en aucun
cas. Certaines tâches peuvent être entièrement robotisées, d’autres
non. Pour moi, ces deux voies sont à poursuivre en parallèle », estime
Vincenzo Giorgio.
D’après lui, les premières missions habitées pourraient intervenir
entre 2030 et 2040. Pour l’instant, concentrons-nous sur les deux
missions ExoMars – malgré les 14 minutes de terreur que supposent
leurs atterrissages pour les équipes responsables !
22
INNOVATIONS : LE TUNNEL DU SAINT-GOTHARD
Les Chemins de fer fédéraux suisses (SBB)
ont lancé l’un des plus gros chantiers de
construction au monde : les nouvelles lignes
ferroviaires à travers les Alpes. Objectif :
multiplier les liaisons avec le reste de
l’Europe, réduire les temps de trajet,
augmenter la capacité de transport et
développer le fret ferroviaire.
La première phase du projet couvrait la
construction du tunnel de base du Lötschberg,
de 34,6 km de long, qui a été inauguré en 2007.
Le tunnel du Saint-Gothard, dont l’ouverture
est prévue en 2016, parcourra quant à lui 57 km
sous la montagne, ce qui en fera le plus long
tunnel ferroviaire du monde. En raison de sa
longueur, ce tunnel pose des défis considérables en termes de logistique, de mise en
œuvre et d’exigences de sécurité.
Thales travaille avec SBB sur les
systèmes de signalisation depuis 1997, date
de la mise en service du premier système
d’enclenchement électronique.
Après avoir déployé avec succès une
solution de signalisation avancée pour le tunnel
du Lötschberg, Thales travaille maintenant
avec AlpTransit Gotthard AG, l’un de ses
partenaires au sein du consortium Transtec
Gotthard, au déploiement de l’infrastructure de
signalisation de la nouvelle ligne. Cette solution
comprend des systèmes d’enclenchement
électronique, un système ETCS niveau 2 et un
système de contrôle centralisé du trafic. Elle
permettra la circulation dans les deux tunnels
de plus de 300 trains par jour à des vitesses de
250 km/h. Le temps du trajet entre Zurich et
Milan sera de 2h40, soit une heure de moins
qu’actuellement.
À la faveur de ces programmes de grande
envergure, Thales s’est doté en Suisse d’une
équipe d’experts en installations de contrôle
des trains et a créé un centre de compétence
spécialisé dans l’interopérabilité des solutions
compatibles avec l’ETCS. Le Groupe est ainsi
particulièrement bien placé pour faire croître
son activité dans ce pays résolument engagé
dans le développement de ses infrastructures.
Le
chaînon
manquant
Le tunnel du Saint-Gothard, dont
l’ouverture est prévue en 2016, sera
le plus long tunnel ferroviaire du
monde. La circulation des trains y
sera sécurisée d’un bout à l’autre
par la technologie Thales.
Pip Brooking
23
En tant que membre du consortium Transtec Gotthard,
Thales assure actuellement le déploiement de
l’infrastructure de signalisation sur la nouvelle ligne.
Celle-ci permettra la circulation de plus de 300 trains par
jour dans les deux tunnels, à des vitesses de 250 km/h.
24
INNOVATIONS : FABRICATION ADDITIVE
La vie
en 3D
Stimulateurs cardiaques, pistolets,
prothèses trachéales, fleurs
gonflables : l’impression 3D trouve
des applications tous azimuts et
pourrait fort bien changer nos vies.
Christian Doherty
Si l’idée d’utiliser une imprimante pour produire des
objets en trois dimensions semble a priori relever de la
science fiction, la technologie - dite de fabrication additive –
se banalise pourtant à vitesse grand V.
Néanmoins, force est de constater que nombre de ces
développements restent aujourd’hui marqués du sceau de
l’insolite. Si l’impression 3D de fleurs gonflables est
techniquement possible, ce n’est pas demain la veille que
l’on verra de tels objets dans la vitrine des fleuristes.
Globalement, le potentiel de l’impression 3D s’inscrit pour
le moment davantage dans une démarche de nouveauté
que d’innovation.
Toutefois, la situation est en train d’évoluer et, disons-le
clairement, les secteurs de la conception et de la fabrication
sont aujourd’hui à l’orée d’une véritable révolution. L’an
dernier, le président des Etats-Unis, Barack Obama, a
annoncé le déblocage d’un budget de 200 millions de dollars
pour soutenir la création de trois instituts d’innovation dans
les nouvelles technologies de fabrication, axés sur la
fabrication numérique, les matériaux composites légers et
les sources d’énergie de nouvelle génération.
Cette annonce a été faite sur fond d’un marché en plein
essor : en effet, selon le rapport annuel de Wohlers Associates,
on apprend que le marché de l’impression 3D et de la
fabrication additive s’est accru de 28,6 % en 2012, ayant atteint
2,2 milliards de dollars (contre 1,7 milliard en 2011), soit une
progression annuelle moyenne de 30 %. Toujours selon
Wohlers, on dénombre à ce jour environ 8 000 imprimantes
3D à travers le monde, c’est-à-dire 10 fois plus que l’an passé.
25
En bref :
1
L’impression
3D –
autrement
appelée
fabrication
additive – a le
potentiel de
transformer
profondément
les méthodes
de fabrication.
2
La fabrication
additive
trouve des
applications un
peu partout, de
la médecine à
l’aéronautique.
3
Promise à un
avenir sans
limite, cette
technologie
n’en est encore
qu’à ses
balbutiements
et doit gagner
en maturité.
200 millions de dollars
Le président Barack Obama a engagé 200 millions de
dollars pour soutenir la création de trois instituts
d’innovation dans les nouvelles technologies de fabrication,
axés sur la fabrication numérique, les matériaux composites
légers et les sources d’énergie de nouvelle génération
Jorge Roberto Lopes Dos Santos
26
INNOVATIONS : FABRICATION ADDITIVE
Une nouvelle ère ?
« Le procédé n’a rien de nouveau en soi.
La technologie remonte même aux
années 80, avec la fabrication des pièces
en plastique, explique Yannick Cadoret,
expert en mécanique au sein de l’équipe
Ingénierie de Thales. À cette époque, on
parlait de prototypage rapide. Le principe :
fabriquer une pièce par superposition de
couches successives à partir d’un dessin
CAO 3D. Sous l’effet d’un rayon laser
ultraviolet, un polymère liquide photo réactif
se solidifie sur une plateforme que l’on
abaisse progressivement pour, couche après
couche, former l’objet désiré, le tout en à
peine quelques heures. »
Se basant sur ce principe, l’impression 3D
est devenue une méthode courante pour la
fabrication des prototypes et des maquettes,
ainsi que des pièces en plastique pour les
produits de niche comme par exemple les
appareils auditifs intra-auriculaires. Ces dix
dernières années, toutefois, avec les progrès
réalisés dans les domaines de la conception
et des matériaux, cette technologie est
devenue une alternative sérieuse aux
techniques de fabrication bien établies que
sont le moulage par coulée, le moulage par
injection ou encore l’usinage.
« La fabrication additive apporte au
procédé de nombreux avantages, estime
Yannick Cadoret. Elle permet non seulement
de raccourcir la durée de fabrication de la
pièce, mais également de réduire le poids,
les coûts et le gaspillage tout en offrant une
plus grande souplesse au niveau des formes,
rendant vos produits plus attrayants et plus
compétitifs. Plutôt que d’acheter un kilo de
métal pour ensuite en éliminer 90 %
(usinage), vous n’utilisez que la quantité
strictement nécessaire. »
Des avantages indéniables
Comparée aux méthodes traditionnelles, la
fabrication additive présente deux énormes
avantages. Tout d’abord, elle libère les
concepteurs et les ingénieurs des contraintes
inhérentes aux méthodes classiques, leur
permettant de produire des pièces d’une
grande complexité avec une relative facilité.
Deuxièmement, elle permet de fabriquer
des pièces de précision à moindre frais : il
suffit de modifier le modèle CAO 3D et le
tour est joué. Obtenir une pièce parfaite était
autrefois un processus fastidieux et coûteux.
Aujourd’hui, il se résume à sauvegarder un
nouveau fichier.
Actuellement, la fabrication additive
trouve principalement des applications dans
la médecine, l’automobile et l’aéronautique.
Elle permet par exemple de concevoir et
fabriquer des implants, des prothèses, des
appareils auditifs, etc. En chirurgie esthétique, il est par exemple possible de
reconstruire un nez en adaptant sa forme à
chaque individu à partir d’un modèle 3D.
« Il en va de même en dentisterie où il est
possible de scanner en 3D la dentition de
chaque patient et ce, pour un prix quasiment
identique, explique Yannick Cadoret. Cette
technologie offre une souplesse extraordinaire en termes de conception et de
géométrie, permettant d’adapter le profil à
chaque client sans coût ni travail
supplémentaire. »
La fabrication additive permet maintenant
de produire un très large éventail de petites
pièces - principalement en plastique - à la
structure de plus en plus complexe. Pour
l’avenir, deux axes sont prioritaires :
développer de nouveaux matériaux et
27
Développé par l’agence d’architecture et
de design Emergent, installée à Los
Angeles, ce concept-car semi-rigide a
été élaboré grâce à une technologie
d’impression 3D qui produit une
carrosserie similaire, dans sa forme et
dans sa texture, au cartilage osseux.
Dans les
années
90
« Si l’on remonte aux années 90, quand la
fabrication additive était utilisée pour fabriquer
des prototypes, la résistance de la structure
n’était pas une préoccupation majeure, puisque
justement il ne s’agissait que de prototypes. »
fabriquer des composants plus solides,
plus complexes et avec des propriétés
mécaniques plus étendues.
Concernant les matériaux, les choses
sont en bonne voie. L’utilisation de la poudre
de métal, tout comme celle de la céramique,
est désormais courante. Avec ces matériaux,
on obtient des pièces plus légères, plus
solides et d’une plus grande complexité
structurelle. Comme le fait remarquer Phill
Dickens, professeur en technologie de
fabrication au sein du groupe de recherche
Fabrication additive de l’université de
Nottingham, les fabricants doivent désormais mettre l’accent sur la fiabilité dans la
mesure où la fabrication additive fait
désormais partie intégrante du processus de
production.
« Si l’on remonte aux années 90, quand la
fabrication additive était utilisée pour
fabriquer des prototypes, la résistance de la
structure n’était pas une préoccupation
majeure. Puisqu’il ne s’agissait que de
prototypes, destinés au banc d’essai et non
pas à être utilisés sur des avions traversant
l’Atlantique, l’aspect sécuritaire restait
secondaire. Toutefois, dès lors qu’on entre
dans le processus de fabrication lui-même,
maîtrise et répétabilité deviennent des
facteurs essentiels. Ce n’est qu’au cours des
dix dernières années que ces aspects sont
devenus véritablement des enjeux. »
Mais où en sont les normes ? « Des
normes ASTM et BSI sont actuellement en
cours de développement, répond Phill
Dickens. Des travaux de base sont encore
nécessaires avant de parvenir à une bonne
connaissance du processus et de pouvoir
développer les systèmes de maîtrise
indispensables, comme pour n’importe quel
autre processus de fabrication. Mais nous
n’en sommes pas encore là. »
Des obstacles à surmonter
De toute évidence, un certain nombre de
lacunes devront être comblées pour
poursuivre sur la voie de la croissance.
Actuellement, une imprimante 3D capable
de produire de petites pièces en plastique
avoisine les 1 000 dollars US. En revanche,
pour des pièces en métal, il faut compter
entre 150 000 et 1 million de dollars. De plus,
la cadence de fabrication reste faible.
Phill Dickens reste lucide : la fabrication
additive ne remplacera jamais complètement
les techniques classiques. Mais elle a
incontestablement une place à prendre dans
l’éventail des capacités de production.
« Il y a des domaines où cette technologie
pourrait remplacer certaines techniques
classiques, comme le moulage par injection
par exemple. Toutefois, je la vois mal
remplacer l’intégralité du processus, mais
certaines parties, oui, notamment dans les
cas où l’on souhaite ajouter de la complexité.
Si l’on regarde les pièces moulées par
injection, elles peuvent sembler relativement
complexes et pourtant les formes géométriques restent considérablement limitées par
le processus. Sur ce plan, la fabrication
additive offre beaucoup plus de liberté. »
Certains travaux réalisés dans le domaine
de l’aéronautique constituent de véritables
percées et c’est peut-être là que réside la clé
de réelles avancées non seulement en
termes de réduction du prix des pièces, mais
également d’efficacité et de sécurité.
Récemment, des chercheurs de l’université
de Nottingham ont réalisé le projet de
redessiner le bras qui soutient le moniteur
vidéo des sièges de première classe sur les
vols Virgin Atlantic. Le seul fait de redessiner
cette pièce et de la fabriquer en employant
les matériaux et les procédés de la fabrication additive - et donc d’obtenir une pièce
plus légère -, permettrait, selon les calculs,
d’économiser 1 million de dollars en
carburant sur la durée de vie de l’appareil.
« Actuellement, notre travail consiste
principalement à trouver le moyen de
fabriquer des pièces dans plusieurs
matériaux, précise Phill Dickens. Plus tard,
nous parviendrons à construire des pièces
complexes intégrant du câblage électrique,
des chemins optiques, des capteurs, etc.,
tout cela en utilisant le procédé de la
fabrication additive. »
Yannick Cadoret attire également
l’attention sur le besoin qu’a General Electric
de re-concevoir les injecteurs de carburant
de son moteur LEAP. « GE a vendu quelque
4 500 moteurs. À raison de 19 injecteurs par
moteur, cela représente un volume de
85 000 pièces à produire sur les prochaines
années. D’après leurs calculs, les impriman-
28
INNOVATIONS : FABRICATION ADDITIVE
La fabrication
additive permet
maintenant de
produire un très
large éventail de
petites pièces... à
la structure de plus
en plus complexe.
La souplesse inhérente à cette technologie ouvrira les portes à de vastes possibilités, aussi bien pour les concepteurs que pour les fabricants.
Earl Stewart-Nottingham University
tes 3D industrielles actuelles n’ont pas
la capacité de répondre à ce besoin.
Toutefois, GE prévoit d’investir dans
cette technologie en triplant son effectif
(composé de 70 personnes) et en multipliant
par quatre sa surface de production. Le
motoriste estime que, d’ici 2020, quelque
100 000 pièces imprimées en 3D équiperont
ses moteurs GE9X, ainsi que les moteurs
LEAP de CFM. » À l’heure actuelle, GE
dispose d’un parc de plus de 300
imprimantes.
Encourager l’innovation
Thales joue un rôle de premier plan dans le
développement de cette nouvelle technologie, favorisant notamment son essor en
France. Le groupe est également membre
d’un consortium dont l’objectif est de placer
l’industrie aéronautique européenne au
centre de cette révolution.
Le projet AMAZE, également connu sous le
nom de « Additive Manufacturing Aiming
Towards Zero Waste & Efficient Production of
High-Tech Metal Products » ou Fabrication
additive visant à atteindre une production
efficace et sans perte de produits high-tech en
métal, regroupe 28 industriels européens,
parmi lesquels Airbus, AVIO, BAE Systems et
Volvo, qui partagent un même objectif : unir
leurs efforts pour promouvoir la fabrication
additive à travers le continent européen et
développer des composants et des techniques. Le projet AMAZE est co-financé par la
Commission européenne, au titre du 7e
programme cadre (contrat FP7-2012-NMP-ICTFoF-313781), par l’Agence spatiale européenne
et par chacun de ses membres.Les principaux
acteurs de ce programme sont unanimes. Il
faut encourager les petites entreprises
innovantes, qui sont souvent le moteur du
progrès, à adopter ce type de technologie.
« Le maillon faible de la fabrication
additive, en France et, plus généralement,
en Europe, c’est la maturité de la chaîne
d’approvisionnement, déplore Bertrand
Demotes-Mainard, vice-président
Technologies matérielles chez Thales. Il y a
encore des gens qui restent exclusivement
axés sur le prototypage et les faire basculer
vers la production n’est pas une mince
affaire. Toutefois, nous arrivons aujourd’hui
à un tournant et le rôle de Thales est de
soutenir la chaîne d’approvisionnement en
aidant les petits fournisseurs à gagner en
maturité. Notre travail consiste à repérer
ceux qui ont besoin de notre aide pour
évoluer dans la fabrication additive. C’est
une vraie priorité. »
Plus encore que les autres nouvelles
technologies, la fabrication additive et
l’impression 3D ont fait l’objet d’allégations
pour le moins délirantes, certains prétendant
29
1 million de dollars
Une imprimante 3D capable d’imprimer de petites
pièces en plastique coûte désormais moins de
1 000 dollars. En revanche, pour une machine
capable d’imprimer des pièces en métal, il faut
compter entre 150 000 et 1 million de dollars.
qu’elles permettraient aux criminels
d’imprimer leurs propres armes jetables et
d’autres que les promoteurs pourraient
« imprimer » des maisons pour une bouchée
de pain. Phill Dickens n’en croit rien, même
s’il reconnaît que cette nouvelle technologie
nous réserve bien des surprises.
« J’ai lu un article où il était question de
construire sur Mars. Il est clair que si le
projet de coloniser la planète rouge se
concrétise, il faudra y bâtir des structures et,
pour cela, il faudra utiliser les matériaux à
disposition. Les nouveaux procédés de
l’impression 3D pourraient s’avérer
fortement utiles dans ce genre
d’environnement. On pourrait par exemple
créer directement sur place des plateformes
d’atterrissage, des murs pare souffle, voire
des abris ou autres objets du même genre.
C’est quelque chose de parfaitement
envisageable : la preuve, des chercheurs
planchent déjà sur la question, avec d’ailleurs
le soutien de la NASA, même s’il ne s’agit
que d’un projet à petite échelle. »
En attendant, nul besoin d’aller aussi loin
pour attester l’énorme potentiel de
transformation que représentent les
techniques de l’impression 3D.
« À mon avis, ce n’est qu’une question de
temps avant qu’on commence à fabriquer
des organes grâce à cette technique, estime
Dickens. On pourrait envisager de prendre
du tissu humain et, à partir de celui-ci, de
construire un organe complet en s’inspirant
des mêmes procédés d’impression que
ceux utilisés aujourd’hui. »
« Les gens travailleraient sur divers types de
tissus vivants différents, en atmosphère stérile
afin de ne pas détruire les cellules souches. Il
est évident qu’un jour nous fabriquerons du
tissu vivant, mais pour cela il va falloir attendre
encore dix ou vingt ans. Une chose est sûre,
c’est maintenant que l’avenir se décide. »
De quoi donner du grain à moudre
aux chercheurs !
30
INNOVATIONS : INCUBATEURS D’ENTREPRISES
1 250
Aux États-Unis, le
nombre d’incubateurs
est passé de 12 en 1980
à 1 250 aujourd’hui. Il
y en aurait environ
7 000 dans le monde.
Source : National Business Incubation
Association (NBIA)
Le programme
d’incubateurs
israélien est
souvent considéré
comme l’un des
modèles du genre.
« Un modèle
d’incubateur
devrait être une
initiative gagnantegagnante pour
toutes les parties. »
François Chopard, consultant
chez Impulse partners
31
Graines de champions
Prenez un grain d’idées, ajoutez des mentors expérimentés,
saupoudrez avec une grosse pincée de financement et de locaux
adaptés, laissez gonfler et servez à maturité. Cela pourrait bien
être la recette idéale du succès.
Jo Russell
En bref
1
Les
incubateurs
peuvent avoir
un impact
considérable sur
les entreprises
en quête
d’opportunités
nouvelles.
2
Les
développeurs
de nouvelles
technologies
peuvent observer
que le meilleur
chemin vers
une plus large
audience passe
souvent par les
incubateurs.
3
Le défi
consiste
à soutenir les
entrepreneurs
actuels et à
encourager ceux
qui viendront
demain. Le
modèle doit
donc évoluer.
Les premiers incubateurs d’entreprises sont apparus
dans les années 50. Mais il faudra attendre le tournant
des années 2000 et l’explosion d’internet pour voir
ce modèle économique occuper une place de choix.
Aux États-Unis, le nombre d’incubateurs est passé de
12 en 1980 à environ 1 250 aujourd’hui. Selon la National
Business Incubation Association (NBIA ), il y en aurait
7 000 dans le monde. Attirant l’attention des grands
de ce monde, ils sont devenus la nouvelle coqueluche
politique. Le président Obama en personne a décidé
d’allouer chaque année 250 millions de dollars pour
contribuer à créer un réseau régional aux États-Unis.
Sous réserve de réunir les bonnes conditions,
un modèle d’incubateur devrait être une initiative
gagnante-gagnante pour tout le monde, explique
François Chopard, consultant chez Impulse partners,
et désormais aux manettes de Starburst, un incubateur
récemment lancé sur le marché aéronautique :
« En accédant aux start-ups, les grandes entreprises
prennent connaissance d’informations technologiques
extrêmement intéressantes dont elles n’auraient
autrement peut-être pas entendu parler. C’est donc
une passerelle supplémentaire pour les entreprises
qui souhaitent accéder à un nouveau marché ou
développer de nouveaux produits. »
Il y a également des avantages culturels, fait observer
le Dr Nicky Dee, chercheur à l’université de Cambridge,
au Royaume-Uni : « La véritable valeur ajoutée réside
dans la différence de perspective et d’état d’esprit. Les
entrepreneurs observent le monde et en imaginent
toutes les possibilités. La grande entreprise s’inscrit pour
sa part dans un processus de planification. Elle a donc
horreur du vide. »
Pour les grandes entreprises, adopter une attitude
positive et conquérante, en scrutant l’horizon pour y
déceler des opportunités, plutôt que se concentrer
sur la rentabilité à court terme, peut agir comme un
coup de fouet, et les inciter à encourager une culture
de l’innovation.
De leur côté, les responsables de l’incubateur
peuvent tirer parti d’un réseau en capacité de les aider
– qu’il s’agisse de bénéficier du soutien pair à pair
d’autres start-ups, d’accéder à des mentors, de disposer
de bureaux ou de laboratoires, de bénéficier de conseils
juridiques ou d’une aide financière. La taille est également importante, rappelle Nicky Dee : « La plupart des
grandes entreprises ont des réseaux de distribution
fantastiques dont rêvent les jeunes entrepreneurs. »
De multiples visages
La forme adoptée par les incubateurs peut varier
considérablement. Certains sont directement liés à des
institutions universitaires comme Telecom Paris Tech ou le
Massachusetts Institute of Technology (MIT). D’autres
sont spécialisés dans un domaine précis, comme celles
qui prennent en charge d’anciens militaires, ou qui mettent
en œuvre un projet destiné à créer des emplois. Plus
nombreux sont ceux qui entretiennent des liens directs
avec les entreprises, comme c’est le cas avec Shell/
Gameplayer. On trouve également des incubateurs qui
s’appuient sur la collaboration d’entreprises actives dans
un secteur industriel spécifique.
Ces initiatives propres à certains secteurs, dans le
cadre desquelles les concurrents sont prêts a remiser
leurs couteaux et à collaborer, sont unies dans une même
volonté de nourrir l’innovation.
32
INNOVATIONS : INCUBATEURS D’ENTREPRISES
« On ne prend pas un
entrepreneur pour lui
fournir simplement un
toit. On prend une techno
avec une idée précise en
tête et on table sur
l’expérience collective
pour forger sa confiance à
devenir un entrepreneur. »
À la poursuite des étoiles
Situé à Paris, et destiné à encourager l’innovation dans le secteur
aéronautique, Starburst est l’un de ces incubateurs new look. « Nous
avons constaté une insuffisance dans l’écosystème, explique François
Chopard. Il n’y avait pas assez de start-ups et celles qui existaient
devaient lutter pour survivre, compte tenu de la très longue durée de
cycle et du coût élevé du processus de certification propres à ce secteur.
Il y avait clairement la nécessité d’aider les start-ups à hausser le rythme
et à assurer de meilleurs contacts avec les groupes et les entreprises. »
François Chopard a donc contacté la mairie de Paris, qui lui a fourni
des espaces de bureaux à un taux préférentiel. Il a ensuite approché
tous les acteurs principaux du secteur pour leur demander de devenir
des partenaires. En échange du temps et de l’expertise qu’elles
investissent pour aider les incubateurs, en termes de sélection et de
phase de croissance initiale, les entreprises ont accès aux start-ups, avec
la possibilité de fournir des technologies complémentaires. Un an plus
tard, de grandes entreprises comme Thales, EADS et Dassault Aviation
sont montées à bord, et dix start-ups sont aujourd’hui en situation.
Starburst diffère cependant des incubateurs associés aux entreprises
individuelles, dans la mesure où son approche est plus large qu’à
l’accoutumée. Bien que ciblant le secteur aéronautique, explique
François Chopard, « nous sommes des généralistes et donc ouverts à de
nombreuses technologies différentes. De fait, nous essayons de créer
à Paris une Silicon Valley pour l’industrie aéronautique, avec une énergie
de même nature pour encourager plus de gens à créer des start-ups. »
Curieusement, alors que les avantages qu’offrent les incubateurs
sont aujourd’hui largement reconnus, il demeure difficile d’en apporter
la preuve. Dans le cadre de ses recherches, le Dr Nicky Dee a analysé
différentes études mesurant les performances des incubateurs. Pour
s’apercevoir rapidement qu’en l’absence de méthodologie standard,
il est difficile de tirer de véritables conclusions.
Qui plus est, des régions comme la Silicon Valley « présentent
certes un historique de réussites très impressionnant. Mais cela
signifie-t-il qu’elles bénéficient essentiellement du haut niveau de
qualité intrinsèque des sociétés qui y sont attirées ou faut-il plutôt
comprendre qu’elles attirent des sociétés qu’elles vont transformer
grâce à des activités à valeur ajoutée ? »
Si l’on met de côté le manque de cohérence des mesures réalisées,
les associations professionnelles font état de chiffres optimistes. La
NBIA, par exemple, estime qu’au cours de la seule année 2005, les
incubateurs américains ont aidé plus de 27 000 start-ups qui ont assuré
un emploi à plein temps à quelque 100 000 personnes, en générant un
chiffre d’affaires annuel dépassant 17 milliards de dollars.
Un judicieux équilibre
Si les incubateurs sont une recette du succès, quels en sont les
ingrédients ? Bien qu’il n’existe pas de formule prête à l’emploi, dans la
mesure où chaque incubateur subit l’influence de divers facteurs,
comme le secteur dans lequel il évolue, les besoins des investisseurs
ou le stade de développement, il existe toutefois des traits communs.
Ainsi, plus la durée d’un programme est longue, mieux il se comporte.
Les nouvelles entreprises sont intrinsèquement diverses dans leurs
besoins. Pour réussir, elles doivent bénéficier d’un réseau solide, aussi
bien en termes de courant d’affaires que de support des activités. Plus
leur longévité est importante, plus les connexions ainsi mises en place
– et leurs résultats – s’avèrent fructueux.
L’implication concrète et le support sont deux autres nécessités
incontournables. Mike Herd dirige SinC, un incubateur associé à
l’université du Sussex, au Royaume-Uni. La quasi-totalité des start-ups
acceptées au sein de SinC n’ont aucune, ou très peu, d’expérience
professionnelle.
« On ne prend pas un entrepreneur pour lui fournir simplement un
toit. On prend une techno avec une idée précise en tête et on table sur
l’expérience collective pour forger sa confiance à devenir un
entrepreneur. »
SInC peut par exemple prendre en charge la comptabilité, mais il
enseignera également aux start-ups à comprendre les systèmes
d’information financières afin de pouvoir gérer leur activité dans le
cadre d’un cycle de croissance. Cette compréhension est cruciale. Sur
les dix-huit employés de SinC, Mike Herd est le seul à disposer d’une
33
neur ne veut pas être un employé. Le meilleur modèle, pour
l’entreprise, consiste à parrainer l’incubateur, sans avoir la majorité
au capital. Elle peut ainsi être au contact de la technologie, mais en
laissant suffisamment de liberté
et de souplesse. »
En matière d’incubateurs, le programme israélien est souvent
cité comme un modèle du genre. Initié en 1991, il comporte
aujourd’hui 24 incubateurs qui ont permis de mettre sur les rails
plus de 1 400 nouvelles entreprises. Pour Nir Belzer, la clé de cette
réussite réside dans l’implication financière du gouvernement :
il fournit en effet 85 % des investissements initiaux, les investisseurs
privés apportant le complément. À titre d’incitation supplémentaire,
le prêt gouvernemental peut être remboursé sous forme de royalties
sur les ventes.
« Il ne faut pas voir dans les incubateurs des structures potentiellement rentables, mais plutôt un mécanisme grâce auquel on peut
ensuite trier soigneusement les investissements qui suivront. C’est
dans le caractère unique de l’accès que réside véritablement la
valeur », fait observer Nir Belzer.
50
Années
Les premiers
incubateurs
d’entreprises
font leur
apparition.
expertise technique plutôt que d’une expertise commerciale.
L’existence d’atomes crochus entre les parties concernées est
également un facteur d’importance, souligne Mike Herd : « Si vous ne
faites pas ce qu’il faut, vous n’arrivez pas à créer le buzz, ni les
connexions nécessaires entre les sociétés. Ça fait peut-être de jolis
espaces de bureaux, mais ça ne suffit pas pour générer de la valeur
additionnelle. »
Les mesures déjà en place – comme le Pacte PME en France –,
pour aider les start-ups et les PME à progresser et à se développer,
constituent bien sûr une aide non négligeable. Ce Pacte a pour vocation
d’aider à niveler le terrain de jeu sur lequel évoluent les PME et les
grandes entreprises lors des négociations, et d’encourager les grandes
entreprises à se comporter de manière responsable. François Chopard
souligne que de nombreuses grandes
entreprises y souscrivent, et Starburst
utilise les directives pour aider les PME
qui pensent que travailler avec un
grand groupe est « impossible ».
Nir Belzer, senior partner au sein
de la firme israélienne MMT Funds,
pense que ce hiatus peut être accentué
par les questions de propriété : « Les entreprises achètent ou
parrainent les incubateurs afin de trouver les futures structures et
technologies qu’elles pourront mettre en œuvre. Mais un entrepre-
Où sont les bonnes idées ?
Les risques financiers ne sont pas les seuls inconvénients. Selon
François Chopard, l’une des inquiétudes de Starburst est de découvrir
une pénurie de start-up en cours de route. Pour y remédier,
l’incubateur veut émuler un autre aspect du modèle israélien et
établir des liens étroits avec des organismes de recherche comme le
CEA ou l’ONERA : « L’objectif est de stimuler l’entrepreneuriat parmi
les titulaires d’un doctorat afin de créer davantage de start-ups
chaque année », explique-t-il. Cette quête s’étendra au-delà de la
France, vers d’autres centres d’innovation comme Los Angeles,
Montréal, Londres, Hambourg et Tel Aviv.
Le modèle d’incubateur continue d’évoluer en fonction de
l’économie, de l’appétit des gens à investir et des tendances du
marché. Au cours des cinq dernières années, les « accélérateurs
d’entreprises » sont apparus dans le paysage – une forme plus intense
d’incubateurs, avec un programme se comptant en mois plutôt qu’en
Curieusement, alors que les
avantages des incubateurs sont
largement reconnus, il est difficile
d’en apporter la preuve.
années, et jouissant d’une forte popularité dans la Silicon Valley, où les
investisseurs sont toujours à l’affût du prochain Facebook. Mais quelle
que soit la forme qu’ils revêtent, les incubateurs d’idées sont en prise
directe sur le monde de demain.
34
INNOVATIONS : AVIONICS 2020
Avionique
de haut vol
Avionics 2020 – un nouvel horizon pour les pilotes.
L
e concept car est
devenu un élément
incontournable
du processus
d’innovation
de l’industrie
automobile.
Un concept que Thales applique
aussi à l’aéronautique. D’abord avec
l’ODICIS (One Display for a Cockpit
Interactive Solution) destiné à
répondre aux besoins futurs des
pilotes. Ensuite avec Avionics 2020,
un cockpit de dernière génération
dévoilé lors du dernier salon du
Bourget afin de présenter diverses
applications pouvant déjà être
fabriquées et mises en œuvre.
Ambitieux et novateur, Avionics
2020 l’est incontestablement .
Il doit permettre aux pilotes de
tirer pleinement parti de leurs
compétences, et les aider dans
le même temps à gérer au mieux
leurs points faibles. Résultat de
nombreuses années de travail, ce
cockpit du futur est le fruit d’une
étroite collaboration entre Thales
et le monde de la recherche et les
experts les plus pointus en interfaces
homme-machine.
Totalement centré sur les
missions du pilote, il fusionne des
données provenant de différentes
sources et les présente de manière
à réduire la dépendance à l’analyse
cognitive, pour permettre une prise
de décision plus instinctive.
Doté d’écrans tactiles multiples,
le cockpit peut être personnalisé
pour, ou par, chaque client. Il
anticipe en outre les défis à venir
du transport aérien, notamment en
termes de réduction des émissions
carbonées et de pollution sonore,
mais aussi de rationalisation du
trafic et de maintien de normes de
sécurité adéquates.
Le cockpit Avionics 2020 a reçu
le prix Red Dot Design Concept
Award, qui le place parmi les 50
concepts les plus novateurs sur
quelque 5 000 dossiers soumis
des quatre coins du monde.
35
1
3
2
4
Centré sur les missions : la
multiplication du nombre de
missions impose aux pilotes
des contraintes de plus en plus
lourdes. Avionics 2020 intègre
les capacités et fonctions répondant aux besoins actuels et
futurs, comme les opérations de
recherche et de sauvetage et les
services médicaux d’urgence.
Intuitif: Avionics 2020 offre
une interaction naturelle et
directe permettant au pilote de
disposer de tous les éléments
nécessaires pour prendre la
bonne décision au bon moment. Il intègre une large zone
d’affichage sécurisée, avec
plusieurs moyens de contrôle
reconfigurables, des écrans
tactiles multiples intuitifs et interactifs, et des affichages
tête basse pour contrôler les
divers systèmes et fonctions
de l’aéronef.
Ouvert : l’architecture modulaire ouverte d’Avionics 2020
permet l’intégration de tous types
de systèmes ou fonctions développés par des constructeurs
tiers. Un processus de certification
incrémental permet de réduire les
coûts d’intégration et de certification tout au long du cycle de vie
du cockpit, facilitant l’adjonction
de nouvelles fonctions.
Personnalisable :
évolutif par nature, Avionics
2020 peut être personnalisé
en fonction de tout type de
plateforme. L’approche entièrement modulaire retenue pour sa
conception intègre l’interface
homme-machine, l’infrastructure,
les fonctions et équipements,
permettant son adaptation à
différentes tailles de cockpits.
Avec pour corollaire la réduction
des besoins et des coûts de
formation des équipages.
36
INNOVATIONS : THALES ET LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE
1
Thales en 14-18
« Le présent est gros de l’avenir : le
futur se pourrait lire dans le passé »,
pensait le philosophe Leibniz. Cette
année de célébration de la Première
Guerre mondiale nous donne l’occasion
de nous souvenir de ces pionniers et
ingénieurs de talent qui ont, à l’époque
et du fait des circonstances, joué un
rôle important dans le développement
de nouvelles technologies et qui ont
contribué à bâtir le groupe Thales.
Rapide retour en arrière…
télémètres de Barr
1Les
and Stroud
Dès 1914, Archibald Barr et William
Stroud durent entreprendre les
travaux d’agrandissement de leur
usine d’Anniesland, en Ecosse, pour
répondre à la demande croissante
de télémètres pour les forces
britanniques. L’entreprise fut reprise
en 1977 par Pilkington avant de
rejoindre le groupe Thales une
dizaine d’années après.
2
Les Ateliers
Carpentier : des
périscopes en série
Spécialisés dans l’optique, les ateliers
de Jules Carpentier produisent en
série des périscopes de sous-marins
et des péricopes de tranchées
destinés à l’infanterie. Ils seront l’un
des principaux fournisseurs de la
marine jusqu’à la fin des années
2
trente. De 1899 à 1919, la France a
construit près de 110 sous-marins.
Tous sont équipés d’abord d’un puis
de deux périscopes, l’un de veille et
l’autre d’attaque. Pendant cette
période, les ateliers Carpentier ont
donc vraisemblablement produit
environ 250 périscopes. Quant aux
périscopes de tranchée, la plupart
étaient fabriqués par les soldats
eux-mêmes à partir de miroirs de
poche mais certains ont été produits
en série par des professionnels tels
que les ateliers Carpentier et
commandés par l’armée pour équiper
des unités entières.
SFR, fournisseur
3 La
des armées alliées
Fondée en 1910 par Émile Girardeau,
la SFR (Société française Radioélectrique) est la première entreprise
créée spécialement pour développer
et produire en série des matériels
radioélectriques pour les armées.
Dès la déclaration de guerre, elle
installe en urgence à Lyon une
grande station radioélectrique
37
Des femmes (et un homme) au département
de gravure de Barr & Stroud pour
approvisionner en télémètres les troupes
britanniques au front.
affectée aux liaisons internationales,
militaires et diplomatiques. Toutes les
armées alliées ont fait appel à la SFR
pendant la grande guerre. Au total,
elle produira 63 stations fixes de plus
de 5 kW, 18 000 postes d’avions,
12 500 postes portatifs et
amplificateurs, 300 postes de navires
et autant de postes mobiles sur autos
ou caissons. En 1918, elle devient
filiale de la CSF qui l’absorbe en 1957.
Sans aucun lien avec l’actuelle SFR,
on peut la considérer comme l’origine
du groupe Thales.
3
Dès la déclaration de
guerre, la SFR installe
en urgence à Lyon
une grande station
radioélectrique
affectée aux liaisons
internationales,
militaires et
diplomatiques.
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