Zinedine Zidane
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Zinedine Zidane
magazine PORTRAIT Zinedine Zidane, un diamant à l’état brut Tantôt dieu, tantôt homme prêt à défendre ses valeurs, Zinedine Zidane aura prouvé lors de cette Coupe du Monde que la perfection n’est bel et bien pas de ce monde. Retour sur l’odyssée d’un joueur hors du commun ! PAR JEAN VIREBAYRE 1890 - 22 footballers use net for first time. 2006 - Millions of fans use net billions of times. 20 million fans visited the Yahoo! hosted 2002 FIFAworldcup.com site 2.4 billion times. We’re ready for more, are you? SEPTEMBRE 2006 15 magazine PORTRAIT L e temps n’altère pas le talent, comme l’a démontré Zinedine Zidane lors de la Coupe du Monde de la FIFA, Allemagne 2006, dont il a été sacré le meilleur joueur. Transformer la finale de la Coupe du Monde en un jubilé de luxe est à l’image d’un joueur hors pair, difficilement classable. Il peut être un véritable « génie » du football, comme l’a qualifié le roi Pelé au soir d’une nouvelle victoire (1-0) contre les maîtres brésiliens dont il a barré la route à deux reprises lors des trois dernières éditions de la Coupe du Monde. Mais, quand le diamant est brut, il peut parfois présenter des imperfections sur certaines facettes à l’image de son coup de tête déplacé, dans les prolongations de la finale, sur le plexus de l’Italien Marco Materazzi, devant des milliards de téléspectateurs. Un geste inexcusable qui a choqué le monde entier, même si ce coup de folie a sans doute répondu à une provocation verbale. 16 SEPTEMBRE 2006 Pourtant Zidane, aujourd’hui retraité, était sans doute le dernier grand artiste à pouvoir enflammer un stade sur un contrôle orienté, avec son toucher de balle de velours au service d’un fabuleux sens de l’anticipation. Modeste, il a toujours refusé de se considérer comme le meilleur joueur du monde. « Il me manque tellement de choses... Et surtout la constance. Dans une saison, j’ai toujours connu des périodes un peu difficiles. » Son discours est toujours resté celui de la simplicité, de l’honnêteté et du sens de la famille. Même après le titre de champion du monde de 1998 et sa victoire à l’Euro 2000. « Cela n’a rien changé. Je suis toujours resté le même. Il faut vraiment rester le même, celui que l’on est, celui que l’on a toujours été. » Né d’un père kabyle dans les quartiers nord de Marseille, une ville qui vit pour le football, rien ne semblait pourtant prédestiner le timide « Yazid » à un tel destin. Il a dû en effet énormément travailler pour répondre aux contingences physiques en raison d’une maladie génétique, une thalassémie bénigne mais très fatigante. Les buts décisifs de Zidane Son premier but : Cannes, le 8 février 1991. Cannes bat Nantes 2-1. Zinedine Zidane marque le premier but de sa carrière chez les professionnels à la 56e minute du match Cannes vs Nantes. « Le président de Cannes, Alain Pedretti, m’avait promis une voiture le jour où j’inscrirai ce premier but », se souvient-il. « Il a tenu parole et j’ai reçu ma première voiture, une Clio rouge, au cours d’une fête avec la participation de tous les joueurs de Cannes. » Ses débuts internationaux : Bordeaux, le 17 août 1994. France et République Tchèque : 2-2. Zidane fait ses débuts internationaux devant son public de Bordeaux lors d’un match amical de début de saison. Quand Aimé Jacquet lui offre alors sa première sélection à la 63e minute, la France est menée 2-0. Mais, dans les cinq dernières minutes, d’un tir lobé puis d’une tête croisée, Zidane offre l’égalisation à la France, son premier cadeau aux Bleus. Zidane à ses débuts : à Cannes en 1991 (en haut) et en 1994 sous le maillot tricolore. FACILITÉS NATURELLES Sur le plan technique, il apparaît aujourd’hui comme un surdoué. Mais même s’il avait des facilités naturelles, Zidane a beaucoup travaillé pour faire rêver avec ses exploits, comme la « magique roulette de la Castellane ». « Je suis arrivé à ce niveau en travaillant beaucoup, en essayant des tas de trucs et en en tentant d’autres. J’étais avec le ballon du matin au soir, il fallait bien que je m’occupe. Quand ce n’étaient pas des matches, c’était des un contre un, des deux contre deux, des tennis ballon. D’autres fois, il fallait viser des objets. Alors, forcément, on apprend. Et moi, tant que je n’avais pas touché un certain nombre de fois l’objet visé, je continuais », se souvient-il. Et puis, Zidane a eu la chance de rencontrer sur sa route d’homme et de footballeur plusieurs personnes qui ont su comprendre et entourer cet artiste à la sensibilité exacerbée. Jean Varraud, son « père spirituel », décédé lors de la Coupe du Monde, l’a fait venir au centre de formation de Cannes, où il a découvert l’élite à seize ans, en 1989. Il a ensuite grandi sans vague aux Girondins de Bordeaux, un club feutré correspondant à son tempérament. Sur le toit du monde : Paris, le 12 Juillet 1998. Finale de la Coupe du Monde de la FIFA : la France bat le Brésil 3-0. Alors que sa Coupe du Monde n’est pas jusque-là une franche réussite, il prouve avec maestria que les grands matches appartiennent aux grands hommes. En finale, il va illuminer le Stade de France de toute sa classe : il réussit un fabuleux doublé grâce à deux coups de têtes, sur deux corners, en première mi-temps. Son nom s’affiche sur l’Arc de Triomphe. Confirmation européenne : Rotterdam, le 2 juillet 2000. Finale de l’Euro 2000. La France bat l’Italie 2-1 sur un but en or. La France est à son sommet lors du Championnat d’Europe. Encore plus forte qu’en 1998, elle remporte un deuxième sacre européen après celui de 1984 à l’issue d’une finale haletante contre l’Italie. Même s’il ne marque pas, l’apport de Zidane, aussi craint que respecté par les Italiens qui le côtoient chaque semaine dans le Calcio, est une nouvelle fois énorme. Le chef-d’œuvre : Glasgow, le 12 mai 2002. Finale de la Ligue des Champions. Le Real Madrid bat le Bayer Leverkusen 2-1. Pour sa troisième finale de Ligue des Champions, Zidane va enfin toucher au but. Il inscrit en effet le but de la victoire sur une frappe d’une rare pureté, un but qui fait désormais partie du patrimoine de l’histoire du football. A la réception d’une transversale de Roberto Carlos, il réussit une reprise de volée parfaite du gauche qui finit dans la lucarne du gardien allemand. C’est probablement le plus beau but de sa carrière. De beaux buts décisifs : Zidane marque de la tête en finale de la Coupe du Monde 1998, et il inscrit un but de légende en finale de la Ligue des Champions de l’UEFA 2002. Ensuite, Aimé Jacquet lui a offert sa première sélection, décidant de reconstruire les Bleus autour de lui. A l’Euro 1996, Zidane est déjà le meneur de jeu alors qu’Eric Cantona reste à la maison. La Juventus de Turin, toujours orpheline de Michel Platini, découvre ensuite ce joueur de classe qui va définitivement s’épanouir en finale de la Coupe du Le retour : Montpellier, le 17 août 2005. La France bat la Côte d’Ivoire 3-0. La patrie en danger dans les éliminatoires de la Coupe du Monde 2006, Zidane fait son retour en équipe de France alors qu’il avait, un an plus tôt, annoncé sa retraite internationale. Sur un corner de Wiltord, Zidane, seul au deuxième poteau, marque le deuxième des trois buts bleus. Zidane a ranimé le rêve. Le dernier but : Berlin, le 9 juillet 2006. Finale de la Coupe du Monde de la FIFA. L’Italie bat la France 5 t.a.b 3 (1-1). Auteur du but de la victoire contre l’Espagne en huitièmes de finale, puis du penalty décisif contre le Portugal (1-0) en demi-finales, Zinedine Zidane marque son dernier but contre l’Italie en finale de la Coupe du Monde sur un nouveau penalty qu’il transforme devant Gianluigi Buffon en tentant et réussissant une « Panenka », un exploit jamais réalisé en finale de Coupe du Monde. Monde 1998 où ses deux buts de la tête ont fait plusieurs fois le tour du monde. La France tombe définitivement sous le charme de Zidane qui devient SEPTEMBRE 2006 17 magazine PORTRAIT Les records de Zidane Magicien ballon au pied, il est plutôt réservé lorsqu’il se trouve au centre de l’intérêt médiatique. En juin 2005, Zidane pose avec le vainqueur de Roland Garros, Rafael Nadal (à droite). l’emblème de la ville de Marseille et d’une France multiculturelle. Devenu « Zizou », Zidane se transforme du jour au lendemain en un symbole pour les politiques, un Français et gendre idéal pour les sondages, et une icône pour les publicitaires qui raffolent de son image de bon père de famille. Cette image aurait pu être troublée en 2001 lors de son départ au Real Madrid pour 75 millions d’euros, le plus gros transfert de l’histoire du football. Mais, en fait, l’argent n’a jamais été le moteur de Zidane pour qui il n’existe pas une contradiction entre les sommes mirobolantes qui circulent dans le football professionnel et son engagement contre la pauvreté dans son rôle d’ambassadeur de l’ONU, au même titre que Ronaldo. « Cela n’a rien à voir. Si on me donne beaucoup d’argent pour jouer au football, c’est sans doute parce que je le mérite. Ce n’est pas le genre du milieu de faire des cadeaux. Et puis, je suis d’autant plus fier d’avoir ce que j’ai aujourd’hui que je sais ce qu’est la difficulté. Cela ne peut que me motiver encore plus pour me battre contre cette pauvreté. Et, dans le milieu du football, il y a plusieurs copains qui font comme moi, y compris en équipe de France, même s’ils le font d’une autre manière. » Il sait aussi que son seul nom a une portée extraordinaire et il ne veut pas faire n’importe quoi, qui pourrait porter atteinte à son image. « Une chose est sûre, chacun a le pouvoir de faire quelque chose. Bien sûr que l’on se sert de moi. Mais, si je suis bien utilisé, je serais content. » Sur le plan sportif, après la victoire de 1998, la France arrive en position de grande favorite à la Coupe du Monde de la FIFA, Corée du Sud/Japon 2002, avec un Zidane au sommet de son art avec le Real Madrid. Mais le meneur de jeu des Bleus, arrivé en Asie au dernier moment en raison de la naissance de son fils, se blesse à la cuisse gauche lors du dernier match de préparation et manque le début du tournoi. D’un seul coup, la France est orpheline et la campagne se termine dans un lamentable fiasco. Deux ans après, au terme d’un Euro 2004 décevant au niveau de la prestation collective et du résultat, Zinedine Zidane préfère tourner la page et annonce sa retraite internationale. LE RETOUR Dernière explosion de joie : après avoir transformé un penalty en finale de la CM 2006, Zidane exulte. A la 110e minute, c’est le choc : le meneur de jeu tricolore sort sur un carton rouge après un coup de tête. 18 SEPTEMBRE 2006 Mais devant les difficultés des Bleus lors des éliminatoires de la Coupe du Monde 2006, il revient sur sa décision à l’été 2005 pour reprendre les affaires en main. Le pari est osé, mais la seule présence de Zidane transfigure l’équipe Zidane capitaine des Bleus, à l’entraînement avec le Real Madrid, le chéri de ses dames et pour une fois contre son ami et coéquipier du Real, Ronaldo. de France qui retrouve ses marques et arrache sa qualification lors du dernier match. Et puis, second coup de tonnerre quelques semaines avant le début du tournoi, Zidane décide de faire de la Coupe du Monde sa tournée d’adieu. Un nouveau pari osé qui a bien failli réussir. Pourtant au-delà de la victoire finale de l’Italie, il restera de cette Coupe du Monde un Brésil-France (0-1) somptueux où Zidane a sans doute livré le match le plus réussi de sa longue carrière. Si la perfection existe, c’est à ce stade de la compétition que Zidane l’a atteinte. Face aux maîtres brésiliens, ses passes millimétrées, ses feintes insolites et ses inspirations ont permis à la France de se hisser dans le dernier carré. Auparavant, il avait parachevé la victoire sur l’Espagne en huitièmes de finale en inscrivant le troisième but (3-1) avant de réaliser en demi-finales une prestation solide et d’inscrire le penalty de la victoire sur le Portugal (1-0). En finale contre l’Italie, le Marseillais avait ouvert le score en tentant et réussissant une audacieuse « Panenka » sur son penalty. Et puis, à la 104e minute, sur un service de Willy Sagnol, il était à deux doigts de réussir un nouveau doublé sur une superbe tête en extension pleine de puissance et de précision. Mais en face, Gianluigi Buffon, le meilleur gardien du monde, réalise une parade héroïque. Zidane sent que sa chance est passée. Le match lui échappe. Enervé, fatigué, ZINEDINE ZIDANE En ouvrant la marque lors de la finale de la Coupe du Monde 2006 contre l’Italie, Zinedine Zidane est entré dans le livre des records de la plus prestigieuse épreuve de football du monde. - Zidane, qui avait réussi un doublé lors de la finale de la Coupe du Monde 1998 contre le Brésil, est en effet devenu le quatrième joueur de l’histoire à avoir marqué lors de deux finales. Il rejoint les Brésiliens Pelé (1958 et 1970) et Vava (1958 et 1962) ainsi que le défenseur allemand Paul Breitner (1974 et 1982). - Avec trois buts inscrits en deux finales, il rejoint comme meilleur marqueur en finale les deux Brésiliens (Pelé et Vava) et l’Anglais Geoff Hurst, auteur d’un triplé en 1966. - En marquant son 31e but avec l’équipe de France, il dépasse deux légendes du football français (Just Fontaine et Jean-Pierre Papin) et figure au 4e rang des meilleurs buteurs de l’équipe de France derrière Michel Platini (41 buts), Thierry Henry (36) et David Trézéguet (32). Le carton rouge reçu en finale était le 14e de sa carrière. Né le : 23 juin 1972 à Marseille (France) Poste : milieu Carrière : 1986-1992 : AS Cannes. 1992-1996 : Girondins de Bordeaux. 1996-2001 : Juventus de Turin (Italie). 2001-2006 : Real Madrid (Espagne) Palmarès : 1998 : vainqueur de la Coupe du Monde. 2006 : finaliste de la Coupe du Monde. 2000 : vainqueur du Championnat d’Europe des Nations. 2002 : vainqueur de la Ligue des Champions de l’UEFA. 2002 : vainqueur de la Coupe Intercontinentale. 1996 : vainqueur de la Coupe Intercontinentale. 2002 : vainqueur de la Supercoupe d’Europe. 1996 : vainqueur de la Supercoupe d’Europe. 1997 et 1998 : finaliste de la Ligue des Champions de l’UEFA. 1996 : finaliste de la Coupe de l’UEFA. 2003 : champion d’Espagne. 1997 et 1998 : champion d’Italie. 2001 et 2003 : vainqueur de la Supercoupe d’Espagne. 1997 : vainqueur de la Supercoupe d’Italie. Elu Joueur Mondial de la FIFA en 1998, 2000 et 2003. Elu meilleur joueur de la Coupe du Monde de la FIFA 2006. Ballon d’or en 1998. Meilleur joueur de l’UEFA 2002. 108 matches internationaux, 31 buts. Etat au 11 juillet 2006 impuissant il a finalement une réaction de débutant et il doit quitter le stade par la petite porte. C’est fini. Zinedine Zidane a perdu son dernier pari. Mais, presque personne ne lui en veut. Il a tant donné pour le football. Zidane collectionneur – Joueur Mondial de la FIFA 2003 (en haut) et Ballon d’Or 1998. PHOTOS : FOTO-NET (12), IMAGO (5) SEPTEMBRE 2006 19 magazine INTERVIEW Joseph S. Blatter FIFA magazine : Sur dix, quelle note donneriez-vous à la Coupe du Monde de la FIFA, Allemagne 2006 ? « Seul le football en est capable ! » Pendant la Coupe du Monde de la FIFA en Allemagne, le Président de la FIFA, Joseph S. Blatter, a rendu visite à 31 des 32 équipes. Il dresse un bilan extrêmement positif du tournoi, même s’il attendait un football un peu plus offensif au deuxième tour. PAR GEORG HEITZ Joseph S. Blatter : Je lui mettrais 9 pour l’organisation et l’ambiance et 8 pour la qualité des matches. J’aurais souhaité un football plus offensif lors des matches à élimination directe. J’ai eu l’impression qu’après la phase de groupes, la seule ambition de la plupart des équipes était d’éviter la défaite, ce qui a empêché telle et telle star de briller autant qu’on s’y attendait. Les joueurs ont paru inhibés par les contraintes imposées par les sélectionneurs. Et de nombreux sélectionneurs ont misé sur un seul attaquant. Ce n’est pas beaucoup ! Zinedine Zidane, en revanche, a joué comme lors de la Coupe du Monde de la FIFA, France 98 ! Combien de Coupes du Monde avez-vous suivies activement ? Blatter : Je me rends sur place à chaque Coupe du Monde de la FIFA, pour la FIFA, depuis 1978. Mais la première à laquelle je me suis intéressé était celle de 1950 au Brésil. Pour celle de 1954, en Suisse, j’étais dans les tribunes. J’avais acheté un billet à 6,10 francs (suisses) pour la finale. Je l’ai encore. En voyant à quelle vitesse évolue le football, n’avez-vous pas parfois la nostalgie du passé ? Blatter : L’évolution du football suit celle de la société. A une époque, les terrains étaient séparés des tribunes par des grilles. C’était horrible et cela a même coûté la vie à certaines personnes. Aujourd’hui, les spectateurs peuvent de nouveau suivre l’action au plus près, surtout grâce aux Anglais qui ont ouvert la voie dans ce domaine. Le confort dans les stades est élevé. Et hors des stades, les gens célèbrent l’événement aux Fan Fests... Le Président et la coupe : Joseph S. Blatter pose avec le trophée tant convoité à Berlin. A droite : Blatter avec l’ancien président américain Bill Clinton, avec Pelé et avec sa compagne Ilona Boguska. 20 SEPTEMBRE 2006 Blatter : L’auteur de cette idée est Gregor Lentze, un collaborateur de la FIFA en Allemagne. Ces Fan Fests permettent aux supporters qui n’ont pas pu se procurer de billets de participer à l’événement. Les images qui nous sont parvenues de ces Fan Fests sont fantastiques. Le SEPTEMBRE 2006 21 magazine Blatter INTERVIEW Le marathon de Blatter football a suivi une évolution réjouissante sur ce plan. Depuis France 98, la Coupe du Monde de la FIFA se déroule dans une ambiance amicale. L’exemple de la Corée et du Japon l’a confirmé et nous l’avons vérifié une nouvelle fois cette année, en Allemagne à proposer mais je peux vous assurer que je souffre autant avec les gardiens qu’avec les buteurs, à chaque fois qu’il faut en venir aux tirs au but. Quel est pour vous le match emblématique de la Coupe du Monde ? Blatter : Non, je m’insurge contre une telle allégation. Il s’agit d’une Coupe du Monde lors de laquelle deux équipes européennes se sont imposées en quarts de finale contre les deux géants d’Amérique du Sud. Nous n’avions plus eu une telle constellation en Coupe du Monde depuis 1982. Blatter : Chaque match suscite des émotions et déchaîne les passions. Le football peut prendre un tour cruel, voire tragique, notamment lorsqu’il faut en venir aux tirs au but. Il perd alors aussi son caractère de sport collectif car tout se résume à un duel entre le gardien et le tireur. Comment peut-on changer cela ? Blatter : Nous avions introduit il y a quelques années la règle du but en or selon laquelle l’équipe qui marquait la première durant les prolongations était immédiatement déclarée victorieuse. Mais les puristes sont alors venus objecter que certains des plus célèbres matches de l’histoire n’étaient vraiment devenus captivants qu’à partir de ce premier but dans les prolongations. Comme le match qui opposa l’Allemagne à la France lors de la Coupe du Monde de la FIFA 1982 en Espagne. Malheureusement, on ne voit quasiment plus de but durant les prolongations aujourd’hui. Je n’ai pas de solution Revenons-en à cette Coupe du Monde. A partir des demi-finales, elle est devenue européenne. Quel enjeu représente la performance de l’équipe du pays hôte lors d’une telle compétition ? Blatter : Il est important pour l’ambiance de la manifestation que l’équipe locale soit bonne lors des matches de groupes et des huitièmes de finale. Ensuite, cela compte moins car les supporters célèbrent tout simplement le football en général. lors des matches était nécessaire. Ma mission était différente. J’ai rencontré toutes les délégations – à l’exception de la délégation suédoise – et discuté avec les représentants des associations. Toute l’agitation autour de la fédération du Togo vous a-t-elle irrité ? Blatter : Cet épisode est très regrettable. Un nouveau venu en Coupe du Monde qui fait autant parler de lui. Et pas de manière flatteuse ! Nous avons finalement été forcés d’intervenir dans le conflit sur les primes entre la fédération et les joueurs. Les responsables de cette affaire ont ensuite envoyé une lettre d’excuses à la FIFA. La présence de Diego Maradona a été l’une des plus remarquées dans les tribunes. Que pensezvous de son comportement ? Blatter : Je l’ai rencontré et il m’a assuré pour la 30e fois qu’il viendrait bientôt nous voir au siège à Zurich et qu’il travaillerait pour la FIFA… Maradona est Maradona, il n’y a rien à ajouter. Franz Beckenbauer, le président du Comité Organisateur Local, semble vous avoir un peu volé la vedette. Cela vous a-t-il dérangé ? Y a-t-il eu un geste qui vous ait particulièrement fait plaisir lors de cette Coupe du Monde ? Blatter : Non. Il était partout, il a célébré sa Coupe du Monde. C’est un personnage exceptionnel dont la présence Blatter : Les joueurs se sont souvent aidés mutuellement à se relever. On a également assisté à de belles scènes après Blatter avec Franz Beckenbauer, avec la chancelière allemande Angela Merkel, devant le Stade olympique et pour accueillir des écoliers britanniques. 22 SEPTEMBRE 2006 le coup de sifflet final, notamment entre les Brésiliens et les Français ou entre les Anglais et les Portugais. Seuls les Argentins et les Allemands en sont venus aux mains à l’issue du match. Mais dans l’ensemble, l’esprit fair-play prôné par la FIFA a régné sur la compétition. Dans le cadre de l’action contre le racisme lancée par la FIFA, les capitaines des équipes ont lu une déclaration avant le coup d’envoi de chacun des quarts de finale. Etes-vous satisfait de l’effet produit ? Blatter : Oui, car le football rassemble. Je suis content à chaque fois que je vois une équipe dont les joueurs sont d’origines diverses. Le football est un facteur d’intégration. Que retiendra la FIFA de la Coupe du Monde de la FIFA, Allemagne 2006 dans la perspective de la Coupe du Monde de la FIFA, Afrique du Sud 2010 ? Blatter : Nous devrons nous adapter aux conditions sur place, mais nous garderons certainement le concept des Fan Fests car il est particulièrement important de rassembler la population en Afrique du Sud. Des tentatives ont déjà été faites dans ce sens avec une Coupe du Monde de rugby et de cricket, mais elles ont échoué. Seul le football en est capable ! PHOTOS : FOTO-NET La Coupe du Monde de la FIFA, Allemagne 2006 a été particulièrement intense pour le Président de la FIFA, Joseph S. Blatter, qui a enchaîné matches, conférences de presse et rencontres avec bon nombre de personnalités. Voici les temps forts de son séjour en Allemagne (sans les séances officielles) : 9 juin 10 juin 11 juin 12 juin 13 juin 14 juin 18h00 15h00 15h00 21h00 21h00 21h00 Munich Francfort Leipzig Hanovre Berlin Dortmund 15 juin 16 juin 15h00 18h00 Nuremberg Stuttgart 17 juin 15h00 Kaiserslautern 17 juin 18 juin 19 juin 20 juin 21 juin 22 juin 21h00 21h00 18h00 16h00 16h00 21h00 Kaiserslautern Leipzig Hambourg Berlin Leipzig Dortmund 23 juin 23 Juin 24 juin 25 juin 26 juin 26 juin 27 juin 28 juin 16h00 21h00 21h00 21h00 17h00 21h00 17h00 Berlin Cologne Leipzig Nuremberg Kaiserslautern Cologne Dortmund 30 juin 17h00 1er juillet 17h00 Berlin Gelsenkirchen 2 juillet 4 juillet 5 juillet Berlin Dortmund Munich 21h00 21h00 6 juillet Berlin 7 juillet Berlin 8 juillet Stuttgart 9 juillet Berlin Allemagne vs Costa Rica Angleterre vs Paraguay Serbie et Monténégro vs Pays-Bas Italie vs Ghana Brésil vs Croatie Allemagne vs Pologne, rencontre avec la famille de Daniel Nivel Angleterre vs Trinité-et-Tobago Pays-Bas vs Côte d’Ivoire, visite au parlement du Land de Baden-Wurtemberg, signature du livre d’or du Baden-Wurtemberg, rencontre avec le premier ministre du Land, M. Oettinger Inauguration d’un monument au musée Fritz Walter en présence du premier ministre du Land, Kurt Beck Italie vs Etats-Unis France vs Corée du Sud Arabie Saoudite vs Ukraine Equateur vs Allemagne Iran vs Angola Japon vs Brésil, journée du football féminin au « World of Football adidas » à Berlin Ukraine vs Tunisie Togo vs France Argentine vs Mexique Portugal vs Pays-Bas Italie vs Australie Suisse vs Ukraine Brésil vs Ghana Conférence de presse sur la Journée de la FIFA contre la discrimination Allemagne vs Argentine Portugal vs Angleterre, séance photos avec le ministre des Sports britannique Richard Caborn et des élèves anglais ayant reçu des billets de la FIFA Tournoi Streetfootball Allemagne vs Italie France vs Portugal, remise de chèque aux Villages d’enfants SOS, rencontre avec Spike Lee, visite à iSe Hospitality Séance photos avec la First National Bank (sponsor de la Coupe du Monde de la FIFA 2010), accueil par le président allemand, Horst Köhler Cérémonie « L’appel de l’Afrique », signature d’un contrat avec un nouveau sponsor, visite à la chancellerie allemande pour recevoir la croix de l’Ordre du mérite de la République fédérale d’Allemagne Allemagne vs Portugal, signature du contrat avec McDonald’s Italie vs France, conférence de presse et signature d’un accord entre la FIFA et l’UE, réception par le président allemand, Horst Köhler SEPTEMBRE 2006 23 magazine COUPE DU MONDE DE LA FIFA, ALLEMAGNE 2006 Le danger vient de la droite Le Groupe d’Etude Technique (GET) de la FIFA a analysé de près chacun des 64 matches de la CM en Allemagne et en a tiré des conclusions particulièrement intéressantes. FIFA magazine en présente certaines. PAR HOLGER OSIECK* LES SYSTÈMES DE JEU Rien d’absolument révolutionnaire n’a été observé en Allemagne. 28 des 32 sélections évoluaient avec une ligne défensive à quatre joueurs. Le Japon a certes commencé avec seulement trois défenseurs, mais est finalement passé au système le plus utilisé. Au milieu de terrain, les systèmes proposés étaient autrement plus divers. La formation classique en 4-4-2 avec deux joueurs au centre et deux excentrés a été privilégiée notamment par le Brésil, l’Allemagne, l’Angleterre et les Etats-Unis, mais en quarts de finale, Brésiliens et Anglais ont modifié leur système en plaçant un milieu défensif supplémentaire. D’autres équipes, comme l’Argentine et le Ghana, jouaient avec un milieu relayeur devant la défense. Mais tandis que les Sud-Américains composaient leur milieu de terrain en losange, les Africains plaçaient une ligne de trois joueurs devant le milieu défensif. Constat intéressant, trois des demi-finalistes (Portugal, France et Italie) avaient aussi trois joueurs devant les deux milieux défensifs axiaux et une attaque à une seule pointe. L’organisation du jeu a offert une large gamme de style différents. Comme à leur habitude, les équipes portugaise, argentine ou encore mexicaine privilégiaient les enchaînements de passes courtes et rapides, tout en étant capables d’ouvrir le jeu grâce à de longs ballons sur les ailes, avant de chercher les spécialistes du jeu de tête sur des centres. D’autres, comme la Suède, cherchaient souvent directement leur avant-centre grâce à lde ongs ballons. Au final, ce fut le talent individuel qui tranchait entre réussite et échec. La plupart des équipes, à l’instar de l’Allemagne, défendaient en ligne, à quatre. 24 SEPTEMBRE 2006 Bloc défensif : les Italiens Gennaro Gattuso (à gauche) et Fabio Cannavaro contre l’attaquant australien Mark Viduka. L’ANIMATION DÉFENSIVE La tendance générale de cette Coupe du Monde était à la défense compacte visant à la protection des buts. Ce n’est que rarement qu’un pressing haut était exercé. On voulait ainsi éviter tout contre adverse en cas de perte du ballon. Souvent, sur possession adverse, le premier attaquant s’orientait sur le porteur du ballon tandis que le reste de l’équipe formait un bloc hermétique. La défense était généralement placée assez bas, et une fois le ballon récupéré, le jeu se portait rapidement vers l’avant. L’influence du milieu défensif axial gagne en importance dans le déclenchement des attaques. Des joueurs comme l’Italien Andrea Pirlo ou le Ghanéen Michael Essien ne sont par exemple pas des défenseurs purs. Ils sont capables, grâce à leur technique et à leur créativité, de contribuer à la construction offensive de leur équipe. Mais ils ne s’arrêtent pas là, ils dictent aussi le rythme de jeu. Selon les situations, soit ils jouent de longs ballons vers les attaquants, soit ils privilégient la construction plus sûre au moyen de passes latérales. SEPTEMBRE 2006 25 magazine COUPE DU MONDE DE LA FIFA, ALLEMAGNE 2006 © 2005 adidas-Salomon AG. adidas, the adidas logo and the 3-Stripes mark are registered trademarks of the adidas-Salomon AG group. L’ANIMATION OFFENSIVE En règle générale, toutes les équipes s’efforçaient d’utiliser les espaces sur les côtés. La plupart des joueurs de couloirs étaient rapides et d’excellents dribbleurs. L’exploitation des espaces offensifs sur les côtés avaient pour objectif de passer dans le dos de la défense adverse afin de placer l’attaquant central en position de tir au moyen d’un centre ou d’une passe. Dans les équipes qui jouaient à deux milieux axiaux, comme par exemple Torsten Frings et Michael Ballack avec l’Allemagne, les joueurs de couloirs (Bernd Schneider) se replaçaient plus au centre afin d’assurer la transition entre le milieu de terrain et l’attaque. Avec l’Argentine, Juan Román Riquelme jouait milieu offensif axial et orchestrait la plupart des attaques argentines. Il était assisté avec efficacité dans sa tâche par Javier Mascherano. Les permutations avaient principalement lieu au niveau des couloirs : les milieux gauche et droit échangeaient les côtés, à l’instar des Portugais Cristiano Ronaldo et Luis Figo. L’objectif était de perturber et de gêner la défense adverse. Petit détail : plus de buts sont venus de la droite que de la gauche (15 contre 4). LES COUPS DE PIED ARRÊTÉS Une nouvelle tendance s’est dessinée sur les coups de pied arrêtés, surtout sur les coups francs, que les spécialistes de la trempe de David Beckham ou Riquelme frappent avec un effet rentrant – à la moindre déviation, le ballon est dans le but. Alors peu importe si un coéquipier ou un défenseur adverse touche le ballon, comme l’a illustré le but de l’Angleterre face au Paraguay. Les coups francs joués dans l’axe n’ont pas été très productifs. Il est de plus en plus difficile de transformer directement des coups francs car les tireurs font l’objet d’une étude précise, les gardiens sont parfaitement préparés et les murs sont placés stratégiquement. Sur les coups francs indirects, peu de feintes ont été tentées. Les joueurs ne courent pas par-dessus le ballon et ne le jouent pas entre les jambes d’un coéquipier pour en placer un troisième en position idéale. Au contraire, on s’en remet à la technique des spécialistes. Le ballon est légèrement déplacé ou passé, avant que le tireur ne cherche à marquer directement. Le capitaine portugais, Luis Figo, a souvent permuté avec Cristiano Ronaldo. adidas.com/football SEPTEMBRE 2006 27 magazine COUPE DU MONDE DE LA FIFA, ALLEMAGNE 2006 LES GARDIENS La performance générale des gardiens a été excellente. La règle de la passe en retrait aux gardiens est maintenant assimilée et beaucoup d’entre eux, à l’instar d’Edwin van der Sar et de Jens Lehmann notamment, sont capables de dégager une passe en retrait avec confiance afin de générer une situation offensive pour leurs coéquipiers. Le fait que peu de buts aient été marqués lors de cette CM est à mettre sur le compte des progrès des gardiens autant que sur celui des blocs défensifs de presque toutes les équipes. Les gardiens se sont distingués en particulier par leurs excellents réflexes sur leur ligne et par leur capacité à s’imposer dans la surface. La précision des sorties de but, régulièrement jouées par les portiers, ainsi que les relances à la main sont devenues des éléments essentiels de la construction du jeu. Il est intéressant d’observer les dégagements des gardiens d’Amérique du Sud et centrale, qui frappent le ballon à hauteur de la hanche pour lui donner une trajectoire plus tendue – il arrive donc plus vite et plus précisément sur le coéquipier. Remarque sur le nouveau ballon adidas+Teamgeist™ : certains gardiens ont évoqué des modifications de trajectoires, mais aucune conclusion définitive n’a (encore) été apportée sur la question. *Holger Osieck dirigeait le Groupe d’Etude Technique (GET) et ses 14 membres durant la Coupe du Monde de la FIFA 2006. De 1987 à 1990, il était entraîneur adjoint de l’équipe nationale allemande, assistant Franz Beckenbauer. En 1990, il a été sacré champion du monde en Italie. Bien présent sur la ligne, excellent balle au pied : Edwin van der Sar, gardien des Pays-Bas. PHOTOS : FOTO-NET (3), IMAGO Groupe d‘Etude Technique CM de la FIFA 2006 1er rang (de g. à d.) : Andy Roxburgh, Holger Osieck (FIFA, chef du GET), Roger Milla, Jürg Nepfer (FIFA, coordinateur du GET). 2e rang : Jim Selby, Josef Venglos, Roberto T. Brantschen (FIFA, coordinateur du GET). 3e rang : Kim Chon Lim, Kalusha Bwalya, Teofilo Cubillas, Rodrigo Kenton. 4e rang : Francisco Maturana, Ka-Ming Kwok, Roy Hodgson, Alvin Corneal. 5e rang : Walter Gagg (FIFA, directeur Stades et Sécurité), Gyorgy Mezey, Philipp Mahrer (FIFA, production du rapport technique). SEPTEMBRE 2006 29