Louise de Keroual et Charles II.

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Louise de Keroual et Charles II.
30 octobre 2014
Louise de Keroual et Charles II.
La petite Bretonne et le Grand-Breton
par Alain Boulaire
historien
Sommaire
Louise de Keroual et CharlesII. ............................................................................................................................1
I. Louise de Keroual, une jeunesse bretonne : .................................................................................................1
II. Charles II, une jeunesse tourmentée : ...........................................................................................................2
I. Le joyeux monarque : ...................................................................................................................................3
II. Louise, demoiselle d’honneur de Madame : .................................................................................................3
III.
Louise et Charles, une histoire d’amour et d’intérêt : ..............................................................................4
IV.
Après la mort du roi, Louise duchesse en France : ...................................................................................5
Louise de Keroual a eu un destin extraordinaire, de même que Charles II qui a été longtemps un roi
sans couronne.
Tous deux ont été vilipendés. On a appelé Louise « putain abjecte », et Charles « le joyeux
monarque » pour signifier qu’il ne faisait rien de sérieux.
I.
Louise de Keroual, une jeunesse bretonne :
Louise Renée de Penancoët de Keroual est née sans
doute en septembre 1649, au château de Keroual en Guilers,
près de Brest, et morte en 1734 à Paris, rue des Saints Pères.
On disait d’elle, à Paris, pour lui nuire, qu’elle était
« d’obscure naissance » ; c’est totalement faux.
Elle descend de deux familles très illustres :
-les Penancoët (patronyme qui signifie « bout du
bois » en breton) sont une importante famille originaire du
Léon, du côté de son père,
-les Ploeuc du côté de sa mère. La Maison de Plœuc appartient à la famille de Kergorlay et serait issue
des comtes de Poher ; elle compte parmi ses membres, un évêque, deux gouverneurs, dont un a été nommé à
Brest.
Les historiens parisiens ne connaissaient pas les grandes familles bretonnes.
Louise vit sa jeunesse près de Brest et en Sud-Finistère. Son père Guillaume est capitaine des gardecôtes ; Plus jeune, il avait été capitaine des gardes du cardinal.
On ne sait pas très bien quelles études elle a faites.
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Elle est remarquée par le duc de Beaufort, cousin du roi, qui lui fait vainement la cour, s'engageant
même à ce qu'elle devienne demoiselle d'honneur de Madame, Henriette d’Angleterre, cousine germaine de
Louis XIV, et qui est aussi sœur du roi d’Angleterre Charles II.
Le duc de Beaufort serait mort lors d’un siège ; on dit la même chose de son frère Sébastien de
Penancoët de Keroual, mais c’est douteux.
Pour d’autres, Sébastien serait le Masque de Fer, venu en France négocier en secret la liberté du duc
de Beaufort. Des personnes à la cour ne voulant pas de cette libération, l’auraient kidnappé, enfermé et
« masqué ».
II. Charles II, une jeunesse tourmentée :
Charles II est né le 29 mai 1630 au palais St. James à Londres et mort le 6 février 1685, au palais de
Whitehall à Londres ; il fut roi d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande de 1660 à sa mort.
Son grand père Jacques 1er était fils du roi d’Écosse.
Son père Charles Ier a épousé Henriette de France (1609 – 1669), fille d’Henri IV et
sœur de Louis XIII.
Charles Ier voulait être un monarque absolu ; en cela, il n’a pas été très populaire. Dans
sa vie privée, il a préféré la compagnie du duc de Buckingham à celle de sa femme.
Charles II était l’ainé des enfants de Charles Ier et d’Henriette. Il est souvent
accompagné d’un petit chien. Comme son frère et sa sœur, il connait d’abord une toute
jeune enfance heureuse.
Puis son père, Charles Ier a voulu prendre trop de pouvoir et
imposer une religion unique : il va s’opposer violemment aux
puritains. À cette époque, l’Angleterre est essentiellement anglicane,
l’Irlande catholique, au Pays de Galles les deux religions sont mélangées, et en Écosse,
c’est la même chose, avec en plus les puritains. Olivier Cromwell lève une armée parmi les
puritains d’Écosse, et bat les troupes royales en 1645 à Naseby ; le roi est fait prisonnier.
Pour être mis à l’abri des troubles, Henriette de France, accompagné de ses fils, le
jeune duc d’York1 et Charles II, est envoyée en France. La famille débarque à Melon, petit
port de la pointe de Bretagne, puis se rend à Brest, et quelques temps plus tard s’installe à
Saint Germain en Laye.
En Angleterre, Charles Ier est décapité. Mazarin s’allie à Cromwell et en conséquence, chasse le duc
d’York.
Charles II va aux Pays Bas, puis en Allemagne. Il va essayer de reconquérir son trône en s’alliant aux
presbytériens puritains écossais, mais ceux-ci lui dictent leurs conditions : ils veulent
que Charles mette en place dans toute la Grande-Bretagne le système presbytérien.
Charles est contraint d’accepter ; il gagne ainsi des soutiens en Écosse, mais sa
popularité chute en Angleterre.
En 1650, il est sacré roi d’Écosse, roi d’Angleterre et d’Irlande, roi de
France.
En septembre, ayant réuni une armée, il attaque, comme son père quelques années plus tôt et au début
avec succès, les troupes de Cromwell. Mais ses partisans sont battus, et il doit fuir vers la France.
À la cour de France, il rencontre beaucoup de femmes. Il va espérer épouser la Grande Mademoiselle
(fille de Condé), mais complètement désargenté, il n’a aucune chance.
1
Duc d’York est un titre de noblesse de Grande-Bretagne associé au duché du Yorkshire. Depuis le XVe siècle, il était
généralement attribué au deuxième fils du monarque britannique. Ce titre est porté depuis 1986 par le prince Andrew, fils
de la reine Élisabeth II du Royaume-Uni. L'épouse du duc de York utilise le titre de courtoisie de duchesse d'York.
Depuis 1986, Sarah Ferguson (ex-épouse du prince depuis 1996) porte le titre de courtoisie.
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Sa chance va être la mort de Cromwell. Sous l’impulsion de généraux anglais, on va faire appel à lui
pour monter sur le trône d’Angleterre.
Son retour sera salué par une grande liesse populaire, les gens étaient lassés par la chape de plomb
imposée par Cromwell.
Il est donc couronné une deuxième fois à Westminster, le 23 avril 1661.
La Restauration s'accompagne d'un changement social, et le puritanisme perd de sa force. Les
théâtres, fermés durant le protectorat de Cromwell, rouvrent, et la comédie anglaise aux accents paillards
constitue un genre bien défini. Les licences de théâtre accordées par Charles sont les premières en Angleterre
à autoriser les femmes à jouer des rôles féminins sur scène. La littérature se développe à la cour.
Mais problème : Charles n’est pas marié. On lui trouve Catherine de Bragance, la fille du roi du
Portugal qui accepte de devenir sa femme.
C’est une femme pas très jolie, habillée de façon austère. On dira d’elle : « elle n’est pas totalement
laide ! ».
Le 14 mai ils se marient. La dot de Catherine est énorme, et comprend entre autres, les territoires de
Tanger et des sept îles de Bombay qui passent sous contrôle britannique. Les « sept îles » joueront un rôle
important dans le développement de l'Empire britannique en Inde.
Charles accorde à la Compagnie anglaise des Indes orientales le droit d'acquérir des territoires, de
frapper monnaie, de commander des forteresses et des troupes, de former des alliances, de faire la guerre et la
paix et d'exercer une juridiction civile et pénale sur les possessions indiennes.
Il accorde, en 1670, le contrôle de toute la baie d'Hudson à la Compagnie de la Baie d'Hudson par une
charte royale.
Charles II prend la décision impopulaire de vendre Dunkerque à son cousin germain Louis XIV ; cet
important avant-poste stratégique, ce port, est un fardeau pour les finances limitées de Charles.
Catherine, à la cour, lance la mode du thé, du cacao, l’usage des fourchettes, de l’ombrelle, la
consommation de mandarines.
Elle n’apprendra jamais l’anglais, mais le roi la respectera toujours. Ils n’auront pas d’enfants.
Elle est addict au jeu et y perdra beaucoup d’argent que le roi réglera pour elle.
I. Le joyeux monarque :
Pendant ce temps, le roi s’amourache de Barbara qui lui donnera six enfants.
Il s’amourache également d’une actrice, femme légère : Nell Gwyn (1650-1687).
Puis de Moll Davis (1648 – 1708). Une autre lui résistera, à son grand dam.
Deux drames vont le ramener à la réalité :
- La grande peste de 1665 qui obligera la famille royale à fuir la capitale pour y
échapper.
- L’année suivante, en 1666, c’est le grand incendie de Londres.
II. Louise, demoiselle d’honneur de Madame :
Madame, Henriette d’Angleterre, est l’épouse du frère du roi.
Monsieur, Philippe d’Orléans, est le frère du roi. L’époque de la Fronde ayant servi de leçon, pour que
Philippe d’Orléans ne risque pas un jour de s’élever contre le roi, on va l’élever et l’habiller comme une fille.
Adulte, le véritable amour de Philippe sera le chevalier de Lorraine.
Louis XIV veut attaquer les Pays Bas. Pour cela, il aimerait s’allier à Charles II, mais celui-ci tout
d’abord ne veut pas. Pour négocier un accord secret, Louis XIV envoie Henriette, « Madame », accompagnée
de Louise de Keroual, à la cour d’Angleterre.
Henriette est très bien accueillie en Angleterre. Le contrat est signé : Charles II s’allie à Louis XIV,
promet de devenir catholique. En partant, il est d’usage que l’ambassadrice, Henriette, fasse un cadeau au roi.
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Elle le fait apporter par Louise de Keroual. Le roi se serait écrié : « C’est ce cadeau-là que je veux ! », en
désignant la jeune fille.
Au retour en France, Henriette meurt ; certains penseront qu’elle a été empoisonnée.
Charles demande qu’une enquête soit menée auprès du chevalier de Lorraine qu’il soupçonne d’en
être le commanditaire. Louis XIV, craignant qu’au cours de l’enquête on découvre l’implication de son frère,
s’y oppose, et envoie Louise de Keroual auprès de Charles avec le dessein caché d’en faire son informatrice.
III. Louise et Charles, une histoire d’amour et d’intérêt :
Cependant, Louise ne veut pas des avances de Charles. Louis XIV ne lui laisse pas le
choix ; ce sera ou le couvent, ou la couche du roi.
On va organiser un mariage de parodie, à la suite duquel ils seront enfermés dans la
chambre à coucher. Louise est maintenant la maîtresse officielle du roi. Elle donnera bientôt
naissance à un fils en 1672, Charles Lennox, nommé duc de Richmond.
Louise reçoit des terres et est titrée duchesse de Portsmouth, comtesse de Fareham et
baronne de Patersfield ; elle se voit accorder une pension annuelle de 138 000 livres. Si son
influence dure environ une quinzaine d'années, jusqu'à la mort du roi, sa position n'a pas été
néanmoins sans inspirer des haines et des jalousies farouches. En effet, le retour du roi au catholicisme était
attribué à sa maîtresse, ce qui la rendait d'autant plus impopulaire.
Louise va introduire à la cour le bon goût français, la cuisine et les vins français, les bons usages, les
arts.
Le duc de Buckingham en est jaloux. Le comte de Rochester, poète, drogué, va donner au roi, soidisant par erreur, un poème érotique peu flatteur pour le souverain. Pour ce poème, Rochester sera « puni » :
on l’éloignera trois semaines de la cour !
Tandis que Louise est de nouveau enceinte, d’un enfant qu’elle va perdre, arrive à
la cour Hortense Mancini, duchesse de Mazarin, aux mœurs plus que légères. Elle est
accueillie à bras ouverts par Charles II ; hélas pour elle, elle aura en même temps une
liaison avec le prince de Monaco. Charles chasse le prince et Louise redevient la maîtresse
en titre.
Le roi fait duc tous les enfants de ses nombreuses maîtresses.
Louise est peinte par beaucoup d’artistes de l’époque. Son fils sera décoré de
l’ordre de la Jarretière, mais comme le collier est trop grand pour l’enfant, sa mère aura
l’idée de le lui faire porter en bandoulière. Cela plaira tellement au roi, qu’il imposera que dorénavant, toutes
les personnes décorées de cet ordre le portent ainsi.
En France, Louise rachète tous les biens de sa famille.
En Angleterre éclate le complot papiste. La reine Catherine ne donne pas d'héritier au roi. Celui qui
peut alors hériter du trône est donc le frère catholique de Charles, Jacques, l'impopulaire duc d'York. Afin
d'apaiser l'opinion populaire, qui juge la famille royale trop catholique, Charles accepte de marier la fille de
Jacques, la princesse Marie, au protestant Guillaume d'Orange. En 1678, Titus Oates, tour à tour prêtre
anglican et jésuite, dénonce un « complot papiste » visant à assassiner le roi et accuse la reine et Louise, de
complicité. Le parlement est convaincu par les propos de Oates. En réalité, ce complot n'existe pas.
De nombreux catholiques et jésuites sont assassinés avant que la vérité n’éclate. Louise accusée, va
devoir se cacher avant que le roi ne rétablisse la vérité.
Pour ne plus avoir à affronter le parlement qui avait comploté contre Louise, Charles ne le convoquera
plus jusqu’à la fin de son règne, et gouvernera seul.
Louise est maintenant beaucoup respectée. Elle sera à l’origine de la création de l’observatoire de
Greenwich.
Le 12 février 1685, le roi est victime d’une attaque d’apoplexie et meurt peu après. Mais, juste avant
son décès, Louise, avec l’aide d’un aumônier qui va confesser Charles en secret, obtiendra qu’il meure dans la
foi catholique.
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La « conversion » étant restée secrète, il sera enterré selon le rite anglican.
Durant son règne, Charles II soutient les arts et les sciences. Il fonde l'Observatoire royal et finance la
Royal Society, un groupe scientifique qui compte dans ses rangs Robert Hooke, Robert Boyle et Isaac
Newton. Charles est le mécène personnel de Christopher Wren, l'architecte qui dirige la reconstruction de
Londres après le Grand incendie de 1666 et construit l'Hôpital royal de Chelsea, où Charles fonde un hospice
pour les vétérans de l'armée en 1682.
Jacques II, son frère lui succède, mais il est vite impopulaire. Le parlement fera appel à Guillaume
d’Orange et à son épouse Marie, pour monter sur le trône.
Louise retourne en France retrouvant son titre de duchesse.
IV. Après la mort du roi, Louise duchesse en France :
Madame de Maintenon, bigote, va imposer l’austérité à la cour. Louise ne s’y plait pas, et elle vit
entre son hôtel particulier de la rue des Saints Pères et son duché d’Aubigny, à Aubigny-sur-Nère, petite cité
berrichonne en Sologne. C’est Louis XIV qui l’avait fait duchesse en 1684, Charles II ayant fait valoir que
cette terre avait appartenu à ses ancêtres les Stuarts.
Elle possède également un château à Evry.
Elle était très versée sur la mode, et ce serait elle qui serait à l’origine des robes à panier.
Son fils, fantasque, retourne auprès du roi d’Angleterre.
Louise a donné beaucoup au roi et il lui doit beaucoup.
Elle passe la fin de sa vie avec son petit fils, puis meurt à 85 ans.
Elle vendra, à la fin de sa vie, son domaine de Keroual.
Parmi ses descendants, les descendants de son fils, on trouve huit ducs, un prix Nobel de littérature,
Jane Birkin, Sarah Ferguson, Camilla Parker Bowles, Lady Diana.
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